MEA ROUIA Scenario PDF
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On n’est pas peu surpris de trouver, mêlés à l’âge de
pierre, quelques-uns des us et coutumes du moyen âge.
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A nos chers héros...
Si je vous dis, cher meneur, que pour ce nouveau de leur vie. Habitant Paris en 1871, ils ont tous
scénario vos joueurs vont devoir laisser au placard leurs été séduits par la tragique aventure de la
habituels personnages et en créer de nouveaux, je ne Commune, se donnant corps et âmes à la défense
vous surprend pas, n’est-ce pas ? En effet, il semble s’agir de leurs idéaux progressistes. Là, dans les comités
d’une tradition maléficieuse solidement établie ! Toutefois, puis sur les barricades, ils développent entre eux
vous admettrez sans peine que, dans le cadre de ce une indéfectible amitié.
scénario, nous ne pouvons absolument pas faire Arrêtés par les troupes « versaillaises » lors
autrement. de la Semaine sanglante qui met fin à l’expérience
Communarde, les personnages connaissent tous
Tout d’abord, la date. En effet, ce scénario se la même condamnation : la déportation en
déroule en 1878. Date inhabituellement précoce pour enceinte fortifiée. Direction la Nouvelle-
un scénario Maléfices bien que, dès l’origine, le jeu Calédonie ! Les personnages y débarquent en
prétende couvrir la période 1870-1914. Il faut néanmoins 1872 et y sont confinés sur la presqu’île Ducos
bien avouer que la plupart des scénarios couvrent plutôt avec de nombreux autres acteurs majeurs de la
la période de la Belle Époque vers 1900-1914. Il serait Commune tels Rochefort (qui néanmoins s’évade
par conséquent étonnant que vous ayez des personnages avant que ne débute ce scénario !) ou Louise
aptes à l’aventure pour la date qui nous intéresse. Michel. Sans parler des Kanaks* !
Ensuite, le lieu. Notre scénario, conformément au À Ducos, donc, les personnages tentent de
thème « La France et les colonies », se déroulera outre- reconstruire, dans des conditions bien précaires,
mer : en Nouvelle-Calédonie. Difficile d’imaginer en 1878 une nouvelle vie avec l’espoir, chevillé au corps,
un lieu plus lointain et inaccessible aux habituels d’être un jour autorisés à rentrer en Métropole.
personnages parisiens fréquentant les assemblées du Club
Pythagore ! Les joueurs sont libres, en concertation avec
le Meneur, de choisir l’occupation de leur
À ces contraintes de temps et de lieu s’ajoute personnage sur Ducos (voir contexte). Toutefois,
l’habituel problème du lien entre les personnages. Pour le Meneur devra veiller à ce que tous les
que le scénario fonctionne, nous avons besoin d’avoir personnages aient nécessité, pour cette activité,
sous la main des personnages qui, non seulement, se de résider au village de Numbo.
connaissent de longue date mais ont, qui plus est, De plus, au moins deux des personnages
développé entre eux des liens d’amitié solides, ainsi (par exemple ceux dont les joueurs n’ont pas
qu’avec quelques PNJ importants. d’idée ou d’envie particulière) devront travailler
à l’exploitation d’un certain Donne-au-vent
Enfin, pourquoi se le cacher ? Nous aimons nos
joueurs que nous avons soigneusement choisis pour Ce Donne-au-vent est un solide colon
toutes leurs qualités humaines (qui a dit : parce que ce australien d’origine irlandaise (en fait : Patrick
sont les seuls qui veulent bien jouer avec nous ?). Mais Donovan). Contrairement aux personnages, il est
parmi celles-ci, tous ne possèdent pas une grande libre, et l’administration pénitentiaire lui sous-traite
connaissance historique de notre période préférée et ne la fourniture en eau potable de toute la presqu’île
pensent donc pas toujours à doter leur personnage d’un : en effet, celle-ci ne comprend aucune source
contexte à la fois réaliste et original, n’est-ce pas ? d’eau potable. Il doit donc aller chercher, avec un
Alors, on va quelque peu leur forcer la main… chariot tiré par des boeufs, de pleines citernes
d’eau à Nouméa (15 km) et ensuite répartir les
Les choix du sexe, de l’âge (un personnage ayant rations d’eau entre les déportés et les différents
moins de 25 ans serait tout de même peu crédible dans services pénitentiaires de Ducos. Pour cela, il a
notre cas de figure), de la profession, des origines
familiales… sont laissés entièrement libres. * A propos du mot “kanak”, la règle habituelle en ce qui
concerne le terme « kanak » est de le laisser invariant quand
il est utilisé en adjectif. Seule son utilisation en nom propre
Par contre, les personnages partagent tous, sans pourra recevoir une marque du pluriel (les Kanaks). Ce sont
exception, la même histoire durant les 8 dernières années ces règles qui ont été adoptées dans ce scénario.
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obtenu le droit d’employer (pour un salaire de misère, bien sûr) des déportés. Cela fait de cette modeste
concession une petite affaire plutôt rentable pour le colon.
Si vous souhaitez vous simplifier la tâche, vous pouvez aussi décider que tous les personnages seront
employés chez Donne-au-vent. Cela pose quelques problèmes de crédibilité car il est peu probable que des
femmes ou des vieillards soient employés à cette tâche physiquement pénible mais on peut imaginer que
Patrick Donovan a aussi besoin de personnel pour tenir à jour le registre des distributions ou ce genre de
choses…En tout cas, faîtes en sorte que les personnages ne s’éparpillent pas en occupations trop diverses afin
de pouvoir former deux groupes cohérents à l’Acte 1.
Et les femmes ? Historiquement, les déportées sont toutes au camp de la baie de l’ouest, et ce
depuis un ordre de 1875 de la pénitentiaire, soucieuse de morale.
Cependant, il y a quelques autres femmes sur la presqu’île : les femmes de déportés venues rejoindre
leurs maris sont toutes dans le village de Tindu tout comme quelques orphelines envoyées sur l’île par
notre chère administration en 1874 dans le but avoué de favoriser les mariages locaux des colons. Les
femmes des gardiens et du personnel administratif se trouvent quand à elles à Numbo dans la zône réservée
aux gardiens. Enfin, il convient de citer aussi les 5 soeurs affectées à l’infirmerie du camp.
