La Grace de Dieu Extrait

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 25

La grâce de Dieu

c'est pour la vie !


Jerry Bridges

La grâce ne tarit pas à la conversion

EUROPRESSE
1
La tyrannie
des résultats
«Êtes-vous tellement dépourvus de sens ? Après avoir commencé par
l’Esprit, voulez-vous maintenant finir par la chair ?»
(Galates 3:3)

La faillite ! Ce mot évoque quelque chose d’horrible. À vrai dire, plus qu’un
simple mot, c’est l’expression d’un échec, qui peut aller de l’incapacité à
payer ses dettes jusqu’à la ruine totale.
Même dans notre société laxiste et permissive, la faillite implique
toujours une certaine mesure de déshonneur, voire de honte. Pouvez-
vous imaginer un garçon qui va se vanter de la faillite de son père auprès
de ses camarades ?
Dans la sphère morale, le mot faillite revêt une connotation encore
plus désobligeante. Décrire quelqu’un comme étant «en faillite» sur le plan
moral équivaut à ne lui reconnaître aucune qualité morale valable, à le
comparer à Hitler - la pire des descriptions possibles pourrait-on dire.
10 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

Peut-être n’y avez-vous jamais songé de cette façon, mais vous aussi,
vous êtes en faillite. Je ne fais référence ici ni à votre situation financière,
ni à votre état moral. Vos finances peuvent être aussi solides que le mont
Blanc et vous-même la personne la plus droite de votre entourage. Vous
n’en êtes pas moins en faillite, et moi aussi d’ailleurs.
Vous et moi, comme tout individu au monde, souffrons de faillite
spirituelle. À vrai dire, à l’exception de Jésus-Christ, tout homme qui a
jamais vécu (quelle que soit sa condition morale ou religieuse) a connu la
faillite spirituelle. L’apôtre Paul en fait état :

«Il n’y a point de juste, pas même un seul ; nul n’est intelligent, nul
ne cherche Dieu ; tous sont égarés, tous sont pervertis ; il n’en est
aucun qui fasse le bien, pas même un seul» (Romains 3:10-12).

C’est bien là la faillite spirituelle la plus absolue. L’entreprise qui dépose


son bilan possède toujours quelques actifs dont la vente couvrira une
partie des dettes. Mais nous n’avons rien à donner à Dieu pour réduire
notre dette. Même «notre justice est comme un vêtement souillé» (Ésaïe
64:5). Par nature, nous sommes dans le dénuement spirituel, incapables
de payer notre dette.
Nous avons alors appris que le salut est un don de Dieu ; entièrement
par grâce au moyen de la foi - pas par nos œuvres, afin que personne ne
se glorifie (Romains 6:23 ; Éphésiens 2:8,9). Nous avons donc renoncé à nous
appuyer sur notre prétendue droiture pour nous tourner par la foi vers
Jésus-Christ seul et recevoir de lui le salut. Par cet acte, nous avons en
substance reconnu notre faillite spirituelle. Mais quelle sorte de faillite
avons-nous admise ? Il existe deux stades pour les sociétés en difficulté
financière. D’une part, elles peuvent être mises en «redressement judi-
ciaire». L’entreprise choisit cette option si sa base demeure saine et si elle
envisage de résoudre ses problèmes financiers d’ici quelque temps.
la tyrannie des résultats 11

L’autre solution, la «liquidation», concerne une société qui arrive au


bout du rouleau. Non seulement ses dettes la submergent, mais elle n’a
aucun espoir de redevenir solvable. Il lui faut liquider ses actifs et rem-
bourser ses créanciers, souvent à un pourcentage dérisoire. Pour cette
société, tout s’arrête là. Les propriétaires et les actionnaires perdent tout
leur investissement. Personne n’aime cette faillite-là.

En redressement ou en liquidation ?

À quel stade nous trouvons-nous ? Selon l’analogie, sommes-nous en


redressement ou en liquidation ? Pour la plupart, nous dirons avoir déclaré
la liquidation de notre état. Ayant mis notre confiance en Jésus-Christ seul
pour notre salut, nous avons compris qu’il est impossible d’ajouter quoi que
ce soit à son œuvre par nos efforts. Nous croyons qu’il a entièrement réglé
notre dette vis-à-vis du péché et qu’il nous a acquis le don de la vie éternelle.
Nous ne pouvons rien faire de plus pour gagner le salut. Par conséquent,
en termes juridiques, nous avons atteint le stade de la liquidation.
Toutefois, semble-t-il, beaucoup n’ont atteint, en réalité, que celui du
redressement judiciaire. Après avoir mis notre confiance en Christ seul pour
le salut, nous recommençons, de façon subtile et inconsciente, à vivre une
relation avec Dieu fondée sur les œuvres. Nous acceptons que même nos
meilleurs efforts ne peuvent pas nous conduire au ciel, mais nous pensons
qu’ils nous gagnent les bénédictions divines pour la vie quotidienne.
Après la conversion, nous commençons à nous débarrasser des péchés
les plus évidents. Nous commençons aussi à fréquenter une église, à contri-
buer à la collecte et peut-être même à participer à un petit groupe d’étude
biblique. Nous constatons un changement positif dans notre manière de
vivre et nous en éprouvons quelque satisfaction. Nous avons l’impression
d’émerger de cette situation de faillite pour contribuer à notre avancement
dans la vie chrétienne.
12 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

