Eben Alexander - La Carte Du Paradis
Eben Alexander - La Carte Du Paradis
Eben Alexander - La Carte Du Paradis
Introduction
1. Le Don de la Connaissance
2. Le Don du Sens
3. Le Don de la Vision
4. Le Don de la Force
5. Le Don de l’Appartenance
6. Le Don de la Joie
7. Le Don de l’Espérance
Bibliographie
Introduction
« Je suis fils de la Terre et du Ciel étoilé, mais ma race est céleste. »
Fragment d’un texfige grec antique, donnant des instructions à l’âme qui vient de mourir sur la
façon de naviguer dans l’après-vie.
La racine du mot « réalité » est le mot latin res – qui signifie « chose ». Les
choses dans nos vies comme les pneus de voiture, les poêles à frire, les ballons
de football et les balançoires de jardin sont réelles pour nous car elles
possèdent une consistance. Nous pouvons les toucher, les soupeser dans nos
mains, les poser, puis revenir plus tard et les trouver inchangées, là où nous les
avons laissées.
Bien sûr, nous sommes également faits de matière. Nos corps sont
composés d’éléments tels que l’hydrogène – le premier et le plus simple des
éléments – et d’autres plus complexes tels que l’azote, le carbone, le fer et le
magnésium. Tous ont été fabriqués – créés – sous des conditions de pression
et de chaleur inconcevables, dans le cœur d’étoiles anciennes depuis
longtemps disparues. Les noyaux de carbone ont six protons et six neutrons.
Parmi les huit positions de sa couche externe où les électrons orbitent, quatre
sont occupés par des électrons et quatre sont libres, de sorte que les électrons
d’autres atomes ou éléments peuvent s’assembler avec l’atome de carbone en
liant leurs propres électrons à ces positions vacantes. Cette symétrie
particulière permet aux atomes de carbone de se lier à d’autres atomes de
carbone ou à d’autres types d’atomes et de molécules avec une efficacité
remarquable. La chimie organique tout comme la biochimie – des disciplines
majeures qui éclipsent les autres sous-ensembles de la chimie – est
exclusivement dédiée à l’étude des interactions chimiques impliquant le
carbone. La structure chimique de la vie sur Terre dans son ensemble est basée
sur le carbone et ses attributs uniques. C’est la langue véhiculaire du monde
de la chimie organique. Grâce à cette même symétrie, les atomes de carbone,
lorsqu’ils sont soumis à une énorme pression, se lient entre eux selon une
attraction nouvelle, transformant la substance noire et terreuse à laquelle nous
les associons en un symbole naturel de pérennité puissant, le diamant.
Mais bien que les atomes de carbone et la poignée d’autres éléments qui
fabriquent l’essentiel de nos corps soient tous immortels par essence, nos
corps eux-mêmes sont éphémères. De nouvelles cellules naissent et
d’anciennes meurent. À chaque instant, nos corps prennent de la matière et en
rendent à l’environnement physique autour de nous. En peu de temps – un
clignement d’œil à l’échelle cosmique –, nos corps retourneront dans le cycle.
Ils rejoindront le flux de carbone, d’hydrogène, d’oxygène, de calcium et des
autres substances primordiales qui se forment et se désintègrent, encore et
encore, ici, sur Terre.
Naturellement, cette connaissance n’est pas nouvelle. Le mot « humain »
lui-même provient de la même racine qu’humus, la terre, de même
qu’« humble », ce qui est logique puisque la meilleure façon de rester humble
consiste à savoir de quoi nous sommes faits. Bien avant que la science ne
vienne expliquer en détail la façon dont cela s’est passé, les cultures autour du
globe savaient que nos corps sont faits à partir de la terre et qu’ils y retournent
lorsque nous mourons. Ainsi que Dieu l’a dit à Adam – un nom dérivé du mot
hébreu adamah, « la terre », dans la Genèse : « Tu es poussière et à la
poussière tu retourneras. »
Cependant, nous autres, humains, n’avons jamais été complètement
satisfaits de cette situation. Toute l’histoire de l’humanité peut être vue
comme notre réponse à cet aspect « terre à terre » de notre condition, et aux
sentiments de douleur et d’imperfection qu’il engendre. Nous devinons qu’il y
a quelque chose de plus derrière tout cela.
La science moderne – la plus récente et de loin la plus puissante de nos
réponses à cette fébrilité ancienne vis-à-vis de notre mortalité – s’est
largement développée à partir d’une technique antique de manipulation des
éléments qu’on appelait l’alchimie. Ses origines se perdent dans l’histoire.
Certains disent qu’elle est née en Grèce antique. D’autres affirment que les
premiers alchimistes ont vécu bien plus tôt, peut-être en Égypte, et le nom lui-
même dérive de l’ancien égyptien al kemi ou « terre noire » –
vraisemblablement une référence au sol noir et fertile des berges du Nil.
Il y a eu des alchimistes chrétiens, des alchimistes juifs, des alchimistes
musulmans et des alchimistes taoïstes ou confucéens. Elle était véritablement
partout. Quels que soient le lieu et l’époque auxquels elle est apparue,
l’alchimie s’est développée en un ensemble de pratiques extraordinairement
répandues et complexes. La plupart d’entre elles consistaient à transformer
des métaux « de base » comme le cuivre et le plomb en or. Mais le but
principal de l’alchimie était de retrouver l’état d’immortalité que possédait
l’humanité à l’origine, selon les alchimistes, et qu’elle avait perdu depuis fort
longtemps.
Un grand nombre des outils et des méthodes de la chimie moderne ont été
inventés par les alchimistes, souvent au prix d’énormes risques. Manipuler la
matière physique peut en effet s’avérer très dangereux, et outre les risques
d’empoisonnement ou d’explosion, les alchimistes s’exposaient à l’opposition
des pouvoirs religieux locaux. En effet, tout comme la science à laquelle elle a
donné naissance, l’alchimie était, en particulier en Europe au cours des années
qui ont conduit à la révolution scientifique, une hérésie.
L’une des découvertes majeures des alchimistes dans leur quête
d’immortalité fut que lorsque l’on soumet un matériau ou un élément
chimique à ce qu’ils appelaient un procédé « laborieux » – en le chauffant ou
en le combinant avec un autre élément chimique avec lequel il est réactif –, il
va subir une transformation. Comme tant d’autres présents hérités du passé, ce
savoir nous semble évident aujourd’hui, parce nous n’avons pas fait le travail
pour le découvrir par nous-mêmes.
Pourquoi les alchimistes étaient-ils si intéressés par l’or ? L’une des raisons
est évidente : les petits alchimistes – ceux qui ne comprenaient pas l’élément
spirituel sous-jacent qui était à l’œuvre – cherchaient simplement à devenir
riches. Mais les véritables alchimistes s’intéressaient à l’or pour une autre
raison.
L’or, comme le carbone, est un élément inhabituel, car le noyau de l’atome
d’or est très grand. Avec ses soixante dix-neuf protons, il est le cinquième
élément stable le plus lourd. Cette forte charge électrique positive fait circuler
les électrons autour du noyau à une vitesse exceptionnelle – environ la moitié
de la vitesse de la lumière. Si un photon arrive jusqu’à la Terre depuis le
soleil – ce corps céleste associé à l’or dans les textes alchimiques – et rebondit
sur un atome d’or, puis que ce photon pénètre ensuite l’un de nos yeux pour en
frapper la paroi rétinienne, le message délivré au cerveau procure une
sensation agréable à notre conscience. Nous, les humains, réagissons
fortement à l’or, et il en a toujours été ainsi.
L’or alimente une grande partie de l’activité économique sur notre planète.
Beau et relativement rare, il n’a pourtant pas une grande valeur utilitaire – en
tout cas pas autant qu’on lui en accorde. Nous avons, en tant qu’espèce,
décidé qu’il a de la valeur ; c’est tout. C’est pourquoi les alchimistes, à la fois
à travers leurs expérimentations matérielles et les pratiques méditatives qui les
accompagnaient souvent, le recherchaient si désespérément. L’or, à leurs yeux,
était une représentation solidifiée, tangible, de la part céleste de l’être humain
– l’âme immortelle. Ils cherchaient à retrouver cet autre aspect de l’être
humain – la face dorée qui s’assemble à la face terrestre pour faire de nous les
personnes que nous sommes.
Nous sommes pour une part terrestres, et pour une part célestes, et les
alchimistes savaient cela.
Nous devons le savoir, nous aussi.
Les qualités, comme la « beauté » de l’or et même sa couleur, ne sont pas
réelles, ainsi qu’on nous l’a appris. Les émotions, nous a-t-on également
appris, sont encore moins réelles. Elles ne sont que des motifs de réactions
générées dans nos cerveaux en réponse à des messages hormonaux envoyés
par notre corps et déclenchés par des situations de danger ou de désir.
L’amour, la beauté, la bonté, l’amitié : dans la vision du monde de la
science matérialiste, il n’y a aucune place pour traiter ces choses en tant que
réalités. En croyant cela, tout comme nous pouvons croire que le sens que
nous attribuons aux choses n’est pas réel, nous perdons notre lien avec le ciel
– ce que les auteurs du monde antique ont parfois appelé le « fil d’or ».
Nous nous égarons.
L’amour, la bonté et l’amitié sont réels. Ils sont aussi réels que la pluie. Ils
sont aussi réels que le beurre, aussi réels que le bois, la pierre, le plutonium,
les anneaux de Saturne ou le nitrate de sodium. Au niveau terrestre de
l’existence, il est facile de perdre cela de vue.
Mais ce que l’on perd, on peut le retrouver.
« Les personnes illettrées sont ignorantes de beaucoup de choses, mais elles ne sont pas stupides
car, devant se reposer sur leurs souvenirs, elles ont plus de chance de se rappeler ce qui est
important. Les personnes lettrées, au contraire, sont susceptibles de se perdre dans les vastes
bibliothèques de l’information enregistrée. »
Huston Smith, historien des religions, La façon dont les choses sont.
Les êtres humains vivent sous leur forme moderne depuis environ cent
mille ans. Au cours de cette longue période, trois questions sont restées
essentielles pour nous :
Qui sommes-nous ?
D’où venons-nous ?
Où allons-nous ?
Durant la majeure partie de leur existence sur cette planète, les êtres
humains n’ont pas douté un instant de la réalité du monde spirituel. Ils ont cru
que c’était l’endroit d’où chacun de nous venait avant sa naissance et que
c’était l’endroit où nous retournions après la mort.
De nombreux scientifiques aujourd’hui pensent également que nous
sommes proches de savoir tout ce qu’il y a à connaître sur l’Univers. Et
certains de ces scientifiques discutent d’une « théorie de tout », qui rendrait
compte de chaque donnée de l’Univers actuellement en notre possession : une
théorie qui, comme son nom le suggère, expliquerait tout.
Mais une chose est assez curieuse. Cette théorie en effet ne contient de
réponse à aucune des trois questions que nous avons citées plus haut : des
questions qui, pendant l’essentiel de notre présence sur terre, ont été les plus
importantes auxquelles nous devions répondre. Cette théorie de tout ne dit rien
du paradis.
À l’origine, le mot « paradis » signifie simplement « ciel ». C’est ce que
veut dire le mot « paradis » dans le Nouveau Testament. Le mot espagnol qui
désigne le paradis, cielo, signifie également « ciel » et il vient de la même
racine que le mot anglais utilisé pour « plafond » (cieling). Bien que nous
sachions désormais que le paradis n’est pas littéralement là-haut, beaucoup
d’entre nous continuent de ressentir qu’il existe une dimension ou des
dimensions qui sont « au-dessus » du monde terrestre, dans le sens où elles
sont « plus haut » d’un point de vue spirituel. Lorsque j’utilise le mot
« paradis » dans ce livre, en disant qu’il se trouve « au-dessus » de nous, je le
fais en sachant que personne aujourd’hui ne pense que le paradis se trouve
simplement là-haut dans le ciel, ou qu’il s’agit bêtement d’un endroit constitué
de doux nuages et baigné d’un éternel soleil. Je parle d’un autre genre de
géographie : une géographie très réelle mais également très différente de celle
avec laquelle nous sommes familiers sur Terre, et en comparaison de laquelle
toute la dimension physique observable est comme un grain de sable sur une
plage.
Il existe un autre groupe de personnes aujourd’hui – un groupe qui inclut de
nombreux scientifiques – qui croit que nous sommes peut-être en effet tout
près de la découverte d’une théorie de tout. Mais la théorie dont parle ce
groupe est bien différente de celle que la science matérialiste pense être sur le
point de découvrir.
Cette autre théorie sera différente sur deux points essentiels.
Le premier est qu’elle posera que nous ne pourrons jamais vraiment avoir
de théorie de tout, si nous entendons par là une théorie agressive, matérialiste
et reposant exclusivement sur des données.
Le second est que, dans cette autre théorie de tout, les trois questions
primordiales originelles et si importantes concernant la condition humaine
seront prises en compte. Le paradis en fera partie.
« Je soutiens que le mystère humain est incroyablement avili par le réductionnisme scientifique,
qui prétend qu’un matérialisme de promesse pourrait un jour rendre compte de l’ensemble du
monde spirituel en termes de motifs d’activités neuronales. Cette croyance doit être classée parmi
les superstitions. Nous devons reconnaître que nous sommes des êtres spirituels dotés d’âmes
existant dans un monde spirituel, tout autant que des êtres matériels, dotés de corps et de
cerveaux et existant dans un monde matériel. »
Sir John C. Eccles (1903-1997), neurophysiologiste.
« Le jour où la science commencera à étudier les phénomènes non physiques, elle fera plus de
progrès en une décennie qu’au cours de tous les siècles précédents de son existence. »
Nikola Tesla (1856-1943).
Cher Dr Alexander,
J’ai adoré lire votre expérience. Elle m’a rappelé l’expérience de
mort imminente de mon père quatre ans avant qu’il ne nous quitte.
Mon père avait un doctorat en astrophysique et avait absolument
l’esprit scientifique à cent pour cent avant son expérience.
Il était très affaibli, en soins intensifs. Il avait suivi un chemin
émotionnellement difficile dans la vie et avait sombré dans
l’alcoolisme, jusqu’à ce que plusieurs de ses organes lâchent et qu’il
déclenche une double pneumonie. Il se trouvait en soins intensifs
depuis trois mois. Au cours de cette période, il a passé du temps dans
un coma provoqué. Quand il a commencé à récupérer, il s’est mis à
raconter une expérience au cours de laquelle il se trouvait avec des
êtres angéliques qui lui disaient de ne pas s’inquiéter et que tout se
passerait bien. Ils lui ont dit qu’il irait mieux et que sa vie
continuerait. Il a dit qu’ils l’aidaient et qu’il n’avait plus peur de
mourir. Il me disait, après avoir été mieux, de ne pas m’inquiéter
lorsqu’il mourrait et qu’il savait que tout irait bien.
[…] Il a changé de façon radicale après cette expérience. Il ne
buvait plus mais… en parler était très difficile pour lui… C’était un
homme très privé… Il est mort d’une rupture de l’aorte très
brutalement à la maison, dans son sommeil, quatre ans après son
séjour à l’hôpital. Nous avons retrouvé de nombreux Post-it dans la
maison après son départ – « GaHF ». Nous en sommes venus à
déduire que cela signifiait « Anges gardiens. Ayez la foi » (Guardian
angels. Have faith). Peut-être que cela l’avait aidé dans son
abstinence. Cela l’avait peut-être aidé à se rappeler le réconfort qu’il
avait ressenti quand il se trouvait hors de son corps.
Peu de temps avant qu’il meure, je me souviens lui avoir demandé
ce qu’il pensait qui arrivait au moment de mourir. Il m’a dit qu’il ne
savait pas vraiment, et que c’était quelque chose que nous, en tant
qu’êtres humains, n’avons pas encore découvert, mais que nous le
saurions un jour. Je pense qu’il avait fait l’expérience de l’endroit où
la science et la spiritualité se rencontrent. Lire votre expérience a été
un grand réconfort et cela a également conforté à mes yeux
l’expérience de mon père.
Merci infiniment,
Pascale
Cher Dr Alexander,
J’ai vécu une EMI il y a trente-quatre ans – mais ce n’était pas moi
qui étais en train de mourir. C’était ma mère. Elle était traitée pour
un cancer à l’hôpital et les médecins nous avaient dit qu’elle avait au
mieux six mois à vivre. C’était un samedi, et je m’apprêtais à prendre
un vol pour le New Jersey depuis l’Ohio le lundi. J’étais dans mon
jardin quand soudain cette sensation m’a traversée. C’était
irrésistible. C’était le sentiment d’une incroyable abondance
d’amour. C’était le trip le plus fort que l’on puisse imaginer. Je me
suis redressée, en me demandant : Mais qu’est-ce que c’était ? Puis
cela m’a traversée de nouveau. J’ai su que ma mère venait de mourir.
C’était comme si elle me serrait dans ses bras mais en me traversant.
Et à chaque fois qu’elle le faisait, je ressentais cette quantité
surnaturelle, incroyable, incommensurable, d’amour.
Je suis rentrée dans la maison, encore ébranlée par ce qui s’était
passé. Je me suis assise près du téléphone et j’ai attendu l’appel de
ma sœur. Au bout de dix minutes, le téléphone a sonné. C’était ma
sœur. « Maman est partie », a-t-elle dit.
Même trente ans plus tard, je ne peux pas raconter cette histoire
sans pleurer – mais pas tant de tristesse que de joie. Ces trois instants
dans le jardin ont changé ma vie pour de bon. Depuis lors, je n’ai
plus peur de la mort. Je suis en fait jalouse de ceux qui sont partis (je
sais que c’est étrange mais c’est la vérité).
Quand c’est arrivé à l’époque, nous n’avions pas toutes ces
émissions de télévision et tous ces livres sur les EMI. Elles n’étaient
pas le phénomène public qu’elles sont aujourd’hui. Ainsi, je ne savais
pas quoi en penser. Mais je savais que c’était réel.
Jean Hering
1 Unité de recherche sur l’expérience religieuse, cité dans Alister Hardy, The Spiritual Nature of
Man (« La nature spirituelle de l’homme », non traduit en français).
1
Le Don de la Connaissance
Platon et Aristote sont les deux pères de notre monde. Platon (vers 427-vers
348 av. J.-C.) est le père de la religion et de la philosophie, et Aristote (384-
322 av. J.-C.), le père de la science. Platon était le professeur d’Aristote, mais
ce dernier a fini par être en désaccord avec l’essentiel du discours du maître.
En particulier, Aristote réfutait l’affirmation de Platon selon laquelle il existe
un monde spirituel au-delà du monde terrestre : un monde infiniment plus
vrai, sur lequel repose tout ce dont nous faisons l’expérience sur Terre.
Platon a fait plus que simplement croire en un monde plus vaste ; il pouvait
également le ressentir. Platon était un mystique, et comme d’innombrables
mystiques avant et après lui, il a compris que sa conscience – son être
intérieur – était intimement reliée à ce monde plus vaste de l’esprit. Pour
utiliser une expression moderne, il y était « accro ». La sève du paradis coulait
en lui.
Aristote envisageait les choses différemment. Il ne ressentait pas comme
Platon cette connexion directe au monde spirituel. Selon Aristote, le monde
des Formes de Platon – les structures trans-terrestres et supra-physiques dont
Platon considérait que tous les objets de notre monde n’étaient que de pâles
reflets – était un fantasme. Où étaient les preuves de ces entités magiques et
du monde spirituel auquel Platon disait qu’elles appartenaient ? Pour Aristote
comme pour Platon, le monde était un endroit profondément et
merveilleusement intelligent.
Mais la racine de cette intelligence et de cet ordre ne se trouvait pas dans
quelque vaste au-delà. Elle était entièrement là, devant nous.
