2 - Intérêt Et Culture de La Luzerne - Principes de Base

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Groupement régional d’agriculture Document Biodoc n° 2

biologique de Basse-Normandie (GRAB) (nouvelle édition mars 2004)


Association d’agriculture Tous droits de reproduction réservés
écologique de l’Orne (AGRECO)
Association Nature et Progrès

Intérêt et culture de la luzerne en agriculture biologique


Principes de base

La luzerne a été qualifiée de « reine des légumineuses » ou même de « reine des cultures fourragères » en raison
de ses nombreuses qualités.
Caractères botaniques
C’est une papilionacée dont le nom scientifique est Medicago Sativa ; on en distingue deux sous-espèces, une
« nordique » à fleurs jaunes et à gousses en croissant et une « méditerranéenne » à fleurs violettes à gousses
enroulées. La plupart des variétés cultivées en France sont des hybrides plus ou moins naturels entre ces deux
sous-espèces de Medicago Sativa.

Des atouts reconnus


- Une excellente résistance à la sécheresse.
La luzerne craint le froid printanier et ne démarre pas de très bonne heure. Sa végétation s’accélère ensuite et elle
produit beaucoup à partir de mai et pendant tout l’été.
Elle ne craint pas la sécheresse et la chaleur estivales, même prolongées à condition que la couche de terre arable
soit épaisse et bien alimentée en eau en profondeur.
Cette remarquable capacité de production estivale rend la luzerne particulièrement précieuse.

- Une résistance convenable au froid

Les variétés issues de la sous-espèce nordique de Medicago Sativa résistent bien au froid, d’autant plus qu’elles
restent à l’état de « rosettes » en période de jours courts. On peut les cultiver partout en France jusque vers 1500
mètres d’altitude.
Les variétés de type méditerranéen ont tendance à démarrer plus tôt et sont donc plus gélives. Par contre, leur
racine pivotante est particulièrement longue et accentue leurs capacités face à la sécheresse.
- Une productivité élevée en matière sèche et en protéines
Une bonne luzernière peut produire 15 tonnes de matière sèche par hectare et par an et même davantage dans
quelques cas particuliers, par exemple une vingtaine de tonnes en six ou sept coupes en Camargue irriguée.
Cette matière sèche contenant environ dix-sept pour cent de protéines, on aboutit à un rendement de deux tonnes
et demi environ de protéines par hectare.
- Un enrichissement du sol en azote
Enrichissement très variable selon l’âge de la luzernière, la façon dont elle est exploitée, sa densité, la nature du
terrain, etc. Il varierait entre quelques dizaines et plusieurs centaines d’unités par hectare.
- Une amélioration de la structure du terrain en profondeur grâce à son puissant système radiculaire.
- Une concurrence vis-à-vis de certaines adventices pluriannuelles.
Les chardons des champs notamment sont gênés par les racines de la luzerne et les coupes fréquentes de la
luzernière.
- Une remontée d’éléments nutritifs vers la surface du sol
Grâce encore une fois à ses racines descendant à deux ou trois mètres de profondeur.
- Elle facilite la culture céréalière sans bétail
En concurrençant certaines adventices, en fixant l’azote, en améliorant la structure du terrain…
Grâce à toutes ces qualités la luzerne est bien une remarquable plante fourragère et une excellente tête de
rotation.
Des exigences fondamentales à bien cerner et des limites à connaître
- Climatiques
La luzerne craint surtout l’humidité excessive qui rend les terres froides et asphyxiantes. Les printemps
régulièrement froids et tardifs accentuent ce risque.
- De sol
Elle aime les terres profondes, saines mais bien alimentées en eau en profondeur, les argilo-calcaires ont sa
préférence.
Elle ne résiste pas en sols minces sur sous-sols compacts, argileux, froids.
Elle craint moins l’acidité qu’on le croit généralement, en fait les pH bas lui sont surtout défavorables en terres
froides asphyxiantes, carencées en phosphore assimilable (facteurs qui, il est vrai, vont souvent de pair !).
En terre sableuse mais ne craignant pas la sécheresse la luzerne peut tenir quatre ou cinq ans avec un pH de cinq.
Dans cette situation on doit toutefois prendre des précautions particulières dont nous parlerons plus loin
(association avec d’autres plantes).
- D’exploitation
Une luzernière humide piétinée par les animaux disparaît rapidement, même bien implantée.
Ainsi la luzerne est peut-être reine mais elle ne l’est qu’en son royaume. Lorsque les conditions ne lui
conviennent pas on doit lui préférer d’autres légumineuses : le trèfle violet en sols frais, le sainfoin en terres
calcaires maigres et peu profondes, la minette ne sols sableux (calcaires ou non), le lotier en terres difficiles
d’une façon générale…
Si vous estimez être en situation limite et ne savez pas trop si vous devez semer ou non de la luzerne prenez la
précaution de lui associer d’autres plantes fourragères. Ces plantes doivent être d’autant plus nombreuses que le
terrain est difficile, leur rôle est multiple : améliorer la structure du sol, neutraliser des toxines éventuelles
(action du ray grass d’Italie en particulier), réduire l’asphyxie radiculaire, stimuler les mycorhizes (association
d’un champignon avec les racines d’une plante)… voir plus loin formules de semis.
La luzerne dans la rotation culturale
Que ce soit en élevage ou en culture céréalières sans bétail la luzerne est une excellente tête de rotation mais son
rôle n’est pas le même dans les deux cas.
En élevage elle constitue d’abord un remarquable fourrage. En culture sans bétail on lui demande de rendre la
rotation techniquement possible mais sa valorisation en tant que culture fourragère n’est pas toujours aisée.
Ne perdez pas de vue que la préparation du terrain après une vieille belle luzernière est parfois difficile en raison
de l’importance du volume des racines. Cette préparation doit être commencée longtemps à l’avance et si
possible conduite selon la technique des façons inversées. 1
Par ailleurs la luzerne ne doit pas être cultivée trop souvent sur la même parcelle. Si on la garde seulement deux
ou trois ans elle peut revenir tous les trois quatre ans mais si elle reste en place cinq, six ans ou davantage ne la
faites pas revenir plus souvent que tous les six huit ans. Précisons tout de même que ces chiffres ne sont qu’un
ordre de grandeur.
Enfin n’oubliez pas qu’une luzernière ne peut être un bon précédent cultural que si elle est détruite en pleine
vigueur. Cette règle, valable également pour la mise en culture des prairies temporaires, est importante mais
souvent ignorée. Une luzernière dégradée ou sur le déclin risque d’être suivie par une ou des cultures sales,
ratées ou à demi réussies seulement. Une belle luzerne enrichit le sol, une luzerne fatiguée, éclaircie, envahie par
les adventices laisse souvent une terre durcie et momentanément appauvrie.
Fumez judicieusement
 On considère habituellement que la fumure azotée de la luzerne est inutile mais que des apports de
phosphores et de potasse, parfois de calcium, lui sont bénéfiques.
1
Les façons culturales « inversées »
Au lieu de commencer par une façon profonde (labour et affiner ensuite la terre on commence par une façon superficielle aux disques ou aux
dents. On continue ensuite avec des passages de dents progressivement plus profonds. Si cela est nécessaire seulement on termine par un
labour léger éventuel. De cette manière on permet aux matières organiques de se décomposer convenablement et à la vie microbienne aérobie
de se développer peu à peu en dessous de la surface (pour réflexion plus approfondie voyez Engrais verts et fertilité des sols par Joseph
Pousset, éditions de la France Agricole).

