TP HISTOIRE DU DROIT

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1

INTRODUCTION
Dans le souci de doter à la Belgique une colonie, le Roi Léopold ll s'est engagé
personnellement et discrètement dans les démarches pour atteindre son objectif. Ces
ambitions se dirigèrent dans l'espace du bassin du fleuve Congo après avoir obtenu les
informations aux explorateurs à l’occurrence de Stanley concernant cette entité. 1 Cette
mission sera concrétiser par l'Acte Général de Berlin du 26 février 1885 qui enjoignait au Roi
la mission d'occuper effectivement le basin du Congo que les puissances ont reconnu comme
étant l'État libre du Congo c’est-à-dire une espace internationalisée à perpétuité. En vertu de
l’Acte précité, Léopold II avait l’obligation d'assurer la liberté de commerce sur cette espace,
civiliser les indigènes, mettre la terre du Congo en valeur et assurer le bien-être aux
indigènes.2

État libre du Congo sera en date du 1 er juillet 1885 , par le Roi en complicité avec le
parlement Belge, changé en État indépendant du Congo dans lequel il sera le Souverain. C'est
la proclamation de l’Etat indépendant du Congo.3 C'est ainsi que dans le but de mettre la
monarchie du Roi-Souverain en valeur, l'exigence d’exploiter les ressources naturelles, sera à
l’idée du législateur de l’État indépendant du Congo jusqu’à prendre des mesures assurant son
contrôle sur le sol en le départageant en différentes catégories et par la suite sur les mines et
les forêts en vue de leur exploitation4

Cette politique d'affirmation du contrôle du sol par l’État va continuer à être appliquée
dans toute la colonie jusqu’à être reconduite dans le régime foncier après l'indépendance. À
cela , notre travail consistera à démontrer la façon dont le sol a été géré pendant l’État
indépendant du Congo et pendant le Congo-belge en premier chapitre et la manière dont la
propriété immobilière a été organisée durant ces deux périodes coloniales en second chapitre.

1
J.-P. BALAAMO MOKELWA, Cours d'histoire du droit congolais, UOB, G2 Droit, note de cours, 2020-2021,
p36.
2
Th. HEYSE,. Grandes lignes du régime des terres du Congo-Belge et Ruanda-urundi et leurs applications
( 1940-1946), Tome xv, Mémoire nº 8, Bruxelles, Institut Royal Colonial Belge, 1949, p.11.
3
. Ibidem
4
Ibidem.
2

Chapitre 1. LE RÉGIME FONCIER PENDANT L’ÉTAT INDÉPENDANT DU


CONGO ET CONGO-BELGE

Section 1 Pendant l'Etat Indépendant du Congo ( E.I.C)


Lors de son entrée au Congo en 1885, le gouvernement de l’Etat indépendant du
Congo rencontre quelques firmes commerciales qui disposaient dans le bassin du Congo, des
parcelles obtenues en vertu de contrats passés avec des chefs indigènes ; il constata aussi les
occupations de terres dont les autochtones retiraient des utilités diverses ainsi que l’immense
surface disponible ne faisant l'objet d'aucune appropriation effective.5

Ainsi le souci d'affirmer son contrôle sur le territoire, le législateur belge adopta dans
le régime foncier les règles générales divisant le sol en trois catégories de terres, à savoir : Les
terres indigènes, les terres de droits privés et les terres vacantes, attribuées à l’État en
application du principe selon lequel toutes les choses sans maître appartiennent à l’État. 6 En
reconnaissant à l’État la propriété des terres vacantes, l'ordonnance du 1 er juillet 1885 prise
par l'administrateur général Sir FRANCIS DE WINTON, rendait juridiquement possibles les
attributions de terres par l’État en vue de leur exploitation.7

En suite le décret du Roi-Souverain du 22 août 1885 , prescrivait la procédure


permettant la reconnaissance des droits privés acquis antérieurement par des non-indigènes.
Par ces textes le Roi-Souverain affirme la souveraineté du nouvel État sur tout le territoire , y
compris sur les terres déjà acquises avant le 1er juillet 1885 par des sociétés ou des personnes
privées.8

