La Place de La Sénégambie Et de Gorée Dans La Traite Atlantique Française Du Xviiie Siècle
La Place de La Sénégambie Et de Gorée Dans La Traite Atlantique Française Du Xviiie Siècle
La Place de La Sénégambie Et de Gorée Dans La Traite Atlantique Française Du Xviiie Siècle
Charles BECKER
•
Dakar, avril 1997
..
1 •
"------ -_._-
Introduction Gorée
....
Devant les recherches - souvent méticuleuses mais aussi marquées par des idéologies
plus ou moins clairement exprimées - qui ont été entreprises depuis un quart de siècle, nous
affirmons d'abord qu'il y a quelque chose de dérisoire à vouloir démontrer de manière
définitive la véracité de chiffres relatifs à la traite atlantique - anglaise, française,
portugaise - des esclaves, tant la tragédie qu'on veut quantifier est indicible. Quels chiffres
diront tous les drames personnels, familiaux, sociaux vécus lors des épisodes de cette
"migration forcée", depuis la capture jusqu'à l'esclavage au delà de l'Océan? La recherche
des chiffres définitifs de la traite atlantique est donc un objectif presque dérisoire face à cette
tragédie vécue par les victimes de ce commerce des hommes. Comme le dit P. Manning, et
avant tout:
« slavery was a sacrifice of Africans for the transfonnation of a wider world, and slavery
was a tragedy for the people of Africa ».
Une fréquentation des sources relatives à une partie de cette traite - la traite française du
XVIIIèrre siècle que je vais évoquer ici - rend le chercheur très modeste: les sources n'ont pas
été également explorées et les données collectées restent insatisfaisantes. Elles ne laissent pas
la possibilité de conclure de manière définitive sur de nombreux problèmes. Dans une étude
publiée en 1985 sur l'ensemble de la traite française du XVIII e siècle, nous avons proposé des
arguments sérieux et massifs pour suggérer une révision à la hausse des chiffres français,
mais qui n'ont pas été relevés.
L'étude de la traite doit être envisagée d'une manière globale. Sans doute les études sont
spécifiques selon qu'on s'intéresse surtout aux aspects économiques, démographiques,
sociaux, selon qu'on considère une des étapes du trafic négrier ou selon qu'on centre
l'attention sur un des espaces concernés par la traite (les pays européens et leurs villes
portuaires; les comptoirs, les pays de la côte ou de l'intérieur de l'Afrique; les navires lors
de la traversée; les lieux de destination). Cependant, les études récentes les plus suggestives
sur la traite - on pense à celles de Paul Lovejoy, de Joseph Inikori et de Patrick Manning, et
surtout à celle de Joseph Miller, Way of Death - ont montré qu'une perspective globale est
• la plus riche, et qu'un intérêt pour la totalité du processus permet une appréciation plus exacte
sur le drame de la traite atlantique.
Pour les historiens français, la considération pour ce précurseur a été réelle, mais les
orientations prises par les recherches ont privilégié surtout le commerce même. Des travaux
extrêmement minutieux ont été réalisés pour rassembler toute la documentation archivistique
.. disponible en France, dans les villes portuaires mais aussi à Paris, et l'on connaît beaucoup
mieux, grâce aux Répertoires de Jean Mettas et de Serge Daget, les rythmes de la traite et les
caractéristiques du commerce négrier français. De même les études de François Renault ont
L.
Introduction Gorée
repris la question de la traite trans-saharienne et orientale, ainsi que celle de la libération des
captifs au XIXème siècle.
Au Colloque International sur la Traite des Noirs, tenu à Nantes en 1985, beaucoup de
ces travaux anglophones et français sur la traite atlantique et la traite française en particulier
ont été présentés. On constate dans le grand recueil, puis dans l'ouvrage synthétique publiés
par Serge Daget en 1988 et 1990, la diversité des thématiques nouvelles qui ont été ouvertes
au cours des deux dernières décennies et ont permis de faire progresser la connaissance du
trafic négrier. Cependant, chez les historiens français, la question de l'impact de la trai te sur
l'évolution des sociétés africaines reste encore assez secondaire. Le travail de collecte des
sources sur ces questions demeure encore très en retrait par rapport à celui qui a été effectué
pour clarifier la question des chiffres de cette traite et pour apprécier le rôle de ce commerce
dans les économies européennes et américaines. On peut sentir là un héritage de Gaston-
Martin qui n'a pas trouvé dans la documentation nantaise les éléments nécessaires pour
évoquer de manière approfondie les modalités et les conséquences de la traite en Afrique, et
qui ne traite donc que très rapidement de ces sujets. Et il reste de ce fait à espérer qu'un
historien de langue française palliera cette lacune, et entrependra un travail aussi complet que
celui de Joseph Miller (1988) sur le capitalisme marchand et la traite angolaise de 1730 à
1830. En effet, il convient de citer et de renvoyer à ce livre majeur qui explore les relations
complexes entre les économies séparées des trois continents. Joseph Miller y souligne en
conclusion, de manière très vigoureuse, que l'histoire de la traite retrace un "chemin de la
mort" à travers ses aspects économiques et politiques, et renvoie d'abord à l'expérience de
souffrance et de mort vécue par les esclaves eux-mêmes.
Il est donc nécessaire d'envisager la traite atlantique comme un fait social et économique
beaucoup plus large que des "migrations forcées" ou un "commerce triangulaire", voire de
simples échanges économiques. Sans doute les auteurs des travaux récents ont suggéré des
voies nouvelles, apporté des éclairages originaux sur un trafic qui gardera toujours de larges
pans d'ombres, mais ils ont imposé surtout la nécessité de recherches inédites dans les
sociétés touchées par la traite, qui contribueront à sortir de l'oubli et de l'ombre un passé qui
a signifié la souffrance et la mort pour tant d'hommes, de femmes et d'enfants de l'Afrique.
À partir de ces considérations générales, nous abordons le thème de cet exposé: la place
de la Sénégambie, de Saint-Louis, de Gorée et des comptoirs de la Gambie dans la traite du
XVIIIe siècle.
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2
Introduction Gorée
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3
•
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle
11
La question du volume de la traite atlantique n'a intéressé les historiens que d'une manière
épisodique, et les résultats proposés sont restés fort contradictoires jusqu'à une époque récente
1. En 1969, la publication de la synthèse de Philip D. Curtin - The Atlantic Slave Trade. A
Census 2 - a marqué un tournant et a provoqué de nombreuses études particulières ou
générales qui en ont discuté ou affiné les conclusions. Dans ces travaux, on a souligné des
lacunes, des problèmes méthodologiques, des erreurs, mais surtout la partialité d'une approche
purement statistique de la tragédie que fut la traite atlantique. Si l'évaluation numérique reste à
l'ordre dujour et mérite attention, elle est insuffisante et les chiffres avancés à l'aide des seuls
documents qui subsistent ne représentent au mieux que des estimations minimales. Cependant
le débat suscité par le livre de Curtin a surtout manifesté que l'étude de la ponction
démographique opérée par la traite n'est qu'une partie de l'histoire démographique africaine.
Ainsi l'histoire de la traite, dont on mesure mieux aujourd'hui les possibilités et les limites 3,
est-elle considérée désormais comme un chapitre de l'histoire des populations de l'Afrique.
La place réservée à l'Afrique sub-saharienne dans l'histoire mondiale a été très limi tée, en
raison d'apriori que les historiens devraient j ustifier autrement que par l'absence ou la relative
pauvreté des sources écrites. L'étude des populations africaines noires est restée encore plus
timide sans que de justifications convaincantes soient avancées pour expliquer ce manque
d'intérêt. Or les discussions sur la traite des esclaves ont en grande partie obligé à poser la
question de la population africaine, de ses caractéristiques et de son évolution historique.
Plusieurs travaux récents ont ainsi été consacrés à la population africaine - tels ceux
d'Inikori, Diop-Maes, Coquery-Vdirovitch, Henige -. On y voit affirmée, malgré des erreurs
ou des maladresses méthodologiques, malgré un parti-pris "synthétique", l'exigence d'une
histoire démographique africaine originale ainsi que la nécessité d'une recherche patiente de
toutes les sources encore disponibles 4. Nous affirmons donc, en préalable à cette étude sur les
1 Dans son article synthétique sur le volume de la traite atlantique. P.E. Lovejoy ("The Volume of the Atlantic
Slave Trade : A Synthesis", Journal of African History. 23, 1982 : 473-501), rappelle un bon nombre des
estimations ancieIllles et récentes, qui varient entre 9 566 100 (Curtin) et Owen (15 520 000). La démographie
historique française ne s'est guère intéressée à la question. et les dOIlllées, très partielles, de l' Histoire générale de
la population mondiale, de M. Reinhard, A. Armengaud et J. Dupâquier (Paris, Montchrestein, 1968: 144, 280,
447) restent insuffisantes et manifestent la pauvreté des études françaises anciennes.
2 Madison, University of Wisconsin Press, 1969 : xix-388 p.
3 On peut apprécier le nombre des études récentes grâce à l'importante bibliographie de J.e. Miller, Slavery. A
Worldwide Bibliography. 1900-1982 (White Plains, Kraus International Publications, 1985 : xxvii-451 p.) dont
la mise à jour se poursuit dans la revue Slavery and Abolition (London, Frank Cass). On constatera également
les centres d'intérêt, souvent démographique, des travaux sur l'esclavage et la traite en Mrique.
Les discussions les plus importantes sur l'histoire de la traite atlantique, après la parution de la synthèse de
Curtin, sont celles de J. Metras, "Pour une histoire de la traite des Noirs française: sources et problèmes",
Revuefrançaise d'Histoire d'Outre-Mer, 1975, LXII. 226-227: 19-46 (numéro spécial intitulé La traite des
Noirs par l'Atlantique,' Nouvelles approches), les contributions de J.E. Inikori sur le volume de la traite et sur
son impact démographique ("Measuring the Atlantic Slave Trade : An Assessment of Curtin and Anstey",
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Edinburgh, 1981 : 283-313), de C. Coquery-Vidrovitch, Afrique Noire. Permanences et ruptures, Paris, Payot,
1985: 32,45 (chapitre "Traite négrière et démographie: les effets de la traite atlantique"), de P.E. Lovejoy (art.
cit.), et de D. Henige, "Measuring the Immeasurable : The Atlantic Slave Trade, West Mrican Population and •
the Pyrrhonian Critic", Journal ofAfrican History, 27, 1986 : 295-313, où l'auteur souligne à juste titre le
glissement de la discussion sur les chiffres de la traite atlantique vers un débat sur la population africaine, mais
adopte une attitude hyper-critique insatisfaisante.
4 Outre les études citées dans la note précédente, on doit mentionner les contributions importantes de P.
Manning et de J. Thomton qui sont évoquées dans les documents de ces auteurs à l'occasion du présent colloque.
4
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle
.. En préalable à la mise au point suivante qui signale plusieurs études récentes, on peut citer
J. Mettas, l'auteur du travaille plus méticuleux sur la traite française du ISe siècle:
"La question du nombre des esclaves fascine depuis longtemps les historiens, mais nous
paraît en elle-même de piètre intérêt. A l'extrême limite, qu'importe au chercheur qu'il y a ait eu
5, 10 ou 15 millions d'êtres transportés, s'il ne connaît aucun des termes de référence: la
population de l'Afrique, le rythme annuel de la traite, les ethnies touchées, la démographie de
ces ethnie~ ... Beau titre pour quotidien à sensation, la question du nombre n'a même pas le
mérite d'être soluble à court terme" 1.
Toutefois, il importe de faire tous les efforts possibles pour clarifier cette question et
rassembler la documentation éparse sur les chiffres et les caractéristiques de la traite, en référant
ces données à celles qui sont obtenues à propos des populations africaines mêmes.
Rappelons d'abord que les études publiées par Curtin 2 ou à sa suite ont permis de
distinguer des périodes et des zones qui sont plus ou moins bien couvertes par les sources.
Elles ont révélé la pauvreté relative des documents antérieurs au ISe siècle, et donc la fragilité
des conclusions et des hypothèses qu'on peut en tirer 3. Cependant, les travaux récents sur le
ISe et le 1ge siècle ont apporté des données nouvelles et des certitudes partielles, mais ont aussi
souligné des zones d'ombre et les limites de l'approche statistique. Nous proposons donc ici
un examen de divers tableaux qui présentent des chiffres de la traite française du ISe siècle pour
noter les acquis et tous les problèmes qui demeurent au sujet de cette partie de la traite
• atlantique.
Les estimations avancées par Curtin sont établies à partir de données anciennes, en
• particulier celles de Gaston-Martin et Rinchon, comme l'a observé justement J. Mettas 4. Les
tableaux suivants manifestent assez les hésitations de Curtin et comportent des contradictions
qui ne sont pas négligeables et exigent que soient posés les problèmes de méthode. Les
tableaux 1 et 2 sont consacrés à la traite française au 18e (tableau] : répartitions et pourcentages
par régions et décennies, tableau 2 : répartitions et pourcentages par décennies et régions dans
Ajoutons les travaux de L.M. Diop ("Le sous-peuplement de l'Afrique noire". Bulletin [FAN, B. 40. 4 : 718-
862 ; "Méthodes et calculs approximatifs pour la construction d'une courbe représentative de l'évolution de la
population de l'Afrique Noire, du milieu du XVIe siècle au milieu du XX e". dans C. Fyfe & D. McMaster (eds),
AfT'lcan Historical Demography, ouvr. cil. : 139-152 ; "Essai d'évaluation de la population de l'Afrique Noire
aux XVIe siècles", Population, 40, 1985,6: 855-884, suivi d'un "Commentaire" très critique de J. N. Biraben:
884-888).
1 J. Mettas, "Pour une histoire....". art. cil. : 31.
2 Citons, outre le Census déjà mentionné,l' étude régionale de cet auteur sur la Sénégambie Economie Change
in Precolonial Africa: Senegambia in the Eraofthe Slave Trade. Madison, Wisconsin University Press, 1975.
avec le chapitre "The Trade in Slaves" : tome 1, 153-196.00 renvoie aussi aux nombreux autres articles, en
particulier ceux qui reviennent sur la question du volume de la traite, ou qui évoquent le problème de
l'épidémiologie de cette traite.
3 La comparaison de la synthèse la plus récente, de P.E. Lovejoy, et de celle de Curtin montre que les progrès
pour les débuts de la traite atlantique (mi-15e à fin 16e , et même 17e ) restent limités et que la synthèse de Curtin
n'a pas été discutée à l'aide d'arguments nouveaux. Or on sait que celle-ci repose sur des extrapolations qui nous
paraissent pour le moins discutables, et à propos desquelles l'attitude hyper-critique de D. Henige quant à la
mesure de la traite atlantique peut panu"tre assez justifiée.
4 1. Mettas, 1975: 31-32, qui souligne les errements de Curtin à propos des répartitions régionales de la traite
française au 18e siècle. Notons cependant que les totaux obtenus par Mettas pour la traite sénégambienne des
Française sont proches de ceux de Curtin : les travaux anciens sont donc plus fiables pour cette région.
• 5
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle
la seconde moitié du 18e siècle). Ils sont présentés comme des estimations décennales fondées
sur des "shipping data" (tableau 1) ou sur des "shipping data combined with population
samples from Saint Domingue" (tableau 2). Or les contradictions sont énonnes à propos des
origines régionales des esclaves, alors que les totaux sont tout-à-fait identiques pour la seconde
moitié du siècle, soit 617 800 esclaves exportés d'Afrique par les Français. La part de la
Sénégambie reste la même (33 400 personnes, soit 5,4%) alors que la part des autres zones
d'exportation varie énormement d'un tableau à l'autre. Le commentaire ne fournit pas
d'argument valable pour justifier l'un ou l'autre. On ne saurait donc, après une critique du
mode de confection de tels tableaux, retenir de ce tableau que le miracle de la concordance
absolue des chiffres globaux et de ceux de la Sénégambie. Pour le reste, on comprend
difficilement la signification de tels tableaux qui avancent des données aussi contradictoires
sans choisir et justifier une des options, à moins qu'on ne veuille démontrer que toutes les
manipulations de chiffres sont possibles. Comme le suggérait J. Mettas, il se pourrait bien que
le nombre.de 955 000 esclaves pour la traite française du 18e soit proche de la réalité, mais ce
serait tout à fait par hasard, et les données sur les répartitions régionales ne semblent pas
acceptables, sauf peut-être dans le cas de la Sénégambie.
Dans son article synthétique sur le volume de la traite atlantique, P.E. Lovejoy retient,
après un examen des travaux et discussions autour du Census de Curtin, un total de 6 132 900
esclaves exportés d'Afrique pendant le 18e siècle. Pour les exportations française, il accepte les
chiffres de Stein, qu'il augmente légèrement pour tenir compte des années antérieures à 1713 :
ainsi il retient 1 180300 au lieu de 1 140257, ce qui représente une augmentation sensible
des chiffres d'exportation de Curtin. Il suggère aussi une augmentation du nombre des Noirs
exportés par les Anglais: 2532300, au lieu de 2214000 qui figurent dans le tableau
récapitulatif de Curtin 3. Cependant, Lovejoy parvient à son total d'exportation d'Afrique
- 6 132900 - en réduisant considérablement les estimations de Curtin pour les traites des
1 R. Stein "Measuring the French Slave Trade, 1713-1792/3", Journal ofAfrican History, 17, 19, 1978,4:
515-521. résumant l'ouvrage The French Slave Trade in the Eighteenth Century: An Old Regime Business,
Madison, University of Wisconsin Press, 1979. Dans ce livre, Stein cite 3 321 expéditions, environ 1 150 000
exportés et 1 015000 vendus aux Amériques. TI fournit des répartitions plus détaillées par ports et petites
périodes.
2 R. Stein, "Measuring...", art. cit. : 519. Notons que R. Stein fournit également des données sur la mortalité
•
dans la traite française du 18e siècle, dans l'ouvrage précité et dans un article "Mortality in the eighteenth-century
French Slave Trade", Journal ofAfrican History. 17, 21, 1980, 1 : 35-41.
3 Curtin, The Atlantic..., tableau 43, p.I50, où il faut soustraire du total de 2 579400 les chiffres des années
1690-1700 (::::99 400) et 1801-1807 (::::266 (00) pour obtenir le chiffre du 18e siècle (::::2214 (00).
