Demarche Methodologique - Enquetes Apres Accident Du Travail
Demarche Methodologique - Enquetes Apres Accident Du Travail
Demarche Methodologique - Enquetes Apres Accident Du Travail
PROFESSIONNELS
Commission spécialisée n° 3
Risques physiques, mécaniques et électriques
Groupe de travail sur les enquêtes relatives aux accidents du travail
DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
Le présent document est le résultat de près de deux ans de réflexion au sein d’un groupe de
travail du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, sous la présidence du
Professeur CUNY, personne qualifiée de ce Conseil, que je tiens à remercier particulièrement
pour son implication et le travail qu’il a accompli sur ce sujet.
Avec ce document original, fruit de l’audition des meilleurs experts dans le domaine, de tous
horizons, le Conseil joue pleinement son rôle de force de réflexion et de proposition auprès du
Ministre. En effet le Conseil est fondé à conduire, au sein d’une de ses commissions
spécialisées, en l’occurrence la Commission « risques physiques, mécaniques et électriques »,
l’étude d’une question relevant de ses compétences et à proposer au Ministre chargé du travail
toutes mesures susceptibles d’améliorer la santé et la sécurité sur les lieux de travail.
A l’heure où le Plan Santé Travail se met effectivement en place, il est important de rappeler
tous les enseignements que doit apporter l’enquête suite à un accident du travail.
Le présent texte, mettant l’accent sur l’enquête après un accident, rappelle tout d’abord à tous
les acteurs de la prévention, dans l’entreprise et au-delà, qu’il ne faut pas baisser la garde face
aux accidents du travail, qui restent encore trop nombreux dans beaucoup de secteurs
professionnels malgré les progrès accomplis.
Il convient, bien au contraire, d’en analyser toutes les causes afin d’identifier les
dysfonctionnements du système d’organisation qui ont rendu possible un accident. Le
document, rédigé sous la direction du Professeur Cuny, part du constat d’un manque et du
besoin d’un outil adapté, destiné aux intervenants internes aux entreprises, en vue de
l’organisation et de la conduite des enquêtes suite à un accident du travail.
Ce document n’est pas prescriptif. Il contient des réflexions d’ordre méthodologique, dont il
tire des suggestions de bonnes pratiques. Celles-ci sont destinées aux acteurs de prévention et
notamment aux membres des CHSCT qui, dans l’entreprise, vont mener des enquêtes en
matière d’accidents du travail et recueillir des éléments factuels en vue de l’évaluation et de la
prévention des risques professionnels.
Le présent texte n’a pas non plus le statut de circulaire à l’intention des services d’inspections
du travail. Il contient cependant des éléments qui peuvent intéresser toute personne chargée
également de mener une enquête suite à un accident du travail, dans l’optique d’un partage
utile des principes et des concepts qui y sont proposés.
Il s’inscrit bien dans la volonté qui est la nôtre d’assurer par tous moyens la mise en œuvre
effective des principes de prévention qui figurent dans la loi.
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Sommaire
Présentation ................................................................................................................5
4 En pratique .......................................................................................................... 20
4.2.1 Observations......................................................................................... 21
4.2.3 Entretiens.............................................................................................. 23
4.2.4 Reconstitution....................................................................................... 24
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5 Traitement des éléments collectés, mise en forme des données
et transmission .................................................................................................... 25
Bibliographie............................................................................................................ 37
Annexe 1 : Lexique des termes en rapport avec les enquêtes accidents du travail ... 38
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Présentation
L’élaboration d’une démarche méthodologique de l’enquête après accident du travail* est une
entreprise que justifient aujourd’hui trois groupes de motivations à progresser dans le
domaine de la prévention des risques professionnels. Mais d'entrée de jeu sa destination est à
préciser: elle s'inscrit dans le respect de la législation en vigueur et, tout particulièrement, en
ce qui concerne les prérogatives des CHSCT et les responsabilités de l’employeur. Ses
contenus ont valeur de préconisations conçues pour s'intégrer parfaitement dans le cadre de la
stricte observation, par tous, de la loi et de la réglementation du travail, ainsi que des
conventions collectives applicables.
Ensuite vient le groupe des motivations à l'égard d’une plus large participation du personnel
des entreprises aux enquêtes et, plus particulièrement, dans le cadre du fonctionnement des
institutions internes prévues pour veiller et intervenir en matière de sécurité et de santé au
travail. Depuis la création des premiers CHS (par décret du 1er août 1947), cette dimension
participative se situe au premier rang des grands principes de politique de prévention. La
présente démarche incite concrètement à sa mise en œuvre avec des recommandations
précises concernant, d’une part, les conditions ( d’information, de formation, de moyens
matériels spécifiques), d’autre part, les modalités pratiques (désignation des chargés
d’enquête, déroulement de celle-ci, etc.) d’une participation effective et utile.
Enfin le troisième groupe rassemble les motivations en faveur de l’harmonisation des formes
de recueil et de présentation des faits relatifs à la genèse des accidents qui surviennent. Il
touche un grand nombre d’instances, d’instituts, d’agences, d’organismes et de services
oeuvrant en matière de prévention à différents niveaux (local, régional, sectoriel, national,
voire international). Cette harmonisation est éminemment souhaitable pour faciliter la
circulation et le traitement des données objectives recueillies, dans les entreprises ou
établissements, sur les événements aux conséquences négatives sur la sécurité et la santé des
personnes au travail. Elle est indispensable pour pouvoir entreprendre une exploitation, de
nature qualitative ou statistique, de ces données, avec une assise suffisamment large pour que
les enseignements qui s’en dégageront, apparaissent à la fois révélateurs et peu contestables.
Dans cette perspective, ce document contient des recommandations relatives aux bonnes
pratiques de recueil, des suggestions exemplifiées de formules de comptes rendus et de
rapports d’enquête ( la conception et l’utilisation de l’un et de l’autre sont distinguées) et
enfin, un lexique de termes spécifiques (en annexe). Ses réalisateurs se sont efforcés de
montrer que la production d’une présentation harmonisée passait nécessairement par le
recours à un tronc commun de langage partagé.
* Dans la suite du texte cette expression sera remplacée par le mot « enquête » seul
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1 L’enquête AT, un outil majeur de la prévention
Mais il n'est pas contradictoire de souhaiter aussi que cette démarche retienne l'attention des
acteurs institutionnels externes pour qui la réalisation d'enquêtes est une tâche majeure de leur
fonction, notamment les inspecteurs et contrôleurs du travail et les ingénieurs et contrôleurs
des services de prévention des caisses régionales d'assurances maladie.
Il est à souligner que celui-ci ne prétend en aucune façon posséder le caractère d’un livret
d’instructions et encore moins d’une formule type dont l’objectif essentiel serait de parvenir à
la standardisation la plus stricte du déroulement d’une enquête.
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Aujourd’hui les interprétations des accidents du travail (AT), fatalistes, culpabilisantes,
mettant d’emblée en cause les comportements individuels ou alléguant une seule cause, ont
de moins en moins cours. Généralement complexe, combinant un nombre important de
facteurs de nature variée, telle apparaît, dans les analyses approfondies actuelles, la survenue
d’un accident. Selon ces analyses les déterminants de l’événement accident se décèlent dans
le contexte du mode de fonctionnement des systèmes hommes-machines, qui composent une
organisation et qui concourent à la poursuite des objectifs de celle-ci. La genèse d’un AT
porte atteinte à une partie du processus normal de production. La prise en compte d’une seule
« cause » pour chaque accident, ne constitue donc qu’une base faible pour combattre les
risques effectivement en jeu. La lutte décisive contre ceux-ci repose sur une reconstitution
fiable du cheminement pathologique qui perturbe et lèse l’unité fonctionnelle dans laquelle
finit par surgir l’accident. Cette mise en évidence ne saurait résulter d’une pratique
expéditive, comme celle qui a prévalu à une certaine époque et qui prévaut encore aujourd’hui
dans certains secteurs, pour l’établissement des comptes rendus en entreprise. Elle ne sera
valable qu’appuyée sur un ensemble, le plus complet possible, de faits relatifs au
cheminement évoqué, recueillis avec un maximum de garanties d’objectivité. Tel doit être
l’objectif majeur de l’enquête dont le présent document voudrait révéler les principes et tout
en livrant des conseils d’application destinés à faciliter la tâche de ceux qui veulent en tirer de
nécessaires enseignements.
Une enquête relève pour commencer, un ensemble inorganisé de faits en rapport avec la
genèse de l’événement considéré. Il appartient ensuite aux enquêteurs de tenter de retrouver, à
l’aide de ces faits un schéma descriptif du processus ayant conduit à l’accident. Ce schéma,
en effet, sera exempt d’éléments impliquant une interprétation causale. La forme descriptive
consistera en une mise en relation des faits entre eux, elle-même objectivement réalisée et
contrôlable. Elle mettra en jeu des variables temporelles, spatiales et énumératives. Elle
conférera au produit de l’enquête une valeur importante pour la suite de l’exploitation,
orientée sur le progrès de la prévention en sécurité et santé au travail. Cette suite à l’enquête,
marquée par une succession d’étapes est explicitée dans la figure 1.
