Ferraz. de La Psychologie de Saint Augustin. 1862.
Ferraz. de La Psychologie de Saint Augustin. 1862.
Ferraz. de La Psychologie de Saint Augustin. 1862.
m LA PSYCHOLOGIE
DE
SAINT AUGUSTIN
*. I
SAINT AUGUSTIN
l'Ait
II. FERRAZ,
PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE A LA FACULTÉ DES LETTRES DE LYON-
DEUXIEME ÉDITION.
PARIS
ERNEST THORIN, ÉDITEUR,
7. RUE DE MÉDICIS, 7.
1869
JKÏli *"
3U&
PRÉFACE.
LA PSYCHOLOGIE
DE SAINT AKilSTIY
CHAPITRE PREMIER.
Bû
513%
4 DE LA PSYCHOLOGIE
missantes, mais déjà domptées, lui laissèrent quelque
misères.
Augustin n'a pas composé un traité spécial de psy-
chologie, à moins qu'on ne veuille donner ce nom à
lion iii
i
l'origine de l'Ame, il incline à penser <|ue cette
2
l'autre est plus facile et plus aimable . Dieu est au-
dessus de nous , et il y a quelquefois de la témérité
à s'interroger sur son essence; nous, nous ne sommes
pas au-dessus de nous-mêmes, et on serait mal venu à
nous détourner de nous étudier par ces paroles bien
connues: «Que nous importe ce qui nous surpasse?
Quod supra nos, quid ad nos?» La connaissance de
Dieu suppose celle de l'homme, mais la connaissance
de l'homme n'implique pas celle de Dieu. Gela revient
à dire, dans le langage de notre temps, qu'en philoso-
phie la méthode psychologique est préférable à la mé-
'
SoliL, 1. II, c. 1.
2 Dp Orrf.. |. H, c. 18.
DE BAINT M IG1 STIN. 7
1
De OrtL, 1. II, c. 18.
1
Xénoph., Mém., 1. IV, c 7.
8 DE LA PSYCHOLOGIE
1
De Tcin., 1. VIII, c. 6.
10 DE LA PSYCHOLOGIE
i
Eatn tenet certissimd scïenthî, clamalque conscienlia (De 7V.,
I. XIII, c. 1).
2
De Trin., 1. XIII, c. I, 2.
3
R-ch. de la Ver., I. UT, 2 e part., c. 7.
4
« Uitdè enim mens aliquam mentetn hovit, si se nonvovit?\\
(DeTr., 1. IX, c. 3).
4°2 DE LA PSYCHOLOGIE
par l'entendement opérant sur les données des sens :
elles pour les saisir. C'est sur les actes qui les mani-
festent que je me fonde pour affirmer leur existence;
et, si elles restaient inactives, elles seraient pour moi
comme si elles n'étaient pas '. C'est ainsi que j'arrive
1
De Trin. :
\. VIII, c. 6; 1. IX, c. 3.
2
De Lib. arb., 1. III, c. 23.
3 uNeque enhn, ut oculus corporis videt alios oculos. et se no?i
videt; ita mens novit alias mentes et ignorât semetipsam.... semet-
ipsam per semetipsam. novit* {De Trin., 1. IX, c. 3).
DE SAINT AUGUSTIN. 18
,i entrevu <|u«
i
1
« Pavcis licet ipso animo animum cernerez (De Quant anim.,
c. 14).
1
*Non ignovare se 2>otest, scd cogilctre .se non potes t» (De Trin. s
I. XIV, c. 5.
14 DE LA PSYCHOLOGIE
celui-là même qui nous parle, s'il nous raconte son exis-
1
a Ex calure magis et impetu quant ex luce nata,)) {Nouvelles
lettre* et opuscules inédits, de Leibniz, par M. Foucher de Careil,
!.. 388).
F. *
18 DE LA PSYCHOLOGIE
grandes pensées, parce qu'il abonde en grands senti-
1
« Quœro igitur undesil anima, qualis sil^ quanta sit, cur cor-
purifuerU data, et cùm ad corpus venait qualis efliciatur, qualis
cûm abscetscrit)) [De Quant, an., c. 1).
DE SAINT ai GUSTIN. 19
CHAPITRE IL
DE L'ORIGINE DE L'AME.
1
Voir l'ouvrage brillant et paradoxal de M.Jean Reynaud, intitulé
Terre et Ciel.
20 de l'origine
plit de ses développements aussi riches que variés les
premiers siècles de l'ère chrétienne. Plus jeune, plus
inexpérimentée, plus facile à satisfaire sur les condi-
I.
1
Hieron. Marcel/. Àug. op. Epist. CLXV, c. 1.
22 de l'origine
se fut converti à une philosophie plus élevée et à une
religion plus pure.
1
De Mor. Matrich,, 1. II, c. 11.
DE L'AME. 23
1
Beausobre, Histoire critique de Manichée et du manichéisme.
2
De Actis cum Fel. Manich. — « Quod nihil ex sese corruptibile
proferatur. » Cont. Fort. Disp. 1
DE l'ame. 25
faire dire que l'Ame est une partie de Dieu, si telle
1
De Qu. an., c. \.
2
De Cen. ad lut., I. VII, c. 12.
3
De quant, anim., c. I. De Gen. ad lut , l. VII, C. 12.
26 de l'origine
L'âme de l'homme n'a donc été formée ni de la subs-
tance divine ni d'une substance corporelle, c'est dire
qu'elle n'a été faite de rien, et que Dieu l'a produite
par un simple acte de sa volonté toute-puissante 1
.
4
De An. et ej. orig., 1. I , c. 4.
DE L'àME. "11
1
De Civ. De?', 1. X, c. 31. Serm. CCXLI, C. 8.
28 de l'origine
II.
que Ton ne peut pas dire dès lors quelle n'a ni mérité
1
De IJb. arblt., 1. III, c. 20. EpisU CLXVI, c. 3. De Gen. ad
Uit., I. VII, c. 25.
de l'ame. 33
3
F.
34 de l'origine
tEpisti CXC, c. 6,
de l'ame. 35
celui qu'elle a voulu ,
mais celui qu'elle a pu '?» Peut-
on admettre une théorie qui donne lieu à des difficultés
aus>i graves et qu'on ne réussit pas mieux à lever?
I.i dernière hypothèse que développé saint Augustin
^e distingue de la précédente, en ce qu'elle n'attribue
à Dieu que la création des âmes du premier couple
humain, et qu'elle l'ait sortir toutes les autres âmes de
celle d'Adam par voie de génération ou de transmis-
sion. La facilité avec laquelle cette hypothèse semble
se concilier avec le dogme de la chute lui vaut, sinon
S'il n'y a que deux âmes qui aient été créées par
Dieu, et si toutes les autres dérivent de celle d'Adam
par voie de génération, la transmission de la tache
originelle s'explique parfaitement, et sans que la justice
1
Epi$L CLXVI, c. 6.
3
De Gen. ad LUI., I. X, c. 23.
3
De Lib. arb., I. III, c. 20.
36 DE i/ORIGINE
les détails physiologiques qu'elles renferment. La psy-
chologie aurait mauvaise grâce à affecter plus de pru-
derie que la physiologie sa sœur, et que la théologie
elle-même :
l
Epist., CXC,c. L
de l'ame. 37
1
Episl., CXC, c. 5.
1 La vie future, par Th. Henri Martin, 2 f édit", p. 206. '
38 de l'origine
CLXVI, c. 3).
DE l/ AMI 89
n'a pas devancé cette fois par ses libres explications les
CHAPITRE III.
DE LA SPIRITUALITÉ DE L'AME.
I.
1
«Elle ne pense, pour ainsi dire, que corps; et, se mêlant tout à
fait avec ce corps qu'elle anime, à la fin elle a peine à s'en distin-
guer» er
(Boss., Conn. de Dieu et de soi-même, c. 5, § 1 ).
DE L'AME. 45
oomplatl à renier on elle-même les images qu'elle s'en
esl une fois formées. Ces images légères, qui se jouent
capricieusement dans sa fantaisie, finissent par lui pa-
raître les seules idées dignes de ce nom , et leurs objets
1
De Trin., 1. X, c. 5, 6, 7.
DE i. ami:. 47
relui de l'observation interne. Tant (prou se borne à
1
De Trin., l.X,c. 10.
DE l.\\\li:. i
(
.>
1
Deuxième méditation.
F. *
50 DE LA SPIRITUALITÉ
il est positif qu'elle les sent. Quand le pied souffre,
l'œil le remarque, la langue le dit, la main s'y porte.
1
connaître .
1
Episf. CLXVK c. 2. Contr. Manich., c. 16. De immort, anim.,
c. 16.
:
DE I. AMI ;. T)l
remarque '
, dans l'illustre chef de l'école d'Alexandrie:
Si l'Ame, comme If corps, dil Plotin, avait plusieurs
parties différentes les unes des autres, on ne verrait
(|ii;iiul une des parties sent, une autre partie
éprouver la même sensation; mais chaque partie de
l'âme, celle qui est dans le doigt, par exemple, éprou-
iit les alTections qui lui sont propres, en restant
étrangère à tout le reste et demeurant en elle-même 2 .»
11 est seulement à regretter que saint Augustin, qui
développe avec une si grande supériorité cette pensée à
peine indiquée dans le philosophe alexandrin, ne lui
ait pas emprunté aussi les pensées suivantes dont la
3
belle démonstration de Bayle et sa curieuse hypothèse
d'un globe intelligent ne semblent être que la repro-
duction : «Sans doute, dit Plotin, une impression sen-
sible nous vient par les yeux, une autre par les oreilles;
1
Cette remarque a été faite par M. Bouillet, le savant traducteur
de Plotin. Les notes qui enrichissent son ouvrage nous ont fourni
beaucoup d'indications précieuses, et nous ont mis sur la voie de
plus d'un curieux rapprochement.
- Enn. 4", 1 II, g 2. Trad. de M. Bouillet.
Dictionn., art. Leucippe.
52 DE LA SPIRITUALITÉ
1
Enn. 4 e ,
1. VIL S 6. Trad. de M. Bouillet.
de l'ame. 53
cadere '.
1
Serm. CCXLI, c. 2.
54 DE LA SPIRITUALITÉ
1
De Civ. D., 1. XIV, c. 15; I. XXI, c. 3; De Gen. ad UtL, 1. III, c. o,
2
Conn. de Dieu et de soi-même, c. 3, art. 22.
56 DE LA SPIRITUALITÉ
yeux fermés ,
que dis-je? lors même que je dors d'un
*
M. Lélut (de l'Institut). Phrénologie, p. 339, 2 e édit.
de l'ame. 57
1
Contr. Epist. Manich., c. 17. De An. etej. or/g., I. IV, c. 47.
58 DE LA SPIRITUALITÉ
moins brillante.
de l'ame. r> .)
Epist., c. c. 18.
vérité réside.
II.
1
EpisL, cxx, c. 2.
DE L'AME. 61
1
De Gen. ad Utt., 1. VU , c. 14.
62 DE LA SPIRITUALITÉ
«Une chose, ajoute Augustin, qui n'aurait pas sa
nature propre, qui ne serait pas une substance, mais
un attribut inséparablement uni au corps, de la même
manière que la couleur et la forme, ne s'efforcerait
point de se détourner du corps pour saisir les choses
intelligibles , ne les percevrait pas d'autant mieux qu'elle
pourrait mieux s'abstraire des choses sensibles et ne
deviendrait pas par cette vue même meilleure et plus
parfaite. Car ni la forme, ni la couleur, ni l'harmonie
même du corps, qui n'est que le mélange des quatre
éléments dont ce corps est composé, ne peuvent se
détourner de lui à qui elles sont inséparablement unies
comme à leur sujet. Mais l'âme contemplant des
choses qui sont conçues comme étant toujours de la
même manière, cela fait assez voir qu'elle est unie à
elles d'une façon merveilleuse, toujours lamême et
incorporelle, c'est-à-dire qui n'a rien de commun avec
l'étendue 1 .»
On reconnaît ici, comme ailleurs, l'inspiration de
4
De imm. un., c. 10.
de l'âme, <'»;»
La justice a-t-elle li
i
-
mêmes propriétés que les corps?
Peut-on la qualifier de longue, de large, de profonde?
Cependant qui oserait dire que la justice n'est rien? La
simplicité esl si loin d'être identique au non-être,
qu'elle est , au contraire, la marque de la perfection
de l'être. Dieu est une substance incorporelle ; s'ensuit-
il qu'il soit une substance chimérique? Spiritualiser
l'âme, ce n'est donc pas l'anéantir, puisque Dieu, qui
esl spirituel, possède l'être dans toute sa plénitude.
Qu'y a-t-il de plus parlait parmi les objets de la géo-
métrie? Ce îfest ni le triangle, ni même le carré, ni
même le cercle, ni même la ligne: c'est le point.
Pourquoi? A cause de sa simplicité et de son unité. Or,
si le point qui est absolument inétendu, qui ne possède
aucune des dimensions de l'espace, l'emporte sur la
1
Di Qu. an., c. 3, 4 et sg. De An. et ej. orig., I. IV,' c. 12.
64 DE LA SPIRITUALITÉ
combien néanmoins n'est-il pas plus perçant! Quand
cet oiseau superbe plane dans les airs à des hauteurs
1
De Quant, an., c. 4 4.
