Franç-Maçonnerie Et Islam

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FRANÇ-MAÇONNERIE ET ISLAM

GLDF
PV de la Commission d'Histoire
26/11/2012

Commission d’Histoire Maçonnique


Compte rendu de la réunion du 26 novembre 2012
Ouverte à 18 heures sous la présidence de son Président Jean-Yves GOÉAU-BRISSONNIÈRE,
Assisté du secrétaire Richard BRUNOIS.

Les Relations Historiques entre l'Islam


et la Franc-Maçonnerie

Cette étude comparative entre l'Islam et la Franc-maçonnerie porte sur quatre points de
convergence qui peuvent rapprocher des intellectuels musulmans des idéaux maçonniques.
D’abord les structures médiévales des corporations et confréries musulmanes dont Louis
Massignon, Henri Corbin, René Guénon, Faouzi Skali ont montré les ressemblances avec les
organisations sœurs comme le compagnonnage en Europe. La philosophie mutazilite peu
connue en Occident a été très audacieuse et revient en première ligne. Le mouvement
démocratique dans le monde musulman s’est développé malgré l’autoritarisme des régimes;
le printemps arabe de 2011 en est un épigone. Enfin, la création de loges au Proche et
Moyen Orient s’est effectuée au XVIIIe siècle en même temps qu’en Europe ou en Amérique
lorsque les franc-maçonneries ottomane, égyptienne, arabe auront tissé des contacts très
approfondis avec les loges-mères anglaise, française ou italienne. C’est que, dans cette
interaction culturelle entre Proche-Orient et Europe, plusieurs mythes sont communs ; le
drame d’Hiram aurait un antécédent en Égypte, vers 1500 av .J.C. lorsqu’un architecte fut
assassiné dans des circonstances obscures, tel que relaté sur des ostracas, ou en Iran où le
meurtre de Zoroastre sera repris dans la commémoration annuelle chiite de celui de Hussein
petit fils du Prophète à Kerbela (Irak).

I- Corporations et confréries en Islam

La structure initiatique des corporations est attribuée à un héros éponyme, Salman Al Farisi,
mazdéen converti à l’islam. Devenu barbier du Prophète, il serait revenu comme
gouverneur à Mada’in (Ctesphon), en Irak où il aurait organisé les corporations de 51
métiers reconnus, qui existaient dans la culture mazdéenne et auxquelles il donnera des
bases musulmanes. Salman établit une doctrine de l’honneur artisanal, appelée « futuwwa »
dont la base reposait sur un consensus hiérarchique, un rituel initiatique et la qualité du
travail bien fait. On eut ainsi un maillage presque complet de toutes les catégories
professionnelles d’artisans reconnus, qui assuraient une formation professionnelle mais
aussi humaniste, à l’image de celle des « Compagnons du Devoir » d’Europe. Elle s’étendait
aux non-musulmans, chrétiens, juifs, mazdéens, sabéens, hindous très présents dans les
métiers d’orfèvrerie, de la décoration, ou comme médecins.
. Le calife Al Nasser (1180-1224) créera à l’intention des hauts fonctionnaires une
corporation d’honneur dont les membres prêtaient serment d’allégeance au calife lui-même
qui leur donnait le mot secret et les associait, par un système hiérarchisé qui remontait à la
tête de l’Etat, dans une assistance inter fraternelle, un échange de services, dans l’esprit de
pureté morale. Le sultan ottoman Mourad 1er (1360-1389) fera de même, établissant pour
la dynastie ottomane une tradition de compagnonnage adoptée par ses successeurs.
L’esprit corporatif s’étendit aux métiers susceptibles d’entacher la pureté des croyants tels
les crieurs publics, les maquignons, les changeurs, les cambistes, les huissiers du tribunal, les
courtiers d’esclaves, les éleveurs de pigeons, les danseurs, les baladins, les indicateurs, les
femmes, les courtisanes, les pleureuses (aux enterrements), les entremetteuses. Les
corporations furent toujours hiérarchisées et organisées ; à leur tête un Maître, qui
représentait la profession devant les autorités locales ; puis les maîtres propriétaires
d’atelier, les compagnons vêtus d’un tablier distinctif, et les apprentis. Les corporations
organisaient des défilés pour célébrer la circoncision des fils du sultan, le mariage de ses
filles, les victoires de ses troupes. Pendant plusieurs années consécutives, le débutant
(mubtadi) ne percevait aucun salaire ; mais appartenir à un corps était en soi un privilège car
cela permettait d’être reconnu capable de produire un travail de haute qualité et d’ouvrir
leur propre atelier.
L’entrée dans la corporation était solennisée : le cheikh passait un châle autour du la taille
de l’impétrant et le nouait par des torsions successives. Une coupe d’eau salée devait être
absorbée trois fois par le récipiendaire exprimant son intention de dire vrai (charia), de voir
vrai (tariqa), de devenir vrai (haqiqa). A la fin de la cérémonie d’initiation on lui remettait un
pantalon bouffon, puis une cordelière, ceinture de tablier (shadd) ou un baudrier. Puis on lui
enseignait les signes de reconnaissance et les mots de passe. Les apprentis devaient
également « voyager » en se rendant sur les tombes des Grands Maîtres de la corporation
et suivre un enseignement des symboles, relatifs aux Prophètes du Coran. Les rituels
s’accompagnaient de chants allusifs au Prophète et à ses compagnons.

