Absenteisme Eleves Soumis Obligation Scolaire
Absenteisme Eleves Soumis Obligation Scolaire
Absenteisme Eleves Soumis Obligation Scolaire
Sophie Cristofoli
MENESR-DEPP, bureau des études sur les établissements et l’éducation prioritaire.
E
n France, la loi du 28 mars 1882 (loi Ferry) a introduit la notion d’obligation scolaire et,
avec elle, l’absentéisme, induit par des manquements abusifs ou répétés à ladite obli-
gation scolaire. L’absentéisme peut ainsi apparaître comme un problème en tant que
tel, comme un dysfonctionnement dans l’institution scolaire. L’élève absentéiste commettant
une infraction aux règles de l’école, cette approche peut conduire à proposer des sanctions,
comme à une certaine époque, la suppression des allocations familiales ↘ Encadré p. 102.
Ce refus des règles par l’élève absentéiste explique aussi qu’il soit parfois vu comme un
délinquant potentiel [Blaya, 2003].
Or, la plupart des études sur les élèves absentéistes montrent que les absences répétées à l’école
sont souvent le symptôme ou l’élément précurseur de bien des difficultés concernant l’élève ab-
sentéiste lui-même, plutôt que le fonctionnement régulier de l’institution [Costa-Lascoux, 2002].
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ÉDUCATION & FORMATIONS N° 88-89 DÉCEMBRE 2015
L’absentéisme scolaire est ainsi reconnu comme allant souvent de pair avec d’autres troubles et
conduites à risque. Il peut être l’expression d’un échec ou d’un désinvestissement scolaire, mais
aussi de difficultés personnelles, relationnelles et sociales [Choquet et Hassler, 1997].
Ainsi, l’absentéisme peut être relié à deux problèmes de plus grande ampleur : la déscola-
risation et le décrochage. La déscolarisation constitue d’une certaine façon le stade ultime
de l’absentéisme, quand le jeune âgé de moins de 16 ans n’est plus un élève, car il a cessé
complètement de fréquenter l’institution scolaire. Même marginale, il s’agit d’une situation
particulièrement préoccupante, ce qui a justifié un appel à projets de recherche en 1999, que
la DEPP 1 a coordonné avec d’autres institutions 2. Cependant, l’absentéisme ne conduit pas
1. On conviendra, par commodité, d'utiliser le sigle DEPP, pour dénommer l'ensemble des services et directions
qui ont précédé l'actuelle direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance avec des missions
d'évaluation (notamment la DPD).
2. Appel à projets « les processus de déscolarisation » commandité par le ministère de l'Éducation nationale,
de la recherche et de la technologie, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la Justice,
le Fond d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, et la délégation interministérielle
à la Ville et au développement social urbain.
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L’ABSENTÉISME DES ÉLÈVES SOUMIS À L’OBLIGATION SCOLAIRE
LA MESURE DE L’ABSENTÉISME
Indépendamment de ces liens complexes avec la déscolarisation et le décrochage, l’absen-
téisme est un phénomène difficile à définir et à mesurer. Il convient tout d’abord de dési-
gner les absences que l’on va retenir dans le repérage des élèves absentéistes. En effet, pour
aboutir à une mesure bien standardisée, il faut définir une période d’observation et une fré-
quence pour les absences. Les résultats obtenus risquent d’être très sensibles à ces deux
paramètres. Pour obtenir un indicateur représentatif, la période d’observation doit être assez
longue, mais si elle l’est trop, une partie des absences risque d’être oubliée. La place dans
l’année scolaire est aussi importante : l’absentéisme tend à croître au fil de l’année scolaire ;
assez logiquement, il est plus faible dans une période qui comporte des vacances scolaires.
Définir un seuil d’absence est aussi un exercice délicat et il paraît utile d’en retenir au moins
deux. Dans le cadre des enquêtes administratives, il est souvent fait référence au seuil régle-
mentaire de quatre demi-journées d’absence par mois pour repérer l’absentéisme, mais un
seuil à dix demi-journées est aussi utilisé pour définir l’« absentéisme lourd ». La fréquence
de collecte des données est mensuelle, alors que pour les enquêtes ponctuelles, comme
celles qui interrogent directement les élèves, le recueil a lieu une seule fois dans l’année.