6
\
La Sénégambie dans la traite atlantique du Ise siècle
autres pays sans qu'on puisse toutefois comparer les chiffres des deux auteurs: 1 796300
pour la traite portugaise, 350900 pour la hollandaise, 194200 pour la nord-américaine,
73900 pour la danoise, 5000 pour les autres (suédoise, brandebourgeoise). Le total des
esclaves exportés est, selon Lovejoy, très proche de celui des Noirs importés en Amérique
pendant la période 1700/1810 que Curtin estime à 6051 700 1 • Pour aboutir à ce résultat,
Lovejoy opère donc sans la justifier suffisamment une réduction sensible des traites autres que
française et anglaise, et se livre à des manipulations statistiques qu'il est nécessaire de critiquer,
car elles ne semblent pas satisfaisantes 2.
Le tableau 7 ne porte que sur un total de 5513 300 esclaves exportés d'Afrique, dont les
origines sont connues; 619600 sont écartés, une petite partie provenant du Sud-Est Africain,
mais la plupart ne pouvant être affectés à l'une des six portions de la CÔte Occidentale
d'Afrique? Pour ce tableau Lovejoy utilise les données de Curtin pour la Sénégambie, mais
opère des regroupements personnels pour les autres régions. Il propose des chiffres pour
l'ensemble du siècle et pour chaque décennie. La part de la Sénégambie est à peine de 3,65%,
la Sierra Leone fournissant 8,78%, Gold Coast 12,29%, Baie du Bénin 23,19%, Baie du
Biafra 14,77%, West-central Africa 37,32%. Les proportions obtenues par Curtin (tableau 3
ci-dessus) sont difficilement comparable à celles de Lovejoy, car Curtin ne prend en compte
que les traites françaises et anglaise. Cependant, on note que pour les deux auteurs la part de la
Sénégambie ne change pas, et que la traite française n'aurait représenté ici que des proportions
faibles. Ainsi Lovejoy semble accepter sans discussion les pourcentages de Curtin pour évaluer
la part de la Sénégambie dans la traite française du 18e siècle, soit environ 8%.
Nous pensons que les chiffres de Lovejoy demandent à être révisés et précisés.
L'utilisation de travaux divers, où la part de projections et la part d'utilisation de sources
statistiques de l'époque sont variables, n'est pas vraiment source d'une évidence indiscutable.
Au contraire, il semble qu'elle pose des problèmes de méthode sérieux et que les résultats
obtenus ne puissent pas être considérés comme définitifs. En fait, un affinement des données
régionales reste nécessaire pour proposer de nouveaux chiffress hypothétiques qui devront être
présentés et cités comme tels.
•
Plusieurs études postérieures 4, ont fourni des données nouvelles sur l'ensemble de la traite
atlantique et sur la traite française du 18e siècle, en particulier à partir d'une exploitation des
Répertoires de J. Mettas 5 et de travaux personnels. On peut retenir plusieurs tableaux qui sont
1 Curtin, ibid., tableau 77, p.268, où les esclaves sont répartis selon le lieu de vente aux Amériques. TI n'est
pas possible d'évaluer ici le chiffre de la première décerutie du 1ge siècle.
2 Bien qu'il accepte de reconnaître une sous-estimation des traites française et anglaise du 18e siècle, Lovejoy IX:
révise pas en hausse les chiffres globaux de la traite de ce siècle. Pour l'ensemble de la traite atlantique, il ne
propose qu'une très légère révision du total de Curtin qu'il porte de 9566000 à 9778500 esclaves importés
aux Amériques (art. cit., tableau 9 : p.497). En fait, Lovejoy ne tIent pas compte des arguments sérieux fournis
par certains auteurs, dont Inikon, et ne comge que très peu Curtin. Son estimation finale est donc sujette à
discussion; elle retient une différence de 1 836500 esclaves entre les chiffres d'exportation (11 642 (00) et
d'importation (9778500), soit une perte de 16 % environ.
3 Les limites des zones retenues par Curtin et par Lovejoy ne sont pas définies avec une précision suffisante;
elle ne correspondent pas toujours et les comparaisons ne sont donc pas assurées.
4 David Richardson (1989) « Slave exports from West and West-central Africa, 1700-1810 ; new estimates of
volume and distribution», Journal of African History, 30, 1 : 1-22 ; Joseph Inikori (1992) «The volume of
the british slave trade, 1655-1807 », Cahiersd'Études Africaines, 128, 32-4 : 643-688 ; David Richardson &
Stephen D. Behrendt (1995) « Inikori' s Odyssey : measuring the british slave trade, 1655-1807 », Cahiers
d'Éludes Africaines, 138-139, 35. 2-3 : 599-61 ; Paul E. Lovejoy (1989) « The impact of the atlantic slave trade
• on Africa: a review of the literature », Journal of African History. 30,3 : 365-394 ; Charles Becker (1988),
« Les effets démographiques de la traite des esclaves en Sénégambie: Esquisse d'une histoire des peuplements
du l7e à la fin du 19<: siècle », dans Dans Serge Daget (éd.), De la traite à l'esclavage, Actes du Colloque
International sur la Traite des Noirs, Nantes, 1985, t. II : 70-110 ; Charles Becker (1986) « Note sur les chiffres
de la traite atlantique française au 18e siècle », Cahiersd'Études Africaines. 104, 26, 4 : 633-679.
5 Les deux volumes du Répertoire de J. Mettas ont été publiés après sa mort : J. Mettas, Répertoire des
•
7
•
La Sénégambie dans la traitl
commentés brièvement.
Les tableaux 8, 9, 10 et Il, dOs à David Richardson, proposent les estimations par .
décennie de la traite des diverses nations européennes durant le 18e siècle et du nombre des
esclaves traités dans les six portions de la côte africaine retenus par Lovejoy : ils suggèrent des ...
chiffres globalement supérieurs à ceux proposés par Lovejoy dans le tableau précédent:
6686000 contre 5513 300. Ce qui provient du fait que des chiffres sont ajoutés pour la
première décennie du 1ge siècle, mais correspond aussi à des variations parfois notables par
décennies qui ne sont par totalement comparables (le premier auteur évoquant par exemple la
décennie 1701-1710, alors que le second traite de la décennie 1700 à 1709). On remarque que
la part de la Sénégambie, qui atteignait 12 % durant la première décennie du siècle, aurait
culminé pendant les trois suivantes à 14,5 %, pour descendre en dessous de 10 % au cours de
la seconde partie du siècle qui est celle du maximum de la traite atlantique.
Les tableaux 9 et 10 détaillent les chiffres de la traite anglaise et française pendant cette
période, pour les diverses parties de la côte: de légères variations sont suggérées par rapport
aux pourcentages de l'ensemble de la traite, qui est récapitulé dans le tableau 11. Ainsi la part
de la Sénégambie aurait diminué un peu moins dans la traite française au cours de la deuxième
partie du siècle, par rapport àè la traite anglaise. Mais de manière générale, il apparaît nettement
que la part de la Sénégambie a été limitée, atteignant à peine 5 % du total entre 1700 et 1809, et
n'avoisinant le dixième du total que pendant les trois décennies 1710/1739.
Le tableau 12 est une estimation de la traite française du 18e siècle, à partir des données de
Mettas, en utilisant les chiffres de Noirs embarqués en Afrique, ou, à défaut, les chiffres
d'importation aux Amériques. À l'aide du Répertoire de Mettas, on connaît 3 342 expéditions
négrières françaises au 18e , mais seulement 3 212 ont été prises en compte dans notre
récapitulation (soit un peu moins que pour Stein qui cite 3 285 navires). Pour ces 3 342
navires, on dispose de chiffres d'exportation d'Afrique ou d'importation aux Amériques dans
2601 cas (823787 esclaves, soit une moyenne de 317 personnes par bateau) ~ pour les 611
autres, on a calculé la moyenne de la cargaison pour tous les navires à cargaison connue par
décennie: on a multiplié ensuite ces moyennes par le nombre des navires pour les décennies.
On a obtenu ainsi une estimation de 193 223 esclaves pour 611 bateaux, la moyenne de cette
estimation étant presque identique à celle des navires à cargaison connue (316 esclaves/navire,
au lieu de 317). L'addition des chiffres pour les 2 601 navires à cargaison connue et des 611 à
cargaison estimée est donnée dans le tableau 12 qui retient ainsi pour la période 1707 à 1793 un
total de 1 017 010 esclaves embarqués ou débarqués par les 3 212 navires pris en
considération. Ce total est un minimum indiscutable pour les Noirs exportés par la traite
française du 18e siècle, mais il est certainement très inférieur à la réalité. L'estimation de Stein
est supérieure à ce minimum de 12% environ. Toutefois, il faut prendre en compte un ensemble
d'arguments solides et accepter comme très hautement probable une augmentation d'un tiers du
chiffre minimum: il est même possible que le volume de la traite française ait approché au
cours du siècle le chiffre de 1 500 000 Noirs embarqués sur la Côte d'Afrique. Les arguments
développés dans le commentaire de ce tableau ne peuvent pas être repris ici: les chiffres utilisés
sont souvent ceux d'importation aux Amériques, parfois du seul dernier point de vente ~ les
contradictions sont fréquentes entre le tonnage des navires et le nombre des esclaves indiqué;
la sous-déclaration et l'imprécision des déclarations; l'existence d'expéditions supplémentaires
dont il est possible de trouver les traces ; l'omission très fréquente des enfants et des
nourrissons à la mamelle, qui ne comptent que pour partie de "pièce d'Inde", et de manière
générale les déclarations qui sont parfois faites en pièce d'Inde; les contradictions entre chiffres
ici retenus et ceux d'estimations pour certaines périodes (50% de sous-estimation pour la traite
nantaise de 1728 à 1740, soi t 203 523 Noirs amenés par 723 navires au lieu de 132 851
trouvés ici pour 418 expéditions; d'autres documents fournissent des estimations supérieures •
expéditions négrièresfrançaisesauXVllle siècle. I. Nantes, éd. par S. Daget, Paris, Société Française d'Histoire
d'Outre-Mer/Geuthner, 1978, XXI-795 p. ; J. Mettas. Répertoire des expéditions négrières françaises auXVllle
siècle. II. Ports autres que Nantes, éd. par S. & M. Daget, Paris, Société Française d'Histoire d'Outre-Mer,
1984, IX -972 p.
4.
8
La Sénégambie dans la traite atlantique du I8e siècle
de 20 à 30%) ; l'importance de la traite illicite des interlopes dont on ne tient jamais compte
parce qu'elle est difficile à évaluer. L'ensemble de ces arguments manifeste que le chiffre de
1 017010 esclaves est un minimum assuré, mais tout à fait insuffisant. Toutefois, la nature
des données disponibles est telle qu'on ne parviendra sans doute jamais à fixer un total réel et
indiscutable: on doit prendre acte de ce fait, poursuivre les recherches de documents nouveaux
qui pourraient augmenter la probabilité des chiffres, et accepter dès à présent comme
raisonnable un total situé entre 1 350000 et 1 500 000 Noirs exportés des Côtes africaines
par les navires français du 18e siècle.
Les tableaux 13 et 14 sont consacrés à la traite en Sénégambie et ont été également établis
en grande partie à l'aide du Répertoire de J. Mettas. Ainsi que pour l'ensemble de la traite
française du 18e siècle, la documentation disponible est insatisfaisante. Une recherche plus
poussée des sources a manifesté les lacunes énormes qui restreignent nos certitudes: grand
nombre d'années creuses sans nombre de navires ni chiffres d'esclaves traités en Sénégambie,
alors qu'il y a eu des activités négrières françaises; imprécision des chiffres pour les esclaves
transportés, voire contradictions notables entre des chiffres de départ et d'anivée, différences
importantes entre des estimations de traite et les chiffres connus pour certaines expéditions
enregistrées. On connaît en fait 284 navires négriers dont la cargaison est connue (au départ ou
à l'anivée). Pour ces navires, dont on donne la répartition par décennie, le total des Noirs
embarqués est de 61 792 au minimum, soit une moyenne de 218 par bateau: cette moyenne est
nettement inférieure à celle obtenue pour l'ensemble de la traite française du 18e siècle (tableau
13, 1ère partie). Si l'on adopte cette moyenne pour les 56 autres expéditions sans chiffre connu,
il y a eu 12208 Noirs supplémentaires embarqués, et donc un total proche de 74000 qui
constitue ici encore un minimum indiscutable. Mais ce chiffre, comme celui de l'ensemble de la
traite française du 18e siècle, est nettement inférieur à la réalité. En effet, des chiffres
complémentaires pour la traite réelle sont largement supérieurs et d'autres plaident en faveur
d'une augmentation sensible (importance des marchandises envoyées pour la traite, taille des
navires, contradiction entre les chiffres, trafic interlope mentionné mais difficile à évaluer). Il
est donc très probable que la traite française en Sénégambie a atteint et même dépassé un total
de 100 000 esclaves embarqués, mais les arguments en faveur d'une augmentation de 50%
(environ 110 000 au total) fourniront sans doute toujours des certitudes statistiques
approximatives et non pas des chiffres définitifs.
Pour la trai te connue à l'aide du Répertoire de J. Mettas, et donc pour une partie de la trai te
française seulement, on peut établir des statistiques qui décrivent certaines caractéristiques de
cette traite, en particulier des traits démographiques comme la répartition des esclaves par sexe
et par âge, et la mortalité à la côte ou lors de la traversée.
Citons par exemple le "récapitulatif par ports et décennies" des esclaves et des navires
négriers, qui manifeste l'importance des divers ports dans la traite sénégambienne pendant les
décennies du 18e siècle: il permet de constater des modifications notables qui se traduisent par
les variations de la moyenne des cargaisons. Par rapport à l'ensemble de la traite française du
18e , la moyenne en Sénégambie n'est que de 228 esclaves par bateau, contre 317), mais pour
la période 1730-1758, la moyenne a été largement supérieure à cause des grands négriers de
Lorient et de Nantes (352,413,405 esclaves par bateau en moyenne pour les trois décennies).
Le "récapitulatif de la traite française par ports, selon Mettas "montre également ces faits, et
note surtout la part des divers ports pour le nombre des esclaves et de navires: Lorient, avec
25% des expéditions et 44% des Noirs exportés, est le port principal de la traite
sénégambienne, dont les activités se limitent aux années 1720 à 1750, et dont la moyenne
d'esclaves par bateau (348) est très forte (tableau 13,2 et 3).
Le tableau 14 porte sur les répartitions par âge et sexe des esclaves embarqués en
Sénégambie. On remarque que les renseignements sont partiels, ne concernant que 15 000
personnes environ (près d'un quart des 61 792 cités pour les 284 navires à cargaison connue) ;
.. pour cet échantillon même, les répartitions sont parfois imprécises. Cependant, on doit noter
que les adultes représentent 84% et les enfants-nounissons 16% ici: cette dernière catégorie est
sans doute un peu plus forte, car les nourrissons sont souvent omis dans les décomptes des
9
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle
cargaisons. Quant à la répartition par sexe, les hommes atteignent 68% du total et les femmes
moins du tiers. Les tableaux 14 a et b permettent de constater que la politique des ports négriers
et des armateurs a peut-être varié, accentuant ici ou à tel moment la préférence pour des
cargaisons surtout masculines et adultes.
On peut tenter de préciser la place de la Sénégambie dans la traite française du Ise siècle, à
l'aide du tableau 16 qui compare les chiffres de la Sénégambie à ceux de l'ensemble de la traite
française du 18e siècle, pour chacune des décennies. On a retenu les chiffres du tableau 13,1,
auxquels on a ajouté un chiffre estimé (nombre de navires sans chiffres X moyenne par navire
pour la décennie) pour toutes les décennies. On obtient ainsi une estimation relativement
satisfaisante, pour les proportions plus que pour les chiffres, qui indique la part de la
Sénégambie et les variations périodiques de cette traite régionale. Les proportions observées
montrent que la Sénégambie n'aurait livré que 7% environ des esclaves africains exportés au .
I8e siècle par les Français. Cependant, les proportions sont bien plus fortes jusque 1760 et
décroissent en suite en raison des occupations anglaises de Gorée (1758-1763) et de Saint-
Louis (1758-1778). Si l'on compare ces pourcentages à ceux que retient Curtin (voir tableau
1), on constate les mêmes tendances bien que les chiffres soient plus élevés: 8,1% pour le
siècle, avec des pourcentages supérieurs jusque 1760, une décroissance jusque 1750, une
petite augmentation de 1751 à 1760, puis une chute et une faible remontée de 1760 à 1789,
avec légère rechute due à l'arrêt de la traite en 1793/94. Il n'est pas possible de considérer
comme assurés les pourcentages suggérés par Curtin ou les nôtres, bien que ces derniers soient
sans doute plus proches de la réalité et tiennent compte de la nécessaire réévaluation de la traite
française au I8e siècle. Mais on doit enregistrer que la Sénégambie a fourni une part non
négligeable de la traite française jusqu'en 1758 ; à partir de cette date, le développement
important de cette traite eut lieu surtout dans les régions côtières plus méridionales, sans que la
Sénégambie soit abandonnée.
1 On comparera les données de ce tableau à celles de Curtin (The Atlantic... , tableau 79, p.279, qui obtient
10,4% de pertes pour des navires nantais. de 1748 à 1792. Ce chiffre est nettement supérieur au nôtre pour
Nantes à la même période. On verra aussi. à propos de la mortalité dans la traite française les discussions et les
chiffres de H.S. Klein (The Middle Passage. Comparative Studies in the Atlantic Slave Trade. Princeton,
Princeton University Press. 1978. chapitre 8 "The French Slave Trade in the 18th Century", tableau 8, 12 où
l'auteur estime la mortalité de la traite nantaise pour une grande partie de la côte et du 18e siècle à 13,1 %, sans
donner de chiffres pour la Sénégambie). De même R. Stein ("Mortality in the Eighteenth-Century French Slave
Trade", Journal of African History. 17, 21, 1980,1: 35-41, ainsi que The French Slave Trade ... , ouvr. cil.,
p.209-211, où l'auteur propose des données générales par périodes plutôt que par régions) calcule pour toute la
traitefrançaise du 18e une mortalité de 1150000-1015000 - 135000, soit 11,7%, avec des variations par périodes
.
: 15% de 1700 à 1745, 15,4% de 1746 à 1760,9,7% de 1761 à 1779 et 9,8% de 1780 à 1792 (tableau A 10,
p.211). R. Stein compare aussi les pourcentages de mortalité pour des périodes plus courtes en tenant compte du
type de navires - privés ou possédés par des Compagnies - (tableau A 2, p. 209). L'exploitation complète
du Répertoire de J. Mettas permettra sans doute de préciser davantage les données sur la mortalité et les
répartitions par sexe et par âge des esclaves déportés.