Bien qu’ils fussent souvent en désaccord, Platon et Aristote s’accordaient
sur un grand nombre de points. L’un de leurs plus profonds axes de consensus
était le concept de ce que l’on pourrait appeler l’intelligibilité du monde – le
fait que la vie puisse être comprise. Derrière le mot moderne « logique » se
trouve le logos grec – un vocable que nous connaissons aujourd’hui largement
à travers le christianisme, qui l’utilise comme l’un des termes désignant le
Christ en tant que Parole de Dieu manifestée. Au temps de Platon et Aristote,
il désignait l’intelligence vivante à l’œuvre dans le monde physique et dans
l’esprit humain. C’était le logos qui permettait aux humains de comprendre
l’ordre du monde puisque – comme Platon et Aristote le pensaient tous deux –
nous pouvons comprendre le monde parce que nous en faisons partie. La
géométrie, les nombres, la logique, la rhétorique, la médecine – toutes ces
disciplines, et les autres que Platon et Aristote ont contribué à développer –
sont possibles parce que les êtres humains sont conçus pour comprendre le
monde dans lequel ils vivent.
Cher Dr Alexander,
La chose qui me trouble est votre période « ver-de-terre », que je
trouve terrifiante. Je ne peux pas m’empêcher de me demander
pourquoi vous avez fait l’expérience de ce domaine et si vous avez
trouvé d’autres personnes qui l’ont faite également. Je ne parviens
pas à faire entrer cela dans ma « vision du monde ». J’espère que
vous aborderez ce point dans une future publication.
J’ai décidé de me former pour travailler comme volontaire en
maison de retraite afin de pouvoir, en plus peut-être d’apporter du
réconfort aux personnes en fin de vie, en apprendre davantage sur ce
que nous pourrions appeler cet horizon événementiel.
La mort : c’est la plus grande aventure. Il est stupéfiant que nous
la niions à ce point dans la civilisation occidentale. Peut-être que
cela explique grandement nos dysfonctionnements sociétaux.
Les Grecs de l’Antiquité aimaient la vie. L’Iliade et l’Odyssée vibrent
toutes deux des joies et des peines de l’existence physique. Mais les Grecs du
temps d’Homère, quelque cinq cents ans avant Platon et Aristote, ne croyaient
pas au paradis. Quand ils pensaient à l’après-vie, ils envisageaient un monde
pâle et fantomatique d’êtres désincarnés : un endroit bien pire et bien inférieur
à ce monde-ci. Mieux vaut être un esclave dans ce monde, dit le personnage
d’Achille dans l’Odyssée d’Homère, qu’un roi dans l’outre-monde.
Bien des peuples de l’Antiquité pensaient à l’après-vie en ces termes, et il
semble que les rites tels que les mystères aient évolué comme une réponse à
cette peur universelle d’une après-vie terne et sinistre. La mort a toujours été
terrifiante, et les peuples antiques la considéraient plus que nous aujourd’hui
car ils côtoyaient la mort de près chaque jour. Les traditions à mystères sont
un bon exemple de la façon dont de nombreux peuples autour du monde ont
tenté d’aborder la question de la mort. On pouvait lutter avec elle, voir clair en
elle, puis la craindre ensuite. Elle pouvait aussi être joyeusement acceptée.
Mais elle ne pouvait pas être simplement ignorée.
« Heureux celui qui a vu cela, dit le texte d’un culte à mystères à propos de
l’initié qui a vu à travers les terreurs de la mort jusqu’aux merveilles qui se
trouvent au-delà. Celui qui n’est pas initié n’aura pas le même lot après la
mort dans l’obscurité lugubre1. » Ce monde gris et sinistre comporte plus
qu’une vague similarité avec l’endroit où j’ai commencé mon voyage : cet
« endroit » primal et semblable à de la boue, que j’ai appelé le Monde vu du
ver-de-terre dans La Preuve du Paradis.
Il n’est pas toujours facile de naviguer entre les différents mondes qui
existent au-delà du corps. Le Monde vu du ver-de-terre, tel que j’en ai fait
l’expérience, n’était pas un endroit de peur ou de punition : ce n’était pas un
endroit où l’on est « envoyé » parce qu’on s’est mal comporté. Mais j’ai
désormais compris qu’il ressemble grandement aux infra-zones ternes et
marécageuses de l’après-vie telles qu’elles sont décrites dans de nombreuses
sociétés antiques.
Le domaine de l’âme est comme un océan. Il est vaste. Lorsque le corps
physique et le cerveau, qui agissent comme des amortisseurs vis-à-vis de ce
monde tant que l’on est vivant, se dissipent, nous risquons de tomber dans les
couches inférieures du monde spirituel : des couches qui correspondent
directement aux parties basses de notre psyché et sont, en tant que telles,
extrêmement sombres. Je pense que c’est de cela que parlaient les Anciens
lorsqu’ils évoquaient des domaines de l’après-vie qui étaient sinistres,
sombres, misérables. Et c’est pourquoi l’initiation était si importante, à la fois
en Grèce et dans tant d’autres cultures de l’Antiquité. À travers les initiations,
les personnes retrouvaient par l’expérience leur véritable identité en tant
qu’êtres cosmiques dont la structure interne reflétait directement la structure
des mondes spirituels qui les attendaient après la mort. L’idée que l’âme
humaine est modelée selon les mondes spirituels signifiait qu’en suivant
l’injonction des Grecs anciens « connais-toi toi-même », chacun apprenait à
connaître également le cosmos qui lui avait donné naissance. Les initiations
étaient souvent effrayantes, en partie parce que le monde spirituel comprend
des zones d’ombre, tout comme la psyché humaine. Mais pour l’essentiel, il
semble que ces rites aient été profondément réconfortants. Les initiés savaient
que les rites qu’ils avaient traversés les avaient préparés à la fois à supporter
les fardeaux de la vie terrestre et à trouver le chemin de leur demeure dans les
régions supérieures du monde de l’au-delà lorsqu’ils les réintégraient après la
mort. Tout cela constituait des réalités pour ces peuples antiques. Ce qu’ils
avaient à dire à leur propos reposait au moins en partie sur l’expérience, et
c’est la raison pour laquelle leurs écrits sur ces sujets peuvent être
impressionnants, voire terrifiants pour certaines personnes.
Mais il est inutile d’avoir peur. Une fois libres du système d’amortissement
que fournissent notre cerveau et notre corps physique, nous irons là où nous
devons aller. Même si nous ne sommes pas parfaits – et j’en sais quelque
chose car je ne le suis certainement pas –, nous nous rendrons dans ce monde
de lumière, d’amour et d’acceptation. Il ne s’agit pas d’être un saint, ni d’être
parfait – ce que nous sommes déjà, sur un plan spirituel profond. Mais il
s’agit, je le crois, d’être ouvert. De s’ouvrir suffisamment pour être détourné
des régions sombres de l’après-vie, qui correspondent à la mer de nos propres
régions les plus noires et les plus ternes, et amené jusqu’à ces régions
supérieures de lumière dans lesquelles nous sommes capables d’entrer si nous
le souhaitons.
Je pense que j’ai été secouru parce qu’une fois hors de mon corps physique,
j’étais assez ouvert pour être prêt à dire « oui » à cette Mélodie tournoyante et
à la lumière qui émanait d’elle, lorsqu’elle est venue vers moi et a ouvert ce
portail vers les domaines supérieurs. Elle m’a offert d’être mon guide et il ne
m’a pas fallu longtemps pour répondre, sans un mot, « oui » à cette invitation
à la suivre dans le monde de la lumière. Cette partie de moi a réagi avec joie,
soulagement et reconnaissance lorsque, avec ses filaments d’or radieux, elle
est venue me « prendre ». Mais certaines personnes ne sont pas ouvertes à
cette bonté, lorsqu’elle se présente. Lorsque cette lumière descend, rien en
elles ne répond « oui ». Alors elles restent là où elles sont – dans l’obscurité –
jusqu’à ce qu’elles soient prêtes à en être enlevées. Savoir cela à l’avance est
inestimable. C’est pourquoi, pour les Anciens, la connaissance de l’existence
des mondes de l’au-delà et de ce à quoi ils ressemblaient étaient l’un des plus
beaux dons du paradis.
Le Don du Sens
« Plus que tout autre chose, le futur de la civilisation dépend de la façon dont les deux forces les
plus puissantes de l’histoire, la science et la religion, s’accordent dans leurs relations entre
elles. »
Alfred North Whitehead (1861-1947), philosophe.
Dans l’esprit des religions à mystères dont il était lui-même un initié, Platon
a renversé la philosophie homérique de l’après-vie, qui considérait de façon
générale que ce monde sinistre et gris était tout ce que les hommes pouvaient
espérer. Loin d’être un amoindrissement, une dissipation de l’éclat, de la
brillance et de la joie de la vie terrestre, le monde de l’au-delà, lorsque nous
atteignons ses rives supérieures, est au contraire bien plus réel, plus éclatant et
plus vivant que celui-là. Ce qui nous attend après la mort, affirmait Platon, est
le monde réel, et toute la vie dans ce monde-ci n’est qu’une préparation à cela.
Sa célèbre maxime qui propose que toute vraie philosophie est une
« préparation à la mort » est issue de cette idée.
Platon nous parle directement en disant cela. Contrairement à son
professeur Socrate, qui tout comme Jésus n’a pas laissé de traces manuscrites
derrière lui, Platon croyait en la valeur de l’écriture : il s’agissait de préserver
les idées sous la forme de mots écrits, et pas seulement dans la mémoire, de
sorte que les peuples oublieux des temps futurs puissent réapprendre ce qu’ils
avaient vraiment besoin de connaître. Les vérités des religions à mystères
requéraient de nouvelles formes d’expression. Platon a vu, ou pensé avoir vu,
quel était le devenir des choses. Comme tous les grands maîtres spirituels, il
pensait que la vérité était faite pour être partagée, et tout comme Jésus et bien
d’autres maîtres spirituels, il avait des doutes sur la capacité des gens à
entendre. À travers ses écrits, Platon nous a apporté des réponses aux trois
grandes questions que nous avons exposées au début de ce livre. Il en a laissé
des traces de façon parfaitement délibérée, de sorte que ceux qui viendraient
après lui ne les perdent pas. Il n’est peut-être pas exagéré de dire qu’il a voulu
les préserver pour nous.
Mais – et c’est une raison importante pour laquelle, en tant que scientifique,
je trouve son histoire si fascinante – Platon avait besoin d’Aristote pour
compléter son message. En disant en effet que la mort est meilleure que la vie,
Platon a ouvert la voie à toutes les idéologies qui ont dénigré l’existence
physique – des philosophes existentialistes nihilistes, qui déclarent que la vie
n’a pas de sens, aux prêcheurs apocalyptiques qui considèrent la vie sur Terre
comme le mal absolu. Aristote a apporté un correctif à cela. En attirant
l’attention sur les merveilles du monde physique et en cartographiant avec un
regard juste l’ordre qu’elles manifestaient, il a créé une tradition d’observation
rigoureuse et d’appréciation fine du monde matériel, qui a joué un rôle
considérable dans la formation de l’esprit scientifique moderne.
Nous avons aujourd’hui besoin d’une combinaison du meilleur de l’esprit
platonicien et de l’esprit aristotélicien. C’est la nouvelle vision que le monde
attend et que certaines personnes commencent à adopter suite à ce qu’elles
découvrent à partir de leurs expériences personnelles. La distinction Platon-
Aristote a été reconnue par beaucoup comme étant à la racine même de ce que
nous sommes1. Il est vital que cette connaissance ne reste pas confinée dans
d’obscurs livres d’histoire. C’est le savoir dont nous avons besoin maintenant.
Je suis convaincu que l’ère qui vient comporte des défis terribles ainsi que
tout le monde commence à s’en rendre compte, mais elle pourrait également
voir le paradis et tout ce qu’il contient à nouveau considéré avec sérieux. Si
cela se produit – si un nombre suffisant de personnes s’avancent et
commencent à parler du type d’expériences décrites dans ce livre –, le cours
des croyances pourra véritablement changer. Les esprits platonicien et
aristotélicien seront réunis comme jamais ils ne l’ont été auparavant et une
profonde transformation en termes de vision de l’histoire du monde se
produira.
Il ne s’agit pas de dire que, lorsque cela arrivera, les secrets des mondes
incroyablement vastes de l’esprit qui se trouvent au-delà du monde physique
seront placés sous un microscope et examinés. L’Univers – et en particulier
cette partie de l’Univers si mystérieuse, personnelle et difficile à définir que
l’on appelle la conscience – ne peut tout simplement pas être abordé de cette
façon. Pour étudier la conscience et les choses du ciel – les domaines non
matériels –, nous devons frapper à la porte humblement et, pleins d’espoir,
ainsi que Jésus l’a suggéré, demander, plutôt qu’exiger, à entrer. En ce sens,
on pourrait dire que la science devra devenir une sorte de religion à mystères
moderne. Elle devra approcher la vérité humblement et avec abnégation. Elle
devra réapprendre la façon de demander des choses à l’Univers, au lieu de les
réclamer. En d’autres termes, elle devra se soumettre à ce que l’Univers
montre de lui-même. Et le fait est que l’Univers a donné à la science moderne
des preuves du fait qu’il est d’abord spirituel, et matériel en second lieu,
depuis plus de cent ans. Le problème ne vient pas des preuves, mais du fait
que tant de scientifiques s’obstinent à passer outre.
La science – et peut-être tout particulièrement la médecine – a toujours
comporté un aspect initiatique. Elle a toujours été une sorte de club qui
comporte des règles d’appartenance et un langage incompris de ceux qui sont
à l’extérieur, ainsi que des épreuves et des tests à réussir avant d’entrer dans le
saint des saints et de pouvoir vraiment se considérer comme un de ses
membres. Je suis bien placé pour le savoir. Je me souviens très clairement du
jour où j’ai obtenu mon diplôme de médecine, du jour où j’ai effectué ma
première opération en solo, du jour où j’ai pu sauver la vie de quelqu’un. La
vie moderne est peuplée de groupes qui revêtent un aspect initiatique : les
fraternités et sororités universitaires, les clubs culturels et sportifs… Toutes
ces organisations tirent leurs cérémonies initiatiques – et les épreuves pénibles
et parfois controversées qui les accompagnent encore souvent – des rites
d’initiation qui définissaient et orientaient la vie des gens dans de nombreuses
civilisations primordiales et antiques. Ma pratique du parachutisme en chute
libre à l’université relevait d’un club initiatique vraiment formidable. Je
n’oublierai jamais les trois mots que mon instructeur – on pourrait dire mon
initiateur – m’a dit ce jour de septembre 1972 alors que le Cessna 195,
monomoteur dans lequel nous nous trouvions, s’inclinait et se redressait, puis
que la porte s’ouvrait pour mon tout premier saut : « Es-tu prêt ? »
Cher Dr Alexander,
Je suis professeur de yoga et enseignant spirituel ; alors que mon
père se trouvait sur son lit de mort, j’ai vu que ma mère souffrait
beaucoup. Il exprimait sa rage contre elle car il avait perdu le
contrôle de sa vie. Elle a continué à l’aimer sans condition et se
sentait cependant dépourvue. Sa vie était tressée à la sienne. Elle
m’avait même dit un jour qu’une fois qu’il serait parti, elle cesserait
de manger.
Au cours des trois mois qui ont précédé cet instant, j’ai demandé
trois choses à l’Esprit-Saint. D’abord, que mon père « ressente »
l’amour. En tant qu’homme exigeant et dur, il avait toujours cherché
le bonheur dans l’augmentation suivante, la promotion suivante, la
partie de golf suivante. Frustré et en colère, j’ai demandé à ce qu’il
connaisse cet amour à travers son être. En second lieu, j’ai demandé
que ma mère puisse savoir, d’une façon ou d’une autre, qu’il serait
toujours vivant une fois qu’il aurait quitté son corps.
[…] Un jour, […] il a pris la main de ma mère et la mienne, et des
larmes coulaient sur son visage. En la regardant, il a dit : « Je t’ai
cherchée toute ma vie. Tu es l’amour de ma vie. » Il a continué en
disant à quel point il nous aimait, ma sœur et moi, et combien nous
comptions pour lui. Nous étions tous en train de pleurer et de parler
avec notre cœur. Il s’est endormi. Quand il s’est réveillé, il ne se
souvenait pas de tout cela. Cependant, cela nous avait réconfortés,
ma mère et moi-même, et j’ai remercié le divin les jours qui ont suivi.
Après que mon père fut décédé, ma mère m’a demandé de revenir
trois semaines plus tard et de l’aider à cesser de manger… Puis deux
semaines après, elle a appelé pour dire qu’elle venait dans le Maine
depuis la Floride pour passer Noël avec nous. Elle avait des
nouvelles importantes – qui devaient être rapportées de vive voix.
Une fois arrivée chez ma sœur, elle s’est assise avec nous sur son lit.
Je lui ai demandé ce qui l’avait changée à ce point. « C’est difficile à
croire, a-t-elle dit, mais il y a trois nuits, je me suis réveillée et ton
père était assis au bout de mon lit. » « Était-ce un rêve, maman ? »
ai-je demandé. « Non. Il était plus réel que toi maintenant. Il avait
l’air d’avoir 45 ans. Il m’a regardée avec tant d’amour, un amour si
intense, que j’ai su qu’il m’attendait. » J’étais frappé par le
changement qui l’avait touchée ; plus de souffrance, elle était dans la
paix.
Après cela, elle a décidé de se faire opérer d’un anévrisme… Les
infirmières ont dit qu’elle ne s’était jamais plainte et qu’elle semblait
entourée d’une lumière. Je l’ai remarqué également. Grâce à la
physiothérapie, elle a tenté de reprendre des forces. Mais l’opération
n’a pas été couronnée de succès. Sereine, elle a demandé à être
débranchée du respirateur et je me suis assis avec elle alors qu’elle
se laissait partir. Nous avons eu du temps pour parler et rire
ensemble, et vraiment mieux nous connaître avant qu’elle parte. Elle
savait qu’elle était un pur esprit qui faisait une expérience humaine et
qu’elle était éternelle et aimée. Merci au divin suprême et à tous les
enseignants qui sont là pour nous aider à connaître notre véritable
nature.
J’en suis venu à penser que le voyage que j’ai raconté dans La Preuve du
Paradis était une sorte d’initiation moderne aux mystères : une initiation au
cours de laquelle, tel un impétrant des cultes antiques, je suis mort à mon
ancienne vision du monde et né à une nouvelle. Tant de personnes traversent
différentes versions de ce que j’ai traversé, des expériences spirituelles qui les
changent profondément. On peut se demander si nous-mêmes, par le biais de
notre culture, sommes en train de vivre tous ensemble une initiation de masse.
Voici ce qu’en pense l’historien des idées contemporain Richard Tarnas :
« Je pense que l’humanité a atteint les étapes les plus cruciales du mystère
de la mort-renaissance. Tout le chemin de la civilisation occidentale a conduit
l’humanité et la planète sur la trajectoire d’une transformation initiatique,
d’abord avec la crise nucléaire, suivie par la crise écologique – une rencontre
avec la mortalité qui n’est plus individuelle et personnelle, mais plutôt
transpersonnelle, collective, planétaire2. »
Il ne s’agit pas de quelque chose qui se situe dans le futur. Cela se produit
maintenant. Une nouvelle vision de la réalité se bâtit lentement mais
sûrement : pas seulement dans l’esprit de penseurs contemporains tels que
Tarnas, mais chez des personnes ordinaires. Des personnes qui ont eu un
aperçu de ce que nous sommes vraiment, d’où nous venons vraiment et de là
où nous allons vraiment, et qui cherchent, comme moi, un nouveau
vocabulaire et une nouvelle vision du monde pour en rendre compte.
Cela ne se fait pas facilement. Comment remplacer son ancienne vision du
monde par une nouvelle sans sombrer dans le chaos intégral ? Comment
franchit-on ce pas d’un ordre du monde à un autre, sans risquer de glisser et de
choir entre les deux ? Cela demande du courage. Un courage qui, je le crois,
nous sera donné si nous le demandons.
