Serie Z (J.M. Erre (Erre, J.M.) )
Serie Z (J.M. Erre (Erre, J.M.) )
Serie Z (J.M. Erre (Erre, J.M.) )
M ERRE
SÉRIE Z
Roman
BUCHET • CHASTEL
Série Z
Tous les matins, c’était l’odeur qui réveillait Félix (trente-trois ans,
soixante-dix kilos, un mètre soixante-seize d’inquiétudes
existentielles). A sept heures précises, le chat Krasucki (dix ans, dix
kilos, cinquante centimètres de molle obésité) se hissait péniblement
sur le lit de ses humains de compagnie et venait balader son haleine
rance sous le nez de Félix, le distributeur de croquettes. C’était un
peu rude, certes, mais ça faisait des économies de réveil. Et puis ça
vous rappelait que la vraie vie – là-bas, hors de la couette – n’était
pas une partie de plaisir.
Félix n’aimait pas le changement. Sortir du lit lui était aussi difficile
que d’y entrer. Le sommeil l’avait toujours inquiété : disparaître dans
le néant, comme ça, pendant des heures… Comment faisaient les
autres pour trouver ça naturel ? Le pire, c’est que si, par malheur, on
ne se réveillait pas, on ne le saurait jamais, et cette idée lui donnait
des insomnies.
L’autre peur de Félix, c’était de se lever un matin sans mémoire,
comme si tout s’était effacé pendant la nuit. C’est pourquoi, chaque
soir, il complétait le carnet où étaient notés les repères de sa vie, et
le plaçait sur sa table de chevet. Pour se souvenir. Au cas où.
Ton nom est Félix Zac. Tu vis à Paris au début du xxe siècle. Tu
viens de te faire réveiller par un immonde quadrupède adipeux
ressemblant vaguement à un chat. Ta première mission du matin,
prioritaire sur toute autre, consiste à lui donner ses croquettes bio
au saumon sauvage (rangées dans le placard sous l’évier de la
cuisine). Dépêche-toi d’y aller, sinon il va te griffer.
« J’ai les crocs ! » miaula Krasucki dans un souffle fétide. Félix
alluma l’ampoule basse consommation de sa lampe de chevet, s’assit
au bord de son futon en carton recyclé et enfila sa tong droite
pendant que Krasucki trottinait vers la cuisine avec la gauche dans la
gueule. C’est alors que la couette en fibre de bambou grommela :
« Lumière ! »
Gros plan sur la vieille femme qui hurle. Éclair. Écran noir dans un
grand fracas. Silence.
Début du générique.
LE JOURNALISTE, enthousiaste
Monsieur Bic, merci de me recevoir à la Niche Saint-Luc, la maison
de retraite des gens du spectacle. J’enquête sur une rumeur selon
laquelle trois pensionnaires auraient disparu sans laisser de trace,
ces derniers mois. La direction reste confuse dans ses explications.
Vivez-vous dans la peur ?
LE JOURNALISTE
Je ne suis pas sûr…
FÉLICIEN BIC
Et dans Flashman contre les hommes invisibles ? J’y crève l’écran !
LE JOURNALISTE
Vous faisiez Flashman ?
FÉLICIEN BIC
LE JOURNALISTE, attentif
Hum, hum…
FÉLICIEN BIC
Deux, la Niche a été construite sur un ancien cimetière indien et notre
directeur est possédé par l’esprit du Grand Sachem. Il organise des
messes noires à la cave et sacrifie des pensionnaires pour assouvir
les plaisirs pervers des notables du coin.
LE JOURNALISTE, intéressé
C’est-à-dire ?
FÉLICIEN BIC
Les pensionnaires ont peut-être rapetissé, comme dans L’homme qui
rétrécit. Ils sont encore à la Niche, mais nous ne pouvons pas les voir.
C’est pourquoi je demande à tout le monde de faire bien attention à
ne pas leur marcher dessus.
LE JOURNALISTE
Ah oui…
LE JOURNALISTE
Euh… Je me demandais une chose en vous écoutant… Ces
disparitions, ça ne pourrait pas être des fugues, tout simplement ?