Pour les besoins du jeu (et parce que nous aimons plus que tout avoir des joueuses autour de notre
table !), nous ferons une entorse à l’Histoire en permettant aux déportées de rester à Numbo avec leurs
camarades masculins à condition qu’ils soient mariés. Il suffit de les affecter à la distribution de l’eau, mais
« après livraison » dans les structures où elles peuvent avoir une place, par exemple au dispensaire (en
tant « qu’infirmière » ou cuisinière, par exemple…).
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Acte I : Numbo
autour d’un petit feu de brindilles, ils vont savourer
Note pour le Meneur de Jeu un mauvais café et un peu de pain rassis en guise de
Dès ce début d’aventure, montrer la carte petit déjeuner. On parle peu autour du feu, car chacun
des lieux aux joueurs s’avère utile : en effet, a bien peu de nouvelles à raconter. Alors, on regarde
ils sont censés bien connaître la géographie la mer qui, elle non plus, ne change pas beaucoup,
locale, avec laquelle ils ont pu se familiariser, jour après jour, mais est au moins porteuse de rêves,
en quelque 7 années !… Voici en tout cas ce d’évasion pour certains audacieux, d’amnistie pour
que Louise Michel disant de Numbo : la plupart.
Dans ces austères conditions, il suffit de peu de
« La ville de Numbo se bâtissait, peu à peu, chose pour faire un événement notable. En cette
chaque nouvel arrivant ajoutant aux autres première matinée, notons en deux :
sa case de terre couverte de l’herbe des
brousses. Numbo, dans la vallée, avait la 1/ le petit groupe de personnages voit passer, le
forme d’un C, dont la pointe est était la prison, long de rivage, deux guerriers kanak, partiellement
la poste, la cantine ; la pointe ouest, une forêt habillés à l’occidentale (un chapeau, une chemise…)
sur les mamelons, couverts de plantes mais équipés des armes traditionnelles, et qui, sans
marines ; au milieu et tout le long des baies, dire un mot, passent près d’eux ; les personnages ne
de l’est à l’ouest, c’étaient des cases. » prennent pas peur car ils reconnaissent très vite deux
des Kanaks employés par l’administration
pénitentiaire ;
Sur la plage abandonnée…
2/ un des personnages (au choix du Meneur) a
En ce petit matin de Juillet 1878, tous les réussi à se procurer la veille au soir un exemplaire de
personnages se retrouvent pour sacrifier à un de ces ces petits journaux de peu de choses que les déportés
petits rituels de sociabilité sans lesquels la déportation réussissent à diffuser avec les moyens de bord, sous
leur serait très certainement encore plus insupportable. le regard méfiant de l’administration pénitentiaire ;
En effet, comme tous les matins, ces vieux amis se la lecture de ces rares nouvelles devrait animer
retrouvent sur le sable fin de la plage de Numbo où, quelque peu le petit déjeuner (voir annexe 1).
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Notes pour le Meneur de Jeu
En fait, le premier événement n’est pas vraiment inhabituel mais doit vous permettre de donner
aux joueurs un certain nombre de renseignements, notamment l’existence de tels supplétifs
indigènes employés par l’administration pénitentiaire, tout particulièrement pour poursuivre d’éventuels
évadés ; et donc, conséquence directe, la complexité des relations blancs/indigènes sur la
presqu’île… Précisez également que la tribu dont sont issus ces Kanaks « européanisés » a fini par
installer un véritable village kanak sur la presqu’île Ducos, au nord de Numbo.
Un petit déjeuner sur la plage ? Et pourquoi pas un buffet à volonté et un concours de Beach Volley ?
En effet, j’entends déjà quelques esprits chagrins reprocher à mon camp de déportés de ressembler
d’un peu trop près à un Club Med’, en à peine plus contraignant… et ils n’auront pas tout à fait tort !
Vous verrez en effet que durant tout le scénario les personnages, tout prisonniers qu’ils soient, auront
une grande liberté d’aller et venir à leur gré sur Ducos.
Pourquoi cela ? Tout d’abord, il ne faut pas oublier la situation d’exception que vos personnages
vont bientôt découvrir : dans le cadre de l’insurrection kanak, une étrange solidarité s’est
réellement et historiquement créée entre victimes et bourreaux, pour s’unir contre la menace immédiate
représentée par les guerriers d’Ataï… allant jusqu’au combat côte à côte, comme les joueurs pourront
l’expérimenter plus loin !
L’autre raison est purement ludique : pas très rigolo de simuler la vie dans un camp de déportation
en jeu de rôle ! Encore moins rigolo quand vous voulez, en plus, résoudre les énigmes posées par le
scénario…
Pour autant, le Meneur soucieux de rendre plus fidèlement l’ambiance oppressante du camp
pourra jouer sur plusieurs éléments typiques de ce genre d’endroit comme :
— des appels nombreux, pénibles et, si possible, inutilement matinaux (si vous avez fait votre service
militaire, vous voyez bien de quoi je veux parler…)
— ainsi que des gardes invariablement désagréables et brutaux, usant de la menace (pouvant aller
jusqu’à une bonne mise en joue…) et de l’invective comme ils respirent…
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Passé ce trop rare bon moment, le soleil étant pas avant que l’armée ait maté la révolte de Ataï et
déjà haut dans le ciel chargé de Ducos, les ses hommes. Ce qui donne, en « Donne-au-vent »
personnages doivent se rendre à leur poste de travail. dans le texte :
Par conséquent, sauf s’ils travaillent tous pour Donne- « Vont tous venir nous killer, ces sauvages.
au-vent, les personnages se séparent en deux Everybody ! Moi, je suis libre. Free, you know ? So,
groupes : l’un va directement chez Donne-au-vent ; bye-bye.. Et pour mon retour, I’ll be back ben…
l’autre, on le verra, s’arrêtera sur la « place centrale » quand l’army aura fait son job pour mater Altaï et
de Numbo. ses boys !… ».”