Fig. 1: L’enquête, étape n°1de la séquence de l’étude des AT en vue d’une exploitation
préventive
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L’enquête sur la survenue (effective ou potentielle) d’accidents du travail (AT) y est située
dans un schéma de la séquence opératoire de l’étude de ceux-ci. Dans cette séquence, le but
de l’enquête apparaît double :
-Recueillir des faits en rapport avec l’événement survenu,
-Décrire un processus d’accident crédible, conduisant au dommage constaté.
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2 L’enquête, tâche féconde
Ainsi, à l’étape de l’enquête les acteurs participant doivent s’interdire de relever des
hypothèses, des interprétations, c’est à dire des éléments dont la réalité est seulement
supposée ou induite.
Par exemple, sur le lieu d’un AT, la victime ayant été évacuée, un enquêteur remarque des
gants de protection posés sur un pupitre ; il note : « X ne portait pas ses gants au moment de
l’accident ». Le fait ainsi relevé n’est pas vérifié. L’enquêteur devait écrire « une paire de
gants de protection est trouvée posée sur le pupitre de commande de … proche de… (c’est ce
qu’il a pu réellement observer et dont il peut éventuellement faire une prise de vue).
Une remarque similaire vaut pour les témoignages oraux. Il n’y a pas lieu de suspecter
systématiquement toute déclaration verbale d’insuffisance d’objectivité . Mais comme dans le
cas d’une observation, elle doit pouvoir se prêter à un contrôle. Dans un même témoignage on
peut veiller à la cohérence et à l’absence d’indications contradictoires. En comparant
plusieurs témoignages relatifs au même événement on pourra relever les propos convergents
ou les points de non concordance. Au cours d’un entretien l’enquêteur peut inciter la personne
interrogée à ne pas céder à la tendance à la supposition ou à l’interprétation. Ainsi il évitera de
retenir ou d’encourager des remarques comme celles-ci : « Le chef d’équipe aurait dû savoir
où se trouvait le graisseur au moment de la remise en marche … », « Je pense que X… qui
venait d’un autre poste a agi ainsi par manque d’expérience ».
Une information sera ici considérée comme objective si elle a pu, ou peut être encore,
constatée directement, par ex. par l’observation avec ou sans l’aide d’un instrument
facilitateur ou par le simple rapprochement d’indices relevés apparaissant comme
complémentaires.
A ce même stade, les acteurs doivent ensuite tenter de composer une image de l’événement
accident à l’aide des seuls faits objectifs rassemblés, de sorte à demeurer sur le plan de la
description.
Le tableau I * en est une illustration, faisant appel à un cas d’accident qui s’est produit lors
d’une opération d’accrochage d’une remorque à l’arrière d’une chargeuse. Il s’agit d’une
façon, parmi beaucoup d’autres possibles, de présenter les faits recueillis, relatifs à cet
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événement, sous la forme et avec le contenu d’une description qui les organise, sans quitter le
terrain du constat. A cette fin, les acteurs se gardent donc de relier entre eux des états par des
transitions ou autres liens impliquant le recours à des estimations ou à des jugements causaux,
intuitifs ou spéculatifs. De telles opérations sont réservées de préférence pour l’étape suivante
de traitement des données initiales.
L’image descriptive de première approche doit correspondre davantage à celle qui est obtenue
avec le jeu de puzzle en fin de partie, qu’ à un scénario qui introduit a priori, une cohérence
dans sa construction. Les pièces du puzzle sont assimilables aux faits produisant l’AT, leur
assemblage évoque celui des faits que l’on réalise en répondant aux questions associées à des
variables descriptives du type de celles qui ont été mentionnées plus haut: Qui? Quoi? Où?
Quand? Combien? Le « puzzle » de l’événement accident se construira en utilisant ces
critères comme se construit le puzzle d’un paysage.
Ces deux grandes exigences de la tâche associée à l’enquête ont souvent été sous-estimées et
non ou mal satisfaites. Or, n’est-ce pas ce défaut qui nuit, pour une part très importante, à
l’exactitude comme à la précision des résultats des étapes où s’élaborent et se traitent les
données collectées et, par conséquent, qui réduisent considérablement l’impact final de ceux-
ci? Dans ce cas il n’y a pas de miracle: quelles que soient la science et l’habileté des
spécialistes intervenant au cours de ces étapes, ces derniers ne pourront pas combler les
lacunes ni corriger les erreurs de la phase antérieure de recherche et d’assemblage des faits. A
la rigueur, mais c’est souvent piètre remède, tentera-t-on de procéder, a posteriori, à de
problématiques compléments d’enquête.
Bref exposé : Un accrocheur a eu la main coincée entre l’axe de fixation d’un attelage pour
remorque et le panneau arrière d’une chargeuse. Questions pour une description :
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Symboles :
Position Mouvement Information
Chargeuse recule
Sol verglac é
Avance
Pas d’effet : remorque Légère avance
commandée
reste en place chargeuse demandée
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2.2 Des effets immédiats.
Il y a deux avantages à commencer une enquête le plus tôt possible après le moment de
survenue de l’accident avec ses conséquences, lequel déclenche toutes les interventions.
D’une part cela facilite le relevé du plus grand nombre possible de faits pertinents, mais,
d’autre part, cela permet de découvrir encore des éléments dangereux qui éventuellement
subsistent sur le site de l’accident. Les enquêteurs devront signaler, sur le champ, leur
existence à l’employeur et alerter le CHSCT, afin que des mesures, visant à les neutraliser,
ou à en protéger les personnes et les biens qui y seraient encore exposés, soient appliquées
sans délai*. Un « suraccident » reste souvent possible après la survenue d’un premier, un
incident également. L’évitement d’un nouvel événement dommageable survenant dans des
circonstances assez semblables, est un devoir de prévention.
Cependant les enquêteurs doivent avoir conscience des limites de leurs missions. Ils ne
peuvent empiéter sur des fonctions déjà exercées dans l’entreprise par d’autres salariés (ou
par des intervenants extérieurs), dûment formés à cet effet, ce qui n’est en principe pas leur
cas**. Dans le même sens, les enquêteurs ne sauraient se substituer aux intervenants
techniques dûment formés, équipés du matériel et des protections indispensables, qui sont
chargés de participer au rétablissement d’une situation normale.
Commençant leur observation sur les lieux, les enquêteurs peuvent également faire la
découverte d’éléments, non de situation dangereuse avérée, mais connus comme susceptibles
de se trouver impliqués dans un processus d’accident en tant que facteurs contributifs***.
L’accident qui se produit peut en révéler l’existence, permanente ou intermittente, dans
certaines situations de travail (tableau II). Lorsque des facteurs objectifs susceptibles de
concourir à des situations à risques se trouvent matérialisés au cours de l’enquête, alors qu’ils
n’avaient pas été identifiés préalablement, les enquêteurs doivent immédiatement les relever
et les signaler à l’employeur et alerter le CHSCT afin que les mesures de prévention
nécessaires soient appliquées sans délai.
* L’article L. 231-8 du C. trav. s’applique logiquement aux enquêteurs, en tant que salariés de l’entreprise : ils
doivent signaler immédiatement, à l’employeur ou à son représentant, toute situation de travail dont ils ont un
motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, ainsi que
toute défectuosité qu’ils constatent dans les systèmes de protection.
** D’un point de vue juridique, les enquêteurs, agissant dans le cadre de la mission qui leur a été confiée par le
chef d’entreprise, ne peuvent le faire en tant que sauveteurs secouristes du travail (article R 241-39 du code du
travail), ou infirmiers (article R 241-35 CT) ou médecin du travail (article L 241-1 et suivants). Ils ne sont pas
formés pour participer à la procédure d’organisation des secours que les entreprises doivent mettre en place
(article R 241-40 CT). Mais ils doivent en revanche, veiller à ne pas entraver le bon déroulement des secours
(article 223-5 du code pénal). Ils peuvent en effet, engager leur responsabilité si leur comportement, inapproprié
ou maladroit a conduit à une aggravation de l’état de la victime ou à la survenance d’un autre accident. Toutefois
la formation qu’ils reçoivent réglementairement doit être un gage de parfaite connaissance et observation, de leur
part, des prescriptions d’hygiène et de sécurité du travail de leur employeur. Ils éviteront ainsi notamment d’être
eux-mêmes, par leur comportement, victime d’un accident.
*** On peut les définir comme des conditions préexistantes, au poste de travail ou dans l’environnement de celui-ci, de
nature technique, organisationnelle ou humaine, susceptibles d’augmenter le risque d’accident en cas de dysfonctionnement.
(suite bas de page suivante)
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Opérateur Organisation Technologie Environnement
Dans le même esprit, ils signaleront des facteurs qui, quoique déjà antérieurement repérés et
enregistrés, mais non traités, subsistent.
.
Au moment de l’enquête, un AT peut encore devenir le révélateur d’indications relatives au
degré d’efficacité de certaines mesures de prévention mises antérieurement en place dans les
locaux ou les chantiers ou encore les dépendances d’un établissement où s’est produit
l’accident. Des leçons sont à en tirer: aspects positifs et aspects négatifs (figure 2, un
exemple). Un réexamen des mesures qui avaient été décidées ainsi que de leur application
peut s’imposer, un remplacement par d’autres mesures ou un renforcement des dispositions
existantes peut apparaître nécessaire et devoir être effectué dans les plus brefs délais.
