Les Biens Du Commercant

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Spero MAHOULE : Droit commercial général (21-22)

4. LES BIENS DU COMMERCANT : LE FONDS DE COMMERCE


Le fonds de commerce est inclus dans le patrimoine d’une personne physique
ou morale, et ne comprend pas les créances et les dettes qui demeurent
personnelles à l’exploitant. Il ne se confond pas avec le patrimoine entier
et n’en est qu’une partie composée uniquement des éléments meubles.
Le fonds de commerce, suivant l’article 135 de l’AUDCG, est l’ensemble
de moyens, qui permettent à un commerçant d’attirer et de conserver
une clientèle.
Il importe de connaître d’abord les éléments constitutifs, ensuite la protection
du fonds de commerce, et enfin les opérations sur le fonds de commerce.

4.1. LA COMPOSITION DU FONDS DE COMMERCE


Les éléments d’un fonds de commerce varient suivant l’activité effectuée. En
dehors des éléments obligatoires que sont la clientèle et l’enseigne ou le nom
commercial, l’article 137 de l’AUDCG cite comme éléments possibles d’un fonds
de commerce : les installations ; les aménagements et agencements ; le matériel
; le mobilier ; les marchandises en stock ; le droit au bail ; les licences
d’exploitation ; les brevets d’inventions, marques de fabrique et de commerce,
dessins et modèles, et tout autre droit de propriété intellectuelle nécessaires
à l’exploitation. Nous étudierons ces éléments en distinguant meubles corporels
des meubles incorporels.
4.1.1. Les éléments incorporels

4.1.1.1.La clientèle et l’achalandage


C’est en réalité les droits intellectuels sur la clientèle qui font partie du fonds
de commerce, mais la formule retenue est la clientèle et l’achalandage.
La clientèle est l’est l'élément essentiel du fonds de commerce. Il en constitue la
finalité, puisque tous les autres éléments convergent vers sa conquête

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et son maintien. On définit généralement la clientèle comme l'ensemble


des personnes qui se fournissent chez un commerçant ou qui ont recours
à ses services. Il peut s'agir des personnes attirées par les qualités propres
du commerçant, par exemple ses qualités d'accueil et de compétence
professionnelle, ou des personnes attirées par l'implantation géographique
du fonds de commerce. Dans ce dernier cas, on parle de chalands (achalandage).
Toutefois l'AUDCG ne fait pas de distinction entre clientèle
et achalandage.
La clientèle est donc l’ensemble des clients, fidèles ou réguliers, passagers
ou irréguliers d’un fonds.
La clientèle est un élément du fonds de commerce lorsqu’elle est :
- commerciale, c’est-à-dire être attachée à la personne qui a la qualité
de commerçant. Si elle est attachée aux professions libérales, elle est civile ;
- personnelle et propre, appartenant au fonds de commerce qui en maîtrise
la gestion ; la jurisprudence a établi depuis un arrêt de l’assemblée plénière
du 24 avril 1970 qu’il y a clientèle quand celle-ci appartient en propre
à la personne. Et tout récemment, la cour de cassation a reconnu dans un arrêt
du 27 mars 2002 que le franchisé est titulaire d’une clientèle locale attachée aux
moyens qu’il met en œuvre personnellement et à ses risques et périls.
- actuelle et réelle, car en principe la clientèle résulte de l’exploitation.
Le fonds de commerce disparaît dès lors que la clientèle n’est plus exploitée.
Notons l’exception des fonds de commerce dont la clientèle peut préexister
à cause des marques de l’exploitation : cas des stations-services pétrolières,
des salles de cinéma, ou d’un débit de boissons ouvert à un endroit où passent
de nombreux touristes. Exemple : constitue un fonds de commerce
un restaurant réputé, même s’il est situé dans une gare, dès lors qu’il a
une clientèle personnelle.

