Chirurgie Maxillo-Faciale

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LE SQUELETTE FACIAL

Il est composé de trois étages : l'étage inférieur mobile constitué par l'os
mandibulaire, l'étage moyen étendu de l'arcade dentaire supérieure à la région
orbitaire, et l'étage supérieur, avec le bandeau frontal, zone frontière avec la voûte du
crâne en haut et l'étage antérieur de la base du crâne en arrière.

L'os mandibulaire est un os bicortical formé d'un ramus ou branche montante et d'un
corpus ou branche horizontale portant l'arcade alvéolo-dentaire. Le ramus est
prolongé en haut et en avant par le coroné et en haut et en arrière par le condyle qui
forme avec la cavité articulaire temporale l'articulation temporo-mandibulaire. Le
pédicule alvéolaire inférieur pénètre à la face interne du ramus et traverse un canal
intra-osseux qui sort sur la face externe du corpus entre les apex des deux pré-
molaires.

L'étage moyen a une structure particulière faite de piliers (canins et molaires) qui
séparent des cloisons d'os cortical très mince, délimitant plusieurs cavités :

 - les fosses nasales séparées par une cloison ostéo-cartilagineuse (septum,


ethmoïde, vomer) et portant sur leur face latérale les cornets

- les cavités orbitaires

- les cavités sinusiennes maxillaires et ethmoïdales

Le massif facial est solidarisé à la base du crâne par l'os frontal en avant et par les
processus ptérygoïdiens issus du sphénoïde en arrière. La lame criblée de l'os
ethmoïde est une zone fragile qui sera facilement écrasée par le butoir frontal contre
le corps du sphénoïde.

La région alvéolo-dentaire est constituée par la denture fixée sur l'os alvéolaire qui
naît, vit et meurt avec les dents. Lactéale jusqu'à 6 ans (2 incisives, 1 canine, 2
molaires de lait), la denture devient définitive à partir de 6 ans (2ème dentition).
Chaque dent est désignée par un nombre de 2 chiffres dont l'unité est le numéro de la
dent sur l'arcade et dont la dizaine est le numéro de l'arcade (arcade supérieure
droite : 1, arcade supérieure gauche 2, arcade inférieure gauche : 3, arcade inférieure
droite : 4 ; par exemple la canine supérieure droite est la dent n°13, la dent de sagesse
inférieure gauche la dent n°38).

La deuxième dentition commence par les 4 premières molaires ou "dents de 6 ans"


(16, 26, 36, 46), se poursuit par les incisives, les pré-molaires et les canines pour se
terminer à 12 ans par les deuxièmes molaires (17, 27, 37, 47). Les dents de sagesse ont
une évolution inconstante et plus tardive.

La musculature faciale se répartit schématiquement en 3 groupes :


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 - les muscles peauciers superficiels qui ont une insertion cutanée : ils
participent à la mimique faciale sont inervés par le nerf facial (VII)

- les muscles masticateurs sont inervés par le nerf mandibulaire (branche du


trijumeau : V). Ils sont essentiellement élévateurs (masseter, temporal, ptérygoïdien
médial). Le ptérygoïdien latéral permet la propulsion du condyle mandibulaire et
joue de ce fait un rôle capital dans la physiologie de l'A.T.M.

- les muscles de la langue et du plancher buccal qui sont inervés par le nerf
hypoglosse (XII)

 LES VAISSEAUX

La vascularisation artérielle dépend de la carotide externe par ses branches linguales,


faciales et maxillaires.

Le réseau veineux est très riche et rejoint les drainages superficiels (jugulaires,
externes, veines faciales, jugulaires antérieures) et le réseau profond (jugulaire
interne).

Les lymphatiques forment une chaîne horizontale, spinale haute, parotidienne basse,
sous-mandibulaire, sous-mentale. Le relais essentiel est le groupe sous-digastrique
de Küttner, de là, le drainage se fait essentiellement le long de l'axe jugulo-carotidien
et plus accessoirement en arrière le long du nerf spinal.

 LES NERFS

Tous les nerfs crâniens se distribuent au niveau de la face et du cou :

- soit en nerfs sensoriels purs (I : olfactif, II : optique, VIII : acoustique)

- soit en nerfs moteurs purs : nerfs oculo-moteurs (III, IV, VI), nerf moteur de la
langue (XII), nerf moteur à destinée cervicale (XI : nerf accessoire ou spinal)

- soit en nerfs mixtes qui ont une fonction complexe à la fois sensitive, motrice et
sécrétoire :

- le nerf trijumeau (V) divisé en 3 branches : ophtalmique, maxillaire et mandibulaire


responsable de la sensibilité cutanée et muqueuse de la face, de la fonction motrice
masticatrice, d'une partie de la fonction sécrétoire salivaire et d'une partie de la
fonction sensorielle gustative

- le nerf facial (VII) responsable de la fonction motrice des muscles peauciers , qui a
une petite zone sensitive au niveau du conduit auditif externe (zone de Ramsay-
Hunt) et qui a une fonction sécrétoire et sensorielle gustative par l'intermédiaire du
nerf VII bis
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- le glosso-pharyngé (IX) se distribue au pharynx pour ses fonctions sensitivo-


motrices

- le nerf vague (X) a une destinée essentiellement cervicale et thoraco-abdominale


(rappel : innervation laryngée par les nerfs récurrents).

 LES GLANDES SALIVAIRES

Elles se répartissent en glandes principales : sous mandibulaire, sub-linguale et


parotide et en glandes accessoires qui tapissent l'ensemble de la muqueuse buccale.

La sécrétion est séreuse (parotide) ou séro-muqueuse.

 LA CAVITE ORALE

Elle est étendue de l'orifice labial à l'oropharynx, limitée en arrière par le voile du
palais, les piliers de l'amygdale et le V lingual.

Le plancher buccal correspond au croissant muqueux situé entre la langue mobile et


la gencive mandibulaire. Le trigone rétro-molaire ou commissure inter-maxillaire est
le triangle muqueux situé en arrière des deuxièmes molaires et en avant du pilier
antérieur de l'amygdale, sous-tendu par le ligament ptérygo-mandibulaire. Les
vestibules séparent la gencive attachée des lèvres supérieure et inférieure.

La muqueuse est de type malpighienne, non kératinisée comme dans l'ensemble des
voies aéro-digestives supérieures (en dehors des fosses nasales et des cavités
sinusiennes).

RADIODIAGNOSTIC EN STOMATOLOGIE

METHODES INTRA-BUCCALES

Réalisables au cabinet de consultation, elles sont :

- rétro-alvéolaires : bonne lisibilité d'une ou de deux dents

- occlusales (mordu) montrant un segment d'arcade ou visualisant un corps radio-


opaque au niveau du plancher buccal (lithiase du canal de Warton par exemple)

METHODES EXTRA-BUCCALES CONVENTIONNELLES


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- la radiographie panoramique (ou orthopantomographie) est l'incidence de base.


Elle visualise l'ensemble des arcades (en dehors d'un léger flou symphysaire) et
montre bien les deux articulations temporo-mandibulaires. Sa réalisation nécessite
un patient en position assise et une immobilité de plusieurs secondes.

- les maxillaires défilés sont réalisés en cas d'impossibilité de radiographie


panoramique

- incidences spécifiques à la mandibule :

- condyle trans-orbitaire (BONNEAU)

- symphyse étalée (DAUTREY)

- incidences spécifiques à l'étage moyen :

- WATERS (ou Blondeau normalisé)

- LOUISETTE : utilise une cassette échancrée permettant une bonne visualisation du


cintre maxillo-zygomatique (incidence proche de celle de PAOLI)

- incidences complémentaires :

- HIRTZ

- radio de profil des os propres du nez

METHODES COMPLEMENTAIRES :

- téléradiographie : cliché pris de face ou de profil à plus de 4 m supprimant l'effet


d'agrandissement et autorisant des mesures sur les radiographies en dimension
réelle

- scialographie (injection de produit de contraste dans les canaux salivaires)

- tomodensitométrie en incidence axiale (horizontale) ou coronale (verticale). Le


scanner 3D n'a que des indications limitées.

- I.R.M autorisant une bonne visualisation des tissus non-squelettiques et de l'A.T.M

- échographie cervicale
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LES TRAUMATISMES DE LA FACE

ETIOLOGIE

 Il s'agit le plus souvent d'hommes jeunes (70 %) victimes d'un accident de


circulation (60 %), de rixes (18 %) ou d'accidents de sport (6 %).

EXAMEN D'UN TRAUMATISE DE LA FACE

 Le traumatisme facial est soit isolé, soit associé dans le cadre d'un
polytraumatisme et s'intégre alors dans le cadre de la prise en charge du
polytraumatisé.

Les deux urgences vitales que sont l'hémorragie grave (par fracture de l'étage moyen
et plaie de l'artère maxillaire) et l'asphyxie (par obstruction des voies aériennes
supérieures) doivent être immédiatement dépistées et traitées.

En dehors de ce contexte, l'examen du traumatisé repose sur un examen clinique


endo- et exo-buccal soigneux et sur quelques examens complémentaires simples.

1°) Examen clinique

- données de l'interrogatoire : circonstance étiologique, état antérieur maxillo-facial


(déviation nasale ancienne, trouble occlusal...)

- examen extra-oral :

· plaie de face (cf.infra)

· déformation, oedème, ecchymose

· palpation comparative des "pares-chocs naturels de la face" (pommettes et arcade


zygomatique, rebord orbitaire, arête du nez, symphyse mandibulaire)

· palpation des A.T.M lors des mouvements d'ouverture buccale

· examen ophtalmologique sommaire : acuité visuelle, champ visuel, oculo-motricité

· examen de la sensibilité faciale (V1, V2, V3) et de la motricité faciale (VII)

- examen endo-oral :

· plaie muqueuse

· troubles de l'occlusion

· état dentaire
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· recherche d'une mobilité de l'étage moyen ou de l'étage inférieur

2°) Examen radiologique

Il faut éviter de multiplier les incidences en urgence, les radios de face et de profil
étant inutiles. Les clichés de débrouillage comprennent une radiographie
panoramique et une incidence visualisant l'étage moyen (LOUISETTE, WATERS).

Au terme de ce bilan, on peut déterminer :

- le degré d'urgence : plaie à suturer, fracture à grand déplacement, problème


hémorragique...

- le diagnostic de localisation (fracture simple d'un pare-choc naturel, fracture


complexe de la face...)

- la nécessité d'un examen complémentaire qui sera réalisé secondairement chez un


patient déchoqué :

· tomodensitométrie de l'étage moyen et ou de la base du crâne

· examen ophtalmologique complet avec LANCASTER

· examen O.R.L complet (en cas d'otorragie)

· avis neurochirurgical

 LES URGENCES VITALES

1) L'asphyxie

La liberté des voies aériennes supérieures est une priorité chez tout traumatisé
crânio-facial. Elle est souvent facilement réalisée par l'ablation des caillots, des
éventuelles prothèses mobiles et par une aspiration simple de la cavité orale. Si la
ventilation n'est pas rapidement assurée, il faudra pratiquer une intubation trachéale
voire une trachéotomie dans certains cas exceptionnels.

Une fracture mandibulaire à grand déplacement peut entraîner un trouble


respiratoire. Dans ces cas la réduction en urgence est indispensable.

2) L'hémorragie

Il s'agit soit d'une hémorragie extériorisée par la bouche, soit le plus souvent d'une
épistaxis. L'origine habituelle est une fracture de la région postérieure de l'étage
moyen entraînant des plaies de l'artère maxillaire interne ou de ses branches. Une
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épistaxis modérée sera traitée par tamponnement antérieur éventuellement complété


par un tamponnement postérieur.