Puis vient le jour de la première chute. Nous retombons dans un


ancien péché, ou nous manquons de faire ce que nous aurions dû. Du
fait que nous pensons être redevenus autonomes, capables de régler le
coût de notre progression, nous supposons avoir perdu toute bénédiction
divine pour un temps indéterminé, car, à nos yeux, notre espérance des
bénédictions de Dieu dépend de la mesure de notre réussite à vivre la vie
chrétienne. Nous avons seulement déclaré un redressement judiciaire
pour entrer dans son royaume. Il nous faut donc maintenant gagner notre
progression avec Dieu. Nous avons été sauvés par grâce, mais nous vivons
selon nos résultats.
Si vous pensez que j’exagère, faites donc ce test. Pensez à un moment
récent où vous avez trébuché dans votre vie spirituelle. Puis imaginez avoir,
immédiatement après, une occasion formidable de partager votre foi en
Christ avec un ami non-chrétien. Le faites-vous en ayant une confiance
totale en l’aide de Dieu ?
Nous sommes tous légalistes par nature. En d’autres termes, nous
pensons de façon innée que tant d’efforts de notre part suscitent tant de
bénédictions divines. L’apôtre Pierre pensait ainsi. Après avoir entendu
la conversation de Jésus avec le jeune homme riche, il dit au Seigneur :
«Nous avons tout quitté et nous t’avons suivi ; qu’en sera-t-il pour nous ?»
(Matthieu 19:27) Pierre avait calculé ses points de mérite et voulait savoir à
quelle récompense il aurait droit.
Notre culture chrétienne tend aussi à renforce cette attitude. On nous
exhorte à aller régulièrement à l’église, à passer quotidiennement du temps
à méditer, à étudier la Bible, à prier, mémoriser les Écritures, témoigner
aux autres, donner à des œuvres missionnaires...
Toutes ces choses sont, effectivement, des activités importantes de
la vie chrétienne. Or, bien que nul n’ose le dire ouvertement, nous entre-
tenons une vague impression de devoir accomplir cela ou sinon Dieu ne
nous bénira pas.
la tyrannie des résultats 13

Puis nous ouvrons la Bible et lisons qu’il faut travailler à notre salut,
rechercher la sanctification, faire tous nos efforts pour ajouter à notre
foi des vertus comme la bonté, la sagesse, la maîtrise de soi ou l’amour.
À dire vrai, la Bible regorge d’exhortations à faire des œuvres bonnes et
à s’exercer à la croissance spirituelle. Là encore, du fait de notre nature
légaliste, nous supposons que les résultats dans ces domaines obtiennent
les bénédictions de Dieu.
Tout en sachant cela, je lutte moi-même contre cette tendance
légaliste. Il y a plusieurs années de cela, je devais parler dans une église.
J’arrivai environ un quart d’heure avant le début du culte et j’appris que
l’un des anciens venait de mourir subitement la veille. Le chagrin et le choc
étreignaient l’assemblée.
Je me rendis compte que mon message sur «le défi d’une vie de disci-
ple» était totalement inadapté aux circonstances. L’assemblée avait besoin
de réconfort et d’encouragement, non d’un défi. Il me fallait un message
complètement différent. Je me mis donc à prier en silence, demandant à
Dieu de m’inspirer un message de circonstance. C’est alors que je me mis à
faire le bilan de mes mérites et de mes manquements ce matin-là : Avais-je
eu un temps de méditation ? Avais-je eu des pensées avides ou dit quelque
demi-vérité ? Je venais de tomber dans le piège des résultats.
Je compris bien vite mon erreur et je m’écriai : «Seigneur, je ne sais
la réponse à aucune de ces questions, mais cela n’a pas d’importance. Je
viens à toi en ce jour au nom de Jésus et, par ses seuls mérites, j’implore
ton aide.» Un verset de l’Écriture me vint et, avec lui, l’ébauche d’un mes-
sage que je vis adapté à la circonstance. Je montai en chaire et j’élaborai
le message littéralement au fur et à mesure que je parlais. Dieu répondit
à ma prière.
Pourquoi le fit-il ? Parce que j’avais passé du temps ce matin-là à le
chercher ou parce que je m’étais acquitté de quelque autre exercice spirituel ?
Non. Dieu répondit à ma prière pour une seule raison : Jésus-Christ avait
14 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

déjà acquis cette réponse il y a deux mille ans sur un gibet romain. Dieu
répondit sur la base de sa seule grâce, et non à cause de mes mérites ou
de mes manquements.
Un des secrets les mieux gardés chez les chrétiens de nos jours est le
suivant : Jésus a tout payé. Je dis bien tout. Non seulement il a acquis le
pardon de vos péchés et votre accès au ciel, mais il a aussi obtenu toute
bénédiction et toute réponse à la prière que vous recevrez au cours de la
vie. Toutes, sans exception.
Pourquoi donc s’agit-il d’un tel secret ? D’abord, parce que nous
avons peur de cette vérité. Nous craignons même de nous dire que nous
n’avons plus rien à faire, que l’œuvre a été achevée. Nous avons peur de
nous relâcher dans nos devoirs de chrétiens si nous croyons vraiment cela.
Mais, plus profondément, nous n’estimons pas être réellement en faillite
encore. Étant entrés dans le royaume de Dieu par la grâce seule, et uni-
quement sur les mérites d’un autre, nous essayons d’avancer maintenant
à l’aide des résultats de nos efforts. Nous n’avons déposé le bilan qu’à titre
provisoire, et nous tentons de vivre désormais par nos bonnes œuvres
plutôt que par la grâce.
On décrit souvent toute l’expérience chrétienne par trois mots dis-
tincts : la justification, la sanctification et la glorification.
La justification - être déclaré juste devant Dieu par le moyen de la foi
en Jésus-Christ - est un point précis dans notre expérience. «C’est par la
grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi» (Éphésiens 2:8).
La sanctification consiste en notre croissance à l’image de Christ.
C’est une expérience graduelle qui s’étend sur la vie entière, depuis le salut
jusqu’à la glorification.
La glorification, quant à elle, prend place au moment où nous quittons
cette vie pour être avec Christ. Elle reçoit son entière perfection lors de la
résurrection finale, bien sûr, mais dès aujourd’hui, ceux qui sont avec Christ
sont les «esprits des justes parvenus à la perfection» (Hébreux 12:23).
la tyrannie des résultats 15