§ 1. Les principes de base du régime foncier pendant l'Etat Indépendant du Congo

L'ordonnance du 1er juillet 1885 définit les principes de base du régime foncier du
nouvel État :« Les terres vacantes sont considérées comme appartenant à l’État , nul n’a le
droit d'occuper ces terres sans titre ni déposséder les indigènes des terres qu'ils occupent ,
tout contrat passé avec des indigènes pour l'occupation du sol ne pourrait être reconnu par le
Gouverneur que s'il a été fait par l'intervention de l'autorité ».9
5
Th. HEYSE Op.cit. p.11.
6
Ibidem.
7
E. BOELAERT, L'État Indépendant du Congo et les terres indigènes, tome V, mémoire nº8, Bruxelles,
Académie royale des sciences coloniales, 1956, p50.
8
E. LAMY et L. DECLERCK, «Le régime foncier et minier» in L'ordre juridique colonial belge en Afrique
centrale, Académie Royale des sciences d'Outre-Mer, Bruxelles, Recueil d’études, 2004, pp.253-309.
9
Ibidem.
3

Les décrets du 22 août 1885 et du 14 septembre 1886 instaurent le système


d'enregistrement du droit d’occupation ou de jouissance des terres auprès du conservateur des
titres fonciers. Et en vertu du décret du 14 septembre 1886 , les terres occupées par les
populations indigènes sous l'autorité de leurs chefs continuent d'être régies par les coutumes et
usages locaux.10

L’arrêté de l'administrateur général au Congo du 8 novembre 1886 dispose que le


conservateur des titres fonciers doit procéder à l'enregistrement des terres sur lesquelles des
non-indigènes avaient acquis des droits de propriété avant la publication du décret du 22 août
1885 , des terres cédées par les indigènes à des particuliers par l’approbation de la cession par
l'administrateur général, ainsi que des terres du domaine vendues par l’Etat à des particuliers.
En outre, la vente de toute propriété déjà enregistrée doit faire l'objet d’un nouvel
enregistrement.11

Ainsi donc , pendant le début de l'EIC, le régime foncier est établi sur la base de
quatre principes :

- Les droits des indigènes sur leurs terres qu'ils occupent sont reconnus et protégés ;
- Les droits acquis par des particuliers avant la création de l’État peuvent être
reconnus moyennant vérification ;
- Les terres vacantes sont déclarées propriété de l’Etat, qui peut les vendre ou les
louer à des particuliers ;
- Toute acquisition ou transfert de droit sur la terre doit se faire par
l'enregistrement.12

En vertu de cette législation , plus aucune propriété privée ne peut se constituer , si ce


n'est par cession de droits par les indigènes sur leurs terres ou par cession de droits de l’État
sur son domaine et ne peut se faire que par voie d'enregistrement.

Ces principes issus de l'esprit humaniste dans l’acte général de Berlin de 1885 ont été
abandonnés en 1891 par le Roi-Souverain en voulant étendre sa souveraineté sur le territoire
et obtenir des moyens pour financer les infrastructure nécessaires au développement de cet
immense État mais aussi pour s’enrichir. L’Etat va donc entreprendre l'exploitation de son

10
E. BOELAERT, Op. Cit. p.23.
11
Décret du 08 septembre 1886, relative à l'enregistrement des terres, in Bulletin Officiel de l’État Indépendant
du Congo, 1886.
12
E. LAMY et L. DECLERCK, Op. Cit.
4

domaine et concéder d’énormes parties de celui-ci à des sociétés privées ainsi que
l'exploitation et la vente de l'ivoire et de caoutchouc.13

Le décret du 21 septembre 1891 , qui n'a pas été publié au Bulletin officiel , partage la
totalité des terres vacantes en trois zones : le domaine privé , une zone réservée qui sera
proclamée domaine privé ultérieurement , et une zone de commerce libre dont les vastes
entendues sont concédées à des sociétés privées. L’État donnera l'interprétation la plus large à
la notion de des terres vacantes qui constitue son domaine. Pour cette interprétation, les droits
des indigènes sur les terres qu'ils occupent s’étendent qu'au seul terrain sur lequel se trouvent
leurs villages et les champs qui l'entourent.14

§2. Critiques sur l'interprétation des terres vacantes et celles occupées par des indigènes

La notion de terres vacantes et surtout l'interprétation très restrictive du droit


d’occupation des indigènes que fait l’E.I.C à partir de 1891 ont été vivement critiquées en
Belgique. Ainsi en 1892, Wouters affirme « qu'il n'y a pas de forêts sans maître en Afrique ,
car elles appartiennent aux tribus.»15 Pour VERMEERRSH, «l’attribution de l’État des
terres soi-disant vacantes nous met, au Congo en présence d'une immense expropriation dont
l'indemnité reste encore à régler.» BOELAERT quant à lui soutient l'interprétation juridique
de terres vacantes consistant à élargir les droits des indigènes à celles-ci en écartant
l'interprétation administrative restrictive des terres occupées par les indigènes. Il propose alors
qu'il serait mieux de demander aux seuls indigènes de démontrer les limites de leurs terres. 16
Mais le Roi-Souverain reste sourd à ces critiques en s’attribuant encore plus par le décret du 5
décembre 1892 une grande partie du territoire comme domaine privé de l’État, dans lequel lui
seul peut récolter le caoutchouc et l'ivoire.17

