Travail de Bachelor
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Travail de Bachelor
AL-KHUDRI Tanya
N° 10644664
N°10644797
Nous souhaitons adresser nos remerciements aux personnes qui nous ont apporté
leur aide et qui ont contribué à l'élaboration de ce mémoire ainsi qu’à la réussite de
quatres années académiques de Bachelor.
Nous tenons à remercier sincèrement Madame Catherine LUDWIG, qui, en tant que
directrice de mémoire, s'est toujours montrée à l'écoute et très disponible tout au
long de la réalisation de ce travail ainsi que pour l'inspiration, l'aide et le temps
qu'elle nous a consacré. Nous adressons également nos remerciements à Madame
Sandrine BASTARD, infirmière au service de Neurologie de l’Hôpital Universitaire de
Genève, pour sa participation en tant que jury.
Nous exprimons notre gratitude à tous les consultants et internautes rencontrés lors
des recherches effectuées qui ont accepté de répondre à nos questions avec
gentillesse.
Nous sommes reconnaissantes envers Mlle Fabienne FROIDEVAUX et Mlle
Florence NAY qui ont eu la gentillesse de lire et de corriger ce présent travail et nous
adressons nos plus sincères remerciements à tous nos proches et amis, qui nous ont
toujours soutenues et encouragées au cours de la réalisation de ce mémoire.
Nous n'oublions pas nos familles pour leur contribution, leur soutien et leur patience
sans faille.
Enfin, je dédie ce travail à ma très chère mère Lurdes qui a toujours été là pour moi
et qui m'a donné un magnifique modèle de labeur et de persévérance.
2
Déclaration
Nous attestons avoir réalisé seuls/seules le présent travail sans avoir plagié ou utilisé
des sources autres que celles citées dans la bibliographie ».
3
Résumé :
Ce travail met en lumière les dix facteurs caratifs de la théorie « Human Caring »
proposée par Watson (1998). Ceux-ci sont mis en lien avec plusieurs situations
concrètes relatives à la SEP. Ce travail met en lumière les éléments qui contribuent à
une bonne prise en soins et favorisent un accompagnement vis-à-vis du patient
atteint de SEP. Tous les facteurs caratifs pris en considération ne peuvent pas être
considérés dans cette prise en charge, car certains d’entre eux constituent un idéal,
mais demeurent difficiles à appliquer dans la réalité de la pratique professionnelle
autour de la SEP. A l’issue de cette réflexion, il est recommandé aux soignants des
unités de neurologie de réfléchir quant à la mise en place d’un outil permettant
d’évaluer tous les besoins des patients atteints de SEP afin de pouvoir y répondre.
La création d’une anamnèse complète ou d’un questionnaire sur les attentes des
personnes vivant avec cette maladie serait-il envisageable pour le futur ?
Mots-clés :
4
Table des matières
1. Introduction ............................................................................................................ 7
1.1 Généralités ....................................................................................................... 7
1.2 Présentation du sujet ....................................................................................... 8
1.3 Sclérose en plaques ....................................................................................... 10
1.3.1 Données épidémiologiques ........................................................................ 11
1.3.2 Caractéristiques de la SEP ........................................................................ 13
1.3.3 Dépistage de la SEP .................................................................................. 17
1.3.4 Les formes de la SEP ................................................................................ 18
1.3.5 Les causes de la SEP ................................................................................ 21
1.3.6 Les traitements de la SEP.......................................................................... 22
1.3.7 Les effets collatéraux au diagnostic de la SEP .......................................... 24
1.3.8 Les pertes en lien avec la SEP .................................................................. 26
1.3.9 La prise en charge infirmière...................................................................... 30
2. L’accompagnement infirmier.............................................................................. 31
2.1 Eléments clés de l’accompagnement infirmier ........................................... 35
2.1.1 L’intimité dans l’accompagnement ............................................................. 35
2.1.2 La confiance dans l’accompagnement ....................................................... 36
2.1.3 L’écoute dans l’accompagnement.............................................................. 37
2.1.4 L’empathie dans l’accompagnement.......................................................... 38
2.1.5 Le respect dans l’accompagnement .......................................................... 40
2.1.6 Accompagnement et spiritualité ................................................................ 41
2.2 Les orientations de l’accompagnement ....................................................... 42
2.2.1 Un accompagnement personnalisé............................................................ 46
2.2.2 Un accompagnement orienté vers la croissance de la personne .............. 48
2.2.3 L’accompagnement orienté vers la lutte contre les préjugés et la
discrimination ...................................................................................................... 49
2.2.4 Un accompagnement centré sur la relation personne-intervenant en tant
qu’expérience mutuelle de croissance dans son chemin de vie. ........................ 51
2.2.5 Un accompagnement offert aux membres de la famille ............................. 51
3. L’accompagnement dans la perspective du « Human Caring » de Jean
Watson ...................................................................................................................... 52
3.1 Définition du « Human Caring » .................................................................... 53
3.2 Les facteurs « caratifs » dans l’accompagnement ..................................... 54
3.2.1 Le système de valeurs humaniste-altruiste ................................................ 55
3.2.2 Soutien du système de croyance et de l’espoir.......................................... 58
3.2.3 Sensibilité envers soi et les autres ............................................................. 60
3.2.4 Relation d’aide et de confiance .................................................................. 62
3.2.5 Expression de sentiments positifs et négatifs ............................................ 65
5
3.2.6 Méthode scientifique de résolution de problème dans le processus de prise
de décision .......................................................................................................... 66
3.2.7 Enseignement-apprentissage interpersonnel............................................. 68
3.2.8 Environnement mental, physique, socioculturel et spirituel de soutien, de
protection et/ou correction................................................................................... 70
3.2.9 Satisfaction des besoins humains .............................................................. 72
3.2.10 Facteurs existentiels-phénoménologiques ............................................... 77
4. Discussion............................................................................................................ 79
5. Conclusion ........................................................................................................... 85
6. Références bibliographiques ............................................................................. 87
6
1. Introduction
1.1 Généralités
L’homme naît à un moment et meurt à un autre (Walter, 1992). Non seulement l’être
vivant éprouve des transformations, mais les objets, les procédés ou encore les
pensées changent également à leur tour. Une personne dans sa vie passe d’un état
à un autre, comme par exemple lors de la transformation du corps (puberté,
vieillissement, accident, etc.), du caractère, du comportement et de sa manière de
penser, graduellement et lentement (transition) ou soudainement et rapidement
(tournant). Ces changements surviennent lors d’événements particuliers, qu’ils soient
naturels ou traumatiques (Walter, 1992). Il s’agit donc d’un ensemble de
modifications et de changements subis au cours du temps (Fischer, 2008). Il est
probable qu’une personne en bonne santé durant sa vie tombe brusquement malade
ou qu’une maladie se développe peu à peu (Lacroix & Assal, 2011). La personne
passe donc d’un état général positif à un état de maladie qui l’oblige à faire face et à
effectuer des ajustements dans sa vie (Bonino, 2008). La maladie implique ainsi
l’adaptation à cette situation et la transformation de la personne vers un changement
de vie (Fischer, 2008).
7
Les êtres humains sont donc soumis à de perpétuels changements et évolutions
même dans leur domaine professionnel. En effet, toutes les professions doivent
suivre l’évolution d’une société aujourd’hui extrêmement exigeante et elles évoluent
également elles-mêmes sans cesse (Dallaire, 2008). S’interroger et se remettre en
question est une étape nécessaire vers un changement, une transformation ou tout
simplement un renouvellement. Par ailleurs, en plus de l’espérance de vie à la
naissance qui s’accroit et la population qui augmente au cours des années (Kohli,
Bläuer Hermann & Babel, 2010), le nombre absolu de maladies et en particulier les
maladies chroniques évolutives, comme par exemple l’hypertension artérielle et le
diabète, augmentent du fait des progrès techniques et sanitaires. En effet, l’évolution
des connaissances médicales et surtout des moyens techniques permet de déceler
efficacement et rapidement ces maladies, de même que de les soigner ou de limiter
les symptômes (Altwegg et al., 2012). Les infirmières1 font face quotidiennement à
ces maladies et la relation d’aide est très importante dans les soins, car elle permet
d’apporter des moments d’humanisation à l’égard des patients (Phaneuf, 2011). Cela
demande aux infirmières d’accompagner les personnes atteintes de maladies
chroniques évolutives sur le long terme, dont fait partie la sclérose en plaques (SEP),
maladie sur laquelle porte précisément ce travail.
1
Pour faciliter la lecture, le terme « infirmière » est employé pour désigner les soignants hommes et femmes
dans ce texte.
8
et le soutiendra face aux obstacles, ses inquiétudes ou ses conflits internes
(Hesbeen, 1998).
9
les besoins et attentes du patient n’est pas une problématique en soi, mais une
composante qui favorise un meilleur accompagnement.
Par ailleurs, étant donné que tout accompagnement demande du temps, celui-ci peut
faire défaut en raison de la charge de travail des infirmières. On constate en effet
qu’aujourd’hui les infirmières ont tendance à avoir moins de contact avec les patients
en raison d’une surcharge de travail.
Le système nerveux d’un être humain est composé de deux parties : le système
nerveux central (SNC) et le système nerveux périphérique (SNP). La sclérose en
plaques (SEP) est une affection neurologique grave, et plus précisément une
altération progressive du système nerveux central. L’encéphale et la moelle épinière
composent le système nerveux central (voir Figure 1). La SEP est une maladie qui
affecte en particulier la matière blanche. Celle-ci est composée d’axones myélinisés
(voir Figure 2). La gaine de myéline présente une couleur blanche (Papeix, 2011).
10
Figure 2. Schéma d’un neurone possédant un axone myélinisé
Source : http://www.futura-sciences.com/magazines/sante/infos/actu/d/medecine-sclerose-plaques-vers-
traitement-plus-efficace-46989/
La sclérose en plaques touche dans la plupart des cas les jeunes adultes, et deux
tiers d’entre eux sont des femmes (Marieb & Hoehn, 2010). La raison pour laquelle
les femmes sont atteintes plus fréquemment que les hommes est à l’heure actuelle
inconnue (Kesselring, 2006). En outre, le nombre précis des gens touchés par la
SEP est méconnu, car certaines personnes n’ont aucun symptôme de la SEP
pendant longtemps alors que la maladie est active dans leur organisme depuis
longtemps. La fréquence est variée dans le monde, mais la SEP a tendance à
affecter plus de personnes dans les régions industrialisées que celles dans les pays
en voie de développement (Kesselring, 2006). De plus, selon Kesselring (2006), la
pathologie est plus fréquente en règle générale chez les gens qui vivent dans les
pays où les conditions climatiques sont tempérées par rapport à ceux qui habitent
près de l’équateur. Plus précisément, les personnes dans l’hémisphère nord, les
pays industrialisés souffrent davantage de la SEP que les pays du sud, les pays en
voie de développement (voir Figure 3).
11
La SEP affecte plus de deux millions de personnes dans le monde (Marieb & Hoehn,
2010). En Europe, il y a environ 500'000 personnes qui souffrent de la SEP
(Kesselring, 2006). Le nombre des gens atteints qui habitent dans les pays
scandinaves ou en Ecosse est double par rapport à ceux qui vivent dans le sud de
l’Europe (Papeix, 2011) (voir Figure 3). En France, la pathologie touche 80'000
individus, mais il est intéressant de savoir qu’il y a une différence commune dans ce
même pays : les gens qui habitent dans le nord de la France sont marqués par la
SEP deux fois plus que les personnes qui vivent dans le sud du pays (Papeix, 2011).
En Suisse, le nombre de patients atteints de SEP est estimé à 10'000 (Société
suisse SEP, 2013) avec une incidence annuelle d’environ 350 à 400 nouveaux cas
(Kesselring, 2006).
12
L’Office Fédéral de la Statistique rapporte les données des hôpitaux concernant
différentes maladies dont la sclérose en plaques comme diagnostic principal
d’hospitalisation (Office Fédéral de la Statistique (OFS), 2014). Les chiffres sont
rapportés dans le Tableau 1. On peut alors constater que la majorité des personnes
qui reçoit le diagnostic de la SEP lors de l’hospitalisation a entre 35 et 69 ans. Le pic
se situe entre 45 et 59 ans.
La SEP est une maladie auto-immune, ce qui signifie que le système immunitaire de
la personne malade attaque ses propres cellules nerveuses saines. Les globules
blancs considèrent les gaines de myéline comme des corps étrangers, et par
conséquent, ils les attaquent afin de les éliminer (Marieb & Hoehn, 2010). Cette
13
attaque déclenche une inflammation, qui a son tour, provoque la démyélinisation
caractéristique de la maladie (Papeix, 2011) (voir Figure 4).
14
Figure 5. Transmission de l’influx nerveux
Source: http://www.huffingtonpost.fr/vincent-damotte/recherche-sclerose-en-plaques_b_4635797.html
15
Figure 6. Période de poussée et de rémission
Source : http://www.info-sclerose-en-plaques.ch/sclerose-en-plaques-sep/poussees-et-phases-de-remission
16
Figure 7. Démyélinisation (plaque)
Tiré de : http://www.medical-actu.com/cours/neurologie/sclerose-en-plaque/
Les caractéristiques évolutives de la SEP laissent des plaques blanches visibles sur
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) notamment celle encéphalique, qui
apparaissent comme des traces de la maladie (voir Figure 8). L’IRM permet ainsi de
localiser les plaques et d’identifier leur taille, leur nombre, leur intensité et leur âge
(Papeix, 2009).