Tout chrétien authentique accepte que la justification vient par grâce,


au moyen de la foi en Christ. Si on y réfléchit un instant, on voit que la
glorification résulte aussi de la seule grâce de Dieu. Jésus ne nous a pas
seulement acquis le pardon des péchés (la justification) mais aussi la vie
éternelle (la glorification).
Pour ce qui concerne la sanctification (l’expérience chrétienne qui
s’étend de la justification à la glorification), c’est une autre histoire. Dans
le meilleur des cas, le chrétien considère sa vie comme un mélange de
résultats personnels et de grâce divine. Il ne détermine pas consciemment
que sa relation avec Dieu se base sur une moitié d’efforts et une moitié
de grâce par exemple. C’est plutôt une supposition subconsciente qui
découle de son penchant légaliste inné, et qui est alimentée par la culture
chrétienne où il vit.
Ainsi, telle est donc notre conception de la vie chrétienne :

justification basée vie chrétienne basée glorification basée


sur la grâce sur les œuvres sur la grâce

Notre concept se compose donc d’une suite grâce-œuvres-grâce. La thèse


de ce livre, dont j’espère vous convaincre, se présente en fait de la façon
suivante :

justification basée vie chrétienne basée glorification basée


sur la grâce sur la grâce sur la grâce

Autrement dit, la vie chrétienne se vit du début jusqu’à la fin sur la base


de la grâce divine qui est en Christ.
Revenons maintenant à notre analogie de la faillite. Aussi désastreuse
et définitive que soit une liquidation financière, elle renferme un aspect
positif. Le patron que tout assiégeait est enfin libre. Il ne doit plus rien à
personne. Ses dettes n’ont certes pas été entièrement remboursées, mais
16 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

elles sont tout au moins annulées et ne reposent plus sur ses épaules. Il est
libéré des coups de fil menaçants et des exigences de ses créanciers. Ils ne
peuvent plus le harceler. Tout humilié qu’il soit, cet homme est libre.
En revanche, celui qui a opté pour le redressement judiciaire tente
encore de s’en sortir tant bien que mal. Ses créanciers lui accordent un
temps de répit, mais il doit redoubler d’efforts pour essayer de redresser son
affaire d’ici là. Cet homme n’est pas libre. Il lui faudra payer ses créanciers
un jour. Il demeure dans une course aux résultats.
Toute analogie de vérités spirituelles a ses limites, et celle-ci n’y
échappe pas. L’homme qui a liquidé son affaire n’est pas tout à fait libre. Il
l’est en regard de ses dettes passées mais non envers celles qu’il contractera
éventuellement. L’ardoise de son passif a été effacée, mais il recommence
à zéro et doit tenter de la garder propre à l’avenir. Ainsi, dans le monde
des affaires, il n’existe pas de liquidation définitive qui libère des résultats
futurs.
Mais la Bible annonce une bonne nouvelle. Dans le domaine spirituel,
il existe une «liquidation» réelle et définitive. Elle fonctionne bien mieux
que dans le milieu des affaires, et cela à deux titres.
Tout d’abord, dans le monde des affaires, les dettes laissées par
l’entreprise défunte ne sont jamais totalement remboursées. Les créanciers
doivent se partager le maigre résultat de la liquidation des biens. Ni eux ni
l’homme d’affaires en faillite ne reçoivent une pleine satisfaction. S’il est
consciencieux, cet homme se sent coupable de ne pas avoir pu rembourser
toutes ses dettes. Les créanciers ont perdu beaucoup dans cette affaire.
À l’inverse, la mort de Christ a intégralement payé la dette du chré-
tien, ayant pleinement satisfait à la loi et à la justice de Dieu. La dette des
péchés de cet homme est couverte par l’apposition du cachet «Entièrement
remboursée» ! Ainsi, Dieu est satisfait, et nous aussi. Nous avons la paix
avec Dieu et nous sommes purifiés d’une mauvaise conscience (Romains
5:1 ; Hébreux 10:22).
la tyrannie des résultats 17

La dette a été entièrement payée et il n’y a plus aucune possibilité de


retomber dans l’endettement. Jésus a payé la dette de tous nos péchés :
passés, présents et futurs. Dieu nous a fait «grâce pour toutes nos offenses»
(Colossiens 2:13). Nous n’avons pas à essayer de garder l’ardoise propre. Il
n’y a plus d’ardoise. Dieu l’a réduite en pièces et l’a jetée. Ceci s’applique à
la fois à notre justification et à notre vie chrétienne tout entière. Dieu ne
tient pas un registre des fautes, accordant ou refusant ses bénédictions
sur la base de nos résultats. Christ a réglé le compte une fois pour toutes.
Nous négligeons bien souvent cette dimension de l’Évangile.
La grâce introduit dans le royaume de Dieu, elle sanctifie ; nous
recevons les bénédictions matérielles et spirituelles par grâce ; la grâce
pousse à l’obéissance ; elle appelle et équipe à servir ; elle donne la force
de supporter les épreuves et, pour finir, elle glorifie. La vie chrétienne tout
entière se vit sous le règne de la grâce de Dieu.

Qu‛est-ce que la grâce ?

