La Grace de Dieu Extrait
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La Grace de Dieu Extrait
EUROPRESSE
1
La tyrannie
des résultats
«Êtes-vous tellement dépourvus de sens ? Après avoir commencé par
l’Esprit, voulez-vous maintenant finir par la chair ?»
(Galates 3:3)
La faillite ! Ce mot évoque quelque chose d’horrible. À vrai dire, plus qu’un
simple mot, c’est l’expression d’un échec, qui peut aller de l’incapacité à
payer ses dettes jusqu’à la ruine totale.
Même dans notre société laxiste et permissive, la faillite implique
toujours une certaine mesure de déshonneur, voire de honte. Pouvez-
vous imaginer un garçon qui va se vanter de la faillite de son père auprès
de ses camarades ?
Dans la sphère morale, le mot faillite revêt une connotation encore
plus désobligeante. Décrire quelqu’un comme étant «en faillite» sur le plan
moral équivaut à ne lui reconnaître aucune qualité morale valable, à le
comparer à Hitler - la pire des descriptions possibles pourrait-on dire.
10 la grâce de dieu, c'est pour la vie !
Peut-être n’y avez-vous jamais songé de cette façon, mais vous aussi,
vous êtes en faillite. Je ne fais référence ici ni à votre situation financière,
ni à votre état moral. Vos finances peuvent être aussi solides que le mont
Blanc et vous-même la personne la plus droite de votre entourage. Vous
n’en êtes pas moins en faillite, et moi aussi d’ailleurs.
Vous et moi, comme tout individu au monde, souffrons de faillite
spirituelle. À vrai dire, à l’exception de Jésus-Christ, tout homme qui a
jamais vécu (quelle que soit sa condition morale ou religieuse) a connu la
faillite spirituelle. L’apôtre Paul en fait état :
«Il n’y a point de juste, pas même un seul ; nul n’est intelligent, nul
ne cherche Dieu ; tous sont égarés, tous sont pervertis ; il n’en est
aucun qui fasse le bien, pas même un seul» (Romains 3:10-12).
En redressement ou en liquidation ?
Puis nous ouvrons la Bible et lisons qu’il faut travailler à notre salut,
rechercher la sanctification, faire tous nos efforts pour ajouter à notre
foi des vertus comme la bonté, la sagesse, la maîtrise de soi ou l’amour.
À dire vrai, la Bible regorge d’exhortations à faire des œuvres bonnes et
à s’exercer à la croissance spirituelle. Là encore, du fait de notre nature
légaliste, nous supposons que les résultats dans ces domaines obtiennent
les bénédictions de Dieu.
Tout en sachant cela, je lutte moi-même contre cette tendance
légaliste. Il y a plusieurs années de cela, je devais parler dans une église.
J’arrivai environ un quart d’heure avant le début du culte et j’appris que
l’un des anciens venait de mourir subitement la veille. Le chagrin et le choc
étreignaient l’assemblée.
Je me rendis compte que mon message sur «le défi d’une vie de disci-
ple» était totalement inadapté aux circonstances. L’assemblée avait besoin
de réconfort et d’encouragement, non d’un défi. Il me fallait un message
complètement différent. Je me mis donc à prier en silence, demandant à
Dieu de m’inspirer un message de circonstance. C’est alors que je me mis à
faire le bilan de mes mérites et de mes manquements ce matin-là : Avais-je
eu un temps de méditation ? Avais-je eu des pensées avides ou dit quelque
demi-vérité ? Je venais de tomber dans le piège des résultats.
Je compris bien vite mon erreur et je m’écriai : «Seigneur, je ne sais
la réponse à aucune de ces questions, mais cela n’a pas d’importance. Je
viens à toi en ce jour au nom de Jésus et, par ses seuls mérites, j’implore
ton aide.» Un verset de l’Écriture me vint et, avec lui, l’ébauche d’un mes-
sage que je vis adapté à la circonstance. Je montai en chaire et j’élaborai
le message littéralement au fur et à mesure que je parlais. Dieu répondit
à ma prière.
Pourquoi le fit-il ? Parce que j’avais passé du temps ce matin-là à le
chercher ou parce que je m’étais acquitté de quelque autre exercice spirituel ?
Non. Dieu répondit à ma prière pour une seule raison : Jésus-Christ avait
14 la grâce de dieu, c'est pour la vie !
déjà acquis cette réponse il y a deux mille ans sur un gibet romain. Dieu
répondit sur la base de sa seule grâce, et non à cause de mes mérites ou
de mes manquements.