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Note pour le Meneur de Jeu Note pour le Meneur de Jeu
Tout ceci est l’exacte vérité et tient donc
lieu d’explication à ce qui s’est passé chez Vous aurez compris que, pour plusieurs
Tellier. raisons, les cas de conscience se
trouvent au cœur de ce scénario. Ah,
Quelle que soit la teneur du débat au sein de la quels délicieux moments que ces cas de
communauté des déportés, il va de soi que la tension y conscience rôlistiques ! Voici de véritables
est encore montée d’un cran. D’ailleurs, c’est d’un œil petites fractures dans l’interprétation des
des plus méfiants que les bagnards regardent, sans un joueurs : que doit faire ou penser mon
mot, les deux Kanaks supplétifs (les mêmes que le matin personnage placé devant un tel dilemme ?
sur la plage) traverser le village pour se rendre à la Les cas de conscience sont plus que des temps
caserne. Quand ils en ressortent, quelques minutes plus forts durant lesquels se joue le déroulement
tard, ils partent sans un regard vers leur propre village. du scénario, ce sont des moments où se joue
l’identité et l’épaisseur psychologique d’un
On peut supposer qu’ils ont discuté du cas délicat personnage.
du jeune Oundjo avec le capitaine Duroy, Le présent scénario vous donne, en fait, deux
responsable militaire de la presqu’île après le départ de cas de conscience pour le prix d’un.
son supérieur le matin même. Ce Duroy veut agir sans
tarder, et ainsi prouver sa capacité à administrer Ducos Ainsi, dès le début, les personnages,
en climat de crise. Il fait sonner le rassemblement devant tous anciens de la Commune, devront rejouer
la caserne et s’adresse, la voix pleine de tremolos, à la le cas de conscience historique que connurent
foule excitée des déportés. les déportés confrontés à la révolte des Kanaks
en 1878 : doivent-ils répondre à leurs
Il explique en substance que la mort de leur convictions politiques qui devraient les
camarade est limpide, qu’il connaît le coupable, que conduire à soutenir les opprimés que sont les
celui-ci n’a rien à voir avec les rebelles d’Ataï, et qu’il indigènes kanak ? Préféreront-ils répondre
va être châtié sans tarder pour empêcher toute « à leurs réflexes communautaires et jouer
contagion » de la violence sur la presqu’île. ainsi la carte de la solidarité avec les autres
Blancs, menacés par la fureur des cannibales
En conséquence de quoi, il décide sans tarder de ?
mettre sur pied une expédition punitive, qui devra
trouver le coupable et le punir. Étant donnée la situation À la fin du scénario, lorsqu’ils auront
exceptionnelle, le capitaine reprend à son compte les démêlé le vrai du faux, et qu’ils sauront avec
dispositions de l’administration pénitentiaire (voir quasi-certitude qui est le coupable des actes
affiche) et sollicite l’aide des déportés… donc aussi celle odieux commis sur la presqu’île Ducos, un
des personnages ! Selon leurs convictions, ceux-ci second cas de conscience devrait surgir :
peuvent donc : doivent-ils dénoncer leur abject
- se joindre à l’expédition punitive en compagnie compagnon aux autorités pénitentiaires
de quelques soldats ; ? Ne pas le dénoncer risque de faire retomber
- se porter volontaires pour assurer la surveillance la volonté de vengeance des colons sur les
du village, en remplacement de soldats Kanaks ; cela renvoie donc chaque
réquisitionnés pour l’expédition ; personnage à ses précédentes interrogations.
- ne rien faire (!), ce qui peut attirer sur eux le Mais, plus égoïstement, dénoncer le
mécontentement des autorités (cela sera coupable ne risque-t-il pas de jeter un
néanmoins beaucoup plus excusable pour un sérieux voile d’ombre sur l’ensemble
personnage féminin ou très âgé que pour un des déportés de la Commune ? Cela
solide gaillard en pleine force de l’âge !). tomberait vraiment mal au moment où la
Métropole commence à envisager une
Aux joueurs, donc, de décider du destin de leur amnistie générale !…
personnage !
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L’expédition punitive Note pour le Meneur de Jeu
Le récit de cette expédition devra, bien entendu,
être adapté selon les décisions des joueurs Toutefois, Et si les personnages, volontaires pour
que les personnages y participent directement ou que l’expédition et donc armés, en profitaient
Valletot, qui lui y participe activement, leur en fasse le pour s’évader ?
récit détaillé au retour, cela ne change finalement pas
grand’chose aux informations suivantes… Quelle drôle d’idée vraiment !
— les déportés ne vont-ils pas utiliser leurs armes S’ils profitent de leur armement pour
sur les soldats (ou vice-versa) ? fausser compagnie au reste de l’expédition,
il ne reste alors que la mer comme porte de
Finalement, la petite troupe arrive au village kanak sortie…
et y est reçue par le vieux chef. Celui-ci, habillé de sa
plus belle redingote et d’un képi fourni par la Inutile de saisir cette occasion pour cela
pénitentiaire, fait bon accueil, avec ses guerriers, aux : les déportés peuvent à tout moment se jeter
soldats et aux déportés volontaires. dans la mer s’ils le souhaitent.
Précisons simplement que celle-ci
Après un rapide dialogue avec le capitaine, il grouille de requins, que les alentours de
désigne un endroit un peu à l’écart du village et la Ducos sont constellés d’îlots sur lesquels se
troupe, précédée des deux supplétifs de ce matin, fond trouvent des fortins ou des batteries
de façon implacable sur le repaire du fuyard. Lorsqu’il d’artillerie, et qu’en temps normal, un navire
voit, au loin, qu’il a été trahi par ses frères, il tente de de guerre patrouille dans le secteur !
s’enfuir dans les broussailles. La poursuite s’engage, mais
elle est inégale : un homme et ses armes blanches contre Il est donc vraiment impossible de
trente autres et leurs fusils ! s’évader ?