DE l'ame. 65
La perfection est donc une chose; el la grandeur,
une autre. Or ,
quand on dit que l'âme croît, qu'elle se
1
De Quant, anim., c. 4 6, 47, 18, 49, 20, 21, 22.
DE L'AME. 67
réalité et de la vie.
En outre ,
partir, comme Augustin , du principe que
l'excellence d'un être ne se mesure point sur sa gran-
deur, pour en conclure que lame peut être sans étendue
et pourtant d'une nature excellente, c'est raisonner
d'une manière peu exacte. La seule conséquence légi-
time qu'il soit permis d'en tirer, c'est que l'âme peut
être à la fois d'une perfection et d'une petitesse extrêmes.
1
Monadologie,
68 DE LA SPIRITUALITE
1
Lucret., De nal. rc?\, 1. III, v. 446.
DE L*AME. 69
discuté ces objections que de son poinl de vue, elles
CHAPITRE IV.
DE LA NATURE DE L'AME.
I.
1
Substantia quaedam rationis particeps, regendo corpori ac-
commodata (De Quant, anim., c. 13).
DE L'AME. 71
4
Lettres et Opuscules, publiés par M. Foucher de Careil, 4 857. —
Deu.'jic?ne lettre à Fardella, p. 326.
72 DE LA NATURE
car il reste toujours entre elle et lui la distance qui
sépare ce qui est par autrui de ce qui est par soi ; une
cause seconde , de la cause première. Ainsi , ces seuls
mots bien compris ferment la porte et au matérialisme
et au panthéisme.
Ce n'est pas tout. L'âme est faite, suivant Augustin,
pour régir le corps, — regendo corpori accommodata. —
Qu'est-ce à dire? Qu'elle est une force, comme Leibniz
la définira un jour; c'est ce que le mot regendo nous
fait entendre, et que sa destinée n'est pas de vivre hors
du corps, comme les platoniciens l'avaient prétendu,
mais dans le corps, ainsi que l'avait soutenu Aristote.
Le corps, en effet, n'est pas une prison dans laquelle
elle est renfermée, mais un instrument fait pour elle,
Aussi, ji
1
m 1
trains pas de le dire, cette définition,
tion développée.
1
Conn. de Dieu et de soi-même, c. 4, S *•
74 DE LA NATURE
seulement. En même temps , il ne tient nul compte de
cet attribut de la force, qui doit être regardé comme le
corpori accommodata.
La définition de M. de Bonald : « L'âme est une
intelligence servie par des organes,» dont on a fait de
nos jours tant de bruit, a tous les défauts de celle de
Platon, dont elle n'est qu'une altération, et un autre
qui lui est propre. Dire que l'âme est une intelligence
servie par des organes, n'est-ce pas, en effet, faire de
l'âme quelque chose de purement inerte et passif, et
méconnaître l'activité qui est son attribut essentiel ?
II.
1
De Quant, an., c. 30. De Ver. ReL, c. 40. Epist, CLXVI, c. 2.
76 DE LA NATURE
1
De Quant, an., c. 5.
Dl i/ami:. 77
pas l'idée, qui n'occupe aucun lieu et qui est en soi in-
divisible, comme l'âme elle-même, mais le mot, qui
DE i. ami:. 7!>
est plus simple que les corps, car elle ne s'étend point
comme eux dans l'espace et n'a point comme eux des
parties telles que les plus grandes tiennent une plus
grande place, et les moindres une place moindre 2 Mais .
1
De Quant, anim., c. 32, 33.
2
De Trin., VI, c.
1. G.
80 DE LA NATURE
le sujet de la joie et de la tristesse, de la mémoire et
III.
!
Mutari autem animam posse, non qu'idem localiter, sed tamen
temporalité?*, suis affectionibus quisque cognosit. Corpus vero et
temporibus et locis esse mutabile, cuivis advertere facile est. De
Ver. Relig., c. 10.
2 De Civ. D., 1. XI, c. 10.
DE l'àME. Ni
Ainsi, de ce que ,
quand je délibère, j'incline tantôt
1
Conf.,1. VII, c. 4 0.
2 Cornu de Dieu et de soi-même, c. 4 , S 20.
3
Hoc corpus inspirata anima régit, eademque rationcilis. Dé
Trin., 1. III, c. 2; 1. X, c. 14. Conf., 1. X, c 7.
DE l'àME. 85
S'il arrive à saint Augustin de dire qu'il y a dans
l'homme trois choses, le corps, l'Ame et l'esprit, il ne
faut pas trop se hâter de voir dans cette proposition le
'
Serm., 150. De verbo.
86 DE LA NATURE
IV.
1
Traité des fac. de Vâme. Trad. de M. E. Lévêque (Plotin de
M.Bouillet,t.I*', p. XCII).
2 De opif. homin., c. XIV.
~
DE L'AME s
<
1
De Quant, anim., c. 32.
à leur substance.
Saint Augustin déclare franchement qu'il lui est
1
De Cm. D. 1. XIII, c. 46, 17. De Cons. Ev., 1. I, c. 23. Retr.,
1. I,c. 5, M.
m: L'AME. 89
'
Lib. ad Oros., C. S, 44. De Gen. ad lut., I. II, c. 48.
90 DE LA NATURE
force — la simplicité et l'unité de l'âme, il laisse planer
V.
cause 2 .
1
Malebr., Rech. de la vér., 1. 1, c. 6.
1
Lib. de duab. anim. contr. Maniclï., c. 4, 5.
DE i'ame. 91
1
De Lib. arb., 1. III, c. 5.
5
Enarr. in psal., CXLV.
92 DE LA NATURE
1
De Quant. an. y
c. 33.
de l'ami .
98
beaucoup plus simple. Il ramène toutes les fonctions de
'
Quid anima in corpore vateret, quid in seipsâ, qiiid apud
"i (De Quant, an., c. 33).
2
De la conn. de ïâ??ie, par le P. Gratry. Préface.
94 DES FACULTÉS DE L'AME.
avait exprimés?
CHAPITRE V.
sa force ni de sa faiblesse.
»
F.
98 DES FACULTÉS DE L'AME.
!
M. Garnier, Traité des facultés de tâme, 1. II, c. 2.
2
De Lib. arb., 1. H, c. 3.
DE LA VIE. — Dl - SENS. 99
sibie el la vie intellectuelle *. Ailleurs, il veut que le
1
Aliud est sentir'e, aliud scire. De Quan. an., c. 29.
2
De Gen. ad litt., 1. XII, c. 8, 24.
DE LA VIE, — DES SENS, 401
sance.
Après avoir reproduit brièvement quelques-unes des
idées toutes péripatéticiennes d'Augustin sur la vie
nous étudierons successivement avec lui les sens, la
II.
génération et à la croissance 1 .
1
De Quant, an,, c. 33.
DE LA VIE. — DES SENS, 108
Eh bien , tout ce qu'elle en sait c'est par les yeux et non
par elle-même qu'elle l'a appris. Tant il est vrai qu'il
1
De An. et rj. or., 1. IV, c. 5, 6.
Voir dans Fénelon la traduction de co remarquable passage. Tr.
de l'exist. de Dieu , <l<" partie, ch. 2.
104 DES FACULTÉS DE L'AME.
1
De Quant, an., c. 33.
2 De Civ. D., 1. V, c. 11.
3 De Gen. L. imp., c. 5.
DE LA VIE. — DES SEKS. 105
Augustin oe se donne pas la peine de discuter la
couvert de feuilles ,
paré de fleurs, chargé de fruits. Or,
c'est en émondant avec la cognée le luxe de ses ra-
meaux, qu'on lui procure tous ces biens. S'il sentait le
S'il n'est pas vrai de dire que les arbres sont doués
de sentiment, il n'est guère plus exact de prétendre
qu'ils ont en eux un principe de locomotion. Sans
1
Magis lignea quant sunt ipsas arbores quibus patrocinium
pnebet {De Quant, an., c. 33).
1
De Mor. Manich. y I. II, c. 17.
106 DES FACULTÉS DE L'AME.
peine dire que nous avons une âme vivante; car c'est
le sentiment et le mouvement spontané qui sont les in-
dices les plus irrécusables de la présence de l'âme et
de la vie '.
III.
i
De Gen. ad litl., 1. VII. c. 16. De Gen. ad Utt., Lib. imp., c. 5.
DE i \ \ik. — DES SENS, 107
chaud , le rude et le poli, le pesant et le léger, le dur el
1
De Quant, an., c. 33.
408 DES FACULTES DE L'AME.
1
De Lïb. arb., 1. III, c. 23. De Mor. Manich., 1. II, c. 17.
2 Contr. Epist. Man., c. 4 7.
3 Nullo modo cuiquam corpori simile est. De Gen. ad litt.,
1. VII, c. 81.
4
Nullo modo invenitur locorum spatiis aliqua mole distendi.
Contr. Munich., c. 16.
DE LA Vli:. — DES SENS. 10!)
momie, un microcosme 1
.
CHAPITRE VI.
DES SENS.
I.
nettes de Bossuet:
1
Bossuet, Conn. de Dieu et de soi-même, c. \ , § 4
2
Passio corporis per se ipsam non lalens animam.
DES SENS, 115
1
De Quantitate animas, c. 23 et suiv.
116 DES SENS.
grande profondeur.
La preuve que cette définition a, toutes réserves faites,
1
Voir M. Tissot : La vie dans l'homme^ l
lc partie, !. VIII, c. 4.
i
DES SENS. 117
ainsi, d'après ce physiologiste, nos organes seraient
/ analogues â des thermomètres : ils nous indique-
raient, par leurs variations, les variations des corps
extérieurs avec lesquels ils sont en rapport; ils nous
seraienl connus et en eux-mêmes, el en tant que signes.
Augustin ne dit pas autre chose.
II.
Ces idées ,
qui seront plus tard si chères à Malebranche,
ont pour saint Augustin lui-même une telle impor-
tance que, plutôt que d'y renoncer, il renoncerait à
toute explication rationnelle de la sensation.
même.
Lorsque le son modifie l'oreille, dit-il, ce qu'il y
a de semblable à l'air dans cet organe est ébranlé par
l'air extérieur, et l'âme qui, avant ce son, animait en
silence du mouvement vital l'organe de l'ouïe , ne cesse
pas pour cela de l'animer. Seulement ce qu'elle anime
ayant été modifié, l'action de l'âme se trouve modifiée
aussi; cependant elle est toujours une action véritable,
et le nom de passion ne saurait lui convenir en aucune
sorte. Il en est de même des autres sensations.
Les formes frappent la lumière qui est dans nos
yeux; les exhalaisons des objets se glissent dans nos
narines; les saveurs, dans notre palais; les corps solides
modifient le reste de notre corps, ou bien, dans l'inté-
1
Cùm aufem ab eisdem suis operationibus alicpri.d patitur, a se
ipsa pat i tu?\ non a cor pore (De Musica, 1. VI, c. 5).
De Mut., 1. VI, c. 5.
422 DES SENS.
'
Enn. 4, 1. VI, c. 2. Trad. de M. Bouillet.
*.Enn. 4, 1. IV, c. 4 9.
3 Ibid.
4
Log. de Port-Royal, I. I, c. 1.
DES SENS. 123
Pâme dans tout le corps et en fait le principe do la vie
vitale.
1
Log. de Port-Royal, I. I, c 9.
424 DES SENS.
du plaisir ou de la douleur 1
.»
III.
1
Malebranche, Rech. de fa vérité, 1. I, c. 17.
2
Leibniz, Mon., 7.
3
Epist., CXXXVII, c. 2.
c
DES -i NS. l 25
i
omprenait à celle époque tes rapports du physique et
du moral et ce qui s'en est transmis aux âges suivants.
Les médecins regardent comme une chose démontrée
que les corps des animaux contiennent, outre les élé-
est au monde. Pour agir sur la chair, qui est une nature
à la ibis terrestre et aqueuse, l'âme se sert de l'air et du
feu avec lesquels elle a plus d'affinité. Sans ces deux
éléments, toute sensation et tout mouvement spontané
seraient impossibles. — C'est, on le voit, la théorie des
esprits animaux, qui doit un jour tenir tant de place
1
De Gen. adlitt., 1. VII, c. 13, 15, 17, 4 8.
2
Que saint Augustin ait tiré de son propre fonds ces dernières
idées, ou qu'il les ait empruntées à un autre, je me permets de les
signaler à l'attention d'un éminent philosophe et physiologiste de
notre époque, qui déclare que c'est dans Willis qu'il rencontre pour
la première fois l'affectation de l'encéphale aux facultés actives de
l'homme, et qui croit pouvoir lui attribuer l'honneur de cette vue
1
De Mus.,1 VI, c. 2, 3, 4.
DES SENS. 129
disparu, il ne s'ensuit pas qu'elle n'y ait pas été au
moment où l'objet agissait sur l'organe.
A l'appui de celte théorie. Augustin cite des laits que
sue! a reproduits après lui, dans le premier chapitre
de son Trait/' delà connaissance de Dieu et de soi-même.
Quand un homme a, pendant quelques instants, consi-
déré une lumière éclatante et qu'il vient ensuite à fermer
les yeux, il voit encore devant lui de brillantes couleurs,
qui diminuent insensiblement et qui finissent par s'ef-
IV.
2
Bayle ,
qui n'est pas facile à contenter en matière
de raisonnements, surtout quand ces raisonnements
sont d'un Père de l'Église, Bayle trouve cette réfuta-
lion pleine de solidité. Cependant, s'il était démontré
que la théorie des images n'avait pas pour but, dans la
£pfc/.,CXVHI, c. 4.