10
La Sénégambie dans la traite atlantique du I8e siècle
Les tableaux 17 et 18 donnent des indications sur la traite de la Sénégambie durant le 18e
siècle. Ils ont été abondamment commentés et présentés dans deux études antérieures
auxquelles nous renvoyons et dont les extraits relatifs à ces tableaux figurent en annexe.
La question des chiffres de la traite atlantique, que l'on a évoquée en partie en citant des
travaux récents, est sans doute importante, et les résultats obtenus ne sont pas négligeables
même si les certitudes définitives semblent exclues. Cependant elle n'est pas essentielle et
l'impact démographique de cette traite sur les sociétés sénégambiennes et celles de l'intérieur ne
pourra pas être mesuré en termes statistiques indiscutables. Mais nous affirmons que cet impact
a été décisif et que les évolutions démographiques et sociales ont été ici comme ailleurs,
modifiées profondément par la traite négrière européenne. Il est donc indispensable d'orienter
davantage les recherches sur les sociétés et les populations africaines, en utilisant toutes les
ressources de la tradition multiforme ainsi que des sources européennes là ou quand elles
existent, pour décrire les faits démographiques, pour situer ceux-ci à l'intérieur d'une histoire
globale des formations sociales, et pour utiliser - après une critique rigoureuse - tous les
témoignages sur le passé des hommes et des sociétés de l'Afrique.
1 Notons que les estimations de Curtin pour la traite anglaise en Sénégambie sont très diverses, comme on peut
le constater dans les tableaux reprodlÙts ci-dessus. Dans le tableau 3, on obtient un total approximatif (après
déduction des chiffres français) de 115 ()()() pour cette traite. Dans le tableau 4, le total de 1711 à 1800 serait de
102700, auquel il faut ajouter environ 17500 pour la première décennie du siècle: le chiffre serait donc de
120000 environ. Dans le Census, Curtin suggérait au tableau 43 (p. 150) un total de 131300 esclaves exportés
de la côte sénégambienne par les Anglais. il reste donc à avancer des arguments pour retenir de préférence l'un de
ces chiffres. Si Curtin semble s'arrêter dans sa publication la plus récente (tableau 4) à 120 000 environ, il ne
précise que sommairement ses raisons: des études complémentaires restent nécessaires pour cette traite comme
pour la traite française, afin de mieux distinguer les certitudes, les estimations et les hypothèses.
•
11
" .. "
.' ,(1
.'
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle, Tableaux
Tableau 1 : Freneh slave exports from Afriea, 1711-1800: decennial estimates by eoastal origin in Afriea, based on shipping data
Extrait de Curtin, Theatlantic slave trade, table 49, p.170
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (!) (8) (9) (10)
1711- 1721- 1731- 1741- 1751- 1761- 1771- 1781- 1791- Total
Coastal region 20 30 40 50 60 70 80 90 1800
Senegambia 10,300 13,400 12,300 7,700 6,300 2,300 4,000 17,400 3,400 77,100
% 22,4 15,5 10,8 8,4 8,7 2,0 4,0 6,4 5,7 8,1
Sierra Leone - - - 2,900 2,100 3,800 - - - 8,800
% - - - 3,2 2,9 3,3 - - - 0,9
Windward Coast 15,900 40,100 36,800 39,800 28,200 - - - 160,800
% 34,5 46,5 32,2 43,6 38,9 - - - - 16,8
GoldCoast - 9,100 7,600 5,400 30,200 19,300 66,200 8,900 146,700
% - - 8,0 8,3 7,4 26,2 19,5 24,4 15,0 15,4
Bight of Benin 16,700 18,200 32,100 4,100 2,900 31,500 36,000 30,100 4,100 175,700
% 36,2 21,1 28,1 4,5 4,0 27,3 36,4 11,1 6,8 18,4
Bight of Biafra - - - - - - - 14,900 2,000 16,900
% - - - - - - - 5,5 3,4 1,8
Angola 3,200 10,900 23,000 25,800 25,300 47,500 38,800 129,000 38,800 342,300
% 6,9 12,7 20,1 28,3 34,9 41,2 39,3 47,5 65,1 35,8
Mozambique - - 900 - - - - 8,700 1,100 10,700
% - - 0,8 - - - - 3,2 1,8 1,1
Unknown & other - 3,600 - 3,300 2,300 - 800 5,200 1,300 16,500
% 4,2 - 3,6 3,2 - 0,8 1,9 2,2 1,7
------
Total 46,100 86,200 114,200 91,200 72,500 115,400 98,800 271,500 59,600 955,500
% 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
Sources: Tables 47 and 48; Gaston Martin, L'ère des négriers, p.I17, and graph; Weber, Ùl Compagnie des Indes, p. 483; Dardel, Rouen et Havre, p.403;
Delcourt, La Franœ et les établissementsfrançais au Sénégal... , p.398; Malvezin, 3:208-9; Rinchon, Le trafic négrier, pp.25-27.
12
.. .,
" .'
La Sénégambie dans la traite atlantique du Ige siècle, Tableaux
Tableau 2: French slave exports from Africa, 1751-1800: decennial estimates based
on sphipping data combined with population samples from Saint Domingue
Extrait de Curtin, Theatlantic slavetrade, table 60, p.2oo
13
. .'
" "
La Sénégambie dans la traite atlantique du ISe siècle, Tableaux
Tableau 3 : Projected exports of that portions of the french and english slave trade having identifiable region of coastaJ origin Africa,
1711-1810
Extrait de Curtin, The atlantic slave trade, table 66, p.22I.
CoastaI region 1711-20 1721-30 1731-40 1741-50 1751-60 1761-70 1771-80 1781-90 1791-1800 1801-10 Total
Senegambia 30,900* 22,500 26,200 25,000 22,500 21,400 17,700 20,300 4,400 800 191,700
% 16,5 10,0 8,2 7,4 7,6 5,5 6,0 3,4 1,1 0,3 5,8
Sierra Leone 5,900 15,000 14,900 18,400 9,900 5,300 3,700 17,700 12,200 9,600 112,600
% 3,2 6,7 4,7 5,4 3,4 1,4 1,3 3,0 3,2 3,6 3,4
Windward Coast 30,600 47,600 55,200 65,300 29,800 67,600 49,700 24,400 14,700 1l,2oo 396,100
% 16,4 21,2 17,3 19,3 10,1 17,4 16,9 4,1 3,8 4,2 12,1
GoldCoast 44,000 54,200 65,200 67,000 41,800 52,400 38,700 59,900 29,400 22,100 474,700
% 23,5 24,2 20,5 19,8 14,2 13,5 13,2 10,1 7,7 8,3 14,4
Bight of Benin 72,500 48,400 59,400 30,900 35,600 48,400 41,400 120,400 15,100 5,300 477,400
% 38,8 21,6 18,6 9,1 12,1 12,5 14,1 20,3 3,9 2,0 14,5
Bight of Biafra - 4,500 45,100 71,300 100,700 139,300 100,000 114,8OO 137,600 110,400 823,700
% - 2,0 14,2 21,1 34,1 35,9 34,0 19,4 35,9 41,5 25,1
Central and
Southeast Africa 3,200 32,000 52,500 60,200 54,600 53,200 42,900 234,400 170,400 106,700 810,100
% 1,7 14,3 16,5 17,8 18,5 13,7 14,6 39,6 44,4 40,1 24,7
------
Total 187,000 224,200 318,500 338,100 295,000 387,700 294,000 591,800 383,800 266,000 3,286,100
% 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
14
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15
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La Sénégambie dans la traite atlantique du ISe siècle. Tableaux
16
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La Sénégambie dans la traite atlantique du ISe siècle, Tableaux
Tableau 7 : Regional origins of slaves in the eighteenth-century Atlantic trade (OOO's) (Dutch, British, French and Portuguese)
Extrait de Lovejoy, « The volume.... », table 5, p.485.
Region 1701-10 1711-20 1721-30 1731-40 1741-.50 1751-60 1761-70 1771-80 1781-90 1791-1800 Totals
Senegambia 18,4 30,9 22,5 26,2 25,0 22,5 14,4 12,4 22,1 7,0 201,3
Sierra Leone 17,4 20,6 22,5 33,3 49,4 45,2 108,1 82,2 47,2 58,0 483,9
GoldCoast 25,0 46,6 72,7 85,6 91,4 66,3 63,4 56,0 93,7 76,7 677,4
Bight of Benin 161,3 169,3 160,3 154,8 109,9 98,7 102,7 90,7 159,8 71,1 1,278,6
Bight of Biafra 10,0 10,0 4,5 45,1 71,3 100,7 126,3 127,3 133,8 185,4 814,4
West-central
Mrica 80,1 72,0 115,5 177,3 189,2 195,6 220,2 211,4 431,1 365,3 2,057,7
._- --- --- --- ----- ---- ----- --- --- --_.
Totals 312,2 349,4 398,0 522,3 536,2 529,0 635,0 580,0 887,7 763,5 5,513,3
Sources: for all figures in the period 1711-1800 for West Africau regions; see Philip D. Curtin, "Measuring the Atlantic slave trade", in S. L.
Engennan and E.D. Genovese, OOs., Race 0Jld Slavery in the Western Hemisphere: Quantitative Studies (Princeton, 1975), 112; for Central Africau
figures, 1711-1800: Herbert S. Klein, The Middle Passage: Comparative Studies in the Atlantic Slave Trade (Princeton, 1978), 27 ; a regional
breakdown for the deeade 1701-10 is not available but has been reconstructed on the basis of the fol1owing sources: Johannes Postma, 'The origin of
Africau slaves: the Dutch activities on the Guinea Coast, 1675-1795", in Engennan and Genovese, Race 0Jld Slavery, 42, 49; Philip D. Curtin, The
Atlantic Slave Trade: A Census (Madison, 1969),207; Kwame Yeboa Daaku, Trade 0Jld Politics on the Gold Coast, 1600-1720 (Oxford, 1970),46;
Patrick Manning. "The slave trade in the Bight of Benin, 1640-1890", in Henry Gemery and Jan S. Hogendorn, eds., The Uncommon Market: Essays
in the Economie History of the Atlantic Slave Trade (New York, 1979), 117; and K. G. Davies, The Royal African Company (London, 1957),226.
A figure of 10,0 has also been assigned to the Bight of Biafra, on the assumption that the trade was on the order of 1,000 slaves per year in this
deeade. Curtin has no estimate for this period, and it is likely that bis estimate for the 1720's is low; see David Northrop, Trade Without Rulers, Pre-
colonial Economie Development in South-Eastern Nigeria (Oxford, 1978),54, although the figures used here are considerably more conservative than
those suggested by Northrop. Following the analysis of Adam Jones and Marion Johnson, "Slaves from the Windward Coast", Journal ofAfrican
History, XXI, 1 (1980),17-34, the slaves previously attributOO to the Windward Coast have beenreassigned to the Sierra Leone and Guinea coast for
British exports and to the Slave Coast for French exports. There is room for considerable error in this assessment, since sorne slaves did come from
the Western Ivory Coast and Liberia, in the case of the British, and sorne of the French trade probably included purchases on the Gold Coast and in
the Bight of Biafra. Nonetheless, the majority of slaves in both cases almost certainly came from the areas to wbich they have been assignOO.
Hopefully the forthcoming work of Jones and Johnson will help clarify this matter. Curtin's figures for 1761-80 ("Measuring", 112) include the
revisions of Roger Anstey, "The volume and profitability of the British slave trade, 1761-1807", in Engerman and Genovese, Race and Slavery, 13;
and Postma, "Origin of Africau Slaves", 42-9. 1 have also usOO Anstey, "The slave trade of the Continental powers", Economie History Review,
XXX, 2 (1977), 261. For 1781-90 1 have acceptOO 1. E. Inikori's tabulation of the number of British sbips involved in the slave trade but have
employOO a slave/sbip ratio from Anstey and assigned these slaves to different regions following Curtin's formula, as discussed in the text. For the
1790s 1have substitutOO the total for the British trade derivOO by Seymour Drescher, Econocide: British Slavery in the Era ofAbolition (Pittsburgh,
1977),28, following Anstey's distributional fonnula.
17
.'
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle, Tableaux
Tableau 8: Estimated total slave expor1s from the west coast of Africa 1700-1809, by decades ('000s)
Extrait de David Richardson, "Slave exports ... p. 13, tableau 4
Portuguese
IhaIe British French Angola Mina Dutch American Danish Total
Sources: for the British, French and American figures see Tables 1,2, and 3. For Portuguese exports from Mina, 1 relied on
Patrick Manning, 'The slave trade in the Bight of Benin, 1640-1890', in Henry A. Gemery and Jan S. Hogendom (eds), The
Uncommon Market: Essays in the Economie History of the Atlantic Slave Trade (New York, 1979), 136-8. Manning in tom
re1iedon Pierre Verger, Flux et reflux de la traite des nègres entre le Golfe du Bénin et Bahia de Todos os Santos du I7e et I8e
siècles (The Hague, 1968),653-4,666. As Verger's title suggests, bis figures relate unly to imports into Bahia rather than
Brazil as a whole. The figures used here are therefore lower (by 7.5 per cent) than those used by Curtin (Census, 207) and based
on Mauricio Goulart, EscriavidaoAfricanano Brazil (Sao Paulo, 1950), 209-17. For Portuguese exports from Angola, wbich
includedLuanda and Benguela, 1usedCurtin's figures (Census, 207) for 1701-10, Herbert Klein's figures (The Middle Passage
(Princeton, 1978),27) for 1711-60, and Joseph Miller's figures ('Legal Portuguese slaving from Angola, Sorne preliminary
indications of volume and direction, 1760-1830', Revue Française d'Histoire d'Outre-Mer, LXII (1975), 161) the Portuguese
from Ambriz, Cabinde and the River Congo. They are also slightly lower than Klein's figures for the same period. None of the
Portuguese sources used includes slaves shipped from Bissau and Cacheu on the northem Guinea coast; these were apparently
reiatively small, but not insignificant (Curtin, Census, 208; Klein, Middle Passage, 44; Walter Rodney, A History of the
Upper Guinea Coast 1545-1800 (Oxford, 1970), 240-8). For Dutch exports 1 have used Johannes Postma, 'The origin of
African slaves: the Dutch activities on the Guinea Coast, 1675-1795', Revue Française d'Histoire d'Outre-Mer, LXll (1975),
201; cf. Lovejoy, 'Sysnthesis', wbich used projection of Danish exports made by Anstey ('Continental powers', 267) for the
period 1761-1800. It should be noted that no allowance is made in this table for slave sbipments from Africa by vessels owned
in the British Caribbean colonies. Due to rounding sorne of lthe totals in this table differ slightly from those suggested in the
original sources and from those presented in Table 5 to 7 below.
From David Richardson, "Slave exports from West and West-Central Africa, 1700-1810.. .', JAH 30 (1989) : 10
18
•
La Sénégambie dans la traite atlantique du ISe siècle, Tableaux
Tableau 9: The regional distribution of British slave exports from the west coast of Africa, 1700-1807, by decades
Extrait de David Richardson, "Slave exports ... p. 13, tableau 5
Ihak: Senegambia Sierra-Leone GoldCoast Bight of Benin Bight of Biafra West-Central Africa
19
La Sénégambie dans la traite atlantique du ISe siècle, Tableaux
Tableau 10: The regional distribution of French slave ex ports from the west coast of Africa, 1700-1799, by decades8
Extrait de David Richardson, "Slave exports... p. 14, tableau 6
Decale Senegambia Sierra-Leone GoldCoast Bight of Benin Bight of Biafra West-Central Africa
20
..
La Sénégambie dans la traite atlantique du Ise siècle, Tableaux
Tableau 11 : The regional distribution of slave exports from the West coast of Africa by ail carries, 1700-1809, by decades
Extrait de David Richardson, "Slave exports." p. 17, tableau.
fu3Je Senegambia Sierra-Leone GoldCoast Bight of Benin Bight of Biafra West-Central Mrica
21
..
La Sénégambie dans la traite atlantique du ISe siècle, Tableaux
Tableau 12: Estimation du total des noirs exportés par la traite française au 18e siècle, par ports et par décennies
Extrait de Becker, « Note.... », tableau 13, p.33.
E =esclaves; N =navires
Nantes La Rochelle Le Havre Bordeaux Saint-Malo Lorient Honfleur Marseille Dunkerque Rochefort Vannes autres total
1707-9 E 4519 4519
N 10 - - - - - 10
1710-9 E 32028 4575 4237 2062 744 1607 335 910 859 1841 49198
N 116 17 20 9 2 6 1 4 2 8 185
1720-9 E 31223 4940 2337 948 6854 20421 1025 733 246 68727
N 109 17 13 3 26 62 2 3 - 2 237
1730-9 E 48267 17930 1162 3416 1714 13612 1122 315 2066 865 90469
N 140 57 5 12 6 37 4 2 6 7 276
1740-9 E 58782 24443 1611 13689 8776 9436 321 321 576 483 1687 120125
N 184 81 7 44 23 24 1 1 2 2 5 374
1707-49 E 174819 51888 9347 18053 19406 44213 1928 2803 2534 859 2549 4639 333038
N 559 172 45 59 64 125 7 8 11 2 8 12 1082
1750-9 E 52158 11682 6967 8123 9797 578 607 303 911 723 481 92330
N 160 33 22 30 30 2 2 1 4 4 2 290
1760-9 E 54809 6320 16985 11814 16303 702 9732 1919 3715 295 701 123295
N 179 22 45 48 47 3 29 6 14 1 2 396
1770-9 E 54376 24789 29079 20986 15753 1461 3243 3241 1657 832 367 155784
N 155 64 83 62 39 5 15 9 7 2 - 3 444
1780-9 E 72481 38516 45480 42386 8374 4460 11652 10256 1720 1873 2524 239722
N 225 97 136 139 20 12 40 39 6 10 9 733
1790-3 E 26035 5420 11907 13192 2714 1330 5852 4376 544 797 230 72397
N 91 17 46 48 10 5 26 16 2 4 1 266
1750- E 259859 86727 110418 96501 52941 8531 31œ6 20095 8547 3502 1018 4303 683528
1793 N 810 233 332 327 146 27 112 71 33 16 5 17 2129
E +444 +444
N 1 1
1707- E 434678 138615 119765 114554 72347 52744 33014 22898 1H~1 4361 3567 9386 1017010
N 1369 405 377 386 210 152 119 79 44 18 13 40 3212
% 42,7 13,6 11,8 11,3 7,1 5,2 3,2 2,3 1,1 0,4 0,4 0,9 100,0
22
-_._.... - ~- -~----- -_._--_._- - - - - -.. _._-
23
La Sénégambie dans la traite atlantique du Ige siècle, Tableaux
Bayonne 1 1 0,3
Bordeaux 34œ 33 103,3 10 43 5,9 14,3
Brest 188 1 188 1 0,3 0,3
Dunkerque 96 1 96 1 2 0,2 0,7
Gorée 399 3 133 3 0,7 1,0
Honfleur 2504 11 227,6 3 14 4,4 4,7
La Rochelle 3539 17 208,2 1 18 6,2 6,0
Le Havre 8943 51 175,4 17 68 15,6 22,7
Lorient 25378 73 347,6 2 75 44,3 25,0
Marseille 40 1 40 1 0,1 0,3
Nantes 11956 53 225,6 10 63 20,8 21,0
Rochefort 331 4 82,8 1 5 0,6 1,7
Saint-Malo 549 3 183 3 6 0,9 2,0
24
La Sénégambie dans la traite atlantique du ISe siècle, Tableaux
Tableau 14 : Ùl traite francaise au 18e siècle: répartitions par âge et sexe (selon Mettas)
Extrait de Becker, « Les effets démographiques.... », tableau II, 5.
a)Âge
Ports Hommes Femmes Garçons Total Filles Nourrissons Total enfants Total
b)Sexe
Masculin Nombre % Féminin Nombre % Total
Bordeaux 354 55,2 2'07 44,8 641
Gorée 31 25.8 89 74,2 120
Honfleur 931 59.5 634 40.5 1 565
La RochelIe 184 63.2 107 36.8 291
Le Havre 2969 64.0 1 673 36.0 4642
Lorient 4883 77,5 1 419 22,5 6302
Nantes 954 60.2 630 39.8 1584
C) Nombre et pourcentage par âge et sexe (Totalisation. compte non tenu des 3 navires du Havre)
Hommes Femmes Garçons Filles Total
Nombre 8677 3931 1 175 675 14458
Pourcentage 60.0 27.2 8,1 4,7 100,0
25
La Sénégambie dans la traite atlantique du Ige siècle, Tableaux
Tableau 15 : La mortalité sur les navires négriers français selon MeUas. Répartition par ports et par décennies des Noirs embarqués et des morts
lors de la traversée (Noirs Embarqués 1 Noirs Morts)
Extrait de Becker, « Les effets démographiques.... », tableau II, 6.