Non. Henri de Rochefort, le célèbre
Le jeune Kanak finit par s’écrouler, le corps criblé directeur du journal La Lanterne, réussit
de balles. Une nouvelle palabre s’engage entre le avec quelques compagnons ce tour de force
capitaine et les deux supplétifs ; elle semble cette fois-ci en 1874 !
concerner le corps du coupable… Finalement, il est Mais il faut préciser que Rochefort avait
décidé d’abandonner là la dépouille et de rentrer sans les moyens de financer un plan considérable
tarder au village, pour en réorganiser la défense. comprenant l’arrivée d’un navire venu
d’Australie pour prendre en charge les
En début de soirée, le retour des volontaires au fuyards…
village est triomphal. Valletot explique à qui veut
l’entendre qu’il n’a laissé à aucun « versaillais » le soin Ce n’est pas le cas pour les personnages
de venger leur compagnon et qu’il a lui-même de nos chers joueurs ? Dommage !!
administré le coup fatal. Personne, pas même les
personnages présents, ne pourra vraiment confirmer ce
fait, compte tenu du chaos de la poursuite.
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Notes pour le Meneur de Jeu
Au théâtre ce soir…
1/ Notre honnêteté légendaire, ainsi que
Malgré l’amertume de certains déportés (dont, le scrupuleux respect de l’Histoire que nous
peut-être, les personnages…), la soirée s’achève dans aimons trouver à Maléfices, nous amènent à
une certaine liesse. En effet, malgré le danger toujours vous signaler qu’historiquement parlant, le
présent, le capitaine Duroy décide d’accorder le droit théâtre de Numbo a été détruit par un cyclone
aux déportés, pour les remercier de leur collaboration, le 23 février 1876, sans mention de
de faire fonctionner ce soir leur théâtre. Car, oui : il y a reconstruction selon nos recherches. Mais ce
un théâtre à Ducos ! point de détail ne saurait nous empêcher
d’utiliser ici ce lieu très particulier et riche
Alors que la quasi-totalité des soldats et quelques d’atmosphère, qui de plus joue un rôle si
déportés volontaires renforcent la garde autour du important dans cette histoire…
village, tous les autres, personnages compris, se
retrouvent donc dans la petite salle de bois pour se 2/ Voici ce que dit Louise Michel, qui le
détendre mais aussi, plus ou moins consciemment, pour fréquentait régulièrement, de ce théâtre de
se replonger dans une ambiance plus occidentale. l’espoir dans ses Mémoires : « Au-dessus [de
Louis-Paul Morin, le déporté auto-désigné directeur Numbo], c’était le Théâtre, un véritable théâtre
du théâtre (voir PNJ), a choisi de faire jouer Hernani qui avait ses directeurs, ses acteurs, ses
de Victor Hugo. Ou plutôt, des fragments d’Hernani. machinistes ses décors, son comité de direction.
[…] Ce théâtre était un chef-d’œuvre, dans les
En effet, se faisant envoyer, feuillet par feuillet, le conditions où on se trouvait. On y jouait tout,
texte de la pièce par des amis restés en métropole, Morin drames, vaudevilles, opérettes. On y chanta un
n’a pu encore rassembler le texte intégral. Qu’à cela ne opéra par fragments, Robert le Diable ; on ne
tienne ! Les acteurs, recrutés parmi les déportés, liront l’avait pas complet. […] Il faut avouer que les
aux spectateurs des résumés des épisodes manquants ! jeunes premières avaient de grosses voix, les
mains dans la poche de leurs jupes comme si
Et puis, le plus important, pour les déportés soumis elles y cherchaient un cigare et que même ma
à cette vie rude, c’est de se rassembler autour d’un robe du conseil de guerre, qui était fort longue,
divertissement commun et raffiné. Ainsi, à l’entracte, les laissait leurs pieds à découvert jusqu’à la
personnages auront-ils le loisir de faire à nouveau le cheville, car c’étaient de grands jeunes gens. Ils
point sur la situation passée et présente avec quelques finirent par allonger leurs jupes et, à la fin, rien
personnalités du village : Balzenq, Valletot… Morin ne manquait aux costumes. On allait tous les
également qui, encore en costume de Don Ruy Gomez, dimanches au théâtre. “. Voir en “contexte” pour
se mêle aux spectateurs pour jauger du succès de la plus de détails.
pièce.
3/ Afin de permettre une description
Cet entracte pourrait même être l’occasion, pour rapide de la scène, je rappelle ici un très rapide
des personnages audacieux, d’approcher le capitaine résumé de ce qui se déroule dans cet acte final,
Duroy qui a décidé, avec quelques gardes du corps, le cinquième de la pièce.
d’honorer de sa présence la représentation, en signe La scène se déroule dans le palais de Jean
d’appréciation des efforts faits par les déportés d’Aragon. On y célèbre les noces de Jean
volontaires. d’Aragon et de Doña Sol. Alors que la fête
s’achève, on entend le son d’un cor. Un homme
Cela n’a rien d’obligatoire, mais éventuellement masqué (en fait Don Ruy Gomez) répète à
ils peuvent avoir déjà des doutes/révélations/demandes Hernani la promesse que celui-ci avait faite à
à soumettre à l’autorité de Ducos. C’est alors une Don Ruy Gomez. Doña Sol apparaît. Elle
occasion rêvée, qui ne se reproduira peut-être pas de supplie Don Ruy Gomez, qui ne veut rien
sitôt ! entendre. Elle arrache la fiole de poison que le
duc a donnée à Hernani et en boit la moitié.
Après cet entracte, tout ce petit monde retourne Hernani achève la fiole et les deux amants
s’asseoir sur les mauvais bancs du théâtre improvisé meurent dans les bras l’un de l’autre. Don Ruy
pour assister à l’acte final d’Hernani (fournit dans la Gomez, joué donc par Morin qui a retiré son
partie “contexte”) masque, se poignarde sur leurs cadavres.
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Note pour le Meneur de Jeu
Attention ! Ce passage du théâtre peut vous paraître anecdotique mais il n’en est pas moins
aussi essentiel pour l’intrigue que délicat à mettre en scène. Il faut en effet que vous réussissiez, sans
trop insister afin de ne pas éveiller les soupçons de vos joueurs, à faire passer l’idée que les
acteurs disposent, pour les besoins de leur mise en scène d’une denrée rare dans le
village : une arme blanche !