•
Bayle., D ici. t
art. Démocrite.
132 DES SENS.
V.
1
De nat. m\, 1. IV.
2 Epie, Lett. à Hérod.
3 Sext. Empir., Jdv, Math. VIF, 139.
DES SENS. 133
'
lu cit. delà Ver., 1. I, c. 14.
134 DES SENS.
l
Epist., CXXXVII,c. 2.
2
De Quant, an., c. 23.
3 Plotin, Enn. 4, 1. VI, c. \. Trad. de M. Bouillet.
*Epist., CXXXVII, c. 2.
Dl - SENS. 135
VI.
'
De lib. arb. f
I. Il , c. 3, 7. De Quant, an., c. 33.
436 DES SENS.
l'un et à l'autre.
Il ne faut pas s'exagérer la portée des arguments par
lesquels saint Augustin défend l'autorité des sens. Il ne
cherche pas à prouver que le monde extérieur, tel que
1
Conir. Academ., I. III, c. 41, 12.
2
Voir, dans le Dict. des Sc.phil., l'art. Sens, où M. Saisset explique
admirablement la croyance à l'extériorité par la localisation de nos
sensations.
DES -i NS. 189
1
Ritter, De la philosophie chrétienne, t. II, p. 1 90. Trad. de
M. Trullard.
140 DES SENS.
Enfin, les corps que nos yeux voient ne sont pas plus
les vrais corps que les triangles et les carrés qui frap-
DES SENS. I il
1
i>< div. (I». 83, 7". '.). SoliL, I. II, c. <I8.
-
Plat., Phi èbe. Trad. de M. Cousin.
142 DES SENS.
VII.
de leurs données.
Tout en accordant au sens intérieur une sorte de su-
prématie sur les sens extérieurs, Aristote laissait à ces
derniers non-seulement la connaissance de leurs objets
divers, mais encore la connaissance de leurs sensations
respectives. Suivant lui, le môme sens qui nous fait
voir, nous fait aussi connaître que nous voyons. Ici, Au-
gustin se sépare complètement d'Aristote. Il ne concède
aux sens que la connaissance des objets du dehors, et
1
De cm., 1. III, c. 2, 5S *j 2 5
a - — Voir aussi le savant travail de
ami M. WaddÎDgtOD, intitulé De la psychologie cl' Aristote.
144 DES SENS.
1
De lib. cirb.. ]. Il, i
i
10
446 DES SENS.
De lib. arb. y
I. II, c. 3, 4, 5, 6.
SENS. 1 17
ne l'engendre pi
•
De Gen. ad lit/., 1. VII, c. 21. De Civ. £>., 1. XI, c. 26, 27
DES SENS. I 19
'
Médit. 3".
- De TrinUale, 1. X, c. 10
Idem.
Jdi m
452 DES SENS.
le ch. Ier
1
Voir du présent ouvrage ,
p. 6.
DES SENS 153
l'homme intérieur que la vérité habite 1 .) Or celte
CHAPITRE VII
DE LA MÉMOIRE.
I.
nir 4
? » — Quels sont donc les êtres qui se souviennent?
L'homme d'abord, puis les êtres intermédiaires tant
2
entre l'homme et Dieu qu'entre l'homme et les corps .
x
Enn. 4, I. III, c. 25. Trad. de M. Bouillet.
2
Conf., 1. XI, c. 14, 31.
DE 1 \ MÉMOIRE. 155
leurs images, les embrasse toutes ensemble, en elles-
!
De Mus., 1. I, c. 4. Contr. Epist. Man-, c. 17.
1
De Mus., 1. I, c. 4.
2
Plotin, Enn. 4, 1. III, c. 26. Trad. de M. Bouillet.
DE LA MÉM0I1 159
elle doit avoir pour sujet une substance qui soit elle-
même incorporelle, c'est-à-dire une âme. — Donc, la
IL
nalité et de finesse.
cil y a en nous, dit cet observateur ingénieux, beau-
1
Voie sur les idées latentes l'excellente Logique de M. Duval-
Jouve, rc
l part., ch. 7.
Leibniz 1
Avant-propos des nouveaux essais.
F.
«
162 DE LA MÉMOIRE.
1
Locke dit également que les idées subissent un certain déchet.
Essai sur Vent, humain, 1. II, c. 10.
2
De Mus., 1. VI, c. 4.
DE LA MÉMOIRE. 168
on! produites dans mon esprit 1
. Pour savoir si un son
esl long ou bref, je ne cherche pas à le saisir lorsqu'il
1
Conf.. I. XI, c. 27.
DE LA MÉMOIRI I 65
i mi celles que jo dois sentir encore. C'est avec les cou-
leurs tristes mi gaies du passé que je me peins l'avenir
sombre ou brillant, et si j'induis, ccst parce que je
me souviens. Ainsi, de même que les rayons visuels
<|ui s'échappenl de nos yeux nous découvrent l'espace,
de même la lumière de la mémoire nous dévoile le
temps '.
1
Cou/., !. X, c. 8; 1. XI, c. 27. De Mus., I. VI, c. 8.
III.
astres, cet Océan, qui ne sont point là, sous mes yeux,
au moment où j'en parle? Où, sinon en moi-même,
dans les images que je m'en suis formées '?
Ce ne sont pas les objets sensibles eux-mêmes qui
se fixent dans ma mémoire, mais leurs seules images.
Qu'un son vienne à frapper mon oreille, il a déjà re-
tenti et passé, après avoir fait sur elle une certaine
impression, que ma mémoire peut encore en conserver
et en évoquer la représentation. Qu'une odeur traverse
airs et s'évanouisse après avoir affecté mon odorat,
ma mémoire en garde une image que je reproduis à
1
Cbw/., 1. X, c. 8; 1. XI, c. 27. — Sainl Augustin, on le voit, a la
1
De An. et ej. orig., 1. IV, c. M.
2
De Trin.,\. X, c. 5.
3 er
Dugald-Stewart, Philos, de l'espr. hum., t. 1 , cli. 3. Trad. de
M. Peissc.
M> LA MÉMOIRE. 171
1
Estai Conf. de S. Aug., par M. A. Desjardin, docteur ès-
su?- les
VI.
1
Imagines eorum convolait, cl rapit fadas* in scmetipsa de
elles sont colorées, c'est nous qui t'en avons fait le rap-
port; mes oreilles : si elles sont sonores, c'est nous qui
te les avons révélées ; mes narines : si elles ont une
odeur, c'est nous qui leur avons donné passage; mon
goût : si elles n'ont pas de saveur, ne m'interrogez pas
Bur elles; mon toucher: si elles ne sont point corpo-
2
relles, je ne les ai point touchées .
Conf., I. X, c. 9.
*Conf., 1. \. c. 10.
\ 74 DE LA MÉMOIRE.
de qualité? S'il n'avait pas le passage d'Augustin sous
touchement *?»
Les idées dont je parle, continue Augustin, sont en
quelque sorte inhérentes à ma La première fois
nature.
que je les ai eues ,
je les ai admises uniquement parce
que je les voyais en moi-même. Il est vrai qu'elles
1
Log. de Port Royal, re er .
<1 part., ch. 1
2
Conf., 1. X, c. \\.
3
Locke parle aussi quelque part d'une opération de l'esprit qu'il
nomme le recueillement.
DE LA MÉMOIRE. 175
m ,ï nos yeux, ni à oreilles, ni à aucun de nos sens.
Car il ne Faut pas les confondre avec les sons qui les
expriment : ceux-ci sont antres en grec et en latin ,
pen-
dant que celles-là sont, les mêmes en latin et en grec.
Il n'y a nulle ressemblance de nature entre les lignes
1
Conf., i. x,c. II. 12.
e
Réponse aux 3 es
object.
176 DE LA MÉMOIRE.
Log., rp
'
4 part., c. 1.
DE LA MÉMOIRE. 177
sa mémoire 1
,
'
L'un/., \.X, c. 13, 14.
1
i-
178 DE LA MÉMOIRE.
On voit quelle importance saint Augustin attache à
Saint-Espril '.
V.
'
De Trin . I. \\. c. >\. il. T.\.
180 DE LA MÉMOIRE.
Tordre et la révision; parmi les secondes, le pouvoir
volontaire et l'association des idées.
C'est bien de la sensibilité qu'il parle, quand il dit
1
Talis enim delectalio vehementer infigit memorix quod trahit
3
...Ut tanquam ad manum posita in ipsa memoria, ubi sparsa
priés et neglecta latitabant Jam familiari intentione facile oc-
peu s'effaçant*.
Une condition du souvenir plus importante encore
que les précédentes, c'est l'acte volontaire. Sans la vo-
lonté, la mémoire est aussi incapable de se souvenir
des perceptions des sens que les sens de percevoir les
objets sensibles. Il m'arrive souvent de lire une page
d'un bout à l'autre et de ne pas savoir ce que j'ai lu,
au point que je suis obligé d'en recommencer la lec-
chercher cela?
Cependant l'influence de la volonté sur la mémoire
n'est pas illimitée. Augustin a très-bien vu et dit très-
Trin.. I. XI, C. S.
182 DE LA MÉMOIRE.
nettement, avant les philosophes écossais, que nous ne
pouvons nous souvenir d'une chose qu'à la condition
d'avoir déjà dans les profondeurs de notre mémoire ou
l'idée de cette chose en général, ou l'idée de quelqu'un
de ses détails en particulier. Ce qu'on a oublié de tout
point et de toute manière, on ne saurait vouloir se le
nière ait pour point d'appui une idée dont nous nous
souvenons déjà et qui avait été liée dans notre mémoire
à celle que nous voulons évoquer. C'est dire que l'as-
quer le premier.
De tous les philosophes qui se sont occupés de l'as-
1
De Trln., 1. XI, C. 7.
DE LA MÉMOIRE. 188
dans ma mémoire.
Mais il y a des circonstances où l'objet est perdu,
non-seulement pour les yeux, mais pour la mémoire
elle-même : c'est ce qu'on appelle l'oubli. Eh bien !
Cunf.. 1. X, c. 19.
184 DE LA MÉMOIRE.
On ne saurait asssurément ni mieux observer ni
mieux dire.
*
Conf., 1. x, c. 19.
1<S
~>
DE i \ MÉMOIRE.
1
De 7/7/;., 1 XIV, c. 13.
1
De Mus,, 1. VI, c. 8.
s
Est etlam aliud tende nos sentlre arbitror prxsentem mot uni
animi aliquando jam fuisse, quod est recognoscere dum récentes ,
motus ejus actionis in qua sumus cum recordamur, qui certe vioa-
ciores sunt, cum recordabitibus jam sedalioribus quodam inte-
riore lumine comparamus et talis agnitio recognitio est et re-
; ,
VI.
mouvement et la parole.
Nous aurions pu resserrer en un petit nombre de
pages la théorie que nous avons si amplement dévelop-
pée mais nous aurions cru manquer à la première loi
;
l'admettre.
L'explication la plus naturelle qui s'offre à l'esprit,
c'est que l'étude approfondie qu'il avait faite de celte
faculté l'a porté à en étendre démesurément le do-
maine. Quand un esprit distingué se met à creuser un
sujet quel qu'il soit , il finit toujours par s'en exagérer
l'importance. Comme il y découvre une foule d'aspects
qu'il ne saurait apercevoir dans les sujets qui n'ont
point préoccupé son attention au même degré, il se
1
Ubi ergo te inveni ut discerem te? neque enim jam eras in
memoria mea prius quant te discerem. Ubi ergo inveni te, idsi
in te supra me? (Conf., 1. X, c. 26).
2
...Idque inveniret ubi primum invenerat, in illa scilicet incor-
porée/, veritate , underursus quasi descriptum in memoria Jigere-
tur. (De Tria., 1. XII, c. 44.}
DE ! \ MÉMOIRE. 191
l
Enn. 4, 1. III, c. 25. Trad. de M. Bouillet.
DE LA MÉMOIRE. 193
le rationalisme des hypothèses par lesquelles le plato-
nisme l'avait compromis, et d'avoir épuré une doctrine
qui devait avoir de si hautes destinées dans les âges
modernes. Cette gloire serait plus grande encore, si
CHAPITRE VIII.
DE L'IMAGINATION.
I.
•
D( Trin., 1. XI, C. i et suie.
498 de l'imagination.
les a imprimées dans notre mémoire. Quant aux repré-
sentations de l'imagination, il est vrai qu'elles sont
formées des éléments qui sont dans la mémoire ; mais
elles se multiplient et varient à l'infini. Ainsi ,
je me
souviens d'un seul soleil ,
parce que je n'en ai vu
qu'un seul, et qu'il n'y en a qu'un en réalité; cepen-
dant, si je veux, j'en imagine deux, trois, nombre
le
1
Sedex eadem memoria qua unum memini formalur acies?nul-
los cogltantls.
2
De Trin., 1. XI, c. 8.
de l'imagination. 199
De n r. relig. y c. 39.
1
Istum spiritum, qui modo quodam proprio vocalur spiritus,
".unir, qusedam mente 1nferior ubl corporalium rervm
%
simili-
tudines exprimunlur. {De Gen. ad tilt., XII, c. 9.) 1.
-
Ibi non soltt vislo dlcl , càm mémorise commendalur forma,
j'<l in .sensu cernenlis. [De Trin., 1. XI, c. (J.)