Une hémorragie grave nécessite une intubation en urgence et un contrôle de la


volémie. Le tamponnement antérieur et postérieur permet le plus souvent de juguler
temporairement l'hémorragie (utilisation de sondes à double ballonet). Une
embolisation secondaire sera plus souvent indiquée. Ce n'est qu'en cas d'échec qu'un
abord direct pour ligature de l'artère maxillaire ou des artères ethmoïdales sera
proposé.

 LES PLAIES DE FACE

1) Trois éléments sont à déterminer : le type de plaie, sa topographie et son


éventuelle septicité particulière.

- Le type de plaie : linéaire, contuse, avec perte de substance, dermabrasion...

- Topographie : il faut diagnostiquer les plaies du globe oculaire et les plaies


palpébrales et lacrymales qui nécessitent une réparation urgente. Les plaies de la
région médio-jugale peuvent entraîner des sections plus ou moins distales du nerf
facial et une éventuelle section du canal de Sténon qui nécessiteront leurs
identifications correctes et une suture adaptée. Les plaies crânio-cérébrales avec issue
de matière cérébrale doivent également être identifiées et justifient une prise en
charge spécialisée.

- La septicité particulière peut se rencontrer en cas de plaie souillée et en cas de


morsure de chien qui siège fréquemment au niveau de la face

2) Conduite à tenir

Dans tous les cas, un lavage soigneux sera indispensable. Après identification du
type de la plaie, les plaies simples pourront être suturées sous anesthésie locale, les
plaies complexes et les lésions de l'enfant devront être suturées sous anesthésie
générale.

La suture soigneuse est réalisée plan par plan et doit prendre en compte les éléments
nobles sus-cités (voies lacrymales, canal de Sténon, nerf facial...).

La prévention anti-tétanique sera systématique.

 
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 TRAUMATISME DENTAIRE

Le bloc incisif supérieur (12, 11, 21, 22) est le siège de prédilection des traumatismes,
particulièrement chez l'enfant.

1) Les lésions dentaires : elles peuvent intéresser la couronne avec une fêlure de
l'émail ou des fractures avec ou sans ouverture pulpaire. Les fractures radiculaires
peuvent sièger au collet, au tiers-moyen ou au tiers-distal. Leur diagnostic est
clinique (mobilité dentaire, douleurs) et radiologique (cliché rétro-alvéolaire). Le
traitement peut être réalisé après un délai de quelques jours en milieu spécialisé.

2) Les lésions du tissu de soutien (parodonte, os alvéolaire). Ces lésions se traduisent


par la mobilité d'une ou plusieurs dents soit par :

- simple contusion d'évolution rapidement favorable

- luxation partielle en egression ou ingression

- luxation totale ou avulsion traumatique qui pourra dans les cas favorables
(premières heures après le traumatisme) faire l'objet d'une réimplantation

- fracture alvéolo-dentaire mobilisant un segment d'arcade

En dehors de la simple contusion, toutes les autres lésions justifient une réduction
des dents traumatisées suivie d'une contension par arcs métalliques collés ou
ligaturés. Cette contension devra être poursuivie pendant environ deux mois. Une
surveillance prolongée reste indispensable car le pronostic reste aléatoire avec un
risque de rhyzalyse secondaire aboutissant en quelques mois ou années à la perte des
dents (incidence médico-légale).

3) Formes étiologiques : traumatisme iatrogène lors de l'intubation, traumatisme


occlusif par fermeture brutale des mâchoires, traumatisme lors de soins dentaires...

 LES FRACTURES DE LA MANDIBULE

Les fractures mandibulaires peuvent sièger soit sur tout le corps de la mandibule
dans la région dentée (environ 40 %), soit sur la région angulaire (20 %), soit dans la
région condylienne (environ 35 %).

Les fractures sont le plus souvent isolées mais peuvent être associées de manière
variable. La particularité sémiologique et thérapeutique des fractures condyliennes
justifie leur étude dans un chapitre distinct.

1) Fracture du corps de la mandibule ou de l'angle

a) Clinique :
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- notion de traumatisme par choc direct

- douleurs et impotence fonctionnelle (bouche semi-ouverte, gêne à la déglutition)

- oedème et ecchymose labiale

- point douloureux électif et éventuel trouble de la sensibilité dans le territoire


alvéolaire inférieur

- à l'examen endo-buccal, mobilité perceptible du foyer fracturaire ou perte complète


de l'articulé en cas de fracture déplacée

L'état dentaire et les lésions muqueuses associés seront soigneusement notés.

- en cas de trouble occlusal important, il faudra essayer de faire préciser par le patient
l'état occlusal antérieur

b) Bilan radiologique :

- radiographie panoramique (à défaut maxillaire défilé)

- symphyse étalée

- éventuel cliché occlusal pour préciser une fracture de la région symphysaire

2) Formes cliniques

a) fracture de l'angle : favorisée par la présence d'une dent de sagesse incluse (la
fracture peut se produire lors de l'extraction de celle-ci). Selon l'orientation du trait
de fracture, le déplacement peut être important, entraînant alors une lésion du nerf
alvéolaire inférieur.

b) fractures associées : dans 35 % des cas, il existe des fractures bifocales (bi-
angulaire, symphyse + condyle, symphyse + angle) et dans 8 % des cas trifocales (le
plus souvent symphyse + deux condyles)

c) Formes selon l'âge : si les fractures du petit enfant intéressent le plus souvent la
région condylienne, il ne faut pas méconnaître une éventuelle fracture symphysaire
associée qui sera difficile à voir sur le cliché panoramique compte tenu de la présence
de nombreux germes dentaires et qui sera bien visualisée par un cliché occlusal.

Chez le sujet âgé édenté, la mandibule est souvent réduite au seul os basilaire et les
fractures posent alors des problèmes particuliers compte tenu de l'absence
d'occlusion.
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d) Formes cliniques particulières : nous éliminerons de notre propos les fractures


par traumatisme balistique entraînant des lésions associées des parties molles et
réalisant habituellement une perte de substance interruptrice de la mandibule. De
même, les fractures pathologiques sur tumeur ou ostéoradionécrose posent des
problèmes très spécifiques.

3) Traitement

a) - le traitement médical comporte des soins de bouche systématiques, une


antibiothérapie de principe en cas de brèche muqueuse, des antalgiques à la
demande avec port d'une vessie de glace. L'alimentation sera liquide.

b) - le traitement chirurgical a pour objectif la réduction anatomique parfaite du ou


des foyers de fracture.

En cas de fracture sans déplacement et si la coopération du patient est bonne, un


blocage maxillo-mandibulaire sur arcs est indiqué pendant environ un mois, relayé
pendant 15 jours par un blocage intermittent par élastiques.

En cas de fracture déplacée ou lorsque le blocage risque d'être mal accepté, la


réduction chirurgicale est réalisée par voie endo-buccale et la contention est assurée
par une plaque d'ostéosynthèse (plaque miniaturisée avec vis unicorticale). Dans ce
cas, une contention complémentaire par un arc mandibulaire est habituelle. Le
blocage maxillo-mandibulaire n'est maintenu que pendant les 48 heures post-
opératoires à visée antalgique.

4) Evolution

L'évolution est habituellement favorable en dehors d'exceptionnelles infections du


foyer de fracture nécessitant alors l'ablation du matériel et un blocage secondaire. La
pseudarthrose est également exceptionnelle.

Si la réduction occlusale n'a pas été parfaite, il peut persister un cal vicieux
mandibulaire pouvant justifier une ostéotomie mandibulaire secondaire.

Les troubles sensitifs par atteinte du nerf alvéolaire peuvent persister de façon
durable sans traitement réellement efficace, avec risque d'évolution vers une
névralgie secondaire.

5) Fractures du condyle

Elle se caractérisent par leur fréquence (35 %), leur survenue habituelle chez l'enfant,
leur incidence fonctionnelle mettant en jeu l'ouverture buccale.

Elles surviennent habituellement par chute sur la régions symphysaire (chute de


vélo).
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a) Clinique

- douleurs dans la région de l'A.T.M simulant une otalgie. Cette douleur est réveillée
à la palpation

- la mobilisation active et passive de la mandibule est douloureuse

- une éventuelle otoragie peut être constatée

- l'examen endo-buccal montre un trouble d'articulé caractéristique :

® en cas de fracture unilatérale, il existe un contact molaire prématuré du côté


fracturé avec béance contro-latérale

® en cas de fracture bilatérale, il existe un recul global de la mandibule avec béance


sub-totale

® la propulsion mandibulaire est difficile ou impossible du côté fracturé

- une association lésionnelle sera systématiquement recherchée (condyle + symphyse,


condyle + angle contro-latéral)

b) Radiologie :

- la radiographie panoramique

- incidence de face : BONNEAU (face basse)

- incidence spécifique de profil (PARMA) : sans intérêt en cas de cliché panoramique


de bonne qualité

- éventuel scanner

Ce bilan radiologique permet de visualiser la lésion condylienne :

- fracture intra-articulaire capitale ou sous-condylienne haute

- fracture extra-articulaire sous-condylienne basse

- déplacement des fragments condyliens en avant et en dedans sous l'effet de la


traction musculaire du muscle ptérygoïdien latéral

c) Risques évolutifs

Les fractures de la région condylienne peuvent évoluer vers l'ankylose temporo-


mandibulaire. Il s'agit d'une ossification pathologique de l'ensemble de la région
articulaire qui se constitue progressivement après un temps initial de fibrose et qui
aboutit à l'impossibilité totale de l'ouverture buccale (cf. chapitre limitation
d'ouverture buccale).
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Chez le petit enfant, cette ankylose peut s'accompagner d'un trouble de croissance de
l'hémi-mandibule (voire de toute la mandibule en cas d'atteinte bilatérale) qui
aboutira à l'âge adulte à une atrophie mandibulaire venant compliquer le traitement
de l'ankylose.

d) Traitement

La clé du traitement des fractures de la région condylienne est la mobilisation rapide


de ces fractures par gymnastique mandibulaire.

Ce traitement fonctionnel peut être complété par un traitement chirurgical par


ostéosynthèse qui ne sera indiqué qu'en cas de fracture sous-condylienne basse
déplacée.

La gymnastique mandibulaire consiste après une éventuelle courte période de


blocage initial à immobiliser la mandibule de façon essentiellement active et
éventuellement passive (traction par élastiques) en avant et en latéralités droite et
gauche. Ce traitement est répété plusieurs fois par jour pendant trois semaines et
nécessite un contrôle très rigoureux tant de sa réalisation que de son efficacité. Chez
le petit enfant, un suivi prolongé est nécessaire pour s'assurer de l'absence de toute
complication tardive à type de troubles de croissance ou d'ankylose secondaire.

