These Abdoul MIJIYAWA

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 323

INSTITUTIONS ET DÉVELOPPEMENT : ANALYSE

DES EFFETS MACROÉCONOMIQUES DES


INSTITUTIONS ET DE RÉFORMES
INSTITUTIONNELLES DANS LES PAYS EN
DÉVELOPPEMENT
Abdoul’ Ganiou Mijiyawa

To cite this version:


Abdoul’ Ganiou Mijiyawa. INSTITUTIONS ET DÉVELOPPEMENT : ANALYSE DES EFFETS
MACROÉCONOMIQUES DES INSTITUTIONS ET DE RÉFORMES INSTITUTIONNELLES
DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT. Sciences de l’Homme et Société. Université d’Auvergne
- Clermont-Ferrand I, 2010. Français. �tel-00484905�

HAL Id: tel-00484905


https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00484905
Submitted on 19 May 2010

HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est


archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents
entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de
teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires
abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
UNIVERSITÉ D’AUVERGNE-CLERMONT I
Faculté de Sciences Économiques et de Gestion
Centre d’Études et de Recherches sur le Développement International (CERDI)

INSTITUTIONS ET DÉVELOPPEMENT : ANALYSE DES EFFETS


MACROÉCONOMIQUES DES INSTITUTIONS ET DE RÉFORMES
INSTITUTIONNELLES DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

INSTITUTIONS AND DEVELOPMENT: ANALYSIS OF


MACROECONOMIC EFFECTS OF INSTITUTIONS AND
INSTITUTIONAL REFORMS IN DEVELOPING COUNTRIES

THÈSE NOUVEAU RÉGIME


POUR LE DOCTORAT EN SCIENCES ÉCONOMIQUES
Présentée et soutenue publiquement le 18 Mai 2010

Par

Abdoul’ Ganiou MIJIYAWA

Sous la direction de :

Monsieur Philippe DULBECCO, Professeur

Membres du Jury :

Jean Pierre Allegret Professeur à l’Université Lumière Lyon 2


Paul Collier Professeur à l’Université d’Oxford
Jean Louis Combes Professeur à l’Université d’Auvergne
Philippe Dulbecco Professeur à l’Université d’Auvergne
Philip Keefer Lead Economist, Département de la Recherche, Banque Mondiale
Claude Ménard Professeur à l’Université Paris 1
L’université d’Auvergne n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions
émises dans cette thèse. Ces opinions sont propres à l’auteur.
A mes parents et à ma famille
Remerciements

Je tiens à exprimer mes sincères remerciements à Philippe Dulbecco pour l’encadrement sans
faille qu’il a assuré tout au long de cette thèse. Ses conseils, son attention et ses
encouragements ont été des éléments motivateurs et stimulateurs pour la réalisation de cette
thèse. Je remercie également les membres du jury, Jean Pierre Allegret, Paul Collier, Jean
Louis Combes, Philip Keefer et Claude Ménard pour m’avoir fait l’honneur de participer à
mon jury de thèse.

J’adresse mes vifs remerciements au corps professoral, au personnel administratif du CERDI,


pour avoir fait du CERDI, un environnement propice pour étudier et mener la recherche dans
de très bonnes conditions. Je remercie aussi mes collègues du CERDI ainsi que les amis que
je me suis fait à Clermont-Ferrand.

Je remercie Joseph Atilla, Gaelle Balineau, Helène Ehrhart, Michaël Goujon, Désiré Omgba
Luc, Thierry Kangoye, Tidiane Kinda, les participants aux séminaires des doctorants au
CERDI, ainsi que les participants aux séminaires internationaux auxquels j’ai participé, pour
leurs commentaires et suggestions qui m’ont permis d’améliorer mes travaux et de publier des
articles issus des chapitres II et III respectivement dans Cato Journal et Journal of
International Development. Je remercie Chrystel Moser pour sa sympathie. Je remercie
également Gaoussou Diarra, Cathérine Korachais ainsi que mes collègues de bureau, Lanciné
Comdé, et Xiaoxiam Huang. Je suis sûr que tous ceux que je n’ai pas nommément cités se
reconnaîtront, et merci à tous.

J’exprime ma profonde reconnaissance à Mijiyawa Moktar, Sylla Fatoumata, Mijiyawa


Mourtala, mes parents, mes frères, soeurs, et mes proches pour leurs soutiens indéfectibles.
Sommaire

Introduction générale…………………………………………………………………………..1

Chapitre I : Les Déterminants des Institutions de Droits de Propriété Privée : Revue de la


Littérature et Analyse Empirique……………………………………………………………..13

Chapitre II : Quelles Institutions pour une Croissance Économique Soutenue?......................78

Chapitre III : Effet des Institutions Démocratiques sur l’Inflation dans les Pays en
Développement.……………………………………………………………………………..129

Chapitre IV : Fondement Économique de la Démocratie dans les Pays en Développement:


Une Approche par l'Analyse Coûts-Bénéfices de la Démocratie…………………………...183

Chapitre V : Effet Collatéral des Investissements Directs Étrangers (IDE) : Impact des IDE
sur la Réforme des Institutions de Droits de Propriété Privée dans les Pays en
Développement……………………………………………………………………………...233

Conclusion Générale………………………………………………………………………...285
Introduction Générale

L’analyse économique des institutions fut marquée au début du XXe siècle par des
travaux classés généralement comme étant hétérodoxes, tels que ceux de Veblen, Mitchell et
Commons. A partir des années 1970, l’économie institutionnelle va se renouveler sous
l’impulsion de nouveaux travaux que l’on regroupe de nos jours, sous l’appellation de la
Nouvelle Economie Institutionnelle, et parmi lesquels on trouve ceux de Coase, North,
Williamson. La Nouvelle Economie Institutionnelle consiste en un développement des outils
néoclassiques pour l’analyse du rôle des institutions dans la coordination et la réalisation des
activités économiques (North, 1993 ; Williamson, 2000)1.
La littérature emprunte généralement la définition des institutions à Douglas North.
Selon North, les institutions sont les règles du jeu dans une société, ou plus formellement, ce
sont les contraintes humainement conçues qui déterminent les interactions humaines2. Par
conséquent, les institutions structurent les incitations dans les échanges humains, aussi bien
dans le domaine politique, économique et social. Par ailleurs, les institutions ont pour nature
de réduire l’incertitude dans la vie de tous les jours (North, 1990).
On distingue les institutions formelles des institutions informelles. Les institutions
formelles sont l’ensemble des contrats, règles politiques, juridiques et économiques écrits,
explicites et dont l’exécution devrait être assurée par une entité, généralement l’Etat ou ses
administrations. En revanche, les institutions informelles ne sont pas écrites, elles sont des
règles implicites dont l’exécution est assurée de façon endogène par les individus appartenant

1
Adam Smith, père fondateur de la science économique, reconnaissait déjà dans ses travaux l’importance des
institutions pour de bonnes performances économiques et donc pour le développement économique. En effet,
Adam Smith (1776) écrit : “ […] In all countries where there is tolerable security [of property], every man of
common understanding will endeavour to employ whatever [capital] stock he can command.… A man must be
perfectly crazy who, where there is tolerable security [of property], does not employ all the [capital] stock which
he commands.… In those unfortunate countries…where men are continually afraid of the violence of their
superiors, they frequently bury and conceal a great part of their [capital] stock…in case of their being threatened
with any of those disasters to which they consider themselves as at all times exposed. This is said to be a
common practice in Turkey, in Indostan, and, I believe, in most other governments of Asia. It seems to have
been a common practice among our [feudal] ancestors.’’
2
North (1990) distingue les institutions des organisations qui sont les joueurs, c’est-à-dire un groupe d’individus
unis par le même objectif et pour la réalisation des mêmes résultats. C’est ainsi que North identifie les partis
politiques comme étant des organisations politiques, la firme comme une organisation économique, l’école,
l’université comme des organisations éducatives, etc. Les institutions déterminent l’existence tout comme
l’évolution des organisations, lesquelles influent en retour l’évolution des institutions. Par ailleurs, il faut aussi
distinguer les institutions des politiques économiques, celles-ci sont des instruments définis par le gouvernement
pour la réalisation des objectifs d’intérêt public. Le choix de politiques économiques dépend des institutions
existant dans un pays. Dans des régimes dictatoriaux, ce choix dépend d’un seul individu, généralement le chef
de l’exécutif ce qui n’est pas le cas dans des régimes démocratiques. Remarquons aussi que les politiques
économiques varient très rapidement comparativement aux institutions. C’est ainsi que dans un pays la politique
budgétaire ou le taux d’imposition peut varier d’une année à l’année, alors que les institutions régissant la
définition de ces politiques perdurent dans le temps.

1
à un même groupe ou à une même communauté. Les institutions informelles sont un
ensemble de coutumes, de conventions, de normes ou de codes de conduite dans la société
(North, 1990). C’est ainsi que les institutions formelles varient relativement plus rapidement
que les institutions informelles. Il est effet plus facile de modifier les règles électorales que la
culture et les normes sociales dans un pays. Aussi, le changement des institutions formelles
peut être discontinu ou brutal, alors que les institutions informelles évoluent de façon continue
et incrémentale. Qu’elles soient formelles ou informelles, les institutions définissent
également ce que les membres d’une société sont autorisés ou pas à faire, et quelque fois sous
quelles conditions certains membres de la société sont autorisés à entreprendre certaines
activités (North, 1990).
De façon générale, les travaux empiriques sur les institutions portent essentiellement
sur les institutions formelles, sans doute à cause des difficultés de mesure des institutions
informelles. Les institutions formelles se regroupent sous deux catégories à savoir : les
institutions économiques et les institutions politiques. Les institutions économiques
définissent les règles régissant les interactions humaines dans le domaine économique, alors
que les institutions politiques définissent ces règles dans le domaine politique (Acemoglu,
Johnson et Robinson, 2005a). Dans un pays, il peut exister plusieurs types d’institutions
économiques. Rodrik (2005) distingue : les institutions de création du marché (exemple les
institutions de droits de propriété), les institutions de régulation du marché (exemple les
organismes de régulation), les institutions de stabilisation du marché (exemple les institutions
monétaires et budgétaires) et les institutions de légitimation du marché (exemple les
institutions de protection et d’assurance sociale). Ces dernières années, les institutions de
droits de propriété et dans une moindre mesure, les institutions de régulation sont celles qui
ont le plus attiré l’attention des économistes dans leurs travaux empiriques.
Les institutions de droits de propriété privée, définissent les règles protégeant les
agents privés contre les risques d’expropriation vis-à-vis de l’Etat et des autres agents privés,
les règles garantissant l’exécution de contrats entre agents économiques, ainsi que les règles
régissant la résolution de conflits liés à l’exécution de ces contrats. Ainsi, dans un pays où il
existe de bonnes institutions de protection de droits de propriété privée, les investisseurs
privés sont assurés de pouvoir jouir des fruits de leurs investissements, ce qui les incite à
accroître leurs investissements et à allouer efficacement leurs ressources. C’est pour cette
raison que les institutions de droits de propriété sont nécessaires pour la croissance et le
développement économique (North et Thomas, 1973 ; North, 1981 ; Jones, 1981). Les
institutions de régulation définissent les règles de fonctionnement du marché. Elles visent à

2
minimiser les abus de pouvoir du marché, à internaliser les externalités, à résoudre les
problèmes d’asymétrie informationnelle, à établir les normes de qualité et de sécurité des
produits (Rodrik, 2005). Ainsi, de bonnes institutions de régulation devraient faciliter l’entrée
sur le marché des entrepreneurs innovateurs et dynamiques, en évitant d’accorder des
protections aux entreprises les moins productives ou les moins efficaces.
S’agissant des institutions politiques, les travaux des économistes portent
essentiellement sur les institutions démocratiques. Dans ce domaine, la définition des
institutions démocratiques généralement admise est celle de Schumpeter (1942). Selon
Schumpeter, les institutions démocratiques sont des arrangements institutionnels permettant
d’aboutir aux décisions politiques, et pour lesquelles les individus acquièrent le pouvoir de
décider au travers de compétitions électorales. En pratique, les institutions démocratiques sont
alors associées à l’existence d’élections libres et justes, la responsabilisation des politiciens
vis-à-vis des électeurs et la participation libre des citoyens aux activités politiques (Acemoglu
et Robinson, 2006b). Selon Polity IV -un organisme privé américain de recherche sur la
démocratie-, les institutions démocratiques se caractérisent aussi par l’existence de contraintes
institutionnelles sur l’exécutif dans la prise de décisions concernant les affaires publiques.
Dans les démocraties occidentales, ces contraintes institutionnelles émanent de centres de
« contre-pouvoir » tels que les chambres de députés ou assemblées nationales. Par ailleurs, la
littérature considère la démocratie comme une méta institution, c’est-à-dire une institution à
partir de laquelle naissent ou se renforcent les autres institutions dans un pays (Rodrik, 2000 ;
Acemoglu, Johnson et Robinson, 2005a).

Problématique et objectifs de la thèse

North est un auteur pionnier contemporain, qui a analysé le rôle des institutions dans
le processus de développement économique. Il montre en particulier que l’existence de
bonnes institutions de droits de propriété privée stimule le développement de l’investissement
et la croissance économique. A partir du milieu des années 1990, les analyses de North vont
inspirer plusieurs travaux empiriques qui mettront en exergue le rôle des institutions dans la
détermination du taux de croissance économique ou du niveau de revenu par tête. Mauro
(1995), Knack et Keefer (1995) font partie des premiers auteurs qui ont utilisé des indicateurs
pertinents de mesure de la qualité des institutions économiques pour montrer empiriquement
que les pays dotés de bonnes institutions sont ceux qui enregistrent des taux de croissance
économique plus élevés. A la suite, se sont développés d’autres travaux empiriques basés sur

3
l’utilisation de techniques de variables instrumentales pour montrer de façon plus rigoureuse
que les pays dotés de bonnes institutions sont ceux qui ont des revenus par tête les plus élevés
(Hall et Jones, 1999 ; Acemoglu, Johnson et Robinson, 2001). Ces différents travaux
empiriques témoignent d’un regain d’intérêts pour l’analyse économique des institutions.
Les travaux empiriques sur la relation entre la qualité des institutions et le
développement économique ont influencé ces dernières années, la définition de stratégies de
développement des grandes institutions internationales œuvrant pour la réduction de la
pauvreté dans le monde. C’est ainsi que le Programme de Nations Unies pour le
Développement (PNUD) s’est fixé entre autres objectifs, la diffusion des pratiques de la
bonne gouvernance3 dans le monde et en particulier dans les pays en développement.
La Banque Mondiale fait aussi de la bonne gouvernance et de la lutte contre la
corruption des critères d’évaluation de la qualité de la gestion économique de ses pays
membres, ce que traduit l’indice Country Policy and Institutional Assessment (CPIA). Le
CPIA, est un indice agrégeant des critères de performances de politiques économiques et de
qualité des institutions, que la Banque Mondiale utilise dans ses décisions d’allocation de
l’aide au développement. Le Fonds Monétaire International (FMI) de son côté, reconnaît aussi
l’importance des institutions lorsqu’il révise la liste des éléments de la conditionnalité de son
aide en incorporant une série de réformes institutionnelles que ses pays membres doivent
entreprendre afin de pouvoir bénéficier de ses ressources. La révision des conditionnalités
dans les années 2000 a donné naissance à ce que Rodrik (2005) a appelé « le consensus de
Washington augmenté ».
Ainsi, depuis le milieu des années 1990, des analyses empiriques ont permis de
montrer que le retard économique des pays en développement serait essentiellement dû à
l’inefficacité des institutions dans ces pays. Il se dégage alors un consensus sur la nécessité
d’entreprendre des réformes institutionnelles dans les pays en développement afin d’assurer le
développement économique de ces pays.
Cependant, les travaux existants relatifs à l’analyse des effets des institutions sur les
performances économiques, prennent rarement en compte les éventuels coûts associés à
l’amélioration de la qualité des institutions. En fait, la littérature économique suppose
implicitement que l’amélioration de la qualité des institutions est une opération à coût nul, ce
3
Kaufmann, Kraay et Mastruzzi définissent la gouvernance comme étant l’ensemble de traditions et institutions
par lesquelles l’autorité est exercée dans un pays. Cela sous entend : le processus par lequel un gouvernement est
élu, remplacé, et soumis au contrôle public; la capacité d’un gouvernement à définir et à mettre en oeuvre des
politiques économiques efficaces ; le respect des institutions régissant les interactions économiques et sociales
entre les citoyens et le gouvernement.

4
qui est évidemment peu défendable. De plus, on peut considérer que l’amélioration de la
qualité des institutions peut induire des coûts à court terme, alors que ses bénéfices ne vont se
matérialiser qu’à long terme. Ainsi, le décalage temporel des effets positifs de l’amélioration
de la qualité des institutions pourrait réduire les incitations des pays en développement à
réformer leurs institutions. Par ailleurs, la littérature aborde très peu la question des facteurs
susceptibles de favoriser la réforme des institutions dans les pays en développement. En effet,
à ce jour la littérature a surtout montré le rôle des institutions dans la détermination de la
croissance économique. Or, une chose est de mettre en exergue l’importance des institutions
dans le processus de développement économique, une autre est d’identifier les facteurs
susceptibles de favoriser la réforme des institutions dans les pays en développement.
Cette thèse poursuit deux principaux objectifs. Notre premier objectif consiste à
analyser la rationalité économique du choix d’une stratégie de développement basée sur
l’amélioration de la qualité des institutions dans les pays en développement. Autrement dit, en
dépit d’un possible décalage temporel des effets positifs de l’amélioration de la qualité des
institutions, nous cherchons à savoir s’il est économiquement justifié d’entreprendre des
réformes institutionnelles dans les pays en développement. Pour ce faire, nous analysons les
effets des institutions sur la soutenabilité de la croissance économique. De même, à travers
l’analyse des effets de la démocratie, qui est considérée comme une méta institution, nous
tentons de comparer les effets de court et de long terme de l’amélioration de la qualité des
institutions dans les pays en développement. Ainsi, nous dirons qu’il est économiquement
rationnel de réformer les institutions dans les pays en développement, si d’une part, les
institutions jouent un rôle dans la soutenabilité de la croissance, qui est la condition nécessaire
pour la réduction de la pauvreté et le développement économique, et si d’autre part, les
bénéfices de long terme l’emportent sur les coûts induits de la démocratie à court terme.
Notre second objectif consiste à analyser les facteurs susceptibles de favoriser la
réforme des institutions dans les pays en développement. Pour ce faire, nous nous inspirons
des travaux de North et Weingast (1989) et de Acemoglu et al. (2005b, 2008b). Ces auteurs
analysent le processus de changements institutionnels en Angleterre au 17ème siècle. En
particulier, les travaux de Acemoglu et al. (2005b, 2008b) montrent que la participation de
l’Angleterre au commerce atlantique a permis d’accélérer le processus de réformes
institutionnelles dans ce pays au 17ème siècle. Sur la base de ces travaux, nous tentons de
comprendre dans quelle mesure les pays en développement pourraient de nos jours profiter de
leurs participations à la globalisation financière, grâce en particulier aux investissements

5
directs étrangers qu’ils reçoivent, pour réformer leurs institutions4. Notre analyse relative au
rôle éventuel des investissements directs étrangers dans la mise en œuvre de réformes
institutionnelles dans les pays en développement rejoint celle de Kose et al. (2006). En effet,
ces auteurs soutiennent que les pays en développement qui participent à la globalisation
financière pourraient bénéficier de plusieurs effets collatéraux des capitaux privés qu’ils
reçoivent, et la mise en œuvre de réformes institutionnelles fait partie de ces effets
collatéraux. Tenter de comprendre comment les pays en développement pourraient prendre
avantage des IDE qu’ils reçoivent pour réformer leurs institutions est une question originale et
capitale. En effet, les flux entrants d’IDE peuvent constituer une opportunité pour
entreprendre des réformes structurelles y compris des réformes institutionnelles dans les pays
en développement. Il est alors important de comprendre dans quelle mesure cela pourrait être
possible. A notre connaissance c’est la première fois qu’une telle question est posée et
analysée.
Cette thèse a pour ambition de contribuer à un débat d’actualité. En effet, comme nous
le soulignons plus haut, de nos jours, l’analyse économique des institutions est l’un des sujets
qui suscitent un regain d’intérêts aussi bien dans les milieux académiques que dans les
organisations multilatérales et bilatérales oeuvrant pour le développement économique des
pays pauvres. En analysant l’effet des institutions sur la soutenabilité de la croissance, nous
examinons à la fois une question très peu abordée dans la littérature, et une question
essentielle pour les pays en développement. En effet, il ne peut avoir de réduction de la
pauvreté sans soutenabilité de la croissance. A travers l’analyse des effets des institutions
démocratiques, nous tentons de comparer les coûts induits à court terme et les bénéfices de
long terme de l’amélioration de la qualité des institutions. Ce faisant, notre analyse se
démarque de la démarche habituellement privilégiée dans la littérature. En effet, nous ne nous
contentons pas seulement des effets positifs des institutions sur la croissance économique
pour justifier la mise en oeuvre de réformes institutionnelles dans les pays en développement.
Mais aussi, nous tenons compte des coûts ou effets indésirables pouvant résulter à court terme
de l’amélioration de la qualité des institutions dans les pays en développement.

4
La globalisation financière est un concept agrégé qui signifie un accroissement des liens entre pays à travers
des flux de capitaux transfrontaliers (Prasad et al., 2003). Ces flux de capitaux peuvent prendre les formes de
dette, d’actions, d’investissements de portefeuille et d’investissements directs étrangers (IDE). Depuis les années
1990, les IDE constituent la part la plus importante des flux de capitaux privés que les pays en développement
reçoivent (Kose et al., 2006). Ainsi, les flux d’IDE sont d’une composante de la globalisation financière.

6
Principaux résultats et structure de la thèse
Les principaux résultats de cette thèse, confirment l’idée selon laquelle il est de
l’intérêt des pays en développement de choisir une stratégie de développement économique
basée sur la réformes de leurs institutions, c’est-à-dire, qu’il est économiquement rationnel
pour les pays en développement de mettre en place des institutions garantissant à leurs
populations : une bonne protection des droits de propriété privée, une régulation efficace des
activités économiques, plus de liberté et de participation politique. Cette thèse montre aussi
qu’une combinaison efficace de facteurs internes -existence dans les pays en développement
d’institutions efficaces de contraintes sur l’exécutif- et de facteurs externes -participation des
pays en développement aux échanges internationaux d’investissements directs étrangers-
contribueraient à la mise en œuvre de réforme des institutions de droits de propriété privée
dans les pays en développement. En effet, nos analyses empiriques montrent que :

1. Une amélioration de la qualité des institutions démocratiques, des institutions de droits


de propriété privée, et particulièrement des institutions de régulation est favorable à la
soutenabilité de la croissance économique dans les pays en développement.
2. L’amélioration de la qualité des institutions engendre des coûts à court terme et des
bénéfices à long terme, mais les bénéfices de long terme l’emporteraient sur les coûts
de court terme. Nous mettons en exergue un tel résultat, à travers la comparaison des
effets de court et de long terme des institutions démocratiques sur la croissance
économique dans les pays en développement.
3. La probabilité de réformer les institutions de droits de propriété privée augmente avec
les flux d’investissements directs étrangers reçus dans les pays en développement
dotés d’institutions efficaces de contraintes sur l’exécutif.

Cette thèse est constituée de cinq chapitres. Pour traiter les différentes questions
posées dans cette thèse nous développons des arguments théoriques à partir desquels nous
faisons des hypothèses que nous soumettons à l’épreuve des données. Les analyses
empiriques sont réalisées en utilisant des données couvrant essentiellement la période 1960-
2005. Ces analyses empiriques concernent aussi bien les institutions économiques-institutions
de droits de propriété privée et institutions de régulation- que les institutions politiques -
institutions démocratiques et institutions de contraintes sur l’exécutif-.
Le premier chapitre de cette thèse porte sur l’analyse des déterminants des institutions
de droits de propriété privée. Dans ce chapitre, nous tentons de répondre à la question

7
suivante : Si telle que la littérature le démontre, les institutions de droits de propriété privée
sont nécessaires pour la croissance économique, pourquoi alors tous les pays ne se doteraient
pas de bonnes institutions de droits de propriété privée ? Autrement dit, nous tentons de
comprendre pourquoi la qualité des institutions de droits de propriété privée est-elle plus
élevée dans certains pays que dans d’autres ?
Ainsi dans le chapitre I, nous étudions les déterminants des institutions de droits de
propriété ou institutions de création du marché, sans lesquelles, il est difficile d’envisager le
développement d’activités économiques dans un pays. Pour ce faire, dans le chapitre I nous
analysons et évaluons empiriquement l’importance relative de chacune des quatre différentes
approches théoriques de l’analyse des déterminants de la qualité des institutions de droits de
propriété privée. La première approche met l’accent sur les facteurs économiques, la seconde
approche sur les facteurs culturels et la troisième approche met l’accent sur les facteurs
historiques. La quatrième approche accorde plus d’importance aux facteurs d’économie
politique ou facteurs liés à la volonté des décideurs politiques dans le choix des institutions.
Nos analyses empiriques à base de données transversales couvrant la période 1970-
2005 et 143 pays (dont 118 pays en développement et 25 pays développés) montrent que
l’approche politique est celle qui explique le mieux la différence de la qualité des institutions
de droits de propriété privée entre pays. Dans le chapitre I, nous montrons également
qu’indépendamment des échantillons, des indicateurs et des spécifications économétriques,
les pays les plus démocratiques disposent en moyenne sur une longue période des institutions
de protection des droits de propriété privée de qualité plus élevée.
Dans le chapitre II, nous nous intéressons à l’analyse des effets des institutions et à
l’identification des institutions les « plus importantes » pour la soutenabilité de la croissance
économique. Pour ce faire, nous analysons l’effet relatif des institutions de droits de propriété
privée, des institutions de régulation et des institutions démocratiques, et l’effet combiné de
ces institutions (effet d’un indice composite à partir des trois institutions) sur la croissance
soutenue. Théoriquement, nous entendons par croissance économique soutenue, une
croissance positive du PIB par tête auto-entretenue par le dynamisme de la productivité.
Compte tenu de la fréquence quinquennale à laquelle la majorité des données sur les
institutions économiques sont renseignées, empiriquement, nous définissons une croissance
soutenue comme étant une croissance positive du PIB par tête pendant cinq ans consécutifs.
Dans la perspective de modèle de croissance endogène à la Romer (1986), nous
soutenons que les institutions pourraient entraîner une croissance soutenue en favorisant un
accroissement de la productivité globale des facteurs grâce à l’effet favorable des institutions

8
sur le développement de l’investissement privé. En utilisant la Méthode des Moments
Généralisés en Système (GMM System) de Blundell et Bond (1998) pour corriger
l’endogenéité des institutions, les analyses empiriques à base de données de panel
quinquennal, couvrant la période 1960-2003 montrent que l’effet combiné des trois
institutions est favorable à la soutenabilité de la croissance. Cependant, comparées aux autres
institutions, les institutions de régulation apparaissent comme les « plus importantes » pour la
soutenabilité de la croissance. Aussi, les résultats du chapitre II montrent-ils qu’un
accroissement de la productivité globale des facteurs est favorable à la soutenabilité de la
croissance. Nous obtenons ces résultats à partir d’un échantillon total de 123 pays mais aussi
avec un sous échantillon de 85 pays en développement.
Dans le troisième chapitre de cette thèse, nous analysons l’effet des institutions
démocratiques sur l’efficacité des politiques macroéconomiques dans les pays en
développement. Plus précisément, nous posons la question de savoir si la démocratie accroît
ou réduit l’inflation dans les pays en développement. Dans la littérature il existe deux
approches d’économie politique de l’inflation. « L’approche populiste » soutient que le risque
d’inflation est élevé dans les régimes démocratiques du fait de la demande de transferts
publics par l’électeur médian, financés par la création monétaire. Au contraire, « l’approche
capture de l’Etat », défend l’existence d’un faible risque d’inflation dans les pays
démocratiques du fait de la limitation des comportements de capture de rente des décideurs
politiques. Il s’agit de rente relative à la création monétaire à des fins personnelles.
Nous montrons que, la démocratie risque d’entraîner une hausse de l’inflation dans les
pays en développement du fait de la demande par l’électeur médian de biens et services
publics fondamentaux (eau, école, route etc). En effet, du fait des ressources fiscales limitées
des gouvernements dans les pays en développement, la satisfaction de la demande de
l’électeur médian pour les biens publics peut entraîner une hausse du déficit public financé
par la création monétaire. D’autre part, la faible préférence de l’électeur médian pour les
politiques de libéralisation commerciale accroît le risque d’inflation dans les pays en
développement démocratiques, car la libéralisation commerciale à travers la compétition
qu’elle introduit, constitue un facteur réducteur de la hausse des prix. L’aversion de l’électeur
médian vis-à-vis des politiques de libéralisation commerciale peut s’expliquer par
l’incertitude des effets de la libéralisation commerciale pour l’électeur médian, et par les
difficultés pour l’électeur médian de jouir d’éventuels effets positifs de la libéralisation
commerciale dans les pays en développement.

9
Afin de corriger pour l’endogénéité des institutions démocratiques vis-à-vis de
l’inflation et des variables de politiques macroéconomiques, nous utilisons la date
d’indépendance politique comme une variable instrumentale pour les institutions
démocratiques, ceci constitue l’une des principales innovations du chapitre III. Le test
d’instruments faibles à la Stock et Yogo (2002, 2005) montre que la date d’indépendance est
une bonne variable instrumentale. En utilisant des données quinquennales en pooling couvrant
la période 1960-2003, avec un échantillon de 62 pays en développement, nous trouvons une
relation causale, positive et significative entre l’inflation et la démocratie. Il apparaît que la
démocratie entraîne une hausse de l’inflation dans les pays en développement par une hausse
de la masse monétaire et une baisse du volume du commerce extérieur.
Dans le chapitre IV, nous étudions l’amélioration de la qualité des institutions
démocratiques comme un investissement institutionnel susceptible de générer des coûts à
court terme et des bénéfices à long terme. A court terme, les coûts induits de la démocratie se
traduiraient par une baisse du taux de croissance économique dans les pays en
développement, provenant d’une hausse de l’inflation et de l’instabilité politique. En
revanche, les bénéfices de long terme de la démocratie vont très probablement entraîner une
hausse du taux de croissance dans les pays en développement, à travers l’amélioration de la
qualité des institutions de droits de propriété privée. Afin de comparer les bénéfices et les
coûts induits de la démocratie, nous comparons alors les effets de court et de long terme des
institutions démocratiques sur le taux de croissance économique.
En nous inspirant de la méthode de l’inventaire permanent, nous développons un
nouvel indicateur de performance démocratique dénommé « stock de capital démocratique »
censé capter le cumul d’expériences démocratiques d’un pays. Les résultats des estimations
économétriques avec des données couvrant la période 1960-2003, et un échantillon de 69 pays
en développement indiquent un effet nul du niveau de démocratie sur la croissance
économique lorsque nous utilisons des données de panel quinquennal. En revanche,
l’estimation avec des données transversales montre qu’une hausse équivalente à un écart type
du stock de capital démocratique entraînerait un doublement du taux de croissance
économique dans les pays en développement. Ces résultats mettent ainsi en exergue un effet
de court terme nul (résultat des estimations avec données de panel), et un effet de long terme
élevé (résultat des estimations avec des données en coupe transversale) des institutions
démocratiques sur la croissance économique. Nous effectuons des corrections pour
l’endogénéité dans nos estimations économétriques, en appliquant la technique de GMM

10
system avec les données de panel, et en utilisant l’origine légale et le taux de mortalité des
colons blancs comme instruments pour le stock de capital démocratique.
Dans le cinquième et dernier chapitre de cette thèse, nous tentons de comprendre les
facteurs susceptibles de favoriser la réforme des institutions dans les pays en développement.
Pour ce faire, nous nous inspirons de l’histoire de changements institutionnels en Angleterre
au 17ème siècle, histoire analysée par North et Weingast (1989) et par Acemoglu et al. (2005b,
2008b). Dans le cas de l’Angleterre, Acemoglu et al. (2005b, 2008b) montrent que la
participation au commerce atlantique a servi de choc exogène pour la mise en œuvre de
réformes institutionnelles au 17ème siècle. Sur la base de ces travaux, nous analysons dans
quelle mesure, de nos jours, la participation des pays en développement à la globalisation
financière, pourrait favoriser la réforme des institutions de droits de propriété privée dans ces
pays.
Dans le cas des pays en développement, nous faisons l’hypothèse que les entrées
d’investissements directs étrangers pourraient avoir l’effet de choc exogène sur l’équilibre
politique qui entretient la persistance des institutions économiques inefficaces dans ces pays.
Cette hypothèse est cohérente avec le travail de Kose et al. (2006) qui soutiennent que dans
les pays en développement qui participent à la globalisation financière, celle-ci pourrait avoir
comme effet collatéral, la mise en œuvre de réformes institutionnelles.
Cependant, nous soutenons que les investissements directs étrangers contribuent à la
réforme des institutions de droits de propriété privée, uniquement dans des pays en
développement où il existe préalablement des mécanismes efficaces de contraintes
institutionnelles relatives à l’exercice du pouvoir exécutif. L’existence de contraintes sur
l’exécutif est une garantie que la majorité des entrepreneurs pourraient bénéficier des
opportunités de profit qu’offrent les investissements directs étrangers. Une telle situation est
favorable à l’émergence et au renforcement du pouvoir de négociation des individus
souhaitant la réforme des institutions.
Les analyses empiriques du chapitre V sont menées à base des données de panel
quinquennal couvrant la période 1970-2005, et un échantillon de 80 pays en développement.
Les résultats des estimations économétriques montrent que la probabilité de réformer les
institutions de droits de propriété privée augmente avec les investissements directs étrangers
reçus dans les pays où le niveau initial de contraintes sur l’exécutif est au moins égal à 3,6. Il
s’agit d’un niveau raisonnable pour un indice de contraintes sur l’exécutif rangé de façon
croissante entre 1 et 7. De plus, seuls 20 pays sur les 80 de notre échantillon auraient atteint ce
niveau de contraintes sur l’exécutif. Nous obtenons les résultats du chapitre V en utilisant des

11
modèles logit et probit ainsi que des modèles de probabilité linéaire contrôlant pour les effets
fixes et les risques d’endogénéité grâce à l’utilisation de la technique de GMM system. Les
résultats du chapitre V suggèrent donc qu’une combinaison efficace de facteurs internes -
existence dans les pays en développement de mécanismes efficaces de contraintes
institutionnelles sur l’exécutif- et de facteurs externes -participation des pays en développent
aux mouvements internationaux de capitaux sous forme d’investissements directs étrangers-
pourrait aider les pays en développement à réformer leurs institutions de droits de propriété
privée.

12
Chapitre I

Les Déterminants des Institutions de Droits de Propriété Privée :


Revue de la Littérature et Analyse Empirique

1. Introduction

Les institutions sont nécessaires pour la croissance et le développement économique.


En particulier, de bonnes institutions de protection des droits de propriété privée stimulent le
développement de l’investissement et une meilleure allocation des ressources économiques
(North et Thomas, 1973 ; North, 1981 ; Jones, 1981). Ces dernières années, des travaux
empiriques réalisés à partir de données transversales et de données de panel ont permis de
mettre en évidence le rôle des institutions pour la croissance et le développement économique
(Acemoglu, Johnson et Robinson 2001, 2002 ; Easterly et Levine, 2003 ; Rodrik et al., 2004 ;
Pande et Udry, 2006). De même, des travaux empiriques réalisés à base de données
microéconomiques ont mis en évidence le rôle des institutions de droits de propriété privée
pour le développement de l’investissement privé, la productivité et l’investissement agricole
(Besley, 1995; Johnson et al., 2002 ; Goldstein et Udry, 2005, 2008; Field, 2007). Le rôle des
institutions pour de bonnes performances économiques semble donc bien établi dans la
littérature.
A partir de ce constat, la question pertinente qu’il convient de se poser est la suivante :
Pourquoi la qualité des institutions diffère-t-elle entre pays ? Autrement dit, pourquoi
certains pays disposent-ils de meilleures institutions que d’autres ? La réponse à cette
question présente un grand intérêt, car elle peut permettre d’identifier les facteurs sur lesquels
les décideurs politiques pourraient agir en vue d’améliorer la qualité des institutions, et de
favoriser les réformes institutionnelles dans les différents pays.
Nous nous intéressons particulièrement aux institutions de droits de propriété privée.
Celles-ci définissent les règles protégeant les agents privés contre les risques d’expropriation
vis-à-vis de l’Etat et des autres agents privés, les règles garantissant l’exécution de contrats
entre agents économiques, ainsi que les règles régissant la résolution de conflits liés à
l’exécution de ces contrats. Notre intérêt pour les institutions de droits de propriété privée se
justifie par le fait que ce sont les institutions de création du marché (Rodrik, 2005), et sans

13
celles-ci, il est difficile d’envisager le développement d’activités économiques dans un pays.
De même, les effets favorables des institutions de droits de propriété sur les performances
économiques ont été démontrés sans controverse aussi bien à partir des données
macroéconomiques que microéconomiques. De plus, les auteurs pionniers de l’analyse
économique des institutions, à l’instar de North, dans leurs travaux s’intéressent
particulièrement aux institutions de droits de propriété privée.
Dans ce chapitre nous analysons donc les déterminants des institutions de droits de
propriété privée. Pour ce faire, nous présentons et évaluons empiriquement quatre différentes
approches théoriques relatives à l’analyse de la qualité des institutions de droits de propriété
privée.
La première approche théorique est celle que l’on appelle l’approche économique ou
la théorie de l’efficience des institutions. Selon les tenants de cette approche, les institutions
de droits de propriété privée sont créées lorsque les bénéfices excèdent les coûts de leurs
créations (Demsetz, 1967 ; North et Thomas, 1973). La seconde approche est l’approche
culturelle ou la théorie de différences institutionnelles fondées sur des différences de valeurs
culturelles ou de croyances idéologiques. Les tenants de cette approche soutiennent que les
différences entre pays, en ce qui concerne la qualité des institutions sont dues aux différences
idéologiques à propos des bonnes valeurs sociales : toutes les sociétés n’auraient pas la même
conception de ce qui est bien pour leurs membres (Weber, 1958 ; Banfield, 1958 ; Putnam
1993 ; Landes, 1998).
L’approche historique ou la théorie de différences institutionnelles dues aux facteurs
historiques, est la troisième approche que nous analysons. Ceux qui défendent cette approche
stipulent que la qualité des institutions actuelles est le résultat des évènements historiques. Les
pays héritent des institutions qui sont les conséquences des évènements historiques
(Engerman et Sokoloff, 1997, 2002 ; Acemoglu, Johnson et Robinson, 2001). La dernière
approche est l’approche politique. Selon les tenants de cette approche, les institutions sont
volontairement choisies par les individus qui contrôlent à un moment donné le pouvoir
politique. Ces individus choisissent des institutions dans le but de maximiser leurs gains
personnels et non nécessairement le revenu de l’ensemble de la société (North, 1981 ;
Acemoglu, 2003 ; Acemoglu, Johnson et Robinson, 2005a).
L’énumération de ces différentes approches suscite beaucoup plus de questions qu’elle
n’apporte de réponses. Ainsi, nous pouvons nous poser les questions suivantes : Chaque
approche est-elle effectivement pertinente ? Quelle est l’importance relative de chaque
approche par rapport aux autres ? Quelle est l’approche la plus pertinente ? Quelle est la

14
part de la variabilité entre pays, de la qualité des institutions de droits de propriété privée
que pourrait expliquer l’ensemble de ces quatre différentes théories ? Afin de répondre à ces
différentes questions, il convient d’identifier des variables susceptibles de nous permettre
d’évaluer empiriquement et convenablement ces différentes théories.
Dans ce chapitre nous poursuivons essentiellement deux objectifs. Notre premier
consiste à réaliser une revue de la littérature empirique sur les déterminants des institutions de
droits de propriété privée. Pour ce faire, nous classifions à travers les quatre différentes
approches théoriques, les travaux empiriques existants sur les déterminants des institutions de
droits de propriété privée.
Notre second objectif consiste à identifier l’approche « la plus pertinente ». En effet,
ce qui pourrait intéresser beaucoup plus les décideurs politiques, c’est l’identification des
facteurs les plus pertinents, susceptibles de contribuer à l’amélioration de la qualité des
institutions de droits de propriété privée. Il peut certes exister une certaine complémentarité
entre les quatre différentes approches que nous analysons, mais mettre en exergue
empiriquement cette complémentarité n’est pas un exercice évident. De plus, l’analyse de la
complémentarité entre les différentes approches théoriques serait moins intéressante pour des
décideurs politiques qui veulent savoir les facteurs les plus contraignants à l’amélioration de
la qualité des institutions de leurs pays.
Pour identifier l’approche « la plus pertinente », nous évaluons empiriquement la
« pertinence simple » et la « pertinence relative » de chacune des quatre théories. Pour tester
la « pertinence simple » d’une approche, nous estimons l’effet séparé des variables proxy
permettant de tester cette approche, en ignorant les effets des autres variables sur l’indice de
droits de propriété privée. En estimant simultanément les effets sur l’indice de droits de
propriété privée, des différentes variables permettant de tester chacune des quatre théories,
nous testons la « pertinence relative » de chaque approche théorique par rapport aux trois
autres approches. Ainsi, une approche théorique sera identifiée comme « la plus pertinente »,
si sa « pertinence simple » et sa « pertinence relative » ne peuvent pas être rejetées. Ce qui
veut dire que l’approche la plus pertinente devrait au minimum exercer un effet significatif et
attendu sur l’indice des institutions de droits de propriété privée, et cet effet devrait rester
significatif et de bon signe après avoir pris en compte les effets des autres approches.
Ce chapitre fait quatre contributions. La première contribution de ce chapitre est
l’analyse empirique et systématique de la « pertinence simple » et de la « pertinence relative »
de chacune des quatre théories. A notre connaissance, ce travail serait le premier à évaluer
systématiquement les quatre approches théoriques relatives aux déterminants de la qualité des

15
institutions de droits de propriété. En effet, généralement, les chercheurs analysent l’impact
d’une ou deux variables relatives à l’une ou deux des quatre théories en ignorant l’impact des
variables relatives aux autres approches. Une telle démarche ne permet pas de mieux
apprécier la pertinence des résultats obtenus5.
La deuxième contribution de ce chapitre est l’identification de l’approche politique
comme « la plus pertinente » des approches. La troisième contribution de ce chapitre est la
mise en exergue de spécificités aux groupes de pays quant aux effets de certaines variables
affectant la qualité des institutions. Les résultats de ce chapitre permettent ainsi de montrer le
fait que certains facteurs contribuant à l’amélioration de la qualité des institutions de
protection des droits de propriété peuvent varier d’un groupe de pays à l’autre.
La quatrième et dernière contribution de ce chapitre, est la réalisation de la revue de la
littérature des travaux empiriques sur les déterminants des institutions de droits de propriété
privée, en regroupant les différents travaux empiriques existants selon la taxonomie des
théories de la qualité des institutions que nous analysons dans ce chapitre. En effet, la plupart
des auteurs, en analysant l’impact d’une variable donnée sur l’indice de droits de propriété
privée ne situent pas leurs analyses par rapport aux différentes approches théoriques étudiées
dans ce chapitre. Dans ce cas, il est difficile de comprendre les fondements théoriques des
résultats trouvés par ces auteurs.
Ce chapitre est structuré comme suit. Dans la deuxième section, nous faisons une
présentation détaillée des quatre théories relatives à l’analyse des déterminants des institutions
de droits de propriété privée. Dans la troisième section, nous discutons de la pertinence du
choix des variables proxy permettant de tester chacune des quatre théories. Avant de passer
aux estimations économétriques, dans la quatrième section nous effectuons la revue des
travaux empiriques sur le sujet que nous traitons dans ce chapitre. Dans la cinquième section,
nous réalisons les estimations économétriques et présentons les résultats. La dernière et

5
L’exception dans ce domaine est le travail de La Porta et al. (1999). Cependant, notre travail diffère sur
plusieurs plans de celui de La Porta et al. (1999). Les analyses de ces auteurs portent sur les déterminants de la
qualité du gouvernement dont la qualité de protection des droits de propriété privée est l’un des critères
d’appréciation. Donc l’analyse des déterminants des institutions de protection des droits de propriété est l’un des
objectifs de La Porta et al. (1999) alors qu’il est notre principal objectif dans ce chapitre. Ces auteurs évoquent
seulement trois approches de l’analyse de la qualité des institutions en faisant abstraction de l’approche
historique. Dans la partie empirique, ces auteurs ne testent réellement que deux approches : l’approche culturelle
et l’approche politique. Ils ne testent pas l’approche économique. Enfin, pour tester l’approche politique, La
Porta et al. (1999) utilisent la fragmentation ethnolinguistique et l’origine légale, ce qui n’est pas notre cas. En
effet, nous utilisons l’origine légale comme proxy pour tester l’approche historique, et nous contrôlons pour
d’autres déterminants potentiels de la qualité des institutions de protection des droits de propriété y compris la
fragmentation ethnolinguistique.

16
sixième section est consacrée à la conclusion de ce chapitre avec quelques implications de
politiques économiques de nos résultats empiriques.

2. Taxonomie des théories de la qualité des institutions de droits de


propriété privée

Quatre différentes approches théoriques permettent d’analyser les déterminants des


institutions de droits de propriété privée. La présentation de ces différentes théories ainsi que
l’analyse de leurs limites, s’inspirent essentiellement des travaux de La Porta et al. (1999),
Acemoglu (2003), et Acemoglu, Johnson et Robinson (2005a)6. Dans ce chapitre, nous
utilisons le terme d’institutions économiques pour désigner essentiellement les institutions de
droits de propriété privée.

2.1 L’approche économique : Une théorie de l’efficience des institutions

La théorie de l’efficience des institutions stipule que chaque société choisit des
institutions économiques efficaces -institutions permettant de maximiser le revenu global du
pays- et la distribution des gains issus de ces institutions est indépendante de la distribution du
pouvoir politique. Cette théorie se fonde sur le théorème de Coase (1960). Dans ce cadre
précis, l’application du théorème de Coase (1960) suppose que, si dans un pays les institutions
économiques existantes sont pénalisantes pour les uns et bénéfiques pour les autres, les deux
groupes d’individus peuvent entrer en négociations en vue de modifier les institutions
existantes ou de créer de nouvelles institutions qui vont produire des résultats bénéfiques pour
tous. Donc, selon l’approche économique, la recherche de l’efficience économique
empêcherait l’existence des institutions inefficaces, c'est-à-dire, des institutions de droits de
propriété qui ne permettent pas de maximiser le revenu de l’ensemble de la société.
D’autres versions de l’approche économique existent. C’est ainsi que, poursuivant
dans la même logique de l’efficience des institutions, Demsetz (1967) soutient que la
nécessité de créer des droits de propriété privée sur les parcelles de terre est apparue lorsque
les terres libres devenaient rares et qu’il devenait plus profitable de détenir un droit de
propriété privée sur les terres qu’un droit de propriété commune. Les tenants de l’approche
économique soutiennent donc que, les institutions de droits de propriété privée sont mises en

6
Dans ce chapitre nous choisissons de faire une présentation non mathématisée des différentes théories de la
qualité des institutions de protection des droits de propriété privée. Pour une formalisation mathématique de ces
théories, nous invitons le lecteur à se reporter à l’article de Acemoglu (2003).

17
place lorsque les bénéfices excèdent les coûts de création de ces institutions (Demsetz, 1967 ;
North et Thomas, 1973). Ainsi, selon cette dernière version de l’approche économique, la
décision de créer des institutions de droits de propriété privée est un choix économique fondé
sur la comparaison des coûts et des bénéfices de la création de ces institutions.
Quelle que soit la version considérée de la théorie de l’efficience des institutions, cette
théorie présente quelques limites qu’il convient de discuter. Premièrement, si la théorie de
l’efficience des institutions est juste, ceci suppose que tous les pays choisissent
approximativement des institutions permettant de maximiser le revenu national. Dans ce cas,
la différence entre pays des performances économiques ne serait plus expliquée par la
différence de qualité de leurs institutions. Or, tel n’est pas le cas, car comme nous
l’annonçons dans l’introduction de ce chapitre et dans plusieurs autres endroits de cette thèse,
beaucoup de travaux empiriques ont permis de montrer que la différence de qualité des
institutions est une source fondamentale de la différence entre pays du niveau de revenu ou
des taux de croissance économique.
Deuxièmement, la théorie de l’efficience des institutions se heurte à quelques
difficultés opérationnelles. En effet, le choix des institutions de droits de propriété dans un
pays suppose un choix collectif, par conséquent, ce choix implique la nécessité de mener des
négociations collectives. Dans ce cas, il va se poser très probablement des problèmes de
passager clandestin –c’est-à-dire, certains membres de la société vont vouloir profiter des
gains sans supporter les coûts de réforme institutionnelle-, problèmes qui, si non résolus,
rendraient difficile l’applicabilité de l’approche économique des institutions.
Troisièmement, à l’échelle d’un pays, négocier pour la création ou le changement des
institutions, suppose l’implication de deux parties dans ces négociations : une partie
constituée par l’Etat, et l’autre partie par le peuple. Alors, dans une telle configuration, quelles
seraient les marges de manœuvre du peuple par rapport à l’Etat ? Quel serait le recours du
peuple pour faire respecter à l’Etat ses engagements, au cas où il arrivait que les dirigeants
dévient de leurs engagements ? A travers cet argument, il apparaît que l’applicabilité de
l’approche économique se heurte à la nécessité de résoudre le problème de crédibilité des
engagements de l’Etat dans le processus de création ou de réforme des institutions.
Au vu de ces différentes potentielles limites de l’approche économique, il convient
d’explorer d’autres théories susceptibles de mieux expliquer la différence entre pays de la
qualité des institutions de droits de propriété privée.

18
2.2 L’approche culturelle : Une théorie de différences institutionnelles fondées
sur des différences culturelles

Les tenants de l’approche culturelle de l’analyse des institutions soutiennent que, la


différence de qualité des institutions économiques entre pays s’expliquerait par les différences
culturelles ou de croyances idéologiques. Les sociétés choisissent différentes institutions
économiques à cause de leurs différences de conception concernant « les bonnes valeurs
sociales » : toutes les sociétés n’auraient pas la même conception de ce qui est bien pour leurs
membres. Cette différence est renforcée par les incertitudes concernant la connaissance ex
ante des bonnes institutions. Les pays dont le choix des institutions par leurs leaders se révèle
être juste ex post, c'est-à-dire ceux dont l’écart entre les institutions choisies et celles qui
maximisent le revenu global est minime, sont ceux qui prospèrent. A l’inverse, des pays où
les leaders politiques se trompent ex post, sont ceux qui stagnent. Tout comme dans le cas de
l’approche économique, selon l’approche culturelle, il existerait alors, des forces qui
empêcheraient les pays de choisir des institutions reconnues comme étant inefficaces pour
l’ensemble de la société (Acemoglu, Johnson et Robinson, 2005a).
Une autre version de l’approche culturelle stipule que les sociétés ont des croyances et
des comportements qui affectent l’action collective, la qualité des gouvernements et des
institutions. Cette autre version de l’approche culturelle se base dans une certaine mesure, sur
l’idée selon laquelle chaque peuple a les dirigeants et les institutions qu’il mérite. L’approche
culturelle perçue sous cet angle est celle défendue par Weber (1958), Banfield (1958), Putnam
(1993) et Landes (1998).
Pour Weber (1958), certaines sociétés ont des valeurs ou des croyances culturelles
favorables à l’émergence de bonnes institutions alors que d’autres non. Certaines de ces
croyances portent sur des idées qui ne sont pas vérifiables (exemple : la croyance à la
possibilité d’être sanctionné ou d’être récompensé après la mort), d’autres portent sur des
idées auto réalisatrices (exemple : la croyance que nos voisins ne vont coopérer pour aucune
collective ce qui entraîne notre refus pour toute collaboration avec eux). Selon Putnam
(1993), des valeurs culturelles favorisant la confiance aux étrangers, facilitent l’action
collective, la fourniture des biens publics y compris la création des institutions efficaces.
Enfin, pour Landes (1998), des valeurs culturelles incitant à l’intolérance, à la xénophobie, à
la fermeture d’esprit par rapport aux autres, constituent des obstacles au développement
économique et donc à l’émergence de bonnes institutions économiques.

19
L’explication de différences institutionnelles entre pays fondées sur des différences de
valeurs culturelles ou idéologiques présente quelques limites. Pour illustrer nos propos, nous
pensons que l’expérience des pays ex-colonies pourrait nous être utile. Ainsi, peut on dire par
exemple, que la différence de qualité des institutions entre pays ex-colonies serait due à la
différence de croyances idéologiques des ex-puissances coloniales ?
Certains éléments d’analyse laissent croire que la réponse à cette question est
probablement non. En effet, ce sont les mêmes puissances coloniales qui ont développé
différentes institutions dans les colonies selon les caractéristiques de celles-ci. Ainsi, par
exemple, il serait difficilement acceptable de supposer que les autorités britanniques à
l’époque coloniale, sur la base de leurs croyances idéologiques ont cru aux bienfaits des
institutions de protection des droits de propriété privée qu’ils ont mises en place aux Etats-
Unis, en Australie et en Nouvelle Zélande, et que les mêmes autorités britanniques, toujours
sur la base de leurs croyances idéologiques ont par contre méconnu les bienfaits des
institutions de protection des droits de propriété privée dans leurs ex-colonies d’Afrique
subsaharienne. En effet, la Grande Bretagne tout comme d’ailleurs les autres puissances
coloniales européennes, avaient développé différentes stratégies d’exploitation coloniale qui
ont conduit aux institutions de différentes qualités dans les ex-colonies. Ces différentes
stratégies adoptées étaient motivées par les différences d’intérêts tirés des colonies, et non par
les différences de croyances idéologiques des ex-puissances coloniales. En effet, dans les
colonies où les conditions climatiques étaient favorables à la survie des colons, ceux-ci ont
développé de bonnes institutions, à l’inverse dans les colonies où les conditions climatiques
étaient hostiles à leur survie, les colons ont développé des institutions d’extraction ou de
mauvaise qualité (Acemoglu, Johnson et Robinson, 2001).
Par ailleurs, le fait que certains pays aient maintenu leurs institutions inefficaces alors
que ces pays ont eu des opportunités pour se rendre compte de leurs possibles erreurs de choix
institutionnels, limiterait aussi la validité de l’approche culturelle. Sur ce point, la différence
de performances économiques et institutionnelles entre la Corée du Sud et la Corée du Nord,
pourrait nous aider à illustrer nos arguments. Ainsi, pourrait-on dire que, les dirigeants nord
coréens ne se sont pas rendus compte de leurs erreurs de choix institutionnels,
comparativement à leurs homologues sud coréens ? Il semble que non. En effet, les dirigeants
nord coréens en comparant les performances économiques et institutionnelles de leur pays par
rapport à la Corée du Sud, se seraient rendus compte de leurs erreurs de choix institutionnels.
On peut alors soutenir que, si les dirigeants de la Corée du Nord ont maintenu leurs
institutions c’est parce que celles-ci servent leurs intérêts personnels et non parce qu’ils

20
ignorent l’inefficacité de leurs institutions ou à cause des différences culturelles avec la Corée
du sud. En effet, la Corée du Sud et la Corée du Nord sont deux peuples culturellement
identiques et constituaient un seul et même bloc séparé en deux à la suite de la guerre de
Corée. Aux lendemains de la guerre, les deux Corées ont fait des choix institutionnels
différents.
Un autre argument nous amène à considérer avec réserve la validité de l’approche
culturelle. En effet, celle-ci suppose implicitement une certaine symétrie entre les croyances
idéologiques de l’ensemble d’une société et celles de ses dirigeants qui choisissent les
institutions. Une telle supposition n’est pas forcément vraie, car il existe bien souvent un écart
entre ce à quoi aspire une société dans son ensemble et les choix effectués par ses dirigeants.
C’est ainsi par exemple, que plusieurs peuples des pays en développement aspirent à une
bonne protection des droits de propriété privée, alors que certains dirigeants des pays en
développement préfèrent une protection limitée des droits de propriété privée leur permettant
d’extraire des rentes.
Sans minimiser l’importance de différences culturelles dans l’explication des
différences de la qualité des institutions entre pays, au vu des différentes limites que nous
évoquons, il est préférable d’explorer d’autres explications possibles de la différence de la
qualité des institutions de droits de propriété privée entre pays.

2.3 L’approche historique : Une théorie de différences institutionnelles fondées


sur des facteurs historiques

Selon l’approche historique, la qualité des institutions est une conséquence des
évènements historiques. Autrement dit, des évènements historiques à un moment précis du
temps, déterminent la nature des institutions, et celles-ci persistent dans le temps en générant
des effets différents. Cette vision des choses est partagée par plusieurs économistes,
sociologues, et spécialistes de la science politique. Des auteurs comme La Porta et al. (1998,
1999) et Djankof et al. (2003) qui ont mis en évidence l’impact de l’origine légale du système
judiciaire sur la qualité de protection des droits de propriété privée, ou sur la performance des
gouvernements partagent dans une certaine mesure, la vision de l’approche historique. En
effet, le plus souvent les règles régissant le système judiciaire dans les différents pays sont le
résultat des évènements historiques.
C’est ainsi que pour des conditions historiques différentes, la France et l’Angleterre
ont rationnellement choisi des systèmes légaux différents avec une faible autonomie des juges

21
vis-à-vis de l’Etat en France comparativement à l’Angleterre (Glaeser et Shleifer, 2001,
2002). De même, pour des circonstances historiques différentes, le degré d’intervention de
l’Etat dans les affaires économiques et le degré de protection des droits de propriété diffèrent
entre la France et l’Angleterre (Finer, 1997 ; La Porta et al., 2000)7. La faible autonomie des
juges vis-à-vis de l’Etat, et le fort degré d’interventionnisme étatique dans les affaires
économiques en France comparativement à l’Angleterre, ont entraîné une faible protection
des droits de propriété privée en France comparativement à l’Angleterre (Hayek, 1960 ;
Mahoney, 2001). Ces deux ex-puissances coloniales (l’Angleterre et la France), à travers les
conquêtes et la colonisation, ont pu exporter leurs systèmes légaux dans d’autres pays
européens et dans leurs ex-colonies (Watson, 1974; La Porta et al., 1998; Berkowitz et al.,
2003).
Acemoglu, Johnson et Robinson (2001, 2002), Engermann et Sokoloff (1997, 2002) et
Sokoloff et Engermann (2000) partagent dans une certaine mesure, la vision de l’approche
historique de l’analyse de qualité des institutions. En effet, ces auteurs montrent que les
anciennes puissances coloniales européennes ont adopté différentes stratégies d’exploitation
coloniale, et ces stratégies ont entraîné différentes trajectoires institutionnelles dans des pays,
anciennes colonies européennes.
L’approche historique soutient donc que pour des raisons historiques, différents pays
ont hérité de différentes institutions qui persistent dans le temps. Cette approche néglige ou
accorde peu d’importance à la possibilité qu’ont les pays de choisir de nouvelles institutions
ou de modifier des institutions qu’ils ont héritées. L’approche historique condamne ainsi les
pays à un certain déterminisme institutionnel.
Sans minimiser l’importance de l’histoire, nous pensons que l’approche historique
n’offre pas une explication satisfaisante de la différence de qualité des institutions entre pays.
Car il existe des exemples montrant qu’il est possible de modifier la nature des institutions
héritées ou de créer de nouvelles institutions. C’est ainsi que sous la révolution Meiji dans la

7
Plusieurs références historiques sont évoquées pour expliquer la différence du degré d’autonomie des juges vis-
à-vis de l’Etat entre l’Angleterre et la France. C’est ainsi que Glaeser et Shleifer (2001, 2002) évoquent la
relative instabilité politique française comparativement à l’Angleterre aux 12ème et 13ème siècles pour expliquer
l’origine de la différence d’autonomie des juges entre la France et l’Angleterre. L’instabilité politique française a
entraîné la nécessité de l’intervention de l’armée royale pour protéger les juges afin qu’ils puissent exercer leurs
fonctions sans craindre des représailles locales. L’Etat assurait alors la sécurité des juges qui étaient devenus ses
simples agents, les juges ne servaient plus de contrepouvoir vis-à-vis de l’Etat en France. Telle n’était pas la
situation en Angleterre où les juges pouvaient exercer leurs fonctions sans crainte de violence physique, ce qui a
réduit la nécessité de l’intervention de l’armée royale pour protéger les juges. Cette situation a renforcé
l’autonomie des juges par rapport à l’Etat en Angleterre. Pour d’autres explications historiques possibles sur les
différences dans la protection des droits de propriété privée entre la France et l’Angleterre, voir Beck et al.
(2003) et La Porta et al. (2000).

22
deuxième moitié du 19ème siècle, le Japon a transformé son système féodal en un système
capitalistique (La Porta et al., 1999). De même, le fait que les pays Asiatiques aient développé
des institutions économiques plus efficaces relativement aux pays Africains, alors que les
deux groupes de pays ont quasiment hérité des mêmes institutions (économiques et politiques)
aux lendemains des indépendances, est une illustration que les pays peuvent décider à un
moment donné de modifier leurs institutions. Enfin, la différence de trajectoire des institutions
démocratiques entre pays Africains ayant hérité de la colonisation des mêmes institutions
dictatoriales, est une autre preuve que les pays peuvent changer la nature des institutions
qu’ils ont historiquement héritées.
Ces différents exemples nous permettent de relativiser l’importance de l’histoire dans
l’explication de différence de qualité des institutions entre pays. Ces exemples incitent aussi à
la recherche d’autres explications accordant plus d’importance à la possibilité que les pays ont
de choisir eux-mêmes leurs institutions.

2.4 L’approche politique : Une théorie de la qualité des institutions comme


résultat de conflits d’intérêts

L’approche politique stipule que, les institutions (politique et économique) ne sont pas
choisies par tous les membres de la société mais par le groupe d’individus qui détient le
pouvoir politique à un moment donné. Ce groupe est issu de conflits d’intérêts. Le groupe qui
sort gagnant de ces conflits met en place des institutions qui maximisent ses gains personnels
(en termes de pouvoir politique et de revenu personnel) et non nécessairement le revenu de
l’ensemble de la société. North (1981) est le premier à proposer une formulation théorique de
cette approche. Dans son travail intitulé “A Neoclassical Theory of the State”, North (1981)
soutient qu’il est judicieux de modéliser les individus qui contrôlent le pouvoir politique,
comme des agents économiques poursuivant leurs intérêts personnels. Selon North (1981), il
existe des coûts de transaction qui engendrent des différences entre les institutions de droits
de propriété choisies par les décideurs politiques à des fins de maximisation de gains
personnels, et les institutions qui maximisent le revenu de l’ensemble de la société8.

8
Robinson (1998) utilise l’approche politique pour expliquer les différences de la qualité des politiques
économiques entre pays. De même, Fors et Olson (2007) font recours à cette approche pour expliquer les
différences de qualité des institutions économiques aux lendemains des indépendances entre pays en
développement ex-colonies européennes. Sonin (2003) s’inspire des ex-pays communistes et démontre que
lorsque la protection des droits de propriété privée par l’Etat est défaillante, les riches profitent pour mettre en
place un système personnel de protection des droits de propriété privée tout en empêchant l’émergence des
institutions garantissant la protection des droits de propriété à l’ensemble de la société. Enfin, Bourguignon et

23
Récemment, l’approche politique est développée et enrichie par Acemoglu (2003) et
Acemoglu, Johnson et Robinson (2005a). Selon ces auteurs, les institutions de droits de
propriété privée déterminent non seulement le niveau de revenu mais aussi sa répartition.
Ainsi, tous les membres de la société ne bénéficient pas de la même manière des gains issus
des institutions existantes, et c’est la raison pour laquelle les préférences individuelles pour
les institutions économiques divergent. Par conséquent, les institutions de droits de propriété
privée sont volontairement choisies à cause de leurs conséquences distributives, et le choix
des institutions engendre des conflits d’intérêts qui se résolvent au profit des individus qui
détiennent à un moment donné le pouvoir politique. Pour Acemoglu, Johnson et Robinson
(2005a) les institutions de droits de propriété privée sont endogènes car elles dépendent du
pouvoir politique, qui à son tour est endogène puisqu’il dépend du pouvoir politique de jure
conféré par les institutions politiques (constitution, système électoral, institutions régissant le
partage de pouvoir politique entre différents organes étatiques) et du pouvoir politique de
facto conféré par le pouvoir économique, c'est-à-dire la distribution de revenu.
A travers la présentation de ces différentes théories, il apparaît qu’il existe une certaine
relation entre les différentes approches. La relation la plus évidente est celle entre l’approche
historique et l’approche culturelle. En effet, des évènements historiques engendrent
quelquefois des changements de fonctionnement et d’organisation des sociétés, qui sont
assimilables à des changements culturels. C’est ainsi qu’à travers la colonisation qui est un
fait historique, les colons européens ont introduit dans leurs ex-colonies, non seulement leurs
religions mais aussi le mode de fonctionnement et d’organisation de leurs administrations qui
sont des facteurs assimilables à des valeurs culturelles. Par ailleurs, lorsque les décideurs
politiques choisissent des institutions dans le but de maximiser leurs intérêts personnels, très
souvent, ils le font en essayant de respecter les valeurs culturelles de leurs sociétés, et
l’héritage institutionnel de leurs pays.
Il est important de noter que malgré de possibles relations entre les quatre différentes
approches théoriques, chacune d’elles évoque des mécanismes spécifiques pouvant expliquer
la différence de qualité des institutions entre pays. Dans ce cas alors, il ne serait pas juste de
percevoir l’effet d’une théorie comme un canal de transmission de l’effet d’une autre théorie.

Verdier (2000), Glaeser (2003), Gradstein (2004), et Beck et Laeven (2006) présentent des modèles théoriques
inspirés de l’approche politique de l’analyse de la qualité des institutions.

24
S’il est vrai qu’il existe une certaine relation entre les quatre théories, celles-ci
présentent aussi des différences les unes par rapport aux autres. Les différences les plus
saisissantes sont celles entre l’approche politique et chacune des trois autres approches.
En effet, contrairement à l’approche économique, l’approche politique admet
l’existence des institutions économiquement inefficaces et accorde un rôle aux institutions
politiques dans la détermination de la qualité des institutions de droits de propriété privée.
L’existence des institutions inefficaces dans certains pays est peu discutable puisqu’il est de
nos jours admis dans la littérature, que les institutions constituent une source fondamentale de
différence des performances économiques entre pays. Par rapport à l’approche historique,
l’approche politique ne condamne pas les pays à un certain déterminisme institutionnel, et
l’approche politique admet que les institutions sont volontairement choisies pour satisfaire des
intérêts personnels, et non imposées par des circonstances historiques. Il est difficile de nier
que les institutions sont volontairement maintenues à cause des gains qu’elles génèrent pour
les décideurs politiques. Contrairement à l’approche culturelle, l’approche politique admet
que certaines institutions sont choisies même si elles sont reconnues comme étant inefficaces
pour l’ensemble de la société. Il est difficilement discutable que certains pays décident de
maintenir des institutions inefficaces même si ces pays ont eu des opportunités de se rendre
compte de l’inefficacité de leurs institutions.
Ces différences entre l’approche politique et chacune des trois autres théories nous
permettent de soutenir que l’approche politique serait probablement la plus pertinente. Les
analyses empiriques peuvent nous permettre de valider ou pas cette proposition.

3. Choix de variables proxy pour tester les différentes théories

Afin d’évaluer empiriquement les quatre différentes théories de l’analyse de la qualité


des institutions, nous avons besoin d’identifier les variables proxy susceptibles de nous
permettre de tester empiriquement ces différentes théories. Celles-ci sont souvent testées sans
de réelles discussions sur la pertinence du choix des variables permettant de les tester. De
plus, comme nous le signalons en introduction, souvent les auteurs testent les effets de
différentes variables sur les indices d’institutions, sans nécessairement se référer à aucune des
quatre théories étudiées dans ce chapitre. Il convient alors d’analyser de façon pertinente le
choix des variables proxy permettant de tester les quatre théories de l’analyse des
déterminants des institutions de droits de propriété privée.

25
Pour tester la théorie de l’efficience des institutions de droits de propriété privée, nous
utilisons le revenu par tête (PIB par tête) comme variable explicative. En fait, selon la théorie
de l’efficience des institutions, les institutions de droits de propriété privée émergent lorsque
les bénéfices excèdent les coûts de création de ces institutions. Par ailleurs, il est aussi
possible de soutenir que, plus une économie se développe, plus les transactions économiques
à réaliser ainsi que les enjeux économiques et financiers associés à ces transactions
deviennent importants. Dans ce cas, il devient alors nécessaire d’assurer la protection des
droits de propriété privée, car les bénéfices espérés des transactions économiques excèdent les
coûts de création des institutions de protection des droits de propriété privée. Dans le même
sens, Rosenberg et Birdzell (1986) soutiennent que la demande pour la création des
institutions de protection des droits de propriété privée augmente avec le nombre et le volume
des transactions économiques à réaliser, donc avec le niveau de développement économique.
Le PIB par tête peut donc être utilisé comme une variable proxy pour tester l’approche
économique, et nous espérons un effet positif du PIB par tête sur l’indice des institutions de
droits de propriété privée.
Nous utilisons l’appartenance religieuse comme proxy pour tester la théorie de
différence de qualité des institutions fondée sur des différences culturelles. En effet, depuis
les travaux de Weber (1958) et de Landes (1998), la religion est utilisée comme proxy pour
l’éthique professionnelle, la tolérance, la confiance et les autres caractéristiques culturelles
d’une société. De plus, Stulz et Williamson (2003) soutiennent que la religion permet
l’enseignement des valeurs sociales qui se transmettent de générations en générations. Et cette
transmission générationnelle de valeurs sociales constitue par définition la culture.
De façon précise, nous utilisons le pourcentage des protestants dans la population d’un
pays comme proxy pour tester l’approche culturelle. Nous aurions aimé avoir à notre
disposition des proxy alternatives permettant de tester l’approche culturelle, mais ceci n’est
pas possible. En suivant la logique de Landes (1998), nous espérons un effet positif du
pourcentage des protestants sur la qualité des institutions de protection des droits de propriété
privée. En effet, Landes (1998) accorde un avantage au protestantisme par rapport aux autres
religions dans la protection des droits de propriété privée. Selon Landes, cet avantage serait
dû aux valeurs d’ouverture d’esprit et de tolérance qu’enseigne le protestantisme
comparativement aux autres religions.
Pour tester l’approche historique, nous utilisons l’origine légale du système judiciaire
comme variable explicative de la qualité des institutions de protection des droits de propriété
privée. En effet, comme nous le mentionnions plus haut, la France et l’Angleterre pour des

26
raisons historiques différentes ont choisi différentes organisations de leurs systèmes
judiciaires, et à travers des conquêtes coloniales, ces deux ex-puissances coloniales ont
exporté l’organisation de leurs systèmes judiciaires dans leurs ex-colonies. La variable proxy
pour le test de l’approche historique est une variable muette prenant la valeur de un pour les
pays de tradition légale de droit commun et zéro autrement. Nous espérons un effet positif de
la muette origine légale sur l’indice des institutions de droits de propriété privée. Car
plusieurs auteurs s’accordent à dire que les pays de droit commun assurent mieux la
protection des droits de propriété que les pays de droit civil. Pour Hayek (1960), l’avantage
des pays de droit commun sur ceux de droit civil serait dû à la différence du rôle de l’Etat et
de l’individu dans l’économie. Hayek soutient qu’en général, il existe moins
d’interventionnisme étatique dans l’économie, plus de liberté individuelle, et par conséquent
une meilleure protection des droits de propriété privée dans les pays de droit commun.
Récemment, La Porta et al. (1999) reprennent des arguments similaires à ceux de Hayek
(1960) lorsqu’ils écrivent : ‘‘[a] civil legal tradition . . . can be taken as a proxy for an intent
to build institutions to further the power of the State. . . . A common law tradition . . . can be
taken as a proxy for the intent to limit rather than strengthen the State.’’
Enfin, dans la perspective de l’approche politique, Acemoglu, Johnson et Robinson
(2005a), proposent trois déterminants potentiels des institutions de droits de propriété privée.
Premièrement, de bonnes institutions économiques émergent lorsqu’il existe des institutions
politiques qui limitent le pouvoir des décideurs politiques. En l’absence de telles institutions
politiques, les décideurs politiques seraient enclins à mettre en place des institutions
économiques qui maximisent leurs gains personnels aux dépens du revenu de l’ensemble de la
société. Ainsi, la non concentration du pouvoir politique, est de nature à favoriser l’émergence
de bonnes institutions de protection des droits de propriété privée.
Deuxièmement, un faible niveau d’inégalité de revenu est un facteur favorable à
l’émergence de bonnes institutions économiques. Une répartition égale du revenu suppose une
égale répartition du pouvoir politique de facto, une égale répartition des capacités
d’investissement, et par conséquent un intérêt généralisé pour la mise en place des institutions
de protection des droits de propriété privée.
Troisièmement, l’abondance en ressources naturelles pourrait constituer un obstacle à
l’émergence de bonnes institutions économiques. L’abondance en ressources naturelles
suppose l’existence de beaucoup de rentes, ce qui constitue une incitation pour les décideurs
politiques à mettre en place des institutions visant à assurer l’expropriation de ces rentes pour
leurs propres profits aux dépens de l’ensemble de la société. Afin de tester l’approche

27
politique, en nous inspirant des arguments de Acemoglu, Johnson, et Robinson (2005a) nous
utilisons alors, trois variables proxy suivantes : l’indice de démocratie, l’indice de Gini et un
indicateur de l’abondance en ressources naturelles. Nous espérons respectivement un effet
positif de la démocratie, un effet négatif de l’inégalité de revenu, et de l’abondance en
ressources naturelles sur la qualité des institutions de droits de propriété privée.
Avant de passer à nos propres analyses empiriques, il convient d’effectuer une revue
de la littérature empirique des travaux existants sur les déterminants des institutions de droits
de propriété privée.

4. Revue de la littérature empirique

A travers nos analyses économétriques, il apparaîtra deux principales différences entre


notre travail et les autres travaux empiriques qui se sont aussi intéressés à l’analyse des
déterminants des institutions de droits de propriété privée. La première différence tient à
l’évaluation empirique systématique des quatre différentes approches théoriques relatives à
l’analyse des déterminants des institutions de droits de propriété privée. La seconde différence
concerne l’identification de l’approche politique comme l’approche la plus pertinente parmi
les quatre différentes théories.
Par ailleurs, les variables proxy que nous suggérons pour tester les différentes théories,
sont aussi utilisées par les autres travaux empiriques, à la différence que nous tentons de
regrouper les travaux empiriques existants en fonction de la taxonomie des théories de la
qualité des institutions que nous étudions dans ce chapitre. Notre classification des travaux
empiriques se fait sur la base de l’objectif principal poursuivi par les différents auteurs dans
leurs travaux.
Ainsi, tous les travaux qui s’intéressent principalement à l’analyse de l’impact du
revenu par tête ou de la croissance économique sur les institutions économiques sont
considérés comme faisant partie de l’approche économique. Il en est de même pour les
travaux utilisant une technique de variables instrumentales pour analyser l’impact des
institutions sur la croissance économique ou sur le revenu par tête. Quant aux travaux qui
analysent l’impact de l’appartenance religieuse sur les institutions de protection des droits de
propriété, ils sont considérés comme faisant partie de l’approche culturelle. Les travaux
analysant l’impact de l’origine légale du système judiciaire sont du courant de l’approche
historique. Enfin, les articles qui analysent l’impact séparé ou simultané des niveaux de

28
démocratie, d’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles sont considérés
comme faisant partie de l’approche politique.

4.1 Travaux relatifs à l’approche économique

La plupart des travaux empiriques sur les institutions analysent surtout l’impact de la
qualité des institutions sur le taux de croissance économique ou le revenu par tête. Cependant,
la relation inverse -c'est-à-dire l’impact du revenu par tête ou de la croissance économique sur
la qualité des institutions- est reconnue. C’est la raison pour laquelle, la plupart des auteurs
utilisent une technique d’instrumentation pour analyser l’impact de la qualité des institutions
sur le niveau de revenu par tête ou le taux de croissance économique (Mauro, 1995 ; Hall et
Jones, 1999 ; Acemoglu, Johnson et Robinson 2001, 2002 ; Easterly et Levine, 2003 ; Rodrik
et al., 2004).
Certains auteurs se sont intéressés explicitement à l’analyse de l’impact du revenu par
tête ou du taux de croissance économique sur la qualité des institutions. Les résultats obtenus
par deux de ces travaux sont contradictoires. Chong et Caldéron (2000) s’intéressent aux
relations de causalité entre la croissance économique et la qualité des institutions. En utilisant
des données datant de la période 1972-1995, couvrant approximativement 55 pays développés
et pays en développement, et en utilisant la technique des VAR (vecteur autorégressif), Chong
et Caldéron (2000) établissent une relation causale allant de la croissance du PIB par tête à
l’amélioration de la qualité des institutions.
Quant à Kaufmann et Kraay (2002), ils s’intéressent à la relation entre le revenu par
tête et la qualité de la gouvernance économique, plus précisément la protection des droits de
propriété privée, en utilisant des données de la période 2000-2001, couvrant 175 pays
développés et pays en développement. A travers les résultats de ces auteurs, il apparaît que
l’amélioration de la qualité des institutions de droits de propriété privée est favorable à
l’augmentation du revenu par tête. En revanche, selon les résultats de Kaufmann et Kraay
(2002), une augmentation du revenu par tête n’est pas nécessairement favorable et
constituerait même un obstacle à l’amélioration de la qualité de la gouvernance économique.
Les résultats de Kaufmann et Kraay (2002) sont contraires aux résultats attendus
compte tenu des arguments théoriques très souvent admis dans la littérature économique. En
effet, très souvent, la théorie économique suppose que, l’augmentation du revenu est
favorable à l’émergence de bonnes institutions ou à l’amélioration de la qualité des
institutions existantes. Signalons aussi que les résultats de Kaufmann et Kraay (2002)

29
constituent une exception empirique. En effet, même certains auteurs pour lesquels l’analyse
de l’impact du revenu sur la qualité des institutions n’est pas le premier objectif, ces auteurs
établissent empiriquement un effet positif et significatif du niveau de revenu sur la qualité des
institutions (Clague et al., 1996 ; La Porta et al., 1998, 1997 ; Keefer et Knack, 2002 ; Feng,
2003).

4.2 Travaux relatifs à l’approche culturelle

L’analyse de la relation entre la qualité des institutions économiques et la culture est


empiriquement réalisée en approximant souvent la culture par l’appartenance religieuse.
Plusieurs autres auteurs que ceux que nous avons cités précédemment, mettent théoriquement
en exergue l’importance des valeurs culturelles pour expliquer la différence de qualité des
institutions entre pays (Weber, 1930 ; North, 1990 ; Greif, 1994 ; Lal, 1999 ; Landes, 2000).
Cependant, malgré cette pléthore de travaux théoriques sur l’importance de la culture,
relativement très peu de travaux empiriques analysent l’impact de la culture sur la qualité des
institutions. Les conclusions de ces travaux sont tout de même convergentes, et toutes
indiquent souvent un effet statistiquement significatif des variables culturelles sur la qualité
des institutions.
A notre connaissance, le premier travail qui s’est intéressé à l’analyse empirique des
valeurs culturelles sur la qualité des institutions est celui de La Porta et al. (1999). En utilisant
les données de Fraser Institute pour la décennie 1990 et un échantillon de 149 pays
développés et pays en développement, La Porta et al. montrent que, comparativement aux
pays de confession religieuse protestante, les pays musulmans et catholiques assurent moins
bien la protection des droits de propriété privée. Ce résultat est issu de régressions
économétriques à partir de données transversales.
De leur côté, Stulz et Williamson (2003) utilisent les données de La Porta et al. (1998)
relatives aux droits des investisseurs (actionnaires, et créanciers), couvrant 49 pays
développés et pays en développement, pour montrer que les différences culturelles
approximées par l’appartenance religieuse, expliquent mieux la qualité de protection des
droits des investisseurs créanciers que l’ouverture commerciale, l’origine légale, et le revenu
par tête. Plus précisément, Stulz et Williamson (2003) montrent que les pays de confession
religieuse protestante protègent mieux les droits des investisseurs créanciers que les pays de
confession catholique. Ces résultats sont issus d’analyses économétriques à base de données
transversales.

30
Licht et al. (2005, 2007) sont les auteurs qui se sont récemment le plus intéressés à
l’analyse empirique de l’impact des valeurs culturelles sur la qualité des institutions. Ces
auteurs analysent l’impact des valeurs culturelles sur les droits légaux des investisseurs
privés. Ils utilisent des indicateurs de valeurs culturelles issus d’enquêtes nationales à travers
une cinquantaine de pays développés et de pays en développement. Leur mesure de droits
légaux des investisseurs est celle de La Porta et al. (1997, 1998). Les résultats obtenus par
Licht et al. (2005) à partir des données transversales indiquent qu’il existe une relation
significative entre les valeurs culturelles nationales et la qualité de protection des droits des
investisseurs.
En 2007, Licht et ses coauteurs, utilisent les mêmes sources d’enquêtes nationales, le
même nombre de pays qu’en 2005, pour analyser la relation entre les valeurs culturelles
nationales et trois différentes mesures de la qualité des institutions : l’indice de corruption,
l’indice de droits de propriété privée et l’indice de démocratie. Licht et al. (2007) obtiennent
une forte relation entre les valeurs culturelles nationales et chacun des trois différents indices
institutionnels cités ci-dessus. Le même résultat s’observe lorsqu’ils utilisent une technique
d’instrumentation.

4.3 Travaux relatifs à l’approche historique

L’analyse empirique de l’effet des traditions ou origines légales sur la qualité de


protection des droits de propriété privée est introduite dans la littérature par La Porta et al.
(1997, 1998). Le développement des travaux de ce genre a donné naissance à ce que certains
ont appelé « Law and Finance Theory ». La plupart des études dans ce domaine comparent les
performances des pays de droit commun aux pays de droit civil, en termes de qualité de
protection des droits de propriété privée.
En utilisant des données transversales sur 49 pays développés et pays en
développement, La Porta et al. (1997, 1998) montrent que les pays de droit commun assurent
mieux la protection des droits légaux des investisseurs privés (actionnaires et créanciers),
suivis des pays de droit civil Scandinave et Germanique. Les moins bons en matière de
protection des droits des investisseurs privés sont les pays de droit civil Français. De la même
manière, à partir des données transversales, La Porta et al. (1999) montrent que
comparativement aux pays de droit commun, les pays de droit civil Français assurent moins
bien la protection des droits de propriété privée.

31
A partir des données datant de 1960-2003, et pour un échantillon de 102 pays
développés et pays en développement (exclus les pays socialistes), Mahoney (2001) montre
que les pays de droit commun enregistrent des taux de croissance économique plus élevés que
les pays de droit civil, et ce parce que les pays de droit commun assurent mieux la protection
des droits de propriété privée que les pays de droit civil.
De leur côté, Beck et al. (2003) montrent à partir d’un échantillon de 70 pays en
développement, que les pays en développement ex-colonies européennes, qui utilisent le droit
civil Français comme référence pour l’organisation de leurs systèmes judiciaires, assurent
moins bien la protection des droits de propriété privée, comparativement à leurs homologues
qui utilisent le droit commun. Beck et al. (2003) utilisent un indice de protection des droits de
propriété privée datant de 1997 et provenant des bases de données de Fraser Institute et de
Heritage Fundation.
Djankof et al. (2003) s’intéressent à la mesure du degré de formalisme du système
judiciaire et à l’analyse de ses conséquences économiques. Djankof et al. (2003) utilisent des
données de Lex Mundi (association internationale de cabinets d’avocats) pour estimer le
degré de formalisme procédural -différentes procédures suivies pour l’application des règles
juridiques- suivi pour résoudre les disputes commerciales devant une cour de justice -recours
à la justice pour se faire rembourser sa créance, régler les cas de chèques sans provision-.
Grâce à des données collectées à travers 109 pays développés et pays en développement, il
apparaît que le degré de formalisme judiciaire est plus élevé dans les pays de droit civil que
dans les pays de droit commun. De plus, dans les pays où le formalisme du système judiciaire
est plus élevé, celui-ci est moins efficace en ce sens qu’entre autres, un niveau élevé de
formalisme du système judiciaire entraîne une faible protection des droits de propriété privée.
Ce dernier résultat est obtenu avant et après instrumentation en utilisant l’origine légale
comme un instrument pour le degré de formalisme du système judiciaire. Les résultats de
Djankof et al. (2003) indiquent donc, un niveau élevé de formalisme du système judiciaire et
une faible protection des droits de propriété privée dans les pays de droit civil,
comparativement aux pays de droit commun.
Ayyagari et al. (2006) obtiennent un impact significatif de l’origine légale sur la
qualité de protection des droits de propriété privée. Ce résultat est conditionné par la présence
des ex-pays communistes dans leur échantillon. Ayyagari et al. utilisent des données couvrant
158 pays développés et pays en développement.

32
4.4 Travaux relatifs à l’approche politique

Dans la perspective de l’approche politique, Acemoglu, Johnson et Robinson (2005a)


suggèrent trois déterminants potentiels de la qualité des institutions de droits de
propriété privée : le niveau de démocratie, d’inégalité de revenu et de ressources naturelles.
Une lecture des travaux empiriques existants montre que très peu d’auteurs se fixent comme
objectif, l’analyse simultanée de l’impact de ces trois variables sur l’indice des institutions
économiques. De même, dans la perspective de l’approche politique, selon le déterminant
considéré, l’indicateur de qualité des institutions change. C’est ainsi que les auteurs oscillent
entre institutions de droits de propriété privée, niveau de corruption, ou encore d’autres
indices institutionnels comme mesures de la qualité des institutions économiques. Ainsi, dans
cette section, les travaux que nous citons, n’analysent pas exclusivement les relations entre les
variables relatives à l’approche politique et la qualité des institutions de protection des droits
de propriété privée.

4.4.1 Relations empiriques entre démocratie et qualité des institutions économiques

La plupart des travaux établissent une relation positive et significative entre la


démocratie et la qualité des institutions économiques, en l’occurrence les institutions de
droits de propriété privée.
A notre connaissance, Clague et al. (1996) sont les premiers à avoir analysé l’impact
de la démocratie sur la qualité des institutions de protection des droits de propriété privée.
Clague et al. (1996) utilisent six différents indices de qualité des institutions, un échantillon
de pays développés et de pays en développement, pour analyser les impacts du niveau et de la
durée de la démocratie sur l’indice des institutions de droits de propriété privée. Selon les
résultats de ces auteurs, à long terme, les pays démocratiques assurent mieux la protection des
droits de propriété privée. De même, la durée d’un régime démocratique est un facteur
favorable à l’émergence de bonnes institutions de droits de propriété privée.
Dollar et Kraay (2000) analysent la relation entre institutions politique et économique.
Ils utilisent deux mesures de la gouvernance suggérées par Kaufmann et Kraay (1999) : la
gouvernance politique « voice and accountability » et la gouvernance économique « rule of
law » et établissent une corrélation positive (0,72) entre les deux indices de gouvernance dans
un échantillon de 100 pays en développement. Cependant, Dollar et Kraay (2000) obtiennent
une corrélation positive moins forte (0,29) entre les deux indices lorsqu’ils effectuent leurs
analyses avec uniquement les 60 pays les plus pauvres de leur échantillon.

33
Feng (2003) analyse les relations entre liberté politique et liberté économique. Il
apparaît que la liberté politique cause au sens de Granger la liberté économique, l’inverse
n’étant pas vrai. Les données utilisées par cet auteur couvrent la période 1975-1995, et un
ensemble de pays développés et de pays en développement. La liberté politique est mesurée
par un indice composite à partir des indices de liberté politique et civile de Freedom House.
La liberté économique est mesurée par l’indice composite de liberté économique de Fraser
Institute.

4.4.2 Relations empiriques entre la qualité des institutions économiques et l’abondance en


ressources naturelles

Pour analyser l’impact des ressources naturelles sur la qualité des institutions
économiques, les auteurs approximent souvent la qualité des institutions par le niveau de
corruption dans un pays. La plupart des travaux indiquent que l’abondance en ressources
naturelles est, en général, un facteur de développement des activités de corruption et donc de
l’inefficacité des institutions.
Sachs et Warner (1995, 1997) qui sont les auteurs pionniers des travaux sur la
malédiction des ressources naturelles, se sont aussi intéressés à l’analyse de l’effet de
l’abondance en ressources naturelles sur la qualité des institutions. A travers un échantillon de
87 pays développés et pays en développement, et pour la période 1970-1989, Sachs et Warner
(1995, 1997) montrent que les pays les mieux dotés en ressources naturelles sont ceux dont la
qualité des institutions est la moins bonne. Signalons cependant, que pour Sachs et Warner,
l’effet de l’abondance en ressources naturelles sur les institutions n’est pas le principal canal
par lequel se manifeste la malédiction des ressources naturelles.
A notre connaissance, les premiers auteurs à avoir analysé spécifiquement l’impact des
ressources naturelles sur la corruption sont Leite et Weidmann (1999). En utilisant des
données de corruption de ICRG, et une mesure de l’abondance en ressources naturelles à la
Sachs et Warner (1995), Leite et Weidmann (1999) montrent que les pays les mieux dotés en
ressources naturelles sont les pays dont le niveau de corruption est le plus élevé. Ce résultat
est obtenu pour un échantillon de 72 pays développés et pays en développement, en utilisant
des données transversales. Leite et Weidmann (1999) font une distinction entre ressources
minières et pétrolières qui ont un effet positif sur le niveau de corruption, et les ressources
agricoles qui par contre, réduisent le niveau de corruption.

34
Isham et al. (2005) analysent les effets économiques de l’abondance en ressources
naturelles dans les pays en développement aux lendemains des chocs pétroliers. Ces auteurs
montrent que les pays en développement les mieux dotés en ressources naturelles facilement
expropriables (or, diamant) et en cultures de rente (café, cacao), sont ceux sont dont la qualité
des institutions est moins bonne. Et du fait des difficultés de gestion des crises économiques,
ces pays enregistrent de faibles taux de croissance économique aux lendemains des chocs
pétroliers. Isham et al. (2005) obtiennent ces résultats en utilisant six différentes mesures de la
qualité des institutions (y compris un indice du niveau de corruption) datant des années 1990,
et un échantillon de 66 pays en développement.
Dalgaard et Olsson (2006, 2008) introduisent l’hypothèse de non linéarité dans la
relation entre l’abondance en ressources naturelles et la qualité des institutions. A travers un
échantillon de 116 pays développés et pays en développement, et en utilisant des données
transversales, ces auteurs établissent une relation non linéaire entre l’abondance en ressources
naturelles et le niveau de corruption. L’augmentation de ressources naturelles entraîne une
hausse de la corruption jusqu’à un certain seuil à partir duquel, toute augmentation de
ressources naturelles s’accompagne d’une baisse du niveau de corruption. L’indice de
corruption utilisé par ces auteurs est celui de Kaufman et al. (2005).

4.4.3 Relations empiriques entre la qualité des institutions économiques et le niveau


d’inégalité de revenu

Les travaux analysant l’impact de l’inégalité de revenu sur la qualité des institutions
établissent souvent une relation négative et significative entre les deux variables. Dans ce
genre d’études, la qualité des institutions économiques est approximée par la qualité des
institutions de protection des droits de propriété privée.
Keefer et Knack (2002) utilisent le niveau d’inégalité de revenu comme une des
mesures de la polarisation sociale, et démontrent que les pays où la distribution de revenu est
plus inégalitaire sont ceux qui protègent moins bien les droits de propriété privée. Ce résultat
est obtenu à partir des analyses transversales en utilisant des données sur la qualité des
institutions de protection des droits de propriété de ICRG et datant de la période 1986-1995.
L’analyse de Keefer et Knack (2002) porte sur un ensemble de pays développés et de pays en
développement.
Chong (2004) analyse la relation entre le niveau d’inégalité de revenu et la qualité des
institutions. Il établit une double causalité entre l’inégalité et la qualité des institutions.

35
Cependant, la relation de l’inégalité de revenu à la qualité des institutions est la plus forte : les
pays les plus égalitaires en termes de distribution de revenu sont ceux dont la qualité des
institutions est la plus élevée. Chong (2004) mène une analyse dynamique en appliquant la
technique des VAR à partir des données de panel. L’indice de Gini de Deininger et Squire
(1996) est la mesure de l’inégalité de revenu utilisée par cet auteur. Quant à la qualité des
institutions, elle est approximée entre autres, par les indices de gouvernance économique de
Kaufmann et Kraay (2003) et de ICRG. L’analyse de Chong couvre approximativement 121
pays développés et pays en développement.
En utilisant un échantillon composé d’une centaine de pays en développement et pays
développés, et une technique d’instrumentation, Easterly (2002, 2007) établit une relation
négative entre la qualité des institutions et le niveau d’inégalité de revenu : l’inégalité affecte
négativement les institutions. Les mesures de qualité des institutions de Kaufmann et Kraay
(2002) sont celles utilisées par Esaterly, et les données sur l’inégalité de revenu proviennent
de la base de données de WIDER (2000).

4.4.4 Analyse simultanée de la relation entre la qualité des institutions économiques et les
niveaux d’inégalité de revenu et de démocratie

A notre connaissance, dans la perspective de l’approche politique, l’article de Savoia


et al. (2004) est le seul travail qui se fixe comme objectif, l’analyse simultanée des effets de la
démocratie et des inégalités (inégalité de revenu et de terre) sur l’indice de droits de propriété
privée. Ces auteurs effectuent leur analyse à partir d’un échantillon de 92 pays développés et
pays en développement, en utilisant une technique d’instrumentation. Savoia et al. (2004)
créent une variable multiplicative à partir des variables d’inégalité et de démocratie, l’effet de
cette variable multiplicative est le plus significatif et le plus robuste. Quant aux effets additifs
des indices de démocratie et d’inégalité, ils sont moins robustes. Par ailleurs, lorsque la
variable multiplicative est introduite dans leurs modèles, Savoia et al. (2004) obtiennent un
effet positif et significatif de la démocratie sur l’indice de droits de propriété privée. La
variable multiplicative a un coefficient négatif dans les pays à forte inégalité, indiquant ainsi
que l’effet positif de la démocratie sur les institutions de protection des droits de propriété
pourrait être contrebalancé par de fortes inégalités.