Ensuite, la plus grande part des absences des élèves sont justifiées, notamment par des
problèmes de santé : en 2013-2014, les élèves du second degré public ont perdu en moyenne
5 % de leur temps d’enseignement du fait de leurs absences, et ce taux tombe à 1,2 % si
l’on se limite aux absences non justifiées [Cristofoli, 2015]. La « justification » des absences
est aussi une question délicate. Si nombre d’absences ne sont pas régularisées (c’est-à-dire
sans motif d’excuse), d’autres le sont avec un motif qui semble illégitime aux responsables de
l’établissement, et seront donc aussi considérées comme « non justifiées ».
En termes de collecte de données et d’observations, deux points de vue sont envisageables
pour étudier l’absentéisme : l’un se fondera sur le repérage administratif des établissements,
l’autre interrogera directement les élèves, pour leur demander la fréquence de leurs ab-
sences. La première approche recueillera généralement des données globales par établis-
sement (même si une récupération de données individuelles anonymes est théoriquement
possible), la seconde permettra de collecter des données sur les caractéristiques des élèves
et leur rapport à l’école.
Par ailleurs, la question de la justification des absences que nous avons évoquée est alors
une raison de divergence non négligeable. Les élèves peuvent considérer que leurs absences
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ont été justifiées, alors que les responsables de l’établissement ne sont pas de cet avis. On ne
peut exclure que ces derniers ne soient pas au fait de toutes les absences dans leur établis-
sement ou qu’ils ne les rapportent pas systématiquement. Malgré les garanties d’anonymat,
la parfaite sincérité des élèves ne peut pas non plus être assurée.
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L’ABSENTÉISME DES ÉLÈVES SOUMIS À L’OBLIGATION SCOLAIRE
3. Rappelons que la mise en place de l’obligation scolaire par la loi Ferry, plus particulièrement en ce qui concerne
la scolarisation des filles et des enfants des campagnes, s’est heurtée aux réticences des parents, qui préféraient
les voir participer aux tâches ménagères ou travailler dans les champs (dossier réalisé à partir des fonds d'archives
des services de la bibliothèque et des Archives : www.senat.fr/evenement/archives/D42).
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ÉDUCATION & FORMATIONS N° 88-89 DÉCEMBRE 2015
Le groupe de travail interministériel mis en place le 1er octobre 2002 et piloté par Machard,
chargé de faire un état des lieux du phénomène, a constaté l’hétérogénéité des éléments
chiffrés, les données quantitatives issues de différentes sources ne s’appuyant pas sur des
critères d’absentéisme homogènes, pas plus que sur une périodicité régulière de recueil. Le
rapport Machard [2003] a ainsi mis en évidence la nécessité de disposer d’un instrument de
mesure pertinent, fiable et pérenne de l’absentéisme scolaire.
Depuis la rentrée 2003, grâce à l’enquête nationale menée chaque année par la DEPP, nous
disposons d’une mesure mensuelle de l’absentéisme au niveau des établissements du se-
cond degré 4. Outre l’intérêt d’une comparaison dans le temps de l’absentéisme, cette enquête
permet de relier ce phénomène aux caractéristiques des établissements : ainsi, dans les ly-
cées professionnels, le taux d’absentéisme est sensiblement supérieur à celui des collèges et
des lycées d’enseignement général et technologique [Cristofoli, 2015].
En revanche, cette enquête ne permet pas d’appréhender les caractéristiques individuelles
des élèves absentéistes. Cette approche peut être envisagée, grâce à deux enquêtes conduites
par la DEPP : l’enquête nationale de victimation en milieu scolaire de 2013, et l’enquête PISA
(Programme international de suivi des acquis des élèves) menée avec l’OCDE en 2012. Ces
enquêtes comportent à la fois des questions sur la fréquence des absences et un ensemble
d’informations très riches sur les élèves, en particulier leur milieu familial (surtout dans
PISA), mais aussi des questions sur leur vision du climat scolaire dans l’établissement.
Les deux enquêtes ont été sollicitées, car elles ont chacune des atouts et des faiblesses 5.