Cependant , sous la pression de la campagne internationale contre sa politique,


Léopold II nomme par décret du 23 juillet 1904 , une commission internationale de magistrats
afin d'enquêter au sujet des actes de mauvais traitements à l’égard des indigènes. 18 Dans son
rapport, la commission critique l'interprétation restrictive du Gouvernement sur la
signification de terres occupées par les indigènes considérant « comme terre vacante celle qui

13
Ibidem.
14
Th . HEYSE, Op. Cit. p.55
15
J. WOUTERS, Le mouvement géographique, 1892, p.69. cité par A. VEMEERSH, dans La question coloniale,
Bruxelles, 1906.
16
E. BOELAERT Op. Cit. p.21.
17
Ibidem. p.28.
18
Commission d'enquête au sujet des actes de mauvais traitements commis à l’égard des indigènes, in Bulletin
Officiel de l’État Indépendant du Congo 21ème année ,nº 9, Septembre-Octobre 1905.
5

n'est pas occupée par les villages indigènes et par les champs cultivés qui les entourent», et
préconise que cela immobilise leur état économique et s'opposerait à toute évolution de la vie
indigène.19

La commission dans ses conclusions propose alors de donner une interprétation large
et libérale à l’ordonnance du 1er juillet 1885 et au décret du 14 septembre 1886, qui
confirment les indigènes dans la jouissance des terres qu'ils occupent sous l'autorité de leurs
chefs.20

Pour répondre à cette recommandation , sans toutefois modifier le principe selon


lequel toutes les terres vacantes appartiennent à l’État, le décret du 3 juin 1906 donne une
définition plus large de ce qu'il faut entendre par terres occupées par les indigènes, en
précisant qu’il s'agit de celles qu'ils habitent, cultivent ou exploitent d'une manière
quelconque conformément aux coutumes et usages locaux. Ce décret reconnaît en outre que
les indigènes exercent certains droits sur les terres dites vacantes , en les autorisant à y couper
les bois destinés à leurs usages personnels et à s'y livrer à la chasse et à la pêche.21

Imprégné de la notion occidentale de la propriété , le Gouverneur général décide donc


que le droit que les indigènes exercent sur leurs terres ne peut être considéré comme celui de
propriété mais comme un droit réel « sui generis», une notion dont l'administration coloniale
usera pendant toute la période coloniale.22

Les critiques suscitées en Belgique et à l’étranger par la politique foncière menée par
Léopold ll et les abus qu'a engendrés sa politique d’exploitation du domaine de l’État , ont été
les principaux facteurs qui ont déterminé le Gouvernement Belge à négocier avec le Roi-
Souverain le transfert de la souveraineté du Congo à la Belgique.23

Section 2. Le régime foncier du Congo-belge

En vertu de l'article 36 de la charte coloniale, toute la législation de l’État indépendant


du Congo conserve sa force obligatoire , pour autant qu’elle ne soit pas contraire à cette

19
Rapport au Roi-Souverain, in Bulletin Officiel de l’État Indépendant du Congo, 21ème année, nº 10 , sept-oct.
1905.
20
Rapport au Roi-Souverain, in Bulletin Officiel de l’État Indépendant du Congo, 21ème année, nº9 et 10, sept-
oct. 1905.
21
E. BOELAERT, Op.cit. p.47
22
E. LAMY et L. DECLERCK, Op. Cit.
23
Ibidem.
6

charte. L'ordonnance du 1er juillet 1885 et le décret du 3 juin 1906 sont restés en vigueur. Les
terres vacantes restent donc toujours propriété de la colonie et constituent son domaine.24