Thierry Zarcone a montré que les loges ouvertes dans l’empire ottoman au XVIIIe siècle
avaient emprunté aux corporations, et aussi aux confréries, leur lexique particulier. Les
appellations des 3 premiers degrés étaient celles des corporations : « chirak » (apprenti), «
kalfa » (compagnon), « osta » (maître) ; le tablier « peshtemal » dans les ateliers opératifs ;
garda ce nom dans la maçonnerie. Chez les Bektachis, on peut trouver les mêmes réponses
dans les Instructions (turques) pour le degré d’apprent maçoni et le questionnaire de la
confrérie. L’extinction de beaucoup de métiers manuels sont venues à bout de l’esprit
corporatif qui aura duré jusque dans les années 193O. Par contre des Compagnons français
du Devoir, tailleurs de pierre, s’étant rendus à Damas en 1988, découvrirent que leurs
homologues syriens utilisaient des instruments oubliés en Europe, comme la « lombarde »,
qui servit comme signature de compagnons sur les murs des cathédrales. Le Pr. Massignon
souligna l’influence que les corporations musulmanes ont pu avoir en Europe dans le
développement des « villes franches ». Ainsi, à Paris, la corporation des bateliers fut assez
puissante pour imposer leur symbole comme armes de la ville.

Pour les confréries, c’est à Baghdâd que le Cheikh Abdelqader El Jilani (XIIe siècle) crée la
première confrérie (tariqa) qui conserve encore aujourd’hui une réelle influence. Les
membres des confréries se retrouveront dans les mosquées, particulièrement le vendredi
après-midi, ou dans des locaux, appelés « zaouïa » au Maghreb, « ribât » (« Rabat » au
Maroc) ou « khanqa » au Proche-Orient et en Asie Centrale. La confrérie des Chaziliya sera
fondée au Maroc au XIIIe siècle, celle des Mevlevis par Jalaleddine Roumi (m. 1273) à Konya,
l’Ordre des Naqchbandiyya en Asie Centrale par le Cheikh Behaeddine Naqchbandi au XVe
siècle, celui des Tijaniyya au Maroc (XVIIIe siècle). Au XIXe siècle, les Senousiyya en Libye, les
Mirghaniyya au Soudan, les Rifaïyya en Somalie seront constitués en confréries par trois
disciples d’un même cheikh marocain à la Mecque. Les « tariqas » pratiquent l’initiation
progressive à 4 degrés : mourid, mouqadem, nasib et cheikh, soumis au respect du secret.
L’initié modèle est le Prophète lui-même qui proclame : « Je ne sais pas lire ». L’épreuve
dans une caverne de la révélation des premiers versets est comparée à une initiation soufie,
car Mohamed en ressort prophète. La translation qui le conduira de Médine à Jérusalem, et
de Jérusalem au 7e ciel permet d’acquérir le plus haut grade dans la hiérarchie confrérique.
Le voyage est décrit dans Le Livre de l’Echelle de Mohamed ensemble de récits arabes
relatant l’ascension jusqu’à Dieu. Les rituels principaux des mystiques soufis sont des
litanies, des répétitions d’oraisons, de « remémorations » (dhikr) scandées pour souligner la
présence de Dieu ». Comme les yogis de l’Inde, certains disciples ont appris des techniques
respiratoires qui les conduisent dans des états de transe spectaculaires. Les initiés se voient
remettre un chapelet de 33 grains ( Qadiris), de 66 ou 99 ( Naqchbandis), basés sur la valeur
numérique du nom « Allah » qui, en lettres arabes est l’équivalent de 66. Certaines
confréries utilisent la danse ; 9 disciples représentent les planètes et tournent autour du
Maître-Soleil comme en Turquie, à Konya, les « derviches tourneurs ». Atatürk interdira les
confréries en 1924, mais elles ont repris leurs activités et beaucoup d’hommes politiques
turcs sont proches de la Confrérie Naqchbandiyya opposée aux radicaux islamistes du
nouveau régime AKP.
D’un pays à l’autre, le confrérisme prend des formes très différentes selon l’histoire et
l’évolution politique de chaque pays mais il assure, plus que l’islam officiel, une unité
certaine des croyants.