Les leçons ainsi reconnues serviront lors des procédures de contrôle et d’évaluation de
l’ensemble des actions de prévention de l’entreprise, en étroite relation avec le CHSCT.
Celui-ci est l’instance privilégiée pour la discussion des mesures à prendre dans le cadre de
toute bonne gestion de la prévention en SST et, tout particulièrement, pour la mise à jour du
Document unique.
*** (suite) L’article L. 231-9 C. trav. peut être rappelé à ce sujet. Si un représentant du personnel au CHSCT
constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un salarié qui s’est
retiré de sa situation de travail pour cause de danger grave et imminent, il en avise immédiatement l’employeur
ou son représentant et il consigne cet avis par écrit. L’employeur ou son représentant est tenu de procéder, sur le
champ, à une enquête avec le membre du CHSCT qui lui a signalé le danger et de prendre les dispositions
nécessaires pour y remédier.
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Récit d’un accident survenu dans un laboratoire de recherche
Dans la perspective de conférer à l’enquête post accident une valeur élevée aux yeux de tous
les acteurs SST d’un établissement, il ne suffit pas que celle-ci ait été bien organisée et bien
conduite et qu’elle ait permis de collecter de nombreux éléments informatifs répondant aux
exigences d’objectivité et de fiabilité. Il faut aussi soigner la collecte et le rassemblement des
données en évitant de les perdre ou de les détruire, puis encore les présenter clairement pour
répondre aux attentes des personnes opérant dans les unités des étapes qui suivent (cf. fig1).
Autrement dit, il appartient en outre aux enquêteurs de choisir des types de supports sur
lesquels ils sauront présenter leurs données sous la forme la plus appropriée à leur
transmission vers leurs collègues, ainsi qu’aux objectifs de ceux-ci. Le passage d’une
première phase de recueil d’informations à la phase suivante de l’exploitation bien finalisée
de ces dernières est une opération délicate et cruciale. Son accomplissement est abordé
concrètement dans la partie 5 de ce document.
Sa création trouvera une première incitation dans les principes, aujourd’hui largement
adoptés, sur lesquels se fondent la plupart des politiques de SST d’entreprise. Les
enseignements de la pratique du retour d’expérience systématique y sont valorisés. Cette
pratique mérite d’être généralisée. En outre, comme cela a déjà été évoqué précédemment
dans les premières lignes de ce document, la loi confie aux Comités d’hygiène, de sécurité et
des conditions de travail la mise en œuvre de l’enquête accident du travail.
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Les textes réglementaires relatifs à la sécurité et aux conditions de travail, doivent être
concrètement appliqués, à tous les niveaux dans l’entreprise, lors de la pratique de l’enquête.
Ainsi, la réglementation relative aux CHSCT, déjà citée plus haut, a effectivement prévu que
cette dernière doit être effectuée par une délégation comprenant au moins le chef
d’établissement ou son représentant désigné et un représentant du personnel au CHSCT (C.
trav. art. R. 236-10). La participation d’autres membres du CHSCT, sur la base de différents
critères explicites motivés, est ouverte. Elle tiendra notamment compte de caractéristiques de
l’établissement (par ex. : existence ou non d’un service de santé au travail, d’un service de
sécurité, …) ainsi que de l’impartialité de ces chargés d’enquête vis-à-vis des circonstances de
tel ou tel accident.
Cette mesure a d’ailleurs été renforcée sur le plan réglementaire depuis l’entrée en vigueur du
décret relatif à l’obligation pour l’employeur de formaliser et d’actualiser dans un registre, dit
« Document unique », les résultats de cette évaluation des risques dans son établissement (C.
trav. art. R. 230-1).
Au stade suivant, la motivation à disposer d’une activité enquête se développera grâce à deux
stimulants:
- une mention appuyée, dans la déclaration de politique de SST diffusée par la direction de
l’entreprise, de l’importance attachée à l’enquête en raison de son intérêt pour le management
et la mise en œuvre de la prévention;
- une marque concrète de la valorisation patronale de l’enquête, par la mise à disposition du
personnel, de moyens spécifiques significatifs pour une réalisation sérieuse de celle-ci
(matériel d’investigation et de collecte ou d’enregistrement, temps alloué pour la participation
à une enquête pendant les heures de travail, propositions de stages de formation et de
perfectionnement orientés sur la pratique de l’enquête).
3.2.1 Définir, complémentairement aux prescriptions légales (cf. C. trav. art. L. 236-2 et
L. 236-7), selon le type d’établissement, la catégorie d’événements autres que prévus
dans le Code du travail, qui devront systématiquement faire l’objet d’une enquête
approfondie.
Se tenir à ce choix strictement durant une période prédéterminée. Opérer le choix en question
par la recherche de l’optimisation des variables conditionnant une attitude positive à l’égard
de la pratique de l’enquête: nombre moyen d’enquêtes à réaliser, devenir et portée des CR et
des rapports détaillés d’enquête, compétences des enquêteurs désignés dans les domaines de
l’accidentologie et de l’usage des techniques d’enquête, dotation en matériel.
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portant application de l’article R. 236-12 du code du Travail et déterminant la nature des
renseignements à fournir par les CHSCT à l’administration*, ce principe s’inscrit dans
l’objectif, déjà souligné en introduction, de favoriser au maximum l’utilisation préventive
de l’apport de la pratique et de l’exploitation des enquêtes.
Pour y parvenir, il apparaît nécessaire de combattre la crainte, vivement ressentie à tous les
niveaux de la hiérarchie d’une entreprise, que l’enquête, sérieuse et approfondie, ne serve
qu’à révéler des faits susceptibles d’entraîner des appréciations négatives envers certaines
personnes, voire certaines pénalisations. Une telle appréhension est généralement tenace et
convaincre que la finalité exclusivement préventive de ce type d’enquête, explicitement
exposée, peut être clairement dissociée de la finalité civile et pénale des enquêtes effectuées
par des institutions externes, est une mission difficile. Un engagement paritaire ferme à ce
sujet relevant pleinement de l’éthique des entreprises, doit être pris au moment de la décision
d’organiser l’activité enquête. Il sera constamment respecté lors de chaque enquête réalisée.
La mise en œuvre des facteurs de motivation envers l’activité enquête, mentionnés plus haut
(en 3.1), suffit à assurer, en grande partie, la qualité correspondant à la validité, c’est à dire à
l’aptitude d’une enquête à fournir sur un événement accident des éléments descriptifs à la fois
nombreux et exacts.
Si l’intérêt de l’enquête est, en premier lieu lié à sa validité, il dépend, en outre, de la manière
dont seront exploités ses résultats et de l’impact que cette exploitation aura effectivement sur
l’ensemble des composantes de la fonction de prévention des risques professionnels d’une
entreprise: définition d’une politique, élaboration et mise en place de stratégies, application de
mesures concrètes. Cette deuxième qualité peut s’entendre comme le degré d’attention, de
fiabilité et d’efficacité que le personnel d’un établissement accorde à l’enquête telle qu’elle y
est conçue et pratiquée. Nul doute que lorsque ces deux qualités y sont acquises à un bon
niveau, la plupart des freins à la réalisation des enquêtes n’apparaissent plus.
* Art. 1er - Lorsque le CHSCT a effectué des enquêtes à la suite d’un accident du travail grave ou d’incidents
répétés révélé un risque grave ou une maladie professionnelle (…), ou en vue de rechercher de mesures
préventives dans toute situation d’urgence et de gravité, notamment lors de la mise en œuvre de la procédure
prévue à l’article L. 231-9, celui-ci transmet à l’inspecteur du Travail une fiche de renseignements établie selon
l’un des modèles figurant en annexe du présent arrêté. (…)
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3.2.4 Etablir, avec les institutions publiques et nationales intervenant en cas d’AT
(Gendarmerie, Police judiciaire, IT, CRAM, Corps d’inspection spécifiques), des
relations de coopération
Le but de cette démarche est d’éviter de voir s’interposer de trop longs délais entre le
moment de survenue d’un AT et celui auquel l’établissement aura la possibilité de
commencer son enquête. Selon le Ministère de l’Industrie, chargé des accidents et incidents
dans les mines et carrières, par exemple, la rapidité de mise en action est la première des
conditions d’une enquête rationnelle. En effet, le lieu d’un accident est toujours le siège
d’allées et venues étrangères (...) qui peuvent dénaturer les lieux. On peut craindre en outre
leur modification volontaire*… Le conflit potentiel lié à la concomitance des différentes
enquêtes, par expérience, ne se crée pas dans la réalité.
Il faut toutefois avoir à l’esprit que la finalité de l’enquête, mission légale du CHSCT, doit
être bien différenciée de celle des missions confiées par la loi à d’autres institutions investies
de prérogatives régaliennes ou judiciaires. Les enquêteurs ne sont ni des officiers de police
judiciaires, ni des magistrats. La coopération avec la police et la justice est une obligation qui
s’impose à tous les acteurs de l’entreprise. Les enquêteurs respecteront les injonctions de la
police et de la justice et notamment celle de ne pas briser les scellés. La coopération avec les
autorités ne peut d’ailleurs se concevoir que dans ce contexte.