Ports Bordeaux Gorée Honfleur La Rochelle Le Havre Lorient Nantes Rochefort Saint-Malo Total Pourcentage
Embarqués Fmbargués Embarqués Embarqués Embarqués Embarqués Embarqués Embarqués Embarqués Embarqués
Années Morts Morts Morts Morts Morts Morts Morts Morts Morts Morts
1700-9
1710-9 256/25 1401145 160/0 1107/363 14011289 43251722 16,7 %
1720-9 1360/54 6600/694 100/1 80601749 9,3 %
1730-9 9695/933 9695/933 9,6%
1740-9 220/30 4815/459 600/67 5635/556 9,9 %
1750-9 1508/358 40811135 5589/493 8,8%
1760-9 422/118 472/138 116/13 810/207 25,6%
1770-9 331140 509/87 551162 346/35 1737/224 12,9 %
1780-9 985/423 229/135 897/215 1895/151 1285/114 143/6 5434/1043 19,2 %
1790-9 278/6 200/98 478/104 21,8 %
Total 1407/541 256/25 2102/318 1608/285 5149/661 22618/2444 82341778 143/5 446/36 41963/5093 12,1 %
% 38,5 9,8 15,1 17,7 12,8 10,8 9,4 3,5 8,1 12,1
Pourcentages
Bordeaux Gorée Honfleur La Rochelle La Havre Lorient Nantes Rochefort Saint-Malo Total
1700-9
1710-9 9,8 3,2 0 32,8 20,6 16,7
1720-9 4,0 10,5 1,0 9,3
1730-9 9,6 9,6
1740-9 13,6 9,5 11,2 - - 9,9
1750-9 - 23,7 3,3 8,8
1760-9 28,0 29,2 11,2 25,6
1770-9 12,1 17,1 11,3 10,1 12,9
1780-9 42,9 59,0 24,0 8,0 8,9 3,5 19,2
1990-9 2,2 49,0 21,8
38,5 9,8 15,1 17,7 12,8 10,8 9,4 3,5 8,1 12,0
26
La Sénégambie dans la traite atlantique du Ise siècle, Tableaux
27
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle, Tableaux
Extrait de BECKER Charles & Victor MARTIN - 1974 - « Mémoire inédit de Doumet (1769) publié et
commenté par ... Le Kayor et les pays voisins au cours de la seconde moitié du Ige siècle ». Bulletin de l'IFAN,
B,36,1 : 75.
Zone de traite
Année Saint-Louis Gambie Total
Fleuve Gorée Saloum Total
Galam Petit-Côte Partiel Français Anglais
(*) Dans cette colonne figurent les chiffres globaux fournis par certains auteurs pour un ensemble de points de
traite, qui sont reliés par des tirets sur notre tableau. Ainsi le chiffre (b) correspond à la traite sur le fleuve
Sénégal, à Gorée et sur la Petite-Côte, sur le Saloum et la traite française sur la Gambie.
De même, le chiffre qui apparaît au milieu des deux colonnes « Gambie» (traite française et traite anglaise)
correspond au total des deux traites sur ce fleuve.
28
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle, Tableaux
Tableau 18 : Chiffres sur la traite des captifs au Kayor et au Baol au XVIIIe siècle
Extrait de C. Becker, « Kayor et Baol, royaumes sénégalais et traite des esclaves
au XVIIIe siècle », RFHOM, 226/227, LXII: 279-281
Dette avec Dette avec Dette Environs Environs Références
Année avec Damel Damel Damel Teefi Teefi de St-Lous de Gorée
Période Damel (a) -Teefi -Teefi (a) (a) (b) (c) (d)
fin 17e 500 en 1 an Labat, t IV, p. 232
début 18e 2-300 par an Ibid.
1701 321 en 12 jours Arch. dép. L.-A. C 739, 29.6.1702
1704 50 ? 300 ? Arch. dép. L.-A. C 740, 1704
1705 50 ? 100-150 ? Arch. nat., C63, 14.9.1705
1706 56 + Arch. nat., C6 3 et Bibl. nat, n.a.f. 9339
1716 110 + Arch. nat., C6 6, 6.6.1720
1718 366 Arch. nat., C6 14 (s.d.)
oct. 1719 80 Arch. nat., C65, 3.10.1719
déc. 1719 62 Arch. nat, C6 5 et 6
1720 31 31 Arch. nat., C6 6, 26.8.1720
août 8 + Arch. nat, C66, id.
sept. 1720 41 + 10 + Arch. nat., C66, 28.3.1721
déc. 1720 70 + 44 + 49 + 70 + Arch. nat, C6 6, id.
fin 1720 53 + Arch. nat, C66, id.
mai 1721 81 + 41 + 22 + 18 + Arch. nat., C6 7, 3.5.1722 (traite avec les Anglais)
déut 1722 Arch. nat., C67, 26.3.1722
mars 1722 70 + 24 Arch. nat., C67, 16.7.1722
mai 1722 95 + 28 + Arch. nat., C6 7, 3.5.1722
mars 1722 Damel envoie des esclaves en Gambie Arch. nat., C67, 3.5.1722
août 1722 62 + Arch. nat., C6 7, 27.8.1722
sept. 1722 49 + 43 55 + Arch. nat., C67, 28.12.1722
1722 300 ? 300 ? Arch. nat., C6 7, 1.6.1722
1723 500-600 captifs possibles par an avec Damel et Teefi Arch. nat., C67, 27.4.1723
juil. 1723 40 + Arch. nat., C67, 18.8.1723
1723 traite de 1723 avec Damel et Teefi très inférieure aux prévisions Arch. nat., C67, 18.12.1723
mars 1724 pas d'esclaves traités depuis six mois avec Damel et Teefi Arch. nat., C6 8, 28.3.1724
mai 1724 48 + Arch. nat., C68, 25.5.1724
juin 1724 19 + Arch. nat., C68, 18.6.1724
1725 50 ? 150 ? Arch. nat., C69, 21.7.1725
1725 difficulté de la lutte contre le commerce illicite des captifs Arch. nat., C69, 18.6.1725
janv. 1726 170 Arch. nat, C6 29, 26.1.1726
juil. 1726 107 40 + 41 Arch. nat., C6 10, 7.7.1726
janv. 1731 16 + Arch. nat., C6 10, 6.9.1731
août 1732 4 + (une centaine de captifs promis par Damel) Arch. nat., C6 10, 23.8.1732
juil. 1733 40 + Arch. nat, C6 10, 12.7.1733
1736-1737 135(1 an) Arch. nat, C6 11,31.5.1737
29
•
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle, Tableaux
1737 Damel-Teeii n'a rien traité de l'an et convoque les Anglais Arch. nat., C6 11, 20.5.1737
juin 1737 30 + Arch. nat., C6 11,4.7.1737
juil. 1737 38 + Arch. nat., C6 11, 2.8.1737
1737-1738 Damel-Teeii n'a vendu que 95-100 esclaves en 1 an aux Français Arch. nat., C6 11,4.7.1738
1738-1741 130 par an 220-250 par an Arch. nat., C6 27 bis, p.91 (Pruneau de Pommegorge)
1738-1741 Gorée a fourni plus de 300 esclaves pendant 2 ans Arch. nat., C6 12, 30.7.1741
1741 Gorée a fourni son chiffre habituel durant l'année Arch. nat., C6 12, 30.7.1741
1741 6 + (vendus aux Anglais à Portudal) Arch. nat., C6 13, 29.7.1751
juin 1741 50 + Arch. nat., C6 13, 30.6.1751
début 1752 42 + Arch. nat., C6 13, 24.2.1752
début 1753 50 + (vendus aux Anglais) Arch. nat., C6 14, 10.2.1753
janv.-juin 1753 400 esclaves vendus aux Français dans l'année: Arch. nat., C6 14, 20.6.1753
ce serait le plus gros chiffre réalisé par un Damel-Teeii avec les Français
oct. 1753 100 esclaves traités à Gorée, après une guerre entre Kayor et Sine Arch. nat., C6 14, 25.10.1753
1753 500 Arch. nat., C6 14, 25.10.1753
juil. 1753/juil. 1754 540 Arch. nal, C6 14, 11.7.1754
1754 plus de 500 esclaves vendus par Damel-Teeii après une guerre civile Arch. nal, C6 27bis (Pruneau de Pommegorge)
janv.-juiL1754 400 350 Arch. nat., C6 14, 11.7.1754
1754 Nombreux réfugiés du Kayor vendus par Brak à Saint-Louis Arch. nat., C6 14, 3.6.1754
1754-1755 600 500 Arch. nat., C6 14,31.7.1755
1756 Très fortes traites suite aux guerres entre Kayor et Baol Arch. nat., C6 14, 16.10.1756
1757-1758 Buurba Birayamb, devenu roi du Kayor, refuse de vendre des esclaves, au nom de l'islam
et n'achète pas d'alcool P.R.D, C.D. 267/12, 31.3.1758
1763 et suiv. 60 par an 250 par an Arch. nat., S.D.M., D.P.C., Gorée 80 (Doumet)
300 possibles avec Damel Id.
1765 130-1507 300-4007 Arch. nat., C6 23, mémoire s.d.
v. 1765 100-150 par an P.R.D., C.D. 388/52, 17.2.1765
1766 1007 Arch. nat., C6 15. mémoire s.d.(v. 1766)
1774 80 + (enlevés par les Anglais) Arch. nat., C6 17, 24.7.1774
1775et suiv. 2 à 300 par an Arch. nat., C6 29, (Le Brasseur)
1775 Nombreux esclaves vendus à Saint-Louis. les Maures ont fait 8000 captifs chez Brak
en moins de six mois, dont beaucoup de réfugiés du Kayor Arch. nat., C6 18 (Sat... 1788 7)
1776 300 7 Arch. nat., S.D.M., D.P.C., Gorée 97 (Le Brasseur)
1776 170-200 avec Damel-Teeii possibles Arch. nat., S.D.M., D.P.C., Gorée 100 (Le Brasseur)
1778 50-807 50-807 Arch. dép. L.-A. C 739
v. 1778 100 par an Arch. nat., C6 17, 5.3.1778
v. 1784 5 à 600 par an Arch. nat., S.D.M., D.P.C. Sénégal 82, 2.8.1784
1784 120 7 Arch. nat., S.D.M., D.FC., Sénégal 80, 18.11.1783
1786 600 300 Golberry, t. II, p. 27 et 205
1787 250 7 250 7 Arch. nat., C6 19, 24.1.1787
N.B. Les chiffres des diverses colonnes du tableau concernent les traites respectives avec Damel, Damel-Teefi et Teeii, ainsi que les dettes respectives de ces divers souverains.
Les trois colonnes « Dette» (a) donnent des chiffres concernant l'endettement des souverains respectifs. En effet le système commercial consistait à accorder parfois des prêts
de marchandises équivalents à la valeur d'un certain nombre de captifs, prêts que les souverains s'engageaient à rembourser avec des captifs. les chiffres de ces colonnes
30
La Sénégambie dans la traite atlantique du 18e siècle, Tableaux
indiquent donc le nombre de captifs à livrer par les divers rois, en échange des marchandises prêtées par les traitants. Le nombre seul indique le total de la dette d'un souverain,
alors qu'un nombre suivi du signe + signifie une dette contractée au cours d'une traite.
Les chiffres des deux dernières colonnes, (b) Environs de Saint-Louis, et (c) Environs de Gorée, concernent les traites effectuées aux environs de Saint-Louis, avec le Walo, le
Kayor et le Fouta (b), et aux environs de Gorée, avec le Kayor, le Baol et le Sine (c).
Le signe +, suivant le nombre d'esclaves traités avec un souverain, indique que les captifs ont été fournis au cours d'une seule traite. Les signe? suivant un chiffre signale
qu'il s'agit d'estimations ou de possibilité de traite avec un ou plusieurs souverains.
Le système de références (d) a été simplifié, mais permet de retrouver les textes cités. Les documents mentionnés ici seront utilisés et présentés en détail dans un prochain
article sur le Kayor et le Baol au XVIIIe siècle, avec les références plus complètes. Pour les abréviations:
Arch. nat., C6 = Archives nationales, documents des cartons de la série Colonies C6.
Bibl. nat., n. aJ. = Bibliothèque nationale, Département des Manuscrits, nouvelles acquisitions françaises.
Arch. nat., S.a.m. = Archives nationales, section Outre-mer; D.F.C. = Dépôt des Fortifications des Colonies.
Arch. dép. L.-A. = Archives départementales de la Loire-Atlantique.
p.R.a, c.a. = Public Record Office, Colonial Office (Documents communiqués par M.B. Barry).
Labat = Nouvelle relation de l'Afrique occidentale, Paris, Cavelier, 1728.
Golberry = Fragmens d'un voyage en Afrique,fait pendant les années 1785, 1786 et 1787... , Paris, an X (1802).
31
Traite Kayor et 8aol
Données numériques
Les sources écrites sont fort lacunaires pour le Kayor et le Baol. Il est possible de fournir
des chiffres assez précis quant à l'ensemble des captifs embarqués à Saint-Louis et à Gorée 1, mais
il s'avère beaucoup plus difficile de déterminer leur provenance et l'apport exact de chaque
royaume concerné.
Le tableau suivant propose une récapitulation des données concernant le Kayor et le Baol. On
note que:
1) Une moyenne établie à partir des chiffres mentionnés permet d'estimer à 200-300 le nombre
des esclaves vendus par an, aux traitants français, par les chefs du Kayor et du Baol. Cependant les
traites les plus fortes ont rapporté plus de 500 captifs aux Français, en une seule année. On note
également un certain nombre d'interruption des ventes de Noirs, dont les causes étaient, d'après
les sources écrites, les guerres livrées par les souverains.
2) D'après les indications françaises, on peut supposer que le commerce anglais a réussi à
détourner des esclaves, soit par l'intermédiaire des interlopes envoyés à Portudal (comptoir
principal du Baol), soit aux établissements anglais de Gambie, ou de Saint-Louis pendant
l'occupation britannique (entre 1758 et 1779).
3) Un commerce illicite des esclaves, signalé par un document de 1725, a existé. Il n'est
pratiquement pas possible de chiffrer l'importance de ce trafic qui n'a peut-être pas été réprimé
avec vigueur en raison des complicités unissant les capitaines et les agents des compagnies
françaises.
l Les travaux de J. Mettas, sur les mouvements des navires négriers français à la côte d'Afrique, donneront un
éclairage exact sur la question du nombre des esclaves embarqués à Saint-Louis et Gorée par les Français. Des
chiffres sur la traite sénégambielUle au XVIIIe siècle sont dOlUlé, dans notre commentaire d'un mémoire œ
Doumet, « Mémoire inédit de Doumet », publié et commenté par C. Becker et V. Martin, B.I.F.A.N., t.
XXXVI (1974), sér. B, n° 1, n.64, p. 68-83.
Traite Kayor et Baol
4) L'achat et la revente des esclaves au Kayor et au Baol, par les mulâtres et métis, est un
phénomène qui échappe presque entièrement à la quantification. Les commerçants locaux
pratiquaient l'achat des captifs à l'intérieur des terres ou aux comptoirs mêmes, et revendaient
ensuite une bonne partie des esclaves aux Compagnies. Les Anglais ont encouragé ce système de
traite plus que les Français; ils ont cherché à s'entourer de véritables courtiers pour favoriser le
trafic avec les royaumes sénégambies 1. Un certain nombre de Noirs achetés et vendus par les
mulâtres provenait sans doute du Kayor et du Baol.
5) Au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, les traitants français ont accepté, souvent à
contre-coeur, l'endettement des rois du Kayor et du Baol, qui empruntaient des marchandises à
rembourser en esclaves. Ces prêts ont eu une réelle importance jusqu'au milieu du siècle. Pour
plusieurs traites, les documents distinguent esclaves « remboursés », esclaves « traités» et esclaves
« prêtés» : le nombre de ces derniers a excédé le nombre des esclaves effectivement livrés au
cours de certaines ventes, et le remboursement partiel était parfois conditionné par l'octroi
d'avances plus importantes. Par ailleurs, l'endettement des souverains était considéré comme
héréditaires par les commerçants français: au décès de Latsukabé en 1720, sa dette est partagée
entre ses deux successeurs. Plusieurs rois ont contesté cette imputation des dettes de leurs
prédécesseurs et arrêté temporairement le commerce de ce fait.