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4.1.1.2. Le droit au bail


Le commerçant qui exploite son fonds de commerce dans un local qui ne lui
appartient pas, est souvent confronté au problème de maintien du bail
pour garantir la stabilité géographique de sa clientèle. Le droit a institué en
faveur du locataire la notion de bail à usage professionnel, qui est protégée par
le droit au bail.
L’article 103 de l’acte uniforme sur le droit commercial général dispose « Est
réputée bail à usage professionnel, toute convention, écrite ou non,
entre une personne investie par la loi ou une convention du droit de donner
en location tout ou partie d’un immeuble compris dans le champ d’application
du présent Titre, et une autre personne physique ou morale, permettant à celle-
ci, le preneur d’exercer dans les lieux avec l’accord de celle-là, le bailleur une
activité commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre activité
professionnelle ».
Le bail à usage professionnel est appliqué :
 Aux locaux ou immeubles à usage commercial, industriel, artisanal
ou à tout autre usage professionnel ;
 Aux locaux accessoires à ceux cités au-dessus ;
 Aux terrains nus sur lesquels ont été édifiées, avant ou après
la conclusion du bail, des constructions à usage commercial, industriel,
artisanal ou à tout autre usage professionnel.
Le bail à usage professionnel peut être à durée déterminée ou indéterminée ;
les parties conviennent librement de la durée. Si ce bail est prévu pour
une durée inférieure à deux ans, il est dit un bail précaire car il n’assure pas
le renouvellement. Si le bail est conclu par acte notarié pour une longue durée
(entre 18 et 99 ans), il est appelé bail emphytéotique. Dans ce bail, le preneur

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a toute liberté dans la destination des lieux loués, mais il n’a ni droit
à renouvellement, ni droit à indemnisation à la fin du contrat.
A défaut de terme fixé ou d’écrit, le bail est réputé à durée indéterminée.
Le preneur du bail à usage professionnel bénéficie du droit au bail s’il a exploité
l’activité pendant plus de deux années conformément aux stipulations du bail.
Ce droit au bail permet au commerçant locataire d’un immeuble d’exiger
le renouvellement de son bail commercial ou à défaut d’obtenir une indemnité
d’éviction. Aucune stipulation du contrat ne peut faire échec au droit
au renouvellement.
Le locataire qui désire renouveler le contrat à durée déterminée, doit en faire
la demande par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen,
au plus tard trois mois avant l’échéance. Le bailleur doit faire parvenir son refus
au moins un mois avant l’échéance. Le silence est au tort de celui qui doit
donner sa réponse. L’article 124 (AUDCG) précise que le preneur est déchu
de son droit de renouvellement, et le bailleur est réputé avoir accepté le principe
du renouvellement de ce bail.
Pour le bail à durée indéterminée, la partie qui prend l’initiative de la rupture,
doit aviser l’autre six mois à l’avance.
Le bailleur peut cependant refuser le renouvellement et payer une indemnité
d’éviction, fixée à l’amiable ou sur décision judiciaire prenant en compte
le montant du chiffre d’affaires, les investissements réalisés par le preneur,
la situation géographique du local, et même de tous les autres préjudices subis
du fait de l’éviction.
Toutefois le bailleur peut refuser le renouvellement sans avoir à payer
d’indemnité d’éviction :
- s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant.
Ce motif selon l’article 127 de l’AUDCG doit consister dans l’inexécution

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par le locataire d’une obligation substantielle du contrat (la jurisprudence retient


le retard fréquent dans le paiement du loyer, la mauvaise tenue du local,
le caractère immoral du commerce exploité, la déspécialisation totale non
autorisée, la sous location non autorisée…), ou dans la cessation de l’activité
commerciale. Mais le même article fait obligation au bailleur d’invoquer
ce motif, si et seulement si le locataire a été mis en demeure par acte
extrajudiciaire, mais a continué les faits plus de deux mois après.
- s’il envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loués
et de le reconstruire : le bailleur doit dans ce cas justifier de la nature
et de la description des travaux projetés. Le preneur a le droit de rester
dans les lieux jusqu'au commencement des travaux de démolition, et il bénéficie
d'un droit de priorité pour se voir attribuer un nouveau bail dans l'immeuble
reconstruit. Si les locaux reconstruits ont une destination différente de celle des
locaux objets du bail, ou s'il n'est pas offert au preneur un bail dans les nouveaux
locaux, le bailleur doit verser au preneur l'indemnité d'éviction.
- S’il envisage reprendre les locaux d'habitation accessoires des locaux
principaux, pour les habiter lui-même ou les faire habiter par son conjoint ou
ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint. Cette reprise ne
peut être exercée lorsque le preneur établit que la privation de jouissance
des locaux d'habitation accessoires apporte un trouble grave à la jouissance
du bail dans les locaux principaux, ou lorsque les locaux principaux et les
locaux d'habitation forment un tout indivisible.
- La jurisprudence admet que le contrat peut être rompu par le bailleur
sur décision judiciaire sans indemnité d’éviction, lorsqu’il existe un élément
non contractuel, mais de gravité telle que le contrat est affecté (coups et
blessures sur le bailleur par le locataire mauvaise vie du locataire …).