Elle est la faveur souveraine de Dieu à l’égard de pécheurs coupables qui


ne méritent que le jugement. C’est l’amour divin manifesté à ceux qui ne
sont pas dignes d’être aimés. C’est Dieu qui tend la main vers un peuple
qui s’est rebellé contre lui.
La grâce est en opposition complète avec toute dignité prétendue de
notre part. En d’autres termes, la grâce et les œuvres s’excluent mutuelle-
ment. «Si c’est par grâce, ce n’est plus par les œuvres ; autrement la grâce
n’est plus une grâce» (Romains 11:6). Notre relation avec Dieu se base sur
les œuvres ou sur la grâce. Il n’y a jamais place avec lui pour une relation
«œuvres+grâce».
De plus, la grâce ne nous sauve pas du châtiment de nos fautes, nous
équipant de nouvelles armes spirituelles, pour ensuite nous abandonner à
nos propres efforts pour croître en maturité spirituelle. Au contraire, «celui
18 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

qui a commencé en vous cette bonne œuvre [par sa grâce] la rendra parfaite
[par sa grâce] pour le jour de Jésus-Christ» (Philippiens 1:6). John Newton
saisissait parfaitement cette vérité de l’œuvre permanente de la grâce dans
notre vie lorsqu’il écrivit son célèbre cantique Grâce infinie : «Sa grâce m’a
conduit jusqu’ici et sa grâce m’amènera jusque chez lui.»
L’apôtre Paul nous demande aujourd’hui, comme il le fit aux croyants
de Galatie : «Après avoir commencé par l’Esprit, voulez-vous maintenant
finir par la chair ?» (Galates 3:3) Il parlait de questions relatives à la circonci-
sion, mais il ne dit pas : «Voulez-vous maintenant finir par la circoncision ?»
Il se situe sur un plan plus général et élargit le propos de son exhortation
au fait de chercher à satisfaire Dieu par des efforts humains, quels qu’ils
soient - y compris les activités et disciplines légitimes du chrétien accom-
plies dans un esprit légaliste.

Le mérite de Christ

Paul utilise de façon quasi interchangeable la grâce de Dieu et le mérite


de Christ, et je veux faire de même dans ce livre. Par exemple, il dit : «Je
vous dis que si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira à rien. Et
j’affirme encore une fois à tout homme qui se fait circoncire, qu’il est tenu
de pratiquer la loi tout entière. Vous êtes séparés de Christ, vous tous qui
cherchez la justification dans la loi ; vous êtes déchus de la grâce» (Galates
5:2-4). Remarquez le lien entre ces affirmations : «Christ ne vous servira à
rien» ; «vous êtes séparés de Christ... vous êtes déchus de la grâce.»
En Éphésiens 2:4-7, il écrit : «Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à
cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par nos
offenses, nous a rendus vivants avec Christ (c’est par grâce que vous êtes
sauvés) ; il nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans
les lieux célestes en Jésus-Christ, afin de montrer dans les siècles à venir
l’infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers nous en Jésus-Christ.»
la tyrannie des résultats 19

Là encore, remarquez le lien étroit entre Christ et la grâce. Nous som-


mes «rendus vivants avec Christ... c’est par grâce que vous êtes sauvés».
Et Dieu veut «montrer... l’infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers
nous en Jésus-Christ».
Quoique la grâce divine et le mérite de Christ soient deux notions
distinctes, elles vont toujours de pair dans notre relation avec Dieu. Nous
ne pouvons pas expérimenter l’une sans l’autre. Dans l’ordre, la grâce de
Dieu précède. À cause de sa grâce, Dieu le Père envoya son Fils unique
pour mourir à notre place. Autrement dit, la mort de Christ résulte de la
grâce divine, et non l’inverse.
Mais il est également vrai que seule la mort de Christ permet de
connaître la grâce de Dieu. Dieu fait grâce, mais il est juste aussi, au sens le
plus absolu du terme. Sa justice ne peut pas laisser impunie la plus petite
infraction à sa sainte loi. Christ ayant entièrement satisfait à la justice
divine, nous pouvons désormais expérimenter la grâce de Dieu. Voici
pourquoi j’ai dit, et je le répéterai, que Jésus-Christ a déjà acquis toutes
les bénédictions que vous recevrez de la part de Dieu le Père tout au long
de votre vie.
Une anecdote merveilleuse tirée de la vie du roi David illustre bien la
grâce de Dieu envers nous au travers de Christ. Jonathan, l’ami de David
et le fils de Saül, avait un fils, Mephiboscheth, qui devint infirme des deux
pieds à l’âge de cinq ans. Lorsque David fut établi roi sur tout Israël, il
souhaita montrer sa bonté à l’égard de ceux qui restaient de la maison de
Saül «à cause de Jonathan». Ainsi, Mephiboscheth, estropié et indigent,
incapable de s’occuper de soi-même et vivant chez un autre, fut amené
dans la maison de David et «mangea à la table de David, comme l’un des
fils du roi» (2 Samuel 9:11).
Pourquoi David traita-t-il Mephiboscheth comme l’un de ses fils ? À
cause de Jonathan. On pourrait dire que l’amitié loyale de Jonathan avait
«acquis» la place de son fils à la table de David. Mephiboscheth, estropié et
20 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

pauvre qu’il était, incapable d’améliorer son sort et dépendant entièrement


de la bienveillance d’autrui, illustre votre cas et le mien, estropiés par le
péché et incapables de nous venir en aide. David, dans sa grâce, illustre
Dieu le Père, et Jonathan, lui, représente Christ.
Comme le roi éleva Mephiboscheth à sa table à cause de Jonathan,
Dieu nous élève, vous et moi, au rang de ses enfants à cause de Christ. Cette
présence à la table du roi ne se limitait pas à une nourriture quotidienne
mais conférait aussi d’autres privilèges à son bénéficiaire. De même, le salut
de Dieu à cause de Christ pourvoit à tous nos besoins, non seulement dans
l’éternité, mais pour cette vie-ci également.
Comme pour insister sur le privilège particulier de Mephiboscheth,
l’auteur inspiré répète quatre fois dans ce court chapitre le fait qu’il man-
geait à la table du roi (vv.7,10,11,13). À trois reprises, il dit qu’il y mangeait
toujours. Cependant, le récit commence et s’achève avec la constatation de
l’infirmité de Mephiboscheth (vv.3,13). Il ne connut jamais de jour où il put
quitter la table du roi et se débrouiller seul. Il en va de même pour nous.
2
La grâce ?
Pour quoi faire ?
«Mais maintenant, sans la loi est manifestée la justice de Dieu... par la
foi en Jésus-Christ pour tous ceux qui croient. Il n’y a point de distinction.
Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; et ils sont gratui-
tement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en
Jésus-Christ.»
(Romains 3:22-24)