6) Bien que l'origine exacte des esclaves ne soit pas toujours mentionnée, il apparaît cependant
que les captifs traités représentaient:
• des prises lors de guerres civiles;
• des prises lors de guerres avec les royaumes voisins;
• des prises au cours de razzias contre des provinces insoumises ou, surtout, dans les pays peuplés
par 1es Serer ;
• des captifs vendus au cours de certaines périodes de famine.
Il semble que de nombreux captifs, pris au cours des guerres et des razzias, n'ont pas été
vendus et ont été intégrés dans la société du pays vainqueur; d'autres ont été vendus aux
Européens immédiatement après leur capture, ou peu après. Les rapports spécifiques des traitants
avec le Kayor et le Baol, dus à la nécessité du ravitaillement des comptoirs, ont entraîné de
fréquentes ruptures de traite et ont contribué au renforcement numérique des captifs dans la
société wolof ~
(pages 277-283).
1 Voir le « Mémoire inédit de Doument », op. cit. n.9, p.43, et n.75, p. 85. Néanmoins les Français ont
également cherché à utiliser des courtiers. Ainsi les «Observations sur l'Isle de Gorée », données par
Rocheblave à son successeur Boniface en 1772, soulignent qu'on a besoin des habitants de Gorée « pour aller
chercher les captifs comme des lévriers» et pour éviter que les Maures n'aillent les livrer aux Anglais à Saint-
Louis; Arch. nat., Col., C6 16.
2 a. la 3e partie de cet article. Des inventaires détaillés, que nous avons déjà réalisés sur plus d'une centaine de
villages du Kayor et du Baol et qui sont confinnés par les sondages effectués dans la plupart des autres localités,
manifestent d'une manière absolument indiscutable l'importance des captifs dans la société rurale de ces deux
pays.
2
La population de Gorée en 1758
13 9 1 46 69
1
La population de Gorée en 1758
25 18 5 109 157
2
La population de Gorée en 1758
3
Les plans de Oorée de Michel Adanson
Dans un récent numéro du Bulletin de l'lFAN, nous avons publié des Mémoires d'Adanson sur le
Sénégal et l'île de Gorée (t. 42, sér. B, n04, p. 722-779). En note 7, p. 770, nous avons signalé
l'existence de plans de Gorée qui se trouvent dans le carton des manuscrits d'Adanson, et dont
certains devaient servir d'illustration à ces Mémoires. nous présentons ici ces documents en
renvoyant à l'introduction et aux commentaires des Mémoires, où sont fournies diverses
précisions sur les travaux scientifiques d'Adanson.
Dix-sept plans de l'île de Gorée figurent en particulier dans ce carton. Il s'agit de plans, de
croquis plus ou moins détaillés, de propositions en vue des fortifications, et surtout de projets
d'aménagement de l'île. Ces esquisses sont dues à Adanson lui-même et à Andriot, ingénieur qui
séjourna à Gorée de 1755 à 1758 et qui y effectua des observations scientifiques pour Adanson
dont il fut un proche collaborateur. Au terme du séjour d'Adanson au Sénégal (1749-1754),
Andriot poursuivit la collecte de renseignements à Saint-Louis d'abord, puis à Gorée. il rentra
sans doute en France après la prise de Gorée par les Anglais le 29 décembre 1758, avec des notes
qu'il communiqua à Adanson.
Il semble que la plupart des plans aient été réalisés après la prise de Gorée en 1758, et quO ils aient
été pour la plupart dressés et proposés aux autorités lors de la reprise de possession française en
1763, pour servir à l'aménagement de l'île. Cependant la documentation utilisée à ce moment -
probablement des levés effectués auparavant sur place et déjà consignés par écrit - date sans doute
de l'époque où les deux auteurs ont séjourné sur place.
Les croquis sont inégalement élaborés. on trouve quelques tentatives de cartographie des contours
de l'île dont les positions géographiques et les dimensions exactes ont été déterminées par
Adanson. On relève aussi des représentations de l'état de Gorée en 1758, enfin et surtout des
projets pour l'urbanisation, la distribution des terrains et des concessions: les propositions
tiennent en général compte de la nécessité d'assurer la défense de l'île, et tracent ainsi les
fortifications prévues, les lieux de casernement et les points d'implantations des canons.
Une étude approfondie de l'ensemble de ces plans reste à faire par un historien de Gorée. Il serait
nécessaire de les comparer aux autres cartes conservées dans les divers dépôts français. en
particulier dans le Dépôt des Fortifications des Colonies (Archives de France, Section Outre-Mer),
et dans les ouvrages publiés aux XVIIIe et XIXe siècles, pour constater quelle suite a été réservée
aux suggestions d'Adanson et d'Andriot. On peut néanmoins signaler dès à présent que les plans
de la fin du XVIIIe siècle manifestent que certaines propositions ont été retenues.
Le deuxième est un « Plan pour la distribution du terrain» qui est dO à Andriot. Il comporte un
projet architectural pour les bâtiments du gouvernement, ainsi qu'une vue de profil de Gorée,
avec le fort et le gouvernement prévu.
Le troisième est une reprise du plan précédent par Adanson, qui change l'emplacement des
bâtiments de la montagne, modifie un peu les fortifications et la disposition des parcelles.
Adanson précise que ce serait un « bon plan d'après celui de M. Andriot ». La vue de profil est
assez précise et montre en particulier la nouvelle place suggérée pour le Gouvernement et le Fort
Saint-François vers le nord de l'île.
La traite au cours du XVIII" siècle en Sénégambie
Cette période a été étudiée par Delcourt qui cite très peu de chiffres sur la traite des esclaves et ne
donne pas de tableaux comparatifs sur les valeurs respectives de la gomme et des captifs traités sur
le Sénégal. Néanmoins, ces tableaux existent puisque Cultru en donnait déjà deux dans son
ouvrage de 1910. Or ils insistent sur la primauté du trafic négrier, ainsi que le souligne très
fortement. A. Ly dans sa recension de l'ouvrage de Delcourt: A propos d'un événement: La
France et les établissements français au Sénégal entre 1713 et 1763, de M. Delcourt (Bull. !fan,
1952, n0 4, p. 1560-1580).
La traite au cours du XVIIIe siècle en Sénégambie
2
La traite au cours du XVIIIe siècle en Sénégambie
Citant ces chiffres, Cultru est bien obligé de reconnaître la prépondérance des esclaves
dans le commerce d'exportation, mais insiste dans son commentaire sur les possibilités de la traite
de la gomme. Bien qu'il s'agisse de prévisions, on doit reconnaître que la traite des Noirs était
considérée comme la traite la plus fructueuse au Sénégal.
Cultru fournit une autre pièce précieuse, à savoir le compte-courant entre Compagnie des
Indes et département du Sénégal entre octobre 1726 et octobre 1730, qui fait apparaître la place
des esclaves dans le commerce du Sénégal. Au cours de cette période, les prévisions de 1723
n'ont pas été atteintes, mais néanmoins la part des esclaves a été largement supérieure à celle de
toutes les autres marchandises réunies. Ainsi la vente de 700 esclaves introduits à Saint-Domingue
a produit: 319600 livres, alors que le produit total de la vente des marchandises reçues du
Sénégal en ces quatre années a représenté 476389 livres, 19 sous, 4 deniers. Dans ces comptes, le
poste des captifs s'élevait donc aux 2/3 du total (Cultru, ouvr. cit., p. 204). A juste titre, A. Ly
commente .« La Compagnie est fortement engagée dans le trafic négrier» (art. cit., p. 1569). Il
serait intéressant de savoir pourquoi le nombre des captifs traités au cours de ces quatre années a
été si faible, beaucoup plus faible qu'au cours de la décade suivante en tout cas.
Des chiffres approximatifs sur la traire sénégambienne sont fournis par Labat, au long des
cinq volumes de la Nouvelle Relation de l'Afrique occidentale. Cependant ils sont difficiles à
interpréter, car Labat est imprécis quant à la date correspondant aux différentes données.
Néanmoins ils confirment la prépondérance de la traite des esclaves au Sénégal. Si les chiffres
exacts manquent pour le pays des Maures, le Fouta sénégalais et le Haut-Sénégal, par contre, ceux
des autres pays sont assez éloquent. Ainsi à Gorée, la traite avec le roi du Kayor procurait 200 à
300 captifs, mais en une année exceptionnelle, le nombre s'est élevé à 500 (ouvr. cil., t. IV, p.
232). Joal en donnait annuellement près de 200 (t. IV, p. 243). Le Saloum pourrait en fournir 7 à
800 si on ouvrait un comptoir à Kahone (t. IV, p. 248). La Gambie fournissait beaucoup de
captifs; elle en a livré 3 600 de janvier à juin 1699 (t. IV, p. 298); la France en tirait
annuellement 4, 5 ou 600s (t. V, p. 323), en plus de la traite anglaise. Ainsi, selon Labat, la traite
annuelle française des captifs pour les comptoirs de Gorée, Joal et Gambie atteignait entre 800 et
1 100 pièces d'Inde, auxquels il faut ajouter le chiffre de Saint-Louis et du fleuve Sénégal. Les
chiffres donnés par Labat pour la traite de la gomme nse sont pas assez précis pour permettre une
estimation valable (t. 1, p. 197, 300 et ss, 246-250).
Pour les années 1732-1740, A. Delcourt cite un « État des noirs chargés au Sénégal », par
année et par bateau, et donne le montant des captifs au Sénégal et leur prix de vente aux Iles (AF,
C6, 12, dans A. Delcourt, ouvr. cit., p. 398-400). On peut résumer les données de ce document
par le tableau sui vant :
Signalons une erreur dans ce tableau fourni par Delcourt: le total du montant des Noirs
au Sénégal s'élève, d'après les chiffres annuels, à 3 090564 livres, 6 sols, et non à 3 161 171,3
sols.
Le texte de ce document, tel qu'il est donné par Delcourt, ne note pas la valeur des autres
marchandises exportées au cours de la même époque, mais laisse toutefois supposer que les plus
3
La traite au cours du XVIIIe siècle en Sénégambie
gros bénéfices ont été réalisés sur la vente des esclaves qui était considérée comme le plus
important produit. Comme le remarque A. Ly, dans ce tableau (De1court, ouvr. cit., p. 388-400)
« n'apparait nulle part que le commerce de la gomme draîne un pactole dans les caisses de la
Compagnie. Loin de là... » A. Ly, art. cit., p. 1570)
Une pièce de 1734, intitulée « Règlement concernant la concession du Sénégal », (AF. C6,
11, cité par Sainville, ouvr. cit., p. 83) contient un tableau comparatif des différentes traites qui
prouve la primauté des esclaves, mais aussi le caractère partiel des chiffres annuels avancés par le
précédent « État des Noirs chargés au Sénégal ». Selon ce texte, les diverses traites devaient
fournir:
Une pièce importante, due à Pruneau de Pommegorge, qui nous a été signalée pa G.
Thilmans, confirme que les chiffres du tableau décennal de De1court sont bien en deça de la
réalité. 11 s'agit d'un manuscrit daté de 1752, mais qui fournit des précisions sur la traite
sénégambienne vers 1735-1740 (AF, C6 27 bis). Un état du commerce du Sénégal fournit les
chiffres suivants pour les établissements du Sénégal, y compris le fort Jacques en Gambie: en
1736, 1985 esclaves traités, en 1737, 1995, en 1738, 2353, en 1739, 2207. Pour ces quatre
années les chiffres du tableau donné par Delcourt ne sont que de 670, 1 207, 869 et 1 195 ; ce
sont probablement des données partielles que Pruneau a complétées.
Pruneau signale également que la traite du fleuve rapportait en année ordinaire 1 400 à 1 500
captifs, mais pouvait monter jusqu'à 1 600-1 700. A Gorée on traitait de 220 à 250 esclaves, mais
Pruneau lui-même y a acheté au délà de 300 pendant deux années consécutives.
Dans sa description de la Nigritie (Paris, Maradan, 1789), Pruneau ne donne que quelques chiffres
partiels: 200 à 300 captifs annuels à Gorée (p. 102), avec un maximum de 500 captifs achetés en
un seul jour à Damel (p. 102-103), 200 captifs sur la Gambie où la traite anglaise était beaucoup
plus importante (p. 127).
Un mémoire sur le commerce de la concession du Sénégal, de 1745 (AF, c6, 12, cité par
Sainville, ouvr. cit., p. 85) donne des chiffres annuels approximatifs: 150 esclaves sont traités à
Saint-Louis, 250 à Gorée, 1 000 à 1 600 à Galam, alors que la vente est suspendue sur la Gambie
qui en procurait 500 à 600 par an. Selon ce document, la quantité de gomme traitée s'élevait à
1 100 milliers.
Plusieurs documents signalent l'accroissement de la traite des gommes jusqu'en 1746, où
elle atteint 1 300 tonneaux, soit 2600000 livres (AF, C6, 14, Mémoires sur le consession du
Sénégal de 1762, qui donne les chiffres officiels de la Compagnie et se trouve cité par Cultru,
ouvr. cit., p. 249; C6, 14, Extraits au commerce de la gomme, cité par Sainville, ouvr. cit., p. 86,
qui donne le chiffre maximum de 1350 tonneaux et signale que la plus grande partie de la traite
de 1 746 fut détruite dans les mauvais magasins de la Compagnie, ce qui entraîna, dès l'année
suivante, une diminution de moitié dans les achats de gomme; en 1750 on ne traita que 200
tonneaux de gomme et, en 1757, le chiffre était à peine remonté à SOO tonneaux).
Comme le montre A. Ly, l'importance accordée par la Compagnie des Inges à la gomme
au cours de la première moitié du XVI1Ie siècle vient du fait que le monopole du trafic négrier lui
échappait en fait:
«Entre 1720 et 1760, s'est déroulée une « guerre de la gomme». Soit. mais cette guerre se
présente comme un épiphénomène. Elle tend à instituer un monopole - celui de la gomme - en
remplacement d'un autre monopole - le monopole négrier - tombé pour des raisons tenant à
l'organisation de la Compagnie et, davantage, aux caractère du marché sénégalais et au rapport de
forces créé au début du siècle dans le commerce colonial et qui, dans la période étudiée par
4
La traite au cours du XVIIIe siècle en Sénégambie
M. Delcourt, est déjà en faveur de l'armement particulier (tenant du libéralisme négrier) sur le
plan national et sur le plan internation ». (art. cit., p. 1572-1573).
II apparaît toutefois évident, à partir des documents ici présentés - que nous compléterons
ultérieurement - que la traite des esclaves a tenu, tout au long de ces 50 années, une place
importante dans les opérations de la Compagnie. les esclaves ont, en tout cas, été largement en tête
des exportations françaises à la côte de Sénégambie.
Pour cette période, nous avons recueilli un bon nombre de renseignements dans les pièces du
D.F.e. et dans les ouvrages assez nombreux de l'époque. Tantot ces documents fournissent des
chiffres précis sur les captifs achetés au Sénégal, tantot ils donnent des estimations et des
prévisions.
Rappelons, d'abord le contexte sénégambien pendant ce demi-siècle. Possessions françaises
jusqu'en 1758, Saint-Louis et Gorée tombent entre les mains des Anglais à cette date. Gorée sera
restituée, avec ses dépendances, à la France en 1763, alors que Saint-Louis sera conservée par
l'Angleterre jusqu'en 1779. A cette date, Gorée est reprise pour quatre ans par les Anglais
jusqu'en 1783. Saint-Louis et Gorée appartiendront à la France jusqu'au début du XIXe siècle,
malgré une attaque de Gorée par les Anglais en 1796. Par ailleurs, le commerce du Sénégal a été
troublé par suite de la guerre d'indépendance de l'Amérique (1775-1783) et de la Révolution
française qui aboutit à une suppression provisoire de l'esclavage, en 1794, et provoqua, de
manière générale, une chute, brutale du commerce colonial.
Golberry donne une description générale du commerce des esclaves et y résume en particulier les
aléas de cette traite au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il souligne ainsi que le
commerce français des captifs a commencé à partir de 1665 et a connu des développements
considérables au XVIIIe siècle. Il a été un peu moins important pendant la guerre
d'indépendance de l'Amérique, mais, à la paix de 1783, il a repris « avec une insatiable ardeur ».
Citant les chiffres généraux pour la côte d'Afrique, Golberry précise:
« Entre 1765 et 1785, l'exportation des individus, débités par les comptoirs européens répandus
sur ces côtes, a été estimée à soixante mille captifs par an et les exportations de 1786 et de 1787 se
montèrent à plus de soixante et dix mille têtes de noirs pour chacune de ces deux années... Un
rapport fait sur la traite des captifs en 1790 par le conseil privé du roi d'Angleterre et ensuite par
la chambre des communes, nous apprit que pendnat les années 1787, 1788 et 1789, les Européens
avaient exporté d'Afrique, près de quatre vingt mille nègres par an ». (ouvr. cit., 1. II, p. 332-334).
Les chiffres fournis ci-dessous, au sujet de la traite sénégambienne pendant la seconde moitié du
XVIIIe, montrent assurément que l'analyse générale de Golberry vaut pour le cas particulier du
Sénégal. Par ailleurs, si l'on en croit les chiffres avancés par Goi berry: 8 000 captifs traités en
1786 dans la Sénégambie, sur un total européen de 70 000 pour toute la côte d'Afrique, on est
obligé de constater que la traite sénégambienne était loin d'être négligeable et représentait plus de
10% du total.
Le tableau ci-dessous donne les indications sur la traite des esclaves, de 1750 à 1799, sur la
côte de Sénégambie. Les chiffres de la traite casamançaise n'apparaissent presque jamais dans les
documents et sont intégrés au chiffre global réalisé par les « comptoirs du Sud », c'est pourquoi
nous nous limitons à la traite entre les fleuves Sénégal et Gambie.
a) AF, 8, 60, Code historique du Sénégal de Moreau de Saint-Mery qui cite un mémoire de 1758
sur le commerce du Sénégal. Selon ce document, les dix comptolfs français - dont neuf se
trouvent en Sénégambie (Saint-Louis, Podor, Galam et Farbana sur le Sénégal; Gorée; Rufisque,
Sali et Joal sur la Petite-Côte; Albréda sur la Gambie; seul le comptoir de Bissao se trouve au
sud) - procuraient par an 1 500 à 2000 esclaves. avant 1758. Les autres produits d'exportation
étaient: 150 à 300 marcs d'or, 12 000 à 30 000 quintaux de gomme soi t 600 à 1 800 tonneaux,
120 à 300 quintaux de morphil ; le produit des reventes de la Compagnie oscillait entre 4 et 7
millions. la moyenne se situatnt à 5 millions et demi par an.