36
5. Analyses empiriques

5.1 Spécifications économétriques

Nous utilisons les différentes variables proxy que nous suggérons dans la section 3,
pour évaluer empiriquement les quatre différentes approches théoriques de l’analyse des
déterminants de la qualité des institutions de protection des droits de propriété privée. Afin
d’identifier l’approche la « plus pertinente », nous testons la « pertinence simple » et la
« pertinence relative » 9 de chacune des quatre différentes approches théoriques, ce qui nous
amène à estimer économétriquement les équations suivantes :

Drfii = c + α pibti + ε i (1.1)


Drfii = c + β oli + ε i (1.2)
Drfii = c + δ proti + ε i (1.3)
Drfii = c + λ1demi + λ2 ginii + λ3rnati + ε i (1.4)
Drfii = c + ϕ pibti + ω oli + φ proti + λ11demi + λ22 ginii + λ33 rnati + ε i (1.5)

Dans les équations ci-dessus, la variable expliquée est l’indice des institutions de
droits de propriété privée, obtenue de Fraser Institue et datant de 1970 à 2005, c désigne la
constante et εi est le terme d’erreur.
L’indice de droits de propriété privée mesure le degré de protection des droits de
propriété privée par l’Etat, le degré de respect de l’état de droit, l’indépendance et l’intégrité
du système judiciaire, le risque d’expropriation des agents privés par l’Etat dans un pays.
L’indice de Fraser Institute prend des valeurs comprises entre zéro et dix. Plus la valeur de
l’indice est élevée mieux la protection des droits de propriété privée est assurée dans un pays.
Par conséquent, une valeur élevée de l’indice des droits de propriété peut être assimilée à
l’existence dans un pays des institutions garantissant une bonne protection des droits de
propriété privée.
La base de données de Fraser Institute comparativement aux autres bases de données
relatives aux institutions de droits de propriété privée présente l’avantage d’une très grande

9
Les termes de « pertinence simple » et de « pertinence relative » sont nos propres termes La « pertinence
relative » d’une approche se définit par rapport aux trois autres approches. Si ces termes sont personnels, par
contre la méthode que nous appliquons est aussi utilisée par Beck et al. (2003) et par Acemoglu et Johnson
(2005). Ces derniers auteurs utilisent une procédure comparable pour identifier les institutions économiques les
plus importantes pour différentes performances macroéconomiques, alors que Beck et al. (2003) recourent à la
même démarche pour évaluer deux différentes théories explicatives du développement financier dans les pays
ex-colonies européennes.

37
couverture temporelle. Nous utilisons dans la suite de ce chapitre, des indices de droits de
propriété obtenus d’autres bases de données pour tester la robustesse de nos résultats. Ces
autres bases de données mesurent les mêmes aspects de protection des droits de propriété
privée comme le fait Fraser Institute. En général, les bases de données sur les institutions sont
construites à l’aide des enquêtes d’opinion concernant la qualité des institutions dans les pays,
les différences entre les bases de données se trouvent dans la méthodologie de calcul et des
sources de données. C’est la raison pour laquelle les différents indices d’institutions sont
souvent fortement corrélés entre eux, comme l’indique d’ailleurs le tableau I.2.
Les données de Fraser Institute sont préférées lorsqu’il s’agit d’analyse sur une longue
période. Ces données sont fournies chaque cinq ans de 1970 à 2000, puis à partir de 2001, les
données sont renseignées annuellement. Dans ce chapitre, nous calculons pour chaque pays la
moyenne de l’indice de droits de propriété pour toute la période 1970-2005, ce qui permet de
réduire les erreurs de mesure. Pour la description des variables explicatives, des autres
variables utilisées dans ce chapitre, ainsi que les sources de données, voir le tableau AI.1 dans
l’annexe associée à ce chapitre.
Les équations (1.1) à (1.4) permettent de tester la « pertinence simple » de chacune des
quatre approches théoriques. A travers ces équations, nous testons l’effet séparé des variables
proxy qui nous permettent de tester la validité d’une approche donnée, en ignorant l’effet des
variables relatives aux autres théories. La « pertinence simple » d’une théorie sera admise, si
l’effet séparé sur l’indice des institutions de droits de propriété privée de la variable servant de
proxy pour tester cette approche, est de signe attendu et statistiquement différent de zéro.
Ainsi dans l’équation (1.1) par exemple, pour que la « pertinence simple » de l’approche
économique ne soit pas rejetée, le coefficient associé au PIB par tête devrait être positif et
significatif.
L’équation (1.2) permet de tester la « pertinence simple » de l’approche historique.
Dans ce cas la variable explicative est une variable muette prenant la valeur de un pour les
pays de droit commun et zéro autrement. Pour ne pas rejeter l’hypothèse de la « pertinence
simple » de l’approche historique, nous espérons un effet positif et significatif de la muette
origine légale sur l’indice des institutions de protection des droits de propriété. En effet,
comme nous l’évoquons plus haut, plusieurs auteurs s’accordent à dire que les pays de droit
commun assurent mieux la protection des droits de propriété privée que les pays de droit civil.
Quant à l’équation (1.3), elle permet de tester la « pertinence simple » de l’approche
culturelle. La variable explicative dans cette équation est le pourcentage de la population de
confession religieuse protestante. Afin de ne pas remettre en cause la « pertinence simple » de

38
l’approche culturelle, nous espérons un effet positif et significatif du pourcentage de la
population de confession religieuse protestante sur l’indice de qualité des institutions de
protection des droits de propriété privée. Les justifications pour un tel effet attendu de cette
variable se basent essentiellement sur les arguments de Landes (1998).
Pour tester la « pertinence simple » de l’approche politique de l’analyse de la qualité
des institutions de protection des droits de propriété, en nous inspirant du travail de
Acemoglu, Johnson et Robinson (2005a) nous utilisons l’indice de démocratie, l’indice de
Gini et une mesure de l’abondance en ressources naturelles comme des variables explicatives
dans l’équation (1.4). Nous espérons sur l’indice des institutions de droits de propriété privée,
un effet positif de l’indice de démocratie, un effet négatif de l’indice de Gini et de
l’abondance en ressources naturelles. Nous utilisons ainsi trois variables explicatives de la
qualité des institutions de droits de propriété privée pour tester l’approche politique. Dans ce
cas, même s’il est intéressant d’analyser le signe et la signification de chacune des trois
variables, pour ne pas rejeter l’hypothèse de la « pertinence simple » de l’approche politique,
l’indice de démocratie, l’indice de Gini et de l’abondance en ressources naturelles doivent être
conjointement statistiquement différents de zéro. Dans ce cas alors, le critère d’appréciation
de la pertinence de l’approche politique est la statistique de Fisher associée à ces trois
variables.
L’équation (1.5) permet de tester la « pertinence relative » de chacune des quatre
théories. Ainsi une approche sera dite pertinente selon le critère de « pertinence relative », si
l’effet de la variable servant de proxy pour la tester, demeure de signe attendu et
statistiquement différent de zéro malgré la prise en compte des effets simultanés des variables
relatives aux trois autres théories. Par ailleurs, en estimant l’équation (1.5) nous pouvons
interpréter les coefficients en termes de ceteris paribus, ce faisant nous réduisons le biais de
variables omises et nous prenons aussi en compte les possibles relations pouvant exister entre
les différentes approches, tel que nous l’expliquions dans la partie théorique. L’analyse des
résultats des estimations des équations (1.1) à (1.5), nous permet d’identifier l’approche la
« plus pertinente ». Ainsi, une approche sera dite « plus pertinente », si sa « pertinence
simple » et sa « pertinence relative » ne peuvent pas être rejetées. Toutefois, si plus d’une
approche satisfont ce premier critère, nous utilisons un second critère pour départager les
différentes théories, il s’agit du pouvoir explicatif associé à chaque approche. Dans ce cas
alors, l’approche la « plus pertinente » est celle qui explique le mieux la variabilité de la

39
qualité des institutions de droits de propriété privée entre pays, autrement dit, ce serait
l’approche dont le R² ajusté est le plus élevé10.
Comme on peut le constater à travers les équations (1.1) à (1.5), nous effectuons nos
analyses empiriques à partir de données transversales en utilisant la méthode des moindres
carrés ordinaires (MCO). Compte tenu de la disponibilité des données, nous utilisons un
échantillon de 142 pays incluant 26 pays développés et 116 pays en développement (pour la
liste des pays voir l’annexe associée à ce chapitre). Ce faisant, sauf indication contraire, pour
chaque pays nous calculons la moyenne arithmétique des différentes variables en utilisant des
données couvrant la période 1970-2005.
L’application des MCO avec des données transversales est bien appropriée dans le
cadre de cette étude. En effet, il est habituellement admis dans la littérature économique que
les institutions, particulièrement les institutions économiques varient très peu dans le temps.
Dans ce cas, une amélioration de la qualité des institutions est possible dans le long terme.
Lorsque nous analysons les déterminants des institutions de droits de propriété privée, il est
alors approprié d’utiliser des données transversales. Par ailleurs, certains déterminants des
institutions de droits de propriété privée (origine légale, pourcentage des protestants dans la
population, par exemple) varient très faiblement dans le temps. L’analyse de leurs effets ne
peut alors se faire qu’avec des données transversales. Enfin, remarquons aussi que la plupart
des travaux empiriques sur les déterminants de la qualité des institutions utilisent des données
transversales, tel que le laisse apparaître la revue des travaux empiriques ci-dessus.

5.2 Problèmes d’endogénéité

10
Nous nous inspirons du travail de Beck et al. (2003) pour recourir à la comparaison des pouvoirs explicatifs
des modèles afin de comparer les performances des différentes théories relatives aux déterminants des
institutions. Beck et al. (2003) recourent aussi à la comparaison des R² ajustés pour discriminer entre deux
théories mettant l’accent sur les facteurs historiques pour expliquer la différence du développement financier
dans les pays ex- colonies européennes. Dans une perspective historique ces auteurs comparent les performances
de deux théories explicatives du développement financier : une théorie basée sur la dotation géographique
(approximée par le taux de mortalité des colons blancs) et une autre théorie basée sur l’origine légale. En
utilisant un échantillon de 70 pays ex-colonies européennes, ces auteurs identifient la théorie de dotation
géographique comme étant plus pertinente dans l’explication du développement financier dans ces pays, car le
R² ajusté du modèle basé sur la théorie de dotation géographique est supérieur à celui du modèle basé sur la
théorie de l’origine légale. Etant donné certaines limites relatives à la comparaison des performances des
modèles à partir de leurs pouvoirs explicatifs, dans ce chapitre, en plus de la comparaison de R² ajusté, nous
appliquons le test d’hypothèses non emboîtées à la Davidson et McKinon (1981) afin de pouvoir confirmer ou
pas les résultats issus de la comparaison de R² ajusté des différents modèles.

40
Comme dans la plupart des travaux empiriques, en analysant les déterminants des
institutions de droits de propriété privée, il est impossible d’exclure les problèmes
d’endogénéité qu’il convient de résoudre ou de réduire.
L’une des sources d’endogénéité est l’omission de variables explicatives pertinentes.
Nous pensons que si nous utilisons de bonnes proxy pour tester les quatre approches
théoriques, en estimant l’équation (1.5), nous devrions normalement pouvoir réduire le biais
d’endogénéité dû aux variables omises, dans la mesure où nous aurions inclus dans le modèle
(1.5) toutes les variables explicatives pertinentes. Par exemple, en estimant l’équation (1.5)
nous ne pouvons pas dire que l’effet positif du revenu par tête sur l’indice des institutions de
droits de propriété privée serait dû à l’effet du développement des institutions démocratiques
qu’engendrerait l’augmentation du revenu, puisque nous contrôlons simultanément pour la
démocratie et le revenu par tête.
La seconde source d’endogénéité est l’erreur de simultanéité. Des quatre approches,
l’approche culturelle et l’approche historique sont les deux qui sont moins susceptibles de
souffrir de ce type d’endogénéité. En effet, le choix des systèmes légaux est exogène car
émanant des évènements historiques remontant à plusieurs années. Même si certains pays
changent par moment quelques aspects de leurs systèmes judiciaires, le plus souvent, la
substance des lois initiales change très peu. De même l’approche culturelle souffrirait moins
d’erreur de simultanéité car le choix de la religion serait beaucoup plus influencé par
l’environnement familial ou social, que par la qualité des institutions économiques dans un
pays. De plus, notre mesure de l’appartenance religieuse date des années 1980, alors que notre
mesure de la qualité des institutions de protection des droits de propriété concerne la période
1970-2005, ce qui veut dire que notre mesure de l’appartenance religieuse est relativement
prédéterminée.
L’approche économique est l’une des approches susceptibles de souffrir d’endogénéité
due à des erreurs de simultanéité, car plus le revenu augmente plus les institutions devraient
être bonnes, et vice versa. Pour réduire l’erreur de simultanéité, nous considérons le PIB par
tête en début de période, c’est-à-dire le PIB par tête en 1970 comme variable explicative.
Dans ce cas nous avons une mesure prédéterminée du revenu par tête, réduisant ainsi l’erreur
de simultanéité. L’utilisation de variables en début de période pour réduire les erreurs de
simultanéité est courante dans la littérature économique.
Parmi les variables qui permettent de tester l’approche politique, l’abondance en
ressources naturelles est la variable qui souffrirait le moins d’erreur de simultanéité. En effet,
l’indice d’abondance de ressources naturelles dépend en grande partie du prix mondial et du

41
stock de ressources naturelles, et sur ces deux variables la qualité des institutions de
protection des droits de propriété exerce très peu d’effet direct.
Dans la perspective de l’approche politique, les indices de démocratie et de Gini sont
les deux variables que l’on pourrait soupçonner d’endogénéité due aux erreurs de
simultanéité. Cependant, dans la littérature sur les institutions, la démocratie est considérée
comme une méta institution, c’est-à-dire, l’institution à partir de laquelle naissent ou se
renforcent les autres institutions dans un pays (Rodrik, 2000 ; Acemoglu, Johnson et
Robinson, 2005a). De plus, Acemoglu, Johnson et Robinson (2005a) démontrent qu’à
l’instant t, ce sont les institutions démocratiques qui déterminent les institutions de droits de
propriété privée et non l’inverse. Ces différents arguments permettent de soutenir que le
risque d’endogénéité des institutions démocratiques, dû aux erreurs de simultanéité serait
moindre.
Quant à l’inégalité de revenu, son endogénéité par erreurs de simultanéité serait
également faible. Car le niveau d’inégalité dans un pays à l’instant t, peut être perçu comme la
conséquence de facteurs historiques (Engerman et Sokoloff, 1997, 2000) et par conséquent,
exogène vis-à-vis de la performance institutionnelle actuelle d’un pays. De plus, Acemoglu,
Johnson et Robinson (2005a) démontrent qu’à l’instant t, c’est le niveau d’inégalité de revenu
qui détermine la qualité des institutions de protection des droits de propriété, et la qualité des
institutions à l’instant t, détermine le niveau d’inégalité de revenu de l’instant t+1. Donc à
l’instant t, le risque d’endogénéité de l’inégalité de revenu vis-à-vis des institutions de droits
de propriété privée à cause des erreurs de simultanéité serait moindre.
Nous montrons que l’inégalité de revenu et la démocratie, tout comme nos autres
variables explicatives, ne souffriraient pas d’endogénéité due aux erreurs de simultanéité.
Cependant, dans la suite de l’article, afin de tester la robustesse de nos résultats, nous
relâchons l’hypothèse d’exogénétié de l’inégalité et des institutions démocratiques en utilisant
d’autres variables explicatives très corrélées avec la démocratie et l’inégalité de revenu mais
relativement plus exogènes vis-à-vis des institutions de droits de propriété.
Ainsi nos résultats souffriraient peu d’endogénéité due aux erreurs de simultanéité ou
à l’omission de variables explicatives pertinentes. En revanche, comme toute autre variable
économique, nos variables explicatives pourraient être mesurées avec erreurs. Si les erreurs de
mesure dont pourraient souffrir nos variables explicatives sont de type classique, nos résultats
souffriraient alors d’endogénéité (Wooldridge, 2002). Dans ce cas les coefficients sont
estimés avec un biais d’atténuation, ce qui aurait pour conséquence de faire tendre les
coefficients vers zéro, et par conséquent de pénaliser nos résultats. Alors, si en dépit du risque

42
d’endogénéité dû aux erreurs de mesure, nous obtenons des coefficients statistiquement
significatifs avec leurs signes attendus, cela ne peut être que rassurant.

5.3 Analyses statistiques

5.3.1 Tests de différences des valeurs moyennes

Avant d’analyser les résultats des estimations économétriques, il s’avère nécessaire


d’analyser le « comportement naturel » de nos données en effectuant quelques analyses
statistiques. Pour ce faire, nous effectuons des tests de différence des valeurs moyennes de
l’indice des institutions de droits de propriété privée en fonction des différentes
caractéristiques des pays de notre échantillon.
Selon l’approche économique, une augmentation du revenu par tête est favorable à
l’amélioration de la qualité des institutions de droits de propriété privée. Statistiquement, on
devrait s’attendre à ce que les pays les plus riches -en termes de revenu par tête- soient dotés
de meilleures institutions de protection des droits de propriété. C’est ce qui semble ressortir
du tableau I.1 puisqu’il apparaît dans ce tableau, que les pays dont le revenu par tête en 1970
est supérieur à la moyenne de l’échantillon, disposent relativement de meilleures institutions.
Le tableau I.1 indique une différence de 1,82 de la valeur de la qualité des institutions de
protection des droits de propriété en faveur des pays dont le revenu par tête en 1970 est
supérieur à la moyenne, comparativement à leurs homologues dont le revenu par tête est
inférieur à la moyenne du revenu par tête dans notre échantillon. Cette différence est
significative à 1%, et est supérieure à la valeur de l’écart type (1,65, confer tableau AI.2 dans
l’annexe relative à ce chapitre) de l’indice des institutions de droits de propriété dans notre
échantillon.
L’approche historique de l’analyse de qualité des institutions accorde un avantage aux
pays de droit commun sur leurs homologues de droit civil en matière de protection des droits
de propriété privée. L’analyse statistique semble ne pas remettre en cause cette hypothèse,
puisqu’il apparaît que la qualité des institutions de protection des droits de propriété est en
moyenne supérieure dans les pays de droit commun, comparativement aux pays de droit civil.
Cette différence (-0,68) est statistiquement significative à 5% mais faible. En valeur absolue,
elle est inférieure à la valeur de l’écart type des institutions de droits de propriété dans notre
échantillon.

43
Dans la logique de l’approche culturelle, les pays de confession religieuse protestante
sont supposés disposer d’un avantage en matière de protection des droits de propriété
comparativement aux autres pays. Pour vérifier statistiquement la validité de cette hypothèse,
nous comparons les valeurs moyennes de la qualité des institutions de protection des droits de
propriété entre pays selon l’appartenance religieuse de leurs populations. Dans ce cas, le
tableau I.1 indique que les pays dont le pourcentage de la population de confession
protestante est supérieur à la moyenne de l’échantillon, disposent de meilleures institutions de
protection des droits de propriété comparativement à leurs homologues dont le pourcentage
des protestants est inférieur à la moyenne de l’échantillon. Cette différence est statistiquement
significative à 1% et conforme à l’approche culturelle.
L’approche politique de l’analyse de la qualité des institutions identifie les institutions
démocratiques, l’inégalité de revenu et l’abondance en ressources naturelles comme de
potentiels déterminants de la qualité des institutions de protection des droits de propriété. Le
tableau I.1 indique que les pays les plus démocratiques -ceux dont la valeur de l’indice de
démocratie est supérieure à la moyenne de l’échantillon- sont ceux dotés de meilleures
institutions de protection des droits de propriété. De même, le tableau I.1 montre que les pays
les plus inégalitaires -ceux dont le niveau d’inégalité de revenu est supérieur à la moyenne de
l’échantillon- sont ceux dont la qualité des institutions de protection des droits de propriété est
faible. Enfin, il apparaît à travers le tableau I.1, que les pays les mieux dotés en ressources
naturelles -ceux dont la valeur moyenne du niveau de ressources naturelles est supérieur à la
moyenne de l’échantillon- disposent des institutions de protection des droits de propriété de
qualité relativement faible par rapport à leurs homologues les moins dotés en ressources
naturelles. Toutes ces différences de valeurs moyennes de l’indice des institutions de droits de
propriété sont statistiquement significatives à 1% et leurs signes sont conformes aux
arguments de l’approche politique.
Les tests de différence de valeurs moyennes indiquent des résultats cohérents avec
chacune des quatre approches théoriques de l’analyse des déterminants de la qualité des
institutions de protection des droits de propriété. De même, les résultats du tableau I.1
montrent que les différences relatives à la qualité des institutions démocratiques sont les plus
élevées de toutes les différences des valeurs moyennes de l’indice des institutions de droits de
propriété. Avant de passer aux évaluations économétriques des différentes théories, nous
présentons dans le tableau I.2 des coefficients de corrélation entre les différentes variables et
analysons ces corrélations.

44
Tableau I.1 : Résultats des tests de différences des valeurs moyennes de l’indice des institutions de droits de propriété privée selon les
différentes caractéristiques des pays de notre échantillon

PIB par tête Origine légale Pourcentage de protestants Droits politiques Gini Ressources naturelles

pibt1 pibt2 différence ol1 ol2 différence protes1 protes2 différence Demo1 Demo2 différence gini1 gini2 Différence rn1 rn2 différence

Droits de 4.434 6.250 -1.816 5.123 5.801 -0.678 4.999 6.080 -1.081 4.551 6.982 -2.430 5.779 4.699 1.079 5.848 4.119 1.729
propriété
- - (7.75)*** - - (2.24)** (3.57)*** - - (10.90)*** - - (3.94)*** - - (5.52)***
Observations 71 68 - 101 40 - 98 39 - 95 43 - 72 61 - 76 36 -
Note : Pibt1 (pibt2) désigne la valeur moyenne de l’indice des institutions de droits de propriété privée pour les pays dont le PIB par tête est inférieur (supérieur) à la moyenne
du PIB par tête dans notre échantillon.
Ol1 (ol2) correspond à la valeur moyenne de l’indice des institutions de droits de propriété privée dans les pays de droit civil (droit commun).
Protes1 (protes2) correspond à la valeur moyenne de l’indice des institutions de droits de propriété privée dans des pays où le pourcentage des individus de confession
religieuse protestante est inférieur (supérieur) à la valeur moyenne du pourcentage des protestants dans les années 1980 dans notre échantillon.
Dem1 (dem2) il s’agit de la valeur moyenne de l’indice des institutions de droits de propriété privée dans les pays où la valeur moyenne de l’indice
des institutions démocratiques (indice des droits politiques de Freedom House ) est inférieure (supérieure) à sa valeur moyenne dans l’échantillon.
Gini1, (gini2) utilisés pour désigner la valeur moyenne de l’indice des institutions de droits de propriété dans des pays où l’inégalité de revenu est inférieure (supérieure) à la
valeur moyenne de l’inégalité de revenu dans l’échantillon.
Rn1 (rn2) correspond à la valeur moyenne de l’indice des institutions de droit de propriété dans des pays où l’abondance en ressources naturelles est inférieure (supérieure) à
la valeur moyenne de l’abondance en ressources naturelles dans l’échantillon.
Différence mesure la différence (entre 1 et 2) des valeurs moyennes de l’indice des institutions de protection des droits de propriété. Les chiffres entre parenthèses désignent
les t de student associés à ces différences. ***, ** sont utilisés pour désigner des différences de valeurs moyennes significatives respectivement au seuil de 1% et 5%.

45
5.3.2 Analyse des coefficients de corrélation

Dans le tableau I.2, il apparaît une corrélation significative entre l’indice des
institutions de droits de propriété et chacun de leurs déterminants. Tous ces coefficients de
corrélation sont significatifs au seuil de 1%, à l’exception de la corrélation entre l’origine
légale et les institutions de protection des droits de propriété privée qui est significative à 5%.
Par ailleurs, les coefficients de corrélation entre l’indice des institutions de droits de propriété
et ses différents déterminants sont tous de signes attendus. Le tableau I.2 indique que la
corrélation entre les institutions de protection des droits de propriété et les institutions
démocratiques est la plus élevée des corrélations.
Le tableau I.2 indique aussi qu’indépendamment de l’indice des institutions de droits
de propriété considéré, les différents déterminants des institutions de droits de propriété
privée affichent des coefficients de corrélation majoritairement significatifs à 1%, et ce avec
leurs signes attendus. Le coefficient de corrélation entre les institutions de droits de propriété
privée et l’origine légale est celui dont la signification varie, selon l’indice des institutions de
droits de propriété considéré. Remarquons aussi à travers le tableau I.2, que la corrélation
entre les institutions démocratiques et les institutions de droits de propriété privée est la plus
stable, la plus élevée et elle est égale au moins à 0,70, indépendamment de l’indice des
institutions de droits de propriété considéré.
L’analyse de corrélations entre les différents déterminants des institutions de
protection des droits de propriété s’avère aussi pertinente, car une forte corrélation entre ces
déterminants pourrait rendre difficiles les estimations économétriques ou rendrait difficile
l’interprétation des résultats. Dans l’approche politique par exemple, on peut s’attendre à une
corrélation entre l’abondance en ressources naturelles et la qualité des institutions
démocratiques ou entre l’abondance en ressources naturelles et le niveau d’inégalité. Car les
pays fortement dotés en ressources naturelles, pourraient également être des pays où
l’inégalité de revenu est élevée, où la qualité des institutions démocratiques est faible (voir
Ross, 2001).
Comme on peut le constater, certes, il existe une certaine corrélation entre les
différents déterminants de la qualité des institutions de protection des droits de propriété mais
ce sont de corrélations faibles. Ainsi par exemple, la corrélation entre l’origine légale et le
pourcentage des Protestants n’est que de 0,18 et significatif à 5%, il s’agit donc d’une
corrélation relativement faible contrairement à ce que l’on pourrait soupçonner. Dans

46
Tableau I.2 : Coefficients de corrélation entre les variables dans l’échantillon total
Drfi Pibt ol Prot dem gini Rn Lat frag Mie Drkk drhf icrg demo landfao polity cont

Drfi 1.00
Pibt 0.56a 1.00
Ol 0.19b -0.15c 1.00
Prot 0.41a 0.19b 0.18b 1.00
Dem 0.76a 0.58a 0.08 0.44a 1.00
Gini -0.38a -0.46a 0.27a 0.05 -0.38a 1.00
Rn -0.44a -0.35a -0.02 -0.07 -0.37a 0.17c 1.00
Lat 0.59a 0.68a -0.24a 0.25a 0.54a -0.65a -0.37a 1.00
Frag -0.37a -0.51a 0.24a -0.03 -0.42a 0.38a 0.37a -0.54a 1.00
Mie 0.30a 0.39a 0.24a 0.10 0.53a 0.06 -0.18c 0.06 -0.38a 1.00
Drkk 0.93a 0.55a 0.14 0.35a 0.78a -0.42a -0.49a 0.59a -0.49a 0.32a 1.00
Drhf 0.85a 0.48a 0.25a 0.38a 0.72a -0.26a -0.44a 0.44a -0.41a 0.37a 0.91a 1.00
Lcrg 0.91a 0.62a 0.06 0.33a 0.71a -0.51a -0.38a 0.70a -0.45a 0.19b 0.85a 0.73a 1.00
Demo 0.66a 0.49a 0.19b 0.43a 0.88a -0.28a -0.30a 0.42a -0.39a 0.55a 0.69a 0.66a 0.58a 1.00
landfao -0.31a -0.14 -0.01 0.06 -0.11 0.27b 0.49a -0.37a 0.08 0.16c -0.26a -0.17c -0.38a -0.01 1.00
Polity 0.59a 0.57a 0.18b 0.34a 0.82a -0.25a -0.40a 0.49a -0.35a 0.51a 0.63a 0.64a 0.53a 0.72a -0.10 1.00
Cont 0.63a 0.53a 0.20b 0.31a 0.76a -0.30a -0.39a 0.52a -0.38a 0.46a 0.65a 0.63a 0.57a 0.67a -0.13 0.89a 1.00
Note : a, b, et c désignent des coefficients de corrélation significatifs respectivement au seuil de 1%, 5%, et 10%.
La définition des variables ainsi que les sources de données se trouvent en annexe de ce chapitre.

47
l’ensemble, les coefficients de corrélation entre les différents déterminants des institutions de
droit de propriété sont tous inférieurs à 0,50 à l’exception de la corrélation entre le PIB par
tête et l’indice de démocratie. La faible corrélation entre les différents déterminants de la
qualité des institutions de droits de propriété est dans une certaine mesure rassurant, car dans
ce cas nos estimations économétriques ne pourraient pas être compromises par d’éventuelles
multicolinéarités entre les différentes variables explicatives11.

5.4 Résultats des estimations économétriques

Le tableau I.3 présente les résultats de base de nos estimations économétriques. Il


apparaît que les quatre théories relatives à l’analyse de la qualité des institutions de protection
des droits de propriété sont pertinentes.
La colonne 1 du tableau I.3, contient le résultat de l’effet du revenu par tête sur
l’indice des institutions de droits de propriété privée. Cet effet est positif et significatif à 1%
avec une statistique de student supérieure à 7. Notons aussi que le revenu par tête, à lui seul,
explique 30% de la variabilité de la qualité des institutions de protection des droits de
propriété dans notre échantillon. Les résultats de l’impact du revenu par tête indiquent que
nous ne pouvons pas rejeter la « pertinence simple » de l’approche économique.
Dans la colonne 2 du tableau I.3, nous avons le résultat de l’effet de l’origine légale
sur l’indice des institutions de droits de propriété. Ce résultat indique à long terme, une
différence de 0,68 (soit 40% de l’écart type de l’indice institutions de droits de propriété) de la
valeur de la qualité des institutions de droits de propriété en faveur des pays de droit commun,
par rapport aux pays de droit civil. Cependant, remarquons que l’origine légale n’explique que
3% de la variabilité de la qualité des institutions de protection des droits de propriété dans
notre échantillon. Dans tous les cas la « pertinence simple » de l’approche historique ne peut
pas être remise en cause, puisque le coefficient associé à l’origine légale est positif et
significatif à 5%.
Le résultat relatif à l’approche culturelle est présenté dans la colonne 3 du tableau I.3.
Il apparaît dans cette colonne un effet positif et significatif à 1% du pourcentage de la
population de confession religieuse protestante sur la qualité des institutions. Dans ce cas

11
Wooldridge (2000) dans son chapitre 3, montre que la multicolinéarité n’est pas un problème pour lequel les
chercheurs devraient beaucoup se préoccuper dans leurs travaux empiriques, car les problèmes que pourraient
créer la multicolinéarité peuvent aussi être générés par d’autres caractéristiques des données (la faible taille de
l’échantillon par exemple). Nous avons tout de même tenu à parler largement de la multicolinéarité afin de lever
les doutes que certains pourraient avoir sur la validité de nos résultats sous prétexte de corrélation entre les
différents déterminants de la qualité des institutions de droits de propriété privée.

48
alors, la « pertinence simple » de l’approche culturelle ne peut pas être rejetée. Nos résultats
montrent que 16% de la variabilité de la qualité des institutions de protection des droits de
propriété dans notre échantillon serait due à la différence d’appartenance religieuse de la
population, notre proxy de différences culturelles.

Tableau I.3 : Résultats de base des estimations économétriques


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Drfi Drfi Drfi Drfi Drfi Drfi

PIB par tête 0.812 0.239 0.799


(7.63)*** (1.98)** (8.02)***
Origine légale 0.678 0.575 0.782
(2.30)** (2.38)** (3.50)***
Protestants 3.191 1.111 2.071
(6.87)*** (2.85)*** (4.78)***
Gini -0.014 -0.022
(1.06) (1.85)*
Démocratie 4.187 3.048
(11.19)*** (6.17)***
Ressources nat -0.943 -0.950
(3.26)*** (3.40)***
Constante -0.452 5.123 4.882 4.349 3.201 -0.857
(0.62) (31.11)*** (34.01)*** (6.55)*** (3.13)*** (1.25)
Observations 139 141 137 109 108 136
R² ajusté 0.31 0.03 0.16 0.68 0.71 0.46
F-Statistique - - - 119.05*** 34.12*** -
Note : Par estimations de base, nous entendons les estimations issues des équations (1.1) à (1.5). Les F-
statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de l’inégalité de revenu
et de l’abondance en ressources naturelles. Les estimations concernent l’ensemble de notre échantillon.
***, **, * utilisés pour désigner les coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%.

La colonne 4 du tableau I.3 contient le résultat relatif à l’approche politique. Il apparaît


que les trois variables (qualité des institutions démocratiques, niveaux d’inégalité de revenu et
d’abondance en ressources naturelles) que nous utilisons comme proxy pour tester l’approche
politique, sont conjointement significatives comme l’indique la statistique de Fischer associée
à ces trois variables. De même, à travers les résultats du tableau I.3 il apparaît que les trois
variables relatives à l’approche politique expliquent à elles seules, près de 70% de la
variabilité de la qualité des institutions de droits de propriété dans notre échantillon. Alors,
ces résultats ne remettent pas en cause la « pertinence simple » de l’approche politique. Par
ailleurs, une analyse détaillée indique que chacune des trois variables exerce son effet attendu
sur les institutions de droits de propriété. De même, à l’exception de l’inégalité de revenu, les
effets des institutions démocratiques et de l’abondance en ressources naturelles sont
significatifs à 1%.
A travers les résultats du tableau I.3, il apparaît que la « pertinence simple » d’aucune
des quatre approches théoriques de l’analyse des déterminants des institutions de droits de

49
propriété ne peut être remise en cause. Un tel résultat peut être insuffisant car nous avons
aussi besoin de tester la « pertinence relative » de chacune des quatre théories, afin de pouvoir
identifier l’approche théorique la « plus pertinente ». Pour cette raison, il est alors nécessaire
d’analyser les résultats de la colonne 5 du tableau I.3.
A travers la colonne 5 du tableau I.3 il apparaît que les quatre approches théoriques
sont globalement pertinentes. Le pouvoir explicatif du modèle est de 0,71, ce qui indique que
70% de la variabilité de la qualité des institutions de protection des droits de propriété
s’explique par les variables que nous utilisons pour tester les différentes approches théoriques.
La colonne 5 montre que malgré la prise en compte de l’effet simultané de tous les
déterminants, le coefficient associé à chacun des déterminants des institutions de protection
des droits de propriété est de signe attendu. De même, la colonne 5 indique que le coefficient
associé à chacun des déterminants des institutions est significatif au seuil de 5% au moins, à
l’exception du coefficient associé à l’indice de Gini.
L’intérêt de l’analyse des résultats de la colonne 5 du tableau I.3 est double. Ces
résultats permettent non seulement de tester la « pertinence relative » de chaque théorie, mais
aussi d’interpréter les coefficients en termes de ceteris paribus.
Ainsi, à travers les résultats de la colonne 5 du tableau I.3 il apparaît que, la
« pertinence relative » de la théorie de l’efficience des institutions ne peut pas être rejetée
puisque le coefficient associé au logarithme du PIB par tête est positif et significatif à 5%. Ce
résultat indique que, ceteris paribus, une hausse de 100%, c’est-à-dire un doublement du PIB
par tête entraînerait une amélioration de 0,24 de la qualité des institutions de droits de
propriété dans notre échantillon. Il s’agit d’un effet économiquement faible, puisque dans
notre échantillon, la moyenne et l’écart type de l’indice des institutions de protection des
droits de propriété sont respectivement égales à 5,32 et 1,65. Ainsi, le résultat de la colonne 5
indique que toute chose égale par ailleurs, un doublement du PIB par tête par rapport à sa
valeur de 1970, entraînerait en moyenne une amélioration de la qualité des institutions
équivalente à 15% de l’écart type de l’indice des institutions de protection des droits de
propriété ! Même si nous ne pouvons pas dire que les tenants de l’approche économique ont
tort, il semble que l’effet du revenu par tête sur la qualité des institutions de protection des
droits de propriété est économiquement négligeable après avoir pris en compte les effets des
autres déterminants.
La « pertinence relative » de l’approche historique ne peut pas aussi être rejetée
puisque le coefficient associé à l’origine légale dans la colonne 5 est positif et significatif à
5%. Le résultat de la colonne 5 indique que ceteris paribus, à long terme la qualité des

50
institutions de protection des droits de propriété serait approximativement supérieure de 0,6
dans les pays de droit commun comparativement aux pays de droit civil. De façon concrète et
à titre illustratif, ce résultat indique que toute chose égale par ailleurs, si pour des raisons
exogènes, la Côte d’Ivoire se dotait des règles légales proches de celles d’un pays de droit
commun, la qualité des institutions de protection des droits de propriété en Côte d’Ivoire
serait équivalente à celle du Ghana, passant ainsi de 3,9 à 4,5, respectivement valeur moyenne
de l’indice des institutions de droits de propriété en Côte d’Ivoire et au Ghana. A travers ce
résultat, nous ne pouvons pas dire que l’impact de l’origine légale sur les institutions de droits
de propriété est extraordinairement élevé. Ainsi, même si le résultat de la colonne 5 semble
réconfortant pour les tenants de l’approche historique, ce résultat indique que la différence du
système légal entraînerait une faible différence entre pays en matière de protection des droits
de propriété privée.
Dans la colonne 5 du tableau I.3, le coefficient associé au pourcentage des individus
de confession religieuse protestante est positif et significatif à 1%, ce qui ne permet pas de
rejeter l’hypothèse de la « pertinence relative » de l’approche culturelle. Ce résultat indique
que toute chose égale par ailleurs, une hausse de un point par rapport à sa valeur des années
1980, du pourcentage de la population de confession religieuse protestante entraînerait une
amélioration équivalente à un de l’indice de qualité des institutions de droits de propriété. Il
s’agit d’un effet économiquement non négligeable, il correspond à 60% de l’écart type de
l’indice des institutions de droits de propriété, et à la différence de la qualité des institutions
de protection des droits de propriété entre l’Ile Maurice (6,4) et la Mauritanie (5,4).
La « pertinence relative » de l’approche politique ne peut pas aussi être remise en
cause. En effet, dans la colonne 5 du tableau I.3 la statistique de Fisher pour la signification
conjointe des trois variables servant de proxy pour le test de l’approche politique est
significative à 1%. L’inégalité de revenu, l’abondance en ressources naturelles et les
institutions démocratiques sont donc conjointement des déterminants pertinents de la qualité
des institutions de protection des droits de propriété. Chacune des trois variables exerce un
effet attendu sur les institutions de protection des droits de propriété privée, et chacun des
coefficients est significatif à 1% (à l’exception de l’indice de Gini qui est significatif à 10%),
après avoir pris en compte les effets simultanés de l’ensemble des déterminants de la qualité
des institutions de droits de propriété.
La colonne 5 du tableau I.3 montre que toute chose égale par ailleurs, une hausse de
10 points de l’indice de Gini entraînerait une baisse de 0,2 de la qualité des institutions de
droits de propriété. De même, une hausse de un point du pourcentage de l’abondance en

51
ressources naturelles entraînerait une baisse de 0,95 de la qualité des institutions de droits de
propriété privée. Enfin, la colonne 5 du tableau I.3 indique qu’une amélioration équivalente à
la valeur de l’écart type des institutions démocratiques (0,30) entraînerait une amélioration de
l’indice des institutions de droits de propriété de 0,90 (0,90 = 0.30 x 3,048). Il s’agit d’un effet
économiquement non négligeable, correspondant à 55% de l’écart type de la valeur de
l’indice des institutions de droits de propriété. Ainsi, à titre illustratif, si le Ghana améliorait la
qualité de ses institutions démocratiques (0,21) pour atteindre le niveau de celles du Botswana
(0,52), le Ghana réduirait de presque 40% l’écart entre la qualité de ses institutions de droits
de propriété privée (4,5) et celles du Botswana (6,8).
Les résultats du tableau I.3 montrent que les quatre différentes approches de l’analyse
des déterminants des institutions de droits de propriété sont toutes pertinentes aussi bien selon
le critère de « pertinence simple » et de « pertinence relative ». Nous avons alors besoin de
recourir à notre second critère, c'est-à-dire la comparaison des pouvoirs explicatifs des
modèles afin de pouvoir identifier l’approche « la plus pertinence ».
Nous utilisons trois variables pour tester l’approche politique et trois autres variables
pour tester les trois autres approches. Afin d’identifier l’approche la plus pertinente, nous
comparons alors le pouvoir explicatif du modèle de l’approche politique au pouvoir explicatif
de l’ensemble des trois autres approches. En procédant ainsi, les résultats des colonnes 4 et 6
confirment que l’approche politique est la plus pertinente. Son R² ajusté est de 0,68 dans la
colonne 4 du tableau I.3, contre un R² ajusté de 0,46 pour l’ensemble des trois variables
relatives aux trois autres approches, comme on peut le constater dans les colonnes 4 et 6 du
tableau I.3.
La suprématie de la pertinence de l’approche politique peut encore être démontrée
d’une autre façon. En effet, après avoir contrôlé pour les effets de l’approche politique,
lorsque nous ajoutons une à une les variables relatives aux trois autres approches, aucune
d’elles n’accroît le pouvoir explicatif du modèle de plus de 1%. Cette situation se confirme en
comparant le résultat de la colonne 4 à celui de la colonne 5 du tableau I.3. Il apparaît que le
R² ajusté dans cette dernière colonne est de 0,71 contre 0,68 pour dans la colonne 4, ce qui
indique qu’après avoir contrôlé pour les effets des variables relatives à l’approche politique,
les variables relatives aux trois autres approches n’expliqueraient en supplément que 3%
seulement de la variabilité de la qualité des institutions de protection des droits de propriété
privée entre pays.

52
Les données suggèrent donc que l’approche politique est la plus pertinente des
approches de l’analyse des déterminants des institutions de droits de propriété privée. Nous
testons la robustesse de ce résultat.

5.5. Tests de robustesse

La plupart des résultats des tests de robustesse sont présentés dans l’annexe associée à
ce chapitre. Seuls les résultats relatifs au relâchement de l’hypothèse de l’exogénéité de
l’inégalité de revenu et de l’indice de démocratie, ainsi que les résultats relatifs à la prise en
compte d’autres déterminants potentiels de la qualité des institutions de protection des droits
de propriété privée sont présentés dans le texte.
Le premier test de robustesse que nous effectuons consiste à changer la mesure de la
qualité des institutions de protection des droits de propriété. Nous utilisons trois autres indices
de qualité des institutions de droits de propriété : l’indice de Kaufman, Kraay et Masturzzi
(2006), celui de Heritage Fundation, et de ICRG. L’utilisation de ces trois autres indices
confirme que l’approche politique est la plus pertinente. En revanche par rapport à nos
résultats de base, les effets des autres déterminants varient lorsque nous changeons d’indice
de qualité des institutions.
L’indice de Heritage Fundation reproduit des résultats très proches de ceux que nous
avons obtenus initialement. Autrement dit, en utilisant l’indice de Heriatge Fundation la
« pertinence simple » et la « pertinence relative » d’aucune des quatre approches théoriques
ne peuvent être rejetées. Comme dans le cas de nos résultats de base, nous recourons alors à la
comparaison des pouvoirs explicatifs des modèles afin de pouvoir identifier l’approche
politique comme la plus pertinente des approches. En effet, en utilisant l’indice de Heritage
Fundation le R² ajusté associé à l’approche politique est de 0,66 contre 0,40 pour l’ensemble
des trois autres approches (voir tableau AI.3).
Dans le cas de l’indice de Kaufmann, Kraay et Masturzzi, l’ensemble des quatre
approches théoriques sont pertinentes lorsque nous utilisons le critère de « pertinence
simple », les coefficients sont de bons signes et significatifs à 1% à l’exception du coefficient
associé à la muette origine légale qui est significatif à 10%. Par contre en appliquant le critère
de « pertinence relative », l’utilisation de l’indice de droits de propriété privée de Kaufman et
al. révèle que seule l’approche politique est pertinente. En effet, lorsque nous contrôlons
simultanément pour les effets des différents déterminants, il apparaît que seuls l’indice de
Gini, l’indice de démocratie et de l’abondance en ressources naturelles sont significatifs à 1%

53
et ce, avec leurs signes attendus. La statistique de Fisher pour la signification conjointe des
variables relatives à l’approche politique est significative à 1%. Quant aux autres variables
explicatives, aucune d’elle n’est significative (même si les signes des coefficients sont ceux
attendus) lorsque nous estimons simultanément les effets des différents déterminants des
institutions. Dans ce cas, sans avoir besoin de recourir à la comparaison des pouvoirs
explicatifs des différents modèles, en utilisant l’indice de Kaufmann et Kraay nous pouvons
conclure que l’approche politique est la plus pertinente.
L’utilisation de l’indice de droits de propriété de ICRG montre que seule l’approche
historique ne serait pas pertinente lorsque nous appliquons le critère de « pertinence simple ».
En effet, seul l’effet séparé de l’origine légale sur cet indice n’est pas statistiquement différent
de zéro. Avec l’indice de ICRG, lorsque nous estimons simultanément l’impact de tous les
déterminants, il apparaît qu’en plus des variables relatives à l’approche politique, seul le
revenu par tête est significatif à 1% et ce avec son signe attendu. De plus, nous ne pouvons
pas rejeter l’hypothèse de la signification conjointe de l’inégalité, de la démocratie et de
l’abondance en ressources naturelles lorsque nous considérons simultanément les différents
déterminants. Encore une fois, il apparaît que l’approche la plus pertinente est l’approche
politique. Son R² ajusté est de 0,63 contre 0,44 pour l’ensemble des variables relatives aux
trois autres approches (voir tableau AI.5)12.
Nous testons également la robustesse de nos résultats par rapport à la mesure de la
qualité des institutions démocratiques. A la place de l’indice de démocratie de Freedom
House, nous utilisons deux autres indices de démocratie de Polity IV : il s’agit de l’indice
Polity 2 et de l’indice de contraintes sur l’exécutif. Dans ce cas, il apparaît que l’effet des
institutions démocratiques est positif et significatif au seuil de 1% indépendamment de la
mesure de démocratie et de la spécification utilisée. De même, en utilisant d’autres mesures
de la qualité des institutions démocratiques, la « pertinence simple » de l’approche politique
ne peut pas être rejetée, il en est de même de la « pertinence relative » de l’ensemble des
quatre différentes approches théoriques. A la suite de changements d’indices d’institutions
démocratiques, l’approche politique demeure la plus pertinente.
Nous utilisons d’autres mesures de l’abondance en ressources naturelles afin de tester
la robustesse de nos résultats. Le logarithme de l’abondance en ressources naturelles, et
l’indice de l’abondance en ressources naturelles à la Sachs et Warner (1997) sont nos deux

12
A partir de ce point, si nous concluons que l’approche politique est la plus pertinente, cela suppose que nous
ayons eu recours si nécessaire à la comparaison des pouvoirs explicatifs des différents modèles. Nous n’allons
pas mentionner de chiffres, ni commenter les écarts entre les différents R² ajustés afin de ne pas trop allonger le
chapitre.

54
mesures alternatives de l’abondance en ressources naturelles. Dans ce cas, indépendamment
de la spécification utilisée, les deux mesures alternatives de l’abondance en ressources
naturelles sont de signe négatif et significatif dans la spécification incluant simultanément
tous les déterminants. Le changement de la mesure de l’abondance en ressources naturelles
n’entraîne pas le rejet de la « pertinence simple » de l’approche politique et de la « pertinence
relative » de chacune des quatre approches théoriques. Cependant, l’identification de
l’approche la plus pertinente reste toujours en faveur de l’approche politique lorsque nous
changeons de mesure de l’abondance en ressources naturelles.
Nous testons la robustesse de nos résultats par rapport à la composition de notre
échantillon, ce qui nous amène à estimer nos différents modèles en excluant de notre
échantillon les ex-pays socialistes de l’ex-URSS. Deux raisons justifient notre démarche.
D’abord, nous avons classifié les ex-pays socialistes parmi les pays de droit civil. Même si
une telle classification semble appropriée, elle peut tout de même être pénalisante pour les
pays de droit civil, car la plupart des ex-pays socialistes disposent pour l’instant des
institutions de protection des droits de propriété de faible qualité. La classification des ex-
pays socialistes dans le groupe de pays de droit civil pourrait avoir pour conséquence
d’accroître la signification de la muette origine légale. Ensuite, notre mesure de
l’appartenance religieuse peut être très biaisée lorsque nous incluons dans notre échantillon
les ex-pays socialistes. En effet, dans ces pays jusqu’au milieu des années 1990, les citoyens
n’auraient pas acquis suffisamment de « liberté » pour déclarer sans difficulté leur
appartenance religieuse. Le biais dans la mesure de l’appartenance religieuse serait plus
pénalisant pour l’approche culturelle. Malgré l’exclusion des ex-pays socialistes de notre
échantillon, il apparaît que nos résultats de base demeurent inchangés : nous ne pouvons
rejeter ni la « pertinence simple » ni la « pertinence relative » des quatre théories et l’approche
politique demeure la plus pertinente.
Nos résultats pourraient être sensibles par rapport au niveau de revenu par tête. Nous
décomposons notre échantillon de base en deux sous échantillons : les pays dont le revenu par
tête en 1970 est supérieur à la moyenne de l’échantillon sont considérés comme pays riches, à
l’inverse, nous considérons les pays dont le revenu par tête est inférieur à la moyenne de
l’échantillon comme des pays pauvres. Les estimations dans le sous échantillon de pays riches
(46 pays) indiquent que seul l’effet du revenu par tête n’est pas significatif aussi bien lorsque
nous estimons séparément que simultanément les effets des différents déterminants sur
l’indice des institutions de droits de propriété. Quant aux autres variables explicatives, elles
sont significatives et de bons signes. Donc seule l’approche économique n’est pas pertinente

55
dans l’échantillon de pays riches. Ce résultat pourrait être dû à la faible variabilité du revenu
par tête dans les pays riches, ou le fait que ces pays aient déjà atteint un niveau du
développement des activités économiques tel que son effet marginal sur la qualité des
institutions est statistiquement négligeable. Même dans l’échantillon de pays riches
cependant, la pertinence de l’approche politique supplante celle des autres approches.
Lorsque nous effectuons nos estimations dans le sous échantillon de pays pauvres (76
pays), il apparaît que seul l’effet séparé du pourcentage de la population de confession
religieuse protestante n’est pas significatif, remettant ainsi en cause la « pertinence simple »
de l’approche culturelle dans ce sous échantillon. La « pertinence simple » des autres
approches n’est pas rejetée. Et lorsque nous considérons les effets simultanés des différents
déterminants, il apparaît que seuls l’origine légale, l’indice de démocratie, et l’abondance en
ressources naturelles exercent des effets attendus et significatifs sur les institutions.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les facteurs culturels (tels que nous les
approximons) semblent ne pas constituer un obstacle majeur à l’existence de bonnes
institutions économiques dans les pays pauvres. Même si nous ne pouvons pas rejeter la
pertinence de l’approche historique, la suprématie de la pertinence de l’approche politique se
confirme aussi dans le sous échantillon de pays pauvres.
Si nos résultats peuvent être sensibles au niveau de revenu par tête, ils peuvent aussi
être sensibles au niveau de développement économique des pays. En suivant la classification
économique des pays par la Banque Mondiale, nous subdivisons notre échantillon en deux
sous échantillons : pays développés et pays en développement. Les estimations dans le sous
échantillon de pays développés révèlent que seule l’origine légale n’exerce pas un effet séparé
significatif sur l’indice des institutions, remettant ainsi en cause la « pertinence simple » de
l’approche historique. Lorsque nous considérons simultanément l’effet de l’ensemble des
déterminants, il apparaît que seuls le revenu par tête, l’indice de Gini et de démocratie
continuent d’exercer des effets attendus et significatifs sur l’indice de qualité des institutions.
Ces résultats révèlent donc que les pays développés sont parvenus à surmonter les facteurs
historiques constituant des obstacles à l’amélioration de la qualité de leurs institutions de
droits de propriété privée, ce qui expliquerait l’absence de signification du coefficient associé
à l’origine légale dans le sous échantillon de pays développés. Les résultats dans l’échantillon
de pays développés montrent que les approches économique et politique sont pertinentes,
mais la plus pertinente demeure l’approche politique.
Dans l’échantillon de pays en développement, la « pertinence simple » d’aucune des
quatre approches de l’analyse de la qualité des institutions ne peut être remise en cause. En

56
revanche, la « pertinence relative » de l’approche culturelle pourrait être rejetée puisqu’il
apparaît que l’appartenance religieuse n’exerce pas un effet significatif sur la qualité des
institutions, confirmant ainsi les résultats obtenus dans le sous échantillon de pays pauvres.
Comparativement à l’échantillon de pays développés, le fait que l’origine légale soit
significative indépendamment des spécifications dans l’échantillon de pays en développement
révèle que, contrairement aux pays développés, les facteurs historiques empêchant la mise en
oeuvre de bonnes institutions économiques continuent d’exercer leurs effets dans les pays en
développement. Si les pays développés sont parvenus à surmonter les obstacles historiques à
leurs évolutions institutionnelles, ceci ne semble pas être le cas des pays en développement.
Par ailleurs, la pertinence de l’approche économique dans les pays en développement,
peut dans une certaine mesure, constituer une bonne nouvelle. Car ce résultat indique la
possibilité de déclencher un cercle vertueux entre l’amélioration de la qualité des institutions
de protection des droits de propriété privée et le niveau de développement économique dans
les pays en développement. Autrement dit, favoriser la croissance économique pourrait
engendrer l’amélioration de la qualité des institutions de protection des droits de propriété
dans les pays en développement. Dans ces pays, la pertinence de l’approche politique
demeure.
L’Afrique est souvent considérée comme un cas spécifique dans plusieurs travaux
économétriques, nous tentons de savoir si nous pouvons aussi identifier des spécificités
africaines dans les analyses que nous menons. Les résultats de nos estimations
économétriques indiquent que seules l’approche historique et l’approche politique sont
pertinentes dans le contexte africain. En effet, seuls l’origine légale, l’abondance en
ressources naturelles et la démocratie exercent leurs effets attendus et significatifs sur l’indice
des institutions dans les pays africains. Donc contrairement aux autres pays (développés et en
développement) de notre échantillon, l’augmentation du revenu par tête ne semble pas être
une condition suffisante pour une amélioration significative de la qualité des institutions de
protection des droits de propriété en Afrique. Ce résultat pourrait être dû à la faible variabilité
du revenu par tête en Afrique ou à des erreurs de mesure du revenu par tête dans les pays
africains. Si de telles explications ne sont pas valides, ceci serait relativement inquiétant car
les résultats indiquent l’absence de possibilité de déclencher un cercle vertueux entre les
institutions de protection des droits de propriété et le revenu par tête en Afrique. Dans ce cas
alors, l’on ne peut pas espérer une amélioration significative de la qualité des institutions de
protection des droits de propriété en faisant plus de croissance économique en Afrique.

57
Malgré cette spécifité africaine, notons qu’en Afrique aussi, l’approche politique est la plus
pertinente.
Nous testons aussi la robustesse de nos résultats en relâchant l’hypothèse d’exogenéité
et en cherchant des solutions aux éventuels risques d’endogénéité de la démocratie et de
l’inégalité de revenu. Des arguments théoriques permettent de soutenir qu’à l’instant t, c’est
l’inégalité et la qualité des institutions démocratiques qui déterminent la qualité des
institutions de protection des droits de propriété privée.
Cependant, certains pourraient objecter en soutenant la possibilité d’une relation
inverse allant de la qualité des institutions de protection des droits de propriété à l’inégalité de
revenu d’une part, et à la qualité des institutions démocratiques d’autre part. Pour prendre en
compte cette possibilité, nous remplaçons la valeur moyenne de l’indice de démocratie par sa
valeur en début de période. Dans ce cas, nous avons une mesure prédéterminée de la qualité
des institutions démocratiques ce qui permet de réduire les erreurs de simultanéité entre les
institutions démocratiques et les institutions de droits de propriété. Le tableau I.2 indique une
forte corrélation (0,88) et significative à 1%, entre la valeur moyenne de l’indice de
démocratie et sa valeur en début de période. De même, le tableau I.2 affiche une corrélation
de 0,66 entre l’indice des institutions de droits de propriété et le niveau initial de démocratie,
contre une corrélation de 0,76 entre les valeurs moyennes de l’indice de démocratie et des
institutions de droits de propriété. Ces coefficients de corrélation indiquent que le niveau
initial de démocratie peut être utilisé comme variable explicative pour réduire les erreurs de
simultanéité entre les institutions démocratiques et les institutions de droits de propriété
privée.
En nous référant aux travaux de Engermann et Sokoloff (1997, 2002), pour réduire le
risque de simultanéité entre les institutions de protection des droits de propriété et l’inégalité
de revenu, nous approximons l’inégalité de revenu par le pourcentage des terres favorables à
la culture de la canne à sucre. Dans notre échantillon, nous obtenons une corrélation positive
(0,27) et significative à 5% entre l’inégalité de revenu et le pourcentage des terres favorables
à la culture de la canne à sucre comme on peut le constater dans le tableau I.2. Ce résultat est
conforme à l’argument de Engermann et Sokoloff (1997, 2002) selon lequel, il existerait une
relation positive entre l’inégalité de revenu et le pourcentage des terres consacrées à la culture
de la canne à sucre. Ainsi, l’utilisation du pourcentage des terres favorables à la culture de la
canne à sucre comme proxy pour l’inégalité de revenu est pertinent dans le cadre de notre

58
travail. Ce faisant, nous réduisons le risque d’endogénéité de l’inégalité de revenu, car les
institutions d’un pays n’ont en principe aucun effet direct sur la qualité de ses sols13.

Tableau I.4 : Robustesse par rapport à la prise en compte du risque des erreurs de
simultanéité
(1) (2)
Drfi Drfi

Démocratie (initiale) 3.593 2.232


(10.76)*** (5.42)***
Sols pour culture de la canne -15.742 -15.502
(3.91)*** (4.02)***
Resources naturelles -0.536 -0.344
(1.03) (0.72)
PIB par tête 0.431
(3.36)***
Origine légale 0.314
(1.45)
Protestants 1.682
(3.98)***
Constante 4.136 1.306
(16.44)*** (1.55)
Observations 105 104
R² ajusté 0.60 0.69
F-statitique 61.80*** 17.51***
Note : Les résultats dans ce tableau sont obtenus en remplaçant l’indice de démocratie et de Gini, respectivement
par l’indice de démocratie en début de période, et par le pourcentage de terres favorables à la culture de la canne
à sucre. Nous effectuons ces deux changements afin de prendre en compte le risque d’erreurs de simultanéité de
la démocratie et de l’inégalité de revenu. Dans ce tableau, les F-statistiques sont des statistiques pour le test de
signification conjointe du niveau initial de démocratie, du pourcentage de terres favorables à la culture de la
canne à sucre et de l’abondance en ressources naturelles. Les estimations couvrent l’ensemble de l’échantillon.
***, désigne des coefficients significatifs au seuil de 1%.

Dans le tableau I.4, les résultats des estimations économétriques réduisant le risque
d’endogénéité dû aux erreurs de simultanéité montrent que le niveau initial de démocratie et
le pourcentage des terres favorables à la culture de la canne à sucre exercent leurs effets
attendus, indépendamment de la spécification considérée. Malgré la prise en compte du risque
d’erreurs de simultanéité relatifs aux indices de démocratie et d’inégalité de revenu, il
apparaît que la « pertinence simple » de l’approche politique ne peut pas être rejetée. De
même, à l’exception de l’approche historique, la « pertinence relative » d’aucune des autres
approches ne pourrait être rejetée. L’approche politique demeure la plus pertinente après avoir
essayé de réduire les risques d’erreurs de simultanéité de l’indice de démocratie et d’inégalité.

13
Dans un article publié dans Journal of Development Economics, Easterly (2007) en s’inspirant des arguments
de Engerman et Sokoloff (1997, 2002), utilise aussi une mesure de la qualité des sols comme variable
instrumentale pour l’inégalité de revenu afin d’isoler l’effet exogène de l’inégalité de revenu sur le niveau de
développement économique via la qualité des institutions et l’éducation. L’analyse de Easterly (2007) concerne
un échantillon de pays développés et de pays en développement. L’utilisation d’une mesure de la qualité des sols
pour réduire le risque d’endogénéité de l’inégalité n’est donc pas rare dans la littérature.

59
Nous testons aussi la robustesse de nos résultats en réduisant le risque de biais
d’endogénéité, dû aux variables omises. Pour ce faire, nous contrôlons pour les effets d’autres
variables susceptibles d’expliquer la qualité des institutions de protection des droits de
propriété privée.
En se référant au travail de Hall et Jones (1999), nous contrôlons pour la valeur
absolue de la distance par rapport à l’équateur, la moyenne du pourcentage de la population
ayant pour langue maternelle une des langues des ex-puissances coloniales européennes,
c’est-à-dire le français, l’anglais, l’espagnol, le portugais ou l’allemand. L’idée de Hall et
Jones (1999) étant que les pays européens (les Anglais surtout grâce à la théorie économique
de Adam Smith) sont les premiers à avoir découvert le rôle des institutions de protection des
droits de propriété privée dans l’économie. De ce fait, tous les individus ayant pour langue
maternelle une des langues européennes mentionnées ci-dessus, auraient reçu une éducation
maternelle mettant l’accent sur l’importance des droits de propriété privée. Par conséquent,
plus le pourcentage de la population ayant pour langue maternelle une des langues
européennes est élevé, plus la qualité des institutions de protection des droits de propriété
privée devrait être bonne dans un pays.
Quant à l’effet de la distance par rapport à l’équateur, nous pouvons justifier son
impact sur la qualité des institutions de protection des droits de propriété par les externalités
géographiques. L’idée ici est que, les pays européens étant éloignés de l’équateur, tous les
autres pays qui sont aussi éloignés de l’équateur sont par ricochet, relativement proches des
pays européens et pourraient donc être sous influence européenne par la proximité
géographique. Ainsi, nous espérons un effet positif de la distance par rapport à l’équateur sur
la qualité des institutions de droits de propriété privée.
Notre dernière variable de contrôle additionnelle est la fragmentation ethnolinguistique
et espérons un effet négatif de cette variable sur la qualité des institutions. Dans un
environnement à forte polarisation ethnique, les décideurs politiques mettent en place des
institutions qui protègent uniquement les droits de propriété des membres de leurs groupes
ethniques, ce qui génère des institutions inefficaces (Easterly, 1997 ; Alesina et al., 2003). Par
ailleurs, contrôler pour la fragmentation ethnique présente aussi un autre intérêt dans le cadre
de ce chapitre. En effet, cette variable pourrait servir de proxy pour tester l’approche
politique, comme le font La Porta et al. (1999). En contrôlant pour la fragmentation ethnique
nous vérifions indirectement la pertinence des variables que nous utilisons comme proxy pour
tester l’approche politique.

60
Tableau I.5 : Robustesse avec la prise en compte d’autres déterminants des institutions
(1) (2) (3) (4) (5)
Drfi Drfi Drfi Drfi Drfi

PIB par tête 0.691 0.342


(3.66)*** (1.81)*
Origine légale 0.897 0.686
(2.98)*** (2.41)**
Protestants 1.379 0.423
(3.41)*** (1.09)
Démocratie 3.622 2.810
(7.54)*** (5.34)***
Gini 0.005 -0.003
(0.34) (0.24)
Resources nat -0.796 -0.711
(2.40)** (2.48)**
Latitude 4.943 6.862 6.142 3.174 2.526
(5.29)*** (9.50)*** (7.55)*** (3.03)*** (2.34)**
Fragmentation 0.925 0.249 0.527 0.786 0.426
(2.32)** (0.46) (1.11) (2.01)** (0.99)
Influence eur 0.755 1.205 1.635 -0.110 -0.607
(1.80)* (2.70)*** (4.81)*** (0.30) (1.26)
Constante -1.187 2.865 2.971 2.664 1.110
(1.15) (7.22)*** (7.14)*** (3.11)*** (0.93)
Observations 114 115 114 102 101
R² ajusté 0.62 0.59 0.57 0.72 0.76
F-statistique - - - 74.29*** 15.97***
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de l’indice de démocratie, de
l’indice de Gini et de l’abondance en ressources naturelles. Les estimations concernent l’ensemble de
l’échantillon. ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

Les résultats dans le tableau I.5 indiquent que la prise en compte des autres
déterminants de la qualité des institutions n’améliore que marginalement la qualité de nos
résultats de base. Ainsi, par exemple, la colonne 5 du tableau I.5 montre que le pouvoir
explicatif du modèle augmente approximativement de 5 points de pourcentage
comparativement à nos résultats de base. Les résultats du tableau I.5 montrent aussi que
l’effet de la distance par rapport à l’équateur est le plus robuste des effets des différentes
variables explicatives additionnelles que nous utilisons dans nos modèles. Indépendamment
de la spécification utilisée, les résultats du tableau I.5 indiquent que l’effet de la distance par
rapport à l’équateur sur la qualité des institutions est toujours positif et significatif à 1%. En
revanche, l’effet de la fragmentation ethnique sur la qualité des institutions est positif (même
s’il n’est pas toujours significatif) indépendamment de la spécification utilisée. Donc,
contrairement aux travaux de Easterly (1997) et de Alesina et al. (2003), nos résultats
indiquent qu’après avoir contrôlé pour le niveau de développement économique, les facteurs
culturels, historiques et les enjeux d’économie politique, la fragmentation ethnique ne
constitue plus un obstacle important au développement de bonnes institutions économiques.

61
Toujours à travers les résultats du tableau I.5, nous pouvons constater que l’effet de
l’influence européenne passant par l’éducation maternelle est positif et significatif comme
nous l’espérons, dans toutes les spécifications sauf dans celles relatives à l’approche politique,
et à la prise en compte des effets simultanés de l’ensemble des déterminants de la qualité des
institutions de droits de propriété. En effet, après avoir contrôlé pour les effets du niveau de
démocratie, d’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles d’une part, et
pour les effets simultanés des différents déterminants d’autre part, l’effet sur la qualité des
institutions, du pourcentage de la population ayant pour langue maternelle une des langues
des ex-puissances coloniales européennes, devient négatif mais non significatif. Il apparaît
donc qu’après avoir pris en compte les effets des facteurs d’économie politique, des facteurs
culturels, historiques et du développement économique, l’influence européenne -passant par la
langue maternelle- sur la qualité des institutions de protection des droits de propriété devient
statistiquement négligeable.
Par ailleurs, le tableau I.5 indique que la prise en compte des autres déterminants de la
qualité des institutions affecte peu nos résultats de base. L’approche politique demeure la plus
pertinente, la « pertinence simple » d’aucune des quatre approches n’est remise en cause. En
revanche, il semble que la « pertinence relative » de l’approche culturelle pourrait être rejetée
lorsque nous prenons en compte les effets d’autres déterminants des institutions de droits de
propriété identifiés dans la littérature.
Les résultats de nos différents tests de sensibilité suggèrent que l’approche politique
est la « plus pertinente » des approches. En effet, ce sont les variables relatives à l’approche
politique qui résistent le mieux aux différents tests de robustesse que nous effectuons. C’est
aussi l’approche politique qui explique le mieux la variabilité de la qualité des institutions de
droits de propriété privée entre pays.

5.6 Test d’hypothèses non emboîtées

En nous inspirant du travail de Beck et al. (2003), nous avons eu recours si nécessaire
à la comparaison des pouvoirs explicatifs des différents modèles et avons pu identifier
l’approche politique comme la plus pertinente des approches. Dans cette sous section, nous
appliquons le test d’hypothèses non emboîtées à la Davidson et McKinon (1981) afin de
vérifier si l’approche politique sera toujours identifiée comme la plus pertinente des
approches bien que nous ayons changé de critère d’appréciation de la performance des

62
différents modèles14. Notons cependant que dans la recherche de l’approche la plus pertinente,
l’application du test d’hypothèses non emboîtées ne constitue pas un substitut aux autres
méthodes que nous avons appliquées précédemment.
Nous appliquons le test d’hypothèses non emboîtées à partir des modèles incluant les
trois autres déterminants des institutions de droits de propriété privée suggérés par la
littérature : la distance par rapport à l’équateur (lat), la fragmentation ethnolinguistique (frag),
et le pourcentage de la population ayant pour langue maternelle le français, l’anglais, le
portugais, l’espagnol ou l’allemand (mie). Nous imposons alors aux différentes approches
théoriques, des déterminants communs15. En utilisant d’autres méthodes, nous avons pu
identifier l’approche politique comme la plus pertinente, afin de vérifier ce résultat nous
comparons alors deux à deux, l’approche politique par rapport à chacune des trois autres
approches. De façon concrète les modèles que nous comparons se présentent comme suit :

Drfi = c + ϕ lat + ω frag + ψ mie + σ dem + ς gini + γ rn +ε (1.6)


i i i i i i i i
Drfii = c + φ lati + η frag i + θ miei + ρ X i + ε i (1.7)

L’équation (1.6) représente le modèle relatif à l’approche politique, et l’équation (1.7)


correspond au modèle relatif à l’une des trois autres approches. Tous ces modèles incorporent
les variables que nous supposons identiques aux quatre approches, et pour toutes ces
équations, la variable expliquée est l’indice de droits de propriété privée. Dans l’équation
(1.7), selon l’approche qui est comparée à l’approche politique, la variable X correspond soit
au PIB par tête, soit à l’origine légale ou encore au pourcentage des Protestants. Dans sa
version à la Davidson et McKinon (1981), lorsque nous appliquons le test d’hypothèses non
emboîtées le critère de comparaison des différents modèles est la statistique de student
associée à la valeur prédite de l’indice de droits de propriété privée par l’une des approches.
De façon concrète, lorsque nous comparons l’approche politique à l’une des trois autres
approches, nous procédons en deux étapes. D’abord, nous estimons l’équation (1.6) ci-dessus,
puis nous récupérons la valeur prédite de la variable expliquée et estimons en seconde
position l’équation suivante :

14
Nous remercions le Professeur Jean Louis Combes pour nous avoir suggéré d’utiliser le test d’hypothèses non
emboîtées. Nous remercions également les professeurs Davidson et McKinon pour leurs conseils qui nous ont
permis de mieux comprendre l’application du test d’hypothèses non emboîtées dans ce chapitre.
15
Cette condition n’est pas indispensable pour l’application du test d’hypothèses non emboîtées. Cependant,
dans la majorité des cas, lorsque les auteurs appliquent le test d’hypothèse non emboîtées les différents modèles
qui sont comparés deux à deux, partagent en commun certaines variables explicatives. C’est pour respecter cette
tradition que nous imposons aux différents modèles les mêmes variables explicatives.

63
Drfii = c + µ lati + χ fragi + ν miei + τ X i + α drfiipredict 6 + ε i (1.8)

Ainsi pour que le modèle relatif à l’approche politique soit considéré plus pertinent par
rapport aux modèles relatifs à chacune des trois autres approches, d’une part, le coefficient α
dans l’équation (1.8) doit être positif et statistiquement différent de zéro. Et d’autre part, le
coefficient associé à la valeur prédite de l’indice des droits de propriété par l’une des trois
autres approches doit être statistiquement égal à zéro, dans une équation de test semblable à
l’équation (1.8) où nous remplaçons X par les trois variables relatives à l’approche politique.

Tableau I.6 : Résultats de tests d’hypothèses non emboîtées


Approche politique Approche politique Approche politique
VS VS VS
Approche économique Approche historique Approche culturelle
H1= H0= H1= H0= H1= H0=
Approche Approche Approche Approche Approche Approche
économique économique historique historique culturelle culturelle
H0 0.950 0.966 0.969
=Approche (7.88)*** - (8.59)*** - (8.19)*** -
politique
H1= 0.363 0.609 0.379
Approche - (0.93) - (2.00)** - (1.40)
politique
Conclusions L’approche politique est L’approche L’approche politique
plus pertinente politique et est plus pertinente
comparativement à historique sont comparativement à
l’approche économique toutes deux l’approche culturelle
pertinentes
Note : Les chiffres dans ce tableau sont les coefficients associés aux différentes valeurs prédites de la variable
expliquée par les différentes approches, et les chiffres entre parenthèses sont des t de student robustes à
l’hétéroscedasticité. ***, ** indiquent des coefficients significatifs respectivement à 1% et 5%. Toutes les
estimations comportent d’autres variables explicatives dont les coefficients ne sont pas reportés. Pour tous ces
résultats, la variable expliquée est l’indice des droits de propriété privée. Les résultats de ce tableau se lisent
comme suit : A titre illustratif, au croisement de la première ligne et de la première colonne, se trouve le résultat
du test de l’approche politique par rapport à l’approche économique. La valeur de 0.950 correspond au
coefficient associé à la valeur prédite de l’indice des droits de propriété par l’approche politique.

Généralement, en appliquant le test d’hypothèses non emboîtées à la Davidson et


McKinon (1981), il est possible que nous obtenions un des quatre résultats suivants : aucune
des approches n’est pertinente, les deux approches sont pertinentes, l’approche politique est
pertinente alors que sa rivale ne l’est pas, ou l’approche rivale est pertinente alors que
l’approche politique ne l’est pas. Afin de corroborer nos résultats de base, nous espérons que
l’approche politique sera toujours identifiée comme pertinente indépendamment de l’approche

64
par rapport à laquelle elle est comparée. C’est ce qui ressort des résultats de tests
d’hypothèses non emboîtées présentés dans le tableau 616.
En effet, le tableau I.6 montre que, indépendamment de l’approche qui est comparée à
l’approche politique nous ne pouvons pas rejeter l’hypothèse selon laquelle le modèle relatif à
l’approche politique est mieux spécifié comparativement aux modèles relatifs aux trois autres
approches. Nous obtenons des résultats similaires lorsque nous utilisons les indices de ICRG,
de Kaufmann et Kraay (2006), et de Heritage Fundation comme mesures de qualité des
institutions de droits de propriété privée (résultats non présentés). L’utilisation du test
d’hypothèses non emboîtées confirme ainsi notre principal résultat de base à savoir :
l’approche politique est la plus pertinente des approches.

6. Conclusion

Dans ce chapitre nous analysons les déterminants de la qualité des institutions de


protection des droits de propriété privée à travers l’évaluation empirique de quatre différentes
approches théoriques. L’approche économique soutient que l’augmentation du revenu par tête
est un facteur favorable à l’amélioration de la qualité des institutions de droits de propriété
privée. Quant aux approches culturelle et historique, elles identifient respectivement la
culture (approximée par l’appartenance religieuse), et l’origine légale du système judiciaire
comme de potentiels déterminants de la qualité des institutions de droits de propriété. Dans la
perspective de l’approche politique, la démocratie, l’inégalité de revenu et l’abondance en
ressources naturelles sont de potentiels déterminants de la qualité des institutions de
protection des droits de propriété privée.
Les résultats de nos estimations économétriques indiquent que les quatre approches
théoriques de l’analyse de la qualité des institutions de protection des droits de propriété sont
pertinentes. En effet, lorsque nous estimons l’effet séparé et l’effet simultané des différentes
variables servant de proxy pour tester les différentes approches, il apparaît que toutes les
variables exercent sur les institutions de protection des droits de propriété privée des effets
attendus, et les coefficients associés sont tous statistiquement significatifs. Cependant, des
quatre différentes approches, nous pouvons admettre que l’approche politique est la plus

16
Certains pourraient objecter en disant les résultats du test d’hypothèses non emboîtées sont biaisés en faveur
de l’approche politique car celle-ci inclut plus de variables explicatives que les autres approches. Cette objection
n’est pas correcte car le nombre de variables inclus dans un modèle ne justifie sa pertinence. Un modèle
pertinent peut être constitué d’un nombre réduit de variables et performer mieux que d’autres modèles avec
plusieurs variables qui n’expliqueraient pas grand-chose du phénomène étudié.

65
pertinente. En effet, c’est l’approche politique qui explique le mieux la variabilité de la
qualité des institutions de droits de propriété privée entre pays. C’est aussi l’approche
politique qui résiste le mieux aux différents tests de sensibilité que nous effectuons. De plus,
l’application du test d’hypothèses non emboîtées à la Davidon et McKinon (1981), confirme
aussi que l’approche politique est la plus pertinente.
Par ailleurs, nos résultats indiquent que, l’indice de démocratie est la variable la
mieux corrélée avec les institutions de protection des droits de propriété privée,
indépendamment des échantillons et des spécifications économétriques. En revanche, nos
résultats révèlent des différences entre groupes de pays quant aux effets des autres
déterminants des institutions de protection des droits de propriété privée.
Ainsi, il apparaît que les pays développés sont parvenus à surmonter les facteurs
historiques constituant des obstacles au développement de leurs institutions de protection des
droits de propriété privée, alors que tel ne semble pas être le cas des pays en développement.
En effet, alors que l’effet de l’origine légale sur la qualité des institutions de protection des
droits de propriété est positif aussi bien dans l’échantillon des pays développés que dans
l’échantillon des pays en développement, l’effet de l’origine légale n’est significatif que dans
l’échantillon des pays en développement. De même, nos résultats indiquent que contrairement
à l’ensemble des pays de notre échantillon (pays développés et pays en développement),
l’augmentation du revenu n’est pas une condition suffisante pour une amélioration
significative de la qualité des institutions de droits de propriété privée en Afrique. En effet,
alors que l’effet du PIB par tête sur la qualité des institutions de protection des droits de
propriété est positif aussi bien en Afrique que dans les pays développés et pays en pays
développement, l’effet du PIB par tête n’est pas statistiquement différent de zéro en Afrique.
Deux principales implications de politiques économiques émergent de nos résultats
économétriques. La première implication politique est qu’un bon fonctionnement des
institutions démocratiques est un facteur essentiel pour le développement des institutions de
protection des droits de propriété privée. Il semble donc que les décideurs politiques devraient
promouvoir le développement des institutions démocratiques en vue de favoriser un bon
fonctionnement des institutions du marché, en l’occurrence les institutions de protection des
droits de propriété privée. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’avant de contribuer au bon
fonctionnement des institutions de droits de propriété privée, la démocratie devrait être
consolidée, surtout dans les pays en développement. La deuxième implication politique de nos
résultats est que, certains facteurs favorables au développement des institutions de protection
des droits de propriété sont spécifiques à chaque catégorie de pays. Il s’agit d’un résultat

66
important car ce résultat indique la nécessité de prendre en compte les spécificités locales
lorsqu’on veut mettre en place des réformes institutionnelles dans un pays.
Ce chapitre ouvre des perspectives pour une question importante en analyse
économique des institutions : A partir des informations que nous disposons sur les
déterminants de la qualité des institutions de protection des droits de propriété privée,
comment alors définir des stratégies de réformes institutionnelles efficaces et
contextuellement adaptées à chaque pays ?

67
Annexes du chapitre I

Tableau AI.1 : Description des données utilisées dans le chapitre I


Variables Description et sources Nombre
d’observations
Indice de Mesure la qualité des institutions de protection des droits de 142
droits propriété privée dans un pays. L’indice se mesure de façon
de propriété croissante entre 0 et 10, une valeur élevée indique des
de Fraser institutions de bonne qualité. Plus précisément, l’indice
Institute mesure le degré de protection des droits de propriété privée
(DRFI) par l’Etat, l’indépendance et l’intégrité du système judicaire,
la mise en application effective des règles légales. Les
données datent de 1970-2005, proviennent de Fraser Institue
et sont disponibles à partir de l’adresse suivante :
http://www.freetheworld.com/release.html.
Produit Il s’agit de la mesure du logarithme du PIB par tête corrigé 140
intérieur de la parité du pouvoir d’achat. Nous ne considérons que le
brut par tête PIB par tête en 1970. Les données proviennent de Pen World
(PIBT) Table 6.2.
Origine Identifie l’origine légale du droit des entreprises et du droit 142
Légale (OL) commercial dans chaque pays. Nous donnons la valeur de un
pour les pays de droit commun et zéro autrement. Les
données proviennent de l’article de La Porta et al. (1999).
Pourcentage Mesure du pourcentage des individus de confession 139
population religieuse protestante dans la population totale d’un pays
protestante dans les années 1980. Les données proviennent de l’article
(PROT) de La Porta et al. (1999).
Indice de Mesure de la qualité des institutions démocratiques dans un 139
démocratie pays. Il s’agit de l’indice de liberté politique obtenu de
(DEM) Freedom House. L’indice mesure le degré de compétition
entre candidats au poste du chef de l’exécutif, la liberté
d’élire des représentants politiques, le droit de compétir pour
des post officiels. La version initiale des données varie de
façon décroissante entre 1 et 7, nous prenons leurs inverses
afin qu’une valeur élevée soit attribuée à des pays dotés de
bonnes institutions démocratiques. Les données datent de
1972-2005, et sont disponibles à partir de :
http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=363&year=2008.
Indice de Mesure le niveau d’inégalité de revenu dans chaque pays. 134
Gini (GINI) Les données ne couvrent pas la même période et n’utilisent
pas les mêmes sources de calcul dans tous les pays. Pour
chaque pays, nous calculons la moyenne des valeurs de
l’indice de Gini pour le maximum d’années disponibles. Les
données proviennent de WIDER et sont disponibles à partir
de : http://www.wider.unu.edu/.
Abondance Il s’agit du pourcentage de la richesse naturelle par rapport à 114
en la richesse totale d’un pays. La richesse totale est la somme
ressources de richesse produite, de richesse naturelle et de richesse
naturelles intangible (institution, capital humain). La richesse naturelle

68
(RN) se mesure sous forme de rente par la formule suivante :
R = Q (P – C), où Q est le stock national de ressources
naturelles, P le prix international de la ressource et C est le
coût national de production de la ressource naturelle. Le
stock de richesse naturelle correspond à la somme du stock
de pétrole, de gaz, de charbon, de ressources minières, des
terrains de pâturage et de culture etc. Toutes les mesures de
richesse sont évaluées en dollar de l’année 2000. Les
données sont extraites de « Where Is The Wealth of
Nations? » World Bank (2005).
Latitude Valeur absolue de la distance par rapport à l’équateur. Les 140
(LAT) données sont normalisées afin qu’elles soient comprises
entre 0 et 1. Données extraites de La Porta et al. (1999).
Fragmentati Il s’agit de la moyenne de cinq différents indices de 118
on ethno fragmentation ethnolinguistique. Ces cinq indices désignent
linguistique la probabilité pour que deux individus pris au hasard dans un
(FRAG) pays ne parlent pas la même langue, n’appartiennent pas au
même groupe ethnique. L’indice comprend aussi le
pourcentage de la population qui ne parle pas la langue de la
majorité de la population. Les données sont extraites de La
Porta et al. (1999).
Moyenne Mesure de la moyenne des pourcentages de la population 124
d’influence dans un pays ayant pour langue maternelle le français,
européenne l’anglais, l’espagnol, le portugais, ou l’allemand. Les
(MIE) données sont extraites de l’article de Hall et Jones (1999).
Droits de Correspond à l’indice de la qualité des institutions de 142
propriété de protection des droits de propriété de Kaufman et Kraay
Kaufmann (2006). Les données couvrent la période 1996-2006, et sont
et Kraay ordonnées de -2,5 à 2,5, une valeur élevée surtout lorsqu’elle
(DRKK) est positive indique des institutions de bonne qualité. La base
de données est accessible à partir de :
http://info.worldbank.org/governance/wgi/index.asp.
Droits de Mesure de la qualité des institutions de protection des droits 141
propriété de de propriété privée selon les experts de Heritage Fundation.
Heritage Les données sont exprimées en pourcentage de façon
Fundation croissante entre 0 et 100, couvrent la période 1995-2005 et
(DRHF) sont accessibles à partir de :
http://www.heritage.org/index/pdf/index09_methodology.pdf
Droits de Mesure de la qualité des institutions de protection des droits 142
propriété de de propriété privée selon les experts de ICRG. Les données
ICRG couvrent la période 1984-2005. Ces données sont payantes.
(ICRG)
Niveau Mesure de la qualité des institutions démocratiques en 1972. 139
initial de Les données proviennent de Freedom House.
démocratie
(DEMO)
Pourcentage Mesure de la qualité des sols. Il s’agit plus précisément de la 128
des terres mesure du pourcentage des terres arables favorables à la
favorables à culture de la canne à sucre dans un pays. Les données
la culture de proviennent de la FAO et sont accessibles à partir de :

69
la canne à http://www.fao.org/ag/AGL/agll/gaez/index.htm.
sure
(LandFAO)
Indice de Cet indice est une mesure du niveau de démocratie corrigé 130
démocratie du niveau de dictature. La valeur de l’indice est comprise
de Polity IV entre -10 et 10. Plus l’indice est élevé (lorsqu’il est positif)
(POLITY 2) plus les institutions démocratiques sont de bonne qualité.
Nous avons extrait les données couvrant la période 1970-
2005, elles sont extraites de la base de données de Polity IV
et sont disponibles à partir de :
http://www.systemicpeace.org/polity/polity4.htm.
Indice de Cet indice mesure le degré de contraintes institutionnelles et 130
démocratie politiques dans l’exercice du pouvoir exécutif. Les données
de polity IV sont comprises entre 0 et 7, une valeur élevée indique
(CONT) l’existence des institutions assurant la limite du pouvoir du
chef de l’exécutif. Nous avons extrait les données couvrant
la période 1970-2005, provenant de Polity IV et disponibles à
partir de : http://www.systemicpeace.org/polity/polity4.htm.
Abondance La mesure de l’abondance en ressources naturelles à la Sachs 120
en et Warner est le montant des exportations de produits
ressources primaires en pourcentage du PIB en 1970. Les données
naturelles à proviennent de :
la Sachs & http://www.cid.harvard.edu/ciddata/ciddata.html.
Warner
(SXPN)
Abondance Mesure alternative de l’abondance en ressources naturelles 114
en obtenue à partir de la même source que notre mesure de base
ressources de l’abondance en ressources naturelles. Cette mesure
naturelles alternative est le logarithme de la richesse naturelle par tête.
(RICHN)
Note : Les noms entre parenthèses sont les noms des variables tels qu’ils apparaissent dans les différents
tableaux de résultas et dans les différents modèles économétriques.

70
Tableau AI.2 : Statistiques descriptives des principales variables utilisées dans le chapitre I
Variables Observations Moyenne Ecart type Minimum Maximum

Droit de propriété (Fraser Institute) 141 5.32 1.65 1.99 8.63


Produit intérieur brut par tête 139 7.12 1.13 4.92 9.44
Protestant 137 0.13 0.21 0 0.98
Origine légale 141 0.28 0.45 0 1
Democratie ( Freedom House) 138 0.411 0.30 0.14 1
Indice de gini 133 41.15 10.13 22.11 73.90
Ressources naturelles (initiale, BM) 112 0.24 0.33 0 2.65
Latitude 139 0.30 0.19 0 0.72
Fragmentation ethnique 117 0.34 0.30 0 0.89
Moyenne de l’influence européenne 123 0.17 0.29 0 1
Droit de propriété (Kaufman & Kraay) 141 0.02 0.99 -1.87 1.98
Droit de propriété (Heritage Fundation) 140 0.53 0.22 0.10 0.90
Droit de propriété (ICRG) 125 3.75 1.28 0.99 6
Démocratie initiale (Freedom House) 138 0.39 0.31 0.14 1
Landfao 128 0.01 0.03 0 0.19
Démocratie (polity2 de Polity IV) 129 1.77 6.08 -9.51 10
Démocratie (contrainte de Polity IV) 129 4.28 2.15 -3.3 7
Ressources naturelles (Sachs & warner) 120 0.23 0.38 0 3.74

Liste des pays

Dans le chapitre I, pour les analyses empiriques, l’échantillon est constitué de pays suivants :

Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Allemagne, Angola, Argentine, Arménie, Australie,


Autriche, Azerbaïdjan, Bahamas, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Belgique, Belize, Bénin,
Bolivie, Bosnie et Herzégovine, Botswana, Brésil, Bulgarie, Burkina Faso, Burundi,
Cameroun, Canada, Central Afrique, Chile, Chine, Colombie, Congo Démocratique, Congo
République, Corée du Sud, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Croatie, Chypre, Danemark, Egypte, El
Salvador, Emirats Arabe-Unis, Equateur, Espagne, Estonie, Etats-Unis d’Amérique, Ethiopie,
Fiji, Finlande, France, Gabon, Ghana, Grèce, Guatemala, Guinée Bissau, Guyana, Haïti,
Hollande, Honduras, Hong Kong, Hongrie, Ile Maurice, Inde, Indonésie, Iran, Ireland, Island,
Israël, Italie, Jamaïque, Japon, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, Kirghizstan, Koweit, Lettonie,
Lesotho, Lituanie, Luxembourg, Madagascar, Malawi, Malaysia, Mali, Malte, Maroc,
Mauritanie, Mexique, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Mozambique, Myanmar, Namibie,
Népal, Nouvelle Zélande, Nicaragua, Niger, Nigeria, Norvège, Oman, Pakistan, Panama,
Papoua Nouvelle Guinée, Paraguay, Pérou, Philippines, Pologne, Portugal, République
Dominicaine, République Tchèque, Roumanie, Russie, Rwanda, Sénégal, Serbie, Sierra
Leone, Singapore, Slovaquie, Slovénie, Sri Lanka, Suède, Suisse, Syrie, Taiwan, Tanzanie,
Tchad, Thaïlande, Togo, Trinidad de Tobago, Tunisie, Turquie, Uganda, Ukraine, Royaume
Uni, Uruguay, Venezuela, Vietnam, Zambie, Zimbabwe.

71
Tableau AI.3 : Robustesse en utilisant l’indice de droits de propriété de Heritage Fundation
(1) (2) (3) (4) (5) (6)
drhf Drhf Drhf drhf drhf drhf

PIB par tête 0.095 0.037 0.097


(6.44)*** (2.13)** (7.35)***
origine légale 0.126 0.076 0.135
(3.18)*** (2.65)*** (4.50)***
Protestants 0.399 0.080 0.246
(6.70)*** (1.67)* (4.11)***
Gini -0.001 -0.001
(0.44) (1.01)
Démocratie 0.534 0.395
(10.52)*** (5.16)***
ressources nat -0.119 -0.113
(2.66)*** (2.57)**
Constante -0.144 0.490 0.475 0.362 0.161 -0.231
(1.48) (22.19)*** (23.06)*** (4.86)*** (1.34) (2.67)***
Observations 139 140 137 109 108 136
R² ajusté 0.23 0.06 0.14 0.66 0.69 0.40
F-Statistique - - - 94.25*** 19.59*** -
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. Les estimations concernent l’ensemble de notre
échantillon. ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

Tableau AI.4 : Robustesse en utilisant l’indice de droits de propriété de Kaufmann et Kraay


(1) (2) (3) (4) (5)
Drkk drkk drkk drkk drkk

PIB par tête 0.477 0.097


(7.45)*** (1.38)
origine légale 0.298 0.198
(1.64)* (1.61)
Protestants 1.645 0.323
(4.86)*** (1.42)
Gini -0.014 -0.017
(2.67)*** (3.02)***
Démocratie 2.427 2.021
(12.98)*** (6.87)***
ressources nat -0.673 -0.664
(2.82)*** (2.76)***
Constante -3.360 -0.066 -0.198 -0.234 -0.740
(7.91)*** (0.66) (2.29)** (0.82) (1.57)
Observations 139 141 137 109 108
R² ajusté 0.29 0.01 0.12 0.76 0.77
F-Statistique - - - 114.34*** 42.48***
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. Les estimations concernent l’ensemble de notre
échantillon. ***, **, * utilisés pour désigner des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5% et
10%.

72
Tableau AI.5 : Robustesse en utilisant l’indice des droits de propriété de ICRG
(1) (2) (3) (4) (5) (6)
crg Icrg icrg icrg icrg icrg

PIB par tête 0.704 0.256 0.689


(8.41)*** (2.21)** (8.06)***
origine légale 0.017 0.167 0.176
(0.06) (0.76) (0.86)
protestants 1.940 0.472 1.110
(4.48)*** (1.05) (2.84)***
Gini -0.028 -0.028
(2.10)** (2.26)**
démocratie 2.844 2.089
(9.24)*** (5.27)***
ressources nat -0.556 -0.501
(2.74)*** (2.57)**
Constante -1.301 3.746 3.499 3.755 2.157 -1.377
(2.15)** (27.94)*** (29.48)*** (5.81)*** (2.10)** (2.17)**
Observations 124 125 122 98 97 121
R² ajusté 0.38 0.00 0.10 0.63 0.64 0.44
F-Statistique 0.37 - - 107.03*** 23.43*** -
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. Les estimations concernent l’ensemble de notre
échantillon. ***, **, * utilisés pour désigner des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5% et
10%.

Tableau AI.6 : Robustesse par rapport aux indices de démocratie


(1) (2) (3) (4)
Drfi drfi drfi drfi

Gini -0.036 -0.037 -0.041 -0.040


(2.65)*** (3.11)*** (3.09)*** (3.44)***
contrainte 0.469 0.226
(6.84)*** (3.00)***
resources nat -1.045 -1.061 -1.061 -1.096
(3.20)*** (3.40)*** (2.82)*** (3.18)***
PIB par tête 0.425 0.441
(2.95)*** (2.97)***
origine légale 0.624 0.695
(2.26)** (2.58)**
Protestants 1.902 1.946
(4.34)*** (4.41)***
polity 2 0.154 0.067
(6.65)*** (2.58)**
Constante 5.000 2.692 6.952 3.569
(6.93)*** (2.42)** (11.84)*** (2.88)***
Observations 105 104 105 104
R² ajusté 0.54 0.64 0.52 0.63
F statistique 38.89*** 1505*** 42.73*** 12.92***
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. Les estimations concernent l’ensemble de notre
échantillon. ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

73
Tableau AI.7 : Robustesse par rapport aux indicateurs de l’abondance en ressources
naturelles
(1) (2) (3) (4)
Drfi drfi drfi drfi

Gini -0.014 -0.019 -0.027 -0.031


(1.02) (1.54) (2.23)** (2.57)**
Démocratie 4.849 3.523 4.135 2.953
(11.39)*** (8.06)*** (11.81)*** (6.04)***
log (resources) -0.189 -0.224
(1.41) (2.32)**
PIB par tête 0.361 0.321
(2.85)*** (2.36)**
origine légale 0.490 0.636
(2.28)** (2.62)**
Protestants 1.096 0.898
(2.73)*** (2.24)**
Indice de Sachs -0.094 -0.369
(0.62) (1.91)*
Constante 5.402 3.670 4.699 2.867
(4.54)*** (3.41)*** (7.49)*** (2.80)***
Observations 110 109 112 111
R² ajusté 0.66 0.71 0.62 0.67
F-statistique 98.07*** 30.84*** 90.56*** 31.29***
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. Les estimations concernent l’ensemble de notre
échantillon. ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

Tableau AI.8 : Robustesse après exclusion des ex-pays socialistes de notre échantillon
(1) (2) (3) (4) (5)
drfi Drfi drfi drfi drfi

PIB par tête 1.251 0.388


(10.52)*** (2.15)**
origine légale 0.702 0.604
(2.16)** (2.52)**
protestants 3.195 1.047
(6.28)*** (2.67)***
Gini -0.001 -0.015
(0.08) (1.12)
démocratie 4.504 2.900
(10.59)*** (4.17)***
ressources nat -0.885 -0.869
(3.04)*** (3.20)***
Constante -3.262 5.099 4.861 3.611 1.900
(3.96)*** (23.92)*** (27.94)*** (4.70)*** (1.72)*
Observations 113 114 113 99 98
R² ajusté 0.51 0.03 0.16 0.70 0.74
F-statistique - - - 113.24*** 20.26***
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. ***, **, * désignent des coefficients significatifs
respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

74
Tableau AI.9 : Robustesse avec le sous échantillon de pays riches
(1) (2) (3) (4) (5)
Drfi Drfi drfi drfi drfi

PIB par tête 0.476 -0.114


(1.63) (0.47)
origine légale 1.200 0.774
(3.53)*** (1.98)**
protestants 3.106 1.357
(7.36)*** (3.58)***
Gini -0.012 -0.035
(0.55) (1.76)*
démocratie 3.215 2.362
(4.96)*** (3.50)***
ressources nat -2.531 -2.180
(2.24)** (2.29)**
Constante 2.393 5.951 5.744 5.292 7.146
(1.01) (25.13)*** (26.29)*** (5.28)*** (2.91)***
Observations 68 68 65 46 45
R-squared 0.01 0.09 0.25 0.65 0.71
F-statistique - - - 34.17*** 28.18***
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. ***, **, * désignent des coefficients significatifs
respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

Tableau AI.10 : Robustesse avec le sous échantillon de pays pauvres


(1) (2) (3) (4) (5)
Drfi Drfi drfi drfi drfi

PIB par tête 0.450 -0.028


(2.11)** (0.13)
origine légale 0.546 0.534
(2.05)** (1.73)*
protestants 0.104 0.148
(0.13) (0.14)
Gini -0.004 -0.008
(0.31) (0.51)
démocratie 3.364 2.956
(2.60)** (1.93)*
ressources nat -0.720 -0.765
(3.48)*** (3.25)***
Constante 1.655 4.258 4.424 3.900 4.171
(1.24) (26.82)*** (29.60)*** (5.34)*** (3.04)***
Observations 71 71 71 63 63
R-squared 0.05 0.04 - 0.17 0.20
F-statistique - - - 8.76*** 6.08***
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. ***, **, * désignent des coefficients significatifs
respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

75
Tableau AI.11 : Robustesse avec le sous-échantillon de pays développés
(1) (2) (3) (4) (5)
drfi Drfi drfi drfi drfi

PIB par tête 2.226 1.136


(4.81)*** (2.26)**
origine légale 0.519 0.267
(1.31) (0.85)
protestants 1.493 0.380
(2.93)*** (0.84)
Gini -0.053 -0.036
(1.77)* (1.78)*
démocratie 4.358 2.275
(5.72)*** (2.19)**
ressources nat 1.319 1.183
(0.57) (0.46)
Constante -10.326 7.495 7.254 5.616 -2.499
(2.71)** (24.37)*** (21.13)*** (3.79)*** (0.64)
Observations 26 26 25 24 23
R² ajusté 0.67 - 0.17 0.75 0.77
F-statistique - - - 28.61** 4.32**
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. ***, **, * désignent des coefficients significatifs
respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

Tableau AI.12 : Robustesse avec le sous-échantillon de pays en développement


(1) (2) (3) (4) (5)
drfi Drfi drfi drfi drfi

PIB par tête 0.437 0.266


(5.05)*** (2.07)**
origine légale 0.774 0.707
(3.09)*** (2.27)**
protestants 1.414 1.113
(1.88)* (1.36)
Gini -0.006 -0.015
(0.42) (1.17)
démocratie 2.739 1.470
(5.06)*** (2.21)**
ressources nat -0.980 -0.963
(3.37)*** (3.51)***
Constante 1.763 4.558 4.625 4.354 3.061
(2.92)*** (35.60)*** (35.34)*** (6.16)*** (2.73)***
Observations 114 116 113 86 86
R² ajusté 0.15 0.07 0.02 0.24 0.34
F-statistique - - - 19.43** 7.81***
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. ***, **, * désignent des coefficients significatifs
respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

76
Tableau AI.13 : Robustesse avec le sous-échantillon de pays africains
(1) (2) (3) (4) (5)
drfi drfi drfi drfi drfi

PIB par tête 0.392 0.210


(1.39) (1.19)
origine légale 1.088 0.582
(2.93)*** (1.94)*
protestants 1.964 -0.685
(1.41) (0.57)
Gini 0.033 0.024
(2.49)** (1.14)
démocratie 6.605 5.928
(7.44)*** (6.07)***
ressources nat -0.716 -0.659
(3.72)*** (2.94)***
Constante 1.985 3.994 4.074 1.672 0.879
(1.17) (20.39)*** (17.67)*** (2.56)** (0.58)
Observations 39 39 39 38 38
R² ajusté 0.03 0.18 0.04 0.53 0.54
F-statistique - - - 38.57*** 26.43***
Note : Les F-statistiques sont des statistiques pour le test de signification conjointe de la démocratie, de
l’inégalité de revenu et de l’abondance en ressources naturelles. Les estimations concernent l’ensemble de notre
échantillon. ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5% et 10%.