II-La Philosophie islamique ; le Mutazilisme

La découverte de la philosophie grecque dans les manuscrits traduits en syriaque puis en


arabe sous les premiers souverains abbasside conduira à la formation d’une école «
mutazilite » qui essaiera d’imposer une nouvelle exégèse coranique construite à partir d’une
grille de lecture philosophique .Ce mouvement qui se forme à Bassorah (Irak) puis à Bagdad
est encouragé par le pouvoir abbasside qui admet la supériorité du raisonnement sur les
diktats de la foi religieuse. Le philosophe Al Kindi ( m.866) l’exprime en ces termes : « Nous
ne devons pas avoir honte de la vérité et de la faire nôtre quelle qu’en soit la source ». C’est
qu’à l’époque théologiens musulmans, chrétiens et juifs argumentent en toute liberté et les
moutazilites vont ainsi s’opposer à un enseignement rigoriste et expliquant les dogmes selon
une méthode rationnelle donnant ainsi à la religion musulmane une aisance susceptible de
rivaliser avec d’autres idéologies. La doctrine mutazilite affirme deux thèses qui seront
contestées violemment une vingtaine d’années plus tard lorsque les juristes salafistes
convaincront un nouveau Calife plus faible de les interdire, la non-éternité du Coran :
comme tout ce qui est extérieur à Dieu est créé, le Coran, passant par l’audition et la
retranscription s’inscrit donc dans l’histoire de l’humanité ; hypothèse en contradiction avec
le dogme officiel du Coran incréé puisque c’est la parole de Dieu même. La 2e thèse porte
sur le libre-arbitre de l’homme créé comme être responsable et libre, alors que le dogme
stipule que tous les actes de l’homme sont accomplis par Dieu…Considérés comme porteurs
d’une dérive interprétative, les mutazilites durent s’enfuir en Asie Centrale ou au Yémen où
cette philosophie , adoptée plus tard par des chiites, s’est perpétuée malgré les risques.
Aujourd’hui le mouvement néo-mutazilite, développé en Tunisie, en Egypte, et dans les
universités occidentales reprend force et vigueur et ses adeptes sont parmi les promoteurs
intellectuels du Printemps arabe. La défense du libre-arbitre notamment les rapproche de la
maçonnerie. Les frères lillois qui baptisèrent leur loge « Averroès » et ceux parisiens,
musulmans et non musulmans qui nommèrent leur loge « Emir Abdelqader » ont voulu
souligner qu’ils croyaient réellement à un substrat spiritualiste et philosophique commun.