17
Dans certains cas, d’autres examens tels que la ponction lombaire, les prélèvements
sanguins et l’examen éléctroencéphalographique (EEG) s’avèrent nécessaires afin
de déterminer avec précision la nature des lésions et leur répercutions fonctionnelles
(Papeix, 2009). La ponction lombaire a pour rôle de détecter la présence ou non des
protéines caractéristiques de l’inflammation dans le liquide céphalorachidien (LCR),
le diagnostic est positif s’il y en a (Papeix, 2011). Le prélèvement sanguin permet
d’identifier ou non la présence de maladies infectieuses ou inflammatoires qui
touchent également le système nerveux central, comme par exemple la maladie de
Lyme. Cette analyse a donc pour but d’exclure ou de confirmer le diagnostic de SEP
(Papeix, 2011). Enfin, l’examen EEG permet, au moyen d’une analyse des potentiels
évoqués2 visuels, sensitifs ou moteurs, de déterminer l’atteinte fonctionnelle de ces
systèmes. Ces examens complémentaires seront effectués, si besoin, à l’issue d’une
anamnèse de la maladie et d’un examen neurologique approfondi (Papeix, 2011). En
fonction de son observation clinique et des informations recueillies, le patient sera
alors dirigé vers d’autres examens supplémentaires, mais nécessaires afin de
confirmer le diagnostic de la SEP (Papeix, 2011).
2
Potentiels évoqués : mesure du fonctionnement des neurones enregistrés par l’électroencéphalographie (EEG)
(Papeix, 2009).
3
Poussées : survenue de nouveaux ou anciens symptômes (Papeix, 2011).
18
poussées peuvent alors laisser plus ou moins de séquelles chez la personne et elles
peuvent être invalidantes. Le nombre et la durée des poussées détermine l’une des
trois formes de la SEP : la SEP évoluant par poussées ou SEP récurrente-rémittente,
la SEP secondaire progressive et enfin la SEP primaire progressive (Kesselring,
2006). La SEP récurrente-rémittente est la forme la plus fréquente rencontrée chez
plus de 80% des personnes atteintes (Kesselring, 2006). Les poussées surgissent de
manière imprévisible. Les symptômes peuvent donc apparaître n’importe quand et ils
peuvent disparaître par la suite. Lors de la poussée, les symptômes peuvent être les
mêmes que ceux des précédentes poussées, ou alors de nouveaux symptômes qui
n’étaient jamais apparus précédemment peuvent survenir. La maladie peut ne pas
évoluer entre deux poussées (Kesselring, 2006) (voir Figure 9).
19
Figure 10. Forme secondaire progressive
Source:
http://cluster011.ovh.net/~neurobre/joomla1.5/index.php?option=com_content&view=article&id=159&Itemid=270&
lang=fr&limitstart=
Enfin, la SEP primaire progressive est une forme très peu connue de SEP qui touche
environ 10% des personnes atteintes (Kesselring, 2006). A chaque poussée les
symptômes s’aggravent, impliquant ainsi une évolution constante du handicap
(Kesselring, 2006) (voir Figure 11).
Les symptômes varient d’un individu à un autre, et chez une personne au travers des
différentes poussées. Cette diversité est liée à la localisation des lésions et aux
fonctions prises en charge par ces régions (Papeix, 2011). Cependant, il existe aussi
des manifestations typiques de la sclérose en plaques rencontrées fréquemment
chez les patients atteints. Ces symptômes sont dits paroxystiques, car ils surviennent
20
de manière prompte. Les signes principaux de la maladie sont l’asthénie, la
diminution de la force musculaire (spasticité), les douleurs, les troubles de la vue
(floue, diplopie4, oscillopsie5), de la coordination, de la sensibilité (fourmillements,
engourdissements), de la vessie et de l’intestin ainsi que de la fonction sexuelle
(Kesselring, 2006). Les troubles de la concentration font également partie des
manifestations fréquentes de la SEP (Papeix, 2011).
Selon Papeix (2011), les facteurs environnementaux ont une influence sur la
survenue de la SEP, comme par exemple l’industrialisation, le mode de vie, la
pollution, les médicaments, les habitudes alimentaires et ceux-ci sont dus au fait que
le système immunitaire est faible et/ou réagit tardivement face à des facteurs
infectieux. La vaccination implique également un dysfonctionnement du système
immunitaire, mais cette cause demeure encore discutée. Comme il l’a été décrit
précédemment dans la section de l’épidémiologie, cela pourrait expliquer les
disparités nord (pays industrialisés) / sud (pays en voie de développement). Il est
également possible qu’un agent infectieux déclenche l’apparition de la SEP, mais
aucune recherche n’a pu mettre en évidence le virus qui est la cause et le
responsable dans le développement de cette maladie (Papeix, 2011). Par ailleurs, il
4
Diplopie : vision double due au fait que les yeux ne fixent pas la même direction (Papeix, 2011).
5
Oscillopsie : les yeux bougent sans arrêt et ils n’arrivent pas à avoir un regard fixe (Papeix, 2011).
21
a été démontré (Créange, 2009) que la vitamine D joue un rôle important dans la
régulation du système immunitaire. Lors de l’exposition au soleil, la peau produit
cette vitamine ; il y a donc une diminution du risque de développer la SEP dans les
régions les plus ensoleillées. Cela explique la différence entre l’hémisphère nord
étant une sphère froide et l’hémisphère sud étant plus chaude. Ainsi, la SEP apparaît
comme une maladie aux origines multifactorielles et il est fort probable qu’il y ait une
interaction entre les prédispositions génétiques et les facteurs environnementaux
comme cause possible de la SEP (Kesselring, 2006).
Lorsqu’un diagnostic de SEP est posé, les personnes pensent tout de suite que cette
maladie mènera à une vie en chaise roulante, alors que seuls 20% des patients sont
amenés à utiliser ce moyen auxiliaire. Contrairement à ces idées reçues, les
personnes atteintes de SEP peuvent souvent mener une vie aussi normale que
possible et malgré tout, maintenir une bonne qualité de vie et maintenir un niveau
satisfaisant de bien-être (Kesselring, 2006).
22
(mitoxantrone, cyclophosphamide, azathioprine) agissent également sur la partie
inflammatoire en diminuant l’activité des cellules immunitaires : ils peuvent donc
limiter l’invalidité provoquée par les poussées. Enfin, les anticorps monoclonaux
(natalizumab) permettent d’empêcher la réaction du système immunitaire et donc de
la phase inflammatoire ; ils écartent alors les poussées. En outre, il existe un
traitement à base de corticoïdes qui possèdent un pouvoir anti-inflammatoire en vue
de freiner les poussées (Papeix, 2011) (voir Figure 12).
Malgré l’utilisation des traitements de fonds, les symptômes laissés par la SEP,
comme par exemple la raideur des muscles, la douleur, l’asthénie, le besoin urgent
d’aller uriner et les troubles sexuels, peuvent néanmoins persister (Papeix, 2011).
23
D’autres thérapies doivent alors être proposées aux patients atteints afin d’atténuer
ces symptômes, car ils ont souvent un impact sur la vie sociale et professionnelle
des patients (Papeix, 2011). Les thérapies peuvent s’orienter vers des traitements
médicamenteux ou non-médicamenteux (électrostimulation, acupuncture,
cryothérapie, activité physique) ou vers des services professionnels tels que le
kinésithérapeute, l’orthoptiste, l’orthophoniste, l’ergothérapeute (Papeix, 2011). Ainsi,
la prise en charge de la SEP nécessite une approche thérapeutique souple, adaptive
et multidisciplinaire (Kesselring, 2006).
24
(Kesselring, 2006). Le choc, la dévastation, le sentiment d’abandon et d’isolement
sont les réactions naturelles et très fréquentes suite à l’annonce du diagnostic de la
SEP (Johnson, 2003). Le patient essaie de trouver les réponses à beaucoup de
questions qu’il se pose concernant sa vie (Kesselring, 2006). Il éprouve aussi
souvent un sentiment d’injustice et d’incompréhension (Papeix, 2011). En outre,
selon Johnson (2003), les patients rapportent très souvent le fait d’avoir le sentiment
d’être seuls à gérer la maladie ainsi que la difficulté de trouver des informations et
des conseils fiables. En effet, dans certaines situations le médecin ne les leur a pas
annoncés de manière explicite et claire. Pour remédier à cela, il est très important
que la personne atteinte de SEP soit bien informée de sa maladie afin qu’elle puisse
évaluer sa situation, qu’elle soit réaliste par rapport à ses attentes et qu’elle ait moins
peur (Kesselring, 2006).
Par ailleurs, vivre avec la SEP équivaut à vivre avec incertitude, car la sclérose en
plaques peut être silencieuse, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’apparition de symptômes
pendant des années, et tout d’un coup, une poussée violente vient frapper la
personne et perturber ses projets. Ces derniers, ainsi que les désirs de la personne
et de ses proches, doivent être adaptés en tout temps aux possibilités de la
personne concernée (Kesselring, 2006).
25
1.3.8 Les pertes en lien avec la SEP
La perte est une épreuve qui est susceptible d’être présente tout au long de la vie
d’un individu et « la perte est une expérience personnelle extrêmement variable »
(Watson, 1998, p. 263). La perception de ce qui est perdu pour une personne n’est
pas forcément la même pour une autre personne. En règle générale, la perte n’est
pas vécue de la même manière d’un individu à un autre, puisque cela est dû au fait
que les points de vue diffèrent selon leur système de valeurs, leur culture et leurs
croyances. Cette expérience dépend également – et surtout – de la signification de la
perte pour chacun (Watson, 1998). Par exemple, deux personnes affectées par la
SEP ne perçoivent pas de la même façon la perte d’un emploi en tant que professeur
de gymnastique : l’une est dévastée alors que l’autre voit cela comme une occasion
pour changer d’orientation. La notion de la perte peut être concrète, abstraite, réelle
ou imaginaire. Cette notion ne peut être connue que par la personne qui le vit et
26
cette dernière peut subir une perte de l’image de soi, de son identité personnelle ou
sociale ou alors, de son corps, de la représentation de celui-ci (valeur, pouvoir de
séduction, beauté, capacités, etc.) (Watson, 1998). Tous les genres de pertes
(psychologique, socioculturelle ou physique) font partie intégrante de la vie et elles
affectent l’adaptation et l’ajustement de tous les êtres humains de la naissance
jusqu’au décès. Les pertes sont parfois nécessaires pour grandir et murir (Watson,
1998).
La perte physique
Selon Watson (1998), la perte d’un être cher, le divorce ou la séparation font
également partie intégrante de cette perte physique. En effet, « dans une relation
étroite, interdépendante, la perte d’une personne importante sur le pan affectif
27
signifie la perte de certains aspects du soi physique (comme du soi psychologique et
du soi socioculturel) » (p. 273). Le sens et l’importance de la perte peuvent varier
d’une personne à une autre (Watson, 1988), et dépendent de la culture, la religion, le
sexe, l’âge, les croyances, etc. La personne peut sentir qu’elle appartient à l’autre et
de n’en faire qu’un ou alors au contraire, elle peut considérer l’autre comme un
trophée, un pilier économique au sein d’une famille. La séparation, le divorce ou le
décès d’un être cher peuvent représenter pour certaines personnes une perte
physique, car elles ont un lien affectif très fort et la personne « perdue » faisait partie
intégrante de leur vie comme si elle était une partie de son corps.
La perte psychologique
Il s’agit d’un événement conscient ou non, symbolique et abstrait qui implique des
réactions psychiques de la personne. La perte implique également des états
émotionnels et des ressentis qui se modifient continuellement. La perte
psychologique englobe les pertes imaginaires, perçues ou réelles (Watson, 1998).
Les pertes que l’être humain peut subir au long de sa vie ont un impact sur la
réflexion et le sens de la vie. Lorsque la personne analyse le changement qu’elle a
subi, cela lui permet alors de prendre en compte psychologiquement de la
signification de cette perte (Watson, 1998). Dans le cas de la SEP, l’aspect
psychologique de la personne est affecté et modifié par la maladie. La personne
perçoit la pathologie, les conséquences sur la vie quotidienne différemment
qu’auparavant, et elle est consciente qu’elle ne peut peut-être pas avoir exactement
ce qu’elle a souhaité avant la survenue de sa maladie. La personne éprouve alors de
l’insatisfaction vis-à-vis de sa propre santé. En règle générale, les personnes qui
vivent avec la SEP présentent un manque d’estime de soi qui peut impliquer des
conflits dus à l’aménagement des rôles dans la famille (Kesselring, 2006). De plus, la
personne atteinte d’une maladie chronique évolutive peut également souffrir d’une
détresse spirituelle : elle se sent seule, abandonnée, angoissée et elle souffre. Elle a
besoin d’être aidée à trouver un sens et un objectif dans sa vie ainsi que de l’espoir.
Elle a également besoin d’avoir la reconnaissance des autres, d’être aimée et de se
sentir exister. C’est à l’infirmière de répondre aux besoins spirituels de la personne
tout en l’accompagnant dans son cheminement (Honoré, 2011).
28
Par ailleurs, la gestion des émotions n’est pas aisée chez la personne atteinte de
SEP, car cette dernière peut présenter une dépression de manière générale suite à
l’annonce du diagnostic, à l’incapacité fonctionnelle ou au changement de rôle dans
la société, etc. Cependant, la dépression peut également être causée par la SEP
elle-même, c’est-à-dire qu’elle est liée aux atteintes du système nerveux central. Par
conséquent, la personne présente des troubles psychologiques et éprouve donc de
la difficulté à gérer ses propres émotions (Kesselring, 2006). En effet, selon l’étude
(Sá, 2007), la prévalence et l’incidence des troubles psychologiques sont présentes
de manière significative dans la SEP. Les mécanismes de la dépression dus aux
facteurs psychosociaux ou aux symptômes du processus de la pathologie restent
flous. La dépression est le trouble psychologique qui prédomine dans cette maladie
et elle survient plus fréquemment pendant les périodes de poussées. La dépression
peut aggraver la fatigue et le dysfonctionnement cognitif. En plus de la dépression,
l’anxiété est également fréquente surtout chez les personnes nouvellement
diagnostiquées. Ces deux aspects augmentent le risque de suicide.