202 DE L'IMAGINATION.
cgrporellement le prochain présent; mais l'amour ne
peut ni être vu en lui-même avec les yeux, ni être re-
présenté dans l'esprit par une image semblable au
corps; il ne peut être connu et perçu que par l'âme
raisonnable, c'est-à-dire par l'entendement 1
. »
1
De Gen. ad UlL 1. XII, c. 11.
2 De Gen. ad litt., 1. XII, c. 6.
3
Et si quidem spiritus irrationalis est, veluti pecoris, hoc usque.
oculi nidifiant. Si autem anima rationalis est, ttiam intelleclui
1
De Gen., ad lia., 1. XII, c. 11.
204 de l'imagination.
IL
2
faut rejeter le principe dont elles découlent .
1
EpUt. VI.
1
EpUt. VII.
206 de l'imagination.
sont si souvent fausses, quand nos souvenirs, se rap-
portant à nos sensations, ne sauraient être entachés
d'erreur? C'est que la volonté, qui unit et sépare les
phénomènes de ce genre, comme j'ai lâché, autant
que j'ai pu , de le faire voir, conduit à son gré l'imagi-
nation dans les champs les plus reculés de la mémoire,
et la pousse à imaginer ce qui échappe au souvenir, à
l'aide de ce qu'il lui fournit, et en prenant çà et là les
que je l'ai vu, deux autres pieds, tels que ceux que j'ai
1
De Trin., ]. XI, c. 10.
Essai sur Vent., I. II, c. 2.
;
1
lia nulla corporalia , nlsi aut ea quas meminimus , aut ex ils
11
y parle plusieurs fois de l'imagination comme d'une
faculté qui ne peut suivre la raison dans ses concep-
tions les plus claires et les plus positives, et qui est
1
Rech. de la rr<\, 1. I c. 6.
F. 1*
210 DE l'imagination.
1
\o)i enim culuratas uilas patiuntur imagines, qui senserunt
nullas. (Ep. VII.)
-De Trin., 1. XI, c. 8, 9.
212 de l'imagination.
Est-il rien de plus juste, de plus ingénieux, de plus
fin que les observations qui précèdent? Augustin met
parfaitement en lumière une chose trop peu remar-
quée, c'est que l'imagination n'agit pas seulement dans
les grandes créations de la poésie et de l'art, mais
encore dans les faits les plus humbles de la vie ordi-
1
Idem.
de l'imagination. 218
1)1.
il, est l'image de mon père que j'ai vu; autre chose,
celle de mon aïeul que je n'ai jamais vu. La première
est une phantasia, la seconde un phantasma. Je trouve
lune dans ma mémoire, l'autre dans un mouvement
214 de l'imagination.
de l'âme provoqué par les mouvements qui sont déjà
dans ma mémoire 1
.»
1
Aliter enim cogito patrem meum quem ssepe vidi, aliter avum
quem nunquam vidi. Horum primum \)hanlasia est alterum phan- ,
Ep. vu.
216 de l'imagination.
sait lire, dans les quelques lignes où il rattache a
l'imagination, non-seulement les œuvres de la poésie,
mais encore les fables des diverses religions et les hy-
pothèses de la science ! C'est un programme auquel
aujourd'hui même il y aurait peu de chose à changer,
et dont il suffirait d'étendre et de varier les développe-
ments. Le rôle de l'imagination dans les sciences ma-
thématiques n'est pas moins finement saisi , et les phi-
losophes du dix-septième siècle n'ont eu qu'à s'inspirer
des vues d'Augustin à ce sujet, pour s'élever aux idées
ingénieuses dont ils ont souvent enrichi leurs ou-
vrages.
IV.
1
Cui,J\. 1. I. C . 13. 16.
218 de l'imagination.
1
De Trin., 1. IX, c. 11 ; 1. XI, c. 4; De Ver. Rel., c. 34; De Mus.,
I. VI, c. 11 ; Conf., 1. III, c. 6 et suiv.
1
Cou/., ]. VII. C. 5.
222 de l'imagination.
claires notions de la raison. Dieu, dit-il, c'est la lu-
i
De Tria., 1. VIII, c. 2.
de l'imagination, 223
rique et impossible. Un aulre point à remarquer, dans
les développements qui précèdent, c'est la pénétration
V.
:
eamdem intenlionem qua Mas ipsas ima-
\ec videbam hanc
formabam non esse taie aliquid: quœ tamen ipsas nonfor-
gtiies ,
1
De Gen. ad Utt., 1. XII, c. 12.
de l'imagination. 225
oatioo es! enflammée de quelque passion ardente, elle
même catégorie.
1
Ex eodem génère affectionis etiam illudest, quod in somnis
imagines ludimur. {De Trin., 1. II, c. 4.)
F. 15
226 de l'imagination.
ceptions et ses conceptions, tandis que, dans les pre-
miers, la confusion est à peu près complète et cons-
tante. C'est une vérité que saint Augustin ne s'est
1
De Gen. ad lut., 1. XII, c. %.
de l'imagination, 227
sence réelle de cet ami auquel il pensait parler; de
sorti' que le vrai et le faux, le réel et le chimérique se
mêlaient confusément dans son esprit 1
.
1
De Gen. adlitt.,1. XII, c. 2.
228 de l'imagination.
meil, il nous arrive souvent de résister, de demeurer
fidèles à nos résolutions de chasteté , et de refuser
notre consentement aux séductions du plaisir? Et ce-
pendant, nous sommes si différents de nous-mêmes
que, si nous venons à faillir, une fois éveillés nous
retrouvons le calme de notre conscience, persuadés
que ce n'est point nous qui avons fait ce qui s'est
Combien ,
je le demande , y a-t-il de personnes
pieuses que leurs scrupules religieux et le noble souci
de leur perfectionnement moral aient amenées à s'étu-
dier aussi profondément elles-mêmes? En quoi diffèrent
l'état de veille et l'état de sommeil? L'homme conserve-
t-il, dans ce dernier état, son identité et sa personna-
lité? La sensibilité et l'imagination exercent-elles alors
sur lui un empire absolu? Sa volonté et sa raison sont-
elles momentanément inactives et dorment-elles comme
1
Conf., I. X, c. 30.
l»K l'imagination. 229
ginations. Si un homme est atteint d'un accès de délire
ou de fièvre chaude, les représentations qu'il se forme
en lui-même sont alors si vives, qu'il les prend pour
des réalités, el qu» 1
ce qu'il imagine dans son esprit, il
;
corps sont présents, les yeux sont ouverts, et ce-
pendant les yeux ne perçoivent point les corps. L'esprit
1
De Gen. ad lui., 1. AU, c. 12.
230 de l'imagination.
que l'on a dans l'état de veille et de santé; toute la dif-
1
Verum hoc interest, quod eas a.pruîsentibas verisque corpori-
bus constante affectione discernunt. {De Gen. ad litt., 1. XII, c. 12.1
2 De Gen. adlitt, I. XII, c. 2.
de l'imagination. 231
sens «i l'éty-
mologie fïacutus lui-même. Il ne les sait pas et cepen-
danl il ne in< i
1
De Gen. ad lut., I. XII, c. 4 8, 4 9, 20, 25.
DE L IMAGINATION. 233
Sain! Augustin ne s'en tient pas à ces explications
moitié psychologiques, moitié physiologiques, aux-
quelles on ne saurait s'empêcher de reconnaître un ca-
ractère extrêmement ingénieux; il y ajoute des expli-
cations théologiques et démonologiques qui seront sans
doute moins du goût de la scienee contemporaine. Ce-
pendant, si Ton réfléchit à la place que ce genre de
considérations occupait dans la philosophie alexandrine
à laquelle saint Augustin a demandé tant d'inspira-
Ep. VIII.
de l'imagination. 235
dans notre corps des dispositions insensibles â nos or-
ganes grossiers et qui leur révèlent exactement nos
dispositions morales. Mais, si l'âme agi! sur le corps, le
corps, à son tour, agil sur l'âme, de telle sorte qu'il n'y
tour 1
/
1
Ep. IX.
236 de l'imagination.
fond des enfers par une porte de corne ou par une
porte d'ivoire, comme il épanche l'eau des fontaines de
l'urne des nymphes et l'ait partir la foudre de la main
de Jupiter. Non, c'est un théologien, c'est-à-dire un
esprit réfléchi et sérieux qui s'est convaincu de certains
faits et qui n'a pas de repos qu'il n'ait trouvé une théo-
rie pour les expliquer. Il ne les discute peut-être pas
tous avec l'exactitude scrupuleuse d'un savant moderne;
mais il ne les accepte pas non plus avec la simplicité
le ré-
1
Voir le bel ouvrage de M. Ch. de Rémusat, intitulé : Saint An-
selme de Cantorbér >j
de l'imagination. 287
en trace en qous de nouvelles, ou bien il nous en
mohtre qui sont en lui, ou bien enfin il s'unit A nous
si intimement qu'il y a comme une identification pas-
ire entre lui • '( nous, et que c'est lui qui parle par
notre bouche. C'esl l<
i
2
maintenir dans les âges suivants . N'est-il pas permis
ili^ croire aussi qu'en rendant le fait de la possession
du diable plus ou moins plausible, Augustin a contri-
objet?
Du reste, cette théorie de l'imagination est, comme
celle de la mémoire, extrêmement remarquable. Elle
égale peut-être cette dernière pour l'étendue, la va-
à sa véritable place.
1
yescio qua occulta mixtura ejusdem spiritus fit, ut tanquam
unut sit patienlts et vexantis. {De Gen. ad litt., 1. XII, c. 4 3.)
2
M Janet. Histoire de la philosophie morale et politique, t. I
er
,
I. II. c. I
238 de l'imagination.
Un autre mérite de ce Père, c'est d'avoir distingué
avec une netteté admirable les représentations des sens,
celles de l'imagination et celles de la raison , sous la
robe de César.
Il faut aussi savoir gré à saint Augustin d'avoir bien
rapproché de la rêverie.
CHAPITRE IX.
DE LA RAISON.
I.
veloppée.
La raison (mens, ratio, intellectus, comme l'appelle
2
tour à tour saint Augustin) offre des caractères qui la
1
De lib. arb., 1. 1, c. 3; De quant, anim., c. 33.
"
2 De Hb. arb., 1. 1, c. 8.
DE LA RAISON. 241
{
Conf., I. VII, c. 17. Trad. de M. Janet.
,6
F.
242 DE LA RAISON.
telligence pure !
.
* De 7Wn.,l. XH, c. t.
2 De div. quaest., 83, qu. 9.
DE LA Raison. 248
duisent 9ur nos organes, el des modifications qui s'en
suivent dans l'âme; mais il n'es! pas admissible qu'il
juge nettement de ces trois choses, et qu'il les distingue
les unes des autres. Qui oserait dire que l'animal, qui
est étranger à la raison et dont le sens intérieur est la
l'œil de l'àme l
.
1
De quant, an., c. 27; De imm. an., c. 1 ; De ord., I. II, c. \\.
sires
x
SolU., I. I. c. li.
246 DE LA RAISON.
comme des sens extérieurs. Ils ont avec la raison une
plus grande affinité, et nous préparent utilement à
recevoir sa lumière. C'est assez dire que saint Augustin
est plus favorable à ce qu'on appelle aujourd'hui la
connaissance de Dieu.
N'est-ce pas l'exercice du raisonnement comme ap-
prentissage de celui de la raison, n'est-ce pas l'étude
DE i \ RAISON Ul
des figures etnombres comme préparation à celle
des
des idées elles-mêmes, que saint Augustin recommande
dans le passage suivant, où il emprunte à Plalon non-
seulement sa pensée, mais encore son langage?
Que la lumière vulgaire, dit-il, nous apprenne,
autant que possible, la nature de cette lumière supé-
rieure! Il est des yeux si sains et si fermes qu'à peine
ouverts ils se tournent, sans baisser la paupière, vers
1
Solil.. 1. I, c. 13. — Rapprocher de ce morceau et du précédent
les passages bien connus du Phèdre et de la République. — Platon,
L VI, p. 48, l. X, p. 64, de la trad. du M. Cousin.
248 DE LA RAISON.
IL
Qu'est-ce que cette vérité qui récrée les yeux sains par
sa pureté et son éclat? Qu'est-ce que cette sagesse que
les yeux malades ne peuvent contempler sans une sorte
d'éblouissement? Chaque homme a-t-il une sagesse
qui lui soit particulière, ou bien n'y a-t-il qu'une seule
sagesse commune à tous les hommes, et sont-ils plus
1
«...Il y a un certain nombre de sages; mais la sagesse, où
ils puisent comme dans la source, et qui les fait ce qu'ils sont, est
unique.» (Fénelon. Traité de l'Exlst. de Dieu, re
<\ part., en. 2.)
DE LA RAISON. 249
el â faire triompher la justice dans les sociétés hu-
maines. S'il n'y avait qu'une seule sagesse commune *
ments si opposés?
L'objection, comme on voit, ne manque ni de gra-
li
sse nous découvre, malgré la diversité des senti-
'
1
« Nous recevons sans cesse et à tout moment une raison supé-
rieure à nous, comme nous respirons sans cesse l'air, qui est un
corps étranger, ou comme nous voyons sans cesse tous les objets
voisins de nous à la lumière du soleil, dont les rayons sont des corps
ie
étrangers à nos yeux.») (Fénel. Traité de ÏExist. de Dieu, 4 part.,
en. %.)
