22 Franteme1
22 Franteme1
22 Franteme1
SESSION 2022
FRANÇAIS
ÉPREUVE ANTICIPÉE
Coefficient : 5
Dès que ce sujet vous est remis, assurez-vous qu’il est complet.
On utilisait dans les mines, au XIXe siècle, des chevaux que l’on descendait au fond
des puits afin d’aider au transport du charbon. Dans cet extrait, Zola présente deux de
ces animaux qui, à la différence des hommes, restaient des années durant sous terre,
sans remonter.
C'était Bataille, le doyen de la mine, un cheval blanc qui avait dix ans de fond.
Depuis dix ans, il vivait dans ce trou, occupant le même coin de l'écurie, faisant la
même tâche le long des galeries noires, sans avoir jamais revu le jour. Très gras, le
poil luisant, l'air bonhomme, il semblait y couler une existence de sage, à l'abri des
5 malheurs de là-haut. Du reste, dans les ténèbres, il était devenu d'une grande
malignité. La voie où il travaillait avait fini par lui être si familière, qu'il poussait de la
tête les portes d'aérage, et qu'il se baissait, afin de ne pas se cogner, aux endroits trop
bas. Sans doute aussi il comptait ses tours, car lorsqu'il avait fait le nombre
réglementaire de voyages, il refusait d'en recommencer un autre, on devait le
10 reconduire à la mangeoire. Maintenant, l'âge venait, ses yeux de chat se voilaient
parfois d'une mélancolie. Peut-être revoyait-il vaguement, au fond de ses rêvasseries
obscures, le moulin où il était né, près de Marchiennes, un moulin planté sur le bord
de la Scarpe, entouré de larges verdures, toujours éventé par le vent. Quelque chose
brûlait en l'air, une lampe énorme, dont le souvenir exact échappait à sa mémoire de
15 bête. Et il restait la tête basse, tremblant sur ses vieux pieds, faisant d'inutiles efforts
pour se rappeler le soleil.
Cependant, les manœuvres continuaient dans le puits, le marteau des signaux avait
tapé quatre coups, on descendait le cheval ; et c'était toujours une émotion, car il
arrivait parfois que la bête, saisie d'une telle épouvante, débarquait morte. En haut, lié
20 dans un filet, il se débattait éperdument ; puis, dès qu'il sentait le sol manquer sous lui,
il restait comme pétrifié, il disparaissait sans un frémissement de la peau, l'œil agrandi
et fixe. Celui-ci était trop gros pour passer entre les guides, on avait dû, en l'accrochant
au-dessous de la cage, lui rabattre et lui attacher la tête sur le flanc.
La descente dura près de trois minutes, on ralentissait la machine par précaution.
25 Aussi, en bas, l'émotion grandissait-elle. Quoi donc ? est-ce qu'on allait le laisser en
route, pendu dans le noir ? Enfin, il parut, avec son immobilité de pierre, son œil fixe,
dilaté de terreur. C'était un cheval bai,1 de trois ans à peine, nommé Trompette.
_______________
1 Bai : entre le brun et le roux.
Compte tenu de l’œuvre et du parcours étudiés durant l’année, vous traiterez l’un des
trois sujets suivants :
Contraction de texte
Vous résumerez ce texte en 199 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise : votre
travail comptera au moins 179 mots et au plus 219 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin
de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.
Je crois que la force de tout enseignement par rapport aux « événements qui font
l’histoire du monde » est d’imposer aux esprits un détour. Si l’on veut s’orienter
convenablement, dans une promenade au cours de laquelle on doit retrouver son
chemin, il faut prendre, en pensée, du recul. Il faut se retourner, voir d’où vient le
5 chemin que l’on est en train de parcourir et où sont les repères, recourir à une carte,
sur laquelle le paysage confus, masqué de buissons et d’arbres, d’ombres et de creux,
se ramène à un tracé schématique, couvrant un horizon bien plus étendu et qui
soudain rend compte du paysage. Il en va de même dans les choses de l’esprit.
Complexe, notre société ? Ô combien ! Mais dans ce cas pour l’appréhender, pour
10 la comprendre, pour en comprendre les problèmes et les tendances, il faut
précisément faire le détour et apprendre à connaître d’autres sociétés plus simples.