LES FRACTURES DE L'ETAGE MOYEN

Les fractures de l'étage moyen de la face, souvent complexes en cas de traumatisme


important peuvent se diviser schématiquement en quatre groupes selon le siège du
traumatisme initial :

- les fractures latéro-faciales lorsque le traumatisme siège sur la région de la


pommette

- les fractures centro-faciales en cas de traumatisme de la région nasale

- les fractures occluso-faciales ou disjonction crânio-faciale en cas d'impact maxillaire


médian. Ce sont ces fractures qui s'accompagnent d'un trouble d'articulé

- les fractures crânio-faciales par traumatisme du bandeau frontal sont à la frontière


de la pathologie neuro-chirurgicale

1) Fractures latéro-faciales

La fracture la plus fréquente est représentée par la fracture orbito-zygomatique (ou


orbito-malaire).

a) Clinique
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- douleur spontanée et exacerbée à la palpation des traits de fracture

- oedème et ecchymose très rapides, associés à une hémorragie sous-conjonctivale

- aplatissement de la pommette (vite masqué par l'oedème) avec élargissement


paradoxal de l'étage moyen

- epistaxis fréquente

- diminution de l'ouverture buccale

- pas de trouble de l'articulé dentaire

- recherche systématique d'une modification de l'acuité visuelle et d'une diplopie


verticale

- anesthésie ou hypoesthésie dans le territoire du nerf sous-orbitaire (aile du nez,


joue, lèvre supérieure, arcade dentaire)

- la palpation retrouve une "marche d'escalier" au niveau du rebord orbitaire


inférieur

b) Signes radiologiques

Des incidences simples (LOUISETTE, WATERS) sont le plus souvent suffisantes et


mettent en évidence :

- les traits de fracture qui siègent sur le pilier orbitaire latéral, la margelle orbitaire
inférieure et l'arcade zygomatique

- un hémosinus est habituellement constaté

- des coupes de scanner en vue coronale seront éventuellement nécessaires pour


préciser l'atteinte orbitaire en cas de doute sur une brèche importante du plancher
orbitaire

c) Formes cliniques

Il peut s'agir d'une fracture isolée de l'arcade zygomatique provoquant une limitation
d'ouverture buccale ou plus fréquemment une fracture isolée du plancher de l'orbite
ou blow-out fracture.

Dans ce cas le tableau clinique est limité à la région orbitaire avec un traumatisme
direct sur le globe oculaire ayant entraîné rapidement une ecchymose palpébrale et
un oedème.

La découverte d'un emphysème sous-cutané palpébral signe l'ouverture du sinus


maxillaire, de même que l'epistaxis. Les signes ophtalmologiques doivent être
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soigneusement recherchés : enophtalmie, diplopie verticale. Dans ce cas, le bilan


radiologique standard est habituellement normal et les incidences coronales de
scanner sont indispensables pour mettre en évidence la fracture du plancher orbitaire
et l'éventuelle incarcération du contenu orbitaire dans ce foyer de fracture.

Un test de LANCASTER permettra de préciser l'importance de la diplopie. La gêne à


l'élévation du globe oculaire sera confirmé par un test de duction forcée réalisé en
per-opératoire.

d) Traitements

Toutes les fractures déplacées ou compliquées doivent être traitées chirurgicalement.

La réduction de l'os zygomatique sera habituellement obtenu au crochet et mobilisé


par ostéosynthèse par plaques ou au fil métallique en cas d'instabilité après réduction
simple.

Les fractures orbitaires compliquées seront également traitées par abord chirurgical
du plancher de l'orbite et comblement de la brèche osseuse par auto-greffe ou
interposition prothètique.

e) Evolution

Des complications secondaires peuvent être observées en cas de traitement primaire


insuffisant :

- défaut de réduction avec manque de projection de la pommette

- séquelle ophtalmologique avec enophtalmie et/ou diplopie résiduelle pouvant


imposer une révision orbitaire avec greffe osseuse

- limitation persistante d'ouverture buccale par conflit corono-zygomatique

- hypoesthésie ou névralgie dans le territoire du nerf sous-orbitaire

- complication infectieuse sinusienne rare

2) Fractures centro-faciales

Selon l'importance du traumatisme, elle réalise soit un tableau clinique simple et


bénin de fracture de la région nasale, soit un tableau clinique grave et complexe
intéressant l'ensemble de la région naso-ethmoïdo-frontale.

a) Fracture du nez

Le diagnostic clinique est simple (douleurs, mobilité, oedème). La radiographie des


os propres du nez de profil confirme le trait de fracture qu'il ne faut pas confondre
avec suture naso-frontale physiologique.
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Un hématome de cloison sera systématiquement recherché.

Le traitement primaire de réduction orthopédique est souvent décevant et laisse


persister une déformation de l'auvent nasal et/ou du septum justifiant une
rhinoseptoplastie secondaire.

b) Fracture du complexe naso-etmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire (C.N.E.M.F.O)

Le tableau clinique est assez caractéristique : après un violent traumatisme centro-


facial, le traumatisé présente un recul de la région nasale qui paraît impactée dans la
face.

Au niveau orbitaire il existe un télécanthus (augmentation de la distance inter-


canthale normalement inférieure à 35 mm). L'epistaxis est habituelle. Une plaie de la
région est souvent associée.

Ces fractures graves de la région centro-faciale peuvent être à l'origine d'une brèche
ostéo-méningée par fracture de la lame criblée de l'ethmoïde qui sera à l'origine
d'une alosmie (de diagnostic primaire difficile) et d'un écoulement de liquide
céphalo-rachidien ou rhinorrée cérébro-spinale. Cet écoulement nasal sera soit
spontané, soit provoqué par des manoeuvres facilitatrices tendant à faire augmenter
la pression intra-crânienne (valsalva, compression jugulaire...). Le diagnostic de
brèche n'est pas toujours très évident cliniquement car celle-ci peut être transitoire,
rapidement occultée par l'oedème et les hématomes, mais exposant le patient aux
complications secondaires redoutables à type de méningite.

Le bilan radiologique comportera systématiquement un scanner en incidence axial et


coronal. La constation d'une pneumencéphalie est habituelle. La mise en évidence
radiologique de la brèche est le plus souvent possible, le recours à un transit
isotopique étant actuellement exceptionnel.

Le traitement de ces fractures est complexe, nécessitant habituellement un abord


neurochirurgical par voie coronale ayant pour objectif la fermeture de la brèche
ostéo-méningée, la reposition des canthus et des parois orbitaires internes et la bonne
projection de l'auvent nasal.

Les séquelles orbitaires sont fréquentes (dystopie résiduelle, énophtalmie, ensellure


nasale...).

 3) Fractures occluso-faciales

Ces fractures réalisent des traits grossièrement horizontaux ou obliques qui


mobilisent tout ou partie de l'étage moyen de la face selon la hauteur du trait de
fracture, l'arcade maxillaire est de ce fait placée généralement en haut et en arrière
entraînant un trouble occlusal à type de béance avec rétrusion maxillaire, l'oedème
est souvent rapidement important.
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a) Les complications ophtalmologiques seront systématiquement recherchées


(diplopie, enophtalmie)

- la sensibilité des deux nerfs sous-orbitaires sera recherchée

- la palpation douce des pares-chocs naturels de la face permettra de trouver


d'éventuelles marches d'escalier

- l'épistaxis est habituelle

- la palpation endo-buccale recherche la mobilité de l'infrastructure maxillaire.

b) Signes radiologiques

Le bilan standard (radiographie panoramique, Louisette, Waters) sera souvent


complété par des coupes de scanner. Il met en évidence les principaux traits de
fractures et les associations fréquentes à un traumatisme latéro-facial :

- fracture maxillaire basse dite de Lefort I

- fracture maxillaire intermédiaire dite de Lefort II

- disjonction crânio-faciale vraie siègeant dans la région fronto-orbitaire ou fracture


de Lefort III

- disjonction inter-maxillaire.

En cas de fracture irradiée à la région naso-ethmoïdale, une brèche méningée sera


systématiquement recherchée au niveau de la lame criblée de l'ethmoïde par le
scanner.

c) Traitement

Le traitement médical (cf. fracture de la mandibule) sera complété par un traitement


chirurgical dont l'objectif est la réduction des différents traits de fracture et la
restitution de l'occlusion antérieure. Un blocage maxillo-mandibulaire de quelques
jours sera réalisé, la contention des foyers de fracture étant le plus souvent faite par
plaques d'ostéosynthèse.

4) Fractures crânio-faciales

Elles siègent aux confins crânio-faciaux et intéressent le sinus frontal, pouvant


s'irradier à la voûte ou à la base du crâne, avec dans ce cas un risque de brèche ostéo-
méningée. Le bilan radiologique comportera systématiquement un scanner.
L'association à une contusion céphalique sera de règle et pourra conditionner la prise
en charge thérapeutique de ces patients qui se fera par double équipe
neurochirurgicale et maxillo-faciale.
17

PATHOLOGIE DE LA MUQUEUSE BUCCALE

PATHOLOGIE INFLAMMATOIRE : LES STOMATITES

Les stomatites présentent de nombreuses formes cliniques et étiologiques aux confins


de multiples spécialités (dermatologie, hématologie, pathologies infectieuses...).

a) Stomatites catarrhales érythémateuses : elles réalisent des gingivo-stomatites plus


ou moins diffuses, à caractère parfois érosif ou ulcéreux et dont l'origine est soit :

- locale : mauvais état bucco-dentaire, parfois inflammation réactionnelle à un


accident d'évolution de la dent de sagesse inférieure

- générale : état carentiel, grossesse, hémopathie (gingivo-stomatite ulcéreuse en cas


d'agranulocytose).

b) Stomatites hémorragiques : elles doivent faire rechercher un trouble de la


coagulation pathologique ou iatrogène.

c) Stomatites hyperplasiques : banales pendant la grossesse, elles peuvent être


provoquées par certains médicaments (Dihydan, Cyclosporine).

d) Stomatites vésiculeuses et bulleuses

- herpès buccal : soit primo-infection associant une stomatite vésiculeuse plus ou


moins diffuse avec fièvre survenant le plus souvent chez l'enfant, soit bouquet
herpétique récidivant de diagnostic aisé

- zona du nerf mandibulaire (V3) réalisant des douleurs de l'hémi-langue associées à


une éruption vésiculeuse caractéristique

- maladie bulleuse : soit érythème polymorphe ou toxidémie bulleuse, soit


pemphigus ou phemphigoïde bulleuse : le diagnostic repose sur l'association à des
lésions cutanées (pas toujours présentes), sur le contexte étiologique (prise
médicamenteuse) et sur une biopsie avec étude en immuno-fluorescence.

e) Aphtoses

Les aphtes sont des ulcérations superficielles par vascularite dont le mécanisme et
l'étiologie restent mystérieux. Très fréquentes, elles réalisent le plus souvent une
aphtose récidivante pouvant devenir invalidante de par la fréquence et le nombre
des ulcérations. Les formes cliniques compliquées réalisent une aphtose bi- ou pluri-
focale (maladie de Touraine), soit l'association à une atteinte oculaire (maladie de
Behcet) pouvant au maximum s'accompagner de lésions viscérales (atteinte
cardiaque, rhumatologique...).
18

Des facteurs toxiques alimentaires peuvent être parfois retrouvés (noix, gruyère,
peau de certains fruits...). L'association à une intolérance au gluten est possible chez
l'enfant.

Le traitement repose sur une mise en état de la denture et l'association de solution


locale antiseptique, anti-inflammatoire et antalgique. Un traitement général par la
Colchicine est indiqué dans l'aphtose récidivante sévère. La Thalidomide est réservée
aux formes compliquées compte tenu des nombreux effets secondaires du produit
(thératogénicité, toxicité neurologique).

LES LESIONS BLANCHES - LES LESIONS PRE-CANCEREUSES

Les lésions blanches de la muqueuse buccale sont habituellement qualifiées de


"kératose buccale". Cette dénomination regroupe plusieurs entités cliniques et
histologiques différentes. Ces lésions blanches traduisent un certain degré de
kératinisation de l'épithélium malpighien plus ou moins bien organisé
histologiquement (orthokératose, dyskératose). Certaines de ces lésions peuvent être
considérées comme des lésions pré-cancéreuses.