2
Ce point de vue semble justifié mais pourtant une fumure organique, même assez riche en azote1, est bénéfique à
la luzerne, surtout lors de son installation, sur les sols maigres ou qui ne lui conviennent pas pleinement pour une
quelconque raison.
Toutefois n’abusez pas. En sol riche et lui convenant bien, la luzerne pousse très bien sans fumure organique
azotée. De cette façon, sa capacité de fixer l’azote atmosphérique est stimulée aussi bien au niveau du feuillage
(selon des travaux russes et américains) qu’à celui des racines. Un excès d’azote augmente les risques de verse et
conduit à l’obtention d’un fourrage moins appétent, plus grossier, séchant moins bien.
Apportez plutôt des matières organiques à forte proportion de cellulose et de sucres, par exemple un engrais vert
de seigle et de ray grass convenablement composté en surface. Le mulchage d’une première ou d’une dernière
petite coupe si on peut se le permettre, est souvent recommandable pour la vigueur et la longévité de la
luzernière. Ce n’est pas une perte mais un investissement.
Un apport judicieux de fumier facilite l’installation des bactéries fixatrices d’azote associées aux racines de la
luzerne.
Apportez fumier ou compost en une seule fois en fin d’été sur les luzernes uniquement fauchées.
Les luzernières fauchées et pâturées peuvent recevoir fumier et compost à divers moments et en quantités variées
selon la façon dont elles sont exploitées et la richesse du terrain.
Par exemple en sol maigre ou moyen : apport en février si le terrain est assez sain puis fauche de deux coupes
puis pâturage qui va permettre un deuxième apport grâce aux déjections. L’objectif est de répartir
harmonieusement l’apport par épandage et celui des déjections.
Les luzernières poussant sur terre vivante et riche en matières organiques et exploitée en fauche/pâture peuvent
se passer d’apports systématiques de matières organiques.
 En ce qui concerne le phosphore assimilable on remarque que si le terrain est carencé la luzerne réagit
nettement à un apport d’engrais phosphaté convenable.
Votre sol est pauvre en humus et peu vivant : effectuez l’épandage à la fin du printemps précédant l’installation
de la luzernière, en cas de forte carence complétez par un apport léger au semis.
En sol vivant et bien pourvu en humus l’épandage au semis doit suffire.
Dans tous les cas mélangez l’engrais à la couche superficielle du sol mais ne l’enterrez pas en profondeur.
Le choix du type d’engrais dépend de la nature du terrain ; scories ou phosphates naturels de chaux en terre non
calcaire, scories ou phosphal en terre calcaire.
On reproche parfois à ces phosphates très peu solubles d’être inefficaces. La pratique démontre le contraire à
condition que les apports aient lieu en surface et, surtout dans le cas des terres peu vivantes, plutôt au printemps
ou au début de l’été. Les apports de fin d’été sont possibles également mais il vaut mieux les réserver aux
terrains à activité microbienne suffisante.
Leur assimilation est favorisée si on les apporte au moment du mulchage d’une pousse de la luzerne.
Si on apporte une fumure organique contenant beaucoup de phosphore, par exemple du fumier ou du compost
enrichis en phosphates, cela peut être suffisant pour corriger une carence.
La plupart du temps quarante à cent unités de phosphates par hectare et par an suffisent.
 Pour ce qui est de la potasse des apports convenables de fumier ou de compost suffisent la plupart du temps.
Si ce n’est pas le cas roches broyées ou patentkali peuvent rendre service à des doses à estimer dans chaque
situation en fonction des résultats culturaux et d’analyses de terre éventuelles.
Notons dans le cas de la luzerne à graines l’intérêt d’épandages modérés de lisier ou de purin, déjections riches
en potasse, sur les pailles broyées de la luzerne.
 La question des oligo-éléments assimilables est importante. Voyons quelques données à ce sujet.
Les terres calcaires séchantes craignent la carence en bore, particulièrement gênante pour la production des
graines. Attention toutefois car un excès de bore est rapidement toxique pour les cultures succédant à la luzerne
(notamment le blé). Effectuez des apports modérés et uniquement lorsque c’est vraiment nécessaire.
1
Alors que, curieusement, une fumure azotée minérale de synthèse, même peu importante (vingt ou trente unités) peut compromettre la
culture.