Il est à prévoir, cependant, que procéder à une enquête après que des enquêteurs externes à
l’entreprise aient déjà opéré longuement sur les lieux de l’accident et auprès du personnel,
risque de démotiver quelque peu les enquêteurs de l’entreprise sur le plan de la valeur des
informations qu’ils pourraient encore recueillir.
On notera que des interférences institutionnelles ne devraient en principe pas gêner les
enquêtes réalisées sur des accidents légers (notamment sans arrêt) ou sur des incidents.
Plus précisément communication et interaction sont envisagées ici entre les acteurs participant
à l’activité enquête d‘une entreprise et les acteurs dévolus aux activités des autres phases de
l’étude et de l’exploitation des AT qui ont été distinguées ici. Ces aspects du fonctionnement
rejoignent et renforcent les précédents. Des relations suivies d’information réciproque et de
coopération entre unités d’un même programme, concernant la prévention, se révéleront
bénéfiques, à la fois pour élever et maintenir la productivité et la qualité de celui-ci et pour
entretenir la motivation envers la pratique de l’enquête, chez les enquêteurs, grâce aux
éléments positifs dont peuvent leur faire part, en retour, leurs collègues des autres unités
impliquées.
* I l faut attirer ici l’attention sur l’article 434-4 du Code pénal qui punit quiconque modifie l’état des lieux d’un
crime ou d’un délit, en effaçant des indices ou en déplaçant simplement un objet.
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3.4 Équipement des enquêteurs
Les enquêteurs doivent pouvoir compter sur une dotation en matériel, dont une illustration est
donnée figure 3, ainsi que sur l’adéquation de ce matériel aux diverses opérations à effectuer,
sur sa fiabilité et sur sa disponibilité élevée. Ceci s’accorde avec la volonté justifiée de
commencer une enquête très peu de temps après le moment de l’accident, si rien n’y fait
obstacle. Cet équipement devrait d’une façon générale se composer des éléments types
suivants:
y Documents de référence, formules de relevés écrits ou graphiques
y Divers appareils d’observation et de mesure
y Des appareils enregistreurs (photos, caméras, magnétophones)
y Des instruments de prélèvements (de gaz, de particules, d’échantillons de diverses
matières)
y Des équipements de protection individuels, appropriés aux dangers existants
y Des matériels de signalisation à mettre en place sur le site
Tous ces moyens faciliteront le travail des enquêteurs, protégeront les personnes se rendant
sur le site et, c’est essentiel pour la qualité finale de l’enquête, ils offriront des capacités
étendues pour la découverte, le recueil, le transport et la conservation de toutes les indications
pouvant contribuer à étayer les faits pertinents dégagés et leurs interrelations.
Des acteurs de la prévention, dans une entreprise ou un établissement, seront désignés pour
cela et, en première instance, s’il existe un CHSCT, ils le seront parmi les membres de celui-
ci, dans le cadre de l’organisation et de l’accomplissement de ses missions. Selon la
réglementation officielle, déjà évoquée, la délégation constituée dans ce but comprendra au
moins le chef d'établissement ou un représentant désigné par lui et un représentant du
personnel au CHSCT (C. trav. art. R. 236-10).
Toutefois, quels que soient leur statut, leur niveau hiérarchique et leur expérience, ils ne
sauraient être envoyés en enquête immédiatement après leur désignation. Il est indispensable,
pour l’ensemble de raisons exprimées dans ce qui précède, qu’ils participent à une préparation
et reçoivent une formation spécifique qui s’inscrirait d’ailleurs dans la formation prévue, par
le Code du travail, pour les membres du CHSCT. Sur le plan juridique, celle-ci devra
apporter, nécessairement et d'entrée de jeu, à l'employeur comme aux salariés pressentis, une
connaissance précise de leurs obligations et responsabilités respectives, en matière de santé et
de sécurité au travail, telles que spécifiées dans ce Code et applicables à l'occasion de cette
mission.
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Ustensiles usuels : Instruments de mesure :
Documents :
-Nécessaire à outils -Télémètre 3D
-Fiche de CR d’accident
-Petites brosses -Chronomètre
-Liste points-contrôles
-Ciseaux et couteau -Thermomètre
-Bloc-notes
-Hachette, pelle pliable -Anémomètre
-Feuilles quadrillées
-Corde, ficelle, etc. -Luxmètre
-Crayons et marqueurs
Sur le plan technique, la formation s’impose en outre, a priori, lorsque les enquêteurs sont
susceptibles d’opérer sur des sites exigeant pour cela une formation ou une accréditation
déterminée. D’une façon générale, leur préparation devra comprendre une présentation des
équipements et matériels utilisables, de leur mode d’emploi et d’exemples d’éléments
recueillis ainsi que de rapports établis.
Quant à la formation, il n’est pas inutile de souligner son importance en relevant ce qu’en ont
écrit, des spécialistes de haut-niveau de la prévention des risques professionnels, auteurs
d’ouvrages de diffusion internationale. Ainsi le suédois Kjellén (2000) et l’américain Reese
(2001) ont constaté l’existence d’une relation entre l’insuffisance de formation des enquêteurs
(portant sur la genèse des accidents et sur l’emploi de techniques d’enquête) et la mauvaise
qualité de leurs enquêtes. Celle-ci se traduisait, en particulier, par des attributions causales
stéréotypées, sans intérêt du point de vue de l’analyse utile sur le plan pratique.
19/44
à l’activité ou aux activités de l’entreprise,
-la connaissance des publications, statistiques, analyses publiées par les organismes
nationaux de prévention, tels que la CNAM, l’INRS, le Ministère du Travail et l’OPPBTP.
Dans la première partie de ce document, l’importance actuelle du premier de ces thèmes a été
soulignée pour la conception d’un type d’enquête, à la fois valide et féconde. Dans la seconde
partie, les différentes étapes de la démarche pour servir à la prévention de nouveaux risques,
ont été définies et la logique de leur articulation a été argumentée. Le premier et ce second
thème d’un programme de formation des enquêteurs ne demandent pas davantage
d’explication, ni de justification de leur nécessité.
Le troisième thème, apprendre les techniques de base, peut paraître moins important et plus
facile à mettre en œuvre, au premier abord. Chacun d’entre nous n’est-il pas capable d’emblée
de se servir de ses cinq sens pour observer sur un lieu de travail, pour poser des questions au
personnel, pour écouter des témoignages? La réalité, en l’occurrence est plus complexe.
L’observation dont il s’agit doit être systématique et poursuivre un objectif déterminé: elle
doit suivre certaines règles non arbitraires, ni personnelles. Il en va de même pour l’entretien:
toutes deux possèdent les caractéristiques d’un outil, en particulier une forme et un mode
d’application stables. Leur pratique productive, dans des situations très diverses, exige un
apprentissage.
4 En pratique
On distinguera ici trois moments: le regroupement des participants, leur équipement et leur
déplacement vers le site, la réalisation des opérations d’enquêtes proprement dit, le
dépouillement et la consignation des éléments constitutifs de la collecte.
20/44
4.1 Déplacement sur le site
Un local étant en principe attribué à l’activité enquête, dans l’établissement, les enquêteurs
pressentis s’y rendent d’abord. Ils s’efforcent d’y établir une planification des opérations
envisagées qui doit être appropriée aux circonstances connues et aux lieux de l’accident. Ils
choisissent et préparent les équipements, appareils et instruments dont-ils prévoient l’utilité.
Ils prennent contact avec les responsables des services et des institutions externes légalement
amenés à enquêter en cas d’accident du travail : Police, Justice, Corps d’inspection dont ils
connaîtront et respecteront les prérogatives afin de faciliter le démarrage de l’enquête de
l’entreprise.
S’étant rendus sur le site avec leur matériel, ils se font connaître des enquêteurs extérieurs qui
s’y trouvent. Ils leur présentent leur mission en sollicitant une concertation pour l’adoption de
modalités de travail non perturbantes pour tous. Ils cherchent à se renseigner sur d’éventuelles
modifications, déjà intervenues, par nécessité ou non dans l’état des lieux et sur la persistance
possible de dangers et/ou de risques sur ce site, qu’il conviendrait de neutraliser rapidement.
Si besoin**, ils procèdent (ou apportent leur concours) aux nécessaires opérations de
neutralisation ou à la mise en place de dispositifs de protection. Ils veillent à ce que le site soit
dès que possible préservé de tout changement pendant toute la durée de leur enquête.
4.2.1 Observations
Elles débutent avec un examen de large ouverture puis vont vers des inspections de plus en
plus détaillées. Le périmètre adéquat du site doit être défini dans les premiers moments et les
opérations de prise de vues, de levé de croquis (cotés, si possible), de prise de notes de recueil
d’objets divers ou d’échantillons de matières peuvent commencer.
* Il est cependant utile de rappeler que la première obligation, en cas d’accident du travail grave, est de réunir le CHSCT le
plus rapidement possible pour qu’il analyse les mesures de prévention à prendre, sinon l’employeur commet un délit
d’entrave (C. trav. art. L. 236-2-1).
** Les enquêteurs, salariés de l’entreprise, doivent exercer leurs missions dans le respect des consignes d’hygiène et de
sécurité du travail. Le droit commun du travail en ce domaine leur est donc applicable sans que l’urgence justifie des
dérogations. Il ne leur incombe pas d’organiser la mise en sécurité du site.