§ 1 Les domaines de terres pendant le Congo belge

Comme à l’époque de l’État indépendant du Congo, pendant le Congo-belge il y a


également trois sortes de terres : celles qui constituent le domaine de la colonie, celles
occupées par des indigènes et celles accordées à un droit de propriété ou d'usage à des
particuliers. Concernant l'enregistrement de la propriété privée, la législation de l'EIC est
restée en vigueur jusqu’à la promulgation du décret du 6 février 1920 sur la transmission de la
propriété immobilière.25

a. La notion du domaine de la colonie

En vertu du décret du 31 juillet 1912 qui établit les règles de base en matière de
domaine de la colonie, les biens de la colonie sont de deux sortes : ceux qui sont affectés à un
usage ou à un service public , que la doctrine appelle le domaine public et qui sont
inaliénables tant qu’ils ne sont pas régulièrement désaffectés ainsi que tous les autres biens de
la colonie qui ne sont pas affectés constituent son domaine privé, et restent dans le commerce
sauf exception établie par la loi. Toutes les choses sans maître appartiennent à la colonie sauf
le respect des droits coutumiers des indigènes.26

Ainsi donc , les terres sans propriétaire privé et sur lesquelles les indigènes n'exercent
pas de droit d'occupation , appartiennent à la colonie et constituent son domaine privé. Les
terres du domaine, qu'il soit public ou privé , ne peuvent être aliénées que dans les formes et
suivant les règles qui leur sont particulières contenues dans la législation qui concerne l'octroi
des cessions et concessions des terres.27

Pour mettre son domaine privé en valeur, le Gouvernement de la colonie adopte une
nouvelle politique qui ne consistera pas à l'exploitation plus en régie et à accorder plus des
grandes concessions dans le seul but de s'assurer des rentrées fiscales mais à vendre et louer
des terres du domaine privé à des sociétés ou des colons , à condition que ces terres soient
28
effectivement mises en valeur et on ramènera également par la négociation avec les

24
Ibidem.
25
Th. HEYSE, « Domaine de l'État», in Les novelles, Droit Colonial, nº 117, pp. 326-357, cité par Th. HEYSE
op.cit.
26
. Décret du 31 juillet 1912, relative au domaine de la colonie, in Bulletin Officiel du Congo-belge, nº10, 1912.
27
E. LAMY et DECLERCK, Op.cit.
28
Ibidem
7

cessionnaires et concessionnaires , une part importante des terres concédées à des sociétés
privées par l'E.I.C et que ces sociétés ne les avaient pas mises en valeur.29

b. Les cessions et concessions des terres du domaine privé de la colonie

Nous pouvons distinguer ici les concessions en matière de chemin de fer, concessions
minières et les terres domaniales.

On entend par concession en matière de chemin de fer , l'autorisation octroyée par


l’autorité publique d’établir et d'exploiter une ligne de chemin de fer sur le domaine de l’État.
Une concession minière est l'autorisation de rechercher et d'exploiter un gisement minier. En
matière de terres domaniales, la cession consiste en un transfert de la pleine propriété d'une
partie du domaine par vente, échange ou donation, tandis que la concession ne transfère qu'un
droit d'usage, tel que le bail, la superficie ou l'emphytéose .30

C. Les domaines du Comité Spécial du Katanga (CSK) et le Comité National du


Kivu(CNKi)

L’E.I.C a confié , dans deux régions déterminées , la gestion de son domaine. Y


compris son droit de cession et de concessions de terres, à des institutions mixtes de droit
public, le Comité Spécial du Katanga et le Comité National du Kivu.31

Le CSK a été créé en 1900 pour gérer et exploiter en commun les biens domaniaux et
miniers de l'E.I.C et la compagnie du Katanga dans cette province. Il avait le droit de vendre
ou de louer les terres de leur domaine pendant nonante ans 32 Le CNKi a été créé par décret du
13 janvier 1928,sous la forme d'une association jouissant de la personnalité juridique ayant
comme membres : la colonie, la compagnie des chemins de fer du Congo supérieur aux
Grands Lacs africain ainsi que différentes sociétés financières et industrielles privées. Celui-
ci avait la gestion (et non la propriété) des terres vacantes dans une zone qui couvrait à
l'origine environ douze millions d'hectares dans la province du Kivu. Les terres et les forêts
grevées de droits de tiers , indigènes ou non-indigènes, sont expressément exclues des droits
de gestion du comité.33

§ 2 Les terres des indigènes

29
Ibidem
30
Ibidem.
31
E. LAMY et L. DECLERCK, Op.cit.
32
J. OLYFF, « Le Comité Spécial du Katanga», in Les Novelles, Droit colonial, T.1 nº 67, cité par E. LAMY et
DECLERCK, op.cit.
33
E. MANDIAUX, « Le comité national du Kivu», in Zaïre, novembre 1956, pp.927-964.
8

Quand la Belgique acquiert le Congo en 1908, le ministre des colonies se rend au


Congo pour examiner la situation de l'ancien régime foncier qui était sur place dans un climat
de polémique. A son retour , il prend des mesures législatives destinées à mettre fin aux abus
du régime précédent et à mieux protéger les droits des indigènes , notamment leurs droits de
récolter les produits végétaux dans les forêts domaniales, ainsi que de chasse et de pêche.34

Bien que l'article 5 de la charte coloniale impose au Gouverneur général de favoriser le


développement de la propriété immobilière individuelle, ce n'est qu'en 1953 qu'un décret
permettra à tous les congolais, immatriculés ou non, d’accéder à la propriété immobilière
individuelle telle que régie par les dispositions du livre II du code civil.