Quito et Juan, originaires du Quadora, débarquèrent un jour dans notre


pays. Ils avaient tous deux pour projet de s’acheter une maison. Provi-
dentiellement, chacun en trouva une qui était en vente. Chaque maison
coûtait des centaines de milliers d’euros. Quito possédait cinq cent mille
quadros, la monnaie de son pays, tandis que Juan disposait d’un million
de quadros.
Tous deux savaient fort bien qu’un quadro n’équivalait pas même à un
euro, mais ils pensaient pouvoir obtenir au moins assez pour s’acheter la
maison. Malheureusement, le Quadora subissait une inflation galopante,
et le quadro avait été dévalué à tel point qu’il ne valait pour ainsi dire plus
rien. La banque en refusait même le change.
22 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

Pire encore, les deux amis découvrirent que le vendeur avec lequel
ils avaient espéré conclure l’affaire ne leur était pas inconnu. Ils avaient
en effet tous deux négocié avec lui au Quadora et avaient déjà accumulé
de lourdes dettes envers lui. Quito lui devait environ un million d’euros,
alors que Juan lui en devait la moitié autant. Comme leurs quadros ne
valaient plus rien, ni l’un ni l’autre ne pouvait rembourser sa dette, sans
même parler d’acheter une autre maison.
Une chose étrange se produisit alors. En apprenant l’arrivée des deux
hommes dans le pays, et sachant qu’ils ne disposaient que de quadros
sans valeur, l’homme riche se mit à leur recherche. Il leur remit les lourdes
dettes contractées dans le passé et il leur donna à chacun la maison qu’il
désirait, entièrement meublée et équipée, ainsi qu’un contrat à vie pour
leur propre soutien.
Ce récit illustre la façon dont opère la grâce de Dieu. La «devise» de
notre morale et de nos bonnes œuvres ne vaut rien aux yeux de Dieu. De
plus, nous sommes si lourdement endettés envers lui à cause de notre
péché qu’il est absolument hors de question de commencer même à gagner
son acceptation.

L‛optique biblique sur la grâce

J’ai entendu un jour quelqu’un définir la grâce comme «la compensation


divine de l’écart entre les exigences de sa loi juste et notre propre imper-
fection pour y satisfaire».
À en croire cette définition, nul n’étant assez bon pour gagner son
salut par soi-même, la grâce de Dieu compense ce qui manque. Certains
reçoivent davantage de grâce que d’autres, mais tous obtiennent la mesure
qui leur est nécessaire pour parvenir au salut. Dès lors, nul n’a plus lieu
d’aller à la perdition, puisque la mesure de grâce dont chacun a besoin lui
est disponible.
la grâce ? pour quoi faire ? 23

Très généreux de la part de Dieu, n’est-ce pas ? Hélas, cette définition


est erronée. Elle révèle une méconnaissance sévère de la grâce divine et une
fausse conception de notre état de pécheur face à un Dieu saint.
Nous devons nous assurer d’avoir une optique véritablement biblique
de la grâce car elle se situe au cœur même de l’Évangile. Certes, il n’est pas
indispensable d’en comprendre toutes les implications théologiques pour
être sauvé, mais quiconque s’appuie sur des conceptions erronées de la
grâce ne comprend probablement pas la nature de l’Évangile.
Même si ce livre traite avant tout de la façon de vivre sous la grâce,
il nous faut être certains de comprendre le sens du salut par grâce, et
cela pour deux raisons. D’abord, mes propos au sujet de la grâce de Dieu
présupposent que vous en connaissez la dimension salvatrice - que vous
avez mis votre confiance en Jésus-Christ seul pour votre salut éternel.
Je commettrais une erreur fatale en vous laissant croire que toutes les
merveilles de grâce que Dieu tient en réserve (comme nous le verrons
dans les chapitres suivants) vous appartiennent indépendamment du
salut en Jésus-Christ.
Ensuite, quoique ce livre traite de vivre la grâce jour après jour, il
n’existe qu’une seule et même grâce, que Dieu manifeste en nous sauvant
et en nous assistant dans notre vie de croyant. De quelque manière que la
Bible définisse le rôle salvateur de la grâce, la même définition s’applique
dans le domaine de la vie chrétienne quotidienne.

La grâce : un don de Dieu

Dieu appelle : «Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui
n’a pas d’argent ! Venez, achetez et mangez, venez, achetez du vin et du
lait, sans argent, sans rien payer !» (Ésaïe 55:1) L’Évangile s’adresse à ceux
qui n’ont pas d’argent ou de bonnes œuvres. Il les invite à venir «acheter»
le salut, sans argent ni dépense.
24 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

Remarquez que l’invitation ne s’adresse pas à ceux qui n’ont pas assez
d’argent. La grâce ne compense pas nos manquements. Elle pourvoit au
«prix» de notre rachat en Jésus-Christ.
L’apôtre Paul parle de cela lorsqu’il dit : «Il n’y a point de distinction»
(Romains 3.22). Point de distinction entre Juifs et païens, entre gens reli-
gieux ou non, entre l’homme le plus moral et l’homme le plus dépravé. Il
n’y a point de distinction car nous avons tous péché et nous sommes donc
privés de la gloire de Dieu.
Dire que la grâce de Dieu compense l’écart entre ses exigences et nos
efforts pour y parvenir revient à comparer les efforts de deux personnes
pour franchir l’océan Atlantique d’un bond. L’un d’eux peut sauter une
dizaine de mètres, tandis que l’autre n’en atteint que deux. Quelle est la
différence ? Certes, le premier saute cinq fois plus loin que le second mais,
en comparaison, à quoi cela l’avance-t-il ? Les «quadros» des deux sauts ne
valent rien pour traverser l’océan. Lorsque Dieu posa un pont au-dessus
de l’océan de notre péché, il ne s’arrêta pas à dix mètres de nous, ni même
à deux. Non, il construisit le pont d’un bord à l’autre.
Cette comparaison n’illustre même pas le désespoir de notre situation.
Elle postule que l’homme essaie de franchir l’abîme, que la plupart des gens
tentent sincèrement de gagner leur accès au ciel sans pourtant parvenir à
franchir le terrible fossé du péché qui les sépare de Dieu.
Or rien n’est moins vrai. Presque personne ne cherche à gagner son
salut (Martin Luther avant sa conversion étant en cela une exception
notable). Au contraire, presque tous s’imaginent faire déjà assez pour
mériter le ciel. Presque personne ne fait un effort sincère pour améliorer
la portée de son saut.
Au lieu de cela, nous réduisons la largeur du fossé au point de pouvoir
confortablement le traverser sans fournir d’effort supplémentaire. Celui
dont la moralité le propulse à dix mètres ramène le fossé à quelque neuf
mètres et demi. Tel autre, qui saute seulement deux mètres, s’imagine
la grâce ? pour quoi faire ? 25