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Au fur et à mesure que progresse l’affinement des observations, leur réalisation fait de plus en
plus souvent appel à des règles de méthode (issues des techniques mentionnées ci-dessus, en
3.5), soit en particulier déterminer:
le champ et des séquences d’unités d’observation,
les types d’indications à rechercher et à relever,
les différentes modalités sensorielles à faire intervenir (vue, audition, toucher, odorat),
un éventuel découpage des endroits à observer,
les indices importants à recueillir en vue de les objectiver, etc.
La méthodologie des techniques d’observation pour l’enquête ne peut être développée ici.
Elle justifie la rédaction d’un manuel particulier destiné à tous ceux qui ont à pratiquer
l’observation de manière rigoureuse. On insistera ici cependant sur l’idée que dans le domaine
de l’enquête, il y a de bonnes raisons pour qu’à l’observation non structurée soit toujours
associée l’observation organisée et finalisée. Parmi ces raisons on retiendra entre autres:
-la minimisation de la subjectivité de l’observateur,
-la comparabilité des données obtenues d’une enquête à l’autre,
-la facilitation du classement de ces données par catégories bien définies,
-le dénombrement des éléments répartis dans chaque classe,
-le renforcement de la cohérence des observations, chez le même observateur, au fil du
temps.
Plus généralement, ces deux caractères de l’observation (organisation et finalisation) sont très
appréciés pour leur efficience au regard des besoins de l’exploitation aussi bien qualitative
que quantitative. Incidemment (mais de façon positive), des observations effectuées avec soin
et méthode ont plus de chances que d’autres de mettre rapidement en évidence des faits
appelant des actions de prévention ou de protection immédiates.
Outre cet ensemble, les sources écrites relatives aux process, aux modes opératoires, tels que
manuels des opérateurs, enregistrements ou relevés de production, bordereaux de livraisons,
alerte ou signalement de pannes, d’incidents, plannings de production ou de chantiers,
permettront d’aider à établir une chronologie, une logique des événements, sans bien sûr
entrer dans l’analyse proprement dit.
Dans le cas de travaux effectués par ou avec l’aide d’une entreprise extérieure, on recueillera
les plans de prévention, plan généraux de coordination (PGC), plan particuliers de sécurité et
de protection de la santé (PPSPS) plan de prévention et, lorsqu’ils existent, les dossiers de
maintenance et les dossiers d’intervention ultérieurs sur l’ouvrage (DIUO).
Le recueil d’éléments écrits doit précéder les entretiens et aider à préparer ceux-ci.
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4.2.3 Entretiens
Le moment opportun pour questionner témoins et collègues n’est déterminé par aucune
considération générale. Il appartient aux enquêteurs, en fonction des conditions ou des
opportunités trouvées sur place et de leurs jugements sur la programmation souhaitable des
entretiens au cours de l’enquête, voire éventuellement en raison de l’urgence d’une
intervention, de choisir de commencer ou de ne pas commencer un entretien ou une série
d’entretiens. Bien entendu, observations et entretiens sont complémentaires et peuvent
alterner.
Quelle que soit la technique d’entretien choisie, une première règle veut que l’enquêteur se
présente et explique l’objet de l’entretien qu’il souhaite réaliser. Ne pas l’observer peut
conduire à l’échec complet de l’opération. En outre, quel que soit le motif, on ne peut obliger
une personne à subir un entretien qui l’indisposerait. Lorsqu’il n’y a pas d’empêchement ou
de réserve quant à cette possibilité, un entretien avec la ou les victime(s) de l’accident
considéré apporte souvent des indications de toute première importance.
Cependant, il ne faut pas ignorer que cet avantage peut parfois comporter une difficulté
importante, lorsque un enquêteur doit constater que les mesures préventives étaient bien
connues mais que dans une atmosphère générale de sous estimation du risque, leur application
a été négligée dans l’indifférence. Au delà, il peut constater aussi des carences, des
manquements aux règles de la part de tous. Lorsque l’accident a de graves conséquences,
l’émotion déjà évoquée, la mise en cause par le CHSCT, l’enquête judiciaire, etc., peuvent
inciter à garder le silence.
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compétence y répondant parfaitement et comprenant la possibilité d’opter, selon les cas, pour
le recours à une technique plutôt qu’à une autre.
4.2.4 Reconstitution
Cette opération apparaît comme complémentaire éventuelle des deux autres. Elle peut
contribuer à enrichir en quantité et en qualité la collecte d'informations réalisée jusque là. Elle
repose sur le principe d'un retour sur l'examen du déroulement des faits dans la situation
même de survenue de l'accident: lieux, personnes présentes, objets, matériels, équipements et
produits, environnement de travail, activité en cours,…dans leur configuration lors de cette
survenue.
Une reconstitution peut ainsi se révéler comme un puissant moyen, non seulement de contrôle
de la valeur des informations recueillies par ailleurs, mais aussi de mise en évidence de
certains aspects factuels, importants pour l'enquête, qu'une première description sur un simple
témoignage oral n'aurait pas intégrés.
Par exemple, au cours de la reconstitution d'un accident, avec participation de la victime, une
indication du premier compte rendu établi est apparue comme peu vraisemblable. Il s'agissait
de la mention de l'opération effectuée par l'un des protagonistes, conducteur d'un engin de
levage au moment critique. La séance de reconstitution permit d'établir, avec certitude, que
l'opération alors effectuée avec cet engin était l'opération exactement inverse de celle qui
figurait au compte rendu. La rectification s'est montrée d'une importance considérable pour
l'analyse qui suivit.
Une reconstitution valable est nécessairement exigeante. Elle demande que soient réunies
certaines conditions matérielles et de participation, en particulier:
-des lieux restés ou remis dans un état proche de celui du moment de l'accident,
-un nombre représentatif de protagonistes et de témoins oculaires, aux mêmes instants,
-autant que possible la présence de la victime,
-un contexte opérationnel et une activité en conformité avec les circonstances réelles de
l'accident,
-un organisateur de séance impartial et au fait des tâches effectuées.
Il est évident qu'il n'est pas toujours facile de rassembler tous ces éléments.
L'attention du lecteur est attirée sur l'erreur qu'il y aurait à confondre la reconstitution d'un
accident dans le cadre d'une enquête mise en œuvre, dans une entreprise, par le CHSCT de
celle-ci, dans le cadre réglementaire de l'exécution de ses missions, avec les reconstitutions de
24/44
certains accidents du travail effectuées sur demande des autorités judiciaires. Dans les deux
cas, le statut, le but, la forme et les modalités diffèrent fortement (cf. plus haut, sous 3.2.4).
Sous leur première apparence, les éléments collectés sont des notes écrites, des relevés
topographiques ou de mesurages divers, des prises de vues photo ou vidéo, des
enregistrements audio ou vidéo, des prélèvements de matières et de substances variées, etc..
5.1.1 Les éléments recueillis directement auront en principe été sélectionnés, a priori, en
raison de la forte valeur informative qu’ils peuvent présenter pour la connaissance des
circonstances de l’accident survenu. Selon le type de recueil pratiqué (notes, croquis,
enregistrements, prélèvements, …), les enquêteurs veilleront à ce que le traitement appliqué à
la forme brute de ces éléments, n’altère pas l’apport qu’eux-mêmes en attendaient lorsqu’ils
les ont découverts et récoltés. Par ex.: ne pas dénaturer le sens des notes prises, en passant
d’une notation télégraphique à une formulation qui se voudrait plus explicite. Ils veilleront
encore à ce que le dépouillement des enregistrements restitue bien ce qu’ils souhaitaient en
tirer et à sélectionner les résultats les plus significatifs, à mettre sous une forme transmissible
qui reste fidèle aux indications de l’observation en général. Ils s’attacheront enfin à vérifier
qu’entre les faits ainsi extraits, ne se présente ni contradiction, ni incompatibilité. Par
exemple :
- le croquis d’une machine à cylindres, effectué sur place, révèle l’absence d’un
protecteur tandis qu’une photo de la même machine, prise également sur le site, la
montre équipée du protecteur en question : il y a là contradiction ;
- un rapport sur l’utilisation d’un chariot élévateur, impliqué dans un accident,
mentionne que, durant la période couvrant celui-ci, la fourche du chariot n’a pas été
descendue à moins de 50 centimètres du plancher de circulation dégagé ; or
l’accidenté présente une blessure sur le dessus du pied gauche : il y a lieu ici de
pressentir une incompatibilité.
25/44
Ces éventualités seront à distinguer de certains types de faits relevés, présentant un caractère
inhabituel ou déviant par rapport à telle règle ou norme. On sait quel intérêt ils peuvent
présenter à l’étape de l’analyse. Mais au stade de l’enquête, ils ne pourront être reconnus
comme tels que si ce caractère est découvert, non grâce à une inférence, mais spontanément,
en même temps que le fait lui-même, compte tenu de la situation d’apparition de ce dernier.
5.1.2 Si des faits proviennent d’autres contributions que celle des seuls enquêteurs,
l’extraction, la sélection et la mise sous une forme transmissible, de ces faits qui seront jugés
pertinents au regard du déterminisme d’un accident donné, feront l’objet d’une plus grande
attention. Ce seront les faits issus des entretiens, des documents et enregistrements procurés
par différentes sortes de contributeurs.