FÉLICIEN BIC
Des fugues ? (Il se met à rire, doucement puis de plus en plus fort,
jusqu’aux larmes, avant de reprendre.) Nooon… Pas crédible !
Mardi 20 avril, 7 h 10-Rue Mouffetard
Pendant que le pur arabica équitable des hauts plateaux péruviens
aux arômes floraux et acidulés commençait à embaumer la cuisine,
Félix passa au salon car il n’aimait pas le café. Comme tous les
matins, son bol de chocolat à la main, il rendait visite à sa collection.
Tout était rangé avec soin, car les classements rassuraient Félix, lui
donnaient l’impression d’apporter de la cohérence à une réalité qui lui
était toujours apparue terriblement bordélique. Il y avait là des
centaines de cassettes vidéo et de DVD. Un panorama exceptionnel
de ce qu’on appelle le « cinéma bis ». De l’érotico-fantastique, du
western spaghetti, de la comédie franchouillarde, de l’horreur
fauchée, du giallo italien, du film d’action postapocalyptique…
Combien de chefs-d’œuvre inconnus qui avaient fait les beaux soirs
des cinémas de quartier, les mythiques Midi-Minuit, Colorado et
autres Brady ?
Félix se voyait comme le gardien d’un culte dont sa vidéothèque
était le temple. Mais il avait du mal à partager sa passion avec
Sophie.
Ou avec toute autre personne un minimum équilibrée.
SUZANNE
Au secours ! Les extraterrestres m’enlèvent !
SUZANNE, déchaînée
Au viol !
AIDE-SOIGNANTE, avec douceur
C’est juste la toilette, comme tous les matins.
Laissez-vous faire.
SUZANNE, suspicieuse
Pourquoi elle me tient, elle, si c’est pas une extraterrestre ?
AIDE-SOIGNANTE, soupirant
Pour éviter ce qui s’est passé hier.
SUZANNE
Qu’est-ce qui s’est passé, hier ?
AIDE-SOIGNANTE, gentiment
Vous m’avez giflée, madame Borniol…
SUZANNE, larmoyante
Ah oui ? J’ai pas fait exprès, je le referai plus. Dites-lui de me lâcher,
ça me fait mal !
AIDE-SOIGNANTE, attendrie
D’accord… Si vous promettez d’être sage.
SUZANNE, contrite
Je promets.
SUZANNE, jubilant
Ah, ah ! Celle-là, tu l’as pas volée, espèce de grosse Alien !
Mardi 20 avril7 h 23-Rue Mouffetard
MADELEINE
Tu sais qu’un journaliste est venu ce matin enquêter sur les disparus ?
Odette Flonflon lui a dit qu’à son avis un cinéphile fou enlevait des
acteurs pour les empailler et les exposer dans son musée personnel.
CHARLES, admiratif
Elle est sacrément souple !
MADELEINE
Qui ? Odette ?
MADELEINE, pensive
Faut voir… Peut-être qu’en faisant levier avec ton
déambulateur ? (Un temps.) Dis, Charles, tu crois qu’ils ont souffert ?
CHARLES
Bah, tu sais, un godemiché de cette taille, c’est jamais du gâteau.
MADELEINE
Je parlais de nos trois camarades disparus, pas du film !
CHARLES, agacé
Ne te monte pas la tête et profite du spectacle. (Fixant l’écran avec
intérêt.) À notre époque, il n’y avait pas tous ces objets en plastique.
Tu te souviens quand on tournait Margot servante docile ? On utilisait
des manches à balai, c’était nettement plus rugueux.
MADELEINE
Oui, mais c’était plus naturel.
AIDE-SOIGNANTE, maternelle
Voilà, madame Borniol. Mettez-vous à la table de Mlle Chaminou.
SUZANNE, furieuse
Ah non, pas la naine ! Elle a le cerveau en purée !
FERDINAND, exalté
Je sais ce que sont devenus les pensionnaires disparus ! J’ai reconnu
les yeux de mon camarade Aimé Fricotin. Il s’est transformé en
poisson clown !
AIDE-SOIGNANTE
Bien sûr, monsieur Bic… Je peux vous dire que c’est fini pour vous le
rosé à midi ! Quant à vous, madame Borniol, je vous laisse là.