En effet, pour éviter le ridicule d’une épée en bois, Morin a préféré remplacer, avec l’accord du
capitaine (qui leur a bien distribué des fusils le jour même…), le poignard de Don Ruy Gomez par une
vieille baïonnette dont le fer, bien réel, reflète les feux de la rampe et rend sa mort dans l’acte final
bien plus dramatique. Vous pourrez ainsi évoquer cette substitution d’arme non pas comme un élément
important en soi, mais plutôt comme un exemple parmi d’autres de la débrouille des déportés pour
mettre en scène, malgré tout, une véritable pièce avec costumes, décors… et accessoires. Pour ne pas
trop isoler cette description, vous pourriez, par exemple, parler également d’une conque remplaçant
le cor, etc. Bref, préparez cette scène un minimum !
Pour vous y aider, et ne serait-ce que pour le plaisir d’en déclamer quelques tirades, essayez de
vous procurer cette pièce : diverses versions peu onéreuses existent, et puis vous l’avez peut-être
même étudiée, il y a… longtemps ? En tout cas, ces versions comportent toutes des résumés des
actes, qui vous permettront même de donner une idée juste de la pièce à vos joueurs ! Sachez pour
clore ce chapitre que ce dont il est questions ici, c’est la toute fin de la pièce…
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Acte III : Second Meurtre
La mine du vieux Balzenq en dit suffisamment long
Note pour le Meneur de Jeu pour qu’il ait nécessité de terminer sa phrase : il est
arrivé malheur à Valletot.
Rappel du contexte : “Les déportés (ou
« transportés ») vivent tous dans une case qu’ils
S’ils le désirent, Balzenq les conduit sans attendre
doivent le plus souvent bâtir eux-mêmes ; à cette
dans la case du pauvre homme, pour découvrir un
occasion, la solidarité entre bagnards joue à plein
triste spectacle, qui ne pourra que leur rappeler celui
et les plus expérimentés aident volontiers les
de la veille : allongé sur le sol de sa case (nettement
nouveaux arrivants. Il n’est pas rare de pouvoir
mieux agencée que celle de Tellier et un peu meublée),
également récupérer une case abandonnée par
Valletot y trempe dans une mare de son sang.
un déporté évadé, libéré… ou mort.
Plus troublants, certains faits accréditent tout
La prison ne sert que pour les déportés
particulièrement une filiation entre les deux meurtres :
punis et la certitude d’avoir un toit est un bien
Valletot a été frappé par une arme d’estoc à la poitrine,
maigre avantage pour ceux-là ! De toute façon,
son crâne a été ouvert et surtout… un de ses bras est
le bâtiment de l’administration pénitentiaire est
coupé et manquant !
petit et suffit à peine à abriter l’administration et
les gardiens ; ceux-ci évitent donc, tant que faire
Les personnages doivent tout de suite
se peut, d’y enfermer les déportés.”
comprendre, en observant leur camarade Balzenq,
visiblement très ému, que ce meurtre est très
impressionnant du fait de ses similitudes avec le
Une fâcheuse habitude…
précédent, dont il semblait pourtant que l’auteur ait
reçu un exemplaire châtiment…
Après une nuit des plus tranquilles, les
personnages rejoignent, les uns après les autres, le petit
Si les personnages réagissent promptement, ils
coin de plage où ils ont, comme on le sait désormais,
pourront toutefois, en inspectant un peu mieux les
l’habitude de se retrouver pour leur petit déjeuner.
lieux du crime, découvrir quelques différences
Seulement, ce matin, cela ne sera pas possible : arrivés
sensibles entre ce crime et le précédent :
à proximité de la plage, ils voient les fourrés remuer et
un soldat en sort, les mettant en joue.
- la blessure à la poitrine est beaucoup moins
« propre » que celle ayant entraîné la mort de
Visiblement rendu très nerveux par une nuit de
Tellier : elle semble être constituée de plusieurs
veille, le soldat les repousse très brutalement, n’hésitant
coups violents et répétés et non d’un seul ;
pas à distribuer quelques coups de crosse aux
personnages qui tenteraient d’argumenter : il aboie
- si la boîte crânienne de Valletot a bien été
quelques explications sur les mesures de sécurité
enfoncée, sa cervelle n’a pas, elle, été répandue
draconiennes mais il n’oublie pas d’y mêler quelques
sur le sol ;
allusions pleines de ressentiment au nouveau statut
des déportés (notamment le fait qu’ils puissent recevoir
- c’est le bras gauche et non le droit qui est
des armes) ou encore au théâtre : « Pendant que ces
manquant ;
messieurs(-dames) les Communards se prélassaient au
spectacle, je surveillais ces foutus cannibales, moi !
- un drôle d’objet a été laissé sur la poitrine
J’y ai pas eu droit, à l’air d’Annie ! Et pourtant, moi
ensanglantée de la victime : une sorte de touffe
aussi j’aime l’opérette ! ».
de poils roux visiblement assemblée par la
main de l’homme…
Privés de déjeuner et de leur traditionnelle
escapade sur la plage, les personnages reviennent,
Les personnages n’auront pas vraiment le temps
maussades, vers le centre de Numbo. C’est alors que
de se livrer à une fouille complète de la case de Valletot
leur ami Balzenq, très agité, accourt vers eux :
avant que les autorités n’arrivent, mais le mobilier
« Camarades ! C’est terrible… Valletot… ils l’ont… ».
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sommaire ne semble pas, là non plus, devoir livrer - enfin, menée par Balzenq et quelques autres
beaucoup d’indices. déportés, une autre thèse, plus farfelue au
premier abord se fait jour ; qui en voulait à
Chaud débat à Numbo Valletot ? Quelqu’un lié au Kanak
Oundjo ! comment a-t-il pu pénétrer et
Au bout de quelques minutes, le capitaine ressortir du village ? Par des moyens
Duroy et quelques soldats en armes font irruption dans surnaturels, dont les étrangetés du meurtre
la case et en font sortir les intrus sans ménagement, (bras manquant, touffe de poils…) sont des
distribuant là aussi quelques coups de crosse aux preuves assez évidentes ! Il s’agirait donc
récalcitrants, de manière à leur faire bien comprendre d’un ami de Oundjo ou même de son
qu’ils ne doivent pas sortir de leur rang. fantôme, ayant bénéficié de l’aide d’un
takata ! Malgré son aspect « abracadabrantes
Maintenant en dehors des lieux du crime, les que », cette thèse a de quoi séduire des
déportés, assemblés autour de la case de la victime, hommes qui, rappelons-le, vivent depuis des
ne peuvent que parler entre eux pour exorciser leurs années dans un environnement culturel très
peurs. Et pour causer, ça cause ! Toutes sortes de différent du leur, et depuis quelques jours dans
théories s’affrontent pour analyser la situation. Pour une tension nerveuse permanente. Est-il besoin
simplifier, retenons les trois principales : d’ajouter que, de plus, on est là pour jouer à
Maléfices, que Diable !