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Le droit de repentir est accordé au bailleur qui, après avoir refusé de renouveler
le bail, revient sur sa décision. Le preneur peut refuser et exiger l’indemnité
d’éviction, s’il a déjà engagé des frais pour un autre local. Le droit de repentir est
exercé dans un délai de 15 jours après le refus de renouvellement.
Le propriétaire qui reprend son local avec ou sans paiement de l’indemnité
d’éviction exerce son droit de reprise ; cependant le droit de reprise est
difficilement applicable lorsque le locataire bénéficie du droit au bail.
D’où l’appréciation souveraine des juges pour décider de l’acceptation
du renouvellement ou de la fixation de l’indemnité d’éviction.
NB :
- Le bailleur est tenu de délivrer les locaux en bon état, et il est responsable
à ses frais, des grosses réparations ; il ne peut de son seul gré, ni apporter
des changements à l’état des locaux donnés à bail, ni en restreindre l’usage.
Il est responsable envers le preneur du trouble de jouissance survenu
de son fait ou du fait de ses ayants-droit ou préposés.
- Le preneur doit payer le loyer aux termes convenus, exploiter les locaux
en bon père de famille conformément aux destinations du local, et est tenu
des réparations d’entretien.
- Le bail ne prend pas fin par la vente des locaux, car l’acquéreur est substitué
dans les obligations du bailleur. De même le décès de l’une des parties
ne met pas fin au contrat ; en cas de décès du preneur, le bail se poursuit
selon l’article 111 de l’acte uniforme (DCG) avec les conjoints, ascendants
ou descendants en ligne directe du de cujus, qui en font la demande
par acte extrajudiciaire au bailleur.
- Le preneur peut céder son bail après signification au bailleur par acte
extrajudiciaire, précisant l’identité du cessionnaire, son adresse,
son numéro d’immatriculation au RCCM. A défaut de cette signification

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la cession est inopposable au bailleur. A dater de la signification, le bailleur


a un délai d’un mois pour s’opposer à la cession, en invoquant des motifs
sérieux et légitimes.
- La sous - location totale ou partielle est interdite sauf stipulation contraire.
En cas de sous location autorisée l’acte doit être porté à la connaissance
du bailleur par tout moyen écrit. Lorsque le loyer de la sous location est
supérieur au prix du bail principal, le bailleur principal a le droit d’augmenter
le prix du loyer principal.

4.1.1.3. Le nom commercial


Il est l’appellation qui sert à désigner le fonds de commerce, sous laquelle
le commerçant exerce son activité. Il peut être le patronyme du commerçant
ou un nom fantaisiste. Le nom commercial est cessible avec le fonds
de commerce.

4.1.1.4. L’enseigne
Elle est le signe extérieur qui permet d’individualiser le fonds de commerce,
mais surtout de le localiser. Elle est destinée à attirer le regard des passants.
Elle peut être une reprise du nom commercial ou un emblème ou un logo.
Exemple du losange de la société Renault.

4.1.1.5. Les droits de propriété


Il s’agit des brevets d’invention, des monopoles d’exploitation, des marques,
des dessins, des droits sur les logiciels. Ils peuvent être cédés par
le propriétaire.

4.1.1.6. Les autres éléments incorporels

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Parfois, une autorisation est indispensable pour l’exploitation de certains fonds


de commerce, notamment la licence pour les débits de boisson, la carte
de transporteur routier… Elle a une valeur pécuniaire et n’est pas une condition
de validité d’un fonds de commerce.