Le Gouvernement du Congo belge n'a jamais voulu admettre que le droit exercé
collectivement par les indigènes sur la terre soit un droit de propriété. Mais il interprète
beaucoup plus largement que celui de l’État Indépendant du Congo , la notion de leur droit
d'occupation du sol et il leur reconnaît certains droits sur les terres dites vacantes. Le décret
du 22 mars 1910 leur permet , sous certaines conditions, de récolter les produits végétaux
dans les terres domaniales, et celui du 26 juillet 1910 leur facilite la chasse et la pêche sur les
mêmes terres.35L'ordonnance du 1er juillet 1885 reste en vigueur par conséquent nul n'a le droit
de déposséder les indigènes des terres qu'ils occupent.

Cependant, selon la doctrine officielle étant que les indigènes n'exercent pas de droits
privatifs sur les terres qu'ils n'occupent pas effectivement , qu'ils ne cultivent pas ou
n'exploitent pas, ces terres sont sans maître ou vacantes, et appartiennent donc à la colonie. 36
Le conseil colonial estimait , en 1912, que le principe de la domanialité des choses sans
maître , sous réserve expresse des droits coutumiers des indigènes est à l'abri de toute
critique.37 Certains auteurs , tout en contestant la thèse de la vacance de la plus grande partie
des terres, ont néanmoins admis le droit de l’État de les mettre en valeur.38

En effet donc qu'en vertu du décret du 3 juin 1906, les terres occupées par les
indigènes et qui ne font partie du domaine de la colonie, sont comme nous l’avons encore
soulevé ci-haut, « celles qu’ils habitent, qu'ils cultivent ou qu'ils exploitent d'une manière
quelconque conformément aux coutumes et usages locaux.»39

34
O. LOUWERS, « Le problème des terres indigènes », in J.T.O, 1954, pp.65 et suiv..
35
E. LAMY et L. DECLERCK, Op.cit.
36
Ibidem
37
Ibidem
38
A. SOHIER, Traité élémentaire de droit coutumier du Congo belge, Bruxelles, Larcier, 1954, p.143.
39
E. BOELAERT Op. Cit. p.3
9

Chapitre II LES DROITS RÉELS IMMOBILIERS PENDANT LA


COLONISATION

Section 1 La propriété immobilière

§ 1 Pendant l’État Indépendant du Congo

Dès la naissance de l’État indépendant du Congo, Léopold II soucieux d'affirmer sa


souveraineté sur le territoire, attribue à la seule autorité de l’Etat le droit d'accorder la
propriété du sol et se considère par le décret du 22 août 1885 comme éminent de toutes les
terres et s'assure le contrôle de l'occupation du sol.40 Dès lors les terres occupées par les non-
indigènes , devrait se faire constater auprès du conservateur des titres fonciers en présentant
une demande d'enregistrement. Les certificats d'enregistrement qu'il délivre constitueront des
titres légaux d'occupation.41

Le droit de propriété immobilière est resté schématique pendant l'E.I.C. Par le décret
du 14 septembre 1886, l’enregistrement est devenu obligatoire pour la reconnaissance légale
des droits privés existants et futurs dans l'espace de l'E.I.C. Les droits privés existants, sans
être qualifié encore de propriété , sont ceux que les premiers commerçants et colons étrangers
ont acquis en vertu de contrats passés avec les chefs indigènes. Dorénavant, ces contrats
doivent être approuvés par l’Administrateur Général du Congo avant de donner lieu à
l'enregistrement. Les droits privés qui seront acquis à l'avenir, sont ceux que l’État accorde
sur les terres vacantes qu’il jugera convenable d’aliéner ou de donner en location. Ces ventes
ou locations se feront par les soins du conservateur des titres fonciers.42

§ 2 Pendant le Congo belge

En 1912, le Ministre des colonies , appuyé par le conseil colonial, estime qu’il est
urgent de légiférer en matière de droit des biens en général et particulièrement en matière
d'organisation de la propriété immobilière et du régime hypothécaire. Après avoir consacré les
biens en général par le décret du 31 juillet 1912, par décret du 30 juin 1913, titre II du livre II
du Code civil, il ajoute la propriété. Après la première guerre mondiale, par le décret du 6