L’enquête PISA 2012 donne une image particulièrement riche des caractéristiques sociales
pouvant influer sur l’absentéisme. Les mesures des compétences en lecture et en mathéma-
tiques, objectif principal de cette enquête, peuvent aussi être utilisées. Cependant, du fait de
son champ et de son mode de passation (4 515 élèves âgés de 15 ans révolus, interrogés au
mois de mai), l’enquête PISA présente des limites pour l’étude de l’absentéisme. La distinc-
tion entre le facteur « âge » (les élèves « en retard » ont-ils un comportement particulier ?)
et « niveau » (les élèves en lycée diffèrent-ils des élèves au collège) ne peut pas être mise
en évidence : d’un côté, on trouve des élèves en retard au collège, de l’autre des élèves « à
l’heure » au lycée. La mesure de l’absentéisme peut aussi être interrogée : l’absentéisme
identifié par l’enquête PISA risque de concerner un grand nombre d’élèves car il repose sur
les seules absences du mois de mai, mois où le phénomène d’absentéisme connaît un essor
attendu, du fait de l’approche de la fin de l’année scolaire, cumulée à l’arrivée des beaux jours,
ainsi que de la présence de nombreux jours fériés grevant les semaines de cours et favorisant
les « ponts »…
La mesure de l’absentéisme dans l’enquête nationale de victimation et de climat scolaire est
plus adaptée : elle se fonde sur l’ensemble de la période allant de la rentrée jusqu’à la date
de collecte (fin mars, début avril). Par ailleurs, elle est menée uniquement sur des élèves de
collège (16 415 élèves répondants). Elle ne renseigne donc pas le phénomène dans le second
4. Cette enquête est menée directement auprès d’un échantillon de 1 000 établissements du second degré public,
et est complétée par une enquête auprès des DA-SEN, uniquement sur la question des élèves signalés au DA-SEN
pour absentéisme, sur le champ des premier et second degrés des secteurs public et privé.
5. Par ailleurs, dans les deux enquêtes, ce sont des données déclaratives et il est possible qu’un biais de désirabilité
(tendance de l’enquêté à répondre ce qu’il pense qu’on attend de lui) ne soit pas à exclure. Cependant, le nombre
de déclarations d’absence est, on va le voir, non négligeable et, en particulier grâce à la confidentialité bien affirmée
des données, les élèves n’hésitent pas à faire part d’opinions négatives quand ils en ont.
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L’ABSENTÉISME DES ÉLÈVES SOUMIS À L’OBLIGATION SCOLAIRE
cycle (l’enquête qui a été menée en 2015 dans les lycées, en cours de traitement, permettra
de corriger ce problème). Cependant, elle donne une vision plus précise des différences selon
le retard scolaire et selon la classe fréquentée. En revanche, la description du milieu familial
dans cette enquête est extrêmement pauvre.
Les deux enquêtes ont par ailleurs en commun d’interroger les élèves sur l’opinion qu’ils ont
de l’école, en distinguant différentes dimensions (l’ambiance générale, les relations avec les
pairs, celles avec les enseignants, etc.), l’enquête de victimation et de climat scolaire ayant la
particularité d’interroger aussi sur les violences subies par l’élève.
Rappelons que ces deux enquêtes ciblent des populations du second degré, assez jeunes :
des collégiens pour l’enquête de victimation ; des élèves de 15 ans, au mieux en seconde,
pour PISA.
6. Le questionnaire interroge également les élèves sur le fait d’arriver en retard en cours. Cette question n'a pas
été exploitée ici.
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L’ABSENTÉISME DES ÉLÈVES SOUMIS À L’OBLIGATION SCOLAIRE
Jamais Au moins
Effectifs 1 ou 2 fois 3 fois ou +
absent 1 fois
de livres utiles au travail scolaire, cette différence passe à 12,7 points (seuls 13,5 % des élèves
interrogés ne disposent pas de ce type de livres). Plus globalement, le nombre de livres pré-
sents à la maison semble jouer beaucoup sur la propension à une attitude absentéiste, l’écart
entre ceux possédant moins de 25 livres chez eux et les autres est de 6,3 points ; il monte
même à 8,7 points pour ceux ayant plus de 200 livres, avec des effectifs assez conséquents
dans chaque catégorie.
Un indicateur de possession domestique de ressources éducatives (Homed) a été créé pour
PISA 2012 en combinant certains critères décrivant l'environnement matériel des élèves 7. Plus
l’indice de possession de ressources éducatives est élevé, moins il y a d’absentéisme : la pro-
portion d’élèves absentéistes est inférieure à 5 % quand l’indice est très élevé (comme pour
l’indice fondé sur la profession, nous avons classé la population en quatre groupes égaux par
valeur croissante de l’indice) contre plus de 20 % quand l’indice est très bas.