SUZANNE
AIDE-SOIGNANTE
C’était il y a cinquante ans ! En plus, ça n’a rien changé, puisque
Hitchcock a coupé votre rôle au montage. Vous allez faire un puzzle
ensemble pour vous réconcilier. Mlle Chaminou est très gentille.
SUZANNE
Tous les légumes sont gentils ! C’est pas pour ça que je vais aller
taper la causette avec les courgettes du potager !
AIDE-SOIGNANTE, en s’éloignant
Allez, régalez-vous bien.
SUZANNE, marmonnant
C’est ça, oui… Tu vas t’en prendre une autre dans la poire, tu vas
comprendre. Bon. (Regardant sa voisine qui tient toujours une pièce
de puzzle dans sa main dressée.) Ça va, ma vieille ? Les neurones
repoussent ? (Un temps. Mlle Chaminou garde l’œil vide.) Ça doit
être un beau puzzle dans ta tête aussi… Et la tuyauterie, ça tient le
coup ? (Elle se penche, regarde sous la table.) On n’a pas mis la
coucouche aujourd’hui ? (Elle observe autour d’elle, puis prend un
verre d’eau sur la table et le verse entre les jambes de
Mlle Chaminou. Elle repose le verre, se retourne pour attirer le
regard d’une aide-soignante et désigne sa voisine.) Infirmière !
Accident ! (Puis, entre les dents.) A dégager, la courgette !
Commentaires
Tro duuuuuur ! jvé pleré ! ilé tro lakrimojèn ton blog docteur Z !
Commentaire n° 1 posté par : DJ RayBane
C’était parti. Félix s’installa sur son scooter et vérifia une dernière fois
la sacoche qui contenait deux exemplaires de son scénario. Il mit son
casque en se disant qu’il transportait là tous ses rêves ; et il avait
raison. Il démarra en pensant qu’à partir de ce jour, plus rien ne serait
pareil ; et il avait raison. Il grilla un feu rouge en chantonnant,
persuadé qu’enfin tout irait mieux.
Le Désosseur de cadavres
MADELEINE, chuchotant
Charles ! Réveille-toi !
CHARLES, sursautant
Qu’est-ce qu’il y a ? Tu veux encore une gâterie ? C’est que je n’ai
plus l’âge des douze coups de minuit !
MADELEINE
Chut ! C’est pas ça. Tu as entendu ?
MADELEINE
Il y a du bruit dans le couloir.
MADELEINE
Non, il est déjà passé tout à l’heure. Je crois que c’est…
MADELEINE
Tu sais bien ! Écoute, on vient d’entrer chez Marinette Chaminou !
MADELEINE
On n’a pas de menottes.
CHARLES
Pas grave. On prendra tes bas à varices.
MADELEINE, émoustillée
Coquin, va.
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Alors ?
Contrechamp sur Mlle Fisher, cheveux noirs en chignon, blouse
boutonnée jusqu’au col. Au-dessus d’elle, accrochée au mur, une tête
de sanglier.
MADEMOISELLE FISHER
Les rumeurs vont bon train. Chez certains, ça tourne à la psychose.
L’abbé Saint-Freu s’est barricadé dans sa chambre toute la journée.
Il a mis un panneau « Satan go home » sur sa porte, et quand une
infirmière a voulu passer en force, il a essayé de l’étrangler avec sa
sonde urinaire.
MADEMOISELLE FISHER
Vous vous chargez d’avertir la famille Chaminou ?
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Ce n’est pas le plus difficile à gérer, les familles râlent pour la forme,
mais on sent bien qu’elles sont soulagées. Finalement, c’est bon pour
nous. Si les gens savent qu’on disparaît à la Niche, ils y mettront plus
facilement leurs vieux parents !
Mines réprobatrices de Mlle Fisher et du sanglier.
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Excusez-moi, je plaisante mais c’est nerveux. Qu’est-ce que vous
voulez que je fasse ? La police n’a aucune piste. Quelques vieillards
en moins, ça n’a pas l’air de les perturber beaucoup !