4.1.2. Les éléments corporels

4.1.2.1. Le matériel et l’outillage


On désigne ainsi l’ensemble des biens meubles corporels qui servent
à la production, à l’exploitation ou à l’entretien du fonds de commerce.
Ces éléments font partie du fonds à condition de demeurer des meubles.

4.1.2.2. Les marchandises


On appelle ainsi les matières premières non encore utilisées, mais surtout les
produits fabriqués et qui sont en stock.

4.2. LA PROTECTION DU FONDS DE COMMERCE


Le fonds de commerce doit être protégé contre la concurrence déloyale,
la contrefaçon et l’instabilité géographique (la dernière protection est déjà
assurée par le droit au bail).

4.2.1. L’action en concurrence déloyale


Deux commerçants faisant la même activité doivent, chacun, essayer
de conquérir et de fidéliser la plus grande partie des clients ; ce faisant,
il se crée entre eux une concurrence. L’économie de marché encourage
cette pratique en refusant le monopole, pour stimuler le développement
économique. Cependant la loi précise que la concurrence ne doit pas être
déloyale ou illicite. Elle est déloyale, lorsqu’un commerçant utilise des moyens
frauduleux ou malhonnêtes pour détourner la clientèle d’un autre commerçant.

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Pour la jurisprudence, il y a concurrence déloyale, lorsqu’il y a


le dénigrement (qui est différent de la publicité comparative), la confusion
(imitation des produits, de la marque, ou du nom commercial),
et la désorganisation (espionnage industriel, débauchage du personnel,
détournement de commandes).
Lorsqu’un commerçant invoque la concurrence déloyale, il doit prouver
la faute, le préjudice et le lien de causalité entre la faute et le préjudice,
pour bénéficier d’une action en responsabilité civile délictuelle fondée
sur les articles 1382 et 1383 du code civil. L’absence d’un des caractères
de la responsabilité civile délictuelle empêche le commerçant, qui se dit victime,
d’avoir gain de cause. Précisons que la publicité dithyrambique n’est pas retenue
comme une faute entraînant la concurrence déloyale.

4.2.2. L’action en contrefaçon


La contrefaçon est une atteinte portée aux droits de propriété industrielle
ou commerciale. Cette atteinte peut être une usurpation ou une imitation
des dessins, marques ou modèles qui ont permis au véritable propriétaire
de se constituer une clientèle.
Le contrefacteur est soumis à des sanctions telles que :
 l’interdiction sous astreinte de la poursuite de l’activité ;
 la confiscation des objets contrefaits ;
 la publication de la décision dans les journaux ;
 la condamnation au paiement des dommages intérêts.

4.3. LES OPERATIONS SUR LE FONDS DE COMMERCE


Le fonds de commerce étant un meuble, il peut permettre la réalisation de
certaines opérations économiques. Ainsi par exemple, il peut être exploité
directement ou en exécution d’un contrat de location-gérance. L’exploitation

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directe peut être le fait d’un commerçant, même s’il est entreprenant, ou d’une
société commerciale. De même il peut être utilisé pour une garantir une créance
dans le cadre du nantissement ou peut être cédé dans une opération de cession
entre vifs.

4.3.1. Le nantissement du fonds de commerce

L’article 125 de l’AUOS a prévu le nantissement des meubles incorporels


(créance, droits d’associés, valeurs mobilières et comptes de titres financiers,
droits de propriété intellectuelle, compte bancaire et fonds de commerce).
Le nantissement du fonds de commerce est la convention par laquelle
le constituant affecte en garantie d’une obligation, les éléments incorporels
constitutifs du fonds de commerce à savoir la clientèle et l’enseigne ou le nom
commercial (article 162 acte uniforme portant organisation des suretés).
Le nantissement du fonds de commerce peut également porter sur les autres
éléments du fonds de commerce à condition d’être expressément stipulés dans
une clause spéciale de la convention de nantissement.
Si le nantissement porte sur un fonds de commerce et ses succursales, celles-ci
doivent être désignées avec l’indication précise de leurs sièges.
Le nantissement du fonds de commerce doit être établi par acte authentique
ou sous seing privé, et enregistré au RCCM. Il doit, sous peine de nullité,
mentionner :
 les noms prénoms et domiciles du créancier, du débiteur,
et du constituant du nantissement si celui-ci est un tiers ;
 la désignation précise et le siège du fonds et s’il y a lieu, de ses succursales;
 les éléments du fonds nanti ;
 les éléments permettant l’individualisation de la créance garantie
tels que son montant ou son évaluation, sa durée et son échéance.