Il est curieux que le «Mémoire d'Adanson », de 1763, cité par Cultru (ouvr. cit., p. 249)
donne des chiffres identiques, sauf pour la gomme dont la quantité aurait varié entre 12000 et
15000 quintaux seulement. Le même mémoire d'Adanson (AF, C6, 15) est mentionné par
Sainville (ouvr. cit., p. 87), avec les chiffres du texte de Moreau de Saint-Mery.
Cependant les chiffres de la gomme semblent trop forts. En effet, comme on l'a relevé plus haut,
les exportations de gomme ont connu une chute après 1746; selon le document de 1757 précité
5
Ul traite au cours du XVllle siècle en Sénégambie
(Extraits relatifs au commerce de la gomme, AF, C6, 14), 200 tonneaux de gomme seulement ont
été traités par les Français en 1750, et en 1757, la traite de cette marchandise a été portée à 500
tonneaux, soit 10 000 quintaux.
Une autre pièce, dont les données assez imprécises ne figurent pas dans notre tableau,
renseigne également sur la période précédant la prise de Saint-Louis par les Anglais en 1758.
C'est un mémoire anonyme et non daté, rédigé, par une personne qui passa plusieurs années au
Sénégal et en revint en 1758 (AF, C6, 15, selon Sainville, ouvr. cit., p. 87). Selon ce texte, les trois
zones de traite du Aeuve auraient respectivement rapporté:
Zone de traite
Année Saint-Louis Gambie Total
Fleuve Gorée Saloum Total
Galam Petit-Côte Partiel Français Anglais
(*) Dans cette colonne figurent les chiffres globaux fournis par certains auteurs pour un ensemble de points de
traite, qui sont reliés par des tirets sur notre tableau. Ainsi le chiffre (b) correspond à la traite sur le fleuve
Sénégal, à Gorée et sur la Petite-COte, sur le Saloum et la traite française sur la Gambie.
De même. le chiffre qui apparaît au milieu des deux colonnes « Gambie» (traite française et traite anglaise)
correspond au total des deux traites sur ce fleuve.
- Sénégal - Saint-Louis: 800 quintaux de gomme, vendus pour 1 440 000 livres, 300 captifs pour
400 livres pièce (soit 120000 livres, sans doute en prix d'achat), 50 marcs d'or à 80 livres, soit
40 000 livres. Le total de cette traite aurait atteint une valeur de 1 878750 livres.
- Podor: 36000 livres de Nègres (90 esclaves ?), 20000 livres d'or, 16750 livres en morphil,
tabac et mil.
- Galam: 1 500000 francs de Nègres (francs ou livres ?) et 56 000 francs de poudre d'or.
Ces chiffres, que nous citons sous réserve d'une vérification à partir du document original
(les chiffres de Galam sont-ils en francs ou en livres? n'y a-t-il pas de chiffres pour les autres
escales du fleuve, pour l'escale du désert en particulier? Les sommes représentent-elles des prix
d'achat ou de vente ?), permettraient de conclure que les esclaves constituaient le produit
principal de la traite sur le fleuve et que le fort contingent de captifs amenés de Galam dépassait
en valeur la gomme traitée dans les Bas- et Moyen-Sénégal où les esclaves achetés étaient assez
peu nombreux. •
6
Ùl traite au cours du XVllle siècle en Sénégambie
b) AFOM, D.F.c., Sénégal, 44. Mémoire du 3 juin 1761, qui plaide pour une mise en valeur
agricole du Sénégal. L'auteur anonyme minimise les chiffres de la traite des esclaves pour les
besoins de sa démonstration; selon lui, la Compagnie des Indes n'aurait traité par an que 8 à 900
captifs du Sénégal, alors que les Anglais en tiraient 400 de la Gambie. Tous les chiffres cités
précédemment sont opposés aux données de ce texte concernant le nombre des esclaves traités en
Sénégambie avant 1758.
c) AF, C6, 14, Lettre du Conseil supérieur du Sénégal à la Compagnie, du 20 juin 1753 (citée par
B. Barry, ouvr. cit., p. 195). Selon ce document, le seul Damel a vendu 400 esclaves en 1753.
AF, C6, 14,25 novembre 1753 (cité par B. Barry, ibid., p. 196). Ce texte précise qu'en novembre
1753, «le manque de vivres a empêché le sieur Ansseno de traiter plus de 100 captifs qui lui ont
été présentés par les rois du Cayor et du Sin qui sont en guerre ».
Ainsi la traite a fourni au moins 500 captifs qui ont été achetés à Gorée, à Saint-Louis et à
la Petite-Côte, auprès des rois du Sine et du Kayoc. Manquent les captifs traités par les souverains
du Wa10, d'u Dyolof, du Fouta, du Baol et du Saloum, ainsi que ceux de Galam et de la Gambie.
n importe de remarquer ici que des guerres incessants ont déchiré la Sénégambie au cours de la
seconde moitié du XVIIIe siècle. L'âpre compétition pour le pouvoir à l'intérieur des pays et les
innombrables conflits entre les divers royaumes - événements dont la tradition orale se fait l'écho
et que les sources écrites confirment amplement - ne s'expliquent que dans le contexte de la traite
négrière. Nous aurons à le souligner dans notre prochaine étude sur les rois du Kayor et du Baol
au XVIIIe siècle.
On sait qu'en 1753, année où 500 captifs furent vendus par les deux seuls rois du Kayor
et du Baol, la guerre civile déchirait le Kayor et que les esclaves vendus représentaient des prises
de guerre. Un mémoire d'Estoupan de la Brue, du 3 juin 1754, montre qu'à la suite des guerres
et d'une famine généralisée, le nombre des captifs traités a été considérable:
«Nous avons traité à Gorée beaucoup plus de captifs que nous n'avions lieu d'espérer et
beaucoup plus même qu'on en a jamais traité dans le bas de la concession ».
De nombreux réfugiés affluèrent dans le Wa10 dont le souverain « s'est saisi de tous ces
misérables et nous les a vendus» (AF, C6, 14, document communiqué par B. Barry).
Les guerres se poursuivirent jusqu'à l'époque de Doumet, dont le mémoire parle de
plusieurs batailles où le Damel fut opposé à des prétendant et des rois voisins. Elles continuèrent
par la suite. Il semble en tout cas évident que les royaumes du Walo, du Kayor, du Baol, du
Dyolof et du sine ont fourni au moins 500 captifs par an. Il faut ajouter à ce chiffre celui de la
traite avec les Maures, en Ga1am et sur le Moyen-Sénégal, sur la Gambie.
d) AF, F3. 62. Mémoire concernant la concession générale du Sénégal, de 1762. Ce document
estime les possibilités des divers points de traite: Gorée et la Gambie pourraient fournir 450
captifs. le comptoir de Podor, 450 île de Bilbas (N. B., d'après les anciennes cartes, le comptoir de
Bilbas se situait aux environs du village actuel de Thilogne), 3.50, embouchure de la Falémé,
1300, Falémé, 600. soit en tout 3000 esclaves.
Dans ce même document, la gomme est mentionnée comme exportation secondaire, tout comme
l'or de Galam et de Bambouk.
e) AFOM , Sénégal et Dépendances, IV, 24 a. Ce dossier contient une pièce intitulée
« Renseignements sur les nouvelles découvertes faites en Afrique et sur les moyens les plus
convenables pour y faire la traire des Nègres» qui daterait de 1766 environ. Pour l'ensemble des
Dépendances de Gorée. l'auteur propose un chiffre de 15 000 esclaves qui pourraient être traités.
Ce chiffre, très élevé, ne distingue pas la traite sénégambienne et celle effectuée dans les rivières
du Sud. A ce moment, le comptoir de Saint-Louis achetait peu d'esclaves, car les guerres étaient
moins nombreuses. Par contre, le roi du Saloum « peut fournir annuellement au moins 800
captifs» ; sont « défaut de probité le fait redouter des Européens, lorsqu'ils traitent avec lui et le
met dans le cas d'avoir très souvent la guerre avec ses voisins Quelque formidables que soient les
armées des rois voisins de celui de Salum. celui-ci remporte communément la victoire. Plus à
portée que les autres pour voir les Européens, il a pris d'eux les connaissances dans l'art de la
guerre. Chaque année des exploits lui procurent une prodigieuse quantité de captifs ». Notons que
le roi du Saloum traitait surtout sur la Gambie. L'utilisation de ce document reste délicate, car
nous ne savons pas la date exacte de sa rédaction, qui pourrait être postérieure à 1766.
j) AFOM, D.F.C., Gorée, 80. Ce sont les chiffres du mémoire de Doumet ici publié, qui insiste sur
les difficultés de la traite après la reprise de Gorée. Ces données concernent uniquement le
comptoir de Gorée et ceux de la Petite-Côte.
7
La traite au cours du XVIIIe siècle en Sénégambie
g) AS, 5 D l, pièce 7. Extrait des Mémoires de Doumet, de 1773. Les comptoirs de Gorée et de la
Petite-Côte fourniraient par an 200 esclaves. Sur la Gambie, « on peut traiter 300 captifs par an. Il
a été de tous les temps défendu aux vaisseaux français de dépasser le fort anglais: les Captifs
viennent du haut de la rivière... Les Anglais la remontent, traitent avant nous, et ne laissent venir
au comptoir français que ce qu'ils ne veulent pas. Mais souvent la mauvaise qualité de leurs
marchandises oblige les marchands de captifs à descendre jusqu'à notre comptoir; a lors la traite
est abondante ». Le chiffre réalisé par les Anglais sur la Gambie était évidemment plus fort que
celui des Français; les raisons de la supériorité du trafic anglais sont avouées dans le mémoire ici
édité: les tarifs anglais étaient doubles de ceux qui étaient pratiqués par les Français, et les Anglais
s'appuyaient sur les commerçants locaux implantés à l'intérieur (cf. note 75). Si Gorée ne traitait
que 10 esclaves par an (AS, 5 Dl, 7), c'est parce que le roi du Kayor vendait tous ses captifs aux
Anglais sur le fleuve Sénégal.
Citons enfin la formule lapidaire qui inaugure, dans ce document, la description du commerce de
Gorée et Dépendances: « Le commerce de Gorée et ses dépendances est en Captifs seulement ».
h) AF, C 6: 18. Remarques. État en aperçu des esclaves que peuvent retirer les nations de l'Europe
à la Côte occidentale d'Afrique, date présumée: 1783 (cité par B. Barry, ouvr. dt., p. 123 et p.
209-210). Selon ce document, 8000 esclaves ont été effectivement traités par les Anglais et leur
gouverneur O'Hara à Saint-Louis:
«Jusqu'en 1775, les Maures n'ont fait que peu de captifs qui ont toujours été employés à leurs
lougans ou culture de leurs terres. MM. O'Hara et Le Brasseur leur ayant fait connattre qu'il étoit
de leur intérêt de les vendre, ils ont à plusieurs reprises fait les plus grands ravages dans différents
royaumes, notamment dans celui de Brac (N. B., le Walo) où ils ont fait plus de 8000 captifs en
moins de six mois; on vendait un esclave pour un pagne dans les rues du Sénégal. Ce qui les a
déterminés à faire cette incursion, ce sont des avances en fusils et toiles bleues que leur ont fait les
Anglais ».
Un document contemporain de ces événements, également produit par B. Barry (ouvr. dt., p.
210), souligne que les Français étaient fort intéressés et attendaient des Maures qu'ils leur
fournissent une bonne partie de leurs prises de guerre (AF, C 6, 17, Gorée, Mémoire du 9 avril
1777). En cas de guerre des Maures contre le Kayor « les Français auraient plus de 3 000 captifs à
acheter en moins de deux ans et les Anglais deux fois davantage ». Par ailleurs ce même texte
confirme les ravages terribles que venaient de faire les Maures dans le Walo et l'importance de la
vente d'esclaves qui s'en suivit.
i) AFOM, D. F. c., Gorée, pièce %. État des Esclaves que peuvent retirer de la Côte occidentale
d'Afrique les Nations de l'Europe (date escomptée: 1775). Cet état détaille les prévisions pour
l'ensemble des comptoirs côtiers. Ainsi en Sénégambie, la traite des esclaves pourrait s'élever,
sans tenir compte de la Casamance, à 6 300 :
Le total escompté par ce mémoire était de 81 700 captifs pour toute la côte occidentale et par
année.
j) AFOM, D. F. c., Gorée, pièce 97. Extrait du Mémoire de M. Brasseur relativement à Gorée, de
1776. Ce document évalue uniquement les possibilités de la traite française et ne parle pas de celle
des Anglais. Selon Le Brasseur, les comptoirs de Joal. Portudal, Rufisque et Dakar peuvent fournir
300 captifs, celui d'Albréda, 8 à 900 dont certains sont rachetés aux Anglais. La rivière du
Saloum pourrait procurer 80 à 100 et même 200 captifs, si on y ouvrait un comptoir. Ce
document fournit par ailleurs des détails intéressants sur les méthodes de vente et les arrangements
qui intervenaient entre les traitants.
k) AFOM, D. F. C., Gorée, pièce 100. Réponses de M. Le Brasseur aux questions sur nos
possessions d'Afrique (1776). La même pièce se trouve aux Archives du Sénégal (5 0 l, pièce
Il). Ce document donne à peu près les mêmes chiffres que la pièce précédente du même auteur. •
Gorée est susceptible de donner 250 à 300 captifs, dont une centaine à Portudal, 80 à 100 à Joal et
le reste à Rufisque. En 1775, précise Le Brasseur, 800 esclaves ont été achetés ou rachetés aux
8
La traite au cours du XVIIIe siècle en Sénégambie
Anglais par les Français, sur la Gambie. Les Anglais en ont traité beaucoup plus sur ce fleuve et,
dans tout le Sénégal et Dépendances, leur traite aurait été dix fois supérieure à la traite française.
1) AFOM, D. F. C, Sénégal, pièce 49. Mémoire sur la concession du Sénégal... , vers 1777. Ce
mémoire présente un projet d'attaque de Saint-Louis et précise au sujet du commerce du fleuve
que « la concession du Sénégal produit annuellement 2 400 Noirs, deux millions de gomme, du
morphil, de la cire, et 150 à 200 L. d'or, ce qui forme un objet de plus de cinq millions ». Sur la
Gambie « les Anglais font un commerce annuel d'environ 2000 esclaves, beaucoup de cire,
Morphil et or ce qui forme un objet d'environ ... Millions ». Nous avons trouvé une copie du
même document à Dakar (AS, 5 0 l, pièce 12). Une autre copie se trouve aux Archives de France
(AF, C 6, 17, cité par L. Sainville, ouvr. cit., p. 77).
n) AFOM, D. F. C, Côtes d'Afrique, 34. Mémoire non daté (vers 1780). Cette pièce indique que
la traite totale des quatre comptoirs de Gambie (Fort Saint-James, Gereges, Guiaor, Interlopes)
s'est élevée à 1 740 captifs.
0) AFOM, D. F. C., Sénégal, 67. Mémoire sur le commerce de la Coste de Guinée, de décembre
1782. Ce document anonyme estime qu'il est possible de traiter au moins 4000 captifs par an,
alors que les Anglais tirent 1 000 esclaves de la Gambie. Les esclaves apparaissent comme le
principal produit d'exportation du commerce de la côte; la gomme ne jouait un rôle important
que sur le Sénégal.
r) AFOM, D. F. C, Sénégal, 82. Côtes d'Afrique. Traite des Noires par M. De La Jaille, 2 juin
1784. Selon cet auteur, on ne traite pas plus de 5 à 600 Noirs par an à Saint-Louis, où les captifs
étaient achetés de seconde main; mais le pays des bambaras et la traite en Galam rapportaient 8 à
900 esclaves. Avant la guerre d'Indépendance (1775-1783), «Gorée. la rivière de Bursalum et le
comptoir d'Albreda fournissaient de quatre à cinq cent esclaves; ce nombre diminuera, si les
magasins de l'établissement qu'on propose sur la Rivière de Falémé sont toujours assez bien
pourvus pour fixer les chaînes qui se rendent en Gambie ». On envisage ainsi de détourner vers le
fleuve Sénégal et Saint-Louis les captifs nombreux que les Anglais traitaient sur la Gambie. Par
9
!..JI traite au cours du XVIIIe siècle en Sénégambie
v) AFOM, D.F.e., Sénégal, 86, Suite au Mémoire sur le commerce présenté en 1784 à M. le
Maréchal de Castries par M. de la Jaille, du 18 juillet 1785. Lajaille note dans ce mémoire qu'en
décembre 1784, il Yavait plus de 600 captifs à Gorée. mais n'indique pas leur provenance exacte.
Il est possible que certains d'entre eux aient été achetés sur la Gambie et dans les rivières du Sud,
auquel cas, le chiffre de 600 ne s'appliquerait pas aux seuls comptoirs de la Petite-Côte dépendant
de Gorée.
Signalons que le gouverneur Repentigny signa, avec les rois de plusieurs pays séné-gambiens, des
traités commerciaux et politiques, au début de l'année 1785 (Sine: 25 mars; Saloum: 8 février;
Fouta : 31 mars; Baol: 15 mai). Dans le Baol et le Saloum, l'avantage recherché par ces traités
était d'abord l'augmentation du nombre des captifs traités. Ce but fut atteint, si l'on en croit
Golberry quand il évoque la traite en 1786.
w) Golberry donne en effet de nombreuses précisions sur les activités commerciales au cours de
l'année 1786. Il fut le collaborateur de Repentigny et accompagna cel ui-ci dans le Saloum pour
conclure le traité du 8 février 1785. qui devait permettre de traiter les captifs amenés par les
Manding sur le Saloum, grâce à la création d'un comptoir sur l'île de Coyon en face de la
capitale Kahone. En fait ce comptoir ne fut jamais ouvert, bien que le commerce du Saloum ait
été florissant en 1786.
Voici le tableau détaillé que propose Gol berry pour les diverses zones de traite. Il est d'ailleurs
malheureux que de nombreux auteurs ne citent de Golberry que les chiffres du fleuve Sénégal,
omettant les autres données qui montrent que les captifs constituaient la partie essentielle de la
traite sénégambienne, en 1786.
Le nombre total des esclaves traités par les Français et les Anglais se serait élevé à 8 000.