III Les mouvements démocratiques en Islam

Depuis les indépendances, des démocrates arabes démontent le mécanisme du faux retour
aux sources, idéalisant le régime islamique de la première époque, prétendant que sa
réintroduction dans nos sociétés modernes pallierait les problèmes socioéconomiques
contemporains. Ils nous font ainsi découvrir l’utilisation politicienne de leur religion. C’est
pourquoi, le Pr. émérite Ali Mérad souhaite redonner à l’exégèse renouvelée ou « ijtihad »
l’importance qu’elle avait au Xe siècle. Le Pr Mohamed Arkoun, récemment décédé,
argumente de même dans sa Critique de la Raison islamique (1984). L’historien marocain
Abdallah Laroui dans son Islam et Modernité montre que l’Etat islamique à l’état pur n’a
jamais existé ; en fait l’Etat sultanien abbasside a soumis la Loi à son intérêt séculier,
réservant l’appareil califal au domaine de l’utopie, comme l’avait fait Ibn Khaldoun ( XVe
siècle) : « L’expression « Etat islamique » est en fait contradictoire en elle-même ».
Mohamed Charfi qui fut ministre de l’Education en Tunisie n’hésitait pas à dire
publiquement : « L’islam de demain implique que la religion soit conjuguée aux temps de la
liberté, de l’égalité et de la démocratie avec la révision du droit musulman que cela nécessite
». Khadija Chérif, militante tunisienne des droits de l’homme, à la même époque (1995),
s’exprime ainsi dans la presse : « Pour moi, femme, nos premiers adversaires sont les
intégristes. En opposant au régime de la charia une démocratie réelle, nous rendrions
impossible la contamination islamique ». L’universitaire marocaine, Fatema Mernissi , avec
un grand courage , se moque des salafistes : « Cet intégrisme politico-religieux tourne à
l’ubuesque puisque pour les islamistes, si l’on sépare l’islam de l’Etat, plus personne ne
croirait à Allah, ce qui voudrait dire que l’islam, sans la police, n’a rien à offrir ! ». Le grand
poète syro-libanais Adonis regrattait (08/11/1995) que : « L’Islam se soit transformé dans
l’esprit de la plupart des musulmans d’aujourd’hui en chaînes et prisons. » L’espace manque
ici pour citer le combat mené dans chaque pays musulman malgré la lourde répression que
l’on a enfin pu découvrir sur les écrans télévisés cette année même.

L’image de l’islam en Europe souffre des excès antidémocratiques de ses intégristes qui
essaient à nouveau de prendre le pouvoir en 2011 en bafouant le « Printemps arabe ». Des
universitaires français comme le Pr Mohammed Ferjani se sont mis en disponibilité pour
aller soutenir le réveil démocratique de leur pays d’origine. Beaucoup de citoyens de culture
musulmane en Europe souhaitent pratiquer leur religion à titre privé et soutiennent ceux des
leurs qui mènent le combat de la démocratie et de la laïcité, qui ne sont pas l’apanage
exclusif du Nord méditerranéen mais sont aussi puisés dans le fonds culturel arabo-
musulman.
IV-Musulmans francs-maçons du XVIIIe siècle à 2011

Les débuts de l’établissement de la Franc-Maçonnerie au Proche-Orient ont bénéficié de


facteurs favorables dès le début de l’Islam. La mise en place de confréries religieuses
souvent liées à des corporations de métier a conduit les différents peuples de l’Empire
abbasside (VIIIe au XIIIe siècle), puis ottoman (XVe au XXIe siècle) à choisir l’expérience
initiatique. C’est à Smyrne , en 1738, qu’est ouverte la première loge de l’Empire ottoman
puis la Grande Loge de Londres et la Mère Loge écossaise de Marseille ouvriront des loges à
Istanbul, Salonique, puis dans les échelles du Levant. D’autre part, Arméniens et Grecs
comme les Turcs, chrétiens comme musulmans seront à égalité dans les loges ; le Sultan qui
en 1850 établira par décret l’égalité de tous les sujets sera franc-maçon. Il le paiera de sa
vie ! A la fin du XIXe siècle, le Grand Vizir Riza Tevfik , dignitaire bektachi, sera également
Grand-Maître du Grand-Orient ottoman. Une loge est créée à Alep en 1738 puis en 1760 ; Au
Liban, la première loge émanant du personnel cosmopolite de l’Université américaine , en
1873, est présidée par le Libanais Amine Beyhoum. En Egypte, une première loge était
apparue à Alexandrie en 1748 puis Bonaparte introduisit les loges militaires qui initièrent
des chrétiens, des juifs et des mamelouks musulmans. Plus tard la loge alexandrine Les
Pyramides procéda à l’initiation de l’Emir algérien Abdelqader, en 1864, pour remercier cet
important dignitaire de la Confrérie Qadiriyya d’avoir sauvé avec 200 de ses compatriotes
plusieurs milliers de chrétiens du massacre effectué à Damas en 1860 par les Turcs et la
population locale. En Iran, dès le premier quart du XIXe siècle, des intellectuels , conduits par
Mirza Malcom Khan créent des loges qui ne seront fermées qu’en 1979 par le régime
mollahcratique. Lorsque Jamaleddine El Afghani, réformateur musulman iranien, initié dans
une loge stambouliote se rendra en 1882 à Paris et à Londres, des appuis maçonniques lui
feront rapidement rencontrer des universitaires, des savants et des hommes
politiques .Comme en Egypte, les premières loges algériennes seront militaires ( Bugeaud,
Cavaignac, Pélissier, Chanzy, Lamoricière) puis encadrées par des musulmans, le Saint-
Simonien Ismaïl Urbain ou le Général Yusuf. La Tunisie plus cosmopolite aura eu, dès 1773
une loge livournaise ; en 1885, le Grand-Orient allumera les feux de la célèbre « Nouvelle
Carthage » qui, depuis une quinzaine d’années, soutient un triangle tunisois.