3
Le molybdène est indispensable aux nodosités radiculaires. Les carences en cuivre, fer, soufre sont nuisibles à la
luzerne et, d’une façon générale, à toutes les légumineuses… Notons le cas d’une petite région du Sud-Ouest, le
Verteillacois, où la luzerne ne pousserait que sur arrachages, même anciens, de vieilles vignes ayant reçu
pendant des années du sulfate de cuivre et du soufre (nous allons en reparler plus loin). Le soufre, précisément,
est plus abondant que le phosphore dans les tissus de la luzerne…
Et n’oublions pas le magnésium dont l’importance est souvent sous-estimée par rapport à celle du potassium.
Installation de la luzerne
Les pratiques culturales se rapportant à la luzerne sont variées. Il convient de déterminer les meilleures dans
chaque cas. Voyons les règles de base valables dans la plupart des situations.
 Préparation du terrain
Elle dépend du précédent cultural et, bien sûr, de la nature du sol. N’oublions pas qu’elle dépend aussi beaucoup
de la propreté de ce dernier car la luzerne met du temps à s’installer et craint beaucoup les adventices pendant
cette période.
Efforcez-vous en conséquence d’obtenir une terre :
- propre ;
- suffisamment réchauffée ;
- où les matières organiques sont bien décomposées ;
- bien structuré en profondeur.
Une surface à la fois rassise et motteuse est favorable, un roulage avant le semis est recommandable s’il ne
risque pas de compacter en profondeur (très important). Hersez après avoir semé si la surface risque d’être battue
par la pluie.
Roulez si vous trouvez que la couche superficielle est trop « soufflée ». En terres battantes ou sujette au
ravinement préférez les rouleaux « packer » qui laissent mottes ou sillons ralentissant le ruissellement.
D’une façon générale procédez par façons inversées progressives 1 ; pratiquez déstockages et faux semis ; ne
labourez que quand c’est vraiment utile et pas trop profondément 2. Si le sous-sol est compacté utilisez des
appareils à dents robustes pour le fissurer.
 Faut-il inoculer les semences de la luzerne ?
L’inoculation des semences avec des rhizobium sélectionnées est recommandée lors d’installation de luzernières
en terrains peu favorables à la luzerne. Sans remettre en cause complètement cette pratique signalons que le
mulchage de fumier ou de compost sur le semis est un moyen de réaliser cette inoculation de façon naturelle,
efficace et peu coûteuse.
 Quand semer ?
Le semis est possible en fin d’été ou au printemps, d’une façon générale il doit éviter à la plantule deux
épreuves : le froid et la sécheresse.
Dans la partie sud de la France on sème avec succès en fin d’été (août à mi-septembre) car le froid n’est pas trop
à redouter. Dans les régions à climat rigoureux on sème plutôt au printemps : mi-février à début avril ou même
plus tard si le terrain n’est pas assez réchauffé et ressuyé et si la sécheresse n’est pas à craindre. Dès que les
conditions de terrain sont favorables et que le gel systématique n’est plus à redouter le plus tôt est le mieux. En
effet un semis tardif peut être éliminé par une gelée tardive de mai alors qu’une plante semée plus tôt est plus
développées et résiste mieux.
Attention toutefois car un semis précoce en conditions un peu difficiles (humidité) risque de souffrir davantage
du salissement.
Donc d’une façon générale ayez toujours peur de semer trop tard aussi bien au printemps (risque de sécheresse)
qu’en fin d’été (risque de gel) mais l’état du sol doit servir de guide.
 Comment semer ?
La luzerne est une plante de lumière à implantation très lente. Pour cette raison le semis en terre nue paraît
préférable.
Mais les semis sous couvert, prisés en agriculture biologique, donnent aussi d’excellents résultats lorsqu’ils sont
bien réalisés. Leur avantage est de mieux résister aux mauvaises herbes, leur inconvénient, au moins potentiel,
1
Dans le cadre des façons inversées le labour est souvent rare et on le réalise toujours léger, sauf exception.
2
Ce type de labour doit rester exceptionnel car en agriculture biologique l’enterrage des matières organiques fraîches est proscrit.
4
de limiter temporairement le développement radiculaire de la jeune luzerne d’où moindre résistance à la
sécheresse. Le couvert doit si possible être clair.
Préférez les semis à la volée ou en lignes mais avec organes d’enterrage relevés au dessus du sol. Un cas
particulier ; celui des luzernes à graines sarclées que l’on sème en lignes plus ou moins écartées en fonction du
matériel de sarclage dont on dispose et de l’aptitude de la variété considérée à étaler ses branches ; ne pas
enterrer la graine à plus de un ou deux centimètres de profondeur.
N’utilisez bien entendu que des semences exemptes de cuscute et également de mauvaises herbes pouvant être
gênantes dans les luzernières comme le plantain. Faites attention aux limaces.
 Quelles quantités de semences ?
La quantité de graines à semer est en moyenne de quinze à vingt-cinq kilos par hectare en culture pure.
On diminue les doses dans le cas des variétés à tiges fines et sensibles à la verse et surtout dans le cas des
cultures à graines semées en lignes et sarclées.
Si votre luzerne est surtout destinée à la fauche semez assez clair pour éviter un excès de tiges fines sensibles à la
verse mais pas trop pour limiter l’apparition de grosses tiges dures qui sèchent mal.
Par ailleurs, semez plus dense dans les terrains secs sur lesquels la verse est moins à craindre et d’une façon
générale dans le cas des luzernières surtout destinées au pâturage.
Enfin, vous pouvez évidemment réaliser un semis d’autant plus dense que la variété choisie résiste bien à la
verse.
Au total : beaucoup de facteurs influencent la densité du semis, situation d’autant plus compliquée que tous ces
facteurs se combinent les uns aux autres de façon particulière dans chaque situation.
On aboutit à des doses extrêmes variant de cinq kilos par hectare (culture à graines sarclée sur terre riche et
fraîche) à trente kilos par hectare (semis à pâturer en sol sec) mais la moyenne se maintient autour d’une
vingtaine de kilos/ha le plus souvent.
 Des associations possibles
La luzerne s’associe bien aux graminées ou même à certaines légumineuses, surtout si le terrain ne lui convient
pas tout à fait comme nous l’avons déjà signalé.
Choisissez des espèces et variétés dont les précocités coïncident bien entre elles et correspondent bien au climat
local. Pour que le mélange soit homogène semez en deux fois : légumineuses ensemble et graminées ensemble.
Si vous mélangez les deux elles vont avoir tendance à se séparer dans la trémie du semoir et le résultat ne sera
pas le même au début et à la fin du semis.
Voici quelques exemples d’associations possibles (doses/hectares) :
- luzerne (15 kg) + dactyle (5 à 8 kg) ;
- luzerne (15 kg) + fétuque des prés (8 à 10 kg) ;
- luzerne (12 kg) + fléole (4 kg) ;
- luzerne (18 kg) + ray gras d’Italie (5 à 8 kg) ;
On peut choisir des mélanges plus complexes, en voici un exemple pour terre siliceuse favorable au trèfle :
luzerne (9 kg) + trèfle violet (6 à 8 kg) + ray grass d’Italie (2 à 4 kg) + dactyle (5 kg).
Si on veut obtenir un fourrage à faucher pour de jeunes animaux (agneaux…), des volailles, des porcs on peut
ajouter à ce mélange deux kilos de graines de consoude (si on peut en trouver !).
Entretien de la luzernière
En dehors de la fumure, déjà abordée, cet entretien va surtout consister à lutter contre adventices, parasites et
maladies.
 Pour prévenir les envahissements d’adventices n’hésitez pas herser au sortir de l’hiver ; intervenez lorsque
votre terre est bien ressuyée mais en dehors de toute période de sécheresse.
Pendant les deux ou trois premières années de la luzernière le travail ne doit pas être énergique, les herses
sarcleuses conviennent alors parfaitement. A partir de la troisième année il peut être plus marqué et on peut
utiliser, si cela se justifie, des cultivateurs légers. Effectuez deux passages croisés.
Grâce à ses fortes racines la luzerne résiste bien à ces façons culturales. Par contre, beaucoup d’adventices sont
extirpées, notamment les crucifères (moutarde, sanves), les agrostis… Notez que dans les parcelles où les