77
Chapitre II

Quelles Institutions pour une Croissance Économique Soutenue?

1. Introduction

Dans le chapitre I, partant du constat que plusieurs travaux ont mis en exergue
l’importance des institutions, et en particulier des institutions de droits de propriété privée
pour la croissance et le développement économique, nous avons analysé les déterminants des
institutions de protection des droits de propriété privée. Dans le présent chapitre, en plus des
effets des institutions de droits de propriété, nous étudions les effets des institutions
démocratiques et des institutions de régulation sur un indicateur de performance économique,
en l’occurrence la soutenabilité de phases de croissance économique positive.
Une observation des taux de croissance économique révèle en effet que, les phases de
croissance économique positive sont beaucoup plus courtes dans certains pays que dans
d’autres. C’est ainsi par exemple, en 1965, le taux de croissance du PIB par tête au Niger et au
Nigeria était respectivement de 2,1% et 4,2% contre 2,9% au Botswana17. Cependant, de 1966
à 1969 le Niger et le Nigeria ont enregistré des taux de croissance négatifs, contrairement au
Botswana qui a continué à afficher un taux de croissance positif pendant la même période. En
1990 le taux de croissance du PIB par tête au Ghana était de 1% contre 5,2% au Nigeria mais
de 1991 à 1995, le Nigeria a connu une croissance négative contrairement au Ghana. La
question est alors, pourquoi cette différence d’évolution des phases de croissance entre pays ?
Autrement dit, pourquoi la croissance économique est-elle plus durable dans certains pays que
dans d’autres ?
La réponse à cette question est fondamentale pour au moins deux raisons. D’abord, la
réduction durable de la pauvreté nécessite une croissance soutenue (Commission on Growth
and Development, 2008). Ensuite, en l’absence d’une croissance soutenue, les décideurs
politiques sont souvent amenés à revoir leurs politiques économiques dans le but de relancer
l’activité économique. Une telle situation envoie aux investisseurs privés des signaux
brouillés, ce qui conduit ces derniers à revoir leurs programmes d’investissement, accroissant
ainsi le risque de mauvaises performances économiques. Ainsi, les décideurs politiques ont
17
Dans ce chapitre tout comme dans le reste de cette thèse, les données sur le taux de croissance proviennent de
la base de données de la Banque Mondiale, World Development Indicators (WDI 2005).

78
besoin d’identifier l’environnement économique, susceptible de leur permettre de faire durer
la croissance économique lorsqu’ils réussissent à la générer.
L’idée que nous défendons dans ce chapitre est que, une croissance économique
soutenue -dans la suite CES- nécessite l’existence de « bonnes » institutions. Théoriquement
nous définissons une croissance économique soutenue comme étant une croissance auto-
entretenue par le dynamisme de la productivité de l’économie. Par « bonnes » institutions,
nous entendons des institutions garantissant aux investisseurs privés de faibles coûts
d’investissement et l’appropriation du fruit de leurs investissements. De « bonnes »
institutions permettent aux investisseurs privés de saisir des opportunités favorables ; celles-ci
se caractérisent par une croissance économique positive. En effet, les investisseurs privés
préfèrent de faibles coûts pour leurs investissements -ceci est une condition nécessaire pour la
création de richesses- et souhaitent aussi pouvoir s’approprier des fruits de leurs
investissements. Ces deux conditions sont satisfaites par l’existence de « bonnes »
institutions, en l’absence desquelles, la probabilité de CES se réduirait car certaines
opportunités favorables pourraient ne pas être saisies par les investisseurs privés.
Rodrik (2005) soutient également que l’existence de « bonnes » institutions est
nécessaire pour une CES. Le premier objectif de ce chapitre est de tester empiriquement cette
hypothèse et d’identifier les institutions les « plus importantes » pour une CES. Pour ce faire,
nous analysons les effets combiné, respectif et relatif des institutions démocratiques, des
institutions de protection des droits de propriété privée et des institutions de régulation sur la
probabilité de CES. Le second objectif de ce chapitre est d’identifier le mécanisme par lequel
de « bonnes » institutions pourraient entraîner une CES. Pour ce faire, nous soutenons que de
« bonnes » institutions entraînent une CES en engendrant une hausse de la productivité grâce
à leurs effets favorables sur le développement de l’investissement privé. L’augmentation de
l’investissement privé entraîne un accroissement de la productivité globale des facteurs -PGF
dans la suite du chapitre- qui permet un gain de compétitivité économique, nécessaire à la
soutenabilité des phases de croissance positive.
Ce chapitre aborde la question générale du rôle des institutions pour les performances
économiques, question traitée entre autres par Acemoglu, Johnson et Robinson (2001) et Hall
et Jones (1999). Cependant, contrairement aux auteurs qui s’intéressent à l’effet des
institutions sur le revenu par tête, ce chapitre s’intéresse à l’effet des institutions sur la
soutenabilité du taux de croissance économique, qui est l’une des meilleures mesures de
performance économique d’un pays. En effet, plus le taux de croissance économique d’un

79
pays est élevé et soutenu, plus le revenu par tête de ce pays devrait être élevé. Une CES est
alors, le facteur essentiel pour la détermination du niveau de revenu par tête.
Par ailleurs, en s’intéressant à l’analyse de CES, dans une certaine mesure, nous
prenons en compte dans ce chapitre l’objection de Pritchett (2000). Selon cet auteur, les
économies connaissent différentes phases de croissance au cours du temps, et l’utilisation des
moyennes de taux de croissance sur une longue période fait perdre beaucoup d’informations
utiles au chercheur. Ainsi, en analysant les phases de croissance soutenue nous ne calculons
pas des moyennes de taux de croissance mais nous observons les évolutions de taux de
croissance sur une période de cinq ans et cherchons à savoir si la qualité des institutions
pourrait expliquer la durabilité des phases de croissance18.
Sur le plan empirique, ce chapitre est relativement proche de ceux de Hausmann,
Prichett et Rodrik (2004, 2005) et Jerzmanowski (2006). Cependant, contrairement à ces
auteurs qui s’intéressent aux changements de régime de croissance économique, ce chapitre
s’intéresse uniquement au caractère durable de la croissance, indépendamment du fait que
cette croissance caractérise ou non un changement de régime de croissance économique. De
plus, Hausmann, Prichett et Rodrik (2004, 2005) privilégient les institutions politiques -
caractère démocratique ou non d’un régime politique- et trouvent un effet positif et significatif
de ces institutions sur la probabilité d’accélérer la croissance économique. L’analyse de
Hausmann et ses coauteurs concerne un échantillon de 69 pays développés et pays en
développement et couvre la période 1950-2000.
Quant à Jerzmanowski (2006), il privilégie les institutions économiques -indice
d’institutions de ICRG- et trouve un effet positif et significatif de celles-ci sur l’occurrence de
favorables et durables changements de régime de croissance. L’analyse de Jerzmanowski est
basée sur des données couvrant la période 1962-1994 pour un échantillon de 82 pays
développés et pays en développement.
Dans ce chapitre, nous concilions dans une certaine mesure, les approches suivies par
Hausmann, Prichett et Rodrik (2004, 2005) et Jerzmanowski (2006), en testant l’effet d’un
indice composite des institutions politiques et économiques sur la probabilité de CES. De
façon générale, à travers l’analyse de l’effet de l’indice composite, nous concilions deux
approches de l’analyse économique des institutions : l’approche privilégiant les institutions
politiques -institutions démocratiques- et celle privilégiant les institutions économiques-
institutions de régulation et/ou institutions de droit de propriété-. Contrairement à Hausmann,

18
Le choix de la durée de cinq ans est imposé par la nature de nos données, une explication plus détaillée est
fournie dans la suite du chapitre.

80
Prichett et Rodrik (2004, 2005) et Jerzmanowski (2006), nous nous intéressons aux canaux de
transmission de l’effet des institutions sur la CES. Enfin, à notre connaissance Hausmann,
Prichett et Rodrik (2004, 2005) et Jerzmanowski (2006) ne traitent pas du problème
d’endogénéité dans leurs analyses. Par contre dans ce chapitre nous tentons de combler ce
genre de limite en utilisant la technique de GMM system de Blundell et Bond (1998).
Le reste de ce chapitre est organisé comme suit. Dans la section 2 nous analysons les
différentes caractéristiques de la croissance soutenue pendant la période 1960-2003. Dans la
section 3 sont exposés les différents arguments théoriques relatifs à l’effet des institutions sur
la CES. Nous effectuons nos analyses empiriques dans la section 4, les résultats de ces
analyses sont présentés et analysés dans la section 5. Nous consacrons la section 6 à des
illustrations des résultats empiriques à travers la comparaison des performances du Botswana,
de la Côte d’Ivoire et du Ghana, en termes de CES et de qualité des institutions. La section 7
conclut.

2. Caractéristiques des phases de croissance soutenue

Nous considérons qu’un pays enregistre une croissance économique soutenue lorsque
le taux de croissance du PIB par tête de ce pays est positif pendant cinq ans consécutifs19.
Nous analysons les caractéristiques de CES à travers les évolutions régionales et temporelles
des probabilités inconditionnelles de CES. Compte tenu de la disponibilité des données, le
calcul de ces probabilités se fait sur toute la période d’analyse en supposant en moyenne que
chaque cinq ans, 110 pays disposent d’observations nécessaires pour juger du caractère
soutenu ou non de leurs phases de croissance positive. Avec neuf sous périodes de cinq ans, le
nombre total de possibilités de CES s’élève à 990. Pour obtenir les probabilités
inconditionnelles de CES sur la période 1960-2003, nous faisons le rapport entre le nombre de
pays ayant effectivement connu une croissance soutenue et les 990 possibilités totales. Afin
d’obtenir les probabilités quinquennales, nous faisons le rapport entre le nombre de pays
ayant connu une croissance soutenue sur le nombre total de pays susceptibles de réaliser une
croissance soutenue au cours d’un quinquennat donné.
A travers le tableau II.1, il apparaît que la soutenabilité de croissance économique au
cours de la période 1960-2003 n’est pas un phénomène rare, car la probabilité pour un pays

19
Haussmann, Prichett et Rodrik (2004, 2005) considèrent qu’une croissance accélérée est soutenue lorsqu’elle
dure pendant au moins huit ans consécutifs. Dans ce chapitre, nous considérons la période de cinq ans compte
tenu de la fréquence à laquelle nos données sur les institutions sont renseignées.

81
représentatif de notre échantillon de réaliser une croissance soutenue au cours de cette période
est de 0,36, soit approximativement deux quinquennats pendant 25 ans. Par contre la
probabilité de soutenabilité d’une forte croissance économique n’est que de 0,21 au cours de
la même période. Soutenir une forte croissance économique semble donc relativement plus
difficile.
Pour l’ensemble de l’échantillon, la période précédant les chocs pétroliers -fin des
années 1970, début des années 1980- est la plus favorable pour une CES. Pendant les chocs
pétroliers la probabilité de CES dans un pays représentatif de notre échantillon est quasiment
réduite de moitié, relativement à la période précédente. Aux lendemains des chocs pétroliers,
le nombre de pays ayant connu une croissance soutenue a immédiatement augmenté pour
enregistrer une nouvelle baisse au cours du premier quinquennat des années 1990. Au début
des années 2000, la probabilité de CES atteint sa valeur de la période précédant les chocs
pétroliers, ce qui n’est pas le cas de la soutenabilité d’une forte croissance économique.
Cette vue d’ensemble de l’évolution de probabilités de CES cache certaines disparités
entre groupes de pays. En effet, même si la période précédant les chocs pétroliers est plus
favorable pour des phases de croissance soutenue, aussi bien dans les pays développés que
dans les pays en développement, il apparaît généralement qu’un pays développé a plus de
chance de connaître une croissance soutenue qu’un pays en développement.
L’évolution des probabilités de CES dans les pays développés et dans les pays en
développement, révèle une différence du cycle de CES entre ces deux catégories d’économie.
Cette différence s’observe surtout aux lendemains des chocs pétroliers. Dans les pays
développés le quinquennat suivant les chocs pétroliers fut marqué par une augmentation du
nombre de pays ayant connu une croissance soutenue, alors que le quinquennat 1990-94 était
marqué par une diminution de ce nombre. Les pays développés se sont donc vite remis des
chocs pétroliers mais de façon non durable probablement du fait des perturbations des
marchés financiers et de changes connues par les pays européens au début des années 1990 ;
et du fait aussi de la guerre du Golf. Au cours des deux derniers quinquennats, les pays
développés retrouvent les valeurs de probabilité de CES d’avant les chocs pétroliers mais un
petit fléchissement de la valeur de cette probabilité s’observe au cours du dernier quinquennat
de notre analyse.
Dans les pays en développement, la sortie de crises pétrolières n’a pas été immédiate
et c’est à partir du quinquennat 1990-94 que la reprise s’est amorcée. La sortie de crises
pétrolières a été progressive avec une nette amélioration de la situation au cours du dernier

82
Tableau II.1 : Caractéristiques des phases de croissance économique soutenue de 1960 à 2003

Probabilités inconditionnelles de croissance économique soutenue 1/


Périodes Pays 2/ Total pays 3/ Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité
périodique 4/ PD 5/ PVD 6/ ASS 7/ ALC 8/ ASP 9/ MO 10/ EEC 11/

1961-64 44 94 0.47 0.75 0.37 0.22 0.40 0.60 0.29 ..


1965-69 44 97 0.45 0.88 0.31 0.21 0.36 0.53 0.00 1.00
1970-74 43 100 0.43 0.67 0.34 0.24 0.40 0.53 0.00 1.00
1975-79 24 104 0.23 0.18 0.25 0.08 0.20 0.47 0.44 1.00
1980-84 26 112 0.23 0.35 0.19 0.11 0.00 0.60 0.19 0.50
1985-89 38 114 0.33 0.69 0.20 0.14 0.20 0.40 0.09 0.33
1990-94 26 120 0.22 0.17 0.24 0.07 0.28 0.60 0.20 0.00
1995-99 53 121 0.44 0.72 0.32 0.38 0.20 0.40 0.27 0.40
2000-03 58 121 0.48 0.69 0.39 0.41 0.16 0.47 0.45 1.00
Total 356

Probabilités inconditionnelles d’une forte croissance économique soutenue 12/


Périodes Pays Total pays Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité Probabilité
périodique PD PVD ASS ALC ASP MO EEC

1961-64 29 94 0.31 0.58 0.21 0.13 0.20 0.33 0.29 ..


1965-69 29 97 0.30 0.56 0.21 0.13 0.16 0.47 0.00 1.00
1970-74 27 100 0.27 0.41 0.22 0.16 0.32 0.20 0.00 1.00
1975-79 17 104 0.16 0.18 0.16 0.04 0.04 0.40 0.33 1.00
1980-84 13 112 0.12 0.06 0.14 0.11 0.00 0.47 0.00 0.50
1985-89 22 114 0.19 0.41 0.11 0.07 0.04 0.33 0.00 0.33
1990-94 14 120 0.12 0.06 0.14 0.03 0.08 0.53 0.10 0.00
1995-99 25 121 0.21 0.31 0.16 0.14 0.12 0.40 0.09 0.00
2000-03 29 121 0.24 0.28 0.22 0.28 0.00 0.33 0.09 1.00
Total 205
Note : 1/ Par croissance économique soutenue, nous entendons une croissance positive du PIB par tête pendant cinq ans consécutifs. En principe, notre échantillon devrait
comprendre 123 pays dont 85 pays en développement et 38 pays développés. Mais tous les pays ne disposent pas à toutes les périodes d’un nombre suffisant d’observations
pour juger du caractère soutenu ou non de leurs phases de croissance économique.
2/ Il s’agit du nombre de pays ayant connu une croissance économique positive pendant cinq ans consécutifs.

83
3/ Désigne le nombre total de pays pour lesquels nous disposons d’un nombre suffisant d’observations nous permettant de nous prononcer sur le caractère soutenu ou non de
leurs taux de croissance économique positive au cours d’un quinquennat donné.
4 / La probabilité périodique d’une croissance soutenue est obtenue par le rapport du nombre de pays ayant connu une croissance soutenue, sur le nombre total de pays pour
lesquels nous disposons d’observations suffisantes pour juger du caractère soutenu de leurs taux de croissance au cours d’un quinquennat donné.
5/ Désigne la probabilité pour un pays développé (selon la classification de la Banque Mondiale) de connaître une croissance soutenue au cours d’une période donnée. Cette
probabilité se calcule de la même manière comme dans le cas général mentionné ci-dessus.
6/ Il s’agit de la probabilité pour un pays en développement (nous considérons aussi les ex-pays communistes d’Europe de l’Est comme des pays en développement) de
réaliser une croissance soutenue.
7/ 8/ 9/ 10/ 11/ Désignent respectivement la probabilité pour un pays d’Afrique au Sud du Sahara, d’Amérique Latine et des Caraïbes, d’Asie et du Pacifique, du Moyen
Orient et d’Afrique du Nord et de l’Europe Centrale et de l’Est d’enregistrer une croissance soutenue au cours d’une période donnée. La valeur de 1 pour l’Europe de l’Est ne
devrait pas surprendre car généralement les données disponibles pour cette région sont celles de la Lettonie, qui en général enregistre des taux de croissance positifs. C’est au
cours des derniers quinquennats que les données sont plus disponibles pour les pays de l’Europe de l’Est.
12/ Par forte croissance économique soutenue, nous entendons une croissance annuelle du PIB par tête d’au moins 2% observée pendant cinq ans consécutifs. Une telle
définition s’inspire de Hausmann, Prichett et Rodrik (2004, 2005) qui soutiennent que le taux de 2% est celui auquel devrait croître annuellement une économie afin de
converger vers les pays industrialisés.

84
quinquennat pendant lequel la probabilité de CES atteint sa valeur de la période précédant les
chocs pétroliers. Il apparaît donc une différence d’évolution des phases de CES entre pays
développés et pays en développement. Cette différence s’observe surtout aux lendemains des
chocs pétroliers. Cependant, au sein même du groupe des pays en développement, il existe
aussi des différences d’évolution des phases de CES.
Les pays d’Asie et du Pacifique, comparativement aux autres pays en développement
sont atypiques en matière de CES. Car en général, la probabilité de CES pour un pays de cette
région est supérieure à celle du pays représentatif de notre échantillon.
L’évolution de la probabilité de CES des pays d’Afrique du nord et du Moyen Orient
indique que, pour ce groupe de pays en développement, la période la plus favorable pour une
CES est celle du premier choc pétrolier. De plus, dans cette région la remise du second choc
pétrolier s’est faite avec retard et de façon progressive. On observe une nette amélioration de
la probabilité de CES au dernier quinquennat, grâce surtout à l’augmentation du nombre de
pays d’Afrique du nord ayant enregistré des taux de croissance positifs.
En Afrique au sud du Sahara, la période la plus favorable pour une CES est celle des
deux derniers quinquennats. Ceci pourrait traduire, la manifestation des effets de réformes
économiques -ajustement structurel, dévaluation du franc CFA- et de réformes politiques -
début de démocratisation des régimes politiques- introduites dans les années 1980 et 1990 en
Afrique subsaharienne. L’évolution de CES aux lendemains des chocs pétroliers en Afrique
subsaharienne est semblable à celui des pays développés, traduisant ainsi dans une certaine
mesure, la forte relation entre les économies africaines et celles des pays développés. En effet,
la reprise de l’activité économique en Afrique subsaharienne s’est manifestée dès le premier
quinquennat après le second choc pétrolier pour s’estomper cinq ans plus tard, comme dans le
cas des économies développées.
Dans la région d’Amérique Latine et des Caraïbes, la période favorable pour une CES
est celle qui précède les chocs pétroliers. La région fut surtout marquée par le second choc
pétrolier au cours duquel aucun pays de cette région n’a connu une croissance soutenue. En
Amérique Latine et dans les Caraïbes, la reprise de l’activité économique après les chocs
pétroliers a été immédiate et s’est traduite par la hausse de la valeur de probabilité de CES
pendant la première décennie après le second choc pétrolier. Cet élan de reprise d’activités
économiques dans cette région s’est estompé à partir du quinquennat 1995-99 à la suite de
séries de crises financières enregistrées par les économies latino américaines. L’interruption
de la reprise des activités, s’est faite surtout sentir en termes de soutenabilité d’une forte

85
croissance économique, puisqu’au cours du dernier quinquennat aucun pays de cette région
n’enregistre une forte croissance économique soutenue.
Dans les pays d’Europe centrale et de l’Est, après les chocs pétroliers, le dernier
quinquennat fut la période la plus favorable pour des phases de croissance soutenue. Ce qui
pourrait traduire dans une certaine mesure, le début de manifestation des effets positifs des
réformes introduites au début des années 1990 dans ces pays.
Il apparaît sur la période 1960-2003 que les pays développés ont plus de chance que
les pays en développement de réaliser des phases de croissance soutenue. Ce constat se révèle
à travers les statistiques du tableau II.1 et renforce l’intérêt pour l’analyse de l’effet des
institutions sur des phases de croissance soutenue, car la qualité des institutions dans les pays
développés est plus élevée comparativement à celle des pays en développement.

3. Arguments théoriques de l’effet de « bonnes » institutions sur la CES

La soutenabilité de la croissance économique diffère du déclenchement de la


croissance comme le fait remarquer Rodrik (2005). Pour Rodrik, une CES exige l’existence
de « bonnes » institutions. Nous soutenons qu’une économie n’enregistre une croissance
soutenue que lorsqu’elle est compétitive20. En effet, une économie non compétitive est
susceptible d’enregistrer une hausse du volume de ses importations21 et/ou une baisse du
volume de ses exportations. La baisse des exportations et/ou la hausse des importations
rivales sont tous des facteurs susceptibles d’entraîner une baisse de l’activité économique et
donc une croissance économique non soutenue.
Une façon efficace pour une économie de devenir compétitive est d’améliorer le
niveau de productivité de ses facteurs grâce à l’amélioration de qualité de ses institutions22.

20
Cet argument constitue une des hypothèses de notre raisonnement théorique. A travers un tel argument, nous
ne remettons pas en cause le fait que le gain de compétitivité économique puisse entraîner des taux de croissance
plus élevés comme cela est admis dans la littérature, mais nous soutenons que le gain de compétitivité
économique peut également expliquer la durabilité des phases de croissance économique.
21
Nous ne remettons pas en cause l’utilité des importations pour de bonnes performances économiques à travers
les importations de biens d’équipements pour le développement des investissements physiques productifs.
Cependant, on peut considérer comme une menace crédible pour une économie nationale, toute importation
massive de biens rivalisant les productions locales.
22
Plusieurs autres travaux ont étudié l’effet de la qualité des institutions sur les innovations et les adoptions
technologiques. A cet effet, nous citons le travail de Acemoglu et Robinson (2006a), qui montrent que
l’introduction d’innovations technologiques dépend de la nature des institutions politiques dans un pays, de la
stabilité du pouvoir des dirigeants politiques au pouvoir, et de la manière dont ces dirigeants perçoivent les
innovations technologiques. Dans un pays où le pouvoir des dirigeants est instable, ceux-ci peuvent considérer
les innovations technologiques comme une menace pour leurs maintiens au pouvoir. Ces dirigeants bloqueraient
alors les innovations technologiques. Par ailleurs, Acemoglu et al. (2004) montrent que lorsqu’un pays n’est pas
trop en retard technologiquement par rapport au reste du monde, les décideurs politiques de ce pays peuvent

86
De « bonnes » institutions en réduisant les défaillances publiques23 entraîneraient le
développement de l’investissement privé. L’augmentation de l’investissement privé du fait de
ses externalités positives sur le niveau de productivité des travailleurs par l’effet du « learning
by doing », entraîne une augmentation de la productivité globale des facteurs (Romer,
1986)24. A travers notre raisonnement théorique, la PGF est doublement endogène, car elle
dépend du niveau d’investissement privé, qui à son tour dépend de la qualité des institutions.
Nous soutenons que de « bonnes » institutions permettent un accroissement de
l’investissement privé, d’une part, en améliorant le rendement des investissements grâce à la
réduction des coûts des investissements ; et d’autre part, en garantissant aux investisseurs
privés l’appropriation d’une part importante du fruit de leurs investissements. En effet, aucune
augmentation de l’investissement privé n’est envisageable si les investisseurs privés ne sont
pas sûrs de pouvoir réaliser des profits et de jouir des ces profits lorsqu’ils investissent.
Cependant, l’existence de « bonnes » institutions peut ne pas suffire pour stimuler
l’investissement privé, car faut il encore que les opportunités d’affaires soient favorables. Ces
opportunités favorables se caractérisent entre autres par : le niveau de demande sur les
marchés nationaux et internationaux, des termes de l’échange favorables, un taux de change
compétitif, etc. Toutes ces opportunités se traduisent concrètement aux yeux des investisseurs
par le taux de croissance économique. Un taux de croissance économique positif traduit
l’existence d’opportunités favorables, à l’inverse un taux de croissance négatif reflète une
absence d’opportunités favorables pour les affaires.
Lorsque les investisseurs privés réagissent aux opportunités favorables en augmentant
leurs investissements, cela engendre une hausse de la PGF25, une amélioration de la

faciliter le développement d’innovations technologiques en favorisant l’entrée sur le marché de nouveaux


entrepreneurs plus innovateurs. Ces mêmes auteurs soutiennent que, par contre lorsqu’un pays est
technologiquement en retard par rapport au reste du monde, il améliore son niveau de technologie en adoptant
des technologies déjà développées dans d’autres pays grâce au développement des institutions garantissant des
protections de marchés aux entrepreneurs déjà présents sur le marché. En revanche, Scarpetta et Tressel (2002);
et Parente et Prescott (1994) soutiennent que lorsqu’un pays accuse un retard technologique par rapport au reste
du monde, une forte régulation des activités économiques est de nature à empêcher l’adoption technologique.
23
Stern (2001) présente les différentes défaillances publiques pouvant empêcher le développement de
l’investissement privé.
24
Il n’y a pas que l’augmentation du volume de l’investissement privé qui est nécessaire pour l’amélioration de
la PGF, l’efficacité de ces investissements joue également un rôle dans l’amélioration de la PGF. Dans ce
chapitre nous focalisons nos arguments sur l’effet de l’accumulation de l’investissement privé sur la productivité
grâce au phénomène du « learning by doing ».
25
Notre argument suppose donc que les investisseurs privés qui saisissent des opportunités favorables du fait de
bonnes institutions, évoluent dans un environnement tel qu’ils ne sont pas soumis à des contraintes de liquidité.
Cet argument est valable en se référant au travail de Tornell et Velasco (1992) qui montrent que certains pays
pauvres sont victimes de la fuite de capitaux du fait de la mauvaise protection des droits de propriété privée dans
ces pays. La fuite de capitaux entraînerait des contraintes de liquidité puisque cela réduirait les capitaux
disponibles dans l’économie.

87
compétitivité de l’économie et des phases de croissance positive soutenues. Cependant, la
réaction des investisseurs privés vis-à-vis des opportunités favorables dépend de la qualité des
institutions. Ainsi, toutes les opportunités favorables ne sont pas saisies par les investisseurs
privés. Ne sont saisies que des opportunités en présence de « bonnes » institutions.

3.1 Des institutions pour la réduction des coûts de l’investissement privé

Les investisseurs privés en décidant d’augmenter leurs investissements visent à


maximiser leurs profits. Une manière de réaliser cet objectif est de minimiser les coûts de
leurs investissements. Dans une économie, les investisseurs privés font face à plusieurs types
de coûts mais nous spécifions en particulier trois types de coûts, à savoir : les coûts liés à la
mise en œuvre de politiques économiques distorsives, les coûts de création de nouvelles
entreprises et les coûts de réalisation des transactions économiques et financières dans un
pays. Ces trois types de coût ne dépendent pas des entreprises privées et leur sont imposés par
les décideurs politiques. L’importance de ces coûts dépend de la qualité des institutions dans
un pays, c’est la raison pour laquelle nous focalisons notre raisonnement théorique sur les
institutions susceptibles de déterminer ces coûts dans un pays.

3.1.1 La démocratie : Une méta institution pouvant réduire les coûts de politiques
économiques distorsives

La démocratie peut réduire le risque de mise en oeuvre de politiques économiques


distorsives -inflation élevée, déficit public insoutenable, surévaluation de la monnaie, etc.-. Ce
faisant, elle permet une réduction des coûts de l’investissement privé et favorise le
développement de ce dernier. En favorisant le développement de l’investissement privé et une
augmentation de la PGF, la démocratie pourrait contribuer à la soutenabilité de phases de
croissance économique positive26.
Dans ce chapitre, en soutenant que la démocratie réduirait le risque de mise en œuvre
de politiques économiques distorsives, notre argument se situe dans la lignée des auteurs qui
défendent l’efficacité des régimes démocratiques dans le choix de politiques économiques. En
effet, l’impact de la démocratie sur les politiques macroéconomiques est ambigu. D’une part,

26
Certains auteurs comme Rodrik (1999), Acemoglu et al. (2003) et Quinn et Wooley (2001) montrent que la
démocratie réduit l’instabilité de la croissance économique, en améliorant l’efficacité des politiques
macroéconomiques. Par ce canal, la démocratie pourrait aussi contribuer à la soutenabilité de la croissance
économique.

88
certains auteurs à l’instar de Nordhaus (1975) soutiennent que la démocratie risque
d’entraîner des distorsions de court terme pour des motifs électoraux. De même Barro et
Gordon (1983) évoquent des problèmes d’incohérence temporelle pour soutenir le risque
d’inflation dans les régimes démocratiques. D’ailleurs, dans le chapitre III de cette thèse, nous
développerons des arguments semblables, et analyserons plus en détail l’effet des institutions
démocratiques sur l’inflation dans les pays en développement.
D’autre part, des auteurs comme Wittman (1989, 1995) et Baba (1997) soutiennent
que, plus un régime politique est démocratique plus le processus de choix et le choix des
politiques économiques sont transparents, ce qui réduit la probabilité de mise en oeuvre de
politiques qui visent à servir l’intérêt personnel des dirigeants.
Barro (1996) concilie les deux effets possibles de la démocratie en mettant en exergue
une relation non linéaire entre la démocratie et la croissance économique, du fait de l’impact
de la démocratie sur les politiques de redistribution. Pour Barro, au delà d’un certain seuil, la
démocratie affecterait négativement la croissance économique du fait de la demande par
l’électeur médian pour la redistribution financée par une hausse des impôts qui pénalise
l’investissement privé.
Le rôle de la démocratie dans le choix de politiques économiques pourrait mieux
s’apprécier dans le contexte de pays en développement, où la mise en place de politiques
économiques distorsives a de profondes causes socio-politiques, et est due quelque fois à la
faiblesse des institutions politiques. En effet, dans les pays pauvres où les dirigeants politiques
disposent de tout le pouvoir de décision et ne sont soumis à aucune contrainte politique et
institutionnelle, ces dirigeants n’hésitent pas à mettre en place des politiques économiques
socialement inefficaces, pour s’enrichir, enrichir leurs partisans, et s’assurer de leurs
maintiens au pouvoir. Bates (1981) met en exergue cet argument pour les pays Africains en
général, et pour le Ghana en particulier. Bevan et al. (1999) présentent le cas des dirigeants
politiques Nigérians. Acemoglu et al. (2003), développent le cas des politiciens Argentins et
ceux d’autres pays d’Amérique latine27.
Dans ces différents pays, pour ces différents auteurs, les politiques économiques
distorsives sont mises en oeuvre dans le but de se maintenir au pouvoir et dans un contexte de
faiblesse des institutions politiques. Ces exemples sur des pays spécifiques, permettent de

27
Acemoglu et al. (2003) soutiennent aussi que pour des raisons politiques, au Pérou le président Garcia (1985-
1990) a décidé d’une augmentation des salaires dans la fonction publique qui a entraîné un doublement du déficit
public qui était passé de 4,4% du PIB en 1985 à 9,9% du PIB en 1987. Au Chili le président Allende (1970-
1973) en 1971, pour des raisons politiques aussi a décidé d’une augmentation de 37% à 41% du salaire des
ouvriers, ce qui entraîna une hausse du déficit public de 3% à 10% du PIB.

89
renforcer l’argument selon lequel, la démocratie est un système politique dans lequel les
dirigeants politiques ne devraient pas pouvoir mettre en oeuvre des politiques économiques
distorsives et ce, pour au moins trois raisons évoquées dans la littérature.
D’abord en démocratie, normalement les dirigeants politiques sont soumis à des
contraintes institutionnelles qui les empêchent de mettre en oeuvre toutes les politiques
économiques qui les favorisent personnellement aux dépens de la majorité de la population.
Un tel argument est évoqué par Acemoglu et al. (2003), et surtout par Rodrik (1999) qui
soutient qu’en démocratie le choix de politiques économiques est issu normalement d’un
consensus politique, ce qui limite la marge de manœuvre des dirigeants politiques à
poursuivre des politiques économiques qui favorisent exclusivement leurs camps politiques.
Ce faisant, des politiques économiques distorsives ont normalement moins de chance d’être
mises en oeuvre dans les pays démocratiques à moins que ce soit la volonté de l’ensemble de
la classe politique.
Ensuite, en démocratie, les dirigeants politiques mettent périodiquement en jeu leurs
mandats à travers les élections. Dans cette situation, les dirigeants politiques n’ont aucun
intérêt à poursuivre des politiques économiques distorsives susceptibles d’affecter
négativement le bien être de la population au risque d’être sanctionnés lors des consultations
électorales. De ce fait, la démocratie exercerait un effet dissuasif sur les dirigeants politiques
pour la mise en œuvre de politiques distorsives. Un tel argument se retrouve chez Rodrik
(1997) qui soutient qu’en démocratie, le choix de politiques économiques reflète les
préférences de l’électeur médian.
Enfin, Person et al. (1997) soutiennent que la séparation de pouvoir entre le pouvoir
exécutif et le pouvoir législatif entraîne de la discipline réciproque des deux pouvoirs et les
rend tous responsables à l’égard du peuple, en matière de choix de politiques économiques.
Ainsi, le peuple est protégé d’un abus de pouvoir de la part des politiciens. En suivant la
logique de ces auteurs, la mise en oeuvre de politiques économiques distorsives peut être
perçue comme un abus de pouvoir et qui risque de ne pas exister dans un régime
démocratique.
Théoriquement, il apparaît donc que les régimes démocratiques sont ceux qui
poursuivraient des politiques économiques moins distorsives, empiriquement un tel résultat
est obtenu par certains auteurs. A cet effet, nous citons le travail de Satyanath et al. (2004,
2007) qui montrent sur un échantillon de pays développés et pays en développement qu’à
long terme, la démocratie est le déterminant le plus robuste de la stabilité macroéconomique -
maîtrise de l’inflation-. De même Hamann et al. (2002), à travers 51 épisodes de stabilisation

90
réussie du taux d’inflation, montrent que la démocratie est l’un des facteurs qui contribuent à
cette stabilisation. Enfin, Acemoglu et al. (2003) montrent que les politiques distorsives, les
crises économiques, et les faibles taux de croissance ont leur profonde cause dans la faiblesse
des institutions démocratiques.

3.1.2 Des institutions de régulation pour une croissance soutenue

Les coûts liés à la création d’une nouvelle entreprise et de réalisation des transactions
économiques et financières, lorsqu’ils sont trop élevés peuvent constituer un handicap au
développement de l’investissement privé. Ainsi, ces coûts peuvent constituer un obstacle à la
CES. Nous soutenons alors, que des institutions assurant une régulation efficace des activités
économiques sont nécessaires à la soutenabilité de croissance en permettant le développement
de l’investissement privé. Par régulation efficace des activités économiques, nous entendons
une régulation réduisant les défaillances publiques et des marchés, tout en assurant un bon
fonctionnement de ces derniers. Ainsi, une régulation efficace devrait réduire les protections
accordées aux entreprises les moins efficaces, tout en favorisant l’entrée sur le marché des
investisseurs dynamiques et innovateurs. De même, une régulation efficace devrait réduire les
coûts de transactions économiques et financières pour les entreprises qui opèrent déjà sur les
marchés. Ce faisant, une régulation efficace accroît les rendements des investissements, incite
les entreprises privées à saisir des opportunités favorables existantes dans l’économie.
En soutenant qu’une régulation efficace des activités économiques est nécessaire au
développement de l’investissement privé, notre argument va dans le sens de celui défendu par
Stigler (1971), McChesney (1987) et De Soto (1990), auteurs partisans de « public choice
theory of regulation »28. Pour Stigler (1971) les entreprises privées déjà présentes sur le
marché peuvent offrir aux décideurs politiques des avantages sous forme de financements de
partis politiques, de campagnes, et de voies électorales pour recevoir en retour une protection
de leurs marchés grâce à une forte régulation de la création de nouvelles entreprises. Dans ce
cas la demande d’une forte régulation provient des entreprises déjà présentes sur le marché.
Quant à McChesney (1987) et De Soto (1990), ils soutiennent que les politiciens régulent les
activités économiques dans le but de créer des situations de rente et de les exploiter sous
forme de financements de partis politiques et de campagnes électorales perçus de la part des

28
Par contre, Pigou (1938) avec « public interest theory of regulation » se base sur l’existence des défaillances
du marché (les externalités négatives comme la pollution, les positions de monopole sur les marchés) pour faire
de l’intervention publique sous forme d’une forte régulation des activités économiques, une nécessité pour
corriger ces défaillances et assurer un bon fonctionnement de l’économie. Pour une présentation et un test
empirique des différentes théories de la régulation, voir Djankof et al. (2001, 2002).

91
entreprises existantes sur le marché. Dans ce cas, les décideurs politiques offrent de la
régulation aux entreprises déjà présentes sur le marché dans le but de recevoir des
compensations financières pour le développement de leurs activités politiques.
Sur le plan empirique, Nicoletti et Scarpetta (2006) montrent qu’une régulation
flexible du marché des biens dans les pays de l’OCDE favorise le développement de
l’investissement domestique et étranger dans ces pays. De même Besley et Burgess (2004)
montrent que les Etats indiens qui ont modifié la loi sur la réglementation du marché du
travail en faveur des travailleurs, sont ceux qui enregistrent une faible croissance de
l’investissement, de la production, de l’emploi et de la productivité dans le secteur
manufacturier formel. Plusieurs autres travaux montrent que la différence de régulation du
marché du travail explique la différence de performances économiques au sein des pays de
l’OCDE (voir Freeman, 1988 ; Blanchard, 2003 ; Nickell et Layard, 2000).
Ainsi théoriquement et empiriquement, il existe des fondements qui nous permettent
de soutenir qu’une régulation efficace des activités économiques favorise le développement
de l’investissement privé. En favorisant le développement de l’investissement privé, une
régulation efficace des activités économiques est favorable à la CES grâce à la hausse de la
PGF.

3.2.2 La protection des droits de propriété privée pour une CES

Les investisseurs privés en décidant d’investir se préoccupent du montant de la


richesse qu’ils vont créer d’une part, et d’autre part de la possibilité de jouir de cette richesse.
Ce sont les deux conditions préalables pour l’existence d’une activité économique privée, et si
elles ne sont pas réunies, il peut avoir un sous investissement. Des institutions assurant la
protection des droits de propriété privée sont donc nécessaires au développement de
l’investissement privé et à la soutenabilité de la croissance. Lorsque la protection des droits de
propriété privée est garantie, la crainte des investisseurs privés relative aux difficultés de jouir
des fruits de leurs investissements se réduit. Ceci entraîne une augmentation de
l’investissement privé, de la PGF et une croissance économique soutenue.
Théoriquement, Demsetz (1967), et Alchian et Demsetz (1973) soutiennent que la
protection des droits de propriété privée est une incitation positive pour le développement de
l’investissement privé. North et Thomas (1976), North (1981), et Jones (1981) montrent que la
protection des droits de propriété privée permet une meilleure allocation des ressources
économiques.

92
Sur le plan empirique, à travers une étude dans deux villages du Ghana, Besely (1995)
trouve que la protection des droits de propriété privée accroît le taux d’investissement des
paysans sur leurs parcelles de terre. De même Johnson et al. (2002), sur un échantillon d’ex-
pays communistes d’Europe, montrent que la protection des droits de propriété privée est une
condition nécessaire et suffisante pour le développement de l’investissement privé dans ces
pays. Enfin, Svenson (1998) montre que dans un environnement d’instabilité politique et de
polarisation sociale, les dirigeants politiques ont une faible incitation à assurer la protection
des droits de propriété privée, ce qui entraîne un faible développement de l’investissement
privé.
Comme Rodrik (2005), nous soutenons donc que de « bonnes » institutions sont
nécessaires pour une CES. De « bonnes » institutions réduisant le coût des investissements et
garantissant l’appropriation du fruit des investissements, sont nécessaires pour
l’augmentation de l’investissement privé et de la PGF. L’augmentation de la PGF améliore la
compétitivité économique qui est un facteur nécessaire à la soutenabilité de la croissance.
Notre raisonnement théorique se résume schématiquement comme suit :

Bonnes institutions → Hausse de l’investissement privé → Augmentation de la PGF


→ Gain de compétitivité économique → Croissance économique soutenue

Ce raisonnement implique une séquence suivante des décisions :

1. À l’instant t, les investisseurs privés dans un pays observent le taux de croissance


économique. Si le taux de croissance est positif, ceci est révélateur de l’existence
d’opportunités favorables pour les investisseurs privés.
2. Les investisseurs privés prennent en compte le niveau de qualité des institutions
avant de décider de saisir ou non ces opportunités favorables. Ils ont besoin d’être
garantis que les institutions en place leur permettent de créer beaucoup de richesse et
de s’approprier une part importante de cette richesse issue de leurs investissements.
3. Lorsque les investisseurs privés décident de saisir les opportunités favorables en
augmentant leurs investissements, ils affectent positivement le niveau de productivité
des facteurs et de compétitivité de l’économie. Ce faisant, la probabilité d’une
croissance économique soutenue augmente.

93
4. Stratégies empiriques

Notre stratégie empirique comprend principalement trois étapes. La première étape


consiste à tester l’effet direct des institutions sur la SCE sans aucune variable de contrôle
additionnelle. La deuxième étape prend en compte en plus des indices institutionnels, la PGF
et l’investissement privé ; sachant que la PGF est le canal de transmission par lequel les
institutions devraient affecter la CES. La dernière étape consiste à tester l’effet des institutions
sur la CES en contrôlant simultanément pour les effets de la PGF, de l’investissement privé et
des variables de politique macroéconomique. Cette stratégie empirique en trois étapes a
l’avantage de permettre une bonne évaluation des effets des différentes variables et de tester
plus rigoureusement nos différents arguments théoriques.

4.1 Description des variables

L’argument théorique que nous défendons fait de l’existence de « bonnes » institutions


une condition nécessaire pour une CES. Ces institutions sont aussi bien de nature politique
qu’économique. Comme cela apparaît dans la partie théorique, nous focalisons notre analyse
sur les institutions démocratiques, les institutions de protection des droits de propriété privée
et les institutions de régulation des activités économiques.
Les indices d’institutions de régulation et de protection des droits de propriété sont
obtenus de Fraser Institute29 et couvrent la période 1970-2003. Ces indices sont calculés
chaque cinq ans jusqu’en 2001 date à partir de laquelle sont disponibles des données
annuelles. Nous calculons la moyenne des deux indices (indices droits de propriété et de
régulation) de 2001 à 2003 pour compléter nos données. La base de données de Fraser
Institute est mieux adaptée à notre étude. Elle a une dimension temporelle longue remontant
aux années 1970. A notre connaissance, c’est l’unique base de données sur la qualité des
institutions économiques avec une telle profondeur temporelle. De plus, la base de données de
Fraser Institute contient les indices d’institutions économiques dont nous avons besoin pour
tester nos différents arguments théoriques.

29
Fraser Institute calcule un indice composite dénommé indice de libertés économiques. Cet indice composite
est une somme égale de cinq éléments : la taille du gouvernement, la structure légale et la protection des droits
de propriété, l’accès à la monnaie, la liberté de commercer internationalement, et la régulation des activités
économiques. Nous avons préféré considérer seulement deux des composants de cet indice qui mesurent mieux
les aspects institutionnels qui nous intéressent et pour éviter d’assimiler certaines variables de politiques
économiques aux indices de qualité des institutions.

94
L’indice de régulation mesure l’efficacité de la régulation des marchés du travail, du
crédit et la régulation des activités des entreprises privées. Plus précisément, cet indice mesure
le degré de couverture du marché bancaire par les banques commerciales nationales privées,
le degré de compétition à laquelle sont exposées ces banques vis-à-vis des banques étrangères.
L’indice de régulation mesure aussi le montant de crédits octroyés au secteur privé,
l’existence ou non de contrôle des taux d’intérêt appliqués par les banques commerciales. Un
pays qui permet aux banques commerciales privées d’octroyer des crédits au secteur privé, et
un pays qui n’applique pas de contrôle sur les taux d’intérêt utilisés par les banques
commerciales, présente une régulation du marché du crédit favorable au développement des
activités économiques.
La composante relative au marché du travail de l’indice de régulation mesure le degré
du respect des textes fixant les minima salariaux dans un pays, la régulation des licenciements
des salariés, le caractère centralisé de la détermination des salaires, l’extension des
négociations syndicales salariales aux parties non impliquées dans ces négociations. Un pays
reçoit une bonne note sur la régulation du marché du travail, si ce pays permet au marché de
déterminer les salaires, les conditions de recrutement et de licenciement des travailleurs.
Quant à la régulation des entreprises, elle mesure le caractère contraignant que représentent
les différentes démarches administratives pour les entreprises privées dans un pays. Afin de
recevoir un score élevé pour cette composante de l’indice de régulation, un pays devrait
faciliter la compétition entre entreprises privées, éviter d’accorder des faveurs à certaines
entreprises aux dépens d’autres.
L’indice des institutions de protection des droits de propriété privée mesure le degré
de respect de l’Etat de droit, l’indépendance du système judiciaire et la protection des
propriétés privées par l’Etat. Les valeurs respectives des indices de régulation et de protection
des droits de propriété sont comprises entre 0 et 10. Une valeur élevée de chaque indice
indique des institutions de bonne qualité, c’est à dire des institutions garantissant une bonne
protection des droits de propriété privée, et des régulations favorables à la réalisation de
transactions économiques et financières dans un pays, et entre un pays et l’extérieur.
L’indice de démocratie est obtenu de Freedom House et mesure la participation des
citoyens au processus politique y compris le droit de vote, la compétition pour l’occupation de
postes officiels, et le choix par le vote des décideurs politiques -ceux-ci sont responsables vis-
à-vis du peuple- ayant un réel pouvoir dans le choix de politiques économiques. La valeur de
l’indice de démocratie est comprise entre 1 et 7, une valeur élevée caractérise l’existence des
institutions dictatoriales dans un pays. La valeur de l’indice de démocratie est disponible de

95
1972 à 2003. Nous calculons les moyennes quinquennales de cet indice de 1975 à 2003. Pour
réduire le nombre d’observations manquantes, les données de 1972 sont considérées comme
valeurs de l’indice de démocratie pour le premier quinquennat des années 70, et la moyenne
de la valeur de l’indice de démocratie de 1973 à 1974 est considérée comme valeur de l’indice
de démocratie pour le second quinquennat des années 70. Nous effectuons nos analyses en
utilisant l’inverse des valeurs de l’indice de démocratie. Dans ce cas une valeur élevée est
assignée aux pays dont la qualité des institutions démocratiques est élevée.
La variable expliquée de notre modèle économétrique, à savoir la probabilité de
croissance économique soutenue, est mesurée à partir de l’observation des taux de croissance
du PIB par tête sur une période de cinq ans consécutifs, en utilisant des données couvrant la
période 1960-2003. Ainsi, un pays est considéré avoir réalisé une croissance soutenue, si ce
pays enregistre un taux de croissance positif pendant cinq ans consécutifs. Dans ce cas la
variable expliquée prend la valeur de 1. Par contre, même pour une seule année sur cinq ans
de croissance négative, la croissance économique d’un pays est considérée comme non
soutenue, et dans ce cas la variable expliquée prend la valeur de 0. Notre variable expliquée
est donc une variable binaire.
Il aurait été souhaitable d’utiliser un modèle de durée pour nos analyses empiriques, ce
qui nous aurait permis de ne pas imposer la durée de cinq ans pour la définition de la CES et
de tenir compte de la durée réelle de chaque épisode de croissance positive.
Malheureusement, nos variables d’intérêt -institutions et PGF- ne sont pas renseignées
annuellement mais de façon quinquennale. Ceci nous impose à renoncer aux modèles de
durée car les données fournies chaque cinq ans, ne coïncident pas forcément avec les débuts
d’épisodes de croissance positive30. Malgré cette limite, notre méthode a l’avantage de nous
permettre de mener nos analyses à partir des données disponibles. Nous arrivons ainsi à
identifier les institutions ainsi que les autres facteurs susceptibles d’influencer la soutenabilité
de croissance économique pendant cinq ans consécutifs dans les différents pays.

30
Une bonne application des modèles de durée nécessite l’utilisation des valeurs des variables explicatives en
début de période ou les valeurs moyennes des variables sur toute la période au cours de laquelle la variable
expliquée est dans un état A (croissance positive par exemple) avant son passage à l’état B (croissance négative
par exemple). Etant donné la nature des données relatives à nos variables explicatives d’intérêt -institutions et
PGF- qui sont renseignées chaque cinq ans, aucune de ces conditions pour une bonne application des modèles de
durée ne nous semble être remplie. Par ailleurs, comme nous l’avons évoqué plus haut, Haussmann et al. (2004,
2005) analysent aussi la soutenabilité des phases de croissance accélérée en utilisant d’autres techniques
d’estimation que les modèles de durée.

96
4.2 Spécifications économétriques

Si le caractère arbitraire pour la définition de la CES peut se justifier, le fait de donner


une valeur nulle à la variable expliquée pour un pays qui enregistre un ou deux ans de
croissance négative malgré de bonnes performances économiques durant les autres années
peut constituer une limite de notre modèle, surtout lorsque les années de croissance négative
ne relèvent pas de la qualité de gestion des affaires économiques dans un pays. Pour faire face
à cette limite, nous contrôlons pour les effets fixes temporels. Dans ce cas l’existence ou non
de CES, ne pourrait pas être expliquée par un choc subi simultanément à un moment donné
par toutes les économies du monde. De même, nous contrôlons pour les effets fixes pays.
Dans ce cas l’existence ou non de CES ne pourrait non plus s’expliquer par les
caractéristiques structurelles inobservables d’une économie.
Par ailleurs, à travers notre raisonnement théorique il apparaît nécessaire de tester
l’effet combiné des trois différentes institutions que nous analysons sur la soutenabilité de la
croissance. La prise en compte de ces différentes observations fait que le modèle que nous
estimons est le suivant :

Pr obit ( g i 0 , g i1 , g i 2 , g i 3 , g i 4 , g i 4 ) ≻ 0 | ( c, indiceit , ui , vt )  = G ( c, indiceit , ui , vt ) (2.1)

Probit mesure la probabilité pour un pays i de réaliser une croissance soutenue à


l’instant t, c'est-à-dire, c’est la probabilité pour un pays de notre échantillon d’enregistrer une
croissance positive du PIB par tête pendant cinq ans consécutifs. Ui et vt correspondent
respectivement aux effets fixes pays et temporels, εit représente l’erreur idiosyncratique et c
est la constante. G est une fonction linéaire, ou la cumulative d’une loi normale selon les
méthodes d’estimation utilisées.
Indiceit correspond à l’indice que nous dénommons indice d’institutions politico-
économiques. Il s’agit d’un indice composite construit à partir des indices d’institutions
économiques -institutions de régulation et de protection des droits de propriété privée- et d’un
indice d’institution politique -indice de démocratie-. L’indice composite est une proxy du
degré d’appréhension des investisseurs privés pour les coûts de leurs investissements d’une
part, et pour le degré d’appropriation des fruits de leurs investissements d’autre part. Cet
indice composé est obtenu à partir d’une agrégation simple des trois différents indices
institutionnels. L’agrégation simple permet de donner la même importance aux différentes
institutions. Cette façon d’agréger les différents indices institutionnels est aussi appliquée par

97
les différents organismes qui mesurent la qualité des institutions, lorsque ces organismes
souhaitent obtenir un indice composé à partir de leurs différents indices. Une valeur élevée de
l’indice d’institutions politico-économiques indique un niveau général élevé de qualité des
institutions et une faible appréhension des investisseurs privés vis-à-vis des institutions d’un
pays. Nous espérons un effet positif de l’indice composé sur la CES.
Le modèle de base que nous estimons est celui décrit ci-dessus, il est estimé à partir
d’un échantillon de 123 pays composé de 85 pays en développement et de 38 pays développés
(voir la liste des pays dans l’annexe associée à ce chapitre). Estimé ainsi, le modèle de
l’équation (2.1) permet de concilier deux différentes approches de l’analyse économique des
institutions : l’approche privilégiant les institutions économiques et celle privilégiant les
institutions politiques. Cependant, il serait moins intéressant d’estimer uniquement le modèle
représenté à travers l’équation (2.1). En effet, en testant uniquement l’effet de l’indice
d’institutions politico-économiques sur la probabilité de CES, nous risquons d’obtenir un
résultat moins précis quant à l’effet spécifique des différentes institutions sur la CES. Car, il
se peut que l’effet obtenu de l’indice d’institutions politico-économiques soit en réalité celui
d’un ou deux seuls types d’institutions et non de l’ensemble des trois institutions. De plus,
nous avons développé des arguments théoriques mettant en exergue un possible effet positif
sur la CES de chaque type d’institution. Aussi, voulons nous identifier les institutions les
« plus importantes » pour une CES. Pour toutes ces différentes raisons, nous estimons aussi
les modèles suivants :

Pr obit ( g i 0 , g i1 , g i 2 , g i 3 , gi 4 ) ≻ 0 | ( c, propit , ui , vt )  = G ( c, propit , ui , vt ) (2.2)


Pr obit ( g i 0 , g i1 , g i 2 , g i 3 , gi 4 ) ≻ 0 | ( c, reg it , ui , vt )  = G ( c, regit , ui , vt ) (2.3)
Pr obit ( g i 0 , g i1 , g i 2 , g i 3 , gi 4 ) ≻ 0 | ( c, demit , ui , vt )  = G ( c, demit , ui , vt ) (2.4)
Pr obit [( g i 0 , g i1 , g i 2 , g i 3 , g i 4 ) ≻ 0 | ( c, propit , reg it , demit , ui , vt )] = G ( c, propit , reg it , demit , ui , vt ) (2.5)

Dans les équations (2.2) à (2.5), propit, regit et demit correspondent respectivement aux
indices de protection des droits de propriété privée, de régulation et de démocratie dans le
pays i, à l’instant t. Les équations (2.2) à (2.4) permettent de mesurer l’effet séparé des
différentes institutions sur la CES, c’est à dire l’effet spécifique de chaque institution sur la
probabilité de CES en ignorant les effets des autres institutions. Quant à l’équation (2.5) elle
permet de mesurer l’effet relatif de chaque institution sur la CES, c’est à dire l’effet observé
de chaque institution lorsque les effets des autres institutions sont simultanément pris en
compte.

98
En estimant les équations (2.2) à (2.5), il devient alors possible d’identifier les
institutions les « plus importantes » pour la CES. Ainsi, une institution sera identifiée « plus
importante » pour la CES, si individuellement -effet séparé- elle affecte positivement et
significativement la probabilité de CES d’une part ; et d’autre part, si son effet demeure
positif et significatif après la prise en compte de l’effet simultané des trois différentes
institutions. Lorsque plus d’une variable institutionnelle satisfont ces deux conditions, nous
comparons alors, l’amplitude des coefficients associés aux différentes institutions afin de
pouvoir identifier l’institution qui serait « plus importante » pour la soutenabilité de la
croissance. La stratégie que nous utilisons est aussi appliquée par Acemoglu et Johnson
(2005) pour l’identification des institutions les plus importantes pour différentes performances
macroéconomiques.
Il apparaît que notre démarche empirique présente plusieurs avantages. D’abord, à
notre connaissance, notre travail serait le premier à tester l’effet des institutions sur la
probabilité de soutenabilité des phases de croissance économique positive. Généralement,
dans les travaux empiriques, les auteurs analysent l’effet des institutions sur les niveaux du
revenu par tête, du taux de croissance économique ou encore sur le changement de régimes de
croissance.
Ensuite, ce chapitre fait partie de rares travaux concernant l’analyse de l’effet des
institutions sur un indicateur de performance économique à partir des données de panel. En
effet, généralement les auteurs utilisent des données transversales car les données sur les
institutions souvent utilisées sont de dimension temporelle réduite, et les institutions sont
supposées ne pas trop varier dans le temps. Ainsi, l’obtention d’un effet significatif des
institutions sur la probabilité de CES à partir des données de panel constitue un résultat
intéressant, étant donné les avantages des estimations économétriques à base de données de
panel.
Enfin, Notre démarche empirique permet de tester les effets séparé et simultané de
trois différentes institutions sur la CES. Ce faisant, nous pouvons identifier les institutions les
« plus importantes » pour la CES, ce qui constitue une des principales contributions de ce
chapitre. En testant les effets de trois différentes institutions, nous évitons de limiter nos
analyses uniquement aux institutions démocratiques ou aux institutions de protection des
droits de propriété privée, comme cela se fait souvent dans les études empiriques relatives à
l’analyse des effets des institutions sur les performances économiques des pays. Aussi, notre
démarche empirique nous permet de mettre en exergue la PGF comme un canal de

99
transmission de l’effet des institutions sur la CES. A notre connaissance, ce travail serait le
premier à établir empiriquement un tel résultat.

4.3 Méthodes d’estimation économétrique

Il apparaît que notre démarche empirique présente plusieurs avantages mais la fiabilité
de nos résultats nécessite la résolution des problèmes d’endogénéité susceptibles d’exister
dans nos modèles. En effet, s’il est possible que les institutions déterminent une croissance
soutenue, il est aussi possible que les pays enregistrant des phases de croissance soutenue
soient également les pays capables de se doter de « bonnes » institutions. Par ailleurs, du fait
du « caractère subjectif » de la mesure de la qualité des institutions, nous ne pouvons pas
exclure les risques d’erreurs de mesure des différents indices institutionnels, susceptibles
d’entraîner des résultats biaisés. Enfin, des pays dotés de « bonnes » institutions peuvent aussi
avoir d’autres facteurs favorables à la CES, l’omission de ces facteurs peut entraîner des
erreurs d’endogénéité.
Ainsi, les trois sources classiques d’endogénéité peuvent exister dans nos données.
Cependant, nous ne disposons pas de variables instrumentales variables dans le temps, et
issues d’expériences naturelles pour les institutions. De plus, comme nous comparons les
effets de trois types d’institutions, il nous faudrait au moins trois variables instrumentales
issues d’expériences naturelles pour les institutions, ce qui est loin d’être évident.
Afin de résoudre le problème d’endogénéité, nous recourons à la technique de GMM
system de Blundell et Bond (1998). Cette technique d’estimation a l’avantage de permettre la
correction de l’endogénéité quelles que soient ses origines. De plus, la méthode GMM system
permet de corriger l’endogénéité des variables explicatives d’intérêt mais aussi, des autres
variables explicatives susceptibles d’être endogènes, pourvu que l’on utilise un nombre
adéquat de variables retardées comme instruments. L’une des critiques formulées souvent à
l’endroit de la méthode GMM system, est qu’elle permet au chercheur d’utiliser un grand
nombre de variables instrumentales, de sorte qu’on pourrait être amené à douter de la fiabilité
des résultats. Afin de palier cette limite, dans la plupart de nos estimations, nous prenons soin
de n’utiliser que les deux premiers retards des variables explicatives comme variables
instrumentales, ce qui nous permet d’utiliser un nombre adéquat d’instruments.
L’application de la méthode GMM system dans le cadre de ce travail présente
cependant quelques difficultés. En effet, en utilisant la méthode GMM system avec nos
données, cela signifie que nous utilisons un modèle de probabilité linéaire du fait du caractère

100
binaire de notre variable expliquée. Or, en utilisant les modèles de probabilité linéaire, il est
possible que la valeur prédite de la variable expliquée soit inférieure à 0 ou supérieure à 1.
C’est là l’une des grosses limites des modèles de probabilité linéaire car la valeur d’une
probabilité est censée être comprise entre 0 et 1. D’où la nécessité de vérifier le nombre
d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée n’est pas comprise
entre 0 et 1. Si pour la majorité des observations, la valeur prédite de la variable expliquée
varie entre 0 et 1, les résultats obtenus à partir des modèles de probabilité linéaire pourraient
alors être considérés avec moins de réserve (Wooldridge 2000, chapitre 7).
Comme modèles de probabilité linéaire additionnels, nous utilisons les MCO avec des
données en pooling et la méthode des effets fixes. Le modèle à effet fixe dans le cadre de ce
travail, est un modèle de probabilité linéaire permettant de contrôler pour les effets fixes
temporels et individuels, ce qui permet de réduire le problème d’endogénéité des variables.
L’utilisation des MCO, et du modèle à effet fixe permet de tester la robustesse des résultats
obtenus par la méthode GMM system du moins, pour ce qui est des signes des coefficients. De
plus, en comparant les résultats du GMM system à ceux du modèle à effet fixe, nous pourrons
identifier la source d’endogénéité dans nos données.
Nous utilisons également un modèle probit avec nos données de panel. Dans ce cas, il
est certain que les valeurs prédites de la variable expliquée varient entre 0 et 1. Cependant, la
version du modèle probit avec des données de panel qui est pour le moment programmée sur
STATA, présente la limite de ne s’appliquer qu’avec des modèles à effet aléatoire en faisant
l’hypothèse forte de l’indépendance des effets spécifiques individuels par rapport aux
variables explicatives31.
Nous utilisons donc quatre différentes méthodes d’estimation économétrique pour
effectuer nos régressions, ce qui permet de tester la robustesse de nos résultats par rapport aux
méthodes d’estimation. Cependant, de tous les résultats, ceux obtenus à partir de la méthode
GMM system nous semblent plus convaincants car avec cette technique, nous contrôlons pour
les effets fixes pays et temporels et nous corrigeons également pour l’endogénéité de nos

31
Nous utilisons aussi un modèle logit avec effets fixes. Dans ce cas nous n’avons pas besoin de supposer
l’absence de corrélation entre les effets spécifiques pays et les variables explicatives. Les résultats obtenus sont
dans l’ensemble semblables à ceux du modèle probit. Nous préférons présenter les résultats des estimations par
le modèle probit avec effets aléatoires aux côtés des résultats de modèles de probabilité linéaire, puisqu’ils sont
plus comparables. Car aussi bien dans les modèles probit que les modèles de probabilité linéaire, l’on suppose
que les erreurs suivent une loi normale, alors que dans le modèle logit, les erreurs sont supposées suivre une loi
logistique. Par ailleurs, l’utilisation du modèle logit avec effets fixes est fondée sur les probabilités
conditionnelles en excluant des régressions des observations pour lesquelles la probabilité est toujours égale à 0
ou à 1 dans le but de résoudre le problème de paramètre incident. Ainsi, l’exclusion de certaines observations
quoi que nécessaire, est discutable dans le modèle logit avec effets fixes.

101
différentes variables explicatives. Par ailleurs, il faut aussi noter que nous utilisons des
données de panel non cylindré, ce qui signifie que pour certaines variables et certaines
périodes, nous avons des observations manquantes.

5. Résultats des estimations économétriques

Le tableau II.2 montre que l’indice d’institutions politico-économiques affecte


positivement et significativement la probabilité de CES. Ce résultat s’observe
indépendamment de la méthode d’estimation utilisée comme on peut le remarquer dans les
colonnes 1 à 4 du tableau II.2.
Une observation des résultats indique que l’effet de l’indice d’institutions politico-
économiques diminue lorsque nous ne corrigeons pas pour l’endogénéité de cette variable. En
effet, la valeur du coefficient de l’indice d’institutions politico-économiques passe de 0,07 en
effet fixe, à 0,12 en GMM system ce qui révèle un problème d’endogénéité dû aux erreurs de
mesure de la qualité des institutions. De même, à travers le tableau II.2, il apparaît que pour
presque la totalité des observations, la valeur prédite de la probabilité de CES est comprise
entre zéro et un. Dans ce cas alors, les résultats des modèles de probabilité linéaire en général
et ceux de GMM system en particulier, peuvent être considérés avec moins de réserve. Les
résultats du test de Sargan-Hansen en GMM system montrent que les variables retardées des
différentes variables endogènes sont de bons instruments.
Quant au résultat des estimations en probit, il indique aussi un coefficient positif et
significatif de l’indice d’institutions politico-économiques. De plus, il se révèle que la
variance des effets aléatoires est très significative dans le modèle probit. Ceci suggère que le
modèle probit à effet aléatoire est plus performant que le modèle probit sans la prise en
compte des effets aléatoires.
En analysant l’effet spécifique de chaque type d’institution sur la probabilité de CES,
il apparaît dans le tableau II.3 qu’indépendamment de la méthode d’estimation utilisée,
chaque type d’institution affecte positivement et significativement la probabilité de CES.
Ainsi, tel que nous le démontrons théoriquement, les données semblent confirmer que
l’amélioration de la qualité de chaque type d’institution est nécessaire pour la soutenabilité de
phases de croissance positive. Comme dans le cas de l’indice composite, les erreurs de mesure
associées à chaque type d’institutions seraient à l’origine de l’endogénéité des différents
indices institutionnels.

102
Tableau II.2 : Effets combiné et simultané des institutions sur la probabilité de croissance économique soutenue

MCO Effet GMM Probit MCO Effet GMM Probit


Fixe System (EA) Fixe System (EA)
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Indice 0.046 0.074 0.120 0.160


(7.64)*** (5.10)*** (3.75)*** (5.77)***
Reg 0.017 0.112 0.104 0.127
(0.85) (3.72)*** (1.70)* (1.55)
Prop 0.046 0.054 0.041 0.164
(3.50)*** (2.92)*** (1.62) (3.32)***
Dem 0.137 0.158 0.020 0.223
(1.81)* (1.21) (0.10) (0.84)
Constante -0.168 -0.165 -0.742 -1.498 -0.048 -0.323 -0.090 -1.381
(2.47)** (0.93) (1.84)* (4.15)*** (0.51) (1.80)* (0.28) (3.08)***

Nombre d’Observations 692 692 692 692 692 692 692 692
Nombre de pays 118 118 118 118 - 118 118 118
Pourcentage d’observations1/ 100% 100% 98% - 100% 91% 97% -
Test de Sargan-Hansen 2/ - - 0.238 - - - 0.368 -
AR (1) 2/ - - 0.000 - - - 0.000 -
AR (2) 2/ - - 0.643 - - - 0.733 -
Log de vraisemblance - - - -388.116 - - - -388.017
χ² du test de variance 3/ - - - 22.91*** - - - 21.43***
Note : ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses sont des t de student robustes
à l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de croissance soutenue est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart
des spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effets aléatoires. Ce test indique que le modèle probit avec effets aléatoires est
préférable au modèle probit sans effets aléatoires lorsque le χ² est significatif.

103
Tableau II.3 : Effets spécifiques des institutions sur la probabilité de croissance économique soutenue
MCO Effet Fixe GMM system Probit avec effet aléatoire
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12)

Reg 0.070 0.103 0.142 0.262


(4.61)*** (3.85)*** (1.73)* (3.76)***
Prop 0.065 0.072 0.044 0.223
(7.84)*** (4.23)*** (1.73)* (6.14)***
Dem 0.355 0.104 0.439 0.962
(7.42)*** (0.88) (2.35)** (4.99)***
Constante -0.035 0.006 0.177 -0.124 0.175 0.388 -0.132 0.365 0.246 -1.626 -0.916 -0.616
(0.42) (0.14) (6.90)*** (0.80) (1.67)* (5.75)*** (0.30) (2.22)** (2.46)** (3.93)*** (3.55)*** (3.62)***

Nombre d’observations 772 751 847 772 751 847 772 751 847 772 751 847
Nombre de pays - - - 121 121 118 121 121 118 121 121 118
Pourcentage d’observations 1/ 100% 100% 100% 99% 99% 100% 96% 100% 100% - - -
Test de Hansen-Sargan 2/ - - - - - - 0.216 0.131 0.377 - - -
AR (1)2/ - - - - - - 0.000 0.000 0.000 - - --
AR (2)2/ - - - - - - 0.805 0.555 0.929 - - -
Log de vraisemblance - - - - - - - - - -444.731 -425.010 -481.514
χ² du test de variance - - - - - - - - - 42.00*** 21.19*** 33.92***
Note : ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses sont des t de student robustes
à l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de croissance soutenue est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart
des spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effets aléatoires. Ce test indique que le modèle probit avec effets aléatoires est
préférable au modèle probit sans effets aléatoires lorsque le χ² est significatif.

104
Chacune des trois institutions que nous considérons, exerce un effet positif et
significatif sur la probabilité de CES. Quelles sont alors les institutions dont l’effet sur la CES
résiste à celui des autres, autrement dit quelles sont les institutions les « plus importantes »
pour une croissance économique soutenue ?
Afin de répondre à cette question, nous nous référons aux résultats du tableau II.2.
Dans ce cas, il apparaît qu’en GMM system, seules les institutions de régulation continuent
d’exercer un effet positif et significatif sur la CES, après avoir pris en compte l’effet
simultané des trois institutions. Ainsi, les institutions de régulation remplissent les deux
critères que nous avons définis précédemment pour l’identification des institutions les « plus
importantes » pour la CES. En effet, les institutions de régulation ont un effet séparé positif et
significatif sur la probabilité de CES, et cet effet demeure positif et significatif malgré la prise
en compte des effets des autres institutions. Nous pouvons alors déduire que les institutions de
régulation sont les plus importantes pour la soutenabilité de la croissance économique.
Un tel résultat peut s’expliquer par le fait qu’une régulation efficace des activités
économiques est susceptible de favoriser l’entrée sur le marché des investisseurs privés plus
dynamiques et plus innovateurs. Il s’agit par exemple, de jeunes investisseurs qui n’auraient
pas les moyens nécessaires pour faire face aux coûts élevés de création de nouvelles
entreprises lorsque la régulation des activités économiques est trop forte. L’entrée sur le
marché des investisseurs plus innovateurs va contribuer à la CES en affectant positivement le
niveau de la PGF, par l’amélioration du niveau global de productivité grâce aux innovations
qu’apporteraient ces investisseurs à l’économie. Dans le même sens, en utilisant les données
de Doing Business, plusieurs auteurs montrent que de faibles coûts d’entrée sur le marché
encouragent l’entreprenariat et stimulent la productivité des entreprises [Alesina et al. (2005) ;
Perotti et Volpin (2004) ; Klapper, Laeven et Rajan (2006) ; Fisman et Sarria-Allende (2004) ;
Antunes et Cavalcanti (2007) ; Barseghyan (2008) ; Klapper, Lewin et Quesada Delgado
(2009)].
Les résultats des tableaux II.2 et II.3 indiquent que l’indice d’institutions politico-
économiques affecte positivement et significativement la probabilité de CES. De même, les
résultats de ces tableaux montrent que de bonnes institutions de régulation, de protection des
droits de propriété et des institutions démocratiques sont toutes nécessaires pour une CES.
Cependant, les institutions de régulation se révèlent plus importantes pour une CES. Les
institutions n’étant pas tangibles ou des facteurs physiques, elles ne peuvent engendrer une
CES qu’à travers des mécanismes qu’il convient d’explorer et de comprendre.

105
5.1 Mécanismes de transmission de l’effet des institutions sur la CES

5.1.1 Effets des institutions sur l’investissement privé et de l’investissement privé sur la PGF

Théoriquement, nous soutenons que l’existence de « bonnes » institutions est


nécessaire pour une croissance soutenue car de bonnes institutions entraîneraient
l’amélioration du niveau de la PGF grâce à leurs effets favorables sur l’investissement privé.
Afin de vérifier ce mécanisme, nous testons l’effet des institutions sur l’investissement privé
d’une part ; et l’effet de l’investissement privé sur la PGF d’autre part. Ce qui nous amène à
estimer les équations suivantes :

Invprivit = C + β X it + vt + µit (2.6)

Pgf it = C + η Inprivit + vt + ε it (2.7)

L’équation (2.6) permet de tester l’effet des différentes institutions -notées Xit- sur
l’investissement privé à partir des données en pooling, en contrôlant pour les effets fixes
temporels pour tenir compte de l’augmentation de l’investissement privé qu’aurait connue à
un moment donné toutes les économies. Les données sur l’investissement privé pour les pays
en développement sont en majorité obtenues de Global Development Network Growth
Database et datent de 1970 à 1999. Pour compléter nos données nous effectuons nos propres
calculs de l’investissement privé pour les pays développés. Nous calculons les valeurs
moyennes sur cinq ans de l’investissement privé en pourcentage du PIB pour tous les pays
pour effectuer nos estimations économétriques.
L’équation (2.7) quant à elle, permet de tester l’effet de l’investissement privé sur la
PGF que nous calculons par la méthode de la comptabilité de la croissance, en appliquant la
méthode de Easterly et Levine (2002). Comme Hall et Jones (1999), nous considérons que la
part de la rémunération du capital dans le PIB est égale à 0,33. Nous calculons le stock du
capital physique en utilisant la méthode de l’inventaire permanent, en considérant l’année
1960 comme année de base et en supposant le taux de dépréciation du capital physique égal à
6%, comme le font Hall et Jones (1999). En appliquant la méthode de Easterly et Levine
(2002), pour le calcul de la PGF, nous approximons le stock du capital humain par le nombre
moyen d’années d’études atteint par la population d’un pays. Les données sur le capital

106
humain sont renseignées chaque cinq ans à partir de la base de données de Barro et Lee
(2000). Notre mesure de la PGF se fait donc chaque cinq ans compte tenu de la disponibilité
des données sur le stock du capital humain.
Nous estimons l’équation (2.6) à partir des données en pooling et en contrôlant pour
les effets fixes temporels, pour prendre en compte l’effet de l’amélioration du niveau de
technologie que toutes les économies auraient connue à un moment donné. Pour tenir compte
du risque d’endogénéité de la PGF par rapport à l’investissement privé, nous testons l’effet
d’une mesure prédéterminée de l’investissement privé sur la PGF, il s’agit de la valeur
retardée de cinq ans de l’investissement privé. Si la valeur retardée de l’investissement privé
affecte positivement et significativement la PGF, nous pouvons alors considérer que l’effet de
l’accumulation de l’investissement privé sur la PGF est moins endogène.

Tableau II.4 : Effets des institutions sur l’investissement privé et de l’investissement privé
sur la productivité globale des facteurs 1/

(1) (2) (3) (4) (5) (6)


Invpriv Invpriv Invpriv Invpriv Pgf Pgf

Reg 0.011 0.004


(3.75)*** (1.16)
Prop 0.013 0.010
(9.24)*** (3.87)***
Dem 0.069 0.022
(10.07)*** (1.52)
Invpriv 0.852
(3.95)***
Invpriv retardé 0.885
(4.42)***
Constante 0.122 0.113 0.116 0.096 -0.388 -0.252
(6.64)*** (9.57)*** (17.13)*** (4.79)*** (9.06)*** (-6.10)***

Nombre d’observations 384 359 469 316 423 519


R² ajusté 0.08 0.24 0.14 0.26 0.08 0.095
Note : ***, désigne des coefficients significatifs au seuil de 1%.
1/ L’estimation est réalisée à partir de l’échantillon total et toutes les estimations contiennent des muettes
temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. Les chiffres entre parenthèses sont des t de Student
robustes à l’hétéroscédasticité. Des résultats semblables sont obtenus en considérant les valeurs retardées d’un
quinquennat des indices institutionnels pour réduire le risque d’endogénéité de ces variables.

Les résultats de l’estimation de l’équation (2.6) dans le tableau II.4 indiquent qu’une
amélioration de la qualité de chaque type d’institution est favorable au développement de
l’investissement privé. Quant à la colonne 4 du tableau II.4, elle indique que seul l’indice de
protection des droits de propriété privée exerce un effet positif et significatif sur
l’investissement privé lorsque nous tenons compte de l’effet simultané des différentes
institutions sur l’investissement privé.

107
Ainsi, les données révèlent que les institutions les plus importantes pour générer la
croissance économique sont les institutions de protection des droits de propriété privée. Nous
arrivons à une telle déduction car nos résultats suggèrent que les institutions de protection des
droits de propriété privée seraient plus pertinentes pour le développement de l’investissement
privé, qui est généralement considéré dans la littérature comme un déterminant essentiel de la
croissance. Les institutions de droits de propriété privée seraient alors plus importantes pour
générer de la croissance économique, mais pour assurer la soutenabilité de la croissance, il
faut développer des institutions efficaces de régulation des activités économiques.
Les résultats dans le tableau II.4 mettent en exergue un effet positif des institutions sur
l’investissement privé et de ce dernier sur la PGF. Les données semblent ainsi confirmer le
mécanisme par lequel nous soutenons que les institutions pourraient générer une croissance
soutenue. Pour confirmer ce mécanisme, il nous faut également tester l’effet de la PGF sur la
probabilité de CES.

5.1.2 Effets des institutions, de la PGF et de l’investissement privé sur la CES

La question est maintenant de savoir si les données vont confirmer notre argument
théorique selon lequel l’amélioration du niveau de la PGF est nécessaire pour une CES. Pour
ce faire, nous estimons le modèle suivant :

Pr obit [( g i 0 , g i1 , g i 2 , g i 3 , g i 4 ) ≻ 0 | ( c, X it , pgfit , invprivit , ui , vt )] = G ( c, X it , pgfit , invprivit , ui , vt ) (2.8)

L’équation (2.8) permet de tester l’effet de l’investissement privé, de la PGF et des


institutions sur la CES. En estimant l’équation (2.8), seule devrait être significative et de signe
positif, la PGF, à moins que les institutions et l’investissement privé aient un effet
indépendant sur la CES, c’est à dire un autre effet que celui qui passe par la PGF.
Les résultats de l’estimation de l’équation (2.8) dans les tableaux 5 et 6 indiquent
qu’indépendamment de la méthode d’estimation et de la spécification utilisée, la PGF affecte
positivement et significativement la probabilité de CES. A travers les résultats du tableau II.5,
le coefficient associé à la PGF en GMM system indique qu’une augmentation équivalente à un
écart type de la PGF (0,235), entraînerait une hausse de 0,28 de la probabilité de CES ( 0,28 =
0,235 x 1,205). Il s’agit d’un effet économiquement non négligeable de la PGF sur la
probabilité de CES.

108
Tableau II.5 : Effets des institutions, de l’investissement privé et de la productivité globale des facteurs sur la croissance économique soutenue

MCO Effet Fixe GMM System Probit MCO Effet GMM Probit
(EA) Fixe System (EA)
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Indice 0.035 0.105 0.057 0.200


(3.36)*** (3.93)*** (1.75)* (3.21)***
Reg 0.019 0.138 0.280 0.232
(0.65) (1.98)** (1.85)* (1.56)
Prop 0.057 0.093 0.007 0.256
(3.11)*** (2.77)*** (0.14) (2.80)***
Dem -0.073 0.171 -0.202 -0.316
(0.68) (0.69) (0.52) (0.68)
Invpriv 1.380 -0.118 -0.166 1.399 1.409 -0.119 1.337 1.549
(3.20)*** (0.13) (0.10) (0.61) (3.28)*** (0.13) (0.67) (0.68)
Pgf 0.369 0.421 1.205 2.774 0.364 0.426 0.664 2.711
(3.01)*** (3.38)*** (1.91)* (4.22)*** (3.04)*** (3.39)*** (1.70)* (4.17)***
Constante -0.231 -0.436 0.304 -1.238 -0.192 -0.570 -0.875 -1.540
(1.87)* (1.24) (0.74) (1.58)*** (1.33) (1.33) (1.03) (1.61)

Nombre d’Observations 292 292 292 292 292 292 292 292
Nombre de pays 91 91 91 91 91 91 91 91
Pourcentage d’observations 1/ 97% 76% 79% - 97% 74% 78% -
Test de Sargan-Hansen 2/ - - 0.884 - - - 0.485 -
AR (1) 2/ - - 0.002 - - - 0.000 -
AR (2) 2/ - - 0.624 - - - 0.284 -
Log de vraisemblance - - - -133.433 - - - -132.832
χ² du test de variance 3/ - - - 8.19*** - - - 7.49**
Note : ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses sont des t de student robustes
à l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de croissance soutenue est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart
des spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effets aléatoires. Ce test indique que le modèle probit avec effets aléatoires est
préférable au modèle probit sans effets aléatoires lorsque le χ² est significatif.

109
Tableau II.6 : Effets spécifiques des institutions, de l’investissement privé et de la productivité globale des facteurs sur la croissance
économique soutenue

MCO Effet Fixe GMM system Probit avec effet aléatoire


(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12)

Reg 0.042 0.113 0.254 0.327


(1.72)* (1.87)* (1.95)* (2.46)**
Prop 0.048 0.106 -0.012 0.241
(3.58)*** (3.55)*** (0.27) (3.67)***
Dem 0.134 0.038 0.104 0.558
(1.81)* (0.17) (0.35) (2.02)**
Invpriv 1.958 1.438 1.798 -0.216 -0.403 -0.254 -0.755 2.772 3.747 5.067 1.991 5.510
(5.40)*** (3.72)*** (5.19)*** (0.28) (0.49) (0.35) (0.30) (1.02) (1.42) (2.57)** (1.07) (3.78)***
Pgf 0.426 0.376 0.405 0.410 0.374 0.345 1.041 1.488 0.956 2.948 2.423 2.267
(3.84)*** (3.22)*** (4.32)*** (3.91)*** (2.94)*** (3.42)*** (2.49)** (1.94)* (2.22)** (4.95)*** (4.39)*** (5.23)***
Constante -0.134 -0.083 0.063 -0.082 0.186 0.549 -0.363 0.495 0.072 -2.449 -0.999 -0.987
(1.09) (1.03) (1.17) (0.24) (1.03) (3.49)*** (0.60) (0.80) (0.22) (3.16)*** (2.30)** (3.57)***

Nombre d’Observations 335 325 415 335 325 415 335 325 415 335 325 415
Nombre de pays 96 94 97 96 94 97 96 94 97 96 94 97
Pourcentage d’observations 1/ 95% 97% 95% 96% 88% 99% 79% 83% 76% - - -
Test de Sargan-Hansen 2/ - - - - - - 0.309 0.745 0.601 - - -
AR (1) 2/ - - - - - - 0.000 0.000 0.000 - - -
AR (2) 2/ - - - - - - 0.786 0.504 0.827 - - -
Log de vraisemblance - - - - - - - - - -152.230 -151.389 -199.398
χ² du test de variance 3/ - - - - - - - - - 9.26** 4.86** 3.22**
Note : ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses sont des t de student robustes
à l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de croissance soutenue est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart
des spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effets aléatoires. Ce test indique que le modèle probit avec effets aléatoires est
préférable au modèle probit sans effets aléatoires lorsque le χ² est significatif.

110
Les résultats du tableau II.5 révèlent un effet indépendant de l’indice d’institutions
politico-économiques sur la probabilité de CES. Il apparaît à travers les résultats de ce tableau
qu’indépendamment de la technique d’estimation utilisée, l’effet de l’indice composite
demeure positif et significatif après avoir contrôlé pour l’effet de la PGF. L’effet indépendant
de l’indice d’institutions politico-économiques en GMM system est de 0,057 et significatif à
10%. Ce coefficient implique qu’une hausse équivalente à un écart-type de l’indice
d’institutions politico-économiques (2,807) entraînerait une hausse de 0,16 de la probabilité
de croissance économique soutenue.
Ce résultat peut s’expliquer par d’autres externalités positives des institutions sur la
CES. En effet, dans un environnement caractérisé par l’existence de « bonnes » institutions,
les investisseurs privés peuvent se faire mutuellement confiance et coopérer ensemble plus
facilement, ce qui aurait pour effet d’améliorer l’efficacité de leurs investissements, la
capacité d’investissements futurs et par conséquent, la probabilité de CES. Cette coopération
peut par exemple, prendre la forme de crédits commerciaux entre investisseurs privés ne
résidant pas dans les mêmes localités et n’ayant pas nécessairement de relation parentale entre
eux. Il n’est pas certain qu’une telle coopération puisse exister dans un environnement
caractérisé par l’existence des institutions de faible qualité, environnement où règnent la
méfiance, l’asymétrie informationnelle, entraînant des relations commerciales fondées sur le
voisinage géographique ou des relations parentales (voir à ce sujet North, 1991).
Sans avoir contrôlé pour l’effet de la PGF, nous avons pu identifier les institutions de
régulation comme étant « plus importantes » pour une CES. Nous allons à présent vérifier si
ce résultat demeure une fois l’effet de la PGF est pris en compte. En GMM system, dans le
tableau II.6 les résultats montrent que seules les institutions de régulation continuent à avoir
un effet séparé positif et significatif après avoir pris en compte l’effet de la PGF. Dans le
tableau II.5, les institutions de régulation sont toujours celles qui continuent à exercer un effet
positif et significatif sur la probabilité de CES en contrôlant simultanément pour les effets des
différentes institutions et de la PGF. Ainsi, nous pouvons toujours soutenir que les institutions
de régulation sont les « plus importantes » pour une CES. D’ailleurs, les résultats dans la
colonne 7 du tableau II.5 suggèrent qu’une hausse équivalente à un écart type des institutions
de régulation (1,109) entraîneraient une hausse 0,3 de la probabilité de CES, ce qui constitue
un effet économiquement non négligeable.
Les résultats dans les tableaux 5 et 6 montrent que les institutions de régulation
auraient un effet indépendant sur la CES. Cet effet indépendant peut s’expliquer par d’autres
externalités positives des institutions de régulation. En effet, une régulation efficace des

111
activités économiques peut favoriser l’entrée sur le marché de nouveaux investisseurs qui
vont exploiter de nouvelles activités complémentaires aux activités déjà exploitées. La
complémentarité entre investissements privés peut accroître leurs efficacités, la capacité
d’investissements futurs et par conséquent une croissance économique soutenue. Dans le
même sens, grâce aux données de Doing Bisness, plusieurs travaux montrent que dans des
pays à faible coût de création de nouvelles entreprises, le secteur informel est moins dense et
plusieurs entreprises sont crées et enregistrées dans le secteur formel [Masatlioglu et Rigolini
(2008) ; Kaplan, Piedra et Seira (2008) ; Ardagna et Lusagi (2009)].
Il apparaît que la PGF exerce un effet positif et significatif sur la CES. De même
l’indice d’institutions politico-économiques et celui des institutions de régulation ont des
effets indépendants sur la CES. Nous allons à présent tester la robustesse de ces résultats.

5.2 Tests de robustesse des effets des institutions, de la productivité globale des
facteurs sur la croissance soutenue

En plus de la robustesse de nos résultats par rapport aux méthodes d’estimation, nous
appliquons d’autres tests de robustesse à nos résultats. Nous ne présentons que les résultats
relatifs à la prise en compte des effets des politiques macroéconomiques. Quant aux autres
tests de robustesse, ils sont reportés en annexe associée à ce chapitre.
Nous testons la robustesse de nos résultats par rapport au niveau du taux de
croissance. En définissant une croissance soutenue nous avons considéré toute croissance
positive. Or, ce qui pourrait beaucoup plus intéresser les décideurs politiques c’est la
soutenabilité d’une forte croissance économique, car elle est plus susceptible d’entraîner une
réduction rapide de la pauvreté. De plus, il se peut que les institutions n’aient pas d’effet sur
la soutenabilité d’une forte croissance économique. En testant l’effet des institutions sur la
soutenabilité d’une forte croissance -il s’agit dans ce cas d’un taux de croissance annuelle du
PIB par tête d’au moins 2% observé pendant cinq ans consécutifs-, il apparaît
qu’indépendamment de la spécification et de la méthode d’estimation, la PGF affecte
positivement et significativement la probabilité d’une forte CES. Quant à l’indice
d’institutions politico-économiques, les résultats en GMM system montrent qu’il exerce un
effet indépendant sur une forte CES. Après avoir corrigé pour l’endogénéité, les institutions
de régulation sont celles qui exercent un effet indépendant, positif et significatif sur la
soutenabilité d’une forte croissance et ce, indépendamment des spécifications considérées

112
(voir tableau AII.2 en annexe). Ainsi, nos principaux résultats sont robustes par rapport au
niveau du taux de croissance.
Notre échantillon se compose de pays en développement ainsi que de pays développés,
et l’analyse des caractéristiques de la CES indique que ce sont surtout les pays en
développement qui ont du mal à réaliser des phases de croissance soutenue. Nous testons
alors nos différents modèles avec un sous échantillon de pays en développement. Dans ce cas,
les résultats montrent qu’indépendamment des spécifications, la PGF affecte positivement et
significativement la probabilité de CES. De même, les résultats montrent que l’indice
d’institutions politico-économiques a un effet indépendant sur la CES. Ainsi, améliorer la
qualité des institutions politiques et économiques, tout comme augmenter le niveau de la
PGF, sont des facteurs susceptibles de permettre aux pays en développement de réaliser des
phases de croissance économique soutenue. Les résultats des estimations avec l’échantillon de
pays en développement indiquent aussi que dans ces pays, parmi les trois institutions que
nous étudions, les institutions de régulation sont celles qui exercent un effet indépendant sur
la probabilité de CES, lorsque nous effectuons la correction d’endogénéité dans nos
estimations. Ainsi, les résultats dans l’échantillon de pays en développement confirment ceux
que nous avons obtenus dans l’ensemble de notre échantillon.