Aujourd’hui même, les frères (et sœurs) peuvent se réunir à Beyrouth, à Amman et à Rabat.
Au Caire les maçons se retrouvent discrètement sous le couvert du Rotary ; les frères
algériens ou d’autres pays arabes ne peuvent assister à des tenues qu’en France ou dans le
reste de l’Europe. C’est pourquoi les maçons européens libres doivent apporter toute leur
aide pour soutenir leurs homologues moins favorisés et qui risquent beaucoup s’ils étaient
découverts .C’est que les Saoudiens ont traduit en arabe dans les années 1970 le pamphlet
anti-maçonnique de Léo Taxil et le diffusent largement dans la presse quotidienne populaire.
En Orient, longtemps, les artisans adhérèrent à des ordres soufis. Aujourd’hui, toutes les
classes sociales se retrouvent dans des confréries. De même des membres de confréries
adhèrent à des loges maçonniques, n’y voyant aucune contradiction.

Qu’on se rende bien compte, le citoyen du sud ou de l’est de la Méditerranée qui souhaite
entrer en maçonnerie y sera poussé par sa propre culture basée sur la recherche initiatique
et de ce fait sera en butte aux attaques des islamistes qui n’admettent ni le libre-arbitre ni le
refus de l’endoctrinement dogmatique. Est-il si différent de son homologue du Nord qui,
pendant des siècles, aura subi les mêmes contraintes ? D’ailleurs, à Annonay, en 1788, le
musulman, qui rejoignit la loge locale, s’était déjà rendu compte que sa pratique du culte
n’était pas incompatible avec l’adoption d’un rituel maçonnique.

Une très riche discussion s'est alors instaurée ; et a permis d'apporter quelques informations
complémentaires :
-. Pour les salafistes (sunnites) tout est dans le Coran (et ses interprétations) dans la mesure
où il donne aux hommes des ordres divins qui doivent être respecté d'une manière stricte et
totale. Par la même, ils prônent le fondamentalisme et l'immobilisme ; ils utilisent les écrits
saints pour condamner et châtier.
-. .Par contre, les chiites considèrent que l'Homme a été créé pour faire évoluer l'humanité,
créé Khalif il doit protéger et respecter la nature, la faune et la flore et tous les êtres d'où un
rapprochement avec la Franc-maçonnerie
-. Il n'est donc pas étonnant de constater que les chiites tolèrent généralement la franc-
maçonnerie alors que les sunnites sont anti-maçonniques. En effet, les chiites sont prés de la
pensée ésotériques alors que les sunnites sont plus matérialistes. C'est ainsi que de très
nombreux hauts fonctionnaires du Liban,de Syrie, d'Irak, du Maroc, de Tunisie, Égypte et de
Jordanie
sont franc-maçons considérant que l'Islam est compatible avec notre pensée
-. El Afrani « l'Afgan »a quitté l'Iran en 1870 pour se rendre en Égypte où la Franc-
maçonnerie était acceptée de par l'importante ouverture d'esprit des dirigeants de l'Empire
Ottoman. Il voyage en Europe (France et grande Bretagne) et se crée de très nombreuses
relations avec le monde politique et franc-maçon(Auguste Renan entre autres) Initié à
Alexandrie par l’Émir Abdel Khader , il devient Vénérable Maître de la Loge « La
constellation »
-. La franc-maçonnerie orientale n'a pas besoin de l'apport de la franc-maçonnerie
occidentale pour s'identifier dans sa recherche de spiritualité. Au Liban, seuls les franc-
maçons se rencontrent dans un esprit de fraternité, hors de tout préjugé,et s'estiment
malgré leur divergence religieuse : ils retrouvent une unité de pensée qui dépasse les
clivages politiques, religieux et ethniques

Christian LOCHON, membre de l’Académie des Sciences d’Outre-mer

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