Commentant ces chiffres par zone de traite, Golberry envisage une augmentation considérable. Le
trafic sur le Fleuve pourrait être porté à 14600000 F, dont 7200000 pour 6000 esclaves,
4000000 de gomme (t. II, p. 50-51). A Gorée. le nombre des captifs pourrait atteindre 1 200 ;
sur le Saloum, les chiffres globaux resteraient les mêmes, mais la part française augmenterait •
considérablement. au détriment des Anglais (t. II, p. 206 et 208-210).
Ajoutons enfin que la Casamance fournissait certainement un contingent des 3 000 captifs achetés
10
La traite au cours du XVIIIe siècle en Sénégambie
en 1786 entre le cap Sainte-Marie et le cap Verga, au sud de la Gambie (1. II, p. 232).
Le chiffre de Golberry, au sujet de la gomme, ne concorde pas avec le poids indiqué par le
tableau de Labarthe précité qui estime l'exportation de ce produit à 358 000 livres en 1786.
Total 5860000
2) Gorée a fourni la même année 300 captifs évalués à 360 000 F, des produits de subsistance pour 200 000 F
et des marchandises d'exportation pour 60 000 F (t. II, p. 205).
3) Le Saloum a procuré:
aux Anglais: 1 200 captifs, pour 1 400 000 F; cire, peaux, bois, etc., pour 200 00 F, soit au total
1 640 000 F de marchandises ;
aux Français: 600 captifs, pour 720000 F ; cire, peaux et morphil, pour 60 000 F, soit au total 780000 F
de marchandises (t. II, p. 207).
4) La Gambie a livré;
aux Anglais: 3000 captifs, pour 3 600000 F ; 50000 F de morphil, 30000 gros d'or, pour 300 000 F ;
cire, peaux, etc., pour 500 000, soit au total de 4450000 F ;
aux Français; 700 captifs, pour 840 000 F ; 1 000 F de morphil, 400 gros d'or, pour 4 000 F ; cire, peaux,
etc., pour 600 F, soit au total 845600 F de marchandises (t. II, p. 209-210).
L'ensemble de la traite sénégambienne aurait donc atteint en 1786 le chiffre de 14 195000 F, dont 9600 000
en esclaves, 3 000 000 en gomme et le reste - 1 595600 F - en marchandises diverses.
Si les chiffres de Golberry sont exacts, on constate que les établissements français de Sénégambie ont traité pour
un total de 8 105 600 F de marchandises qui se répartissent ainsi:
Captifs: 4560000 F
Gomme: 3 000000 F
Or: 94000 F
Divers ; 451 00 F
x) Durand, qui fut directeur de la Compagnie du Sénégal de 1785 à 1786, mais ne publia son
ouvrage qu'en 1802, donne des chiffres qui concernent la période où il résida à Saint-Louis.
Cependant ses données manquent de précisions, et l'on a l'impression que ses estimations valent
pour le début du XI Xe siècle (date de parution de l'ouvrage). Il avance à deux reprises le chiffre
de 1 200 à 1 500 esclaves chaque année dans la concession du Sénégal (1. II, p. 115 et 328).
Durand estime que la traite de la gomme pourrait être supérieure à celle des Noirs sur le Sénégal,
et qu'elle pourrait permettre un bénéfice de 3 000 000 de livres (1. II, p. 116). Selon Durand, le
commerce de la Gambie serait moins brillant qu'avant (avant 1785 ou avant 1802 ?). La traite
Il
La traite au cours du XVllle siècle en Sénégambie
annuelle des captifs s'élèverait à peine à 1 000 pièces par an, achetés à 4.50 F l'unité.
les renseignements de Durand restent donc très vagues. S'ils sont valables pour 1785-1786, ils
sont erronés, car Durand signale lui-même qu'en 1786, un de ses commis, Rubault, acheta en
Galam plus de 1 000 esclaves (1. II, p. 341). Les chiffres de Golberry paraissent plus conformes à
la réalité.
y) Pelletan (Mémoire sur la Colonie française du Sénégal, Paris, Vve Panckoucke, an IX, 1801)
estime qu'avant la suppression de l'esclavage (en 1794), on traitait 1 000 à 1 200 captifs sur le
Sénégal (p. 21 et 2 000-3 000 sur la Gambie (p. 34).
12
La traite au cours du XVIIIe siècle en Sénégambie
Les appréciations exactes du commerce sénégambien au cours du XVIIIe siècle restent difficiles.
A partir des documents que nous avons cités - et qui sont souvent des documents officiels des
différentes Compagnies françaises - il est possible de confirmer fortement la prépondérance des
esclaves dans le commerce d'exportation. Il importerait de poursuivre beaucoup plus loins que
• nous ne l'avons fait ici la recherche dans les archives - nationales et départementales - pour
obtenir des chiffres plus précis, et pour mesurer également la place des « interlope» qui n'est pas
évoquée par les textes ici présentés.
Tout comme les Anglais, les Français ont activement participé à l'exploitation esclavagiste de la
Sénégambie, et ont ainsi contribué à créer le climat socio-politique dont le mémoire de Doumet se
fait l'écho. Les plans de colonisation agricole du Sénégal, qui ont été proposés, dès la fin du
XVIIe siècle et au long du XVIIIe, et qui envisageaient une diminution de la traite dans cette zone,
sont demeurés à l'état de projet et n'ont pas empêché la poursuite de la traite des esclaves. La part
respective qu'ont prise à ce commerce les deux nations européennes a pu varier au cours du
XVIIIe siècle, selon les circonstances politico-militaires en grande partie.
Néanmoins, il apparaît assuré que la « traite des nègres» était pour l'une et pour l'autre l'activité
principale et la plus lucrative. La gomme a certes occupé une place importante, sur la côte
mauritanienne et la vallée du Sénégal, où sa valeur commerciale pouvait parfois dépasser celle des
esclaves. Mais, à partir de cette réalité évidente, il ne saurait se déduire que la traite des gommes a
représenté au XVIIIe siècle le produit premier des exportations de Sénégambie et la source de
profits essentielle. Au contraire, comme le montrent les documents produits, le « bois d'ébène» a
bien été au centre du commerce sénégambien.
13
Gorée, île-mémoire
Paris, Unesco, 1985, pages 23-26.
.. Ainsi la Sénégambie fut la première région de l'Afrique au sud du Sahara à participer activement
à la colonisation des îles de l'Atlantique. Selon certaines estimations, elle fournit au moins le tiers
des esclaves exportés avant 1600. Par le Sénégal, le Saloum, la Gambie et la Casamance, les
négriers pénétraient loin dans les terres pour inciter les populations à leur vendre la marchandise
humaine. L'archipel du Cap-Vert fut mis en valeur grâce à cette main-d' œuvre servile. On estime
que, jusqu'au début du XVIIe siècle, il reçut de 500 à 1 000 esclaves par an dont la plupart étaient
exportés à partir de Gorée.
La Sénégambie fut bientôt remplacée, dans son rôle de principale pourvoyeuse de main-d'oeuvre
pour les plantations d'outre-mer, par la Côte des Esclaves (le Gabon et l'Angola actuels), qui, au
XVIIe et au XVIIIe siècle, « fournissait» le Brésil et les Antilles. Mais Gorée demeura le port actif
où l'on regroupait les esclaves, où on les marquait et d'où on les embarquait pour les Amériques.
Les intermédiaires se rendaient dans les différentes factoreries, précédés par des émissaires qui
engageaient les chefs de l'intérieur ou les commerçants locaux à prendre la direction des escales
où se déroulaient les transactions. Les embarcations à destination des escales étaient chargées de
sel, de « Guinée» ou toiles bleues, de serge, de tabac, d'eau-de-vie, de corail, de fusils, de poudre,
de balles, de verroterie. A chaque point de traite, il fallait s'arrêter, attendre, négocier. Une fois le
prix convenu, les vendeurs faisaient venir les esclaves un à un. Le chirurgien ou l'acheteur
examinait leur musculature, « la ligne des jambes, la longueur des bras, le nombre et la blancheur
de leurs dents ». Pour s'assurer que les captifs ne cachaient aucune infirmité, on les faisait courir,
sauter et parler. On les obligeait à mouvoir toutes leurs articulations. Rien n'échappait à la
vigilance du traitant.
Le transport des esclaves jusqu'au comptoir de Gorée était toujours précédé d'une importante
opération de tri au cours de laquelle les esclaves étaient groupés par nations. Si l'on en croit
Pruneau de Pommegorge, ils étaient mis aux fers dès qu'on les achetait. « Le collard est une
chaîne de fer de cinq à six pieds de long. On tient à un des bouts un collier de fer plat qui s'ajuste
autour du col. Il se goupille de manière que les captifs ne peuvent l'ouvrir sans outil ». Mais, pour
ne pas le laisser se morfondre dans l'inactivité, on faisait travailler les esclaves durant leur séjour à
Gorée. En effet, bien qu'enchaînés, ils pouvaient marcher et se servir de leurs bras.
Tous les jours on les conduisait au travail sous la surveillance de plusieurs interprètes. Leur travail
consistait à casser des roches destinées à la construction, à les transporter en un lieu déterminé, « à
lever des terres, à rouler des barriques d'eau, à décharger les canots et les chaloupes ».
Les femmes étaient employées à la préparation des repas, les enfants au service de la domesticité.
Les esclaves de ces deux catégories n'étaient presque jamais enchaînés. Le soir, tous les captifs
étaient entassés dans les captiveries des compagnies ou dans celles des particuliers. Ils n' y
recevaient que peu d'air et presque pas de lumière. Le lendemain, ils reprenaient le chemin du
chantier. les captifs réfractaires aux corvées étaient enfermés derrière de solides barreaux
verrouillés. Ils restaient là dans l' humidité et l'obscurité jusqu'au jour de leur embarquement où
on leur apposait sur l'épaule la marque au fer rouge des initiales de la compagnie.
Ainsi, toujours enchaînés, soumis sans cesse à des traitements inhumains, les captifs menaient dans
le comptoir de Gorée une existence particulièrement douloureuse, tout moyen de s'évader leur
était enlevé en raison des précautions que prenaient les agents des compagnies, des négociants ou
des traitants locaux. Pourtant, malgré cette vigilante surveillance, il arrivait parfois que leur
intolérable condition les incitât à se dresser contre leurs maîtres et à essayer de recouvrer la liberté
à la faveur d'une révolte marement préparée. Il semble d'ailleurs que les instigateurs des révoltes
aient toujours appartenu aux ethnies wolof, haalpularen et seereer, dont les membres ne furent
jamais appréciés comme esclaves par les négriers. Pour ces peuples, comme, du reste, pour tous les
autres, la servitude était le suprême avilissement. Ils refusaient de supporter le déshonneur qui
s'attachait à l'esclavage. On comprend dès lors la terrible violence des révoltes serviles. Et la
cruauté des agents de la compagnie était à la mesure du péril couru.
En octobre 1724, une grave révolte d'esclaves éclata à Gorée vers 4 heures de l'après-midi. Les
• captifs révoltés étaient au nombre de cinquante-cinq. Ils surprirent le gardien Gaspard et le
frappèrent de plusieurs coups de couteau. Aux cris de la victime, les agents de la compagnie
volèrent à son secours; ils le trouvèrent tout ensanglanté. Les captifs étaient armés de morceaux
de bois, de couteaux et de deux haches. Pour les forcer à déposer leurs armes, les agents tirèrent
sur eux à bout portant. Il y eut deux morts et douze blessés. les autre mutins trouvèrent alors
Gorée. lIe·mémoire
refuge dans la captiverie. Comme ils refusaient de se rendre, on condamna la porte jusqu'au
lendemain et on leur fit comprendre que, s'ils ne mettaient pas immédiatement fin à leur
rébellion, ils seraient brOlés vifs dans la captiverie. Ils décidèrent de se soumettre et l'on prit
immédiatement des sanctions contre ceux que l'on considérait comme les meneurs. Deux d'entre
eux furent fusillés séance tenante. Un troisième fut étendu sur deux pièces de bois et « coupé en
quatre parties devant ses camarades ahuris ».
Cette cruauté ne mit pas fin aux révoltes. En 1755, une autre tentative de soulèvement eut lieu à
Gorée. Elle était le fait de prisonniers de guerre vendus par le roi du Sine, En effet, une guerre
avait opposé ce souverain à celui du Bawol. Battu, le roi du Sine décida de prendre sa revanche.
Pendant la nuit, alors que les vainqueurs festoyaient et savouraient les joies de leur victoire, les
guerriers du Sine les surprirent.
Certains généraux du Bawol tels que le fara Kaba furent tués. Cinq cents autres combattants furent
faits prisonniers. On les vendit immédiatement à Gorée. Il ne fallait plus leur donner l'occasion de
tenter un retour offensif contre le Sine.
Une fois à. Gorée, les captifs décidèrent de se soulever, avec l'espoir de rentrer dans leur patrie.
Selon le plan qu'ils avaient établi, un tiers d'entre eux devait, en revenant à la captiverie, le soir, se
jeter sur le corps de garde, s'emparer des armes posées sur les rateliers et tuer « les douze soldats
de garde qui ne s' y seraient pas attendus ». Le second tiers devait, au même moment, entrer dans
le fort pour occuper le magasin aux fusils, la salle d'armes et la poudrière. Le dernier tiers était
chargé de massacrer les Blancs qui s' y trouvaient afin que rien ne pOt s'opposer à leur projet,
« que, maîtres du fort et de l'île, ils puissent tous s'armer chacun d'un fusil à poudre, de balles,
emporter les marchandises les plus fines, les plus précieuses et de moindre volume et enfin
descendre au bord de la mer, s'embarquer dans les chaloupes et. .. passer de suite à la grande
terre ».
Ce projet ne connut même pas un début d'exécution. En effet, un enfant, qui avait surpris la
conversation des conjurés, alerta le commandant de Gorée. Celui-ci les fit rassembler dans la cour
du fort et demanda aux deux chefs de la conjuration s'il était vrai qu'ils avaient pris la décision
de massacrer la population européenne de Gorée. Ils répondirent par l' affirmati ve tout en
soulignant que ce n'était pas par haine des Blancs qu'ils avaient élaboré leur plan, mais tout
simplement pour que personne ne fOt en mesure de s'opposer à leur fuite. Ils ajoutèrent qu'il
avaient honte de n'être pas morts les armes à la main. Puisque leur tentative avait avorté, ils ne
demandaient qu'à être tués car la mort était préférable à l'esclavage. Cette franchise ne leur fut
d'aucune utilité. Sur avis du conseil de la direction de la compagnie, les deux meneurs furent
« canonnés sous les yeux de leurs compagnons terrifiés », Les autres furent embarqués sur un
vaisseau de la Rochelle commandé par le capitaine Avillon.
Ces exemples parmi tant d'autres montrent à l'évidence que les Africains destinés au Nouveau
Monde n'acceptèrent jamais avec résignation la lamentable condition qu'on leur imposait. Sans
doute les révoltes étaient-elles espacées, mais elles traduisaient la répulsion que la servitude
inspirait aux peuples qui en étaient victimes. Ce combat commencé sur le continent devait se
poursuivre en Amérique, où les esclaves marrons, par leur détermination à briser leurs fers,
contribuèrent activement à l'abolition de la traite et de l'esclavage au début du XIXe siècle.
Selon certains historiens, le nombre des esclaves africains transportés hors d'Afrique noire vers
différentes contrées et vers le Nouveau Monde du Xe au XIXe siècle aurait oscillé entre 15 et 3D
millions de personnes. A cela, il faudrait ajouter le nombre des victimes du processus de capture et
de traite, mais il est difficile de l'évaluer. Le déficit global de population pour le continent
africain aurait été de 200 millions d'individus l, chiffre énorme qUI explique en grande partie le
marasme économique et démographique des sociétés africaines. Si l'on ignore la proportion
exacte des captifs qui ont transité par Gorée, il est aisé de comprendre que le seul nom de l'île ait
longtemps été synonyme de terreur et d'amertume. Il faut donc empêcher qu'elle ne disparaisse,
car elle est l'héritière d'une histoire commune à tous les peuples noirs et porte par conséquent la
marque de leur dignité bafouée, de leurs souffrances physiques et morales, mais aussi et surtout de
leurs espérances jamais vaincues et de la vitalité qui leur a permis, après plusieurs siècles de
pillage, de rapt, de vol, de viol et de rapines, de conserver leur identité essentielle. La présence de
Gorée rend un hommage perpétuel à une figure de l'Africain que rien n'a pu détruire. Même si
les Africains ont accepté de pardonner toutes les souffrances que la traite leur a fait subir, ils ne
doivent pas pour autant oublier l' humiliation endurée et cesser d'entendre les cris douloureux de
ceux que l'on embarquait pour l'Amérique et d'autres contrées lointaines.
1 lA traite négrière du XVe au XIXe siècle, Paris, Unesco, 1979. (Histoire générale de l'Afrique. Études et
documents, 2).
2
Raymond Mauny, Guide de Gorée
Guide de Gorée
Raymond Mauny
• Dakar, IFAN, 1954, Initiations Africaines VII (pages 11-29)
. Histoire
2
Raymond Mauny, Guide de Gorée
Les Français reprennent les traditions commerciales hollandaises sur la côte et l'île semble surtout
avoir vécu à cette époque du trafic des esclaves, du troc avec la grande terre voisine et de la
relâche des navires.
Puis la Compagnie d'Afrique vend sa concession (Gorée comptait alors 12 canons et une
garnison de 35 hommes) et le 4 février 1693, l'amiral anglais James Booker s'empare de l'île, qui
" est reprise par le capitaine français Bernard en juillet de la même année. Mais entre temps, les
Anglais avaient détruit les forts.
.. Le Directeur général de la Compagnie de Guinée, Chambonneau, s'y réinstalla: en 1695, l'île
reçut la visite du capitaine de vaisseau de Gennes, qui y compta alors environ 100 Français et
quelques familles de laptots. De Gennes alla raser le fort St-James de Gambie.
Mais, craignant à son tour de nouvelles représailles, les Français évacuèrent l'île pour s'installer à
Saint-Louis et ce ne fut qu'après le traité de Ryswick, qui rétablissait le statu quo (1697),
qu'André Bruë la réoccupa.
On releva les forts détruits en 1693 et on arma le fort Saint-Michel (ou de la montagne) de 24
canons et celui de Saint-François (ou de l'anse) de 28 canons. Mais lorsque Bruë quitta l'île en
1723, le rapport de son successeur, du Bellay, nous apprend que la garnison de Gorée ne
comprend que 16 soldats avec 52 canons. L'abbé Labat nous fait connaître cette période bien que
l'on sache maintenant, grâce à Cultru, qu'il a attribué à Bruë une bonne partie de l'oeuvre de son
prédécesseur La Courbe.