5.3 Prise en compte des variables de politiques macroéconomiques

La prise en compte de variables de politiques macroéconomiques est le dernier test de


robustesse que nous effectuons et pour lequel les résultats sont présentés dans le texte.
Jusqu’alors nous n’avons analysé que les effets des institutions, et de la PGF qui sont nos
variables d’intérêt sur la probabilité de CES. Il se peut que les effets de ces différentes
variables soient surestimés en ignorant les effets d’autres variables susceptibles d’affecter la
CES. Pour pallier cette limite, dans nos modèles nous contrôlons aussi pour les variables de
politique macroéconomique.
L’idée de contrôler pour les variables de politique macroéconomique, est pertinente et
se retrouve aussi chez les auteurs de Growth Report (2008). Nous prenons avantage de nos
arguments théoriques pour tenter d’identifier adéquatement les variables de politiques
macroéconomiques susceptibles d’affecter la CES. Nous rappelons que le gain de
compétitivité résultant de l’amélioration de la PGF, est à notre avis, la raison pour laquelle la
PGF affecte positivement la probabilité de CES. Sur la base de cet argument, il est alors
possible de soutenir que toute variable de politique macroéconomique pouvant affecter le

113
niveau de compétitivité de l’économie peut également affecter la probabilité de CES. Nous
contrôlons alors pour les variables de politique macroéconomique suivantes :
Le taux de change effectif réel, que nous désignons par « tcer » dans nos modèles.
Cette variable est obtenue de la base de données du CERDI. Nous calculons les moyennes
quinquennales de 1960 à 2003 de cette variable. Une appréciation du taux de change réel
entraîne une baisse de la compétitivité de l’économie et par conséquent, aurait un effet négatif
sur la soutenabilité de la croissance.
La taille du gouvernement, mesurée par la consommation finale publique en
pourcentage du PIB est la seconde variable de politique économique que nous analysons.
Dans nos modèles, nous utilisons « cons » pour désigner la consommation publique. Cette
variable est obtenue de la base de données de la Banque Mondiale (WDI 2005) et couvre la
période 1960-2003. Nous calculons également les valeurs moyennes sur cinq ans de cette
variable. Une augmentation de la consommation finale publique pourrait entraîner une hausse
de l’inflation susceptible d’affecter négativement la compétitivité de l’économie. Un effet
négatif de la consommation finale publique sur la CES est alors attendu.
Enfin, nous considérons une variable d’ouverture commerciale mesurée par la somme
des importations et des exportations en pourcentage du PIB et notée « ouv ». Cette variable
est obtenue de WDI (2005) pour la période 1960-2003, subdivisée en sous périodes de cinq
ans. Théoriquement, l’ouverture commerciale aurait un effet ambigu sur la CES. Car, un
accroissement des exportations peut être le signal d’une économie compétitive, alors que la
hausse des importations concurrençant les produits locaux peut signifier une perte de
compétitivité économique.
Les tableaux II.7 et II.8, indiquent qu’indépendamment de la méthode d’estimation et
de la spécification considérée, la PGF affecte positivement et significativement la CES et les
effets indépendants des institutions de régulation et de l’indice d’institutions politico-
économiques sur la CES persistent après avoir pris en compte les effets de politique
macroéconomique. Contrôler pour les variables de politique macroéconomique ne change pas
nos principaux, qui demeurent ainsi robustes.
Une analyse des coefficients associés aux variables de politique macroéconomique
indique qu’ils sont majoritairement de signe négatif, mais aucun n’est significatif après avoir
corrigé pour l’endogénéité. Ce résultat ne signifie pas pour autant que les politiques
macroéconomiques ne sont pas importantes pour la soutenabilité de la croissance. En
revanche, ce résultat suggère que les politiques macroéconomiques n’auraient pas un effet

114
Tableau II.7 : Effets des institutions, de l’investissement privé, de la productivité globale des facteurs et de variables de politiques économiques
sur la croissance économique soutenue

MCO Effet Fixe GMM System Probit MCO Effet GMM Probit (RE)
(EA) Fixe System
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Indice 0.047 0.105 0.084 0.263


(4.17)*** (3.92)*** (3.39)*** (3.47)***
Reg 0.017 0.159 0.209 0.276
(0.53) (2.26)** (2.16)** (1.53)
Prop 0.066 0.085 0.012 0.301
(3.30)*** (2.56)** (0.26) (2.84)***
Dem -0.010 0.211 0.295 -0.100
(0.09) (0.84) (1.03) (0.18)
Invpriv 1.076 -0.195 -0.915 0.626 1.122 -0.202 -0.429 0.878
(2.35)** (-0.21) (0.71) (0.24) (2.40)** (0.22) (0.25) (0.34)
Pgf 0.385 0.415 0.722 2.908 0.376 0.429 0.592 2.858
(3.01)*** (3.27)*** (2.14)** (4.17)*** (3.01)*** (3.31)*** (2.12)** (4.11)***
Tcer 0.005 -0.050 -0.014 0.067 0.006 -0.053 -0.031 0.068
(0.26) (2.32)** (0.47) (0.45) (0.31) (2.45)** (0.91) (0.45)
Ouv -0.106 -0.402 -0.146 -0.142 -0.087 -0.413 -0.246 -0.179
(1.06) (1.31) (0.49) (0.28) (0.82) (1.35) (0.78) (0.35)
Cons -0.719 -0.414 -0.857 -3.137 -0.771 -0.365 -0.684 -2.545
(1.32) (0.34) (0.76) (0.98) (1.34) (0.30) (0.46) (0.77)
Constante -0.124 -0.101 0.206 -1.527 -0.051 -0.334 -0.218 -2.221
(0.91) (0.27) (0.57) (1.55) (0.29) (0.72) (0.41) (1.99)**
Nombre d’observations
Nombre de pays 274 274 274 274 274 274 274 274
Pourcentage d’observations 1/ - 85 85 85 - 85 85 85
Test de Sargan-Hansen 2/ 96% 75% 82% - 96% 70% 80% -
AR (1) 2/ - - 0.200 - - - 0.158 -
AR (2) 2/ - - 0.002 - - - 0.001 -
Log de vraisemblance - - 0.829 - - - 0.642 -
χ² du test de variance 3/ - - - -123.637 - - - -123.425
Nombre d’observations - - - 9.43*** - - - 8.95**
Note : ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses sont des t de student robustes
à l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de croissance soutenue est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart
des spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effets aléatoires. Ce test indique que le modèle probit avec effets aléatoires est
préférable au modèle probit sans effets aléatoires lorsque le χ² est significatif.

115
Tableau II.8 : Effets spécifiques des institutions, de l’investissement privé, de la productivité globale des facteurs et de variables de politiques
économiques sur la croissance économique soutenue

MCO Effet Fixe GMM System Probit avec effet aléatoire


(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12)

Reg 0.055 0.136 0.179 0.384


(1.92)* (2.23)** (2.34)** (2.41)**
Prop 0.062 0.101 0.069 0.304
(4.28)*** (3.43)*** (1.82)* (3.84)***
Dem 0.221 0.102 0.376 0.752
(2.71)*** (0.44) (1.43) (2.35)**
Invpriv 1.759 1.258 1.609 -0.405 -0.323 -0.462 0.701 2.890 0.904 4.195 1.613 4.946
(4.43)*** (3.09)*** (4.41)*** (0.54) (0.38) (0.60) (0.39) (1.27) (0.58) (1.89)* (0.80) (3.11)***
Pgf 0.462 0.377 0.426 0.433 0.327 0.363 0.899 0.617 0.922 3.151 2.448 2.357
(3.86)*** (3.18)*** (4.13)*** (3.83)*** (2.67)*** (3.40)*** (2.23)** (1.97)** (2.93)*** (4.90)*** (4.20)*** (5.18)***
Tcer -0.013 -0.004 -0.009 -0.064 -0.052 -0.076 -0.055 -0.003 -0.054 -0.075 0.028 -0.052
(0.74) (0.20) (0.48) (2.28)** (2.18)** (2.63)*** (-1.14) (0.06) (0.91) (0.55) (0.21) (0.54)
Ouv -0.127 -0.074 -0.020 -0.377 -0.434 -0.245 -0.179 0.538 -0.245 -0.446 0.107 0.003
(1.28) (0.78) (0.26) (1.30) (1.34) (0.96) (-0.78) (1.29) (0.63) (0.92) (0.25) (0.01)
Cons -0.173 -0.938 -1.147 -0.214 -2.503 -2.169 -0.481 -3.444 -0.292 0.741 -4.229 -3.182
(0.33) (1.80)* (2.50)** (0.20) (1.83)* (2.34)** (-0.30) (1.79)* (0.20) (0.26) (1.61) (1.44)
Constant -0.043 0.069 0.253 0.140 0.763 1.009 -0.008 0.047 0.682 -1.374 -0.771 -0.485
(0.27) (0.63) (2.86)*** (0.36) (2.52)** (3.76)*** (-0.01) (0.10) (2.10)** (1.36) (1.30) (1.11)
Nombre d’observations
Nombre de pays 315 305 382 315 305 382 331 305 382 315 305 382
Pourcentage d’observations 1/ - - - 92 88 90 92 88 90 89 88 90
Test de Sargan-Hansen 2/ 96% 96% 95% 91% 85% 91% 81% 74% 79% - - -
AR (1) 2/ - - - - - - 0.684 0.271 0.237 - - -
AR (2) 2/ - - - - - - 0.000 0.000 0.000 - - -
Log de vraisemblance - - - - - - 0.820 0.866 0.779 - - -
χ² du test de variance 3/ - - - - - - - - - -141.327 -140.372 -181.822
Nombre d’observations - - - - - - - - - 10.30*** 5.27** 2.48*
Note : ***, **, * pour désigner des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses désignent des t de Student robustes à
l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de soutenabilité de la croissance est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart des
spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effet aléatoire. Ce test indique que le modèle probit avec effet aléatoire est préférable
au modèle probit sans effet aléatoire lorsque le χ² est significatif.

116
direct sur la probabilité de CES, une fois pris en compte les effets des institutions et de la
PGF.
Nous soutenons que de « bonnes » institutions sont nécessaires pour une croissance
économique soutenue. Les analyses empiriques semblent confirmer cette hypothèse. A
présent, nous allons illustrer nos résultats à travers l’analyse des expériences de trois pays
d’Afrique subsaharienne.

6. Institutions et soutenabilité de la croissance : Illustration à travers trois


pays d’Afrique subsaharienne

Nous illustrons nos résultats relatifs à l’effet des institutions sur la CES à travers les
expériences de trois pays africains : le Botswana, la Côte d’Ivoire et le Ghana32 en comparant
la qualité de leurs institutions ainsi que leurs performances économiques en termes de CES.
A travers le tableau II.9, il apparaît que le Botswana est le pays le plus performant
parmi les trois, en termes de CES. Au cours de la période 1960-2003, pendant huit
quinquennats sur les neuf, et pendant six quinquennats consécutifs le Botswana a connu une
croissance soutenue. Au cours de la période d’analyse, seule la décennie 1990 n’a pas été
celle d’une forte croissance économique soutenue au Botswana.
Contrairement au Botswana, la Côte d’Ivoire n’a connu une croissance soutenue que
pendant la période 1970-74 et aucune période de forte croissance soutenue. Quant au Ghana,
il enregistre une croissance soutenue à partir de 1985 et une forte croissance économique
soutenue au cours du dernier quinquennat. La question est alors de savoir pourquoi une telle
différence de performances entre ces trois économies africaines ?
Nous soutenons que le succès du Botswana en termes de CES par rapport à la Côte
d’Ivoire et au Ghana serait dû à la qualité de ses institutions. Car comme on peut le constater
à travers le tableau II.9, aussi bien en termes d’institutions politiques -démocratie et
contraintes sur l’exécutif- qu’en termes d’institutions économiques -protection des droits de
propriété privée et régulation-, la qualité des institutions au Botswana est meilleure qu’au
Ghana et en Côte d’Ivoire et ce, quel que soit le quinquennat considéré. L’argument selon
lequel la bonne performance économique du Botswana par rapport aux autres économie

32
Nous rappelons que ces trois pays africains sont des pays à économie de rente. Le Botswana est un pays
d’Afrique australe exportant majoritairement du diamant alors que le Ghana et la Côte d’Ivoire sont de l’Afrique
de l’Ouest et exportent surtout du cacao et du café. Nous illustrons nos résultats à partir de ces trois pays parce
qu’ils nous semblent comparables. De plus, Acemoglu, Johnson et Robinson (2003) comparent les performances
institutionnelles de ces trois pays.

117
Tableau II.9 : Comparaisons des performances du Botswana, de la Côte d’Ivoire et du Ghana
Pays Périodes croissance Forte croissance Régulation 1/ Droit de Démocratie 3/ Contrainte sur
Soutenue
Soutenue propriété 2/ l’exécutif4/
1961-64 Oui Oui .. .. .. ..
1965-69 Oui Oui .. .. .. 5.0
1970-74 Oui Oui .. .. 2.3 5.0
Botswana 1975-79 Oui Oui 6.3 .. 2.0 5.0
1980-84 Oui Oui 6.9 6.3 2.0 5.0
1985-89 Oui Oui 5.9 6.3 1.6 6.0
1990-94 Non Non 6.1 6.4 1.6 6.0
1995-99 Oui Non 7.0 6.8 2.0 7.0
2000-03 Oui Oui 7.3 7.0 2.0 7.0
1961-64 Non Non .. .. .. 1.0
1965-69 Non Non .. .. 6.0 1.0
Côte d’ivoire 1970-74 Oui Non .. .. 6.0 1.0
1975-79 Non Non 6.2 .. 6.0 1.0
1980-84 Non Non 5.8 5.7 5.6 1.0
1985-89 Non Non 4.9 4.8 6.0 1.0
1990-94 Non Non 5.1 5.4 6.0 2.0
1995-99 Non Non 5.4 3.9 6.0 2.0
2000-03 Non Non 5.5 3.5 5.8 3.0
1961-64 Non Non .. .. .. 1.0
Ghana 1965-69 Non Non .. .. .. 0.0

118
1970-74 Non Non .. .. 6.6 3.0
1975-79 Non Non 5.3 2.8 5.8 2.0
1980-84 Non Non 4.4 2.7 5.6 2.0
1985-89 Oui Non 4.7 5.8 6.4 1.0
1990-94 Oui Non 5.7 5.6 5.0 1.0
1995-99 Oui Non 5.9 4.4 2.8 4.0
2000-03 Oui Oui 6.0 4.6 2.0 6.0
Notes : 1, 2/ : Il s’agit de la moyenne des valeurs respectives de l’indice de régulation et de protection des droits de propriété privée telles qu’obtenues de Fraser Institute à
partir de l’adresse suivante : http://www.freetheworld.com/release.html. Les valeurs des différents indices varient de façon croissante entre 0 et 10, une faible valeur
caractérise des institutions de régulation et de protection des droits de propriété de faible qualité.
3/ Il s’agit de la moyenne des valeurs de l’indice de démocratie de Freedom House obtenu à partir de : http://www.freedomhouse.org/template.cfm?page=363&year=2008.
La valeur de cet indice varie de façon décroissante entre 1 et 7, une valeur élevée de cet indice désigne de faibles institutions démocratiques.
4/ Désigne la moyenne de l’indice de contraintes sur l’exécutif obtenu de Polity IV à partir du site : http://www.systemicpeace.org/polity/polity4.htm. La valeur de l’indice est
comprise entre 0 et 7.

119
africaines en général est due à la bonne qualité des institutions de ce pays, se retrouve
également chez Acemoglu, Johnson et Robinson (2003). C’est un argument valable d’autant
plus que le Botswana est un pays enclavé, contrairement au Ghana et à la Côte d’Ivoire. Ces
deux derniers pays disposent ainsi d’un léger avantage géographique sur le Botswana.
Notre explication de l’avantage du Botswana basé sur la qualité de ses institutions est
aussi valide en constatant que, le Botswana exporte essentiellement du diamant
comparativement au Ghana et à la Côte d’Ivoire qui exportent surtout du café et du cacao
respectivement. Sachant que le diamant est une pierre précieuse, elle génèrerait plus de rentes
que le café ou le cacao. En se référant à la théorie de la malédiction de ressources à la Sachs et
Warner, à priori le Botswana devrait enregistrer de faibles taux de croissance économique
comparativement au Ghana et à la Côte d’Ivoire. Ceci n’est pas le cas comme l’indiquent les
informations du tableau II.9. Ainsi, en développant de bonnes institutions, le Botswana
relativement à ses deux homologues a su atténuer, sinon éviter la malédiction des ressources
naturelles, ce qui expliquerait sa bonne performance en termes de CES.
Au cours de chacun des quinquennats, c’est surtout en termes d’institutions politiques
que s’observe la supériorité de la qualité des institutions du Botswana par rapport à la Côte
d’Ivoire et au Ghana. Mais, c’est surtout en termes d’institutions de régulation que l’avantage
du Botswana par rapport à la Côte d’Ivoire et au Ghana s’est mieux maintenu et renforcé au
cours du temps. Ceci illustre un rôle non négligeable des institutions de régulation dans la
CES au Botswana.
L’importance des institutions de régulation dans la CES, peut également être mise en
exergue en comparant les performances de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Comme on peut le
constater dans le tableau II.9, à partir de 1985, le Ghana enregistre une croissance soutenue, et
par rapport à la Côte d’Ivoire, le Ghana connaît aussi un début d’amélioration de la qualité de
ses institutions, en particulier ses institutions de régulation. Contrairement aux institutions de
protection des droits de propriété privée, les institutions de régulation se sont continuellement
améliorées au Ghana depuis 1985. Ceci est une autre illustration du rôle des institutions de
régulation dans la CES.
L’analyse des performances institutionnelles et économiques du Botswana, de la Côte
d’ivoire et du Ghana illustre bien le rôle de « bonnes » institutions pour une CES et renforce
ainsi ce qui ressort de nos analyses empiriques de la CES.

120
7. Conclusion

Dans ce chapitre nous analysons les effets des institutions et cherchons à identifier les
institutions les « plus importantes » pour une croissance économique soutenue, contrairement
à la plupart des travaux empiriques qui s’intéressent aux analyses de l’effet des institutions sur
le revenu par tête, le taux de croissance ou le changement de régimes de croissance. Nous
soutenons que de « bonnes » institutions en favorisant le développement de l’investissement
privé entraîneraient une amélioration de la productivité globale des facteurs (PGF), qui à son
tour entraînerait un gain de compétitivité qui est un facteur nécessaire pour la soutenabilité de
la croissance. Nos arguments théoriques nous permettent de concilier deux approches
d’analyse économique des institutions -l’approche privilégiant les institutions économiques et
celle privilégiant les institutions politiques- et d’analyser les effets de trois différents types
d’institutions sur la croissance économique soutenue (CES). Ces trois institutions sont :
institutions démocratiques, institutions de protection des droits de propriété privée et
institutions de régulation des activités économiques.
Les résultats de nos estimations économétriques à partir des données de panel
indiquent un effet positif et significatif sur la CES, d’un indice composite que nous
dénommons indice d’institutions politico-économiques. Cet indice est une proxy du niveau
général de la qualité des institutions dans un pays, et capte l’effet combiné des institutions
politiques et économiques citées ci-dessus. De même, les résultats indiquent que
l’amélioration respective de la qualité des institutions démocratiques, des institutions de
régulation et des institutions de protection des droits de propriété privée est favorable à la
CES. Ces résultats suggèrent que l’amélioration du niveau général des institutions et de
chacune des institutions sont nécessaires pour une croissance soutenue.
Cependant, de toutes les institutions que nous analysons, celles relatives aux
régulations des activités économiques semblent les « plus importantes » pour la CES, car c’est
l’effet des institutions de régulation qui demeure significatif après avoir pris en compte l’effet
simultané des trois institutions que nous étudions. L’effet persistant des institutions de
régulation après la prise en compte de l’effet simultané des différentes institutions, serait dû
au fait qu’une régulation efficace des activités économiques, favoriserait l’entrée sur le
marché de nouveaux investisseurs privés plus dynamiques et plus innovateurs, ce qui va
entraîner une amélioration du niveau de productivité de l’économie.

121
Par ailleurs, nous obtenons un effet positif et significatif de la PGF sur la CES. Nous
justifions cet effet de la PGF par son effet favorable sur le niveau de compétitivité de
l’économie. Les effets des institutions de régulation et de l’indice d’institutions politico-
économiques sur la CES persistent malgré la prise en compte de l’effet de la PGF, ce qui
suggère des effets indépendants des institutions de régulation et de l’indice d’institutions
politico-économiques sur la CES.
Ces effets indépendants seraient dus à d’autres externalités positives relatives à
l’existence des institutions de bonne qualité. En effet, dans un environnement caractérisé par
l’existence de « bonnes » institutions, les investisseurs privés peuvent se faire mutuellement
confiance, coopérer plus facilement entre eux, et effectuer des échanges plus productifs et
plus rentables. L’existence des institutions efficaces de régulation permettrait la
complémentarité entre investissements privés, qui résulterait de l’entrée sur le marché de
nouveaux investisseurs privés, exploitant de nouvelles activités complémentaires aux activités
déjà exploitées. Cette complémentarité entre investissements privés accroît leurs efficacités,
leurs rendements, la capacité d’investissements futurs et par conséquent, la probabilité de
CES.
A travers nos résultats économétriques, des stratégies de croissance économique
suivantes peuvent être suggérées aux décideurs politiques, en particulier à ceux des pays en
développement. D’abord, pour générer de la croissance économique il faut développer de
bonnes institutions de protection des droits de propriété privée, pour créer des marchés et
favoriser le développement de l’investissement privé. Cette proposition se fonde sur le fait
que nous montrons que les institutions de protection des droits de propriété privée seraient
plus décisives pour le développement de l’investissement privé, qui est souvent considéré
dans la littérature comme un déterminant essentiel de la croissance économique. Ensuite, il
faut mettre en place des institutions garantissant une régulation efficace des activités
économiques afin d’assurer une croissance économique soutenue, en favorisant l’entrée sur le
marché de nouveaux investisseurs plus dynamiques et plus innovateurs.
Ainsi, nos résultats indiquent un rôle approprié des différentes institutions pour une
croissance soutenue. Ceci est cohérent avec l’idée défendue par Gerschenkron (1962) pour le
rôle approprié des différentes institutions dans le processus de développement économique,
idée mise en exergue récemment par Acemoglu et al. (2004) quant aux rôles des institutions
pour les innovations et les adoptions technologiques.
Les résultats de ce chapitre ouvrent des pistes pour de futures recherches. Pour les
économistes de la croissance, il serait intéressant de mieux comprendre le processus par

122
lequel la productivité globale des facteurs génère une croissance économique soutenue, très
probablement à travers le processus de gains de compétitivité économique comme nous le
soutenons dans ce chapitre. Pour les économistes institutionnalistes, il serait intéressant
d’améliorer notre compréhension de l’effet des institutions de régulation sur la croissance
soutenue, et de construire des modèles théoriques de croissance dans lesquels le rôle des
institutions apparaît plus clairement.

123
Annexes du chapitre II

Tableau AII.1 : Statiques descriptives des principales variables utilisées dans le chapitre 2
Variables Observations Moyenne Ecart type Minimum Maximum

Probabilité de CES 984 0.36 0.48 0 1


Probabilité d’une forte CES 984 0.21 0.41 0 1
Indice polico-économique 715 11.58 2.81 4.69 18.92
Institutions de régulation 815 11.58 1.11 2.47 8.76
Institutions droit de propriété 780 5.45 1.93 1.15 9.62
Institutions Démocratique 903 0.46 0.34 0.14 1
Productivité des facteurs 804 -0.12 0.24 -2.33 0.84
Investissement privé 587 0.15 0.07 -0.54 0.39
Consommation publique 946 0.15 0.06 0.04 0.48
Ouverture commerciale 938 0.67 0.41 0.06 2.97
Taux de change 882 1.44 0.95 0.20 11.38

Liste des pays


Dans le chapitre 2, l’échantillon d’analyses économétriques est constitué de pays suivants :

Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Bahamas,


Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Belgique, Belize, Bénin, Bolivie, Botswana, Brésil, Bulgarie,
Burundi, Cameroun, Canada, Central Afrique, Chili, Chine, Colombie, Congo Démocratique,
Congo République, Costa Rica, Côte d'Ivoire, Croatie, Chypre, Denmark, Egypte, El
Salvador, Equateur, Espagne, Estonie, Fiji, Finlande, France, Gabon, Ghana, Grèce,
Guatemala, Guinée Bissau, Guyana, Haïti, Hollande, Honduras, Hong Kong, Hongrie, Island,
Inde, Indonésie, Iran, Ireland, Israël, Italie, Jamaïque, Japon, Jordan, Kenya, Kuwait,
Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Madagascar, Malawi, Malaysia, Mali, Malta, Maurice,
Mexico, Maroc, Myanmar, Namibie, Népal, Nicaragua, Niger, Nigeria, Nouvelle Zélande,
Norvège, Oman, Pakistan, Panama, Papouasie Nouvelle Guinée, Paraguay, Pérou,
Philippines, Pologne, Portugal, République Czech, République Dominicaine, République
Slovaque, Roumanie, Russie, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Singapore, Slovénie, Sri
Lanka, Suède, Suisse, Syrie, Tanzanie, Tchad Thaïlande, Togo, Trinité Tobago, Tunisie,
Turquie, Uganda, Ukraine, Emirat, Royaume Unie, Etats-Unis, Uruguay, Venezuela, Zambie,
Zimbabwé.

124
Tableau AII.2 : Effets des institutions, de l’investissement privé et de la productivité globale des facteurs sur la probabilité d’une forte
croissance économique soutenue

MCO Effet Fixe GMM System Probit MCO Effet GMM Probit
(EA) Fixe System (EA)
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Indice 0.007 0.022 0.056 0.071


(0.70) (0.76) (2.88)** (1.25)
Reg -0.003 0.097 0.239 0.125
(0.13) (1.57) (1.95)* (0.84)
Prop 0.023 -0.007 -0.004 0.097
(1.31) (0.20) (0.92) (1.08)
Dem -0.085 0.221 0.037 -0.279
(0.80) (0.85) (0.10) (0.58)
Invpriv 1.750 0.356 -0.668 4.712 1.776 0.366 1.211 4.718
(4.01)*** (0.34) (0.56) (2.01)** (4.08)*** (0.35) (0.70) (2.06)**
Pgf 0.329 0.351 0.356 2.466 0.325 0.365 0.296 2.457
(2.64)*** (2.84)*** (2.39)** (4.05)*** (2.66)*** (2.91)*** (2.03)** (4.04)***
Constante -0.082 0.179 -0.022 -1.488 -0.078 -0.140 -0.759 -1.736
(0.79) (0.51) (0.09) (1.91)* (0.58) (0.35) (1.18) (1.90)*

Nombre d’Observations 292 292 292 292 292 292 292 292
Nombre de pays 91 91 91 91 91 91 91 91
Pourcentage d’observations 1/ 93% 92% 85% - 92% 83% 78% -
Test de Sargan-Hansen 2/ - - 0.275 - - - 0.577 -
AR (1) 2/ - - 0.001 - - - 0.000 -
AR (2) 2/ - - 0.470 - - - 0.624 -
Log de vraisemblance - - - -114.362 - - - -114.076
χ² du test de variance 3/ - - - 5.73** - - - 4.42**
Note : ***, **, * pour désigner des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses désignent des t de Student robustes à
l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de soutenabilité de la croissance est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart des
spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effet aléatoire. Ce test indique que le modèle probit avec effet aléatoire est préférable
au modèle probit sans effet aléatoire lorsque le χ² est significatif.

125
Tableau AII.3 : Effets spécifiques des institutions, de l’investissement privé et de la productivité globale des facteurs sur une forte croissance
économique soutenue

MCO Effet Fixe GMM system Probit avec effet aléatoire


(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12)

Reg 0.014 0.08 0.243 0.217


(0.67) (1.66)* (3.53)*** (1.58)
Prop 0.016 0.027 -0.025 0.117
(1.39) (0.89) (0.64) (1.70)*
Dem 0.008 0.004 0.004 0.151
(0.12) (0.02) (0.01) (0.49)
Invpriv 1.779 1.567 1.732 0.102 0.077 0.047 -0.101 3.433 3.549 5.839 4.257 6.142
(4.85)*** (4.12)*** (5.16)*** (0.13) (0.09) (0.07) (0.09) (1.58) (1.42) (2.83)*** (2.06)** (3.79)***
Pgf 0.353 0.330 0.373 0.354 0.322 0.299 0.387 0.361 0.355 2.797 2.380 2.468
(3.35)*** (2.81)*** (4.05)*** (3.50)*** (2.71)*** (3.25)*** (2.68)*** (2.10)** (2.41)** (4.76)*** (4.21)*** (5.14)***
Constante -0.134 -0.068 0.002 -0.097 0.275 0.238 -0.791 -0.043 -0.173 -2.550 -1.425 -1.152
(1.09) (0.91) (0.04) (0.32) (1.34) (1.69)* (1.90)* (0.11) (0.49) (3.13)*** (3.12)*** (3.19)***

Nombre d’observations 335 325 414 335 325 414 335 325 414 335 325 414
Nombre de pays 96 94 97 96 94 97 96 94 97 96 94 97
Pourcentage d’observations 1/ 91% 93% 92% 92% 94% 98% 77% 83% 76% - - -
Test de Sargan-Hansen 2/ - - - - - - 0.213 0.745 0.257 - - -
AR (1) 2/ - - - - - - 0.013 0.000 0.019 - - -
AR (2) 2/ - - - - - - 0.533 0.504 0.707 - - -
Log de vraisemblance - - - - - - - - - -123.231 -126.047 -155.180
Χ² du test de variance 3/ - - - - - - - - - 6.00** 5.10** 3.14**
Note : ***, **, * pour désigner des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses désignent des t de Student robustes à
l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de soutenabilité de la croissance est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart des
spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effet aléatoire. Ce test indique que le modèle probit avec effet aléatoire est préférable
au modèle probit sans effet aléatoire lorsque le χ² est significatif.

126
Tableau AII.4 : Effets des institutions, de l’investissement privé et de la productivité globale des facteurs sur la croissance économique soutenue
dans l’échantillon de pays en développement

MCO Effet Fixe GMM System Probit MCO Effet GMM Probit
(EA) Fixe System (EA)
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8)

Indice 0.048 0.093 0.120 0.395


(3.09)*** (2.80)*** (2.76)** (2.54)***
Reg 0.025 0.133 0.338 0.390
(0.83) (1.78)* (2.64)*** (1.47)
Prop 0.074 -0.081 -0.002 0.462
(3.29)*** (1.83)* (0.04) (2.48)**
Dem -0.174 -0.192 0.079 -0.741
(1.10) (0.47) (0.15) (0.64)
Invpriv 0.772 -0.224 -0.505 2.099 0.788 -0.195 -0.721 1.847
(1.71)* (0.19) (0.37) (0.58) (1.76)* (0.16) (0.59) (0.52)
Pgf 0.313 0.258 0.393 4.131 0.306 0.253 0.440 3.987
(2.25)** (2.06)** (1.87)* (2.85)*** (2.31)** (2.09)** (1.77)* (2.83)***
Constante 0.044 -0.383 -0.503 -2.998 0.091 -0.463 -1.053 -3.439
(0.17) (1.17) (0.88) (1.83)* (0.36) (1.14) (1.43) (2.16)**

Nombre d’Observations 188 188 188 188 188 188 188 188
Nombre de pays 66 66 66 66 66 66 66 66
Pourcentage d’observations 1/ 91% 88% 82% - 93% 89% 76% -
Test de Sargan-Hansen 2/ - - 0.342 - - - 0.607 -
AR (1) 2/ - - 0.025 - - - 0.027 -
AR (2) 2/ - - 0.953 - - - 0.604 -
Log de vraisemblance - - - -75.637 - - - -75.016
χ² du test de variance 3/ - - - 13.46*** - - - 13.08***
Note : ***, **, * pour désigner des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses désignent des t de Student robustes à
l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de soutenabilité de la croissance est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart des
spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effet aléatoire. Ce test indique que le modèle probit avec effet aléatoire est préférable
au modèle probit sans effet aléatoire lorsque le χ² est significatif.

127
Tableau AII.5 : Effets spécifiques des institutions, de l’investissement privé et de la productivité globale des facteurs dans l’échantillon de pays
en développement

MCO Effet Fixe GMM system Probit avec effet aléatoire


(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12)

Reg 0.041 0.119 0.322 0.395


(1.49) (1.82)* (2.67)*** (2.03)**
Prop 0.078 0.087 -0.047 0.376
(4.19)*** (2.25)** (0.47) (3.35)***
Dem 0.068 -0.108 -0.108 0.343
(0.55) (0.42) (0.24) (0.69)
Invpriv 1.349 0.839 1.781 -0.097 -0.295 -0.030 0.075 4.446 2.779 5.037 2.693 6.508
(3.25)*** (1.97)** (4.89)*** (0.12) (0.32) (0.04) (0.04) (1.51) (1.34) (1.68)* (1.15) (3.71)***
Pgf 0.356 0.289 0.352 0.257 1.845 0.210 0.530 0.299 0.338 3.753 2.479 2.146
(2.94)*** (2.42)** (3.42)*** (2.54)** (1.59) (2.16)** (2.33)** (1.95)* (2.09)** (3.40)*** (3.11)*** (3.90)***
Constante 0.147 0.109 0.157 -0.278 0.048 0.281 -1.092 -0.088 0.057 -1.875 -1.568 -1.172
(0.79) (0.77) (1.79)* (0.78) (0.24) (1.88)* (1.72)* (0.14) (0.19) (1.53) (2.53)** (3.42)***

Nombre d’observations 228 220 305 228 220 305 228 220 305 228 220 305
Nombre de pays 70 69 71 70 69 71 70 69 71 70 69 71
Pourcentage d’observations 1/ 93% 91% 93% 94% 95% 99% 75% 75% 89% - - -
Test de Sargan-Hansen 2/ - - - - - - 0.280 0.281 0.215 - - -
AR (1) 2/ - - - - - - 0.007 0.004 0.000 - - -
AR (2) 2/ - - - - - - 0.724 0.509 0.431 - - -
Log de vraisemblance - - - - - - - - - -92.639 -93.410 -138.030
Χ² du test de variance 3/ - - - - - - - - - 15.07*** 6.61*** 4.00**
Note : ***, **, * pour désigner des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses désignent des t de Student robustes à
l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de soutenabilité de la croissance est comprise entre 0 et 1.
2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart des
spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-
Hansen est un test de qualité de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.
3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effet aléatoire. Ce test indique que le modèle probit avec effet aléatoire est préférable
au modèle probit sans effet aléatoire lorsque le χ² est significatif.

128
Chapitre III

Effet des Institutions Démocratiques sur l’Inflation dans les Pays


en Développement

1. Introduction

Dans le présent chapitre nous analysons l’effet des institutions démocratiques sur la
stabilité macroéconomique. Plus précisément, la question à laquelle nous tentons de répondre
est la suivante : Quel est l’effet des institutions démocratiques sur l’inflation dans les pays en
développement (PED) ? Ainsi, nous posons la question de savoir si les PED se démocratisent
en favorisant ou pas la stabilité macroéconomique. En effet, la maîtrise de l’inflation nécessite
la mise en oeuvre de politiques de stabilisation macroéconomique dont une conséquence
éventuelle peut être la perte du pouvoir politique du fait de possibles mécontentements des
électeurs. L’exécution de politiques de stabilisation peut en effet, entraîner la suppression de
certaines dépenses publiques pour lesquelles les électeurs ont une grande préférence. La
démocratisation ou l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques a entre autres
pour conséquence, la nécessité de satisfaire les préférences des électeurs afin de se maintenir
au pouvoir, éventuellement aux dépens de la maîtrise de l’inflation.
L’analyse de la relation entre la démocratie et l’inflation dans les PED est une question
déterminante. En effet, la plupart des PED sont dépendants de l’aide internationale, et de plus
en plus, les bailleurs de fonds internationaux conditionnent l’allocation de l’aide à la mise en
oeuvre de réformes économiques et politiques dans les PED. Par ailleurs, afin d’assurer leurs
développements économiques, les PED doivent maîtriser l’inflation car cette dernière est
mauvaise pour la croissance économique (Fischer, 1993 ; De Gregorio, 1993 ; Barro, 1995 ;
Bruno et Easterly, 1995, 1998 ; Fischer et al., 2002). Enfin, la participation des PED à la
mondialisation et la possibilité qu’ils en tirent profit, nécessitent que ces pays maîtrisent leurs
taux d’inflation selon la logique de compétitivité économique.
Ce chapitre est relatif à l’économie politique de l’inflation et aborde particulièrement
la question de l’effet du type de régime politique sur l’inflation, question analysée suivant

129
deux différentes approches dans la littérature. Selon « l’approche capture de l’Etat »
l’inflation est le résultat des politiques suivies par l’élite qui vise son enrichissement
personnel aux dépens de la majorité des citoyens. Les tenants de cette approche voient dans la
démocratisation des régimes politiques une solution à la maîtrise de l’inflation car la
démocratie entraînerait des contraintes institutionnelles et politiques qui limiteraient les
comportements de capture de rente de la part de l’élite. Cette vision est partagée par Bates et
Krueger (1993) et Geddes (1995).
En revanche, selon « l’approche populiste » une inflation élevée est le résultat de la
demande populaire de transferts publics financés par la création monétaire. Dans la logique de
cette dernière approche, une relation positive devrait exister entre l’inflation et la démocratie.
Les tenants de « l’approche populiste » voient alors dans la démocratisation des pays une
menace pour la maîtrise de l’inflation. C’est ainsi pour lutter contre l’inflation, Nelson (1993)
propose la concentration du pouvoir dans la main d’un puissant chef de l’exécutif. Williamson
(1994), Haggard et Kaufman (1992) suggèrent respectivement la délégation de la gestion des
politiques économiques à des technocrates indépendants, et la nécessité d’une autorité
centrale pour maîtriser l’inflation. Il est juste de reconnaître que le scepticisme vis-à-vis de
l’efficacité des politiques économiques dans un système démocratique remonte au travail de
Buchanan et Tullock (1962).
Ces deux approches témoignent de l’ambiguïté de l’effet de la démocratie sur
l’efficacité des politiques économiques, ambiguïté que nous signalons déjà dans le chapitre II.
Le premier objectif du chapitre III est de soumettre les deux théories de l’économie politique
de l’inflation à l’épreuve des données, afin de vérifier empiriquement laquelle des deux
théories est valide dans le contexte de PED. Le second objectif est d’identifier les mécanismes
par lesquels la démocratie affecterait l’inflation dans les PED.
Le reste du chapitre est organisé comme suit. La section 2 est consacrée à la revue des
travaux empiriques sur la relation entre l’inflation et la démocratie. Nos arguments théoriques
ainsi que leurs prédictions empiriquement testables sont présentés dans la section 3. Quant à
la section 4, elle est consacrée aux analyses empiriques. Une première partie de cette section
présente les arguments justificatifs de l’utilisation de la date d’indépendance comme
instrument pour les institutions démocratiques. Une seconde partie de la section 4 présente
nos résultats empiriques, tandis qu’une troisième partie s’intéresse à l’analyse des canaux de
transmission de l’effet de la démocratie sur l’inflation. Les résultats des régressions
économétriques sont présentés et analysés dans la section 5. Nous consacrons la section 6 à

130
l’illustration de nos résultats à travers l’analyse des expériences de trois pays en
développement : le Chili, le Ghana et le Sri Lanka. La section 7 conclut.

2. Revue de la littérature empirique sur la relation entre l’inflation et la


démocratie

Comme nous le mentionnons plus haut, aussi bien une relation positive qu’une relation
négative entre l’inflation et la démocratie peuvent être attendues. Empiriquement, les deux
types de relations ont été trouvés dans la littérature.
En se basant sur des données historiques -principalement les données de la France et
de l’Italie d’avant la Seconde Guerre Mondiale- Alesina et Drazen (1991) montrent que des
pays à fort taux de polarisation gouvernementale -caractéristique habituelle des régimes
politiques démocratiques- sont susceptibles d’enregistrer des taux d’inflation élevés du fait du
retard dans la mise en oeuvre de politiques de stabilisation. En fait, ces auteurs mettent en
exergue le phénomène de la guerre d’usure dans un système démocratique, phénomène qui
fait qu’aucun législateur ne veut faire supporter à ses propres partisans, les sacrifices
qu’engendrerait la mise en œuvre de politiques de stabilisation au profit des partisans des
autres législateurs. Selon Alesina et Drazen (1991), de la fin de la guerre d’usure dépend
l’exécution des politiques de stabilisation. Or, la guerre d’usure peut prendre du temps avant
de prendre fin puisque cela nécessite que certains législateurs acceptent de sacrifier l’intérêt
de leurs partisans au profit de l’intérêt général.
En utilisant des données de 1960 à 1992, pour un échantillon de 49 PED, Gasiorowski
(2000) montre que les PED les plus démocratiques ont des taux d’inflation plus élevés parce
que la démocratie entraîne une hausse du déficit public et une croissance accélérée des
salaires dans ces pays. De son côté Bates (2005, 2007) soutient que l’introduction de la
compétition électorale en Afrique n’a pas transformé les décideurs politiques africains en de
bons gestionnaires de la macroéconomie. En effet, en utilisant des données sur un échantillon
de 46 pays africains, pour la période 1970-1995, Bates (2005, 2007) montre que la
compétition électorale ne favorise pas en Afrique la mise en oeuvre de politiques de
stabilisation macroéconomique prônées par les institutions financières internationales, tel que
la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International.
Les résultats de récents travaux empiriques relatifs à l’analyse des cycles politico
budgétaires confortent aussi les prédictions de « l’approche populiste » de l’inflation. En

131
effet, il a été récemment établi que les cycles politico budgétaires sont d’une plus grande
ampleur dans les PED que dans les pays développés (Brenda et Drazen, 2005 ; Shi et
Svenson, 2002, 2000). Dans cette situation, la démocratie qui signifie en grande partie des
consultations électorales régulières, risque de défier la stabilité macroéconomique dans les
PED.
Contrairement aux travaux cités ci-dessus, d’autres auteurs établissent une relation
négative entre l’inflation et la démocratie ou une absence de relation entre les deux variables.
C’est ainsi que Satyanath et Subramanian (2004, 2007) établissent une relation négative entre
l’inflation et la démocratie. Ces auteurs effectuent leurs analyses en utilisant un échantillon de
70 pays développés et de PED, et une technique des doubles moindres carrés à partir des
données transversales couvrant la période 1960-2003.
De leur côté, Desai et al. (2003) obtiennent une relation négative entre l’inflation et la
démocratie, mais lorsqu’ils conditionnent par le niveau d’inégalité de revenu, la relation entre
l’inflation et la démocratie devient positive. Ces auteurs utilisent un échantillon composé de
plus de 100 pays développés et PED, appliquent la technique de GMM en première différence
avec des données de panel annuel couvrant la période 1960-1999. Quant à Aisen et Veiga
(2006), ils appliquent la technique de GMM system à base de données de panel annuel et
établissent une relation négative entre l’inflation et la démocratie dans un échantillon de 97
pays développés et PED pour des données datant de la période 1960-1999. Cependant,
lorsque ces auteurs limitent leurs analyses aux 75 PED de leur échantillon, la relation entre
l’inflation et la démocratie n’est plus statistiquement significative.
A travers la revue de la littérature empirique, trois principales contributions de ce
chapitre peuvent être soulignées. Premièrement, nous proposons une nouvelle et valide
variable instrumentale pour les institutions démocratiques. En effet, nous proposons la date
d’indépendance politique comme une variable instrumentale pour analyser les relations entre
les institutions démocratiques et les variables de politique macroéconomique. A notre
connaissance, c’est la première fois que la date d’indépendance politique est utilisée comme
une variable instrumentale pour des analyses entre les indicateurs d’institutions démocratiques
et les indicateurs de politique macroéconomique.
Deuxièmement, comme il apparaîtra dans la suite de ce chapitre, nous identifions la
hausse de la masse monétaire et la baisse de l’ouverture commerciale comme de potentiels
canaux de transmission de l’effet de la démocratie sur l’inflation dans les PED. La revue de la
littérature empirique ci-dessus confirme que ce travail serait le premier à identifier la hausse
de la masse monétaire et la baisse du volume du commerce extérieur comme de potentiels

132
canaux par lesquels la démocratie affecterait l’inflation dans les PED. Dans la suite du
chapitre nous expliquons comment la démocratie affecte les canaux de transmission, et
comment chacun des canaux affecte à son tour l’inflation.
Troisièmement, nous montrons que la « démocratie populiste » serait une expérience
surtout observée dans les pays de l’Amérique Latine. Dans les autres régions en
développement -Asie et Afrique- la démocratie n’aurait pas un effet significatif sur l’inflation,
même si cet effet est positif. A notre connaissance, ce serait la première fois que l’effet
différencié de la démocratie sur l’inflation dans les PED est empiriquement mis en exergue.

3. Arguments théoriques

En démocratie, la majorité des citoyens a le droit de voter, d’exprimer ses préférences


pour des politiques économiques et le gouvernement à travers ses politiques économiques, est
supposé représenter ou satisfaire les préférences de l’ensemble de la population (Acemoglu et
Robinson, 2006b). De même, en démocratie les préférences de l’électeur médian (EM) sont
les plus importantes aux yeux des différents candidats aux élections, car tout candidat qui
réussirait à satisfaire les préférences de l’EM, serait très probablement élu : c’est le principe
du théorème de l’EM. Ainsi dans un système démocratique constitué de deux partis politiques
dont les responsables se préoccupent uniquement de leurs accessions au pouvoir, on devrait
observer une convergence des plateformes politiques des différents partis vers les préférences
de l’EM (Downs, 1957 ; Hotelling, 1929) 33.
Nous nous inspirons du théorème de l’EM pour tenter de comprendre l’effet des
institutions démocratiques sur l’inflation dans les PED. Pour ce faire, nous faisons
l’hypothèse que l’EM est pauvre dans les PED, puisque la majorité des individus y sont

33
L’EM est l’électeur dont les préférences pour les politiques économiques partage l’ensemble des électeurs en
deux proportions égales c'est-à-dire 50% des électeurs préfèrent une politique supérieure à celle de l’EM, et 50%
autres ont une préférence inférieure à celle de l’EM. A titre illustratif, considérons un contexte politique où les
individus sont appelés à choisir entre les politiques qM et q″ avec q″ > qM. A partir du moment où les préférences
individuelles sont unimodales, tous les individus dont la politique idéale est inférieure à qM préfèrent strictement
qM. Ceci est dû à la baisse monotone de la fonction d’utilité indirecte lorsque les individus s’éloignent de leurs
politiques idéales. Dans cette situation puisque l’EM préfère qM à q″, l’EM et tous les autres individus dont la
politique idéale est inférieure à qM constituent la majorité. Lorsque les élections sont organisées dans un tel
contexte qM est choisi au détriment de q″. De la même manière, lorsque q″ < qM, qM bat q″ lors des consultations
électorales. Dans ce cas, tous les individus dont la politique idéale est supérieure à q″ votent en faveur de qM et
constituent avec l’EM la majorité électorale. Il apparaît donc qu’en démocratie, la préférence de l’EM est celle
qui prédomine et les candidats dont la plateforme politique se rapproche le plus à cette préférence, seraient
normalement élus. Cet exemple illustratif est extrait de l’ouvrage de Acemoglu et Robinson (2006b).

133
pauvres34. Un EM pauvre se caractérise par un revenu YM inférieur au revenu moyen national
Y , et fait partie de la majorité des citoyens (Acemoglu et Robinson, 2006). Dans cette
configuration théorique, les préférences politiques des électeurs pauvres sont celles qui
devraient prédominer dans un système démocratique. Car l’on suppose qu’une partie des
citoyens pauvres ne peut pas constituer avec une partie des citoyens riches la majorité
électorale et vice versa. De même, l’on suppose qu’il existe une nette différence entre les
préférences de politique économique des citoyens pauvres et celles des citoyens riches.
(Acemoglu et Robinson, 2006b). En particulier, la littérature économique suppose que les
riches et les pauvres n’ont pas les mêmes préférences pour l’inflation35.

3.1 Préférences de l’électeur médian et maîtrise de l’inflation dans les pays en


développement

Le taux d’inflation est un indicateur de la stabilité macroéconomique. Dans un pays, la


stabilité macroéconomique peut être réalisée par la mise en oeuvre de politiques monétaires et
budgétaires rigoureuses. Les politiques budgétaires et monétaires sont considérées comme des
politiques traditionnelles de maîtrise de l’inflation (World Bank, 2005). Ces dernières années,
plusieurs travaux montrent que l’ouverture commerciale peut aussi contribuer à la
stabilisation macroéconomique, dans le sens où l’ouverture commerciale pourrait entraîner
une baisse de l’inflation (Romer, 1993; Campillo et Miron, 1996, 1997; Lane, 1997; Rogoff,
2003).
Lane (1997) présente un modèle avec deux secteurs : un secteur de biens échangeables
et un secteur de biens non échangeables caractérisé par des distorsions dues aux positions de
monopole de certaines entreprises locales. Lane soutient que l’inflation surprise peut être
utilisée pour réduire ces distorsions. Cependant, selon cet auteur, plus une économie est
ouverte, plus faible est la part de biens non échangeables dans la consommation nationale, et
plus faible la correction nécessaire de distorsions dans le secteur des biens non échangeables.
Ainsi, Lane (1997) soutient que, plus une économie est ouverte moins les autorités nationales
auraient besoin de recourir à l’inflation surprise, ce qui implique une relation négative entre
l’ouverture commerciale et l’inflation.

34
Dans leur chapitre 4, Acemoglu et Robinson (2006b) font la même hypothèse d’un EM pauvre dans un
contexte où la majorité des individus sont pauvres, c'est-à-dire la majorité des individus ont un revenu inférieur à
la moyenne nationale. Une telle situation caractérise la plupart des PED.
35
Scheve (2004) et Jayadeva (2006) ont établi une relation positive entre la préférence pour l’inflation et le
niveau de pauvreté dans des échantillons constitués essentiellement de pays développés. Ces travaux montrent
que les pauvres pour différentes raisons sont moins adverses à l’inflation que les riches.

134
De son côté, Rogoff (2003) défend que l’ouverture commerciale stimule la
compétition ce qui entraîne une baisse des prix et par conséquent, un effet direct sur le niveau
d’inflation. De même, Rogoff (2003) soutient que l’influence majeure de la compétition sur
les prix passe par le processus politique qui influe sur les tendances de l’inflation à long
terme. La concurrence internationale non seulement réduit le niveau des prix mais aussi rend
plus flexibles les prix et les salaires. Par conséquent, l’effet de l’inflation surprise est faible et
transitoire dans un environnement concurrentiel. Ainsi selon Rogoff (2003), plus une
économie est ouverte, plus la concurrence est élevée, et moins il existe de raison que les
banques centrales aient recours à l’inflation surprise. Dans un tel contexte, les dirigeants
politiques sont aussi moins incités à demander aux banques centrales de faire de l’inflation
surprise.
Dans ce chapitre nous supposons que les décideurs disposent de trois instruments de
politique économique -politique budgétaire, politique monétaire et politique de libéralisation
commerciale- pour réduire l’inflation. La question est de savoir si les décideurs politiques
choisiraient ces politiques lorsque leurs pays deviennent plus démocratiques. La réponse à
cette question est loin d’être évidente car cela dépend des préférences de l’EM. En effet, tel
que nous l’analysons plus haut, lorsqu’un gouvernement sortant souhaite se faire réélire, dans
un régime démocratique caractérisé par un système électoral transparent, ce gouvernement
devrait satisfaire les préférences de l’EM. Cependant, dans les PED l’EM pourrait avoir
certaines préférences qui ne sont pas forcément compatibles avec l’objectif de stabilité
macroéconomique.

3.1.1 Préférences de l’électeur médian pour les biens et services publics fondamentaux

Les populations dans les PED ont un faible accès aux biens et services publics
fondamentaux (eau, santé, école, etc). Cet état de faits est peu discutable et a motivé
l’engagement de la communauté internationale et des dirigeants des PED en 2000 en faveur
des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Les OMD visent à réduire la
pauvreté de moitié d’ici 2015 via essentiellement la fourniture de biens et services publics
fondamentaux aux populations des PED. L’accès aux biens publics est encore plus limité pour
les citoyens les plus pauvres dont fait partie l’EM. La quantité de biens et services publics
consommés par l’EM dans les PED est socialement sous optimale. Ce caractère sous optimal
peut s’apprécier en termes de distances parcourues par les enfants issus de familles pauvres
pour se rendre à l’école, de distances parcourues pour avoir accès à l’eau potable, pour avoir

135
accès aux centres de santé, etc. A titre illustratif, les experts de l’ONG Oxfam estiment que
dans les PED, chaque jour, 4.000 enfants meurent de la diarrhée, une maladie causée par la
consommation des eaux sales et 1.400 femmes meurent pendant la grossesse ou
l’accouchement. Ainsi, avoir accès aux biens et services publics peut signifier la différence
entre la vie et la mort dans les PED.
Plus la quantité de biens et services publics consommés par l’EM est sous optimale,
moins l’utilité de l’EM est élevée. De plus, une consommation optimale de biens et services
publics fondamentaux peut entraîner une hausse de la productivité, une hausse des
opportunités de gains de revenu et par conséquent, une hausse des ressources financières
utilisées pour satisfaire les besoins de la population. Ainsi, dans les PED lors des élections
politiques, l’EM pourrait exprimer une forte demande de biens et services publics
fondamentaux dans le but d’améliorer son bien-être. Un tel argument va dans le sens du
travail de Besley et Kudamatsu (2006) qui montrent que les politiques de santé publique sont
plus efficaces dans les pays démocratiques du fait des préférences de l’EM pour les services
de santé.
Dans les PED, lorsque les gouvernements décident de satisfaire la demande de biens
publics qu’exprime l’EM, les gouvernements risquent d’accroître leurs déficits publics car
plusieurs gouvernements des PED ne disposent pas de suffisamment de ressources pour
financer leurs budgets. De plus, dans les PED le financement des dépenses publiques par
impôts ou par emprunts est limité. En effet, les gouvernements des PED du fait de la capacité
d’épargne limitée de leurs citoyens ne peuvent emprunter que de façon limitée sur les marchés
domestiques. Les tractations administratives de même que la faible solvabilité des
gouvernements des PED limitent leurs capacités d’emprunts extérieurs. Des conditions
structurelles et technologiques des économies sous-développées réduisent la capacité de leurs
gouvernements à prélever l’impôt. Le seigneuriage apparaît alors, comme la source de
financement par laquelle les gouvernements des PED peuvent espérer accroître rapidement et
de façon certaine, leurs dépenses publiques (Cukierman et al., 1992 ; Edwards et Tabellini,
1991). Par ailleurs, du fait d’une faible indépendance des Banques Centrales36 vis-à-vis de
l’exécutif dans les PED, le financement des biens publics par création monétaire est très
plausible dans ces pays.
Notre raisonnement théorique relatif aux préférences de l’EM pour les biens publics
nous permet de faire la déduction suivante : si un gouvernement d’un PED désire se maintenir

36
Cukierman et al. (1992) montrent que les Banques Centrales en pays sous-développés sont de facto faiblement
indépendantes vis-à-vis du chef de l’exécutif.

136
au pouvoir alors que ses capacités de prélèvement fiscal et d’emprunt sont limitées, ce
gouvernement risque de recourir à la création monétaire pour satisfaire la demande de biens et
services publics exprimée par l’EM. Ce faisant, le gouvernement en question accroît le risque
d’une hausse des prix, c’est-à-dire l’inflation. Notre raisonnement théorique indique que la
démocratie peut permettre à la majorité des citoyens dans les PED d’exprimer leurs
préférences pour les biens et services publics. De même, notre raisonnement théorique
indique que lorsque les gouvernements visent leurs maintiens au pouvoir, il est très probable
qu’ils augmentent les déficits publics et qu’ils répondent à la demande de l’EM pour les biens
publics par la création monétaire. La combinaison de ces deux arguments permet de mettre en
exergue la hausse du déficit public et de la création monétaire comme de potentiels canaux
par lesquels la démocratie entraînerait l’inflation dans les PED.
Nous faisons implicitement l’hypothèse que l’EM dans les PED ignore les
conséquences macroéconomiques de certaines de ses préférences. Il est en effet difficile
d’imaginer que l’EM dans les PED sache que ses préférences pour les biens publics
pourraient entraîner la mise en œuvre de politiques économiques susceptibles d’engendrer une
hausse de l’inflation. Car comme nous le mentionnions, l’EM a un faible accès à l’école, par
conséquent, il serait moins qualifié pour bien comprendre les conséquences
macroéconomiques de certaines de ses préférences. Par ailleurs, même si l’EM pouvait
comprendre les conséquences de ses préférences, avoir accès aux biens publics est une
question vitale (voir ci-dessus les commentaires des experts de Oxfam). Dans ce cas alors,
l’EM se préoccuperait uniquement de son accès aux biens et services publics
indépendamment des conséquences éventuelles des moyens utilisés pour financer ces biens.
Enfin, comme nous le soulignions, l’EM dans les PED est un individu pauvre, alors une très
petite part du revenu de l’EM pourrait être érodée par une inflation élevée, par conséquent,
l’EM serait moins préoccupé par la hausse de l’inflation qui pourrait résulter de l’utilisation
de moyens inappropriés pour financer les biens publics dans les PED.

3.1.2 Méfiance de l’électeur médian vis-à-vis de l’ouverture commerciale

Les effets de l’ouverture commerciale pour l’EM peuvent être incertains et à cause de
cette incertitude, l’EM peut ne pas préférer la libéralisation commerciale37. Dans le même

37
L’incertitude des effets de la libéralisation commerciale pour le citoyen moyen peut exister aussi bien dans les
pays développés que dans les PED. Caplan (2001) a mené une enquête aux Etats-Unis d’Amérique où il compare
les opinions du public général à celles des économistes concernant certaines questions économiques. Par
exemple, il a demandé à une partie de la population si elle pense que les accords de libre échange signés entre les

137
sens, Fernandez et Rodrik (1991) montrent que du fait des incertitudes ex-ante concernant les
gagnants et les perdants des réformes, certaines réformes et en particulier les réformes
commerciales pourraient ne pas être adoptées, même si une fois mises en œuvre, ces réformes
pourraient générer un soutien politique adéquat.
Si l’incertitude des effets de l’ouverture commerciale pour l’EM et l’ensemble du pays
constitue l’une des préoccupations de l’EM, l’autre préoccupation de l’EM serait relative à sa
capacité à jouir de possibles effets bénéfiques de l’ouverture commerciale. En effet, dans les
PED à cause de certaines distorsions dans les économies nationales, les bénéfices de la
libéralisation commerciale pourraient ne pas atteindre les plus pauvres de la population. Dans
cette perspective, Hellman (1998) montre que les premiers gains issus des premières réformes
économiques dans les ex-pays communistes étaient capturés par l’élite politique et
économique qui avait bloqué la continuité de ces réformes, excluant ainsi la majorité de la
population des gains des réformes.
Du fait de l’incertitude des effets de l’ouverture commerciale pour l’EM d’une part, et
du fait des difficultés que pourrait rencontrer l’EM pour jouir de possibles effets positifs de
l’ouverture commerciale d’autre part ; l’EM dans les PED pourrait avoir une faible préférence
pour la libéralisation commerciale38. Ainsi, la démocratie pourrait entraîner la réduction de la
libéralisation commerciale dans les PED39, puisque les gouvernements doivent satisfaire les
préférences de l’EM pour être sûrs d’être réélus.
Nous nous inspirons du théorème de l’électeur médian pour analyser la relation entre
l’inflation et la démocratie dans le contexte de PED. Nous évoquons les caractéristiques

Etats-Unis et ses partenaires économiques ont permis de créer plus d’emplois aux Etats-Unis. Caplan (2001)
codifie les réponses des répondants comme suit : 0 pour désigner la réponse « les accords de libre échange ont
entraîné des destructions d’emplois aux Etats-Unis », 1 pour la réponse « les accords de libre échange n’ont pas
entraîné d’énorme différence en matière de création d’emplois » 2 pour les répondants qui considèrent que « les
accords de libre échange ont permis des créations d’emplois ». Caplan trouve que la réponse moyenne chez les
économistes est 1,47, en revanche chez le reste du public, non économiste, la valeur moyenne des réponses est
de 0,64. A travers les résultats de l’étude de Caplan (2001), il apparaît que le citoyen américain moyen, n’est pas
sûr de bénéficier de l’ouverture commerciale. Il est donc aussi possible que l’EM dans les PED soit incertain
quant aux effets de l’ouverture commerciale pour lui et pour son pays.
38
Une enquête réalisée en 2004 par les experts de l’Afrobaromètre dans 15 pays d’Afrique montre que la
majorité de la population approuve le protectionnisme commercial. Par ailleurs, le fait que l’Inde, le pays en
développement le plus démocratique au monde ait pris du temps avant d’ouvrir son économie au reste du monde,
pourrait être en rapport avec les craintes de l’EM concernant les effets de l’ouverture commerciale dans ce pays.
39
Un des sujets controversés de l’économie politique des réformes est l’effet de la démocratie sur l’ouverture
commerciale. En suivant les prédictions des modèles classiques de l’ouverture commerciale, en particulier les
modèles de Heckscher-Ohlin et de Stolper-Samuelson du commerce international, certains auteurs soutiennent
que la démocratie favoriserait l’ouverture commerciale, puisque la majorité des individus bénéficierait de
l’ouverture commerciale surtout dans les pays fortement dotés en travail (Mayer,1984 ; O’Rourke et Taylor,
2006 ; Milner et Kubota, 2005 ; De Haan et Sturm, 2003 ; Eichengreen et Leblang 2006). En revanche d’autres
auteurs ont trouvé une relation négative entre l’ouverture commerciale et la démocratie ou un faible effet positif
de la globalisation sur la classe ouvrière (Yu, 2005 ; Perry et Olarreaga, 2007).

138
structurelles des économies en développement et l’état de pauvreté de l’EM dans les PED
pour mieux comprendre la relation entre l’inflation et la démocratie dans les PED. Notre
raisonnement théorique nous permet de faire la proposition empiriquement testable suivante :
Dans les PED, la démocratie risque d’entraîner une hausse de l’inflation d’une part, à cause
de la demande par l’électeur médian de biens et services publics financés par la création
monétaire, et d’autre part du fait de la faible préférence de l’électeur médian pour la
libéralisation commerciale.

4. Analyses empiriques

Dans une étude empirique sur la relation entre l’inflation et la démocratie, le premier
problème auquel l’on est confronté est celui de l’endogénéité. En effet, une inflation élevée
est de nature à entraîner l’instabilité des régimes politiques et un mauvais fonctionnement des
institutions. Des exemples historiques illustrent bien les changements politiques provoqués
par une forte inflation. Dans cette perspective, les évènements suivants peuvent être cités en
exemple : la prise du pouvoir par Hitler en 1933, les changements de régimes politiques au
Brésil en 1964, au Ghana et en Indonésie en 1966, au Chili en 1973, et en Argentine en 1975.
Tous ces évènements coïncident avec des périodes d’inflation élevée et militent en faveur de
la possibilité d’erreurs de simultanéité dans l’analyse empirique de la relation entre l’inflation
et la démocratie. Au-delà de la simultanéité, le caractère « subjectif » de la mesure du niveau
de démocratie peut entraîner des erreurs de mesure susceptibles de générer des coefficients
biaisés. De même, une omission de variables explicatives pertinentes peut entraîner des
résultats biaisés.
Pour résoudre le problème d’endogénéité, nous recourons à la technique
d’instrumentation en utilisant la date d’indépendance politique comme un instrument pour les
institutions démocratiques dans notre échantillon de 62 PED, ex-colonies d’extraction dont 32
pays africains. Le choix de notre échantillon composé de pays ex-colonies, se justifie par
l’opportunité que nous offre un tel échantillon pour l’obtention d’une variable instrumentale
issue « d’expérience naturelle ». Par ailleurs, comme nous nous intéressons à l’analyse de
l’effet de la démocratie sur l’inflation dans les PED, le choix de notre échantillon se justifie
également car il est bien représentatif des PED. En effet, notre échantillon comprend un grand
PED au plan démographique et économique comme l’Inde, des pays émergents comme
l’Argentine, le Brésil, Singapour. Enfin, notre échantillon comprend une part importante de

139
pays africains qui sont les plus pauvres des PED. La taille de notre échantillon est limitée à 62
PED compte tenu de la disponibilité des données sur les institutions démocratiques et sur le
taux d’inflation.
Le second problème dans une étude comme celle que nous menons, est celui de
l’identification de mécanismes par lesquels la démocratie affecterait l’inflation. En effet, le
taux d’inflation est en grande partie le reflet des politiques macroéconomiques suivies par un
pays, et la démocratie est un système politique impliquant plusieurs acteurs dans le choix de
politiques économiques. En se basant sur notre raisonnement théorique, nous allons tester
l’effet de la démocratie sur les variables de politique macroéconomique suivantes : le solde
budgétaire, le taux de croissance de la masse monétaire et un indicateur d’ouverture
commerciale, mais aussi les effets de ces variables de politique économique sur l’inflation en
corrigeant aussi pour le risque d’endogénéité de ces variables.
Notre stratégie empirique comprend principalement trois étapes. Nous estimons
d’abord la relation entre l’inflation et la démocratie en contrôlant uniquement pour l’inflation
retardée -cette estimation constitue le point de départ de notre analyse-, puis nous ajoutons les
variables correspondant aux canaux de transmission, enfin, nous contrôlons pour d’autres
déterminants de l’inflation identifiés dans la littérature. Cette démarche en trois étapes nous
permet de tester plus rigoureusement nos arguments.

4.1 Arguments théoriques sur la relation entre la date d’indépendance et la


qualité des institutions démocratiques

La date d’indépendance peut être considérée comme une variable instrumentale pour
la qualité des institutions démocratiques afin d’établir une relation causale entre l’inflation et
la démocratie dans notre échantillon. En effet, il est difficile d’imaginer un autre canal par
lequel la date d’indépendance pourrait affecter le niveau d’inflation d’un pays que par son
effet sur la qualité de ses institutions politiques. Par ailleurs, nous développons trois
arguments théoriques pouvant expliquer la relation entre la date d’indépendance et la qualité
des institutions démocratiques. Le premier argument se fonde sur la thèse de Acemoglu,
Johnson et Robinson (2001) relative aux stratégies coloniales. Le second argument est relatif
aux effets de « learning by doing » des leaders politiques nationaux aux lendemains des
indépendances. Et le dernier argument porte sur les externalités relatives aux périodes
d’acquisition des indépendances politiques.

140
4.1.1 Relation entre la qualité des institutions démocratiques et la date d’indépendance : Un
argument fondé sur la thèse de Acemoglu, Johnson et Robinson (2001)

Selon Acemoglu, Johnson et Robinson (2001), les ex-colonisateurs Européens ont mis
en place des stratégies différentes dans les colonies selon que les conditions climatiques
étaient favorables ou hostiles à la survie des colons. Dans les colonies jouissant de conditions
climatiques hostiles à la survie des colons blancs40, ceux-ci ont mis en place une stratégie
d’extraction visant à assurer l’exploitation économique des colonies. Une telle stratégie
coloniale a entraîné la mise en place des institutions de mauvaise qualité dans les colonies
d’extraction.
Nous soutenons que, plus un pays, ex-colonie d’extraction a vécu sous administration
coloniale, plus le pays en question risque d’hériter au moment de son indépendance des
institutions de mauvaise qualité. En effet, plus la période coloniale dure, plus la stratégie
d’extraction et les institutions de mauvaise qualité risquent de perdurer dans une colonie
d’extraction. Car au cours du temps les conditions climatiques n’ont pas changé dans les
colonies, c’est-à-dire, les colonies au climat tropical ne s’étaient pas transformées en colonies
au climat tempéré. Une telle situation implique que la stratégie d’extraction coloniale a peu
changé au cours du temps, car comme le soutiennent Acemoglu, Johnson et Robinson (2001),
les stratégies d’exploitation coloniale étaient définies en fonction des conditions climatiques
dans les ex-colonies.
Par ailleurs, la persistance des institutions fait qu’un pays qui hérite des institutions de
mauvaise qualité au moment de son indépendance, ce pays a de forte chance de disposer aussi
des institutions de mauvaise qualité de nos jours. Ainsi, les caractéristiques, la durée de la
stratégie d’extraction coloniale et la persistance de la qualité des institutions, nous permettent
de défendre l’hypothèse selon laquelle il existerait une relation négative entre la date
d’indépendance et la qualité des institutions démocratiques dans les ex-colonies d’extraction.
Autrement dit, plus tard un pays ex-colonie d’extraction acquiert son indépendance, moins ses
institutions démocratiques seraient de bonne qualité.
Notre argument fondé sur la thèse de Acemoglu, Johnson et Robinson (2001) se
résume à travers le schéma suivant :
40
Selon Acemoglu, Johnson et Robinson (2001), les ex-colonies d’Afrique, d’Amérique Latine, et des Caraïbes
jouissent des conditions climatiques tropicales et donc hostiles à la survie des colons blancs. Ces colonies étaient
des colonies d’extraction et ont donc hérité des institutions de mauvaise qualité. Par contre, des pays comme les
Etats-Unis, l’Australie, le Canada et la Nouvelle Zélande jouissant des conditions climatiques semblables à
celles de l’Europe, étaient considérés comme des colonies de peuplement et ont hérité de bonnes institutions de
la période coloniale.

141
Date d’indépendance

Durée de période d’exploitation coloniale

Institutions politiques post coloniales

Institutions démocratiques actuelles

Taux d’inflation

4.1.2 Relation entre la qualité des institutions démocratiques et la date d’indépendance : Un


argument fondé sur les effets du « learning by doing » des leaders politiques nationaux

La qualité des institutions démocratiques dépend des choix institutionnels effectués


par les pays et de la manière dont les pays réagissent vis-à-vis de leurs éventuelles erreurs de
choix institutionnels. Nous soutenons que les pays qui ont vite acquis leur indépendance
politique sont des pays qui ont pu effectuer tôt, des choix institutionnels (même si certains de
ces choix peuvent ne pas avoir été libres). Ces pays ont donc eu le temps d’observer les
conséquences de leurs choix, et de se rendre compte de possibles erreurs de leurs choix
institutionnels. Selon que ces pays aient pu ou non corriger leurs erreurs de choix
institutionnels, cela affecte la trajectoire de leurs institutions.
A travers cet argument, une relation positive ou négative peut être attendue entre la
date d’indépendance et la qualité des institutions démocratiques, tout dépend de la manière
dont les erreurs de choix institutionnels sont gérées. Si les erreurs de choix institutionnels sont
renforcées au cours du temps, alors les pays qui ont vite acquis leur indépendance sont ceux
qui enregistreraient de mauvais scores institutionnels. A l’inverse, si à un moment donné les
erreurs de choix institutionnels sont courageusement corrigées, ceci aurait pour conséquence
de modifier positivement la trajectoire institutionnelle des pays. Dans ce cas, plus vite un pays
acquiert son indépendance politique, plus il serait en mesure de disposer de nos jours, des
institutions démocratiques de qualité élevée.
Notre argument suggère que même si les institutions changent lentement, l’acquisition
plus tôt de l’indépendance politique constituerait une opportunité pour les pays pour
apprendre de leurs erreurs, et réformer leurs institutions. A travers notre second argument

142
liant la qualité des institutions démocratiques à la date d’indépendance politique, un pays
pourrait initialement avoir des institutions de mauvaise qualité et disposer de nos jours des
institutions de bonne qualité, si ce pays a eu tôt l’opportunité d’apprendre de ses erreurs de
choix institutionnels et de les corriger. L’argument théorique liant la date d’indépendance à la
qualité des institutions démocratiques du fait de l’opportunité pour le « learning by doing »
qu’offre l’indépendance politique à un pays, se résume schématiquement comme suit :

Date d’indépendance

Indépendance Politique

Choix des institutions politiques post coloniales

Effets des institutions politiques post coloniales

Réactions vis-à-vis des erreurs de choix institutionnels

Institutions démocratiques actuelles

Taux d’inflation

4.1.3 Relation entre la qualité des institutions démocratiques et la date d’indépendance : Un


argument fondé sur les externalités de la période d’acquisition de l’indépendance

Nous pouvons évoquer des arguments en faveur d’une possible relation positive entre
la date d’indépendance et la qualité des institutions démocratiques. Ces arguments sont liés
aux externalités positives de la période d’acquisition de l’indépendance politique.
Plus tard un pays acquiert son indépendance plus ce pays dispose d’opportunités pour
éviter les erreurs des premiers pays indépendants. Un tel argument est valide en supposant par
exemple, que les dirigeants des pays ayant acquis tardivement leur indépendance pourraient
éviter de poursuivre des politiques qui ont provoqué des coups d’Etat dans les premiers pays
indépendants.

143
De même, plus tard un pays colonisé acquiert son indépendance, plus les
fonctionnaires d’origine locale de l’administration coloniale auraient eu le temps d’améliorer
leurs compétences dans la gestion des affaires publiques. Une telle situation contribuerait
indirectement à la formation de l’élite locale susceptible d’assurer la gestion des affaires
publiques aux lendemains de l’indépendance. Cet argument peut paraître naïf, mais il n’est
pas impossible.
Enfin, un pays ayant acquis tardivement son indépendance pourrait bénéficier des
externalités liées au contexte international. C’est ainsi qu’un pays indépendant dans les
années 1990 a plus de chance d’hériter des institutions démocratiques. Les années 1990
marquent en effet la chute du mur de Berlin et la volonté de la communauté internationale de
répandre les pratiques démocratiques dans les pays non encore démocratiques. Par contre, un
pays ayant acquis son indépendance au moment de la guerre froide, peut disposer des
institutions de mauvaise qualité sans que cela ne dérange trop les grandes puissances
occidentales, pourvu que le pays en question défende la même idéologie que celle des
puissances occidentales. Il en est ainsi par exemple, du soutien apporté par les Etats-Unis à
Mobutu (Président dictateur de l’ex Zaïre) qui soutenait Savimbi dans la lutte contre le régime
communiste de l’Angola au moment de la guerre froide.
Ainsi, en bénéficiant des externalités positives liées à la période d’acquisition de
l’indépendance, et du fait de la persistance des institutions, un pays ayant acquis tardivement
son indépendance pourrait hériter au moment de son indépendance de bonnes institutions qui
vont perdurer jusqu’à nos jours. Schématiquement on obtient :

Date d’indépendance

Formation de l’élite locale, Non reproduction des erreurs politiques des premiers pays
indépendants, Externalités du contexte international

Institutions politiques post coloniales

Institutions démocratiques actuelles

Taux d’inflation

144
Nous évoquons trois différents arguments pouvant expliquer la relation entre la date
d’indépendance et la qualité des institutions démocratiques. Ce faisant, nous reconnaissons la
complexité d’une telle analyse. Lequel des trois arguments ou mécanismes va l’emporter reste
une question qui peut être résolue empiriquement.

4.2 Spécification des modèles empiriques et description des variables

Un des objectifs de ce chapitre étant d’estimer l’effet de la démocratie sur le taux


d’inflation dans les PED tout en corrigeant pour l’endogénéité des institutions démocratiques,
nous estimons alors les équations suivantes :

l og ( inf lit -1 ) (3.1)

Demit = c + β log ( Datei ) + ν t + σ it (3.2)

De mi 0 = c + δ log ( Datei ) + ωi (3.3)

Demit = c + ϕ De mi 0 + ν t + µit (3.4)

L’équation (3.1) permet d’estimer la relation entre la démocratie et l’inflation. Dans


cette équation, L og ( inf lit ) représente le logarithme du taux d’inflation dans le pays i, à

l’instant t, et l og ( inf lit -1 ) représente le taux d’inflation retardée de cinq ans. Les données sur

le taux d’inflation sont obtenues de la base de données de la Banque Mondiale (WDI 2005).
Le taux d’inflation annuelle mesure la variation annuelle de l’indice de prix à la
consommation. ν t correspond aux effets fixes temporels, ε it au terme d’erreur et c, est la
constante. Dans l’équation (3.1), nous contrôlons pour l’inflation passée -inflation retardée de
cinq ans- afin de tenir compte dans une certaine mesure, des préférences sociales pour
l’inflation, ou des aspects persistants déterminant le taux d’inflation (Campillo et Miron,
1996, 1997).
Demit correspond à l’indice de démocratie dans le pays i, à l’instant t. L’indice de
démocratie est obtenu de la base de données de Polity IV41 et correspond à l’indice Polity 2
qui varie de -10 à +10. Il s’agit de la mesure du niveau de démocratie corrigé du degré de
dictature d’un régime politique. Une valeur élevée de cet indice surtout lorsqu’il est positif,

41
Pour les informations concernant les indices de démocratie de Polity IV, l’on peut se reporter au lien suivant :
http://www.systemicpeace.org/polity/polity4.htm.

145
indique un niveau élevé de démocratie. L’indice Poilty 2 mesure trois aspects d’un régime
démocratique : le degré de pluralisme politique et la transparence des processus électoraux, le
degré de compétition dans l’élection du chef de l’exécutif, et le niveau de contraintes
institutionnelles et politiques sur le chef de l’exécutif dans l’exercice de ses fonctions
Nos arguments théoriques prévoient une relation positive entre la démocratie et le taux
d’inflation dans les PED, nous espérons donc un coefficient α positif. La forme fonctionnelle
retenue dans l’équation (3.1) nous permet de réduire le poids des points aberrants dans les
estimations économétriques, c'est-à-dire des observations correspondant à des taux d’inflation
très élevés mais aussi, de tenir compte dans une certaine mesure, d’une non linéarité dans la
relation entre l’inflation et la démocratie. En effet, il est possible de penser que la relation
entre l’inflation et les institutions démocratiques peut varier selon le degré de démocratie d’un
régime politique. Nous estimons la relation entre l’inflation et la démocratie en utilisant des
données quinquennales en pooling, tout en contrôlant pour les effets fixes temporels. Une
telle technique d’estimation présente plusieurs avantages.
En utilisant des données en pooling et en contrôlant pour les effets fixes temporels,
nous pouvons contrôler pour les évènements comme les chocs pétroliers, qui ont entraîné
simultanément une hausse des prix dans tous les pays du monde. Par ailleurs, au cours du
temps, plusieurs pays sont arrivés à mieux maîtriser leurs taux d’inflation grâce à
l’amélioration des compétences des Banques Centrales et aux échanges commerciaux entre
pays (Rogoff, 2003). Ces deux phénomènes selon Rogoff, ont concerné toutes les économies
du monde, les ignorer risque d’entraîner un biais en faveur des institutions démocratiques
puisque le niveau de démocratie s’est aussi amélioré au cours du temps presque partout dans
le monde. Grâce aux effets fixes temporels, nous réduisons de tels risques de biais. Ainsi,
l’utilisation des données en pooling tout en contrôlant pour les effets fixes temporels permet
de réduire le biais de variables omises.
En réduisant le biais de variables omises, nous réduisons le biais dans nos estimations
économétriques. Cependant, pour établir une relation causale il nous faut utiliser une
technique d’instrumentation, d’où l’intérêt d’estimer les équations (3.2), (3.3) et (3.4).
L’équation (3.2) est l’équation instrumentale et permet de tester l’effet de la date
d’indépendance sur l’indice des institutions démocratiques. Les données sur la date
d’indépendance sont obtenues de CIA Factbook et du CD Rom Atlas Universel Larousse
(2003). En cas de divergence entre les deux sources, nous considérons la date d’indépendance
politique qui correspond à l’absence totale de présence coloniale dans un pays.

146
L’équation (3.2) intègre des effets fixes temporels, ce qui permet de prendre en
compte les facteurs qui ont entraîné simultanément des mouvements de démocratisation dans
plusieurs pays. Il s’agit par exemple de la chute du mur de Berlin en 1989, ou du discours à
Baule de François Mitterrand en 1990, invitant tous les pays africains francophones à se
démocratiser afin de pouvoir continuer par bénéficier de l’aide publique au développement
française. En estimant l’équation (3.2), nous pouvons identifier lequel des trois arguments
relatifs à la relation entre la date d’indépendance et les institutions démocratiques se révèle
être vérifié par les données.
L’équation (3.3) permet de tester l’effet de la date d’indépendance sur le niveau initial
de démocratie. A travers cette équation, il serait possible de savoir si le fait d’acquérir
tardivement l’indépendance est un avantage ou un inconvénient pour l’acquisition de bonnes
institutions démocratiques au moment de l’indépendance. Un coefficient δ négatif indique
que les pays ayant acquis tardivement leur indépendance sont ceux qui auraient hérité des
institutions démocratiques de mauvaise qualité. A l’inverse, un coefficient positif indique que
plus tard un pays acquiert son indépendance plus sa dotation initiale en institutions
démocratiques est relativement bonne. L’équation (3.3) permet donc de tester le mécanisme
associé à chacun des arguments relatifs à la relation entre la date d’indépendance et le niveau
initial de démocratie. Dans l’équation (3.3), De mi 0 correspond à la mesure du niveau de
démocratie l’année où le pays i acquiert son indépendance politique.
L’équation (3.4) permet de tester l’hypothèse de la persistance des institutions. Un
coefficient ϕ positif indique que les pays ayant acquis de bonnes (mauvaises) institutions au
moment de leur indépendance sont également ceux qui disposent de bonnes (mauvaises)
institutions sur la période 1960-2003. En confrontant les résultats des équations (3.3) et (3.4)
nous pourrions alors trouver une explication du résultat qui résulte de l’équation (3.2).
Les résultats des estimations de l’équation (3.1) sans et avec instrumentation seront
présentés, ce qui permet de tester la robustesse de nos résultats et surtout d’identifier la source
d’endogénéité dans nos données. L’équation (3.3) sera aussi estimée par un modèle probit.
Dans ce cas, la variable expliquée est une muette prenant la valeur de 1 si un pays i hérite à
l’indépendance d’un score institutionnel positif et 0 autrement.
Toutes les régressions économétriques sont effectuées avec un échantillon total de 62
PED, ex-colonies d’extraction (la liste des pays ainsi que leurs dates d’indépendance
respectives se trouvent en annexe de ce chapitre). Nous utilisons des données quinquennales
en pooling couvrant la période 1960-2003. Normalement, pour chaque pays nous devrions

147
avoir neuf observations mais ceci n’est pas le cas du fait d’observations manquantes pour
certaines variables et pour certains pays.
Nous rappelons que les données en pooling ont la même structure que les données de
panel à la différence qu’avec les données en pooling, l’on ne peut pas contrôler pour les effets
fixes pays. L’utilisation des données en pooling est appropriée pour nos analyses car les
institutions sont supposées ne pas beaucoup varier dans le temps. De plus, la variable
instrumentale que nous suggérons pour les institutions démocratiques, à savoir la date
d’indépendance politique, ne varie pas du tout dans le temps. Pour ces différentes raisons,
effectuer des régressions économétriques en contrôlant pour les effets fixes pays n’est pas
réalisable.

4.3 Analyse des évolutions tendancielles des indices de démocratie et du taux


d’inflation

Avant d’analyser les résultats de nos estimations économétriques, nous présentons


graphiquement les évolutions tendancielles du taux d’inflation et de l’indice des institutions
démocratiques.

Graphique III.1 : Evolutions tendancielles du taux d’inflation (en logarithme) et de l’indice


d’institutions démocratiques dans notre échantillon de 1960-2003

5
4
3
2
1
0
-1
-2
-3
-4
60-64 65-69 70-74 75-79 80-84 85-89 90-94 95-99 00-03
infl 1,1364 1,2251 2,0286 2,5258 2,7307 2,5635 2,7324 2,071 1,6339
dem -0,88 -2,1112 -2,8842 -3,318 -2,3016 -1,5311 1,529 3,0387 3,7419

Source : calcul de l’auteur à partir des données de WDI (2005) et de Polity IV.

148
Il apparaît sur le graphique III.1, une hausse du taux d’inflation depuis le quinquennat
1970-74 jusqu’au quinquennat 1990-94 puis un début de baisse d’inflation à partir de la
période 1995-99. Quant à l’indice de démocratie, il enregistre une amélioration de sa valeur
au début des années 1980. L’analyse simultanée des évolutions des deux courbes montre que,
c’est après que l’indice de démocratie ait enregistré une amélioration significative de sa valeur
que les PED ont connu leurs taux d’inflation les plus élevés. Cette observation caractérise
surtout les situations des quinquennats 1985-89 où l’indice de démocratie enregistre sa
dernière valeur négative et le quinquennat 1990-94 où l’inflation atteint sa valeur maximale
dans les PED. Au total, on observe une hausse simultanée de l’inflation et de la démocratie de
1975 à 1994 et une relation négative entre les deux variables de 1995 à 2003. Ainsi, pour la
grande partie de la période d’analyse, la relation entre l’inflation et la démocratie semble
positive.

5. Résultats des estimations économétriques

Le tableau III.1 présente le résultat de l’effet de la démocratie sur l’inflation. La


colonne (2) du tableau III.1 indique qu’en DMC, la démocratie affecte positivement et
significativement l’inflation dans les PED, ex-colonies d’extraction. Plus précisément, les
résultats suggèrent qu’en DMC, après avoir contrôlé pour l’inflation retardée, une hausse
équivalente à un écart-type de l’indice des institutions démocratiques (6,517), entraînerait une
hausse de 33 points de pourcentage du taux d’inflation. La comparaison du résultat de la
colonne (1) à celui de la colonne (2) du tableau III.1 indique que la démocratie serait
endogène à cause des erreurs de mesure de la qualité des institutions démocratiques car le
coefficient associé à la démocratie en MCO est inférieur à sa valeur en DMC.
Le résultat de l’équation instrumentale dans la colonne (3) du tableau III.1 montre que
la date d’indépendance est un instrument satisfaisant des institutions démocratiques. En effet,
le coefficient associé à la date d’indépendance dans cette équation est très significatif avec
une statistique de student égale à 6. De plus, un diagnostic plus approfondi de la qualité de
notre variable instrumentale, indique que la date d’indépendance n’est pas un instrument
faible pour l’indice des institutions démocratiques. En effet, selon le critère d’instrument
faible à la Stock et Yogo (2002, 2005), un instrument est dit faible si le F-statistique de
l’équation instrumentale est inférieur à 10 lorsque le modèle ne contient qu’une seule variable

149
endogène et un seul instrument. Dans notre cas, le F-statistique est égal à 13 comme on peut
le constater dans le tableau III.142.

Tableau III.1 : Relation de base entre l’inflation et la démocratie

MCO DMC MCO MCO Probit MCO


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Log (infl) Log (infl) Dem Dem0 Dem0 Dem

Dem 0.010 0.050


(1.76)* (1.99)**
Log (inflation retardée) 0.664 0.656
(12.79)*** (12.18)***
Log (date) -55.317 47.213 22.010
(6.38)*** (3.02)*** (2.97)***
Dem0 0.425
(10.19)***
Constante 0.508 0.100 422.452 -357.869 -166.797 -0.192
(3.71)*** (0.61) (6.44)*** (3.04)*** (2.97)*** (0.29)

Nombre d’observations 409 409 409 62 62 543


R² (ajusté) 0.54 0.51 0.20 0.08 0.17 0.29
F-statistique - - 13.24*** - - -
Log de vraisemblance - - - - -34.302 -
Note: ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèse sont des t de student robustes à l’hétéroscédasticité. La colonne (3) correspond à l’équation
instrumentale, c'est-à-dire celle de la régression de l’indice de démocratie sur la date d’indépendance. Le F-
statistique associé à cette régression est supérieur à 10, ce qui indique que la date d’indépendance n’est pas un
instrument faible pour les institutions démocratiques selon le critère de Stock et Yogo (2002, 2005). Les
estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. Dem0 désigne le
niveau de démocratie l’année où un pays de notre échantillon acquiert son indépendance.

L’équation instrumentale indique une relation négative entre la date d’indépendance et


la qualité des institutions démocratiques : les pays ayant acquis tardivement leur
indépendance sont ceux qui disposent des institutions démocratiques de faible qualité pendant
la période 1960-2003. Un tel résultat est celui prévu par notre argument fondé sur la thèse de
Acemoglu, Johnson et Robinson (2001) et est illustré par le graphique AIII.1 en annexe. La
question est de savoir lequel des mécanismes associés aux différents arguments relatifs à la
relation entre la date d’indépendance et la qualité des institutions démocratiques est consistant
avec les données.
Le mécanisme fondé sur la thèse de Acemoglu, Johnson et Robinson (2001) prévoit
une relation négative entre la date d’indépendance et la dotation initiale en institutions

42
Nous obtenons qualitativement le même résultat lorsque nous utilisons la durée depuis l’indépendance au lieu
de la date d’indépendance. La différence est que l’effet de la durée depuis l’indépendance sur la qualité des
institutions démocratiques est positif, indiquant ainsi que les pays qui ont vite acquis leur indépendance
disposent des institutions de meilleure qualité. Nous préférons utiliser la date d’indépendance qui est un
évènement qui a lieu une seule fois dans l’histoire d’un pays, alors que la durée depuis l’indépendance capte
plusieurs évènements qui marquent simultanément un pays. La date d’indépendance serait alors plus exogène.

150
démocratiques des pays. Comme on peut le constater dans les colonnes (4) et (5), une telle
prédiction n’est pas corroborée par les données. A travers les résultats dans ces colonnes, il
apparaît une relation positive entre la date d’indépendance et la qualité initiale des
institutions démocratiques : les pays ayant acquis tardivement leur indépendance auraient
hérité au moment de leur indépendance des institutions démocratiques relativement bonnes.
Le graphique AIII.2 en annexe illustre la relation entre la date d’indépendance et la dotation
initiale en institutions démocratiques. La colonne (6) du tableau III.1 indique la persistance
des institutions : les pays qui auraient hérité des institutions démocratiques de bonne qualité à
l’indépendance sont ceux qui disposeraient aussi de bonnes institutions démocratiques au
cours de la période 1960-2003.
Les résultats du tableau III.1 révèlent une relation positive entre la date
d’indépendance et la dotation initiale en institutions démocratiques des pays. Les mêmes
résultats indiquent la persistance des institutions. Alors, comment peut-on comprendre la
relation négative entre la date d’indépendance et la qualité des institutions démocratiques dans
notre échantillon ?
Des analyses plus approfondies permettent de comprendre ces résultats. Tout d’abord,
remarquons dans le tableau III.1 que la persistance des institutions démocratiques n’est pas
parfaite puisque dans la colonne 6 du tableau III.1, le coefficient associé au niveau initial de
démocratie est inférieur à 1. Ce résultat signifie que l’avantage en termes de qualité des
institutions démocratiques des pays ayant acquis tardivement leur indépendance s’est érodé au
cours du temps. Ce faisant, les pays ayant acquis tôt leur indépendance pourraient inverser
leurs désavantages en termes de qualité des institutions, comparativement aux pays ayant
acquis tardivement leur indépendance. Ceci expliquerait pourquoi bien que les pays
tardivement indépendants soient initialement dotés de bonnes institutions, ces pays disposent
en moyenne des institutions démocratiques de faible qualité pendant la période 1960-2003,
comparativement aux pays ayant acquis tôt leur indépendance. Ainsi, nos résultats sont
cohérents avec notre argument relatif aux effets du « learning by doing » engendrés par
l’acquisition plus tôt de l’indépendance politique. En effet, malgré leur relatif initial
désavantage, les pays ayant acquis tôt leur indépendance, disposent en moyenne des
institutions de meilleure qualité pendant la période 1960-2003.
Des analyses de statique comparative permettent de mieux comprendre les résultats
que nous avons obtenus quant à la relation entre la date d’indépendance et la qualité des
institutions démocratiques. Comparés aux pays africains et asiatiques, les pays latino-
américains et des caraïbes, ont vite acquis leurs indépendances politiques (au 19ème siècle

151
comparé au 20ème pour l’Afrique et l’Asie). De même, en moyenne la qualité initiale (pendant
les années d’indépendance) des institutions démocratiques en Amérique Latine (-1,52) était
inférieure comparativement à la qualité moyenne des institutions démocratiques initiales en
Asie et en Afrique (-0,64). Cependant, au cours de la période 1960-2003, la qualité des
institutions démocratiques en Amérique Latine (2,34) est supérieure à la qualité moyenne des
institutions démocratiques en Afrique et en Asie (-2,22)43. Ce changement de tendance des
institutions démocratiques en Amérique Latine serait dû au fait que les pays de cette région
comparativement à ceux de l’Afrique et de l’Asie ont eu le temps d’expérimenter différentes
institutions politiques, d’apprendre de leurs erreurs et de les corriger. Cette situation fait que
l’Amérique Latine dispose de nos jours de meilleures institutions démocratiques
comparativement à l’Asie et à l’Afrique44.
Nous obtenons une relation positive entre la démocratie et l’inflation comme le
prédisent nos arguments théoriques. Cette relation est causale puisqu’elle est issue d’une
technique d’instrumentation basée sur l’utilisation d’une variable instrumentale qui s’est
révélée bonne. La question est de savoir quels sont les mécanismes par lesquels la démocratie
affecterait l’inflation dans les PED.

5.1 Mécanismes de transmission de l’effet de la démocratie sur l’inflation

5.1.1 Effets des institutions démocratiques sur les politiques macroéconomiques et des
politiques macroéconomiques sur l’inflation

Théoriquement, nous soutenons que la démocratie entraînerait une hausse de


l’inflation dans les PED du fait des difficultés qu’elle pourrait engendrer pour la maîtrise du
déficit public, de la masse monétaire et/ou pour la mise en oeuvre de politique de
libéralisation commerciale (plus haut, nous avons expliqué comment l’ouverture commerciale
affecte l’inflation et comment la démocratie pourrait rendre difficile la mise en œuvre de

43
Les chiffres entre parenthèses sont les valeurs moyennes de l’indice de démocratie pendant les années
d’indépendance et au cours de la période 1960-2003.
44
Une autre explication plausible concernant la relation négative entre la date d’indépendance et la qualité des
institutions démocratiques sur la période 1960-2003, malgré une relation positive entre le niveau initial de
démocratie et la date d’indépendance et la persistance des institutions, est l’existence d’importantes erreurs de
mesure relatives au niveau de démocratie pendant les années d’indépendance. De telles erreurs de mesure
engendreraient une relation positive au lieu d’une relation négative entre la date d’indépendance et le niveau
initial de démocratie. Un tel argument est cohérent avec celui de Kaufmann et Kraay (2002) qui trouvent un effet
négatif du PIB par tête sur l’indice de gouvernance, et soutiennent qu’une façon d’invalider ce résultat serait
d’imaginer l’existence d’importantes erreurs de mesure de l’indice de gouvernance, lesquelles erreurs pourraient
transformer en positive la relation entre le PIB par tête et l’indice de gouvernance.

152
politique de libéralisation commerciale). Il paraît alors judicieux de tester l’effet de la
démocratie sur les politiques macroéconomiques suivantes : politique monétaire, politique
budgétaire et politique d’ouverture commerciale.
La politique monétaire est approximée par le logarithme du taux de croissance de la
masse monétaire [log (croissance de M2)], extrait de WDI (2005), la politique budgétaire est
représentée par le solde budgétaire (recettes - dépenses publiques), obtenu du FMI
(Iinternational Financial Statistics 2005) et de la Banque Mondiale (World Bank African
database 2005). La proxy pour la politique de libéralisation commerciale est la somme des
exportations et des importations obtenue à partir de WDI (2005). A l’exception de la proxy
pour la politique monétaire, les autres proxy sont exprimées en pourcentage du PIB. Les trois
proxy représentent suffisamment les politiques macroéconomiques d’un pays et leur
utilisation nous permet de départager nos différents arguments théoriques. A travers l’effet de
la démocratie sur la politique budgétaire et la politique monétaire, il serait possible de savoir
si la démocratie entraîne ou non des difficultés pour la maîtrise du déficit public et de la
masse monétaire. L’effet de la démocratie sur la politique commerciale permet de savoir s’il
est plus difficile ou pas de mettre en oeuvre des politiques de libéralisation commerciale
lorsque les PED deviennent plus démocratiques. Nous estimons alors, les équations
suivantes :

Monit = c + η Demit + ν t + ωit (3.5)

SBit = c + γ Demit + ν t + θit (3.6)

Ouvit = c + λ Demit + ν t + φit (3.7)

Dans l’équation (3.5), la variable expliquée est le taux de croissance de la masse


monétaire. Dans cette équation si la démocratie rend difficile la maîtrise de la masse
monétaire, le coefficient associé à la démocratie devrait être positif et significatif. Dans
l’équation (3.6), la variable expliquée est le solde budgétaire. Les difficultés associées à
l’instauration de la rigueur budgétaire lorsque la qualité des institutions démocratiques
s’améliore dans les PED se traduiraient par un coefficient négatif associé à l’indice de
démocratie dans l’équation (3.6). Enfin, dans l’équation (3.7), la variable dépendante est
l’ouverture commerciale. Si lorsque les PED se démocratisent, ils ont des difficultés à mettre
en œuvre des politiques de libéralisation commerciale, le coefficient associé à l’indice de
démocratie devrait être négatif et significatif dans l’équation (3.7).