DE LA RAISON. 251
rien moins, sous dos formes antiques, que celle de sa-
divine.
'
Delib. arb. t I. II, c. 9, 10, 12.
252 DE LA RAISON.
en a pas cinq; — s'il y a un seul soleil, il n'y en a pas
1
Contr. Acad., 1. III, c. 4 3.
2
De dh\ qu ., 83, qu. 9; Solil., 1. II, c. 2.
I > I : LA RAISON. 253
mettre implicitement. Dire qu'on ne possède pas la vé-
rité et «pu
1
1
Contr. Acad., I. III, c. 44; De lib. arb., I. II, c. 15; De Trin.,
I \. c. I.
254 DE LA RAISON.
leurs pâles simulacres des objets que nous avons con-
templés jadis inondés de tous les feux du jour? Au-
gustin avait commencé par admettre cette poétique
et qu'il rend visibles tous les corps, Dieu est, il est in-
3
telligible et il rend intelligible tout le reste .
1
Socraticum Ulud nobilissimum invention. — Ep. VIT.
2 De Trin. s
1. XII, c. 4 5; Retr., 1. I, c. 4, 8.
3
SoliL, 1. I, c. 8; De lib. arb., 1. II, c. 14.
DE LA RAISON. 255
I. - iJtVs, dit-il, sont, pour ainsi dire, les formes
primordiales, les raisons stables <•( immuables des
choses. Elles n'ont point été formées, et subsistent par
nséquent étemelles et toujours les mêmes, dans
l'intelligence divine qui les contient. Étrangères à la
particuliers.
x
De clic, qu., 83, qu. 46.
256 DE LA RAISON.
Ici encore, Augustin perfectionne, en l'exposant, la
ce Mais , ajoute-t-il ,
parmi les choses que Dieu a
Id.
DE LA RAISON 257
les créatures aux idées, identification du inonde intelli-
gible ci de la pensée divine, voilà trois points d'une
importance considérable sur lesquels saint Augustin se
sépare de Platon el modifie heureusement sa doctrine.
Il y a donc une sagesse, et c'est la sagesse de Dieu,
qui contient en elle toute la richesse de la vie intelli-
gible, toutes les idées invisibles et immuables dont les
F.
"
258 DE LA RAISON.
à la pleine lumière du jour. Quiconque veut parvenir à
la connaissance véritable doit donc laisser les ouvrages
de Fart qui remplissent le monde, pour s'élever jus-
1
Cou/., 1. XIII, c. 31.
^GO DE LA RAISON.
ainsi que l'œil n'est pas autre chose que le corps, mais
quelque chose du corps. Bien que l'œil soit quelque
chose du corps, il est seul cependant à jouir de la lu-
mière : les autres organes corporels peuvent la recevoir
1
Ipsa ratio, cummodo ad verum pervenire nititur, etaliquando
pervenit, aliquando non pervenit , mutabilis esse profecto convin-
citur. (De lib. arb., 1. Iï, c. 6.)
2 Unusquisque id nec mea, nec lua, nec cvjusquam aller ius sed :
2
a Quce> habet, et hœc est. et ea omnia anus est . »
1
Quis non videt quanta hic sit dissimilitudo ab illo Del Verbo,
quod in forma Del sic est, ut non antea faeritformabileprius-
quam formation nec atiquando essepossit informe, sed sit forma
,
.
DE LA RAISON. 263
Il es! impossible, en présence des textes que nous
venons de citer, de prétendre, comme on l'a fait qucl-
quefois, que saint Augustin identifie la raison divine
et la raison humaine. Il maintient entre elles la même
distinction qu'entre le Créateur et la créature, et n'a
garde de confondre les attributs, quand il ne confond
pas les substances. Il nous semble qu'il est, en cela,
parfaitement conséquent, et qu'une telle confusion n'a
île sens que dans le panthéisme.
III.
portaient sur ces lignes qui ont frappé mes yeux et non
sur celles qui sont présentes à ma raison 2
.
sens corporels; car tout objet sensible est, non pas un,
mais multiple et composé d'un nombre infini de parties.
*Solil., 1. 1, c. 4, 5.
%Conf., I X, c. 42.
DB LA RAISON. 265
Prenez un corps aussi petit qu'il vous plaira, vous y
distinguerez un côté droit et un côté gauche, un dessus
el un dessous, c'est-à-dire une multiplicité véritable.
plusieurs ibis *.
1
D* lib. arb , 1. II, c. 8.
1
De ver. relig. y
c. 41.
1
Eplst. XVIII.
2
De Gen, contra Man., I. I, c. 21.
DE LA RAISON. 267
êtres vivants/ Ceux-ci sont remarquables par les pro-
portions exactes et les contours harmonieux de leurs
formes; ceux-là, par les teinte- habilement nuancées et
artistemenl fondues de leur plumage; les uns se dis-
vie réalise dans ces êtres sans raison, sinon une idée
qu'elle ignore, un type qui la surpasse, un exemplaire
qui réside dans la raison de Dieu , et que nous trouvons
aussi dans la notre * ?
1
De ver. rcl., c. 31, 42.
968 DE LA RAISON.
pire l'enivrement de la victoire! Son adversaire, de son
côté, le cou déplumé, la voix timide et comme hon-
teuse, la contenance embarrassée, a aussi de la beauté
à sa manière, la beauté qui résulte de la convenance
entre l'expression et les sentiments exprimés. Tant il est
vrai qu'il n'est pas de fait si vulgaire qui n'ait sa loi
4
Ubinon lex?.... Ubi non umbra Constantin? Ubi non imitatio
verissimae illius pulchritudinis? {De Ord., 1. I, c. 8.)
iDeOffic, I. I, c. 4.
3
Conn. de Dieu et de soi-même, c. 1, $ 8.
DE LA RAISON 269
H is i
n'esl ni Gicéron ni Bossuet, c'esl saint Au-
gustin qu'il faut lire^ si fou veut voir cette pensée dé-
veloppée avec ampleur el mise dans tout son jour. Il
\ a dans l«
i
1
De ver. rel., c. 32, 36.
DE LA RAISON. 27i
1
De Ord., I. il, c. II.
- De Mus., |. VI, c. 13.
272 DE LA RAISON.
l
saisir .
1
De Civ. D., 1. VIIT, c. 7.
DE LA RAISON. 273
1
1
De ver. rel., c. 36, 55; De Clv. D. 1. XI, c. 21 ; I. XII, c. 2.
plus aisés et les plus naturels, relevé par les pensées les
plus fines et les plus ingénieuses, paré des couleurs
les plus fraîches et les plus brillantes, et de n'être ce-
pendant qu'à demi satisfait? Pourquoi? Parce que
toutes ses parties ne tendaient pas vers une même fin,
1
Consulter sur ce point le brillant et remarquable ouvrage de
If. Charles Lévêque , intitulé : Science du Beau, qui a été récemment
couronné par l'Académie des sciences morales, par l'Académie tran-
se el par l'Académie des beaux-arts.
278 DE LA RAISON.
part, c'est la force ou son apparence, sans Tordre; de
l'autre , c'est Tordre sans la force, et c'est à la force
qu'on donne la préférence. Prenons des exemples plus
élevés et plus nobles. Le héros d'Utique et le fonda-
teur de l'Union américaine étaient sans doute des âmes
mieux ordonnées que le vainqueur de Pharsale et que
le capitaine qui a rempli notre siècle de sa gloire. D'où
vient donc que ces derniers balancent les premiers, si
1
Delib. arb n 1. I, c. 6, 7, 8, 9.
2
M. Yillemain, Traduct. delà Républ. de Cicéron, Introduction.
%S Ç2 DE LA RAISON.
que celle que les accidents les plus légers découragent
et jettent dans rabattement? Ce sont là des vérités évi-
dentes pour tous les hommes sans exception, parce
que la raison les révèle à tous indistinctement. Les im-
pies mêmes jugent, et souvent jugent bien, des actions
humaines 1 . Par quelles règles en jugent-ils , sinon par
celles dans lesquelles comment chacun doit
ils voient
vivre, quoique eux-mêmes vivent mal? Où les voient-
ils ? Ce n'est pas dans leurs esprits, car ces règles sont
justes et immuables, et leurs esprits sont injustes et
changeants.
ce Où sont-elles donc écrites ces règles ,
pour que l'in-
Ep. CM III, C. 3.
284 DE LA RAISON.
IV.
1
Voir surtout le livre si justement célèbre, Du Vrai, du Beau et
ciples sonl allés encore plus loin que lui dans celte voiç.
CHAPITRE X.
DE L'AMOUR.
mour 3 . »
1
....Amorem seu ditectionem, quœ valentior voluntas est. (De
Trin.,\. XV, c. 21.)
3 L.
4, s. q. XX, art. 1. Trad. de M. Jourdain. Philos, de saint
Thomas, t. 1
er
, p. 330.
4 Bossuet. Connaissante de Dieu et de soi-même, c. 1 er , § 6.
DE L'AMOUR. "205
1
Voir sur cette question subtile et délicate le Traité des facultés
de l'âme de M. Garnier, I. IV, c. 1.
DE l'amoi il 297
Puisque l'amour remplit une fonction si importante
dans la vie psychologique, il convient d'en étudier la
1
De Civ. Dei, ). XI, c. 28.
298 de l'amour.
les esprits un effet assez semblable à celui que la diffé-
!
Malebr., Rech. de la vér., 1. IV. c. 1. Voir aussi 1. I c. 1.
DE L'AMOl R. ^ .) .»
( (
1
De Trin., I. X, c. 1, 2.
2
In Joann. Tract., XCVJ. c. 4.
:
> De bono viduit., c. 21.
de l'amour. 801
pays que parce que c'était la seule chose qu'il pût ai-
mer, et que toutes ses affections, venant se perdre dans
la seule qui lui fût permise, ajoutaient à sa force celle
de chacune d'elles. 11 en était de même du moine. Ne
pouvant avoir de l'orgueil et de l'ambition pour son
propre compte , il en avait pour l'ordre auquel il ap-
partenait et dépensait pour cet être collectif l'activité
qu'il s'était interdit de dépenser pour lui-même. La
puissance et les richesses auxquelles l'homme avait
renoncé, 1e moine les retrouvait avec usure : le diable
n'y perdait rien.
Idem
de l'amour. 808
amères, son imagination l'emporte au delà : au bout
du chemin, il voit briller le but. Comme c'est avec un
grand amour qu'il songe au but, c'est avec un grand
courage qu'il marche dans le chemin qui y conduit.»
Les personnes pieuses et enflammées de l'amour di-
vin ont-elles de la répugnance à prier, à jeûner, à veil-
ler, à chanter des psaumes, pour plaire au Dieu qu'elles
aiment? En aucune sorte. Ce sont là des peines qui,
non-seulement deviennent légères, mais qui se chan-
t en plaisirs sous l'influence merveilleuse de l'a-
aimé ,
quand on n'aime pas encore , et l'espoir ou la
1
M. S. Marc Girardin, Cours de littérature dramatique.
2
De catech. rud., c. 4.
I
de l'amouh. S05
en effet, à apprendre que côtte femme le hait, est-ce que
la chaleur qu'excitait en lui cette belle personne n'est
pas sur-le-champ refroidie? Est-ce que l'impétuosité
qui remportait vers elle ne s'en détourne pas et n'est
înnie repoussée en arrière? Que dis-je? Il com-
mence à haïr celle qu'il aimait. Sa beauté est-elle donc
changée? Tous les charmes qui l'avaient séduit ne sont-
ils pas là 1 ? • Oui , tous, excepté les charmes intérieurs,
epté les sentiments de l'âme. Tant il est vrai que,
i
, je le veux bien , dans la plupart des
n'ani\«;-t-il pas quelquefois qu'un triomphe
idit ce sentiment et le fait tomber en
Serm. \\\i\. c. t
: .
20
306 de l'amour.
langueur? — On cesse d'aimer quand on se sent haï.
— Encore une de ces vérités qui ne sont vraies qu'à
demi, car il peut arriver que l'amour-propre piqué fasse
tourner en passion sérieuse et durable un sentiment
frivole qui, sans cela, se serait, en peu de temps, éva-
noui de lui-même.
Une autre loi de l'amour, qui n'est pas moins re-
marquable que les précédentes , c'est celle qui résulte
de l'influence de l'habitude. «L'habitude a, en effet, dit
plaisirs que cet objet lui cause enfoncent dans tout son
être des impressions si vives et si profondes qu'il ne
soupire plus qu'après le moment où il les sentira se re-
résistible et, pour ainsi dire, fatal. C'est ainsi que l'a-
Descartes, 4 re
1
Médit.
-Conf., 1. VIII. c. o.
1
Conlr. Jul. Pelacj., 1. VI, c. 18.
310 DE L'AMOUR.
à la cave, se mit un jour à effleurer du bout des lèvres,
'
Conf.,1. IX, c. 8.
2
De Mus., I. VI, c. 11.
de l'amoi r. SU
l'accord de la vie avec la raison? Qu'est-ce qui peut trou-
I »ler ce! accord, sinon les passions, qu'on nomme pour
cela perturbations (perturbationes) 9 et qui ne sont pro-
pres qu'à nous rendre malheureux, en brisant l'unité
II.
pourtant inséparables.