1) Lichen plan buccal : infection d'étiologie inconnue, fréquente, d'origine


probablement immunologique.

a) Etiologie

- touche plus souvent la femme que l'homme, entre 30 et 50 ans

- rôle certain du stress

- troubles métabolique, lichen post-médicamenteux (SELS D'OR, DOPA, AINS)

b) Clinique

- aspect réticulé : réseau jugal "en feuille de fougère"

- aspect en plaque ou en tache de bougie sur la langue

- lichen érosif : lésion érythémateuse douloureuse

- lichen atrophique

- association possible à des lésions cutanées des plis de flexion et de la région


lombaire

c) Evolution

- variable et imprévisible, possibilité de régression spontanée

- risque de dégénérescence cancéreuse : lichen érosif et atrophique


19

 d) Traitement

Le traitement est difficile car les lésions sont rebelles et récidivantes. La mise en état
bucco-dentaire et le traitement du terrain anxio-dépressif est de règle. L'abstention
est le plus souvent recommandée.

- utilisation de topiques locaux : corticothérapie locale (BETNEVAL), ABEREL


SOLUTION en application locale : effet suspensif et diminution de la
symptomatologie douloureuse

- acide rétinoique (ROACCUTANE, SORIATANE) dans les formes très évolutives et


érosives, sous contrôle médical strict.

2) Kératose réactionnelle

a) kératose traumatique

- prothèse dentaire inadaptée

- guérison après suppression de l'agent traumatique

b) kératose actinique

- bord rouge de la lèvre inférieure (sujet exposé au soleil : agriculteur...)

- facteur tabagique souvent surajouté

- risque élevé de dégénérescence

c) kératoses infectieuses

- essentiellement mycotique :

· candidose chronique

· nécessité de traitement chirurgical en cas de forme hyperkératosique

· diagnostic par biopsie

· risque de dégénérescence

- leucoplasie chevelue du bord de la langue chez les patients VIH

- exceptionnelle lésion spécifique (syphilis, tuberculose)

d) kératose tabagique ou leucoplasie

Selon la définition de l'OMS , il s'agit d'une lésion d'aspect prédominant blanc de la


muqueuse buccale ne correspondant à aucune autre entité nosologique connue.
20

- nette prédominance masculine, âge supérieur à 40 ans

- siège : commissure labiale, joue, plancher buccal

 - étiologie :

· tabac

· chique (Inde, Sud-Est Asiatique)

· association fréquente à un alcoolisme chronique

- aspect clinique :

· homogène

· inhomogène : associe nodule verruqueux et plage érythémateuse (risque plus élevé


de dégénérescence)

- évolution :

· régression à l'arrêt du tabac

· risque de dégénérescence : 5 %

· nécessité de surveillance prolongée

- traitement :

· arrêt du tabac

· mise en état bucco-dentaire

· traitement médical discuté (corticoïdes locaux)

· biopsie - exérèse en cas de lésion inhomogène persistante

3) LESIONS PRE-CANCEREUSES

Toute kératose buccale qui saigne, se fissure, s'indure ou devient douloureuse est
suspecte de transformation néoplasique.

- notion de dysplasie : modification histologique et cytologique de l'épithélium


(mitose, atypie cyto-nucléaire...) qualifiée de légère (modification intéressant moins
du 1/3 de l'épaisseur de l'épithélium), modérée (inférieure à 2/3) ou sévère
(supérieure à 2/3).

- terminologie actuelle : Orale Intra-épithélial Néoplasie (OIN) avec 3 stades


équivalents au degré de dysplasie (OIN 1 = dysplasie légère...)
21

- les dysplasies apparaissent le plus souvent sur des lésions à risque : lichen érosif ou
atrophique, leucoplasie inhomogène, kératose actinique ou mycotique.

- le diagnostic est histologique par biopsie d'une lésion à risque

- une dysplasie peut exister sur une muqueuse en apparence macroscopiquement


saine (terrain éthylo-tabagique)

- évolution : carcinome invasif

- traitement : exérèse chirurgicale

- cas particulier : papillomatose orale floride :

· multiples papillomes blanchâtres ou rosés avec épaississement de la muqueuse

· origine virale probable (papillomavirus - HPV)

· dégénérescence en carcinome verruqueux

· traitement chirurgical

LES CANCERS DE LA CAVITE ORALE

Les cancers de la cavité buccale sont fréquents (4ème rang des cancers chez
l'homme). Ils touchent avec prédilection l'homme de 50 ans, tabagique. Le diagnostic
est posé devant une ulcération chronique de la cavité orale. Près de 2/3 des cancers
sont diagnostiqués à un stade avancé, ce qui explique leur mauvais pronostic (35 %
de survie globale à 5 ans). Leur traitement repose le plus souvent sur l'association
chirurgie - radiothérapie. Le risque élevé de seconde localisation et de récidive locale
justifient une surveillance prolongée. Leur prévention passe avant tout par la
diminution de la consommation tabagique.

1) Epidémiologie

- fréquence : 10 % de l'ensemble des cancers (incidence de 20 pour 100.000 habitants),


la France occupe avec l'Inde le premier rang mondial quant à la fréquence de ce
cancer.

- sex-ratio : environ 6 hommes pour une femme, avec une augmentation régulière du
nombre de femmes depuis les 20 dernières années.

- âge : 50 % de ces cancers surviennent entre 50 et 65 ans.

- facteurs de risque :

· tabac : le tabac est un agent carcinogène direct et la fréquence de survenue de ces


cancers est directement corrélée à l'importance de la consommation tabagique.
22

· alcool : l'alcool agit en synergie avec le tabac (co-carcinogène)

· état pré-cancéreux (kératose, leucoplasie, lichen érosif...) : 10 à 15 % des cancers


buccaux se développent sur des lésions pré-cancéreuses chroniques anciennes (en
particulier chez la femme)

· autres facteurs : papillomavirus, soleil (cancer de la lèvre), traumatisme chronique...

2) Anatomopathologie

- le carcinome épidermoïde (ou malpighien) plus ou moins différencié représente


plus de 90 % des tumeurs malignes de la muqueuse buccale. Le carcinome
verruqueux en représente une forme d'évolution lente souvent observé sur une
lésion pré-cancéreuse de type papillomatose orale floride

- l'extension locale se fait soit par voie muqueuse, soit par infiltration le long des
plans musculaires et des axes vasculo-nerveux. Le temps de doublement moyen est
d'environ 80 jours

- l'envahissement ganglionnaire varie selon les localisations et le stade tumoral. Il est


exceptionnel qu'une adénopathie cervicale soit révélatrice de la maladie. Environ 20
% des patients sans adénopathie palpable présentent des ganglions histologiquement
envahis. On retrouve environ 30 % d'adénopathie dans les T2 et plus de 50 % dans
les T3 T4

- une seconde localisation est retrouvée soit simultanément, soit successivement dans
plus de 20 % des cas

- l'évolution métastatique est rare et tardive

- le pronostic semble directement corrélé à la taille de la tumeur et à l'extension


ganglionnaire (nombre et topographie des ganglions envahis, rupture capsulaire)

- il n'existe pas actuellement de marqueur biologique fiable pour ce type de tumeur

3) Classification TNM :

T : T1 tumeur de moins de 2 cm

T2 tumeur entre 2 et 4 cm

T3 tumeur supérieure à 4 cm

T4 tumeur ayant dépassé la cavité buccale ou avec signe d'envahissement musculaire


profond ou avec atteinte osseuse

N : N0 pas d'adénopathie palpable


23

N1 un ganglion omolatéral inférieur à 3 cm

N2a un ganglion homolatéral supérieur à 3 cm, inférieur à 6 cm

N2b plusieurs ganglions homolatéraux de moins de 6 cm

N2c un ou plusieurs ganglions bilatéraux ou controlatéraux de moins de 6 cm

N3 un ou plusieurs ganglions de plus de 6 cm

M : M0 absence de métastase

M1 présence de métastase

Il est parfois difficile de définir une lésion T4, en particulier pour la langue.
L'extension à la musculature extrinsèque se traduira par une fixité linguale
(ankyloglossie).
En cas de doute, l'UICC conseille de classer la tumeur T3.

4) Etude Clinique

a) signes d'appels

- érosion, fissure ou bourgeonnement de la muqueuse

- douleurs, brûlures au contact de certains aliments

- troubles de déglutition

- hypersialorrhée parfois sanglante, fétidité de l'haleine, mobilité dentaire, trismus

- une douleur importante souvent associée à une otalgie réflexe est le témoin d'une
lésion avancée (l'otalgie réflexe s'explique par la communauté d'inervation tensitive
entre la langue et la région auriculaire par les branches du trijumeau et du nerf
glossopharyngien)

- baisse de l'état général

b) examen clinique : examen minutieux avec un miroir laryngé, un doigtier, un


éclairage correct (éclairage frontal). L'exploration doit être systématique et concerner
l'ensemble de la cavité orale : langue mobile, plancher, gencive, lèvre, palais et
l'oropharynx (base de langue en arrière du V lingual, sillon amygdaloglosse et région
amygdalienne, voile du palais). Un examen complémentaire de l'hypopharynx et du
larynx en laryngoscopie indirecte sera réalisé dans la mesure du possible. La
palpation de l'ensemble de la muqueuse explorée et des aires glanlionnaires
cervicales sera systématique.
24

- la forme ulcéreuse est la plus fréquente : contour irrégulier, bord épais et induré,
fond bourgeonnant, saignant au contact

- forme végétante : moins fréquente

- forme ulcéro-végétante

- forme nodulaire

- dans tous les cas l'induration sera recherchée

- l'examen endobuccal sera complété par un examen soigneux de la denture

- l'examen cervical recherchera des adénopathies sous mentales, sous mandibulaires,


jugulo-carotidiennes hautes ou moyennes, spinales.

L'ensemble de ces constatations sera consigné sur un schéma daté

c) localisation tumorale

Les cancers de lèvre sont les plus fréquents, puis les cancers de la langue mobile, puis
du plancher buccal. Les atteintes néoplasiques de la base de langue, de la région
amygdalienne et du voile sont classées anatomiquement dans les cancers de
l'oropharynx.

L'examen initial s'attachera à rechercher une seconde localisation.

5) Examens complémentaires

- biopsie : systématique, elle confirmera le diagnostic de carcinome épidermoïde

- endoscopie : il s'agit d'une panendoscopie sous anesthésie générale qui permet


d'apprécier l'extension réelle de la tumeur, de dépister efficacement une seconde
localisation synchrone (10 à 15 % des cas) et qui permet éventuellement de réaliser la
mise en état bucco-dentaire initiale.

L'utilisation de coloration spéciale n'est pas systématique et n'est pratiquée que par
certaines équipes (bleu de Toluidine)

- radiographie panoramique de la mandibule systématique : recherche d'une atteinte


osseuse (ostéolyse mal limitée, dent suspendue dans le vide) ; elle permet également
de préciser l'état bucco-dentaire et pourra être complétée par des radiographies rétro-
alvéolaires
25

- tomodensitométrie : l'indication n'est pas systématique et l'examen ne sera pratiqué


qu'en cas d'extension tumorale importante (T3 ou T4), chez les patients à l'examen
difficile. Une I.R.M peut également être proposée. Si cet examen est réalisé, il devra
comporter une étude des adénopathies cervicales.

- échographie cervicale : utile chez les patients obèses et à cou court (examen clinique
difficile)

- radiographie pulmonaire : systématique à la recherche d'une métastase ou d'une


autre localisation néoplasique pulmonaire primitive

- échographie abdominale : non systématique à la recherche d'une métastase

6) Bilan général

- Etude des grandes fonctions vitales

- Etude du retentissement de l'éthylo-tabagisme

- Recherche de pathologie associée et bilan standard pré-opératoire et pré-


chimiothérapique

7) Diagnostic

Le diagnostic positif sera facile, l'essentiel étant de suspecter l'origine néoplasique de


l'ulcération. Une biopsie sera dans tous les cas indispensable avant la mise en route
du traitement.