Ces premiers résultats ne suffisent toutefois pas à caractériser un profil d’absentéisme. Les
liens entre certaines variables comme le niveau de scolarité des parents, leur statut d’acti-
vité et leur profession sont avérés. Comment savoir quelles variables sont plus prépondé-
rantes que d’autres ? De la même façon, les variables de possession ne sont-elles pas liées à
d’autres variables telles que le milieu social ?
7. La possession d’un bureau pour étudier dessus, d’un endroit calme pour travailler, d’un ordinateur pouvant
être utilisé pour le travail scolaire, de logiciels éducatifs, de livres utiles au travail scolaire, d’ouvrages techniques
et d’un dictionnaire.
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Absent
Jamais Au moins
Effectifs 1 ou 2 fois 3 fois ou +
absent 1 fois
Un modèle (logit) reliant globalement l’absentéisme avec des variables du milieu social et
familial a donc été construit. Il permet d’identifier certaines variables qui différencient les
élèves absentéistes des autres, et d’avoir ainsi une idée des rôles respectifs joués par diffé-
rents facteurs dans la tendance à l’absentéisme. Il mesure les risques qu’un élève, compte
tenu de ses caractéristiques et de son environnement, soit absentéiste.
Le modèle retenu confirme les liens précédemment constatés entre un comportement ab-
sentéiste et la possession de livres, la situation familiale, ainsi que l’origine géographique des
parents ↘ Tableau 3.
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L’ABSENTÉISME DES ÉLÈVES SOUMIS À L’OBLIGATION SCOLAIRE
Le paramètre associé au nombre de livres utiles à la maison est le plus important et joue
de façon négative. Donc, « toutes choses égales par ailleurs », les enfants entourés par
beaucoup de livres chez eux se distinguent comme moins absentéistes. La possession de
livres de littérature classique ou de matériel éducatif (logiciels, ouvrages scolaires) chez
soi jouerait aussi de façon importante. La prise en compte de ces variables dans le modèle
logistique annihile presque complètement les poids du sexe, de la profession de la mère et de
la profession du père (les coefficients n’étant plus statistiquement significatifs). Il faut préciser
aussi que 83 % des élèves très favorisés déclarent posséder des livres de littérature classique
contre 53 % des élèves issus d’un milieu défavorisé. Par ailleurs, 70 % des filles déclarent
avoir des livres de littérature à la maison contre 59 % des garçons. Est-ce le signe que les
parents ayant une fille ont plus tendance à faire des investissements de ce type, que les filles
le demandent davantage, ou qu’elles le repèrent et le déclarent plus que les garçons ? Il est
difficile de trancher la question avec ces données, aussi avons-nous choisi, pour les variables
liées à la possession de ressources éducatives, de nous limiter à la variable « nombre de livres
à la maison », variable régulièrement utilisée comme mesure de l’environnement culturel et
matériel [Ben Ali et Vourc’h, 2015].
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ressentis et leurs sentiments, que nous avons choisies de nommer « variables de bien-être »,
que l’on peut distinguer en trois catégories : 1. bien-être à l’école (comment ils se sentent dans
leur école, y compris avec leurs enseignants) ; 2. utilité de l’école ; 3. relations avec les pairs.
Lorsqu’on ne se sent pas bien dans son école, on est sans doute plus facilement enclin à
« sécher » : jusqu’à 11 points d’écart entre les deux positions extrêmes (18 % d’absentéistes
quand les élèves ne sont pas du tout d’accord avec le fait de se sentir bien à l’école contre 7 %
pour ceux qui sont tout à fait d’accord) ↘ Tableau 4. Par ailleurs, le tiers des élèves considérant
que la plupart des professeurs ne les traitent pas avec justice, sont plus absentéistes que les
autres (12,8 % contre 7,8 % d'entre eux).