Augustin développe, dans ses (Ion fessions, une idée
analogue, et l'éclaircit par quelques exemples familiers
qui la incitent dans le pins beau jour. Après avoir ra-
conté avec quels transports lut accueillie parmi les
chrétiens la conversion du rhéteur Victorinus, qui s'é-
tait rendu célèbre par ses travaux sur l'école d'Alexan-
drie et par son attachement aux doctrines néoplatoni-
ciennes, il cherche la cause d'une allégresse si vive. Il
té leur frayeur?
d'agrément 2 . y>
1
Conf., 1. vin, c. 3.
2
De Catech. rud., c. 2.
de l'amour. 315
les auditeurs sympathisant avec nous et nous avec eux
nous vivons en quelque sorte les uns clans les autres.
1
«On soi-même dans ceux qui nous paraissent comme
se voit
transportés par de semblables objets. On devient bientôt un acteur
secret dans la tragédie on y joue sa propre passion; et la fiction au
:
1
DeCiv. D., I. XIV, c. 15.
2 er
Conn. de Dieu et de soi-même, ch. 1 , S 2.
DE L'AMOUR. 317
•, dit-il, est ordinairement précédée de la crainte
1
DeCic. D.,L XIV, c. 15
:
KliéL, 1. II , c. 2 ; De la psychologie d'Aristote, par M. Wadding-
ton, p. 164.
318 de l'amour.
1
Ep.) IX.
2 Id.
de l'amour. 819
celte image comme à celles de nos songes. Elle s'é-
CHAPITRE XL
DE L'AMOUR DU MONDE.
\rist., Rhét., 1. IL c. 2.
Bp. XXXVIII.
320 de l'amour du monde.
1
De ver. relig., c. 14 ; De mor. Eecl. cath., I. I, c. 12; Eptet. III.
DE L'AMOl i; Dl MONDE. S2d
1
De div. qu. 83, qu. 36; Enarr. in PsaL 121.
DE L'AMOUR DU MONDE. 323
Quant aux plaisirs de l'ouïe , ils ont sur lui plus d'em-
pire; mais il ne les traite pas avec moins de rigueur
que ceux du goût. Il se reproche dVntendre, je ne dis
pas les chants licencieux, mais les chants sacrés, avec
trop d'émotion. Il remarque avec cette finesse d'obser-
vation qui se mêle constamment à son austérité mo-
rale, que le chant finit par se faire aimer pour lui-
1
Conf., 1. X, c. 31, 32; Contr. Jul. Pclag., 1. IV, c. 44.
DE i. MI01 R l'i MONDE. 325
sainl êvéque, auquel je ue devrais pas me laisser cor-
rompre, usurpe trop de place en moi à mon insu. Le
sentiment accompagne la raison, mais il ne se résigne
Facilement à la suivre. Admis par égard pour celle-
mon àme 2
. »
1
Cou/., |. X, C 33.
1
hl., c. 34.
326 de l'amour du monde.
qu'elle ne soit qu'un moyen particulier de connaître,
elle se prend souvent pour la connaissance en général.
C'est ainsi qu'on dit : Vois comme cela résonne Vois !
comme cela sent ! Vois comme cela est dur bien que !
1
De Mus.. 1. VI, c. 39; Conf., 1. X, c. 35; De Mor. EccL cath..
I. I, c.24.
l.og. de Port-Royal, I" dise, prélim.; Malcbr., Rech. de la ver.,
328 de l'amour du morde.
à une lunette ou attachés à un fourneau, comme si la
nous affligent.
1
Cunf.. I. \. c. 37, 38; De Cio. Dei, 1. V, c. 19. — «....Ceux qui
écrivent contre veulent avoir la gloire d'avoir bien écrit, et ceux qui
le lisent veulent avoir la gloire de l'avoir lu, et moi qui écris ceci ,
cèdent.
«L'âme, dit-il, éprouve le besoin de tenir sous elle
1
Log, de P. fl., 1™ part., c. 40.
DE L'AMOUR l»l MONDE. 381
1
De Mas., |. VI, C. 43
- De ver. relig., c. 52; De Civ. Del, I. XIV, c. 13; De Mas., 1. VI,
l; Conf., 1. 1, c. i.
332 de l'amour du monde.
rilable bien dans le mal d'autrui! L'orgueilleux abonde
dans son propre sens, et se montre disposé à défendre
une opinion, moins parce qu'elle est vraie que parce
qu'elle est sienne. De là les opinions particulières qui
divisent les hommes, les hérésies qui infectent la terre.
%
Serm. CXXV1, c. 1 ; Serm. XLVI, c. 8; Conf., 1. XII, c. 25.
DE [/àMOI R Dl UONDE. 333
II.
r de battre
Même après ces morceaux d'une éclatante poésie, où
pression brillante et sonore donne un charme si vif
là rien qui doive nous étonner. Tout ce qui est, les ani-
1
Ep. < wvn. c. i.
336 de l'amour du monde.
par tous les mouvements dont ils sont capables, qu'ils
veulent être, et qu'ils fuient le néant? Les arbres et les
i
Cité de Dieu, I. XI, c. 27. Trad. de M. Saisset.
2
Conf., 1. IV, c. 4.
DE i wnu ii m MONDE. 337
1
Conf., 1. IV, c. 8.
-Chateaubriand, René; M. de Lamartine, Jocelyn, 1* époque.
F. 22
338 DE l'amour du monde.
1
Quldquid aspiclebam mors erat.
-
1
Conf., 1. IV, c. 4.
de l'amour di monde. 339
et d'autres souvenirs, et cicatrisaient peu à peu mes
blessures avec le baume de mes anciens plaisirs. Ma
douleur se dissipait ainsi graduellement pour faire
III.
1
M., c. 8. —Voir M. Villemain, Tab/eau de l'éloquence chrétienne
au V siècle, édit. in-8°, p. 373.
C w/,1. I, c. 7.
540 le l'amour du monde.
ta ire sa curie -
1 la promenaut sur ton
qui lui sont d'autant plus agréables qu'ils sont plu?
nouveaux pour lui. On a vu des entants couchés dans
leurs berceaux, 1; tête et le reste du corps assujetti-
» De Trin.. 1 XIV.
DE L'àMOI R l'i HONDE. 34 I
que l'envie avail rendu livide, et qui jetait sur son frère
1
• le I lit dos regards pleins de haine .
'
Conf., I. I, c. 7.
prééminence 1
?
1
Conf.,1. 1, c. 19.
-Emile, 1. II.
DE L'àMOI R DÉ MONDE. 343
dernier supplice 1 . Ce n'était donc pas de l'ignorance
enfants, mais de leur petitesse considérée connue
un symbole d'humilité, que voulait parler Jésus quand
il disait: cLe royaume des cieux est pour ceux qui leur
^semblent*, i
Racine :
1
«Les enfants sont hautains, dédaigneux, colères, envieux, cu-
rieux, intéressés, paresseux, volages, timides, intempérants, men-
tons, dissimulés; ils rient et pleurent facilement; ils ont des joies
immodérées et des afflictions amères sur de très-petits sujets; ils ne
veulent point souffrir de mal, et aiment à en faire. Ils sont déjà des
hommes. 9 (La Bruyère , eh. 11.)
•/»/., 1. 1, c. 19.
344 de l'amour du monde.
et de tendresse, qui s'écrie: «Laissez venir à moi les
IV.
1
Cottf., I. H, c. 5.
346 de l'amour du monde.
1
Conf., 1. II, c. 5, 6.
jeunesse 2 ;
puis le besoin de faire des niches au pro-
chain et de lui jouer de mauvais tours, moitié sans
doute pour satisfaire notre sentiment du ridicule, moi-
tié pour avoir le plaisir de faire acte de supériorité.
J'adoucis les termes d'Augustin : il parle d'avidité de
nuire (nocemli aviditas), de besoin de mal faire (alieni
Cou/., I. II, c. 8, 9.
-
Arist., Mi., 1. II, c \>.
348 de l'amour du monde.
d'enfants sages et retenus à se faire plus mauvais qu'ils
ne sont. Enfin, le trait le plus frappant, suivant moi,
et le plus digne d'être signalé, c'est le caractère en quel-
que sorte contagieux qu'Augustin reconnaît à quelques-
unes de nos passions, en montrant qu'elles s'échauffent
et s'accroissent en raison du nombre de ceux qui les
j
représente 1 Nous venons là, dit-il dans
. le langage fa-
le théâtre, et
répond en résumant notre auteur avec une rare énergie : «Pourquoi,
dit saint Augnstin, si ce n'est qu'on y voit, qu'on y sent l'image,
l'attrait, la pâture de ses passions?» (Lettre au P. Caffaro.)
z
Cunf.A. III, c. 2.
extérieure ,
pour en chercher la raison dans le monde
de la conscience. C'est un procédé excellent, particuliè-
rement pour ceux qui commencent seulement à réfléchir
CHAPITRE XII.
DE L'AMOUR DE DIEU.
I.
A
....Bonum hoc et bonum illud : toile hoc et il'lu et', et vide ipsum
bonum, si potes : ita Deum cidebis, non alio bono bonum, sed bo-
num omnis boni. (De Trin., 1. VIII, c. 3.)
de l'amour DE DIE1 , 353
je iif puis m'empêcher d'être transporté d'amour pour
lui. Or qu'est-ce que j'aime dans cet homme illustre?
Ce d'est pas son corps que je n'ai jamais vu; c'est sim-
plement son âme qui est une âme juste. 11 faut donc
que je sache ce que c'est (prune Ame juste. Je sais ce
1
Homo ergo qui creditur justus, ex ea forma et verilate dillgi-
i>n\ qt/am cernit et intelligit apud se ille qui diligit ipsa vero :
F. 23
354 de l'amour de dieu.
dans le sentiment qui nous attache aux hommes ver-
tueux, ni de montrer plus nettement que ce n'est pas
leurs corps, que ce n'est même pas leurs âmes que
nous aimons, mais la justice qui réside en elles. Ce der-
nier point ressortira mieux encore des considérations
suivantes, où la beauté morale est décrite avec une pré-
cision et célébrée avec une noblesse que l'on n'a point
surpassée. C'est un tableau d'un spiritualisme sévère
que les Grecs , si amoureux des belles couleurs , des
belles formes, de tout ce qui enchante et ravit les sens,
plus que toute autre pour nous ravir d'amour. C'est elle,
et pas nue autre, qui nous fait aimer les martyrs jus-
que dans leurs membres en lambeaux. Quand ils sont
souillés de sang, que leurs entrailles déchirées par la
1
De Magistro, c. 41, 12, 13.
2
Histoire d'un bon bramin.
de l'amour DE D1EI 357
Lut, qu'il aimerait mieux être raisonnable et malheu-
reux qu'insensé et content. Quand vous voyez un de ces
êtres dégradés en qui les ressorts de l'intelligence ne
fonctionnenl plus, rire d'un rire idiot, songez-vous, si
vérité dans ces jeux futiles qui n'en offrent que l'ombre,
combien nous ferions mieux de chercher la vérité di-
De De qu 78; De Ord.,
1
19.
360 de l'amour de dieu.
entendre par là ceux-là seuls qui nous sont unis par les
liens du sang et par les relations charnelles, mais tous
ceux qui entrent avec nous en partage de la raison et
1
Heaut., act. 1, se. 1.
2
Ep. CLV, c. 4.
DE l'amour de dieu. 861
physique, toute la morale, toute la logique, toute la
politique lui semblent renfermées dans cette brève,
mais riche formule: la physique, car en parlant du
Seigneur on désigne la cause suprême à laquelle il faut
rattacher les causes secondes de la nature; la morale,
car la vertu tout entière consiste à aimer les choses
dans la mesure où elles doivent être aimées ; la logique,
car aimer Dieu, c'est aimer la vérité qui éclaire toute
àme raisonnable; la politique, puisque le fondement
des Etats, la garantie de la prospérité publique est
1
Ep. CXXXVII, c. s.
1
De Mor. Eccl. catk., 1. 1, c 15. — Voir sur ce sujet l'estimable et
intéressant ouvrage de M. l'abbé Flottes, ancien professeur de philo-
x
Serm. CLXI, c. 8, 9; De div. qu 83, qu. 36; Serra. CLVIII, c. 7;
Serm. CLXXVIII, c. 4 0.
de l'amour de dieu. 363
convenir, el l'histoire es! là malheureusement pour
l'attester. Hais il faul avouer aussi qu'à la considérer
uniquement par sou côté psychologique, elle est ingé-
nieuse el profonde.
L'amour nue lois entré dans nue Aine, continue
àugustin, la crainte mercenaire et servile se retire, et
une crainte noble et généreuse prend sa place; à la
qu'il aime, celle-ci n'a qu'à lui dire: «Je ne veux pas
que vous portiez cette casaque,» — il ne la porte pas;
veux que vous vous mettiez en tunique,» — il s'y
1
Idem.
* Sotil., 1. 1, c. 9, 10, 11, 42.
de l'amour DE DIE1 .
365
scandalisés , faute sans doute de la bien comprendre et
d'en saisir nettement le principe.
Pour décrire cel amour exclusif, ce culte jaloux que
la Vérité suprême réclame, Augustin emploie des ex-
pressions d'un mysticisme ardent et voluptueux qu'on
ne rencontre pas ordinairement sous Ja plume sévère
des philosophes et qui semblent un écho des plaintes
enflammées de la Sulamite :
1
So/iL, 1. I, c. 3.