MADEMOISELLE FISHER
Pour l’instant, on a réussi à éviter que ça filtre vers l’extérieur, mais
ça ne va pas durer. Un journaliste est venu fureter ce matin.
MADEMOISELLE FISHER
J’en ai bien peur, mon gros matou… Tu veux un câlin ?
Mais ce qui te trouble le plus, c’est quand elle dit qu’elle a foi… en
toi.
Stimulé par cette intrusion imprévue dans son monde intérieur, Félix
fit une démonstration de sa légendaire dextérité. En moins d’une
seconde, il parvint à relever la tête, lancer son stylo en l’air, pousser
un cri grotesque, masquer d’une main son scénario et, de l’autre,
renverser sa bière.
Toi qui signes les pétitions sous un faux nom, qui tournes de l’œil à la
simple évocation d’un don du sang, qui n’oses plus allumer la
télévision de peur que les SDF, les sans-papiers, les mazoutés, tous
les malheureux de la planète ne viennent te demander de l’aide, tu vis
sous le regard de Sophie et de Marie-Jo, deux femmes combatives
et révoltées. Et tu culpabilises.
— Euh… Non.
LOUISE
Pourquoi ?
FERDINAND
Parce qu’elle aimait beaucoup les puzzles.
LOUISE
Et alors ?
FERDINAND
J’ai remarqué que les trois autres disparus aussi adoraient les
puzzles. Je suis sûr qu’il y a un lien. Ils ont peut-être tous manipulé un
puzzle maudit ? Ou alors, c’est une ouverture spatiotemporelle qui
vous téléporte sur un autre monde une fois le puzzle terminé ?
LOUISE
Il ne pourrait pas être le prochain à disparaître, l’abbé ? Ça nous
ferait des vacances.
FERDINAND
Aucune chance, malheureusement.
LOUISE
Pourquoi ?
FERDINAND
Il n’aime pas les puzzles.
MADELEINE
C’est vrai, mais cela vaut mieux que d’être toujours coupée au
montage.
SUZANNE
Ah, dans ce domaine je m’incline, vous êtes connue pour avoir été
bien montée toute votre carrière.
MADELEINE
Vous nous montrez votre meilleur visage, ce soir… Ça me rappelle
votre apparition en sorcière dans Les Vierges de Satan. Vous aviez
tourné sans maquillage, n’est-ce pas ?
SUZANNE
Détrompez-vous, le costume était lourd à porter. Mais vous ne savez
pas ce que c’est, chanceuse, vous n’avez jamais été embêtée par les
problèmes d’habillage… Les studios étaient bien chauffés, au moins ?
MADELEINE
Très bien, merci. Il est vrai que je n’ai jamais eu besoin de me
dissimuler sous des perruques et des robes larges. Mais tout le
monde ne peut pas être gâté par la nature…
SUZANNE
Attention, à être trop gâtée on devient blette.
MADELEINE
Vous parlez en spécialiste, vous l’étiez déjà à vingt ans.
SUZANNE
Oh, ça va, si on peut même plus discuter entre copines ! (Elle se
tourne vers Ferdinand.) Au fait, tu sais ce qu’il fait à la Niche,
l’abbé ? Il a tourné au cinéma ?
FERDINAND
Non, mais il a eu une dérogation pour « activités assimilées music-
hall ». Cinquante ans à débiter sa tirade de l’Apocalypse dans les
église déguisé en Don Camillo, ça lui a valu le statut d’intermittent du
spectacle.
SUZANNE, admirative
Il est fort, l’abbé.
FERDINAND, rougissant
A part ça, Madeleine… hum… Vous n’avez pas de… hum… de
copies de vos films ?
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Ce sont des personnes âgées, il faut y aller avec douceur.
INSPECTEUR GALACHU
À propos de douceur, vous voyez l’albinos en soutane qui donne des
coups de canne au flan qu’on vient de lui servir ?
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Oui, c’est l’abbé Saint-Freu.
INSPECTEUR GALACHU
Il m’a jeté un verre d’eau à la figure en me criant de retourner en
enfer. C’est normal ?
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
INSPECTEUR GALACHU
Il y a aussi la mémé, là-bas.
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Celle qui vient de piquer une banane et de la glisser dans son
corsage ?