que la distance n’excède pas un mètre cinquante. Chacun espère que Dieu
trouvera suffisante la «devise» utilisée pour lui «acheter» une demeure
dans le ciel.
Comme les premiers auditeurs de la fameuse parabole du pharisien
et du publicain (Luc 18:9-14), la plupart des gens ont confiance en leur
propre justice. Ils admettront peut-être, dans un moment de réflexion,
être certes loin de la perfection, mais ils ne s’en considèrent pas moins
comme foncièrement bons.
Un des problèmes majeurs de nos jours réside en ce que beaucoup
d’entre nous ne se considèrent pas si mauvais que cela - plutôt bons à
vrai dire. Un ouvrage, qui devint vite un succès de librairie, traite de la
question difficile de la douleur et du chagrin. Il s’intitule : Quand le mal
frappe les bons.
Comme son titre l’indique, il se base sur l’idée que la plupart des gens
sont «bons» et les définit comme «des gens ordinaires, des voisins gentils
et amicaux, ni totalement bons, ni extraordinairement mauvais.»
À l’inverse, l’apôtre Paul déclare que nous sommes tous mauvais, et il
insiste : «Il n’y a point de juste, pas même un seul ; nul n’est intelligent, nul
ne cherche Dieu ; tous sont égarés, tous sont pervertis ; il n’en est aucun
qui fasse le bien, pas même un seul» (Romains 3:10-12).
Ces paroles venaient répondre à la question : «Nous, les Juifs, valons-
nous mieux que les Grecs ?» Paul réplique : «Nullement. Car nous avons
déjà prouvé que tous, Juifs et Grecs (les gens religieux et les pécheurs
d’alors) sont sous l’empire du péché» (v.9).
La différence d’appréciation entre le livre mentionné, qui affirme la
«bonté» de l’homme, et l’apôtre Paul qui déclare que tous sont foncièrement
«mauvais», relève de points de vue radicalement différents. Pour l’un, il
suffit d’être gentil et amical pour être bon. Pour la Bible, les hommes sont
tous mauvais à cause de leur séparation d’avec Dieu et de leur rébellion
contre lui.
26 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

Chacun suit sa propre voie

Une des accusations les plus accablantes pour l’humanité se trouve en Ésaïe
53:6 : «Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait sa propre
voie.» Voici l’essence du péché - suivre sa propre voie. Cette voie consiste
pour l’un à donner de l’argent à des œuvres de charité ou, pour un autre, à
cambrioler une banque. Les auteurs de ces deux actes ne se réfèrent pas à
Dieu ; chacun suit sa propre voie. Dans un monde gouverné par un Créateur
souverain, cela s’appelle de la rébellion, autrement dit le péché.
Imaginez qu’une région donnée d’un pays se rebelle contre le gou-
vernement central. Les citoyens de ce territoire peuvent être corrects
et généreux, droits dans l’ensemble et respectueux d’autrui. Toute cette
moralité n’a aucune valeur pour le gouvernement central car ils sont en
état de rébellion. Tant que ce problème reste posé, rien d’autre n’entre en
ligne de compte.
Certes, si on se réfère à l’époque actuelle, cette image risque de perdre
de sa pertinence car certains gouvernements sont si visiblement corrompus
et iniques qu’une telle rébellion pourrait recueillir nos encouragements.
Toutefois, Dieu gouverne avec une justice parfaite. Son «commande-
ment est saint, juste et bon» (Romains 7:12). Personne n’a jamais de bonnes
raisons de se rebeller contre son autorité. Une seule raison nous pousse à
le faire, un esprit rebelle inné, un penchant pervers à suivre notre propre
voie, à établir notre propre gouvernement plutôt qu’obéir à Dieu.
Certains ne deviennent pas pécheurs à cause d’un environnement
familial défavorable quand d’autres bénéficient d’une éducation hautement
morale. Non, nous sommes tous nés pécheurs et héritiers d’une nature cor-
rompue, d’un penchant naturel pour la rébellion. «Je suis né dans l’iniquité,
et ma mère m’a conçu dans le péché» (Psaume 51:7). Voilà une affirmation
bien étonnante de la part de David, qui déclare avoir été pécheur dans le
sein même de sa mère, avant d’avoir rien fait de bien ou de mal.
la grâce ? pour quoi faire ? 27