Un des secrets les mieux gardés chez les chrétiens de nos jours est le
suivant : Jésus a tout payé. Je dis bien tout. Non seulement il a acquis le
pardon de vos péchés et votre accès au ciel, mais il a aussi obtenu toute
bénédiction et toute réponse à la prière que vous recevrez au cours de la
vie. Toutes, sans exception.
Pourquoi donc s’agit-il d’un tel secret ? D’abord, parce que nous
avons peur de cette vérité. Nous craignons même de nous dire que nous
n’avons plus rien à faire, que l’œuvre a été achevée. Nous avons peur de
nous relâcher dans nos devoirs de chrétiens si nous croyons vraiment cela.
Mais, plus profondément, nous n’estimons pas être réellement en faillite
encore. Étant entrés dans le royaume de Dieu par la grâce seule, et uni-
quement sur les mérites d’un autre, nous essayons d’avancer maintenant
à l’aide des résultats de nos efforts. Nous n’avons déposé le bilan qu’à titre
provisoire, et nous tentons de vivre désormais par nos bonnes œuvres
plutôt que par la grâce.
On décrit souvent toute l’expérience chrétienne par trois mots dis-
tincts : la justification, la sanctification et la glorification.
La justification - être déclaré juste devant Dieu par le moyen de la foi
en Jésus-Christ - est un point précis dans notre expérience. «C’est par la
grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi» (Éphésiens 2:8).
La sanctification consiste en notre croissance à l’image de Christ.
C’est une expérience graduelle qui s’étend sur la vie entière, depuis le salut
jusqu’à la glorification.
La glorification, quant à elle, prend place au moment où nous quittons
cette vie pour être avec Christ. Elle reçoit son entière perfection lors de la
résurrection finale, bien sûr, mais dès aujourd’hui, ceux qui sont avec Christ
sont les «esprits des justes parvenus à la perfection» (Hébreux 12:23).
la tyrannie des résultats 15
elles sont tout au moins annulées et ne reposent plus sur ses épaules. Il est
libéré des coups de fil menaçants et des exigences de ses créanciers. Ils ne
peuvent plus le harceler. Tout humilié qu’il soit, cet homme est libre.
En revanche, celui qui a opté pour le redressement judiciaire tente
encore de s’en sortir tant bien que mal. Ses créanciers lui accordent un
temps de répit, mais il doit redoubler d’efforts pour essayer de redresser son
affaire d’ici là. Cet homme n’est pas libre. Il lui faudra payer ses créanciers
un jour. Il demeure dans une course aux résultats.
Toute analogie de vérités spirituelles a ses limites, et celle-ci n’y
échappe pas. L’homme qui a liquidé son affaire n’est pas tout à fait libre. Il
l’est en regard de ses dettes passées mais non envers celles qu’il contractera
éventuellement. L’ardoise de son passif a été effacée, mais il recommence
à zéro et doit tenter de la garder propre à l’avenir. Ainsi, dans le monde
des affaires, il n’existe pas de liquidation définitive qui libère des résultats
futurs.
Mais la Bible annonce une bonne nouvelle. Dans le domaine spirituel,
il existe une «liquidation» réelle et définitive. Elle fonctionne bien mieux
que dans le milieu des affaires, et cela à deux titres.
Tout d’abord, dans le monde des affaires, les dettes laissées par
l’entreprise défunte ne sont jamais totalement remboursées. Les créanciers
doivent se partager le maigre résultat de la liquidation des biens. Ni eux ni
l’homme d’affaires en faillite ne reçoivent une pleine satisfaction. S’il est
consciencieux, cet homme se sent coupable de ne pas avoir pu rembourser
toutes ses dettes. Les créanciers ont perdu beaucoup dans cette affaire.
À l’inverse, la mort de Christ a intégralement payé la dette du chré-
tien, ayant pleinement satisfait à la loi et à la justice de Dieu. La dette des
péchés de cet homme est couverte par l’apposition du cachet «Entièrement
remboursée» ! Ainsi, Dieu est satisfait, et nous aussi. Nous avons la paix
avec Dieu et nous sommes purifiés d’une mauvaise conscience (Romains
5:1 ; Hébreux 10:22).
la tyrannie des résultats 17
qui a commencé en vous cette bonne œuvre [par sa grâce] la rendra parfaite
[par sa grâce] pour le jour de Jésus-Christ» (Philippiens 1:6). John Newton
saisissait parfaitement cette vérité de l’œuvre permanente de la grâce dans
notre vie lorsqu’il écrivit son célèbre cantique Grâce infinie : «Sa grâce m’a
conduit jusqu’ici et sa grâce m’amènera jusque chez lui.»