INSPECTEUR GALACHU
Non, celle qui empêche sa voisine de manger en lui donnant des
coups de coude chaque fois qu’elle essaie de porter une fourchette à
sa bouche.
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Ah oui… Suzanne Borniol…
INSPECTEUR GALACHU
Elle m’a bousillé le genou en me fonçant dessus. Si j’ai bien compris,
elle m’a pris pour Alfred Hitchcock. Il paraît que je l’aurais « coupée
au montage ».
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
On aime plaisanter à cet âge, c’est un peu le retour en enfance.
INSPECTEUR GALACHU
Ma question est donc : ai-je rencontré tous les forcenés de
l’établissement ou dois-je demander du renfort pour continuer mon
enquête ?
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Je suis confus, je vais expliquer la situation aux pensionnaires et leur
demander de collaborer.
INSPECTEUR GALACHU
Vous allez leur dire la vérité ?
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Non, ça risque de créer une panique générale. On va continuer à leur
parler de « disparitions ».
INSPECTEUR GALACHU
Vous savez, ils finiront par tout découvrir un jour ou l’autre…
PROFESSEUR SCHLOCKOFF
Je sais, mais le plus tard possible.
Derrière l’écran…
1
Commentaires
jte kif tro dr Z mé fo arété 2 fumé dé tarpé avant Dcrir
Commentaire n° 1 posté par : DJ RayBane
Madame, monsieur,
Vous avez mal partout ? Les gens vous parlent en haussant la
voix ? C’était mieux avant, ma bonne dame ? Ça y est, il fallait bien
que ça vous arrive un jour : vous êtes vieux ! Et ce n’est pas près de
s’arranger… Maïs pas de panique, nous avons le produit miracle qu’il
vous faut (car les vieux sont nos amis).
Léger, maniable, profilé, il sera votre compagnon de tous les
jours. Disponible en trois coloris – bleu nuit, noir azur et ébène bleuté
– son esthétique sobre et raffinée fera des jaloux autour de vous. En
boîte de 92,133 ou 428, il s’adapte à tous les budgets.
Le Tranquillizac 500
des laboratoires Xkyzkstyx.
A piler tous les matins dans un grand bol de soupe.
*
Marinette Chaminou est couchée sur son lit, revêtue d’une ample
tunique vert pomme, coiffée d’une perruque blonde. Au-dessus de sa
tête scintille une auréole en plastique. De ses flancs se déploient
deux ailes en coton. Face à elle, punaisée au mur, une affiche du
feuilleton Joséphine, ange gardien. À ses côtés, un écran de
télévision diffuse en boucle une scène où Mimi Mathy utilise ses
pouvoirs magiques pour venir au secours d’un gentil blondinet qui
s’est fait bobo au doigt avec un pâté de sable.
Marinette a l’éternité devant elle.
Et une marque de piqûre sur le derrière.
*
Félix se leva à la suite d’Ernest Galachu, absorbé dans ses
pensées. Monrœ, Gabin, Morgan, Mimi Mathy… Quel point commun
pouvait-il y avoir ? Monrœ, Morgan… Mais oui ! Gabin, Mathy…
C’était évident !
— J’ai trouvé ! Ils sont blonds ! cria Félix.
— Quoi ? s’agaça Galachu qui ne goûtait guère les débordements
d’enthousiasme à trois centimètres de son oreille.
— Les acteurs choisis par le tueur sont tous blonds ! Dans les
films, les serial killers sont toujours fétichistes. Le nôtre fait une
fixette sur les blonds.
Galachu et Schlockoff se regardèrent. Et si ce Félix, contre toute
attente…
— Vous interprétez ça comment ? demanda l’inspecteur.
— C’est simple ! Soit il déteste les acteurs blonds et il veut les
éliminer, soit il les adore et il veut leur rendre hommage en les
mettant en scène. À mon avis, le tueur est blond…
Félix marqua une pause, l’air inspiré, avant de reprendre,
surexcité :
— Ou alors il est brun et il aimerait être blond ! Ou alors il est
chauve !
— Tout ça est passionnant, fit Galachu en essayant de rester
calme, je sens que vous allez nous être d’un grand secours. Vous
savez quoi ? Dès que vous avez une idée, vous me l’envoyez par
mail, O.K. ?