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graminées, telles les agrostis, sont envahissantes les mélanges luzerne + trèfle + graminées réussissent
généralement bien et évitent ce salissement.
Le cas des plantes parasites comme la cuscute est particulier. Si leur présence est due à une abondante réserve de
graines il vaut mieux éviter luzernes et trèfles et, dans les terres calcaires, préférer le sainfoin qui, lui, résiste
bien. On peut, exceptionnellement 1, enfouir par un labour des pailles peu décomposées d’avoine ou de seigle car
cela facilite la descente des fines graines de la cuscute en profondeur. Ensuite bien sûr de remonter ces graines
par de nouveaux labours et pratiquez judicieusement des façons inversées.
Si l’envahissement par les plantes parasites est dû à un mauvais état de résistance de la luzernière la situation est
plus compliquée. Voyez alors si le sol n’est pas devenu asphyxiant par suite de compactages en période humide,
si la luzerne n’a pas été surexploitée, si des déséquilibres ou des carences n’existent pas au niveau des oligo-
éléments (zinc, cuivre, fer, molybdène, manganèse…). Cette question des oligo-éléments est particulièrement
complexe mais de nombreuses observations sur le terrain conduisent à croire qu’elle est en cause plus souvent
qu’on le pense.
 Les maladies de la luzerne les plus gênantes (schizoctone, sclérotinia, verticilliose…) sont souvent liées à
l’asphyxie du sol et du sous-sol, au tassement en période humide, éventuellement à des déséquilibres minéraux, à
un retour trop fréquent des luzernières… Le seul énoncé des causes suggère les remèdes à appliquer pour éviter
ces accidents.
Dans le cas de l’anthracnose (dessèchement des feuilles) avancez la date de fauche si c’est nécessaire.
 Si les insectes ravageurs (cécidomie, négril…) vous inquiètent fauchez avant que les larves aient eu le temps
de causer trop de dégâts. Utilisez en dernier recours un insecticide végétal en veillant à traiter au bon moment et
dans des bonnes conditions (faites-vous aider par un connaisseur si nécessaire).
 Dans le cas des luzernes à graines les insectes pollinisateurs jouent un grand rôle, notamment les bourdons
hélas décimés par les insecticides et la destruction des haies et des talus, de même d’ailleurs que les insectes
auxiliaires carnivores qui s’attaquent aux larves des insectes ravageurs.
L’introduction de ruches dans les parcelles de luzerne améliore la pollinisation mais ne règle certes pas la
question de la disparition des bourdons et des autres insectes auxiliaires de l’agriculteur.
Bien exploiter la luzerne

 Tout d’abord quelques règles fondamentales :


- alterner la fauche et la pâture chaque fois que cela est possible, cela permet de lutter contre le salissement de
maintenir la fertilité du terrain, de tasser le sol ni trop ni trop peu…
- laisser la luzerne fleurir au moins une fois par an pour qu’elle reconstitue les réserves de ses collets et de ses
racines ;
- laisser un temps de repousse suffisant entre deux récoltes de la luzernière (quelle que soit la technique de
conservation du fourrage) ;
- si possible ne pas récolter la dernière coupe si la plante n’est pas prête à boutonner avant les premières
gelées, pour permettre aux réserves nutritives des tiges et des feuilles de migrer au moins en partie vers les
racines. On perd ainsi cinq à quinze pour cent de fourrage pour le bétail mais on gagne bien plus en favorisant la
vigueur et la précocité des pousses l’année suivante et la longévité de la luzernière.
 Pour maintenir la plaie de la luzerne dans les mélanges on joue sur deux facteurs :
- le stade d’exploitation ;
- la fumure.
Des récoltes systématiquement trop précoces épuisent la luzerne et favorisent les graminées qui y sont associées.
Des récoltes systématiquement trop tardives, réalisées après l’épiaison des graminées entraînent peu à peu un
étouffement de la luzerne par ces dernières et un salissement progressif de la parcelle.
Pour maintenir un bon équilibre efforcez-vous de récolter en fin de montaison des graminées et au stade boutons
ou premières fleurs de la luzerne. Notez que cette technique favorise la luzerne si une période de sécheresse
survient après la coupe.
Dans le cas du pâturage pratiquez une formule tournante aussi soignée que possible et évitez surtout que les
bêtes consomment les jeunes repousses. Vous risqueriez d’une part de gaspiller la luzerne adulte qui durcit vite
et devient inappétente, d’autre part de fatiguer ou même faire disparaître la luzerne qui repousse. N’oubliez pas
1
Cf. note précédente.