153
Nous estimons ces différentes équations avec notre échantillon total. Nous
instrumentons toujours les institutions démocratiques par la date d’indépendance afin de
pouvoir établir des relations causales entre la démocratie et les différentes variables de
politique macroéconomique.
Il est important de noter que les variables de politique macroéconomique que nous
analysons ne peuvent être de bons candidats pour les canaux de transmission de l’effet de la
démocratie sur l’inflation, que si ces variables affectent significativement l’inflation. D’où
l’intérêt de tester l’effet respectif des différentes variables de politique macroéconomique sur
l’inflation à travers l’équation suivante :

Log ( inf lit ) = c + ξ Pol macroit + τ log ( inf lit -1 ) + ν t + ρit (3.8)

Dans l’équation (3.8), la variable indépendante peut être l’une des variables de
politique macroéconomique mentionnées plus haut. Depuis plusieurs années, les effets
positifs de la croissance de la masse monétaire et du déficit public sur l’inflation sont plus ou
moins admis dans la littérature, du moins théoriquement même si les relations empiriques sont
loin d’être facilement établies. Par contre, l’effet de l’ouverture commerciale sur l’inflation
émane de travaux relativement récents, ces différents travaux prévoient et établissent un effet
négatif de l’ouverture commerciale sur l’inflation (Romer, 1993 ; Campillon et Miron, 1996,
1997 ; Lane, 1997 ; Rogoff, 2003).
Nous estimons l’équation (3.8) en instrumentant les différentes variables de politique
macroéconomique pour prendre en compte les risques d’endogénéité liés à ces variables.
C’est ainsi que nous utilisons l’instrument de Frankel et Romer (1999)45 pour l’ouverture
commerciale, la valeur retardée de cinq ans de la croissance de la masse monétaire comme un
instrument pour la politique monétaire et le solde budgétaire retardé de cinq ans comme un
instrument pour la politique budgétaire. Une relation positive entre l’ouverture commerciale
et l’instrument de Frankel et Romer (1999) est attendue, une relation positive entre le taux de
croissance de la masse monétaire et sa valeur retardée de cinq ans est espérée à cause de
l’inertie de la politique monétaire. Le caractère inertiel des politiques budgétaires fait que
nous espérons aussi une relation positive entre le solde budgétaire et sa valeur retardée de

45
Cet instrument correspond à la valeur prédite de l’ouverture commerciale compte tenu des caractéristiques
géographiques individuelles des pays. Frankel et Romer (1999) utilisent cette variable instrumentale pour
estimer la relation entre l’ouverture commerciale et la croissance économique. Nous pensons qu’un tel
instrument peut aussi être valide pour établir une relation causale entre l’ouverture commerciale et l’inflation.

154
cinq ans. L’utilisation des variables retardées comme instruments n’est valide que si les
résidus ne sont pas autocorrélés. Heureusement, l’absence d’autocorrélation dans des données
en pooling est peu douteuse (voir Wooldridge, 2002 chapitre 6).

Tableau III.2 : Effets de la démocratie sur les politiques macroéconomiques 1/

MCO DMC MCO DMC MCO DMC


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Mon Mon SB SB Ouv Ouv

Dem 0.013 0.058 0.002 0.007 0.005 -0.046


(1.51) (2.21)** (4.07)*** (4.47)*** (2.15)** (4.58)***
Constante 3.030 2.690 -0.037 -0.014 0.526 0.743
(11.91)*** (23.51)*** (1.54) (1.30) (11.77)*** (10.78)***

Nombre d’Observations 509 509 439 439 503 503


F-statistique - 20.97*** - 15.48*** - 20.67***
R² 0.06 - 0.04 - 0.05 -
Note: ***, ** désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, et 5%. Les chiffres entre
parenthèse sont des t de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas indiqués. Les F-statistiques sont ceux des équations
instrumentales pour lesquelles la totalité des résultats n’est pas reportée.

Les résultats du tableau III.2 indiquent qu’en DMC, la démocratie entraîne une hausse
significative de la masse monétaire, elle permet une amélioration significative du solde
budgétaire mais réduit l’ouverture commerciale dans notre échantillon. La démocratie aurait
ainsi des effets différenciés sur les politiques macroéconomiques dans notre échantillon46.
Il apparaît que la hausse de la masse monétaire ne serait pas l’unique cause de l’effet
positif de la démocratie sur l’inflation mais aussi, les difficultés liées à la mise en oeuvre de
politique de libéralisation commerciale qu’engendrerait la démocratie, seraient une source
additionnelle de l’effet positif de la démocratie sur l’inflation dans les PED. La hausse de la
masse monétaire pour des motifs électoraux que pourrait susciter la démocratie dans les PED,
comme certains pouvaient le redouter semble se confirmer à travers nos données. En effet,
malgré la baisse du déficit public qu’entraîne la démocratie dans le PED, celle-ci y entraîne
une hausse de la masse monétaire, ce qui constituerait une manifestation du syndrome du
financement des dépenses extra-budgétaires qu’engendrerait la démocratie dans les PED.

46
Des résultats semblables sont obtenus en utilisant les triples moindres carrés ordinaires, pour tenir compte de
la corrélation entre les erreurs des équations de l’effet de la démocratie sur les différentes variables de politique
macroéconomique.

155
Le tableau III.3 présente les résultats de l’effet spécifique de chaque variable de
politique macroéconomique sur l’inflation. A travers ce tableau, il apparaît que toutes les
politiques macroéconomiques exercent leurs effets attendus sur l’inflation dans notre
échantillon. La hausse de la masse monétaire affecte positivement l’inflation, l’amélioration
du solde budgétaire réduit l’inflation, et une hausse de l’ouverture commerciale réduit
également l’inflation. Les coefficients associés aux différentes variables de politique
macroéconomique sont significatifs au seuil de 1%.

Tableau III.3: Effets de politiques macroéconomiques sur l’inflation 1/

DMC MCO DMC MCO DMC MCO


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Log (infl) Mon Log (infl) SB Log (infl) Ouv

Log (inflation retardée) 0.589 0.642 0.576


(10.17)*** (11.86)*** (9.91)***
Mon 0.286
(2.28)**
Mon retardé 0.400
(4.91)***
Sb -4.145
(2.09)**
Sb retardé 0.668
(7.85)***
Ouv -0.716
(2.33)***
Instrument Frankel & Romer 1.387
(19.51)***
Constante -0.326 1.009 0.924 -0.004 0.892 0.423
(1.18) (4.77)*** (5.41)*** (0.70) (3.47)*** (7.46)***

Nombre d’observations 401 401 355 355 394 394


F-statistics - 15.31*** - 13.62*** - 66.12***
R² 0.64 0.37 0.56 0.46 0.53 0.48
Note: ***, ** désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, et 5%. Les chiffres entre
parenthèse sont des statistiques de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED, ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas indiqués.
« Mon retardé » correspond à la valeur retardée de cinq ans du logarithme du taux de croissance de la masse
monétaire. « Sb retardé » désigne la valeur retardée de cinq ans du solde budgétaire. Les résultats des estimations
en MCO correspondent aux résultats des équations instrumentales.

Les équations instrumentales indiquent que les instruments exercent leurs effets
attendus sur les différentes variables de politique macroéconomique. En effet, à travers les
équations instrumentales il apparaît une relation positive entre le taux de croissance de la
masse monétaire et sa valeur retardée de cinq ans. Le solde budgétaire retardé exerce un effet
positif sur le solde budgétaire courant traduisant ainsi l’inertie des politiques budgétaires.
Enfin, l’instrument de Frankel et Romer (1999) affecte positivement le niveau d’ouverture
commerciale. L’analyse du F-statistique des équations instrumentales, indique qu’aucune des

156
variables instrumentales pour les politiques macroéconomiques ne peut être considérée
comme un instrument faible selon le critère de Stock et Yogo (2002, 2005).
Nous venons ainsi de montrer que la démocratie affecte les politiques
macroéconomiques et ces dernières affectent à leur tour l’inflation. Nous pouvons donc
admettre que les variables de politique macroéconomique que nous analysons peuvent être
considérées comme des canaux de transmission de l’effet de la démocratie sur l’inflation.
La question est de savoir si l’effet positif de la démocratie sur l’inflation va demeurer
une fois pris en compte les effets des différentes variables de politique macroéconomique.

5.1.2 Effets simultanés de la démocratie et des politiques macroéconomiques sur l’inflation

En principe, lorsque nous contrôlons simultanément pour les effets des institutions
démocratiques et des variables de politique macroéconomique, l’indice de démocratie ne
devrait plus avoir un effet direct significatif sur l’inflation à moins que la démocratie ait un
effet indépendant sur l’inflation, c'est-à-dire un autre effet que celui attribuable à chacune des
variables de politique macroéconomique que nous analysons. Le tableau III.4 indique
qu’après la prise en compte des effets de politiques macroéconomiques, le coefficient de
l’indice de démocratie diminue comparé à nos résultats de base, et le coefficient de l’indice de
démocratie n’est plus significatif. Ainsi, les résultats du tableau III.4 suggèrent que les
politiques monétaire et d’ouverture commerciale seraient très probablement les politiques
macroéconomiques à travers lesquelles la démocratie affecte l’inflation dans les PED.
Les résultats du tableau III.4 indiquent aussi que toutes les variables de politique
macroéconomique exercent un effet significatif sur l’inflation et les coefficients associés à ces
variables de politique macroéconomique ont leurs signes attendus. Dans le tableau III.4, il
apparaît qu’indépendamment de l’équation instrumentale considérée, l’hypothèse de variables
instrumentales faibles peut être rejetée.

5.1.3. Robustesse des résultats

Nous obtenons un effet positif et significatif de la démocratie sur l’inflation, cet effet
disparaît après avoir contrôlé pour les effets de variables de politique macroéconomique.
Nous obtenons aussi des effets significatifs et attendus des différentes variables
macroéconomiques sur l’inflation. De plus, nous utilisons une variable instrumentale qui se
révèle bonne. Nous testons la robustesse de ces résultats. Les résultats de la plupart des tests
de robustesse sont reportés en annexe associée à ce chapitre.

157
Tableau III.4 : Effets simultanés des politiques macroéconomiques et de la démocratie sur
l’inflation 1/

DMC DMC DMC


(1) (2) (3)
Log (infl) Log (infl) Log (infl)

Log (inflation retardée) 0.598 0.563 0.552


(10.06)*** (8.17)*** (8.76)***
Dem 0.029 0.124 0.023
(1.36) (2.38)** (0.92)
Mon 0.223
(1.69)*
Sb -9.791
(2.00)**
Ouv -1.012
(2.65)***
Constante -0.286 -0.177 1.021
(0.96) (0.65) (2.72)***
Nombre d’observations 379 335 276

Equations Instrumentales

MCO MCO MCO MCO MCO MCO


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Dem Mon Dem Sb Dem Ouv

Log (date) -55.681 -1.473 -46.349 -0.113 -55.980 1.406


(6.11)*** (1.25) (4.57)*** (2.39)** (6.18)*** (4.85)***
Mon retardé 0.205 0.405
(0.61) (4.85)***
Sb retardé 26.370 0.667
(3.38)*** (7.54)***
Instrument Frankel &Romer 4.244 1.314
(1.15) (8.15)***
Constante 424.837 12.192 354.016 0.849 427.178 -7.275
(6.16)*** (1.36) (4.61)*** (2.37)** (5.86)*** (2.96)***
R² (ajusté) 0.20 0.37 0.20 0.48 0.20 0.31
Diagnostic de la qualité des instruments
Statistique de Cragg-Donald 2/ 16.80 7.11 18.64
7.03 7.03 7.03
Valeurs critiques (r = 0.1)
4.58 4.58 4.58
Valeurs critiques (r = 0.15)

Note: ***, **, désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas indiqués.
« Mon retardé » correspond à la valeur retardée de cinq ans du logarithme du taux de croissance de la masse
monétaire. « Sb retardé » désigne la valeur retardée de cinq ans du solde budgétaire.
2/ La statistique de Cragg Donald (1993) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour le test d’instruments
faibles. Cette statistique est utilisée lorsqu’un modèle comporte plus d’une variable endogène. Si la statistique
calculée est inférieure à la valeur tabulée de la statistique par Stock et Yogo (2002, 2005), ceci indique que les
instruments souffriraient d’une certaine faiblesse selon la taille d’erreurs (r) que le chercheur est prêt à admettre.

158
Le changement de la forme fonctionnelle est le premier test de robustesse que nous
effectuons. A la place du logarithme du taux d’inflation comme variable expliquée, nous
considérons la transformation suivante : πit/(1 + π it) suggérée par Cukierman et al. (1992,
2000), πit est le taux d’inflation dans le pays i à l’instant t. Cette transformation selon ces
auteurs présente l’avantage de réduire l’hétéroscédasticité des résidus tout en réduisant le
poids des points aberrants sans engendrer de perte d’observations. En appliquant cette
transformation, il n’existe pas d’effet indépendant de la démocratie sur l’inflation, les
variables de politique macroéconomique sont significatives avec leurs signes attendus et la
date d’indépendance est toujours un bon instrument.
Nous considérons le logarithme du déflateur du PIB comme mesure de l’inflation. A la
suite de cet autre test de robustesse, nos résultats de base restent inchangés. L’utilisation du
déflateur du PIB comme mesure alternative du taux d’inflation, permet de réduire le risque
que nos résultats soient dus à la répression des prix à la consommation qui est plus probable
dans un régime dictatorial que dans un régime démocratique.
Nous testons aussi la robustesse de nos résultats par rapport aux changements de
l’indice de démocratie. A la place de l’indice de démocratie de Polity IV, nous considérons
l’indice de contraintes sur l’exécutif obtenu aussi de Polity IV, comme un indicateur de
démocratie. Cet autre test de robustesse ne remet pas en cause nos résultats de base.
De 1960 à 2003, les PED n’ont pas vécu en démocratie pendant toute cette période.
C’est au début des années 1980 que certains PED ont débuté leur processus de
démocratisation. Pour éviter que nos résultats soient générés par la combinaison de périodes
de dictature et de démocratie, nous réalisons des estimations avec des données couvrant
seulement la période 1980-2003. L’absence d’effet indépendant de la démocratie sur
l’inflation ainsi que les effets des variables de politique macroéconomique restent également
non affectés par le changement de période d’analyse.
Notre échantillon comprend des pays qui disposent des organisations institutionnelles
les prédisposant à enregistrer de faibles taux d’inflation. Il en est ainsi par exemple des pays
de la Zone Franc d’Afrique qui, pour des raisons politico-historiques, sont dotés de banques
centrales régionales, ce qui devrait contribuer à la maîtrise de l’inflation dans ces pays. Notre
résultat pourrait donc être dû à la forte variabilité du taux d’inflation dans notre échantillon
total. Nous estimons alors la relation entre l’inflation et la démocratie avec notre échantillon
total sans les pays Africains de la Zone Franc. Dans cet échantillon réduit, nous obtenons
aussi les résultats que nous avons initialement obtenus à savoir : une absence d’effet

159
indépendant des institutions démocratiques sur l’inflation et un effet significatif de chaque
variable de politique macroéconomique sur l’inflation.
Nous testons également la robustesse de nos résultats par rapport au niveau d’inflation,
car il se peut que pour des taux d’inflation très élevés, que nos résultats ne tiennent plus. C’est
ainsi que nous réalisons des estimations avec seulement des observations pour lesquelles le
logarithme du taux d’inflation est supérieur à sa valeur médiane (2,120) dans notre
échantillon. Avec ce nombre réduit d’observations, nous obtenons aussi des effets significatifs
de chaque variable de politique macroéconomique sur l’inflation. Quant au coefficient de
l’inflation, il est positif mais non significatif après avoir pris en compte les effets des variables
de politique macroéconomique.

5.1.4 Prise en compte d’autres déterminants de l’inflation

Jusqu’à présent nous avons estimé les effets de la démocratie et des politiques
macroéconomiques sur l’inflation sans prendre en compte les effets des autres déterminants
de l’inflation. Une telle situation peut entraîner un biais de variables omises dans nos
résultats, d’où la nécessité de contrôler pour les autres déterminants de l’inflation.
En se référant à l’article de Cukierman et al. (1992), nous contrôlons pour les variables
caractérisant la structure de l’économie. Ces variables correspondent au PIB par tête extraite
de Pen World Table 6.2, à la part de la production agricole dans le PIB extraite de WDI
(2005), et au taux d’urbanisation obtenu aussi de WDI. Les pays dont le PIB par tête est élevé
disposent plus de capacité de prélèvement fiscal et devraient recourir moins au seigneuriage,
ce qui réduirait le risque d’inflation. Une urbanisation élevée faciliterait le prélèvement fiscal
et pourrait contribuer à la maîtrise de l’inflation mais elle peut aussi être une source de
développement d’activités informelles contribuant ainsi à la hausse de l’inflation. Une part
importante de la production agricole dans le PIB signifie un secteur agricole dense et par
conséquent, une part importante de la richesse du pays échappant aux administrations fiscales,
ce qui aurait pour conséquence une hausse de l’inflation.
Nous prenons aussi en compte les variables caractérisant la durée des institutions
politiques. Il s’agit de variable mesurant la stabilité du régime politique obtenue de Polity IV.
Cukierman et al. (1992) montrent que l’instabilité du régime politique affecte positivement
l’inflation. Afin de réduire des erreurs de simultanéité, nous considérons la valeur retardée de
cinq ans de la proxy pour la stabilité du régime politique.

160
Nous contrôlons aussi pour les variables de conjoncture économique. En nous
inspirant de la courbe de Philips, nous contrôlons pour le taux de croissance économique
retardé et espérons un effet négatif de la croissance économique sur l’inflation. En effet, en
période d’expansion économique le chômage devrait baisser et par conséquent, le besoin des
autorités de recourir à l’inflation surprise devrait se réduire. Sur la base de la théorie du
« dutsch disease », nous contrôlons pour les termes de l’échange et espérons un effet positif
des termes de l’échange sur l’inflation. Les données sur le taux de croissance sont obtenues de
WDI et celles des termes de l’échange de Global Development Network Growth Database47.
Contrôler pour les termes de l’échange est important car la plupart des pays de notre
échantillon sont exportateurs de produits primaires, et par conséquent, soumis aux chocs du
marché. En introduisant les termes de l’échange dans nos modèles, nous arrivons à contrôler
pour les chocs spécifiques affectant chaque pays.
La dernière variable de contrôle que nous ajoutons à nos modèles est une muette pour
le régime de change. Cette variable prend la valeur de un pendant l’année où un pays est de
facto sous un régime de change fixe, et zéro autrement. Nous espérons un effet négatif de
cette muette car un taux de change fixe limiterait les opportunités des décideurs politiques
pour des manipulations macroéconomiques à des fins électorales48.
Nous maintenons dans nos estimations économétriques l’inflation retardée.
Comme on peut le constater dans le tableau III.5, avec la prise en compte des autres
déterminants de l’inflation, l’effet de la démocratie sur l’inflation demeure positif mais non
significatif sauf dans la spécification relative à la politique budgétaire. Cependant, en
contrôlant pour les autres déterminants de l’inflation sans prendre en compte l’effet d’aucune
des variables de politique macroéconomique, nous obtenons toujours un effet positif et
significatif de la démocratie sur l’inflation dans notre échantillon49. Ceci suggère une fois
encore, que les variables de politique économique que nous analysons sont potentiellement de
bons canaux de transmission de l’effet des institutions démocratiques sur l’inflation.
Les variables de structure économique et dans une certaine mesure, de durée des
institutions politiques affectent significativement l’inflation avec leurs signes attendus. Ce
résultat se rapproche de celui de Cukierman et al. (1992) qui trouvent aussi des effets
47
Il aurait été souhaitable de pouvoir contrôler pour l’indépendance des Banques Centrales. Cependant, l’indice
d’indépendance de Banques Centrales de Cukierman et al. (1992) le plus utilisé dans la littérature n’est
disponible que pour à peine 50% de notre échantillon. De plus, ces données ne couvrent que la période 1950-
1989 alors que notre étude concerne la période 1960-2003.
48
Les données sur les régimes de change proviennent de http://econ-server.umd.edu/~ilzetzki/research.htm.
49
Nous obtenons aussi le même résultat lorsque nous utilisons le taux de mortalité des colons blancs de
Acemoglu, Johnson et Robinson (2001) comme instrument pour les institutions démocratiques au lieu de la date
d’indépendance.

161
Tableau III.5 : Effets de la démocratie, des politiques macroéconomiques et d’autres variables 1/

DMC DMC DMC DMC


(1) (2) (3) (4)
Log (infl) Log (infl) Log(infl) Log (infl)
Dem 0.034 0.166 0.051 0.073
(0.03) (3.36)*** (1.41) (2.03)**
Mon 0.09
(0.61)
Sb -17.832
(3.37)***
Ouv -0.598
(1.22)
Structure de l’économie
Log (inflation retardée) 0.479 0.028 0.440 0.489
(6.77)*** (2.07)** (6.33)*** (7.49)***
Log (pib) -0.271 -0.225 -0.195 -0.296
(1.86)* (0.92) (1.08) (1.77)*
Agriculture 0.564 2.877 0.480 1.049
(0.90) (2.49)** (0.60) (1.46)
Urbanisation 1.119 2.213 0.841 1.164
(2.38)** (2.60)*** (1.55) (2.22)**
Durée institutions politiques
Stabilité politique retardée -0.002 -0.019 -0.005 -0.004
(0.54) (2.96)** (1.35) (1.24)
Conjoncture économique
Taux de croissance retardée -0.020 -0.013 -0.024 -0.023
(1.21) (0.38) (1.37) (1.22)
Termes de l’échange 0.192 0.106 0.310 0.383
(1.20) (0.33) (1.31) (1.55)
Régime de change -0.410 -0.667 -0.328 -0.325
(2.19)** (2.59)*** (1.52) (1.49)
Constante 1.877 1.667 2.067 1.896
(1.64)* (0.90) (1.70)* (1.51)
Nombre d’observations 248 228 265 265

Equations instrumentales

MCO MCO MCO MCO MCO MCO MCO


Dem Mon Dem Sb Dem Ouv Dem
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7)

Log (date) -69.306 -1.880 -69.158 -0.071 -66.34 2.480 -66.639


(4.74)*** (0.88) (4.63)*** (0.93) (4.65)*** (3.82)*** (4.71)***
Mon retardée 0.252 0.493
(0.63) (4.91)***
Sb retardé 15.265 0.549
(1.71)* (5.98)***
Instrument Frankel & Romer 3.906 1.413
(0.87) (8.45)***
Constante 525.404 15.279 527.242 0.498 503.067 -18.385 504.978
(4.70)*** (0.93) (4.60)*** (0.85) (4.59)*** (3.61)*** (4.64)***
R² (adjusted) 0.33 0.42 0.32 0.45 0.34 0.49 0.34
Diagnostic qualité instruments
Statistique de Cragg-Donald 2/ 11.07 9.48 12.63
Valeurs critiques (r = 0.1) 7.03 7.03 7.03
Valeurs critiques (r = 0.15) 4.58 4.58 4.58
F-statistique 14.52***
Note: ***, **,* désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèse sont des t de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 2/ La statistique de Cragg Donald (1993) est
proposée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour le test d’instruments faibles. Cette statistique est utilisée
lorsqu’un modèle comporte plus d’une variable endogène. Lorsque la statistique calculée est inférieure à la
statistique tabulée par Stock et Yogo (2002, 2005), ceci indique que les instruments pourraient souffrir d’une
certaine faiblesse selon la taille d’erreur (r) que le chercheur est prêt à admettre. Les équations instrumentales
contiennent les autres variables explicatives du modèle considérées comme exogènes. Les coefficients associés à
ces variables ne sont pas présentés pour ne pas surcharger le tableau.

162
significatifs de l’instabilité politique et des variables de structure économique sur le
seigneuriage. La persistance de l’inflation est un phénomène qui se révèle dans nos données.
Un tel résultat est compatible avec celui de Lougani et Swagel (2001) qui mettent en exergue
la persistance de l’inflation dans un groupe de PED. Par contre, il semble que les variables de
conjoncture économique n’ont aucun effet significatif sur l’inflation une fois pris en compte
les effets des institutions démocratiques et des autres déterminants de l’inflation. Les
variables de conjoncture économique ont tout de même les signes attendus quelle que soit la
spécification considérée.

5.2 Tests supplémentaires de validité des instruments et résultats économétriques


en excluant les pays de l’Amérique Latine de l’échantillon

L’utilisation du test d’instruments faibles suggéré par Stock et Yogo (2002, 2005)
montre que la date d’indépendance est un bon instrument. Cependant, dans nos analyses
précédentes, nous ne contrôlons pas pour d’autres déterminants pertinents de la qualité des
institutions dans les PED. Certains pourraient alors suspecter que la validité de l’instrument
serait due à cette omission. Ces autres déterminants potentiels sont les conditions climatiques
auxquelles les colonisateurs étaient confrontés pendant la colonisation, et l’identité du
colonisateur. En effet, Acemoglu, Johnson et Robinson (2001) soutiennent que les conditions
climatiques ont influencé les stratégies coloniales et les institutions développées dans les ex-
colonies. De même, dans la littérature économique, l’on admet souvent que les ex-colonies
britanniques ont hérité de meilleures institutions comparativement aux autres colonies.
Nous avons par ailleurs obtenu un effet positif et significatif de la démocratie sur
l’inflation et plusieurs tests de robustesse corroborent ce résultat. Cependant, dans notre
échantillon tous les pays n’ont pas les mêmes expériences de démocratie et de période
d’inflation. En particulier, les pays d’Amérique Latine ont de plus longues expériences de
démocratie que les autres pays en développement. Aussi, comparativement aux autres pays en
développement, les pays d’Amérique Latine ont souvent enregistré des taux d’inflation plus
élevés. Afin de prendre en compte les effets d’autres déterminants potentiels de la qualité des
institutions d’une part, et de considérer l’argument relatif aux expériences des pays
d’Amérique Latine d’autre part, nous introduisons simultanément les changements suivants
dans nos modèles.

163
Premièrement, nous utilisons toujours la date d’indépendance politique comme un
instrument pour les institutions démocratiques, tout en considérant le logarithme du taux de
mortalité des colons blancs et la muette « common law » comme des déterminants des
institutions démocratiques dans les équations instrumentales. Le taux de mortalité des colons
blancs est une proxy pour les conditions climatiques auxquelles étaient confrontés les colons
dans les colonies. Cette variable provient de Acemoglu, Johnson et Robinson (2001). Quant à
la muette « common law », elle est une proxy pour l’identité de l’ex-colonisateur européen.
Cette variable prend la valeur de un pour les pays colonisés par la Grande Bretagne et zéro
autrement. Les données sur l’origine légale proviennent de La Porta et al. (1999).
Deuxièmement, lorsque nous contrôlons pour les autres déterminants de la qualité des
institutions mentionnés ci-dessus, nous estimons de nouveau nos modèles mais cette fois-ci,
en excluant les pays d’Amérique Latine de notre échantillon. Ce faisant, nous cherchons à
savoir si l’effet des institutions démocratiques sur l’inflation dans les PED serait dû ou non à
l’expérience des pays d’Amérique Latine.
Les résultats des équations instrumentales dans le tableau III.6, montrent qu’après
avoir contrôlé pour l’identité des colons et les conditions climatiques auxquelles ils étaient
confrontés, la date d’indépendance continue par exercer un effet négatif et significatif sur la
qualité des institutions. Ainsi, la date d’indépendance ne capturerait pas les effets de l’identité
du colonisateur ni les effets des conditions climatiques auxquelles étaient confrontés les ex-
colonisateurs. Par ailleurs, le test d’instruments faibles à la Stock et Yogo (2002, 2005)
confirme que la date d’indépendance n’est pas un instrument faible après avoir exclu les pays
d’Amérique Latine de notre échantillon.
Dans notre échantillon excluant les pays d’Amérique Latine, le coefficient associé à
l’indice de démocratie est positif mais non significatif, et ce quelle que soit la spécification
considérée. Ainsi, il semble que l’effet significatif et non l’effet positif de la démocratie sur
l’inflation serait dû aux expériences des pays d’Amérique Latine. L’hypothèse de
« démocratie populiste » serait alors plus plausible dans les pays d’Amérique Latine. Dans les
autres régions en développement, c’est-à-dire l’Afrique et l’Asie, la démocratie aurait un effet
positif mais non significatif sur l’inflation.
A travers des arguments théoriques, nous montrons que la relation entre l’inflation et
la démocratie pourrait être positive dans les PED. Les données semblent confirmer notre
hypothèse. Nous illustrons nos résultats à travers les expériences spécifiques de trois pays en
développement.

164
Tableau III.6 : Effet de la démocratie sur l’inflation dans l’échantillon sans les pays de
l’Amérique Latine 1/

DMC DMC DMC DMC


(1) (2) (3) (4)
Log (infl) Log (infl) Log(infl) Log (infl)

Dem 0.016 0.059 0.007 0.012


(0.51) (1.43) (0.20) (0.30)
Mon 0.295
(1.87)*
Sb -4.459
(1.51)
Ouv -0.161
(0.32)
Log (inflation retardée) 0.462 0.471 0.475 0.486
(5.81)*** (7.27)*** (6.38)*** (7.06)***
Log (pib) -0.216 0.119 -0.261 -0.276
(1.44) (0.62) (1.56) (1.83)*
Agriculture 0.004 0.813 -0.224 -0.123
(0.01) (0.96) (0.30) (0.17)
Urbanisation 1.125 -0.246 0.399 0.329
(1.48) (0.39) (0.65) (0.56)
Stabilité politique retardée -0.000 -0.007 -0.002 -0.002
(0.05) (1.35) (0.41) (0.36)
Taux de croissance retardée -0.004 -0.009 -0.004 -0.005
(0.31) (0.56) (0.30) (0.34)
Termes de l’échange 0.179 0.244 0.238 0.260
(1.21) (1.17) (1.37) (1.56)
Régime de change -0.135 -0.190 -0.321 -0.331
(0.89) (1.37) (1.80)* (1.93)*
Constante 0.734 -1.092 2.868 2.813
(0.49) (0.60) (2.10)** (2.04)**
Nombre d’observations 163 141 171 171

Equations instrumentales

MCO MCO MCO MCO MCO MCO MCO


Dem Mon Dem Sb Dem Ouv Dem
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7)

Log (date) -124.100 0.356 -120.378 -0.271 -124.458 2.843 -120.256


(4.17)*** (0.07) (3.52)*** (2.32)** (4.15)*** (3.28)*** (4.01)***
Mon retardé 0.293 0.391
(0.74) (3.53)***
Sb retardé 9.717 0.533
(0.87) (5.06)***
Instrument Frankel & Romer 16.119 1.476
(3.09)*** (6.78)***
Log (taux de mortalité) -0.973 -0.142 -1.696 0.005 -1.343 0.007 -1.154
(1.65)* (1.92)* (3.26)*** (1.17) (2.72)*** (0.34) (2.34)**
Dummy Common law 5.099 -0.288 3.319 0.009 5.347 0.155 4.643
(3.95)*** (1.60) (2.78)** (1.31) (5.09)*** (3.64)*** (4.18)***
Constante 949.428 0.179 934.929 2.175 370.374 -26.143 796.976
(4.19)*** (0.00) (3.59)*** (1.95)* (3.92)*** (2.92)** (3.98)***

R² (adjusted) 0.43 0.40 0.37 0.42 046 0.52 0.42


Diagnostic qualité instruments
Statistique de Cragg-Donald 2/ 9.175 5.147 13.422
Valeurs critiques (r = 0.1) 7.03 7.03 7.03
Valeurs critiques (r = 0.15) 4.58 4.58 4.58
F-statistique 13.25***
Note : Nous présentons que les coefficients associés au taux de mortalité des colons blancs et à la muette
« common law » dans les équations instrumentales mais nous ne présentons pas les coefficients associés à ces
deux variables dans les estimations en DMC. Nous procédons ainsi parce que ces deux variables seraient plutôt
des déterminants de la qualité des institutions et non de l’inflation dans les PED. Le reste de la note de ce tableau
est identique à celui du tableau III.5.

165
6. Inflation et Démocratie : Illustration à partir des expériences de trois
pays en développement

Nous illustrons nos résultats à travers les comparaisons des performances


démocratiques et du taux d’inflation du Chili, du Ghana et du Sri Lanka. L’Afrique,
l’Amérique Latine et l’Asie qui constituent les principales régions en développement sont
représentées à travers ces pays. Le choix de ces trois pays s’inspire du travail de Nelson
(1993) qui compare les expériences de réformes économiques et politiques dans les années
1970 et 1980 de ces trois pays.
Au Chili, le tableau III.7 indique que le taux d’inflation atteint son pic estimé à 200%
au cours de la période 1970-1974 et depuis cette période l’inflation n’a cessé de diminuer
pour atteindre son plus bas niveau estimé à 3% pendant la période 2000-2003. A travers le
tableau III.7, il apparaît que les baisses spectaculaires du taux d’inflation au Chili se sont
opérées de 1974 à 1984, période de dure dictature de Augusto Pinochet (1973-1990). En effet,
Pinochet arrive au pouvoir en 1973 dans un environnement d’hyperinflation. Cinq ans après
son arrivée au pouvoir, Pinochet réduit de 50 points de pourcentage le taux d’inflation qui se
situe à 150% pendant la période 1975-1979 contre 200% le quinquennat précédent.
De 1980 à 1984, le Chili a continué son effort en matière de maîtrise d’inflation sous
le dur règne de Pinochet. Comparativement à la période 1975-1979, le quinquennat 1980-
1984 enregistre une baisse de 128 points de pourcentage du taux d’inflation. La période 1980-
1984 correspond à celle où le statut de Pinochet passe de celui du Président d’une junte
militaire dirigeant le Chili, à celui du Président de la République de Chili à la tête d’un régime
autoritaire constitutionnel.
Le tableau III.7 indique que la maîtrise de l’inflation s’est réalisée au moment de la
dictature chilienne. En effet, lorsque Pinochet prenait le pouvoir le niveau de démocratie tel
que mesuré par Polity IV était de 1. Mais de 1975 à 1984, le niveau de démocratie est resté en
moyenne égal à -7 traduisant ainsi une transformation en dictature du régime chilien. La
même tendance à la dérive autoritaire du régime de Pinochet s’observe quel que soit l’indice
de mesure de performance démocratique considéré.
Le règne de Pinochet fut marqué par la dictature et la maîtrise de l’inflation au Chili.
Le tableau III.7 montre que la maîtrise de l’inflation était rendue possible grâce à un excédent
budgétaire soutenu et à l’accroissement de l’ouverture commerciale, alors que la masse
monétaire n’a amorcé sa baisse que près de dix ans après l’arrivée de Pinochet au pouvoir.

166
Tableau III.7 : Comparaisons des performances du Chili, du Ghana et du Sri Lanka 1/
Pays Périodes Masse Solde Budgétaire Ouverture Inflation (en %) Dictature 3/ Démocratie 4/ Contrainte sur
Monétaire 2/ commerciale (en %) l’exécutif 5/
61-64 45,44 -2 28 28 0 5 4
65-69 41,57 -1 29 25,4 0 6 5
70-74 187,15 -7 47 200 3 1 3
Chili 75-79 198,88 1 45,7 150 7 -7 1
80-84 31,46 0,3 59 22,4 7 -7 1
85-89 34,00 0,2 60 20 4 -2 2
90-94 22,7 1,5 57,6 17,5 0 8 7
95-99 14,46 1 64,5 6 0 8 7
00-03 4,88 0,1 .. 3 0 9 7
61-64 17,09 .. 39,3 .. 9 -9 1
65-69 5,75 -5 38,7 9 8 -6 0
70-74 21,44 -4 26 11,7 5 -3 3
75-79 41,92 -9 13 66 5 -3 2
Ghana 80-84 40,46 -4 38 70 6 -4 2
85-89 49,67 -0,1 50 26 7 -7 1
90-94 38,15 -0,7 75,5 23 3 -3 1
95-99 33,87 -5 100 32 1 1 4
00-03 39,29 -8 25 25 1 5 6
61-64 9,84 0 80 2 0 7 7
65-69 5,39 0 67 3 0 7 7
Sri Lanka 70-74 9,89 0 52 7 0 8 7
75-79 29,95 0 68 6 0 7 6

167
80-84 22,18 -0,1 74 17 1 5 5
85-89 11,14 0 62 8,5 1 5 5
90-94 20,30 0 72 13 1 5 5
95-99 17,86 0 80 9 1 5 5
00-03 14,95 0 82 9 1 6 6
Note : 1/ Toutes les variables macroéconomiques (solde budgétaire, ouverture commerciale) sont exprimées en pourcentage du PIB. La masse monétaire correspond au taux
de croissance de M2. Les données proviennent des mêmes sources que celles décrites dans le texte.
2/ Les valeurs du solde budgétaire sont très faibles raison pour laquelle nous reportons le chiffre 0 dans le cas du Sri Lanka. Cela ne veut pas dire que le budget est tout le
temps équilibré au Sri Lanka bien au contraire ces chiffres sont souvent négatifs.
3/ Il s’agit de l’indice de Freedhome House qui en réalité pris dans sa forme initiale mesure le niveau de dictature dans un pays.
4/ 5/ correspondent respectivement à l’indice de démocratie et de contraintes sur l’exécutif de Polity IV.

168
Ainsi pendant le règne de Pinochet, il semble que la maîtrise du déficit public et la hausse de
l’ouverture commerciale, sont les deux facteurs qui ont le plus contribué à la maîtrise de
l’inflation. Notons qu’à la fin de la dictature de Pinochet en 1990, les autorités chiliennes ont
poursuivi la lutte contre l’inflation, preuve que la maîtrise de l’inflation initiée par Pinochet
est comprise par ses successeurs comme une priorité nationale.
Au Ghana, le tableau III.7 indique que l’inflation atteint sa valeur maximale estimée à
70% pendant la période 1980-1984. Depuis cette période, l’inflation a enregistré une baisse
continue jusqu’en 1994. De 1995 à 1999, l’inflation est repartie à la hausse. La plus
importante baisse du taux d’inflation s’est opérée au Ghana pendant la période 1985-1989,
avec le passage du taux d’inflation de sa valeur maximale de 70% à la valeur de 26% pendant
la période 1985-1989, soit une baisse de 44 points de pourcentage.
L’importante baisse du taux d’inflation s’est opérée au cours de la présidence de Jerry
Rawlings qui accéda au pouvoir à la fin de 1981, à la suite de son second coup d’Etat militaire
en trois ans. Rawlings arriva au pouvoir dans un environnement d’inflation élevée et entreprit
des réformes économiques de façon austère et autoritaire en vue de redresser l’économie
ghanéenne (Nelson, 1993 ; Block, 2002). Rawlings parvint à réduire de façon importante
l’inflation plus de cinq ans après son arrivée au pouvoir, mais au détriment de l’amélioration
de la qualité des institutions démocratiques. En effet, comme on peut le constater dans le
tableau III.7, tous les indicateurs montrent une baisse du niveau de démocratie au Ghana de
1980 à 1989. Les données suggèrent que le Président Rawlings était parvenu à maîtriser
l’inflation dans les années 1980 au Ghana, grâce à la réduction du déficit public et à la hausse
de l’ouverture commerciale.
La période 1990-1994 se caractérise aussi par une baisse de l’inflation mais dans une
proportion moindre comparativement aux années 1980. Ceci témoigne d’une baisse d’efforts
de la part des autorités ghanéennes dans leur lutte contre l’inflation, une baisse d’efforts qui
s’est poursuivie pendant la période 1995-1999 marquée par une hausse de neuf points de
pourcentage du taux d’inflation comparativement à la période 1990-1994. Il apparaît donc que
la période 1990-1999 était celle où les efforts des autorités ghanéennes dans la lutte contre
l’inflation étaient relativement faibles, et pourtant le Président Rawlings était toujours au
pouvoir pendant cette période. Comment alors peut-on comprendre un tel relâchement
d’effort ?
La période 1990-1999 était en effet, celle du début de démocratisation du Ghana
comme on peut le constater dans le tableau III.7. En 1992, à la suite des pressions intérieures
et extérieures, le Président Rawlings organisa les premières élections démocratiques au

169
Ghana. A la veille de ces élections, Rawlings céda à la demande des fonctionnaires et
augmenta leurs salaires de 50 à 70% alors que les salaires étaient réduits dans les années 1980
afin de diminuer les dépenses publiques (Block, 2002). Rawlings fut élu en 1992, et son parti
NDC (National Democratic Council) avait obtenu 198 sièges sur les 200 que comptait le
Parlement Ghanéen.
L’effort de stabilisation macroéconomique du Président Rawlings a donc diminué
lorsqu’à partir des années 1990, il engage son pays dans la voie de la démocratie. En effet de
1990 à 1999, le déficit public s’est accru de quatre points de pourcentage, alors que tous les
indices de qualité d’institutions démocratiques ont enregistré une amélioration de leurs
valeurs pendant la même période, comme on peut le constater dans le tableau III.7. Le Ghana
constitue un cas de pays en développement qui a amélioré ses institutions démocratiques en
défaveur de la stabilité macroéconomique. D’ailleurs, le tableau III.7 montre que, après le
départ de Rawlings du pouvoir en 2000, le déficit public et la masse monétaire n’ont pas cessé
d’augmenter au Ghana.
Les évolutions du taux d’inflation et de démocratie sont moins tranchées au Sri Lanka
comme le souligne aussi Nelson (1993). Cependant, à travers le tableau III.7 nous constatons
que l’inflation enregistre une baisse de 50 points de pourcentage pendant la période 1985-
1989 comparativement à la période 1980-1984 où l’inflation avait atteint son pic au Sri
Lanka. Dans le cas de ce pays, la baisse du taux d’inflation serait due à la réduction du déficit
public et de la masse monétaire. Le tableau III.7 indique que la baisse de l’inflation au Sri
Lanka s’est réalisée sans d’importants changements de la qualité des institutions
démocratiques, puisque les indices de démocratie sont restés constants pendant la période
1980-1989, quoi qu’en baisse par rapport aux périodes précédentes.

7. Conclusion

Dans ce chapitre nous analysons la relation entre l’inflation et la démocratie dans les
pays en développement (PED) en nous inspirant du théorème de l’électeur médian (EM).
Nous soutenons que la démocratie risque d’entraîner une hausse de l’inflation dans les PED
du fait de la forte demande de l’EM pour les biens et services publics dune part, et d’autre
part, de la faible préférence de l’EM pour les politiques de libéralisation commerciale. Nous
évoquons le faible accès aux biens et services publics fondamentaux (eau, santé, école, etc) de
la majorité de la population dont fait partie l’EM dans les PED, pour déduire que la

170
démocratie pourrait entraîner une hausse du déficit public et de la création monétaire dans les
PED. En effet, du fait de ressources fiscales limitées dans les PED, en répondant à la demande
de l’EM pour les biens publics fondamentaux, les gouvernements risquent d’augmenter les
déficits publics et la création monétaire pour financer les biens publics dont l’EM a besoin.
L’incertitude des effets de l’ouverture commerciale pour l’EM, ainsi que les difficultés de ce
dernier pour bénéficier de possibles effets positifs de la libéralisation commerciale font que
l’EM aurait de faibles préférences pour la libéralisation commerciale dans les PED.
Nous identifions ainsi les politiques monétaire, budgétaire et commerciale comme des
canaux de transmission de l’effet de la démocratie sur l’inflation. Les effets de la démocratie
sur la masse monétaire et le solde budgétaire permettent de savoir s’il est difficile ou pas de
maîtriser la masse monétaire et le déficit public lorsque les PED deviennent plus
démocratiques. Quant à l’effet de la démocratie sur l’ouverture commerciale, il permet de
savoir s’il est difficile ou pas de mettre en oeuvre des politiques de libéralisation commerciale
dans les PED démocratiques. Afin de réduire les risques de biais d’endogénéité dans les
relations entre la démocratie et les institutions démocratiques d’une part, et d’autre part entre
les variables de politique macroéconomique -politique monétaire, budgétaire et d’ouverture
commerciale- et les institutions démocratiques, nous utilisons la date d’indépendance
politique comme un instrument pour les institutions démocratiques. En appliquant les tests
d’instruments faibles à la Stock et Yogo (2002, 2005), la date d’indépendance se révèle être
un bon instrument pour les institutions démocratiques dans notre échantillon de PED.
Les résultats des estimations économétriques avec un échantillon de 62 PED, ex-
colonies d’extraction (y compris 32 pays africains) sur la période 1960-2003, indiquent un
effet causal, positif et significatif de la démocratie sur l’inflation. L’effet positif de la
démocratie sur l’inflation résiste à plusieurs tests de robustesse que nous avons effectués.
Nous illustrons nos résultats à travers les expériences du Chili, du Ghana et du Sri Lanka.
Il apparaît que la relation positive entre l’inflation et la démocratie dans notre
échantillon de PED ne serait pas due seulement à la hausse de la masse monétaire
qu’engendrerait la démocratie dans les PED mais aussi, aux difficultés de ces pays à mettre en
oeuvre des politiques de libéralisation commerciale lorsque le niveau de démocratie des
régimes politiques s’améliore. En effet, dans notre échantillon la démocratie entraîne une
hausse de la masse monétaire et réduit le volume du commerce extérieur.
Cependant, lorsque nous excluons les pays de l’Amérique Latine de notre échantillon,
l’effet de la démocratie sur l’inflation demeure positif mais il n’est plus significatif. Nos
résultats suggèrent donc que l’effet positif de la démocratie sur l’inflation serait commun à

171
tous les PED, mais l’effet positif et significatif de la démocratie sur l’inflation serait
spécifique aux pays de l’Amérique Latine. Ainsi, nos résultats concilient deux points de vue :
celui selon lequel la « démocratie populiste » est plus plausible en Amérique Latine, et le
point de vue de ceux qui soutiennent que la démocratie n’entraîne pas nécessairement une
amélioration de la qualité de la gestion macroéconomique dans les PED.
L’implication politique de nos résultats n’est évidemment pas une remise en cause de
la nécessité de la démocratie dans les PED car nul ne peut nier les valeurs intrinsèques de la
démocratie. En revanche, nos résultats indiquent la nécessité de trouver des solutions
spécifiques pour faire face aux différents défis que pourrait poser la démocratie à la stabilité
macroéconomique dans les PED. Ainsi, nos résultats suggèrent la nécessité en Amérique
Latine, de gestionnaires de politiques macroéconomiques dotés de plein pouvoir, et
susceptibles de résister à la demande populaire pour les hausses de dépenses publiques
financées par création monétaire et aux éventuelles demandes populaires pour le
protectionnisme commercial. Dans les autres régions en développement, c’est-à-dire en
Afrique et en Asie, l’enjeu serait d’éviter l’expérience des pays de l’Amérique Latine en
matière de « démocratie populiste » et de créer des conditions pour un bon fonctionnement
des institutions démocratiques afin que celles-ci puissent contribuer efficacement à la bonne
gestion macroéconomique.

172
Annexes du chapitre III

Tableau AIII.1 : Statistiques descriptives des principales variables utilisées dans le chapitre
III
Variables Observations Moyenne Ecart Type Minimum Maximum

Log (inflation) 498 2.129 1.258 -1.122 7.614


Democratie (Polity IV) 543 -0.493 6.517 -9.8 10
Log (croissance monnaie) 541 2.918 1.091 -0.471 8.725
Solde budgétaire 464 -0.027 0.060 -0.809 0.057
Ouverture 531 0.616 0.360 0.089 2.319
Log (date d’indépendance) 585 7.560 0.033 7.497 7.5
Log (croissance monnaie retardé) 476 2.977 1.105 -0.146 8.726
Solde budgétaire retardé 407 -0.027 0.062 -0.809 0.058
Instrument Frankel & Romer 585 0.197 0.149 0.03 0.981
Log (PIB par tête) 558 7.325 1.115 4.648 10.268
Agriculture 519 0.249 0.153 0.001 0.744
Urbanisation 585 0.406 0.223 0.025 1
Stabilité politique retardée 481 12.792 13.424 0 77
Log (inflation retardée) 437 0.649 3.981 -0.188 64.249
Taux de croissance retardé 500 1.384 3.188 -11.591 15.808
Termes de l’échange 438 1.151 0.387 0.245 3.324

173
Tableau AIII.2 : Liste des pays de l’échantillon et leurs dates d’indépendance
Pays Date d’indépendance

Afrique du Sud* 1961


Algérie* 1962
Argentine 1816
Bangladesh 1971
Bénin* 1960
Bolivie 1825
Botswana* 1966
Brésil 1822
Cameroun* 1960
Centre Afrique* 1960
Chili 1818
Colombie 1819
Congo Démocratique* 1960
Congo République* 1960
Costa Rica 1823
Côte d’Ivoire* 1960
Equateur 1830
Egypte* 1936
El Slavador 1841
Gabon* 1960
Ghana* 1957
Guatemala 1823
Guinée Bissau* 1974
Guyana 1966
Haïti 1804
Honduras 1821
Ile Maurice* 1968
Inde 1947
Indonésie 1949
Jamaïque 1962

174
Kenya* 1963
Madagascar* 1960
Malawi* 1964
Malaisie 1957
Mali* 1960
Maroc* 1956
Mexique 1821
Myanmar 1948
Namibie* 1990
Nicaragua 1821
Niger* 1960
Nigeria* 1960
Ouganda* 1962
Pakistan 1947
Panama 1903
Paraguay 1813
Pérou 1821
République Dominicaine 1865
Rwanda* 1962
Sénégal* 1960
Tchad* 1960
Sierra Leone* 1961
Singapour 1965
Sri Lanka 1948
Tanzanie* 1964
Togo* 1960
Trinité de Tobago 1962
Tunisie* 1956
Uruguay 1828
Venezuela 1811
Zambie* 1964
Zimbabwe* 1980
Notes : Les données sur les dates d’indépendance sont obtenues de CIA Factbook (2005) et du CD Rom Atlas
Universel Larousse (2003). Les pays marqués par une étoile sont des pays africains.

175
Tableau AIII.3 : Robustesse des résultats par rapport à la transformation proposée par
Cukierman 1/

DMC DMC DMC


(1) (2) (3)
Infl (transformée) Infl (transformée) Infl (transformée)

Log (inflation transformée retardée) 0.695 0.598 0.641


(8.69)*** (7.05)*** (8.20)***
Dem 0.003 0.012 0.003
(1.30) (1.99)** (0.93)
Mon 0.007
(0.64)
Sb -1.066
(1.66)*
Ouv -0.090
(2.67)***
Constante -0.033 -0.059 0.046
(1.01) (1.53) (1.56)
Number of observations 381 338 378

Equations instrumentales

MCO MCO MCO MCO MCO MCO


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Dem Mon Dem Sb Dem Ouv

Log (date) -54.868 -0.741 -46.246 -0.094 -54.834 1.045


(5.98)*** (0.64) (4.56)*** (2.09)** (6.00)*** (3.17)***
Mon retardée 0.190 0.426
(0.60) (4.63)***
Sb retardé 25.706 0.683
(3.35)*** (7.89)***
Instrument de Frankel &Romer 4.620 1.392
(1.29) (8.95)***
Constante 418.202 6.788 353.374 0.701 418.062 -7.568
(6.03)*** (0.77) (4.61)*** (2.06)** (6.05)*** (3.03)***

R² (ajusté) 0.19 0.38 0.20 0.49 0.20 0.30


Diagnostic qualité instruments
Statistique Cragg-Donald 2/ 17.40 7.75 18.078
Valeurs critiques (r = 0.1) 7.03 7.03 7.03
Valeurs critiques (r = 0.15) 4.58 4.58 4.58
Note: ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas indiqués.
Mon retardée correspond à la valeur retardée du logarithme du taux de croissance de la masse monétaire.
Sb retardé désigne la valeur retardée d’une période du solde budgétaire.
2/ La statistique de Cragg Donald (1993) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour le test d’instruments
faibles. Cette statistique est utilisée lorsqu’un modèle comporte plus d’une variable endogène. Si la statistique
calculée est inférieure à la statistique tabulée par Stock et Yogo (2002, 2005), ceci indique que les instruments
pourraient souffrir d’une certaine faiblesse selon la taille d’erreurs (r) que le chercheur est prêt à admettre.

176
Tableau AIII.4 : Robustesse des résultats en utilisant le log (déflateur du PIB) 1/

DMC DMC DMC


(1) (2) (3)
Log (déflateur PIB) Log (déflateur PIB) Log (déflateur PIB)

Log (déflateur PIB retardé) 0.524 0.561 0.548


(8.23)*** (7.90)*** (8.01)***
Dem 0.029 0.063 0.031
(1.11) (1.65)* (1.02)
Mon 0.228
(1.87)*
Sb -3.027
(0.88)
Ouv -0.748
(2.07)***
Constante -0.012 0.315 0.873
(0.04) (1.14) (2.51)**
Nombre d’observations 366 331 377

Equations instrumentales

MCO MCO MCO MCO MCO MCO


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Dem Mon Dem Sb Dem Ouv

Log (date) -57.592 -1.549 -54.256 -0.109 -55.739 1.119


(6.03)*** (1.29) (5.41)*** (2.04)** (5.86)*** (3.01)***
Mon retardée 0.046 0.556
(0.13) (7.15)***
Sb retardé 11.721 0.592
(2.80)*** (6.06)***
Instrument de Frankel &Romer 2.811 1.343
(0.89) (7.42)***
Constante 438.861 12.562 412.974 0.813 424.571 -8.070
(6.07)*** (1.38) (5.43)*** (2.01)** (5.89)*** (2.86)***

R² (ajusté) 0.24 0.40 0.23 0.61 0.24 0.24


Diagnostic qualité instruments
Statistique Cragg-Donald 2/ 17.52 12.63 15.64
Valeurs critiques (r = 0.1) 7.03 7.03 7.03
Valeurs critiques (r = 0.15) 4.58 4.58 4.58
Note: ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas indiqués.
Mon retardé correspond à la valeur retardée du logarithme du taux de croissance de la masse monétaire.
Sb retardé désigne la valeur retardée d’une période du solde budgétaire.
2/ La statistique de Cragg Donald (1993) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour le test d’instruments
faibles. Cette statistique est utilisée lorsqu’un modèle comporte plus d’une variable endogène. Si la statistique
calculée est inférieure à la statistique tabulée par Stock et Yogo (2002, 2005), ceci indique que les instruments
pourraient souffrir d’une certaine faiblesse selon la taille d’erreurs (r) que le chercheur est prêt à admettre.

177
Tableau AIII.5 : Robustesse des résultats en utilisant l’indice de contraintes sur l’exécutif 1/

DMC DMC DMC


(1) (2) (3)
Log (infl) Log (infl) Log (infl)

Log (inflation retardée) 0.593 0.546 0.570


(9.70)*** (5.48)*** (8.51)***
Contraintes sur l’executif 0.120 0.528 0.113
(1.11) (1.92)* (0.92)
Mon 0.244
(1.80)*
Sb -12.193
(1.81)*
Ouv -0.849
(1.86)*
Constante -0.788 2.221 0.434
(1.57) (1.70)* (0.51)
Nombre d’observations 376 332 374

Equations instrumentales

MCO MCO MCO MCO MCO MCO


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Cont Mon Cont Sb Cont Ouv

Log (date) -13.662 -1.636 -11.691 -0.114 -13.248 0.979


(4.05)*** (1.37) (3.03)*** (2.36)** (3.97)*** (3.01)***
Mon retardée -0.033 0.403
(0.25) (4.84)***
Sb retardé 8.997 0.667
(3.37)*** (7.50)***
Instrument de Frankel &Romer -1.054 1.308
(0.81) (8.13)***
Constante 108.202 13.418 93.036 0.857 105.521 --6.977
(4.23)*** (1.49) (3.18)*** (2.34)** (4.18)*** (2.83)***

R² (ajusté) 0.11 0.37 0.13 0.48 0.12 0.31


Diagnostic qualité des instruments
Statistique Cragg-Donald 2/ 7.84 3.05 5.73
Valeurs critiques (r = 0.1) 7.03 7.03 7.03
Valeurs critiques (r = 0.15) 4.58 4.58 4.58
Note: ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas indiqués.
Mon retardé correspond à la valeur retardée du logarithme du taux de croissance de la masse monétaire.
Sb retardé désigne la valeur retardée d’une période du solde budgétaire.
2/ La statistique de Cragg Donald (1993) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour le test d’instruments
faibles. Cette statistique est utilisée lorsqu’un modèle comporte plus d’une variable endogène. Si la statistique
calculée est inférieure à la statistique tabulée par Stock et Yogo (2002, 2005), ceci indique que les instruments
pourraient souffrir d’une certaine faiblesse selon la taille d’erreurs (r) que le chercheur est prêt à admettre.

178
Tableau AIII.6 : Robustesse des résultats en considérant que les donnés de 1980-2003 1/

DMC DMC DMC


(1) (2) (3)
Log (infl) Log (infl) Log (infl)

Log (inflation retardée) 0.681 0.590 0.537


(9.70)*** (7.97)*** (6.57)***
Demo 0.026 0.091 0.029
(1.14) (2.37)** (1.15)
Mon 0.022
(0.18)
Sb -8.256
(1.82)*
Ouv -1.179
(2.10)**
Constante 0.062 2.221 1.122
(0.19) (1.70)* (2.29)**
Nombre d’observations 262 256 260

Equations instrumentales

MCO MCO MCO MCO MCO MCO


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Demo Mon Demo Sb Demo Ouv

Log (date) -77.917 -0.533 -68.80 -0.123 -77.707 0.695


(7.81)*** (0.33) (6.21)*** (2.09)** (7.63)*** (1.54)
Mon retardée 0.159 0.556
(0.41) (6.01)***
Sb retardé 21.20 0.636
(2.66)*** (6.82)***
Instrument de Frankel & Romer 5.036 1.184
(1.24) (5.75)***
Constante 593.025 4.813 523.755 0.924 591.092 -4.783
(7.85)*** (0.40) (6.25)*** (2.07)** (7.67)*** (1.40)

R² (ajusté) 0.25 0.40 0.25 0.48 0.26 0.26


Diagnostic qualité instruments
Statistique Cragg-Donald 2/ 28.70 13.46 17.59
Valeurs critiques (r = 0.1) 7.03 7.03 7.03
Valeurs critiques (r = 0.15) 4.58 4.58 4.58
Note: ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas indiqués.
Mon retardé correspond à la valeur retardée du logarithme du taux de croissance de la masse monétaire.
Sb retardé désigne la valeur retardée d’une période du solde budgétaire.
2/ La statistique de Cragg Donald (1993) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour le test d’instruments
faibles. Cette statistique est utilisée lorsqu’un modèle comporte plus d’une variable endogène. Si la statistique
calculée est inférieure à la statistique tabulée par Stock et Yogo (2002, 2005), ceci indique que les instruments
pourraient souffrir d’une certaine faiblesse selon la taille d’erreurs (r) que le chercheur est prêt à admettre.

179
Tableau AIII.7 : Robustesse des résultats après exclusion des pays africains de la zone franc
de l’échantillon 1/

DMC DMC DMC


(1) (2) (3)
Log (infl) Log (infl) Log (infl)

Log (inflation retardée) 0.641 0.585 0.581


(10.13)*** (8.27)*** (8.25)***
Demo 0.024 0.127 0.014
(0.85) (2.06)** (0.50)
Mon 0.187
(1.27)
Sb -12.165
(2.26)**
Ouv -0.849
(2.09)**
Constante -0.175 -0.197 1.016
(0.49) (0.55) (2.58)***
Nombre d’observations 325 292 319

Equations instrumentales

MCO MCO MCO MCO MCO MCO


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Demo Mon Demo Sb Demo Ouv

Log (date) -43.655 -0.641 -38.835 -0.080 -42.570 1.118


(4.49)*** (0.52) (3.69)*** (1.75)* (4.39)*** (3.25)***
Mon retardée 0.131 0.428
(0.32) (4.01)***
Sb retardé 30.433 0.733
(2.96)*** (10.52)***
Instrument de Frankel &Romer 12.112 1.459
(2.59)** (7.75)***
Constante 334.888 5.846 297.671 0.597 325.145 -8.008
(4.56)*** (0.63) (3.75)*** (1.72)* (4.44)*** (3.07)

R² (ajusté) 0.16 0.38 0.18 0.55 0.18 0.33


Diagnostic qualité instruments
Statistique Cragg-Donald 2/ 9.73 5.20 13.10
Valeurs critiques (r = 0.1) 7.03 7.03 7.03
Valeurs critiques (r = 0.15) 4.58 4.58 4.58
Note: ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas indiqués.
Mon retardée correspond à la valeur retardée du logarithme du taux de croissance de la masse monétaire.
Sb retardé désigne la valeur retardée d’une période du solde budgétaire.
2/ La statistique de Cragg Donald (1993) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour le test d’instruments
faibles. Cette statistique est utilisée lorsqu’un modèle comporte plus d’une variable endogène. Si la statistique
calculée est inférieure à la statistique tabulée par Stock et Yogo (2002, 2005), ceci indique que les instruments
pourraient souffrir d’une certaine faiblesse selon la taille d’erreurs (r) que le chercheur est prêt à admettre.

180
Tableau AIII.8 : Robustesse des résultats pour des taux d’inflation élevés 1/

DMC DMC DMC


(1) (2) (3)
Log (infl) Log (infl) Log (infl)

Log (inflation retardée) 0.515 0.488 0.481


(6.69)*** (5.68)*** (7.04)***
Demo 0.024 0.114 0.022
(1.12) (2.10)** (0.50)
Mon 0.101
(0.74)
Sb -10.990
(2.00)**
Ouv -0.826
(1.88)*
Constante 0.981 0.565 1.892
(2.27)** (1.02) (4.46)***
Nombre d’observations 204 193 218

Equations instrumentales

MCO MCO MCO MCO MCO MCO


(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Demo Mon Demo Sb Demo Ouv

Log (date) -62.227 -1.334 -54.610 -0.160 -62.499 1.058


(5.36)*** (0.90) (4.34)*** (2.32)** (5.67)*** (2.88)***
Mon retardée 0.494 0.646
(0.76) (4.79)***
Sb retardé 25.152 0.613
(2.66)*** (5.69)***
Instrument de Frankel &Romer 9.761 1.271
(1.78)* (6.10)***
Constante 474.935 11.027 417.541 1.183 475.795 -7.497
(5.41)*** (0.99) (4.39)*** (2.26)** (5.71)*** (2.69)**

R² (ajusté) 0.25 0.42 0.18 0.45 0.26 0.37


Diagnostic qualité instruments
Statistique Cragg-Donald 2/ 10.24 5.48 18.25
Valeurs critiques (r = 0.1) 7.03 7.03 7.03
Valeurs critiques (r = 0.15) 4.58 4.58 4.58
Note: ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de Student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Les estimations sont réalisées à partir de notre échantillon de 62 PED ex-colonies d’extraction et comportent
des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas indiqués.
Mon retardé correspond à la valeur retardée du logarithme du taux de croissance de la masse monétaire.
Sb retardé désigne la valeur retardée d’une période du solde budgétaire.
2/ La statistique de Cragg Donald (1993) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour le test d’instruments
faibles. Cette statistique est utilisée lorsqu’un modèle comporte plus d’une variable endogène. Si la statistique
calculée est inférieure à la statistique tabulée par Stock et Yogo (2002, 2005), ceci indique que les instruments
pourraient souffrir d’une certaine faiblesse selon la taille d’erreurs (r) que le chercheur est prêt à admettre.

181
Graphique AIII.1 : Relation entre le niveau de démocratie et la date d’indépendance sur la
période 1960-2003

Source : Estiamations de l’auteur.

Graphique AIII.2 : Relation entre la date d’indépendance et le niveau initial de démocratie

Source : Estimations de l’auteur.

182
Chapitre IV

Fondement Économique de la Démocratie dans les Pays en


Développement : Une Approche par l'Analyse Coûts-Bénéfices de
la Démocratie

1. Introduction

Est-il économiquement rationnel d’améliorer la qualité des institutions démocratiques


dans les pays en développement (PED) ? La question est de savoir si les PED peuvent espérer
des retombées économiques du processus démocratique dans lequel certains d’entre eux se
sont engagés depuis la fin des années 1970, ou si ces pays devraient seulement bénéficier des
valeurs intrinsèques50 de la démocratie -c’est-à-dire, liberté individuelle, liberté civile,
compétition électorale, justice, égalité et équité-? La réponse à cette question est loin d’être
évidente, car les économistes ont souvent trouvé des résultats controversés lorsqu’ils
analysent les effets de la démocratie sur la croissance économique et/ou sur la performance
des politiques macroéconomiques.
En se référant au théorème de l’électeur médian, plusieurs auteurs montrent que la
démocratie entraîne la mise en oeuvre de politiques distributives, engendrant entre autres, des
taux de prélèvement fiscal très élevés (Alesina et Rodrik, 1994 ; Persson et Tabellini, 1994 ;
Acemoglu et Robinson, 2006b). Dans le même sens, Gasiorowski (2000) montre que la
démocratie entraîne une hausse de l’inflation dans les PED, parce que la démocratie engendre
dans ces pays une hausse du déficit public et des salaires. De leur côté, Besely et Coate (1998)
démontrent que, du fait des problèmes de crédibilité des engagements, du changement de
préférences des citoyens et des dirigeants politiques, les systèmes démocratiques sont
défaillants dans le choix de politiques économiques. Buchanan et Tullock (1962) sont de ces
auteurs pionniers qui ont développé des arguments en faveur de l’inefficacité des politiques
économiques dans un système démocratique. En revanche, Stigler (1982), Becker (1985),

50
Pour une discussion sur les valeurs intrinsèques de la démocratie, voir Sen (1999).

183
Wittman (1989, 1995) et Baba (1997) démontrent que la compétition électorale est un gage
d’efficacité des politiques économiques en démocratie.
L’analyse de l’effet de la démocratie sur la croissance économique ne conduit pas non
plus à un résultat consensuel. Sirowy et Inkeles (1990) analysent 15 travaux empiriques et
concluent que 11 de ces travaux montrent une absence de relation ou l’existence d’une
relation conditionnée entre la démocratie et la croissance économique. En analysant les
résultats issus de 18 travaux, Przeworski et Limongi (1993) constatent 21 résultats différents :
huit résultats indiquent un effet positif, huit autres résultats montrent un effet négatif de la
démocratie sur la croissance, enfin cinq autres résultats indiquent une absence de relation
entre la démocratie et la croissance économique. Tavares et Wacziarg (2001) mettent en
exergue des effets différenciés de la démocratie sur différentes variables de politique
macroéconomique, ce qui entraîne un effet total négatif de la démocratie sur la croissance
économique51. Signalons cependant, que des travaux beaucoup plus récents et utilisant de
nouvelles hypothèses et/ou de nouvelles techniques d’estimation commencent à établir un
effet positif de la démocratie sur la croissance économique. Nous présentons ces récents
travaux dans la suite de ce chapitre.
S’interroger s’il existe un fondement économique pour l’investissement dans
l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques dans les PED constitue une
question importante pour au moins trois raisons.
La première raison est que l’effet positif de la démocratie sur les performances
économiques n’est pas établi sans controverse, comme l’indique la revue des travaux
empiriques et théoriques ci-dessus. Il serait alors judicieux de se demander s’il est
économiquement justifié de démocratiser les régimes politiques dans les PED.
La deuxième raison est que la plupart des PED sont dépendants de l’aide
internationale dont l’allocation est de plus en plus conditionnée par la mise en oeuvre de
réformes démocratiques dans ces pays. Ainsi par exemple, Dollar et Kraay (2000) démontrent
que l’allocation de l’aide publique au développement est biaisée en faveur des PED qui
mettent en oeuvre des réformes démocratiques.
La troisième raison qui justifie l’importance de la question que nous posons dans ce
chapitre est que, la survie de la démocratie dans les PED en dépend. Car à défaut de pouvoir
générer de bonnes performances économiques, la démocratie peut susciter des déceptions et
des désillusions, ce qui risque d’entraîner un renversement ou une remise en question du

51
Pour d’autres résultats mitigés de l’effet de la démocratie sur la croissance économique, voir le travail de
Quinn et Wooley (2001).

184
processus démocratique dans les PED. En effet, plusieurs travaux montrent que la croissance
économique contribue à la consolidation de la démocratie (Przeworski et al., 2000; Persson et
Tabellini, 2006a). Dans ce cas alors, on peut supposer que si la démocratie ne contribue pas à
améliorer les conditions de vie de la population en générant de la croissance économique, son
bon fonctionnement pourrait être menacé dans les PED.
Dans ce chapitre, nous proposons une démarche originale consistant à comparer les
bénéfices et les coûts induits des institutions démocratiques dans les PED. Ainsi, nous dirons
qu’il existe un fondement économique pour l’amélioration de la qualité des institutions
démocratiques lorsque les bénéfices l’emportent sur les coûts induits de la démocratie dans
les PED. Se posent alors les questions suivantes : qu’est-ce qu’un coût et un bénéfice de la
démocratie, comment peut on les appréhender et comment peut on les comparer ?
Selon Keech (1995), on peut parler de coûts de la démocratie lorsque celle-ci entraîne
des effets indésirables pour l’ensemble de la société. De cette définition, nous déduisons que
l’on peut parler de bénéfices de la démocratie lorsque celle-ci entraîne des effets désirables
pour l’ensemble de la société. Bien évidemment, il est difficile d’appréhender tous les coûts et
bénéfices d’un système aussi complexe qu’est le système démocratique. Ainsi, dans ce
chapitre nous adaptons une démarche parcimonieuse limitant notre analyse aux effets
économiques relativement quantifiables des institutions démocratiques.
Nous faisons l’hypothèse qu’à court terme, la démocratie entraînerait dans les PED
l’instabilité macroéconomique (cf. chapitre II où nous montrons que la démocratie exerce un
effet positif sur l’inflation dans les PED) et l’instabilité socio-politique (guerres inter-
ethniques à la veille ou aux lendemains des élections, émeutes, grèves, assassinats politiques
et civils) qui sont assimilables à des coûts induits de la démocratie. Dans ce cas alors, la
démocratie risque d’entraîner une baisse de la croissance économique à court terme dans les
PED. Nous soutenons qu’à long terme, avec la consolidation de la démocratie, celle-ci
pourrait contribuer à l’émergence de bonnes institutions de protection des droits de propriété
privée (cf. chapitre I où nous mettons en exergue une relation positive à long terme entre les
institutions démocratiques et les institutions de protection des droits de propriété privée), ce
qui est assimilable à un bénéfice de la démocratie dans les PED. Ce faisant, la démocratie très
probablement va entraîner une hausse de la croissance économique à long terme dans les
PED. Afin de comparer les bénéfices et les coûts induits de la démocratie, nous analysons
alors, les effets de court et de long terme de la démocratie sur le taux de croissance
économique dans les PED. Nous dirons qu’il est économiquement justifié d’investir dans
l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques dans les PED, lorsque la baisse de

185
croissance économique engendrée à court terme, est inférieure à la hausse de croissance
économique qu’entraînerait la démocratie à long terme dans les PED.
Pour évaluer et comparer les bénéfices et les coûts induits de la démocratie, nous
procédons comme suit. Nous utilisons des données de panel quinquennal pour estimer l’effet
du niveau de démocratie sur le taux de croissance économique dans les PED. Nous assimilons
le résultat de ces estimations à l’effet de court terme de la démocratie sur la croissance
économique. Nous développons une nouvelle mesure de performance démocratique
dénommée « stock de capital démocratique » censée capter le cumul d’expériences
démocratiques d’un pays. L’estimation de l’effet du stock de capital démocratique sur la
croissance économique à partir des données transversales correspond à l’effet de long terme
de la démocratie sur la croissance.
Notre mesure du « stock de capital démocratique » s’inspire de la méthode de
l’inventaire permanent utilisée en économie pour mesurer le stock de capital physique.
Cependant, à la différence du stock de capital physique, dans le cadre du « stock de capital
démocratique » nous considérons que c’est le niveau initial (en début de période) et non le
niveau passé (à l’année t-1) de démocratie qui se détériore. Notre mesure du « stock de capital
démocratique » dépend ainsi du niveau initial et du niveau passé de démocratie. Le « stock de
capital démocratique » est un nouveau concept utilisé récemment par Gering et al. (2005) et
Persson et Tabellini (2006a). Cependant, comme il apparaîtra dans la suite de ce chapitre, il
existe d’une part, des différences entre notre mesure du « stock de capital démocratique » et
celle de ces auteurs, et d’autre part, des différences entre notre méthode d’estimation de l’effet
du « stock de capital démocratique » sur la croissance économique et celle de ces auteurs.
Deux principales contributions de ce chapitre peuvent être soulignées. Nous suggérons
une nouvelle mesure du « stock de capital démocratique » inspirée de la méthode de
l’inventaire permanent. A notre connaissance, ce chapitre constituerait le premier travail à
suggérer une telle mesure du « stock de capital démocratique ». Nous proposons également,
une prise de décision en faveur de l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques,
fondée sur la comparaison des coûts induits à court terme et des bénéfices de long terme de la
démocratie. A notre connaissance, ce chapitre serait le premier travail à mettre en exergue un
tel résultat.
Notons que ce chapitre complète les chapitres I et III de cette thèse, puisque dans le
présent chapitre, nous nous proposons de comparer les effets économiques de court et de long
terme de la démocratie dans les PED. Or dans le chapitre I, nous avons pu montrer qu’à long
terme, les institutions démocratiques améliorent la qualité des institutions de droits de

186
propriété privée dans les PED. De même, le chapitre III nous a permis de montrer qu’à court
terme, la démocratie entraîne une hausse de l’inflation dans les PED. Ainsi, les résultats des
chapitres I et III, laissent entrevoir des effets dynamiques différenciés de la démocratie sur la
croissance économique dans les PED, c’est ce que tente d’illustrer ou de tester ce chapitre. Le
chapitre IV permet ainsi de tester une des hypothèses fondamentales de cette thèse que nous
avons énoncée dans l’introduction générale. Il s’agit de l’hypothèse selon laquelle,
l’amélioration de la qualité des institutions induirait des coûts à court terme et des bénéfices à
long terme, et la comparaison des deux pourrait mieux aider les PED à prendre des décisions
économiquement justifiées en faveur de l’amélioration de la qualité de leurs institutions.
La suite de ce chapitre s’organise comme suit. Dans la section 2 nous présentons les
récents travaux relatifs à l’analyse de l’effet de la démocratie sur la croissance économique.
La section 3 expose les arguments théoriques de ce chapitre. La section 4 est consacrée à la
présentation de la mesure du « stock de capital démocratique » que nous proposons, à des
analyses de la pertinence de cette mesure, ainsi qu’à la description des stratégies empiriques
utilisées dans ce chapitre. Nous présentons et commentons les résultats des estimations
économétriques dans la section 5. Des implications de politique économique des résultats de
ce chapitre sont présentées dans la sixième et dernière section de ce chapitre.

2. Revue des travaux récents sur la relation entre la démocratie et la


croissance

Ce chapitre s’inscrit dans la liste de récents travaux analysant l’effet de la démocratie


sur la croissance économique. Pour faciliter leur présentation, nous classifions ces récents
travaux en trois catégories. La première catégorie est constituée de travaux mettant en exergue
des effets différenciés de la démocratie sur la croissance économique. La seconde catégorie de
travaux ne développent pas de nouveaux arguments théoriques, mais mettent surtout l’accent
sur l’utilisation de nouvelles techniques d’estimation économétrique, pour établir un effet
positif de la démocratie sur la croissance économique. Enfin, les travaux combinant à la fois
de nouveaux arguments et de nouveaux indicateurs de performance démocratique constituent
la troisième catégorie de travaux récents sur la relation entre la démocratie et la croissance.

2.1 Travaux relatifs aux effets différenciés de la démocratie

187
Dans ce groupe de travaux se situe celui de Acemoglu (2008). Dans son article,
Acemoglu développe un modèle théorique à partir duquel il compare les performances
économiques d’une société oligarchique -société dominée par une dictature dirigée par la
majorité des grands entrepreneurs privés dans un pays- à celles d’une société démocratique -
société où l’accession au pouvoir politique dépend de la volonté du peuple-. Selon le modèle
de Acemoglu (2008), l’oligarchie comparativement à la démocratie, présente l’avantage
d’assurer la protection des droits de propriété privée aux investisseurs déjà présents sur le
marché, mais l’inconvénient d’empêcher l’entrée sur le marché de nouveaux investisseurs
plus innovateurs. Tandis que la démocratie comparativement à l’oligarchie, présente
l’inconvénient d’entraîner des prélèvements fiscaux très élevés, mais l’avantage d’une entrée
plus facile de nouveaux investisseurs plus innovateurs sur le marché. Sur la base de son
modèle théorique, Acemoglu (2008) prédit que les sociétés oligarchiques connaîtraient
initialement des taux de croissance économique plus élevés que les sociétés démocratiques.
Cependant, les sociétés démocratiques rattraperaient leurs retards et connaîtraient au final une
croissance économique plus élevée que les sociétés oligarchiques. Selon Acemoglu (2008) ce
résultat est possible du fait de l’introduction plus facile des innovations technologiques que
permet la démocratie.
Comme Acemoglu (2008), dans ce chapitre nous reconnaissons l’existence de certains
avantages et inconvénients de la démocratie. Ces avantages et inconvénients de la démocratie
peuvent engendrer des effets différents sur la croissance économique. La différence entre ce
chapitre et le travail de Acemoglu (2008) est que, nous tentons de comparer les coûts et
avantages de la démocratie, alors que cet auteur s’intéresse surtout à la comparaison des effets
dynamiques de la démocratie par rapport à l’oligarchie.
Aghion et al. (2008) développent un modèle théorique très proche de celui de
Acemoglu (2008). En effet, ces auteurs montrent que la démocratie serait porteuse de
croissance économique dans les secteurs économiques très développés technologiquement,
parce que la démocratie engendre de faibles barrières à l’entrée sur le marché, ce qui est
favorable à l’amélioration de la productivité dans ces secteurs d’activité. En revanche, dans
les secteurs non développés technologiquement, la démocratie n’aurait au mieux aucun effet
et au pire, elle aurait un effet négatif sur la croissance.
Pour tester leur modèle, Aghion et al. (2008) utilisent comme indicateurs de croissance
économique, les données sur la croissance de la production, de l’emploi et de la valeur ajoutée
dans le secteur industriel. Et comme variables explicatives, ces auteurs utilisent un indice de
démocratie (indice Polity 2 de Polity IV, ou les indices de liberté politique et civil de Freedom

188
House), un indicateur de la distance par rapport à la frontière technologique (plus cet
indicateur est élevé plus les industries d’un pays sont technologiquement en retard par rapport
à la moyenne de l’échantillon) et une variable d’interaction entre ces deux variables. La
variable d’interaction est la variable d’intérêt de ces auteurs.
En utilisant des données de panel couvrant la période 1970-2000 subdivisée en sous
périodes de cinq ans, avec un groupe de 119 pays développés et pays en développement,
Aghion et al. (2008) montrent que la démocratie contribue à la croissance dans le secteur
industriel des pays très développés technologiquement.
Le point commun entre ce chapitre et l’article de Aghion et al. (2008) est la
reconnaissance de certains avantages de la démocratie qui sont favorables à la croissance
économique. Cependant, ces auteurs ne mentionnent aucun coût de la démocratie, par
conséquent ils ne s’intéressent pas à la comparaison des coûts et bénéfices de la démocratie.
Dans le cadre de notre travail, la variable expliquée est le taux de croissance du PIB par tête et
non la croissance dans le secteur industriel. Contrairement à Aghion et al. (2008), notre
analyse concerne uniquement les PED et non un ensemble de pays développés et de PED.
Enfin, le mécanisme par lequel la démocratie pourrait affecter la croissance
économique diffère entre notre travail et celui de Aghion et al. (2008). En effet, notre analyse
montre que la démocratie pourrait contribuer à la croissance économique à long terme dans
les PED, à travers un cumul de « stock de capital démocratique » qui permettrait le
développement des institutions de droits de propriété privée, indépendamment du degré de
développement technologique des pays. Alors que pour Aghion et al. (2008), la démocratie ne
contribue à la croissance que dans les secteurs très développés technologiquement, ce qui
voudrait implicitement dire qu’en termes de croissance économique, ce sont les pays
développés qui bénéficieraient beaucoup plus de la démocratie.

2.2 Travaux utilisant de nouvelles techniques d’estimation

Ces travaux utilisent essentiellement des données de panel. Dans ce domaine, à notre
connaissance Rodrik et Wazciarg (2005) seraient les premiers à utiliser récemment des
données de panel pour mettre en exergue un effet positif de la démocratie sur la croissance
économique. Ces auteurs utilisent les données de Polity IV et se basent sur sa définition de
« démocratisation majeure », pour identifier des épisodes de transition démocratique dans
chaque pays de leur échantillon, pendant la période 1950-2000. Rodrik et Wazciarg (2005)
appliquent la méthode des effets fixes avec leurs données de panel annuel et montrent que la

189
transition démocratique affecte positivement la croissance économique dans leur échantillon
de 154 pays développés et pays en développement. Ce résultat est aussi obtenu par ces auteurs
dans leurs sous-échantillons de pays à faible revenu, de pays Africains et de pays à forte
fragmentation ethnique.
Papaioannou et Siourounis (2008) utilisent la technique de la double différence pour
analyser l’effet de la transition démocratique sur la croissance économique. Ils comparent le
taux de croissance économique avant et après la transition démocratique d’une part, entre
pays qui ont connu et ceux qui n’ont pas connu de transitions démocratiques d’autre part.
L’identification des épisodes de transition démocratique est effectuée grâce aux données de
Freedom House et de Polity IV. En appliquant la méthode des effets fixes sur leurs données
de panel annuel couvrant la période 1960-2003, et un échantillon de 166 pays développés et
de pays en développement, Papaioannou et Siourounis (2008) montrent que les pays de leur
échantillon qui ont connu des transitions démocratiques enregistrent une plus forte croissance
économique que ceux qui n’ont pas connu de transitions démocratiques.
De leur côté, Persson et Tabellini (2006b) utilisent la méthode de la double différence
pour comparer le taux de croissance économique des pays démocratiques à celui des pays non
démocratiques, avant et après la démocratisation. Grâce aux données de Polity IV ils
identifient comme pays démocratiques, ceux dont l’indice Polity 2 est strictement positif au
cours d’une année donnée. Sur la période 1960-2000, pour un échantillon de 150 pays
développés et pays en développement, Persson et Tabellini (2006b) identifient 120
changements de régimes politiques. En appliquant la méthode des effets fixes avec leurs
données de panel annuel, ces auteurs montrent que les pays démocratiques enregistrent une
plus forte croissance économique comparativement aux pays non démocratiques.
Persson et Tabellini (2008) combinent la technique de la double différence et la
technique de « propensity score matching » pour analyser l’effet de la transition démocratique
sur la croissance économique. Ces auteurs utilisent un modèle de probabilité de transition
démocratique pour identifier les pays comparables sur la base de certaines de leurs
caractéristiques observables et de leurs probabilités de transition démocratique. En utilisant
les données de Polity 2 comme mesure de la qualité des institutions démocratiques, avec des
données annuelles datant de 1960-2000, et un groupe de 138 pays développés et pays en
développement, ces auteurs montrent que la transition démocratique entraîne une hausse de
un point de pourcentage du taux de croissance économique, correspondant à une hausse de 13
% du revenu par tête en fin de période. En revanche, la transition vers la dictature entraîne une

190
baisse de deux points de pourcentage du taux de croissance, correspondant à une baisse de
45% du revenu par tête en fin de période.
L’utilisation des données de panel est le point commun entre ce chapitre et les travaux
que nous classifions dans la seconde catégorie. Cependant, à ce niveau la ressemblance n’est
pas parfaite, car nous utilisons des données de panel quinquennal alors que les auteurs des
travaux de la deuxième catégorie utilisent des données de panel annuel. L’utilisation des
données de panel quinquennal permet le lissage des effets de cycles conjoncturels dans la
variation des variables, elle permet de réduire le risque de non stationnarité de certaines
variables ainsi que les erreurs de mesure de certaines variables, en l’occurrence les indices
d’institutions démocratiques.
Contrairement aux travaux de la seconde catégorie, notre indicateur de démocratie est
une variable continue du niveau de démocratie et non une variable muette mesurant le
caractère démocratique ou non d’un régime politique, ou encore le début ou non de transition
démocratique d’un régime politique. Nous utilisons des données de panel tout en tentant de
corriger pour l’endogénéité des différentes variables explicatives grâce à l’utilisation de la
technique de GMM system, alors que les autres auteurs ne tentent pas de faire une telle
correction. Comparativement à notre travail, la plupart des auteurs des travaux de la seconde
catégorie (à l’exception de Rodrik et Wazciarg, 2005) n’analysent pas l’effet de la démocratie
sur la croissance économique dans les PED.

2.3 Travaux combinant de nouveaux arguments et de nouveaux indicateurs de


performance démocratique

Les auteurs des travaux de la troisième catégorie développent un nouvel argument


selon lequel l’élément le plus important est le cumul d’expériences démocratiques des pays.
Ce faisant, pour ces auteurs, le stock et non le niveau de démocratie expliquerait la croissance
économique.
Gering et al. (2005) sont de ces auteurs qui défendent l’hypothèse d’un effet positif du
stock de démocratie sur la croissance économique. Ces auteurs développent des arguments
théoriques montrant que le cumul d’expériences démocratiques contribuerait à la croissance
économique à travers deux principaux canaux : l’apprentissage de la gestion des politiques
économiques et une meilleure institutionnalisation de la société. Pour Gering et al. (2005), le
cumul d’expériences démocratiques engendre un processus d’apprentissage des conséquences
de choix de « mauvaises » politiques économiques. Ce processus d’apprentissage concerne

191
aussi bien les décideurs politiques que les citoyens électeurs, ce qui entraîne à long terme des
choix de politiques économiques favorables à la croissance économique. Le cumul
d’expériences démocratiques permet aussi un bon fonctionnement des institutions dans un
pays : les règles de succession à la tête d’un pays sont clairement définies et respectées, la
mise en place de règles et procédures pour résoudre les conflits d’intérêts et une meilleure
protection des droits de propriété privée. A travers une meilleure institutionnalisation de la
société, le cumul d’expériences démocratiques réduit l’incertitude, contribuant ainsi à la
hausse de l’investissement et à la croissance économique.
Gering et al. (2005) proposent une mesure du « stock de capital démocratique » qui est
une somme géométrique du niveau de démocratie en 1900 dans un pays. La valeur du stock
de démocratie diminue donc, au fur et à mesure que l’on s’approche de la fin de période
d’analyse. Ils mesurent le « stock de capital démocratique » en utilisant un taux de
dépréciation annuelle de 1% du capital démocratique. Après plusieurs simulations, le taux de
1% s’est révélé comme celui qui explique mieux leurs données. A partir de l’indice Polity 2
de Polity IV, et en utilisant des données de panel annuel couvrant la période 1950-2000, pour
187 pays développés et pays en développement, Gering et al. (2005) trouvent que le « stock
de capital démocratique » affecte positivement le taux de croissance du PIB par tête.
Persson et Tabellini (2006a) analysent l’effet du « stock de capital démocratique » sur
le changement de régime politique et la croissance économique. Ces auteurs développent un
modèle théorique à partir duquel ils montrent que, le cumul d’expériences démocratiques
mesuré à travers le « stock de capital démocratique » permet la consolidation de la démocratie
et réduit ainsi le risque de renversement de régime politique. En réduisant le risque de coup
d'État réussi, le « stock de capital démocratique » accroît le rendement espéré de
l’investissement, stimule son développement et par conséquent, entraîne une hausse de la
croissance économique. Donc selon Persson et Tabellini (2006a), l’effet du « stock de capital
démocratique » sur la croissance passerait par la réduction de l’instabilité politique.
Pour tester les prédictions de leur modèle théorique, Persson et Tabellini (2006a)
développent un concept de capital démocratique à double composante : une composante
domestique et une composante étrangère. La composante étrangère mesure l’effet sur un pays
de l’expérience démocratique de ses pays voisins, et la composante domestique du « stock de
capital démocratique » mesure le cumul d’expériences démocratiques nationales. Nous
focalisons notre attention sur cette dernière composante du « stock de capital démocratique »,
car ce chapitre s’intéresse uniquement au cumul d’expériences démocratiques nationales. La
mesure du « stock de capital démocratique domestique » de Persson et Tabellini (2006a)

192
correspond à la somme géométrique d’expériences démocratiques d’un pays entre l’instant t
et l’instant t0, ce dernier pouvant correspondre à l’année 1800 ou à l’année d’indépendance
selon la date de disponibilité des données pour un pays donné. Ces auteurs accordent plus
d’importance aux expériences démocratiques récentes et font l’hypothèse que le « stock de
capital démocratique » s’accumule en période de démocratie et diminue en période de
dictature.
Pour distinguer les périodes de démocratie, ces auteurs utilisent l’indice Polity 2 datant
de 1800 à 2000, et considèrent comme année de démocratie, celle au cours de laquelle l’indice
Polity 2 est strictement positif. Persson et Tabellini donnent la valeur de 1 à l’expérience
démocratique d’un pays lorsque l’indice Polity 2 est strictement positif au cours d’une année
donnée, et la valeur de 0 autrement. La mesure du « stock de capital démocratique » de ces
auteurs est donc comprise entre 0 et 1. Pour calculer le « stock de capital démocratique
domestique », Persson et Tabellini (2006a) utilisent des taux de dépréciation annuelle de 1%
et 6% du capital démocratique. Il s’agit de taux issus de plusieurs exercices de simulation.
En utilisant des données de panel annuel, pour plus de 150 ans et plus de 150 pays
développés et pays en développement, Persson et Tabellini (2006a) montrent que le « stock de
capital démocratique » affecte positivement la croissance économique. Mais l’effet positif du
« stock de capital démocratique » ne s’observe que dans les pays démocratiques, et il disparaît
lorsqu’ils contrôlent pour l’effet de l’instabilité politique.
Le point commun entre notre travail et celui des auteurs des travaux de la troisième
catégorie, est la tentative de mesure de l’effet du « stock de capital démocratique » sur la
croissance économique. Le rapprochement se limite à ce niveau. Car le mécanisme par lequel
le « stock de capital démocratique » pourrait contribuer à la croissance, diffère entre notre
travail et les travaux de Gering et al. (2005) et de Persson et Tabellini (2006a). Dans le cadre
de ce chapitre, un « stock de capital démocratique » élevé pourrait contribuer à la
consolidation de la démocratie, ce qui permettrait un bon fonctionnement des institutions de
droits de propriété privée, un développement de l’investissement et par conséquent, une
hausse de la croissance économique. Alors que pour Persson et Tabellini, le « stock de capital
démocratique » réduirait l’instabilité politique ce qui réduirait l’incertitude et contribuerait au
développement de l’investissement et à la croissance. Pour Gering et al. (2005), le « stock de
capital démocratique » améliorait la qualité des politiques économiques et permettrait un bon
fonctionnement des institutions. C’est seulement dans ce dernier cas que le mécanisme décrit
dans ce chapitre est proche de celui de Gering et al. (2005).

193
La mesure du « stock de capital démocratique » diffère entre notre travail et celui des
autres auteurs. En effet, comme nous le verrons dans la suite du chapitre, notre mesure du
« stock de capital démocratique » dépend du niveau initial (début de période) et du niveau
passé de démocratie (pendant l’année t-1). Alors que la mesure du « stock de capital
démocratique » de Gering et al. (2005) ne dépend que du niveau de démocratie en début de
période, et la mesure du « stock de capital démocratique » de Persson et Tabellini (2006a)
dépend de l’expérience démocratique passée et présente d’un pays. Par rapport à la mesure de
Gering et al., notre mesure du « stock de capital démocratique » présente l’avantage de
prendre en compte aussi bien l’effet du niveau initial de démocratie que la dynamique
démocratique récente d’un pays. Comparativement à la mesure de Tabellini et Persson, notre
mesure du « stock de capital démocratique » ne prend pas en compte l’expérience
démocratique courante d’un pays, ce qui permet de réduire le risque d’endogénéité lorsque
l’on analyse l’effet du « stock de capital démocratique » sur la croissance économique.
La technique d’estimation de l’effet du « stock de capital démocratique » sur la
croissance diffère aussi entre notre travail et celui des autres auteurs. Gering et al. (2005) et
Persson et Tabellini (2006a) utilisent des données de panel annuel pour tester l’effet du
« stock de capital démocratique » sur la croissance, alors que nous utilisons des données
transversales pour estimer cet effet. A notre sens, en focalisant leurs analyses sur le cumul
d’expériences démocratiques, les auteurs souhaitent montrer que l’effet de la démocratie se
manifeste à long terme, grâce au cumul d’expériences démocratiques. Dans ce cas, les
données transversales semblent mieux appropriées pour ce genre d’exercice. Une autre
différence entre notre travail et celui des auteurs cités ci-dessus, est que notre mesure du taux
de dépréciation du capital démocratique résulte de l’estimation du degré de persistance des
institutions démocratiques et non de simulations de modèles économétriques comme le font
Gering et al. (2005) et Persson et Tabellini (2006a). Enfin, contrairement à ces auteurs, notre
analyse concerne seulement les PED, et nous traitons le risque d’endogénéité en utilisant les
doubles moindres carrés comme méthode d’estimation de l’effet du « stock de capital
démocratique » sur la croissance économique.

3. Analyses Théoriques

3.1 Définitions de coûts et bénéfices de la démocratie

194
Selon Keech (1995, p. 7), l’on peut parler de coût de la démocratie lorsque celle-ci
entraîne la mise en œuvre de politiques dont les effets sont « objectivement non désirables »
pour l’ensemble de la société. L’auteur reconnaît qu’il est difficile d’identifier ces politiques,
mais soutient que, lorsque la démocratie entraîne la mise en oeuvre de politiques qui dévient
systématiquement de politiques économiques optimales, ceci peut être considéré comme un
coût de la démocratie. Si l’on admet cette définition du coût de la démocratie suggérée par
Keech (1995), il en découle que l’on peut parler de bénéfice de la démocratie, lorsque celle-ci
génère des politiques dont les effets sont désirables pour l’ensemble de la société. Dans ce
chapitre, nous analysons alors, les coûts et les bénéfices de la démocratie en termes d’effets
induits. Les développements ci-dessous permettront de mieux cerner les notions de coût et de
bénéfice de la démocratie.

3.2 Comment appréhender les coûts et les bénéfices de la démocratie ?

Nous pouvons appréhender les coûts de la démocratie selon deux perspectives : une
perspective de performances de politiques macroéconomiques et une perspective de
performances socio-politiques. En effet, lorsque nous parlons de coûts de la démocratie nous
avons à l’esprit deux potentiels effets indésirables de la démocratie : les effets indésirables
résultant du processus de conquête des changements démocratiques, et les effets indésirables
résultant du fonctionnement des institutions démocratiques dans un pays. Ainsi, dans la
perspective de performances macroéconomiques les coûts de la démocratie s’apparenteraient
surtout aux effets indésirables résultant du fonctionnement des institutions démocratiques,
alors que les effets indésirables relatifs aux luttes en faveur de changements démocratiques
dans un pays, peuvent être considérés comme des coûts de la démocratie dans la perspective
de performances socio-politiques.