La perte socioculturelle
Il s’agit de la perte en lien avec la culture, les activités de la vie quotidienne, la vie
professionnelle, la vie sociale, etc. La personne souffre d’une forte pression sociale
si ses capacités ne sont plus conformes et qu’elle renonce aux exigences de la
société et de la culture en allant à l’encontre de ses droits, envies, ressentis ou à son
système de valeurs (Watson, 1998). « La pression de conformité éloigne souvent les
gens d’eux-mêmes et des autres » (Watson, 1998, p. 269). Cette perte est souvent
liée au concept de la perte psychologique, car elle a souvent un impact sur l’aspect
psychique de la personne, et elle peut s’aggraver réciproquement (Watson, 1998).
Selon Glaser et Strauss (1974), le patient peut subir une perte personnelle qui
consiste en la perte d’implication de soi-même dans la société. Cela est également
lié à l’aspect psychologique ; la perte professionnelle est liée à la perte de la
signification et le sens de la profession ; la perte sociale implique la perte de
personnes, d’amis et/ou d’objets.
29
En fonction des poussées et des séquelles causées par la SEP, les activités de la vie
quotidienne, le rôle assumé dans la dynamique familiale, le taux du travail, entre
autres, peuvent être diminués ou modifiés. Il se peut aussi que le lieu de travail ne
puisse plus répondre aux besoins de la personne et, par conséquent, cette dernière
ne peut plus travailler du tout. Les pertes dues à la SEP ont des conséquences sur
les rôles et les fonctions sociales. La perte socioculturelle a un impact significatif sur
la vie psychique, car il n’est pas facile pour la personne d’accepter les changements
de la vie sociale et les ajustements suite à ceux-ci (Watson, 1998). Par exemple, la
vie sexuelle du couple est souvent marquée par la maladie. La vie professionnelle
peut être aussi perturbée par cette pathologie qui provoque une grande fatigue et
des troubles de concentration qui rendent le travail difficile et insatisfaisant
(Kesselring, 2006). La perte physique, la perte psychologique et la perte
socioculturelle ont un impact sur chacune d’elles ; ces trois domaines sont liés les
uns aux autres.
Comme il l’a été décrit dans ce premier chapitre, la sclérose en plaques est une
pathologie inguérissable qui touche la gaine de myéline. Normalement, celle-ci
assure une transmission efficace et rapide des informations entre les neurones,
autrement dit entre le cerveau et le corps. La démyélinisation se présente donc sous
forme de plaques. On peut constater que les trois formes de la SEP finissent par
mener tôt ou tard vers les séquelles laissées par les poussées. Ces séquelles
peuvent être handicapantes pour certaines personnes dans leur vie personnelle,
professionnelle et sociale. La personne atteinte de SEP présente des symptômes
différents et/ou similaires tout au long de sa maladie. Ces symptômes sont
également variés d’un individu à l’autre. La SEP évolue de manière variée chez ces
patients et cela dépend de la localisation des régions du système nerveux central qui
30
sont touchées. L’évolution de cette pathologie dépend également de l’efficacité ou
non des différents traitements, ainsi que du style de vie des patients. Ces traitements
qui ont pour but de freiner le plus possible les poussées aident les personnes à
continuer à vivre normalement, mais d’autres thérapies complémentaires telles que
la réflexologie, pourraient également aider à améliorer le bien-être et la qualité de vie
des personnes vivant avec la SEP. Dans le domaine des soins, la variabilité des
symptômes requiert une adaptation individualisée des soins spécifiques à chaque
patient, puisqu’il est très difficile de prédire l’évolution et c’est pourquoi un
accompagnement adapté au patient est donc primordial.
Au-delà des simples soins techniques à réaliser, comme par exemple la perfusion de
Tysabri (un traitement de fond de la SEP), l’infirmière est également amenée à
considérer la santé mentale des patients, comme la dépression, qui est un facteur
important et fréquent dans la SEP comme il l’a été décrit dans l’étude de Sá (2007).
L’infirmière se doit d’être une confidente, une accompagnante et une bienveillante.
Le soignant crée un lien de confiance avec la personne afin de pouvoir entrer dans
son univers et son intimité, ainsi le soigné pourrait se sentir écouté et compris. Cette
démarche favorise un meilleur accompagnement dans la suite de sa prise en soins
dans sa globalité.
2. L’accompagnement infirmier
31
Selon Pandelé (2009), « l’accompagnement constitue désormais un phénomène
social de grande ampleur, cependant porteur de représentations et de cultures
particulières » (p. 127). L’accompagnement est considéré comme l’ensemble
d’attitudes, d’aides et de soutien à l’égard de l’autre personne (Pandelé, 2009).
32
Plus spécifiquement, la notion d’accompagnement dans le domaine des soins fait
penser généralement aux personnes en fin de vie, mais bien que ce concept soit
aujourd’hui utilisé dans tous soins, cette notion implique l’attention et l’écoute à celui
qui pourrait en avoir besoin (Arslan, 2013). Peu importe dans quelle unité de soins, le
rôle du soignant consiste toujours à être capable d’accompagner à tout moment le
patient dans son chemin de soins, de traitements et de maladie. Le soignant devrait
également être en mesure d’accompagner le patient tout au long de sa prise en
soins tout en lui apportant un soutien physique et psychologique. Cependant, le
soignant devrait veiller à stimuler prioritairement l’autonomie du patient et éviter ainsi
de créer une dépendance chez le soigné (Arslan, 2013).
Les besoins, les nécessités, les attentes, les questionnements, les réponses et les
sentiments, les ressentis, les angoisses, les craintes, les souffrances, les peines
ainsi que les douleurs, la dépression, le stress, les manques, les joies, etc., sont
vécus, entendus, ressentis et pensés de manière différente par chaque individu. Le
rôle du soignant serait d’avoir la capacité d’accompagner dans tous ces moments
uniques en ayant le temps nécessaire et approprié à chaque individu (Dallaire,
2008). Selon Watson (1998), le soignant accompagne le patient dans tous ses
besoins et dans tous ces moments même s’il ne peut malheureusement parfois pas
guérir sa maladie, ni rendre ce qui est perdu comme, par exemple, le handicap
causé par les poussées de la SEP (p.ex : troubles de la marche). Le soignant ne
peut pas redonner une mobilité « normale », mais il peut l’accompagner dans sa
situation difficile.
33
Dans le cas où le handicap causé par les poussées de la SEP persiste et évolue,
(comme l’ont montré les deux formes d’évolution secondaire progressive et primaire
progressive dans le premier chapitre), le rôle de l’infirmière n’est pas
« d’accompagner en cherchant à agir, à réparer, à réorienter » (Pandelé, 2009, p.
133), mais plutôt d’être aux côtés de la personne, puisqu’il n’y a plus rien à faire du
point de vue curatif et que tous les traitements donnés en vue de diminuer les
poussées violentes et persistantes sont inefficaces (Pandelé, 2009).
34
2.1 Eléments clés de l’accompagnement infirmier
La notion de l’intimité est cruciale dans la relation d’aide et renvoie à la confiance qui
s’établit dans la relation entre le soignant et le patient (Arslan, 2013). L’intimité est
« ce qui est intime, secret ; vie privée » (Larousse, 2012, p. 556). Lorsqu’on parle
d’intimité, les soignants font le lien avec le moment de la toilette, mais l’intimité d’une
vie ne se résume pas qu’à la pudeur. Elle correspond aussi à l’histoire personnelle,
au vécu, au caractère, à la personnalité, à la volonté et la personne peut donc
accepter ou refuser les soins qui sont proposés. La personne en face a aussi sa
biographie et son propre parcours (Arslan, 2013). Le respect de l’intimité physique et
psychique d’autrui a toujours des limites, car il est parfois nécessaire d’entrer dans la
sphère intime du patient afin de pouvoir prendre soin de lui ; le soignant devient ainsi
le témoin du vécu intime de la personne soignée. Il identifie également s’il s’agit des
signes physiques ou psychiques. Une fois la confiance installée, le patient peut alors
révéler ses émotions et ses ressentis relatifs au psychique et/ou à la physique
(Arslan, 2013).
35
diagnostic, le soignant devrait répondre à son souhait. En outre, lorsque l’infirmière
accompagne le patient dans les soins spécifiques liés à la SEP, elle devrait garantir
le mieux possible l’intimité du patient, c’est-à-dire qu’elle ne devrait pas être intrusive
dans la vie personnelle du patient et qu’elle devrait également respecter une certaine
pudeur en effectuant les soins techniques et les soins de base si le patient est
hospitalisé. Le respect de l’intimité du patient permet d’établir la confiance entre le
soignant et le patient.
36
considérer comme un référent sur qui il peut compter pour demander des
informations, des conseils, etc., sur la SEP s’il en a besoin.
1. Les circonstances de la vie font que chaque être humain gère d’une façon
différente ses émotions, son état d’âme, son humeur et sa fatigue. Il s’agit
donc de la condition physique et psychique du soignant qui pourrait influencer
sa manière d’écouter.
2. Les aspects relationnels impliquent la manière dont l’infirmière établit une
relation avec les patients. Chaque être est unique, donc le lien de confiance
peut être différent. Ce qui signifie que l’infirmière n’écoute pas tous les
patients de la même manière.
37
3. Les conditions de travail et la pénurie actuelle de personnel soignant peuvent
créer une surcharge de travail et une moindre qualité d’écoute, car le soignant
aura d’autres priorités jugées plus importantes. Par conséquent, l’infirmière se
retrouve avec peu de temps pour offrir une écoute suffisante. (Arslan, 2013).
Dans le cas de la SEP, l’infirmière devrait savoir être à l’écoute et prendre compte
l’expression du patient au moment de l’annonce du diagnostic de la SEP et pendant
les soins spécifiques liés à cette maladie, comme par exemple la perfusion de
Tysabri. A ce moment-là, l’infirmière devrait être vigilante afin d’identifier les
émotions profondes du patient. Le soignant devrait également écouter les
inquiétudes du patient, les questions, les demandes et les besoins pour pouvoir y
répondre. Lorsque le patient a besoin des explications, de conseils et des
informations relatives à la SEP, il peut se sentir rassuré lorsque le soignant écoute
avec beaucoup d’attention et qu’il y répond de manière adéquate. Le patient se
sentirait également compris et pris en compte par l’infirmière qui offre une écoute
attentive. Au moment de la communication du diagnostic de la SEP et des soins
infirmiers, le soignant se montrerait également empathique lorsqu’il écoute le patient.
38
(Larousse, 2012, p. 982). Enfin, l’empathie est une « faculté intuitive de se mettre à
la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent » (Larousse, 2012, p. 374). La
compassion, la sympathie et l’empathie ont un point commun : la « présence assurée
auprès d’une personne souffrante en cherchant à comprendre ce qu’elle ressent, à
l’aider au mieux de ses possibilités et compétences. C’est l’attitude prônée lors de
l’accompagnement, empreinte de sollicitude, marquée par une écoute active … »
(Arslan, 2013, pp. 61-62). Par exemple, l’infirmière devrait clairement montrer, par la
verbalisation, sa compréhension de l’anxiété éprouvée par le patient au moment du
diagnostic de la sclérose en plaques. L’empathie aurait effectivement ses propres
limites, car si l’infirmière s’implique de manière excessive dans sa relation
empathique avec le patient, elle risquerait alors de souffrir puisqu’elle éprouverait
inévitablement des émotions face à la situation vécue par la personne. L’infirmière
étant un être humain, il est difficile de savoir jusqu’où l’empathie est tolérable (Arslan,
2013), puisque Lawler (2001) dit qu’ « il est dur de ne pas s’impliquer, je veux dire
qu’on s’implique de toute façon. Je pense que c’est inévitable… » (p. 38).
Concrètement, dans le cas de la SEP, l’infirmière devrait être empathique dans son
accompagnement à l’égard d’un patient atteint de cette pathologie. Lors de l’annonce
du diagnostic de la SEP qui est incurable, l’empathie de la part du soignant serait
très importante pour aider le patient à ne pas se sentir complètement abandonné.
Ainsi, l’infirmière se montrerait compréhensive, touchée par cette situation souhaitant
39
apporter son aide au patient. La SEP a un impact sur la vie du patient et ce dernier
pourrait avoir un sentiment de solitude et de dépression. Par exemple, la perfusion
de Tysabri dure une heure et le patient doit ensuite rester encore une heure en
observation. Le temps peut sembler long pour le patient et il est possible qu’il se
plaigne de ce traitement, c’est pourquoi l’empathie de l’infirmière est très importante
dans les soins infirmiers.
Dans le cas de la SEP, l’infirmière devrait avoir du respect à l’égard du patient vivant
avec cette maladie. Elle respecterait les réactions propres du patient suite à
l’annonce du diagnostic. Aussi, le soignant discuterait avec le patient sur sa situation
et proposerait des traitements de la SEP adaptés. Le soignant devrait respecter les
choix et la décision du patient concernant ces traitements. Lorsque le patient
souhaite avoir d’autres thérapies telles que l’acupuncture pour compléter les
traitements médicamenteux, le soignant devrait alors respecter ses choix. Les
besoins du patient devraient également être entendus par l’infirmière. Cette dernière
donne des conseils et des informations relatives à la qualité de vie de la personne
atteinte de la SEP, comme par exemple avoir plus de temps de repos, faire du yoga,
etc., et elle respecte les choix du patient de suivre ou non ces conseils.