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qu’en période chaude et sol frais cette dernière se développe de plusieurs centimètres par jour et est
particulièrement appétente mais en même temps vulnérable.
 Les meilleures façons de récolter la luzerne pure dépendent de la situation de chaque ferme
Dans notre pays la première coupe de luzerne a lieu en moyenne dans la deuxième quinzaine de mai. N’attendez
pas que la plante soit en fleurs (sauf une fois comme signalé précédemment), intervenez quand elle est en
boutons ou dès que les premières fleurs sont là. Ce fourrage jeune est particulièrement riche en énergie et en
matières azotées et la quantité de matière récoltée guère inférieure (dix ou quinze pour cent peut-être) à celle
obtenue une ou deux semaines plus tard.
On exploite ensuite toutes les six semaines environ, ce qui permet de réaliser trois à cinq (voire six en zone
irriguée) récoltes par an. J’insiste sur l’adverbe « environ » car les conditions locales jouent un grand rôle.
Faut-il ensiler ou faner ? Notons tout d’abord que l’ensilage de luzerne pure est délicat à réussir : richesse en
calcium qui limite l’acidification, grosses tiges qui entravent le tassement, manque de sucres solubles… Il est
possible toutefois mais veillez à effectuer une coupe fine et tassez soigneusement le silo.
Un mélange luzerne plus graminées est plus facile à ensiler car ces dernières apportent des sucres.
Dans tous les cas, vous avez intérêt à laisser la luzerne se ressuyer pour augmenter la teneur en matière sèche du
produit récolté. Si vous réalisez un préfanage suffisamment prolongé, vous pouvez obtenir un véritable
« haylage » comportant plus de cinquante pour cent de matière sèche récoltable par la technique de
l’enrubannage. Dans ce cas attention aux tiges dures de luzerne qui percent parfois l’enrobage plastique, faites
tourner plusieurs fois le fourrage dans votre machine pour casser ces tiges avant de poser le ruban de plastique.
Le fanage est évidemment plus ou moins facile et donne un fourrage plus ou moins bon selon les conditions
météorologiques ; d’une façon générale, arrangez-vous pour perdre le moins possible de feuilles.
Les techniques de séchage de la luzerne par ventilation permettent de récolter après un ressuyage d’une journée
sur le terrain et donnent un foin de qualité exceptionnelle, permettant à lui seul une production laitière élevée.
Il peut se révéler judicieux d’associer ces diverses méthodes de récolte ; par exemple : ensilage ou enrubannage
de la première coupe puis enrubannage ou fanage de la seconde coupe, enfin pâturage ou enrubannage de la ou
des coupes suivantes, sans oublier le mulchage déjà évoqué d’une dernière pousse.
Le pâturage de la luzerne pure peut présenter des risques de météorisation. Ne mettez pas vos bêtes dans la
luzernière tôt le matin surtout quand il fait froid ; donnez leur quelques kilos de foin avant de les laisser sortir.
Pratiquez un pâturage rationné bien conduit.
 Le cas particulier des luzernière irriguées
En climat chaud et sol favorable l’irrigation permet des productions étonnantes (une coupe à peu près à chaque
lunaison, soit tout les vingt-huit jours !).
Mais cela n’est valable que sur les terres se ressuyant vite et bien. L’apport d’eau doit cesser assez tôt en arrière
saison pour permettre un assèchement nécessaire à la structure du terrain et à la santé des plantes, avant les
pluies d’automne, même si ces dernières tardent à venir.
 Valeur alimentaire de la luzerne (d’après données INRA et ITEB)

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Coupes suivantes
Première coupe (repousses âgées de 5
semaines)
Stade début
Stade début floraison Stable floraison 2ème coupe 3ème et 4ème coupes
bourgeonnement
Luzerne sur pied
Teneur en UFL (nombre
d’Unités Fourragères 0,81 0,73 0,69 0,81 0,82
Lait par kg de matière
sèche)
Teneur en UFV (nombre
d’Unités Fourragères
Viande par kg de matière
sèche)
Teneur en MAD* (g de 0,74 0,64 0,59 0,73 0,75
Matières Azotées
Digestibles par kg de
matière sèche) 166 146 135 178 205
Ensilage de luzerne de Stade
bonne qualité bourgeonnement
Teneur en UFL (par kg 0,78 0,73 0,81
de matière sèche)
Teneur en UFV (par kg 0,70 0,64 0,73
de matière sèche)
Teneur en MAD* (en g 148 143 174
par kg de matière sèche)
Foin de luzerne (séché Stade Repousses âgées
au soleil) bourgeonnement de 7 semaines
Teneur en UFL (par kg 0,64 0,57 0,61
de matière sèche)
Teneur en UFV (par kg 0,54 0,46 0,50
de matière sèche)
Teneur en MAD* (en g 107 100 114
par kg de matière sèche)

*Pour des raisons de simplification, nous nous bornons à donner des indications exprimées en MAD et non en PDIN et PDIE. Pour calculer des rations de base plus précises, il convient de
se reporter au tableau de la valeur nutritive des fourrages contenu dans l’ouvrage intitulé : Pratique de l’alimentation des bovins (édité par l’INRA et l’ITEB).