- une majorité des déportés (dont Morin, par
exemple) incline à penser qu’il s’agit là d’un
meurtre perpétré par un ou plusieurs Note pour le Meneur de Jeu
guerriers kanak, pour les uns venant du Les personnages, selon leur Spiritualité/
village proche, pour les autres débarqués dans Ouverture d’esprit, devraient donc incliner soit
la nuit sous les ordres du cher Ataï ; sous son vers la deuxième (logique), soit vers la troisième
aspect assez logique, cette thèse possède (maléficieuse !) hypothèse. Essayez (par
pourtant bien des failles : comment ces exemple, en faisant soulever les objections par
Kanaks auraient-ils réussi à passer à travers le un déporté cartésien) de les écarter de la
cordon de sécurité des vigies ? Pourquoi première hypothèse.
auraient-ils frappé le seul Valletot avant de
s’éclipser, alors que le village endormi était à Celle-ci étant l’hypothèse retenue
leur merci ? Malgré tout, faute de mieux, cela par une majorité de déportés et, surtout,
restera pour la plupart des observateurs la par les autorités, il est important, pour
meilleure hypothèse… l’intérêt du scénario que les personnages
s’en distinguent (sinon ils n’auraient qu’à
- compte-tenu des objections à la première suivre le mouvement…).
hypothèse, il semblerait au contraire
raisonnable de penser que le meurtrier se
trouvait déjà à l’intérieur du village et Après être ressorti de la case de Valletot, le
qu’il en voulait tout particulièrement à capitaine Duroy, le visage rougi par la colère (ou la
Valletot ; dans ces conditions, puisque les honte ?), s’adresse sur un ton agressif aux déportés.
supplétifs kanak vont toujours passer la nuit Sa harangue est très nettement dirigée contre les
dans leur village, il ne peut s’agir que d’un Kanaks, accusés sans détour d’avoir commis ce
soldat… ou d’un autre déporté ! Les deuxième crime effroyable. Quels Kanaks ?
objections sont possibles : le manque
d’armes blanches dans le village, l’absence Il semble que cela importe peu au capitaine :
d’ennemi déclaré à Valletot… mais elles des Kanaks, et puis c’est tout ! Que ce soient ceux de
n’empêchent pas de rendre cette thèse Ataï ou ceux du village proche, dans tous les cas, aux
hautement probable (et pour cause…) ; yeux du capitaine, il s’agit de la même engeance, qui
toutefois, notons bien que personne, en- mérite « une bonne correction pour l’exemple » ;
dehors, bien sûr, de personnages à large ainsi, si ce ne sont pas les véritables Kanaks qui sont
Ouverture d’Esprit, ne soulèvera cette punis, les autres sauront ce qui les attend…
hypothèse dans un premier temps…
- 20 -
brute réactionnaire, veut encore vous amener à
Note pour le Meneur de Jeu renoncer à tous vos idéaux, à toute votre humanité,
même ?
Notons bien que le capitaine Duroy se
contrefiche totalement du sort de Valletot, qui
On me parle de nos amis kanak de Ducos. Êtes-
n’est à ces yeux qu’un vulgaire communard et a
vous devenus fous ? Même hier, ces pauvres gens
donc, en tant que tel, largement mérité son sort.
ont aidé l’expédition contre leur frère ! On me parle
de Kanaks rebelles, menés par le chef Ataï. Certains
Par contre, que l’on vienne remettre en
disent qu’ils pourraient nous attaquer… Je vais vous
cause par ce crime sa capacité à défendre Ducos,
parler sincèrement, camarades. Oui, des guerriers de
lui est insupportable, et il veut absolument, pour
Ataï sont venus à Ducos (sensation dans l’assistance).
reprendre sa belle autorité, organiser à tout prix
Mais vous me voyez devant vous, n’est-ce pas ? Alors,
une nouvelle expédition punitive. C’est aussi
si ces guerriers étaient de si redoutables sauvages,
pour cela que les personnages auront des
croyez-vous qu’ils auraient épargné les femmes sans
difficultés à « enquêter » à Numbo même (voir
défense de la baie de l’ouest ? Et dire que certains
ci-dessous).
d’entre vous sont prêts à reprendre les armes contre
eux !…
À la fin de son discours, le capitaine laisse donc
entendre qu’une expédition punitive d’envergure va
Comment, vous n’êtes pas avec eux, vous les
être à nouveau mise sur pied dans la journée. Il laisse
victimes de la réaction, vous qui souffrez de
quelques heures aux déportés pour décider ceux qui
l’oppression et de l’injustice ! Est-ce que ce ne sont
se porteront ou non volontaires puis s’en va, déjà tout
point vos frères ? Eux aussi luttent pour leur
à ses préparatifs guerriers…
indépendance, pour leur vie, pour leur liberté. Moi,
je suis avec eux, comme j’étais avec le peuple de
Louise Michel Paris révolté, écrasé et vaincu ! »
Alors que le débat — auquel, on peut l’espérer, Note pour le Meneur de Jeu
les personnages participent activement — fait rage sur
la place centrale pour décider de la conduite à adopter, La tirade de ce dernier paragraphe est
une fine silhouette silencieuse, presque une apparition, réellement attribuée à Louise Michel par Ernest
impose le silence : c’est Louise Michel. La célèbre GIRAULT, son biographe.
co-détenue des personnages était jusqu’ici restée à
l’écart des événements, car elle réside dans un Le capitaine Duroy, rouge et le souffle court,
minuscule établissement à l’ouest de Ducos (voir PNJ). débouche alors sur la place, accompagné de quatre
Mais, ce matin, elle s’était décidée à se rendre à Numbo soldats en armes :
pour s’informer de la situation et, en arrivant, elle apprit
également le second meurtre… et la proposition du « Taisez-vous, Michel ! Mais taisez-vous donc ! Je
capitaine Duroy. vous materai moi, vous verrez ! Descendez de là
immédiatement ! (au reste de l’assistance) Et vous
Fidèle à sa réputation, la « vierge rouge » autres, dispersez-vous ! Vous n’avez donc rien d’autre
grimpe sur le premier objet pouvant lui donner un peu à faire ? (il revient à Louise avec un sourire mauvais).
de hauteur et, de sa voix émouvante, s’adresse à Puisque vous aimez les Kanaks, fille Michel, je vais
l’assemblée : vous donner l’occasion d’en côtoyer de près.