40
2.1.6 Accompagnement et spiritualité
La spiritualité est séparée de la matière physique, elle est donc abstraite et elle
regroupe les différents aspects spirituels. Elle repose sur la globalité des principes
qui modulent la vie liée à la spiritualité d’un individu (Honoré, 2011). Le terme
spirituel « se définit comme ce qui relève de l’esprit, de ce qui est de l’ordre de
l’esprit considéré comme un principe indépendant de la réalité du corps physique,
comme lien qui nous rattache au monde, comme source qui nourrit et vivifie notre
présence au monde dans la communauté des humains » (Honoré, 2011, pp. 18-19).
La notion de la spiritualité fait partie de l’intérieur de la personne, qu’elle soit croyante
ou pas, et elle constitue aussi le mouvement interne et la force de l’individu. Tout au
long de son existence, la personne est ainsi amenée à se poser des questions
cruciales à propos de l’accomplissement et du sens de la vie, etc. Il incombe donc à
l’infirmière d’être attentive à la spiritualité de la personne, car elle constitue une
ressource essentielle pour pouvoir surmonter les épreuves de la vie (Honoré, 2011).
41
2.2 Les orientations de l’accompagnement
Comme il l’a été décrit précédemment, la SEP ne se guérit pas. Il est alors primordial
que la personne atteinte de cette pathologie apprenne à vivre avec en la gérant de
manière autonome (Kesselring, 2006). Le concept de rétablissement peut alors être
proposé à l’infirmière dans son accompagnement à l’égard des personnes atteintes
de la SEP. En effet, ce concept s’applique en principe aux personnes en situation de
troubles psychiques, suite à une crise par exemple. Le point commun entre une
personne avec trouble psychique et une personne avec la sclérose en plaques est
que ces personnes pourraient subir des pertes psychologiques, socioculturelles ou
physiques si elles n’arrivent pas à s’ajuster dans la société après une crise ou une
poussée.
42
Tableau 2. Les trois modes d’accompagnement orientés vers le rétablissement et
quelques exemples de leurs composantes (Dallaire, 2008, p. 224). Ce tableau
montre les outils qui pourraient aider l’infirmière à mieux orienter l’accompagnement
à l’égard d’un patient vers le rétablissement après une poussée.
Démarche de
Cadre relationnel Soutien à l’expérience du planification de
rétablissement services
individualisés et
orientés vers le
rétablissement
43
• Éducation en matière de
rétablissement
• Défense et promotion des
droits
• Performance de rôles
Dans le cas de la SEP, les poussées sont imprévisibles, ce qui implique le fait que la
période de rémission demeure inconnue. Le rôle infirmier dans l’accompagnement
d’un patient consisterait à rassurer avant tout la personne. Concrètement, ces outils
peuvent être utilisés pour les personnes atteintes de cette maladie en vue de
s’adapter, se réajuster, réintroduire, réintégrer au sein de la société, de la vie
professionnelle et/ou personnelle. Les propositions de ce tableau visent à respecter
44
le patient en tant que personne à part entière et à prendre en considération ses
croyances, ses victoires et ses échecs. Ainsi, la personne pourrait alors s’actualiser
et murir dans le cheminement de sa pathologie.
Un accompagnement personnalisé
45
Un accompagnement orienté vers la lutte contre les préjugés et la
discrimination
46
connaissances liées à sa pathologie à travers ses réussites et ses erreurs et en
analysant son parcours vécu. Le rôle de l’infirmière serait d’encourager le patient à
faire une introspection afin de prendre conscience de sa situation. Le soignant
encouragerait également le patient à accepter et à assimiler les apprentissages
qu’apportent ses expériences qu’elles soient réussies ou pas (Assad, 2007). Lors
des poussées, et afin d’y faire face, le patient a besoin de chercher de l’aide de
personnes qui lui sont chères. Dans ce cas, le patient est en interaction avec son
environnement. Cela permet alors à l’infirmière de connaître son milieu de vie ainsi
que l’importance de l’entourage pour le patient afin d’offrir à ce dernier un
accompagnement personnalisé (Dallaire, 2008). Le fait de se familiariser avec le
milieu de vie du patient permet au soignant de mieux comprendre et d’identifier
diverses ressources internes et externes (par exemple : famille, amis, croyances,
valeurs, etc.) qui favorisent ou ralentissent le rétablissement du patient. Grâce à
cette familiarisation, l’infirmière est mieux renseignée et peut alors intervenir dans
l’environnement de vie du patient afin que ce dernier puisse s’intégrer au mieux. Le
but serait que le soignant puisse découvrir s’il existe des craintes, des
méconnaissances sur la SEP, de l’intégration ou de la possibilité dans la réalisation
des projets du patient (Dallaire, 2008). La réalisation de divers projets de vie (fonder
une famille, grossesse, voyages, activités physiques, etc.) d’un patient qui est en
voie de rétablissement nécessite des possibilités d’offres adaptables aux
programmes d’intervention et aux prestations (groupes de soutien, entretiens, suivi
médical, groupes de parole, brochures, équipe pluridisciplinaire, etc.). Il est donc
important que le soignant ait des connaissances sur les services de santé et sociaux
sur les réseaux afin d’offrir un accès rapide aux services demandés. Cela implique
alors un bon accompagnement adapté à l’égard du patient (Dallaire, 2008).
Néanmoins, si le patient refuse les interventions proposées par l’infirmière et que son
besoin est d’être occasionnellement en contact avec son soignant de référence, il
s’agit alors pour le soignant d’être tout simplement présent auprès de lui. Il faut être
prêt à accompagner différemment la personne lorsqu’elle le souhaite (Deegan,
1996). L’accompagnement personnalisé est lié à la démarche de soins spécifiques
du patient et l’offre des services de soins qui sont individualisés et adaptés aux
objectifs du patient en voie de rétablissement. Cet accompagnement consiste
également à déterminer les besoins du patient afin qu’il puisse atteindre ses
objectifs. Pour ce faire, il incombe à l’infirmière d’évaluer régulièrement l’atteinte ou
47
non des buts. L’offre des services dépend du point de vue et des objectifs du patient
(Dallaire, 2008).
Comme il l’a été décrit dans le premier chapitre, les symptômes surviennent à des
moments et de façons différents d’un patient à l’autre. Ce qui provoque aussi de
pertes différentes. Il serait donc important et cohérent que l’infirmière applique un
accompagnement qui serait personnalisé pour chaque individu. Les patients
pourraient être soumis à une adaptation individualisée envers leur travail. Par
exemple, si une personne atteinte de SEP a perdu sa capacité motrice des membres
inférieurs et qu’elle se retrouve en fauteuil roulant, elle pourrait tout de même
travailler dans un bureau au lieu d’effectuer une activité physique demandée par son
employeur. L’importance pour l’infirmière de bien connaître le mode de vie du patient
semble aussi indispensable afin de trouver avec la personne diverses solutions qui
répondraient au mieux aux désirs du patient et qui seraient à sa portée. Ce qui
explique la multitude de différences entre chaque individu et l’intérêt de réaliser un
accompagnement personnalisé.
48
impérative, le temps de la rémission peut être très long, ce qui pourrait expliquer une
éventuelle reconstruction de la personne. Si le patient atteint de sclérose en plaques
a la force et les ressources nécessaires et si cette personne a la confiance,
l’assurance, les connaissances et l’expérience sur sa pathologie, il est fort probable
que l’individu crée des mécanismes de défenses complémentaires aux périodes des
poussées afin de pouvoir se construire en tant que personne. L’être humain possède
des capacités de réalisation qu’il ignore : des instincts de survie. Si la personne aime
la vie, elle serait capable de tout organiser et contrôler afin de ne pas se sentir isolée
et rejetée de la société. C’est-à-dire que cette personne pourrait être en mesure de
se reconstruire constamment d’une manière personnelle et unique (Deegan, 1997).
Pour la plupart des patients qui sont en voie de rétablissement, il est possible que les
conséquences d’une maladie soient beaucoup plus difficiles à surmonter que la
maladie elle-même (Anthony et al., 2004). La personne qui présente des problèmes
liés à sa pathologie est exposée aux préjugés et à la discrimination. Ceux-ci mettent
ainsi des barrières sur la voie du rétablissement du patient et empêchent également
ce dernier à actualiser son potentiel (Spaniol, Gagne, & Koehler, 1997). Ces idées
similaires ont déjà été évoquées dans la section des pertes. En effet, à ce jour, les
êtres humains sont constamment exposés aux préjugés, à la discrimination, au
racisme. Ce qui ne rend pas la tâche de l’accompagnement aisé. Les personnes
avec un handicap ou une pathologie comme la SEP peuvent être très vite jugées par
leur apparence physique ou psychique, ce qui provoque des rumeurs autour de la
personne et qui pourrait se sentir blessée. Ces moqueries pourraient mener à une
baisse de son estime, de son moral, de sa confiance, de sa gestion des émotions et
une augmentation de la tristesse. Ces personnes seraient donc continuellement
exposées à des pertes psychologiques et/ou socioculturelles. L’infirmière devrait
donc lutter contre les préjugés et la discrimination engageant une accumulation de
plusieurs fonctions de l’infirmière afin d’offrir un accompagnement de qualité.
Cependant, Dallaire (2008) souligne que les proches aidants dissimulent
fréquemment leurs propres préjugés sur le malade. C’est pourquoi il est nécessaire
49
que l’infirmière analyse ses méthodes d’accompagnement, reconnaisse et rectifie
toute réaction, attitude, comportement, acte ou croyance qui risque de défavoriser le
rétablissement de la personne concernée. Toutefois, toute personne devrait évaluer
les préjugés qu’il porte sur les autres. Dans le cas de la SEP, il existe aussi la
fatigue, la lassitude et/ou le surmenage de la famille et/ou de l’entourage du patient,
ce qui pourrait provoquer des conflits dus à la diminution de la patience à cause de
l’épuisement. Cette faiblesse peut induire des propos qui blessent la personne et
cette dernière pourrait se sentir ainsi jugée ou discriminée. Dépendant de l’état de
santé du patient, celui-ci pourrait aussi perdre le rôle qu’il avait au sein d’une
communauté laissant ainsi derrière lui des charges de travail supplémentaires aux
autres, ce qui pourrait donc expliquer la raison de l’asthénie de l’entourage.
50
de la part de l’infirmière sont très importants dans les activités de défense des droits
du patient en vue de maintenir sa dignité (Dallaire, 2008).
A part la famille proche, c’est-à-dire celle qui a un lien de parenté avec le patient,
toute personne étant importante aux yeux de la personne concernée est considérée
également comme un membre de la famille (Dallaire, 2008). L’accompagnement de
l’entourage du patient vise à l’aider et le renforcer dans son rôle de participant sur la
voie de rétablissement du soigné. L’infirmière ferait preuve d’empathie et d’écoute à
chaque expérience de soutien offert par l’entourage au patient. Elle recueillerait les
renseignements nécessaires et connaitrait le rôle et l’importance de chaque membre
de la famille. L’infirmière recueillerait aussi les problématiques et les difficultés
51
présentes chez l’entourage du patient (Dallaire, 2008). Afin de soutenir et renforcer
les implications de l’entourage dans l’accompagnement, l’infirmière pourrait proposer
des programmes d’intervention en collaboration avec une équipe pluridisciplinaire. La
psychoéducation vise à démontrer aux membres de la famille des méthodes qui leur
permettent d’apprendre à gérer des symptômes persistants tels que la fatigue, la
déprime et l’épuisement, etc. en vue de développer leurs forces (Dallaire, 2008).
Prendre soin et veiller sur quelqu’un sont des actes de partage avant d’être une
action. Observer, se préoccuper d’autrui est un geste de bonté et d’altruisme.
Écouter consiste à entendre et à comprendre. Être empathique est un comportement
pour déchiffrer, interpréter et connaître la posture de l’autre. Établir un lien de
confiance est une attitude de respect. La dignité est la richesse des cultures et de sa
propre identité. Néanmoins, l’accompagnement est une expression de tous ces
exploits réunis en un seul mot, en un seul métier. La théorie de Watson « Le caring »
permet d’aider les soignants à mettre en place dans la pratique les éléments
importants afin de réussir l’accompagnement à l’égard des personnes notamment,
les patients atteints de sclérose en plaques.
52
3.1 Définition du « Human Caring »
Cette théorie contient principalement deux domaines qui sont très importants et qui
sont indissociables des soins infirmiers : les valeurs et émotions de l’être humain
ainsi que les connaissances et méthodes scientifiques (Watson, 1998).
Jean Watson « considère les soins infirmiers comme la science du caring » (Watson,
1998, p. 15). Le rôle de l’infirmière qui utilise la théorie de science du caring consiste
à analyser et à comprendre le sens d’actions et de valeurs de l’être humain qui mène
à la décision du choix de ce dernier concernant sa santé et/ou sa maladie (Watson,
1998). Selon Watson (1998), la promotion de la santé, les soins liés à la prévention,
les soins aux patients et l’amélioration de l’état de santé font partie intégrante dans
l’activité soignante. De plus, les connaissances liées à la physiopathologie et au
comportement typique de l’être humain sont essentielles dans la discipline infirmière
afin de pouvoir prendre soin du patient et améliorer la santé de ce dernier. Dans la
discipline infirmière, la promotion de la santé est beaucoup plus importante que le
traitement d’une pathologie incurable et c’est pour cela que le concept de soin est au
53
cœur de cette discipline. Le caring subsiste dans toutes les sociétés, et entre
chacune d’elles il existe des êtres humains qui prennent soin des autres. La posture
soignante ne se transmet pas de génération en génération, cependant elle est
transmise par la culture du métier comme seul moyen de s’adapter à son milieu de
vie professionnelle (Watson, 1998). La théorie de « Human Caring » comprend dix
facteurs caratifs et ceux-ci peuvent, en théorie, être appliqués à toute situation de
soin. Le concept de « Human Caring » que l’infirmière intègre dans sa pratique
professionnelle est un modèle de soin pour elle. Les facteurs caratifs permettent
donc à l’infirmière de guider une activité soignante de manière très humaine
(Watson, 1998). La plupart de ces facteurs peuvent être utilisés dans le cas de la
sclérose en plaques, puisque le concept de Watson (1998) met en évidence des
réflexions sur les méthodes d’accompagnement et la prise en soins des patients
atteints de SEP. Ces facteurs peuvent également aider l’infirmière dans sa manière
d’accompagner ces personnes.