La difficulté supplémentaire que l’on rencontre ici réside dans le passage du fait brut recueilli,
au fait de même nature mais épuré et correctement exprimé, avec le maximum de précision,
pour qu’il puisse être traité valablement. Cette opération difficile d’affinement demande
qu’un contrôle des faits bruts suive directement le premier dépouillement systématique de la
collecte de façon à vérifier la qualité de la récolte à travers, notamment, les données fournies
par :
- les entretiens : contrôler leur vraisemblance, leur cohérence, leur concordance avec la
réalité et leur pertinence vis à vis de l’accident considéré ;
- les documents récoltés : contrôler leur provenance, leur situation dans le temps, leur
authenticité, leur degré de crédibilité, d’exactitude, de précision.
Si ce contrôle du produit de la collecte révélait dans celui-ci de graves défauts, lacunes ou
erreurs, un retour vers les sources premières serait nécessaire pour tenter de retrouver des
éléments valables équivalents et éviter de perdre toute possibilité d’exploiter l’accident
examiné.
Le choix d’une présentation fonctionnelle adéquate pour la suite du traitement des divers
types d’éléments affinés provenant d’une enquête, s’effectuera, de préférence et à titre
préparatoire, avant l’établissement d’un compte rendu ou d’un rapport détaillé (cf 2.2 ci-
dessus). En effet, tout en s’efforçant de répondre au caractère et à la destination de l’un et de
l’autre, la présentation des données de l’enquête doit garder, en sa première expression, une
certaine liberté vis à vis d’eux. Elle a d’abord pour objectif de systématiser , au moyen de
recensements, classements, dénombrements, … tout ce qui recèle l’ensemble de
l’information factuelle issue de l’enquête. Le tableau III exemplifie cette idée. Il ne revient
pas au formulaire standardisé voire codifié de certains comptes rendus, ni au modèle de
rapport institué par une organisation, quelle que puisse être l’utilité de ces deux supports dans
et hors de l’entreprise, d’imposer a priori à ces données des contraintes préétablies,
susceptibles d’entraîner leur appauvrissement.
Quant à la présentation des éléments avec leurs interrelations descriptives, elle évitera la
forme du récit verbal en raison de l’organisation linéaire de ses termes. Celle-ci est très
contraignante pour rendre compte de la structure plurirelationnelle (comme par ex. celle d’une
molécule en chimie) du schéma du processus de l’événement accident. Une forme de type
diagramme, comme celle de la figure 4, utilisant les deux dimensions du plan pour la
représenter, convient davantage.
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Facteurs Eléments Mode
contributifs Dysfonctionnements dangereux d’exposition Cible
-Défauts dans la -Appui sur un bouton - Rupture des -Opérateur situé à -Opérateur
présentation d’un inadéquat d’un pont élingues proximité de la manutentionnaire
AT1 boîtier de commande roulant -Renversement de la charge à son poste, il
-Immobilisation de la -Descente brutale de charge guide la charge
charge insuffisante la charge de la main
AT1 : Un manutentionnaire conduisant un pont roulant du sol est heurté par la charge transportée qui se
renverse après une descente brutale, involontairement commandée.
AT2 : Un chauffeur en panne de camion est alors affecté à un chargeur d’une installation de concassage en
carrière. Le surveillant de celle-ci, après avoir dégagé des matériaux gênants, tente un essai de reprise sans
replacer les carters protecteurs qu’il a ôtés pour l’occasion. Le chauffeur, occupé à intervenir de son côté, pour
le même incident et que le surveillant ne voit pas, est happé par la bande transporteuse.
Les relations à faire apparaître seront généralement (mais non exclusivement) de trois grands
types présentables simultanément (cf. plus haut en 1.2) :
- temporelles : avant, après, en même temps, durée, périodicité, …
- spatiales : position relative dans les trois dimensions, déplacement idem, distance,
apparence, …
- énumératives : dénombrement, numérotation, …
Les mêmes tâches de contrôle que celles prévues ci-dessus pour la présentation des faits seuls,
seront à exécuter en ce qui concerne la nature et la place des relations entre ceux-ci. Là
également, leur identification et leur localisation ne pourra résulter d’une opération
d’inférence mais devra provenir du seul constat de l’existence et de la nature d’une relation,
par les voies de l’observation sur le terrain ou par les témoignages factuels, spontanés ou
suscités. C’est là une condition nécessaire pour préserver le caractère descriptif de l’image de
l’accident ainsi réalisée. On comprendra que rester aussi rigoureusement que possible dans la
description est une exigence essentielle en vue de transmettre, vers la phase de traitement
suivante, des « matériaux » répondant aux critères qu’on y a établis, non altérés par une
analyse incidente prématurée.
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Quand ?
Dysfonction-
Fact. potentiels Fact. contributifs nements Exposition Accident
E x OE 1
t é
r i Bus raté
e u
r
CA 1 OE 1
E
n
t
r Travail de Retard à la
e réglage urgent prise de poste
p
r AN 2 OE 1
i A
s t Sol non N’a pas le temps
e e nettoyé de changer de
l chaussures
i
e MR 2 OE 1 OE 1 MR 1
r
Capot déposé à Emplacement Doit travailler Capot non remis
un endroit autre de travail en position en place pour
que prévu réduit penchée les essais
OE 1 OE 1 MR 2
OE 1 OE 1 OE 1
Où ?
Fig. 4 : Exemple de première description du processus d’un accident
[ OE : ouvrier d’entretien, CA : chef d’atelier, AN : agent de nettoyage, MR : mécanicien
régleur . Chiffre en regard : nombre de personnes]
[Les indications figurant dans les cases ne sont que de brèves marques-repères renvoyant à
des mentions plus complètes et explicites]
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5.3 Aides à l’établissement des comptes rendus et des rapports détaillés
d’enquête par la présentation de fiches indicatives
Dans le cadre ici défini, la proposition possible et souhaitable, en matière de structure destinée
à la saisie des informations tirées des enquêtes, doit satisfaire à un critère de compatibilité
avec l’existant: modèles de comptes rendus ou de rapports d’accidents utilisés en entreprise,
formulaires mis au point dans les institutions participant à la prévention et à la réparation des
AT et, surtout, avec la conception de bases de données nationales ou sectorielles que les
éléments recueillis grâce à l’enquête devraient contribuer à alimenter. Bien entendu
compatibilité ne signifie pas identité.
Par voie de conséquence, afin d’optimiser les possibilités de transition, vers les activités
suivantes de traitement et d’analyse des données, une évolution semblable pourrait se
poursuivre, dans le même esprit d’harmonisation. Elle toucherait les outils et les supports
d’enregistrement utilisés lors des autres étapes distinguées dans ce guide (cf. schéma de la
figure 1).
* Le cadre utilisé pour l’élaboration de ce prototype de compte rendu n’est autre que le formulaire référencé
cerfa N° 61- 2256 figurant à l’annexe I de l’arrêté mentionné plus haut, à la page 11, en 3.2.2.
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- 2. contenus relatifs aux faits recueillis que l’on identifie comme faisant partie des
modalités particulières (circonstances propices) de production de cet événement au
jour et à l’heure où il est survenu ;
- 3. contenus relatifs à des faits d’origine plus ancienne dont le rôle dans la
formation de l’événement non souhaité a été constaté ;
[Cette présentation en triptyque est apparue comme la plus propre à faciliter le travail
qui doit suivre, c’est à dire celui de l’(des) analyste(s), grâce à une répartition claire des
faits en fonction de leurs statuts relativement à l’événement.]
- il ne donne sur la victime, sur les collègues et les chefs de celle-ci, sur son milieu de
travail, sur les moyens techniques à sa disposition, sur sa tâche et l’organisation de
son travail, aucune information dont le lien explicite avec la réalisation de
l’événement ne serait pas établi.
Informations de localisation
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Identification de faits relatifs aux circonstances de l’accident
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Identification de faits en cause existant antérieurement à l’événement
accident
(parfois appelés faits permanents)
Au niveau de l’entreprise :
- Contraintes et exigences de travail habituelles : spatiales (emplacements restreints,
déplacements nombreux au cours du travail, lieux encombrés ou sales,…), temporelles
(délais d’exécution, rythme des opérations (exigences de rapidité), liées à des difficultés
financières, installation de protections collectives ou dotation en EPI, …
-Etat et aménagement des bâtiments et locaux, adéquation ou non aux activités qui s’y
pratiquent, niveau de salubrité, respect ou non des normes et règlements ( ambiances
physiques, niveau de pollution en gaz, vapeurs ou particules, conformité des installations
électriques, …)
32/44
une harmonisation de la présentation des données, venant de sources diverses, et de parvenir
ainsi à une exploitation de plus grande ampleur pour l’utilité la plus large. C’est donc dans
une perspective différente que se présente l’intérêt de ce qu’on nomme ici « rapport », à
savoir celle d’une contribution spécifique, par la préparation à l’analyse, à l’optimisation du
fonctionnement des systèmes de management et de gestion de la prévention dans l’entreprise.
La première fournit d’abord une vue ramassée mais suffisamment claire et précise des
circonstances actives de l’événement. Elle se complète, de façon volontairement distincte,
dans le même souci de netteté, d’un relevé des états, préexistant dans l’établissement, qui ont
favorisé l’amorçage du processus néfaste. La seconde est une mise en place ordonnée des faits
identifiés, préparatoire à l’analyse récursive de leur combinaison (type Arbre des causes ou
Arbre des défaillances). La troisième offre, avec la lisibilité d’un tableau, une vue plus
réaliste de l’évolution spatio-temporelle de ces faits, sur les lieux et dans le temps du travail.