« Camarades, mes amis. Je viens d’apprendre le Ces quatre soldats vont vous raccompagner
nouveau drame qui nous touche durement dans notre jusqu’à la baie de l’ouest, et vous avez instruction d’y
misérable exil. Je partage, camarades, votre rage et demeurer jusqu’à nouvel ordre. Je ne peux laisser
votre malheur : les deux victimes comptaient au des soldats vous surveiller par les temps qui courent,
nombre de mes amis. Mais qu’apprends-je ? Une mais je vous promets que, si l’un d’eux vous voit en
expédition punitive, dans la pire des traditions dehors de votre case, il aura ordre de vous abattre
« versaillaises » a été menée hier contre un indigène, sans sommation. Vous m’avez bien compris, Michel ?
que le meurtre de ce matin semble finalement Cela vous laissera tout loisir de recevoir tous les
innocenter. Et vous, mes amis, vous y avez participé ? Kanaks que vous souhaitez… »
Et qu’entends-je encore ce matin ? Le capitaine, cette
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Après s’être rengorgé, il s’adresse rudement au - pour les personnages à forte Ouverture
reste de ses hommes, suffisamment fort pour qu’un d’Esprit et étant capables de raisonnement, il
des personnages ou un autre déporté resté à proximité ne fait pas de doute que les Kanaks sont
puisse entendre : innocents du crime de Valletot (et peut-être,
pourquoi pas ?, de celui de Tellier) ; pourtant,
« Si cette diablesse a raison, il nous faut changer nos selon toute vraisemblance, ceux-ci vont payer
plans. Je reporte l’expédition. L’urgence est au cher leur différence culturelle et leur soumission
renforcement de la sécurité du village en cas d’attaque à l’autorité coloniale…
de Ataï… »
- pour les personnages à forte Spiritualité,
il semble probable que ces affaires plongent
Note pour le Meneur de Jeu Note
leurs pourdans
racines le Meneur de Jeumystères
les plus profonds
kanak ; un tel appel d’un merveilleux exotique
Nous avons signalé dans le contexte que est, pour eux, difficile à contenir ;
les autres femmes sont toutes regroupées au
camp de la baie de l’ouest… et surtout séparées - quel que soit le fin mot de l’histoire (drame
des hommes ! fantastique ou crime sordide), il est certain que
L’ordre fut ardemment combattu par le capitaine Duroy se prépare à commettre une
certaines femmes, dont Louise Michel, mais fut colossale erreur ; réussir à l’arrêter à temps,
néanmoins exécuté. On pourrait ajouter que le avec de solides arguments, pourrait permettre
nombre de femmes est très peu élevé sur aux personnages de mettre leur bonne volonté
Ducos : 6 en tout et pour tout ! et leur probité en avant, avec l’espoir réel
On comprendra donc que le manque de d’obtenir un adoucissement de leur peine,
femmes disponibles et une homosexualité mal voire une grâce ;
assumée soient au cœur de cette intrigue.
- si Louise Michel dit vrai sur les guerriers kanak
de Ataï, elle et ses camarades de la baie de
Face à leur conscience l’ouest sont à leur merci ;
Alors qu’ils voient d’une part Louise Michel - en tout état de cause, Louise semble en savoir
s’éloigner entre quatre soldats deux fois plus corpulents long sur les Kanaks : elle a des informations
qu’elle et, à l’opposé, le capitaine Duroy remonter vers totalement inédites sur les guerriers de Ataï ;
le camp militaire, les personnages se retrouvent entre
eux, désoeuvrés et sentant que la situation, déjà - il est de notoriété publique (Balzenq pourra le
dramatique, va bientôt basculer dans l’horreur. rappeler aux personnages) que Louise, en
contact régulier avec les indigènes, a
Faisons avec eux un petit point sur les réflexions commencé à rédiger un recueil sur les légendes
que, selon les informations disponibles, ils peuvent kanak ; à part un Kanak lui-même, elle est la
rassembler : seule personne pouvant les renseigner sur les
mystères kanak ;
- il n’entre visiblement pas dans les intentions
du capitaine Duroy ou de l’administration Aux personnages de tirer ces conclusions sur la
pénitentiaire d’enquêter sur la mort de leur situation, et de comprendre que seul leur
camarade Valletot ; investissement personnel pourra changer le cours
d’une histoire à l’issue par trop cousue de fil blanc.
- en l’absence d’une telle enquête, la tension et
la suspicion au sein de la communauté des Bref, l’avenir repose désormais sur leurs épaules
déportés est à son paroxysme : certains et, pour différentes raisons (état de siège à l’intérieur
soupçonnent les autres, d’autres reprochent du village, Louise Michel, les Kanaks…), cet avenir
aux uns d’avoir participé à l’expédition ne peut que se dérouler en dehors de Numbo.
punitive, les derniers reprochent aux premiers
de n’avoir rien fait… bref, les « camarades »
se déchirent ;
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- 23 -
Acte IV : Mystères Kanak
Alors qu’ils cheminent plus ou moins
Hors de Numbo tranquillement (selon que l’on soit la nuit ou pas, selon
que les personnages soient sur leurs gardes ou pas…),
Compte tenu des possibles sources d’information les personnages tombent quasiment nez à nez avec
(village kanak, Louise Michel…), les personnages une colonne de Kanaks sur le pied de guerre :
doivent donc avoir compris qu’il leur faut désormais peintures, coiffes impressionnantes, étuis péniens,
partir à l’aventure en sortant de Numbo où il règne, sagaies et casses têtes… Pas de doute, il ne s’agit pas
qui plus est, une ambiance martiale peu propice aux ici de Kanaks européanisés et pacifiques !
investigations.