Dans son livre Farther Shore3 écrit en 1987, Yvonne Kason raconte une
EMI qu’elle a vécue quand, médecin en formation et voyageant avec un
patient malade, elle se trouvait dans le petit avion qui est tombé dans un lac
gelé du Canada. Alors que l’eau entrait dans la cabine, Yvonne a lutté pour
tenter d’aider son patient, sanglé sur un brancard encombrant, à sortir par la
porte avant. Avant qu’elle ne se rende compte que le brancard était trop large
pour franchir la porte, ses mains étaient gelées et presque inutilisables. Elle a
rampé à travers le passage inondé et a tenté de nager jusqu’à la rive.
Toussant violemment, le corps complètement engourdi, parvenant à peine à
maintenir la tête hors de l’eau, Yvonne s’est soudain retrouvée flottant
tranquillement et sans effort dans l’air, plusieurs dizaines de mètres au-dessus
du lac. Elle pouvait se voir, nageant maladroitement, ainsi que l’avion à demi
submergé qu’elle venait de quitter, avec une parfaite clarté. Elle savait que le
patient toujours sanglé au brancard dans l’avion était probablement condamné
et que, compte tenu du courant et de la température de l’eau, elle l’était
également. Cependant, elle se sentait parfaitement en paix. Elle savait que,
quoi qu’il arrive, elle était profondément aimée et que l’on prenait soin d’elle.
Rien ne pouvait lui arriver de mal.
Kason a lutté pour parvenir à la rive gelée avec deux autres personnes qui
avaient réussi à sortir de l’avion, et a attendu les secours. Un hélicoptère a fini
par arriver et, « flottant entre une conscience paranormale et une conscience
normale », écrit-elle dans son livre, Yvonne a survécu jusqu’à l’hôpital, où des
infirmières l’ont conduite en salle d’hydrothérapie et l’ont immergée dans un
bain à remous :
« Alors que j’étais submergée par l’eau chaude et tourbillonnante, écrit-
elle, j’ai senti ma conscience se contracter à partir de son état élargi et être
tirée à travers le sommet de mon crâne jusque dans mon corps. La sensation
était semblable à ce que devrait sûrement ressentir un génie aspiré de force
dans sa petite bouteille. J’ai entendu un “wooush !”, et j’ai eu la sensation
d’être tirée vers le bas, puis j’ai été soudain de nouveau consciente d’être
pleinement dans mon corps. »
C’est une histoire incroyable, mais le plus extraordinaire est ce qui est
arrivé à Kason par la suite :
« Au cours des mois de transformation qui ont suivi mon expérience de
mort imminente, écrit-elle, je me sentais psychologiquement forte, claire et
centrée. Je ressentais une force intérieure énorme et le courage de parler
honnêtement. L’expérience reste encore une source d’inspiration colossale
quelque quinze ans plus tard. Mais par-dessus tout, cela a déclenché un
processus de transformation spirituelle qui s’est poursuivi jusqu’à ce jour. »
Cependant, cette transformation ne s’est pas produite d’un seul coup, et elle
n’a pas été sans secouer l’ancienne vision de la réalité de Kason. Elle écrit
encore :
« Quand je suis finalement retournée au travail, j’avais retrouvé l’essentiel
de ma sensibilité dans les doigts et je me sentais bien physiquement et
émotionnellement – mais je ne savais toujours pas que j’avais eu une
expérience de mort imminente, et j’ignorais certainement qu’une EMI pouvait
laisser l’esprit d’une personne ouvert à des entrées psychiques. Imaginez ma
surprise quand, environ deux mois après cet accident d’avion, j’ai eu ma
première expérience psychique.
Un soir après le travail, je conduisais pour rendre visite à mon amie Susan.
En m’arrêtant à un feu rouge, une image claire, éclatante et presque
rayonnante est apparue dans mon esprit : un cerveau baignant dans le pus.
L’image était si claire que j’en étais stupéfaite.
J’étais certaine que l’image que je voyais représentait une méningite – une
infection de l’enveloppe du cerveau. J’étais également certaine qu’il
s’agissait du cerveau de Susan. Au début, déroutée par l’expérience, j’avais
décidé de n’en parler à personne. Mais en arrivant chez Susan, je lui ai
demandé comment elle se sentait. Elle m’a dit qu’elle souffrait de maux de
tête intenses et inhabituels – un symptôme classique de la méningite – depuis
plusieurs heures. Je ne voulais pas l’inquiéter, mais pour être sûre, je lui ai
posé des questions afin de savoir si elle avait d’autres symptômes. Bien
qu’elle n’ait eu aucun autre symptôme de méningite, l’image affreuse du
cerveau couvert de pus continuait de me hanter, et j’ai senti que je devais en
parler. Avec hésitation, j’ai évoqué ma vision et ce que je pensais que cela
voulait dire. Elle a réfléchi un instant et m’a demandé comment elle saurait si
son mal de tête était la preuve d’une méningite au stade précoce. »
Yvonne a expliqué les symptômes à Susan et lui a fait promettre que s’ils
apparaissaient, elle se rendrait aux urgences. Et c’est ce qui s’est produit.
« Lorsqu’elle est arrivée aux urgences, écrit Yvonne, les médecins ont fait une
rachicentèse (ponction du liquide céphalo-rachidien) et confirmé qu’elle était
atteinte d’un cas rare et souvent fatal de méningite. Le diagnostic précoce a
permis aux médecins de la traiter efficacement et elle a pu rentrer chez elle au
bout de deux semaines. »
Dans un premier temps, Yvonne ne savait pas quoi faire de cette capacité
nouvelle. Ce n’est que lorsqu’elle a rencontré quelques années plus tard mon
collègue spécialiste des expériences de mort imminente, Kenneth Ring,
qu’elle a appris qu’une perception plus éveillée du monde est une
conséquence fréquente des EMI.
Jospeh Campbell, dans son livre désormais classique de 1949, Le Héros aux
mille et un visages, a avancé que tous les mythes et légendes sont
essentiellement une seule et même histoire, qui peut être résumée ainsi : un
individu vaque à ses occupations – nous dirons « lui », même si des héroïnes
de cette nature sont très nombreuses également –, puis il est soudain soustrait
à cette vie et transporté dans un environnement étrange et nouveau. Là, il subit
des épreuves et des traumas, qui atteignent leur apogée lors de la rencontre
avec un dieu ou une déesse. Si le héros est un homme, cette rencontre prend
classiquement la forme d’un face-à-face avec une femme d’une beauté et
d’une sagesse extraordinaires – une sorte d’ange – qui guide le héros vers des
domaines encore plus élevés ; peut-être jusqu’au divin.
Cet être angélique est à la fois totalement différent du héros et en même
temps – selon l’étrange logique propre aux mythes et aux rêves –, il est son
être profond. Un autre élément propre à ces histoires universelles est que le
héros souffre d’une blessure : il est atteint d’une faiblesse qui le met à
l’épreuve et le tourmente, l’empêchant d’accomplir son destin. Cette rencontre
dans le monde de l’au-delà guérit sa blessure. Quand le héros revient au
monde qu’il a quitté, il est une personne transformée. Il a été initié et, comme
tous les initiés, il est désormais l’habitant de deux mondes.
On trouve souvent dans ces histoires un épisode au cours duquel le héros,
une fois revenu dans ce monde, lutte pour comprendre la signification de ce
qui lui est arrivé. C’était certes très réel au moment où il l’a vécu, mais se
pourrait-il que tout cela n’ait été qu’un rêve ?
Puis, à l’occasion d’un événement anodin, voire insignifiant, son aventure
et les leçons qu’il a apprises dans le monde supérieur lui sont confirmées. Il
obtient des preuves que son voyage était réel. Il se rend compte, une fois pour
toutes, que l’endroit où il est allé n’est pas un rêve et que le trésor qu’il en a
rapporté est également tangible et réel.
Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?
Les initiés/héros sont souvent enterrés dans des cryptes, des tombeaux ou
d’autres structures de ce type, où leur corps demeure pendant que leur âme
voyage vers d’autres mondes. Dans mon histoire, la « crypte » était le lit no 10
de l’unité de soins intensifs où je suis resté, immobile, entouré de mes amis et
de ma famille, pendant que mon moi véritable voyageait dans le Passage et le
Cœur. Les chamans sont souvent entourés de leur famille et de leurs amis
lorsqu’ils entrent en transe – quand leur âme quitte leur corps pour voyager
dans les mondes supérieurs et inférieurs. De la même façon, j’avais moi aussi
mes fils, Bond et Eben IV, mon ex-femme, Holley, ma mère, Betty, et mes
sœurs Jean, Betsy et Phyllis, rassemblés autour de moi, assurant une veille
constante jusqu’à ce que mon voyage prenne fin.
Ma blessure, quant à elle, était la lutte inconsciente de toute une vie contre
le sentiment de ne pas mériter d’être aimé, qui résultait de mon abandon puis
de mon adoption en tant que nourrisson. Lors de mon EMI, mon ange gardien
m’a donné l’amour inconditionnel suprême que tant d’autres voyageurs hors
du corps ont été amenés à connaître. C’est ainsi qu’a commencé ma guérison
profonde.
Mon histoire a été particulièrement spectaculaire. Mais depuis que je suis
revenu, j’ai appris que cette histoire arrive, avec des variantes, en permanence
à toutes sortes de gens. C’est pourquoi Campbell a donné ce titre à son livre.
Nous sommes tous des héros, souligne-t-il. Et nous entreprenons tous un tel
voyage. Je me rends compte aujourd’hui que c’est sans doute une des raisons
pour lesquelles je ne me lasse jamais de parcourir le monde pour raconter mon
histoire – chose que je n’ai quasiment pas cessé de faire depuis la parution de
La Preuve du Paradis –, et pour lesquelles les gens ne se lassent jamais de
l’entendre. Plus je raconte mon aventure et plus elle me donne de la force ; et
plus je la vois résonner dans les yeux de ceux à qui je la raconte, plus ma joie
et ma gratitude grandissent.
De nombreux scénarios initiatiques mettent en scène un héros face à un
monstre vorace, dont il triomphe. La méningite bactérienne – la maladie qui
m’a frappé – et la maladie qui a averti Yvonne de ses nouvelles capacités
psychiques ont été l’équivalent moderne de l’un de ces fougueux dragons ou
monstres mangeurs d’hommes que les héros initiatiques des mythes et
légendes ont dû affronter. La méningite bactérienne tente littéralement de vous
dévorer. L’épreuve d’Yvonne dans les eaux du lac gelé m’a également rappelé
que de nombreux scénarios initiatiques commencent par une immersion dans
l’eau. Mon propre récit a en fait aussi débuté par une immersion – bien que
d’une nature très différente. Au début de La Preuve du Paradis, je raconte que
je suis sorti de mon lit très tôt un lundi matin avec une douleur terrible au dos,
et que j’ai pris un bain pour tenter de la faire disparaître.
L’eau est le premier symbole de la renaissance, et les rituels des cultes à
mystères antiques comportaient fréquemment une immersion dans l’eau. Le
mot baptême vient du grec baptismos, qui désigne une immersion ou un
lavage cérémoniel. Le baptême était et reste une façon de laver la « saleté »
qui s’est accumulée au cours de notre voyage terrestre, afin que nous
recouvrions notre nature originelle, céleste. Bien sûr, je ne pensais pas à ce
genre de choses à ce moment-là. J’avais alors une douleur terrible au dos, je
commençais à me mettre en retard pour mon travail et je voulais seulement
accomplir ma journée.
Une fois que j’ai réussi à sortir de la baignoire, j’ai enfilé mon peignoir de
bain rouge – les vêtements rouges, comme me l’a appris un lecteur, avaient
une signification rituelle dans les premières cérémonies de baptêmes
chrétiens – et je suis retourné dans mon lit en marchant « comme un bébé »,
ainsi que je l’ai décrit. Lorsque nous étions en train de retravailler ce passage,
Ptolemy Tompkins, mon collaborateur sur ce livre et sur La Preuve du
Paradis, retirait systématiquement l’expression « comme un bébé ». Mais je
l’ajoutais à nouveau. Plus tard, Ptolemy m’a dit que j’avais eu raison de
vouloir garder cette formulation. Comme bien d’autres initiés avant moi, je
devais d’abord redevenir « comme un petit enfant » avant de pouvoir revenir
sur ma terre natale. Et je savais cela à un certain degré – même si je n’en avais
absolument pas conscience.
Ici, comme dans bien d’autres aspects de ce récit, les détails mythico-rituels
étaient simplement… là. Ce symbolisme n’était absolument pas planifié. Il est
présent au sein de mon récit, comme partout ailleurs dans nos vies, car tout
fait sens dans l’existence. Si nous recherchons ce sens, nous le trouverons.
Nous n’avons pas besoin de l’y placer nous-mêmes.
Cher Dr Alexander,
Le 10 novembre 2007, j’ai été mordu par un serpent venimeux à La
Grange, au Texas. J’ai reçu six unités de sang et dix-huit unités
d’antivenin après un vol de plus de 100 kilomètres en hélicoptère, et
les médecins des urgences d’Austin étaient convaincus que je ne
survivrais pas. Je ne suis resté en soins intensifs que deux jours, mais
j’étais inconscient pendant les douze premières heures environ. Bien
que je ne me souvienne pas des détails comme vous, je suis convaincu
que j’ai communiqué avec mon père, qui était en stade terminal de la
maladie d’Alzheimer à ce moment-là. Il est décédé deux mois plus
tard, mais deux jours avant son décès, alors que je lui rendais visite,
quelque chose de très révélateur s’est produit. Alors que nous étions
prêts à partir, et bien qu’il fût sans réaction et ne reconnût plus
personne depuis des mois, il a attrapé mes mains… Les yeux grands
ouverts, il m’a regardé comme s’il disait : « Ça va aller, tu peux
continuer maintenant. »
Je n’ai jamais vraiment parlé à personne de cet épisode, même
après son décès, à part à ma femme, qui était à mes côtés à cette
époque. J’ai toujours senti que d’une certaine façon nous avions
communiqué sans le savoir, et maintenant que j’ai lu votre livre, je
suis convaincu que c’était bien le cas. Aussi, depuis cette expérience,
j’ai changé mon regard sur la mort (la mienne en tout cas), dans le
sens où je n’ai aucune crainte de mourir et où je me sens presque
invincible. Non pas d’une façon suicidaire, mais d’une façon
confortable, qui signifie que je n’en ai pas peur et que je suis prêt à
l’accueillir.
J’ai toujours cru en Dieu, comme toute ma famille, mais j’ai
l’impression que j’ai été en contact avec Dieu d’une façon que je ne
comprends toujours pas. Je veux juste que vous sachiez que, bien que
je ne comprenne pas complètement ce qui m’est vraiment arrivé
pendant ma période d’inconscience, je ressens de plus en plus que ce
n’était pas un rêve. Merci pour votre livre formidable ; je vous
souhaite un succès continu dans votre effort pour diffuser ce message
aussi largement que possible.
Thomas Mueller
Cher Dr Alexander,
Laissez-moi commencer en vous disant que je n’ai JAMAIS écrit à
un auteur avant cela. Le 21 octobre 2013, notre fils de 25 ans est
entré à l’hôpital avec ce que nous pensions être une grippe intestinale
ou une intoxication alimentaire. Son état s’est rapidement dégradé et
il a été transféré en soins intensifs. Nous l’avons vu perdre la plupart
des fonctions de ses organes, l’une après l’autre. Son foie a cessé de
réagir normalement aux antibiotiques… sa fonction rénale s’est
considérablement ralentie… puis son pancréas ne fonctionnait plus
correctement. Il a fait une insuffisance cardiaque congestive. Enfin,
son cœur est entré en fibrillation auriculaire. On ne pouvait pas lui
donner du glucose en intraveineuse car on craignait d’induire un
coma diabétique. Il était raccordé à onze poches de perfusion
intraveineuse différentes. Il ne répondait correctement à aucune
d’elles. Nous pensions qu’il dormait beaucoup. On ne nous a jamais
dit qu’il était dans le coma, bien que ses poignets et ses chevilles se
fussent recroquevillés, comme vous l’expliquez dans votre livre.
L’hôpital a appelé l’aumônier, le spécialiste de la douleur, le
spécialiste des soins palliatifs ; on nous a donné des brochures
funéraires et nous a dit qu’on ne pouvait rien faire de plus. On nous a
dit qu’on n’allait pas remplacer les poches de perfusion vides. Nous
avons regardé et prié alors qu’on retirait chacune d’elles l’une après
l’autre, jusqu’à la solution saline. À chaque poche qui était enlevée,
son corps a commencé à reprendre la fonction de l’organe
correspondant… Les médecins n’en revenaient pas ; l’un d’eux m’a
dit qu’il se passait quelque chose de plus que ce qu’ils avaient fait.
Nous nous étions relayés et ne l’avions jamais laissé seul au cours
des neuf jours en soins intensifs ou des vingt jours suivants à
l’hôpital. Mon fils a été placé en chambre normale, puis au centre de
réadaptation de l’hôpital. Le 4 novembre, son cœur a repris de lui-
même un rythme sinusal normal.
Il était charmant et lumineux… Son anniversaire est tombé pendant
son séjour en réadaptation. Une des infirmières lui a apporté un
exemplaire de votre livre La Preuve du Paradis. Quelques jours plus
tard, pendant un moment calme, je lui ai demandé s’il voulait que je
lui lise un chapitre. Il a dit « d’accord ». Après avoir lu pendant un
moment, je l’ai regardé, et mon solide fils d’1 mètre 95 avait de
grosses larmes qui coulaient le long de ses joues. J’ai demandé si le
livre lui déplaisait et s’il voulait que j’arrête de lire. Il a dit non, et
m’a demandé de continuer. Il voulait que je lui lise encore quelques
chapitres.
Ce soir-là, alors qu’il se préparait à s’endormir, il m’a dit
calmement : « J’ai parlé à Dieu dans l’unité de soins intensifs. Il m’a
demandé si je voulais rester ou rentrer à la maison. Je Lui ai dit que
je voulais rentrer. Je ne savais pas que d’autres personnes pensaient
être allées au ciel. Nous étions à côté des portes du paradis. Il y avait
beaucoup de vert au-delà. Je t’en dirai davantage plus tard. »
Curieusement, quelques jours plus tard, j’ai demandé à l’infirmière
quand elle avait lu le livre. Elle m’a répondu qu’elle ne l’avait pas lu.
Elle m’a dit que quelqu’un lui avait recommandé de nous faire passer
ce livre, alors elle l’avait commandé spécialement.
Mon fils a quitté l’hôpital le 19 novembre 2013. Votre livre l’a aidé
à faire face à ce qui lui est arrivé…
Nous avons continué à lire les chapitres jusqu’à ce que nous
arrivions au passage où vous êtes rentré à la maison, vous aussi.
Alors il a dit que nous le terminerions plus tard – quelques semaines
plus tard. Il voulait d’abord intégrer tout ça. Mais nous ne l’avons
jamais terminé ensemble. Nous ne l’avons eu que six semaines à la
maison ; il ne nous en a jamais vraiment dit plus sur son expérience.
Il est décédé le 4 janvier 2014 du virus H1N1 : le virus de la grippe
porcine de 2009.
Merci infiniment d’avoir écrit votre livre. Il nous a tous
énormément aidés. Quand mon fils est parti, je pense qu’il est
retourné aux portes du paradis et qu’il a de nouveau parlé à Dieu.
Bien sincèrement,
Claire
Cher Dr Alexander,
Ma femme Lorraine est décédée le 24 juin 2013, après vingt et un
ans de mariage. Au long de sa vie, Lorraine était très spirituelle et a
pratiqué les soins Reiki en tant que membre de l’Église métaphysique
d’Arlington en Virginie. Lorraine avait aussi des « guides »
amérindiens vers lesquels elle se tournait lors des moments difficiles.