Les principales variétés actuellement cultivées


On distingue des variétés « nordiques » et des variétés « méditerranéennes » ; parmi les nordiques on considère
traditionnellement les types « Flamand » (la presque totalité) et « Marais de l’Ouest » représenté essentiellement
par la variété « Polder », plus résistante que les autres à l’excès d’eau.
Le tableau ci-dessous (revue Semences et Progrès d’avril 1999) présente les variétés de luzerne actuellement
disponibles.

LUZERNE (VARIETES POUR LA ZONE MEDITERRANEENNE)

Résistances Rendement (en % d’Europe) Qualité


Variété
Représentant
(et année Verticil- 1ère et Total
commercial nématodes Autres Teneur en Grosseur
d’inscription) verse liose 2ème années 1 et
2
1 coupes protéines des tiges3
coupes 2
Cinna (84) RAGT 4,6 6,2 83 96 100 98 99 5,0
Coussouls4 (98) Plan Semences 4,5 4,1 66 95 86 91 104 -
Estérel (90) Barenbrug France 5,6 6,3 - 104 100 102 98 5,6
Livia (85) RAGT faible faible - bon très bon très bon assez bonne fine
Lobo (98) Plan Semences 4,0 6,8 89 101 106 103 97 4,5
Magali (71) Plan Semences 5,2 4,3 83 100 100 100 100 5,8
Semences Vertes et assez
Médalfa (88) moyenne - bon très bon très bon bonne assez fine
Semunion Verneuil faible
5
Meldor (95) Advanta France 5,6 4,9 82 102 98 100 101 7,3
Midi (87) Semunion Verneuil faible moyenne - bon très bon très bon bonne assez fine
Oro (91) Barenbrug France 6,4 4,7 - 103 103 103 100 5,7

1
La résistance à la verticilliose est mesurée à partir de tests artificiels. Les notes vont de 1 = sensible à 9 = résistant. Le seuil de signification
est de 1,1 point
2
La résistance aux nématodes est mesurée à partir de tests artificiels. Le chiffre indique le pourcentage de plantes infestées après inoculation.
Le seuil de signification est de 12 points.
3
La grosseur des tiges est notée de 1 = très fine à 9 = très grosse.
4
Coussouls est préconisée pour la pâture.
5
Meldor est de type semi-dormant

8
LUZERNE (VARIETES POUR LE NORD)

Variété Résistances Rendement (en % d’Europe) Qualité


(et année Représentant ère
d’inscription) commercial Verticil- 1 et Total
nématodes Autres Teneur en Grosseur
verse liose1 2 2ème années 1 et
coupes protéines des tiges3
coupes 2
assez assez
Alégro4 (84) Verneuil Semences moyenne moyenne très bon bon bonne moyenne
bonne bon
Aubigny (99) (Lafite) 6,1 5,1 51 100 105 102 100 6,4
assez
Alizé (83) Semunion Verneuil moyenne - moyen bon très bon bonne moyenne
bonne
assez
Belfeuil (83) Barenbrug France très bonne bonne - moyen assez bon bonne fine
bon
Bella (90) Barenbrug France 6,9 6,6 - 101 104 102 100 5,9
Cannelle (98) RAGT 5,8 6,1 44 101 100 100 103 4,4
Capri (92) Florimond Desprez 6,6 6,1 44 101 103 102 103 6,6
Comète (96) Semences Vertes 6,9 5,9 16 99 98 99 101 5,1
assez
Concorde (87) Plan Semences bonne - moyen bon bon assez bonne moyenne
bonne
Daisy (90) Force Limagrain 6,3 8,8 45 95 100 98 104 6,4
Daphné (96) Florimond Desprez 7,0 6,4 29 100 98 99 102 5,1
assez
Défi (88) Barenbrug France moyenne - moyen très bon très bon bonne très grosse
bonne
assez
Derby (81) Barenbrug France moyenne moyenne - bon très bon bonne très grosse
bon
Diane (91) Semunion Verneuil 6,7 8,1 48 98 102 99 102 6,3
Europe (61) Florimond Desprez 7,1 5,7 88 100 100 100 100 7,2
assez assez assez
Euver (76) Florimond Desprez moyenne très bon bon assez bonne très grosse
bonne bonne bon
Fauna (96) (E. Schmidt) 5,7 6,1 80 103 100 103 99 7,7
Harpe (96) Semunion Verneuil 8,0 6,0 53 100 98 100 106 6,8
Hybride assez assez
(63) RAGT faible faible bon bon - fine
Milfeuil faible bon
Janu (90) Barenbrug France 6,6 5,7 - 98 107 101 100 6,3
Florimond Desprez
Jersey (91) 6,9 7,7 66 96 96 96 101 5,6
et Plan Semences
Julia (94) Semences Vertes 7,2 7,0 68 98 96 99 105 5,9
Kali (97) Semunion 7,6 5,9 56 98 94 97 104 6,9
assez
Kara (79) Florimond Desprez bonne faible moyen bon bon bonne grosse
bonne
assez assez
Lifeuil (82) RAGT très bonne faible bon assez bon bonne -
bonne faible
5
Luzelle (93) Semunion Verneuil (5) 4,1 - 95 93 94 107 5,2
(Pioneer
Marshal (97) 5,8 6,4 27 100 99 99 103 4,5
Génétique)
assez assez
Maya (86) Florimond Desprez bonne - moyen bon bonne moyenne
bonne bon
Mercédès (94) Force Limagrain 5,4 6,6 19 101 99 100 103 6,2
assez assez
Orca (66) Carneau Frères très bonne faible moyen assez bon - très grosse
faible bon
assez assez
Pécy (88) RAGT moyenne - bon bon bonne assez fine
bonne faible
assez assez
Polder6 (72) (Leduc et Lubot) faible - moyen très bon bonne fine
faible bon
Recor (90) Advanta France 5,8 5,9 50 100 105 102 100 6,0
assez
Résis (77) Force Limagrain moyenne bonne faible moyen bon très bonne moyenne
bon
(Pioneer
Rival (88) faible très bonne - bon très bon très bon assez bonne assez fine
Génétique)
Sanditi (95) Barenbrug France 5,2 5,3 49 103 106 104 99 6,1
Ségala (97) Force Limagrain 5,1 6,1 37 97 98 98 105 5,2
Sitel (80) Barenbrug France 6,5 6,8 67 96 99 97 104 6,2
Symphonie (99) Florimond Desprez 5,9 6,2 38 100 99 100 103 7,0
Tango (91) Semences Vertes 6,4 7,2 73 99 105 101 100 6,6
Fertiberry
Vermont (95) 5,8 6,0 - 97 101 99 104 5,9
Semences