— Pas de problème !
— Merci. Et maintenant, on y va.
Félix repartit avec un hamster russe offert par Schlockoff pour le
remercier de sa participation. Virgile suivit en sifflotant, un raton
laveur dissimulé sous sa chemise. Ernest fermait la marche, le
professeur lui empoigna le bras au moment où il passait la porte et
chuchota à son oreille :
— Vous pensez toujours que ce garçon pourrait être le coupable ?
— Je le saurai bientôt. C’est pour ça que je l’ai enrôlé en lui
faisant croire que j’avais besoin de lui, je veux l’avoir sous les yeux en
permanence.
— Il a pourtant l’air inoffensif.
— C’est ce qui le rend suspect. Comme je dis toujours : « Plus il
ne paye pas de mine, moins il n’est pas innocent. »
— Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris…
— C’est le théorème de Columbo. Faut être spécialiste.
comme un gamin.
— Comment va-t-on fêter nos quatre-vingts ans de mariage ?
reprit Madeleine, furax. Tu m’avais promis un remake de notre nuit de
noces. Le grand chelem !
— T’inquiète. Souviens-toi de ce que j’ai fait dans la scène du
boudoir de Claudia la nudiste : sans les mains !
— Tu avais vingt ans !
— J’ai plus d’expérience !
— Tu ne tiens pas debout !
— Tu feras l’amazone !
— Je ne tiens pas debout non plus !
— Pfïf, Madeleine… Je crois que ça y est…
— Quoi ?
— On se fait vieux.
À cet instant, le professeur Schlockoff fit son apparition à
l’infirmerie, poussant un vieillard à l’air paniqué dans un fauteuil
roulant.
— Monsieur et madame Desflanelles, je vous cherchais. Je
voulais vous présenter un nouveau venu, M. Cousteilles, qui a fait une
grande carrière dans le théâtre de boulevard au Luxembourg.
— Ah, ah, fit Charles d’un air malicieux. Un nouveau ! Il va falloir
prévoir un bizutage !
— On verra, M. Cousteilles a d’abord une question à vous poser.
Et comme il n’a plus de cordes vocales, c’est moi qui vais m’en
charger.
— Je vous écoute.
— C’est un détail, vous allez rire, mais M. Cousteilles voudrait
savoir si vous pouviez lui rendre sa… jambe.
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Commentaire n° 5 posté par : Samantha
Commentaires
fo te reposé docteur Z, pran dé vitamin é mé toi o li, t an surchof !
Commentaire n° 1 posté par : DJ RayBane
tu mchof tro avek té cuetch mami ! tuva voir kom jvé tlé kuiziné si
jtatrap !
Commentaire n° 5 posté par : DJ RayBane
Commentaires
tem bien lé C rial kiler docteur Z ? tem kan sa Dgoulin ou kan sa
éklabous ?
Commentaire n° 1 posté par : DJ RayBane
FÉLIX ZAC
Il faut mettre à l’abri Odette Flonflon ! Elle est la prochaine sur la
liste ! Elle va être assassinée !
FÉLIX ZAC
Je… Je ne peux pas vous expliquer maintenant, c’est compliqué.
Faites le nécessaire pour Odette Flonflon et je dirai tout à l’inspecteur
Galachu.
[…].
*
Odette Flonflon est assise dans un fauteuil, vêtue d’une longue
robe pourpre et d’un étroit corset. Elle porte une perruque d’un noir
de jais aux longs cheveux étalés sur le dossier. Son visage est
penché sur le côté, sa peau est d’une pâleur extrême, sur son cou on
distingue deux traces de morsure.
Face à elle, une affiche du Cauchemar de Dracula.
*
A sa gauche, un écran de télévision diffuse en boucle la fameuse
scène où Christopher Lee, la bouche gourmande, honore de ses
crocs la gorge offerte de sa victime.
Traits reposés, paupières closes, Odette semble en paix pour
l’éternité.
Elle a une marque de piqûre au bras droit.
4
Les dépositions
Samedi 8 mai -Affaire Niche Saint-Luc
À la Niche…