Après son départ et alors que j’étais confronté à la difficulté de
ranger la maison en prévision de mon déménagement dans une
nouvelle demeure, j’allai m’asseoir sur ma terrasse pour essayer de
me détendre, et voilà qu’un papillon monarque est apparu et a volé à
moins de trois mètres de moi. Cela m’a semblé étrange car il n’y
avait aucun autre papillon ailleurs. Vivant sur cette propriété depuis
plus de quatorze ans, je savais que les papillons s’observaient
d’habitude en petits groupes. Pourtant ce papillon-là n’avait pas de
compagnon. Puis, à chaque fois que je sortais ou que j’ouvrais ma
porte de garage, le même papillon apparaissait. Je ne savais pas quoi
en penser. En tout cas, je faisais attention en sortant la voiture de ne
pas faire de ce papillon une victime de la route.
J’ai pensé que Lorraine était peut-être revenue sur Terre en tant
que papillon, mais j’avais besoin d’être davantage convaincu…
J’étais sceptique à propos de tout ce qui touchait à la spiritualité…
C’est là qu’a commencé ma quête de foi et de paix de l’esprit.
Lors du décès de Lorraine, j’avais décidé de donner son corps à
une organisation pour la recherche médicale. Après une certaine
période, il était prévu que son corps soit incinéré et que ses cendres
me soient remises. La dernière volonté de Lorraine était d’être
enterrée près d’un arbre, afin que son esprit puisse avoir accès à ses
« guides ». Je vais y revenir.
Alors que je rangeais la maison en vue de mon déménagement, je
devais trier les effets personnels de Lorraine, y compris ses bijoux et
des accessoires divers. En ouvrant les tiroirs de sa boîte à bijoux, je
tombai sur des objets qui figuraient un papillon. Je savais que
Lorraine aimait les papillons, mais elle aimait également d’autres
pièces de collection comme les lutins, les personnages et les
bâtiments de villages miniatures de Noël, les vaches en céramique, et
par-dessus tout environ cent poupées qu’elle collectionnait et avait
disposées partout dans la maison. Gardez à l’esprit que pendant toute
la période de ce rangement, le papillon monarque était là,
m’attendant dès que je sortais.
Après m’être installé dans ma maison de ville, j’ai reçu les cendres
de Lorraine. J’ai ouvert le carton et sorti un coffret de
12 x 18 centimètres avec un joli cordon noué autour. Il ne pesait
presque rien et, ironiquement, une chanson m’est venue à l’esprit
alors que je prenais le coffret contenant les cendres de Lorraine :
c’était la chanson de Peggy Lee qui disait : « Est-ce tout ce qu’il y
a ? » J’ai posé le coffret sur la bibliothèque et je l’ai regardé en me
demandant comment j’allais respecter sa dernière volonté. Après
avoir conservé les restes de Lorraine pendant deux semaines, j’ai eu
une idée. J’allais demander à mon ami Norman s’il était d’accord
pour que je trouve un endroit où Lorraine reposerait sur les cinq
hectares de forêt que possédait sa fille du côté de la South Mountain
dans le Maryland… Ainsi, je me suis mis d’accord avec Norman pour
amener Lorraine dans ce petit coin de paradis et trouver un grand et
bel arbre au pied duquel elle pourrait reposer en paix.
Quand nous sommes arrivés dans la propriété et que nous avons
commencé à chercher le « bon » arbre, un papillon monarque est
apparu et a volé près de l’endroit où nous étions. Comme auparavant
lorsque j’avais vu un papillon apparaître sur la terrasse de notre
ancienne maison… Un seul papillon s’est montré… Après avoir
trouvé le bon endroit, Norman m’a aidé à creuser un trou assez
profond pour accueillir les cendres de Lorraine. J’ai alors défait le
cordon autour du coffret et je l’ai ouvert. À l’intérieur se trouvait un
petit sac en plastique qui contenait les restes de mon épouse et âme
sœur bien-aimée. J’ai ouvert le sachet et déposé les cendres à
l’endroit de son repos éternel. Pendant tout ce temps, le papillon
monarque est resté dans la même zone où nous l’avions vu. J’avais
maintenant le sentiment très fort que Lorraine se trouvait là, sous la
forme de ce papillon monarque.
Pour renforcer ma conviction, voici la cerise sur le gâteau. Hier,
j’ai appelé Norman et lui ai dit que j’aimerais venir au chalet pour le
voir et rencontrer sa fille pour la première fois. Cela faisait dix jours
que nous avions enterré Lorraine. Quand je suis arrivé et alors que
nous marchions autour de la propriété, devinez qui était là, en train
de voler, tout seul ? Eh oui ! Vous vous en doutez. C’était le même
papillon monarque qui était entré dans ma vie environ un mois
auparavant. Après avoir lu mon histoire, vous pouvez choisir d’y
croire ou non. Vous pouvez dire que les papillons monarques sont
fréquents dans cette zone, mais souvenez-vous qu’il n’y avait toujours
qu’un seul papillon.
Don Entlich
Si votre mari est décédé, qu’il aimait les papillons cardinal, et que, le jour
de l’anniversaire de sa mort, vous êtes devant sa tombe et qu’un papillon
cardinal s’y trouve posé, vous pouvez le prendre comme un signe. Ne laissez
pas la voix dans votre tête vous dire que la présence de ce cardinal n’est
qu’une coïncidence. À moins que vous ne compreniez le mot coïncidence, qui
signifie « deux choses occupant la même place », au sens plus profond et plus
juste du terme synchronicité.
« Si tu me souris, dit une chanson de Crosby, Stills and Nash qui était
populaire quand j’étais à l’université, je comprendrai, parce que c’est quelque
chose que tout le monde fait partout dans la même langue. » L’Univers parle
un seul langage et c’est le langage du sens. Le sens est inscrit dans chaque
niveau de l’Univers – y compris le niveau où nous vivons, où il est le plus
difficile à voir. C’est pourquoi la principale plainte que les gens expriment
face à la vie moderne est qu’elle est insensée, vide de sens. Mais sous la
surface, elle est tout sauf cela.
1 Arthur Herman, dans son livre récent The Cave and the Light (« La caverne et la lumière », non
traduit en français), raconte l’histoire de la culture occidentale en utilisant la différence essentielle
entre Platon et Aristote comme cadre de référence.
2 Cité par Thomas Singer, dans The Vision Thing, Routledge, 1999.
3 Farther Shore, puis Farther Shores (« Rives lointaines », non traduit en français).
4 Carl Jung, Synchronicité et Paracelsica.
5 Id.
6 Elisabeth Lloyd Mayer, Extraordinary Knowing (« Connaissance extraordinaire », non traduit en
français).
3
Le Don de la Vision
Platon n’a pas utilisé ce mot, mais je soupçonne qu’il aurait apprécié notre
terme anglais moderne murky (« obscur », « sombre ») pour décrire notre
situation. Le mot vient de myrk, un ancien mot anglais désignant
l’« obscurité ». Mais il évoque aussi fortement, lorsque nous l’entendons, la
terre, la boue. Et cela est cohérent, car l’obscurité contre laquelle nous luttons
pendant que nous sommes ici, sur Terre, est précisément ce genre d’obscurité.
Saint Paul présente la version la plus connue de cette idée lorsque, dans la
Première Épître aux Corinthiens, il parle de nous voyant notre monde
« comme à travers un verre obscur ». La Terre, ainsi que le suggère la sagesse
traditionnelle, est un endroit où voir est difficile.
Mais la vision que la vie terrestre obscurcit si radicalement n’est pas la
vision physique. C’est la vision spirituelle, celle qui nous permet de voir où
nous sommes dans l’univers spirituel, tout comme la vision physique nous
permet de voir où nous sommes dans le monde physique. Il y a deux cents
ans, alors que la vision scientifique du monde était encore dans l’enfance, le
poète William Blake a proposé un terme pour désigner le refus d’une partie de
la communauté scientifique de voir et d’accepter le versant spirituel du
monde. Il a appelé ce refus, et la philosophie qui en est née, la « vision
simple ».
Le Newton que Blake mentionne ici est Sir Isaac Newton : mathématicien,
physicien et énonciateur des lois de la gravitation. Newton est l’un des plus
grands scientifiques de l’histoire – peut-être même le plus grand. Mais au-delà
de ses découvertes, il a aussi développé une erreur. En ligne avec René
Descartes, il a divisé le monde entre un « intérieur » et un « extérieur » et a dit
que seul le second était pleinement réel :
« J’ai observé que rien n’appartenait à la nature de l’essence du corps
mais seulement en ce qu’il est une substance étendue en longueur, largeur et
profondeur, adoptant différentes formes et différents mouvements. J’ai observé
également que ses formes et mouvements n’étaient que des modes, qu’aucun
pouvoir ne pouvait faire exister en dehors d’eux ; et par ailleurs que les
couleurs, odeurs, saveurs et le reste de ces sortes de choses étaient seulement
des sensations existant dans ma pensée et ne différant pas moins des corps
que la douleur diffère de la forme et du mouvement de l’instrument qui
l’inflige. »
Une fois que la science a tout mesuré dans le monde matériel « extérieur »,
Newton et les autres scientifiques de son temps ont estimé qu’ils savaient tout
ce qu’il y avait à savoir. Ils ont laissé la conscience en dehors. Pourquoi
l’inclure ? On ne pouvait la trouver. On ne pouvait la débusquer et la mesurer.
On ne pouvait pas la peser. Cela devait vouloir dire qu’elle n’était pas réelle.
Notre monde est toujours bâti sur cette ancienne distinction entre la matière
– le monde « à l’extérieur » – et l’esprit – le monde « à l’intérieur » – établie
par Descartes. « Pour le meilleur ou pour le pire, écrit le psychologue
Lawrence LeShan dans son livre paru en 2013, A New Science of the
Paranormal1, c’est une culture scientifique. Nous écoutons des leaders
religieux, des gourous et des politiciens, mais nous pensons que les gens qui
disent vraiment la vérité sont les scientifiques. »
LeShan demande alors ce qui se passerait si – ce qui est à mon avis
inévitable – la science commençait à prendre le monde spirituel au sérieux :
« En quelques mots, il serait bien connu – comme on dit “tout le monde
sait” – que l’être humain est davantage que ce qui est perçu par les sens et
que nous ne sommes pas confinés de façon permanente à l’intérieur de notre
propre peau. Mais ces faits ne nous ont pas vraiment touchés. Ils ne
constituent pas une menace pour le monde quotidien révélé par nos sens. Les
murs de nos vies ne viennent pas à s’effondrer. Je poursuis mon existence
comme avant même après avoir appris que le bureau apparemment solide sur
lequel je m’appuie n’est qu’un espace vide avec des zones de masse, de
charge et de vélocité qui se déplacent à l’intérieur – qu’il est composé, selon
la formule de Werner Heisenberg, d’un “espace vide hanté par des
singularités”2. »
Nous allons nous réveiller du sommeil de Newton.
Cher Dr Alexander,
Le 19 août 1999, mon père se trouvait dans le service gériatrie de
notre hôpital local depuis treize jours. Il avait eu une série d’attaques
qui l’avait laissé dans un état végétatif. Après de nombreuses
discussions avec ses médecins, la décision revenait à la famille de
« le laisser partir ».
Mon frère, mes deux sœurs et moi-même étions à son chevet en
permanence depuis ces derniers jours. Quelqu’un se trouvait toujours
avec lui dans la chambre. Autour de 4 heures du matin, il a
commencé à respirer de cette façon particulière qui annonce que la
fin est proche. Nous pensions que cela se produirait plus tôt, mais
papa était solide et il n’était pas pressé de partir.
La chambre était dans le noir complet, excepté une veilleuse
encastrée dans le mur et qui éclairait une petite zone au sol. Nous
étions au sixième ou septième étage, donc aucune lumière de la rue
ne filtrait à travers les fenêtres de la chambre. Papa a poussé son
dernier soupir. Ses pieds et ses mains étaient déjà froids. J’étais assis
à trente centimètres du lit, ma tête dans mes mains et mes coudes sur
mes genoux. Il était tourné vers moi, sa tête à quelques dizaines de
centimètres de la mienne. Alors que je m’apprêtais à me lever pour
m’étirer et parler à mon frère et mes sœurs, quelque chose a attiré
mon regard. C’était comme si un peu de poussière se trouvait sur la
tempe de mon père. J’ai alors pensé : Comment puis-je voir cette
« poussière » ? La chambre est pratiquement noire et pourtant je vois
cela ! Comment est-ce éclairé ? J’ai regardé autour pour chercher
une source lumineuse qui pouvait éclairer la tête de mon père – mais
il n’y en avait aucune.
J’ai fermé les yeux pour les reposer un instant, les ai frottés avec
mes doigts puis les ai rouverts – et la poussière était toujours là,
toujours visible. Je me suis approché doucement, pensant qu’elle
allait s’envoler. Mais ça n’a pas été le cas. Puis, alors que je
regardais, quelque chose a commencé à s’extraire du côté de la tête
de mon père ! Mes yeux étaient grand ouverts et je respirais très
lentement, essayant de comprendre ce que je voyais…
Une petite sphère, de moins d’un centimètre de diamètre, s’est
formée très lentement au niveau de la tempe de mon père. Elle était
de la couleur bleue intense que l’on voit à la base d’une flamme de
bougie. Elle irradiait des rayons blancs. Cela m’a rappelé les cierges
magiques de la fête du 4 juillet, mais les étincelles irradiaient au
ralenti. Après environ une minute, la sphère complète avait émergé et
restait posée sur la tempe de papa. Un petit globe bleu irradiant des
rayons blancs étincelants.
Au bout de quelques secondes, la sphère a lentement lévité à
environ 60 centimètres au-dessus du corps de papa et elle a plané
pendant quelques instants. Puis elle a lentement dérivé plus haut en
direction du côté ouest de la chambre (en fait, plutôt que dériver, elle
semblait vouloir aller dans une direction particulière), et elle est
encore montée, puis est entrée dans le plafond et a disparu.
J’étais toujours assis sur ma chaise, tourné vers l’endroit où la
sphère partait. Je me suis retourné, m’attendant à ce que quelqu’un
dise quelque chose, mais personne n’a rien dit. Je ne voulais pas
poser de questions qui orientent la réponse de mon frère et de mes
sœurs, alors j’ai juste demandé : « Est-ce que quelque chose vient de
se passer ? »
Ma sœur a dit : « Tu veux parler de cette lumière qui vient juste de
sortir de la tête de papa ? »
Je pense que Shakespeare avait raison quand il disait : « Il y a plus
de choses sur la terre et dans le ciel qu’il n’en est rêvé dans votre
philosophie. »
Cher Dr Alexander,
J’ai lu votre livre (reçu en cadeau d’un ami très intuitif et
intelligent) avec intérêt, car j’ai vécu une expérience inexplicable il y
a un quart de siècle environ, et dont je me souviens encore
aujourd’hui. Ce n’était pas une EMI car je n’étais pas malade ni
frappé d’incapacité en aucune façon. Je revenais du tribunal (je suis
toujours juriste) et me dirigeais vers ma voiture. Je me rappelle
précisément avoir mis le pied sur une fissure du trottoir (sans
avertissement ni explication) et avoir soudain pris conscience que
tout était absolument parfait. Quand je dis « tout », je veux dire tout
en un sens aussi large que l’on puisse imaginer – y compris (comme
les juristes aiment à dire) sans limitations au précédent, au passé, au
présent, au futur, à l’Univers, au cosmos, à toutes les actions, à tous
les événements, à toutes les circonstances qui ont été, sont ou seront
jamais. Quand vous parlez d’« ultra-réalité » dans votre livre, je peux
comprendre ce que vous voulez dire. Le sentiment que tout dans
l’Univers était parfait – exactement comme cela devait être – était
plus vrai, plus réel, plus direct que toute expérience que j’ai jamais
eue. Étant avocat, je suis formé (et enclin naturellement de surcroît) à
discuter ou débattre de toutes sortes de choses, mais ce sentiment
transcendait toute possibilité de discussion, de débat ou de doute.
Alors que je conduisais pour rentrer à mon bureau, ce sentiment a
disparu après environ cinq minutes, et il n’est jamais revenu.
Kenneth P.
1 Lawrence LeShan, A New Science of the Paranormal (« Une nouvelle science du paranormal »,
non traduit en français).
2 Id.
3 Johann Wolfgang von Goethe, Le Serpent vert.
4 Blaise Pascal, Mémorial.
5 Gustav Fechner, The Religion of a Scientist (« La religion d’un scientifique », non traduit en
français).
6 Ursula Groll, Swedenborg and New Paradigm Science.
7 Cité par Henry Corbin, dans L’Homme de lumière dans le soufisme iranien.
4
Le Don de la Force
« Un jour, une tigresse attaqua un troupeau de chèvres. Alors qu’elle bondissait sur sa proie, elle
donna naissance à un petit et mourut. Le petit grandit en compagnie des chèvres. Les chèvres
mangeaient de l’herbe et le petit suivait leur exemple. Elles bêlaient, le petit bêlait aussi. Petit à
petit, il grandit jusqu’à devenir un tigre. Un jour, un autre tigre attaqua le même troupeau. Il fut
surpris de voir le tigre qui se nourrissait d’herbe. Courant après lui, le tigre sauvage finit par
l’attraper, et là-dessus le tigre qui mangeait de l’herbe se mit à bêler. Le tigre sauvage le traîna
jusqu’à l’eau et lui dit : “Regarde ton visage dans l’eau. Il est exactement comme le mien. Voici
un petit morceau de viande. Mange-le.” En disant cela, il lui enfonça de la viande dans la gueule.
Mais le tigre qui mangeait de l’herbe ne voulait pas l’avaler et il recommença à bêler. Cependant,
petit à petit, il prit goût au sang et en vint à savourer la viande. Le tigre sauvage lui dit alors :
“Tu vois maintenant, il n’y a aucune différence entre toi et moi.
Viens et suis-moi dans la forêt.” »
Sri Ramakrishna, sage hindou du XIXe siècle.
Jane-Ann Rowley
Le Don de l’Appartenance
« Je crois pour ma part que la preuve de Dieu réside avant tout dans les expériences personnelles
intérieures. »
William James.
Cher Dr Alexander,
J’ai lu votre livre samedi en quatre heures. Une fois que je l’ai
commencé, je n’ai pas pu le reposer. Après avoir vécu cinquante ans
sans connaître l’expérience de la mort d’un proche, j’ai entamé une
période de deux ans au cours de laquelle j’ai perdu sept personnes
extrêmement proches de moi. Je me suis longtemps interrogée à
propos d’un événement qui s’est produit au cours du premier de ces
décès, celui de mon ex-belle-mère, Ann. Mon ex-mari se trouvait en
Afghanistan et tentait désespérément de rentrer pour être à ses côtés.
Il lui fallait quatre jours pour rentrer aux États-Unis. Puisqu’il n’y
avait pas d’autres membres de la famille – hormis mes filles mais
elles étaient encore jeunes –, nous avons décidé que j’irais près d’elle
au cas où elle décéderait avant son arrivée, et je me suis
immédiatement rendue à son chevet.
Elle était en train de mourir d’un emphysème et son esprit était
parfaitement clair malgré ses 82 ans. Elle ne pouvait parler que très
doucement et devait murmurer à mon oreille pour communiquer. Elle
m’a raconté beaucoup de choses à propos d’événements survenus de
nombreuses années auparavant.