40
Ibidem
41
F. CATTIER, Étude sur la situation de l’État indépendant du Congo, Bruxelles, 1906, p.21, cité par E.
BOELAERT, Op.cit.
42
E. LAMY et L. DECLERCK, Op. Cit.
10

février 1920, le titre III sera consacrée la transmission de la propriété immobilière et le décret
du 20 juillet 1920, titre IV, traitera l'emphytéose et en fin le titre V va traiter la superficie.43

Section 2 Naissance, la transmission immobilière et l'accès des congolais à la


propriété immobilière individuelle

§1. Naissance et la transmission de la propriété immobilière

Par le décret du 06 février 1920 sur l'enregistrement des droits privés sur le sol, le
législateur colonial du Congo belge a remplacé les textes épars de l’État Indépendant du
Congo par un texte complet embrassant tous les aspects du système «Torrens». Par ce décret
le législateur a voulu instaurer un régime simple et transparent qui assure la sécurité des
transactions immobilières.44

Il a réalisé cet objectif en se basant sur quatre principes à savoir :

- Tout terrain cédé par les indigènes ou par la colonie à des personnes privées doit
être enregistré , et cet enregistrement crée la propriété immobilière individuelle sur
le fonds ;
- L'enregistrement est la condition nécessaire pour toute mutations de la propriété
immobilière ;
- L'enregistrement est également la condition nécessaire pour l’établissement de
toute charge réelle pesant sur la propriété ;
- Le droit de propriété établi par le certificat d'enregistrement est inattaquable.45

Ainsi la propriété privée du sol n'est établie que par un certificat d’enregistrement du
titre reconnu ou concédé par la colonie. Toutefois, jusqu’en 1934, les indigènes pouvaient
céder directement leur terre à un particulier , moyennant approbation du Gouverneur général
et c'est l'acte de vente reconnu par la colonie qui devrait être enregistré.46

Cependant, par le décret du 31 mai 1934 , les indigènes ne peuvent céder leur terre
qu’à l’Etat , qui la concède en suite à des personnes privées et c'est le titre concédé par la
colonie qui doit être enregistré. Par l'enregistrement, le terrain concerné sort du domaine de la

43
Ibidem
44
A. STENMANS, « De la transmission de la propriété immobilière», in A. Sohier, Droit civil du Congo belge,
nº 10, T. III, 1956, p.213.
45
A. STRENMANS nº 43, p. 235.
46
Ibidem nº 104, p.277.
11

colonie à la propriété privée.47 Pour ce qui est de la transmission, toutes les mutations de la
propriété immobilière , tant entre vifs que par décès , ne s’opèrent que par la rédaction d'un
nouveau certificat d’enregistrement. L’effet de l'enregistrement s’opère aussi bien entre
parties qu’envers les tiers. Comme le cas du transfert du droit de propriété , ce n'est pas la
volonté des parties qui crée les droits réels pesant sur la propriété , mais uniquement leur
enregistrement.48

§ 2 La force probante du certificat d’enregistrement

Dans la législation congolaise , les droits réels immobiliers tirent leur existence, non
pas de l'acte juridique qui a pour but de les constituer, mais du certificat d’enregistrement
établi par le conservateur en vertu de cet acte juridique et c'est conformément à la loi. Ainsi :
« Le certificat d’enregistrement est un acte authentique, ayant une force probante spéciale en
ce qu'il crée les droits réels immobiliers et rend le droit de propriété inattaquable.» 49
Toutefois, la loi prévoit la possibilité dans certaines circonstances bien déterminées
d'introduire une action en rétrocession et le remplacement pour les certificats
d’enregistrement reconnus inexacts ou incomplets ainsi que ceux qui sont détruits ou perdus.50

§ 3 L’accès des congolais à la propriété immobilière individuelle

L'article 5 de la Charte coloniale impose au Gouverneur général de veiller à


l’amélioration des conditions morales et matérielles d'existence des indigènes , notamment en
favorisant le développement de la propriété.51