3.2.1 Coûts de la démocratie : Un analyse selon la perspective de performances de politiques


macroéconomiques

Dans la perspective de performances de politiques macroéconomiques, l’analyse de


coûts de la démocratie s’inspire du travail de Keech (1995) et consiste à étudier l’effet de la
démocratie sur l’efficacité des politiques macroéconomiques. Dans cette optique, on parlera
de coûts de la démocratie lorsque celle-ci entraîne la mise en oeuvre de politiques

195
économiques distorsives (déficit public, endettement et inflation élevés) 52. Keech soutient que
les indicateurs de performances macroéconomiques permettent de dégager un consensus
social quant aux effets indésirables de la démocratie. En effet, pour Keech tous les membres
de la société souffriraient du chômage, de la récession économique ou de l’inflation que
pourrait engendrer la démocratie.
Dans ce chapitre, nous choisissons de focaliser notre raisonnement sur l’inflation car
celle-ci reflète en grande partie la qualité des politiques macroéconomiques -politique
monétaire et budgétaire essentiellement- suivies dans un pays. De plus, le chapitre III de cette
thèse, nous a permis d’analyser l’effet des institutions démocratiques sur l’inflation dans les
PED. En outre, les coûts socio-économiques de l’inflation font l’objet d’un vaste
développement dans la littérature économique. En général, les auteurs distinguent les coûts de
l’inflation anticipée de ceux de l’inflation non anticipée53. Ainsi, dans la perspective de
performances de politiques macroéconomiques, nous soutenons que l’on peut parler de coût
de la démocratie lorsque celle-ci entraîne une hausse de l’inflation. La question est de savoir
pourquoi et comment la démocratie pourrait-elle entraîner une hausse de l’inflation dans les
PED ?
L’une des caractéristiques essentielles du système démocratique est l’organisation
régulière d’élections. Les élections constituent un moyen par lequel les citoyens en âge de
voter, sanctionnent les « mauvais » et récompensent les « bons » dirigeants sur la base de
leurs performances économiques réalisées. Dans cette configuration, la démocratie constitue
un système politique incitatif pour les gouvernements sortants pour des manipulations
macroéconomiques susceptibles de générer artificiellement de bonnes performances
économiques à la veille des échéances électorales. Le désir d’être réélu constitue la première
motivation des gouvernements sortants pour de telles manipulations macroéconomiques.
Celles-ci peuvent entraîner des conséquences néfastes y compris la hausse de l’inflation
illustrant ainsi un coût de la démocratie54.

52
Signalons que pour Keech (1995) lorsque la démocratie entraîne de l’hyperinflation, un déficit et un
endettement insoutenables, on peut parler de pathologie de la démocratie. Par ailleurs, Keech met aussi en
exergue l’existence d’autres coûts de la démocratie comparables aux coûts de l’agence et des coûts de
l’asymétrie informationnelle entre les électeurs et les dirigeants politiques.
53
Pour une revue de la littérature sur les coûts de l’inflation, voir Briault (1995), Dowd (1994) et Johnson
(1993).
54
Les manipulations macroéconomiques à des fins électorales dans un système démocratique font l’objet d’une
vaste littérature connue sous le nom de modèles de cycle politico-budgétaire, dont les principaux auteurs sont :
[Nordhaus (1975) pour les cycles non partisans, Hibbs (1977) pour les cycles partisans, Alesina (1987, 1988)
pour les cycles partisans avec anticipations rationnelles, Rogoff et Sibert (1988) et Rogoff (1990) pour les cycles
politico-budgétaires avec asymétrie d’information sur la compétence des dirigeants]. Pour une revue de la
littérature théorique et empirique sur les cycles politico budgétaires, voir Drazen (2000).

196
La démocratie est aussi un système politique permettant au peuple dans sa majorité
d’exprimer à travers les élections, ses préférences pour certains biens. Dans les PED, très
probablement, la démocratie permettrait aux citoyens d’exprimer leurs préférences pour les
biens et services publics fondamentaux (eau, santé, éducation) car la majorité des individus a
un faible accès à ces biens et services publics dans les PED55. Pour assurer leurs réélections
les gouvernements sortants ont intérêt à satisfaire cette demande de biens et services publics.
Or, il se trouve que les gouvernements des PED disposent de très peu de ressources
financières issues de l’emprunt ou de l’impôt pour financer leurs dépenses publiques. De plus,
en général, dans les PED l’indépendance des banques centrales vis-à-vis de l’exécutif est
limitée56. Dans cette situation, vraisemblablement, les gouvernements vont recourir à la
création monétaire c’est-à-dire au seigneuriage afin de satisfaire la demande de biens et
services publics qu’exprimeraient les électeurs57. Ainsi, en entraînant une hausse de la
création monétaire, la démocratie aurait entre autres pour conséquence la hausse de l’inflation
(voir le chapitre III de cette thèse pour une analyse détaillée de l’effet de la démocratie sur
l’inflation dans les PED).
Nous démontrons comment la démocratie pourrait entraîner une hausse de l’inflation,
ce qui constitue un coût de la démocratie dans les PED58. La question est de savoir pourquoi
ce coût est susceptible de se manifester à court terme dans les PED ? A notre avis, deux
principales raisons pourraient justifier cet effet de la démocratie à court terme dans les PED :
L’inexpérience des électeurs vis-à-vis du processus démocratique, et l’ignorance des
électeurs des conséquences négatives de certaines de leurs préférences.
Les PED ont amorcé leurs transitions démocratiques il n’y a pas longtemps, et le
processus électoral accompagnant la démocratisation des régimes politiques est un

55
L’engagement de la communauté internationale en faveur des Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD) constitue dans une certaine mesure, une preuve du faible accès de la majorité des individus aux biens et
services publics fondamentaux dans les PED. En effet, les OMD visent à réduire la pauvreté via essentiellement
la fourniture des biens et services publics fondamentaux (santé, éducation, eau potable) dans les PED.
56
La faible indépendance des banques centrales vis-à-vis de l’exécutif dans les PED est mise en exergue par
Cukierman et al. (1992).
57
Abordant dans le même sens, Cukierman et al. (1992), Edwards et Tabellini (1991) démontrent que le
seigneuriage est le moyen le plus rapide et le plus sûr par lequel les gouvernements des PED peuvent augmenter
rapidement leurs dépenses du fait de leurs moyens limités pour l’emprunt et la collecte des impôts.
58
Notre démonstration s’est focalisée sur les modèles de cycle politico-budgétaire et sur le recours au
seigneuriage pour financer les biens et services publics dont auraient besoin les électeurs dans les PED.
Cependant, un troisième modèle pourrait aussi nous permettre de démontrer l’effet de la démocratie sur
l’inflation dans les PED. Il s’agit du modèle de Alesina et Drazen (1993) mettant en exergue la lenteur dans la
mise en place de politiques de stabilisation dans les pays démocratiques, du fait de la guerre d’usure à laquelle se
livrent les législateurs dans le but de faire supporter les coûts des politiques de stabilisation aux autres électeurs
et non à leurs propres électeurs. Nous avons préféré focaliser notre raisonnement sur les deux premiers modèles
qui illustrent mieux le rapport direct entre les électeurs et les gouvernements, alors que le modèle de Alesina et
Drazen (1993) illustre ce rapport par législateurs interposés.

197
phénomène nouveau pour les électeurs dans les PED. Cette situation donne beaucoup plus de
marges de manœuvre aux gouvernements dans les PED pour la création de cycles politico-
budgétaires. Dans le même sens, Brenda et Drazen (2005) montrent que l’existence de cycles
politico-budgétaires est due à la présence de « nouvelles démocraties » dans leur échantillon
de 68 pays développés et PED. Pour ces auteurs, les cycles politico-budgétaires se réalisent
dans les « nouvelles démocraties » du fait de l’inexpérience des électeurs par rapport au
processus électoral politique, ou du fait que les électeurs manquent d’informations pertinentes
concernant les manipulations macroéconomiques à des fins électorales auxquelles se livrent
les gouvernements sortants. Signalons au passage, que les « nouvelles démocraties »
identifiées par Brenda et Drazen (2005) dans leur échantillon sont essentiellement des PED,
ce qui corrobore nos arguments.
A court terme, le fait que les électeurs ignorent les conséquences négatives de
certaines de leurs préférences peut aussi constituer une raison pour laquelle la démocratie
entraînerait une hausse de l’inflation dans les PED. En effet, avec le temps, lorsque le
processus électoral va se poursuivre, en assistant à différents cycles engendrés par différentes
politiques économiques, les électeurs dans les PED se rendront compte des conséquences
néfastes de certaines de leurs préférences. Ceci pourrait amener les électeurs à modifier leurs
préférences, ou simplement à sanctionner les gouvernements qui vont recourir à des moyens
inappropriés pour satisfaire la demande des électeurs. Ainsi, par exemple, le recours au
seigneuriage pour financer les biens et services publics dont ont besoin les électeurs dans les
PED est plus susceptible de se réaliser à court terme, en attendant que les électeurs découvrent
les conséquences négatives et sanctionnent les dirigeants qui recourent au seigneuriage pour
financer les dépenses publiques. L’ignorance des électeurs des conséquences négatives de
certaines de leurs préférences, pourrait alors se réduire à la suite d’un processus
d’apprentissage qui se met en place avec le temps (Gerring et al., 2005).

3.2.2 Coûts de la démocratie : Une analyse selon la perspective de performances socio-


politiques

Dans la perspective de performances socio-politiques, nous disons qu’on peut parler


de coût de la démocratie lorsque celle-ci entraîne de l’instabilité socio-politique (ISP). En
effet, toutes les couches sociales souffriraient de l’ISP qui précéderait ou accompagnerait le
processus démocratique dans un pays. Par ISP, nous entendons les guerres inter-ethniques à la
veille ou aux lendemains des consultations électorales, les mouvements de grève, de

198
protestations sociales, les assassinats politiques et civils inhérents au processus démocratique,
et qui pénalisent l’ensemble de la société59. En général, la majorité des citoyens dans un pays
subissent des préjudices physique, psychologique ou moral dus aux mouvements de grève, de
protestations sociales et des assassinats politiques et civils. Si de tels préjudices résultent de
l’ISP qui précède ou accompagne le processus démocratique, il est possible d’admettre l’ISP
comme un coût de la démocratie dans les PED.
L’ISP est un phénomène qui affecte la plupart des PED lorsque ceux-ci amorcent leurs
transitions démocratiques, et l’ISP serait de loin l’aspect négatif du processus démocratique le
plus directement ressenti par la majorité des populations dans les PED. Malgré les
conséquences potentiellement importantes de l’ISP, à notre connaissance il n’existe pour
l’instant aucun travail analysant l’ISP comme un coût du processus démocratique dans les
PED.
Notre analyse du coût du processus démocratique sous forme d’ISP s’inspire du travail
de Acemoglu et Robinson (2006b). Ces auteurs montrent que l’ISP est inhérente au processus
démocratique dans la mesure où selon Acemoglu et Robinson (2006b), le processus
démocratique peut être une cause ou une conséquence de l’ISP dans un pays. En effet, selon
ces auteurs, dans un pays le processus démocratique se déclenche lorsque le peuple dans sa
quête pour la démocratie, menace ses dirigeants de recourir à la violence et aux protestations
sociales. Nous soutenons que, lorsque le peuple met en exécution ses menaces, la démocratie
peut alors être considérée comme une cause de l’ISP. Toujours selon Acemoglu et Robinson,
les dirigeants d’un pays peuvent soit décider de céder aux menaces du peuple en
démocratisant les régimes politiques, soit décider de réprimer le peuple dans sa demande de la
démocratie. Lorsque les dirigeants d’un pays choisissent la seconde option, il s’en suit de
l’ISP, qui peut alors être considérée comme une conséquence du processus démocratique60.
A travers le travail de Acemoglu et Robinson (2006b), il apparaît que l’ISP est
inhérente au processus de démocratisation d’un régime politique. De même, l’ISP est
préjudiciable pour l’ensemble de la société. L’instabilité socio-politique peut alors, être

59
Cette analyse de l’instabilité socio-politique relative au processus démocratique est différente de l’instabilité
politique consistant à changer périodiquement les dirigeants politiques lorsque ceux-ci réalisent des
performances économiques décevantes pour les électeurs. Cette dernière forme d’instabilité au contraire, peut
être perçue comme un gain de la démocratie dans la mesure où à travers la compétition entre candidats, la
démocratie permet aux pays de se doter des dirigeants les plus compétents (voir Wittman, 1989).
60
Notons aussi que même lorsque la démocratie s’implante dans un pays, dans un régime démocratique il est
souvent fréquent que le peuple recoure à des mouvements de protestation pour faire entendre certaines de ses
revendications. Donc l’instabilité socio-politique même si elle est plus intense au début du processus
démocratique, elle peut se manifester périodiquement tout au long de l’existence d’une démocratie.

199
assimilée à un coût de la démocratie dans les PED. La question est de savoir pourquoi ce coût
est susceptible de se manifester à court terme dans ces pays ?
A court terme, le coût de la démocratie sous forme d’ISP est susceptible de se
manifester du fait de l’inexpérience des citoyens en matière électorale dans les PED. Profitant
de cette inexpérience des citoyens, certains politiciens recourent à différents moyens y
compris l’activation de différences ethniques et religieuses pour assurer leurs réélections ou
leurs accessions au pouvoir. C’est ainsi que ces dernières années, l’on assiste à des
affrontements inter-ethniques pré-électoraux ou post-électoraux dans certains pays Africains
(exemple au Kenya en 2008, au Zimbabwe en 2008, en Côte d’Ivoire à partir de 2000). Avant
l’introduction du processus démocratique en Afrique, malgré la diversité ethnique de la
plupart des pays Africains, ceux-ci vivaient en harmonie avec un respect mutuel des
différentes ethnies. Le plus souvent, les affrontements inter-ethniques accompagnant le
processus démocratique sont les résultats de l’activation de différences ethniques et
religieuses. Dans le même sens, Kaplan (2000, p. 62), Zakaria (2003, p. 98) et Chua (2002, p.
124) soutiennent que la démocratie risque d’entraîner l’ISP dans les PED à cause de la forte
fragmentation ethnique de la population dans ces pays.
Cependant, nous soutenons que, les affrontements inter-ethniques accompagnant le
processus démocratique dans les PED sont des phénomènes de court terme. Car, à long terme,
lorsque le processus démocratique va se consolider les citoyens cesseront de répondre aux
appels de certains politiciens activant les différences ethniques et religieuses pour servir leurs
objectifs d’accession ou de maintien au pouvoir. En effet, les citoyens pourraient se rendre
compte qu’ils sont manipulés par ces politiciens. Et, les citoyens se rendront aussi compte des
conséquences négatives de leurs actes lorsqu’ils répondent aux appels de certains politiciens
activant les différences ethniques et religieuses pour accéder ou se maintenir au pouvoir.
Il apparaît donc que les coûts de la démocratie dans les PED peuvent s’appréhender
sous forme d’instabilité macroéconomique (hausse de l’inflation) et/ou sous forme
d’instabilité socio-politique (grèves, manifestations sociales, assassinats politiques et civils).
Qu’en est-il de bénéfice de la démocratie dans les PED ?

3.2.3 Bénéfice de la démocratie : Une analyse en termes d’amélioration de la qualité des


institutions de droits de propriété privée

Il peut exister plusieurs bénéfices de la démocratie dans les PED. Mais nous
choisissons de focaliser notre raisonnement sur les bénéfices économiques, pas parce que ce

200
sont les bénéfices de la démocratie les plus importants, mais parce que ce sont les bénéfices
pour lesquels, il est possible de dégager un consensus social. Nous pensons en particulier, au
bénéfice de la démocratie sous forme d’amélioration de la qualité des institutions du marché,
en l’occurrence les institutions de protection des droits de propriété privée dans les PED. Il
existe peu de doute qu’une bonne protection des droits de propriété privée est souhaitable du
point de vue de l’ensemble de la société. Car, à travers une bonne protection des droits de
propriété privée, chaque citoyen est garanti de pouvoir jouir des fruits de ses investissements,
de détenir des actifs personnels sans risque d’expropriation de la part de l'État ou de tout autre
citoyen.
L’effet positif attendu des institutions démocratiques sur les institutions de droits de
propriété privée s’inspire du travail de Acemoglu et al. (2005a), tel que nous l’expliquons
largement dans le chapitre I. Ces auteurs montrent que de bonnes institutions de protection
des droits de propriété privée émergent lorsque dans un pays une minorité d’individus ne
contrôlent pas la totalité du pouvoir politique, qui se compose du pouvoir politique de jure et
du pouvoir politique de facto61. Un bon fonctionnement des institutions démocratiques
réduirait la concentration du pouvoir politique de jure dans la main d’une minorité individus,
par conséquent, l’existence des institutions démocratiques est un facteur nécessaire pour
l’émergence de bonnes institutions de protection des droits de propriété privée.
Dans les PED, nous soutenons que le bénéfice de la démocratie sous forme
d’amélioration du fonctionnement des institutions de droits de propriété privée, est plus
susceptible de se réaliser à long terme lorsque la démocratie va se consolider dans ces pays.
En effet, à court terme, la démocratisation des régimes politiques risque de ne pas
s’accompagner d’un bon fonctionnement des institutions de marché dans les PED. Car les
individus qui auraient perdu leur pouvoir politique de jure du fait de la démocratisation des
régimes politiques, pourraient renforcer leur pouvoir politique de facto ce qui leur permettrait
d’empêcher un bon fonctionnement des institutions de droits de propriété privée. C’est ce
phénomène de démocratisation sans un bon fonctionnement des institutions de marché que
Acemoglu et Robinson (2008a) appellent « captured democracy » et dont ils envisagent

61
Par pouvoir politique de jure Acemoglu, Johnson et Robinson (2005a) entendent le pouvoir confié par la
constitution, les règles électorales, et le système électoral, bref par les différentes institutions politiques formelles
d’un pays. Et par pouvoir politique de facto, ces auteurs entendent le pouvoir conféré par l’inégalité de revenu.
Les individus disposant d’un pouvoir politique de facto sont une minorité d’individus qui ont des revenus élevés
et capables d’utiliser ces revenus à des fins de lobbying ou de recrutement de forces paramilitaires dans le but
d’imposer leurs préférences à la société. Ainsi ces individus bien que ne disposant pas de pouvoir politique de
jure peuvent empêcher un bon fonctionnement des institutions politiques et économiques dans un pays.

201
l’atténuation ou la disparition à long terme lorsque le processus démocratique va se consolider
dans les PED.
Nous analysons quelques coûts et bénéfices possibles de la démocratie dans les PED.
Nous faisons l’hypothèse que les coûts de la démocratie sont susceptibles de se manifester à
court terme, alors que les bénéfices de la démocratie vont se matérialiser à long terme dans les
PED. La question est de savoir comment comparer ces coûts et bénéfices de la démocratie
afin de répondre à la question que pose ce chapitre à savoir : Existe-t-il un fondement
économique pour l’investissement dans l’amélioration de la qualité des institutions
démocratiques dans les PED ?

3.3 Comparaison des coûts et bénéfices de la démocratie : Effets de court et


de long terme de la démocratie sur la croissance économique dans les PED

Avant de mener toute comparaison des coûts et bénéfices de la démocratie dans les
PED, il est raisonnable d’admettre que notre analyse peut paraître simplificatrice. En effet, il
est difficile d’appréhender tous les coûts et bénéfices d’un phénomène aussi complexe qu’est
la démocratisation politique. Cependant, pour la cause de l’exercice, nous choisissons de
suivre une démarche parcimonieuse limitant l’analyse des coûts et bénéfices de la démocratie
à quelques facteurs dont les effets économiques sont relativement et facilement mesurables62.
Ainsi, notre démarche parcimonieuse fait que par exemple, nous faisons abstraction
dans nos analyses théoriques des « coûts financiers directs » de l’investissement
démocratique, c’est-à-dire les dépenses financières engagées par les pays pour renforcer leurs
institutions démocratiques. Ce faisant, certains lecteurs pourraient objecter en soutenant que
nous ne mesurons pas tous les coûts de la démocratie, et qu’à la limite, les coûts que nous
identifions pourraient s’assimiler à des coûts indirects de la démocratie dans les PED. Une
telle objection est juste. Seulement, la mesure des coûts financiers associés à l’amélioration
des institutions démocratiques est difficile pour ne pas dire impossible dans les PED. En effet,
rares sont les PED qui budgétisent annuellement et clairement les ressources qu’ils allouent à
l’amélioration de la qualité de leurs institutions démocratiques. Ceci n’est pas très surprenant
puisque très souvent, les ressources allouées à l’amélioration des institutions démocratiques

62
En procédant ainsi, notre démarche s’inscrit dans le principe dénommé « Occam’s Razor Principle » (voir
Acemoglu et Johnson, 2006 p.16). Selon ce principe développé par un philosophe Anglais (William de Occam)
du 14ème siècle, l’on doit faire preuve de beaucoup de parcimonie pour formuler des réponses à des questions
complexes. Analyser les coûts et les bénéfices de la démocratie constitue bien une question complexe, d’où la
nécessité de l’utilisation d’une démarche parcimonieuse pour répondre à une telle question.

202
proviennent de l’extérieur. Et malheureusement, dans les statistiques des montants de l’aide
au développement accordée aux PED, pour l’instant, il n’existe pas une désagrégation
suffisante allant jusqu’au point d’indiquer les parts de l’aide au développement allouées aux
dépenses relatives à l’amélioration du fonctionnement des institutions démocratiques.
Par ailleurs, une chose est d’obtenir des informations sur les ressources financières
allouées à l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques dans les PED, une autre
est de pouvoir convertir ces ressources en équivalent de croissance économique sacrifiée, afin
de pouvoir comparer judicieusement les bénéfices et les coûts induits de la démocratie.
Obtenir l’équivalent du taux de croissance économique sacrifiée due à la hausse des dépenses
en faveur de l’amélioration des institutions démocratique n’est pas une tâche aisée. Car cela
suppose de faire des hypothèses sur la croissance économique qui serait générée si les
ressources allouées à l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques étaient
utilisées pour d’autres fins, comme par exemple l’accroissement des investissements publics
productifs. De telles hypothèses seraient trop fortes, c’est-à-dire difficilement réalistes et
risquent de se révéler moins convaincantes. Ces différentes difficultés réconfortent notre
démarche parcimonieuse, et beaucoup plus réaliste des coûts de la démocratie.
Pour comparer les coûts et les bénéfices de la démocratie, nous nous intéressons aux
effets de court et de long terme de la démocratie sur le taux de croissance économique dans
les PED. Deux raisons justifient notre choix du taux de croissance comme indicateur de
comparaison des effets dynamiques de la démocratie.
D’abord, une des raisons pour lesquelles les PED se sont engagés dans la
démocratisation de leurs régimes politiques est l’amélioration attendue des conditions de vie
de leurs populations, grâce à la hausse du taux de croissance économique que pourrait
engendrer la démocratie dans ces pays63.
Ensuite, théoriquement les coûts et les bénéfices possibles de la démocratie que nous
identifions dans les PED, peuvent affecter directement la croissance économique ou
indirectement via leurs effets sur le niveau d’investissement. En effet, l’instabilité
macroéconomique (hausse de l’inflation) tout comme l’instabilité socio-politique, que nous
identifions comme de potentiels coûts à court terme de la démocratie dans les PED, peuvent
tous les deux, affecter directement la croissance économique ou indirectement via

63
Diamond Larry (2005), professeur d’université et conseiller des différents gouvernements américains en
matière de politiques étrangères est l’un de ces chercheurs et décideurs politiques qui partagent l’optimisme vis-
à-vis des effets de la démocratie dans les PED. C’est ainsi que lors d’une conférence à Accra au Ghana en 2005,
Diamond affirmait : « Africa cannot develop without democracy ». De plus, en démocratie l’on suppose que les
gouvernements sortants ne peuvent se faire réélire que s’ils améliorent les conditions de vie de leurs populations
en générant plus de croissance économique.

203
l’investissement. Plusieurs travaux montrent en effet, que l’inflation affecte négativement,
directement la croissance économique ou indirectement à travers le niveau d’investissement
(Fischer, 1993; De Gregorio, 1993; Barro, 1995; Bruno et Easterly, 1995; Fischer et al.,
2002)64. De leur côté, Alesina et al. (1996), Alesina et Peroti (1996), Mankiw (1995), Persson
et Tabellini (1999), Ghima-Brempong et Traynon (1999) établissent un effet négatif de
l’instabilité socio-politique sur la croissance économique aussi bien directement
qu’indirectement via l’investissement.
L’amélioration de la qualité des institutions de droits de propriété privée, que nous
identifions comme un bénéfice potentiel à long terme de la démocratie dans les PED, peut
aussi affecter directement ou indirectement la croissance économique via l’investissement.
C’est ainsi que Knack et Keefer (1995) montrent que les institutions de droits de propriété
privée affectent directement la croissance économique et indirectement à travers la hausse de
l’investissement privé et de sa productivité. De même Dowson (1998), Gwartney et al. (2004,
2006) montrent qu’une amélioration de la qualité des institutions (y compris les institutions de
droits de propriété privée) affecte positivement, directement la croissance économique et
indirectement à travers la hausse de l’investissement privé.
Au total, dans ce chapitre nous soutenons qu’à court terme, la démocratie peut affecter
négativement la croissance économique dans les PED, du fait de possibles effets de la
démocratie sur l’inflation et sur l’instabilité socio-politique dans ces pays. Et grâce à l’effet
positif de la démocratie sur les institutions de droits de propriété privée, à long terme, la
démocratie pourrait affecter positivement la croissance économique dans les PED.

4. Stratégies empiriques

Notre raisonnement théorique laisse apparaître deux effets possibles de la démocratie


sur la croissance économique : un effet négatif à court terme et un effet positif à long terme.
Afin de tester empiriquement l’effet de court terme de la démocratie, nous analysons l’effet de
la démocratie en tant que flux sur le taux de croissance économique. Dans ce cas nous
utilisons des données de panel pour tester l’effet du niveau de démocratie sur la croissance
économique. Pour tester l’effet de long terme de la démocratie, nous analysons l’effet de la
démocratie, en tant que stock sur la croissance économique. Dans ce cas nous utilisons des

64
Plus récemment, Gokal et Hanif (2004) et Ahmed et Mortaza (2005) proposent une revue de la littérature sur
la relation entre la croissance et l’inflation et présentent de nouveaux résultats empiriques sur cette relation dans
un groupe de PED.

204
données transversales pour estimer l’effet du « stock de capital démocratique » sur la
croissance économique. Plusieurs auteurs, y compris Rodrik et Wazciarg (2005) assimilent
aussi l’estimation de modèles de croissance à base de données de panel à une analyse de court
terme, et l’estimation de modèles de croissance avec des données transversales à une analyse
de long terme.
Avant de passer aux estimations économétriques, il convient d’expliquer notre mesure
du « stock de capital démocratique », car il existe plusieurs mesures du niveau de démocratie
proposées par différents organismes spécialisés dans l’analyse du fonctionnement de la
démocratie, mais aucun de ces organismes n’offre une mesure du « stock de capital
démocratique ». De plus, la notion de capital démocratique est très récente et n’est pour
l’instant utilisée que par très peu d’auteurs.

4.1 Mesure du stock de capital démocratique

Pour mesurer le « stock de capital démocratique », nous nous inspirons de la méthode


de l’inventaire permanent utilisée dans la littérature économique pour l’estimation du stock de
capital physique. Seulement, contrairement au stock de capital physique, dans le cas du
« stock de capital démocratique », nous supposons que c’est le niveau initial de démocratie
qui se déprécie et non le niveau passé de démocratie. De façon concrète, notre fonction du
« stock de capital démocratique » se présente comme suit :

SDt = (1 − α )
t −t0
× D0 + Dt −1 (4.1)

Dans l’équation (4.1), SDt désigne le « stock de capital démocratique » à l’instant t,

D0 le niveau initial de démocratie, Dt −1 le niveau de démocratie à l’instant t-1 et α


correspond au taux de dépréciation annuelle du niveau initial de démocratie. L’année 1960 est
l’année de base pour les pays qui sont indépendants au plus tard en 1960. Pour les pays
indépendants après 1960, l’année de base est la première année pour laquelle les données sur
les institutions démocratiques sont disponibles.
A travers notre fonction du « stock de capital démocratique », il apparaît que le taux
de dépréciation est associé au niveau initial de démocratie. Grâce à une telle spécification,
nous supposons que, contrairement au stock de capital physique, dans le cas du « stock de
capital démocratique », c’est le niveau initial de démocratie qui se déprécie et non le niveau
passé de démocratie. La logique sous-jacente cette hypothèse est que, plusieurs PED

205
connaissent une amélioration significative de la qualité de leurs institutions démocratiques par
rapport à leurs niveaux de démocratie pendant les années d’indépendance par exemple.
Une autre différence est que, dans le cas du « stock de capital démocratique », par
dépréciation du niveau initial de démocratie, nous entendons la déconnexion entre le niveau
actuel de démocratie et le niveau initial de démocratie. La dépréciation du capital
démocratique est donc différente de la dépréciation du capital physique qui correspond à
l’amortissement physique de ce dernier. Comme α est inférieur à un, à travers notre fonction
du « stock de capital démocratique », nous supposons une relation décroissante entre le stock
de démocratie et le niveau initial de démocratie au fur et à mesure que l’on s’approche de la
fin de période d’analyse. Une telle spécification trouve un fondement théorique dans le
constat suivant : en moyenne, plus le temps avance, plus la plupart des PED connaissent une
amélioration significative de la qualité de leurs institutions démocratiques par rapport à leur
niveau initial de démocratie. Cette situation entraîne une baisse de l’inertie des institutions
démocratiques par rapport à leur niveau initial au fur et à mesure que l’on s’approche de la fin
de période d’analyse.
En se basant sur l’hypothèse de persistance des institutions démocratiques (qui est
quasi parfaite sur une très courte période), nous supposons une relation positive et unitaire
entre le « stock de capital démocratique » à l’instant t et le niveau de démocratie de l’instant t-
1. Ainsi, le niveau de démocratie de l’instant t-1 se transforme entièrement en « stock de
capital démocratique » à l’instant t. Il apparaît à travers notre spécification de la fonction du
« stock de capital démocratique », que la déconnexion entre celui-ci et le niveau initial de
démocratie pourrait être compensée par la dynamique démocratique récente enregistrée dans
un pays.
Pour calculer le taux de dépréciation annuelle du capital démocratique (α), en utilisant
des données transversales, nous estimons l’équation économétrique suivante :

Di = c + β D0 + ε i (4.2)

Dans l’équation (4.2) la variable expliquée est la moyenne du niveau de démocratie


pendant la période 1960-2003, et la variable explicative est le niveau de démocratie en 1960,
ou le niveau de démocratie pour la première année à partir de laquelle les données sur les
institutions démocratiques sont disponibles pour un pays donné. Ainsi, β mesure le degré de
persistance des institutions démocratiques, par conséquent 1- β correspond au taux de
dépréciation du capital démocratique au cours de la période 1960-2003. En estimant

206
l’équation (4.2), à partir de l’indice polity 2 de Polity IV, pour un échantillon de 69 PED nous
obtenons : un coefficient β égal à 0,539, avec un t de student de 7,35, et un R² ajusté de 0,47.
Pour la période 1960-2003, nous obtenons donc un taux de dépréciation des institutions
démocratiques de 46%. Sachant que notre période d’analyse couvre 44 ans, nous obtenons
alors, approximativement un taux moyen de dépréciation annuelle du « stock de capital
démocratique » de 1%.
Le taux de dépréciation de 1% est aussi celui utilisé par Gering et al. (2005) et Persson
et Tabellini (2006a) pour le calcul du « stock de capital démocratique » dans leurs
échantillons composés de pays développés et de PED. Cependant, contrairement à ces
auteurs, notre choix du taux de dépréciation du capital démocratique est fondé sur une
estimation économétrique du degré de persistance des institutions démocratiques. Aussi,
contrairement à Gering et al. (2005) et Persson et Tabellini (2006a) dont les fonctions de
« stock de capital démocratique » dépendent respectivement du niveau initial de démocratie et
de l’expérience démocratique passée et actuelle d’un pays, notre fonction du « stock de capital
démocratique » dépend aussi bien de l’histoire démocratique récente d’un pays (niveau de
démocratie à l’instant t-1) que de son histoire démocratique lointaine (niveau initial de
démocratie). La question est de savoir si notre mesure du « stock de capital démocratique »
est pertinente.

4.2 Illustration de la pertinence de la mesure du stock de capital : Expériences de


trois pays d’Afrique Sub-saharienne

Notre mesure du « stock de capital démocratique » suppose que ce dernier dépend à la


fois du niveau historique et de la dynamique récente des institutions démocratiques dans un
pays. A travers une telle mesure, il apparaît que si un pays est initialement doté d’un faible
niveau de démocratie et que ce pays s’engage dans une dynamique positive de réformes de ses
institutions démocratiques, il est très probable que son « stock de capital démocratique »
s’améliore. A l’inverse, si un pays est doté initialement d’un niveau élevé de démocratie, mais
qu’il s’engage dans une dynamique défavorable au maintien et à l’amélioration de ses
institutions démocratiques, il est probable que le « stock de capital démocratique » se dégrade
dans ce pays. Enfin, un pays doté initialement de bonnes institutions démocratiques et qui est
parvenu à maintenir ou à améliorer le niveau initial de la qualité de ses institutions

207
démocratiques, logiquement le « stock de capital démocratique » devrait s’améliorer dans un
tel pays.
Le graphique IV.1 montre que ces différentes prévisions issues de notre fonction du
« stock de capital démocratique » se reflètent à travers les évolutions annuelles du « stock de
capital démocratique » de trois pays Africains suivants : le Bénin, le Botswana et le
Zimbabwe. Nous choisissons ces trois pays pour notre analyse parce que leurs dynamiques
démocratiques constituent des références à l’échelle du continent Africain.

Graphique IV.1 : Évolutions annuelles du stock de capital démocratique au Bénin, Botswana


et Zimbabwe

14
12
Stok de capital démocratique

10
8
6 Benin
4 Botswana
2 Zimbabwe
0
-2
-4
-6
19 0
19 2
19 4
19 6
68

19 0
19 2
74

19 6
19 8
19 0
19 2
19 4
19 6
19 8
19 0
19 2
19 4
19 6
20 8
20 0
02
6
6
6
6

7
7

7
7
8
8
8
8
8
9
9
9
9
9
0
19

19

19

Années

Source : Calcul de l’auteur à partir des données de Polity IV.

A travers le graphique IV.1, il apparaît que le Botswana comparativement au Bénin et


au Zimbabwe dispose d’une dotation initiale de « stock de capital démocratique » plus élevée
(de valeur égale à 6). Le Botswana est parvenu à maintenir et à améliorer la qualité de ses
institutions démocratiques, ce qui lui permet de disposer d’un « stock de capital
démocratique » plus élevé (d’une valeur au moins égale à 12 de 1970 à 2003). Le Botswana
se caractérise par un système multipartiste, démocratique et une stabilité politique. En effet,
depuis l’indépendance du Botswana en 1966, le même parti (Botswana Democratic Party,
BDP) dirige ce pays. Bien que dominant la scène politique, le BDP n’a cessé de se réformer et
de revoir ses politiques pour satisfaire les demandes du peuple de Botswana. L’accélération
du programme de développement rural aux lendemains du choc électoral subi par le BDP en

208
1969 et à la veille des élections de 1974, constituent des exemples de réformes et d’adaptation
du BDP aux désirs du peuple de Botswana. De même, après avoir perdu une grande partie de
son électorat aux élections de 1994, le BDP introduit des réformes politiques pour répondre
aux attentes du peuple. C’est ainsi qu’il réduit l’âge de vote de 21 ans à 18 ans, et permit aux
Botswanais de l’étranger de voter. Le Botswana constitue l’exemple d’un pays Africain qui a
su maintenir et améliorer la qualité de ses institutions démocratiques, ce qui permet à ce pays
de disposer d’un « stock de capital démocratique » élevé.
Le graphique IV.1 indique une dynamique différente du stock de « capital
démocratique » au Zimbabwe. Ce pays dispose en 1970 d’un niveau de « stock de capital
démocratique » relativement élevé (de valeur égale à 4). Le Zimbabwe enregistre une
amélioration de la qualité de ses institutions démocratiques ce qui lui a permis de disposer
d’un stock de « capital démocratique » au moins égal à 7 de 1971 à 1983. Cependant, depuis
1983, le Zimbabwe enregistre une baisse de la qualité de ses institutions démocratiques, ce
qui se traduit par une détérioration de son capital démocratique qui atteint un très bas niveau
estimé à -4,4 en 2003. De 1980 à 1988, le Zimbabwe fut marqué par des affrontements entre
deux mouvances rivales (ZANU et ZAPU) pour le contrôle du pays. Une telle situation n’a
pas permis de développer des institutions démocratiques. L’arrivée au pouvoir de Robert
Mugabe en 1987 en tant que Président de la République (Mugabe était premier Ministre
depuis 1980), n’a pas permis d’arranger les choses. Le Zimbabwe constitue l’exemple d’un
pays Africain qui n’a pas su maintenir et qui a connu une détérioration de la qualité de ses
institutions démocratiques, ce qui se traduit par une dégradation continue de son « stock de
capital démocratique » depuis 1983 comme l’illustre le graphique IV.1.
Des trois pays que nous étudions, le Bénin est celui qui dispose relativement d’une
plus faible dotation initiale de « stock de capital démocratique » (estimé à 2 en 1960). Le
Bénin, en améliorant la qualité de ses institutions démocratiques a pu accroître son « stock de
capital démocratique » de 1960 à 1963 où son capital démocratique avoisine la valeur de 4.
Cependant, depuis 1963, le Bénin enregistre une baisse de la qualité de ses institutions
démocratiques, ce qui se traduit par une baisse continue de son « stock de capital
démocratique » qui atteint un niveau avoisinant la valeur de -6 de 1973 à 1990.
L’amélioration du « stock de capital démocratique » fut de courte durée au Bénin, car
ce pays depuis son indépendance a connu une série de coups d'État dont l’un a conduit
Mathieu Kérékou au pouvoir en 1972. Kérékou transforma le Bénin en une République
marxiste avec une dérive dictatoriale jusqu’en 1990. Depuis 1990, grâce à une transition
démocratique réussie, le Bénin enregistre une amélioration significative de la qualité de ses

209
institutions démocratiques. La dynamique positive de réformes des institutions démocratiques
dans lequel s’est engagé le Bénin depuis les années 1990, lui a permis de se doter d’un niveau
élevé de « stock de capital démocratique » qui est resté égal à 7 au moins, depuis 1992
comme l’illustre le graphique IV.1.
A travers le graphique IV.1, il apparaît que notre mesure du « stock de capital
démocratique » illustre la situation initiale et la dynamique des institutions démocratiques des
trois pays Africains que nous étudions, et connus pour leurs évolutions démocratiques. Nous
pouvons alors considérer cela comme une indication de la pertinence de notre mesure du
« stock de capital démocratique ».

4.3 Spécifications économétrique, échantillon d’analyse et méthodes d’estimations


économétriques

Nous rappelons que notre but dans ce chapitre est d’analyser le fondement
économique de l’investissement dans l’amélioration de la qualité des institutions
démocratiques dans les PED, grâce à une comparaison des effets de court et de long terme de
la démocratie sur la croissance économique dans ces pays.
D’une part, comme le but de ce chapitre est de comparer les effets de la démocratie à
travers ses effets sur le taux de croissance économique et non d’estimer des modèles de
croissance économique, et d’autre part ; pour rester en conformité avec la démarche
parcimonieuse que nous adoptons dans ce chapitre, nous utilisons le logarithme du PIB par
tête comme l’unique variable de contrôle additionnelle, identique à tous nos modèles
économétriques. Le PIB par tête est une variable unanimement utilisée dans les modèles de
croissance économique. De plus, la littérature suppose que les pays riches sont ceux qui
disposent de ressources nécessaires pour améliorer leurs institutions. Ainsi, en utilisant le PIB
par tête comme variable de contrôle, non seulement nous respectons une tradition des modèles
de croissance économique, mais nous réduisons également le risque d’omission de variables
explicatives pertinentes susceptibles d’entraîner des biais d’endogénéité.
Par ailleurs, en limitant le nombre de variables de contrôle dans nos modèles, il est
possible d’approximer, les coûts et les bénéfices globaux de la démocratie. Une telle
démarche est appropriée pour la réalisation de l’objectif de ce chapitre. Les différents modèles
que nous estimons se présentent alors comme suit :

210
git = c + β log ( yit −1 ) + δ demit + ui + vt + ε it (4.3)
gi = c + β log ( y0 ) + σ sdi + ϕ disti + η fragi + φ indi + ε i (4.4)

Dans les équations (4.3) et (4.4), la variable expliquée est le taux de croissance
économique, c est la constante, et ε est le terme d’erreur. L’équation (4.3) correspond au
modèle estimé avec des données de panel couvrant la période de 1960-2003, subdivisée en
sous périodes de cinq ans. Ce modèle permet d’estimer l’effet de court terme de la démocratie
sur la croissance économique. Dans le modèle (4.3), la variable explicative pertinente est
demit , c'est-à-dire le niveau de démocratie dans le pays i, à l’instant t. log ( yit −1 ) est le

logarithme du PIB par tête en début de chaque période de cinq ans dans le pays i. Dans le
modèle (3), ui et vt désignent respectivement les effets fixes pays et les effets fixes temporels.
La présence du revenu par tête retardé comme variable explicative confère au modèle
(4.3) l’appellation de modèle de panel dynamique. Un tel modèle pourrait souffrir
d’endogénéité lorsque la dimension temporelle d’analyse est courte, comme c’est le cas dans
ce chapitre où nous ne disposons que de neuf sous périodes de cinq ans. Par ailleurs, les
institutions démocratiques peuvent aussi souffrir d’endogénéité par erreurs de mesure, ou par
omission de variables explicatives pertinentes. Afin de réduire les erreurs d’endogénéité, nous
utilisons la technique de GMM system suggérée par Blundell et Bond (1998). Cette technique
est mieux appropriée pour estimer des modèles comme celui représenté à travers l’équation
(4.3).
L’équation (4.4) correspond au modèle utilisant des données transversales et permet
d’estimer l’effet du stock de démocratie (sdi) sur la croissance économique. Ce modèle permet
donc d’estimer l’effet de long terme de la démocratie sur la croissance économique. Dans le
modèle (4.4), logy0 correspond au logarithme du PIB par tête en 1960 dans un pays donné, ou
le logarithme du PIB par tête la première année pour laquelle cette variable est disponible.
Afin de rendre plus comparables les résultats du modèle estimé avec des données de
panel aux résultats du modèle estimé avec des données transversales, dans ce dernier modèle,
nous contrôlons pour des variables comparables aux effets fixes pays. C’est ainsi que dans
l’équation (4.4), nous contrôlons pour la distance par rapport à l’équateur (disti) et pour la
fragmentation ethnolinguistique (fragi). Ces deux variables (fragmentation ethnolinguistique,
distance par rapport à l’équateur) sont très probablement corrélées avec les caractéristiques
fixes inobservables des pays. Par conséquent, en contrôlant pour les effets de ces deux
variables, nous contrôlons en partie pour les effets fixes pays.

211
Afin de réduire le biais de variables omises dans les estimations avec des données
transversales, nous contrôlons pour le nombre d’années depuis qu’un pays est devenu
indépendant (indi). En effet, il est possible de penser que l’effet du « stock de capital
démocratique » sur la croissance économique pourrait refléter l’effet de la durée de la gestion
autonome des économies et non l’effet d’expériences démocratiques des pays. De plus,
plusieurs pays de notre échantillon ont acquis simultanément leurs indépendances politiques à
la même période. Par conséquent, en contrôlant pour la durée depuis l’indépendance, nous
contrôlons en partie pour les chocs affectant simultanément l’ensemble des pays de notre
échantillon, donc en partie pour les effets fixes temporels.
Toujours dans le souci de rendre comparables les estimations avec des données de
panel aux estimations en coupe transversale, comme nous utilisons une technique permettant
de corriger l’endogénéité dans les données de panel, nous utilisons les Doubles Moindres
Carré (DMC) pour estimer le modèle à base des données transversales. Ce faisant, nous
corrigeons aussi pour le risque d’endogénéité dans les estimations avec données transversales.
En effet, s’il est possible que le niveau de démocratie soit mesuré avec erreurs, il n’est pas
exclu que le « stock de capital démocratique » soit aussi mesuré avec erreurs, ce qui risque
d’entraîner des biais d’endogénéité dans les estimations à base de données transversales.
Nous utilisons deux variables instrumentales pour le « stock de capital
démocratique » : le taux de mortalité des colons blancs, et une variable muette, dénommée
« origine légale » prenant la valeur de un pour les pays de droit commun, et la valeur de zéro
autrement. Ces deux variables reflètent respectivement les conditions climatiques auxquelles
était confronté le colonisateur dans les ex-colonies, et l’identité du colonisateur. Nous
espérons respectivement un effet négatif et positif du taux de mortalité des colons blancs et de
l’origine légale sur le « stock de capital démocratique ». En effet, comme le soutiennent
Acemoglu, Johnson et Robinson (2001), dans les pays où les conditions climatiques n’étaient
pas favorables à la survie des colons blancs, ceux-ci ont mis en place des institutions de
mauvaise qualité. Par ailleurs, l’on suppose souvent que les ex-colonies britanniques ont
hérité des institutions de meilleure qualité comparativement aux ex-colonies des autres
puissances coloniales. Le choix de ces deux variables instrumentales pour le « stock de capital
démocratique » se justifie donc par le fait qu’elles sont souvent utilisées dans la littérature
économique comme instruments pour la qualité des institutions. Par conséquent, l’origine
légale et le taux de mortalité de colons blancs peuvent aussi être de variables instrumentales
pertinentes pour le « stock de capital démocratique ». Nous utilisons le test d’instruments
faibles à la Stock et Yogo (2002, 2005) pour vérifier la validité de ces instruments.

212
Nous estimons les équations (4.3) et (4.4) à partir d’un échantillon de 69 PED, dont 37
pays d’Afrique, 24 pays d’Amérique Latine et des Caraïbes et 8 pays d’Asie. La taille de
l’échantillon étant limitée par la disponibilité des données sur les institutions démocratiques et
par certaines contraintes techniques. En effet, les données sur le taux de mortalité des colons
blancs ne sont disponibles que pour les PED, ex-colonies européennes, c’est-à-dire les PED
colonisés au 19ème siècle et au 20ème siècle par les ex-puissances coloniales européennes
suivantes : la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal. Dans ce cas,
l’application des DMC impose de limiter l’échantillon aux pays pour lesquels les variables
instrumentales sont disponibles. Nous rappelons cependant que, comme notre étude
s’intéresse à la comparaison des effets dynamiques de la démocratie dans les PED, notre
échantillon est bien représentatif des PED comme l’indique sa composition décrite ci-dessus.
Les données sur le taux de croissance économique proviennent de la Banque Mondiale
(WDI 2005), celles du PIB par tête de Pen World Table 2, celles de la fragmentation ethnique
et de la distance par rapport à l’équateur de La Porta et al. (1999). Quant aux variables
instrumentales utilisées dans les estimations en DMC, elles proviennent de Acemoglu, Johson
et Robinson (2001) pour le taux de mortalité des colons blancs, et de La Porta et al. (1999)
pour l’origine légale. La durée depuis l’indépendance est calculée à partir des données sur les
dates d’indépendance obtenues de CIA factbook et de Larousse Universelle (2003). Nos
différents indicateurs de performances démocratiques (niveau de démocratie et stock de
capital démocratique) se basent sur l’indice Polity 2 de Polity IV, qui mesure le niveau de
démocratie corrigé du niveau de dictature. Nous rappelons que l’indice Polity 2 mesure trois
aspects d’un régime démocratique : le degré de compétition dans le choix du chef de
l’exécutif, le degré de contraintes institutionnelles et politiques dans l’exercice de fonction du
chef de l’exécutif et la transparence du processus électoral. Cet indice varie de -10 (moins
démocratique) à +10 (plus démocratique).

5. Résultats

Avant de présenter et de commenter les résultats des estimations économétriques, il est


important de définr les règles devant régir la comparaison des effets de court et de long terme
des institutions démocratiques sur la croissance. Si l’estimation de l’effet de court terme de la
démocratie est statistiquement non différent de zéro, alors que l’effet de long terme est
statistiquement significatif, alors il serait judicieux d’admettre que l’effet de long terme de la
démocratie l’emporterait sur son effet de court terme. Si par contre, l’effet de long terme est

213
statistiquement égal à zéro, et l’effet de court terme est statistiquement différent de zéro, alors
l’effet de court terme de la démocratie l’emporterait sur son effet de long terme. Dans l’un des
deux cas mentionnés, il n’est pas nécessaire d’effectuer un test de différence des coefficients.
Nous n’effectuerons un tel test, que lorsque les estimations des effets de court et de long
terme de la démocratie sont toutes les deux statistiquement différentes de zéro. Ces règles
étant définies, nous présentons et commentons les résultats de nos estimations
économétriques.
La colonne 1 du tableau IV.1 montre un effet positif mais non significatif de la
démocratie sur la croissance économique à partir des données de panel. Le test de Sargan-
Hansen valide la qualité des variables utilisées comme instruments dans les estimations en
GMM system. Nous pouvons alors admettre que pour notre groupe de PED et pour la période
considérée, la démocratie n’exerce pas un effet causal significatif sur la croissance
économique. En soi, un tel résultat n’est pas nouveau car d’autres travaux ont déjà mis en
exergue un effet nul de la démocratie sur la croissance économique, mais dans le cadre de ce
chapitre un tel résultat a une connotation particulière.
En effet, dans le cadre de ce chapitre, les résultats des estimations avec des données de
panel indiquent un effet nul de la démocratie sur la croissance à court terme. Ce résultat
signifie un effet moins défavorable que celui attendu compte tenu de notre raisonnement
théorique. En effet, sur la base de notre raisonnement théorique, nous espérions un effet
négatif et significatif de la démocratie sur la croissance économique à court terme dans les
PED. Les données indiquent en revanche un effet statistiquement neutre. Ce résultat suggère
que, sur des périodes quinquennales, la démocratie entraîne différents bouleversements socio-
économiques dont les effets positifs et négatifs sur la croissance s’équivalent et se neutralisent
dans les PED. Par ailleurs, le fait que d’autres travaux utilisant d'autres échantillons de pays
du monde aient pu établir un effet positif et significatif de la démocratie sur la croissance
économique à partir des données de panel, alors que nos estimations à base de données de
panel indiquent un effet statistiquement nul de la démocratie sur la croissance, peut être
considéré comme une indication selon laquelle, à court terme, les effets négatifs inhiberaient
les effets positifs de la démocratie sur la croissance économique dans les PED.
La colonne 2 du tableau IV.1 indique un effet positif et significatif du « stock de
capital démocratique » sur la croissance économique. Il s’agit d’un effet causal puisqu’il est
issu de l’utilisation d’une technique d’instrumentation avec des instruments qui se révèlent
valides, comme l’indique le résultat du test d’instruments faibles à la Stock et Yogo (2002,
2005) dans le tableau IV.1. Sur la base des résultats de la colonne 2 du tableau IV.1, nous

214
Tableau IV.1 : Effets du niveau et du stock de démocratie sur la croissance économique

GMM system Double moindre carré (DMC)


(1) (2)
Taux de croissance Taux de croissance
Démocratie 0.041 -
(0.60) -
Stock capital démocratique - 0.111
- (2.11)**
Log (pib) 1.587 -0.651
(3.58)*** (1.33)
Durée de l’indépendance -0.207
(0.52)
Fragmentation ethnique -0.585
(0.69)
Distance par rapport à léquateur 2.634
(1.08)
Constante -7.651 6.041
(2.74)*** (1.98)*
Nombre d’observations 548 65
Nombre de pays 68 65
Test de Sargan-Hansen 1/ 0.191 -
AR(1) 2/ 0.000 -
AR(2) 2/ 0.668 -
Equation instrumentale
Stock capital démocratique
Taux de mortalité des colons blancs 3/ -1.350
(1.03)
Origine légale 3/ 9.134
(3.14)***
Constante -25.909
(1.61)
Test validité des instruments
Statistique de Cragg Donald 4/ 11.05
Valeur critique (r = 0.15) 4/ 11.59
Valeur critique (r = 0.25) 4/ 7.25
R² ajusté 0.43

Note : ***, **,* désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscedasticité.
1/ Il s’agit de la p-value associée au test de Sargan-Hansen qui est un test de validité des instruments utilisés
dans les estimations en GMM system. Dans ce cas précis, le test indique que les valeurs retardées du log (PIB
par tête) et de démocratie que nous utilisons comme instruments sont de bons instruments. Les estimations en
GMM system comportent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés.
2/ Correspond à la p-value associée au test d’absence d’autocorrélation d’ordre 2. Le résultat de ce test indique
une absence d’AR (2) et confirme la pertinence de l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes
comme instruments dans les estimations en GMM system. 3/ Ce sont les deux variables instrumentales utilisées
pour le stock de capital démocratique dans les estimations en DMC. L’équation instrumentale contient d’autres
variables explicatives dont les coefficients ne sont pas reportés. 4/ La statistique de Cragg Donald (1992) est
suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour effectuer un test d’instruments faibles. Lorsque la valeur de la
statistique calculée est supérieure à sa valeur critique, ceci indique que les instruments ne sont pas faibles selon
la taille d’erreur (r) que le chercheur est prêt à admettre dans ses estimations économétriques en DMC. Les
valeurs critiques sont celles correspondant à un modèle à une seule variable endogène avec deux variables
instrumentales.

215
pouvons admettre qu’à long terme, le cumul d’expériences démocratiques est favorable à la
croissance économique dans les PED.
Dans la colonne 2 du tableau IV.1, le coefficient associé au « stock de capital
démocratique » suggère qu’une augmentation équivalente à un écart type du stock de capital
démocratique (0,96), entraînerait un doublement du taux de croissance économique dans notre
échantillon (l’effet du stock de capital démocratique sur le taux de croissance se calcule
comme suit : 0,11 x 0,96 = 1,05). Notons aussi que le résultat de l’équation instrumentale
montre que les deux variables instrumentales exercent leurs effets attendus sur le stock de
capital démocratique. Cependant, il semble que l’identité du colonisateur (captée par l’origine
légale) explique mieux le niveau du « stock de capital démocratique » que les conditions
géographiques (captées par le taux de mortalité des colons) auxquelles était confronté le
colonisateur.
Sur la base des résultats du tableau IV.1, il est possible de conclure que
l’investissement dans l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques est un
investissement porteur de croissance économique à long terme, et un tel investissement est
économiquement justifié. En effet, les résultats du tableau IV.1 indiquent un effet positif mais
non significatif à court terme, et un effet positif élevé, à long terme de la démocratie sur la
croissance économique dans les PED. La question est de savoir si de tels résultats sont
robustes ou non.

5.1 Tests de robustesse

L’indice Polity 2 que nous utilisons comme mesure de la qualité des institutions
démocratiques varie entre -10 et +10. Ce faisant, il est possible que l’on nous reproche d’avoir
mélangé des périodes de démocratie et de dictature, et par conséquent, nos résultats seraient
dus à ce mélange de périodes caractérisées par des épisodes démocratiques différents. Pour
faire face à une telle critique, comme premier test de robustesse de nos résultats, nous
reprenons nos différentes estimations économétriques en faisant la distinction entre les
observations pour lesquelles le « stock de capital démocratique » et le niveau de démocratie
sont positifs, de celles pour lesquelles ils sont négatifs.
Avec un tel changement, dans les estimations avec des données de panel, la variable
d’intérêt n’est plus le niveau de démocratie, mais une variable muette prenant la valeur de 1

216
lorsque l’indice Polity 2 est strictement positif pour une période et un pays donné. En utilisant
une variable muette au lieu du niveau de démocratie dans les estimations avec données de
panel, nous appliquons une technique utilisée par Persson et Tabellini (2006b) et bien d’autres
auteurs cités dans la section 2 de ce chapitre. Dans les estimations avec les données
transversales, la variable d’intérêt n’est plus le niveau du « stock de capital démocratique »,
mais une muette prenant la valeur de un lorsque le stock de démocratie est positif, et la valeur
de zéro autrement. Dans ce cas nous comparons le taux de croissance économique des pays au
« stock de capital démocratique » positif, aux pays pour lesquels il est négatif.
Malgré ces changements, il apparaît dans le tableau AIV.1 en annexe associée à ce
chapitre, que nos résultats de base restent inchangés. En effet, nous obtenons toujours un effet
positif mais non significatif de la démocratie sur la croissance économique lorsque nous
utilisons les données de panel. Dans les estimations avec les données transversales, il apparaît
que la variable muette prenant la valeur de 1 pour les pays au « stock de capital
démocratique » positif, est positive et significative. L’utilisation de variables muettes ne
change pas nos conclusions selon lesquelles l'effet causal de la démocratie sur la croissance
économique serait nul à court terme, alors que cet effet serait positif et significatif à long
terme dans les PED.
Il est intéressant de constater dans le tableau AIV.1, que lorsque nous utilisons des
variables muettes comme variables explicatives, l’effet du « stock de capital démocratique »
devient plus élevé, comparativement à son effet lorsque nous considérons une mesure du
capital démocratique ne faisant pas de distinction entre stock de démocratie positif et négatif.
Nous obtenons un coefficient de 1.90 pour la variable muette relative au stock démocratique
positif, contre une valeur de 0.11 pour le niveau du « stock de capital démocratique ».
Remarquons également dans le tableau AIV.1, qu’aussi bien dans les estimations avec
données de panel que dans les estimations avec données transversales, les instruments utilisés
sont de bonne qualité comme l’indiquent les résultats des différents tests de qualité des
instruments.
Un autre test de robustesse que nous effectuons consiste à considérer un autre
indicateur de la qualité des institutions démocratiques. Nous utilisons l’indice de contraintes
sur l’exécutif qui est une composante de l’indice Polity 2. Nous obtenons aussi avec l’indice
de contraintes sur l’exécutif, un taux de dépréciation annuelle du capital démocratique de 1%
pour la période 1960-2003. Avec l’indice de contraintes sur l’exécutif, nos résultats indiquent
aussi qu’à court terme, la démocratie aurait un effet causal nul, et un effet causal positif et
significatif sur la croissance économique à long terme.

217
Un autre indice de démocratie que nous utilisons est l’indice de liberté politique de
Freedom House datant de 1972 à 2003. L’indice de Freedom House est initialement rangé
entre 1 (plus démocratique) et 7 (moins démocratique). Nous prenons l’inverse de cet indice
afin qu’une valeur élevée corresponde à des institutions démocratiques de bonne qualité. En
utilisant l’indice de Freedom House, nous obtenons un taux de dépréciation annuelle du
capital démocratique de 1,5%. Ce taux de 1,5% n’est pas dû au fait que l’indice de démocratie
de Freedom House soit moins persistant que l’indice Polity 2, mais parce que l’indice de
Freedom House couvre une période plus courte. En effet, en régressant la moyenne de cet
indice de 1972 à 2003, sur sa valeur de 1972, nous obtenons un coefficient de 0,51 (contre
0,54 pour l’indice Polity 2) et un t de student de 7,51. Ainsi à travers l’indice de Freedom
House, nous effectuons simultanément trois tests en un seul test de robustesse. En effet, avec
cet indice nous changeons de base de données pour la mesure de la qualité des institutions
démocratiques, nous changeons de période d’analyse et enfin nous changeons de taux de
dépréciation annuelle du capital démocratique. Les résultats de l’utilisation de l’indice de
Freedom House dans le tableau AIV.3, montrent que l’effet de court terme des institutions
démocratiques sur la croissance économique est nul alors que l’effet de long terme du « stock
de capital démocratique » est positif et significatif. De tels résultats sont bien ceux que nous
avons obtenus initialement.
Notre échantillon se compose des PED de différentes régions. Ces différents pays
n’ont pas tous les mêmes expériences démocratiques. C’est ainsi qu’en moyenne, les pays
d’Amérique latine ont plus d’expériences démocratiques que les pays d’Asie et d’Afrique. De
même, les pays d’Amérique latine par le passé ont connu de meilleurs taux de croissance
économique que les pays d’Asie et d’Afrique. Certains pourraient alors suspecter que nos
résultats seraient dus à cette différence d’expériences démocratiques entre PED. Ainsi, en
guise de test de robustesse, nous estimons nos différents modèles en utilisant les indicateurs
obtenus à partir de Polity 2 et en excluant de notre échantillon les pays d’Amérique latine. Les
résultats en annexe, indiquent que l’exclusion des pays d’Amérique latine de notre échantillon
ne remet pas en cause l’effet positif et significatif du « stock de capital démocratique » sur la
croissance économique. Quant à l’effet du niveau de démocratie, il devient négatif mais
toujours non significatif dans notre modèle utilisant des données de panel, et excluant les pays
d’Amérique latine.
L’on souligne souvent que la démocratie est un bien de luxe, elle ne s’acquiert et ne
génère des effets favorables que dans les pays riches. Dans ce cas, on pourrait penser que nos
résultats ne seraient pas valides pour les pays pauvres. En guise de test de robustesse, nous

218
estimons nos modèles de base avec un groupe de pays, les plus pauvres de notre échantillon.
Ceux-ci sont les pays dont le revenu par tête est inférieur à la moyenne de notre échantillon.
Le tableau AIV.5 en annexe indique un effet négatif mais non significatif de la démocratie sur
la croissance dans le groupe de pays les plus pauvres de notre échantillon lorsque nous
utilisons les données de panel. Il est donc possible que la démocratie entraîne à court terme
une baisse de la croissance dans les pays pauvres, mais cette baisse est statistiquement
négligeable. Le même tableau montre un effet positif et significatif du « stock de capital
démocratique » sur la croissance économique dans les pays les plus pauvres de notre
échantillon. Ces résultats indiquent que, nos résultats de base se vérifient aussi dans les pays
les plus pauvres, et surtout ces résultats suggèrent qu’à long terme, le cumul d’expériences
démocratiques serait aussi bénéfique pour les pays pauvres.
Certains auteurs stipulent que dans les pays à forte diversité ethnique, la démocratie
serait source de problèmes que de solutions pour l’amélioration des conditions de vie de la
population. Dans ce cas, l’on pourrait penser que l’effet positif du capital démocratique ne
serait pas valide dans les pays à forte fragmentation ethnique. Pour vérifier une telle
hypothèse, nous estimons nos différents modèles avec un sous échantillon de pays à
fragmentation ethnique élevée. C’est ainsi que nous estimons nos modèles avec un échantillon
constitué de pays dont le degré de fragmentation ethnique est supérieur à la moyenne de notre
échantillon. Il apparaît un effet négatif mais non significatif de la démocratie sur la croissance
économique dans les pays à forte fragmentation ethnique à partir des estimations avec les
données de panel. Il n’est donc pas exclu que la démocratie entraîne une baisse de l’activité
économique à court terme dans les pays à forte fragmentation ethnique, mais cette baisse est
statistiquement négligeable. L’estimation avec les données transversales montre un effet
positif et significatif du stock de capital démocratique dans les pays à forte fragmentation
ethnique. Donc dans les pays à forte fragmentation ethnique aussi, l’investissement dans
l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques est un investissement rentable à
long terme.
Dans le but de rendre plus comparables les résultats de nos différentes estimations,
dans les estimations avec les données transversales, en plus du revenu par tête, nous avons
contrôlé pour les effets d’autres variables explicatives. Les résultats montrent en général que
les variables explicatives additionnelles que nous considérons ne sont pas statistiquement
significatives dans les estimations avec les données transversales. Nous effectuons un test de
spécification excluant les autres variables explicatives (nombre d’années depuis
l’indépendance, fragmentation ethnique, distance par rapport à l’équateur) dans le modèle en

219
coupe transversale. Dans ce cas, aussi bien dans le modèle de panel que dans le modèle avec
les données transversales, l’unique variable de contrôle est le logarithme du PIB par tête. Le
tableau AIV.7 en annexe montre que l’exclusion des autres variables explicatives n’affecte
pas la signification du coefficient associé au « stock de capital démocratique ». Notons
cependant, qu’avec l’exclusion des autres variables explicatives, le coefficient du « stock
démocratique » devient plus élevé soit 0,13 comparativement à notre spécification initiale où
ce coefficient est égal à 0,11. Donc, même si les autres variables explicatives n’exercent pas
un effet significatif sur la croissance après avoir contrôlé pour le « stock de capital
démocratique », la prise en compte de ces autres variables réduirait le biais de variables
omises dans l’estimation de l’effet du « stock de capital démocratique ».
Nous avons fait le choix de corriger pour le risque d’endogénéité aussi bien dans nos
estimations avec les données de panel qu’avec les données transversales. La question est de
savoir si nos conclusions seraient les mêmes si nous ne faisons aucune correction
d’endogénéité. Nous appliquons la méthode des effets fixes avec nos données de panel, et la
méthode des moindres carrés ordinaires avec nos données transversales. Le tableau AIV.8
indique un effet positif et significatif du « stock de capital démocratique » sur la croissance
économique dans le modèle estimé par moindre carré ordinaire. La colonne 1 du tableau
AIV.8 montre un effet négatif mais non significatif de la démocratie sur la croissance
économique.
Remarquons que lorsque nous ne corrigeons pas pour l’endogénéité, les coefficients de
nos différentes variables d’intérêt sont biaisés vers le bas traduisant ainsi un risque
d’endogénéité dû aux erreurs de mesure de la qualité des institutions démocratiques et du
« stock de capital démocratique ». La correction pour l’endogénéité favorise beaucoup plus
l’estimation de l’effet de court terme de la démocratie sur la croissance, puisqu’en cas de non
correction pour l’endogénéité, en utilisant les données de panel le coefficient associé à la
démocratie est négatif. En revanche, ce coefficient devient positif une fois la correction
d’endogénéité effectuée.

6. Conclusion

Dans ce chapitre nous posons la question du fondement économique de


l’investissement dans l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques dans les pays
en développement (PED). Afin de répondre à cette question, nous faisons l’hypothèse que

220
l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques induirait des coûts à court terme et
des bénéfices à long terme. En effet, nous supposons qu’à court terme, la démocratie risque
d’entraîner de l’instabilité macroéconomique (hausse de l’inflation, voir chapitre III de cette
thèse) et de l’instabilité socio-politique (émeute, grève, manifestations politiques, assassinats
politiques et civils), ce qui correspond à des coûts induits de la démocratie, susceptibles
d’entraîner une baisse de la croissance économique dans les PED. Nous faisons l’hypothèse
qu’à long terme, avec la consolidation de la démocratie, celle-ci pourrait contribuer à
l’émergence de bonnes institutions de protection des droits de propriété privée (voir chapitre I
de cette thèse), ce qui correspond à un bénéfice de la démocratie, susceptible d’entraîner une
hausse de la croissance économique dans les PED.
Pour comparer les coûts et les bénéfices de la démocratie dans les PED, nous
comparons alors, les effets de court et de long terme de la démocratie sur la croissance
économique. Nous dirons que l’investissement dans l’amélioration de la qualité des
institutions démocratiques est économiquement justifié lorsque la baisse de croissance
économique qu’entraînerait la démocratie à court terme, est inférieure à la hausse de
croissance économique qu’engendrerait la démocratie à long terme dans les PED.
Afin de tester nos hypothèses théoriques, nous utilisons des données de panel
quinquennal couvrant la période 1960-2003 pour tester l’effet du niveau de démocratie sur la
croissance économique. Les résultats des estimations économétriques avec les données de
panel sont assimilés à l’effet de court terme de la démocratie sur la croissance économique.
Pour estimer l’effet de long terme de la démocratie sur la croissance, nous développons un
nouvel indicateur de performance démocratique dénommé « stock de capital démocratique »
et estimons son effet sur la croissance économique à partir des données transversales. Le
« stock de capital démocratique » est censé mesurer le cumul d’expériences démocratiques
d’un pays. Notre mesure du « stock de capital démocratique » s’inspire de la méthode de
l’inventaire permanent et utilise un taux de dépréciation annuelle de 1% du capital
démocratique. Ce taux est le complément par rapport à un, du degré de persistance des
institutions démocratiques estimé à partir des données transversales couvrant la période 1960-
2003. Ainsi, notre mesure du « stock de capital démocratique » dépend du niveau initial
(début de période) et du niveau passé (l’année t-1) de démocratie.
Dans un échantillon de 69 PED (d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie), en
appliquant la méthode de GMM system avec des données de panel pour prendre en compte le
risque d’endogénéité des institutions démocratiques, nous obtenons un effet positif mais non
significatif de la démocratie sur la croissance économique. Ce résultat indique un effet neutre

221
de la démocratie sur la croissance économique. Il s’agit d’un effet de court terme, moins
défavorable de la démocratie dans les PED. Un tel résultat suggère que, pour des périodes
quinquennales, la démocratie entraîne plusieurs bouleversements socio-économiques dont les
effets positifs et négatifs sur la croissance s’équivalent et se neutralisent dans les PED.
L’utilisation de la technique des doubles moindres carrés avec l’origine légale et le
taux de mortalité des colons blancs comme instruments pour le « stock de capital
démocratique », nous permet d’obtenir un effet positif et significatif du « stock de capital
démocratique » sur la croissance économique. Le résultat obtenu avec les données
transversales montre qu’une hausse équivalente à un écart type du « stock de capital
démocratique », entraînerait un doublement du taux de croissance économique dans les PED.
Ce résultat met ainsi en exergue un effet positif élevé de la démocratie sur la croissance
économique à long terme.
Plusieurs tests de robustesse corroborent les résultats que nous avons obtenus. Les
résultats de ce chapitre illustrent une des hypothèses fondamentales de cette thèse. Il s’agit de
l’hypothèse selon laquelle l’amélioration de la qualité des institutions induirait des coûts à
court terme et des bénéfices à long terme, et la comparaison des deux permettrait aux PED de
prendre des décisions économiquement fondées en faveur de la réforme de leurs institutions.
Sur la base de nos résultats, nous disons que l’investissement dans l’amélioration de la qualité
des institutions démocratiques est un investissement porteur de croissance économique à long
terme, susceptible de supplanter l’effet défavorable de la démocratie sur la croissance
économique à court terme dans les PED. Par conséquent, il est économiquement justifié que
les PED s’engagent dans l’amélioration de la qualité de leurs institutions démocratiques.
Cependant, à travers nos résultats économétriques, il apparaît aussi que l’amélioration
de la qualité des institutions démocratiques ne serait porteuse de croissance économique
qu’après presque dix quinquennats de cumul d’expériences démocratiques, et pour des
périodes quinquennales, la démocratie aurait un effet nul sur la croissance économique dans
les PED. Il convient donc de chercher à réduire la durée à partir de laquelle la démocratie
commencerait à affecter positivement la croissance économique dans les PED, sans quoi, il
pourrait exister un « coût psychologique de la démocratie » dans les PED, ce qui risque de
réduire l’engouement des populations de ces pays pour la démocratie. Le « coût
psychologique de la démocratie » est une situation dans laquelle les populations des PED
pourraient considérer à tort la démocratie comme une cause de dégradation de leurs
conditions de vie alors qu’en réalité, leurs conditions de vie seraient dans une situation
comparable à celle de la période précédant le début de démocratisation des régimes politiques.

222
Le « coût psychologique de la démocratie » serait dû aux énormes attentes de la part des
populations des PED pour l’amélioration rapide et significative de leurs conditions de vie
grâce à la démocratisation des régimes politiques.
Ce chapitre ouvre des perspectives pour de recherches ultérieures. En effet, nous
évoquons des canaux par lesquels la démocratie pourrait avoir des effets dynamiques
différenciés dans les PED. Mais nous ne testons aucun de ces canaux, ceci pourrait faire
l’objet de futures recherches. Nous mentionnons des coûts induits de la démocratie à court
terme, sous forme d’instabilité macroéconomique et d’instabilité socio-politique dans les
PED. Il serait intéressant de savoir lequel des coûts nuirait beaucoup plus à la croissance
économique dans les PED. Une telle analyse pourrait aider les PED à mieux gérer les coûts ou
les effets indésirables de la démocratie. Dans ce chapitre, nous développons aussi une
nouvelle mesure du « stock de capital démocratique », il serait intéressant d’analyser les
facteurs favorables au développement du capital démocratique dans les PED. La connaissance
de tels facteurs contribuerait à l’identification des mécanismes de consolidation de la
démocratie dans les PED.

223
Annexes du chapitre IV

Tableau AIV.1 : Statistiques descriptives des principales variables utilisées dans le chapitre
IV
Variables Observations Moyenne Ecart Type Minimum Maximum

Stock capital démocratique 69 -1.179 9.559 -14.606 17.895


Taux croissance économique 69 1.320 1.590 -2.883 6.353
Log (PIB par tête) 68 6.013 0.685 4.621 7.430
Fragmentation ethnique 69 0.460 0.313 0 0.890
Distance à l’équateur 69 0.157 0.102 0 0.378
Log (années depuis l’indépendance) 68 4.199 0.643 2.890 5.318

Liste des pays


Dans le chapitre IV, l’échantillon d’analyses économétriques est constitué de pays suivants :

Afrique du Sud, Algérie, Argentine, Bangladesh, Bénin, Bolivie, Botswana, Brésil, Burkina
Faso, Burundi, Cameroun, Central Afrique, Chili, Colombie, Congo Démocratique, Congo
République, Costa Rica, Côte d'ivoire, Équateur, Égypte, El Salvador, Gabon, Ghana,
Guatemala, Guinée, Guinée Bissau, Guyane, Haïti, Honduras, Inde, Indonésie, Jamaïque,
Kenya, Madagascar, Malawi, Malaisie, Mali, Maroc, Mauritanie, Maurice, Mexique,
Myanmar, Nicaragua, Niger, Nigeria, Pakistan, Panama, Papouasie Nouvelle Guinée,
Paraguay, Pérou, Philippines, République Dominicaine, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone,
Singapour, Sri Lanka, Tanzanie, Tchad, Thaïlande, Togo, Trinité de Tobago, Tunisie,
Ouganda, Uruguay, Venezuela, Zambie, Zimbabwe.

224
Tableau AIV.2 : Effets du stock et du niveau de démocratie en utilisant des variables muettes
GMM System Double Moindre Carré (DMC)
(1) (2)
Taux de croissance Taux de croissance
démocratie (muette) 0.448 -
(0.47) -
stock capital démocratique (muette) - 1.904
- (2.00)**
log (pib) 1.567 -0.587
(3.56)*** (1.25)
durée de l’indépendance -0.099
(0.27)
fragmentation ethnique -0.583
(0.80)
distance par rapport à l’équateur 2.692
(1.17)
Constante -7.749 4.287
(2.79)*** (1.75)*
Nombre d’Observations 548 65
Nombre de pays 68 65
Test de Sargan-Hansen 1/ 0.290 -
AR(1) 2/ 0.000 -
AR(2) 2/ 0.614 -
Equation instrumentale
Stock capital démocratique
taux de mortalité des colons blancs 3/ -0.046
(0.67)
origine légale 3/ 0.513
(3.37)***
Constante -0.852
(0.92)
Test validité des instruments
Statistique de Cragg Donald 4/ 11.35
Valeur critique (r = 0.15) 4/ 11.59
Valeur critique (r = 0.25) 4/ 7.25
R² ajusté 0.44

Note : ***, **,* désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscedasticité. 1/ Il s’agit de la p-value associée au test
de Sargan-Hansen qui est un test de validité des instruments utilisés dans les estimations en GMM system. Dans
ce cas précis, le test indique les valeurs retardées du log (PIB par tête) et de démocratie que nous utilisons
comme instruments sont de bons instruments. Les estimations en GMM system comportent des muettes
temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 2/ Correspond à la p-value associée au test d’absence
d’autocorrélation d’ordre 2. Le résultat de ce test indique une absence d’AR (2) et confirme la pertinence de
l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme instruments dans les estimations en GMM
system. 3/ Ce sont les deux variables instrumentales utilisées pour le stock de capital démocratique dans les
estimations en DMC. L’équation instrumentale contient d’autres variables explicatives dont les coefficients ne
sont pas reportés. 4/ La statistique de Cragg Donald (1992) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour
effectuer un test d’instruments faibles. Lorsque la valeur de la statistique calculée est supérieure à sa valeur
critique, ceci indique que les instruments ne sont pas faibles selon la taille d’erreur (r) que le chercheur est prêt à
admettre dans ses estimations économétriques en DMC. Les valeurs critiques sont celles correspondant à un
modèle à une seule variable endogène avec deux variables instrumentales.

225
Tableau AIV.3 : Effets du niveau et du stock de démocratie en utilisant l’indice de
contraintes sur l’exécutif
GMM System Double Moindre Carré (DMC)
(1) (2)
Taux de croissance Taux de croissance
Démocratie -0.052 -
(0.26) -
stock capital démocratique - 0.459
- (2.46)**
log (pib) 1.512 -0.707
(3.60)*** (1.35)
durée de l’indépendance -0.159
(0.38)
fragmentation ethnique -0.680
(0.71)
distance par rapport à l’équateur 1.184
(0.46)
Constante -7.069 3.395
(2.59)** (1.23)
Nombre d’Observations 545 65
Nombre de pays 68 65
Test de Sargan-Hansen 1/ 0.162 -
AR(1) 2/ 0.000 -
AR(2) 2/ 0.682 -
Equation instrumentale
Stock capital démocratique
taux de mortalité des colons blancs 3/ -0.759
(1.58)
origine légale 3/ 2.106
(1.91)*
Constante 3.376
(0.59)
Test validité des instruments
Statistique de Cragg Donald 4/ 7.77
Valeur critique (r = 0.15) 4/ 11.59
Valeur critique (r = 0.25) 4/ 7.25
R² ajusté 0.32
Note : ***, **,* désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscedasticité. 1/ Il s’agit de la p-value associée au test
de Sargan-Hansen qui est un test de validité des instruments utilisés dans les estimations en GMM system. Dans
ce cas précis, le test indique les valeurs retardées du log (PIB par tête) et de démocratie que nous utilisons
comme instruments sont de bons instruments. Les estimations en GMM system comportent des muettes
temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 2/ Correspond à la p-value associée au test d’absence
d’autocorrélation d’ordre 2. Le résultat de ce test indique une absence d’AR (2) et confirme la pertinence de
l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme instruments dans les estimations en GMM
system. 3/ Ce sont les deux variables instrumentales utilisées pour le stock de capital démocratique dans les
estimations en DMC. L’équation instrumentale contient d’autres variables explicatives dont les coefficients ne
sont pas reportés. 4/ La statistique de Cragg Donald (1992) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour
effectuer un test d’instruments faibles. Lorsque la valeur de la statistique calculée est supérieure à sa valeur
critique, ceci indique que les instruments ne sont pas faibles selon la taille d’erreur (r) que le chercheur est prêt à
admettre dans ses estimations économétriques en DMC. Les valeurs critiques sont celles correspondant à un
modèle à une seule variable endogène avec deux variables instrumentales.

226
Tableau AIV.4 : Estimations en utilisant l’indice de Freedom House
GMM System Double Moindre Carré (DMC)
(1) (2)
Taux de croissance Taux de croissance
Démocratie 1.132 -
(0.60) -
stock capital démocratique - 23.598
- (1.93)*
log (pib) 1.619 -0.947
(3.82)*** (1.60)
durée de l’indépendance -0.405
(0.70)
fragmentation ethnique 0.337
(0.31)
distance par rapport à l’équateur 1.923
(0.64)
Constante -8.462 4.747
(3.06)*** (1.47)
Nombre d’Observations 499 65
Nombre de pays 68 65
Test de Sargan-Hansen 1/ 0.142 -
AR(1) 2/ 0.000 -
AR(2) 2/ 0.560 -
Equation instrumentale
Stock capital démocratique
taux de mortalité des colons blancs 3/ -0.008
(0.86)
origine légale 3/ 0.043
(1.77)*
Constante -0.048
(0.34)
Test validité des instruments
Statistique de Cragg Donald 4/ 2.85
Valeur critique (r = 0.15) 4/ 11.59
Valeur critique (r = 0.25) 4/ 7.25
R² ajusté 0.29

Note : ***, **,* désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscedasticité. 1/ Il s’agit de la p-value associée au test
de Sargan-Hansen qui est un test de validité des instruments utilisés dans les estimations en GMM system. Dans
ce cas précis, le test indique les valeurs retardées du log (PIB par tête) et de démocratie que nous utilisons
comme instruments sont de bons instruments. Les estimations en GMM system comportent des muettes
temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 2/ Correspond à la p-value associée au test d’absence
d’autocorrélation d’ordre 2. Le résultat de ce test indique une absence d’AR (2) et confirme la pertinence de
l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme instruments dans les estimations en GMM
system. 3/ Ce sont les deux variables instrumentales utilisées pour le stock de capital démocratique dans les
estimations en DMC. L’équation instrumentale contient d’autres variables explicatives dont les coefficients ne
sont pas reportés. 4/ La statistique de Cragg Donald (1992) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour
effectuer un test d’instruments faibles. Lorsque la valeur de la statistique calculée est supérieure à sa valeur
critique, ceci indique que les instruments ne sont pas faibles selon la taille d’erreur (r) que le chercheur est prêt à
admettre dans ses estimations économétriques en DMC. Les valeurs critiques sont celles correspondant à un
modèle à une seule variable endogène avec deux variables instrumentales.

227
Tableau AIV.5 : Effets du niveau et du stock de démocratie sans les pays de l’Amérique
Latine
GMM System Double Moindre Carré (DMC)
(1) (2)
Taux de croissance Taux de croissance
Démocratie -0.039 -
(0.34) -
stock capital démocratique - 0.138
- (2.60)**
log (pib) 1.874 0.132
(3.17)*** (0.24)
durée de l’indépendance 3.234
(3.55)***
fragmentation ethnique -1.507
(1.32)
distance par rapport à l’équateur 0.468
(0.16)
Constante -8.986 -10.560
(2.56)** (1.92)**
Nombre d’Observations 351 43
Nombre de pays 45 43
Test de Sargan-Hansen 1/ 0.512 -
AR(1) 2/ 0.000 -
AR(2) 2/ 0.861 -
Equation instrumentale
Stock capital démocratique
taux de mortalité des colons blancs 3/ -1.885
(1.22)
origine légale 3/ 8.209
(2.44)**
Constante 12.808
(0.45)
Test validité des instruments
Statistique de Cragg Donald 4/ 10.74
Valeur critique (r = 0.15) 4/ 11.59
Valeur critique (r = 0.25) 4/ 7.25
R² ajusté 0.44

Note : ***, **,* désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscedasticité. 1/ Il s’agit de la p-value associée au test
de Sargan-Hansen qui est un test de validité des instruments utilisés dans les estimations en GMM system. Dans
ce cas précis, le test indique les valeurs retardées du log (PIB par tête) et de démocratie que nous utilisons
comme instruments sont de bons instruments. Les estimations en GMM system comportent des muettes
temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 2/ Correspond à la p-value associée au test d’absence
d’autocorrélation d’ordre 2. Le résultat de ce test indique une absence d’AR (2) et confirme la pertinence de
l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme instruments dans les estimations en GMM
system. 3/ Ce sont les deux variables instrumentales utilisées pour le stock de capital démocratique dans les
estimations en DMC. L’équation instrumentale contient d’autres variables explicatives dont les coefficients ne
sont pas reportés. 4/ La statistique de Cragg Donald (1992) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour
effectuer un test d’instruments faibles. Lorsque la valeur de la statistique calculée est supérieure à sa valeur
critique, ceci indique que les instruments ne sont pas faibles selon la taille d’erreur (r) que le chercheur est prêt à
admettre dans ses estimations économétriques en DMC. Les valeurs critiques sont celles correspondant à un
modèle à une seule variable endogène avec deux variables instrumentales.

228
Tableau AIV.6 : Effets du niveau et du stock de démocratie dans les pays les plus pauvres
GMM System Double Moindre Carré
(1) (2)
Taux de croissance Taux de croissance
Démocratie -0.088 -
(0.79) -
stock capital démocratique - 0.138
- (2.41)**
log (pib) 1.307 -1.146
(2.76)*** (1.26)
durée de l’indépendance -0.244
(0.18)
fragmentation ethnique -0.765
(0.60)
distance par rapport à l’équateur 5.921
(2.04)**
Constante -6.062 8.581
(2.06)** (1.50)
Nombre d’Observations 280 30
Nombre de pays 63 30
Test de Sargan-Hansen 1/ 0.122 -
AR(1) 2/ 0.005 -
AR(2) 2/ 0.608 -
Equation instrumentale
Stock capital démocratique
taux de mortalité des colons blancs 3/ -1.885
(1.22)
origine légale 3/ 11.466
(4.66)***
Constante -43.419
(1.84)*
Test validité des instruments
Statistique de Cragg Donald 4/ 9.06
Valeur critique (r = 0.15) 4/ 11.59
Valeur critique (r = 0.25) 4/ 7.25
R² ajusté 0.47

Note : ***, **,* désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscedasticité. 1/ Il s’agit de la p-value associée au test
de Sargan-Hansen qui est un test de validité des instruments utilisés dans les estimations en GMM system. Dans
ce cas précis, le test indique les valeurs retardées du log (PIB par tête) et de démocratie que nous utilisons
comme instruments sont de bons instruments. Les estimations en GMM system comportent des muettes
temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 2/ Correspond à la p-value associée au test d’absence
d’autocorrélation d’ordre 2. Le résultat de ce test indique une absence d’AR (2) et confirme la pertinence de
l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme instruments dans les estimations en GMM
system. 3/ Ce sont les deux variables instrumentales utilisées pour le stock de capital démocratique dans les
estimations en DMC. L’équation instrumentale contient d’autres variables explicatives dont les coefficients ne
sont pas reportés. 4/ La statistique de Cragg Donald (1992) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour
effectuer un test d’instruments faibles. Lorsque la valeur de la statistique calculée est supérieure à sa valeur
critique, ceci indique que les instruments ne sont pas faibles selon la taille d’erreur (r) que le chercheur est prêt à
admettre dans ses estimations économétriques en DMC. Les valeurs critiques sont celles correspondant à un
modèle à une seule variable endogène avec deux variables instrumentales.

229
Tableau AIV.7 : Effets du niveau et du stock de démocratie dans les pays à forte fragmentation
ethnique
GMM System Double Moindre Carré (DMC)
(1) (2)
Taux de croissance Taux de croissance
Démocratie -0.130 -
(1.29) -
stock capital démocratique - 0.098
- (1.95)*
log (pib) 1.826 -0.475
(2.50)** (0.81)
durée de l’indépendance 0.190
(0.33)
fragmentation ethnique -4.270
(2.02)**
distance par rapport à l’équateur -3.106
(0.91)
Constante -9.097 6.797
(2.13)** (1.63)
Nombre d’Observations 275 33
Nombre de pays 35 33
Test de Sargan-Hansen 1/ 0.123 -
AR(1) 2/ 0.000 -
AR(2) 2/ 0.571 -
Equation instrumentale
Stock capital démocratique
taux de mortalité des colons blancs 3/ -2.025
(1.08)
origine légale 3/ 5.434
(1.41)
Constante -9.936
(0.38)
Test validité des instruments
Statistique de Cragg Donald 4/ 4.41
Valeur critique (r = 0.15) 4/ 11.59
Valeur critique (r = 0.25) 4/ 7.25
R² ajusté 0.47
Note : ***, **,* désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscedasticité. 1/ Il s’agit de la p-value associée au test
de Sargan-Hansen qui est un test de validité des instruments utilisés dans les estimations en GMM system. Dans
ce cas précis, le test indique les valeurs retardées du log (PIB par tête) et de démocratie que nous utilisons
comme instruments sont de bons instruments. Les estimations en GMM system comportent des muettes
temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 2/ Correspond à la p-value associée au test d’absence
d’autocorrélation d’ordre 2. Le résultat de ce test indique une absence d’AR (2) et confirme la pertinence de
l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme instruments dans les estimations en GMM
system. 3/ Ce sont les deux variables instrumentales utilisées pour le stock de capital démocratique dans les
estimations en DMC. L’équation instrumentale contient d’autres variables explicatives dont les coefficients ne
sont pas reportés. 4/ La statistique de Cragg Donald (1992) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour
effectuer un test d’instruments faibles. Lorsque la valeur de la statistique calculée est supérieure à sa valeur
critique, ceci indique que les instruments ne sont pas faibles selon la taille d’erreur (r) que le chercheur est prêt à
admettre dans ses estimations économétriques en DMC. Les valeurs critiques sont celles correspondant à un
modèle à une seule variable endogène avec deux variables instrumentales.

230
Tableau AIV.8 : Effets du niveau et du stock de démocratie sur la croissance économique
après exclusion des autres variables explicatives
GMM System Double Moindre Carré (DMC)
(1) (2)
Taux de croissance Taux de croissance
Démocratie 0.041 -
(0.60) -
stock capital démocratique - 0.133
- (2.32)**
log (pib) 1.587 -0.635
(3.58)*** (1.54)
Constante -7.651 5.247
(2.74)*** (2.07)**
Nombre d’Observations 548 65
Nombre de pays 68 65
Test de Sargan-Hansen 1/ 0.191 -
AR(1) 2/ 0.000 -
AR(2) 2/ 0.668 -
Equation instrumentale
Stock capital démocratique
taux de mortalité des colons blancs 3/ -1.631
(1.37)
origine légale 3/ 7.021
(3.13)***
Constante -26.971
(1.70)*
Test validité des instruments
Statistique de Cragg Donald 4/ 8.59
Valeur critique (r = 0.15) 4/ 11.59
Valeur critique (r = 0.25) 4/ 7.25
R² ajusté 0.36

Note : ***, **,* désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les chiffres
entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscedasticité. 1/ Il s’agit de la p-value associée au test
de Sargan-Hansen qui est un test de validité des instruments utilisés dans les estimations en GMM system. Dans
ce cas précis, le test indique les valeurs retardées du log (PIB par tête) et de démocratie que nous utilisons
comme instruments sont de bons instruments. Les estimations en GMM system comportent des muettes
temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 2/ Correspond à la p-value associée au test d’absence
d’autocorrélation d’ordre 2. Le résultat de ce test indique une absence d’AR (2) et confirme la pertinence de
l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme instruments dans les estimations en GMM
system. 3/ Ce sont les deux variables instrumentales utilisées pour le stock de capital démocratique dans les
estimations en DMC. L’équation instrumentale contient d’autres variables explicatives dont les coefficients ne
sont pas reportés. 4/ La statistique de Cragg Donald (1992) est suggérée par Stock et Yogo (2002, 2005) pour
effectuer un test d’instruments faibles. Lorsque la valeur de la statistique calculée est supérieure à sa valeur
critique, ceci indique que les instruments ne sont pas faibles selon la taille d’erreur (r) que le chercheur est prêt à
admettre dans ses estimations économétriques en DMC. Les valeurs critiques sont celles correspondant à un
modèle à une seule variable endogène avec deux variables instrumentales.