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Il faut préciser que le nantissement du fonds de commerce peut ne pas être


conventionnel, mais résulter d’une décision judiciaire : il s’agit
d’un nantissement judiciaire qui obéit aux dispositions relatives à la saisie
conservatoire des titres sociaux.
Lorsque le débiteur veut faire déplacer le fonds, il doit le notifier au créancier
nanti par acte extrajudiciaire dans les quinze jours qui précèdent
le déplacement. Le créancier qui craint une dépréciation de sa sûreté demande
la déchéance du terme ; dans le cas contraire, il accepte le déplacement
et mentionne son accord en marge de l’inscription initiale.
Si le bailleur de l’immeuble dans lequel est exercé le commerce veut résilier
le bail, alors qu’il y a inscription de la sûreté, il doit notifier sa décision
au créancier nanti par acte extrajudiciaire ; raison pour laquelle, le créancier
inscrit doit notifier son titre au bailleur. L’inscription au RCCM conserve
les droits du créancier pendant cinq années renouvelables.

4.3.2. La location gérance du fonds de commerce


Le fonds de commerce peut être exploité directement ou indirectement
par le propriétaire ; de façon indirecte l’exploitation se fait dans le cadre
de la location gérance. La location gérance est une convention par laquelle
le propriétaire du fonds de commerce, personne physique ou morale, en
concède la location, en qualité de bailleur, à une personne physique ou morale,
locataire-gérant, qui l’exploite à ses risques et périls.
L’acte uniforme précise que l’entreprenant ne peut être partie à un contrat
de location gérance (article 138 alinéa 3 in fine).

Le locataire est appelé gérant libre ou locataire gérant, qui ne se confond pas
avec le gérant succursaliste et le gérant salarié, qui travaillent pour le compte
d’une autre personne. Le gérant libre est un commerçant soumis

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aux obligations commerciales, alors que le bailleur cesse d’être un commerçant


tout en gardant son immatriculation au registre du commerce ; néanmoins
le bailleur doit modifier son inscription au RCCM, par la mention de la mise
en location gérance et l’opération doit être publiée dans un journal d’annonces
légales dans la quinzaine de sa date.
Elle est conventionnelle, et est instituée lorsque le bailleur ne peut gérer
lui-même le fonds, soit pour incapacité, soit pour indisponibilité. Elle se fait dans
les conditions prévues par la loi.

4.3.2.1. Les conditions de mise en œuvre de la location gérance


La location gérance obéit aux règles communes des contrats, mais aussi
à des règles particulières qui tiennent de la publicité et des délais.

4.3.2.1.1. Conditions de délai


L’article 141 de l’acte uniforme (DCG) a prévu que le bailleur qui concède
son fonds en location gérance doit avoir exploité ledit fonds, lui-même,
en qualité de commerçant, pendant une durée d’au moins deux ans.
En dehors de ces conditions, le bailleur ne doit pas être déchu ou interdit
de l’exercice des activités commerciales, et les conditions de l’article 141 précité
ne peuvent s’appliquer à l’Etat, aux collectivités locales, aux établissements
publics, aux héritiers ou légataires d’un commerçant décédé, et aux mandataires
de justice chargés de l’administration d’un fonds de commerce (article 143
du même acte uniforme).

Le délai peut être écourté sans être inférieur à un an par le juge, pour des raisons
légitimes que sont l’impossibilité d’exploitation du fonds personnellement ou
par l’intermédiaire d’un préposé.

4.3.2.1.2. Conditions de publicité


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Le contrat de location gérance doit être écrit et porté au RCCM. Une publicité
doit être faite dans les quinze jours sous forme d’extrait dans un journal
d’annonces légales. La condition de publicité n’est pas une condition
de validité, mais elle rend le bailleur solidairement responsable des dettes
de gestion jusqu’à six mois après la publicité. Ce délai de six mois après
la publicité n’est pas retenu par l’article 145 de l’acte uniforme (DCG),
qui dispose « jusqu’à la publication du contrat de location gérance,
le propriétaire du fonds est solidairement responsable ».
Le locataire gérant est tenu d’indiquer en tête de ses bons de commande,
et autres documents financiers son immatriculation et sa qualité de locataire -
gérant. Toute infraction à cette disposition est punie par la loi pénale nationale.