1
La résistance à la verticilliose est mesurée à partir de tests artificiels. Les notes vont de 1 = sensible à 9 = résistant. Le seuil de signification
est de 1,1 point.
2
La résistance aux nématodes est mesurée à partir de tests artificiels. Le chiffre indique le pourcentage de plantes infestées après inoculation.
Le seuil de signification est de 12 points.
3
La grosseur des tiges est notée de 1 = très fine à 9 = très grosse.
4
Alégro donne un très bon rendement en coupes fréquentes.
5
Luzelle ne verse pas (port étalé) ; elle est préconisée pour la pâture, en association avec une graminée.
6
Polder est de type « Marais de l’Ouest ». Elle est très tolérante à l’excès d’eau en automne et à l’urophlyctis.
Quelques réflexions à propos d’un phénomène complexe et mystérieux : la « fatigue »
des luzernières
Certains agriculteurs âgés estiment que les luzernières se dégradent plus vite à l’heure actuelle qu’autrefois,
avant la généralisation des pratiques agricoles industrielles. Faute d’observations systématiques précises, ce
phénomène n’est pas très facile à mettre clairement en lumière mais je pense qu’ils ont raison.

1) Des causes liées aux pratiques et non au terrain

L’observation montre que la luzerne s’installe et produit convenablement chez un producteur alors qu’elle ne
pousse pas correctement chez un autre qui exploite des terres pourtant identiques.
Au cours des années 1960, Jean-Marie Roger, confronté à cette question en tant que conseiller agricole, a
conduit des essais d’oligo-éléments (notamment : soufre, cuivre, cobalt, zinc, sodium…).
Le résultat d’ensemble n’a pas été très probant ; cependant une algue d’origine anglaise a paru améliorer la
situation. Par ailleurs, un résidu de distillation de la houille apportant du soufre et des produits cyanurés semble
efficace mais potentiellement toxique et peu disponible dans le commerce.
Il a également observé que la luzerne et les légumineuses en général étaient plus belles après arrachages de
vignes qu’après cultures habituelles (céréalières ou autres). On pense bien sûr en premier lieu que le soufre et le
cuivre pulvérisés sur le vignoble ont enrichi la terre et expliquent la différence.
Mais les façons culturales ne sont sans doute pas étrangères au phénomène. Les vieilles vignes du Riberacois ont
généralement été peu ou pas désherbées, ont reçu régulièrement du fumier, ont été labourées peu profondément
(sols minces). Les terres de cultures de la région, à l’inverse, ont été travaillées plus profondément (d’où
remontée de calcaire bloquant l’humus), ont reçu des engrais chimiques, ont manqué de restitutions
organiques… Tous ces facteurs se renforcent sans doute les uns les autres sans qu’il soit facile d’incriminer l’un
plutôt que l’autre.

2) Un raisonnement logique et quelques observations peuvent nous aider à voir plus clair et à mettre toutes
les chances de notre côté :
 Les légumineuses sont des capteurs d’azote atmosphérique et redoutent l’engrais azoté. Claude
Pfitzenmeyer, spécialiste de la luzerne, a montré que si on apporte plus de 25 unités d’azote sous forme chimique
à une jeune luzerne on pénalise l’implantation de cette dernière et on prépare sa disparition précoce. On l’oblige
en effet à travailler « en graminée », chose qu’elle ne peut pas faire et on perd au moins partiellement son atout
de légumineuse : la capacité à fixer l’azote de l’air grâce aux modalités des racines.
Bien entendu, cette question ne se pose pas de la même façon en agriculture biologique mais attention à des
épandages importants, par exemple, de fientes de volailles sur des semis de luzerne installés sous abri de
céréales.
Si vous voulez réussir à la fois la céréale et la luzerne en sol moyen ou maigre, faites fournir l’azote à cette
céréale par le précédent cultural plutôt que par un apport d’engrais organique à action rapide.
Exemple possible parmi d’autres : si le précédent était déjà une céréale, déchaumage éventuel et semis de vesce
d’hiver associée éventuellement à une autre culture d’engrais vert comme l’avoine, si la folle avoine est très
présente dans la parcelle, ou le colza semé clair, si présence de moutardes sauvages, ou encore de ray grass
d’Italie, si présence de vulpin et sol se ressuyant vite en fin d’hiver (autrement la destruction du ray grass risque
d’être trop difficile)υcompostage en surface bien conduit de l’engrais vert en fin d’hiverυsemis d’une céréale de
printemps ou même d’une culture de printemps plus tardive comme le maïs ou le tournesol en terre ne craignant
pas la sécheresse (important)υsemis de la luzerne.
De cette façon une fumure azotée à action rapide est moins nécessaire. Cela n’empêche pas d’apporter compost
ou fumier au moment de l’incorporation de l’engrais vert si on le juge utile.
La décomposition des matières organiques fournit l’azote progressivement à la plante abri.
On peut également favoriser de cette façon l’ensemencement du terrain en bactéries fixatrices dont certaines sont
communes à plusieurs espèces de légumineuses.
On peut bien sur imaginer d’autres itinéraires culturaux en s’inspirant de l’exemple précédent, y compris avec
des céréales d’hiver comme plantes abris. L’essentiel est que l’azote fourni à ces dernières ne nuise pas à la
luzerne en « empoisonnant » les bactéries fixatrices.
 Les légumineuses on besoin de bactérie fixatrices qui craignent les déséquilibres du sol.
La luzerne, pour sa part, ne peut pas vivre sans les rhizobium qui ne peuvent eux-mêmes prospérer sans présence
suffisante de molybdène assimilable.
En contrepartie un excès de ce molybdène assimilable entraîne un blocage du cuivre, autre oligo-élément
indispensable à la luzerne. Les choses ne sont donc pas simples. Le molybdène assimilable manque souvent en
terre acide mais est parfois libéré en excès dans les terres très calcaires. Or, les labours trop profonds et trop
fréquents en sols calcaires peuvent remonter et activer le calcaire de façon excessive. Attention donc aux façons
culturales : elles peuvent indirectement pénaliser les bactéries fixatrices d’azote atmosphérique.
Une bonne analyse de terre permet parfois de déceler un mauvais équilibre minéral que l’on compense alors avec
un apport approprié selon la situation (mélange d’oligo-éléments, lithothamne, etc.).