Les facteurs caratifs sont distingués des facteurs curatifs. En effet, les facteurs
curatifs jouent un rôle dans le traitement de maladies (Watson, 1998) alors que « les
facteurs caratifs sont les facteurs que l’infirmière utilise pour prodiguer des soins aux
patients/clients » (Watson, 1998, p. 21). Ces soins ont pour but de promouvoir la
santé, d’offrir des soins de confort en accompagnant les patients dans leur bien-être.
Pour Watson (1998), les facteurs caratifs sont basés sur une philosophie liée à
l’humanité et cette philosophie est cruciale dans les soins infirmiers. Elle est aussi
renforcée par les connaissances scientifiques (Watson, 1998). En outre, « les
facteurs caratifs visent une démarche soignante » (Watson, 1998, p. 21) qui a pour
but de promouvoir la santé. Dans son modèle, Watson (1998) propose un ensemble
de dix facteurs caratifs fondamentaux qui permettent d’analyser et de comprendre
l’activité infirmière. Ces dix facteurs énoncés dans l’encadré ci-dessous sont liés les
uns aux autres (Watson 1988). Chacun est approfondi dans les sections suivantes et
discuté en rapport des caractéristiques de la SEP, maladie qui est au cœur du
présent travail.
54
1. Le développement d’un système de valeurs humaniste-altruiste,
Un être humain développe son système de valeurs durant son enfance en se
confrontant à diverses philosophies, aux croyances et aux styles de vie, et lorsqu’il
devient adulte, ses valeurs humaines deviennent de plus en plus précises. Avec la
maturité, une personne affirme ses propres valeurs grâce aux expériences qu’elle a
vécues. Ce système est une philosophie qui permet d’accompagner la personne tout
au long de sa vie, de tolérer les différences et d’apprécier les êtres humains
(Watson, 1998). Watson (1998) fait référence au système de valeurs du caring qui
implique et qui définit « un ensemble de valeurs humaines universelles : gentillesse,
affection et amour de soi et d’autrui » (Watson, 1998, p. 25). Les valeurs et la
philosophie propres de l’infirmière influencent son comportement dans la rencontre
avec d’autres personnes, peu importe si l’infirmière est consciente ou non de ses
valeurs (Watson, 1998). En effet, l’infirmière qui utilise le caring dans les soins est
censée développer son système de valeurs afin d’accompagner le mieux possible le
55
patient lors de l’annonce du diagnostic et à tout moment par la suite. L’infirmière
spécialisée de la SEP serait la plus propice à être présente au moment du diagnostic
en vue de répondre immédiatement aux questions pertinentes et peut-être difficiles
que le patient pourrait avoir.
Johnson (2003) a mené une étude portant sur la réception du diagnostic de la SEP
au Royaume-Uni. Les points de vue et les expériences vécues autour du moment du
diagnotic sont recueillis grâce aux interviews avec les patients. Ces derniers ont
discuté de l’utilisation d’un local de services de soins infirmiers spécialisés de la
SEP. En effet, la première interview s’est déroulée avant l’établissement du local et
la seconde a eu lieu une année après la mise sur pied de ce service de soins. Les
interviews qui ont duré entre 45 minutes et une heure cinquante ont eu lieu chez les
participants ou par télephone. Il y a deux cohortes de douze personnes dont six
hommes et six femmes (âge moyen = 50,6 ans; début des symptômes = 38 ans ;
période depuis le diagnostic = 6,9 ans) pour la première interview, et quatre hommes
et huit femmes (âge moyen = 50,5 ans; début des symptômes = 36,9 ans ; période
depuis le diagnostic = 10,5 ans) pour la seconde. Les invitations ont été envoyées
aux patients par le biais de données de l’hôpital. Les résultats ont rapporté que les
patients atteints de SEP se sont sentis dévastés, ont été sous le choc et ont éprouvé
un sentiment d’isolement et d’abandon au moment du diagnostic. En outre, les
participants ont également parlé de la problématique des méconnaissances de la
pathologie, puisque selon eux les connaissances sont essentielles. D’après les
patients, le manque de connaissances ou de pointeurs vers les informations ont
contribué aux sentiments d’abandon, d’isolement et d’impuissance. Par conséquent,
les patients se sont sentis frustrés. Les résultats ont aussi mis en évidence le fait que
l’infirmière spécialisée de la SEP est une source de soutien et d’informations au
moment du diagnostic et tout au long de la maladie.
En réalité, le diagnostic de la SEP présente beaucoup de défis tant pour les patients
que les professionnels de la santé. C’est un moment particulier émouvant et le
potentiel dans la communication entre le patient et le soignant est difficile puisque ce
n’est pas facile d’annoncer la maladie qui est incurable. Il n’est également pas facile
de trouver les mots justes pour dire à la personne qu’elle est atteinte de SEP
(Johnson, 2003). En outre, il est fort possible que l’infirmière ne se sente pas
entièrement à l’aise au moment de la communication du diagnostic et que ses
56
valeurs entrent inconsciemment en conflit. Il est donc important que l’infirmière fasse
un travail sur ses propres conceptions afin d’être au clair dans sa manière
d’accompagner le patient au moment de l’annonce du diagnostic et par la suite,
comme Watson (1998) la mentionne : l’analyse détaillée sur les conceptions,
croyances et valeurs de l’infirmière est nécessaire afin que cette dernière puisse
développer ses valeurs et son attitude soignante. Cette introspection permet d’établir
une philosophie de la vie en tenant compte de ses propres valeurs. Cela mène à la
satisfaction ainsi qu’à la maturité de l’infirmière (Watson, 1998). « Le caring est
constitué de sentiments et d’actes humanistes-altruistes favorisant les meilleurs
soins professionnels et les contributions à la société les plus mûres » (Watson, 1998,
p. 27). Les sentiments qu’une personne éprouve peuvent être bons, mauvais,
spontanés, inconscients ou conscients. Ces sentiments peuvent rester inconnus pour
la personne qui est en face d’elle, puisque l’être humain ne peut pas entrer dans la
tête de l’autre pour lire ses pensées, mais il peut parfois ressentir de manière
empathique ce qu’éprouve l’autre personne. En outre, dans les soins on rencontre
très souvent le sentiment d’espoir, comme par exemple la personne qui vit avec la
SEP espère sûrement qu’il n’y aurait plus de poussées pendant longtemps afin de
pouvoir réaliser ses projets de vie. En effet, dès la naissance, on fait connaissance
du concept de valeurs au sein de la famille ou de la communauté. Petit à petit, l’être
humain grandit et fait le choix de respecter, ou non, ses valeurs. L’espoir ensuite nait
chez les gens, mais c’est un choix né des valeurs de chacun.
Morgante (2000) a mené une revue de questions sur l’importance de l’espoir chez
les personnes atteintes de SEP pendant leur rétablissement. L’auteur a rassemblé
plusieurs études, questionnaires et revues de littérature qui se basent sur l’effet
positif qu’apporte l’espoir aux personnes malades. Les résultats apportés de cette
revue se sont basés sur l’assemblage des études, des questionnaires, etc. Morgante
(2000) décrit le résultat bénéfique dans le fait d’inculquer, de respecter et
d’encourager le patient atteint de sclérose en plaques à garder ou à avoir de l’espoir
pour son rétablissement. Ainsi, l’espoir peut avoir un impact positif dans la vie d’un
patient vivant avec la SEP. Comme il l’a été décrit dans ce présent travail, le
rétablissement permet au patient atteint de SEP d’essayer de mener une vie normale
pendant la phase de rémission et pour ce faire, il serait important que le patient ait de
l’espoir. Bien que cette revue puisse s’appliquer pour toute maladie, elle souligne
57
que l’estime de soi est essentielle pour que le patient ait la capacité globale d’être
optimiste et de faire face à une maladie chronique. Les croyances, les conceptions
ou les valeurs font de l’être humain une personne unique et les convictions sont donc
propres à chacun. Il est nécessaire que la personne puisse avoir accès à la foi, qu’il
soit exprimé en foi religieuse ou simplement comme un sentiment de connexion avec
un être supérieur. Morgante (2000) soutient que la foi pourrait avoir un impact positif
sur l’espoir.
Suivant la tradition de l’être humain, les éléments essentiels qui font partie du
traitement visant à apaiser les symptômes de la pathologie sont la croyance et
l’espoir. La fonction du système de croyances et de l’espoir est cruciale dans la
démarche médicale et infirmière que le soignant ne doit absolument pas nier
(Watson, 1998). Comme il l’a déjà été mentionné dans la section précédente,
Morgante (2000) est une revue de questions qui rapporte que le sentiment de
désespoir est fréquent chez les patients atteints de SEP. Selon cet auteur, ce
sentiment peut représenter une menace pour l’autonomie et le sentiment de
compétences. Si le désespoir persiste et s’accroit, le risque de rechute augmente.
Selon Lynch (1965), qui a défini le désespoir comme étant un état dont il n’y a plus
58
d’énergie soit pour l’imaginer ou la souhaiter. La personne ne voit plus d’avenir, ne
planifie et ne prévoit plus rien. Un sentiment de tristesse et une perte d’intérêts sont
souvent liés à cette attitude négative qui est facilement détectable par l’infirmière. La
revue de Morgante (2000) a aussi apporté les éléments importants à comprendre
que l’espoir joue un rôle important dans la santé et le courage en cas de maladie
chronique. Il est donc essentiel pour le soignant, qui fournit des soins et de soutien à
l’égard des personnes atteintes de SEP, de saisir et de reconnaître les éléments
d'espoir lorsque ces personnes sont en proie aux sentiments de désespoir.
L’espoir est un élément essentiel dans la vie, car il est la vision de l’avenir et de
l’opinion de la personne envers elle-même. La SEP menace l’indépendance et la
capacité de la personne à apporter une contribution significative à la famille et à la
société. La SEP peut également rendre la personne à se sentir incompétente et à ne
plus être sûre d’elle-même. Le patient peut avoir plusieurs pertes liées à la SEP,
mais celle de son rôle dans la société est la plus marquante pour lui. Certaines
personnes peuvent se sentir incapables de planifier l’avenir et il n’est donc pas
surprenant que la dépression, le désespoir et l’impuissance soient fréquents chez les
patients atteints de SEP (Morgante, 2000). L’espoir peut non seulement renforcer
l’estime de soi et le sentiment de bien-être, mais il peut également avoir un effet
synergique sur les traitements médicamenteux classiques. En outre, l’espoir devrait
être intégré dans l’approche multidisciplinaire pour le traitement de la SEP
(Morgante, 2000).
59
L’infirmière joue un rôle important dans la genèse de l’espoir et elle peut fournir les
ressources nécessaires pour promouvoir l’espoir et donc prévenir le désespoir. En
raison de sa présence aimante, empathique et aidante inconditionnelle à l’égard des
patients, l’infirmière est une véritable présence importante pour l’amélioration d’état
de maladie (Morgante, 2000). L’espoir peut se manifester et être identifié par le
soignant sous plusieurs formes comme la verbalisation d’objectifs pour le futur ;
l’affiche des motivations pour atteindre des objectifs ; l’attente de l’atteinte des
objectifs ; l’imagination d’un avenir meilleur ; les souvenirs des réussites passées ; la
vision des options personnelles ; le maintien de sentiment de contrôle ; l’anticipation
des résultats positifs ; le lien avec la famille, les amis ou les soignants qui procurent
de soutien ; le sentiment d’être relié à un être supérieur ; la marque d’humour et la
relaxation avec la visualisation (Morgante, 2000). Cette revue met en évidence
l’importance de ces manifestations visant à renforcer l’espoir chez les patients
atteints de SEP. L’infirmière inclut l’utilisation du réseau et des ressources de soutien
comme stratégies afin que les patients puissent garder de l’espoir. La prise en soins
vise une amélioration possible de l’état de maladie (Morgante, 2000).
Selon Watson (1998), toute personne devrait être encouragée à approfondir ses
propres émotions, car la reconnaissance de celles-ci permet alors à la personne de
s’actualiser. Cette actualisation de soi se fait par l’acceptation de soi et par le
développement psychologique. Dans cette perspective, il s’avère nécessaire que la
personne reconnaisse et accepte de ressentir ses états émotifs positifs ou négatifs
afin que la sensibilité à soi et aux autres puisse se développer. Il est également
nécessaire que la personne développe un certain degré de conscience à propos de
ses propres émotions pour pouvoir effectuer une introspection, puisque la source de
l’évolution réside à l’intérieur d’elle-même. En revanche, il est possible qu’une
personne présente de la difficulté à faire face à ses émotions et il est donc plus facile
pour elle de refouler ses sentiments ; la sensibilité à soi et aux autres se retrouve
ainsi menacée. La capacité de l’être humain à prendre le contrôle de soi par le biais
du sens de la responsabilité ou de la conscience reste une méthode difficile à
réaliser pour certaines personnes vivant avec la SEP, nonobstant elle serait une
60
méthode bénéfique dans l’adaptation à chaque situation. Ainsi, la personne est
sensible envers elle-même dans son état de santé.