231
Tableau AIV. 9 : Résultats des estimations des effets du niveau et du stock de démocratie sur
la croissance économique sans correction pour l’endogénéité
Effets Fixes Moindre Carré Ordinaire
(1) (2)
Taux de croissance Taux de croissance

Démocratie -0.002 -
(0.07) -
stock capital démocratique - 0.046
- (1.88)*
log (pib) 0.062 -0.297
(0.28) (0.71)
durée de l’indépendance -0.295
(0.82)
fragmentation ethnique -0.906
(1.17)
distance par rapport à l’équateur 1.852
(0.81)
Constante 1.672 4.473
(1.20) (1.77)*

Nombre d’Observations 548 67


Nombre de pays 68 67
R² ajusté 0.26 0.04

232
Chapitre V

Effet Collatéral des Investissements Directs Étrangers (IDE) :


Impact des IDE sur la Réforme des Institutions de Droits de
Propriété Privée dans les Pays en Développement

1. Introduction

Dans la littérature économique il est aujourd’hui admis que de bonnes institutions


économiques sont nécessaires pour la croissance et le développement économique. En
particulier, les résultats des chapitres II et IV de cette thèse indiquent que les pays en
développement (PED) auraient plutôt avantage à améliorer la qualité de leurs institutions. En
effet, dans le chapitre II nous avons pu montrer que de bonnes institutions sont favorables à la
soutenabilité de la croissance économique dans les PED. De même, les résultats du chapitre
IV montrent à travers une analyse de l’effet des institutions démocratiques sur la croissance
économique, que l’amélioration de la qualité des institutions induirait des coûts à court terme
et des bénéfices à long terme, mais au final les bénéfices de long terme l’emporteraient sur les
coûts de court terme. Ainsi, les résultats des chapitres II et IV de cette thèse confirment que
l’existence de bonnes institutions est nécessaire pour l’amélioration des performances
économiques dans les PED, et il est économiquement rationnel pour ces pays d’entreprendre
des réformes de leurs institutions.
De ce constat sur l’importance des institutions dans le processus de développement
économique, la question qui émerge est alors la suivante : comment mettre en place de bonnes
institutions économiques dans un environnement où ces institutions n’existeraient pas ? La
question est donc de savoir comment peut-on réformer les institutions économiques dans des
pays où celles-ci seraient inefficaces ? Pour l’instant, la littérature traite très peu de cette
importante question à laquelle nous tentons de répondre dans le dernier chapitre. Pour ce
faire, nous focalisons nos analyses sur la réforme des institutions de droits de propriété privée.
Il s’agit des institutions de création du marché (Rodrik, 2005). Ainsi, tout au long de ce
chapitre, par institutions économiques, nous entendons essentiellement les institutions de

233
droits de propriété privée. Nous rappelons que, généralement les institutions de droits de
propriété privée définissent les règles protégeant les agents privés contre les risques
d’expropriation vis-à-vis de l’Etat et des autres agents privés, les règles garantissant
l’exécution de contrats entre agents économiques, ainsi que les règles régissant la résolution
de conflits liés à l’exécution de ces contrats.
Nous nous inspirons du processus de changements institutionnels au 17ème siècle en
Angleterre, processus analysé par North et Weingast (1989) et par Acemoglu et al. (2005b,
2008b), pour étudier les facteurs susceptibles de favoriser la réforme des institutions de droits
de propriété privée dans les PED.
North et Weingast montrent qu’avant la « Glorious Revolution » (qui a eu lieu en 1688
sous le règne du roi James II de la lignée des Stuarts), en Angleterre il existait un système
d’expropriation du roi vis-à-vis du peuple. Ce système était caractérisé par la hausse excessive
des taux d’imposition fiscale au gré du roi, le non respect des échéances de remboursement de
dettes financières du roi vis-à-vis de ses créanciers privés, et le non respect ou la résiliation
unilatérale des engagements contractuels du roi vis-à-vis de ses créanciers privés. Ainsi,
l’Angleterre du 17ème siècle était caractérisée par un système de droits de propriété
comparable à celui de plusieurs PED de nos jours.
North et Weingast (1989) soutiennent qu’après la « Glorious Revolution », les
imperfections du système de protection des droits de propriété privée étaient réduites en
Angleterre. C’est ainsi que se sont développés des marchés financiers en Angleterre. La
création de la Banque d’Angleterre et la hausse des fonds empruntés auprès du public par le
roi, sont des exemples illustratifs de changements institutionnels et de développements
financiers qui ont suivi la « Glorious Revolution ». Selon North et Weingast, de tels
changements institutionnels ont été obtenus grâce au renforcement du pouvoir du parlement
vis-à-vis du roi.
Si North et Wingast (1989) expliquent surtout les changements institutionnels qui ont
suivi la « Glorious Revolution », Acemoglu, Johnson et Robinson (2005b) et Acemoglu et
Robinson (2008b) tentent d’expliquer comment de tels changements ont pu s’opérer. Selon
Acemoglu et al. (2005b, 2008b), la participation de l’Angleterre au commerce atlantique au
17ème siècle a permis l’enrichissement de plusieurs marchands, ce qui a rendu possible le
succès de la « Glorious Revolution » et les changements institutionnels qui en ont suivi.
Prenant avantage de leurs enrichissements, les marchands favorables aux changements
institutionnels, ont vu s’accroître leurs pouvoirs de négociation vis-à-vis du roi, ce qui leur a
permis de demander et d’obtenir les réformes institutionnelles qu’ils souhaitaient. De l’avis de

234
Acemoglu et al., le commerce atlantique a servi de choc exogène qui a déclenché la mise en
œuvre de réformes institutionnelles au 17ème siècle en Angleterre. De plus, ces auteurs
soutiennent que si le commerce atlantique a servi de catalyseur pour la mise en oeuvre de
réformes institutionnelles en Angleterre et non dans les autres pays de l’Europe -en
l’occurrence, la France et l’Espagne qui ont aussi participé au commerce atlantique- c’est
parce qu’en Angleterre, le pouvoir du roi était beaucoup plus limité par l’existence d’un
parlement efficace.
Ces éléments d’analyse concernant l’Angleterre au 17ème siècle, sont de nature à
éclaircir les questions qui se posent aujourd’hui pour les PED en matière de réformes
institutionnelles. De façon précise, il s’agit de savoir s’il existe de nos jours, des opportunités
liées aux échanges internationaux, et dans quelle mesure les PED pourraient prendre avantage
de ces opportunités pour réformer leurs institutions, comme l’Angleterre a su profiter de sa
participation au commerce atlantique pour réformer ses institutions au 17ème siècle.
En nous inspirant de l’analyse de Acemoglu et al. relative au rôle du commerce
atlantique dans le processus de changements institutionnels en Angleterre au 17ème siècle,
nous faisons l’hypothèse que de nos jours, les PED pourraient bénéficier de leurs
participations à la globalisation financière -c’est-à-dire, mouvements de capitaux entre pays-
pour réformer leurs institutions de droits de propriété privée. Nous pensons en particulier aux
flux d’investissements directs étrangers (IDE) reçus, comme facteur catalyseur de réformes
institutionnelles dans les PED. Notre hypothèse pour un rôle potentiel des IDE dans la mise
en œuvre de réformes institutionnelles dans les PED, est cohérente avec le travail de Kose et
al. (2006). En effet, ces auteurs soutiennent que les PED qui participent à la globalisation
financière pourraient profiter des effets collatéraux des IDE. Selon Kose et al. (2006), la mise
en œuvre de réformes institutionnelles constitue un des effets collatéraux dont pourraient
bénéficier les PED qui reçoivent des IDE. Par ailleurs, les auteurs de World Development
Report (2002) et Rodrik, Subramanian et Trebbi (2004) soutiennent que de façon générale,
l’ouverture aux échanges internationaux peut être un élément catalyseur de réformes
institutionnelles dans les PED.
Le mécanisme relatif à un éventuel rôle des IDE dans la réforme des institutions est le
suivant. Les IDE en permettant aux agents économiques souhaitant la réforme des institutions
de s’enrichir, ces agents voient s’accroître leurs pouvoirs de négociation vis-à-vis des
décideurs politiques et pourraient alors demander et obtenir les réformes institutionnelles
qu’ils souhaitent. En fait, comme dans le cas du commerce atlantique en Angleterre au 17ème
siècle, les IDE pourraient servir de chocs exogènes sur l’équilibre politique qui entretient les

235
institutions économiques inefficaces dans les PED. Cependant, pour que les IDE puissent
jouer un tel rôle de catalyseur de réforme des institutions économiques, il faudrait qu’il existe
préalablement des mécanismes efficaces de contraintes institutionnelles dans l’exercice du
pouvoir exécutif. Cette hypothèse est cohérente avec les arguments de North et Weingast
(1989) et de Acemoglu, Johnson et Robinson (2005b), selon lesquels l’existence d’un
parlement efficace a favorisé la réforme des institutions économiques en Angleterre au 17ème
siècle. En nous inspirant de Polity IV (organisme privé américain spécialiaste de mesure de la
qualité des institutions démocratiques), par contraintes sur l’exécutif, nous entendons
l’existence dans un pays d’un certain nombre d’acteurs ou d’institutions (parlement,
dirigeants de partis politiques, notables) que doit consulter le chef de l’exécutif avant de
prendre des décisions concernant la gestion des affaires étatiques.
Lorsqu’il existe des contraintes institutionnelles pour l’exercice du pouvoir exécutif,
les opportunités de profit qu’offrent les IDE ne seraient pas capturées uniquement par l’élite
politique et économique, la majorité des entrepreneurs pourraient aussi en profiter, ce qui
favoriserait l’émergence de groupe de personnes souhaitant les réformes institutionnelles. De
même, dans un environnement où il existe des contraintes institutionnelles et politiques sur le
chef de l’exécutif dans l’exercice de ses fonctions, les individus souhaitant la réforme des
institutions pourraient mieux coordonner leurs actions et les changements de pouvoir de
négociation en leurs faveurs pourraient mieux être pris en compte dans le processus de
réformes institutionnelles. Pour résumer, dans ce chapitre, notre principal argument théorique
est que, les flux entrants d’IDE pourraient contribuer à la réforme des institutions
économiques dans des pays en développement dotés préalablement d’institutions efficaces de
contraintes sur l’exécutif.
Ce chapitre recourt à trois différentes théories. Il fait appel à l’histoire économique
puisque nous nous inspirons de l’histoire de changements institutionnels en Angleterre,
histoire analysée par North et Weingast (1989) et par Acemoglu et al. (2005b, 2008b), pour
étudier dans quelle mesure, de nos jours, les PED pourraient prendre avantage des flux d’IDE
qu’ils reçoivent pour réformer leurs institutions de droits de propriété privée. Ce chapitre se
base aussi sur la théorie du changement institutionnel déclenché par des chocs exogènes à la
Acemoglu et al. (2005b, 2008b), puisque nous considérons les flux entrants d’IDE comme
une source de chocs exogènes sur l’équilibre politique qui entretient la persistance des
institutions économiques inefficaces dans les PED. Enfin, ce chapitre recourt à la théorie des
effets collatéraux des IDE à la Kose et al. (2006). En effet, ni les investisseurs étrangers ni les
gouvernements des PED ne cherchent principalement à réformer les institutions dans les PED

236
à travers les IDE. L’analyse de l’effet des IDE sur la réforme les institutions de droits de
propriété privée dans les PED est donc une analyse d’un effet collatéral des IDE dans ces
pays.
Dans la deuxième section de ce chapitre, nous discutons des similitudes et différences
entre notre travail et celui des autres auteurs qui se sont aussi intéressés à l’analyse empirique
de réforme des institutions économiques. Dans la section 3, nous présentons les différentes
théories du changement institutionnel. La section 4, est consacrée à la présentation de notre
raisonnement théorique relatif à l’effet des IDE reçus sur la réforme des institutions
économiques dans les PED. Nous effectuons les analyses empiriques dans la cinquième
section. Les résultats empiriques sont présentés dans la section 6. Quelques implications de
politiques économiques des résultats de ce chapitre sont présentées dans la septième et
dernière section de ce chapitre.

2. Revue de la littérature empirique

Il existe plus de travaux empiriques sur les déterminants de réforme des institutions
politiques (référence aux travaux sur les réformes démocratiques) que des travaux sur la
réforme des institutions économiques. Ce chapitre fait partie de ces travaux qui analysent
empiriquement les facteurs pouvant influencer la réforme des institutions économiques dans
les PED. A notre connaissance, seuls les auteurs de World Economic Outlook (2005) ont
effectué une étude empirique comparable à celle que nous menons. Cependant, notre travail
diffère de celui de ces auteurs. Il s’agit de différences concernant les indicateurs des
institutions utilisés, la méthode d’estimation, l’échantillon d’analyse et la variable d’intérêt.
Les auteurs de World Economic Outlook (2005) font leurs analyses à partir de l’indice
composite de Fraser Institute mesurant le niveau général de la qualité des institutions
économiques pour la période 1970-2004, alors que pour la même période, nous analysons
spécifiquement la réforme des institutions de droits de propriété privée. L’utilisation d’un
indice composite peut certes avoir certains avantages, mais analyser le changement
institutionnel à partir d’un indice composite peut brouiller des informations, car cela ne
permet pas de savoir précisément les institutions qui enregistrent un changement. Autrement
dit, un indice composite peut varier sans que ce soit nécessairement le cas pour tous les
différents éléments constituant l’indice composite. Dans ce cas, l’on arriverait par exemple à
conclure que les pays ont réformé leurs institutions sans être en mesure de dire précisément
les institutions qui sont effectivement réformées.

237
Les analyses des auteurs de World Economic Outlook (2005) concernent un groupe de
105 pays développés et pays en développement, alors que notre analyse ne concerne que des
pays en développement. Il nous semble que c’est dans les pays en développement où il est très
important de comprendre les facteurs susceptibles de favoriser la réforme des institutions
économiques, puisque c’est dans ces pays que la qualité des institutions constitue une
contrainte importante pour la croissance et le développement économique.
Les auteurs de World Economic Outlook (2005) effectuent en effet une analyse
empirique des déterminants de la réforme des institutions économiques sans se focaliser sur
un facteur spécifique, ce qui n’est pas le cas de ce chapitre. Ces auteurs mettent en exergue les
effets favorables des facteurs comme l’ouverture commerciale, la liberté de la presse écrite, le
niveau de revenu par tête etc. sur la réforme des institutions, alors que dans ce chapitre, bien
qu’en contrôlant pour les autres facteurs, nous analysons dans quelle mesure les IDE reçus
pourraient contribuer à la réforme des institutions de droits de propriété privée dans les PED.
Notre travail est une analyse d’un effet collatéral des IDE dans les PED, ce qui n’est pas le cas
des auteurs du FMI. Par ailleurs, les auteurs du FMI font leurs analyses de réforme
institutionnelle en utilisant un modèle probit avec des données transversales, alors que dans ce
chapitre, notre analyse est basée sur des données de panel.

3. Théories du changement institutionnel

Dans la littérature économique, les théories relatives aux réformes institutionnelles se


regroupent généralement en deux principales catégories. Dans ce chapitre nous distinguons la
théorie du changement institutionnel spontané et la théorie du changement institutionnel
coordonné. On retrouve aussi deux types de théories de réforme institutionnelle chez Aoki
(2007), qui distingue le changement institutionnel exogène du changement institutionnel
endogène. Lin (1989a) de son côté fait la nuance entre le changement institutionnel induit et
le changement institutionnel imposé. Enfin, Kingston et Caballero (2009) distinguent le
changement institutionnel analysé sous forme d’un processus de choix collectif, du
changement institutionnel prenant la forme d’un processus évolutionniste65.

65
Kingston et Caballero (2009) distinguent aussi d’autres types de théories de réforme institutionnelle, mais les
deux principales qu’ils analysent sont celles que nous mentionnons. Par ailleurs, dans notre présentation des
différentes théories de réforme institutionnelle, nous faisons abstraction des théories analysant la réforme
institutionnelle comme un processus résultant de la synergie entre institutions formelles et informelles (North,
1990 ; Roland, 2004). De même nous faisons abstraction de la théorie de « Path Dependency » qui met en
exergue l’impact de l’histoire et des institutions passées rendant difficile les réformes institutionnelles (North,
2005). Aussi dans notre présentation des différentes théories, nous ne mentionnons pas les théories relatives au

238
Tout au long de ce chapitre, lorsque nous parlons de changement institutionnel sans
précision, nous avons à l’esprit la réforme des institutions formelles, c’est-à-dire l’ensemble
des règles régissant les interactions humaines. Ces règles sont généralement rédigées sous
forme de lois dont l’exécution ou le respect devrait normalement être assuré par l'État ou ses
administrations. Les institutions formelles auxquelles nous faisons référence sont les
institutions de droits de propriété privée.

3.1 Théories du changement institutionnel spontané

Par changement institutionnel spontané, nous entendons un changement institutionnel


résultant de changements de paramètres exogènes ou de l’environnement économique. En
outre, le changement institutionnel spontané n’est pas coordonné par une puissance centrale.
Kingston et Caballero (2009) utilisent le concept de changement institutionnel sous
forme d’un processus évolutionniste pour désigner le processus que nous appelons
changement institutionnel spontané. En effet, selon ces auteurs le changement institutionnel
évolutionniste est un processus de sélection s’opérant dans un cadre décentralisé où survivent
les institutions efficaces aux dépens des institutions inefficaces. Le processus évolutionniste
auquel se réfèrent Kingston et Caballero (2009) correspond à un processus de compétition au
terme duquel, survivent uniquement les institutions efficaces.
La théorie de coûts de transaction à la Willimson (2000) peut aussi être classée dans
l’approche théorique du changement institutionnel spontané. En effet, selon cette théorie en
fonction des caractéristiques d’une transaction, certains types de gouvernance que d’autres
seraient plus à même de régir plus efficacement cette transaction. Ainsi, selon la théorie de
coûts de transaction, les institutions les plus efficaces c’est-à-dire celles qui minimisent les
coûts de transaction, vont émerger aux dépens des institutions inefficaces. Toujours dans la
perspective de la théorie de coûts de transaction, Alchian (1950) démontre qu’à travers la
compétition entre différents types d’institutions par entreprises interposées, les institutions
efficaces survivraient, car les entreprises qui auraient choisi ces institutions réaliseraient des
profits plus élevés et seraient imitées par les autres entreprises.
Lin (1989a) utilise le terme de changement institutionnel induit pour désigner ce que
nous appelons changement institutionnel spontané. En effet, par changement institutionnel

rythme et à la séquence des réformes, théories souvent utilisées dans littérature relative aux économies en
transition. Ces abstractions sont faites pour alléger nos analyses théoriques et empiriques et non parce que les
autres théories de réforme institutionnelle ne sont pas pertinentes ou importantes.

239
induit, Lin (1989a) entend un changement institutionnel résultant de changements des
opportunités de profit dans une économie. Dans ce cas les institutions existantes se révèlent
être obsolètes compte tenu de l’évolution des réalités économiques. Les agents économiques
entreprennent alors des réformes institutionnelles susceptibles de leur permettre de maximiser
leurs profits. Pour Lin (1989a) quatre facteurs peuvent engendrer le changement institutionnel
spontané ou induit pour reprendre ses termes. Ces quatre facteurs sont :

(a) L’élargissement de la liste de possibilités de choix d’arrangements institutionnels


Selon Lin (1989a), une amélioration de connaissances en sciences sociales à travers
l’éducation par exemple, réduit le degré de rationalité limitée (l’incapacité de la mémoire
humaine de stocker et d’utiliser toutes les informations disponibles) des agents économiques,
ce qui non seulement permet une bonne gestion des arrangements institutionnels existants
mais aussi permet d’innover et de concevoir de nouvelles institutions. La liste de choix
possibles d’arrangements institutionnels pourrait aussi s’agrandir grâce aux contacts d’une
économie avec d’autres économies, juste comme l’échange avec d’autres économies pourrait
accroître le niveau de technologie dans un pays. L’échange avec d’autres économies pourrait
amener les citoyens d’un pays à questionner leurs habitudes, à remettre en cause les
institutions existantes et par conséquent, engendrer des changements institutionnels dans ce
pays. La liste de choix possibles d’arrangements institutionnels pourrait également s’agrandir
lorsque certaines politiques gouvernementales excluant certains arrangements institutionnels
de la liste de possibilités de choix sont levées. Ce faisant, les insuffisances des institutions
existantes (qui à défaut du mieux sont devenues institutions dominantes) vont se révéler, ce
qui pourrait entraîner des réformes institutionnelles.

(b) Le changement technologique


Le changement technologique modifie non seulement la structure institutionnelle d’un
pays66, mais aussi l’efficacité relative d’une institution par rapport aux autres et rendrait les
institutions inefficaces non opérationnelles. Dans le processus de production, un changement
technologique peut rendre nécessaire un changement institutionnel pour prendre avantage de
nouvelles opportunités pour de potentielles externalités positives. C’est ainsi qu’en s’inspirant
du travail de Hayami et Kikuchi (1981), Lin (1989a) cite l’exemple des Philippines où

66
Par structure institutionnelle d’un pays, Lin (1989a) entend l’ensemble des institutions formelles et informelles
dans ce pays. En revanche, l’arrangement institutionnel désigne soit les institutions formelles soit les institutions
informelles d’un pays.

240
l’introduction de nouvelles variétés de riz aux rendements très élevés, a entraîné la
modification de contrats existants pour le partage des récoltes de riz entre agriculteurs. Avant
l’introduction de nouvelles variétés de riz, le partage des récoltes de riz était régi par le contrat
hunusan sur la base duquel, tous les villageois avaient le droit de participer à la récolte de riz
et chacun devrait recevoir les un sixième du rendement total. Avec l’introduction de nouvelles
variétés de riz aux rendements élevés, le contrat hunusan fut remplacé par le contrat gama qui
a donné un droit exclusif de récolter et de recevoir la même part du rendement total,
uniquement aux agriculteurs qui ont effectivement travaillé et qui n’ont pas reçu de salaire
pour leur travail.
Le changement technologique peut aussi affecter les coûts de transaction et rendre
opérationnelles certaines institutions qui étaient initialement non opérationnelles.
L’établissement de droits de propriété privée par exemple, exige entre autres, que les
bénéfices tirés par les agents économiques privés disposant de droits de propriété sur certains
biens, excèdent les coûts de l’exclusion des autres agents économiques de ces droits. Lorsque
les coûts de l’utilisation des droits de propriété privée sont trop élevés, un système de droits
de propriété commune risque de prévaloir. C’est ainsi par exemple, que les terrains de
pâturage étaient des propriétés communes à cause des coûts trop élevés de la réalisation de
clôtures autour de ces terrains. L’innovation de fils de barbelé à moindre coût a permis de
réaliser des clôtures de terrains et de mettre en place un système de droits de propriété privée
sur les terrains de pâturage en Amérique de l’Ouest (Anderson et Hill, 1975). De même,
l’introduction de tracteurs et d’autres machines agricoles ont réduit les coûts de supervision
des travailleurs, ce qui a permis de passer d’un système de métayage à un système de
propriété, ou d’un système de métayage à un système de travailleurs salariés (Day, 1967 ;
Binswanger, 1978).

(c) Changement à long terme des prix relatifs des facteurs et des produits
Dans l’histoire économique de plusieurs pays, le changement de prix relatifs des
facteurs et des produits a été à l’origine de plusieurs changements institutionnels. Une
augmentation de prix relatifs d’un facteur ou d’un produit par exemple, accroît le profit des
détenteurs de ce produit ou de ce facteur. Selon North et Thomas (1973), le passage d’un
système de droits de propriété sur les hommes à un système de droits de propriété sur la terre
en Europe Médiévale, était le résultat de la croissance démographique et de la rareté des terres
qui ont entraîné la hausse de prix relatifs des terres. De même Feeny (1982) montre qu’en
Thaïlande, le passage du droit de propriété sur les hommes au droit de propriété sur la terre au

241
milieu du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, pourrait être expliqué par la hausse de la
population et de la demande extérieure du riz adressée à l’économie thaïlandaise à cette
époque.

(d) Changement des autres arrangements institutionnels


Il existe une certaine interdépendance entre différentes institutions, il en est de même
pour l’efficacité des différentes institutions. Par conséquent, le changement d’une institution
donnée va entraîner une demande adéquate pour les services rendus par les autres institutions.
C’est ainsi que Posner (1980) montre que l’importance du sens de l’honneur qui était une
caractéristique fondamentale des sociétés anciennes, s’était réduite avec l’émergence des États
modernes. En effet, dans les sociétés anciennes, le sens de l’honneur était utilisé pour faire
respecter les contrats entre individus. Au nom du sens de l’honneur, il pouvait avoir de
représailles en cas de non respect du contrat par une des parties concernées. L’honneur était
donc utilisé pour assurer l’ordre social. Avec l’émergence des États modernes, ceux-ci
assurent le respect des contrats ce qui a réduit l’importance du sens de l’honneur dans les
rapports contractuels. Par ailleurs, la relation patron-client qui existait en période pré-
industrielle était due à la faible productivité agricole et à la taille limitée des marchés (Hayami
et Kikuchi, 1981). L’expansion de marchés qui a suivi la période industrielle a réduit
l’importance de la relation patron-client (Polanyi, 1944). Lin (1989b) montre aussi que le
passage d’un système de production collective à un système de production paysanne avec plus
de responsabilités individuelles pour les paysans, a entraîné l’émergence à nouveau des
marchés du crédit, du travail et de la terre dans la Chine rurale.
Quelle que soit la version considérée de la théorie de réforme institutionnelle
spontanée, il apparaît que cette théorie suppose que le changement institutionnel s’opère
toujours en faveur des institutions plus efficaces. Une telle hypothèse semble trop forte car
plusieurs équilibres peuvent émerger d’un changement institutionnel. Ceci est d’autant plus
vrai que toute réforme est susceptible d’engendrer des conséquences non intentionnelles. Il
n’est donc pas certain que le changement institutionnel puisse s’effectuer toujours en faveur
des institutions plus efficaces comme le soutiennent les défenseurs de la théorie du
changement institutionnel spontané.
Par ailleurs, Lin (1989a) évoque trois autres caractéristiques de réformes des
institutions formelles, à savoir : L’existence de problèmes de passager clandestin, l’existence
des externalités relatives aux réformes institutionnelles et la nécessité de créer l’unanimité en
faveur des réformes institutionnelles.

242
Le problème des externalités relatives aux réformes des institutions formelles se pose
parce que les institutions ne sont pas un bien privé. Ainsi, lorsqu’un groupe d'individus
introduit une innovation institutionnelle, les autres groupes d’individus peuvent imiter la
même innovation institutionnelle ce qui réduirait les coûts de conception et de mise en oeuvre
de nouvelles institutions pour le groupe imitateur. Dans un tel contexte, la fréquence et
l’intensité de réformes institutionnelles pourraient être socialement sous optimales.
Le problème de passager clandestin va se poser dans le processus du changement des
institutions formelles car tous les membres de la société profitent des services fournis par les
nouvelles institutions, indépendamment du coût individuellement supporté pour les réformes
institutionnelles. Enfin, la réforme des institutions formelles requiert l’unanimité en sa faveur,
d’où la nécessité pour les réformateurs des institutions d’entreprendre des négociations, de
consacrer du temps et des efforts pour obtenir un groupe majoritaire en faveur de la réforme.
Au vu de ces trois caractéristiques de la réforme des institutions formelles, Lin (1989a)
conclut que la réforme des institutions formelles ne peut pas se faire de façon spontanée, une
telle réforme nécessite de la coordination.

3.2 Théories du changement institutionnel coordonné

3.2.1 Premières versions de la théorie du changement institutionnel coordonné

Le changement institutionnel coordonné émane de la volonté des individus. Vu sous


cet angle, le changement institutionnel ne s’impose pas aux agents économiques par le
changement de l’environnement économique, comme le soutiennent les défenseurs de la thèse
du changement institutionnel spontané. Le changement institutionnel coordonné est choisi et
conçu par une partie des membres de la société.
Dans cette perspective, Kingston et Caballero (2009) conçoivent le changement
institutionnel comme un processus de choix collectif dans lequel les règles sont explicitement
spécifiées par une entité politique collective, l'État. Dans ce processus, les individus et les
organisations s’engagent en actions collectives, conflits et négociations dans le but de changer
les institutions en leurs faveurs. Une telle vision est aussi partagée par Libecap (1989) et dans
une certaine mesure, par Ostrom (2005).
Lin (1989a) utilise le terme de changement institutionnel imposé pour désigner un
processus de changement institutionnel coordonné par l'État ou plus précisément par les
dirigeants au pouvoir. Dans ce processus, l'État à travers ses dirigeants, prend avantage de son

243
monopole du pouvoir coercitif pour imposer des changements institutionnels. Dans la théorie
du changement institutionnel imposé à la Lin (1989a), la coordination par l'État ou du moins
l’imposition du changement institutionnel par les décideurs politiques se justifie surtout par
l’existence du problème de passager clandestin inhérent à la réforme des institutions
formelles. Cependant, Lin (1989a) n’est pas totalement sûr que les décideurs politiques
seraient incités à utiliser leur pouvoir coercitif pour mettre en place des institutions
efficientes, c’est-à-dire des institutions qui assurent la maximisation du revenu de l’ensemble
de la société. Pour Lin (1989a), les facteurs suivants justifient son scepticisme vis-à-vis du
choix des institutions efficientes par les décideurs politiques.

(a) Préférences et rationalités limitées des décideurs politiques


Selon Lin (1989a), le décideur politique ne mettra en place des institutions efficaces
que lorsque la réforme des institutions génère un revenu social au moins proportionnel au
revenu personnel du décideur. Si du fait de la hausse des coûts de transaction pour le
dirigeant, la réforme génère plus de revenu social que de revenu personnel au décideur
politique, celui ci ne serait pas incité à mettre en place les réformes institutionnelles
nécessaires pour la société. Par ailleurs, le revenu peut n’être qu’une partie des biens désirés
par le dirigeant, il peut aussi désirer d’autres biens que le revenu, le prestige par exemple. Les
institutions inefficaces peuvent par exemple, permettre aux dirigeants d’exproprier les agents
économiques privés pour financer des dépenses militaires dont le but est d’accroître le
prestige des dirigeants. Dans ce cas il existerait des raisons non économiques au maintien des
institutions inefficaces. Enfin, même si le décideur politique vise la maximisation du revenu
social, d’autres facteurs pourraient l’empêcher d’opter pour des réformes en faveur des
institutions efficaces. Ces facteurs sont : la rationalité limitée du dirigeant, la complexité des
informations requises pour reconnaître, comprendre les insuffisances des institutions
existantes, pour concevoir et mettre en place de nouvelles institutions. Ces facteurs sont
autant de contraintes pouvant empêcher la mise en place des institutions efficaces.

(b) Rigidité idéologique


Les considérations idéologiques peuvent réduire les coûts de transaction du dirigeant
lorsque les citoyens sur la base de leurs convictions idéologiques, considèrent les
arrangements institutionnels existants comme étant justes, et considèrent légitime le pouvoir
du décideur politique. Dans ce cas, le dirigeant va investir dans l’éducation de sa population
pour favoriser l’expansion idéologique favorable à ses intérêts. Le dirigeant s’identifie alors à

244
l’idéologie qu’il promeut. Lorsqu’il existe un gap entre l’idéologie du décideur politique et la
réalité économique, c’est-à-dire, lorsque l’idéologie du dirigeant ne génère pas du
développement économique, le dirigeant ne va pas introduire des réformes de peur de susciter
une remise en cause de la légitimité de son pouvoir. Dans cette situation, le changement
institutionnel ne s’opère qu’en cas de changement du dirigeant (Lin, 1989a).

(c) Bureaucratie et problème d’agence


Il existe une déconnexion entre les intérêts du dirigeant et ceux des bureaucrates qui
sont censés relayer et mettre en oeuvre les réformes prônées par le dirigeant. Dans
l’application des politiques de l'État, les bureaucrates disposent d’un pouvoir discrétionnaire
qui est difficilement contrôlable pour le dirigeant. Une telle situation aggraverait le problème
de rationalité limitée du dirigeant. De l’avis de Lin (1989a), la réforme institutionnelle n’aura
pas lieu si le gain résultant de la réforme peut être dissipé par le pouvoir discrétionnaire de la
bureaucratie étatique, c’est-à-dire lorsque le gain qui va résulter des réformes institutionnelles
sera largement capturé par les bureaucrates et non par le dirigeant.

(d) Conflit de groupes d’intérêts


La survie d’un régime politique dépend du soutien de certains individus qui se
constituent en groupes d’intérêts. Les politiques économiques sont un moyen de conserver le
soutien de groupes d’intérêts nécessaires à la survie d’un régime politique (Schultz, 1978).
Lorsque la réforme institutionnelle va entraîner des pertes pour le groupe soutenant le
dirigeant, et si ce groupe n’est pas sûr de pouvoir être compensé pour les pertes qu’il subit, il
s’en suit que la réforme a une très faible chance d’aboutir.

(e) Limite de connaissances en sciences sociales


Selon Lin (1989a), les institutions mises en place à un moment donné, dépendent du
niveau de connaissances en sciences sociales à cet instant. Ces connaissances peuvent
malheureusement ne pas être correctes. Sur la base de connaissances erronées, il est possible
de maintenir en place des institutions inefficaces. Par ailleurs, la rationalité limitée humaine
limiterait aussi les connaissances sociales. Cependant, ces limites seraient plus faibles dans un
environnement démocratique que dans un environnement dictatorial. Car un environnement
démocratique permet la contradiction et la diversité des opinions, ce qui élargit le champ de
connaissances sociales.

245
Le modèle de Lin (1989a) a le mérite de mettre en exergue la complexité du processus
de mise en oeuvre de réformes institutionnelles par l'État. Cependant, ce modèle ne nous
permet pas de savoir les mécanismes par lesquels l'État parvient à réformer les institutions.
Lin (1989a) met en évidence une série de contraintes citées ci-dessus, qui doivent être levées
afin que l'État réussisse efficacement à réformer les institutions. Cependant, l’auteur ne
mentionne pas comment, ni les moyens par lesquels ces différentes contraintes pourraient être
levées. Par ailleurs, à travers l’analyse de Lin (1989a), il n’est pas possible d’identifier les
facteurs les plus contraignants pour la mise en œuvre de réformes institutionnelles. De telles
limites au modèle de Lin (1989a) nous amènent à rechercher une théorie relativement plus
satisfaisante du changement institutionnel coordonné.

3.2.2 Théorie du changement institutionnel coordonné à la Acemoglu et al.

Acemoglu (2003), Acemoglu, Johnson et Robinson (2005a) et Acemoglu et Robinson


(2008b) soutiennent que la différence de la qualité des institutions entre pays, est le résultat de
conflits d’intérêts. De ce fait, le choix des institutions et de leurs changements peut s’analyser
sous forme d’un processus de choix collectif. Selon Acemoglu et al., la différence entre pays
des institutions économiques et leurs évolutions dépendent de la distribution du pouvoir
politique, qui lui même est endogène puisqu’il dépend du pouvoir politique de jure conféré
par les institutions politiques, et du pouvoir politique de facto conféré par la distribution de
revenu dans un pays. Tous les membres de la société ne seraient pas en faveur de la réforme
des institutions à cause des conséquences distributives en termes de revenu, que pourrait
engendrer la réforme des institutions économiques. Mais au final, ce sont les individus qui
disposent du pouvoir politique qui ont le dernier mot dans le choix des institutions et de leurs
réformes.
Dans la perspective du changement institutionnel coordonné, Acemoglu et Robinson
(2008b) évoquent une série d’erreurs à éviter pour la mise en œuvre effective de la réforme
des institutions économiques. Selon Acemoglu et Robinson (2008b) la première erreur à
éviter est de vouloir instaurer directement de nouvelles institutions économiques. Une telle
démarche risque de générer des résultats décevants, car tant que les forces politiques qui
maintiennent en place les institutions économiques inefficaces ne seraient pas levées, il est
illusoire de penser pouvoir réussir efficacement la réforme des institutions économiques. Pour
soutenir leurs arguments, Acemoglu et Robinson (2008b) prennent l’exemple des
programmes d’ajustement structurel (PAS) mis en place dans les années 1980 et 1990 en

246
Afrique et en Amérique Latine, et qui ont engendré des résultats décevants. Selon ces auteurs,
les résultats décevants des PAS seraient dus au maintien de l’équilibre politique existant avant
les PAS. Dans un tel contexte, les décideurs politiques dans les PED, ont pu trouver des
parades pour contourner les nouvelles contraintes qui leur étaient imposées par les PAS. Ce
faisant, ces dirigeants étaient parvenus à utiliser d’autres politiques pour atteindre leurs
objectifs. C’est ce phénomène que Acemoglu et Robinson appellent « see-saw effect ».
La deuxième erreur à éviter selon Acemoglu et Robison (2008b) c’est de vouloir
introduire la réforme des institutions économiques à travers la démocratisation des régimes
politiques. Une telle démarche pourrait certes, affecter la distribution du pouvoir politique de
jure, mais ne va pas aboutir forcément à la réforme des institutions économiques, tant que la
distribution du pouvoir politique de facto n’est pas affectée. En effet, les individus qui
auraient perdu leur pouvoir politique de jure du fait de la démocratisation des régimes
politiques pourraient renforcer leur pouvoir politique de facto et par conséquent, seraient en
mesure de bloquer la réforme des institutions économiques. Pour renforcer leurs arguments,
Acemoglu et Robinson (2008b) citent l’exemple des États-Unis d’Amérique où l’introduction
de la démocratie aux lendemains de la guerre civile n’a pas empêché de maintenir en place un
système économique favorisant la répression, le travail forcé dans les plantations et la non
scolarisation des travailleurs non qualifiés dans le Sud des États-Unis d'Amérique. En plus de
l’exemple du Sud des États-Unis, Acemoglu et Robinson (2008b) citent l’exemple du
Cambodge (aux lendemains de la fin du communisme) où la démocratisation du régime
politique n’a pas permis de changer les institutions économiques.
La troisième erreur à éviter c’est de vouloir introduire simultanément des réformes du
pouvoir politique de jure et de facto. Certes, une telle démarche aurait pour effet de modifier
l’équilibre politique, mais cette stratégie n’est pas non plus une garantie du succès des
réformes à cause de l’inertie institutionnelle. Pour un changement institutionnel effectif, il
faut que ceux qui accèdent au pouvoir à la suite du changement de l’équilibre politique aient
la volonté réelle de rompre avec l’ancien système, c’est-à-dire avec les institutions inefficaces
dont ils héritent. Acemoglu et Robinson (2008b) défendent leurs arguments en citant
l’exemple de la Bolivie où les dirigeants qui ont succédé à la révolution bolivienne ont
maintenu le système d’expropriation dont ils avaient hérité de l’ancien système. Les exemples
de certains pays Africains, où la fin du régime colonial n’a pas conduit à de véritables
changements institutionnels sont aussi cités par Acemoglu et Robinson (2008b).
A la lecture de la liste des erreurs à éviter dans la mise en œuvre de réformes des
institutions économiques que soulignent Acemoglu et Robinson (2008b), on peut se poser la

247
question suivante : Comment alors la réforme des institutions économiques devient possible
dans la perspective du changement institutionnel coordonné ? Acemoglu et Robinson (2008b)
admettent que la réponse à une telle question n’est pas évidente, mais proposent l’occurrence
de chocs exogènes sur l’équilibre politique comme une source potentielle de réforme des
institutions économiques. Pour soutenir leurs arguments, ils citent en exemple les réformes
institutionnelles introduites en Angleterre au 17ème siècle aux lendemains de la « Glorious
Revolution ».
North et Weingast (1989) font aussi référence à la « Glorious Revolution » dans leurs
travaux. Ces auteurs montrent qu’avant la « Glorious Revolution » qui a eu lieu en 1688 sous
le règne du roi James II de la lignée des Stuarts, en Angleterre il existait un système
d’expropriation du roi vis-à-vis du peuple. Ce système était caractérisé par la hausse excessive
des taux d’imposition fiscale au gré du roi, le non respect des échéances de remboursement de
dettes financières du roi vis-à-vis des agents privés, et le non respect ou la résiliation
unilatérale des engagements contractuels du roi vis-à-vis de ses créanciers privés.
North et Weingast (1989) soutiennent qu’après la « Glorious Revolution », les
imperfections du système de protection des droits de propriété privée étaient réduites en
Angleterre. C’est ainsi que se sont développés des marchés financiers en Angleterre. La
création de la Banque d’Angleterre et la hausse des fonds empruntés auprès du public par le
roi, sont des exemples illustratifs des développements financiers qui ont suivi la « Glorious
Revolution ». De l’avis de North et Weingast (1989), de tels changements ont été obtenus
grâce au renforcement du pouvoir du parlement vis-à-vis du roi. A l’époque, le parlement
britannique était en faveur de la réduction du pouvoir du roi et d’une bonne protection des
droits de propriété privée. En effet, au parlement britannique y siégeaient des marchands et
ceux-ci ont pu constituer des groupes parlementaires en faveur de leurs causes.
North et Weingast (1989) montrent que le parlement britannique a profité de la
« Glorious Revolution » pour introduire cinq principaux changements institutionnels en
Angleterre. Le premier changement fut la suppression du système fiscal archaïque qui
prévalait et qui permettait une hausse injustifiée des dépenses du roi, et par conséquent, des
taux d’imposition élevés. La seconde réforme fut la réduction des pouvoirs judiciaires et
législatifs du roi. Cela a limité la capacité du roi à changer les lois sans le consentement
préalable du parlement. Le renforcement du pouvoir du parlement sur les questions fiscales
fut la troisième transformation introduite. Cela a réduit la capacité du roi à augmenter les taux
de prélèvement fiscal de façon unilatérale. Quatrièmement, les membres du parlement ont
renforcé leurs rôles dans l’allocation des ressources et la surveillance des dépenses qui sont

248
engagées par le roi. Cinquièmement, en créant un équilibre de pouvoir entre le parlement et la
monarchie, les membres du parlement ont réduit énormément le risque d’utilisation abusive
de leurs propres pouvoirs qu’ils ont conquis et acquis vis-à-vis du roi. Ce faisant, les
victorieux de la « Glorious Revolution » ont évité que l’abus de pouvoir vis-à-vis du peuple,
passe du côté du roi au parlement, ce qui constitua une garantie pour la préservation des
acquis de la « Glorious Revolution ».
Si North et Wingast (1989) expliquent surtout les changements institutionnels qui ont
suivi la « Glorious Revolution », Acemoglu, Johnson et Robinson (2005b) et Acemoglu et
Robinson (2008b) tentent d’expliquer comment de tels changements ont pu s’opérer à
l’époque. En effet, selon Acemoglu et al., le commerce atlantique aux 16ème et 17ème siècles a
permis l’enrichissement de plusieurs marchands qui ont participé à ce commerce, ce qui a
rendu possible le succès de la « Glorious Revolution » et les changements institutionnels qui
en ont suivi. Prenant avantage de leurs enrichissements, les marchands favorables aux
changements institutionnels, ont pu mobiliser des mercenaires et autres sources de violence,
pour menacer et défier physiquement le roi. C’est ainsi que James II fut assassiné au cours de
la « Glorious Revolution » et fut remplacé par William d’Orange qui était obligé de faire des
concessions en faveur des commerçants, de peur d’être renversé comme son prédécesseur.
Les éléments d’analyse ci-dessus concernant la réforme des institutions en Angleterre,
suscitent la question qui est de savoir si l’expérience britannique pourrait de nos jours,
inspirer les PED en matière de réformes institutionnelles. De façon précise, il s’agit de savoir
s’il existe de nos jours, des opportunités liées aux échanges internationaux, et dans quelle
mesure, les PED pourraient prendre avantage de ces opportunités pour réformer leurs
institutions, comme l’Angleterre a su profiter de sa participation au commerce atlantique pour
réformer ses institutions au 17ème siècle.

4. Flux entrants d’investissements directs étrangers (IDE) : Facteur


potentiel de changements institutionnels dans les pays en développement

L’histoire de changements institutionnels en Angleterre analysée par North et


Weingast et par Acemoglu et al., nous permet de faire l’hypothèse selon laquelle, les PED
pourraient de nos jours, prendre avantage de leurs participations à la globalisation financière –
c’est-à-dire, mouvements de capitaux entre pays- pour entreprendre des réformes
institutionnelles, comme l’Angleterre a su profiter du commerce atlantique pour réformer ses
institutions au 17ème siècle. Nous pensons en particulier aux flux d’IDE reçus qui joueraient le

249
même effet que des chocs exogènes sur l’équilibre politique qui entretient la persistance des
institutions économiques inefficaces dans les PED. Notre analyse relative au rôle des IDE
reçus dans la mise en œuvre de réformes institutionnelles va dans le sens du travail de Kose et
al. (2006). Ces auteurs soutiennent que les PED qui participent à la globalisation financière
pourraient bénéficier de plusieurs effets collatéraux des flux de capitaux qu’ils reçoivent, et la
mise en œuvre de réformes institutionnelles fait partie de ces effets collatéraux67.
Nous focalisons particulièrement nos analyses sur les IDE parce qu’ils constituent la
catégorie de flux de capitaux privés les plus importants dans les PED, en termes de volume,
issus de la mondialisation (Kose et al., 2006). Grâce à cette caractéristique des IDE, ceux-ci
pourraient très probablement exercer plusieurs effets collatéraux dans les PED. Il est
important de noter qu’à travers notre raisonnement théorique, nous procédons différemment,
par rapport à la démarche habituelle dans la littérature sur les effets des IDE. En effet, très
souvent dans cette littérature, l’on analyse l’effet des institutions sur l’attractivité des IDE
dans les PED, alors que dans ce chapitre nous considérons la relation inverse puisque nous
analysons l’effet des IDE sur la réforme des institutions.
De même, à travers notre raisonnement théorique, nous ne considérons pas les
possibilités que les firmes étrangères pourraient bénéficier d’une meilleure protection des
droits de propriété privée que les firmes locales, ou encore les possibilités que les IDE
pourraient choisir de s’implanter dans des régions particulières d’un pays à cause d’un cadre
institutionnel plus favorable qu’offriraient ces régions. Ces différentes possibilités dont nous
ne tenons pas compte dans notre raisonnement théorique pourraient avoir pour conséquences,
des biais d’endogénéité pour lesquels nous discutons des stratégies de correction dans la
partie de ce chapitre consacrée aux analyses empiriques. L’objet de ce chapitre est donc
l’analyse des mécanismes par lesquels les IDE pourraient contribuer à la réforme des
institutions économiques lorsque les IDE s’implantent dans les PED.

4.1 Mécanismes de l’effet collatéral des IDE sur la réforme des institutions dans
les PED

Comment les flux d’IDE reçus pourraient favoriser ou entraîner la réforme des
institutions économiques dans les PED ?

67
Pour d’autres externalités ou effets collatéraux des IDE voir Moran et al. (2005). Ces auteurs publient un livre
où il est question de faire l’état des externalités dont pourraient bénéficier les entreprises locales dans les PED,
lorsque ces entreprises sont en relation avec les entreprises étrangères à travers les IDE. Cependant, ces auteurs
ne mentionnent pas les externalités des IDE sous forme de réforme institutionnelle dans les PED.

250
Pour y répondre, nous considérons une économie où la population se compose de
l’élite et des autres agents économiques. L’élite comprend le groupe d’individus ayant le
contrôle du pouvoir politique acquis soit à travers les institutions politiques soit par la richesse
économique et financière. L’élite se compose donc des décideurs politiques mais aussi d’une
minorité de riches individus privés exerçant des activités économiques, et ayant de bons
rapports avec les décideurs politiques. Ces bons rapports peuvent prendre la forme de
positions de monopole qu’offrent les décideurs politiques à leurs alliés, riches agents
économiques privés. Les autres membres de la société constituent la majorité et se composent
des entrepreneurs et de potentiels entrepreneurs privés sans rapport avec l’élite. Contrairement
aux entrepreneurs privés proches des décideurs politiques, la majorité des entrepreneurs
privés ne bénéficient d’aucun traitement de faveur de la part des décideurs politiques. A la
limite, les décideurs politiques visent à travers les institutions économiques existantes, à
exproprier et à empêcher le développement des activités économiques de la majorité des
entrepreneurs privés.
Dans un tel contexte, nous analysons le processus de changement institutionnel comme
un jeu de l’offre et de la demande. L’élite dispose du droit d’offrir la réforme des institutions
économiques, et les autres agents économiques sont les demandeurs de cette réforme.
Cependant, l’élite n’a pas trop intérêt à réformer les institutions économiques puisque le
maintien du statu quo lui permet de conserver ses rentes, alors que les autres agents
économiques aspirent aux changements institutionnels pour pouvoir prendre avantage de
bonnes opportunités d’affaires et développer leurs activités économiques. Le jeu de l’offre et
de la demande de réformes institutionnelles que nous décrivons, est aussi assimilable à un
cadre de négociation, où les individus disposant de plus de pouvoir de négociation ont le
dernier mot sur la décision de réformer ou non les institutions.
Dans notre modèle, initialement l’élite dispose de plus de pouvoir de négociation
puisqu’elle a le contrôle du pouvoir politique. Dans ce cas, si aucun changement ne s’effectue
au niveau de la distribution du pouvoir politique et donc du pouvoir de négociation des
différents agents économiques, il est difficile d’envisager un changement institutionnel. A ce
stade, il est intéressant de noter la ressemblance de notre raisonnement théorique avec la
théorie du changement institutionnel coordonné à la Acemoglu et al. que nous analysons ci-
dessus. En effet, comme ces auteurs, nous supposons que les individus contrôlant le pouvoir
politique sont ceux qui décident du changement institutionnel. Cependant, dans notre modèle,
contrôler le pouvoir politique reviendrait à contrôler le processus de réformes institutionnelles

251
parce que, plus de pouvoir politique signifie plus de pouvoir de négociation dans le processus
de changements institutionnels.
Nous considérons les flux d’IDE reçus comme une source potentielle de chocs
exogènes sur l’équilibre politique initial, et donc sur le pouvoir de négociation des différents
agents économiques dans le processus de réformes institutionnelles. Il est important de noter
que dans notre analyse, le fait que les IDE proviennent de l’étranger confère aux IDE un
caractère comparable aux chocs exogènes, puisque les PED ne contrôlent pas totalement le
volume d’IDE qu’ils souhaiteraient recevoir, ni le moment où ils pourraient les recevoir.
Par ailleurs, nous considérons que la majorité des entrepreneurs privés savent
décrypter et saisir l’opportunité que leur offrent les flux entrants d’IDE, pour demander les
réformes institutionnelles qu’ils souhaitent. A travers ce raisonnement, il apparaît que la
réforme des institutions est une affaire de tous. Ainsi, même si l’élite a le dernier mot dans le
processus de réformes institutionnelles, l’utilisation adéquate par la majorité de la population
des opportunités favorables aux réformes, pourrait influer la décision de l’élite dans la
conduite de réformes institutionnelles. La manière dont les marchands ont su utiliser le
commerce atlantique pour initier les réformes institutionnelles en Angleterre au 17ème siècle,
en est une illustration (voir Acemoglu et al. 2005b, 2008b).
Les flux entrants d’IDE peuvent accroître le pouvoir de négociation des agents
économiques désirant ou souhaitant la réforme des institutions économiques. Les arguments
suivants justifient cette hypothèse :

• Les IDE créent de l’emploi et génèrent des recettes fiscales pour l’économie. Dans un
monde de globalisation, les IDE se déplacent librement d’un pays à un autre. Dans un
tel contexte, les investisseurs privés peuvent demander et obtenir les réformes
institutionnelles qu’ils souhaitent, étant donné que la non satisfaction de leurs
demandes peut entraîner le départ des IDE de l’économie. Pour éviter une telle
situation, les décideurs politiques très probablement, feront des concessions en faveur
des investisseurs en cas de négociations pour la réforme des institutions68.

68
Cornelius et Kogut (2003) publient un ouvrage avec une série d’articles rédigés par des chercheurs et des
praticiens. Ces différents articles montrent comment la globalisation financière a entraîné dans certains PED la
modification des structures de la gouvernance des entreprises privées pour répondre à la demande des
investisseurs étrangers.

252
• Les IDE entraînent une augmentation de la productivité des entreprises locales69, par
conséquent, leurs profits ainsi que leurs contributions fiscales. Dans ce cas, le pouvoir
de négociation des entrepreneurs locaux s’accroît. Les entrepreneurs locaux pourraient
menacer les décideurs politiques de ne pas payer leurs impôts ou de n’en payer qu’une
partie, si le gouvernement n’entreprend pas les réformes institutionnelles souhaitées
par la majorité des entrepreneurs (voir Acemoglu, Johnson et Robinson, 2005b pour le
cas de l’Angleterre au 17ème siècle). Afin d’éviter une telle situation et les
conséquences qui vont avec, les décideurs politiques pourraient mettre en oeuvre les
réformes institutionnelles souhaitées par la majorité des entrepreneurs privés.
• Enfin, les échanges avec les entreprises étrangères à travers les IDE, pourraient
amener les entrepreneurs locaux à découvrir d’autres modes organisationnels et de
fonctionnements institutionnels. Une telle situation augmenterait le pouvoir de
négociation des entrepreneurs privés dans le processus de réforme des institutions.
Car, les entrepreneurs pourraient accroître le nombre d’options en matière de réformes
institutionnelles à proposer aux décideurs politiques. Une telle situation entraîne la
flexibilité dans les négociations, ce qui pourrait faciliter la réforme des institutions. En
effet, un nombre limité d’options possibles rendrait les négociations rigides ce qui
pourrait compliquer le processus de réformes.

4.2 Existence de contraintes sur les décideurs politiques : Condition nécessaire


pour un rôle catalyseur des IDE dans la réforme des institutions

Nous décrivons le changement institutionnel comme un processus de négociation dont


le résultat dépend du pouvoir de négociation des parties impliquées dans ce processus. Par
ailleurs, nous faisons l’hypothèse que, les individus souhaitant la réforme peuvent décrypter et
savent saisir les opportunités que leur offrent les flux entrants d’IDE, ce qui constitue une des
conditions nécessaires pour une contribution efficace des IDE à la mise en oeuvre de réformes
institutionnelles.
Nous faisons maintenant l’hypothèse qu’il faut une condition supplémentaire pour que
les IDE puissent contribuer efficacement à la réforme des institutions économiques. Un cadre
de négociation juste et équitable, où toutes les voix pourraient s’exprimer librement constitue

69
Pour des résultats empiriques mettant en exergue l’effet des flux entrants d’IDE sur la productivité des
entreprises locales dans les PED, voir Javorcik (2004), Lopez-Cordova (2003), Alfaro et Rodriguez-Clare
(2004), Blalock et Gertler (2005).

253
cette condition supplémentaire nécessaire. C’est ainsi que nous soutenons que, la contribution
des IDE à la réforme des institutions économiques serait effective et efficace, lorsqu’il existe
des contraintes institutionnelles et politiques sur les décideurs politiques dans l’exercice de
leurs fonctions. Cette intuition s’inspire du travail de Acemoglu, Johnson et Robinson
(2005b). Les contraintes sur les décideurs politiques permettraient de mieux exprimer et de
mieux prendre en compte les changements de pouvoir de négociation des différents acteurs.
Les justifications d’une telle hypothèse sont les suivantes :

• Lorsque les décideurs politiques font face à des contraintes institutionnelles et


politiques dans l’exercice de leurs fonctions, il est très probable que la majorité des
entrepreneurs puissent bénéficier des opportunités de profit qu’offrent les IDE. Les
opportunités de profit ne seraient pas alors limitées seulement aux décideurs politiques
et à leurs partisans70. En permettant à plusieurs entrepreneurs de prendre part aux
opportunités de profit, les contraintes institutionnelles et politiques sur les décideurs
politiques accroissent l’effectif et le pouvoir de négociation des individus souhaitant la
réforme des institutions économiques.
• Dans un environnement où il existe des contraintes institutionnelles sur les décideurs
politiques dans l’exercice de leurs fonctions, les coûts de transaction des agents
économiques souhaitant la réforme des institutions économiques seraient réduits. De
façon précise, cela revient à dire que le problème d’action collective de la majorité des
entrepreneurs privés serait amoindri. En effet, les entrepreneurs souhaitant la réforme
des institutions pourraient mieux s’organiser et coordonner leurs actions sans courir le
risque de représailles de la part des décideurs politiques (voir Roland, 2004, pour un
raisonnement comparable). Une bonne coordination des actions des entrepreneurs
favorables à la réforme, est une condition nécessaire pour obtenir la réforme des
institutions souhaitée.
• De façon générale, une des difficultés pour la réalisation de réforme, est l’absence de
garanties que les individus qui seraient affectés négativement par la réforme pourraient
être compensés pour les pertes qu’ils auraient subies. Cependant, un environnement où
le pouvoir des décideurs politiques est limité est un environnement propice aux
70
North et Wingast (1989) et Acemoglu, Johnson et Robinson (2005b) montrent qu’avant la « Glorious
Revolution », l’absence de limite de pouvoir permettait aux rois d’offrir des positions de monopole à leurs
partisans et aux membres proches de leurs familles. De même, De Long et Shleifer (1993) montrent qu’entre
1000 et 1800, les régions de l’Europe occidentale dirigées par des monarques autoritaires, du fait d’une
répartition inéquitable des opportunités enregistraient de faibles développements industriel et commercial, par
conséquent, de faibles taux de croissance économique.

254
réformes. En effet, dans un tel environnement les gagnants de la réforme ne vont pas
abuser de leurs gains, et les perdants de la réforme sont garantis de pouvoir recevoir
des compensations adéquates pour les pertes qu’ils auraient subies71.

Nous faisons l’hypothèse que les PED pourraient prendre avantage des flux entrants
d’IDE pour réformer leurs institutions économiques. En effet, en permettant l’enrichissement
des entrepreneurs souhaitant la réforme, les IDE pourraient entraîner des chocs sur l’équilibre
politique qui entretient la persistance des institutions économiques inefficaces. Cependant,
pour que les IDE puissent jouer un tel rôle de catalyseur de réformes institutionnelles, il faut
que les agents économiques favorables à la réforme puissent comprendre et sachent saisir les
opportunités que représentent les flux entrants d’IDE pour la réalisation des réformes
institutionnelles. Il faut surtout un cadre où pourrait mieux s’organiser et mieux s’exprimer les
changements de pouvoir de négociation des différents acteurs. Nous soutenons que de telles
conditions pour la contribution effective et efficace des IDE à la réforme des institutions
économiques sont remplies lorsqu’il existe des mécanismes efficaces de contraintes
institutionnelles et politiques dans l’exercice du pouvoir des décideurs politiques.
Ainsi, notre raisonnement théorique se résume comme tel : Les flux entrants d’IDE
sont plus susceptibles de contribuer à la réforme des institutions économiques dans les PED,
lorsqu’il existe préalablement des mécanismes efficaces de contraintes institutionnelles et
politiques sur les décideurs politiques dans l’exercice de leurs fonctions.

5. Analyses empiriques

5.1 Mesure et Définition de la réforme des institutions économiques

Pour tester notre hypothèse théorique, nous avons besoin d’une mesure de la réforme
des institutions économiques. Nous rappelons que dans ce chapitre, nous focalisons notre
analyse sur la réforme des institutions de protection des droits de propriété privée. En effet,
les institutions de protection des droits de propriété privée sont celles dont les effets positifs

71
Des arguments comparables sont évoqués par Acemoglu (2003) qui montre que la démocratisation des
régimes politiques est une sorte de garantie de la crédibilité des engagements des décideurs politiques vis-à-vis
du peuple en matière de réforme des institutions économiques. De même, Rodrik (1999) montre que les pays
démocratiques seraient ceux qui se sont vite remis de la crise pétrolière des années 1970, car la démocratie a
permis de rassurer les agents économiques en matière de compensations pour les pertes subies. Une telle
situation a facilité la mise en place des réformes nécessaires pour sortir de la crise.

255
sur les performances économiques sont établis sans controverse dans la littérature
économique. De même les travaux pionniers en analyse économique des institutions, sont
basés sur les institutions de droits de propriété privée. Par ailleurs, Rodrik (2005) considère
les institutions de droits de propriété, comme étant les institutions de création du marché, et
sans lesquelles il est difficile d’imaginer l’existence d’activités économiques viables. Ces
différents éléments justifient notre intérêt pour l’analyse de la réforme des institutions de
droits de propriété privée dans les PED.
Afin de mesurer la réforme des institutions de droits de propriété privée, en nous
inspirant de la méthode de Doing Business -rapport annuel publié par la Banque Mondiale
concernant la réforme des institutions de régulation et des institutions de droits de propriété à
travers le monde-, et en utilisant les données de Fraser Institute, nous appliquons deux
transformations à l’indice des institutions de droits de propriété privée. D’abord, nous
calculons la première différence de cet indice, ensuite nous transformons le résultat de la
première différence en une muette prenant la valeur de un lorsque le résultat de la première
différence de l’indice des institutions de droits de propriété privée est strictement positive, et
la valeur de zéro autrement. Ainsi, empiriquement, par réforme des institutions de protection
des droits de propriété privée, nous entendons toute variation strictement positive de l’indice
des institutions de droits de propriété privée sur une durée de cinq ans. Dans ce cas, nous
analysons toute variation positive même de faible ampleur, de l’indice des institutions de
droits de propriété privée par rapport à une dégradation ou au maintien dans le statu quo de
cet indice.
Notre mesure de la réforme des institutions de protection des droits de propriété privée
est appropriée, car les institutions ne sont pas un facteur physique, ce qui signifie que les
indices de qualité des institutions ne peuvent enregistrer une augmentation de leurs valeurs,
que si les institutions sont réformées. Certains pourraient objecter en soutenant qu’on peut
avoir une hausse de l’indice des institutions de droits de propriété privée, sans réforme des
institutions. Cette objection serait valable sur une courte période, car les organismes qui
mesurent la qualité des institutions pourraient se tromper sur une courte période. Cependant,
un tel risque d’erreur serait réduit sur une période relativement longue comme c’est le cas
dans ce chapitre où nous utilisons des données sur la qualité des institutions couvrant une
période de 35 ans. Par ailleurs, si l’on admet les valeurs en niveau des indices de qualité des
institutions comme des mesures valables, il serait judicieux d’admettre aussi les premières
différences de ces indices, comme des indicateurs pertinents.

256
5.2 Spécification économétrique

Dans ce chapitre, nous faisons l’hypothèse que les flux entrants d’IDE pourraient
contribuer à la réforme des institutions économiques dans les PED, lorsqu’il existe des
contraintes institutionnelles et politiques sur les décideurs politiques dans l’exercice de leurs
fonctions. Cependant, dans la plupart des réformes, les décideurs politiques les plus décisifs
sont les chefs de l’exécutif. Par ailleurs, nous n’avons à notre disposition que des indicateurs
de qualité des institutions de contraintes sur l’exécutif. Dans ce cas, pour tester
empiriquement notre hypothèse, nous la reformulons comme tel : la probabilité que les IDE
reçus contribuent à la réforme des institutions de droits de propriété privée serait plus élevée
dans les pays dotés préalablement de mécanismes efficaces de contraintes institutionnelles et
politiques dans l’exercice du pouvoir exécutif. Le modèle économétrique à estimer se présente
alors comme suit :

Re f it = c + α log ( pibit −1 ) + β ideit + γ conti 0 × ideit + ui + vt + ε it (5.1)

L’équation (5.1) constitue notre équation de test. Dans cette équation, la variable
expliquée est la probabilité de réformer des institutions de protection des droits de propriété
privée. Comme nous l’expliquons plus haut, cette variable est une muette prenant la valeur de
un pour toute variation strictement positive de l’indice des institutions de droits de propriété
privée, et la valeur de zéro autrement. Notre modèle est alors, un modèle de probabilité
expliquant l’occurrence de la réforme des institutions de droits de propriété privée, c'est-à-dire
la probabilité pour un pays, d’enregistrer une variation strictement positive de son indice de
qualité des institutions de droits de propriété privée sur une durée de cinq ans.
Notre variable explicative d’intérêt ou variable de test, est une variable d’interaction
entre les flux entrants d’IDE et l’indice de contraintes sur l’exécutif en début de période, il
s’agit de la variable conti 0 × ideit dans l’équation (5.1). Nous espérons, un effet positif et
significatif de la variable croisée sur la probabilité de réformer les institutions de droits de
propriété privée. Notre variable d’intérêt met ainsi en exergue notre argument selon lequel,
l’effet des IDE sur la réforme des institutions de droits de propriété est conditionné par
l’existence dans un pays des institutions efficaces de contraintes sur l’exécutif.
Dans notre modèle empirique, nous contrôlons pour l’effet du PIB par tête, car tel que
nous l’expliquons dans la partie théorique, l’analyse de l’effet des flux entrants d’IDE sur la
réforme des institutions est une analyse d’un effet collatéral des IDE dans les PED. Car, aussi

257
bien les gouvernements des PED que les investisseurs privés internationaux, ne cherchent pas
principalement à entraîner la réforme des institutions dans les PED à travers les IDE. Les
gouvernements des PED cherchent à améliorer les conditions de vie de leurs populations à
travers les IDE, alors que les investisseurs internationaux visent la maximisation du
rendement de leurs capitaux en les plaçant sous forme d’IDE dans les PED.
Empiriquement, pour mettre en exergue l’effet collatéral des flux d’IDE reçus, il est
nécessaire de contrôler pour l’effet du PIB par tête sur la probabilité de réforme
institutionnelle. Le PIB par tête est un indicateur du niveau de vie, de la capacité de demande
de la population d’un pays, et donc du potentiel de profit que pourraient réaliser les
investisseurs privés en s’implantant dans un pays. Ainsi, en contrôlant pour l’effet du PIB par
tête, si notre variable explicative d’intérêt a un effet statistiquement significatif, cela
représenterait un effet collatéral des IDE sur la réforme des institutions. Car, en contrôlant
pour l’effet du PIB par tête, nous aurions contrôlé pour les effets principalement recherchés
par les investisseurs internationaux en plaçant leurs capitaux dans les PED, et par les
gouvernements des PED en ouvrant leurs pays aux capitaux étrangers. Par ailleurs, le PIB par
tête est un potentiel déterminant de la réforme des institutions, car on peut supposer que les
pays riches sont ceux qui disposent des ressources nécessaires pour la mise en oeuvre de
réformes institutionnelles.
Dans l’équation (5.1) nous ajoutons additivement les IDE. Ce faisant, nous mesurons
l’effet non conditionné des IDE sur la réforme des institutions de protection des droits de
propriété privée. L’effet additif des IDE serait de signe ambigu. En effet, les flux entrants
d’IDE pourraient contribuer à la réforme des institutions économiques indépendamment du
niveau de contraintes sur l’exécutif dans un pays, dans ce cas l’effet additif des IDE sur la
probabilité de réforme institutionnelle serait de signe positif. A l’inverse, en l’absence ou
lorsque le niveau de contraintes sur l’exécutif est faible, les flux entrants d’IDE pourraient
défavoriser la réforme des institutions. Dans ce cas l’effet additif des IDE sur la probabilité de
réformer les institutions serait de signe négatif.

5.3 Données et sources de données

Nous utilisons des données de panel pour estimer notre modèle empirique. Ainsi, dans
l’équation (5.1) ci dessus, c désigne la constante, ui l’effet spécifique pays, vt l’effet

spécifique temporel et ε it l’erreur idiosyncratique.

258
En utilisant les données de panel, notre variable expliquée est la probabilité pour un
pays i, d’enregistrer une variation strictement positive de l’indice de qualité de ses institutions
de protection des droits de propriété privée chaque cinq ans. Le choix de la durée de cinq
s’explique par le fait que les données sur les institutions de droits de propriété privée,
obtenues de Fraser Institute, sont renseignées à des intervalles de temps quinquennaux de
1970 à 2000. Les données annuelles pour cet indice ne sont disponibles qu’à partir de 2001
jusqu’en 2005. Pour compléter nos données, nous calculons la moyenne de l’indice de qualité
des institutions de droits de propriété privée pour la période 2001-2005, et prenons la
différence de cette valeur moyenne par rapport à la valeur de l’indice en 2000.
L’indice de droits de propriété privée mesure le respect de l’état de droit, l’intégrité et
l’indépendance de la justice, la mise en application effective des contrats selon les normes
établies par l’Etat, la protection des droits de propriété des individus contre les risques
d’expropriation vis-à-vis de l’Etat ou d’autres agents privés. Avant les transformations que
nous appliquons, l’indice de droits de propriété privée de Fraser Institute varie de façon
croissante entre un (protection minimale des droits de propriété privée) et 10 (protection quasi
parfaite des droits de propriété).
Les données sur les IDE, sont des données annuelles obtenues de la Banque Mondiale
-Global Development Finance- et couvrent la période 1970-2005. Nous calculons les
moyennes quinquennales des flux entrants d’IDE pour la période considérée. Les données sur
les IDE mesurent les capitaux investis dans un pays par les investisseurs non résidents. Il
s’agit de flux nets entrants d’IDE c’est-à-dire, de la somme de nouveaux capitaux investis, de
profits réinvestis et des emprunts inter-entreprises investis, le tout corrigé des transferts de
capitaux dans les pays d’origine et des remboursements de dettes. Les données sur les IDE
sont exprimées en pourcentage du PIB.
Notre variable explicative d’intérêt est une variable d’interaction entre les flux nets
d’IDE reçus, et l’indice de contraintes sur l’exécutif en début de période, c’est-à-dire en 1970.
Les données relatives aux contraintes sur l’exécutif sont obtenues de la base de données de
Polity IV et varient de façon croissante entre 1 (contraintes minimales) et 7 (contraintes
maximales).
Les données de contraintes sur l’exécutif mesurent les contraintes institutionnelles et
politiques auxquelles fait face le chef de l’exécutif dans l’exercice de ses fonctions. Plus
précisément, ces données mesurent le degré de la prise en compte des avis des différents
acteurs (parlementaires, notables, dirigeants de partis politiques) que doit consulter le chef de
l’exécutif avant de prendre des décisions concernant la gestion des affaires étatiques. Selon

259
les experts de Polity IV, dans une démocratie occidentale, le parlement sert d’institution de
contraintes sur l’exécutif, dans un régime au parti unique les dirigeants du parti servent
d’acteurs exerçant des contraintes sur l’exécutif, enfin dans une monarchie, les notables
jouent le rôle d’acteurs exerçant des contraintes sur l’exécutif. Plus la valeur de cet indice est
élevée, plus on peut supposer que les mécanismes de contraintes institutionnelles et politiques
sont efficaces dans un pays. Étant donné que nous utilisons des données de panel, dans les
modèles à effet fixe, il n’est pas possible de tester l’effet de contraintes initiales sur l’exécutif
(contraintes sur l’exécutif en 1970) sur la probabilité de réformer les institutions. C’est la
raison pour laquelle, dans notre spécification économétrique, nous n’ajoutons pas en additive
l’indice de contraintes sur l’exécutif en début de période.
Les données sur le PIB par tête proviennent de Pen World Table 6.2. Il s’agit de la
mesure du PIB par tête corrigée de la parité du pouvoir d’achat. Dans notre modèle
économétrique, nous introduisons le logarithme du PIB par tête en début de chaque période de
cinq ans, pour des données couvrant la période 1970-2005. Ce faisant, nous réduisons le
risque d’endogenéité du PIB par tête.
L’utilisation des données de panel présente plusieurs avantages pour l’analyse que
nous menons dans ce chapitre. D’abord, en utilisant des données de panel, nous arrivons à
contrôler pour les effets spécifiques temporels, ce qui nous permet de contrôler pour les effets
de chocs covariants entraînant simultanément la réforme des institutions dans plusieurs pays.
Ensuite, avec les données de panel, grâce aux effets spécifiques pays nous arrivons à contrôler
pour les effets de caractéristiques invariantes inobservées des pays, et pouvant affecter la
réforme des institutions de droits de propriété privée. Ces caractéristiques invariantes se
composent entre autres, du poids de l’histoire, des valeurs culturelles affectant l’occurrence de
réformes institutionnelles. Le poids de l’histoire et les valeurs culturelles sont tous les deux,
des facteurs explicatifs importants du processus de réforme des institutions. Ces facteurs
seraient difficilement pris en compte si nous n’utilisions pas des données de panel.
L’utilisation des données de panel est donc pertinente pour l’analyse que nous effectuons. A
notre connaissance, ce chapitre serait le premier travail à utiliser des données de panel pour
analyser l’effet collatéral des flux d’IDE reçus sur la réforme des institutions de droits de
propriété privée dans les PED.

5.4 Techniques d’estimation économétrique

260
Comme nous l’annonçons plus haut, le modèle économétrique dans ce chapitre est un
modèle de probabilité. Dans ce cas nous devrions utiliser des modèles logit ou probit pour
effectuer les estimations économétriques. Avec les données de panel, les versions
programmées sur Stata de modèles de probabilité sont des modèles probit et logit à effet
aléatoire. En utilisant les données de probabilité à effet aléatoire, l’hypothèse sous-jacente est
l’exogénéité des effets spécifiques pays par rapport aux variables explicatives du modèle, ce
qui vraisemblablement constitue une hypothèse forte72.
Pour palier cet inconvénient des modèles de probabilité à base de données de panel,
nous utilisons des modèles de probabilité linéaire à effet fixe. Dans ce cas nous n’avons pas
besoin de faire l’hypothèse d’indépendance des effets fixes pays par rapport aux variables
explicatives du modèle. Ainsi, nous utilisons deux modèles de probabilité linéaire : un modèle
de panel à effet fixe et un modèle utilisant la méthode de GMM system de Blundell et Bond
(1998). La méthode de GMM system se base aussi sur des données de panel à effet fixe, et
présente l’avantage de faire des corrections d’endogénéité, grâce à l’utilisation adéquate des
valeurs retardées des variables explicatives endogènes comme variables instrumentales.
Cependant, avec les modèles de probabilité linéaire, il nous faut vérifier la proportion
d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée ne varie pas entre
zéro et un. Car, la valeur d’une probabilité est censée varier entre zéro et un. Or, en utilisant
des modèles de probabilité linéaire, la valeur prédite de la variable expliquée peut ne pas
varier dans cet intervalle, ce qui constitue une limite de ces modèles. Cependant, Wooldridge
(2000) montre que lorsque la majorité de la valeur prédite de la variable expliquée varient
entre zéro et un, la limite des modèles de probabilité linéaire, relative à l’intervalle de
variation de la valeur prédite de la variable expliquée ne serait plus d’actualité.
Nous utilisons donc quatre différentes techniques pour estimer nos modèles : deux
modèles de probabilité, c’est-à-dire des modèles logit et probit à effet aléatoire, et deux autres
modèles de probabilité linéaire, c’est-à-dire un modèle estimé à base des données de panel à
effet fixe et un modèle basé sur la technique de GMM system. L’utilisation de quatre
différentes techniques d’estimation nous permet de tester la robustesse de nos résultats par
rapport à la technique d’estimation utilisée. De tous ces résultats, ceux obtenus à partir de
GMM system seraient plus convaincants, à condition d’utiliser de bons instruments.

72
Il existe sur Stata une version du modèle logit à effet fixe. Seulement, ce modèle présente l’inconvénient de ne
considérer qu’une partie des observations, c’est-à-dire celles pour lesquelles la variable expliquée prend toujours
la valeur de 0 ou 1.

261
Pour la période 1970-2005, étant donné que nous utilisons des données subdivisées en
sous périodes quinquennales, normalement chaque pays de notre échantillon devrait avoir sept
observations. Cependant, ceci n’est pas le cas, car il existe pour certains pays et certaines
périodes, des données manquantes. Nous utilisons donc des données de panel non cylindré.
Notre échantillon d’analyse se compose de 80 pays en développement d’Afrique, d’Asie et
d’Amérique Latine. Notre échantillon comprend également des pays émergents, et des pays
en transition de l’ex-Union Soviétique et la Chine (voir annexe).

5.5 Analyses statistiques

Avant de présenter et de commenter les résultats des estimations économétriques, il


convient de mener une analyse statistique de nos données. Ainsi, nous présentons les
évolutions tendancielles des flux entrants d’IDE et des probabilités inconditionnelles de
réforme des institutions de droits de propriété privée dans notre échantillon. Nous comparons
également les volumes d’IDE reçus et de probabilité inconditionnelle de réforme
institutionnelle selon le niveau de contraintes sur l’exécutif dans les différents pays de notre
échantillon.
Par probabilité inconditionnelle de réforme institutionnelle, nous entendons le rapport
entre le nombre de pays ayant connu une variation strictement positive de la valeur de leurs
indices d’institutions de droits de propriété privée, et le nombre total de pays pour lesquels
nous disposons des données nécessaires pour juger de la situation de réforme de leurs
institutions. Nous calculons ces probabilités inconditionnelles pour les années 1975, 1980…
et 2005. Le nombre de cas possibles de réforme institutionnelle n’est pas le même pour les
différentes années, car le nombre de pays disposant des données nécessaires pour juger de
l’état de réforme de leurs institutions de droits de propriété privée varie d’une période à
l’autre. Nous calculons aussi les moyennes quinquennales des flux entrants d’IDE en
pourcentage du PIB, pour la période 1970-2005. A ce niveau également, d’une période à
l’autre, le nombre de pays disposant de données nécessaires varie.
Le graphique V.1 montre des évolutions tendancielles différentes pour les flux entrants
d’IDE et les probabilités inconditionnelles de réforme des institutions de droits de propriété
privée dans les PED. La courbe de probabilités inconditionnelles a une allure en W, alors que
la tendance des flux d’IDE reçus a l’allure d’une courbe en V.
A travers le graphique V.1, on peut constater que la valeur de la probabilité
inconditionnelle de réforme institutionnelle est à son plus bas niveau en 1975 (avec une valeur

262
de 0,18), atteint sa plus grande valeur en 1980, en avoisinant la valeur de 0,78. Au cours du
quinquennat suivant, le pourcentage de PED ayant enregistré une variation strictement
positive de la valeur de leurs indices de droits de propriété privée diminue. Puis à partir de
1985, la probabilité inconditionnelle de réformer les institutions de droits de propriété privée
enregistre une hausse continue de sa valeur jusqu’en 1995 où elle atteint la valeur de 0,64.
Depuis 1995, le pourcentage de pays ayant connu une réforme de leurs institutions de droits
de propriété privée diminue et atteint la valeur de 0,3 en 2005, qui est cependant supérieure à
sa valeur de 1975.

Graphique V.1 : Évolutions tendancielles des flux entrants d’IDE et de probabilités


inconditionnelles de réforme institutionnelle dans les PED

3,5

2,5

2 Réforme (en %)
1,5 IDE (en % du PIB)

0,5

0
1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Années

Source : Calcul de l’auteur à partir des données de Global Development Finance et des données de Polity IV.

L’évolution des probabilités inconditionnelles indique que celles-ci pour la grande


partie de la période d’analyse, enregistrent une baisse de leurs valeurs, surtout au cours des
dix dernières années d’analyse. Cependant, cela ne voudrait pas dire forcément que, la plupart
des PED connaissent une dégradation de la qualité de leurs institutions de droits de propriété
privée. Car notre mesure de la réforme des institutions, se définit comme une variation
strictement positive de l’indice de droits de propriété privée. Dans ce cas, tous les pays qui
seraient dans le statu quo avec un niveau élevé de qualité des institutions de droits de
propriété, sont considérés comme n’ayant pas connu de réforme institutionnelle. Il est donc
possible que des pays de notre échantillon n’aient pas connu de variation de la qualité de leurs
institutions pendant les dix dernières années de la période d'analyse.

263
Par ailleurs, les données montrent que la plus grande partie de réforme des institutions
a eu lieu dans les années 1980. La réforme des institutions de droits de propriété privée
enregistrée dans les années 1980 pourrait s’insérer dans la vague de réformes, y compris les
réformes agraires qui ont conduit aux attributions de titres fonciers aux agents économiques
privés dans les PED.
La courbe de l’évolution des flux entrants d’IDE montre que ces derniers enregistrent
une baisse de leurs valeurs de 1975 à 1990, où ils atteignent leur plus faible valeur estimée à
0,8% du PIB. Depuis 1990, la valeur des flux entrants d’IDE enregistre une hausse pour
atteindre la valeur de presque 3% du PIB en 2005.
C’est uniquement pendant la période 1990-1995, que la courbe de flux entrants d’IDE
et la courbe de probabilités inconditionnelles évoluent dans le même sens. Pendant les dix
dernières années, les deux courbes évoluent en sens opposé : la courbe de flux entrants d’IDE
est en hausse alors que la courbe de probabilités inconditionnelles de réforme des droits de
propriété privée est en baisse. Pendant la période 1975-1980, alors que la courbe de
probabilités inconditionnelles de réforme institutionnelle présente une allure en hausse suivie
d’une baisse, la courbe des flux entrants d’IDE présente une allure totalement en baisse. A
travers le graphique V.1, les données semblent montrer que les flux entrants d’IDE et les
probabilités inconditionnelles de réforme des institutions de droits de propriété privée
évoluent en sens opposé dans notre échantillon, pour la grande partie de la période d’analyse.
Dans le graphique V.2, nous comparons les flux nets d’IDE reçus et les probabilités
inconditionnelles de réforme des institutions de droits de propriété privée selon le niveau de
contraintes sur l’exécutif en 1970 dans les différents pays. Ainsi, nous considérons les pays
dont le niveau de contraintes sur l’exécutif en 1970 est supérieur à la moyenne de
l’échantillon (valeur de 3) comme ceux dont le niveau de contraintes sur l’exécutif est élevé.
A l’inverse, les pays dont le niveau de contraintes sur l’exécutif en 1970 est inférieur à la
moyenne de l’échantillon, sont considérés comme des pays à faible niveau de contraintes sur
l’exécutif.
Le graphique V.2, montre qu’en termes de flux nets d’IDE reçus, il n’y a pas de
différence entre les PED selon le niveau de contraintes sur l’exécutif en 1970.
Indépendamment du niveau de contraintes sur l’exécutif, en moyenne pour la période 1970-
2005, les PED reçoivent des IDE équivalents à 1,7% du PIB. En revanche, à travers le
graphique V.2, il apparaît que les pays aux contraintes élevées sur l’exécutif, ont une plus
forte probabilité de réformer leurs institutions de droits de propriété privée que les pays à
faible niveau de contraintes sur l’exécutif. Pour la période 1970-2005, en moyenne la

264
probabilité inconditionnelle de réforme des institutions de droits de propriété privée est de
0,51 dans les pays aux contraintes élevées sur l’exécutif contre 0,43 pour les pays à faible
niveau de contraintes sur l’exécutif, soit une différence de 8 points de pourcentage.

Graphique V.2 : Comparaison des flux nets d’IDE reçus et de probabilité de réforme
institutionnelle selon le niveau de contrainte sur l’exécutif dans les PED

1,8
1,6
1,4
1,2
1 Contrainte élevée
0,8 Contrainte faible

0,6
0,4
0,2

0
IDE (en % du PIB) Réforme (en %)

Source : Calcul de l’auteur à partir des données de Global Development Finance et des données de Polity IV.

Le graphique V.1 montre que pour la majeure partie de la période d’analyse, les
évolutions tendancielles des flux nets d’IDE reçus et de probabilités inconditionnelles de
réforme institutionnelle évoluent en sens opposé dans les PED. Quant au graphique V.2, il
montre qu’il n’existe pas de différence significative en termes de flux nets d’IDE reçus par
les PED selon leurs niveaux de contraintes sur l’exécutif en 1970. En revanche, le graphique
V.2 laisse apparaître que les pays aux contraintes élevées sur l’exécutif ont plus de chance de
réformer leurs institutions de droits de propriété privée que les pays à faible niveau de
contraintes sur l’exécutif. Le graphique V.2 suggère donc que pour le même niveau d’IDE
reçus, comparativement à leurs homologues, les pays dont le niveau de contraintes sur
l’exécutif est élevé sont plus à même de réformer leurs institutions de droits de propriété
privée.
Les illustrations du graphique V.2 suggèrent ainsi des résultats en faveur de notre
argument selon lequel, les IDE reçus sont plus susceptibles de contribuer à la réforme des
institutions économiques dans les PED où il existe préalablement des mécanismes efficaces
de contraintes institutionnelles et politiques dans l’exercice du pouvoir exécutif. Cependant,

265
ces illustrations graphiques et analyses statistiques ne sauraient se substituer aux résultats
d’analyses économétriques rigoureuses.

6. Résultats d’estimations économétriques

Nous présentons dans le tableau V.1 les résultats de base obtenus à partir des quatre
différentes techniques d’estimation que nous utilisons pour effectuer nos régressions
économétriques. Il apparaît dans le tableau V.1 que, indépendamment de la méthode
d’estimation utilisée, notre variable d’intérêt (variable d’interaction entre IDE et indice de
contraintes sur l’exécutif en 1970) a un effet positif. A l’exception du modèle de probabilité
linéaire utilisant la technique de données de panel à effet fixe, l’effet positif de notre variable
d’intérêt est significatif dans tous les modèles. Aussi bien dans les modèles de probabilité
linéaire que dans les modèles de probabilité, les données semblent confirmer notre hypothèse
selon laquelle, les IDE contribueraient à la réforme des institutions économiques dans des
pays où l’exercice du pouvoir exécutif est régi par des mécanismes efficaces de contraintes
institutionnelles et politiques.
Dans les modèles de probabilité linéaire, le tableau V.1 montre que la totalité des
valeurs prédites de la variable expliquée varient entre zéro et un, ce qui est rassurant. Dans ce
cas, il n’existe pas d’observations pour lesquelles les valeurs prédites de la variable expliquée
ne varient pas dans l’intervalle normal de variation d’une grandeur probabilistique. La
colonne 2 du tableau V.1 contient le résultat obtenu en utilisant la technique de GMM system.
Les résultats dans le tableau V.1 montrent que les instruments utilisés sont de bonne qualité
comme l’indique le résultat du test de Sargan-Hansen. Sur la base des résultats obtenus par la
méthode de GMM system, le niveau initial de contraintes institutionnelles nécessaires pour
que les PED puissent bénéficier des IDE pour réformer leurs institutions de droits de
propriété, est estimé à 3,6. Il s’agit d’un score raisonnable, il est un peu supérieur à la
moyenne de l’indice de contraintes sur l’exécutif dans notre échantillon (pour les statistiques
descriptives voir tableau AV.1 en annexe). Seuls 21 pays sur les 80 de notre échantillon
auraient atteint ce niveau de contraintes sur l’exécutif, et parmi ces 21 pays, seuls cinq sont de
l’Afrique subsaharienne73.

73
Les pays suivants avaient en 1970 un niveau de contraintes sur l’exécutif supérieur à 3,6 : Afrique du Sud,
Bangladesh, Botswana, Emirats Arabes Unis, Chili, Colombie, Costa Rica, El Solvador, Ghana, Guyana, Inde,
Ile Maurice, Jamaïque, Papoua Nouvelle Guinée, Sierra Leone, Sri Lanka, Trinidad de Tobago, Turquie,
Uruguay, Venezuela, Zimbabwé.

266
Par ailleurs, en comparant les résultats de modèles de probabilité linéaire, il se révèle
dans nos données un problème d’endogénéité dû aux erreurs de mesure. En effet, la
comparaison du résultat du modèle utilisant la technique des données de panel à effet fixe, au
résultat obtenu à travers la technique de GMM system, montre que le coefficient associé à
notre variable d’intérêt enregistre une hausse de sa valeur après la correction d’endogénéité,
ce qui est révélateur d’un problème d’endogénéité dû aux erreurs de mesure. Les erreurs de
mesure entraînent un biais vers zéro des coefficients, ce qui pourrait expliquer la non
signification du coefficient de notre variable d’intérêt dans le modèle à effet fixe.

Tableau V.1 : Résultats de base

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) 0.129 0.010 0.087 0.140


(1.05) (0.35) (1.12) (1.09)
Ide -0.033 -0.050 -0.130 -0.212
(1.91)* (2.29)** (2.41)** (2.36)**
Variable de test 1/ 0.006 0.014 0.022 0.036
(1.15) (2.83)*** (1.88)* (1.88)*
Constante -0.588 0.718 0.179 0.305
(0.76) (3.21)*** (0.29) (0.30)
Nombre d’observations 402 402 402 402
Nombre de pays 74 74 74 74
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.505 - -
AR (1) - 0.000 - -
AR (2) 3/ - 0.957 - -
Log de vraissemblance - - -251.202 -251.272
Test de Wald - - 47.92*** 44.54***
Pourcentage d’observations 4/ 100% 100% - -
***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

267
Les résultats du tableau V.1 indiquent que le PIB par tête a un effet positif, mais non
significatif, indépendamment de la technique utilisée. Il semble donc que pour la période et
l’échantillon considéré, après avoir contrôlé pour les effets des autres variables, une hausse du
revenu n’exercerait pas un effet significatif sur la probabilité de réformer les institutions de
droits de propriété privée.
L’effet additif des IDE sur la probabilité de réformer les institutions est de signe
négatif et significatif, indépendamment de la technique d’estimation utilisée. Ce résultat
signifie que dans les PED où le niveau de contraintes sur l’exécutif est à son plus bas niveau
(valeur de 1), il est possible que les IDE reçus retardent ou rendent difficile la réforme des
institutions de droits de propriété privée. Ce résultat pourrait se comprendre à travers le
raisonnement théorique de ce chapitre. En effet, une extension de nos arguments théoriques
permet de soutenir que dans un environnement caractérisé par l’inefficacité des mécanismes
de contraintes sur l’exécutif, il est très probable que les flux entrants d’IDE ne contribuent
qu’à l’enrichissement de l’élite politique et économique. Ce faisant, les agents économiques
souhaitant le maintien du statu quo institutionnel verraient s’accroître leur pouvoir politique et
donc leur pouvoir de négociation, ce qui réduirait la probabilité de réformer les institutions de
droits de propriété privée.
Les résultats du tableau V.1 suggèrent que les IDE pourraient contribuer à la réforme
des institutions de droits de propriété privée dans les PED où il existe préalablement des
mécanismes efficaces de contraintes institutionnelles sur l’exécutif. Ceci confirme
l’hypothèse centrale de ce chapitre. Nous testons la robustesse de ce résultat.

6.1 Tests de robustesse

Notre échantillon est constitué d’un groupe de PED de différentes régions qui se
trouvent à différentes phases de leur développement économique. Bien que nous ayons
contrôlé pour les spécificités individuelles à travers les effets fixes pays, il n’est pas
impossible que nos résultats soient sensibles à certaines caractéristiques régionales. Ainsi, en
guise de premier test de robustesse de nos résultats, nous estimons notre modèle en excluant
de notre échantillon les pays en transition de l’ex-Union Soviétique et la Chine. En effet, ces
pays connaissent plusieurs mutations socio-économiques avec des effets multiples et variés, y
compris l’attractivité des IDE. Ainsi, il est possible de soupçonner que nos résultats seraient
dus à la présence de ces pays dans notre échantillon.

268
Lorsque nous estimons notre modèle avec un échantillon sans les pays en transition, le
tableau AV.2 en annexe indique un effet positif et significatif de notre variable d’intérêt dans
tous les modèles, à l’exception de celui utilisant la technique des effets fixes. De même,
l’effet additif des IDE est négatif et significatif dans tous les modèles. L’exclusion des pays
en transition de notre échantillon ne remet donc pas en cause notre conclusion selon laquelle,
les IDE contribueraient à la réforme des institutions économiques dans des pays où il existe
préalablement des mécanismes efficaces de contraintes institutionnelles et politiques dans
l’exercice du pouvoir exécutif.
Nous estimons également notre modèle en excluant de notre échantillon, les pays
émergents. En effet, ces pays comparativement aux autres PED auraient une certaine avancée
dans la construction de leurs corpus institutionnels. De plus, les pays émergents attirent la
plus grosse part des flux d’IDE destinés aux PED. Il est donc possible de soupçonner que les
pays émergents soient à l’origine de l’effet significatif de notre variable d’intérêt. Le résultat
dans le tableau AV.3 de l’estimation de notre modèle avec un échantillon sans les pays
émergents, montre un effet positif et significatif de notre variable d’intérêt sur la variable
expliquée. Quant à l’effet additif des IDE, il est toujours négatif et significatif
indépendamment de la technique d’estimation utilisée.
Nous excluons de notre échantillon, simultanément les pays en transition et les pays
émergents. Le résultat en annexe, de cet autre test de robustesse, indique que notre principal
résultat n’est pas remis en cause. Dans cet autre échantillon réduit, notre variable d’intérêt a
toujours un effet positif et significatif sur la probabilité de réforme institutionnelle.
Les différents tests ci-dessus indiquent que nos résultats sont robustes par rapport à la
composition de notre échantillon. Nous effectuons à présent, des tests de robustesse relatifs à
la prise en compte d’autres variables explicatives pertinentes. Il s’agit de variables pouvant
affecter simultanément la variable expliquée ainsi que notre variable explicative d’intérêt. La
non prise en compte de ces variables pourrait entraîner des résultats biaisés.
Nous contrôlons pour l’ouverture commerciale. En effet, dans une perspective
historique, Acemoglu, Johnson et Robinson (2005b), soutiennent que la participation au
commerce atlantique a accéléré le processus de réformes institutionnelles en Angleterre au
17ème siècle. Par ailleurs, il est possible de supposer qu’il pourrait exister une certaine
complémentarité entre l’ouverture commerciale et l’ouverture financière. Ces deux arguments
rendent nécessaire la prise en compte de l’effet de l’ouverture commerciale dans notre
modèle, car l’on pourrait soupçonner que les effets des IDE et de notre variable d’intérêt
seraient attribuables à l’effet de l’ouverture commerciale.

269
Pour prendre en compte cette possibilité, nous introduisons dans notre modèle une
mesure habituelle de l’ouverture commerciale, c’est-à-dire la somme des importations et des
exportations en pourcentage du PIB. Cette variable est obtenue de la base de données de la
Banque Mondiale (WDI 2005). Les résultats du tableau AV.5 suggèrent que la prise en
compte de l’effet de l’ouverture commerciale n’affecte pas la signification de notre variable
d’intérêt, celle-ci demeure positive et significative. De même, les IDE ont toujours leur signe
négatif et significatif. Quant à l’ouverture commerciale, bien qu’elle soit positive, elle n’est
significative à 10% que dans les modèles logit et probit. Donc, nos résultats ne seraient pas
dus à la non prise en compte de l’effet de l’ouverture commerciale dans notre modèle.
Un autre déterminant potentiel de la réforme des institutions est le niveau d’éducation
de la population dans un pays. En effet, les pays susceptibles de bien concevoir et de mettre
en œuvre efficacement les réformes institutionnelles sont ceux pour lesquels une grande partie
de la population est éduquée. Nous introduisons ainsi dans nos modèles un indicateur du
niveau d’éducation de la population. Il s’agit du pourcentage de la population âgé d’au moins
15 ans et qui a achevé le niveau d’éducation primaire. Cette variable est extraite de la base de
données de Barro et Lee (2000). En ajoutant le pourcentage de population ayant achevé
l’éducation primaire, en GMM système, nos résultats de base ne changent pas : la variable
multiplicative et la variable IDE sont toutes les deux significatives et leurs coefficients ont les
signes initialement obtenus. La variable éducation est positive comme nous l’espérons mais
n’est significative dans aucun modèle.
L’abondance en ressources naturelles est aussi un autre déterminant potentiel de la
réforme des institutions. Une abondance en ressources naturelles pourrait générer pour les
décideurs politiques beaucoup de rentes, ce qui pourrait retarder la réforme des institutions.
De plus, un pays doté abondamment de ressources naturelles pourrait attirer beaucoup d’IDE
qui auraient pour but d’assurer l’extraction de ces ressources. Pour tester l’effet des ressources
naturelles, nous ajoutons dans nos modèles une variable correspondant à la somme des
exportations de métaux, de minéraux et de produits de fuel en pourcentage des exportations
totales de marchandises dans un pays. L’indicateur de ressources naturelles que nous
utilisons, est obtenu de la base de données de la Banque Mondiale (WDI 2005). Pour les
analyses avec les données en panel, c’est la proxy la plus satisfaisante de l’abondance en
ressources naturelles dont nous disposons, les autres proxy de l’abondance en ressources
naturelles habituellement utilisées dans la littérature, sont des indicateurs adaptés pour des
études en coupe transversale. Dans le tableau AV.7, après avoir contrôlé pour l’effet de

270
ressources naturelles, notre variable d’intérêt est toujours significative avec son signe attendu.
L’effet des ressources naturelles est négatif mais n’est significatif dans aucune spécification.
D’autres facteurs susceptibles d’entraîner la réforme des institutions selon les auteurs
de World Economic Outlook (2003, 2005), sont les influences des acteurs externes aux pays.
Ces influences externes se manifestent entre autres, à travers la participation des pays aux
organisations d’intégration régionale, à la revue des paires des chefs de l’exécutif et à
l’adhésion des pays à l’organisation mondiale du commerce (OMC). Si une telle hypothèse se
vérifie, ceci voudrait dire que la non prise en compte des influences externes pourrait biaiser
nos résultats.
Nous contrôlons alors, dans nos modèles pour l’effet de l’adhésion d’un pays à
l’OMC. Sur la base des informations recueillies sur le site de l’OMC, nous créons une
variable muette prenant la valeur de un pour un pays l’année à partir de laquelle il adhère à
l’OMC et la valeur de zéro autrement. Comme nous utilisons des données de panel, dans ce
cas nous comparons les pays membres aux pays non membres de l’OMC d’une part, avant et
après l’adhésion à l’OMC d’autre part. Les résultats dans le tableau AV.8 montrent que ni le
signe ni la signification de notre variable d’intérêt n’est affectée par la prise en compte de
l’effet de l’adhésion à l’OMC. Par ailleurs, la muette OMC a un effet négatif mais non
significatif dans toutes nos estimations économétriques. Il semble donc que l’adhésion à
l’OMC ne soit pas un facteur favorable à la réforme des institutions de droits de propriété
privée. Certes, l’adhésion à l’OMC pourrait entraîner une série de réformes dans les PED,
mais la réforme des institutions de droits de propriété privée ne serait pas la priorité de ces
réformes. Ceci expliquerait le résultat relatif à la muette OMC dans nos modèles.
Une autre influence externe potentielle sur la réforme des institutions de droits de
propriété privée, est l’appartenance aux organisations d’intégration régionale, surtout un
partenariat économique régional entre pays développés et pays en développement. En effet,
plusieurs auteurs montrent que la perspective d’adhésion à l’Union Européenne a constitué
une source d’incitations pour la mise en place de plusieurs réformes dans les pays de l’ex-
URSS. Dans notre échantillon, nous avons des pays comme le Mexique qui est en partenariat
régional avec les États-Unis et le Canada dans le cadre de l’ALENA (Accord de Libre
Échange Nord-Américain) et des pays de l’Europe de l’Est, nouveaux membres de l’Union
Européenne. Pour tester l’effet des accords régionaux entre pays développés et PED, nous
créons une muette prenant la valeur de un pour un pays l’année à partir de laquelle il signe un
accord de partenariat économique régional avec l’Union Européenne ou les États-Unis
d’Amérique, et la valeur de zéro autrement. Dans ce cas nous comparons les pays membres

271
aux pays non membres de ces accords régionaux d’une part, avant et après l’intégration
régionale d’autre part. Les résultats en annexe montrent que notre variable d’intérêt demeure
positive et significative malgré la prise en compte de l’effet de l’appartenance à des
intégrations régionales. De même, l’effet additif des IDE demeure négatif et significatif dans
toutes les spécifications économétriques. Par ailleurs, la muette intégration régionale a un
effet négatif mais non significatif sur la probabilité de réformer les institutions.
Nous contrôlons simultanément pour les effets des autres variables explicatives que
nous ajoutons à nos modèles : ouverture commerciale, éducation primaire, ressources
naturelles, l’adhésion à l’OMC, l’appartenance à une intégration économique régionale entre
pays développés et pays en développement. Le but étant toujours de tester la robustesse de
nos résultats. Après avoir pris en compte simultanément l’effet des différentes explicatives,
les résultats en GMM système dans le tableau AV.10 indiquent que notre variable d’intérêt et
l’IDE exercent toujours des effets significatifs avec leurs effets obtenus dans notre estimation
de base.