En effet , comme les congolais immatriculés jouissent de tous les droits civils, ce qui
signifie qu'il sont régis , au point de vue civil, par la législation écrite de la colonie, ils ont
donc accès à la propriété immobilière individuelle telle que organisée par cette législation.52
Par le fait qu'après la deuxième guerre mondiale, le développement de la colonie a provoqué
l’émergence d'une classe moyenne africaine et l'agriculture structuré en paysans, une prise de
possession individuelle des parcelles de terres cultivées par les paysans Congolais s’est
vraiment manifestée. L’accès à la propriété immobilière individuelle qui jadis était reconnu
aux seuls et rares indigènes immatriculés, s'est cependant, par le décret du 10 février 1953,
élargi à tous les congolais et qui leur permet d'acquérir des droits immobiliers conformément
47
Ibidem nº 108, p.278.
48
Ibidem.
49
Ibidem.
50
Cassation , 2 février 1956, in J.T.O, 1956, p.53.
51
Rapport du conseil colonial , in Bulletin Officiel du Congo belge, 1952, p.409.
52
Conseil colonial, in CRA, 1920, p.396.
12

à la législation écrite. Ainsi tous les congolais ont le droit d'acheter des terres enregistrées, et
d'obtenir des droits de propriété , d'emphytéose ou de superficie sur des terres domaniales.53

Section 3 De l’emphytéose et de la superficie foncières

§ 1 Droit d'emphytéose

Le législateur colonial, a conçu l'emphytéose comme un mode de mise en valeur des


terres domaniales incultes, sans que l’État ne se défasse à titre définitif d'une partie de son
domaine.54 En vertu de la loi du 10 janvier 1924, enjoint l'emphytéote de mettre et de
maintenir le fonds en valeur, l’emphytéote a par contre le droit d'extraire des pierres, de
l’argile et d'autres matières semblables du fonds et d'abattre des arbres pour les constructions
et les améliorations qu’il entreprend. Il peut en exploiter les bois, à la charge de les
reconstituer et il peut même changer la destination ou la nature du fonds, pour augmenter sa
valeur . L'emphytéose est un droit réel , qui peut donc être grevé d'hypothèque.55

§ 2 De la superficie

En vertu de l'article 22 du livre II, le propriétaire d'un fonds est aussi propriétaire de
tout ce qui s'y unit et s’y incorpore naturellement ou artificiellement. Faisant exception à ce
principe, le détenteur du droit de superficie jouit du fonds appartenant à autrui et dispose des
constructions, bois, arbres et autres plantes qui y sont incorporés. C'est donc un droit de
jouissance (propriété momentanément) sur le sol et un droit de propriété sur les
incorporations.56

Le droit de propriété est donc précaire ou temporaire et qui ne peut dépasser cinquante
ans. Le superficiaire a tous les droits de l'usufruitier et peut donc construire et y plantes Mr à
son gré .La superficie est un droit réel susceptible d'hypothèque, et est soumise à la
formalisation de l'enregistrement, sauf si sa durée n’excède pas neuf ans.57

53
Ibidem.
54
P. JENTGEN, « De l'acquisition et de la transmission des droits réels immobiliers», in J.T.O, 1954, pp.125-
141.
55
E. LAMY et L. DECLERCK, Op. Cit.
56
P.JENTGEN Op. Cit.
57
A. STRENMANS, Op.cit. nº 44, p.213.
13

CONCLUSION

A la fin de notre travail, il nous est demandé de tirer certaines conclusions issues de la
compréhension de l'ensemble du travail qui a été analysé suivant différentes étapes.

Ainsi, pendant la période précoloniale, les noirs africains organisaient la propriété sur
le sol suivant les structures ethniques et claniques selon différentes exploitations dans les
coutumes et les traditions sur la partie occupée.

Pendant l’État Indépendant du Congo, le régime foncier était fondé sur quatre
principes de base : la reconnaissance et la protection des terres occupées par les indigènes, la
reconnaissance des droits acquis par les particuliers avant la souveraineté de l’État
Indépendant du Congo, l'attribution de toutes les terres vacantes à l’État ainsi que
l’enregistrement par le conservateur des titres fonciers de toute acquisition ou transfert de la
propriété privée immobilière sur l'ensemble du territoire.

Pendant le Congo belge, le régime foncier était fondé sur trois catégories des terres
dont le domaine de la colonie qui était subdivisé en domaine public et domaine privé, les
cessions et concessions cédées et concédées aux particuliers, ainsi que les terres indigènes
organisées selon leurs coutumes. Dans cette période de l'histoire, le système Torrens a vu le
jour au Congo et dès lors toute naissance ou transmission d'un droit réel foncier n'est établie
que par un certificat d’enregistrement établi par le conservateur des titres fonciers. Comme
autre innovation dans cette période, les indigènes se sont aussi impliqués dans l'acquisition et
la transmission des droits réels immobiliers individuels.
14

En fin, deux grands principes du régime foncier colonial ont été suivis par le régime
foncier après l'indépendance jusqu’à aujourd’hui : « La propriété du sol appartient à l’État et
le droit réel foncier n'est établi que par un certificat d’enregistrement.»