Jopson et Moss-Morris (2003) ont mené une étude portant sur la capacité des
patients à s’ajuster à la SEP en fonction de la sévérité de la maladie et de
représentations qu’ils s’en font. L’étude porte sur une cohorte de 179 patients atteints
de SEP, mais dix d’entre eux ont abandonné et un est décédé pendant l’étude, il
s’agit donc d’une cohorte de 168 patients totalement. Ils sont âgés de plus de 18 ans
(âge moyen = 50,6 ; 78% de femmes). Ces patients ont reçu une série de
questionnaires permettant de mesurer la gravité des symptômes (questionnaire ad
hoc), la capacité de mobilité (Ambulation Index), et la perception de la maladie
(Illness Perceptions Questionnaire-Revised (IPQR)). Les résultats de cette étude
montrent que le patient atteint de SEP qui réussit à avoir un contrôle personnel sur
sa propre maladie possède une endurance mentale. Cela est donc bénéfique pour
l’adaptation psychologique. Le patient qui présente un fort sens de contrôle
personnel implique également une plus haute estime de soi et une diminution de
chance d’une dépression causée par la SEP.
L’infirmière devrait alors prendre conscience et être sensible aux sentiments des
patients atteints de la SEP vis-à-vis de leur gestion de cette maladie. Pour ce faire, il
serait essentiel que l’infirmière soit au clair avec ses propres émotions, comme le
mentionne Watson (1998) : il est possible de reconnaître et d’accepter les états
émotionnels de l’autre personne seulement si la personne elle-même reconnaît et
accepte ses propres sentiments. Par-contre, si la personne nie ses propres émotions
elle ne peut pas laisser l’autre personne s’exprimer. Cela est dû au fait que la
personne a du mal à être sensible aux sentiments de l’autre puisqu’elle n’est pas
sensible à ses propres émotions. Dans cette perspective, l’infirmière devrait être
tenue à être sincère à l’égard d’elle-même et de ses propres émotions. En étant
honnête envers elle-même, elle devrait être autant authentique et sensible vis-à-vis
du patient. « L’infirmière qui est sensible aux sentiments est capable de faire en sorte
qu’une autre personne se sente comprise, acceptée et capable d’aller vers un niveau
supérieur de fonctionnement et de croissance. Elle est plus à même d’apprendre la
conception du monde d’une autre personne » (Watson, 1998, pp. 33-34). Par-contre,
dans la réalité, il est difficile pour l’infirmière de savoir exactement ce qu’éprouve
réellement la personne avec la SEP, puisqu’elle ne peut pas parfaitement la
61
connaître, mais elle essaye, à chaque rencontre, de faire connaissance. Cela
requiert de la part du soignant une certaine sensibilité envers soi et l’autre. La
croissance et l’actualisation de soi sont favorisées par la reconnaissance et par
l’utilisation de la sensibilité et des émotions du soignant (Watson, 1998).
62
spécialisée de la SEP est le fournisseur des soins le plus adapté (89% de réponses
apportées par les participants). L’infirmière spécialisée a également été choisie par
les partcipants comme fournisseur de soins adaptés pour les besoins généraux,
l’éducation de la santé, la gestion de fatigue, la douleur, etc. Une majorité des
professionnels de la santé ont estimé que l’infirmière spécialisée de la SEP est le
fournisseur de soins le plus approprié pour un grand nombre de besoins.
En outre, comme il l’a été décrit précédemment, l’étude de While, Forbes, Ullman et
Mathes (2008) qui porte sur la perception du rôle de l’infirmière spécialisée de la
SEP rapporte que cette dernière répond mieux aux attentes des patients atteints de
cette maladie, car elle est en mesure de créer un lien de confiance avec eux. Si le
soignant a plus d’expérience dans le domaine de la pathologie que présente le
patient, le lien de confiance se crée beaucoup plus facilement. De plus, l’infirmière
spécialisée qui connaît très bien la pathologie et la prise en soins nécessaire a
également des connaissances sur les effets secondaires des traitements, les
poussées, les types d’évolution et les conséquences sur la personne. L’infirmière est
donc mieux préparée à tous ces aspects, ce qui peut être rassurant pour le patient
lors de l’entretien et ainsi, un lien de confiance peut se créer plus facilement entre le
63
soignant et le patient.
64
(Watson, 1998, p. 50).
Les sentiments ont un impact très important sur les pensées et sur le comportement,
ce qui peut impliquer des réactions exagérées. Certaines émotions peuvent guider le
comportement et les pensées de l’individu qui n’est pas complètement conscient de
l’effet qu’ont les émotions sur son comportement devenu insensé. Lorsque la
personne est consciente de ses émotions, l’absurdité de son comportement diminue
65
et le contrôle de ses pensées et de ses actions augmente (Watson, 1998). Comme
Johnson (2003) a mis en évidence dans son étude, le patient éprouve naturellement
des moments d’émotions suite à la communication du diagnostic et il accorde les
valeurs aux informations liées à la SEP, car cela permet au patient de prendre le
contrôle et de créer des attentes réalistes. Les informations impliquent la promotion
d’auto-soins, la réduction de l’anxiété et l’augmentation des sentiments de sécurité.
En outre, l’expression des émotions ainsi que des sentiments positifs et négatifs
devraient être autorisés, encouragés et acceptés par l’infirmière aussi bien pour elle-
même que pour les patients. Cela permet à l’un comme à l’autre d’avoir la
conscience et le contrôle interne de son comportement (Watson, 1998). Comme les
sentiments ont le pouvoir d’affecter les pensées et de modifier le comportement, il
est crucial que l’infirmière prête toute son attention aux sentiments du patient en vue
de l’aider à se rendre compte de ses propres émotions (Watson, 1998). Johnson
(2003) a mené une étude sur la découverte du diagnostic de la SEP qui apporte
l’idée qu’au moment de l’annonce du diagnostic, les patients sont dévastés, choqués
et leur première pensée est de partir loin et de vivre avec. Les sentiments d’abandon
et d’isolement sont également très courants à ce moment-là. L’isolement consiste en
un sentiment d’être laissé seul à faire face à la maladie et il est aussi lié au manque
de soutien et de conseils à la suite du diagnostic. Une majorité de patients ne
connaissent pas d’autres personnes vivant avec la SEP, ce qui leur procure un
sentiment d’isolement. L’abandon est un sentiment de rejet activement.
Selon Watson (1998), les soignants sont, en règle générale, beaucoup plus centrés
sur leur activité soignante que sur la recherche ou alors ils s’intéressent aux
problématiques relatives à la santé publique. L’objectif de la recherche liée au
domaine des soins infirmiers consiste à assurer la qualité des soins, et pour ce faire
l’infirmière recueille des données de différentes sources empiriques de la recherche
scientifique en vue de développer la pratique infirmière.
66
Il est vrai qu’aujourd’hui les infirmières se réfèrent beaucoup plus à leur propre
expérience et intuition qu’à la recherche lors de la prise de décision. Les données
probantes représentent des indices sûrs et des preuves qui sont apportées par la
recherche. La pratique infirmière est basée sur les données probantes, elle permet
donc d’intégrer les résultats de la recherche dans la prise de décision et de fournir
les meilleurs soins possibles. Le but de la profession infirmière consiste à donner les
soins de meilleure qualité possible et c’est pourquoi l’utilisation de la recherche et de
ses résultats est essentielle dans les soins infirmiers. La pratique infirmière fondée
sur la recherche permet d’améliorer l’organisation, la gestion, les soins et
l’enseignement.
La science et les valeurs de l’être humain sont liés et sont également importants pour
les soins infirmiers. La base scientifique permet à l’infirmière de renforcer et
d’évoluer sa pratique professionnelle en jugeant, en étudiant des questions de
recherche et en prenant des décisions en fonction des situations de soins dont le
problème demande à être résolu. Cette base permet donc de guider la pratique
professionnelle (Watson, 1998) : « … la méthode scientifique de résolution de
problème est nécessaire pour guider, orienter et analyser le savoir et la pratique. Elle
aide l’infirmière à obtenir de nouvelles connaissances, à résoudre les problèmes, à
émettre des jugements, à prendre des décisions, à développer des projets,
programmes et techniques, et à procéder à des vérifications et des rectifications
dans le but d’améliorer des soins infirmiers » (Watson, 1998, p. 67). Grâce à cette
méthode, le domaine de soins infirmiers peut obtenir des résultats positifs liés à la
santé (Watson, 1998).
67
Les résultats de certaines recherches portant sur la problématique de la SEP
permettent à l’équipe pluridisciplinaire dans le domaine de la santé d’améliorer ou de
développer de nouvelles compétences ou de nouveaux soins. Les résultats apportés
par les études permettent également de mettre à jour des connaissances sur cette
pathologie. La qualité des soins peut être améliorée grâce à ces résultats.
Selon Watson (1998), pour une personne malade, le stress est causé par la gravité
de son état de santé et l’incertitude dans laquelle elle se trouve. S’ajoute à cela une
rupture des activités, des projets, du style de vie ou des habitudes de la vie
quotidienne. Le style de vie est le plus souvent perturbé lors de la maladie. De plus,
le stress peut lui-même empirer l’état de la maladie de la personne. C’est pourquoi la
transmission des informations est très importante dans l’activité infirmière, car elle
permet d’apaiser les émotions et de diminuer le traumatisme de la personne face à
l’événement stressant qu’on ne peut empêcher dans les soins tels que les examens
du diagnostic, l’annonce de celui-ci ou l’entretien avec les professionnels de la santé.
En effet, Solari et al. (2007) ont mené une étude traitant sur la communication du
diagnostic de la SEP. Le but de cette étude consiste à explorer les expériences
personnelles sur la communication du diagnostic de la SEP : ceux qui reçoivent et
ceux qui donnent le diagnostic. L’étude porte sur trois groupes de discussion : le
premier comporte neuf participants qui proviennent du nord de l’Italie ; le deuxième
est constitué de quatorze personnes qui viennent du centre et du sud de l’Italie.
Enfin, le troisième groupe comporte neuf professionnels de la santé (quatre
neurologues, trois psychologues et deux infirmières). Chaque groupe de discussion
ne dure pas plus de deux heures. Les neuf sujets d’interviews ont été proposés dans
chaque groupe, puis les résultats ont été élaborés grâce à l’enregistrement audio et
la prise de notes lors des échanges dans les groupes. Les résultats de cette étude
montrent que le soignant devrait prendre des mesures pour gérer l’anxiété et la
détresse de la personne pendant la période précédant les résultats des examens. Le
diagnostic de SEP devrait être communiqué dès que possible, clairement et sans
ambiguïté, du temps, au moment de l’annonce devrait être accordé et adapté à cette
68
situation, et l’entretien ne devrait pas être fait dans la précipitation. Les explications
concernant la SEP devraient être simples, avec l’utilisation du langage direct et
adapté à chaque personne. Les participants atteints de la SEP rapportent également
que le niveau de soutien et d’informations donnés est quasiment nul. Peu de temps
est accordé pour échanger sur la maladie ou pour avoir des réponses aux questions
que les patients se posent. En plus, selon ces participants, un cadre approprié est
aussi nécessaire pour offrir de l’intimité, du temps et du soutien. Le téléphone devrait
être interdit dans la salle d’entretien afin d’éviter toutes distractions et interruptions.
En outre, les professionnels qui ont participé dans cette étude s’accordent sur le fait
que davantage de temps devrait être accordé au patient, mais que leur charge de
travail rend cela impossible.
69
car certaines informations sont douteuses, incomplètes et parfois contradictoires. Par
contre, les pages web des sociétés de la SEP nationales et internationales sont de
bonnes ressources (Solari et al., 2007).
Selon Watson (1998), il est essentiel que le soignant soit conscient de la relation qu’il
a avec une autre personne, de la qualité de l’information qu’il lui fournit et de la
manière dont il se comporte. Le soignant a pour rôle d’évaluer ce que le patient a
besoin de connaître lorsqu’il est confronté à une situation menaçante. Il requiert
également à l’infirmière de comprendre ce que perçoit le patient, ses besoins et son
aptitude d’apprentissage face à son stress. Les informations données devraient être
adaptées à chaque situation et aux besoins de la personne. L’ordre de présentation
de ces informations et la précision de ces dernières devraient dépendre de l’histoire
et de la situation actuelle de la personne. La séquence des points à relever ne
devrait pas être fixée à l’avance. La présentation générale de la SEP est utile et
suivie par des informations plus spécifiques, mais les données non pertinentes ne
devraient pas être données. Les entretiens de suivi devraient également avoir lieu
après le diagnostic, au plus tard quelques semaines après pour assurer la continuité
de contact et de soutien (Solari et al., 2007).
70
personne importante devrait être présente pour maintenir la continuité de la relation
et le soutien entre elle et le patient puisqu’elle connaît bien la situation du patient.
71
les croyances personnelles des patients sur leur maladie jouent un rôle significatif
dans leur adaptation à la SEP. Les représentations des patients semblent affecter le
plus sur les aspects affectifs et comportementaux de l’ajustement psychologique
ainsi que les niveaux de fatigue. Le manque de cohérence ou de compréhension
dans la SEP est fortement lié à l’anxiété, et le stress peut augmenter au point
d’exacerber la maladie. De plus, le patient qui croit que la SEP a des impacts graves
possède les représentations émotionnelles élevées, la dépression en générale et
une diminution de l’estime de soi (Jopson & Moss-Morris, 2003). En effet, selon
Watson (1998), les personnes ont des réactions diverses face au stress s’il est perçu
comme une menace. Cela est dû aux valeurs différentes déterminées par la classe
économique, sociale, culturelle, etc. Lorsque le soignant organise et offre les moyens
de soutien, les convictions, les valeurs socioculturelles et l’origine de la personne
devraient être prises en considération. Le soignant peut également soutenir le patient
à faire face à l’événement tant qu’il se prépare psychologiquement et que ses
attentes soient articulées par rapport à cette situation. Le cas échéant, le soignant
s’assure que le patient puisse bénéficier des soutiens de la famille et des
professionnels de la santé, entre autre. L’intervention du soignant consiste à aider le
patient et le protéger contre le stress inutile ainsi qu’à modifier les représentations
incorrectes en vue d’obtenir une meilleure résolution possible des problèmes
(Watson, 1998). En outre, les interventions cliniques qui visent les croyances des
patients sur la SEP dont ils sont atteints peuvent aider ces patients à s’adapter à leur
condition difficile. Ces interventions consistent en particulier à assister les patients à
développer le contrôle sur leur maladie et leurs symptômes. Pour ce faire, les
patients apprennent à identifier les symptômes qui ne sont pas liés à la SEP,
explorent leurs propres croyances et développent une meilleure compréhension de
leur pathologie (Jopson & Moss-Morris, 2003).