Un auteur posa un jour cette question : «Comment puis-je continuer


de croire en un Dieu qui s’en prend à des enfants innocents ?» Mis à part
son problème à concilier la justice de Dieu et la souffrance de l’homme,
remarquons sa référence aux enfants innocents. Je ne cherche pas ici
à critiquer mais à illustrer un point de vue très répandu, tant parmi les
croyants que les autres, selon lequel les enfants naissent innocents et sont
corrompus par leur environnement.
L’Écriture ne partage pas ce point de vue. Selon le Psaume précité,
aucun enfant n’est innocent ; chacun est pécheur dès l’instant de sa concep-
tion. À cause de la rébellion d’Adam, nous naissons tous avec une nature
pervertie et pécheresse, un penchant à suivre nos propres voies. Qu’il
s’agisse de celles d’un homme honorable ou celles d’un malfaiteur éhonté
ne fait aucune différence. Nous naissons tous rebelles à l’égard de Dieu.
La Bible dit que nous avons tous péché, et presque tout le monde
accepte cela. Le problème réside plutôt en notre conception superficielle
de la nature du péché. L’homme de la rue hausse les épaules et dit : «Pour
sûr, personne n’est parfait.» Nous-mêmes, chrétiens, parlons d’échecs et
de défaites, mais la Bible utilise d’autres termes. Elle parle d’iniquités et de
transgressions (Lévitique 16:21). Elle accuse un autre homme d’avoir défié la
parole de l’Éternel (1 Rois 13:21). Le roi David avait méprisé Dieu (2 Samuel
12:9,10). Ces termes synonymes de péché indiquent clairement combien il
est grave pour Dieu, beaucoup plus que pour l’homme de la rue, ou même
pour la plupart des chrétiens.
Le péché équivaut en réalité à une rébellion contre le Créateur, Maître
et Juge souverain de l’univers. Il s’oppose à la prérogative légitime du sou-
verain de réclamer l’obéissance de ses sujets. Pécher revient à dire à un Dieu
totalement saint et juste que ses lois morales, reflet de sa propre nature,
ne méritent pas une obéissance inconditionnelle de notre part.
Le péché ne se limite pas à un certain nombre d’actions. Il englobe
aussi une attitude qui rejette la loi de Dieu. Mais c’est bien plus qu’une
28 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

simple attitude de rébellion. Le péché est l’état même de notre cœur, la


condition de notre être intérieur profond. Dieu le voit comme un état de
corruption, de bassesse, et même de souillure.
Zacharie présente cette conception du péché de manière symbolique :

«Il me fit voir Josué, le souverain sacrificateur, debout devant l’ange


de l’Éternel, et Satan qui se tenait à sa droite pour l’accuser. L’Éternel
dit à Satan : Que l’Éternel te réprime, Satan !... lui qui a choisi Jérusa-
lem ! N’est-ce pas là un tison arraché du feu ? Or Josué était couvert
de vêtements sales... L’ange, prenant la parole, dit à ceux qui étaient
devant lui : Ôtez-lui les vêtements sales ! Puis il dit à Josué : Vois, je
t’enlève ton iniquité, et je te revêts d’habits de fête» (3:1-4).

Remarquez bien, il est question ici de Josué, le souverain sacrificateur, le


plus élevé dans la hiérarchie religieuse de tout Israël. Pourtant, il paraît
revêtu d’habits souillés qui symbolisent à la fois ses propres péchés et
ceux du peuple qu’il représente. La souillure de ses vêtements n’illustre
pas la culpabilité de son péché mais sa pollution. Comme Josué, chacun
de nous porte des vêtements sales, spirituellement parlant. Nous sommes
coupables devant Dieu, ainsi que corrompus par nature, pollués et vils à
ses yeux. Nous avons besoin de pardon et de purification.
Pour cette raison, la Bible ne parle jamais de la grâce de Dieu comme
d’une simple compensation à nos manquements, comme si le salut
consistait en une certaine quantité de bonnes œuvres (variable selon
les individus) ajoutée à une certaine proportion de grâce divine. La Bible
parle au contraire d’un «Dieu qui justifie l’impie», qui se laisse trouver par
ceux qui ne le cherchent pas, et qui se révèle à ceux qui ne l’invoquent pas
(Romains 4:5 ; 10:20).
Dans la parabole de Jésus, le publicain ne demande pas seulement à
Dieu de compenser ses lacunes. Non, il se frappe la poitrine, signe d’une
la grâce ? pour quoi faire ? 29

angoisse profonde, et déclare : «Ô Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis
un pécheur.» Il reconnaît sa faillite spirituelle totale et reçoit la grâce de
Dieu. Cet homme, dit Jésus, descendit dans sa maison justifié - déclaré
juste par Dieu (Luc 18:9-14).
Comme lui, nous n’avons pas besoin de la grâce de Dieu pour combler
nos carences seulement, mais surtout pour guérir notre culpabilité et nous
laver de nos souillures. Nous avons besoin de sa grâce pour satisfaire à la
justice divine, pour annuler une dette dont nous ne pouvons pas nous
acquitter.
Il pourrait sembler que je remue le couteau dans la plaie de notre culpa-
bilité et de notre infamie devant Dieu. Cependant, nous ne comprendrons
jamais la véritable nature de la grâce divine sans saisir d’abord à quel point
nous en avons besoin à cause de la gravité extrême de notre état.
«La première caractéristique de la grâce divine, dit un auteur, et peut-
être la plus essentielle, consiste en sa présupposition du péché et de la
culpabilité. La grâce n’a de sens que si l’homme se regarde comme déchu,
indigne de salut et passible d’une colère éternelle. La grâce ne considère
pas simplement le pécheur comme ne méritant pas le salut, mais comme
totalement déméritant. À ce titre, il mérite l’enfer !»