366 de l'amour de dieu.
blables, sinon par la continence, c'est-à-dire , comme
saint Augustin l'explique, en contenant fortement notre
âme, qui cherche à s'échapper et à se répandre sur la
que dans l'autre. Les âmes les plus nobles et les plus
heureuses tout ensemble sont certainement celles qui
dédaignent les beautés périssables et qui ne s'attachent
qu'à l'éternelle Beauté. Aussi regardent-elles comme
des années perdues toutes celles qu'elles ont consa-
crées aux fragiles objets de la concupiscence, ce Je vous
ai aimée trop tard, s'écrie Augustin, beauté toujours
ancienne et toujours nouvelle, je vous ai aimée trop
tard ! Vous étiez au dedans de moi et je vous cherchais
au dehors 2 .»
La possession de la beauté, de la vérité parfaite
1
De Civ. Del, 1. IX, c. 17; Conf., 1. X, c. 29.
2
Conf., 1. X, c. 27.
DE l. AMOUR DE DIEU. 867
ferions de noire bonheur en embrassant la vérité! Les
hommes se proclamenl heureux, lorsque, le palais
desséché par la chaleur, ils arrivent à une fontaine
abondante el salutaire, ou que, mourant de faim, ils
ment 1
!
»
1
Delib. arb.,\. II, c. 13.
:
Op. imp. contr. Jul., 1. III, c. 406 ; Lib. de grat. et lib. arb^
t. 11).
368 de l'amour de dieu.
II.
1
De Trin., 1. VIII, c. 8; Serm. CLVI, c. 5; Enarr. in PsalmAtâ. —
Estne Dei sedes, nisi terra , etpontus, et aer.
Et cœlum etvirtus? (Lucain, Phars., 1. IX).
de l'amoi r de dieu. 369
du courage.
Ici encore saint Augustin me semble s'inspirer,
quoique moins visiblement, des doctrines du philo-
sophe athénien. Qu'est-ce que cette tendance qu'il
DE L'AMOUR DE DIEU. :!7I
psychologie f
, a remarqué que les Pères de l'Église, à
la différence de Platon, ne regardent point l'amour
profane comme un mouvement ascensionnel qui nous
élève peu à peu vers Dieu, mais plutôt comme une
chute qui nous en éloigne. Si cette observation est
1
M. Saint-Marc Girardin, Cours de litt. dramatique , t. II, c. 36.
372 de l'amour de dieu.
Suivant lui, nous l'avons vu, tout ce qui nourrit la
est vrai qu'il ne paraît point, quoi qu'en ait dit Chateau-
briand , s'être élevé sensiblement au-dessus de la con-
ception de l'amour physique, et que le renoncement à
que dans les siens, moins comme l'amour d'un être in-
dividuel et particulier que comme l'amour du Bien, du
Beau et du Vrai, en un mot de l'idéal en tout genre.
L'amour de Dieu étant presque tout le christianisme,
et l'amour platonique étant, au fond, identique à l'a-
1
Rech. de la vér., 1. V, c. 5.
de l'amour DE DIE1 . 377
philosophes, c'était la lumière de la révélation. La
révélation n'est pas la doctrine chrétienne, mais seule-
ment l'un des moyens par lesquels elle s'est découverte
et manifestée. Or des penseurs doivent être caractéri-
CHAPITRE XIII.
DE LA LIBERTÉ.
I.
1
On peut co. ulter sur cette question le brillant travail de M. Er-
nest Bersot, — Doctrine de saint Augustin sur la liberté et la Pro-
vidence — , et une thèse très-substantielle et très-forte de notre ami
M. M.uiiial, intitulée : Ortgenis de liberlale arbitra doctrina.
DE LA LIBERTE.
1
Contr. Manich. De duab. anim., c. 10.
DE i
I i
[BER1 883
Mais de ce que nul mouvement contraint et venu du
dehors n'es! volontaire, il ne s'ensuit pas que tout mou-
veraenl qui n'est ni contraint ni venu du dehors soit
mais dire que l'âme ne pèche point quand elle lend vers
les biens inférieurs, c'est également renoncer à la rai-
se manifeste.
ciété humaine 2 . »
1
Delib. arb., I. III, c. \.
2
Ici. id.
DE LA LIBERTÉ. : ï S T»
base '.
ment sûr que c'est moi qui veux ou qui ne veux pas, et,
si je pèche, je m'attribue mon péché à moi-même,
comme à sa véritable cause.
1
De iib. arb., 1. II, c. I.
1. 25
386 DE LA LIBERTÉ.
1
De ilb. arb., 1. III, c. 4 ; Conj\, 1. VU, C. 3.
DE LA LIBERTÉ. ST
-!«
H.
ibre arbitre, une des plus graves est celle qui se fonde
388 DE LA LIBERTÉ.
sur l'impossibilité de le concilier avec la prescience
divine. Saint Augustin la formule et la discute à peu
près de la manière suivante :
1
De lib. arb., I. III, c. 3.
DE LA LIBER! i .
389
l ue chose esl libre quand elle est en notre pouvoir;
elleesl en notre pouvoir quand nous n'avons qu'à vou-
loir pour qu'elle arrive. Or je n'ai qu'à vouloir pour
qu'une volonté ail lieu; donc mes volontés dépendent
moi el sont entièrement en ma puissance. Ce n'est
pas par ma volonté que je vieillis, par ma volonté que
je meurs; mais c'est par ma volonté que je veux : il fau-
drait être insensé pour dire le contraire. Dieu a beau
prévoir mes volontés futures, il ne s'cwsuit pas que ce
soit pas par ma volonté que je les veux. Dieu prévoit
que je serai heureux; heureux comment? Volontaire-
ment ou malgré moi? Volontairement; car il est dans
ma nature de vouloir le bonheur. De même quand il ,
bitre de l'homme 2 .
1
Delib. arb.,1. III, c. 3, 4.
- Vir magnus et doctus et vltœ humanas plurimum ac peritissime
consulens,
m: i.\ LIBERTÉ. 39d
De Civ. Del, 1. V, C. 9.
392 DE LA LIBERTÉ,
les causes corporelles. Dire que Dieu ne connaît point
les causes volontaires, c'est dire qu'il ne connaît rien,
puisque c'est d'elles que découle l'ensemble des choses;
c'est le mutiler, c'est l'anéantir. Donc Dieu prévoit les
faits volontaires comme tous les autres 1 .
* De Civ. Dei, 1. V, c. 9, 4 0.
DE IA LIBERTÉ. 393
chaîne.
«C'est pourquoi, dit Augustin, nous ne sommes nul-
lement forcés ou de supprimer le libre arbitre en con-
servant la prescience de Dieu, ou de nier (ce qui serait
un sacrilège) la prescience divine en conservant le libre
1
De die. quiest. ad SimpL, 1. II, qu. 2.
1
De Civ. Del, 1. V, c. 10.
394 DE LA LIBERTÉ.
philosophique que l'appel, par trop commode, au sens
intime et au sens commun, par le moyen duquel on
essaie aujourd'hui de résoudre cette question comme
beaucoup d'autres. Qu'après avoir fait usage de toutes
M. Jules Simon 1
, ne les reproduisent pas, à la vérité,
1
Jouffroy, Cours de droit naturel, 5 e leçon. — J. Simon. Le devoir.
r(
4 '
partie, eh. 2.
DE LA L1BERT1 395
III.
elle volontaire 1
. Cette identification ne paraît pas moins
nettement formulée dans le maître que dans les dis-
ciples.
1
Bossuet, Traité du libre arbitre^ en. 5.
2
Volunlas igilur noslra nec voluntas esset, nisi esset in nostra
potestate. Porro, quia est in iiotestalc, libéra est nobis. {De lib.
arh.. 1. III, c. 3.)
396 DE LA LIBERTÉ.
2
acquérir quelque bien . »
1
De div. qn. 83, qu. 8.
non
Voluntas est animi ?notus, cogente nullo, ad aliquld vel
-
H».)
amittendum, vel adijiiscendum. (Conïr. Manich, de du. an., c.
DE LA LIBERTÉ. 397
Il peut arriver que la contrainte, au lieu d'anéantir
la liberté, se borne à l'amoindrir. De là la distinction de
la volonté imparfaite et de la volonté parfaite que saint
Augustin admet après Aristotc et que tous les philo-
sophes du moyen âge, ainsi que Leibniz, admettront
après sainl Augustin. Il y a des choses, dit saint Au-
gustin, que nous faisons malgré nous et que nous fai-
sons néanmoins volontairement: malgré nous, car nous
voudrions bien ne pas les faire; volontairement, car
nous nous décidons à les faire pour éviter un plus grand
mal. Si nous trouvons plus de mal dans Faction qu'on
nous impose que dans le châtiment dont on nous me-
nace ou qu'on nous inflige, nous résistons à la contrainte
1
Despir. cl Ut t., c. 31.
DE LA LIBERTE.
quelle a été sur ce point sa véritable doctrine. Voici à
peu près comment il s'exprime dans un passage char-
mant de son Traité de la Irinité:
Notre communauté de nature fait, dit-il, qu'il y a
entre nous une certaine communauté de vouloir, et que
chaque individu connaît sur certains points les volon-
tés de l'espèce , tandis que sur d'autres il ignore celles
qu'un seul individu peut avoir. Un comédien ayant un
jour congédié son public en disant: — Demain vous « je
1
De nal. el grat. cont. Pilag., c. 46, 47.
Théodicée, I. III, ,S
287.
400 DE LA LIBERTÉ.
raison, parce qu'ils sont dépourvus d'intelligence 1 Ail- .
taire que, dès qu'elle nous fait défaut et que nous sommes
plongés dans une ignorance ou une erreur invincibles,
3
nous cessons d'être responsables de notre conduite .
1
De Cîv. Dei, 1. V, c. 9.
2
Qui nesciens peccavit, non incongraenter nolens peccasse clici
potest : guamvis et ipse quod nesciens fecit, voiens tamen ftcit.
(/?e/>\, 1. I,c. 15.)
3
Non tibi deputatur ad culpam, qaod invitus ignoras.... An
tanta fallacia est, ut caveri omnino non possit? Si ita est, nulla
peccata sunt: guis enim peccat in eo quodnullo modo caveri potest?
(Delib. arb., I. III, c. 18, 19.)
DE LA LIBERTÉ. W1
mais il De dépend point d'elle d'être frappée par l'une
plutôt que par l'autre. — Il est impossible de mieux
marquer que ne le fait ici saint Augustin la part de l'in-
faire bête
3
?» Non; mais Dieu pouvait le borner à la
1
Op. imp. contr. /<//., 1. III, c.
J17.
s
Lïberum arbilrium non est allud quant iwssibililas peccandi et
1
Op. imp. contr. Jul., 1. VI, c. 10.
5
Op. imp. contr. Jul., 1. V, c. 38.
1
De lib. arb., I. III, c. 9; De Ord., I. I, c. 7.
DE LA LIBERTÉ. i05
Enchir., c. 1. II, c. s,
1
Op. imp. coutr. Jul.t 1 111, c. 1 10,
406 DE LA. LIBERTÉ.
leur 1
. Seulement cette heureuse liberté dont Dieu
jouit et qu'il a par lui-même, nous ne la posséderons
que par grâce et ne l'aurons que par voie de partici-
pation.
1
Contr. Jut., 1. III, c. 414; Op. imp. contr. /«/., 1. VI, c. 19. Pou-
voir ne pas pécher est ce que saint Augustin nomme : libertas minor;
ne pas pouvoir pécher est ce qu'il appelle : libertas major.
s
De Civ. Det\ 1» XII, c. 7; Enarr. in Psal., c. 70.
DE LA LIBERTÉ. i<>7
Augustin Ta remarqué -.
1
Voir sur ce sujet le travail de M. Maurial que nous avons men-
tionné plus haut.
410 DE LA LIBERTÉ.
principe, également admis par Bossuet el par Féne-
lon, que Dieu ne nous a pas donné seulement la faculté
1
De nat. etgrat. contr. PeL, c. 46, 47.
2
Bossuet, Traité du libre arbitre, eh. 3; Fénelon, Traité dï
l'existence de Dieu, 4
re
partie, cli. II.
3
Delib. arb., I. II, c. 18, 19,20.
4
Ep., CLXXVII.
DE LA LIBERTÉ. 41 I
IV.
1
De grat. Christ., c. 4, 5.
2
Dict. des sciences philos., art. Liberté.
3
C'est un point qui a été admirablement compris et développé par
un grand esprit de notre temps. Voir M. Guizot, Histoire de la cioili-
jeter le fatalisme.
ment.
C'est en vain qu'on chercherait un milieu entre ces
Etre libre, c'est être en état d'agir, non pas sans mo-
tifs , mais d'après des motifs rationnels. L'animal cède à
CHAPITRE XIV.
DE L'IMMORTALITÉ DE L'AME.
l
Solil.,\. II, c. 1.
de l'immortalité de l'ame. 428
Bur l'éternelle jeunesse el l'indéfectible vitalité de l'uni-
1
Solil., 1. II, c. 13.
424 de l'immortalité de l'ame.
Platon et de celles de Plotin. Mais il donne à ses rai-
1
Retr., 1. I, c. 5.
2
Plotin, Enn. 4 e , 1. VII, S 42. Trad. de M. Douillet.
DE L'IMMORTALITÉ DE LAME. 425
Le sujet, dit-il, doit durer au moins autant que l'at-
lastiques.
1
Solil., 1. II, c. 13, 19; De imm. an., c. 1 et sq.