BIBLIOGRAPHIE

I. TEXTES DE LOIS
1. La charte coloniale, in Bulletin Officiel du Congo belge, 1908.
2. Décret du 08 septembre 1886 relative à l'enregistrement des terres, in Bulletin
Officiel de l'Etat indépendant du Congo,1886.
3. Décret du 31 juillet 1912 relative au domaine de la colonie, in Bulletin Officiel du
Congo belge 1912.
II. JURISPRUDENCES
1. Rapport au Roi-Souverain, in Bulletin Officiel du Congo,21ème année, nº 9 et 10 ,
septembre-octobre 1905.
2. Cassation, 2 février 1956, in J.T.O , 1956, p.53.
3. Conseil colonial, in CRA , 1920.
III. OUVRAGES
1. HEYSE, Th., Grandes lignes du régime des terres du Congo belge et Ruanda-
urundi et leurs applications ( 1940-1946), T. XV, mémoire nº 8, Bruxelles, Institut
Royal Colonial Belge, 1949.
2. SOHIER, A., Traité élémentaire de droit coutumier du Congo-belge, Bruxelles,
Larcier, 1954.
3. BOELAERT, E., L’État indépendant du Congo et les terres indigènes, T. V ,
mémoire nº8 , Bruxelles, Académie royale des sciences coloniales, 1956.
15

IV. ARTICLES ET NOTES DE COURS


1. LOUWERS, O., « Le problème des terres indigènes», in J.T.O, 1954, pp. 65 et
suiv.
2. JENTGEN, « De l'acquisition et de la transmission des droits réels immobiliers»,
in J.T.O, 1954, pp.125-141.
3. STRENMANS, A. , « De la transmission de la propriété immobilière», in A.
Sohier, Droit civil du Congo-belge, nº10 T. III, 1956, p.213et suiv.
4. MANDIAUX, E., « Le comité national du Kivu», in Zaïre, novembre 1956,
pp.927-964.
5. LAMY,E., et DECLERCK, L., «Le régime foncier et minier» , in L'ordre
juridique colonial belge en Afrique centrale, Académie royale des sciences
d’Outre-Mer, Bruxelles, Recueil d’étude, 2004, pp.253-309.
6. BALAAMO MOKELWA, J.-P., Cours d'histoire du droit congolais, UOB,G2
Droit, notes de cours, 2020-2021.

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION……………………………………………………………………………1
CHAPITRE I. LE RÉGIME FONCIER PENDANT L’ÉTAT INDÉPENDANT DU
CONGO ET LE CONGO-BELGE………………………………………….……………….2
Section 1. Pendant l’État indépendant du Congo……………………………………..
……..2
§1 Les principes de base du régime foncier pendant l’État indépendant du Congo……….
……2
§2. Critiques sur l'interprétation des terres vacantes et celles occupées par les indigènes.
…….4
Section 2. Le régime foncier du Congo-belge……………………………………….
……….5
§1. Les domaines de terres pendant le Congo-belge……………………………..
…………….6
a. La notion du domaine de la
colonie…………………………………………………….6
16

b. Les cessions et concessions des terres du domaine privé de la


colonie…………………7
c. Les domaines du comité spécial du Katanga et comité national du Kivu……………..7
§2. Les terres des indigènes……………………………………..…………………………….8
CHAPITRE II. LES DROITS RÉELS IMMOBILIERS PENDANT LA
COLONISATION…………………………………………………………………………….9
Section 1 La propriété immobilière………………………………………………………….9
§1. Pendant l’Etat indépendant du Congo…………………..…………………………………9
§2 Pendant le Congo-belge…………………………………………………………………….9
Section 2. Naissance, la transmission immobilière et l'accès des congolais à la propriété
immobilière individuelle……………………………………………………….…………....10
§1 Naissance et la transmission de la propriété foncière………………….……….……...…10
§2 La force probante du certificat d’enregistrement………………………...…...…………..11
§3 L'accès des congolais à la propriété immobilière…………………………...…………... 11
Section 3. De l'emphytéose et de la superficie foncières………….……………………….12
§1 Droit d'emphytéose………………………………………………………………………..12
§ 2 De la superficie ..................................................................................................................12
CONCLUSION……………………………………………………...………………………13
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………….14
TABLE DES MATIÈRES…..,……………………………………………………………..15

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