L’apôtre Paul nous demande aujourd’hui, comme il le fit aux croyants
de Galatie : «Après avoir commencé par l’Esprit, voulez-vous maintenant
finir par la chair ?» (Galates 3:3) Il parlait de questions relatives à la circonci-
sion, mais il ne dit pas : «Voulez-vous maintenant finir par la circoncision ?»
Il se situe sur un plan plus général et élargit le propos de son exhortation
au fait de chercher à satisfaire Dieu par des efforts humains, quels qu’ils
soient - y compris les activités et disciplines légitimes du chrétien accom-
plies dans un esprit légaliste.
Le mérite de Christ
Pire encore, les deux amis découvrirent que le vendeur avec lequel
ils avaient espéré conclure l’affaire ne leur était pas inconnu. Ils avaient
en effet tous deux négocié avec lui au Quadora et avaient déjà accumulé
de lourdes dettes envers lui. Quito lui devait environ un million d’euros,
alors que Juan lui en devait la moitié autant. Comme leurs quadros ne
valaient plus rien, ni l’un ni l’autre ne pouvait rembourser sa dette, sans
même parler d’acheter une autre maison.
Une chose étrange se produisit alors. En apprenant l’arrivée des deux
hommes dans le pays, et sachant qu’ils ne disposaient que de quadros
sans valeur, l’homme riche se mit à leur recherche. Il leur remit les lourdes
dettes contractées dans le passé et il leur donna à chacun la maison qu’il
désirait, entièrement meublée et équipée, ainsi qu’un contrat à vie pour
leur propre soutien.
Ce récit illustre la façon dont opère la grâce de Dieu. La «devise» de
notre morale et de nos bonnes œuvres ne vaut rien aux yeux de Dieu. De
plus, nous sommes si lourdement endettés envers lui à cause de notre
péché qu’il est absolument hors de question de commencer même à gagner
son acceptation.
Dieu appelle : «Vous tous qui avez soif, venez aux eaux, même celui qui
n’a pas d’argent ! Venez, achetez et mangez, venez, achetez du vin et du
lait, sans argent, sans rien payer !» (Ésaïe 55:1) L’Évangile s’adresse à ceux
qui n’ont pas d’argent ou de bonnes œuvres. Il les invite à venir «acheter»
le salut, sans argent ni dépense.
24 la grâce de dieu, c'est pour la vie !
Remarquez que l’invitation ne s’adresse pas à ceux qui n’ont pas assez
d’argent. La grâce ne compense pas nos manquements. Elle pourvoit au
«prix» de notre rachat en Jésus-Christ.
L’apôtre Paul parle de cela lorsqu’il dit : «Il n’y a point de distinction»
(Romains 3.22). Point de distinction entre Juifs et païens, entre gens reli-
gieux ou non, entre l’homme le plus moral et l’homme le plus dépravé. Il
n’y a point de distinction car nous avons tous péché et nous sommes donc
privés de la gloire de Dieu.
Dire que la grâce de Dieu compense l’écart entre ses exigences et nos
efforts pour y parvenir revient à comparer les efforts de deux personnes
pour franchir l’océan Atlantique d’un bond. L’un d’eux peut sauter une
dizaine de mètres, tandis que l’autre n’en atteint que deux. Quelle est la
différence ? Certes, le premier saute cinq fois plus loin que le second mais,
en comparaison, à quoi cela l’avance-t-il ? Les «quadros» des deux sauts ne
valent rien pour traverser l’océan. Lorsque Dieu posa un pont au-dessus
de l’océan de notre péché, il ne s’arrêta pas à dix mètres de nous, ni même
à deux. Non, il construisit le pont d’un bord à l’autre.
Cette comparaison n’illustre même pas le désespoir de notre situation.
Elle postule que l’homme essaie de franchir l’abîme, que la plupart des gens
tentent sincèrement de gagner leur accès au ciel sans pourtant parvenir à
franchir le terrible fossé du péché qui les sépare de Dieu.
Or rien n’est moins vrai. Presque personne ne cherche à gagner son
salut (Martin Luther avant sa conversion étant en cela une exception
notable). Au contraire, presque tous s’imaginent faire déjà assez pour
mériter le ciel. Presque personne ne fait un effort sincère pour améliorer
la portée de son saut.
Au lieu de cela, nous réduisons la largeur du fossé au point de pouvoir
confortablement le traverser sans fournir d’effort supplémentaire. Celui
dont la moralité le propulse à dix mètres ramène le fossé à quelque neuf
mètres et demi. Tel autre, qui saute seulement deux mètres, s’imagine
la grâce ? pour quoi faire ? 25
que la distance n’excède pas un mètre cinquante. Chacun espère que Dieu
trouvera suffisante la «devise» utilisée pour lui «acheter» une demeure
dans le ciel.