La quatrième enfin sélectionne intuitivement les points émergents de ces descriptions et les
propose comme autant d’incitations à une compréhension analytique de la réalisation d’un
événement brutal et non désiré.
Cette forme de présentation d’un rapport d’enquête est appliquée ci-dessous (tableau V), à
titre de démonstration, à un exemple d’accident très grave, survenu en 2004, dont certains
détails ne sont pas communiqués pour en préserver l’anonymat.
Société ……..
N… le …….2004
A – Récit
1- Les circonstances de la réalisation du dommage :
Le………. 2004, vers ..h…, à l’atelier …3, se produit une explosion au-dessus de la presse
à panneaux de particules XXX. A proximité de celle-ci, deux hommes se trouvant sur une
nacelle élévatrice à la hauteur de l’explosion, sont bousculés par l’effet de souffle et
atteints par le feu qui a gagné leurs vêtements. L’un d’eux, l’ouvrier Marcel, est tué sur le
coup; le second, le chef d’équipe Louis, est grièvement brûlé.
33/44
celle-ci . Pour ce faire, ils se munissent d’un extincteur pris près de la presse et l’actionnent
en direction du foyer. Il s’agit d’un extincteur à poudre. Un nuage de poussières se forme
alors qui ne tarde pas à exploser. L’incendie s’amplifie du même coup, atteint les deux
intervenants et gagne une grande partie de l’atelier. L’installation d’extinction
automatique, de type « sprinklers », entre en fonctionnement et, déversant de l’eau dans
l’ensemble de l’atelier, parvient à neutraliser le feu avant l’arrivée des pompiers.
34/44
Dans la fabrique Dans l’atelier A la presse
35/44
D - Relevé des points saillants objectivement établis et appelant une
analyse :
Positifs :
Négatifs :
- L’explosion d’un nuage de poussières a coûté la vie d’un ouvrier et blessé
grièvement un chef d’équipe.
- Un extincteur à poudre seulement est en place dans un local où la poussière de bois est
très présente.
- Cette poussière y est insuffisamment aspirée.
- Le déréglage de la température de la presse est constaté mais non traité.
- Le foyer de combustion lente qui s’est allumé dans l’amas de poussières est
détecté plusieurs heures avant que soit prise la décision d’intervenir.
- Les deux hommes chargés de cette intervention se munissent de l’extincteur à
poudre pour combattre le feu de poussières.
- Leur tentative d’extinction du feu latent est suivie de la formation d’un nuage
de poussières tout autour de ce feu. Les conditions d’une explosion sont réunies.
- Avec l’explosion et l’incendie aggravé qui la suit, une très forte montée de
température a été constatée dans l’atelier.
36/44
Bibliographie
Hale, A. R., B. Wilpert and M. Freitag (1997). After the Event: from Accident to
Organisational Learning. Pergamon Press, Oxford (GB) et New York (USA).
INRS (2004). E.P.I.C.E.A. : Etudes de prévention par informatisation des comptes rendus
d’enquêtes d’accidents du travail (cédérom). INRS, CD 10, Paris.
Kjellén, U. (2000). Prevention of Accidents through Experience Feedback. Taylor & Francis,
London (GB) et New York (USA).
Reese, C. D. (2001). Accident / Incident Prevention Techniques. Taylor & Francis, London
(GB) et New York (USA).
Saitta, D. (2005). Analyser les accidents du travail dans une optique de prévention. Pratique
du Réseau Prévention. Document de présentation (diaporama). CNAMTS, Direction
des Risques Professionnels, Paris.
Stellman, J.M. (ed.), 1998. Encyclopaedia of Occupational Health and Safety. 4th Edition.
International Labour Office, Geneva.
Turpin, M., Raffoux, J.F., Pineau, J.P. (1992). Mémoire d’accidents : l’exploitation de
l’expérience. Préventique, 45, mai-juin 1992.
37/44
Annexe 1
LEXIQUE SUCCINCT
2. Références documentaires :
Normes :
Publications institutionnelles :
-Organisation Internationale du Travail : "Principes directeurs concernant les systèmes
de gestion de la sécurité et de la santé au travail" - ILO-OSH 2001. Abrév. OS
-Conférence internationale du Travail: Protocole de 2002 à la Convention sur la Sécurité
et la Santé des Travailleurs, 1981, adopté le 20 juin 2002 à Genève. Abrév. CT
-Association internationale de Sécurité Sociale (AISS) – Comité Education et Formation à
la Prévention : Concepts fondamentaux de prévention des dommages. 1994. Abrév. AS
-Position commune arrêtée par le Conseil en vue de l’adoption de la directive du
parlement européen et du Conseil relative aux machines. 200.. . Abrév. DM
38/44
L’enquête après accident. ED 2204. 1988. Abrév. IS
-J.C. Lavigne et al. : L’univers sémantique du risque. Préventique, n° 25, 1989.Abrév. LV
-C.D. Reese : Accident / Incident Prevention Techniques . London and New York,
Taylor & Francis, 2001. Abrév. RE
-U. Kjellen: Prevention of Accidents through Experience Feedback. London and New
York, Taylor & Francis, 2000. Abrév. KJ
-A.R. Hale, A.I. Glendon : Individual Behaviour in the Control of Danger. Amsterdam,
Oxford, New York, Tokyo, Elsevier, 1987. Abrév. HG
Autres abréviations : vcm : voir ce mot ; r. : risque ; ex. : par exemple ; * [ …] : commentaire
hors doc. de référence ;
______________________
Synthèse proposée :
- Evénement survenant soudainement dans une entité fonctionnelle, appelée système
(vcm) et qui s’accompagne de dommages affectant un ou plusieurs éléments de
celui-ci.
Danger :
- PM : Source éventuelle de blessure ou d’atteinte à la santé.
- HG : Quelque chose auquel un individu doit faire face et tenter de garder le contrôle.
Il se présente comme l’existence d’un préjudice potentiel pour un ou plusieurs
éléments d’un système (vcm) homme-machine du fait d’interactions avec d’autres
éléments ou l’environnement de ce système.
- OS : danger: Ce qui est intrinsèquement susceptible de causer des lésions corporelles
ou de nuire à la santé des personnes.
Dangereux, dangereuse :
Phénomène --- :
- EI : synonyme de « risque » : Source potentielle de dommage.
Nota : L’expression « phénomène dangereux » et le terme « risque »peuvent être
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qualifiés de manière à faire apparaître l’origine du dommage potentiel (ex., phéno.
dang. mécanique, … électrique) ou la nature de celui-ci (ex., r. de choc électrique, de
coupure, d’intoxication).
- IO : Source potentielle de dommage (en anglais : hazard).
Situation - - - :
- EI : Situation dans laquelle une personne est exposée à un ou plusieurs phénomènes
dangereux. L’exposition peut entraîner un dommage immédiatement ou à plus long
terme.
- IO : Situation dans laquelle des personnes, des biens ou l'environnement sont exposés
à un ou des phénomènes dangereux.
* [Le sens de l’expression « phénomène dangereux » semble correspondre assez bien
à celui du mot anglais « hazard », tandis que le sens de l’expression « situation
dangereuse » correspondrait a. b. au sens du mot « danger » en langue anglaise.]
Evénement - - - :
- CT : Tout événement (vcm), facilement identifiable selon la définition qu’en donne la
législation nationale, qui pourrait être cause de lésions corporelles ou d’atteintes à la
santé chez les personnes au travail ou dans le public.
- IO : Déclencheur qui fait passer de la situation dangereuse au dommage.
Synthèses proposées :
- Pour phénomène dangereux : Un facteur potentiel de dommage, localisé dans le
système considéré, pour un élément vulnérable de celui-ci (ex. : bruit ambiant élevé,
passage d’un courant électrique dans un conducteur non isolé, mouvement non
contrôlé d’une presse, réaction violente par mélange de produits « incompatibles »).
- Pour danger : Deux acceptions possibles dans l’usage de ce mot : 1. Attribut (ou
source) d’un phénomène dangereux (ex. : installation émettant un bruit élevé lors de
son fonctionnement, ou permettant des contacts avec des conducteurs mal isolés lors de
la mise sous tension, processus opératoire d’où se dégagent des vapeurs toxiques ou
d’où se projettent des substances corrosives). 2. Situation permettant à un phénomène
dangereux d’atteindre un élément-cible réceptif (ex. : personnel d’entretien se trouvant
accidentellement en place d’être irradié par une source radioactive), cf. les expressions
« être ou se sentir en danger », « délimiter une zone de danger ».
Dommage :
- EI : Blessure physique ou atteinte à la santé.
- IO : blessure physique ou atteinte à la santé des personnes, ou atteinte aux biens ou à
l'environnement.
- CT : Lésions corporelles ou atteintes à la santé, chez les personnes au travail ou dans
le public, résultant d’un événement dangereux.
- AS : Conséquences ultimes et observables d’un processus anormal et non prévu qui
s’est déroulé dans le temps et dont l’origine est un écart à la normale dans le
fonctionnement d’un système.