Elle connaissait les prénoms de ses petites-filles. Elle savait que
son fils venait et elle savait qui j’étais. Nous avons passé le premier
jour à « renouer des liens », car dix années avaient passé depuis la
dernière fois où je l’avais vue. Elle m’a remercié d’être « la
personne » qui était présente à ses côtés à ce moment-là. Elle était
très préoccupée par ses cheveux et son apparence. Elle portait un
chapeau rouge quand je suis arrivée et même quand elle avait l’air de
dormir, elle le touchait pour s’assurer qu’il était bien en place sur sa
tête. Elle a fait cela au moins dix à quinze fois par jour tout le temps
que j’étais là. Par ailleurs, il semble qu’elle ait suivi ce que je sais
maintenant être le cours normal d’une mort se produisant en maison
de retraite. Elle avait cessé de manger, ensuite de boire, puis elle a eu
un dernier épisode hyperactif, etc.
Le jour de son décès, en milieu de matinée, elle m’a demandé
quand son fils arrivait. Je lui ai dit qu’il lui fallait encore deux jours
et il y a eu pendant un instant une expression d’angoisse sur son
visage. Cette expression disait qu’elle ne pourrait pas attendre aussi
longtemps. Elle m’a attirée près d’elle et m’a dit que sa mère et son
frère allaient l’emmener – ils étaient tous deux décédés – et qu’ils
voulaient qu’elle vienne. Sans savoir d’où venaient les mots que je
prononçais, je me suis penchée plus près et je lui ai murmuré que
s’ils voulaient l’emmener, elle devait y aller car tout comme elle
reverrait sa mère et son frère, elle allait aussi revoir son fils. Elle a eu
le sourire le plus paisible que j’aie jamais vu… Son sourire disait tant
de choses à la fois.
Mes filles sont venues cet après-midi-là et ont rempli sa chambre
de décorations de Noël ! Elle a eu ce même sourire en voyant le petit
sapin, le bonhomme de neige et les éclairages qu’elles avaient
apportés. Elles sont parties au bout d’un certain temps et je suis de
nouveau restée seule avec elle. Elle s’est endormie un moment et j’ai
fait de même. Je me suis réveillée vers 23 heures et je l’ai vue en train
de parler à quelqu’un au pied de son lit. J’étais assise à côté d’elle, à
hauteur de sa poitrine. Et il n’y avait personne. Elle a pris son
chapeau rouge comme si elle le tendait à quelqu’un, puis l’a ramené
vers elle comme à regret, et l’a tendu à nouveau et l’a lâché, de sorte
qu’il est tombé sur ses genoux. Elle a eu de nouveau ce même sourire,
s’est adossée et s’est endormie, alors j’ai fait de même en laissant le
chapeau sur ses genoux.
Je me suis réveillée de nouveau à 1 heure du matin et la première
chose que j’ai remarquée était que ses pieds étaient près de moi. Elle
était décédée et s’était retournée d’un côté à l’autre du lit. Son visage
avait une expression très « tourmentée ». Le chapeau avait disparu.
J’ai appelé une infirmière. Les infirmières ont immédiatement
commencé leur protocole et ont retiré ses vêtements, ses draps, etc.,
puis elles l’ont enveloppée dans un drap et remise sur le lit. Elles
m’ont donné des grands sacs plastique et m’ont dit de commencer à y
mettre ses affaires. C’est ce que j’ai fait, avec leur aide.
À 2 heures du matin, mon ex-mari a appelé. Je lui ai parlé pendant
quarante-cinq minutes. Nous avons décidé d’attendre et de prévenir
nos filles dans la matinée. Après avoir raccroché, je me suis retrouvée
dans le couloir avec les sacs remplis de ses affaires et j’ai vu qu’il
neigeait intensément. Vivant à trente minutes de là et en altitude, je ne
voulais pas tenter de rentrer à la maison. Mon mari était absent et je
ne voulais pas appeler une de mes filles car je ne voulais pas qu’elles
conduisent dans ces conditions non plus, alors je restai dans le
couloir en me sentant très seule, toujours un peu choquée et
engourdie, et me demandant quoi faire.
Le matin suivant, j’ai rassemblé les effets personnels de ma belle-
mère à la demande de son fils. Le chapeau rouge était introuvable.
J’ai pensé qu’il avait peut-être été enroulé dans les draps, alors j’ai
appelé les responsables de la résidence qui ont immédiatement
prévenu la lingerie car tout le monde connaissait l’existence du
chapeau rouge. Elle le portait tous les jours et même quand elle
dormait. Il n’a jamais été retrouvé.
J’ai continué à perdre des proches. L’un de mes plus chers amis est
mort dans un accident de moto peu de temps après. Puis mon père est
tombé malade. J’étais là quand il était en train de mourir. Nous
étions assis, lui et moi, devant sa maison quelques jours avant son
décès, et il m’a regardée très calmement et m’a dit : « Est-ce que tu
l’as vue ? » J’ai demandé : « Qui ça, papa ? » Et il m’a décrit une
femme qui venait juste de « passer » et m’a détaillé son apparence et
la façon dont elle était habillée ; j’ai su alors qu’il parlait de sa sœur
Natalie qui était morte quand il était jeune. Je l’avais vue en photo et
je savais qu’il parlait d’elle.
Alors j’ai demandé s’il avait vu son visage en espérant qu’il me
dirait son nom, mais au lieu de cela, il m’a regardée très
tranquillement en indiquant la porte d’entrée et a dit : « Non, mais
elle est entrée si tu veux y aller et la voir. » Ce soir-là, après que je
fus partie pour aller dormir, il a dit à ma mère que Natalie était là et
qu’elle reviendrait le lendemain « pour [l]’amener à l’église ». Il est
mort le jour suivant. Au cours des jours qui ont précédé son décès, il
regardait sans cesse le plafond et tendait les bras en disant :
« Waouh ! » comme s’il regardait la plus belle chose qu’il avait
jamais vue.
Ensuite, mon oncle Tony est mort. Puis ma belle-mère de l’époque.
Je n’étais pas présente dans les deux cas. Ensuite, ma tante Jane, qui
était comme une mère pour moi, est également décédée. Sa fille et
moi sommes restées près d’elle pratiquement chaque jour pendant
plusieurs semaines. Elle avait la maladie d’Alzheimer, de Parkinson
et deux types de cancer. Elle ne savait plus qui j’étais. Elle n’avait
pas reconnu son fils ni sa fille depuis près d’un an avant sa mort. Elle
ne se souvenait plus qu’elle était mariée à mon oncle Joe.
Le jour qui a précédé sa mort, sa fille et moi sommes venues la voir
dans sa chambre. Nous avons eu la surprise de la trouver habillée,
assise dans une chaise et souriante. Dès que nous sommes entrées
dans la chambre, elle a commencé à parler. Elle nous a dit que Mario
(mon père) et Tony (mon oncle) étaient venus et qu’ils allaient revenir
pour elle le lendemain. Les jours précédents, elle était incapable de
nous dire qui ils étaient lorsque nous lui montrions leurs photos. Puis
elle a passé les trois heures suivantes à parler sans s’arrêter. Elle
n’avait pas parlé autant depuis son arrivée plusieurs mois
auparavant. Elle avait l’esprit clair et nous a raconté des histoires de
sa vie qui étaient sensées. Elle nous a parlé de son mari Joe, dont elle
se souvenait de nouveau. Vers la fin de ces trois heures, elle nous a
laissées avec un message concernant nos futurs. Elle nous a dit que
nous serions toutes deux « OK », puis elle a demandé à aller se
coucher. Presque immédiatement, elle est redevenue brumeuse.
Finalement, nous sommes rentrées à la maison et nous avons discuté
de ce qui avait probablement été son « chant du cygne ».
Le matin suivant, nous avons été appelées juste après le réveil pour
nous dire de « venir immédiatement », et elle est décédée avant notre
arrivée. Quand je suis entrée dans la pièce, elle avait une telle
expression de paix sur le visage qu’on aurait presque dit qu’elle
souriait. Si différente de l’expression que j’avais vue chez ma belle-
mère.
Depuis que toutes ces morts sont survenues, des choses
« étranges » se produisent autour de moi. Certaines personnes
appellent cela des « signes » je ne sais pas comment les interpréter et
je n’en ai parlé à personne de peur qu’on pense que j’ai perdu
l’esprit. Plusieurs de ces signes m’ont, disons, « hantée ». Samedi
dernier, je suis entrée dans une boutique avec ma cousine pour
acheter une carte d’anniversaire. Alors qu’elle a tourné sur la droite
pour aller voir les cartes, j’ai continué tout droit et ne me suis pas
arrêtée jusqu’à ce que je tombe devant le rayon qui présentait votre
livre. Je ne sais pas pourquoi je suis allée là. J’ai pris votre livre et
celui d’à côté, Waking Up in Heaven, et j’ai lu les deux de bout en
bout. Je ne pense plus être folle. En lisant, j’étais emplie d’une paix
que je n’avais pas connue depuis longtemps. Tout prenait sens.
Je sais que c’est une très longue histoire et je vous demande de
m’excuser pour avoir pris autant de votre temps. Il fallait que je vous
dise que cette histoire a changé ma vie de bien des façons. Je ne sais
pas pourquoi je n’ai pas exploré plus tôt toutes ces choses
lorsqu’elles se produisaient ; je ne l’ai simplement pas fait. Je
craignais que les gens pensent que j’étais folle et j’ai tout gardé pour
moi. C’est différent de votre histoire, mais en lisant l’expérience de
votre amie médecin avec son père, j’ai trouvé une correspondance
avec la mienne. Je pense vraiment que quelque chose (ou quelqu’un)
m’a attirée vers votre histoire et continuera à le faire. Merci de la
partager et d’expliquer scientifiquement que ces choses peuvent se
produire et se produisent bel et bien. Que Dieu continue à vous bénir,
Eben Alexander ; vous resterez pour toujours dans mes prières.
Dans des lettres comme celle-ci – emplies d’une telle franchise –, j’entends
les personnes me raconter ce que tant de gens ont raconté à Hardy et à James
avant lui. De telles expériences sont difficiles à décrire, pas seulement parce
que la personne s’inquiète de ce que les autres vont penser, mais aussi parce
qu’elles sont difficiles à mettre en mots. Aussi ardu que cela soit, ces
personnes ont tout de même trouvé les mots et les ont écrits. Beaucoup ont
précisé à Hardy – tout comme elles me l’ont dit – qu’elles devaient
absolument le faire. Une personne a ainsi expliqué à Hardy :
« J’ai décidé d’écrire après avoir gardé mon expérience pour moi pendant
quarante ans. J’avais 16 ans et j’appréciais les promenades solitaires autour
de mon village. Un soir, je suis sortie seule comme d’habitude pour me
promener sur un chemin en direction du bois. Je ne me sentais pas
particulièrement heureuse ni triste, juste ordinaire. Je ne « cherchais »
certainement rien en particulier, juste à faire une promenade pour être
tranquille. C’était au mois d’août je pense, car le maïs était mûr et je ne
portais qu’une robe d’été et des sandales. J’étais presque arrivée au bois
quand je me suis arrêtée, je me suis tournée vers le champ de maïs et j’ai
avancé de deux ou trois pas pour pouvoir toucher les épis et les regarder se
balancer dans la brise légère. J’ai regardé au bout du champ – il y avait alors
une haie – puis au-delà, vers des petits arbres en direction du village. Le
soleil était haut sur ma gauche ; je ne l’avais pas dans les yeux.
Alors… Il a dû y avoir un blanc. Je ne saurai jamais pendant combien de
temps car je ne redevins consciente et ne retrouvai toutes mes facultés qu’une
fois sortie de cet état. Tout autour de moi était dans une lumière blanche,
brillante, comme le soleil sur la neige glacée, comme des millions de
diamants, et il n’y avait plus de champ de maïs, plus d’arbres, plus de ciel,
cette lumière était partout ; mes yeux physiques étaient ouverts, mais je ne
voyais plus à travers eux. Je pense que ça n’a duré qu’un instant, sans quoi je
me serais évanouie. Le sentiment était indescriptible mais je n’ai rien ressenti
dans les années qui ont suivi qui puisse être comparé à ce glorieux moment ;
c’était un moment merveilleux, édifiant, j’étais totalement béate.
Alors la cime des arbres est devenue visible à nouveau, puis un morceau de
ciel, et peu à peu cette lumière s’est dissipée, et le champ de maïs s’étendait
devant moi. Je suis restée là pendant longtemps, essayant de faire revenir
cette sensation, et j’ai essayé à de nombreuses reprises depuis, mais ça n’est
arrivé qu’une seule fois ; je sais cependant dans mon cœur que c’est toujours
là – et ici – et partout autour de nous. J’ai eu cette expérience merveilleuse
qui m’a apporté du bonheur au-delà de toute comparaison. Nous voyons Dieu
dans le miracle de la vie, dans les arbres, les fleurs et les oiseaux – je souris
quand j’entends parler de Dieu comme d’un homme, courroucé ou ce genre de
choses. Je sais que j’ai vu et senti, et suis humblement reconnaissante pour ce
rocher intérieur auquel je m’agrippe.
Je l’ai écrit, mais je ne l’ai jamais raconté à personne3. »
De nombreuses et tout aussi fugaces expériences rapportées à Hardy eurent
toutefois le même pouvoir transformateur. Une autre femme a écrit :
« Mon mari est décédé le 6 septembre 1968, et pendant l’année qui a suivi
j’étais extrêmement déprimée et rien, absolument rien, ne pouvait me
consoler. Un matin, alors que j’étais dans mon bain, trop déprimée pour
penser à quoi que ce soit, est apparue tout à coup dans mon esprit une forme
dorée brillante, comme je n’en avais jamais vue, et à sa base se trouvait un
petit point noir de la taille d’une tête d’épingle. Pendant quelques secondes
j’ai eu très peur, jusqu’à ce que je comprenne que c’était mon mari. J’ai crié
pour l’appeler et immédiatement la forme dorée brillante a commencé à
disparaître lentement et je ne l’ai jamais revue. C’est tout ce qui s’est produit,
mais cela m’a laissée dans un état de grande paix d’esprit et avec la
conviction que tout est bien. Je pense également que ma foi est devenue bien
plus forte à la suite de cette expérience4. »
Une fois que vous avez eu un aperçu des mondes supérieurs, ainsi que le
sens de l’appartenance profonde qu’ils inspirent et que tant de choses dans la
vie nous amènent à oublier, toutes sortes d’expériences peuvent vous remettre
en contact avec ce ressenti. Le fait est que de nombreuses choses que nous
aimons faire, sans être capables d’expliquer précisément pourquoi nous les
aimons, nous amènent à nous sentir bien justement parce qu’elles nous relient
à ce monde. Je ne pratique pas le surf, contrairement à mes deux fils. J’ai vu
des gens surfer et entendu des surfeurs parler, et je sais qu’une part de la
magie de ce sport vient de ce qu’il nous reconnecte puissamment aux mondes
au-delà de celui-ci : un domaine dans lequel il y a tellement plus de
mouvement, tellement plus de vie et de sensations disponibles. J’adore skier,
et si vous avez déjà skié, vous connaissez cette sensation que l’on ressent
lorsque l’on attaque une pente raide. Une part très profonde de vous se
réveille. C’est physique, mais c’est plus que physique.
Inutile de dire que cela s’applique encore bien davantage à ce que je
ressentais en pratiquant la chute libre. Je vois désormais ma passion de
jeunesse pour ce sport comme le meilleur indicateur de mon envie de paradis,
même si à l’époque, je ne l’aurais certainement pas qualifiée ainsi. Il y a un
mot qu’utilisent les athlètes – et, ce n’est pas un hasard, les usagers de
drogues – qui est très signifiant dans ce contexte : la « montée » (rush).
En tant que médecin, je sais que lorsque le corps est stimulé naturellement
ou artificiellement, des choses très particulières se produisent dans le cerveau.
Toute expérience du plaisir dans le corps est visible à travers l’activité
neuronale du cerveau, et la « montée » que l’on ressent lorsque l’on se jette
d’un avion ou que l’on prend une drogue puissante agit essentiellement sur les
mêmes centres dans le cerveau.
L’erreur serait ici de considérer cette activité neuronale et de chercher à
expliquer l’ensemble de notre expérience consciente à travers elle. Nous
faisons l’expérience de la vie à travers le cerveau tant que nous sommes dans
notre corps. Le cerveau est le centre de commutation entre « ici » – le corps –
et « là » – les vastes mondes au-delà du corps. Mais cela ne signifie pas que le
cerveau est la cause de l’expérience consciente. Ce qui se passe est bien plus
complexe. Un va-et-vient constant se produit entre notre cerveau et notre
conscience, et le cerveau tente vaillamment de nous garder en vie et hors de
danger en conservant le contrôle total, sans se laisser distraire par l’apport de
données bien réel qui provient d’au-delà le monde physique. Lorsqu’une
personne cherche à se sentir bien en consommant une drogue, elle atteint un
certain degré de relâchement du contrôle que le cerveau, obsédé par les
données relatives à notre survie, exerce sur nous. La montée que ressent cette
personne et celle ressentie par un surfeur ou un parachutiste sont toutes deux
des échappées, hors de l’étreinte du corps. Le problème avec l’usager de
stupéfiants est que cette façon d’obtenir ce relâchement est une forme de
tricherie. Le cerveau est forcé d’abandonner son contrôle sur la conscience, et
lorsque la drogue cesse de produire son effet, la personne retombe plus
profondément dans l’incarnation. Elle heurte violemment le sol, et à chaque
nouveau départ et retour qu’elle effectue de cette façon, elle abîme à la fois
son âme et son corps – en plus d’affaiblir ses chances d’être éventuellement
capable d’atteindre ce relâchement naturellement. Toutes les montées prennent
fin, ici, sur Terre. Mais ce n’est pas le cas « là-haut ». Là-haut, le ressenti est
constant. Une montée constante sur Terre se transformerait vite en cauchemar.
Dès lors, imaginer ce type de ressenti depuis notre perspective est, de
nouveau, quasi impossible. Mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas réel.
De nombreux récits rassemblés par Hardy étaient des souvenirs
d’expériences qui s’étaient produites dans l’enfance – parfois six ou sept
décennies plus tôt. Mais pour les témoins, ce souvenir était aussi frais que si
l’expérience s’était produite quelques jours auparavant.
Ceci en soi est très suggestif. Enfants, beaucoup d’entre nous étaient
parfaitement à l’aise avec l’idée qu’il existe une réalité invisible. Nous nous
déplacions parmi des choses invisibles, tout en négociant avec le monde le
plus souvent beaucoup moins intéressant de la réalité des adultes. Mais nous
n’étions pas dupes. Tout comme moi avec ma cape de Superman, nous savions
fort bien quel monde était le plus important. Puis, pour beaucoup de gens, de
façon intéressante, autour de l’âge de 7 ou 8 ans, le lien s’est rompu, et dès
lors, jour après jour, les règles du monde « adulte » ont pris le dessus. Le
poète écossais Edwin Muir (1887-1959) a écrit :
« Un enfant a une image de l’existence humaine qui lui est propre et dont il
ne souvient probablement jamais une fois qu’il l’a perdue : la vision originelle
du monde. Je pense à cette image ou vision comme celle d’un état dans lequel
la Terre, les maisons sur la Terre et la vie de tout être humain sont reliées au
ciel qui les surplombe ; comme si le ciel était encastré dans la Terre et la
Terre dans le ciel. Certains rêves me convainquent qu’un enfant a cette vision,
dans laquelle il existe une harmonie de toutes les choses entre elles plus
complète qu’il ne la connaîtra plus jamais5. »
L’enfance est un temps où la Terre et le ciel sont encore essentiellement
unifiés. Plus tard, à mesure que nous grandissons, ils se séparent – un peu,
voire beaucoup. Toutefois il nous reste des évocations, des suggestions – et
parfois plus – que le ciel est réellement toujours à portée de main.
« C’était comme si quelque chose m’avait dit : “Ne t’autorise jamais à
remettre cela en question”, rapporte Edward Robinson, associé de Hardy,
citant un témoin qui décrivait un moment d’éveil spirituel pendant l’enfance.