Comme les premiers auditeurs de la fameuse parabole du pharisien
et du publicain (Luc 18:9-14), la plupart des gens ont confiance en leur
propre justice. Ils admettront peut-être, dans un moment de réflexion,
être certes loin de la perfection, mais ils ne s’en considèrent pas moins
comme foncièrement bons.
Un des problèmes majeurs de nos jours réside en ce que beaucoup
d’entre nous ne se considèrent pas si mauvais que cela - plutôt bons à
vrai dire. Un ouvrage, qui devint vite un succès de librairie, traite de la
question difficile de la douleur et du chagrin. Il s’intitule : Quand le mal
frappe les bons.
Comme son titre l’indique, il se base sur l’idée que la plupart des gens
sont «bons» et les définit comme «des gens ordinaires, des voisins gentils
et amicaux, ni totalement bons, ni extraordinairement mauvais.»
À l’inverse, l’apôtre Paul déclare que nous sommes tous mauvais, et il
insiste : «Il n’y a point de juste, pas même un seul ; nul n’est intelligent, nul
ne cherche Dieu ; tous sont égarés, tous sont pervertis ; il n’en est aucun
qui fasse le bien, pas même un seul» (Romains 3:10-12).
Ces paroles venaient répondre à la question : «Nous, les Juifs, valons-
nous mieux que les Grecs ?» Paul réplique : «Nullement. Car nous avons
déjà prouvé que tous, Juifs et Grecs (les gens religieux et les pécheurs
d’alors) sont sous l’empire du péché» (v.9).
La différence d’appréciation entre le livre mentionné, qui affirme la
«bonté» de l’homme, et l’apôtre Paul qui déclare que tous sont foncièrement
«mauvais», relève de points de vue radicalement différents. Pour l’un, il
suffit d’être gentil et amical pour être bon. Pour la Bible, les hommes sont
tous mauvais à cause de leur séparation d’avec Dieu et de leur rébellion
contre lui.
26 la grâce de dieu, c'est pour la vie !
Une des accusations les plus accablantes pour l’humanité se trouve en Ésaïe
53:6 : «Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait sa propre
voie.» Voici l’essence du péché - suivre sa propre voie. Cette voie consiste
pour l’un à donner de l’argent à des œuvres de charité ou, pour un autre, à
cambrioler une banque. Les auteurs de ces deux actes ne se réfèrent pas à
Dieu ; chacun suit sa propre voie. Dans un monde gouverné par un Créateur
souverain, cela s’appelle de la rébellion, autrement dit le péché.
Imaginez qu’une région donnée d’un pays se rebelle contre le gou-
vernement central. Les citoyens de ce territoire peuvent être corrects
et généreux, droits dans l’ensemble et respectueux d’autrui. Toute cette
moralité n’a aucune valeur pour le gouvernement central car ils sont en
état de rébellion. Tant que ce problème reste posé, rien d’autre n’entre en
ligne de compte.
Certes, si on se réfère à l’époque actuelle, cette image risque de perdre
de sa pertinence car certains gouvernements sont si visiblement corrompus
et iniques qu’une telle rébellion pourrait recueillir nos encouragements.
Toutefois, Dieu gouverne avec une justice parfaite. Son «commande-
ment est saint, juste et bon» (Romains 7:12). Personne n’a jamais de bonnes
raisons de se rebeller contre son autorité. Une seule raison nous pousse à
le faire, un esprit rebelle inné, un penchant pervers à suivre notre propre
voie, à établir notre propre gouvernement plutôt qu’obéir à Dieu.
Certains ne deviennent pas pécheurs à cause d’un environnement
familial défavorable quand d’autres bénéficient d’une éducation hautement
morale. Non, nous sommes tous nés pécheurs et héritiers d’une nature cor-
rompue, d’un penchant naturel pour la rébellion. «Je suis né dans l’iniquité,
et ma mère m’a conçu dans le péché» (Psaume 51:7). Voilà une affirmation
bien étonnante de la part de David, qui déclare avoir été pécheur dans le
sein même de sa mère, avant d’avoir rien fait de bien ou de mal.
la grâce ? pour quoi faire ? 27
angoisse profonde, et déclare : «Ô Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis
un pécheur.» Il reconnaît sa faillite spirituelle totale et reçoit la grâce de
Dieu. Cet homme, dit Jésus, descendit dans sa maison justifié - déclaré
juste par Dieu (Luc 18:9-14).