En 1749, le naturaliste Michel Adanson y séjourne quelque temps, poursuivant ses recherches. Il
nous dit grand bien du directeur qui l'accueillit, M. de Saint-Jean, qui ne s'était pas borné à
renforcer la défense, mais avait embelli l'île de plusieurs bâtiments, y avait fait creuser des puits,
planter des jardins potagers, etc...
La guerre reprit en 1755 avec l'Angleterre. Gorée ne comptait alors que 40 hommes de garnison.
Le roi envoya, en 1758, 200 soldats de renfort ainsi que de l'artillerie. L'île dut néanmoins
capituler en décembre 1758. L'Anglais Lindsay qui, à cette époque, y passa, nous en a laissé une
assez bonne description et le récit de sa prise par ses compatriotes. Outre les Français peu
nombreux, on comptait 300 Noirs libres groupés dans un quartier aux rues à anglais droits vers le
Sud de l'île, donl Lindsay admire la propreté el la netteté. Le traité de paris de 1763 rendit Gorée
à la France ainsi que les comptOIrs de la Petite Côte malS les Anglais gardaient Saint-Louis et les
établissements du fleuve.
Pour de multiples raisons que A. Delcourt (1952, p. 350) a fort bien indiquées, la nécessité de
l'intervention du Gouvernement français s'imposait de plus en plus dans les affaires du Sénégal.
Aussi le roi de France fut-il amené à nommer un gouverneur qui représenterait directement
l'administration royale: 1763 est donc une date capitale pour l'histoire de l'ile, qui va prendre
un nouvel essor. Les constructions se multiplient.
La garnison fut portée à 2, puis 3 compagnies de 654 hommes; Le premier gouverneur, Poncet de
la Rivière, arrive dès le 14 septembre 1763 et signe presque aussitôt avec le damel du Cayor un
traité lui cédant une partie de la presqu'île du Cap Vert, mais qui ne fut pas suivi d'exécution.
Pendant la guerre de l'Indépendance américaine (1778), le Duc de Lauzun fut nommé
gouverneur du Sénégal et dépendances. Une expédition placée sous les ordres du Marquis de
Vaudreuil reprit, début 1779, Saint-Louis et tous les comptoirs cédés aux 1779. Il avait comme
Instructions de transporter les troupes de Gorée à Saint-Louis et de faire raser les fortifications de
Gorée. Eyriès le remplaça.
La première épidémie de fièvre jaune éclata dans l'île en 1779, causant la mort de la moitié des
habitants. On transporta les survivants en Guyane, on démantela les forts et les remparts et on
évacua Gorée pour Saint-Louis. Les Anglais s'y réinstallèrent aussitôt. Houghton, qui devait plus
tard s'illustrer comme explorateur, fut alors commandant du fort.
Le traité de Versailles (1783) nous rendit Gorée, qui fut réoccupée le 25 mars 1784. Deux bons
plans, levés l'un un 1784 et l'autre en 1786, se trouvant dans les ouvrages de 1. B. Durand et
Golberry, nous montrent l'aspect de l'île à cette époque. Mais les gouverneurs résidèrent
désormais à Saint-Louis dont la défense était plus aisée à cause de la difficulté de franchir la
barre. Gorée n'est plus une forteresse, mais un point de traite et de relâche.
Le plus célèbre de ces gouverneurs fut le Chevalier de Boufflers, auteur de poésie légères très
appréciées, qui fut membre de l'Académie française. Il fut gouverneur du Sénégal en 1786 et
1787. Il n'avait accepté ce poste lointain, où il se considérait en exil, qu'afin de pouvoir rétablir
sa fortune et épouser Mme de Sabran, avec laquelle il entretenait une spirituelle correspondance.
Il fit de Gorée sa résidence favorite: il y résida une bonne partie de l'année 1787. Il dut alors
habiter le « Gouvernement », petite construction portée sur les plans de la fin du XVIIIe siècle et
qui fut détruire lors du bombardement de l'île par les Anglais en 1797... et peut-être aussi celle
de sa «signare» Anne Pépin, si l'on en croit le Docteur Brunner. De Boufflers appréciait
beaucoup Gorée, où il semble avoir été plus à son aise qu'à Saint-Louis. Son contemporain
3
Raymond Mauny, Guide de Gorée
Golberry nous apprend qu'en 1786 la population était de 1840 habitants environ, les esclaves en
instance d'embarquement 200 et les propriétaires 116.
Le plan que Golberry nous laisse de Gorée, montre qu'en 1786 toute l'île pratiquement était
bâtie, les Anglais ayant vendu des concessions sur les anciens remparts démantelés ou détruits en
1779.
C'est à un de ses subordonnés, Blanchot de Verly, ancien capitaine de chasseurs, homme intègre,
que devait revenir l'amer privilège de gouverneur le Sénégal pendant les difficiles années qui
allaient suivre. ..
En 1791, la « Compagnie Nouvelle du Sénégal et dépendances », qui payait toutes les dépenses
des établissements du pays, est mise en liquidation par la Constituante. L'argent manque aussitôt à
Blanchot. L'esclavage aboli par la Convention par décret du 4 février 1794, la principale richesse
de Gorée disparaissait. La garnison de l'île était composée de 30 hommes qui ne percevaient pas
régulièrement leur solde.
Les Anglais essayèrent de profiter de la situation et en 1793, Gorée subit une première attaque
qu'elle repoussa. Il en alla de même en 1797: les 10 hommes de la garnison, aidés de la
population civile, empêchèrent l'escadre britannique de prendre l'tIe.
Mais le 5 avril 1800, la population n'ayant pas cette fois soutenu la garnison, le lieutenant
Guillemin dut capituler.
En 1802, la paix d'Amiens nous rendit Gorée. L'ï1e pouvait reprendre son ancienne importance,
puisqu'une loi du 20 mai 1802 rétablissait l'esclavage et la traite des Noirs. Mais les Anglais se
refusèrent à l'évacuer.
La guerre ayant recommencé avec l'Angleterre, le corsaire français Hugues, par un coup de main
qui conta cher en hommes, reprit Gorée le 18 janvier 1804. Peine inutile, car le 8 mars 1804, le
chef de l'île, Montmayeur, se rendait au lieutenant Pickford.
Elle resta anglaise jusqu'à la fin de l'Empire.
Notons qu'en 1807 la traite des Noirs fut abolie par les Anglais. Gorée a don vu cesser cette
année là l'infâme commerce qui fit sa prospérité antérieure.
L'article 8 du traité de Paris du 30 mai 1814 nous rendait le Sénégal. Le colonel Schmaltz qui en
fut nommé gouverneur, quitta la rade d'Aix, le 17 juin 1816, avec les navires transportant le
bataillon d'infanterie du Sénégal. Lui-même était à bord de la frégate La Méduse, qui fit naufrage
sur le banc d'Arguin. Les survivants du fameux radeau et les passagers des autres navires
arrivèrent en rade de Gorée mais le gouverneur anglais Brereton, alléguant qu'il n'avait pas reçu
d'ordres de son gouvernement, refusa de les laisser débarquer et ne rendit l'île aux Français que
le 15 février 1817.
4
Raymond Mauny, Guide de Gorée
terre: le 25 amis 1857, Protêt prend possession de Dakar. En 1859, les Français s'installent à
Rufisque: les deux grandes rivales de Gorée qui, en un demi-siècle, allaient causer la décadence
de l'île, étaient nées. Un décret du 26 février 1859, rendu sur la demande de Faidherbe,
supprimait la colonie de Gorée et dépendances et la rattachait de nouveau au Sénégal.
• Les hécatombes effroyables dues à la fièvre jaune (1803, 1837, 1859, 1866, 1878, 1891, 1900)
contribuèrent également au dépeuplement de l'île.
La municipalité de Gorée, englobant les premiers établissements de Dakar, est créée le 10 aoat
1872. L'île compte alors 3 243 habitants, dont une centaine d'Européens.
La décadence au profit de Dakar s'accentue rapidement: Gorée est rattachée à Saint-Louis après
la suppression du poste de commandement supérieur; puis elle devint partie du cercle de Dakar.
Le commerce était dès lors transféré à Dakar et Rufisque, desservies par la voie ferrée depuis
1885. En 1887, Dakar est érigée en commune indépendante. En 1891, l'île ne compte plus que
2 068 habitants et malgré la présence à Gorée, de 1904 à 1907, du Gouverneur général Roume,
1944 en 1918 et 998 en 1921. En 1929, la commune était supprimée et rattachée à Dakar.
Les derniers services à quitter l'île furent l'École William-Ponty (1936) et l'Imprimerie, qui
logeait dans l'ancien Gouvernement (1940).
Les 23, 24 et 25 septembre 1940. Gorée subit comme Dakar le bombardement de l'escadre
anglaise appuyant les Forces Françaises Libres qui tentaient de prendre la capitale de l'A.O.F.
Quelques obus destinés aux batteries du Castel causèrent des dommages dans la ville basse. en
particulier à l'Imprimerie.
Depuis 1940, on assiste à un certain renouveau de Gorée, la crise du logement à Dakar tendant à
en faire une banlieue de la grande ville. La Marine de 1940 à 1944, a consolidé bien des vieilles
ruines et à établi à Gorée une Maison de repos. L'Institut Française d'Afrique Noire à installé
récemment un laboratoire de Biologie marine, un Musée historique de l'A.O.F. et un Musée de la
Mer.
Un arrêté du Gouverneur de la Circonscription en date du 15 novembre 1944 a classé l'île entière
sur la liste des monuments naturels et des sites.
Que sera l'avenir de Gorée? C'est formuler un truisme que de dire qu' il est lié à celui de Dakar.
L'objectivité nous oblige à constater que dans la grande majorité des cas, les habitants de l'île
préféreraient habiter la terre ferme. Bien peu ont leur travail à Gorée: il leur faut faire le trajet par
chaloupe quatre fois par jour. ce qui n'est pas bien agréable. pas de distractions, pas de marché,
pas d'école pour les grands.
L'électricité n'est fournie que quelques heures par jour par la Marine. Un câble sous-marin
• amenant le courant de Dakar a été posé mais il reste à assurer la distribution de l'électricité dans
l'tle: elle est prévue pour 19~4 et ce sera une amélioration sensible de la vie des Goréens. Mais
l'eau douce continue à faire cruellement défaut.
Les travaux de la digue qui devait relier l'île à Dakar seront-ils repris un jour? Gorée, devenue le
faubourg le plus proche de la grande ville, perdrait de son charme ce jour-là. mais elle serait
sauvée: les maisons qui tombent en ruines seraient réparées et les terrains vacants seraient rebâtis.
MaiS, pour le moment, il s'agit de préserver ce qui en vaut encore la peine. Il est difficile de dire
quelle formule est la bonne. mais le but à atteindre est la sauvegarde des immeubles les plus
intéressants qui, souvent, menacent ruine. sans que leur propriétaire puisse avancer les frais
énormes de réparation? Les serVices publics, les maisons de commerce, ne pourraient-ils acquérir
certains de ces immeubles et les réparer pour y loger leurs agents et aussi pour en faire des centres
de repos pour les familles de l'intérieur pendant les mois les plus chauds de l'année?
L'A.O.F. est pauvre en sites historiques, ne l'oublions pas: il est d'autant plus nécessaire et
urgent de sauvegarder le peu que le passé nous a légué.
..
5
Charles Becker, Travaux et publications relatifs d la traite atlantique 10 Avril 1997
• Travaux et publications
-.'
relatifs à la traite atlantique
Charles Becker
BECKERCharles
1975 Compte-rendudeMElll.ASSOUX C. (éd.), L'esclavage en AjriqueprécoloniaJe. Psychopath. Afric., 11,
3: 409-415.
1 ~
BECKERCharles & Victor MARI'IN
1976 Histoire sociale, économique. politique et religieuse du Kayor et du Bool (1695-1809). Recueil de
• documents historiques. Kaolack: 95 p. multigr.
BECKERCharles
1976 Compte-rendu de RENAULT F., Libération d'esclaves et nouvelle servitude. Psychopath. Afric., 12, 2 :
278-279.
BECKER Charles
• 1977 « La Sénégambie à l'époque de la traite des esclaves. A propos d'un ouvrage récent de Philip D.
CURI'IN : Economie Change in Senegambia in the era of the slave trade ». Rev.fr. Hist. Outre-Mer.
LXIV, 235: 203-224.
BECKER Charles
1981 « Cartes inédites d'Adanson sur le Sénégal ». Notes Africaines, 172 : 93-100. (paru en 1985).
BECKER Charles
1982 Trois mémoires inédits sur le commerce du Sénégal (1762-1783), publiés et commentés par ...
Kaolack: 48 p. multigr.
BECKER Charles •
1982 La période "précoloniale" ou la Sénégambie du 15e au 18e si~cle. Kaolack: 23 p. multigr.
(Communication au Colloque "L'histoire du Sénégal", Dakar, mai 1982).
BECKER Charles
1982 « Les plans de Gorée de Michel Adanson ». Notes Africaines, 173 : 14-18.
BECKER Charles
1982 Les conditions écologiques et la traite des esclaves en Sénégambie: "Climat", "Sécheresse", "Famines",
"Épidémies" aux 17e et lBe si~cle. Kaolack: 56 p. multigr. (Communication à la Table-ronde
"Famines, sécheresses et État", tenue au Centre d'Hudes Africaines de Paris).
BECKER Charles
1983 Mémoire sur le commerce de la concession du Sénégal par J. Pruneau (1752), publié et commenté
par .... Kaolack: 121 p. multigr.
BECKER Charles
1985 « Notes sur les conditions écologiques en Sénégambie aux 17e et 18e siècles ». African Economie
History, 14 : 167-216.
BECKERCharles
1985 « Les effets démographiques de la traite des esclaves en Sénégambie: Esquisse d'une histoire des
peuplements du 17e à la fin du 1ge siècle ». Dans Communications au Colloque International sur la •
Traite des Noirs, Nantes, tome 3 : 24 p.
BECKER Charles .
1985 « Routiers anciens. cartographie et connaissance de la Vallée du Sénégal à l'époque de la traite
atlantique ». Dans Communications au Colloque International sur la Traite des Noirs, Nantes, tome 3 ;
12 p.
BECKER Charles
1985 « Histoire de la Sénégambie du XVeau XVIIIe siècle; un bilan ». Cahiers d'Éludes Africaines, 98, 25.
2: 213-242.
BECKERCharles
1985 Mémoires anonymes sur le commerce du Sénégal (1778 et 1783). Kaolack: Il p. multigr. (à paraître
dans B.IFAN).
BECKERCharles
1984-1985 Compte-rendus des ouvrages de A. GAUI1ER. A.JONES. F. TAROO-DINo. Psychopath. Afric.. XX.
2: 221-223.223-225.231-232.
BECKERCharles
1984-1985 Compte-rendus des ouvrages de C.EsSNER. J.C.MIU.ER. Psychopath. Afric.• XX. 3 : 338- 342.
BECKERCharles •
1986 « Conditions écologiques. crises de subsistance et histoire de la population à l'époque de la traite des
esclaves en Sénégambie (17e.18 e siècle) ». Revue Canadienne des Études Africaines, XX, 3 : 357-376.
2
Charles Becker, Travaux et pub/ication.r relatifs d la traite at/antique 10 Avril 1997
BECKERCharles
1986 « Note sur les chiffres de la traite atlantique française au XVIIIe siècle ». Cahiers d'Études Africaines,
104, 26,4 : 633-679.
• BECKERCharles
1986 « Les Mémoires de Michel Adanson (1763) ». Marseille, 141,142,143; 98-117.
. BECKER Charles
1986 Le témoignage de Joseph Pruneau de Pommegorge sur la traite au 18e siècle. Communication au
colloque International sur le Tricentenaire du Code Noir. Dakar: 23 p. multigr.
BECKER Charles
1986 Introduction au « Mémoire sur le commerce de la concession du Sénégal par Joseph Pruneau (1752) »
et notes pour l'édition critique ( : 29 p. et 18 p.).
BECKERCharles
1987 « Réflexions sur les sources de l'histoire de la Sénégambie )). Paideuma, 33 : 147-163 (nO spécial
intitulé European Sources for Sub-Saharan Africa before 1900 : Use and Abuse. (Version multigraphiée
de 18 p. parue à Kaolack en 1987).
BECKERCharles
1987 La place de la Sénégambie dans la traite atlantique française du 18e siècle. Kaolack 20 p.
(Communication au 2e Congrès International de Démographie Historique de Paris).
BECKER Charles
1986-1987 « Les traites négrières et l'esclavage )). Psychopath. Afric., XXI, 2 : 219-229.
BECKERCharles
1987 Compte-rendu de J.C.Mll.l.ER, Slavery. A Worldwide Bibliography. Cahiersd'I!:tudes Africaines, 105-
106,27,1-2: 215-217 .
•
BECKERCharles
1988 ,< Les effets démographiques de la traite des esclaves en Sénégambie. Esquisse d'une histoire des
peuplements du XVneà la fin du XIXe si~cle )). Dans S. DAGEr (~d.), De la tratte ~ /'_sclavage du
XVllleau XIXesiècle. Nantes-Paris, CRHMA - SA-IOM : 70-110.
BECKERCharles
1993 « Introduction à la nouvelle édition )) [: I-XV]. Dans GASI'ON-MARTIN, L'ère des négriers. Nantes au
XVlllesièc/e. Paris, Karthala : XV-450 p. (version multigraphiée, Dakar, ORSTOM : Il p.).
BECKERCharles
1993 « Chronique scientifique. Exposition Les anneaux de la mémoire )). Politique Africaine, 52 : 163-167.
3
Charles Becker, Travaux et publications relatifs à la traite atlantique 10 Avril 1997
BECKER Charles
1996 «À l'origine de la recherche scientifique au Sénégal: le projet encyclopédique de Michel Adanson »,
« La découverte cartographique de la Sénégambie 18e siècle» et « La découverte cartographique de la
'.
Sénégambie 1ge siècle - début du 20e siècle )) [: 16-27]. À paraître in ORSTOM. 1944-1994. Cinquante
annnées de recherche en coopération au Sénégal. Dakar, ORSTOM. •
MclNTOSH-Keech Susan. BECKER Charles. GlJEYE Ndeye Sokhna
1997 «Tools for understanding transformation and continuity in senegambian society: 1500-1900 )). (draft. •
22 p. + tableau). A paraître dans Christopher. DeCorse (éd.), West Africa during the atlantic slave trade:
archeologicalperspectives.
•
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