Il sera facile d'éliminer :

- des lésions inflammatoires (stomatite, chéïlite)

- des lésions ulcérées non néoplasiques (aphte géant, maladie bulleuse, ...

- des tumeurs bénignes

- des tumeurs malignes d'origine salivaire suspectées cliniquement (nodule sous-


muqueux sans ulcération muqueuse), confirmées par la biopsie

- des lésions traumatiques en particulier sous-prothétiques : guérison après


suppression de la cause

- des lésions pré-cancéreuses (biopsie).

 
26

8) Evolution

L'évolution spontanée est toujours fatale par aggravation loco-régionale et apparition


de métastases.

L'évolution traitée est grave, la survie globale étant d'environ 35 % à 5 ans, tous
stades confondus.

La survie est de plus de 80 % pour les T1, 50 % pour les T2. Elle est très médiocre
pour les T3 et T4 (10 % pour les T4).

L'apparition d'une seconde localisation (oesophage) représente jusqu'à 20 % des


causes de décès. Ce risque est d'autant plus élevé que l'intoxication tabagique est
poursuivie. Il apparaît également plus élevé chez la femme.

9) Traitement

a) Moyens

- chimiothérapie

La place de la chimiothérapie est en cours d'évaluation. Dans l'état actuel des


connaissances, elle est néo-adjuvante et repose sur l'association du 5 Fluorouracyl et
du Cis-Platyl

- chirurgie

La chirurgie intéresse soit la tumeur (résection tumorale large) soit les ganglions
(curage cervical) soit les deux. Une exérèse chirurgicale large nécessitera une
reconstruction muqueuse et éventuellement osseuse qui fera appel aux techniques de
réparation par lambeau pédiculé ou libre.

Le curage cervical est le plus souvent fonctionnel, c'est à dire conservateur des
éléments vasculo-nerveux, soit radical c'est à dire sacrifiant le muscle sterno-cléïdo-
mastoidien, la jugulaire interne, le nerf spinal.

En cas d'adénopathie palpable, le curage est dit "de nécessité". Dans le cas contraire,
il est dit "de principe".

- radiothérapie

La radiothérapie est soit :

· externe (cobaltothérapie)

· interstitielle ou curiethérapie, limitée alors à des lésions de moins de 3 cm situées à


distance de la mandibule
27

Dans les deux cas, une mise en état bucco-dentaire stricte est indispensable avant
tout traitement et un suivi odontologique régulier est nécessaire, avec mise en route
d'une protection fluorée de la denture. Une sécheresse buccale importante
(xérostomie) est toujours observée après radiothérapie.

b) Indications

Les critères de choix sont le siège et la taille de la tumeur, son caractère superficiel ou
infiltrant, sa situation par rapport à la mandibule, l'existence d'une éventuelle
atteinte osseuse et/ou cutanée, l'existence d'adénopathies cervicales.

Pour les tumeurs de moins de 3 cm, la chirurgie seule ou la radiothérapie seule


permet habituellement d'obtenir un contrôle local satisfaisant.

Pour des tumeurs de plus de 3 cm, le protocole thérapeutique repose habituellement


sur l'association d'une chirurgie première avec reconstruction par lambeau suivie
d'une radiothérapie post-opératoire.

Le traitement des aires ganglionnaires dépend de l'état clinique du patient et du


traitement initialement mis en route. L'abstention avec simple surveillance
ganglionnaire doit être réservée aux tumeurs de petite dimension (T1 N0) sur des
patients dont la surveillance post-opératoire sera aisée.

Dans tous les autres cas, un traitement de principe ou de nécessité par curage
cervical et/ou irradiation sera réalisé.

c) Complications

La principale complication secondaire à un traitement par radiothérapie est


l'apparition d'une ostéoradionécrose. Il s'agit d'une ostéite post-radique qui aboutit à
la destruction progressive de l'os mandibulaire. Sa symptomatologie est
caractéristique :

- douleurs parfois très importantes

- signes d'infection loco-régionale

- ostéolyse irrégulière de la mandibule

- risque de fracture pathologique

A l'examen, on constate le plus souvent une exposition endo-buccale de l'os


mandibulaire souvent associée à une fistule.

Le diagnostic d'élimination est la récidive néoplasique.


28

Le traitement curatif repose sur l'ablation du segment nécrotique (séquestre


fréquent), avec ou sans reconstruction osseuse par lambeau, éventuellement associé à
un traitement par oxygénothérapie hyperbare.

Le traitement préventif repose sur :

- la mise en état bucco-dentaire préalable à la radiothérapie (extraction de toutes les


dents mortifiées, soins de toute les dents cariées conservables, détartrage)

- surveillance odontologique post-radique avec pose de gouttières fluorées plusieurs


minutes par jour tous les jours pour une durée de plusieurs années

- surveillance régulière de l'état dentaire avec contre-indication aux extractions sous


anesthésie locale. Si un traitement dentaire conservateur est impossible, l'extraction
devra être réalisée sous anesthésie générale avec couverture antibiotique.

10) Surveillance

- surveillance clinique : tous les deux mois la première année, tous les trois mois les
deuxième et troisième années, tous les six mois les quatrième et cinquième années
puis tous les ans.

- cliché thoracique annuel

- surveillance odontologique régulière

- le sevrage éthylo-tabagique et les conseils hygiéno-diététiques doivent être


systématiques

PATHOLOGIE DES GLANDES SALIVAIRES

PATHOLOGIE LITHIASIQUE

Il s'agit de la présence de calculs de phosphate de calcium, habituellement radio-


opaques, dans les canaux excréteurs des glandes salivaires principales, à l'origine de
complications mécanique et inflammatoire.

La physiopathologie de cette lithiase reste mal connue. Elle touche essentiellement la


glande sous-mandibulaire et exceptionnellement la glande parotide qui est plutôt le
siège de tumeurs.

Le traitement est avant tout chirurgical par ablation du calcul lorsque les possibilités
sécrétoires de la glande semblent conservées et ablation de la glande salivaire lorsque
les complications inflammatoires anciennes ont entraîné une sclérose
parachymateuse.

1) Lithiase du canal sous-mandibulaire (canal de Wharton)


29

a) Clinique

- latence clinique souvent longue (éventuelle découverte fortuite lors d'un cliché
stomatologique d'une image radio-opaque du plancher buccal)

- complication mécanique

· hernie salivaire : augmentation brutale du volume de la glande au moment du


repas

· colique salivaire : douleur brutale, accompagnant souvent la hernie salivaire,


apparaissant lors du repas

- complication infectieuse

· au niveau du plancher buccal : Whartonite avec éventuel abcès du plancher


caractérisé par des signes inflammatoires locaux et généraux

· sous-mandibulite aigüe qui se traduit par une tuméfaction inflammatoire de la


glande sous-mandibulaire et qui peut évoluer :

- soit vers la rémission spontanée ou après traitement,

- soit vers l'abcès de la région sous-mandibulaire, rare,

- soit vers la chronicisation avec sous-mandibulite chronique lithiasique d'aspect


pseudo-tumoral (glande salivaire dure et augmentée de volume, disparition des
phénomènes inflammatoires)

 - signe d'examen

· palpation d'un noyau dur (lithiase) sur le trajet du canal salivaire entre un doigt
intra-buccal et un doigt extra-buccal,

· glande salivaire augmentée de volume et sensible à la palpation

· la pression de la glande pouvant faire sourdre à l'ostium une salive plus ou moins
louche

· inflammation de la région ostiale

b) Signes radiologiques

- radiographies : film occlusal qui montre habituellement la lithiase qui est radio-
opaque

maxillaire défilé ou radiographie panoramique


30

- échographie de la région sous-mandibulaire qui peut visualiser l'augmentation de


volume de la glande et mettre en évidence la lithiase

- sialographie : jamais en première intention, permet de mettre en évidence une


lithiase postérieure et montre l'état de sclérose canaliculaire

c) Diagnostic différentiel

· pathologie inflammatoire du plancher d'origine dentaire

· adénopathie sous-mandibulaire

· pathologie tumorale glandulaire ou juxta-glandulaire (intérêt de l'échographie)

· pathologie inflammatoire non lithiasique

· diagnostic d'une image radio-opaque : ganglion calcifié (tuberculose), calcification


d'un angiome, corps étranger...

2) lithiase parotidienne

- exceptionnelle

- hernie et colique salivaires

- parotidite aigüe ou chronique

- confirmation de l'origine lithiasique plus difficile : radiographie intra-buccale,


sialographie, échographie

3) Traitement

a) - traitement médical :

· antibiotiques et anti-inflammatoires en cas de poussées infectieuses

· sialagogues (génésérine 3...), d'efficacité partielle et transitoire

b) - traitement chirurgical :

· taille endo-buccale : incision sous anesthésie locale par voie endo-buccale facile
lorsque le calcul est antérieur (région ostiale, partie antérieure du canal) et difficile
lorsque la lithiase est postérieure (partie postérieure du canal et bassinet) nécessitant
alors une anesthésie générale

· sous-mandibulectomie en cas de difficulté à l'ablation chirurgicale du calcul ou en


cas de sous-mandibulite chronique
31

PATHOLOGIE MEDICALE

1) Pathologie inflammatoire (sialite)

- parotidite ourlienne (oreillons) et autres parotidites virales (coxsakie...)

- parotidite bactérienne non-lithiasique : rare, une forme clinique mérite d'être isolée :
la parotidite récurrente de l'enfant apparaissant dans la première enfance, il s'agit
d'une parotidite unilatérale souvent purulente d'évolution favorable après traitement
médical et pouvant récidiver de manière régulière jusqu'à la puberté. Une
sialographie peut parfois mettre en évidence une anomalie canalaire

- parotidite tuberculeuse

2) sialose

- hypertrophie globale des glandes salivaires : d'origine nutritionnelle (alcoolisme


chronique, diabète, anorexie psychogène...)

ou systémique : sarcoïdose (syndrome d'Heerfordt : parotido-mégalie bilatérale,


uvéite, fièvre, paralysie faciale)

- syndrome de Gougerot-Sjögren : pathologie auto-immune à l'origine d'une sclérose


des glandes exocrines entraînant une diminution de la sécrétion salivaire, nasale,
lacrymale ("syndrome sec"), d'aspect sialographique typique (opacification ponctuée
avec diffusion extra-canalaire), scintigraphie caractéristique (déficit de captation et
d'excrétion). Le diagnostic est porté par la biopsie et le syndrome biologique
(anticorps anticanaux salivaires). Association possible à d'autres connectivités (L.R,
L.E.D, sclérodermie...).

3) syndrome de sécheresse buccale (xérostomie)

- diminution physiologique de la sécrétion salivaire chez le sujet âgé

- xérostomie médicamenteuse (médicament psychotropes)

- xérostomie post-radique

- syndrome de Gougerot

diagnostic parfois difficile (recherche d'antécédents médicamenteux et d'une


irradiation, recherche d'un syndrome sec type Gougerot), traitement médical très
décevant (Sulfarlem S25...)

PATHOLOGIE TUMORALE
32

Les tumeurs des glandes salivaires sont fréquentes et peuvent intéresser


principalement la glande parotide mais également les autres glandes salivaires
principales et les glandes salivaires accessoires.