Il existe quatre niveaux de besoins pour l’être humain, ce que Watson (1998) appelle
la hiérarchie des besoins. Les besoins biophysiques se situent tout en bas de la
pyramide et ils sont nécessaires à la survie de la personne. Viennent ensuite les
besoins biophysiques qui comprennent les aspects psychophysiques qui entraient la
72
joie de vivre et ceux-ci sont accédés lorsque les besoins psychophysiques sont
satisfaits. Le troisième niveau est lié aux besoins psychosociaux, et enfin, tout en
haut de cette hiérarchie, se trouvent les besoins intra personnels. Les deux niveaux
qui se situent dans le haut de la pyramide permettent à l’être humain de développer
de manière importante l’autosatisfaction et l’assouvissement ainsi que la plénitude
humaine. L’infirmière devrait être attentive dans le cas où un besoin serait perturbé,
car tous les autres pourraient aussi être affectés (Watson, 1998).
Actualisa*on
de
soi
Appartenance
Accomplissement
Sexualité Ac*vité
Figure 15. Schéma de la hiérarchie des besoins humains dans les soins infirmiers
considérés comme la science du caring
(Watson, 1998, p. 114)
Le développement dans les activités courantes du patient devrait être favorisé par le
soignant et ce dernier devrait aussi aider la personne à satisfaire ses besoins en vue
d’évoluer vers la croissance de la personne elle-même. L’identification et
l’anticipation des besoins, qui sont cruciaux dans l’évolution de l’état de santé ou de
73
maladie, font partie du rôle du soignant. L’évaluation régulière des besoins qui
comptent le plus pour la personne est très importante pour le soignant afin que la
croissance et l’évolution des potentialités soient rendues possibles grâce à la
satisfaction de ces besoins (Watson, 1998). De plus, le soignant a le devoir de
considérer le patient comme une personne de valeur, ce qui permet à ce dernier
d’avoir plus de force pour croître vers l’actualisation de soi ; lorsqu’il se sent alors
apprécié, traité en tant que personne à part entière. Les besoins concrets et abstraits
du patient devraient être pris avec beaucoup d’attention de la part de l’infirmière
(Watson, 1998).
L’étude de Forbes, While et Taylor (2006) porte justement sur ce sujet. Elle met en
évidence les besoins des personnes atteintes de SEP. Les auteurs tentent de révéler
les éléments essentiels de cette étude afin de connaître les besoins spécifiques des
personnes malades en vue de réaliser des outils qui permettent de répondre au
mieux aux besoins respectifs de celles-ci. L’échantillon a été élaboré au Royaume-
Uni et il inclut des patients atteints de SEP qui sont recrutés par sept centres de
neurologie. Ces centres se trouvent dans cinq régions anglaises. Un total de 714
personnes qui présentent différents niveaux d’impact de la maladie sur leur état de
santé a participé à l’étude. Les participants ont reçu une série de questionnaires.
L’analyse du premier a été effectuée après 12 mois et seules 435 personnes y ont
répondu tandis que le deuxième questionnaire a été effectué 24 mois après,
comptant 424 réponses. Cependant, 270 personnes seulement ont répondu aux
deux questionnaires. Les résultats rapportent le faible niveau de satisfaction à l’égard
des soins de santé et des services sociaux que les patients reçoivent. Les
participants mettent en évidence qu’ils ont un large éventail de besoins physiques,
psychiques et sociaux. Ils rapportent également un mécontentement concernant des
soins généraux comme par exemple la mauvaise gestion du diagnostic, la variation
de la disponibilité, de l’accessibilité et de la qualité des soins, l’augmentation de
complications qui pourraient être évitées ainsi que le faible niveau de soutien
psychologique, l’absence d’informations et la mauvaise coordination entre les
services. Forbes et al. (2006) ont donc établi sept catégories de besoins :
74
la pathologie. Le désir d’un meilleur accès à des traitements est souvent
mentionné dans les besoins attendus par les personnes ayant répondu le
questionnaire.
! Le soutien socio-environnemental et le soutien d’adaptation impliquent
les activités de soins destinées aux différents obstacles socio-
environnementaux qui peuvent affecter chez les personnes atteintes de SEP.
L’adaptation de l’environnement est la demande la plus fréquente, comme par
exemple l’aide au ménage, le moyen de transport adapté, etc. Le besoin
d’aide pour les problèmes financiers et de l’emploi a également été identifié.
! Les prestations de soins améliorées comprennent une demande pour
l’amélioration de la disponibilité, de l’accessibilité et de la continuité des soins
et de services sociaux. L’accès aux soins procurés par l’infirmière spécialisée
de la SEP a été identifié par les participants. La nécessité pour les
professionnels de la santé d’avoir de meilleures connaissances sur la SEP et
des compétences nécessaires à la gestion de ces personnes a été identifiée.
Les personnes vivant avec la SEP souhaitent également disposer davantage
de services coordonnés avec un point de contact central.
! Les informations exigent d’obtenir davantage de renseignements sur les
traitements et les services sociaux. Ces informations qui visent les familles et
la société en général permettent d’améliorer la compréhension de la SEP et la
façon dont elle affecte les personnes.
! Les services de réadaptation comprennent le besoin d’un meilleur accès à
la physiothérapie, l’ergothérapie et les établissements de réadaptation.
! Les soins non professionnels représentent les aides apportées par les non-
professionnels pour la famille de la personne atteinte de la maladie ou pour
elle-même, par exemple le ménage, la garde d’enfant, etc.
! Le soutien psychologique comprend le besoin d’accès à une aide
psychologique sous forme informelle (quelqu’un à qui parler) ou sous forme
d’intervention formelle (professionnel).
Comme il l’a été décrit précédemment, While et al. (2008) ont mené une étude qui
décrit les perceptions du rôle infirmier afin de savoir si un professionnel spécialisé est
nécessaire ou non dans les soins. Les participants ont exprimé leurs points de vue
75
sur les prestations qu’ils ont reçu et les besoins qu’ils ont ressenti en fonction de leur
degré de handicap. Ils peuvent donc constater si le soignant spécialisé est le mieux
placé pour répondre aux besoins de ces patients. Selon ces derniers, l’infirmière
spécialisée de la SEP est le fournisseur de soins qu’ils ont le plus besoin. Les
patients rapportent également qu’ils reçoivent un soutien limité de la part des
soignants non formés à la spécialisation qui, en dépit de son importance pour ces
patients, mènent toute de même à bien de tels soins. La politique actuelle met
l’accent sur la pratique avancée et encourage vivement les spécialisations.
Comme évoqué dans la hiérarchie des besoins selon Watson (1998), lorsque la
personne parvient à satisfaire ses besoins, qu’elle soit en haut ou en bas de la
hiérarchie, cela procure des sentiments divers comme le soulagement, la relaxation,
la satisfaction, la joie, la sérénité et la richesse intérieure, etc. Lorsque l’individu
réussit à atteindre son actualisation de soi, cela procure un sentiment de réussite et
d’accomplissement qui provoque de la motivation à agir avec compétence. Cela
engendre une croissance personnelle et permet également de créer de nouveaux
buts dans la vie ainsi que d’avoir des nouvelles ambitions (Watson, 1998).
En outre, les résultats liés à la satisfaction des besoins devraient être suffisamment
bons pour le patient. Cela permet d’éviter un échec qui pourrait s’accompagner d’une
baisse de l’estime de soi, de dépression, de la perte d’espoir ou de sentiment
d’impuissance. La satisfaction des besoins est liée aux compétences, aux vertus et
aux valeurs propres du patient. Ainsi, le travail d’analyse sur le cadre de vie du
soigné va aider l’infirmière à mieux formuler les besoins pour réaliser l’actualisation
de soi du patient. Les hypothèses liées aux besoins du patient créées par le soignant
permettent de mieux l’accompagner (Watson, 1998). Cependant, le plus haut critère
de la réussite de la croissance et du développement de l’actualisation de soi devrait
provenir de la personne elle-même et non pas d’une source extérieure ou d’autres
individus (Watson, 1998).
76
• L’infirmière veille à comprendre la dynamique et les différentes manières
d’expression du besoin d’accomplissement du patient. Elle répond exactement
aux besoins et à des attentes du soigné (Watson, 1998).
Selon Watson (1998), l’infirmière considère que chaque personne est singulière et a
sa propre identité, et elle se penche sur les préoccupations de santé de chacune
d’elles. Afin de comprendre le mieux possible l’autre personne, il requiert à
l’infirmière d’entrer dans son monde, sa philosophie de vie et sa vision du monde.
77
Lorsque le soignant recueille les problèmes du patient, il est possible que ces
problèmes ne sont pas associés aux situations du milieu externe, mais aux difficultés
intérieurs du patient liés à sa façon d’être dans le monde : « Les concepts
d’existentialisme6 et de phénoménologie7 sont étroitement liés à l’expérience
intérieure et à son appréciation subjective » (Watson, 1998, p. 209). Ces aspects
permettent au soignant de comprendre la signification que la personne donne à la vie
(Watson, 1998). Le champ phénoménologique consiste en la globalité d’une
expérience à un certain moment et il est le cadre de référence de la personne. Seule
cette dernière le vit de manière réelle et le soignant essaie seulement de le
comprendre puisqu’il ne pourra jamais le connaître complètement (Watson, 1998).
Le croisement des forces intérieurs et d’une maitrise de soi est rendu possible par
les personnes ayant pris conscience de certaines vérités qui sont douloureuses mais
importantes au cours de leur existence. Le soignant ne peut jamais résoudre les
problèmes de la personne, mais elle peut néanmoins les reconnaître en
encourageant ainsi qu’en soutenant la conscience liée à l’existence chez cette
personne, puisque chaque personne (Watson, 1998) : « doit trouver sa propre façon
de faire face aux problèmes de l’existence » (Watson, 1998, p. 215).
D’après Johnson (2003) qui, comme il l’a déjà été mentionné précédemment, mène
une étude portant sur la réception du diagnostic de la SEP. Cet auteur rapporte qu’à
la suite à l’annonce du diagnostic de la SEP et à la transmission d’informations sur
cette maladie, la principale préoccupation du patient est : « comment vivre avec la
SEP ? ». Ce processus vient juste de commencer pour le patient alors que la relation
avec le professionnel de la santé vient d’être close. De plus, il y a différents points de
vue et attentes au moment de l’annonce du diagnostic entre les professionnels de la
santé et le patient. Si ces deux éléments ne sont ni pris en compte, ni répondus, les
sentiments d’abandon, d’isolement et de frustration peuvent éventuellement être
éprouvés par le patient.
Le soignant ne peut pas guérir un patient, mais il peut prendre soin de lui et
promouvoir la santé chez ce dernier. Dans certains contextes, le patient a besoin de
6
Existentialisme : « … consiste à décrire ou à expliquer l’expérience dans le langage même de
l’expérience » (Watson, 1998, p. 211).
7
Phénoménologie : « se réfère à la volonté de comprendre les êtres humains à partir de la façon dont
ils voient les choses- c’est-à-dire à partir de leur monde phénoménologique » (Watson, 1998, p. 210).
78
l’infirmière afin de l’aider à se confronter aux situations difficiles liées à son existence
humaine (Watson, 1998). L’infirmière peut aider à combler la variété des besoins
médicaux et non-médicaux et contribuer au support et à la gestion des patients.
L’infirmière est donc une source de soutien et d’informations au moment de
l’annonce du diagnostic et tout au long de la maladie du patient. Les profondes
connaissances sur la SEP et ses implications pratiques font de l’infirmière une bonne
ressource pour les patients. L’infirmière permet également l’accessibilité facile de
sources de conseils pour les patients en vue de parler de leurs préoccupations
médicales ou non (Johnson, 2003).
4. Discussion
79
croissance personnelle. Ces modes d’accompagnement sont complémentaires dans
le rôle infirmier en vue d’offrir des soins de qualité. Les recherches, les théories, les
conférences entre autres visent à sensibiliser les professionnels de la santé dans
l’offre de l’accompagnement de manière compétente, mais aujourd’hui, la réalité du
terrain est différente. Cela est dû au fait que la pénurie infirmière est importante, ce
qui engendre un manque de temps et une charge de travail plus importante. Par
exemple, l’écoute que le soignant doit offrir au patient afin de pouvoir comprendre et
entendre ce dont il a besoin ne se réalise pas comme il le faudrait. C’est-à-dire que
sans une écoute de qualité ou un réel échange, le patient pourrait ressentir un
manque de réponse à ses besoins. L’infirmière ne pourrait donc pas l’accompagner
de la meilleure façon dans sa prise en soins et c’est pourquoi il est important de
prendre en considération les éléments clés de l’accompagnement.
La sclérose en plaques est une maladie chronique et auto immune touchant environ
100'000 personnes en Suisse, ce qui ne paraît pas important au premier abord.