Les élèves qui considèrent l’école comme une perte de temps n’hésitent pas à sécher bien
plus souvent que les autres : ils ne représentent que 10 % des élèves, mais 22 % d’entre
eux sont absentéistes, contre 10 % pour ceux qui ne sont pas d’accord avec cette affirmation
et 4 % pour ceux qui ne sont pas du tout d’accord. Une attitude plus défaitiste vis-à-vis de
l’école (« Que j’étudie ou non pour mes contrôles, je n’ai pas de bons résultats à l’école ») ou des
↘ Tableau 4 Lien entre absentéisme et bien-être des élèves
Absent
Au
Jamais 1 ou 2 3 fois
Effectifs moins
absent fois ou +
1 fois
Que j’étudie ou non pour D’accord et tout à fait d'accord 766 84,7 15,3 10,5 4,8
mes contrôles, je n’ai
pas de bons résultats
à l’école Pas d’accord et pas du tout d'accord 2 175 92,9 7,1 5,9 1,2
Des obligations familiales D’accord et tout à fait d'accord 865 87,0 13,0 9,7 3,3
ou autres m’empêchent
de consacrer beaucoup
de temps à l’école Pas d’accord et pas du tout d'accord 2 076 92,2 7,8 6,2 1,7
Note : pour pouvoir travailler sur des effectifs satisfaisants, certaines modalités ont été regroupées.
Champ : France métropolitaine + DOM (sauf La Réunion), élèves de 15 ans.
Source : OCDE, PISA 2012.
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Absent
Jamais Au moins
Effectifs 1 ou 2 fois 3 fois ou +
absent 1 fois
Performances faibles 1 128 82,4 17,6 12,1 5,5
Performances assez faibles 1 129 90,3 9,7 8,1 1,7
Lecture
Performances assez bonnes 1 128 94,5 5,5 4,7 0,8
Performances bonnes 1 130 95,7 4,3 4,1 0,3
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très peu nombreux, se situent à plus de quatre « fois » (sans indication de durée) depuis le dé-
but de l’année scolaire. Or, repérer les collégiens qui indiquent « seulement » une ou deux fois
paraît intéressant, même si cela ne relève pas à proprement parler de l’absentéisme « légal ».
Dans cette étude, par souci de commodité, on qualifiera donc d’« absentéistes » tous les col-
légiens qui ont déclaré avoir été absents au moins une fois (« De manière plus générale, t’es-tu
déjà absenté sans que tu y sois autorisé ? »), bien que cela soit une interprétation très élargie
du phénomène. De même que dans l’enquête PISA, nous avons confronté nos résultats à ceux
obtenus en considérant un seuil plus élevé de mesure de l’absentéisme (absent quatre fois ou
plus) et les variables discriminantes restent identiques.
Absent
Au moins 1
Effectifs 1 ou 2 fois 3 ou 4 fois 4 fois ou +
fois
Fille 8 215 13,3 10,4 0,9 2,0
Sexe
Garçon 8 170 18,7 13,5 2,0 3,2
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L’ABSENTÉISME DES ÉLÈVES SOUMIS À L’OBLIGATION SCOLAIRE
Constante – 1,05***
Sexe de l’élève Paramètre estimé
Garçon réf. Retard scolaire de l’élève
Fille – 0,42*** Non réf.
Classe de l’élève Oui 0,73***
Sixième – 1,34*** Contexte du collège
Cinquième – 0,80*** Urbain hors Éclair réf.
Quatrième – 0,37*** Rural hors Éclair – 0,48***
Troisième réf. Éclair 0,57***
8. Cette dégradation des comportements peut par ailleurs être mise en parallèle avec une dégradation de la vision
des élèves sur l’absentéisme en tant que problème. Même si les données disponibles sont un peu anciennes : en 1994,
à l’entrée en sixième, 91 % des élèves jugent « jamais acceptable » de « sécher un cours ennuyeux » [Fabre-Cornali
et Stéfanou, 1996a] ; ils ne sont plus que 63 % en mai 1995 en troisième [Fabre-Cornali et Stéfanou, 1996b].
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Absent
Au moins
Effectifs 1 ou 2 fois 3 ou 4 fois 4 fois ou +
1 fois
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L’ABSENTÉISME DES ÉLÈVES SOUMIS À L’OBLIGATION SCOLAIRE
« climat pédagogique » (apprend-on bien dans le collège ?) favorise encore plus nettement
l’assiduité scolaire : 9 % des collégiens qui répondent « tout à fait bien » sont absentéistes
contre 50 % pour ceux qui disent « pas du tout bien ». Quant aux relations avec les profes-
seurs, il y a un bond de 41 points dans l’absentéisme entre ceux qui les jugent très bonnes
(8 %) et ceux qui les jugent très mauvaises (49 %). L’écart est un peu moins important en ce
qui concerne les relations avec les autres personnels.