Le diagnostic différentiel peut se poser avec la pathologie lithiasique ou médicale


mais surtout avec les tumeurs de voisinage qui peuvent simuler une tumeur salivaire
(adénopathie intra-glandulaire par exemple).

Le traitement est chirurgical.

1°) classification histologique

a) tumeur bénigne :

- adénome pléomorphe : l'histologie la plus fréquente (plus de la moitié des tumeurs


salivaires) : tumeur dure, pseudo-cartilagineuse, du sujet jeune, d'évolution très lente

- adéno-lymphome : tumeur molle siégeant le plus souvent au pôle inférieur de la


parotide chez le sujet âgé, parfois bilatérale, pouvant faire l'objet de poussées
inflammatoires

b) tumeur à malignité loco-régionale :

- carcinome muco-épidermoïde : tumeur dure, polylobée, irrégulière, à fort pouvoir


de récidive loco-régionale, pouvant entraîner une paralysie faciale

c) tumeur maligne :

- carcinome adénoïde kystique ou cylindrome : tumeur mal limitée, indurée,


d'évolution rapide, pouvant entraîner une paralysie faciale, à fort pouvoir
métastatique (poumons, foie)

d) tumeur non-salivaire :

- lymphome, adénopathie métastatique, tumeur bénigne de voisinage (angiome,


lipome, neurinome...)

2) diagnostic clinique d'une tumeur parotidienne

- localisation parotidienne : en arrière du ramus, sous le lobule de l'oreille

- critères de malignité :

· rapidité d'évolution

· existence d'une paralysie faciale, de douleurs

· adhérence ou ulcération cutanée


33

· existence d'une adénopathie satellite

- examen endo-buccal à la recherche d'un éventuel prolongement pharyngé (palpé bi-


manuel)

- absence de toute symptomatologie d'allure lithiasique associée

- diagnostic d'élimination : kyste sébacé (adhérent au plan cutané, mobile par rapport
au plan parotidien), hypertrophie massetérine, adénopathie de voisinage ou
pathologie dysembryoplasique (kyste amygdaloïde) de diagnostic plus délicat

3) examen complémentaire :

a) échographie : permet de visualiser la tumeur, sa localisation, ses dimensions et de


mettre en évidence une éventuelle seconde localisation tumorale

b) autres examens :

- cytoponction à l'aiguille fine : très controversée : permet à une équipe entraînée de


préciser d'une manière simple le diagnostic histologique

- T.D.M ou I.R.M : uniquement en cas de suspicion de lésion maligne

- pas d'indication de sialographie

4) traitement

- exérèse chirurgicale conservatrice du nerf facial (parotidectomie sub-totale) en cas


de tumeur bénigne

en cas de tumeur maligne ou de récidive, se pose le problème éventuel du sacrifice


du nerf facial qui devra être discuté en pré-opératoire avec le patient

- discussion d'une éventuelle radiothérapie post-opératoire pour les cylindromes

- complication post-opératoire : syndrome de Frey : apparition d'une rougeur cutanée


accompagnée d'une sécrétion sudorale parfois importante lors des repas dans la
région parotidienne après parotidectomie (colonisation des annexes cutanées par les
rameaux sécrétoires du nerf auriculo-temporal)

Traitement : abstention le plus souvent, éventuel traitement chirurgical

LIMITATION D'OUVERTURE BUCCALE

Une limitation d'ouverture buccale peut être soit :


34

- aigüe, il s'agira alors d'un trismus : abolition passagère plus ou moins complète des
mouvements d'ouverture buccale par contracture des muscles élévateurs. Les trismus
ont le plus souvent une cause locale infectieuse et exceptionnellement une cause
générale aux premiers plans desquels doit être évoqué le tétanos

- chronique : il s'agit alors d'une constriction permanente des mâchoires (CPM) dont
l'origine est le plus souvent articulaire (ankylose temporo-mandibulaire), parfois
extra-articulaire. Une CPM peut également être d'origine rhumatismale ou tumorale

- la dysfonction temporo-mandibulaire ou ADAM (algies et dysfonctionnement de


l'appareil manducateur) relève à la fois de phénomènes aigüs transitoires et d'une
pathologie chronique articulaire et occlusale.

1) Diagnostic d'un trismus

a) Clinique

- interrogatoire : âge, profession, ancienneté des troubles, antécédents récents (plaie


cervico-faciale, douleurs dentaires...), prise médicamenteuse

- recherche de signes associés : douleurs, température, dysphagie

- examen clinique : recherche d'une tuméfaction et de signes inflammatoires. En cas


de trismus serré, l'examen bucco-dentaire est difficile mais devra rechercher une
cause dentaire en particulier au niveau des dents de sagesse inférieures

- examen neurologique

- examen radiologique : radiographie panoramique

b) diagnostic étiologique

- causes locales : infection d'origine dentaire (péricoronarite sur 38-48, cellulite,


alvéolite post-extractionnelle...)

· fracture de l'angle mandibulaire du zygoma

· tumeur maligne infiltrante de la région amygdalienne

· traumatisme musculaire

- causes générales :

· tétanos : association à une dysphagie, à une paralysie faciale, antécédents de plaie


récente

· origine médicamenteuse : neuroleptique (association à un syndrome extra-


pyramidal)
35

· cause neurologique : accident vasculaire cérébral, botulisme, intoxication à la


Strychnine

2) Diagnostic d'une ankylose

a) Clinique

Il s'agit de la cause la plus fréquente des CPM qui réalise une limitation chronique
d'ouverture buccale indolore, irréductible. L'ouverture buccale est inférieure à 1 cm
en cas d'ankylose sévère, entre 1 et 2,5 cm en cas d'ankylose modérée.

On recherchera dans les antécédents une fracture de la région articulaire, qui a pu


passer inaperçue (polytraumatisme, petite enfance). Il s'agira le plus souvent de
fracture capitale avec écrasement de la tête condylienne. Ces lésions seront d'autant
plus fréquentes qu'un traitement inaproprié a été mis en oeuvre initialement (blocage
maxillo-mandibulaire prolongé).

Une étiologie post-infectieuse peut être retrouvée dans moins de 10 % des cas
(ostéoarthrite, septicémie, oto-mastoïdite).

Chez l'enfant, l'ankylose peut être associée à un trouble de croissance à type


d'atrophie mandibulaire unilatérale à l'origine d'une latéro-déviation ou bilatérale à
l'origine d'une rétro-mandibulie. Ce syndrome aura alors un retentissement dentaire
(mauvaise hygiène bucco-dentaire), facial avec troubles de croissance de l'étage
moyen et général avec retard staturo-pondéral

b) Le diagnostic est radiologique : radiographie panoramique, et surtout scanner des


ATM en coupes axiale et coronale qui montrent l'élargissement et le pincement de
l'interligne, évoluant vers son ossification complète dans les formes avancées

c) Traitement :

- préventif : prise en charge correcte des fractures de la région condylienne


(gymnastique mandibulaire...)

- curatif : arthrolyse avec résection du ou des blocs d'ankylose et rééducation post-


opératoire

3) Autres causes de CPM

- Origine osseuse post-traumatique : synostose entre le zygoma et le coroné

- sclérose des parties molles (séquelle de brûlure, sclérose post-radique)

- pathologie rhumatismale dans le cadre d'une polyarthrite rhumatoïde (atteinte


toujours tardive)
36

- pathologie tumorale de la région condylienne (ostéochondrome)

4) ADAM

a) clinique : association de manière variable de plusieurs symptômes :

· douleurs parfois diffuses

· craquements articulaires

· diminution d'ouverture buccale avec parfois trismus important

· phénomènes de blocage en ouverture ou en fermeture

· syndrome otologique avec bourdonnements d'oreille, acouphènes, otalgies


(syndrome de Costen)

b) examen

- recherche d'une anomalie occlusale parfois évidente, parfois de diagnostic difficile

- bilan complémentaire : au minimum radiographie panoramique, dans les formes


difficiles, I.R.M. de l'ATM

c) traitement

· occlusodontie avec port d'une plaque de surélévation qui libère les contraintes
musculaires

· gymnastique mandibulaire, rééducation, traitement anti-inflammatoire

· indication chirurgicale très limitée et encore mal codifiée

KYSTES ET TUMEURS DES MAXILLAIRES

La plupart des kystes et tumeurs bénignes des maxillaires sont à l'origine d'une
symptomatologie souvent assez pauvre et réalisent habituellement une image
radiologique radio-transparente.

Leur nature bénigne sera évoquée sur des critères cliniques et radiologiques mais ne
sera confirmée que par l'examen anatomopathologique systématique.

L'origine dentaire domine largement l'étiologie de ces lésions, les autres tumeurs les
plus fréquentes étant l'améloblastome, le kératokyste, le granulome à cellules
géantes. Le traitement est dans tous les cas chirurgical.

1) Kyste d'origine dentaire


37

a) étiologie :

· kyste radiculo-dentaire : c'est l'évolution d'un granulome

· kyste corono-dentaire qui apparaît autour d'une dent incluse, le plus souvent la
dent de sagesse mandibulaire

Ces deux aspects représentent 80 % des images radio-claires observées au niveau des
maxillaires.

b) clinique :

· découverte fortuite lors d'un examen radiologique

· tuméfaction indolore d'évolution très lente

· surinfection de la poche kystique avec phénomènes inflammatoires intermittents

· rares complications mécaniques avec fracture pathologique du maxillaire

c) examen clinique :

· il s'agit d'une tuméfaction osseuse non mobilisable, indolore, de consistance dure

· l'état de la denture en regard sera soigneusement examiné (test de vitalité pulpaire)

· la sensibilité labiale (nerf alvéolaire inférieur) est normale

 d) examen radiologique :

La radiographie essentielle est la radiographie panoramique. Les incidences


complémentaires seront éventuellement utiles dans quelques cas particuliers. Un
examen scanner ne sera demandé qu'en cas de lésion de grande dimension. Il montre
une image radio-claire, homogène, avec un liseré périphérique, de localisation
variable mais souvent angulaire, ayant pu éroder les apex dentaires de voisinage
(rhizalyse), et pouvant contenir un organe dentaire s'il s'agit d'un kyste corono-
dentaire

e) Si le diagnostic est souvent évident, il peut parfois prêter à discussion avec les
autres images radio-claires des maxillaires et c'est alors l'exploration chirurgicale qui
permettra de rétablir le diagnostic en même temps qu'elle assurera le traitement par
curetage avec extraction de la dent causale.

2) Autres tumeurs des maxillaires

a) kératokyste (ou kyste épidermoïde) :

· homme jeune, signes inflammatoires fréquents


38

· localisation angulaire

· image unique parfois polylobée

· macroscopiquement contenu d'aspect sébacé très caractéristique

· risque de récidive locale en cas d'exérèse incomplète

· peut se voir dans le cadre d'un syndrome malformatif plus complexe associant des
lésions cutanées malignes de type carcinome baso-cellulaire à des kystes
épidermoïdes diffus des deux maxillaires (naevomatose baso-cellulaire ou syndrome
de Gorlin)

b) améloblastome

· tumeur bénigne du sujet jeune intéressant souvent la région angulaire

· image radiologique souvent multiloculaire avec aspect en "bulles de savon"

· macroscopiquement soit contenu kystique avec liquide clair soit tumeur pleine,
charnue

· risque élevé de récidive en cas d'exérèse insuffisante

· traitement chirurgical par résection large non-interruptrice qui peut devenir


interruptrice en cas de récidive

c) granulome à cellules géantes

· tumeur bénigne du sujet jeune, siégeant au niveau de la branche horizontale

· origine post-traumatique tardive possible

· image radiologique ostéolytique en "nid d'abeilles"

· macroscopiquement : tumeur charnue, rougeâtre d'allure splénique assez


hémorragique

· histologiquement cellules géantes très caractéristiques

· risque de récidive en cas d'exérèse incomplète

d) autres tumeurs bénignes :

· fibrome, myxome

· angiome : signe d'hypervascularisation, avec souvent déformation osseuse,


frémissement cutané traduisant une éventuelle fistule artério-veineuse qui doit faire
39

évoquer le diagnostic et pratiquer un bilan doppler et artériographique. Toute


extraction dentaire ou biopsie est contre-indiquée.

e) tumeur maligne :

· envahissement par un carcinome de voisinage

· sarcome, réalisant un aspect radiologique caractéristique

· métastase d'un adéno-carcinome (sein, poumon).