Et je savais que je ne le devais pas ; je savais que c’était la chose la plus
réelle qui me soit jamais arrivée6. »
Robinson cite une autre personne dans son livre sur les expériences
spirituelles survenues dans l’enfance, qui déclare : « Si c’était une
hallucination, pourquoi est-ce que je m’en souviens comme l’expérience la
plus réelle et la plus vivante que j’aie jamais eue ? C’était comme toucher un
fil sous tension en cherchant à tâtons une allumette7. »
Ainsi que l’ont suggéré des auteurs comme le psychologue William James,
le chercheur Frederic W. H. Myers à la fin du XIXe siècle et l’écrivain Aldous
Huxley au milieu du XXe siècle, il existe de fortes présomptions du fait que le
cerveau agit comme une sorte de « valve de réduction » pour la conscience.
C’est-à-dire que nous en savons plus quand nous sommes « hors » du cerveau
que quand nous sommes « dedans ». Un autre témoin a rapporté à Hardy :
« Je pense que depuis mon enfance, j’ai toujours eu le sentiment que la
vraie réalité ne se trouve pas dans le monde, tel que l’individu moyen le voit.
Il semble qu’il y ait une force continue à l’œuvre à l’intérieur qui essaie de
trouver son passage jusqu’à la surface de la conscience. L’esprit tente
constamment de créer un symbole suffisamment vaste pour la contenir, mais
cela finit toujours par échouer. Il y a des moments de pure joie accompagnés
d’une conscience élargie de son environnement, comme si une grande vérité
avait traversé… On a parfois le sentiment que le cerveau n’est pas assez
grand pour la laisser passer8. »
À ceux qui sont toujours séduits par la notion simpliste selon laquelle « le
cerveau crée la conscience » – ceux qui peuvent être gênés quand je raconte
que la destruction de mon néocortex a largement agrandi ma conscience –, je
voudrais rappeler deux phénomènes cliniques fréquemment observés, qui
défient ce modèle simpliste du cerveau-qui-crée-la conscience : 1) la lucidité
terminale, au cours de laquelle des patients âgés atteints de démence et en fin
de vie manifestent souvent de surprenants oasis de cognition, mémoire,
discernement et réflexion alors qu’ils approchent de la mort, souvent lors de
périodes où ils sont pleinement conscients de la présence d’âmes désincarnées
qui sont là pour les escorter jusqu’au domaine spirituel ; et 2) le syndrome
savant acquis, dans lequel certaines formes de dommages cérébraux – par
exemple dans des cas d’autisme, de traumatisme crânien ou d’accident
vasculaire – permettent des capacités mentales surhumaines comme le calcul
prodige, l’intuition, le talent musical spontané ou bien la parfaite mémoire des
nombres, des noms, des dates ou des scènes visuelles. Il n’existe aucune
explication dans le cadre de nos considérations neuroscientifiques simplistes
du cerveau pour rendre compte de telles observations extraordinaires.
En examinant plus en profondeur le mystère de mon voyage, j’en suis venu
à me rendre compte que notre propre conscience est la seule chose dont
chacun de nous connaît réellement l’existence. Les neurosciences que j’ai
étudiées pendant des décennies nous rappellent que tout ce dont nous avons
fait l’expérience, depuis même avant notre naissance, n’est rien de plus que
l’activité électrochimique – la fréquence, la vibration – d’une centaine de
milliards de neurones qui interagissent dans une masse gélatineuse ultra-
complexe de 1,5 kg que nous connaissons en tant que cerveau humain.
Aujourd’hui, le centre nerveux de la recherche scientifique sur la
conscience est la Division of Peceptual Studies ou DOPS (Division des
recherches perceptuelles) de l’université de Virginie, où les chercheurs Ed
Kelly et Emily Williams Kelly, Bruce Greyson et d’autres œuvrent à remettre
au jour le travail colossal effectué par des érudits comme Myers et James au
tournant du XIXe siècle, afin de le rendre à nouveau accessible au public. Je
vous suggère, si une chose dans ce modeste livre vous interpelle et que vous
désirez aller plus loin, de vous pencher sur leur étude massive mais
transformatrice, intitulée Irreducible Mind. Toward a Psychology for the
Twenty-First Century9. C’est un livre épais et dense car le groupe DOPS est
composé de scientifiques qui ont voulu répondre en détail aux objections
classiques à l’idée que la conscience pourrait survivre à la mort du cerveau.
En tant qu’êtres humains, nous avons un potentiel qui dépasse
l’imagination. Nous commençons à peine à comprendre qui et ce que nous
sommes réellement. Notre corps renferme d’innombrables indices de la nature
véritable des êtres cosmiques que nous sommes à l’état naissant. Quand tout
fonctionne en harmonie, le corps n’est pas uniquement une ancre qui obscurcit
nos réalités spirituelles, il est aussi un outil pour exprimer ces capacités dans
notre réalité terrestre. C’est aussi le cas du cerveau, comme nous le voyons
avec les histoires d’enfants prodiges et de génies. Ne vous y trompez pas : il y
a une raison pour laquelle nous sommes des êtres spirituels qui font une
expérience terrestre. Nous sommes ici pour apprendre, mais nous apportons
avec nous pour accomplir cet apprentissage des outils bien plus grands que
nous le pensons habituellement. Notre odyssée dans la matière n’est pas
simplement un test et ce n’est certainement pas une punition. Elle est plutôt
comme un chapitre dans le déploiement, l’évolution du cosmos lui-même : car
nous sommes l’une des plus grandes expériences de Dieu et nous portons les
espoirs de la divinité à un degré qui se situe infiniment au-delà de notre
capacité à l’imaginer.
Les personnes qui ont répondu à Hardy il y a trente ans et celles que je
rencontre et à qui je parle tous les jours disent la même chose. C’est cette
même histoire vraie qui lutte pour revenir vers nous. La réalité du paradis, et
notre place en son sein, est en train de briser les murs du déni que nous avons
construits au cours des derniers siècles, et nous entendons à nouveau son
message : nous sommes aimés. Nous sommes considérés. Nous sommes
reliés.
« Il y avait cet autre sentiment qui me submergeait, que je ne peux pas
qualifier aujourd’hui autrement qu’en parlant d’une sorte d’inspiration. Dans
le même temps, je me souviens seulement de ce sentiment comme d’une réalité
et d’une connaissance intenses, une impression de voir et de savoir réellement
comment sont les choses derrière les apparences. Dans ces moments de
connaissance, je ne voyais pas de couleurs vibrantes, je ne me sentais pas
démesurément grand et n’entendais pas de bourdonnements intérieurs ; je
voyais plutôt le monde ordinaire très clairement et de façon infiniment
détaillée, et je savais que tout était relié10. »
Le témoin qui a écrit cette description pour Hardy n’était probablement pas
un scientifique. Mais ce dont parle cette personne est très proche de ce dont
parlent les scientifiques contemporains lorsqu’ils nous disent qu’au plan
physique il n’y a pas de séparation ultime entre quoi que ce soit. La
séparation, au niveau fondamental, n’existe pas dans l’Univers, et c’est le cas
selon que l’on envisage les choses avec une perspective scientifique ou
psychologique, ou les deux. L’expérience de cette connexion, lorsqu’elle
survient, est surpuissante. Mais elle se brise facilement. Un autre témoin a
écrit à Hardy :
« En grandissant, j’étais de plus en plus perplexe à mesure que je me
rendais compte que beaucoup de gens vivaient dans un monde très différent
du mien. Ils pouvaient tuer des êtres sans ciller, ils pouvaient dormir sans
rêver, ou rêver sans couleurs. Ils étaient apparemment toujours capables de se
sentir à l’intérieur de leur peau, et les choses qu’ils voyaient, entendaient et
sentaient semblaient relever de réalités séparées et distinctes d’eux-mêmes. Le
monde objectif semblait réel à la plupart des gens, et le monde subjectif irréel
ou inexistant11. »
Les cérémonies initiatiques de nombreux peuples traditionnels
interviennent autour de la période où le temps de « l’innocence » de l’enfance,
temps de liaison simple et directe avec le monde spirituel, prend fin. Lorsque
nous perdons ce lien originel avec l’enfance, cette intuition de l’appartenance,
la religion a pour rôle de nous aider à le retrouver et à le conserver. Les
sociétés traditionnelles, conscientes de la proximité forte que les enfants ont
avec le versant spirituel de l’Univers, savaient précisément quand procéder
afin d’aider l’adulte en devenir à codifier la connaissance du ciel qu’il ou elle
avait naturellement eue dans l’enfance, et à ne jamais la perdre.
« Lorsqu’il est demandé de caractériser la vie de la religion dans le sens le plus large et selon les
termes les plus généraux possibles, on pourrait dire qu’elle consiste en la croyance qu’il existe un
ordre invisible et que notre bien suprême réside dans le fait de s’ajuster harmonieusement à celui-
ci. »
William James, Les Formes multiples de l’expérience religieuse.
Le Don de la Joie
« C’est dans les moments de grandes joies que notre être véritable est le plus visible. »
Medhananda, mystique hindou allemand du XXe siècle.
Les mondes au-delà de celui-ci sont remplis d’émotion, d’une chaleur qui
est plus qu’uniquement physique, et d’autres qualités qui sont au-delà de ma
capacité à les décrire. Mais je peux vous dire ceci : j’étais prêt pour eux. Bien
qu’ils m’aient frappé de leur éblouissante nouveauté et originalité, ils
m’étaient aussi, paradoxalement, familiers. Je les avais connus auparavant.
Non pas en tant qu’Eben Alexander, mais en tant que l’être spirituel que
j’étais bien avant que cet être incarné particulier ne survienne et que je
redeviendrai quand les éléments terrestres qui composent actuellement mon
corps physique auront suivi leur chemin respectif.
Les mondes de l’au-delà ne sont pas abscons ou vagues. Ils sont
profondément et âprement vivants, et aussi abstraits qu’un cornet de poulet
frit, un éclat de lumière sur le capot d’une voiture de course ou votre premier
amour. C’est pourquoi les descriptions du paradis rapportées par des
personnes comme Swedenborg peuvent sembler insensées. Je sais
pertinemment combien mon propre récit peut sembler fou et je compatis avec
ceux qui ont du mal à l’accepter. Comme beaucoup de choses dans la vie, cela
peut sembler nébuleux jusqu’à ce que vous le voyiez vous-même.
Il y a des arbres dans les mondes au-delà de celui-ci. Il y a des champs, des
animaux et des gens. Il y a de l’eau aussi, et en abondance. Elle coule en
rivières et tombe en pluie. Des brumes s’élèvent au-dessus de la surface
vibrante de ces étendues d’eau, dans lesquelles nagent des poissons. De vrais
poissons. Aussi réels que tous ceux que vous avez vus, et même bien plus
encore. Les étendues d’eau sont comme l’eau sur Terre. Et cependant ce n’est
pas de l’eau terrestre. Pour le dire d’une façon dont je sais qu’elle échoue à
rendre compte de sa vraie nature, c’est davantage que de l’eau terrestre. C’est
une eau qui est plus proche de sa source, tout comme l’eau en amont d’une
rivière sinueuse est plus proche de la source dont elle émerge. C’est une eau
qui est profondément familière – de sorte qu’en la voyant vous prenez
conscience que les plus belles étendues d’eau que vous avez vues sur Terre
vous semblaient belles justement parce qu’elles vous rappelaient cette « eau
de là ». C’est une eau vivante, à la façon dont tout vit là-haut, et elle vous
attire au point que votre regard veut y voyager, de plus en plus profondément,
encore et encore, pour toujours. En comparaison, toutes les étendues d’eau
terrestres que j’ai pu voir, des plages de Caroline aux rivières de l’Ouest,
étaient comme des versions inférieures, comme des petites sœurs de ce que je
savais au plus profond de moi être l’eau véritable.
Je ne dénigre pas les océans, les rivières, les lacs, les orages et toute autre
forme d’eau que j’ai vue et appréciée sur cette Terre. Je veux seulement dire
que je vois ces eaux selon une nouvelle perspective, tout comme je vois les
beautés naturelles de la Terre d’un œil nouveau. En résumé, lorsque nous nous
élevons, tout est toujours là. Mais tout est simplement plus réel. Moins dense
et cependant plus intense – plus présent. Les objets, les paysages, les
personnes et animaux sont éclatants de vie et de couleur. Le monde de l’au-
delà est vaste, bigarré, rempli d’habitants et infiniment plus différent d’un
endroit à l’autre que celui-ci. Dans cette grande variété cependant, il n’existe
pas le sens de l’altérité qui caractérise notre monde, et selon lequel chaque
chose est seulement elle-même et n’a pas de relation directe avec ce qui
l’entoure. Rien n’y est isolé. Rien n’est étranger. Rien n’est déconnecté. Tout
fait un, sans que cette unité ne suggère en aucune façon l’homogénéité, c’est-
à-dire l’écrasement de toute chose. L’écrivain C. S. Lewis a exprimé cette idée
de façon merveilleuse en disant que l’unité de Dieu ne devrait pas évoquer
dans notre esprit « une sorte de gros pudding au tapioca insipide ». Il ne s’agit
pas de ce genre d’unité.
Voir ce monde ne serait-ce qu’un instant, c’est avoir le cœur brisé par le
souvenir intrusif de sa réalité. Mais c’est aussi avoir le cœur guéri par le
souvenir de l’endroit d’où nous venons, de ce que nous sommes et de l’endroit
où nous retournerons un jour. Vous avez entraperçu le monde hors de la
caverne et tout a changé, pour toujours.
Le concept d’ultraréalité, fréquemment mentionné dans les descriptions
d’EMI, est ici central. Comme je l’ai raconté à mon fils aîné Eben IV, alors
étudiant en neurosciences, lorsque je suis sorti de l’hôpital : « Tout était bien
plus réel que la réalité ! » Sachant qu’à chaque fois que l’on convoque un
souvenir, on risque de le modifier, il m’avait recommandé d’écrire tout ce
dont je pouvais me rappeler à propos de l’odyssée de mon coma avant de lire
quoi que ce soit sur les expériences de mort imminente, la physique ou la
cosmologie. Quelque huit semaines plus tard, après avoir écrit plus de deux
mille mots, je me suis plongé dans la littérature sur les EMI. Je fus stupéfait
de constater que plus de la moitié des témoins rapportent que le monde dont
ils ont fait l’expérience est bien plus réel que celui-ci. C’est une idée difficile à
faire passer auprès des matérialistes sceptiques qui ont enfoui profondément
leurs souvenirs de ce monde, mais elle est très facile à partager avec ceux qui
sont allés là – la discussion transcende souvent les mots même, qui peuvent
être si restrictifs dans nos échanges sur ces domaines non terrestres compte
tenu des limites mêmes de notre langage.
Une propriété curieuse des souvenirs de ces EMI transcendantes profondes,
en plus de leur nature remarquablement ultra-réelle, est d’être durable et
transformatrice. Ces souvenirs ne s’évanouissent pas comme ceux qui
dépendent du cerveau. Certaines personnes sont venues me voir après des
conférences et m’ont raconté en détail des EMI qu’elles avaient vécues plus
de sept décennies auparavant, comme si c’était arrivé la veille. D’autres
lectures, non seulement sur les EMI mais aussi sur l’après-vie, ainsi que des
écrits de mystiques et de prophètes remontant à des milliers d’années ont
éclairé les profondes similarités qui existent entre toutes ces expériences. Tant
de personnes essaient de décrire la même présence stupéfiante, infiniment
aimante, qui se trouve au cœur de tout être. Certains sceptiques ne voient pas
la forêt derrière l’arbre – ils se perdent dans les détails et passent beaucoup de
temps à comparer les différences afin de réfuter tout cela, échouant à voir la
vérité plus profonde qui réside dans les traits communs à travers les cultures,
les croyances, les continents et les millénaires.
Ce domaine est bien plus réel que notre monde matériel obscur et quasi
onirique. Le voile qui selon moi se trouve entre les deux est judicieusement
conçu par une intelligence infiniment plus grande que la nôtre, et il est là pour
une bonne raison. Je pense que ce domaine terrestre est l’endroit où nous
devons apprendre les leçons de l’amour inconditionnel, de la compassion, du
pardon et de l’acceptation. La connaissance de notre nature spirituelle
éternelle n’est pas censée être aussi claire pour nous que la Lune s’élevant la
nuit dans le ciel. Notre capacité à pleinement comprendre les leçons les plus
importantes de la vie dépend du fait que notre être reste partiellement éloigné
de ce savoir plus complet – et cependant fini – que possède notre âme.
Comment cela est-il possible ? Comment peut-il exister d’autres mondes,
dans lesquels nous rencontrerions effectivement des choses, des situations et
des êtres semblables à ceux de ce monde ? Pour comprendre cela, le plus
simple est de prendre le schéma du monde utilisé dans de nombreuses
traditions antiques, et en particulier par les mystiques de la Perse antique. Ce
schéma, ou cette carte, représente l’Univers comme un chapeau large à sa base
et pointu à son sommet – comme un chapeau de magicien. Imaginez un tel
chapeau posé au sol. Sa base, le cercle plat élargi, représente le domaine
terrestre. Imaginez maintenant que ce chapeau possède une série de niveaux
ou d’étages à l’intérieur, qui deviennent de plus en plus étroits à mesure que
l’on s’élève. Nous avons là une façon claire – bien que très simplifiée – de
décrire ce qui se produit lorsque l’âme s’élève dans les mondes spirituels. Ces
mondes ne deviennent pas plus étroits à mesure que nous montons. C’est en
fait le contraire. Ils deviennent plus vastes, de plus en plus difficiles à décrire
de là où nous sommes. Mais en un sens spatial, ils deviennent en effet plus
petits, car l’espace n’existe plus comme il existe ici. L’espace devient moins
important, car sa nature ultimement illusoire devient plus apparente. Dans ces
domaines supérieurs, nous faisons directement l’expérience de ce que nous dit
de façon bien plus abstraite le théorème de Bell, selon lequel deux particules
situées en des endroits éloignés de l’Univers peuvent interagir sans aucun
délai. L’Univers est Un.
Les domaines au-delà de celui-ci sont remplis de vastes espaces, de vues
incomparables aux plus grandioses et inspirantes que nous puissions trouver
sur Terre. Ces espaces sont remplis d’objets et d’êtres que nous reconnaissons
appartenir à la vie terrestre. Ils sont réels. Mais l’espace qu’ils habitent est un
espace supérieur au nôtre, de sorte que rien ne fonctionne comme ici et que
l’on se heurte à des difficultés dès l’instant où l’on cherche à le décrire. Il est
réel mais – tout comme la matière lorsque l’on descend à l’échelle quantique –
il ne se comporte pas de la façon à laquelle nous sommes habitués.
La sagesse traditionnelle nous dit qu’au sommet du chapeau, toute
extension disparaît. Ce point – le pic du chapeau du magicien – est l’endroit
où nos catégories terrestres d’espace, de temps et de mouvement, qui sont de
plus en plus « spiritualisées » à mesure que l’on s’élève, s’évanouissent. Au-
delà, il n’y a ni espace ni temps… Aucun des marqueurs auxquels nous
sommes habitués ici-bas.
Mais la chose que nous connaissons sur Terre et qui demeure au-delà de ce
point est l’amour. Dieu est amour, tout comme nous sommes amour, au plus
profond de nous-mêmes. Ce n’est pas un amour abstrait. Une telle chose
n’existe pas. Cet amour est plus dur que le roc, plus fort qu’un grand
orchestre, plus vital qu’un orage, aussi fragile et émouvant que la plus faible
et la plus innocente des créatures, et aussi puissant qu’un millier de soleils.
Nous ne pouvons pas conceptualiser cette vérité de façon adéquate, mais nous
en ferons toutes et tous l’expérience.