Les écarts sont sensiblement moins importants quand on étudie l’opinion des élèves à un
niveau moins général. Ainsi, 15 points en termes de taux d’absentéisme séparent ceux qui ont
une très mauvaise opinion de l’ambiance dans la classe (30 %) et ceux qui ont une très bonne
opinion (15 %) ; l’écart était — on l’a vu — de 27 points quand on s’intéressait à l’ambiance
dans le collège.
Mais ce sont surtout les questions relatives aux relations entre élèves, qui nuancent le lien
entre absentéisme et vision dégradée du climat scolaire. Certes, 28 % des collégiens qui ne
trouvent pas du tout l’ambiance bonne entre élèves et 33 % de ceux qui déclarent n’avoir
pas du tout d’amis dans le collège sont absentéistes, mais ils sont très peu nombreux, et la
relation pour les autres réponses est moins claire. 19 % des collégiens qui trouvent que l’am-
biance est « tout à fait bien » entre élèves sont absentéiste contre 15 % pour « plutôt bien » et
17 % pour « pas très bien ». De même, ceux qui déclarent avoir beaucoup d’amis sont 17 % à
être absentéistes, à peu près au même niveau que ceux qui déclarent ne pas en avoir beau-
coup (16 %). On retrouve ici le phénomène entrevu dans l’enquête PISA : le profil de l’élève
qu’on pourrait qualifier de « cool » (« tout à fait bien » dans sa relation avec les autres élèves
et avec beaucoup de copains) peut aller de pair avec une assiduité moins soutenue.
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Absent
Au moins
Absent par peur Effectifs 1 ou 2 fois 3 ou 4 fois 4 fois ou +
1 fois
Jamais 15 398 15,3 11,5 1,5 2,3
1 ou 2 fois 823 24,6 18,0 2,3 4,3
3 ou 4 fois 71 38,7 19,3 11,8 7,6
+ de 4 fois 101 56,0 20,6 1,7 33,7
Indice victimation
Absence de victimation 8 275 12,2 9,5 0,9 1,8
Faible victimation 5 180 18,5 13,5 1,9 3,1
Multivictimation modérée 1 823 20,7 15,4 1,8 3,5
Forte multivictimation - harcèlement 1 137 25,3 16,7 3,1 5,5
recensés dans l’enquête [Hubert, 2013] : avoir reçu un surnom méchant souvent ou plutôt
souvent, avoir été moqué pour sa bonne conduite souvent ou plutôt souvent ; avoir été mis à
l’écart souvent ou plutôt souvent ; avoir été insulté au moins trois fois ; avoir été humilié ; avoir
été bousculé au moins deux fois ; avoir été frappé au moins deux fois ; avoir été la cible d’un
lancer d’objet au moins deux fois ; avoir été pris dans une bagarre collective.
Plus l’indice de victimation est élevé (multivictimation modérée ou forte), plus les enfants
sont absentéistes : plus d’un quart sont absentéistes lorsque l’indice de victimation est maxi-
mum (forte multivictimation, harcèlement). Cela confirme la relation entre l’absentéisme et
la violence déjà constatée précédemment dans le croisement entre l’absence non autorisée
et l’absence par peur de la violence.
Encore une fois, ces variables, de climat scolaire et de violence, peuvent être corrélées.
Nous avons donc construit un modèle logistique reliant l’absentéisme avec ces données
pour tester la significativité des écarts ↘ Tableau 10. Il faut spécifier ici que les variables
de bien-être sélectionnées ne présentent pas de problème de multi-colinéarité et que leurs
coefficients restent significatifs quelles que soient les combinaisons réalisées (suppression
de l’une ou plusieurs d’entre elles) dans le modèle. Ce modèle confirme tous les résultats
observés précédemment grâce aux tris croisés. Ainsi, nous pouvons constater de façon très
significative qu’avoir de mauvaises relations avec les professeurs, ou ressentir beaucoup
d’agressivité dans les relations entre professeurs et élèves, est extrêmement lié avec le
fait d’être absentéiste. Par ailleurs, ce modèle confirme le lien entre une attitude « cool »
(ambiance entre les élèves « tout à fait bien » et beaucoup de copains dans le collège) et un
comportement absentéiste.
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Paramètre estimé
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