Ces tumeurs malignes se caractérisent par des différences cliniques et radiologiques ::

· douleurs fréquentes

· insensibilité labiale dans le territoire du nerf alvéolaire inférieur (signe de Vincent)

· mobilité dentaire

· ostéolyse à bords irréguliers, inhomogène, rupture corticale, absence de liseré


périphérique, destruction avancée de l'os alvéolaire respectant les racines (aspect de
dent "suspendue dans le vide")

MALFORMATIONS CONGENITALES

Les malformations congénitales de la face sont multiples et résultent d'un trouble du


développement embryonnaire apparu entre la 4ème et la 10ème semaine de la vie
intra-utérine.

Ces anomalies aboutissent le plus souvent à un défaut de fusion des bourgeons


faciaux qui réalisent les fentes labio-alvéolaires et palatines.

Les autres anomalies sont beaucoup plus rares et résultent d'un défaut qualitatif
et/ou quantitatif du développement des arcs branchiaux à l'origine de syndromes
malformatifs plus ou moins complexes, uni ou bi-latéraux dont le plus classique est
la microsomie hémi-faciale.

D'autres malformations sont également possibles par persistance de kystes ou de


fistules issus du revêtement ecto-dermique (fistule pré-auriculaire, fistule latéro-
cervicale, kyste dermoïde du plancher buccal, kyste amygdaloïde sous-angulo-
mandibulaire...).

Seules les fentes faciales seront étudiées du fait de leur fréquence.

1) Etiologie
40

La fréquence de cette malformation est de 1,5 pour 1000 naissances. Il existe une
légère prédominance masculine.

Le facteur héréditaire est reconnu mais non encore identifié. Il n'y a pas de facteur
étiologique formellement reconnu chez l'homme.

2) Formes anatomiques

Toutes les fentes peuvent être totales ou partielles, n'intéressant alors qu'une partie
des éléments anatomiques.

- fente labio-alvéolaire unilatérale ou fente du palais primaire

Le défaut de fusion intéresse le seuil narinaire, la lèvre supérieure au niveau de la


crête filtrale et la région gingivo-alvéolaire en regard de l'incisive latérale. Cette
lésion siège le plus souvent du côté gauche

- fente labio-alvéolaire bilatérale

Les deux fentes qui suivent le même trajet isolent un bourgeon médian qui comprend
la columelle, la partie médiane de la lèvre entre les deux crêtes filtrales et un
bourgeon osseux maxillaire qui contient les germes des incisives centrale et latérale

- fente vélaire et vélo-palatine ou fente du palais secondaire

Il s'agit d'un défaut de fusion médian depuis la région rétro-incisive jusqu'à la partie
postérieure du voile du palais (luette). Les deux bourgeons sont plus ou moins
fusionnés selon l'expressivité de la malformation, pouvant réaliser au minimum une
division sous-muqueuse du voile qui est morphologiquement continu mais qui
présente une dysfonction par absence de fusion musculaire sur la ligne médiane. Une
luette bifide est également un équivalent mineur de cette malformation.

Lorsqu'elle est isolée, la fente palatine est plus fréquente que la fente labio-alvéolaire.

- association d'une fente labio-alvéolaire et d'une fente palatine réalisant une fente
labio-palatine totale qui peut être au niveau labial uni ou bilatérale

3) Clinique

Le diagnostic qui peut être anté-natal par échographie (recherche soigneuse en cas
d'antécédents familiaux) est porté à la naissance et doit déterminer s'il s'agit d'une
fente labio-alvéolaire uni ou bilatérale associée ou non à une fente vélo-palatine.

Les conséquences de la malformation sont multiples :

- problèmes morphologiques
41

- difficultés d'alimentation dès les premiers jours de la vie (tétée impossible en cas de
fente labio-palatine totale)

- troubles fonctionnels liés à la fente vélo-palatine par reflux bucco-nasal, rhinolalie


complète à l'origine de troubles phonatoires majeurs, dysfonction des trompes
d'Eustache à l'origine de complications otologiques fréquentes (otites)

- troubles de la croissance dento-alvéolaire à l'origine d'une endo-maxillie et


d'importants désordres de l'éruption dentaire dans les secteurs incisivo-canins du fait
de la fente osseuse alvéolaire, anomalies fréquentes des bourgeons dentaires des
dents de voisinage

- association possible à d'autres malformations en particulier des mains (syndrome


oro-digital).

4) Schéma thérapeutique

Le traitement s'étale des premiers mois de vie jusqu'en fin de croissance avec
plusieurs étapes dont la chronologie initiale peut être différente selon les équipes
mais dont le principe général est le même :

- correction morphologique précoce (avant le 6ème mois) de la région labiale

- fermeture du voile du palais avant 18 mois

- rééducation orthophonique précoce et prolongée

- surveillance otologique régulière pendant toute la petite enfance

- traitement orthodontique dès l'apparition de la denture définitive pour une durée


souvent longue

- éventuelle greffe osseuse de la région alvéolaire vers 10 ans

- compléments chirurgicaux, esthétiques et/ou fonctionnels en cours de croissance


(pharyngoplastie, retouches de la cicatrice labiale, rhinoplastie, fermeture d'une
communication bucco-nasale résiduelle...)

DYSMORPHOSES DENTO-MAXILLO-FACIALES

Elles se définissent comme des anomalies squelettiques et/ou de la mandibule à


l'origine habituellement d'un trouble de l'occlusion dentaire et pouvant justifier
d'une correction orthodontique et/ou chirurgicale aux objectifs à la fois fonctionnels
et esthétiques.
42

Ces anomalies morphologiques se définissent dans les trois plans de l'espace :


sagittal, transversal et vertical et peuvent se concevoir par excès ou par défaut dans
toutes ces directions.

1) Formes anatomiques

- Dans le plan sagittal :

dans l'occlusionnormale, les incisives supérieures sont situées 1 à 2 mm en avant des


incisives inférieures (classe I). Une position trop postérieure de la mandibule entraîne
un excès de surplomb (classe II). Il s'agit d'une rétrognathie mandibulaire. Une
position trop en avant de la mandibule ou prognathie mandibulaire (classeIII)
entraîne une inversion de l'articulé incisif.

Ces anomalies sagittales peuvent être soit d'origine maxillaire soit d'origine
mandibulaire, soit les deux (par exemple une prognathie mandibulaire peut être liée
à une insuffisance de développement antérieur de la mandibule-promandibulie-ou
associer les deux anomalies)

- Dans le sens transversal :

l'arcade maxillaire recouvre l'arcade mandibulaire. Par ailleurs, le point inter-incisif


supérieur correspond au point inter-incisif inférieur. Une anomalie transversale sera
définie comme une latéro-mandibulie ou latéro-maxillie droite ou gauche

- Dans le sens vertical :

au niveau incisif, les incisives supérieures recouvrent d'environ 2 mm les incisives


inférieures en occlusion. Une augmentation de la dimension verticale de la face
pourra être à l'origine d'une béance inter-dentaire. A l'inverse, une insuffisance de
développement vertical provoquera un recouvrement excessif.

Ces différents troubles morphologiques pourront s'associer de manière variable selon


les sujets.

Ils apparaîtront plus ou moins précocement au cours de la croissance, les anomalies


par excès pouvant parfois poursuivre leur évolution jusqu'en fin de croissance.

2) Diagnostic

Le diagnostic d'une telle anomalie repose sur :

l'examen clinique

-l'interrogatoire recherchera les antécédents familiaux et les troubles fonctionnels et


esthétiques présentés par le patient. La recherche des antécédents médicaux
(traumatismes, irradiation, acromégalie...) pourra dans certains cas orienter
l'étiologie.
43

Des facteurs favorisant seront également recherchés (succion du pouce...)

- l'examen sera exo et endo-buccal s'attachant particulièrement à étudier l'occlusion


dentaire

- le bilan radiographique comportera une radiographie panoramique, une


téléradiographie de face et de profil qui seront étudiées (analyse céphalométrique)

- des empreintes seront réalisées qui permettront une simulation sur moulages.

- un bilan photographique initial sera également indispensable.

3) Schéma thérapeutique

Lorsque l'amplitude de la malformation est limitée et prédomine à l'étage dento-


alvéolaire, un traitement orthodontique bien conduit sera habituellement suffisant.

Lorsque l'anomalie squelettique prédomine à l'étage basilaire et entraîne des troubles


fonctionnels et morphologiques importants, un traitement chirurgical souvent
associé à un traîtement orthodontique pourra être proposé. Il repose sur le principe
des ostéotomies :

- ostéotomie maxillaire dite de Lefort I

- ostéotomie mandibulaire qui se fait par clivage sagittal des branches montantes de
la mandibule.

Ces ostéotomies permettent un repositionnement spacial des bases osseuses


conforme au projet thérapeutique élaboré aux vues du bilan rediographique et des
moulages. Ces interventions se situent habituellement en fin de croissance (après
s'être assuré de l'absence d'évolution du trouble).

Les progrès de la chirurgie orthognatique permettent une correction morphologique


et fonctionnelle d'excellente qualité avec des résultats stables.

PATHOLOGIE D'ORIGINE DENTAIRE

La pathologie à point de départ dentaire est multiple et se traduit souvent par des
complications infectieuses, locales, régionales ou générales.

Le point de départ en est soit une inclusion dentaire compliquée, le plus souvent
au niveau de la dent de sagesse inférieure, soit une pathologie propre de l'organe
dentaire par carie ou parodontopathie.

La fréquence de ces complications infectieuses pose un véritable problème de


santé publique d'autant plus inacceptable qu'une prévention efficace est possible.
44

1) Accident d'évolution des dents de sagesse inférieures

Les dents de sagesse inférieures (38 et 48) apparaissent à l'état de germe en cours
de croissance et font théoriquement leur éruption en fin de croissance en arrière
des deuxièmes molaires définitives.

Il est fréquent que cette éruption ne se fasse pas, la dent restant alors incluse soit
par anomalie de position (dent horizontale) soit par manque de place sur l'arcade
du fait d'un encombrement dentaire (dysharmonie dento-maxillaire).

L'éruption peut être incomplète ou particulièrement longue : la dent est alors en


désinclusion, partiellement recouverte par son sac péri-coronaire qui peut être
source de réactions inflammatoires plus ou moins importantes (péricoronarite).

La symptomatologie liée à l'évolution de ces dents de sagesse peut être très


variable :

- découverte fortuite sur une radiographie panoramique d'une dent incluse dont
l'extraction n'est pas justifiée en l'absence de symptomatologie

- déplacement mécanique des dents de l'arcade mandibulaire secondaire à la


poussée postérieure provoquée par l'éruption de la dent. Ces déplacements parfois
minimes peuvent provoquer des troubles occlusaux qui peuvent être à l'origine
d'une dysfonction des articulations temporo-mandibulaires. Il n'est pas toujours
évident de rattacher ce type de complications à une dent de sagesse incluse.
L'extraction de principe des germes des dents de sagesse après traitement
orthodontique met à l'abri de ce problème.