- Dossuet, Conn, de Dieu et de poi-méme, c. 5, g 14.
426 de l'immortalité de lame.
Je retrouve cette preuve sous la plume brillante d'un
philosophe contemporain.
«Pourquoi, dit M. Jules Simon, la science a-t-elle
pour objet ce qui est général?... Nous nous disons mor-
tels; et nous ne voulons chercher que des lois, penser
que des universaux. Notre intelligence ne se nourrit
1
J. Simon, Rel. naturelle, 3 e partie, ch. 1
er .
2
Rétr., 1. I, c. 5, n° 2.
DE L'IMMORTALITÉ de l ami:. 4 u27
der l'immortalité des fîmes de cette sorte sur la persis-
1
De imm, an., c. 5.
DE i 'IMMORTALITÉ DE L*AME. 1*39
1
Desc. — 2 e médit.
430 de l'immortalité de l'ame.
dignité et en excellence ;
plus elle se dégrade et se dé-
tériore, plus il s'abaisse et déchoit), et on dira qu'il
1
De imm. an., c. 3, 7.
2
De imm. an., c. 8.
DE L'IMMORTALITÉ DE L'AME. 4SI
Cette preuve de l'immortalité de l'âme a ceci de
commun avec la preuve discutée plus haut, qu'elle est
mieux appropriée au système platonicien, qui admet
l'éternité des choses, qu'au système chrétien, qui admet
le dogme de la création. Les Ames ne périssent jamais,
I dit saint Augustin; car les corps eux-mêmes ne pé-
rissent point. Qu'en sait-il? N'ont-ils pas été créés?
Qu'aucuu être ne doive finir, cela se conçoit dans le
1
Platon , Pkédon; Plotin , Enn. 4 e liv. VII, S 3, al. 9, 11.
432 de l'immortalité de l'ame.
aussi que la mort ait lieu, non pas par suite du départ
de l'âme et de sa sortie du corps , mais par suite de son
2
extinction ?
1
De imm. an., c. 9.
1
Platon , Phèdre.
'
2
Plotin, Enn. 4. 1. 7, S 3. Trad. de M. BouillcL
28
F.
434 de l'immortalité de l'âme.
forte raison, du mal d'une aulre substance qui est le
1
De imm. an., c. 11.
1
De imm. an,, c. 12.
DE L'IMMORTALITÉ DE L'AME. i35
i
L'âme est donc immortelle, s'écrie Augustin ravi.
commencé.
Cependant son immortalité n'est pas la simple possi-
bilité, mais l'absolue nécessité de vivre toujours; ce
n'est pas l'immortalité mineure, pour parler le langage
de saint Augustin , mais l'immortalité majeure. Nous ne
serons pas immortels comme Adam, qui pouvait sim-
plement ne pas mourir ; nous , nous ne pourrons pas
mourir ; au lieu d'une immortalité conditionnelle et
1
SoliL, 1. II, c. 19.
2
Serm., LXY, c. 2.
j
Op. imp. contr. JuL, 1. VI, c. 30.
436 de l'immortalité de l'âme.
facultés qui le constituent; ce ne sera pas seulement la
'
Solil., 1. II, c. 20.
c)
DE i \ DES im
I i: DE L'AME APRÈS LA MOUT. L >7
CHAPITRE XV.
de Manès.
438 DE LA DESTINÉE DE L'AME
I.
cité présente.
1
Serm.. CCXLI, c. 4, 5, G; De Civ. Del, 1. X, c. 30.
M RÊS LA M0R1 I 18
1
De Gen. ad lit/.. I. VII, c. 10.
444 DE LA DESTINÉE DE L'AME
qui doivent sur nouveaux frais recommencer les luttes
de l'existence. Mais ici encore il rectifia la doctrine pla-
tonicienne, en répudiant la croyance qu'une âme cou-
pable entre, à la mort, dans le corps d'un animal : une
âme humaine ne doit animer, suivant lui, qu'un corps
humain 1
.
la « t la la faculté
II.
1
De Gen. ad lilt., 1. VII, c. 11 ; Contr. Faust, 1. XX, c. 20.
l
De Gen. adlitt., 1. VII, c. 11.
448 DE LA DESTINÉE DE l'àME
une foule d'homicides. Les élus, qui sont parmi eux
les hauts dignitaires, se garderaient bien de cueil-
lir un fruit, d'arracher une feuille d'arbre, crainte de
faire souffrir une âme. Ils attendent tranquillement
que les auditeurs leur apportent de quoi subvenir à
leurs besoins, et vivent des nombreux et épouvantables
homicides que d'autres commettent. On voit ces audi-
1
De Haer., c. 46; Contr. Faust., 1. VI, c. 4.
29
F
450 DE LA DESTINÉE DE L'AME
Les Manichéens s'intéressent beaucoup aux âmes des
bêtes. Ils croient qu'ils seront exclus du royaume des
cieux, si les bêtes n'y entrent pas. En attendant, ils ont
pour ellesune rare bonté sur la terre, et évitent avec
le plus grand soin de les maltraiter, de les tuer et de
lesmanger. C'est que frapper du fouet une bête de
somme pour la faire avancer, ou retourner violemment
le mors dans sa bouche pour la retenir, c'est s'exposer
à faire souffrir l'âme d'un père. Cependant les Mani-
chéens ne poussent pas leur principe jusqu'au bout. Ils
1
Conlr. Adim., c. 12. ,
APRÈS LA M"OUT. 451
autres? Cela vient Bans doute de ce que les animaux ne
peuvent être mangés que quand leurs âmes se sont re-
tirées de leurs corps et ne peuvent plus être purifiées
dans l'acte de la digestion. Mais n'en est-il pas de même
des végétaux? «0 bienheureux légumes! s'écrie Au-
guslin; on a beau les arracher avec la main, les cou-
per avec le 1er, les tourmenter dans la flamme et les
broyer avec les dents, ils arrivent vivants dans vos en-
trailles saintes, comme sur des autels! Malheureux,
au contraire, les animaux dont les âmes s'échappent
trop vite du sein des organes et ne peuvent entrer dans
vos corps *
! »
{
Contr. Faust., 1. VI, c. G.
452 DE LA DESTINÉE DE L'AME
non-seulement les traits qui lui sont communs avec les
grands philosophes de tous les temps, mais encore
quelques-uns de ceux qui en font l'homme d'une cer-
taine époque , et qui l'individualisent. A côté de l'ob-
servateur, dont les idées n'ont pas vieilli et sont aussi
jeunes aujourd'hui qu'à l'instant de leur naissance, il
III.
1
Epist. XIII, CLVIII.
APRÈS LA MORT. 255
Arnauld 1
. Ils peuvent, dit-il, être unis au feu comme
nos esprits sont unis à nos corps, non de manière à
l'animer, mais de manière à souffrir par suite de cette
union. Il n'y aurait rien là de plus merveilleux que
dans l'union actuelle des esprits et des corps, union
qui constitue les animaux, les hommes eux-mêmes et
1
Log. de Porl-Royal, 1
re
part., eh. IX.
APRÈS LA MORT. 459
tare appelle énergiquement la seconde mort. En proie,
dans leur sensibilité, à des souffrances que leur vo-
lonté repoussera et contre lesquelles elles se raidira
en vain, ils seront à jamais divisés avec eux-mêmes,
et nourriront an fond de leur être une guerre éter-
4
nelle .
ront d'un bonheur tel que l'œil n'a jamais rien vu, que
l'oreille n'a jamais rien entendu qui puisse lui être com-
paré. Chacun de nous cessera d'être en guerre avec
lui-même et avec les autres, parce que Dieu comman-
dera souverainement à l'âme comme l'âme au corps.
Trouvant autant de charme dans l'obéissance que de
félicité dans le commandement, l'âme vivra, sous les
principe.
Il est certain que la félicité de tous les élus ne sera
pas égale, et qu'elle variera avec chacun d'eux. Cepen-
dant Dieu, qui se communique à tous pour leur servir
d'aliment et pour les animer de sa vie, les unira d'une
union si intime, qu'ils ne s'envieront point les uns les
1
Ubi volet spiritus, ibi protlnus erit corpus. (De Civ. Dei\ I. XXII,
c. 30). — In ipso homine lœtitla quxdam bonx conscientix para-
disus est. (De Gen. ad litt^ 1. XII, c. 34.)
àPRÉS LA MOUT. 461
1
De Civ. Dei, 1. XIX, c. 27; 1. XXIF, c. 30.
'£*>., CXLV1I, c. 9.
462 DE LA DESTINÉE DE L'AME
quand il s'agit de dépeindre les peines des criminels,
sont d'une rare stérilité quand ils parlent des récom-
penses destinées aux gens de bien: ils ne savent, sui-
vant l'expression d'un écrivain illustre, que faire jouer
de la flûte ces ombres heureuses 1 Augustin, . inspiré
par une religion plus noble et plus sainte, conçoit une
autre félicité que celle des sens et d'autres plaisirs que
ceux dont ils sont la source. Il nous montre les bien-
heureux dans leur ciel mystique, revêtus de leurs corps
glorieux, vivant par l'amour et par l'intelligence, et
faisant de la lumière éternelle, de la vérité incor-
ruptible, leur unique aliment. On dirait ces figures
1
Montesquieu, Lettres persannes, lettre 4 25.
\i'i;i> i.v MORT. 403
plus immatérielles, le suprême bonheur plus formelle-
ment placé dans la vie morale, Dieu et l'idéal plus com-
plètement identifiés, que dans les pages bien connues
du Phèdre. Je ne sais quel auteur hébreu a mieux parlé
de Dieu que le philosophe qui le représente comme
une essence sans couleur et sans forme, invisible et
impalpable, ne pouvant être contemplée et conçue
que par l'intelligence. C'est toujours à Platon qu'il faut
remonter, en métaphysique comme en morale, quand
on cherche l'origine des grands courants d'idées qui
traversent l'histoire. C'est vraiment l'Homère de la phi-
losophie; car c'est chez lui qu'ont puisé tous ceux qui
l'ont suivi : c'est l'Océan, comme on l'a dit, du grand
poète grec, où les fleuves et les fontaines prennent leur
source.
Quant à la question de savoir si ces spéculations sont
aussi solides que brillantes, nous ne nous chargeons
pas de la résoudre. Sans croire avec certains auteurs à
l'impuissance absolue de la raison, nous croyons à son
impuissance actuelle touchant les matières dont il
s'agit.
&*&
CONÇU SION. 465
CONCLUSION.
Après avoir suivi saint Augustin dans l'élude de tous
les phénomènes qu'il a décrits et dans l'examen de
toutes les questions qu'il a traitées, il ne nous reste
plus qu'à rappeler en quelques pages les principaux
résultats, soit historiques, soit dogmatiques, auxquels
1
M. Saisset, Introduction de la Cité de Dieu.
30
F.
466 CONCLUSION.
de l'Académie.
Ce qui fait la grandeur d'un psychologue et son mé-
rite éminent, c'est d'avoir une conception totale de la
1
L'influence que saint Augustin a exercée sur Bossuet, a été ad-
mirablement caractérisée par M. Villemain, Tabl. de l'éloq. chrét.
au quatrième siècle, p. 504.
47 w2 CONCLUSION.
vraie ?
1
C'est l'opinion de M. Bouillier qui est cependant un des plus ar-
dents admirateurs de Descartes. Consulter son Histoire de la philo-
sophie cartésienne, t. I
CI
,
p. 101.
NCLUSION.
Fénelon
17")
M
11 y a quelques anné inl que le vaste mouve-
ment d'études philosophico-historiques,si puissamment
inauguré par M. Cousin, eût embrassé l'antiquité tout
entière, notre génération croyait presque avoir inventé
la psychologie, et consentait tout au plus à en faire
remonter l'origine aux philosophes écossais et à l
1
même caractère.
réflexion.
1
Le scepticisme combattu dans ses principes.— Paris, chez Du-
rand, 1857.
CONCLUSION. 479
.m jamais paru a jeté sur le terrain de la psychologie
le fondement de ses spéculations, et c'est à sa psycho-
logie qu'il faut s'attaquer, si l'on veut renverser son sys-
tème.
Qu'a fait dernièrement un célèbre philosophe de
notre époque 1 , quand il a battu en brèche avec tant
d'éclat l'empirisme, le spiritualisme et l'idéalisme, afin
sans doute que l'on s'y prend mal. Que faire alors? S'y
IL
1
Consulter là-dessus les excellents Essais de logique de M. Wad-
dington, p. 416. On y verra de quelle importance est l'histoire de la
psychologie.
I ONI il SION. s
<< l
1
M. Ernest Renan, Etudes d'hist. religieuse, Préface.
i «iM.i.i sion. 483
à étendre à l'espèce des dispositions qui n'appartiennent
qu'à un individu. Si je suis poltron, je me représente-
rai les hommes comme incapables d'envisager la mort
en lace et comme prêts à fuir à la moindre apparence
de péril : si je suis avare, je les peindrai attachés à leur
un usage remarquable.
i uni i !
sion 185
l'humanité.
N'est-ce pas faute d'une instruction historique suffi-
sante que le Français a si longtemps méconnu les va-
( que la criminalité
1
Disc, dt ta Méth., 6 e part.
CONCLUSION. 4(M
achevées.
Du reste, ce que nous demandons, ce n'est pas tant
conclusion. i >:>
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TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
RÉFACE 4
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