7. Conclusion

Dans ce chapitre, nous tentons de comprendre les facteurs susceptibles de favoriser les
réformes des institutions économiques dans les pays en développement (PED). En nous
inspirant des travaux de North et Weingast (1989) et de ceux de Acemoglu et al. (2005b,
2008b) analysant le processus de changements institutionnels en Angleterre au 17ème siècle,
nous faisons l’hypothèse que de nos jours, les PED pourraient prendre avantage de leurs
participations aux échanges internationaux, plus précisément de leurs participations à la
globalisation financière, pour réformer leurs institutions économiques, comme l’Angleterre a
su profiter du commerce atlantique pour réformer ses institutions au 17ème siècle. Nous
focalisons notre analyse sur les institutions de droits de propriété privée. Des différents flux
de capitaux issus de la globalisation financière, nous focalisons notre analyse sur les flux
d’IDE reçus, et faisons l’hypothèse que ces derniers pourraient constituer une source de chocs
exogènes sur l’équilibre politique qui entretient la persistance des institutions inefficaces dans
les PED.
L’hypothèse centrale de ce chapitre, est que les flux entrants d’IDE sont plus
susceptibles d’entraîner la réforme des institutions économiques dans des pays où il existe
préalablement des mécanismes efficaces de contraintes institutionnelles dans l’exercice du

272
pouvoir exécutif. En effet, l’existence de contraintes sur l’exécutif permettrait à la majorité
des entrepreneurs privés de bénéficier des opportunités de profit qu’offrent les IDE, mais
aussi de mieux prendre en compte les changements de pouvoir de négociation en faveur des
agents économiques souhaitant la réforme des institutions.
En utilisant des données de panel quinquennal couvrant la période 1970-2005 et un
échantillon de 80 PED, les résultats des estimations économétriques indiquent que les IDE
reçus ont un effet négatif et significatif sur la probabilité de réformer les institutions de droits
de propriété privée. Cependant, lorsque nous conditionnons l’effet des IDE par le niveau de
contraintes sur l’exécutif en 1970, nous obtenons un effet positif et significatif, ce qui signifie
que la variable d’interaction entre IDE et contraintes sur l’exécutif, a un effet positif et
significatif sur la probabilité de réformer les institutions de droits de propriété privée. Un tel
résultat conforte l’hypothèse centrale de ce chapitre selon laquelle, les IDE reçus pourraient
contribuer à la réforme des institutions de droits de propriété privée dans les PED dotés
préalablement de mécanismes efficaces de contraintes sur l’exécutif.
L’implication de politique économique des résultats de ce chapitre est que, les flux
entrants d’IDE viendraient avec plusieurs avantages collatéraux dans les PED, y compris un
effet collatéral sous forme de contribution à la réforme des institutions économiques. Il s’agit
d’un résultat cohérent avec la thèse de Kose et al. (2006). Cependant, pour que les PED
puissent bénéficier d’un tel effet collatéral des IDE, ces pays devraient faire l’effort de créer
des conditions locales permettant de maximiser les externalités positives des IDE reçus tout
en minimisant leurs effets négatifs. Commencer à mettre en place ou à renforcer les
mécanismes de contraintes institutionnelles sur l’exécutif, constituerait un bon début pour
pouvoir bénéficier des externalités positives des IDE reçus dans les PED.
Nos résultats indiquent que beaucoup d’efforts restent à faire en matière de
renforcement de mécanismes de contraintes institutionnelles sur l’exécutif, afin que les PED
puissent bénéficier des flux d’IDE reçus pour réformer leurs institutions de droits de
propriété. En effet, nos résultats indiquent que seuls 21 sur les 80 pays de notre échantillon,
disposent en 1970 du niveau de contraintes sur l’exécutif nécessaire, soit 3,6, pour que les
PED puissent bénéficier des IDE qu’ils reçoivent pour réformer leurs institutions de droits de
propriété privée. L’effort à faire est encore plus important pour les pays d’Afrique
subsaharienne, puisque seulement cinq pays Africains appartiennent au groupe de 21 PED.
Dans ce chapitre, nous démontrons qu’une combinaison efficace de facteurs externes
(IDE destinés aux PED) et de facteurs internes (contraintes institutionnelles sur l’exécutif
dans les PED) pourrait entraîner la réforme des institutions de droits de propriété privée dans

273
les PED. Cependant, nous n’excluons pas l’existence d’autres mécanismes pouvant favoriser
la réforme des institutions économiques dans les PED. Nous espérons que de futurs travaux
exploreront ces autres pistes.

274
Annexes du chapitre V

Tableau AV.1 : Statistiques descriptives des variables utilisées dans le chapitre V


Variables Observations Moyenne Ecart Type Minimum Maximum

Réforme 439 0.453 0.498 0 1


Contraintes sur l’exécutif 546 3.051 2.114 1 7
IDE 505 1.675 2.485 -7.903 23.737
Variable de test 492 5.319 10.054 -21.128 97.097
Log (PIB par tête) 556 7.680 1.081 5.111 10.388
Ouverture commerciale 497 0.645 0.361 0.1 2.3
Population avec éducation primaire (%) 411 12.125 7.540 0.5 43.7
Ressources naturelles (%) 482 29.30 31.267 0.001 98.607
Muette intégration régionale 560 0.014 0.119 0 1
Muette OMC 560 0.257 0.437 0 1

Liste des pays


Notre échantillon d'analyse se compose des pays ci-dessous. Les pays accompagnés d’une
seule étoile sont les pays en transition et ceux suivis de deux étoiles sont des pays émergents
(classification FTSE).

Afrique du Sud**, Albanie*, Algérie, Argentine**, Bahamas, Bahreïn, Bangladesh, Barbade,


Bénin, Bolivie, Botswana, Brésil**, Burundi, Cameroun, Central Afrique, Chili**,
Chine(**)*, Colombie**, Congo Démocratique, Congo République, Costa Rica, Côte
d'ivoire, Équateur, Égypte, El Salvador, Gabon, Ghana, Guatemala, Guinée Bissau, Guinée
Conakry, Guyane, Haïti, Honduras, Inde**, Indonésie**, Iran, Jamaïque, Jordanie, Kenya,
Koweït, Madagascar, Malawi, Malaisie**, Mali, Maroc**, Maurice, Mexique**, Myanmar,
Namibie, Népal, Nicaragua, Niger, Nigeria, Pakistan**, Panama, Papouasie Nouvelle Guinée,
Paraguay, Pérou**, Philippines**, République Dominicaine, Roumanie*, Rwanda, Sénégal,
Sierra Leone, Singapour**, Sri Lanka, Syrie, Tanzanie, Tchad, Thaïlande**, Togo, Trinité de
Tobago, Tunisie, Turquie**, Ouganda, Émirats Arabes Unis, Uruguay, Venezuela, Zambie,
Zimbabwe.

275
Tableau AV.2 : Robustesse après exclusion des pays en transition de notre échantillon

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) 0.149 0.013 0.100 0.161


(1.18) (0.48) (1.27) (1.24)
Ide -0.031 -0.049 -0.132 -0.216
(1.82)* (2.28)** (2.43)** (2.38)**
Variable de test 1/ 0.006 0.014 0.023 0.037
(1.11) (2.85)*** (1.90)* (1.90)*
Constante -0.716 0.688 0.089 0.155
(0.90) (3.05)*** (0.14) (0.15)
Nombre d’observations 391 391 391 391
Nombre de pays 71 71 71 71
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.469 - -
AR (1) - 0.000 - -
AR (2) 3/ - 0.967 - -
Log de vraissemblance - - -244.416 -244.495
Test de Wald - - 46.27*** 42.92***
Pourcentage d’observations 4/ 100% 100% - -
***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

276
Tableau AV.3 : Robustesse après exclusion des pays émergents de notre échantillon

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) 0.012 -0.011 0.031 0.046


(0.06) (0.30) (0.35) (0.31)
Ide -0.022 -0.037 -0.133 -0.208
(1.33) (2.27)** (1.94)* (1.86)*
Variable de test 1/ 0.005 0.013 0.023 0.036
(1.08) (2.84)*** (1.76)* (1.71)*
Constante 0.293 0.719 0.280 0.478
(0.24) (2.12)** (0.36) (0.38)
Nombre d’observations 277 277 277 277
Nombre de pays 55 55 55 55
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.378 - -
AR (1) - 0.000 - -
AR (2) 3/ - 0.861 - -
Log de vraissemblance - - -174.104 -174.267
Test de Wald - - 29.35*** 27.38***
Pourcentage d’observations 4/ 100% 100% - -
***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

277
Tableau AV.4 : Robustesse après exclusion simultanée des pays émergents et en transition de
notre échantillon

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) 0.016 -0.007 0.044 0.066


(0.08) (0.19) (0.49) (0.45)
Ide -0.022 -0.037 -0.131 -0.207
(1.34) (2.27)** (1.92)* (1.85)*
Variable de test 1/ 0.005 0.013 0.022 0.035
(1.06) (2.84)*** (1.71)* (1.67)*
Constante 0.116 0.456 -0.454 -0.734
(0.08) (1.54) (0.61) (0.59)
Nombre d’observations 274 274 274 274
Nombre de pays 54 54 54 54
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.374 - -
AR(1) - 0.000 - -
AR(2) 3/ - 0.863 - -
Log de vraissemblance - - -172.199 -172.358
Test de Wald - - 29.51*** 27.50***
Pourcentage d’observations 4/ 100% 100% - -

***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

278
Tableau AV.5 : Robustesse en contrôlant pour l’effet de l’ouverture commerciale

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) 0.026 -0.030 -0.014 -0.027


(0.18) (1.04) (0.16) (0.19)
Ide -0.029 -0.042 -0.166 -0.272
(1.65)* (2.20)** (2.48)** (2.41)**
Variable de test 1/ 0.005 0.012 0.026 0.042
(1.01) (2.30)** (2.02)** (1.99)**
Ouverture commerciale 0.135 0.185 0.385 0.626
(1.11) (1.00) (1.69)* (1.68)*
Constante 0.003 0.868 0.680 1.135
(0.00) (3.75)*** (1.03) (1.04)
Nombre d’observations 369 369 369 369
Nombre de pays 72 72 72 72
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.215 - -
AR (1) - 0.000 - -
AR (2) 3/ - 0.746 - -
Log de vraissemblance - - -230.127 -230.176
Test de Wald - - 44.46*** 41.15***
Pourcentage d’observations 4/ 100% 100% - -

***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

279
Tableau AV.6 : Robustesse en contrôlant pour l’effet du niveau d’éducation de la population

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) 0.013 -0.099 -0.068 -0.120


(0.08) (1.39) (0.66) (0.70)
Ide -0.077 -0.081 -0.127 -0.210
(2.21)** (3.09)*** (1.91)* (1.87)*
Variable de test 1/ 0.012 0.015 0.023 0.038
(1.62) (3.20)*** (1.61) (1.61)
Education primaire 0.012 0.025 0.012 0.020
(1.09) (1.12) (1.07) (1.07)
Constante 0.056 1.237 1.218 2.073
(0.05) (3.85)*** (1.62) (1.65)*
Nombre d’observations 296 296 296 296
Nombre de pays 66 66 66 66
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.577 - -
AR (1) - 0.000 - -
AR (2) 3/ - 0.704 - -
Log de vraissemblance - - -187.693 -187.623
Test de Wald - - 32.07*** 29.19***
Pourcentage d’observations 4/ 94% 94% - -

***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

280
Tableau AV.7 : Robustesse en contrôlant pour l’effet de ressources naturelles

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) 0.123 0.032 0.129 0.209


(0.88) (0.59) (1.44) (1.42)
Ide -0.075 -0.125 -0.170 -0.276
(2.51)** (3.39)*** (2.60)** (2.52)**
Variable de test 1/ 0.012 0.032 0.023 0.038
(1.53) (2.29)** (1.72)* (1.70)*
Ressources naturelles -0.002 -0.005 -0.003 -0.004
(0.51) (0.80) (1.16) (1.12)
Constante -0.451 0.269 -1.338 -2.230
(0.50) (0.81) (2.01)** (2.01)**
Nombre d’observations 353 353 353 353
Nombre de pays 71 71 71 71
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.499 - -
AR (1) - 0.000 - -
AR (2) 3/ - 0.255 - -
Log de vraissemblance - - -220.854 -220.977
Test de Wald - - 40.29*** 37.35***
Pourcentage d’observations 4/ 91% 91% - -

***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

281
Tableau AV.8 : Robustesse en contrôlant pour l’effet de l’adhésion à l’OMC

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) 0.140 0.009 0.081 0.131


(1.14) (0.33) (1.04) (1.01)
Ide -0.032 -0.050 -0.127 -0.208
(1.87)* (2.29)** (2.35)** (2.31)**
Variable de test 1/ 0.006 0.014 0.023 0.038
(1.19) (2.86)*** (1.94)* (1.94)*
Omc -0.145 -0.061 -0.526 -0.840
(0.73) (0.34) (1.30) (1.30)
Constante -0.688 0.196 -1.226 -2.019
(0.68) (0.94) (2.06)** (2.02)**
Nombre d’observations 402 402 402 402
Nombre de pays 74 74 74 74
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.508 - -
AR (1) - 0.000 - -
AR (2) 3/ - 0.973 - -
Log de vraissemblance - - -250.355 -250.428
Test de Wald - - 49.46*** 45.93***
Pourcentage d’observations 4/ 100% 100% - -

***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

282
Tableau AV.9 : Robustesse en contrôlant pour l’effet des intégrations régionales

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) 0.129 0.011 0.096 0.154


(1.05) (0.38) (1.22) (1.19)
Ide -0.033 -0.050 -0.127 -0.208
(1.90)* (2.30)** (2.37)** (2.33)**
Variable de test 1/ 0.006 0.014 0.022 0.035
(1.15) (2.84)*** (1.84)* (1.84)*
Intégration régionale -0.054 -0.069 -0.472 -0.810
(0.23) (0.42) (0.95) (0.94)
Constante -0.587 0.710 0.116 0.201
(0.75) (3.15)*** (0.19) (0.20)
Nombre d’observations 402 402 402 402
Nombre de pays 74 74 74 74
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.504 - -
AR (1) - 0.000 - -
AR (2) 3/ - 0.962 - -
Log de vraissemblance - - -250.735 -250.790
Test de Wald - - 48.75*** 45.22***
Pourcentage d’observations 4/ 100% 100% - -

***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

283
Tableau AV.10 : Robustesse en contrôlant simultanément pour l’ensemble des variables

Modèles de probabilité linéaire Modèles de probabilité

Effet Fixe GMM system Probit Logit


(1) (2) (3) (4)
Ref Ref Ref Ref

Log (PIB) -0.101 -0.261 -0.144 -0.247


(0.48) (1.35) (1.16) (1.21)
Ide -0.084 -0.085 -0.209 -0.350
(2.10)** (1.87)* (2.19)** (2.14)**
Variable de test 1/ 0.013 0.020 0.029 0.049
(1.25) (1.94)* (1.62) (1.62)
Ouverture commerciale 0.292 0.123 0.533 0.875
(1.05) (0.35) (1.89)* (1.88)*
Education primaire 0.011 0.002 0.017 0.028
(0.95) (0.12) (1.33) (1.33)
Ressources naturelles -0.003 0.002 -0.004 -0.006
(0.79) (0.32) (1.24) (1.21)
Omc -0.010 -0.036 -0.473 -0.756
(0.04) (0.12) (0.83) (0.84)
Intégration régionale -0.199 -0.164 -0.761 -1.222
(0.80) (0.80) (1.11) (1.03)
Constante 0.791 2.411 1.055 1.816
(0.56) (1.63) (0.98) (1.04)
Nombre d’observations 252 253 253 253
Nombre de pays 61 61 61 61
Test de Sargan-Hansen 2/ - 0.662 - -
AR(1) - 0.000 - -
AR (2) 3/ - 0.460 - -
Log de vraissemblance - - -156.114 -156.102
Test de Wald - - 33.71*** 30.56***
Pourcentage d’observations 4/ 97% 94% - -
***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5% et 10%. Les modèles de
probabilité linéaire sont des modèles de panel à effet fixe, alors que les modèles de probabilité utilisent des
données de panel à effet aléatoire. Les chiffres entre parenthèses sont des t-student robustes à l’hétéroscedaticité.
Toutes les estimations contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas présentés.
1/ Par variable de test, nous entendons la variable croisée ou variable multiplicative entre IDE et contrainte sur
l’exécutif, tel que nous l’indiquons dans le texte.
2/ Il s’agit de la p-value du test de qualité des variables instrumentales utilisées dans les estimations en GMM
system. Dans ce cas précis, le résultat indique que les instruments utilisés sont bons, puisque la p-value associée
au test de Sargan-Hansen est supérieure à 10.
3/ Correspond à la p-value du test validant l’utilisation des variables retardées d’au moins deux périodes comme
instruments dans les estimations en GMM system.
4/ Désigne le pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0
et 1.

284
Conclusion Générale

Cette thèse est une contribution à l’analyse économique du rôle des institutions dans le
processus de développement économique, et poursuit deux principaux objectifs. Le premier
objectif consiste à analyser la rationalité économique du choix d’une stratégie de
développement économique basée sur la réforme des institutions dans les pays en
développement. Le second objectif consiste en une analyse des facteurs susceptibles de
favoriser la réforme des institutions dans ces pays.
Pour réaliser le premier objectif de cette thèse, d’une part, nous analysons l’effet des
institutions de droits de propriété privée, des institutions démocratiques et des institutions de
régulation sur la soutenabilité de la croissance économique (chapitre II), et d’autre part, à
travers l’analyse des effets de la démocratie, qui est considérée comme une méta institution,
nous tentons de comparer les effets de court et de long terme de l’amélioration de la qualité
des institutions dans les pays en développement (chapitre IV). Ainsi, nous dirons qu’il est
économiquement rationnel de réformer les institutions dans les pays en développement, si
d’une part, les institutions jouent un rôle dans la soutenabilité de la croissance, qui est la
condition nécessaire pour la réduction de la pauvreté, et si d’autre part, les bénéfices de long
terme l’emportent sur les coûts induits de la démocratie à court terme.
Pour réaliser le deuxième objectif de cette thèse, dans le chapitre V, en nous inspirant
des travaux de North et Weingast (1989) et de Acemoglu et al. (2005b, 2008b), nous
analysons les facteurs susceptibles de contribuer à la réforme des institutions dans les pays en
développement. Ces auteurs analysent le processus de changements institutionnels en
Angleterre au 17ème siècle. En particulier, les travaux de Acemoglu et al. (2005b, 2008b)
montrent que la participation de l’Angleterre au commerce atlantique a permis d’accélérer le
processus de réformes institutionnelles dans ce pays au 17ème siècle. Sur la base de ces
travaux, nous tentons de comprendre s’il existe de nos jours des opportunités liées aux
échanges internationaux, et dans quelle mesure les pays en développement pourraient profiter
de ces opportunités pour réformer leurs institutions de protection des droits de propriété
privée. En particulier, nous examinons dans quelle mesure les flux entrants d’investissements
directs étrangers pourraient constituer un facteur catalyseur de réforme des institutions de
droits de propriété privée dans les pays en développement.
Notre analyse relative au rôle éventuel des investissements directs étrangers dans la
mise en œuvre de réformes institutionnelles dans les pays en développement rejoint celle de

285
Kose et al. (2006). En effet, ces auteurs soutiennent que les pays en développement qui
participent à la globalisation financière pourraient bénéficier de plusieurs effets collatéraux
des capitaux privés qu’ils reçoivent, et la mise en œuvre de réformes institutionnelles fait
partie de ces effets collatéraux. Cependant, dans cette thèse nous soutenons que les pays en
développement pourraient bénéficier d’un effet collatéral des investissements directs étrangers
sous forme de réforme des institutions de droits de propriété privée à condition que ces pays
soient dotés préalablement d’institutions efficaces de contraintes sur l’exécutif.
Pour réaliser les objectifs de cette thèse, nous formulons des hypothèses théoriques
que nous soumettons à l’épreuve des données. Nous utilisons les données de Fraser Institute
pour les indices d’institutions économiques -institutions de droits de propriété privée et
institutions de régulation- et les données de Polity IV pour les indices d’institutions politiques
-indices d’institutions démocratiques et de contraintes sur l’exécutif-. Les bases de données de
Fraser Institute et de Polity IV, comparativement aux autres bases de données sur la qualité
des institutions présentent l’avantage de couvrir des périodes de temps plus longues. Les
analyses empiriques effectuées dans cette thèse couvrent la période 1960-2005, et utilisent des
données de panel quinquennal essentiellement.
Trois principaux résultats se dégagent de cette thèse.

1. Une amélioration de la qualité des institutions démocratiques, des institutions de droits


de propriété privée et des institutions de régulation en particulier, est favorable à la
soutenabilité de la croissance économique dans les pays en développement.
2. L’amélioration de la qualité des institutions induit des coûts à court terme et des
bénéfices à long terme, mais les bénéfices de long terme l’emporteraient sur les coûts
de court terme de l’amélioration de la qualité des institutions dans les pays en
développement. Nous mettons en exergue un tel résultat à travers l’analyse des effets
de court et de long terme des institutions démocratiques sur la croissance économique.
3. Les pays en développement pourraient bénéficier des flux d’investissements directs
étrangers qu’ils reçoivent, pour réformer leurs institutions de droits de propriété
privée, à condition que ces pays soient dotés préalablement de mécanismes efficaces
de contraintes institutionnelles dans l’exercice du pouvoir exécutif.

Chacun des trois principaux résultats de cette thèse est particulier par rapport à la
littérature. Ces particularités permettent de mettre en exergue les contributions de cette thèse
par rapport à la littérature.

286
Ainsi à travers le premier résultat, nous montrons que de bonnes institutions et
particulièrement, des institutions efficaces de régulation favorisent la soutenabilité de phases
de croissance économique positive. Un tel résultat diffère de ce que l’on a trouvé jusqu’alors
dans littérature économique. En effet, à ce jour, la littérature économique a surtout mis en
exergue le fait que les pays dotés de bonnes institutions sont ceux qui enregistrent des taux de
croissance élevés ou des niveaux de revenu par tête élevés. En revanche, les effets de
différents types d’institutions et l’identification des institutions importantes pour la
soutenabilité de la croissance ont fait l’objet de très peu d’études.
Le deuxième résultat nous permet de montrer que l’amélioration de la qualité des
institutions induit des coûts à court terme et des bénéfices à long terme, et la comparaison des
deux pourrait mieux aider les pays en développement à prendre des décisions
économiquement justifiées en faveur de l’amélioration de la qualité de leurs institutions. Il
s’agit là aussi d’une autre contribution importante de cette thèse, car généralement l’analyse
des effets des institutions sur des indicateurs de performance économique est effectuée sans
mentionner aucun coût lié à l’amélioration de la qualité des institutions. Ce faisant, la
littérature suppose implicitement que la construction d’une bonne architecture institutionnelle
est une opération à coût nul. Une telle démarche n’est pas celle suivie dans cette thèse,
puisque nous reconnaissons l’existence de coûts induits à court terme et tentons de comparer
ces coûts aux bénéfices de long terme de l’amélioration de la qualité des institutions dans les
pays en développement.
Enfin, à travers le troisième résultat nous montrons que les investissements directs
étrangers reçus pourraient contribuer à la réforme des institutions de droits de propriété privée
dans les pays en développement, à condition que ces pays soient préalablement dotés de
mécanismes efficaces de contraintes institutionnelles dans l’exercice du pouvoir exécutif. Il
s’agit d’un effet collatéral positif des investissements directs étrangers dans les pays en
développement. A notre connaissance, cette thèse constituerait le premier travail à mettre en
exergue empiriquement un tel effet collatéral des flux entrants d’investissements directs
étrangers dans les pays en développement. Ainsi, à travers le troisième principal résultat, cette
thèse va au-delà de la démonstration habituelle du rôle des institutions dans le processus de
développement économique, pour tenter de comprendre et de proposer un mécanisme par
lequel il serait possible de réformer les institutions de droits de propriété privée dans les pays
en développement.

287
Implications de politiques économiques
Sur la base des résultats de cette thèse, nous disons qu’il est économiquement rationnel
de réformer les institutions dans les pays en développement. Autrement dit, les pays en
développement seraient économiquement gagnants s’ils mettent en place des institutions
garantissant à leurs populations, une bonne protection des droits de propriété privée, une
régulation efficace des activités économiques et plus de liberté et de participation politique.
En effet, comme l’indiquent les résultats de cette thèse, une amélioration de la qualité des
institutions est favorable à la soutenabilité de la croissance, et les bénéfices de long terme
l’emporteraient sur les coûts de court terme liés à l’amélioration de la qualité des institutions.
Les résultats de cette thèse suggèrent aussi que, une combinaison efficace de facteurs
externes, -en l’occurrence la participation des pays en développement aux mouvements
internationaux d’investissements directs étrangers-, et de facteurs internes, -en l’occurrence
l’existence d’institutions efficaces de contraintes sur l’exécutif-, pourrait contribuer à la mise
en œuvre de réformes des institutions de droits de propriété privée dans les pays en
développement. Ainsi, les pays en développement pourraient bénéficier d’un effet collatéral
des flux entrants d’investissements directs étrangers, sous forme d’amélioration de la qualité
des institutions de droits de propriété, à condition que ces pays créent des conditions locales
favorables, parmi lesquelles l’on peut citer l’existence des institutions efficaces de contraintes
sur l’exécutif.

Extensions possibles
Dans le dernier chapitre de cette thèse, nous analysons les facteurs susceptibles de
favoriser la mise en œuvre de réforme des institutions de droits de propriété privée dans les
pays en développement. Il s’agit d’un sujet important mais très peu abordé dans la littérature.
Nous espérons que les résultats que nous avons obtenus dans cette thèse susciteront plus
d’investigations empiriques et théoriques pour d’autres mécanismes ou déterminants de
réforme des institutions économiques dans les pays en développement.
Nous n’abordons pas dans cette thèse la question de séquence de réforme des
institutions même si certains de nos résultats suggèrent des pistes de réflexion dans ce
domaine. En effet, nous montrons que les institutions démocratiques sont nécessaires pour
l’amélioration de la qualité des institutions de droits de propriété privée (chapitre I). Un tel
résultat impliquerait-il nécessairement que les institutions politiques devraient-elles être
réformées avant les institutions économiques ? Aussi, quelle serait la séquence optimale pour
la réforme des institutions économiques : les institutions de droits de propriété privée

288
devraient-elles être réformées avant les institutions de régulation ou c’est l’inverse ? Sans
doute, il n’y a pas de réponse universelle, c’est-à-dire de réponse valable pour tous les pays,
tout dépendra des caractéristiques et des conditions initiales de chaque pays. Analyser la
séquence optimale de réformes institutionnelles dans les pays en développement constituerait
un prolongement pertinent des résultats de cette thèse.
En focalisant nos analyses sur les institutions démocratiques, nous avons pu montrer
que l’amélioration de la qualité des institutions démocratiques induit des coûts à court terme
et des bénéfices à long terme. Pour un prolongement des résultats de cette thèse, il serait
important de comprendre quels sont les coûts ou effets indésirables des institutions
démocratiques qui inhiberaient beaucoup plus, l’effet positif des institutions démocratiques
sur la croissance économique à court terme dans les pays en développement. Il s’agit d’une
question importante car un bon fonctionnement des institutions démocratiques dans ces pays
en dépend.
Nous développons un nouvel indicateur de performance démocratique dénommé
« stock de capital démocratique » et nous montrons que l’effet positif de la démocratie sur la
croissance économique dépend à long terme de la hausse du « stock de capital
démocratique ». Une analyse des déterminants du « stock de capital démocratique » serait
aussi un prolongement pertinent de cette thèse, car une telle analyse pourrait permettre
d’identifier les facteurs susceptibles de contribuer à la consolidation des institutions
démocratiques dans les pays en développement.

289
Blibliographie

Acemoglu, D. (2003) “Why not a Political Coase Theorem? Social Conflict, Commitment,
and Politics.” Journal of Comparative Economics 31 (4): 620–652.

Acemoglu, D. (2008) “Oligarchic versus Democratic Societies.” Journal of the European


Economic Association 6 (11): 1–44.

Acemoglu, D., et Johnson, S. (2005) “Unbundling Institutions.” Journal of Political


Economy 113 (5): 949-95.

Acemoglu, D., et Robinson, J. A. (2006a) “Economic Backwardness in Political Perspective.”


American Political Science Review 100 (1): 1–18.

_________ (2006b) Economic Origins of Dictatorship and Democracy. Cambridge:


Cambridge University Press.

________ (2008a) “Persistence of Power, Elites and Institutions.” American Economic


Review 98 (1): 267–93.

________ (2008b) “The Role of Institutions in Growth and Development.” Commission on


Growth and Development Working Paper No. 10. Washington, D.C.: World Bank.

Acemoglu, D.; Johnson, S.; et Robinson, J. A. (2001) “The Colonial Origins of Comparative
Development: An Empirical Investigation.” American Economic Review 91 (5): 1369-
1401.

_________ (2002) “Reversal of Fortune: Geography and Institutions in the Making of the
Modern World Income Distribution.” Quarterly Journal of Economics 107 (2): 1231-
94.

_________ (2003) “An African Success Story: Botswana.” In D. Rodrik (ed) In Search of
Prosperity: Analytic Narratives of Economic Growth. Princeton, NJ: Princeton
University Press.

________ (2005a) “Institutions as the Fundamental Cause of Long-Run Growth.” In P. Aghion


et S. Durlauf (eds.) Handbook of Economic Growth. Amsterdam: North-Holland.

________ (2005b) “The Rise of Europe: Atlantic Trade, Institutional Change and Economic
Growth.” American Economic Review 95 (2): 546–79.

Acemoglu, D.; Aghion, P.; et Zilibotti, F. (2004) “Distance to Frontier, Selection, and
Economic Growth.” Journal of the European Economic Association 4 (1): 37–74.

Acemoglu, D.; Johson S.; Robinson, J. A.; et Thaicharoen, Y. (2003) “Institutional Causes,
Macroeconomic Symptoms: Volatility, Crises, and Growth.” Journal of Monetary
Economics 50 (1): 49–123.

290
Adam, S. (1776) An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations. London.

Afrobarometer (2004) “Afrobarometer Round 2: Compendium of Comparative Results from a


15-Country Survey.” Ann Arbor, Michigan State University.

Aghion, P.; Alesina, A.; et Trebbi, F. (2008) “Democracy, Technology and Growth :
Theory and Evidence.” In E. Helpman (ed.) Institutions and Economic Performance.
Havard University Press.

Ahmed, S., et Mortaza, G. Md. (2005) “Inflation and Economic Growth in Bangladesh:
1981-2005.” Bangladesh Bank Working Paper No. 0604.

________ (1987) “Macroeconomic Policy in a Two-Party System as a Repeated Game.”


Quarterly Journal of Economics 102 (3): 651-78.

Aisen, A., et Veiga, F. J. (2006) “Does Political Instability lead to Higher Inflation? A Panel
Data Analysis.” Journal of Money, Credit and Banking 38 (5): 1379-89.

Alchian, A. (1950) “Uncertainty, Evolution and Economic Theory.” Journal of Political


Economy 58 (3): 211-21.

Alchian, A., et Demsetz, H. (1973) “The Property Right Paradigm.” Journal of Economic
History 33 (1): 16–27.

Alesina, A. (1988) “Macroeconomics and Politics.” NBER Macroeconomics Annual.


Cambridge, Mass.: MIT Press.

Alesina, A., et Drazen, A. (1991) “Why are Stabilizations Delayed.” American Economic
Review 81 (5): 1170-88.

Alesina, A., et Perotti, R. (1996) “Income Distribution, Political Instability, and Investment.”
European Economic Review 40 (6): 1203-28.

Alesina, A., et Rodrik, D. (1994) “Distributive Politics and Economic Growth.” Quarterly
Journal of Economics 109 (2): 465-90.

Alesina, A.; Ozler, S.; Roubini, N.; et Swagel, P. (1996) “Political Instability and
Economic Growth.” Journal of Economic Growth 1: 189-211.

Alesina, A.; Ardagna, S.; Nicoletti, G. ; et Schiantarelli, F. (2005) “Regulation and


Investment.” Journal of the European Economic Association 3 (4): 791–825.

Alfaro, L., and Rodríguez-Clare, A. (2004) “Multinationals and Linkages: An Empirical


Investigation.” Economía 4 (2): 113-70.

Anderson, T. L., et Hill, P.J. (1975) “The Evolution of Property Rights: A Study of the
American West.” Journal of Law and Economics 18 (1): 163-79.

Antunes, A., et Cavalcanti, T. (2007) “Start Up Costs, Limited Enforcement, and the Hidden
Economy.” European Economic Review 51 (1): 203–24.

291
Aoki, M. (2007) “Endogenizing Institution and Institutional Change.” Journal of
Institutional Economics (3): 1-31.

Ardagna, S., et Lusagi, A. (2009) “Where Does Regulation Hurt? Evidence from New
Businesses across Countries.” NBER Working Paper No. 14747. Cambridge, MA:
National Bureau of Economic Research.

Ayyagari, M.; Demirgüç-Kunt, A.; et Maksimovic, V. (2006) “What Determines Protection of


Property Rights? An Analysis of Direct and Indirect Effects.” World Bank Policy
Research Working Paper No. 3940. Washington, D.C.: The World Bank.

Baba, S. (1997) “Democracies and Inefficiency.” Economics and Politics 9 (2): 99–114.

Banfield, E. C. (1958) The Moral Basis of a Backward Society. Chicago: University of


Chicago Press.

Barro, R. J. (1995) “Inflation and Economic Growth.” Bank of England Quarterly


Bulletin (May): 166-76.

________ (1996) “Democracy and Growth.” Journal of Economic Growth 1 (1): 1–27.

Barro, R., et Gordon, D. B. (1983) “Rules, Discretion, and Reputation in a Model of


Monetary Policy.” Journal of Monetary Economics 12 (1): 101–21.

Barro, R., et Lee, J. W. (2000) “Data Set for a Panel of 138 Countries.” Center for
International Development Center, Havard University. Available at
www.cid.havard.edu/ciddata/cid data.html.

Barseghyan, L. (2008) “Entry Costs and Cross-Country Differences in Productivity and


Output.” Journal of Economic Growth 13 (2): 145–67.

Bates, R. H. (1981) Markets and States in Tropical Africa. Berkeley: University of California
Press.

_________ (2005) “Political Reform.” CID Working Paper No. 114. Harvard University.

_________ (2007) “Political Reform.” In B. Ndulu et al. (eds) The Political Economy Of
Economic Growth in Africa, 1960-2000: An Analytic Survey. Cambridge: Cambridge
University Press.

Bates, R. H., et Krueger, A. O. (1993) Political and Economic Interactions in Economic


Policy Reform: Evidence from Eight Countries. Oxford: Blackwell.

Beck, T., et Luc, L. (2006) “Institution Building and Growth in Transition Economies.”
Journal of Economic Growth 11 (2): 157-86.

Beck, T.; Demirgüç-Kunt, A.; et Ross, L. (2003) “Law, Endowments, and Finance.” Journal
of Financial Economics 70 (2): 137–81.

292
Becker, G. (1985) “Public Policies, Pressure Groups, and Dead Weight Costs.” Journal of
Public Economics 28 (3): 329-47.

Berkowitz, D.; Katharina, P.; et Jean-Francois, R. (2003) “Economic Development, Legality,


and the Transplant Effect.” European Economic Review 47 (1): 165–95.

Besley, T. (1995) “Property Rights and Investment Incentives: Theory and Evidence from
Ghana.” Journal of Political Economy 103 (5): 903–37.

Besley, T., et Burgess, R. (2004) “Can Labor Regulation Hinder Economic Performance?
Evidence from India.” Quarterly Journal of Economics 19 (1): 91–134.

Besley, T. et Kudamatsu, M. (2006) “Health and Democracy.” American Economic Review


Papers and Proceedings.

Besley, T., et Stephen, C. (1998) “Sources of Inefficiency in a Representative Democracy:


A Dynamic Analysis.” American Economic Review 88 (1): 139-56.

Bevan, D.; Collier, P.; et Gunning, J. W. (1999) The Political Economy of Poverty, Equity,
and Growth: Nigeria and Indonesia. Oxford: Oxford University Press.

Binswanger, H. P., et Ruttan, V. W. (1978) Induced Innovation: Technology, Institutions,


and Development. Baltimore: John Hopkins University Press.

Birault, C. (1995) “The Costs of Inflation.” Bank of England Bulletin 35 (February): 35-45.

Bourguignon, F., et Verdier, T. (2000) “Oligarchy, Democracy, Inequality and Growth.”


Journal of Development Economics 62 (2): 285-313.

Blalock, G., et Gertler, P. J. (2005) “Foreign Direct Investment and Externalities: The Case
for Public Intervention.” In T. H. Moran, E. M. Graham, and M. Blomström (eds.)
Does Foreign Investment Promote Development? Washington, D.C.: Institute for
International Economics.

Blanchard, O. (2003) “Rents, Product and Labor Market Regulation, and Unemployment.”
Lecture 2 in The Economics of Unemployment: Shocks, Institutions, and Interactions
Cambridge, Mass.: MIT Press.

Block, S. A. (2002) “Political Business Cycles, Democratization, and Economic Reform:


the Case of Africa.” Journal of Development Economics 67 (1): 205-28.

Block, S. A.; Ferree, K. E.; et Singh, S. (2003) “Multiparty Competition, Founding


Elections and Political Business Cycles in Africa.” Journal of African Economies 12
(3): 444-68.

Blundell, R., et Bond, S. (1998) “Initial Conditions and Moment Restrictions in Dynamic
Panel Data Models.” Journal of Econometrics 87 (1): 115–43.

Brender, A., et Drazen, A. (2005) “Political Budget Cycles in New Versus Established
Democracies.” Journal of Monetary Economics 52 (7): 1271-95.

293
Bruno, M., et Easterly, W. (1995) “Inflation Crises and Long-Run Growth.” NBER
Working Paper No. 5209. Cambridge: National Bureau of Economic Research.

________ (1998) “Inflation Crises and Long-Run Growth.” Journal of Monetary Economics 41
(1): 3-26.

Buchanan, J., et Tullock, G. (1962) The Calculus of Consent: Logical Foundations of


Constitutional Democracy. Ann Arbor, MI: University of Michigan Press.

Campillo, M., et Miron, J. (1996) “Why Does Inflation Differ Across Countries?”
NBER Studies of Business Cycle No. 30. Cambridge: National Bureau of Economic
Research.

_________ (1997) “Why Does Inflation Differ Across Countries?” In C. Romer and D.
Romer (eds.) Reducing inflation: Motivation and Strategy. Chicago: University of
Chicago Press.

Caplan, B. (2001) “What Makes People Think like Economists? Evidence on Economic
Cognition from the ‘Survey of Americans and Economists on the Economy’” Journal
of Law and Economics 44 (2): 395-426.

Chong, A., et César, C. (2000) “Causality and Feedback between Institutional Measures and
Economic Growth.” Economics and Politics 12 (1): 69-81.

Chong, A., et Gradstein, M. (2004) “Inequality and Institutions.” Inter-American


Development Bank Working Paper No. 506. Washington, D.C.: The Inter-American
Development Bank.

Chua, A. (2002) World on fire: How exporting free market democracy breeds ethnic hatred
and global instability. New York: Doubleday.

Clague, C.; Keefer, P.; et Knack, S. (1996) “Property and Contract Rights in Autocracies and
Democracies.” Journal of Economic Growth 1 (2): 243-76.

Coase, R. H. (1937) “The Nature of the Firm.” Economica 16 (4): 386-405.

_________ (1960) “The Problem of Social Cost.” Journal of Law and Economics 3 (1): 1-
44.

Commission on Growth and Development (2008) The Growth Report: Strategies for
Sustained Growth and Inclusive Development. Washington, D.C.: World Bank.

Cornelius, P. K., et Bruce, K. (2003). Corporate Governance and Capital Flows in a


Global Economy. U.S.: Oxford University Press.

Cragg, J. G., et Donald, S. G. (1993) “Testing Identifiability and Specification in


Instrumental Variable Models.” Econometric Theory 9 (2): 222-40.

Cukierman, A.; Edwards, S.; et Tabellini, G. (1992) “Seigniorage and Political Instability.”
American Economic Review 82 (3): 537-55.

294
Cukierman, A.; Webb S.; et Neyapti, B. (1992) “Measuring The Independence of
Central Banks and Its Effect on Policy Outcomes.” World Bank Economic Review 6
(3): 353-98.

Cukierman, A.; Miller, G. P.; et Neyapti, B. (2002) “Central Bank Reform,


Liberalization and Inflation in Transition Economies-An International Perspective.”
Journal of Monetary Economics 49 (2): 237-64.

Dalgaard, C., et Olsson, O. (2006) “Windfall Gains, Political Economy, and Economic
Development.” University of Copenhagen Working Papers in Economics No. 223.
Copenhagen: University of Copenhagen.

_________ (2008) “Windfall Gains, Political Economy, and Economic Development.” Journal
of African Economies 17 (Supplement 1):72-109.

Davidson, R., et MacKinnon, J. G. (1981) “Several Tests for Model Specification in the
Presence of Alternative Hypotheses.” Econometrica 49 (3): 781-93.

Dawson, J. W. (1998) “Institutions, Investment, and Growth: New Cross-Country and Panel
Data Evidence.” Economic Inquiry 36 (4): 603–619.

Day, R. H. (1967) “The Economics of Technological Change and the Demise of


Sharecropper.” American economic Review 57 (3): 427-49.

De Gregorio, J. (1993) “Inflation, Taxation and Long-Run Growth.” Journal of Monetary


Economics 36 (3): 271-98.

De Haan, J., and Sturm, J. E. (2003) “Does More Democracy Lead to Greater Economic
Freedom? New Evidence for Developing Countries.” European Journal of
Political Economy 19 (3): 547-63.

Deininger, K., et Squire, L. (1996) “A New Data Set Measuring Income Inequality.” World
Bank Economic Review 10 (3): 565-91.

De Long, J. B., et Shleifer, A. (1993) “Princes and Merchants: European City Growth
Before the Industrial Revolution.” Journal of Law and Economics 36 (2): 671-702.

Demsetz, H. (1967) “Toward a Theory of Property Rights.” American Economic Review 57


(2): 61-70.

Desai, R.; Olofsgard, A.; et Yousef, T. (2003) “Democracy, Inequality, and Inflation.”
American Political Science Review 97 (3): 391-406.

De Soto, H. (1990) The Other Path. New York: Harper and Row.

Diamond, L. (2005) “Democracy, Development and Good Governance: The Inseparable


Links.” Annual Democracy and Governance Lecture, Center for Democratic
Development, Accra, Ghana.

Djankov, S.; La Porta, R.; López-de-Silanes, F.; et Shleifer, A. (2001) “The Regulation of

295
Entry.” CEPR Discussion Paper No. 2953.

________ (2002) “The Regulation of Entry.” Quarterly Journal of Economics 117 (1): 1–37.

_________ (2003) “Courts.” Quarterly Journal of Economics 118 (2): 453-517.

Dollar, D., et Kraay, A. (2000) “Property Rights, Political Rights, and the Development of
Poor Countries.” Paper prepared for Economic History Association Meetings, Los
Angeles, September 2000.

_________ (2002) “Growth is Good for the Poor.” Journal of Economic Growth 7 (3): 195-
225.

Dowd, K. (1994) “The Costs of Inflation and Disinflation.” Cato Journal 14 (2): 305-31.

Downs, A. (1957) An Economic Theory of Democracy. New York, Harper and Row.

Drazen, A. (2000) Political Economy in Macroeconomics. Princeton, NJ.: Princeton


University Press.

Easterly, W. (2002) “Inequality does Cause Underdevelopment: New Evidence from


Commodity Endowments, Middle Class Share, and other Determinants of Per Capita
Income.” Center for Global Development Working Paper No. 1. Washington, D.C.:
Center for Global Development.

_________ (2007) “Inequality does Cause Underdevelopment: Insights from a New


Instrument.” Journal of Development Economics 84 (2): 755-76.

Easterly, W., et Fischer, S. (2001) “Inflation and the Poor.” Journal of Money, Credit and
Banking 33 (2): 160-178.

Easterly, W., et Levine, R. (2002) “It's Not Factor Accumulation: Stylized Facts and Growth
Models.” World Bank Economic Review 15 (2): 177–219.

_________ (2003) “Tropics, Germs, and Crops: How Endowments Influence Economic
Development.” Journal of Monetary Economics 50 (1): 3–39.

Edwards, S., et Tabellini, G. (1991) “Explaining Fiscal Policies and Inflation in Developing
Countries.” Journal of International Money and Finance 10 (supplement 1): 16-48.

Eichengreen, B., et Leblang, D. (2006). “Democracy and Globalization.” NBER


Working Paper No. 12450. Cambridge: National Bureau of Economic Research.

Engerman, S. L., et Sokoloff, K. L. (1997) “Factor Endowments, Institutions, and Differential


Paths of Growth among New World Economies: A View from Economic Historians of
the United States.” In S. Harber (eds) How Latin America Fell Behind: Essays on the
Economic Histories of Brazil and Mexico, 1800-1914. Stanford, CA: Stanford
University Press.

296
_________ (2002) “Factor Endowments, Inequality, and Paths of Development among New
World Economies.” NBER Working Paper No. 9259. Cambridge: National Bureau of
Economic Research.

Feeney, D. (1982) The Political Economy of Productivity: Thai Agricultural


Development, 1800-1975. Vancouver, Canada: University of British Columbia Press.

Feng, Y. (2003) Democracy, Gvernance, and Economic Performance: Theory and Evidence.
Cambridge, Mass.: MIT Press.

Fernandez, R., et Rodrik D. (1991) “Resistance to Reform: Status Quo Bias in the Presence
of Individual-Specific Uncertainty.” American Economic Review 81 (5): 1146-55.

Field, E. (2007) “Entitled to Work: Urban Tenure Security and Labor Supply in Peru.”
Quarterly Journal of Economics 122 (4): 1561-1602.

Finer, S. (1997) The History of Government. Cambridge: Cambridge University Press.

Fischer, S. (1993) “The Role of Macroeconomic Factors in Growth.” Journal of Monetary


Economics 32 (3): 485-511.

Fischer, S.; Sahay R.; et Vegh C. A. (2002) “Modern Hyper and High Inflations.” Journal
of Economic Literature 40 (3): 837-80.

Fisman, R., et Sarria-Allende, V. (2004) “Regulation of Entry and the Distortion of Industrial
Organization.” NBER Working Paper No.10929. Cambridge, MA: National Bureau of
Economic Research.

Fors, H. C. et Olsson, O. (2007) “Endogenous Institutional Change after Independence.”


European Economic Review 51 (8): 1896-1921.

Frankel, J., et Romer, D. (1999) “Does Trade Cause Growth?” American Economic
Review 83 (3): 379-99.

Freeman, R. (1988) “Labor Market Institutions and Economic Performance.” Economic


Policy 6 (3): 64–80.

Gasiorowski, M. J. (2000) “Democracy and Macroeconomic Performance in Underdeveloped


Countries: An Empirical Analysis.” Comparative Political Studies 33 (3): 319–49.

Geddes, B. 1995. “Challenging the Conventional Wisdom.” In L. Diamond and M. F. Plattner


(eds.) Economic Reform and Democracy. Baltimore, MD: Johns Hopkins University
Press.

Gerring, J.; Bond, P.; Barndt, W. T.; et Moreno, C. (2005) “Democracy and Economic
Growth: A Historical Perspective.” World Politics 57 (3): 323-64.

Gerschenkron, A. (1962) Economic Backwardness in Historical Perspective. Cambridge,


Mass.: Harvard University Press.

297
Ghima-Brempong K., et Traynon, T. L. (1999) “Political Instability, Investment and
Economic Growth in Sub-Saharan Africa.” Journal of African Economies 8 (1): 55-
86.

Glaeser, E. L. et Shleifer, A. (2001) “Legal Origins.” Harvard Institute of Economic


Research, Discussion Paper No. 1920. Institute of Economic Research: Harvard
University.

_________ (2002) “Legal Origins.” Quarterly Journal of Economics 117 (4): 1193-1230.
Glaeser, E.; Scheinkman, J.; et Shleifer, A. (2003) “The Injustice of Inequality.” Journal of
Monetary Economics 50 (1): 199–222.

Gokal, V., et Hanif, S. (2004) “Relationship between Inflation and Economic Growth.”
Reserve Bank of Fiji Working Paper.

Goldstein, M., et Udry, C. (2005) “The Profits of Power: Land Rights and Agricultural
Investment in Ghana.” Yale University Economic Growth Center, Discussion Paper
No. 929.

_________ (2008) “The Profits of Power: Land Rights and Agricultural Investment in Ghana.”
Journal of Political Economy 116 (6): 981-1022.

Gordon, R. J. (1975) “The Demand for and Supply of Inflation.” Journal of Law and
Economics 18 (3): 807-36.

Greif, A. (1994) “Cultural Beliefs and the Organization of Society: A Historical and
Theoretical Reflection on Collectivist and Individualist Societies.” Journal of Political
Economy 102 (5): 912–50.

Grossman, S. J., et Hart, O. D. (1986) “The Costs and Benefits of Ownership: A Theory of
Vertical and Lateral Integration.” Journal of Political Economy 94 (4): 691-719.

Gwartney, J. D.; Holcombe, R. G.; et Lawson, R. A. (2004) “Economic Freedom,


Institutional Quality, and Cross-Country Differences in Income and Growth.” Cato
Journal 24 (3): 205–33.

________ (2006) “Institutions and the Impact of Investment on Growth.” Kyklos 59 (2): 255–
73.

Haggard, S., et Kaufman, R. R. (1992) “The Political Economy of Inflation and Stabilization
in Middle-Income Countries.” In S. Haggard and R. Kaufman (eds.) The Politics of
Economic Adjustment: International Constraints, Distributive Conflicts, and the State.
Princeton, N.J.: Princeton University Press.

Hall, R. E., et Jones, C. I. (1999) “Why Do Some Countries Produce so Much More Output
per Worker than Others?” Quarterly Journal of Economics 114 (1): 83-116.

Hamann, J. A., et Pratti, A. (2002) “Why Do So Many Disinflations Fail? The Importance
of Luck, Timing, and Political Institutions.” IMF Working Paper No. 228.
Washington, D.C.: International Monetary Fund.

298
Hausmann, R.; Pritchett, L.; et Rodrik, D. (2004) “Growth Accelerations.” NBER Working
Paper No. 10566. Cambridge: National Bureau of Economic Research.

_________ (2005) “Growth Accelerations.” Journal of Economic Growth 10 (4): 303–29.

Hayami, Y., et Kikuchi, M. (1981) Asian Village Economy at the Cross-roads: An


Economic Approach to Institutional Change. Tokyo: University of Tokyo Press; and
Baltimore: John Hopkins University Press.

Hayek A. F. (1960) The Constitution of Liberty. Chicago: University of Chicago Press.

Hellman, J. S. (1998) “Winners Take All: The Politics of Partial Reform in Postcommunist
Transition.” World Politics 50 (2): 203-34.

Hibbs, D. A. (1977) “Political Parties and Macroeconomic Policy.” American Political


Science Review 71 (4): 1467-87.

Hotelling, H. (1929) “Stability in Competition.” Economic Journal 39 (153): 41-57.

International Monetary Fund (2005) “Building Institutions.” Chapter III in World


Economic Outlook. Washington, D.C.: International Monetary Fund.

________ (2003) “Growth and Institutions.” Chapter III in World EconomicOutlook.


Washington, D.C.: International Monetary Fund.

Isham, J.; Woolcock, M.; Pritchett, L.; et Busby, G. (2005) “Varieties of Resource
Experience: Natural Resource Export Structures and the Political Economy of
Economic Growth.” World Bank Economic Review 19 (2): 141-74.

Javorcik, B. S. (2004) “Does Foreign Direct Investment Increase the Productivity of


Domestic Firms? In Search of Spillovers through Backward Linkages.” American
Economic Review. 94 (3): 605–27.

Jayadev, A. (2006) “Differing Preferences between Anti-Inflation and Anti-Unemployment


Policy among the Rich and the Poor.” Economics Letters 91 (1): 67-71.

Jerzmanowski, M. (2006) “Empirics of Hills, Plateaus, Mountains, and Plains: A Markov-


Switching Approach to Growth.” Journal of Development Economics 81(2): 357–85.

Johnson, S. (1993) “The Costs of Inflation Revisited.” New Zealand Reserve Bank
Bulletin 35 (1): 3-31.

Johnson, S.; McMillan, J.; et Woodruff C. (2002) “Property Rights and Finance.” American
Economic Review 92 (5): 1335-56.

Jones, E. L. (1981) The European Miracle: Environments, Economies and Geopolitics in the
History of Europe and Asia. Cambridge: Cambridge University Press.

Kaplan, R. D. (2000) The Coming Anarchy: Shattering the Dreams of the Post Cold War.
New York: Random House.

299
Kaplan, D.; Piedra, E.; et Seira, E. (2008) “Entry Regulation and Business Start-Ups:
Evidence from Mexico.” Working Paper, Enterprise Analysis Unit. Washington, D.C.:
World Bank.

Kaufmann, D., et Kraay, A. (2002) “Growth Without Governance.” Economia 3 (1): 169-
215.

Kaufmann, D.; Kraay, A.; et Mastruzzi, M. (2003) “Governance Matters III: Governance
Indicators for 1996-2002.” World Bank Policy Research Working Paper No. 3106.
Washington, D.C.: World Bank.

_________ (2005) “Governance Matters IV: Governance Indicators for 1996-2004.” World
Bank Policy Research Working Paper No. 3630. Washington, D.C.: World Bank.

Keech, W. R. (1995) Economic Politics: The Costs of Democracy. New York: Cambridge
University Press.

Keefer, P., et Knack, S. (2002) “Polarization, Politics and Property Rights: Links between
Inequality and Growth.” Public Choice 111 (1-2): 127–54.

Kingston, C., et Caballero, G. (2009) “Comparing Theories of Institutional Change.”


Journal of Institutional Economics 5 (2):151-180.

Klapper, L.; Laeven, L; et Rajan, R. (2006) “Entry Regulation as a Barrier to


Entrepreneurship.” Journal of Financial Economics 82 (3): 591–629.

Klapper, L.; Lewin, A.; Manuel, J.; et Delgado, Q. (2009) “The Impact of the Business
Environment on the Business Creation Process.” Policy Research Working Paper No.
4937. Washington, D.C.: World Bank.

Knack, S., et Keefer, P. (1995) “Institutions and Economic Performance: Cross


Country Tests Using Alternative Institutional Measures.” Economics and Politics 7
(3): 207-27.

Kose, A. M.; Prasad, E.; Rogoff, K.; et Wei, Shang-Jin. (2006) “Financial
Globalization: A Reappraisal.” IMF Working Paper no. 189. Washington, D.C.:
International Monetary Fund.
Dow
Lane, P. R. (1997) “Inflation in Open Economies.” Journal of International Economics 42
(3): 327-47.

La Porta, R.; Lopez-de-Silanes, F., Shleifer, A.; et Vishny, R. (1997) “Legal Determinants of
External Finance.” Journal of Finance 52 (3): 1131-50.

_________ (1998) “Law and Finance.” Journal of Political Economy 106 (6): 1113-55.

_________ (1999) “The Quality of Government.” Journal of Law, Economics and


Organization 15 (1): 222-79.

_________ (2000) “Investor Protection and Corporate Governance.” Journal of Financial

300
Economics 58 (1-2): 3-27.

Lal, D. (1999) Unintended Consequences: The Impact of Factor Endowments, Culture, and
Politics on Long-Run Economic Performance. Cambridge, Mass.: MIT Press.

Landes, D. S. (1998) The Wealth and Poverty of Nations: Why Some Are So Rich and Some
So Poor. New York: W.W. Norton.

_________ (2000) “Culture Makes almost all the Difference.” In L. E. Harrison et


S. P. Huntington (eds.) Culture Matters. New York: Basic Books.

Leite, C., et Weidmann, J. (1999) “Does Mother Nature Corrupt? Natural Resources,
Corruption, and Economic Growth.” IMF Working Paper No. 85. Washington? D.C.:
International Monetary Fund.

Libecap, G. D. (1989) Contracting for Property Rights. Cambridge: Cambridge University


Press.

Licht, A. N.; Goldschmidt, C.; et Schwartz, S. H. (2005) “Culture, Law, and Corporate
Governance.” International Review of Law and Economics 25 (2): 29-55.

_________ (2008) “Culture Rules: The Foundations of the Rule of Law and Other Norms of
Governance.” Journal of Comparative Economics 35 (4): 659–88.

Lin, J. Y. (1989a) “An Economic Theory of Institutional Change: Induced and Imposed
Change.” Cato Journal 9 (1): 1-33.

________ (1989b) “Rural Factor Markets in China after the Household Responsibility
Reform.” In B. Reynolds (ed.) Chinese Economic Policy. New York: Paragon.

López-Córdova, J. E. (2003) “NAFTA and Manufacturing Productivity in Mexico.”


Economía 4 (Fall): 55–98.

Loungani, P., and Swagel, P. (2001) “Sources of Inflation in Developing Countries.”


IMF Working Paper no. 198. Washington, D.C.: International Monetary Fund.

Mahoney, P. G. (2001) “The Common Law and Economic Growth: Hayek Might Be Right.”
Journal of Legal Studies 30 (2): 503-25.

Mankiw, G. (1995) “The Growth of Nations.” Brookings Papers on Economic Activity (1):
275-310.

Masatlioglu, Y., et Rigolini, J. (2008) “Informality Traps.” Department of Economics,


University of Michigan, Ann Arbor.

Mauro, P. (1995) “Corruption and growth.” Quarterly Journal of Economics 110 (3): 681-
712.

Mayer, W. (1984) “Endogenous Tariff Formation.” American Economic Review 74 (5): 970-
85.

301
McChesney, F. S. (1987) “Rent Extraction and Rent Creation in the Economic Theory of
Regulation.” Journal of Legal Studies 16 (1): 101–18.

Mijiyawa, A. G. “Sustained Economic Growth: Do Institutions Matter, and Which One


Prevails?” Cato Journal 28 (3): 385-420.

Milner, H., and Kubota, K. (2005) “Why the Move to Free Trade? Democracy and Trade
Policy in the Developing Countries.” International Organization 59 (Winter): 157-93.

Moran, T. H. (2005) “How Does FDI Affect Host Country Development? Using Industry
Case Studies to Make Reliable Generalizations.” In T. H. Moran, E. M. Graham, and
M. Blomström (eds.) Does Foreign Investment Promote Development? Washington:
Institute for International Economics.

Moran, T. H.; Graham, E. M.; and Blomström, M. (2005) Does Foreign Investment Promote
Development? Washington, D.C;: Institute for International Economics.

Nelson, J. M. (1993) “The Politics of Economic Transformation: is Third World Experience


relevant in Eastern Europe?” World Politics 45 (3): 433-463.

Nickell, S., et Layard, R. (2000) “Labor Market Institutions and Economic Performance.” In
O. Ashenfelter and D. Card (eds.) Handbook of Labor Economics. Amsterdam: North-
Holland.

Nicoletti, G., et Scarpetta, S. (2006) “Regulation and Economic Performance: Product


Market Reforms and Productivity in the OECD.” In T. Eicher and C. García-Peñalosa
(eds.) Institutions, Development and Economic Growth. Cambridge, Mass.: MIT
Press.

Nordhaus, W. D. (1975) “The Political Business Cycle.” Review of Economic Studies 42 (2):
169–90.

North, D. C. (1981) Structure and Change in Economic History. New York: W.W. Norton.
_________ (1990) Institutions, Institutional Change, and Economic Performance. Cambridge:
Cambridge University Press.

_________ (1991) “Institutions.” Journal of Economic Perspectives 5 (1): 97–112.

_________ (1993) “New Institutional Economics and Development.” Washington University


Woking Paper. Washington Univesity, St. Louis.

_________ (2005) Understanding the Process of Economic Change. Princeton: Princeton


University Press.

North, D. C. et Thomas, R. P. (1973) The Rise of the Western World: A New Economic
History. Cambridge: Cambridge University Press.

North, D., et Weingast, B. R. (1989) “Constitutions and Commitment: The Evolution of


Institutions Governing Public Choice in Seventeenth-Century England.” Journal of
Economic History 49 (4): 803-32.

302
O’Rourke, K. and Taylor, A. (2005) “Democracy and Protectionism in the Nineteenth
Century.” Unpublished manuscript, Trinity College, Dubin and University of
California, Davis (September).

Ostrom, E. (2005) Understanding Institutional Diversity. Princeton: Princeton University


Press.

Pande, R. et Udry, C. (2006) “Institutions and Development: A View from Below.” In


Blundell, R.; Newey, W. K.; et Persson, T. (eds). Advances in Economics and
Econometrics. Cambridge: Cambridge University Press.

Papaioannou, E., et Siourounis, G. (2008) “Democratization and Growth.” Economic


Journal 118 (532): 1520-51.

Parente, S. L., et Prescott, E. C. (1994) “Barriers to Technologic Adoption and


Development.” Journal of Political Economy 102 (2): 298–321.

Perotti, E.; et Volpin, P. (2004) “Lobbying on Entry.” CEPR Discussion Paper 4519, Centre
for Economic Policy Research, London.

Perry, G., and Olarreaga, M. (2007) “Trade Liberalization, Inequality and Poverty Reduction
in Latin America.” In F. Bourguignon and B. Pleskovic (eds.) Beyond Transition.
World Bank Publications. Washington, D.C.: World Bank.

Persson, T., et Tabellini, G. (1994) “Is Inequality Harmful for Growth? Theory and
Evidence.” American Economic Review 84 (3): 600-21.

________ (1999) “Political economics and macroeconomic policy.” In J. Taylor and M.


Woodford (eds.) Handbook of Macroeconomics. Amsterdam: Elsevier.

________ (2006a) “Democratic Capital: The Nexus of Political and Economic Change.”
NBER Working Paper No. 12175. Cambridge: National Bureau of Economic
Research.

________ (2006b) “Democracy and Development: The Devil in the Details.” American
Economic Review Papers and Proceedings 99 (2): 319-314.

________ (2007) “The Growth Effect of Democracy: Is It Heterogenous and How Can It Be
Estimated?” NBER Working Paper No. 13150. Cambridge: National Bureau of
Economic Research.

________ (2008) “The Growth Effect of Democracy: Is it Heterogeneous and How Can it be
Estimated?” In E. Helpman (ed.) Institutions and Economic Performance. Harvard
University Press.

Polanyi, K. (1944) The Great Transformation: The Political and Economic Origins of Our
Time. New York: Rinehart.

Posner, R. A. (1980) “A Theory of Primitive Society, with Special Reference to Law.”


Journal of Law and Economics 23 (1): 1-53.

303
Prasad, E. S.; Rogoff, K.; Wei, Shang-Jin.; et Kose M.A. (2003) Effects of Financial
Globalization on Developing Countries: Some Empirical Evidence, IMF Occasional
Paper No. 220; Washington, D.C.: International Monetary Fund.

Przeworski, A., et Limongi, F. (1993) “Political Regimes and Economic Growth.”


Journal of Economic Perspectives 7 (Summer): 51-69.

Przeworski, A.; Alvarez, M.; Cheibub, J.; et Limongi, F. (2000) Democracy and
Development. Cambridge: Cambridge University Press.

Pigou, A. C. (1938) The Economics of Welfare. London: Macmillan.

Pritchett, L. (2000) “Understanding Patterns of Economic Growth: Searching for Hills among
Plateaus, Mountains, and Plains.” World Bank Economic Review 14 (2): 221–50.

Putnam, R. D. (1993) Making Democracy Work: Civic Traditions in Modern Italy. Princeton:
Princeton University Press.

Quinn, D.P., et Woolley J. T. (2001) “Democracy and National Economic Performance: The
Preference for Stability.” American Journal of Political Science 45 (3):634-657.

Robinson, J. A. (1998) “Theories of Bad Policy.” Journal of Policy Reform (1): 1-46.

Rodrik, D. (1997) “Democracy and Economic Performance.” Mimeo, John F. Kennedy


School of Government, Harvard University, December 1997.

________ (1999) “Where Did All the Growth Go? External Shocks, Social Conflict and
Growth Collapses.” Journal of Economic Growth 4 (4): 385–412.

_________ (2000) “Institutions for High-Quality Growth: What They Are and How to
Acquire Them?” Studies in Comparative International Development 35 (3): 3-31.

_________ (2005) “Growth Strategies.” In P. Aghion and S. Durlauf (eds.) Handbook of


Economic Growth. Amsterdam: North-Holland.

Rodrik, D.; Subramanian, A.; et Trebbi, F. (2004) “Institutions Rule: The Primacy of
Institutions over Geography and Integration in Economic Development.” Journal of
Economic Growth 9 (2): 131-65.

Rodrik, D., et Wacziarg, R. (2005) “Do Democratic Transitions Produce Bad Economic
Outcomes?” American Economic Review Papers and Proceedings 95 (2): 50-55.

Rogoff, K. (2003) “Globalization and Global Disinflation.” Paper prepared for the
Federal Reserve Bank of Kansas City conference on Monetary Policy and
Uncertainty: Adapting to a Changing Economy.

_________ (1990) “Equilibrium Political Budget Cycles.” American Economic Review 80


(1): 21-36.

Rogoff, K., et Sibert, A. (1988) “Elections and Macroeconomic Policy Cycles.” Review of

304
Economic Studies 55 (181): 1-16.

Romer, D. (1993) “Openness and Inflation: Theory and Evidence.” Quarterly Journal of
Economics 108 (4): 869-903.

Roland, G. (2004) “Understanding Institutional Change: Fast Moving and Slow- Moving
Institutions.” Studies in Comparative International Development 38 (4): 109-31.

Romer, P. M. (1986) “Increasing Returns and Long-Run Growth.” Journal of Political


Economy 94 (5): 1002–37.

Rosenberg, N., et Birdzell, L. E. (1986) How the West Grew Rich: The Economic
Transformation of the Industrial World. New York: Basic Books.

Ross, M. L. (2001) “Does Oil Hinder Democracy?” World Politics 53 (3): 325–61.

Sachs, J. D. et Warner, A. D. (1995) “Natural Resources and Economic Growth.” NBER


Working Paper No. 5398.

_________ (1997) “Natural Resources and Economic Growth.” Center for International
Development and Harvard Institute for International Development Working Paper.

Satyanath, S., et Subramanian, A. (2004) “What Determines Long-Run Macroeconomic


Stability? Democratic Institutions.” IMF Working Paper No. 215. Washington, D.C.:
International Monetary Fund.

_________ (2007) “The Political Economy of Nominal Macroeconomic Pathologies.” IMF


Staff Papers 54, no. 3: 419-453.

Savoia, A.; Easaw J.; et McKay, A. (2004) “The Relationship between Inequality and
Institutions: An Empirical Analysis.” Working Paper University of Bath, UK.

Scarpetta, S., et Tressel, T. (2002) “Productivity and Convergence in a Panel of OECD


Industries: Do Regulations and Institutions Matter?” OECD Economics Department
Working Papers No. 342. Paris: OECD.

Scheve, K. (2003) “Public Demand for Low Inflation.” Bank of England Working Paper
no. 172. London: Bank of England.

_________ (2004) “Public Inflation Aversion and the Political Economy of


Macroeconomic Policymaking.” International Organization 58 (1): 1-34.

Sen, A. (1999) Development as Freedom. New York: Anchor Books.

Shi, M., and Svensson, J. (2000) “Conditional Political Business Cycles: Theory and
Evidence.” Typescript, Development Research Group, World Bank.

_________ (2002a) “Conditional Political Budget Cycles.” CEPR Discussion Paper no. 3352.

_________ (2002b) “Political Business Cycles in Developed and Developing Countries.” IIES

305
Working Paper. Stockholm University.

Sirowy, L., et Inkeles, A. (1990) “The Effects of Democracy on Economic Growth and
Inequality: A Review.” Studies in Comparative International Development 25 (1):
126-157.

Sokoloff, K. L., et Engerman, S. L. (2000) “History Lessons: Institutions, Factors


Endowments, and Paths of Development in the New World.” Journal of Economic
Perspectives 14 (3): 217-32.

Sonin, K. (2003) “Why the Rich May Favor Poor Protection of Property Rights.” Journal of
Comparative Economics 31 (4): 715–31.

Stern, N. (2001) “A Strategy for Development.” ABCDE Keynote Address, Washington,


D.C.: World Bank.

Stigler, G. J. (1971) “The Theory of Economic Regulation.” Bell Journal of Economics and
Management Science 2 (1): 3–21.

_________ (1982) “Economists and Public Policy.” Regulation (May/June): 7-13.

Stock, J. H., et Yogo, M. (2002) “Testing for Weak Instruments in Linear Regression.”
NBER Technical Working Paper No. 284. Cambridge: National Bureau of Economic
Research.

_________ (2005) “Testing for Weak Instruments in Linear IV Regression.” Ch. 5 in J.H.
Stock and D.W.K. Andrews (eds.) Identification and Inference for Econometric
Models: Essays in Honor of Thomas J. Rothenberg. Cambridge: Cambridge University
Press.

Schultz, T. (1978) Distortions of Agricultural Incentives. Bloomington: Indiana University


Press.

Stulz, R. M., et Williamson, R. (2003) “Culture, Openness, and Finance.” Journal of


Financial Economics 70 (3): 313-49.

Schumpeter, J. A. (1942) Capitalism, Socialism and Democracy. New York: Harper and
Brothers.

Svenson, J. (1998) “Investment, Property Rights and Political Instability: Theory and
Evidence.” European Economic Review 42 (7): 1317–41.

Tavares, J., et Wacziarg, R. (2001) “How Democracy Affects Growth.” European


Economic Review 45 (8): 1341-78.

Watson, A. (1974) Legal Transplants: An Approach to Comparative Law. Charlottesville,


VA: University of Virginia Press.

Weber, M. (1930) The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism. New York: Harper

306
Collins.

_________ (1958) The Religion of India. Glencoe: Free Press.

Williamson, J. (1994) The Political Economy of Policy Reform. Washington, DC: Institute
for International economics.

Williamson, O. (1985) The Economic Institutions of Capitalism: Firms, Markets, Relational


Contracting. New York: Free Press.

_________ (2000) “The New Institutional Economics: Taking Stock, Looking Ahead.”
Journal of Economic Literature 38 (3): 595-613.

Wittman, D. (1989) “Why Democracies Produce Efficient Results.” Journal of Political


Economy 97 (6): 1395–1424.

_________ (1995) The Myth of Democratic Failure: Why Political Institutions Are
Efficient. Chicago: University of Chicago Press.

Wooldridge, J. M. (2000) Introductory Econometrics: A Modern Approach. Cincinnati: South-


Western College Publishing.

_________ (2002) Econometric Analysis of Cross Section and Panel Data. Cambridge, Mass.:
MIT Press.

World Bank (2002) World Development Report 2002: Building Institutions for Markets.
Washington, D.C.: World Bank.

_________ (2005a) Where is the Wealth of Nations? Measuring Capital for the XXI
Century. Washington, D.C.: World Bank.

_________ (2005b) Economic Growth in the 1990s: Learning from a Decade of Reform,
Washington. Washington, D.C.: World Bank.

_________ (2006) World Development Indicators, 2005. Washington: The World Bank.
World Institute for Development Economics Research, WIDER (2000) World Income
Inequality Database Version 1.0, User Guide and Data Sources. Helsinki: WIDER.

Yu, M. (2005) “Trade Globalization and Political Liberalization: A Gravity Approach.”


Unpublished manuscript, University of California, Davis.

Zakaria, F. (2003) The future of freedom: Illiberal Democracy at Home and Abroad. New
York: Norton.

307
Table des matières

Introduction Générale.............................................................................................................. 1

Chapitre I: Les Déterminants des Institutions de Droits de Propriété Privée : Revue de


la Littérature et Analyse Empirique..................................................................................... 13

1. Introduction ...................................................................................................................... 13
2. Taxonomie des théories de la qualité des institutions de droits de propriété privée ........ 17
2.1 L’approche économique : Une théorie de l’efficience des institutions...................... 17
2.2 L’approche culturelle : Une théorie de différences institutionnelles fondées sur des
différences culturelles ...................................................................................................... 19
2.3 L’approche historique : Une théorie de différences institutionnelles fondées sur des
facteurs historiques........................................................................................................... 21
2.4 L’approche politique : Une théorie de la qualité des institutions comme résultat de
conflits d’intérêts.............................................................................................................. 23
3. Choix de variables proxy pour tester les différentes théories ......................................... 25
4. Revue de la littérature empirique ..................................................................................... 28
4.1 Travaux relatifs à l’approche économique ................................................................. 29
4.2 Travaux relatifs à l’approche culturelle ..................................................................... 30
4.3 Travaux relatifs à l’approche historique..................................................................... 31
4.4 Travaux relatifs à l’approche politique ...................................................................... 33
4.4.1 Relations empiriques entre la démocratie et la qualité des institutions
économiques ................................................................................................................. 33
4.4.2 Relations empiriques entre la qualité des institutions économiques et
l’abondance en ressources naturelles .......................................................................... 34
4.4.3 Relations empiriques entre la qualité des institutions économiques et le niveau
d’inégalité de revenu .................................................................................................... 35
4.4.4 Analyse simultanée de la relation entre la qualité des institutions économiques et
les niveaux d’inégalité de revenu et de démocratie ..................................................... 36
5. Analyses empiriques ........................................................................................................ 37
5.1 Spécifications économétriques ................................................................................... 37
5.2 Problèmes d’endogénéité ........................................................................................... 40
5.3 Analyses statistiques .................................................................................................. 43
5.3.1 Tests de différences des valeurs moyennes ......................................................... 43
5.3.2 Analyse des coefficients de corrélation ............................................................... 46
5.4 Résultats des estimations économétriques ................................................................. 48
5.5. Tests de robustesse .................................................................................................... 53
5.6 Test d’hypothèses non emboîtées............................................................................... 62
6. Conclusion........................................................................................................................ 65
Annexes................................................................................................................................ 68

Chapitre II: Quelles Institutions pour une Croissance Économique Soutenue (CES)?..78

1. Introduction ...................................................................................................................... 78
2. Caractéristiques des phases de croissance soutenue ........................................................ 81
3. Arguments théoriques de l’effet de « bonnes » institutions sur la CES........................... 86
3.1 Des institutions pour la réduction des coûts de l’investissement privé...................... 88

308
3.1.1 La démocratie : Une méta institution pouvant réduire les coûts de politiques
économiques distorsives ............................................................................................... 88
3.1.2 Des institutions de régulation pour une croissance soutenue............................. 91
3.2.2 La protection des droits de propriété privée pour une croissance soutenue ...... 92
4. Stratégies empiriques ....................................................................................................... 94
4.1 Description des variables ........................................................................................... 94
4.2 Spécifications économétriques ................................................................................... 97
4.3 Méthodes d’estimation économétrique .................................................................... 100
5. Résultats des estimations économétriques ..................................................................... 102
5.1 Mécanismes de transmission de l’effet des institutions sur la CES ......................... 106
5.1.1 Effets des institutions sur l’investissement privé et de l’investissement privé sur
la PGF ........................................................................................................................ 106
5.1.2 Effets des institutions, de la PGF et de l’investissement privé sur la CES ...... 108
5.2 Tests de robustesse des effets des institutions, de la productivité globale des facteurs
sur la croissance soutenue .............................................................................................. 112
5.3 Prise en compte des variables de politique macroéconomique ................................ 113
6. Institutions et soutenabilité de la croissance : Illustration à travers trois pays d’Afrique
subsaharienne ..................................................................................................................... 117
7. Conclusion...................................................................................................................... 121
Annexes.............................................................................................................................. 124

Chapitre III. Effet des Institutions Démocratiques sur l’Inflation dans les Pays en
Développement ..................................................................................................................... 129

1. Introduction .................................................................................................................... 129


2. Revue de la littérature empirique sur la relation entre l’inflation et la démocratie........ 131
3. Arguments théoriques ................................................................................................ 133
3.1 Préférences de l’électeur médian et maîtrise de l’inflation dans les pays en
développement ............................................................................................................... 134
3.1.1 Préférences de l’électeur médian pour les biens et services publics
fondamentaux ............................................................................................................. 135
3.1.2 Méfiance de l’électeur médian vis-à-vis de l’ouverture commerciale .............. 137
4. Analyses empiriques ...................................................................................................... 139
4.1 Arguments théoriques sur la relation entre la date d’indépendance et la qualité des
institutions démocratiques.............................................................................................. 140
4.1.1 Relation entre la qualité des institutions démocratiques et la date
d’indépendance : Un argument fondé sur la thèse de Acemoglu, Johnson et Robinson
(2001) ......................................................................................................................... 141
4.1.2 Relation entre la qualité des institutions démocratiques et la date
d’indépendance : Un argument fondé sur les effets du « learning by doing » des
leaders politiques nationaux ...................................................................................... 142
4.1.3 Relation entre la qualité des institutions démocratiques et la date
d’indépendance : Un argument fondé sur les externalités de la période d’acquisition
de l’indépendance ...................................................................................................... 143
4.2 Spécification des modèles empiriques et description des variables ......................... 145
4.3 Analyse des évolutions tendancielles des indices de démocratie et du taux d’inflation
........................................................................................................................................ 148
5. Résultats des estimations économétriques ..................................................................... 149
5.1 Mécanismes de transmission de l’effet de la démocratie sur l’inflation .................. 152

309
5.1.1 Effets des institutions démocratiques sur les politiques macroéconomiques et des
politiques macroéconomiques sur l’inflation............................................................. 152
5.1.2 Effets simultanés de la démocratie et des politiques macroéconomiques sur
l’inflation.................................................................................................................... 157
5.1.3. Robustesse des résultats ................................................................................... 157
5.1.4 Prise en compte d’autres déterminants de l’inflation ....................................... 160
5.2 Tests supplémentaires de validité des instruments et résultats économétriques en
excluant les pays de l’Amérique Latine de l’échantillon ............................................... 163
6. Inflation et Démocratie : Illustration à partir des expériences de trois pays en
développement ................................................................................................................... 166
7. Conclusion...................................................................................................................... 170
Annexes.............................................................................................................................. 173

Chapitre IV: Fondement Économique de la Démocratie dans les Pays en


Développement: Une Approche par l'Analyse Coûts-Bénéfices de la Démocratie ........ 183

1. Introduction .................................................................................................................... 183


2. Revue des travaux récents sur la relation entre la démocratie et la croissance.............. 187
2.1 Travaux relatifs aux effets différenciés de la démocratie ........................................ 187
2.2 Travaux utilisant de nouvelles techniques d’estimation .......................................... 189
2.3 Travaux combinant de nouveaux arguments et de nouveaux indicateurs de
performance démocratique............................................................................................. 191
3. Analyses Théoriques ...................................................................................................... 194
3.1 Définitions de coûts et bénéfices de la démocratie .................................................. 194
3.2 Comment appréhender les coûts et les bénéfices de la démocratie ?....................... 195
3.2.1 Coûts de la démocratie : Un analyse selon la perspective de performances de
politiques macroéconomiques .................................................................................... 195
3.2.2 Coûts de la démocratie : Une analyse selon la perspective de performances
socio-politiques .......................................................................................................... 198
3.2.3 Bénéfice de la démocratie : Une analyse en termes d’amélioration de la qualité
des institutions de droits de propriété privée ............................................................. 200
3.3 Comparaison des coûts et bénéfices de la démocratie : Effets de court et de long terme
de la démocratie sur la croissance économique dans les PED ........................................... 202
4. Stratégies empiriques ..................................................................................................... 204
4.1 Mesure du stock de capital démocratique ................................................................ 205
4.2 Illustration de la pertinence de la mesure du stock de capital : Expériences de trois
pays d’Afrique Sub-saharienne ...................................................................................... 207
4.3 Spécifications économétrique, échantillon d’analyse et méthodes d’estimations
économétriques............................................................................................................... 210
5. Résultats ......................................................................................................................... 213
5.1 Tests de robustesse ................................................................................................... 216
6. Conclusion...................................................................................................................... 220
Annexes.............................................................................................................................. 224

Chapitre V : Effet Collatéral des Investissements Directs Étrangers (IDE) : Impact des
IDE sur la Réforme des Institutions de Droits de Propriété Privée dans les Pays en
Développement ..................................................................................................................... 233

1. Introduction .................................................................................................................... 233


2. Revue de la littérature empirique ................................................................................... 237

310
3. Théories du changement institutionnel .......................................................................... 238
3.1 Théories du changement institutionnel spontané ..................................................... 239
3.2 Théories du changement institutionnel coordonné................................................... 243
3.2.1 Premières versions de la théorie du changement institutionnel coordonné ..... 243
3.2.2 Théorie du changement institutionnel coordonné à la Acemoglu et al............. 246
4. Flux entrants d’investissements directs étrangers (IDE) : Facteur potentiel de
changements institutionnels dans les pays en développement ........................................... 249
4.1 Mécanismes de l’effet collatéral des IDE sur la réforme des institutions dans les PED
........................................................................................................................................ 250
4.2 Existence de contraintes sur les décideurs politiques : Condition nécessaire pour un
rôle catalyseur des IDE dans la réforme des institutions ............................................... 253
5. Analyses empiriques ...................................................................................................... 255
5.1 Mesure et Définition de la réforme des institutions économiques ........................... 255
5.2 Spécification économétrique .................................................................................... 257
5.3 Données et sources de données .................................................................................... 258
5.4 Techniques d’estimation économétrique.................................................................. 260
5.5 Analyses statistiques ................................................................................................ 262
6. Résultats d’estimations économétriques ........................................................................ 266
6.1 Tests de robustesse ................................................................................................... 268
7. Conclusion...................................................................................................................... 272
Annexes.............................................................................................................................. 275

Conclusion Générale ............................................................................................................ 285


Blibliographie ....................................................................................................................... 290

311
Liste des tableaux

Tableau I.1 : Résultats des tests de différences des valeurs moyennes de l’indice des
institutions de droits de propriété privée selon les différentes caractéristiques des pays de
notre échantillon………………………………………………………………………………45

Tableau I.2 : Coefficients de corrélation entre les variables dans l’échantillon total………..47

Tableau I.3 : Résultats de base des estimations économétriques…………………………....49

Tableau I.4 : Robustesse par rapport à la prise en compte du risque des erreurs de
simultanéité…………………………………………………………………………………...59

Tableau I.5 : Robustesse avec la prise en compte d’autres déterminants des institutions…...61

Tableau I.6 : Résultats de tests d’hypothèses non emboîtées………………………………..64

Tableau II.1 : Caractéristiques des phases de croissance économique soutenue de 1960 à


2003…………………………………………………………………………………………...83

Tableau II.2 : Effets combiné et simultané des institutions sur la probabilité croissance
économique soutenue………………………………………………………………………..103

Tableau II.3 : Effets spécifiques des institutions sur la probabilité de croissance économique
soutenue……………………………………………………………………………………..104

Tableau II.4 : Effets des institutions sur l’investissement privé et de l’investissement privé
sur la productivité globale des facteurs……………………………………………………...107

Tableau II.5 : Effets des institutions, de l’investissement privé et de la productivité globale


des facteurs sur la croissance économique soutenue………………………………………..109

Tableau II.6 : Effets spécifiques des institutions, de l’investissement privé et de la


productivité globale des facteurs sur la croissance économique soutenue………………….110

Tableau II.7 : Effets des institutions, de l’investissement privé, de la productivité globale


des facteurs et de variables de politique économique sur la croissance économique
soutenue……………………………………………………………………………………115

Tableau II.8 : Effets spécifiques des institutions, de l’investissement privé, de la productivité


globale des facteurs et de variables de politique économique sur la croissance économique
soutenue……………………………………………………………………………………..116

Tableau II.9 : Comparaisons des performances du Botswana, de la Côte d’Ivoire et du Ghana


……………………………………………………………………………………………….118

Tableau III.1 : Relation de base entre l’inflation et la démocratie…………………………150

Tableau III.2 : Effets de la démocratie sur les politiques macroéconomiques….…………155

312
Tableau III.3 : Effets de politiques macroéconomiques sur l’inflation…………………….156

Tableau III.4 : Effets simultanés des politiques macroéconomiques et de la démocratie sur


l’inflation……………………………………………………………………………………158

Tableau III.5 : Effets de la démocratie, des politiques macroéconomiques et d’autres


variables……………………………………………………………………………………..162

Tableau III.6 : Effet de la démocratie sur l’inflation dans l’échantillon sans les pays de
l’Amérique Latine…………………………………………………………………………...165

Tableau III.7 : Comparaisons des performances du Chili, du Ghana et du Sri Lanka…….167

Tableau IV.1 : Effets du niveau et du stock de démocratie sur la croissance économique...215

Tableau V.1 : Résultats de base…………………………………………………………….267

Listes des tableaux en annexe

Tableau AI.1 : Description des données utilisées dans le chapitre I………………………...68

Tableau AI.2 : Statistiques descriptives des principales variables utilisées dans le chapitre I
………………………………………………………………………………………………...71

Tableau AI.3 : Robustesse en utilisant l’indice de droits de propriété de Heritage


Fundation……………………………………………………………………………………..72

Tableau AI.4 : Robustesse en utilisant l’indice des droit de propriété de Kaufmann et


Kraay………………………………………………………………………………………….72

Tableau AI.5 : Robustesse en utilisant l’indice des droits de propriété de


ICRG…………………………………………………………………………………………………………….73

Tableau AI.6 : Robustesse par rapport aux indices de démocratie…………………………..73

Tableau AI.7 : Robustesse par rapport aux indicateurs de l’abondance en ressources


naturelles……………………………………………………………………………………...74

Tableau AI.8 : Robustesse après exclusion des ex-pays socialistes de notre échantillon…...74

Tableau AI.9 : Robustesse avec le sous échantillon de pays riches…………………………75

Tableau AI.10 : Robustesse avec le sous échantillon de pays pauvres……………………...75

Tableau AI.11 : Robustesse avec le sous-échantillon de pays développés………………….76

Tableau AI.12 : Robustesse avec le sous-échantillon de pays en développement…………..76

313
Tableau AI.13 : Robustesse avec le sous-échantillon de pays africains……………………..77

Tableau AII.1 : Statiques descriptives des principales variables utilisées dans le chapitre
2……………………………………………………………………………………………...124

Tableau AII.2 : Effets des institutions, de l’investissement privé et de la productivité globale


des facteurs sur la probabilité d’une forte croissance économique
soutenue……………………………………………………………………………………..125

Tableau AII.3 : Effets spécifiques des institutions, de l’investissement privé et de la


productivité globale des facteurs sur une forte croissance économique soutenue…………..126

Tableau AII.4 : Effets des institutions, de l’investissement privé et de la productivité globale


des facteurs sur la croissance économique soutenue dans l’échantillon de pays en
développement……………………………………………………………………………....127

Tableau AII.5 : Effets spécifiques des institutions, de l’investissement privé et de la


productivité globale des facteurs dans l’échantillon de pays en développement……………128

Tableau AIII.1 : Statistiques descriptives des principales variables utilisées dans le


chapitre………………………………………………………………………………………173

Tableau AIII.2 : Liste des pays de l’échantillon et leurs dates d’indépendance…………...174

Tableau AIII.3 : Robustesse des résultats par rapport à la transformation proposée par
Cukierman……………………………………………………………………………….......176

Tableau AIII.4 : Robustesse des résultats en utilisant le log (déflateur du PIB)…………..177

Tableau AIII.5 : Robustesse des résultats en utilisant l’indice de contraintes sur l’exécutif
……………………………………………………………………………………………….178

Tableau AIII.6 : Robustesse des résultats en considérant que les donnés de 1980-2003….179

Tableau AIII.7 : Robustesse des résultats après exclusion des pays africains de la zone franc
de l’échantillon………………………………………………………………………………180

Tableau AIII.8 : Robustesse des résultats pour des taux d’inflation élevés ……………….181

Tableau AIV.1 : Statistiques descriptives des principales variables utilisées dans le chapitre
IV…………………………………………………………………………………………....224

Tableau AIV.2 : Effets du stock et du niveau de démocratie en utilisant des variables


muettes………………………………………………………………………………………225

Tableau AIV.3 : Effets du niveau et du stock de démocratie en utilisant l’indice de


contraintes sur l’exécutif…………………………………………………………………….226

Tableau AIV.4 : Estimations en utilisant l’indice de Freedom House……………………..227

314
Tableau AIV.5 : Effets du niveau et du stock de démocratie sans les pays de l’Amérique
Latine……………………………………………………………………………………......228

Tableau AIV.6 : Effets du niveau et du stock de démocratie dans les pays les plus
pauvres………………………………………………………………………………………229

Tableau AIV.7 : Effets du niveau et du stock de démocratie dans les pays à forte
fragmentation ethnique……………………………………………………………………...230

Tableau AIV.8 : Effets du niveau et du stock de démocratie sur la croissance économique


après exclusion des autres variables explicatives…………………………………………...231

Tableau AIV. 9 : Résultats des estimations des effets du niveau et du stock de démocratie sur
la croissance économique sans correction pour l’endogénéité ……………………………..232

Tableau AV.1 : Statistiques descriptives des variables utilisées dans le chapitre V……….275

Tableau AV.2 : Robustesse après exclusion des pays en transition de notre


échantillon…………………………………………………………………………………...276

Tableau AV.3 : Robustesse après exclusion des pays émergents de notre échantillon…….277

Tableau AV.4 : Robustesse après exclusion simultanée des pays émergents et en transition de
notre échantillon……………………………………………………………………………..278

Tableau AV.5 : Robustesse en contrôlant pour l’effet de l’ouverture commerciale……….279

Tableau AV.6 : Robustesse en contrôlant pour l’effet du niveau d’éducation de la


population……………………………………………………………………………………280

Tableau AV.7 : Robustesse en contrôlant pour l’effet de ressources


naturelles…………………………………………………………………………………….281

Tableau AV.8 : Robustesse en contrôlant pour l’effet de l’adhésion à l’OMC…………….282

Tableau AV.9 : Robustesse en contrôlant pour l’effet de l’intégration régionale………….283

Tableau AV.10 : Robustesse en contrôlant simultanément pour l’ensemble des


variables..................................................................................................................................284

315
Liste des graphiques

Graphique III.1 : Evolutions tendancielles du taux d’inflation (en logarithme) et de l’indice


d’institutions démocratiques dans notre échantillon de 1960-2003…………………………148

Graphique IV.1 : Évolutions annuelles du stock de capital démocratique au Bénin, Botswana


et Zimbabwe…………………………………………………………………………………208

Graphique V.1 : Évolutions tendancielles des flux entrants d’IDE et de probabilités


inconditionnelles de réforme institutionnelle dans les PED………………………………...263

Graphique V.2 : Comparaison des flux nets d’IDE reçus et de probabilité de réforme
institutionnelle selon le niveau de contrainte sur l’exécutif dans les PED………………….265

Liste des graphiques en annexe

Graphique AIII.1 : Relation entre le niveau de démocratie et la date d’indépendance sur la


période 1960-2003…………………………………………………………………….…….182

Graphique AIII.2 : Relation entre la date d’indépendance et le niveau initial de


démocratie…………………………………………………………………………………...182

316
Résumé
Cette thèse est une contribution à l’analyse économique des institutions. Ces dernières années, de nombreux
travaux ont permis de montrer que le retard des pays en développement (PED) en matière de développement
économique, serait dû en particulier à l’inefficacité de leurs institutions. Il se dégage ainsi un consensus sur la
nécessité de réformer les institutions dans les PED. Cependant, la littérature prend rarement en compte les coûts
éventuels associés à l’amélioration de la qualité des institutions. De plus, on peut considérer que l’amélioration de la
qualité des institutions peut induire des coûts à court terme, alors que ses bénéfices ne vont se matérialiser qu’à long
terme. Ainsi, le décalage temporel des effets positifs de l’amélioration de la qualité des institutions pourrait réduire les
incitations des PED à réformer leurs institutions. Par ailleurs, la littérature aborde très peu la question des facteurs
susceptibles de favoriser la réforme des institutions dans les PED. Cette thèse tente d’apporter des éléments
d’éclaircissement sur ces différents points et poursuit deux principaux objectifs. Notre premier objectif consiste à
analyser la rationalité économique du choix d’une stratégie de développement économique basée sur l’amélioration
de la qualité des institutions dans les PED. Autrement dit, en dépit d’un possible décalage temporel des effets positifs
de l’amélioration de la qualité des institutions, nous cherchons à savoir s’il est économiquement justifié de réformer
les institutions dans les PED. Notre second objectif consiste à analyser les facteurs susceptibles de favoriser la
réforme des institutions dans les PED.
Les principaux résultats issus d’analyses empiriques à base de données couvrant la période 1960-2005,
confirment l’idée selon laquelle il est dans l’intérêt des PED de choisir une stratégie de développement économique
basée sur la réforme de leurs institutions. De même, cette thèse montre qu’une combinaison efficace de facteurs
internes -existence dans les PED d’institutions efficaces de contraintes sur l’exécutif- et de facteurs externes -
participation des PED aux échanges internationaux d’investissements directs étrangers (IDE)- contribuerait à la
réforme des institutions de droits de propriété privée dans les PED. En effet, nos analyses empiriques montrent que :
(1) Une amélioration de la qualité des institutions démocratiques, des institutions de droits de propriété, et
particulièrement des institutions de régulation est favorable à la soutenabilité de la croissance économique dans les
PED. (2) L’amélioration de la qualité des institutions engendre des coûts à court terme et des bénéfices à long terme,
mais les bénéfices de long terme l’emporteraient sur les coûts de court terme. Nous mettons en exergue un tel
résultat à travers une comparaison des effets de court et de long terme des institutions démocratiques sur la
croissance économique dans les PED. (3) La probabilité de réformer les institutions de droits de propriété privée
augmente avec les flux entrants d’IDE dans les PED dotés d’institutions efficaces de contraintes sur l’exécutif.

Mots Clés : Institutions, croissance économique, inflation, coûts-bénéfices des institutions démocratiques, effet collatéral des IDE, variables
instrumentales, tests d’instruments faibles, GMM system, données de panel, modèles de probabilité, PED.

Abstract
This dissertation is a contribution to the economic analysis of institutions. In the recent years, many studies
have showed that weak institutions in developing countries are one of the deep causes of their poor economic
performances. While the need of institutional reforms in developing countries seems to raise consensus, the literature
rarely takes into account the costs related to the improvement in the quality of institutions. In addition, improving
the quality of institutions may induce costs in the short run whereas benefits will show themselves in the long run.
The lag between the costs and benefits of better institutional quality may thus reduce developing countries’
incentives to reform their institutions. Moreover, the literature tackles few, the question of factors likely to facilitate
institutional reforms in developing countries. This dissertation attempts to provide clarifications on these points and
has two main objectives. The first objective is to analyse the rationale of the choice of a strategy of economic
development based on institutional reform in developing countries. In other words, in spite of the delay in the
positive effect of institutional quality improvement, the dissertation seeks to know whether it is economically
justified to reform institutions in developing countries. The second objective is to analyse factors likely to facilitate
institutional reforms in developing countries.
The main results of empirical analyses using data covering the period 1960-2005 confirm that, it is better for
developing countries to choose a strategy of economic development based on the reform of their institutions.
Likewise, this dissertation shows that an effective combination of internal factors -the existence in developing
countries of effective institutions of constraints on the executive- and external factors -FDI inflows in developing
countries- are likely to facilitate the reform of private property rights institutions in developing countries. Indeed, our
empirical analyses show that: (1) An improvement in the quality of democratic institutions, property rights
institutions and regulatory institutions in particular, are favourable to economic growth sustainability in developing
countries. (2) The improvement in the quality of institutions induces costs in the short run and benefits in the long
run, however, the long run benefits might outweigh the short run costs. We highlight this result through a
comparison of the short and the long run effects of democratic institutions on economic growth in developing
countries. (3) The probability of reforming private property rights institutions increases with FDI inflows in
developing countries endowed with effective institutions of constraints on the executive.
Key words: Institutions, economic growth, inflation, costs-benefits of democratic institutions, collateral effect of FDI, instrumental variables,
tests of weak instruments, system GMM, panel data, probability models, developing countries.

317

Vous aimerez peut-être aussi