4.3.2.2. Les effets de la location gérance


Une fois conclu, le contrat de location a des incidences à l’égard du bailleur,
du locataire – gérant et des tiers.
 Les dettes du bailleur peuvent être déclarées immédiatement exigibles,
par la juridiction compétente, si elle estime que la location gérance met
en péril leur recouvrement. L’action est introduite dans un délai de trois
mois à compter de la publication.
 Le gérant libre doit payer ses redevances, exploiter le fonds en bon père
de famille, continuer les contrats de travail avec les agents, ne pas sous
louer ou céder le fonds sans l’accord du bailleur.
 Le gérant libre conserve son titre même si le bailleur vend le fonds,
sauf pour le nouvel acquéreur de l’expulser contre paiement d’indemnité.
 A l’expiration du contrat, le bailleur peut refuser le renouvellement
sans avoir à payer d’indemnité au locataire ; il peut par indulgence
lui donner une indemnité de plus-value. L’expiration du contrat

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a également pour effet de rendre les dettes exigibles pour le locataire qui
les a contractées au cours de sa gestion.
4.3.3. La cession du fonds de commerce
La cession du fonds de commerce est un acte onéreux par lequel le propriétaire
du fonds de commerce cède celui-ci à un cessionnaire. La cession du fonds
de commerce est un contrat qui obéit aux règles générales de la vente,
mais en plus elle a des règles propres, qui ont pour finalité la protection
de l’acquéreur, du cédant et des créanciers du cédant.

4.3.3.1. Les règles particulières à la cession du fonds de commerce


L’article 148 de l’AUDCG dispose que la cession du fonds de commerce porte
obligatoirement sur la cession du fonds commercial, plus de façon facultative
les autres éléments expressément stipulés.
La cession du fonds de commerce est un contrat particulier de vente qui doit
contenir certaines mentions obligatoires, et faire l’objet d’une publicité.
4.3.3.1.1. Les mentions obligatoires
Il est indispensable de produire un écrit qui soit authentique, ou sous seing privé,
mais comportant certaines mentions obligatoires (article 150 AUDCG), telles
que :
 l’état civil complet des parties pour les personnes physiques
et la dénomination sociale plus la forme juridique, l’adresse du siège social
pour les personnes morales ;
 leurs numéros d’immatriculation au registre du commerce ;
 l’état des privilèges, nantissements et inscriptions grevant le fonds ;
 le chiffre d’affaires réalisé au cours de chacune des trois dernières années ;
 les résultats commerciaux réalisés depuis trois ans ;
 le bail commercial, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur ;

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 le prix de la cession convenu entre les parties ;


 la situation et les éléments du fonds vendu ;
 le nom et l’adresse du séquestre.
Le défaut de l’une des mentions, ou l’inexactitude, entraîne la nullité
du contrat dans un délai d’un an pour le défaut, et cinq ans pour l’inexactitude
en droit français. Le traité unifié n’a pas dissocié les deux notions et leurs délais,
et en donne la prescription pour un an.

4.3.3.1.2. La publicité
L’acte constatant la cession d’un fonds de commerce doit être déposé
par les parties, en une copie certifiée conforme au registre du commerce ;
ensuite les parties doivent procéder aux mentions modificatives au dit registre ;
enfin, dans un délai de quinze jours, l’acte de cession doit être publié
à la diligence de l’acquéreur sous forme d’avis, dans un journal habilité
à recevoir les annonces légales, et paraissant au lieu où le cédant est inscrit
au registre du commerce.

4.3.3.2. Les effets de la cession du fonds de commerce


Les effets de la cession du fonds de commerce concernent surtout
les obligations des parties et leurs protections.

4.3.3.2.1. Les obligations des parties


Les obligations sont à la fois à la charge du cédant et du cessionnaire.