- LV : Résultat, impact d’un accident (équivalent à sinistre).
- KJ : Résultats non voulus des accidents qui peuvent être matériels (blessures,dégâts à
l’environnement ou aux biens) ou immatériels (atteinte à la réputation de l’entreprise,
peine et souffrances des personnes impliquées, diminution de la qualité de vie dans le
secteur touché par l’accident).
- HG : Lorsque le dommage (angl. « damage ») affecte l’intégrité ou le fonctionnement
de l’un ou l’autre élément d’un système (vcm), de sorte qu’il ne puisse plus satisfaire à
ses buts, on parle plutôt de tort ou de préjudice subi (angl. « harm »).
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Synthèse proposée :
- Conséquences préjudiciables de perturbations ou de défaillances dans le
fonctionnement ou l’état attendu d’un ou plusieurs éléments du système considéré.
Evénement :
- IO : occurrence d’un ensemble particulier de circonstances.
- LV : Ce qui arrive et qui a quelque importance pour l’homme.
- KJ : Elément d’un processus d’accident, s’oppose à « condition ».
Synthèse proposée :
- Ensemble de faits considérés dans leur relation avec un résultat auquel
une attention particulière est donnée.
Facteur (d’accident) :
Facteurs potentiels :
- IS : Causes répétitives retrouvées dans l’examen systématique d’un certain nombre de
cas d’accidents du travail et sur lesquelles devraient porter prioritairement les mesures
préventives.
Incident :
- OS : Evénement dangereux, lié au travail ou survenu au cours du travail, n'ayant pas
entraîné de lésions sur une personne.
- OI : Evénement non souhaité qui peut devenir un accident ou qui comporte une
potentialité d’accident.
Nota : Le terme « incident » inclut à la fois les accidents (cf. ci-dessus) aussi bien que
les incidents sans perte, appelés aussi « near-misses » ou accidents évités de justesse
ou presqu’accidents. Pour l’accident on utilise aussi en langue anglaise le terme de
« loss-incident ».
- RE : Evénement non souhaité comprenant les accidents tels que définis à ce mot, à RE
et les effets négatifs sur la production.
Synthèse proposée :
- Evénement non souhaité, le plus souvent avec constat d’absence de conséquences
lésionnelles ou dysfonctionnelles parmi le personnel, ni dégâts matériels graves*
* L’étude des incidents comme extension de celle des accidents (vcm), les méthodes utilisées étant les mêmes,
reste très recommandée.
Prévention :
- IS : Action sur les facteurs potentiels d’accidents (vcm) révélés dans une entreprise,
dans toutes les situations de travail où ils seraient présents.
Mesure de - - - :
- EI : Mesure destinée à réduire le risque, mise en oeuvre :
par le concepteur (prévention intrinsèque, protection et mesures de
prévention complémentaires, informations pour l'utilisation) et
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par l'utilisateur (organisation: méthodes de travail sûres, surveillance,
système du permis de travailler; fourniture et utilisation de moyens de
protection supplémentaires; utilisation d'équipements de protection
individuelle; formation).
- AS : Mesure(s) prise(s) face à un risque de dommages précis, considéré comme non
acceptable, pour empêcher la survenue de ces dommages.
- - - Intrinsèque :
- EI : Mesure de prévention qui, en modifiant la conception ou des caractéristiques de
fonctionnement de la machine et, sans faire appel à des moyens de protection, élimine
des phénomènes dangereux ou réduit le risque lié à ces phénomènes.
Synthèse proposée :
- Action pour s’opposer à la réalisation d’un dommage. Différents types de prévention
peuvent être distingués selon que l’action porte sur le phénomène dangereux, sur la cible
potentielle, ou sur le mode d’exposition. Cependant, l’action peut ( et gagne à) intervenir
dès le stade de la conception d’un système, vcm, sur les perturbations, les défaillances et sur
leurs sources (inadaptations diverses), prévisibles et éventuellement observées, à l’intérieur
du système, le plus souvent à l’origine et/ou impliquées dans le cours d’un processus
générateur de risque.
Protection :
- EI : Mesures de prévention faisant appel à des moyens de protection pour préserver
les personnes des phénomènes dangereux qui ne peuvent raisonnablement être
éliminés ou des risques qui ne peuvent être suffisamment réduits par l’application de
mesures de prévention intrinsèque.
- PM :
Protecteur : Elément de machine utilisé spécifiquement pour assurer une protection
au moyen d’une barrière matérielle.
Dispositif de protection : Dispositif (autre qu’un protecteur) qui réduit le risque, seul
ou associé à un protecteur.
- AS : Le phénomène dangereux (vcm) subsistant, les éléments du système sont
exposés ; on essaye alors de les protéger par un obstacle établi entre eux et le
phénomène dangereux.
- RE : Equipement spécial nécessaire lorsque, pour le personnel au travail, une
prévention intégrée, technique ou organisationnelle, n’est pas réalisable.
Synthèse proposée :
- Action ou dispositif dont le principe est de faire obstacle à un contact entre un
phénomène dangereux et un élément du système.
Risque :
- OS : Combinaison de la probabilité de la manifestation d'un événement dangereux et
de la gravité de la lésion ou de l'atteinte à la santé causée à des personnes par cet
événement.
- OI : Combinaison de la probabilité d’un événement et de ses conséquences (en
anglais : risk).
- - - résiduel : Risque subsistant après que des mesures de prévention (vcm) ont été prises.
- PM : Combinaison de la probabilité et de la gravité d’une lésion ou d’une atteinte à la
santé pouvant survenir dans une situation dangereuse.
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- AS : Eventualité ou possibilité de dommage pour un élément du système, engendrée
par un phénomène dangereux, ce dommage pouvant toutefois ne jamais se réaliser.
- LV : Evénement incertain pouvant causer un dommage. Le concept de r… recèle une
dualité en fonction de l’attitude à l’égard de ce qu’il représente :
attitude passive face à l’incertitude de l’événement, le r… est subi dans
la croyance à une forme de fatalité ;
attitude active avec choix de s’engager dans une situation à l’issue inconnue
mais pouvant devenir valorisante ou se prêter à une conduite de maîtrise du
r….
Risque d’accident :
- KJ : Une mesure combinant la probabilité ou fréquence d’accidents correspondant
aux pertes par unité d’exposition (ex. un nbre d’heures travaillées) dans une situation
particulière et l’étendue de ces pertes (ou conséquences).
Analyse du - - - :
- IO : Utilisation systématique d’informations pour identifier les sources de r… et
pour estimer le r…
Evaluation du - - - :
- IO : Processus de comparaison du r… estimé avec des critères de r…donnés pour
déterminer l’importance d’un r…
Synthèse proposée :
- Possibilité (ou probabilité) de dommage pour lequel sont identifiés le phénomène
dangereux [vcm] impliqué ( « the hazard » angl. ), la ou les cibles vulnérables et le danger
[vcm] ( selon l’acception 2) ou mode d’exposition.
Sécurité :
- OS : Absence de risque inacceptable de dommage.
- AS : Etat d’un système parvenu à maîtriser les risque générés par les phénomènes
dangereux, de sorte qu’aucun de ses éléments ne puisse être endommagé.
- LV (pour un individu ou une communauté humaine) : L’absence de risques pour son
intégrité physique et morale, ainsi que la tranquillité, la sérénité qu’elle procure.
Intégration de la - - - :
- PM (extrait du projet de directive machines): La machine doit être conçue et
construite pour être apte à assurer sa fonction et pour qu’on puisse la faire fonctionner,
la régler et l’entretenir sans exposer quiconque à un risque lorsque ces opérations sont
effectuées dans les conditions prévues par le fabricant mais en tenant également
compte de tout mauvais usage raisonnablement prévisible.
Fonction de - - - (= fonction critique pour la sécurité) :
- EI : Fonction, d’une machine, dont la défaillance peut provoquer un accroissement
immédiat du (ou des) risque(s).
Synthèse proposée :
[On retiendra deux acceptions possibles de l’usage du terme « sécurité » dans le domaine
de la prévention des accidents] :
- Situation caractérisée par l’absence de possibilité d’exposition d’un élément du
système à (ou de contact avec) un phénomène dangereux.
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et mise en place pour empêcher l’amorce ou la propagation d’un processus
susceptible de provoquer des dommages dans le (et/ou en dehors du) système
considéré.
Système :
- KJ : Entité interprétée en termes de ses composants et des relations existant entre
ceux-ci.
- HG : Organisation d’un certain nombre d’éléments en interrelation qui interagissent
les uns avec les autres à l’intérieur de frontières déterminées. Ces éléments sont
habituellement du matériel et du personnel dont les interactions sont de nature
physique ou informationnelle et gouvernées par des règles et des procédures. Au delà
des frontières du système se situe son environnement. Le système a un certain nombre
de buts et d’objectifs vers lesquels il s’efforce de progresser.
Synthèse proposée :
- Ensemble d’éléments humains, matériels et logiciels en interaction, structuré et
organisé pour atteindre un objectif à vocation productive et dont le fonctionnement se
localise dans un environnement physique, technologique, socio-économique, politique et
administratif défini. La notion de système et les notions connexes ont aidé à saisir dans un
cadre fonctionnel suffisamment large le mode de génération d’un événement accident.
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