« Les barrières commençaient à tomber et un voile après l’autre s’écartait
dans mon esprit. Partant d’un bonheur autocentré, je voulais maintenant le
partager avec les autres, d’abord ceux près de moi, puis plus largement,
jusqu’à ce que tout le monde et toute chose soient inclus. Je sentais que je
pouvais maintenant aider toutes ces personnes, qu’il n’y avait rien au-delà de
mon pouvoir – je me sentais omnipotent. L’extase s’est approfondie et
intensifiée. J’ai commencé à crier. Je savais que tout était bien, que le
fondement de toute chose était la bonté, que toutes les religions et toutes les
sciences étaient des chemins vers cette vérité ultime1. »
Comme ce témoin cité par Hardy, après mon EMI, lorsque j’ai réappris à
parler, lorsque mon corps et mon cerveau ont fonctionné de nouveau
pleinement, ce que j’ai eu principalement à offrir dans mes tentatives de
décrire ces mondes spirituels était un enthousiasme joyeux : il prenait la forme
d’une longue suite de superlatifs, et plus je répétais ces adjectifs et moins on
comprenait ce que j’essayais de dire. Magnifique. Féerique. Merveilleux.
Splendide.
Un jour, alors que Ptolemy et moi travaillions sur le texte en essayant
d’affiner le récit de mon voyage afin d’amener le lecteur à le ressentir au plus
près, il m’a dit : « Eben, je t’interdis d’utiliser le mot magnifique une fois de
plus. Cela n’apporte rien. »
J’ai parfaitement compris – bien que quiconque ayant assisté à mes
conférences sache que je récidive en permanence. Je revenais d’un monde qui
non seulement ruinait toute tentative de description mais anéantissait les
catégories de description que nous utilisons pour parler des réalités terrestres.
Il existe infiniment plus de façons de sentir, de ressentir et de communiquer
dans les mondes au-delà de celui-ci, et quand je suis revenu avec le souvenir
de ce programme bien plus grand de perceptions et de sentiments, c’était
comme essayer de décrire quelque chose en trois dimensions à quelqu’un qui
vivrait en seulement deux dimensions. Cette même idée a été développée par
le théologien et mathématicien Edwin Abbott dans son roman de 1884
Flatland, dans lequel le voyageur d’un territoire en trois dimensions ressent
cette frustration lorsqu’il retourne dans son monde en deux dimensions et
tente de raconter son expérience à ses amis.
Mais aussi difficile soit-il de rapporter des informations de ces mondes
supérieurs, il est absolument crucial que ceux qui ont vécu ces voyages tentent
de le faire malgré tout. Ces descriptions sont la nourriture dont nous avons
besoin aujourd’hui. Le fait de cartographier ces mondes de l’au-delà d’une
façon humble et non agressive représente une partie importante de la guérison
à apporter à la fois à nous-mêmes et au monde. Nous savons tous combien le
doute et le désespoir sont à l’œuvre dans le monde actuellement. Si vous avez
foi en une religion, vous vous en sortez probablement mieux que celui qui n’a
pas cette chance. Mais si vous en venez à considérer, comme je l’ai fait, la
religion, la spiritualité et la science comme des partenaires pour montrer le
monde tel qu’il est vraiment, je pense que vous pouvez devenir encore plus
forts.
Goethe, Fechner, Pascal, Swedenborg et nombre d’esprits scientifiques ont
trouvé cette force lorsqu’ils se sont autorisés à devenir aussi des esprits
spirituels. Chez ces individus pionniers, le soi terrestre/externe et le soi
céleste/interne ont rejeté leurs conflits apparents et sont devenus alliés.
Lorsque cela se produit, nous comprenons que l’Univers est un lieu
profondément ordonné, à la fois physiquement et spirituellement. L’ordre et le
sens que nous sentons à l’œuvre dans nos esprits sont le même ordre et le
même sens dont nous saisissons des bribes dans le monde extérieur. Et une
bribe de cet ordre suffit à transformer l’émotion dominante de peine qui
gouverne nos journées en un sentiment de joie.
Natalie Sudman, auteur de Application of Impossible Things2, un livre
remarquable à propos d’une EMI qu’elle a vécue pendant la guerre d’Irak
quand le Humvee (blindé) dans lequel elle se trouvait a explosé, dit cela fort
bien :
« Les bouddhistes ont dit : “La douleur est inévitable ; la souffrance est une
option.” En comprenant que j’ai conçu mes expériences du début à la fin et en
étant assurée à travers mes expériences hors du corps que ma vie telle qu’elle
est a du sens et de la valeur, la souffrance est impossible. Même en reprenant
conscience dans un camion carbonisé maculé de sang, ou en étant allongée
dans un lit d’hôpital en position fœtale dans des douleurs atroces, ou en
vomissant mes tripes après une anesthésie (le pire !), ou en contemplant
cinquante ans de vie en double vision, on m’a rappelé cette joie fondamentale
d’être, dont j’ai fait l’expérience de façon si éclatante hors du corps. Ce n’est
pas du bonheur, qui me semble être davantage une réponse à l’environnement
et aux circonstances qu’un état intérieur constant. Je peux être déprimée,
craintive, inquiète, en colère – en d’autres termes, malheureuse – face aux
circonstances ou à mon environnement, tout en me sentant intéressée, curieuse
et même enthousiasmée par ces circonstances ou l’environnement, par ma
propre création des deux, et par mes propres actions et émotions alors que je
m’y trouve plongée. Je n’apprécie pas continuellement le fait d’être dans ce
monde, ni de me trouver dans telle circonstance particulière, mais je ressens
toujours la joie fondamentale d’être une personnalité consciente, créative,
expansive, qui explore l’expérience et apprécie l’humour inhérent à celle-ci. »
Cette joie est venue à Natalie à travers sa découverte de la réalité des
mondes de l’au-delà. C’est le même genre de découverte que le poète William
Butler Yeats (1865-1939) a faite, lors de l’expérience qu’il décrit dans ces
lignes : « Je sais maintenant que la révélation vient du soi, mais de ce soi fort
ancien, riche de souvenirs, qui forme la fine coquille du mollusque et l’enfant
dans les entrailles, qui enseigne aux oiseaux à faire leur nid ; et que le génie
est une crise qui unit à certains moments ce soi enseveli à notre esprit
insignifiant de chaque jour3. »
Yeats n’était nullement étranger à ces moments de soudaine illumination :
des moments au cours desquels il a vu la Terre à la lumière du paradis et
compris que le « céleste » n’était pas seulement au-delà – non seulement là-
haut, quelque part, mais bien ici et maintenant, tissé dans l’étoffe même de ce
qui ressemble trop souvent à une existence morne et ordinaire.
Nous avançons dans un monde obscur. Puis quelque chose se produit – cela
peut être un acte de gentillesse inattendu, un éclat de lumière sur un vase ou
bien une EMI profonde au cours de laquelle nous voyageons dans un autre
monde. Et soudain, le monde s’ouvre. Nous voyons ce qui se trouve là,
derrière. Nous voyons ce qui a toujours été là mais à quoi, dans notre monde,
nous sommes aveugles, car nous avons oublié les outils pour l’approcher et le
garder à l’esprit.
Christine
Pourquoi y a-t-il tant de douleur sur terre ? Voici deux réponses avec
lesquelles je ne suis pas d’accord. Il s’agit en fait des versions orientale et
occidentale de la même idée – profondément fausse :
1. C’est votre karma. Réjouissez-vous du fait que les souffrances que vous
endurez maintenant sont le prix que vous payez pour les erreurs que vous avez
commises dans une vie antérieure.
2. La souffrance vous rend forts. Puisque nous sommes des créatures qui
ont « chuté », Dieu nous met à l’épreuve pour nous aider à dépasser notre
nature pécheresse.
J’ai vu trop de douleur au cours de ma vie – à la fois chez des patients en
souffrance et parmi leurs familles et proches – et trop de joie dans les mondes
de l’au-delà pour accepter l’une ou l’autre de ces explications. Je pense que
l’être que j’appelle Dieu/Om nous aime infiniment : il ne souhaite pas nous
« punir », ni nous « donner une leçon » pour nos méfaits. La véritable
« explication » de la douleur et de l’absurdité dont nous faisons si souvent
l’expérience sur Terre est, je le crois, à la fois beaucoup plus profonde et
beaucoup plus simple.
Notre monde – ce monde matériel – est le lieu où le sens est caché, et il est
facile de le perdre de vue. Toute la réalité matérielle est faite d’atomes et de
molécules, et ces molécules et ces atomes sont eux-mêmes constitués de
particules subatomiques qui entrent et sortent constamment de l’existence. Où
« va » un électron lorsqu’il passe de l’orbite interne à l’orbite externe d’un
atome, ou vice versa ? Nous l’ignorons. Ce que nous savons, c’est que la
matière n’existe pas de façon constante. Elle effectue des va-et-vient. Mais
bien qu’elle fasse cela, elle n’est jamais vraiment hors du champ de la réalité –
jamais complètement absente. Nous savons – même si nous ignorons où elle
va quand elle est partie – qu’elle va revenir.
Si vous avez déjà fait du théâtre étant enfant, vous avez peut-être vécu ces
moments étranges où, après vous être complètement fondu dans votre
personnage, vous vous êtes soudain rappelé où vous étiez. Vous avez bougé
votre pied et les planches ont craqué, alors vous vous êtes souvenu que là-bas,
au-delà des lumières, il y avait un terrain d’école avec un public rempli de
personnes que vous connaissiez et qui vous soutenaient.
Nos vies ici, sur Terre, sont un peu comme cela. Il y a des instants – des
moments comme ceux décrits par tant de personnes dans ce livre – au cours
desquels nous entrevoyons où nous sommes et qui nous sommes vraiment.
Que devrions-nous faire dans de tels moments ? Nous immobiliser, oublier
notre texte et ne pas aller au bout de la pièce ? Bien sûr que non. Mais pour
nous tous qui jouons dans cette pièce, dans la tragi-comédie de l’existence
terrestre, ce moment où les planches craquent peut être inestimable.
Nous devons réapprendre à voir ce monde à la lumière du paradis. Nous
devons tout autoriser autour de nous à briller de cette pleine individualité,
singularité et valeur que possèdent chaque moineau, chaque brin d’herbe et
chaque personne que nous connaissons, car chacun d’eux est un être cosmique
multidimensionnel qui se manifeste ici et maintenant en tant qu’être physique.
Nous sommes au milieu du saut le plus important de la compréhension
humaine dans l’histoire. Dans deux cents ans, la vision du monde qui est la
nôtre actuellement semblera aussi limitée et naïve à nos descendants que celle
d’un paysan du Moyen Âge pour nous aujourd’hui.
Nous sommes sur le point de redécouvrir l’autre côté de la vie : un côté
qu’une part enfouie en nous n’a en fait jamais oublié, mais que la plupart
d’entre nous cachent à eux-mêmes car notre culture nous a dit de le faire.
Le monde de la physique subatomique n’est pas le monde de la spiritualité.
Mais comme le dit la Table d’émeraude, cet antique document hermétique :
« Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. » Les différents éléments de
notre cosmos s’harmonisent les uns avec les autres. Ce que nous trouvons
« ici-bas », nous le trouvons sous une forme différente « là-haut ». La façon
dont la matière entre et sort littéralement de l’existence est comparable,
étrangement, à la façon dont le sens semble disparaître entièrement de notre
monde, pour y revenir ensuite. Et lorsque nous savons cela – lorsque nous
savons que le sens est présent même quand il semble le plus absent –, alors la
joie, celle dont parle Natalie Sudman, peut devenir un arrière-plan constant à
nos vies, quoi qu’il arrive.
Cher Dr Alexander,
Ma fille Heather est née en 1969 avec une grave paralysie
cérébrale. Elle n’a jamais pu s’asseoir ou parler, bien qu’elle
montrât de l’attention pour tout ce qui l’entourait. Elle riait souvent,
oh, comme elle riait ! Les médecins nous avaient dit qu’elle ne vivrait
pas au-delà de 12 ans, et elle est décédée à l’âge de 20 ans, en 1989.
Le lendemain de sa mort, alors que je tondais la pelouse pour penser
à autre chose, j’ai été littéralement entouré de papillons monarques
qui sont arrivés de nulle part. Un signe de vie spirituelle ? Je ne sais
pas.
Avance rapide jusqu’en 1995. Alors que j’étais couché le soir et
toujours pleinement réveillé, j’ai demandé : « Comment peut-il
exister un Dieu qui laisse de telles choses se produire ? »
Instantanément, une forme toute blanche et rayonnante est apparue
du côté gauche de la pièce. C’était ma fille. Elle m’a désigné et a dit
fermement : « Non, papa, tu as tort ! » « Regarde ! » a-t-elle ajouté
en indiquant le côté droit de la pièce. Un nuage de lumière blanche
brillante a envahi la pièce. J’ai instantanément compris certaines
choses sans qu’aucun mot ne soit prononcé. Il est difficile de décrire
le sentiment d’euphorie qui m’a gagné. Je savais qu’elle était bien et
qu’elle était un ange de Dieu. Je savais que tout irait bien pour nous
tous après la mort. Je savais combien nous sommes petits comparés à
notre créateur, et que notre intelligence est si réduite que c’en est
risible. Je savais que c’était réel, et quand quelqu’un me demande :
« Croyez-vous en Dieu ? » Je réponds : « Non, je ne crois pas
seulement, je le sais sans aucun doute. »
Le Don de l’Espérance
« Le monde intérieur a ses nuages et ses pluies, mais d’une autre sorte. Ces cieux et ces soleils
sont d’une autre sorte.
Cela n’apparaît qu’aux êtres raffinés : ceux qui ne sont pas trompés par l’apparente complétude
du monde ordinaire. »
Jalal al-din Rumi, mystique persan du XIIe siècle.
Cher Dr Alexander,
En octobre 2007, on a diagnostiqué chez mon fils Ben âgé de
18 ans un gliome épendymome. Il est mort cinq mois plus tard. La
raison de ma lettre est qu’au cours de ses trois derniers jours parmi
nous… il est tombé dans le coma. En tant que mère, voir son fils
mourir est bien sûr l’expérience la plus douloureuse de toute ma
vie… Ben était revenu à la maison et son lit médicalisé était dans
notre plus grande chambre… Il y avait toujours quelqu’un près de lui
pour l’étreindre, même avant qu’il ne tombe dans le coma ; c’était un
accord entre nous. Il ne devait jamais être seul ; ainsi, mon frère et
ma sœur biologiques, ma fille, mon mari et moi-même nous relayions
toute la nuit, et l’un de nous était toujours allongé à ses côtés, le
serrant dans nos bras.
Au cours de cette première nuit j’ai fait un rêve – très clair, c’était
plus une expérience qu’un état de rêve. Avant de m’assoupir, j’étais
en train d’enlacer Ben et d’implorer Dieu tellement j’étais
désespérée, en colère et perdue. Eh bien, dans ce rêve ou plutôt cette
expérience, j’ai été emportée vers le haut rapidement dans une sorte
de paradis sombre mais léger, où tout était paisible, et je ne ressentais
que de l’amour. C’était à la fois frais et limpide, très réel. Je savais
que j’étais avec Dieu… J’ai regardé autour de moi et j’ai vu des
morceaux de terre, comme des petits fragments de terre qui tombaient
autour de moi et j’ai demandé : « Quel est le sens ? » Et j’ai entendu
ou su dans mon esprit que c’était ce qui arrivait à Ben à cet instant
alors que son corps terrestre s’étiolait… En un instant, je me suis
retrouvée assise sur le lit, et j’ai su qu’il était déjà dans le domaine
céleste. Il est mort deux jours plus tard.
Cher Dr Alexander,
J’ai fait l’expérience de quelque chose dont je n’ai jamais entendu
parler ni avant ni après. Pour donner quelques éléments de
contexte… Mon père, un ancien prisonnier de guerre pendant la
guerre de Corée, était en train de mourir d’une embolie pulmonaire
massive dans un hôpital pour vétérans. Alors que nous pensions que
c’était la fin, il a commencé à respirer profondément, délibérément et
bruyamment, et il a continué ainsi pendant vingt-quatre heures. Les
infirmières nous ont dit que les vétérans de guerre vivaient une
expérience de la mort différente des autres du fait de leur
entraînement au combat et de la façon dont ils sont programmés pour
ne jamais abandonner.
Nous étions très proches. Eh bien, à un certain point, j’ai
simplement su que c’était la fin, et j’ai automatiquement pris sa main
gauche puis placé ma main droite sur lui de sorte que je ressentais
son artère carotide et sa poitrine pour savoir quand son cœur et sa
respiration cesseraient. J’ai fermé les yeux pour prier, quand, très
soudainement, j’ai été projetée dans ce que je peux seulement décrire
comme un croisement entre un film et un rêve, bien que ce fût
extrêmement net. Je planais au-dessus de lui comme un cameraman –
présente mais sans participer.
Il luttait pour s’accrocher à des rochers sur le bord d’un torrent
très puissant et il était clairement épuisé et terrifié. Soudain, notre
attention à tous les deux a été attirée par une forme brillante jaune
clair qui se trouvait au-dessus du milieu du torrent et qui illuminait
un canoë blanc avec une pagaie rouge, immobile sur l’eau agitée.
Poussant une sorte de cri, mon père a lâché le rocher et a nagé
rapidement jusqu’au canoë, puis il a sauté dedans comme l’homme
agile qu’il était dans ses jeunes années. Je me suis rapprochée de lui
et suis arrivée juste derrière sa tête. Il a commencé à pagayer
vigoureusement et a regardé juste une fois dans ma direction avec ce
que je ne peux décrire que comme de la joie sur son visage. C’était
tellement au-delà de ce que je peux décrire que sa puissance et son
rayonnement me submergent encore.
Cela n’a duré qu’un instant. Puis il s’est retourné et s’est remis à
pagayer avec enthousiasme. Il a tourné avec le torrent puis a disparu
derrière des arbres, et je suis restée en arrière. Alors j’ai pensé :
« C’est terminé. » Mais soudain, comme si j’étais attachée à un
élastique, j’ai été catapultée au sommet d’un arbre sur ma gauche, un
peu en arrière. Là, en dessous, sur une espèce de ponton en forme de
« U », se trouvait une foule de personnes qui ne me voyaient pas. Les
visages étaient flous, mais je reconnaissais à leurs corps des membres
de la famille et d’anciens amis à lui.
Mon père est arrivé en pagayant depuis la droite et, aussitôt qu’ils
l’ont vu, ces gens ont commencé à crier son nom et à l’encourager
pour l’accueillir. Il semblait transporté de joie, souriant et presque un
peu stupéfait au début. Il a alors sauté hors du canoë avec sa pagaie
dressée comme en signe de victoire et il a disparu dans les étreintes et
les congratulations de la foule…
Boum – j’étais revenue à côté de lui sur le lit. Juste au moment où
je commençais à ouvrir les yeux, j’ai ressenti le dernier battement de
son cœur et son dernier souffle. C’est toujours aussi clair dans mon
esprit que lorsque cela s’est produit il y a près de quatre ans. Je peux
me rappeler chaque détail de cette vision, depuis les vêtements qu’il
portait jusqu’aux types d’arbres et aux noms des personnes qui
l’attendaient. Et je peux toujours voir à la fois l’épuisement et la peur
sur son visage alors qu’il s’accrochait, puis la façon dont celui-ci
s’est illuminé avec ce dernier sourire qu’il m’a adressé. J’ai senti
qu’il m’avait autorisée à l’accompagner en partie vers son après-vie.
Bien que je n’aie été qu’observatrice et non participante, cette
expérience a néanmoins été transformatrice et a constitué un cadeau
de mon père, que je ne pourrai jamais lui rendre. Je peux réellement
me sentir moi-même briller et je suis toujours émue quand je raconte
cette histoire.
De nouveau, je n’ai jamais entendu d’histoire comme celle-là, mais
bien sûr cela ne change rien pour moi. C’est la chose la plus
incroyable et la plus inattendue dont j’aie jamais fait l’expérience, de
même que l’un des plus beaux cadeaux que j’aie jamais reçus.