 Les obligations du cédant


Le cédant a pour obligation celle de délivrance qui lui permet de transférer
la propriété du fonds vendu au cessionnaire (sauf clause de réserve
de propriété). Mais il a également une obligation de garantie à cause

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de laquelle il doit d’une part de préserver le cessionnaire des vices liés


au fonds, et d’autre part lui éviter d’être un concurrent. Cette deuxième
garantie, qui est légale, interdit au cédant de s’installer dans un périmètre
proche du fonds vendu pour exercer la même activité. Cette garantie légale peut
être confortée ou précisée par une clause de non-rétablissement qui interdit
les activités similaires et semblables ; cette clause est valable à condition d’être
prévue pour un temps et pour un périmètre donné. Il doit faire inscription
de son privilège de vendeur au registre du commerce s’il n’a pas été payé.

 Les obligations du cessionnaire


Le cessionnaire en dehors de la publicité, est tenu surtout de payer le prix
d’achat, conformément à l’échéance et aux autres modalités convenues.
Il dépose les acomptes chez le séquestre, jusqu’à libération totale du montant.

4.3.3.2.2. Les protections des parties et des tiers


La cession du fonds de commerce oblige à protéger à la fois le cédant
et le cessionnaire, mais également les créanciers du cédant, pour qui le fonds
rentre dans les garanties de recouvrement.

 La protection du cédant
Le cédant doit être protégé contre le non-paiement du prix par le cessionnaire ;
pour cela, la loi lui donne deux actions judiciaires, qui sont l’action résolutoire
et l’action conservatoire, et d’utiliser son privilège de vendeur.

a) – Action résolutoire
Le cédant qui n’a pas été payé peut demander la résolution du contrat,
qui lui permet de reprendre son fonds et de restituer les acomptes. C’est pour
cette raison que les acomptes sont versés auprès d’un séquestre

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dans les quinze (15) jours légaux. Cette action résolutoire ne peut se faire
que si le cédant avait auparavant inscrit son privilège et en avait fait publication.

b) – Action conservatoire
Il s’agit pour le cédant de demander au juge de prendre des mesures
qui empêcheraient le cessionnaire de faire sortir certains éléments
de son patrimoine, pour permettre au cédant de se faire payer.

c) – Le privilège du cédant
Après la cession, le cédant qui a inscrit son privilège de vendeur au registre
du commerce, a le droit d’être payé par préférence aux autres créanciers
du cessionnaire sur le prix de la revente du fonds de commerce.
Cette préférence porte sur les éléments corporels et incorporels du fonds.
Une loi du 17 mars 1909 a prévu que la préférence couvre d’abord
les marchandises, ensuite le matériel et outillage et enfin les éléments
incorporels.

 La protection du cessionnaire
Le cessionnaire est le moins exposé à des risques lors de la cession du fonds
de commerce, car sa protection est garantie par les obligations légales attachées
au cédant. Mais il dispose d’une action rédhibitoire par laquelle, il peut
demander l’annulation de la cession pour vices ou pour atteinte aux mentions
obligatoires.

 La protection des créanciers du cédant


Dès que la publicité de la cession a été faite, les créanciers doivent faire valoir
leurs droits de créance pour avoir la possibilité de faire une opposition
ou une surenchère.

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a) – L’opposition
Tout créancier, qui désire faire opposition, doit adresser un acte extrajudiciaire
au séquestre, à l’acquéreur et au greffe du tribunal compétent, comportant
le montant et les causes de la créance, et contenir une élection de domicile.
Cette opposition a un effet conservatoire, jusqu’à ce que sur demande
du créancier, le juge ordonne au séquestre ou à l’acquéreur de lui verser
le prix. Le cédant peut obtenir la main levée de l’opposition, en saisissant
le juge pour contester l’opposition.

b) – La surenchère
Tout créancier (nanti, privilégié ou opposant) qui veut se protéger
contre une sous-évaluation du fonds par le cédant, peut demander la vente
du fonds aux enchères publiques au prix estimé réel. Cependant, si l’encan n’a
pas eu d’adjudicataire, le créancier (ou le groupe de créanciers) doit se porter
enchérisseur pour le prix initial, majoré du sixième de la valeur du fonds avec
l’OHADA, et le sixième de la valeur des éléments incorporels avec le droit
français, dans les vingt jours qui suivent l’insertion de la cession du fonds
dans le journal d’annonces légales.

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