- complications tumorales : apparition d'un kyste corono-dentaire développé aux


dépens du sac péri-coronaire de la dent de sagesse

- complications nerveuses : douleurs de type névralgique, en fait très


exceptionnelles

- complications iatrogènes secondaires à une extraction de dent de sagesse


mandibulaire : névralgies du nerf alvéolaire inférieur et/ou du nerf lingual,
fracture pathologique de l'angle mandibulaire

- les complications infectieuses représentent l'essentiel des accidents d'évolution


des dents de sagesse :

· simple péricoronarite avec inflammation au niveau du trigone rétro-molaire du


capuchon muqueux à l'origine de douleurs et de trismus

· gingivo-stomatite plus ou moins diffuse, parfois localisée à l'hémi-arcade


mandibulaire

· cellulite péri-maxillaire ayant pour point de départ la péricoronarite


45

Dans tous ces cas, l'extraction de la dent causale sera indispensable.

2) Maladies de l'organe dentaire

L'atteinte pathologique de l'organe dentaire peut se faire :

- soit au niveau des tissus durs de la dent par destruction progressive de dehors en
dedans de l'émail, de la dentine et du cément : carie dentaire

- soit par résorption lente des tissus de soutien de la dent (ou parodonte) qui
aboutira à la perte partielle ou totale de la denture : parodonthopatie

Ces deux pathologies parfois intriquées relèvent de mécanismes


physiopathologiques complexes faisant intervenir des agents bactériens, des
facteurs métaboliques (sucres lents, hypovitaminose, grossesse), des facteurs
salivaires (xérostomie post-radique), des facteurs toxiques, et des facteurs
héréditaires.

Une mauvaise hygiène bucco-dentaire est fréquemment associée.

a) - la carie dentaire :

- à la carie de l'émail (1er degré) asymptomatique, succède la carie dentinaire


(2ème degré) à l'origine d'une dentinite : douleurs provoquées

- la pulpite (3ème degré) provoque une douleur spontanée parfois violente ("rage
de dents") : irradiation, caractère intermittent, signes réflexes associés, caractère
pulsatile. La nécrose pulpaire sera l'évolution inéluctable, en l'absence de
traitement elle aboutira au stade post-carieux (4ème degré) qui est celui des
complications locales, loco-régionales et à distance.

La complication locale la plus habituelle est l'apparition d'un granulome apical


souvent asymptomatique, parfois à l'origine d'une mono-arthrite apicale (douleurs
spontanées, dent légèrement mobile, douloureuse à la percussion, élargissement
ligamentaire sur une radio rétro-alvéolaire).

Les complications régionales sont les cellulites, les sinusites et les ostéites.

Les complications générales sont essentiellement cardio-vasculaires (endocardites


infectieuses chez des patients valvulaires ou porteurs d'une malformation
congénitale). D'autres atteintes générales de nature inflammatoire ont été décrites :
manifestations articulaire, rénale, oculaire, cutanée... dans tous ces cas, la mise en
état bucco-dentaire fait partie de la démarche thérapeutique.

b) Parodontopathie
46

Le syndrome parodontal se manifeste par :

- cliniquement :

· des gingivites oedèmateuses avec gingivorragies au brossage

· la récession gingivale associée à une dénudation radiculaire est très


caractéristique

· l'évolution se fait vers la mobilité dentaire avec perte prématurée de la dent

· l'apparition d'une poche parodontale signe la surinfection locale pouvant évoluer


vers l'abcès gingival (parulie)

- radiologiquement : on retrouve une lyse progressive de l'os alvéolaire avec


disparition du septum inter-dentaire

- sur le plan thérapeutique, les possibilités sont réduites (chirurgie parodontale) et


le traitement préventif est le plus efficace.

3) Cellulite péri-maxillaire d'origine dentaire

Il s'agit d'une infection plus ou moins circonscrite des tissus mous péri-maxillaires
par des germes d'origine bucco-dentaire.

 a) Etiologie

Les cellulites compliquent le plus souvent une nécrose pulpaire, l'infection


diffusant à travers l'os alvéolaire pour gagner les régions sous-périostées et au-
delà les loges musculaires ou graisseuses.

D'autres causes dentaires sont possibles : complications de parodontopathie,


évolution de péricoronarite.

Des causes non-dentaires peuvent donner des tableaux équivalents : fracture,


ostéite, infection de kyste...

b) Clinique

- le stade oedémateux associe douleurs, tuméfaction inflammatoire sous-


muqueuse et sous-cutanée, trismus modéré

- le stade suppuré est très caractéristique : douleurs continues avec trismus, signes
généraux, tuméfaction volumineuse gardant le godet adhérente au plan profond

- l'évolution se fait le plus souvent vers la fistulisation spontanée qui pourra


précéder le passage à la chronicité
47

c) Formes topographiques

Elles sont très nombreuses et dépendent de la localisation de l'apex dentaire par


rapport aux corticales osseuses et aux insertions musculaires.

Schématiquement, on peut distinguer

. à la mandibule les formes vestibulaire, temporo-massétérine, pelvi-buccale sus et


sous-mylohyoïdienne, sous-mandibulaire

. au maxillaire les formes palatine, jugale et orbitaire lorsque la dent causale est la
canine ou la prémolaire.

d) Diagnostic

L'origine dentaire est confirmée par l'examen clinique (antécédents, découverte


d'une dent mortifiée). Cet examen est difficile en cas de trismus.

Dans tous les cas la radiographie, indispensable, confirme la pathologie apico-


dentaire ou l'existence d'une dent de sagesse en désinclusion.

Il est habituellement aisé d'éliminer un phlegmon sous-mandibulaire, une


pathologie d'origine salivaire (sous-mandibulite), une ostéite.

e) Evolution

- fistulisation ou chronicisation avec persistance d'un nodule sous-cutané

- aggravation des signes locaux et généraux en particulier sur des terrains


favorisants (diabète, baisse de l'immunité)

- diffusion réalisant une cellulite faciale associant des signes loco-régionaux


(infiltration pelviglosse, infiltration cervicale), et des signes généraux de type choc
septique. L'évolution peut être fatale en l'absence de traitement rapidement bien
conduit.

f) Traitement

- traitement médical : il repose sur une antibiothérapie (en l'absence d'allergie :


acide clavulanique). Un traitement anti-inflammatoire ne sera jamais prescrit de
manière isolée. La pose d'une vessie de glace est un excellent complément
antalgique et anti-inflammatoire

- le traitement chirurgical sera, dans les cas simples (cellulite oedémateuse),


l'extraction de la dent causale sous anesthésie locale. Dans les cas compliqués, une
anesthésie générale est indispensable permettant l'évacuation, le lavage et le
drainage de l'abcès par voie cutanée et/ou vestibulaire ainsi que l'extraction de la
ou des dents causales.
48

4) Sinusite maxillaire d'origine dentaire

Les dents "sinusiennes" sont la première molaire, la deuxième prémolaire, plus


rarement la deuxième molaire et la première prémolaire supérieures.

Leur apex est en contact intime avec la muqueuse du plancher sinusien et une
infection apicale pourra se propager à travers l'os alvéolaire à la muqueuse
sinusienne.

a) Diagnostic

Il s'agit d'une sinusite unilatérale, purulente, récidivante.

L'examen clinique retrouve du pus dans le méat moyen et permet souvent


d'identifier la dent causale.

Un examen radiologique (radiographie panoramique, incidence sinusienne)


montre soit une opacité complète du sinus avec ou sans niveau liquide soit une
image en cadre traduisant un épaississement de la muqueuse sinusienne.

L'origine dentaire est confirmée radiologiquement.

b) Formes étiologiques

- dent mortifiée : c'est la cause la plus fréquente

- origine iatrogène : refoulement intra-sinusien d'une racine d'une dent lors d'une
extraction difficile, dépassement apical lors d'un traitement dentaire avec
projection de pâte à canaux dans le sinus qui réalise une image radio-opaque du
bas-fond sinusien très caractéristique. C'est dans ce cas qu'est décrite l'aspergillose
sinusienne.

c) Communication bucco-sinusienne

Il s'agit le plus souvent d'une complication post-extractionnelle réalisant une


communication entre la cavité orale et la cavité sinusienne (passage aérien et
liquidien).

Une sinusite chronique complique habituellement ce tableau.

d) Diagnostic différentiel

- cellulite génienne

- sinusite d'origine rhinologique (sinusite bilatérale, terrain allergique...)

- cancer du sinus maxillaire (épistaxis, ostéolyse radiologique justifiant la pratique


d'un examen scannographique)
49

e) Traitement

- de la cause dentaire : il s'agira le plus souvent d'une extraction

- de la sinusite : drainage sinusien par voie nasale et/ou vestibulaire (intervention


de Caldwell-Luc)

Dans tous les cas, une antibiothérapie sera associée.

5) Ostéite des maxillaires

L'infection osseuse de la mandibule ou plus rarement du maxillaire survient le


plus souvent chez l'adulte jeune à la suite d'une infection apicale d'une molaire
mandibulaire.

L'ostéo-myélite hématogène est exceptionnelle et se rencontre surtout chez le petit


enfant.

a) Ostéite circonscrite

Alvéolite post-extraction : quelques jours après l'extraction d'une molaire survient


une douleur très violente de l'alvéole qui est le plus souvent sèche, parfois
comblée par un bourgeon charnu inflammatoire.

La recherche d'un petit séquestre osseux ou d'une racine oubliée par un examen
radiologique sera systématique. Dans ce cas, une révision alvéolaire sera
nécessaire en complément du traitement médical.

b) Ostéite diffuse de la mandibule

Le tableau clinique associe douleurs mandibulaires souvent irradiées (otalgies,


syndrome général modéré, tuméfaction mandibulaire douloureuse). Il existe très
souvent une anesthésie labio-mentonnière (signe de Vincent).

Sur le plan radiologique, l'origine dentaire est plus ou moins évidente (la dent a
pu être extraite). Il existe une modification de la trame osseuse qui apparaît
gommée. A un stade plus avancé, un séquestre osseux pourra être observé.

Une scintigraphie confirmera le diagnostic en montrant une fixation très intense


aux temps précoces et tardifs.

c) Evolution

La chronicisation est la règle en l'absence de traitement parfaitement adapté.


L'ostéite évolue alors au long cours avec des poussées inflammatoires régulières
séparées d'un intervalle libre plus ou moins asymptomatique.
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L'image radiologique est de plus en plus évidente avec l'apparition d'un ou


plusieurs séquestres qui peuvent parfois s'extérioriser.

d) Formes cliniques

- ostéite traumatique : fracture mobile non traitée ou infection après ostéosynthèse

- ostéite nécrosante d'origine iatrogène secondaire à un traitement dévitalisant à


base d'Anhydride arsénieux, à l'origine d'un volumineux séquestre dento-
alvéolaire

- ostéoradionécrose : cfr chapitre cancérologie

- ostéite tuberculeuse : exceptionnelle

e) Traitement

- traitement étiologique : extraction de la dent causale, révision du foyer alvéolaire,


contention ou nouvelle ostéosynthèse en cas d'ostéite traumatique...

- traitement médical : il repose sur une antibiothérapie au long cours si possible


adaptée d'après un antibiogramme. Ce dernier n'est pas toujours possible et une
antibiothérapie probabiliste sera alors mise en route (PYOSTACINE pendant trois
à six mois)

- traitement chirurgical : ablation des séquestres, décortication de la table externe


de la mandibule.

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