Cependant, dans les unités de neurologie, on rencontre de plus en plus de
personnes qui sont diagnostiquées de SEP. Bien qu’aujourd’hui, la sclérose en
plaques demeure une maladie incurable, il existe tout de même des traitements pour
ralentir son évolution. Elle reste une pathologie méconnue par le public, ce qui mène
vers une difficulté d’adaptation de la société face à cette maladie. L’adaptation à une
nouvelle vie qui commence après un diagnostic, la tolérance de la fatigue, la
compréhension des proches, les deuils des différentes pertes, dont celle de son rôle
dans la société et au sein de la famille peuvent plonger le patient dans la dépression
si celle-ci n’est pas prise en charge. La gestion des émotions est également difficile
pour le patient, car les troubles de l’humeur peuvent être causés par la sclérose en
plaques elle-même. Le mental est donc vulnérable chez cette personne et c’est
pourquoi le soutien psychologique est crucial. C’est également là que
l’accompagnement revêt une grande importance dans le rôle infirmier.
L’existence de trois types de pertes sont toujours en lien l’un à l’autre. La perte
psychologique représente les états émotionnels et les ressentis qui se modifient
continuellement. Elle peut être affectée par la maladie, par exemple, la dépression
est due aux pertes et aux changements d’état d’humeur liés à la sclérose en
plaques. La perte socioculturelle est en lien avec la culture, les activités de vie
quotidienne, la vie professionnelle et la vie sociale. Le patient peut se retrouver sous
80
une pression sociale allant à l’encontre de ses droits, ses envies, ses ressentis ou
son système de valeurs et allant jusqu’à une perte du rôle au sein d’un groupe
quelconque (famille, travail, amis, etc.). D’où le rôle infirmier de mettre les outils
nécessaires pour que le patient retrouve ses ressources, comme les facteurs caratifs
numéro 2, 5 et 8 qui le décrivent si bien. La perte physique implique les objets ou
une perte organique biologique telle que les fonctions, l’apparence physique et la
mobilité. Le divorce, la séparation et la perte d’un être cher font également partie
intégrante de la perte physique. L’accompagnement de l’infirmière devrait être une
réponse aux attentes que le patient juge comme nécessaire.
C’est là que la notion de science d’accompagnement joue un rôle important pour le
soignant. Créer un lien de confiance avec le patient afin d’entrer dans son univers et
son intimité. L’accompagnement qui constitue en une globalité d’attitudes d’aide et
de soutien à l’égard de l’autre est défini en fonction des besoins propres à chaque
individu. Il apporte un soutien physique et psychologique. Les éléments qui
composent cet accompagnement se basent sur l’intimité, la confiance, la
compassion, la dignité, l’écoute, l’empathie, la relation de soin, le respect (Arslan,
2013) ainsi que la spiritualité (Honoré, 2011). On demande à ce que ces
caractéristiques soient réalisées sans jugement, sans banalisation, en écartant les
mauvaises interprétations, sentiments ou invasion exagérée afin que l’infirmière soit
en mesure d’offrir un accompagnement de qualité. Dans le cas particulier de la SEP,
les patients sont des personnes vulnérables et à risque des poussées fortuites, ce
qui pourrait provoquer des déséquilibres émotionnels. Le concept de
l’accompagnement dans ce cas devrait être appliqué et approfondi.
81
personnalisé, l’accompagnement orienté vers la croissance de la personne,
l’accompagnement orienté vers la lutte contre les préjugés et la discrimination, la
relation personne-intervenant comme expérience de croissance mutuelle ainsi que
l’accompagnement aux membres de la famille (Dallaire, 2008). Dans le cas
particulier de la SEP, les enjeux d’un accompagnement orienté vers le
rétablissement peuvent tout de même aider les patients en dépit de l’incurabilité de
cette maladie. Plus précisément, les patients qui sont en période de rémission ne
savent pas quand les prochaines poussées surviennent. Il est conseillé que la
personne vivant avec la SEP s’adapte au plus vite possible dans sa vie quotidienne
après l’apparition d’une poussée. L’infirmière devrait donc encourager et
accompagner le patient à se rétablir dans les meilleures conditions possibles pour
rejoindre la vie normale même après la poussée. Les enjeux d’accompagnement
pourraient aussi être utilisés pour d’autres maladies chroniques qui maintiennent une
capacité biologique et intellectuelle.
Par ailleurs, les facteurs caratifs de Watson (1998) sont considérés comme une
science pour aider l’infirmière à guider de manière humaine sa pratique soignante.
L’infirmière est en mesure de prodiguer des soins au patient. Chaque facteur
proposé par cette théoricienne révèle la philosophie adoptée par l’infirmière dans sa
prise en soins à l’égard du patient. Cependant, comme pour toute philosophie, elle
est appliquée en fonction du cadre de croyances et de valeurs de chaque soignant.
Ainsi, la totalité de ces facteurs ne sont pas tous pris en considération pour prendre
soin d’un patient. Sur le cadre de ce présent travail, le concept de l’accompagnement
ne s’applique pas pour les dix facteurs. En effet, la façon de penser de Watson
(1998) ne peut pas être la même pour toute l’équipe soignante, et cette dernière ne
peut pas non plus utiliser complètement la théorie dans la pratique. Il est très peu
probable que ces dix facteurs puissent être tous appliqués, mais ils peuvent
grandement aider le cadre à suivre pour un accompagnement et une prise en soins
de qualité. Les facteurs caratifs peuvent se mettre en lien les uns avec les autres,
mais l’information la plus importante à retenir est qu’il commence par respecter les
styles de vie, les croyances et les valeurs humaines d’autrui. Cela permet à
l’infirmière de partager et d’aider le patient à suivre des choix et à être guidé selon
ses convictions et philosophies de vie, sans porter de jugement. Bien qu’aujourd’hui
en Suisse romande, la population étrangère se voit grandir de jour en jour, le
82
soignant fait connaissance avec plusieurs cultures et religions. Par ailleurs, les
facteurs caratifs ont leurs limites dans la pratique soignante. Il est en effet difficile de
mettre en œuvre tous ces facteurs dans les soins et certains d’entre eux sont
également difficiles à mettre en pratique dans la réalité. La théorie et la pratique sont
liées, mais opposées en même temps. La surcharge de travail rend encore plus
difficile l’utilisation de la totalité de cette théorie. Dans le cas de la sclérose en
plaques, les patients peuvent recevoir leurs traitements à domicile ou à l’hôpital, en
ambulatoire. Chez l’un ou l’autre, l’infirmière peut avoir beaucoup de choses à faire
et à gérer, ce qui implique par conséquent une offre insuffisante du moment d’écoute
au patient. Malgré l’apprentissage et la théorie acquis à l’école, la théorie se
superpose à la réalité du terrain. L’offre d’une écoute afin de bien accompagner le
patient demeure aujourd’hui difficile à cause d’une pénurie de soignants. C’est
pourquoi l’infirmière devrait essayer de rester le plus sensible possible aux détails
durant l’accompagnement.
L’infirmière se voit aujourd’hui sensible envers elle-même et les autres et cela permet
de rester authentique face à l’humanité du patient. Selon Forbes et al. (2006), les
personnes atteintes de sclérose en plaques ont un éventail de besoins sociaux,
physiques et psychiques. Si l’infirmière ne donne pas de réponses favorables face
aux besoins des personnes ayant cette pathologie, elle ne pourrait donc pas
prodiguer un accompagnement de bonne qualité.
While, et al. (2008) ont montré la nécessité d’une infirmière spécialisée de la SEP
pour répondre aux besoins du patient ; cette démarche devrait être encouragée dans
les unités de neurologie afin d’offrir un meilleur suivi et donc une meilleure prise en
soins du patient. Ce dernier pourrait avoir accès à une personne référente dans le
but d’exprimer ses difficultés, ses questions, ses besoins et ses objectifs pour se
consolider. En outre, Solari et al. (2007) insistent sur l’importance des informations
sur la SEP et les réseaux sociaux afin que le patient puisse être acteur de sa propre
maladie. Il s’agit là de l’éducation thérapeutique. Les informations, les conseils et le
soutien permettent également au patient d’avoir un contrôle personnel sur sa
pathologie. Ce contrôle implique une adaptation psychologique positive grâce à
l’endurance mentale, mais cela entraîne une fatigue mentale. Le fait de savoir que le
traitement contrôle la maladie diminue la fatigue mentale du patient. Un équilibre
83
entre le contrôle personnel et le contrôle par le traitement serait l’idéal pour la
personne (Jopson & Moss-Morris, 2003).
Par ailleurs, il est fortement conseillé que les futures prestations de soins infirmiers et
de la recherche considèrent la gamme complète des besoins des personnes
atteintes de la SEP. En respectant les différences entre les gens à différents points
d’évolution de la maladie, les résultats de la recherche (Forbes et al., 2006) peuvent
servir de base à l’élaboration d’un outil spécifique pour la SEP. Il n’existe pas de tels
outils. L’élaboration d’un instrument solide pour mesurer la satisfaction dans les
différentes catégories de besoins identifiés pourrait être utile dans l’évaluation de la
qualité de l’offre d’accompagnement. Les infirmières peuvent utiliser cet outil pour
évaluer la qualité des soins et pour ainsi mettre en évidence les lacunes dans les
prestations de services. La guérison étant le souhait pour la plupart des patients, il
est susceptible de rester illusoire pour un certain temps. Les infirmières doivent alors
continuer à aider les personnes atteintes de SEP en minimisant l’impact de cette
maladie sur leur vie si possible (Forbes et al., 2006) et mettant en œuvre la
récupération ou le maintien de l’espoir chez ces patients (Morgante, 2000).
Forbes et al. (2006) ont démontré grâce à un vaste panel de personnes atteintes de
sclérose en plaques que l’option et la possibilité de créer des outils ne sont pas
négligeables afin de percevoir et de connaître les besoins de ces patients, que ce
soit pour la sclérose en plaques ou une autre maladie chronique. Il serait bien de
recommander de créer un questionnaire ou un autre instrument de recherche afin de
connaître la motivation première, les besoins et les attentes du patient en vue d’offrir
un meilleur accompagnement possible lors de sa prise en charge. Les unités de
soins devraient compter avec cet outil afin qu’une aide provenant des professionnels
de la santé ou non soit prodiguée au patient. Ainsi, cela permet d’éviter des
complications ou des difficultés physiques, psychiques et sociales. Cette démarche
soignante consisterait un accompagnement exemplaire.
84
5. Conclusion
L’infirmière tient en compte ce que dit la personne et agit à travers ses actions pour
répondre le mieux possible aux besoins de cette personne. L’infirmière aide et
accompagne le patient en fonction de ses besoins jusqu’à ce que ses besoins et ses
attentes soient satisfaits. Ainsi, le patient se sent compris et pris en considération par
le soignant, ce qui est un soulagement pour lui.
Les connaissances sur la SEP et sur les réseaux sociaux sont primordiales pour
l’infirmière, car une majorité des patients insistent sur l’importance des informations
concernant la pathologie. Le rôle le plus important de l’infirmière, à part celui des
soins, consiste à informer le maximum sur la maladie, le traitement et surtout sur les
réseaux sociaux disponibles.
Les études qui ont été décrites dans ce présent travail ont été menées pour
connaître les besoins du patient afin de pouvoir créer un outil d’évaluation qui
aiderait l’infirmière dans son accompagnement à l’égard du patient. Cependant, il
85
semble qu’aucun outil ne serait mis sur pied dans les recherches. Les soignants des
unités doivent-ils créer leur propre outil en faisant référence à ces études ?
Par ailleurs, à l’heure actuelle, les soignants ont une charge de travail importante,
puisque les exigences demandées aux infirmières augmentent. Ces dernières
passent de plus en plus de temps sur les tâches administratives et ont moins de
contact avec les patients. On peut dès lors se demander si le temps passé avec les
soignés est suffisant pour eux. En dépit de la charge du travail des soignants,
qu’attendent réellement les patients d’eux pour satisfaire leurs besoins ? En outre, la
surcharge de travail rend la tâche difficile aux infirmières dans le temps accordée au
renforcement de la relation soignant-soigné, mais aussi dans la mise en place et
l’évolution de leurs compétences dans l’accompagnement. Une enquête sur terrain
mérite d’être menée pour connaître les besoins des soignants pour que
l’accompagnement à l’égard des personnes atteintes de sclérose en plaques soit le
meilleur possible.
En conclusion, le respect pour une personne peut faciliter la création d’un lien avec
autrui. Ainsi, le patient va se sentir peut-être plus confiant et respecté. Une écoute
sincère doit également être offerte en prenant du temps et sans porter de jugement.
Le respect, la confiance et l’écoute vont permettre à l’infirmière à aboutir aux
connaissances nécessaires pour accompagner les patients dans leurs besoins et
attentes. La prise de conscience et la possibilité du temps pour écouter le patient
devrait faire partie intégrante de l’organisation des soins. Ce type de comportement
que l’infirmière devrait adopter comme une habitude pourrait éviter d’éventuels
nouveaux symptômes (dépression, nouvelles poussées, baisse d’estime de soi et de
moral) chez le patient. Les recommandations dans la pratique impliquent donc la
baisse de la pénurie des infirmières afin qu’elles puissent offrir une bonne qualité
d’écoute et donc un bon accompagnement, puisqu’elles sont moins surmenées. La
hiérarchie et la société devraient reconnaître le travail effectué par les infirmières. En
outre, une formation continue sur l’accompagnement spécifique devrait être
proposée aux infirmières en vue d’adopter plusieurs stratégies et postures efficaces
en vue d’offrir un meilleur accompagnement possible vis-à-vis du patient atteint de la
sclérose en plaques en dépit de la surcharge du travail.
86
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