Mais on n’est jamais assuré à l’avance du bon choix et de l’efficacité d’un remède, aussi remarquable soit-il.
Aussi vaut-il toujours mieux prévenir que guérir.

En l’occurrence des façons culturales judicieuses associées, dans les cas douteux, à un apport bien choisi permet
de mettre le maximum de chances de son côté.
 Importance du magnésium : Claude Pfitzenmeyer signale que selon Hobbs les fumures phosphatées et
potassiques « accélèrent l’épuisement des réserves d’eau du sol et diminuent au contraire la persistance de la
luzernière » (La Luzerne, culture et fertilisation, 1963 – page 54). Ceci ne veut bien sûr pas dire qu’il faille
bannir les apports de phosphore et de potassium mais que lorsque ceux-ci sont effectués sous forme minérale ils
doivent être proportionnels aux réserves d’eau de la terre.

Les apports sous forme organique ne présentent pas les mêmes risques pour plusieurs raisons, notamment la
capacité de l’humus à augmenter la réserve d’eau utilisable par les plantes.
Dans les terres ayant été cultivées classiquement pendant une longue période le rapport potassium/magnésium
est souvent trop élevé par suite d’apports excessifs en potasse et insuffisants en magnésie.
Veillons donc à le corriger si cela est nécessaire par des apports d’engrais magnésiens (par exemple : chaux
magnésienne ou sulfate de magnésie selon le cas).

 Le phosphore : un rôle essentiel


Son métabolisme est lié à celui du magnésium et de l’azote. L’assimilation convenable de l’azote par la plante
est liée à une présence suffisante de phosphore.
Acide phosphorique et magnésie vont de pair dans l’alimentation de la plante : une carence en phosphore gêne
l’assimilation du magnésium et inversement.
Malgré son importance pratique dans la culture de la luzerne le phosphore n’est pas très abondant dans le
fourrage fourni par cette culture. Ce sont surtout, probablement les rhizobium qui ont besoin de lui.
Les phosphates naturels et les scories, bien que très peu solubles, sont intéressants comme engrais phosphatés en
raison de leur richesse en oligo-éléments. Leur efficacité est la meilleure en période assez chaude et terrain frais
sans excès d’humidité (périodes d’épandage en conséquence).
Mais les apports sous forme organique restent préférables lorsqu’ils sont possibles et suffisants.

 Compostage : un effet parfois discret mais toujours dommageable


Selon Sheesely lorsqu’une luzerne est fauchée, fanée et récoltée au moins 70 % de la surface du champ sont été
parcourus par les roues des machines et endommagés. Après plusieurs coupes, les dégâts au sol et aux plantes
peuvent devenir vraiment sérieux, surtout si tous ces travaux ont été effectués dans de mauvaises conditions.
Dans les sols à structure fragile (par exemple sables limoneux) il faudrait attendre pour faucher que la racine de
la luzerne atteigne quarante à cinquante centimètres de longueur car à cette profondeur et en conditions
moyennes le tassement par un engin pas trop lourd n’est plus sensible.
Si on arrive à combiner régulièrement engins légers, bonnes largeurs de travail, conditions optimales de terrain
on augmente simultanément la production annuelle de la luzernière (probablement de une ou deux tonnes de
matière sèche) et sa persistance (de un ou deux ans au moins).

 D’autres causes plus habituelles de dégradation et de vie raccourcie des luzernières


- Densité trop faible favorisant les adventices ; en dessous de cent plantes par mètre carré le risque de
salissement (et également de chute de rendement) augmente nettement.
- Plante-abri trop étouffante.
- Des plantes trop envahissantes associées à la luzerne.
- Fumure inadaptée.
- Restitutions organiques insuffisantes : manques, excès ou déséquilibres en tous genres.

11
- Exploitation mal conduite, fauches trop précoces ou trop fréquentes : tassement par les machines ou les
animaux en période humide…
- Terrain peu propice (trop acide, asphyxiant…).
- Retour trop fréquent de luzerne.
- Variété mal adaptées. Exemple classique : Polder résiste mieux à l’humidité automnale que les autres
variétés.
- Maladies et parasites, une luzernière malade ou parasitée par la cuscute vivra évidemment moins
longtemps que si elle est saine.
- Attaque de limaces sur jeune luzerne si les conditions sont favorables aux limaces (humidité importante,
terre motteuse…) n’hésitez pas à intervenir avec un produit toléré en agriculture biologique ; épandage de
préférence en soirée environ deux semaines avant le semis et une deuxième fois au moment de la levée.
- Ne pas oublier que la production de graines sollicite davantage le sol que le pâturage ou même la
fauche. Par contre la restitution des pailles est intéressante quoique apportant peu de sucres, aspect gênant
pour le maintien d’une vie microbienne équilibrée.
 N’hésitez pas à effectuer des essais
Notamment concernant la fumure et spécialement l’apport de tel ou tel oligo-élément, les traitements ou non des
semences avec les rhizobium du commerce, les stades de fauche… N’oubliez surtout pas de laisser dans tous les
cas des témoins fiables.

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