J’ai l’air en disant cela de présenter, une fois de plus, un plaidoyer pour le grec et le
latin. En un sens, c’est parfaitement vrai. Je reste convaincue que l’on comprend mieux
la collectivité qu’est l’État quand on connaît la cité grecque, avec les dévouements
15 qu’elle suscitait si largement et les crises qu’elle traversa et surmonta, que l’on
comprend mieux les relations entre les pays quand on a pratiqué la relation toute
simple qui s’établit au niveau de deux cités de régime politique différent et luttant pour
la suprématie1, ou bien entre des cités grecques et un envahisseur barbare. Après
tout, si l’on ne cesse de découvrir, dans la littérature grecque, l’« actualité » de tel
20 passage ou de tel autre, cela n’est point dû au hasard de situations qui se répéteraient,
mais au fait que des situations simples, analysées avec rigueur, fournissent divers
schèmes2 d’interprétation susceptibles d’être appliqués à des situations plus
complexes. Je crois aussi que, dans l’ordre des conduites humaines, les problèmes
peuvent être posés avec une force accrue, lorsque se découvre, au niveau de la famille
25 ou de la cité, le premier exemple éclatant d’un dilemme humain : la mort d’Antigone et
la mort de Socrate aident à comprendre l’héroïsme et à le sentir dans sa simplicité
absolue. Je plaide donc bien pour le grec et le latin. Mais pas seulement. Je plaide
pour tout ce qui est lointain, différent, et pourtant humain. Je plaide pour la sociologie,
je plaide pour l’histoire, je plaide pour tout ce qui n’est pas notre temps, pour tout ce
30 qui lui ressemble et en diffère, pour tout ce qui nous donne, je le répète, du recul.
_______________
1 Suprématie : domination.
2 Schèmes : principes, modèles.
795 mots
Essai
Dans un monde qui change, a-t-on forcément besoin d’une éducation nouvelle ?
Contraction de texte
Vous résumerez ce texte en 202 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise : votre
travail comptera au moins 182 mots et au plus 222 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin
de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.
____________________
1 Désagrégation : décomposition, destruction.
810 mots
______________________
2 Dans sa fleur : à son plus haut degré de développement.
3 Pernicieuse : ici destructrice.
4 Exécrable : détestable, odieux.
Essai
Contraction de texte
Vous résumerez ce texte en 196 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise : votre
travail comptera au moins 176 mots et au plus 216 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin
de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.
Toute sa vie, George Sand s’est montrée très attentive à la condition des femmes
de son temps. On en trouve d’innombrables preuves dans sa correspondance, mais
aussi dans ses romans, dans sa monumentale Histoire de ma vie et dans les nombreux
articles et brochures qu’elle a publiés.
5 George Sand s’intéresse particulièrement aux questions qui regardent la vie privée
des femmes : le droit à la libre disposition de soi et de ses biens, le mariage et la
maternité. Elle réclame inlassablement l’obtention des droits civils, dont le divorce
(supprimé en 1816 et rétabli en 1884), qui feront des femmes les égales des hommes.
Parce qu’à l’heure où elle écrit, celles-ci sont considérées comme « mineures »,
10 dépendantes de leur père puis de leur mari, comme le prévoit le Code civil en vigueur
depuis 1804. George Sand juge qu’il est trop tôt pour réclamer pour les femmes des
droits politiques, qui leur permettraient de voter et de se présenter aux élections.
Si elle réclame le divorce, elle juge toutefois que celui-ci ne doit être obtenu que
pour pouvoir se remarier dans de meilleures conditions. Le « contrat social » qui lie un
15 homme et une femme lui paraît absolument nécessaire. Le mariage assure à la femme
un nom, un toit, du pain ; il assure aussi à ses enfants un devenir et un avenir stable.
Quant aux femmes, elles doivent trouver dans cette structure l’équilibre qui convient
au plein exercice de leur « nature », qui leur fait trouver le bonheur dans la maternité
et l’éducation de leurs enfants. Ce combat relève avant tout pour George Sand de
20 l’égalité, égalité des droits devant la loi, des époux dans le mariage, l’un ne pouvant
disposer de l’autre comme de sa chose, notamment dans le domaine sexuel. Cette
égalité va de pair à ses yeux avec l’égalité des conditions, la « cause de la femme et
celle du peuple » offrant « une similitude frappante ».
Toutes les femmes attentives à ces questions ne sont pas du même avis. Les
25 représentantes du saint-simonisme (mouvement d’inspiration socialiste) jugent bon de
réclamer les droits politiques en même temps que les droits civils, et invitent par
ailleurs, loin du mariage, à une certaine liberté dans le domaine sexuel. En février
1848, George Sand écrit régulièrement dans l’organe officiel du Gouvernement
provisoire, le Bulletin de la République, et participe à la diffusion des idées socialistes ;
30 les saint-simoniennes souhaitent que l’écrivaine se présente à la députation1. Parce
qu’elle ne dispose pas des droits civils, et qu’elle considère qu’ils sont la condition de
l’exercice des droits politiques, George Sand refuse. […]
________________
1 Députation : fonction de député.
784 mots
Essai
Martine Reid écrit : « George Sand milite sans relâche pour l’égalité, ʺbeau rêve,
dit-elle, dont je ne verrai pas la réalisationʺ. »
Selon vous, écrire et combattre pour l’égalité, est-ce viser forcément une efficacité
immédiate ?