Pour répondre à la grâce de Dieu

Quelques pages plus haut, j’ai mentionné une définition de la nature de


la grâce très erronée et même totalement fausse. J’imagine que la plupart
des lecteurs n’auront pas approuvé cette idée d’une grâce compensatrice
de nos manquements par rapport à la justice de Dieu. Il est probable que
vous avez réagi en disant : «Non, cela n’est pas vrai. Même nos bonnes
œuvres sont comme des vêtements souillés.»
Je n’ai pas relaté ce mauvais exemple uniquement pour alimenter
mon moulin. Je l’ai utilisé car je suis convaincu qu’il témoigne de la façon
30 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

dont la plupart des chrétiens vivent leur foi. Nous agissons comme si la
grâce de Dieu se contentait de compenser la déficience de nos œuvres.
Nous croyons que notre obéissance et nos exercices quotidiens gagnent
les bénédictions de Dieu, tout au moins en partie. Nous savons que nous
avons été sauvés par grâce, mais nous pensons qu’il nous faut ensuite
avancer à la «sueur» spirituelle de notre front.
La grâce, oui, mais pour qui ? Pour nous tous, le chrétien comme
l’incroyant. Le chrétien le plus consciencieux, obéissant et persévérant
a besoin de la grâce de Dieu tout autant que le pécheur endurci le plus
dissolu. Nous avons tous besoin de la même grâce. Le pécheur n’en a pas
plus besoin que le saint, ni le croyant indiscipliné et immature plus que le
missionnaire zélé et pieux. Nous avons tous besoin de la même mesure
de grâce car la «devise» de nos bonnes œuvres (nos quadros) n’a aucune
valeur aux yeux de Dieu.
Ni nos mérites ni nos manquements ne déterminent la mesure de
grâce dont nous avons besoin, car celle-ci ne vient ni s’ajouter à nos mérites,
ni compenser nos démérites. Elle n’en tient pas compte du tout, mais elle
considère tout être humain comme totalement indigne et incapable de
faire quoi que ce soit pour gagner les bénédictions de Dieu.
La grâce cesse d’être grâce si Dieu est contraint de l’accorder en raison
des mérites de l’homme ou s’il doit la lui retirer à cause de ses démérites.
Elle se rapporte à l’homme sans tenir aucun compte de ce qui lui est dû,
mais uniquement selon la bonté infinie et le dessein souverain de Dieu.
Cette description de la grâce de Dieu comporte un double tranchant.
Elle ne se gagne pas par nos mérites, ni ne se perd par nos démérites. Si
vous avez le sentiment de mériter une réponse à votre prière, ou une
bénédiction particulière de Dieu, en raison de votre dur labeur ou de vos
sacrifices, vous ne vivez plus par la grâce mais par les œuvres.
Mais il est tout aussi vrai que si vous désespérez parfois de recevoir
la bénédiction de Dieu à cause de vos échecs (de tout ce que vous auriez
la grâce ? pour quoi faire ? 31

dû faire mais n’avez pas fait, ou inversement), vous écartez également la


grâce de Dieu.
Franchement, ce dernier aspect m’est le plus utile. Si je pense rarement
avoir quelque mérite, j’ai souvent une conscience douloureuse de mes
manquements. J’ai donc besoin de me rappeler que mes chutes n’obligent
pas Dieu à me retirer sa grâce, mais qu’il me traite sans le moindre égard
à ce que je mérite ou non. Il me paraît de loin préférable d’espérer en ses
bénédictions sur la base de sa bonté infinie plutôt que sur celle de mes
bonnes œuvres.
John Newton était un marchand d’esclaves débauché et dissolu. Après
sa conversion, il écrivit un merveilleux cantique intitulé Grâce infinie. Il
ne se lassait jamais de contempler avec un respect émerveillé cette grâce
qui avait même pu atteindre un homme comme lui. Toutefois, celui qui a
grandi dans une famille chrétienne pieuse, qui a mis sa confiance en Christ
de bonne heure et ne s’est jamais adonné aux péchés appelés «grossiers»,
devrait être émerveillé par la grâce de Dieu pour lui-même, tout autant
que John Newton.
Voici un grand principe spirituel concernant la grâce de Dieu : Vous
ne vivez pas selon la grâce de Dieu dans la mesure où vous vous raccro-
chez aux vestiges de votre propre justice ou placez votre confiance en vos
propres succès spirituels.
Ce principe s’applique tout autant à l’expérience du salut qu’à la vie
chrétienne de chaque jour. La grâce et les œuvres méritoires s’excluent
mutuellement. Il est impossible d’avancer avec un pied posé sur la grâce
et l’autre sur nos œuvres.
Quelle que soit la mesure de votre confiance en votre bonne moralité
ou en vos réussites religieuses, ou si vous croyez que Dieu va d’une cer-
taine façon reconnaître la valeur d’une seule de vos bonnes œuvres pour
vous rapprocher du salut, examinez sérieusement si votre conversion est
vraiment valide. Je suis conscient que ces mots risquent d’en offenser
32 la grâce de dieu, c'est pour la vie !

certains, mais nous devons être absolument au clair sur la vraie nature
de l’Évangile du salut.
Il y a plus de deux cents ans, Abraham Booth (1734-1806), un pasteur
baptiste écrivait :

«Les qualités les plus précieuses et les œuvres les plus éblouissantes
qu’on puisse rencontrer chez l’homme, si utiles et véritablement
excellentes fussent-elles à leur juste place et sollicitées à bon escient,
n’ont aucune existence dans le grand domaine de notre justifica-
tion.
«En effet, la grâce divine, dans l’accomplissement de cette œuvre
particulière qui lui est propre, dédaigne toute assistance des œuvres
médiocres et imparfaites de l’homme. Tout effort pour parfaire
l’œuvre commencée par la grâce trahit notre orgueil et offense le
Seigneur, sans nous procurer de bien spirituel. Que le lecteur prenne
donc grand soin de se rappeler que la grâce est totalement souveraine
et gratuite, ou n’existe pas du tout. Que celui qui professe l’espérance
d’un salut par grâce croie en son cœur être entièrement sauvé par
elle s’il ne veut pas faire preuve d’inconséquence en un domaine
d’importance primordiale.»

Ces réflexions recèlent tout autant de pertinence et d’intérêt de nos jours


qu’au jour de leur rédaction. Ceux qui possèdent vraiment le salut sont
ceux qui sont venus à Jésus avec l’attitude de cœur si bien exprimée par
les paroles de ce cantique :

«Tel que je suis, sans rien à moi,


Sinon ton sang versé pour moi.» (À toi la gloire, n° 243)

Vous aimerez peut-être aussi