Les personnes que nous sommes au cours de toutes nos vies seront un jour
rassemblées en un seul être qui combinera tous les êtres que nous avons été à
travers ce cycle cosmique, et cet être continuera à grandir et grandir jusqu’à ce
qu’il devienne l’être divin que chacun de nous est destiné à devenir. Parvenus
à cette extrémité, nous serons tous au « ciel », qui est le sens véritable du mot
paradis, en tant que partie du corps de Dieu.
Ainsi, ces fleurs que j’ai vues en perpétuelle floraison – ces fleurs écloses
qui étaient tout entières mouvement mais simultanément immobilité – m’ont
donné l’aperçu le plus puissant de ce que nous sommes nous-mêmes alors que
nous avançons vers ce point de perfection incalculable qui se trouve
« devant », selon une certaine perspective, mais également, de façon
éminemment paradoxale, ici et maintenant.
Voici le récit, écrit par son épouse, des derniers jours du critique
cinématographique Roger Ebert avant qu’il ne succombe à un cancer.
« Le 4 avril, il était de nouveau assez fort pour que je le ramène à la
maison. Ma fille et moi sommes allées le chercher. Lorsque nous sommes
arrivées, les infirmières l’aidaient à s’habiller. Il était assis sur son lit, et il
avait l’air vraiment heureux de rentrer à la maison. Il souriait. Il était assis un
peu comme Bouddha, et puis il a juste baissé la tête. Nous pensions qu’il était
en train de penser, peut-être de réfléchir à ses expériences, content de rentrer
à la maison. Je ne me souviens plus qui l’a remarqué en premier, qui a pris
son pouls… Dans un premier temps, bien sûr, j’étais complètement paniquée.
Il y a eu une histoire de code, puis on a apporté des machines. J’étais
stupéfaite. Mais quand nous avons compris qu’il était en train de passer de ce
monde à l’autre, tout, et tout le monde, est devenu calme. On a éteint les
machines et la chambre est devenue paisible. J’ai mis une musique qu’il
aimait, Dave Brubeck. Je me suis assise sur le lit avec lui et j’ai murmuré à
son oreille. Je ne voulais pas le laisser. Je suis restée avec lui pendant des
heures, juste à tenir sa main.
Roger était beau. Il était vraiment beau. Je ne sais pas comment le décrire,
mais il avait l’air paisible et il semblait jeune.
Une chose pourrait surprendre les gens : Roger disait qu’il ne savait pas
s’il pouvait croire en Dieu. Il avait des doutes. Mais vers la fin, quelque chose
de vraiment intéressant s’était produit. Durant la semaine qui a précédé le
décès de Roger, j’allais le voir et il me disait qu’il avait visité un autre endroit.
Je pensais qu’il avait des hallucinations. Je croyais qu’on lui donnait trop de
médicaments. Mais la veille de sa mort, il m’a écrit un mot : “Tout cela n’est
qu’un canular élaboré.” Je lui ai demandé : “Qu’est-ce qui est un canular ?”
Et il parlait de notre monde, de cet endroit. Il disait que c’était une illusion. Je
pensais qu’il était désorienté. Mais ce n’était pas le cas. Il ne visitait pas le
paradis, en tout cas pas selon l’idée que nous en avons. Il le décrivait comme
une immensité que l’on ne peut même pas imaginer. C’était un endroit où le
passé, le présent et le futur se produisaient simultanément.
C’est difficile à mettre en mots. Je l’aimais, tout simplement. Je l’aimais
tellement que je pense que je le croyais invincible. Pour vous dire la vérité, je
continue d’attendre que des choses se passent. J’ai ce sentiment que nous n’en
avons pas terminé. Roger n’est pas terminé. Pour moi, Roger était magique, il
était simplement magique. Et je ressens toujours cette magie. Je lui parle, et il
me répond3. »
Il est fascinant, et toujours profondément émouvant pour moi, de constater
combien les personnes sur le point de quitter ce monde – souvent après de
longues et terribles souffrances – peuvent saisir un aperçu de l’endroit où elles
vont et de celui où elles se trouvaient tout le temps qu’elles étaient ici. Ebert,
un homme qui avait vécu de son écriture, a offert à sa femme quelques mots
lui proposant, j’en suis sûr, ce qu’il pensait être le cadeau le plus précieux
qu’il pouvait lui laisser : la vérité sur ce monde.
Ebert a raison. Ce monde est une illusion – un canular. Il n’est pas réel. Et
bien sûr, en même temps, il est réel, merveilleux, et mérite notre amour le plus
profond ainsi que notre attention. Nous devons simplement nous rappeler qu’il
n’est pas tout ce qui existe.
« Le monde est une scène, et tous les hommes et les femmes ne sont que des acteurs. »
William Shakespeare.
Qui sommes-nous ?
D’où venons-nous ?
Où allons-nous ?
Mon voyage m’a appris qu’un véritable chercheur doit aller loin dans sa
propre conscience pour s’approcher de la connaissance de la vérité de
l’existence. Lire ou écouter simplement les expériences et les points de vue
d’autres personnes ne suffit pas. Comme nous l’avons vu, les dogmes
scientifiques et religieux ne sont pas toujours justes et il est important de
développer un niveau élevé de confiance dans notre propre système de
guidance intérieure plutôt que de suivre aveuglément de soi-disant experts.
Il n’est pas indispensable de vivre une EMI ou un autre type d’événement
extérieur pour accéder à cette connaissance – elle peut être cultivée
intentionnellement. Les méditants expérimentés et les mystiques l’ont
démontré depuis des millénaires. Cela m’a pris quelques années après mon
coma, mais j’ai finalement compris que je devais m’engager dans une pratique
régulière de la méditation pour élargir ma relation au domaine spirituel. J’ai
découvert que je pouvais revisiter certains des domaines supra-physiques les
plus éloignés rencontrés lors de mon voyage dans le coma grâce aux
méditations basées sur le son qui ont été pour moi une forme de prière centrée.
Ces méditations m’ont aidé non seulement à retrouver des éléments de mon
voyage, mais aussi à atteindre des niveaux profonds de conscience. Tout
comme le son avait facilité dans mon voyage les transitions jusqu’à des
domaines plus profonds et plus étendus, le son peut jouer un rôle important
pour nous tous, ici et maintenant.
À l’époque où je suis tombé dans le coma (novembre 2008), je travaillais
pour la Fondation de chirurgie par ultrasons dirigés (Focused Ultrasound
Surgery Foundation) depuis plus d’un an. Mon rôle principal était de
coordonner la recherche médicale globale à l’aide de cette technologie
puissante et innovante que j’avais découverte alors que je travaillais sur un
projet d’imagerie par résonance magnétique intra-opératoire à l’école de
médecine d’Harvard au début des années 1990. Dans ce cadre, je découvris le
large spectre d’interactions bénéfiques que le son peut avoir avec la matière.
Je vis en particulier comment les effets thermiques et mécaniques des
ultrasons – le son d’une fréquence au-delà de 20 000 cycles par secondes, ou
hertz (Hz), limite supérieure de l’audition humaine – pouvaient être guidés à
l’aide de techniques avancées d’imagerie par résonance magnétique (IRM) et
révolutionner la médecine à travers de nombreuses applications. Il se trouve
que mon travail ne faisait alors qu’effleurer la surface de la façon dont le son
peut influencer le monde matériel.
Comme le savent les lecteurs de La Preuve du Paradis, la musique, le son
et les vibrations ont constitué une clé pour me permettre d’accéder à la totalité
des domaines spirituels au cours de mon EMI – de la Mélodie tournoyante de
pure lumière blanche qui m’a sorti du Monde vu du ver-de-terre, servant de
portail vers la vallée ultra-réelle du Passage, aux chœurs angéliques dont les
chants et les hymnes ont accéléré mon ascension au-delà de cette vallée
paradisiaque idyllique à travers les dimensions supérieures, jusqu’à atteindre
le Cœur, bien au-delà de l’espace et du temps. C’est dans le Cœur que j’ai
ressenti l’enchantement tonitruant du Om, ce son que j’ai associé à l’Être
infiniment puissant, connaissant et aimant, cette Déité au-delà de tout nom et
de toute description – Dieu.
L’une des questions que l’on me pose le plus souvent à l’issue de mes
conférences est de savoir si je me souviens de la musique, en particulier la
Mélodie tournoyante. La réponse est que j’ai perdu le souvenir de ces sons
magiques. Mais j’ai travaillé avec plusieurs personnes pour essayer de les
retrouver à ce niveau terrestre. Saskia Moore, qui vit à Londres, a trouvé des
corrélations entre des éléments que j’ai identifiés de la musique de mon EMI
et des musiques semblables rapportées par d’autres témoins dans le cadre de
son projet « Dead Symphony1 ».
Une expérience extraordinaire avec le son et la méditation est survenue lors
d’une session que j’ai faite avec Alexandre Tannous, un ethnomusicologue et
chercheur qui a étudié et pratiqué la thérapie par le son. J’ai rencontré
Alexandre pour la première fois lors d’une conférence au Forum de bioéthique
à Madison (Wisconsin) sur la mort et son processus. Il a captivé l’ensemble du
public grâce à son enchanteresse méditation sonore, utilisant des gongs, des
carillons et d’anciens bols tibétains.
Quelques semaines plus tard, je l’ai rencontré pour une session privée dans
son studio de New York. Il m’a proposé un voyage sonore qui a produit une
expérience totalement hors de cet Univers. J’ai été frappé par la réalité du
monde où j’ai pénétré à travers les sons qu’il produisait – un monde aux lois
physiques entièrement différentes. J’ai vu des herbes ondulant doucement près
d’une rivière et observé la rotation d’une proche galaxie dans le ciel nocturne.
Mon expérience du temps était renversée : j’ai eu l’impression que c’était un
voyage qui durait des heures alors que ça n’a réellement duré qu’une fraction
de ce temps. Ma description peut sembler évoquer une expérience sous drogue
psychédélique, mais ce voyage extraordinaire a seulement été produit par le
son.
La raison en est que tout est vibration. Nos systèmes sensoriels, en
particulier nos yeux et nos oreilles, traitent l’information à travers les
fréquences d’ondes vibrantes, qu’il s’agisse des radiations électromagnétiques
– la lumière visible par l’œil humain – ou des ondes sonores dans l’air qui
viennent frapper le tympan. De même, le modèle neuroscientifique actuel des
fonctions cérébrales repose sur le fait que le traitement d’information résulte
globalement de vibrations – provenant des motifs spatio-temporels de
décharge neuronale au sein du réseau extrêmement riche de neurones dans le
cerveau humain. Les neurosciences diraient que tout ce dont vous avez jamais
fait l’expérience n’est rien d’autre que ces vibrations électrochimiques dans le
cerveau – un modèle de la réalité, et non la réalité elle-même.
Avant mon coma, j’en savais très peu sur l’importance du son dans
certaines traditions méditatives et religieuses. Depuis lors, j’ai appris
énormément de choses sur la signification du son Om en particulier, et
notamment dans la tradition hindoue où il constitue le son primordial utilisé
dans le chant de mantras. Om a été décrit comme la vibration primordiale qui
a donné naissance à la matière présente dans notre monde aujourd’hui. Mon
expérience dans le Cœur m’a montré qu’Om est en effet à l’origine de toute
existence.
Nombre de mes recherches actuelles impliquent donc l’utilisation du son –
musique ou autres manipulations des différentes fréquences du son – pour
induire des états de conscience profondément transcendantaux. À travers cette
recherche, j’ai essayé de mettre mon cerveau physique « hors circuit », de
neutraliser le traitement d’information de mon néocortex – de libérer mon
attention. J’ai cherché à reproduire le vaste élargissement d’attention
consciente que j’avais connu pour la première fois du fait de ma méningite –
et l’attaque de mon néocortex qu’elle avait provoquée –, lorsque j’ai suivi la
lumière blanche (la Mélodie tournoyante) depuis le Monde vu du ver-de-terre
jusqu’à l’ultra-réalité éclatante de la vallée du Passage. Les chœurs angéliques
ont alors ouvert un autre portail conduisant aux dimensions supérieures du
Cœur. J’ai présumé que je pourrais utiliser le son pour revisiter les domaines
de mon odyssée dans le coma profond et que je pourrais le faire en
synchronisant mes ondes cérébrales à l’aide de fréquences spécifiques.
De la façon la plus simple, cela implique l’utilisation de tonalités de
fréquences très légèrement différentes envoyées par des écouteurs dans
chaque oreille. Par exemple, envoyer un signal de 100 Hz dans une oreille et
de 104 Hz dans l’autre engendre la sensation d’un son ondulatoire de 4 Hz, un
« rythme binaural », issu de la différence entre les deux signaux. Le son de ce
« rythme » n’existe pas en tant que tel à l’extérieur du cerveau – ce n’est pas
un « son » que d’autres pourraient entendre.
Le circuit neuronal du tronc cérébral inférieur qui génère le rythme binaural
est adjacent à un circuit primitif qui, selon le point de vue moderne des
neurosciences sur la conscience, est responsable du mécanisme temporel
fondamental qui permet de réunir les informations provenant de plusieurs
modules neuronaux séparés en une seule perception conscience « unifiée ».
Ma théorie est que cela permet à la fréquence de ce rythme de conduire ou
d’« entraîner » l’activité électrique dominante du néocortex, et donc de
moduler sa fonction générale.
C’est dans ce contexte que j’ai rencontré Karen Newell en novembre 2011.
Karen avait une vaste connaissance, mais aussi une sagesse et une expérience
qui complétaient mon propre voyage par bien des aspects. Elle et le
compositeur/ ingénieur audio Kevin Kossi, tous deux cofondateurs de Sacred
Acoustics, travaillaient ensemble depuis près d’un an sur l’utilisation de ces
différents types de fréquences synchronisées afin d’atteindre régulièrement
des états modifiés d’attention. Je me suis rendu compte que leurs techniques
pouvaient avoir un énorme potentiel pour m’aider à accéder à ces domaines
spirituels extraordinaires que je voulais revisiter. En écoutant pour la première
fois leurs enregistrements, je fus stupéfait par leur capacité à libérer ma
conscience des limites imposées par mon cerveau. Une partie de leur
technique comprend l’utilisation de fréquences et d’harmoniques que l’on
retrouve dans la nature, et ils se sont également inspirés de sons trouvés dans
d’anciennes cultures sacrées.
Nos lointains ancêtres connaissaient l’importance du son en tant qu’outil
pour accéder aux domaines spirituels. Les chercheurs du laboratoire Princeton
Engineering Anomalies Research (PEAR), créé en 1979, ont passé plusieurs
décennies à étudier le rôle de la conscience dans la réalité physique, y compris
par l’étude de l’archéo-acoustique (l’étude des propriétés acoustiques
d’anciens sites rituels). Une étude de PEAR en Grande-Bretagne a impliqué la
mesure de la résonance acoustique de structures anciennes fabriquées par
l’homme2.
Malgré les différentes formes et tailles d’enceintes variées, il apparaît que
beaucoup d’entre elles résonnent à une fréquence comprise entre 95 et
120 Hz. Cet écart est semblable à celui de la gamme vocale humaine. Certains
ont spéculé sur le fait que des chants humains ont été utilisés dans ces
endroits, amplifiés par la résonance, afin d’accéder à des états de conscience
non locale.
Selon les recherches en acoustique menées dans la grande pyramide de
Khéops en Égypte, les bâtisseurs ont délibérément inclus des caractéristiques
qui créent une résonance dans les basses fréquences (1-8 Hz), associée à la
méditation transcendantale et aux états oniriques. Des visiteurs modernes
ayant passé du temps dans la chambre du roi à l’intérieur de la grande
pyramide ont fait mention d’expériences mystiques produites par des chants et
d’autres sons. Un grand nombre des magnifiques cathédrales médiévales à
travers le monde sont également connues pour leurs qualités acoustiques, qui
permettent à la musique des orgues et des chorales de résonner dans la
structure du bâtiment, induisant une expérience spirituelle d’élévation chez les
participants. Cela est particulièrement flagrant dans la cathédrale Notre-Dame
de Chartres en France. Comme la grande pyramide, la cathédrale de Chartres a
été construite pour amplifier certaines harmonies. Les chants grégoriens sont
particulièrement puissants dans ce cadre. L’objectif était d’aider à la fois les
auditeurs et les chanteurs à se relier plus personnellement au divin.
En tant que neurochirurgien, je savais depuis des décennies que seule une
minuscule portion du néocortex est en fait dévolue à la génération et la
compréhension de la parole ainsi qu’à la production de pensées conscientes.
Les expériences de Benjamin Libet et d’autres, qui ont commencé au début
des années 1980, ont révélé que la petite voix dans notre tête, le « cerveau
linguistique », n’est pas le preneur de décision de notre conscience. Ce
cerveau linguistique, étroitement lié à l’ego et aux notions de soi, n’est qu’un
spectateur – il est informé de décisions conscientes 100 à 150 millisecondes
après qu’une telle décision a été prise. L’origine de ces choix est donc un
mystère bien plus profond. Le Dr Wilder Penfield, l’un des neurochirurgiens
les plus renommés du XXe siècle, a déclaré dans son livre de 1975 The Mystery
of Mind3 que la conscience n’était pas créée par le cerveau physique. Il savait,
après plusieurs décennies de travail sur des stimulations électriques du
cerveau de patients éveillés, que ce que nous appelons le libre arbitre, la
conscience ou l’esprit semble influencer le cerveau physique « de l’extérieur »
et n’est pas créé par lui.
La vraie profondeur de la conscience accessible n’était pas très claire pour
moi avant mon coma et elle est devenue bien plus évidente depuis que j’ai
commencé à travailler avec Sacred Acoustics. Ces méditations générées par le
son m’ont aidé à éteindre la petite voix dans ma tête, ce flot constant de
pensées – qui n’est pas notre conscience –, et à me relier à l’observateur
intérieur de ces pensées, amenant mon attention plus près de mon être
véritable profond. En faisant taire momentanément le bavardage du cerveau
linguistique – ego/moi –, très associé à la peur et à l’anxiété, et en cultivant
notre conscience à travers la méditation, nous commençons à accéder à la
vraie nature de la conscience et de l’existence.
Comme différents expérimentateurs d’EMI, chaque individu fera
l’expérience de cette conscience de différentes façons. À travers mes
méditations, j’ai pu retourner dans ces domaines que j’ai découverts au plus
profond de mon coma. J’ai également été capable de ressentir et de
communiquer avec l’âme de mon père, si intensément absent de mon EMI.
D’autres ont rapporté une capacité accrue de concentration, des inspirations
créatives remarquables, le retour de souvenirs perdus de l’enfance, une
attention et une intuition augmentées, et même la connexion directe avec les
domaines non physiques et avec l’Unité grandiose de la conscience
universelle. Chacun de nos voyages est unique – les possibilités sont
illimitées. Le don de l’attention nous apporte le potentiel d’explorer pour
nous-mêmes la vraie nature de la conscience et notre lien personnel à tout ce
qui existe.
À mesure que chacun de nous s’éveille au fait que notre conscience
individuelle fait partie d’une conscience universelle bien plus vaste,
l’humanité va entrer dans la période la plus importante de toute son histoire,
au cours de laquelle nous atteindrons une compréhension plus profonde de la
nature fondamentale de toute l’existence. Celle-ci inclura la consolidation des
sagesses plurimillénaires, la coalescence de la science et de la spiritualité, et la
convergence des plus grands concepts sur la nature de notre existence. Les
réponses résident en nous tous.
Êtes-vous prêt ?
1 Voir http://saskiamoore.tumblr.com/deadsymphony.
2 www.princeton.edu/~pear/pdfs/1995-acoustical-resonances-ancient-structures.pdf.
3 Dr Wilder Penfield, The Mystery of Mind (« Le mystère de l’esprit », non traduit en français).
Bibliographie