Comme lui, nous n’avons pas besoin de la grâce de Dieu pour combler
nos carences seulement, mais surtout pour guérir notre culpabilité et nous
laver de nos souillures. Nous avons besoin de sa grâce pour satisfaire à la
justice divine, pour annuler une dette dont nous ne pouvons pas nous
acquitter.
Il pourrait sembler que je remue le couteau dans la plaie de notre culpa-
bilité et de notre infamie devant Dieu. Cependant, nous ne comprendrons
jamais la véritable nature de la grâce divine sans saisir d’abord à quel point
nous en avons besoin à cause de la gravité extrême de notre état.
«La première caractéristique de la grâce divine, dit un auteur, et peut-
être la plus essentielle, consiste en sa présupposition du péché et de la
culpabilité. La grâce n’a de sens que si l’homme se regarde comme déchu,
indigne de salut et passible d’une colère éternelle. La grâce ne considère
pas simplement le pécheur comme ne méritant pas le salut, mais comme
totalement déméritant. À ce titre, il mérite l’enfer !»
dont la plupart des chrétiens vivent leur foi. Nous agissons comme si la
grâce de Dieu se contentait de compenser la déficience de nos œuvres.
Nous croyons que notre obéissance et nos exercices quotidiens gagnent
les bénédictions de Dieu, tout au moins en partie. Nous savons que nous
avons été sauvés par grâce, mais nous pensons qu’il nous faut ensuite
avancer à la «sueur» spirituelle de notre front.
La grâce, oui, mais pour qui ? Pour nous tous, le chrétien comme
l’incroyant. Le chrétien le plus consciencieux, obéissant et persévérant
a besoin de la grâce de Dieu tout autant que le pécheur endurci le plus
dissolu. Nous avons tous besoin de la même grâce. Le pécheur n’en a pas
plus besoin que le saint, ni le croyant indiscipliné et immature plus que le
missionnaire zélé et pieux. Nous avons tous besoin de la même mesure
de grâce car la «devise» de nos bonnes œuvres (nos quadros) n’a aucune
valeur aux yeux de Dieu.
Ni nos mérites ni nos manquements ne déterminent la mesure de
grâce dont nous avons besoin, car celle-ci ne vient ni s’ajouter à nos mérites,
ni compenser nos démérites. Elle n’en tient pas compte du tout, mais elle
considère tout être humain comme totalement indigne et incapable de
faire quoi que ce soit pour gagner les bénédictions de Dieu.
La grâce cesse d’être grâce si Dieu est contraint de l’accorder en raison
des mérites de l’homme ou s’il doit la lui retirer à cause de ses démérites.
Elle se rapporte à l’homme sans tenir aucun compte de ce qui lui est dû,
mais uniquement selon la bonté infinie et le dessein souverain de Dieu.
Cette description de la grâce de Dieu comporte un double tranchant.
Elle ne se gagne pas par nos mérites, ni ne se perd par nos démérites. Si
vous avez le sentiment de mériter une réponse à votre prière, ou une
bénédiction particulière de Dieu, en raison de votre dur labeur ou de vos
sacrifices, vous ne vivez plus par la grâce mais par les œuvres.
Mais il est tout aussi vrai que si vous désespérez parfois de recevoir
la bénédiction de Dieu à cause de vos échecs (de tout ce que vous auriez
la grâce ? pour quoi faire ? 31
certains, mais nous devons être absolument au clair sur la vraie nature
de l’Évangile du salut.
Il y a plus de deux cents ans, Abraham Booth (1734-1806), un pasteur
baptiste écrivait :
«Les qualités les plus précieuses et les œuvres les plus éblouissantes
qu’on puisse rencontrer chez l’homme, si utiles et véritablement
excellentes fussent-elles à leur juste place et sollicitées à bon escient,
n’ont aucune existence dans le grand domaine de notre justifica-
tion.
«En effet, la grâce divine, dans l’accomplissement de cette œuvre
particulière qui lui est propre, dédaigne toute assistance des œuvres
médiocres et imparfaites de l’homme. Tout effort pour parfaire
l’œuvre commencée par la grâce trahit notre orgueil et offense le
Seigneur, sans nous procurer de bien spirituel. Que le lecteur prenne
donc grand soin de se rappeler que la grâce est totalement souveraine
et gratuite, ou n’existe pas du tout. Que celui qui professe l’espérance
d’un salut par grâce croie en son cœur être entièrement sauvé par
elle s’il ne veut pas faire preuve d’inconséquence en un domaine
d’importance primordiale.»