De fait, la surprise passée, les guerriers se mettent
S’échapper temporairement du village pour en tête de faire passer un mauvais moment aux intrus
s’aventurer dans le reste de la presqu’île ne présente blancs. Devant cette attaque décidée, il est plus que
aucune difficulté : les tâches habituelles des déportés probable que les personnages, en dehors de quelques
sont suspendues, les soldats ont bien d’autres choses coups de feu s’ils sont armés, pensent plus à fuir qu’à
à faire que de s’inquiéter des personnages et, enfin, le résister.
cordon de sécurité autour de Numbo est prévu pour
empêcher les Kanaks d’entrer… pas les déportés de Note pour le Meneur de Jeu
sortir ! Il suffira donc que les personnages aient
l’intelligence de franchir ce cordon de vigies plutôt de Il s’agit bien, ici, d’hommes du grand chef
nuit et à un endroit où un de leurs camarades déportés rebelle, Ataï. Ceux-ci remplissent la double
s’est porté volontaire, et cela ne posera pas de mission d’accompagner Andia auprès de
problème (sinon, à nouveau quelques coups de Louise Michel (voir ci-dessous) et d’étudier les
crosse…). défenses des blancs sur la presqu’île. Leur
Note pour le Meneur de Jeu fonction dans ce scénario est également double :
il s’agit d’une part de faire monter la tension sur
Ce quatrième acte est dès lors beaucoup la presqu’île en confirmant leur présence et leurs
moins linéaire que les précédents. Les joueurs velléités belliqueuses et, dans l’immédiat, il s’agit
sont libres de faire agir leurs personnages de faire peur aux personnages et de les forcer à
comme ils l’entendent et vous devrez donc se réfugier dans la forêt…
organiser par vous-même le déroulement des
évènements ci-dessous selon leurs actions, mais Quelle que soit l’heure réelle, plus les personnages
aussi selon le rythme que vous souhaitez s’enfoncent dans la forêt, plus ils auront l’étrange
imprimer au scénario. Pour plus de facilité, sensation de voir la nuit tomber. Si on est en plein
l’ensemble des informations liées à ce quatrième jour, les personnages ayant une forte Ouverture
acte et la manière de les obtenir sont récapitulées d’Esprit préféreront penser qu’il s’agit d’un gros orage
en annexe dans un tableau que vous garderez tropical qui s’annonce.
à ce moment sous les yeux et que vous pourrez
annoter au fur et à mesure de la progression Au bout d’un certain temps, totalement épuisés et
des joueurs (cf. annexe 4). apeurés, les personnages pourront penser avoir réussi
à échapper à leurs poursuivants. C’est alors qu’ils
commencent à discuter de la meilleure conduite à tenir
La rencontre avec le Bao Païmé que surgit devant eux, sans un bruit… un guerrier
kanak !
Pour que cette rencontre ait lieu, les personnages
doivent s’aventurer le long d’une des côtes, à Grand, puissant, le corps recouvert de cendre formant
proximité de la forêt ; le moment où les personnages de mystérieux symboles sur sa peau d’ébène, le Kanak
tentent de se rendre au campement de Louise Michel semble très différent des guerriers auxquels les
à la baie de l’ouest ou celui où ils en reviennent est personnages viennent d’échapper. Pourtant, lui aussi
idéal. porte les armes traditionnelles et la tenue de combat
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mais il n’a pas l’air agressif. Au contraire même… Sa Toujours sans une parole, le Kanak fait signe aux
présence silencieuse est assez lénifiante aux yeux des personnages de le suivre et commence à s’enfoncer
personnages ayant une forte Spiritualité. dans l’obscurité de la forêt. Perdus, il est fort probable
que les personnages acceptent de suivre ce Kanak
Note pour le Meneur de Jeu pacifique qu’ils assimileront sans doute à un de ces
Kanaks européanisés (bien qu’il n’en ait guère
Comme ce sera le cas tout au long de cette l’allure !) qui peuplent Ducos.
plongée dans les mystères kanak, les
personnages européens ne pourront jamais être Note pour le Meneur de Jeu
complètement sûrs de ce qu’ils ont vécu :
expérience spirituelle, ou simple confrontation Si les personnages refusent de le suivre,
inattendue avec une culture radicalement vous ferez jouer un jet de Spiritualité. Les
différente ? Entre nous, nous pouvons bien en personnages réussissant ce test seront
convenir, cher Meneur : ici, les personnages irrésistiblement attirés par l’invitation de Païmé.
vont être confrontés à un Bao, un être
surnaturel que l’on peut, dans notre langage Après quelques minutes de marche dans une
d’européens, assimiler à une divinité. Qui plus forêt toujours plus dense et toujours plus obscure, les
est, ce Bao, Païmé, est un Bao de la Mort ! personnages, à la suite du mystérieux guerrier, finissent
Autant dire que, quoi que fassent les par déboucher sur une clairière éclairée par quelques
personnages, (tirer, frapper…), le Bao sera torchères disposées de loin en loin, clairière traversée
toujours inexplicablement sauvé (esquive par un étroit ruisseau qui disparaît très vite dans les
miraculeuse, parade…). De plus, il ne tirera fourrés.
aucune rancœur de ces actes violents, et la
rencontre se poursuivra normalement… Le spectacle offert par cette clairière est tout à
fait saisissant : le sol en est tout simplement jonché
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de crânes, tibias et autres ossements indiscutablement Enfin, après avoir parlé, si les personnages
humains ! posent ou reposent la première question, il leur
indiquera le ruisseau et la direction qu’il faut suivre :
De plus, les personnages seront très vite attirés en le longeant, les personnages devraient, selon les
par le bruit étrange qui, partout, les environne : cloc, mots du Kanak, « trouver leur destin ». Après avoir
cloc ; cloc, cloc. En levant les yeux et en laissant leur dit cela d’une voix grave et sans humour, le Kanak
regard s’acclimater à la demi- pénombre, les traverse la clairière, et disparaît très vite dans la noirceur
personnages ne manqueront pas d’en identifier la de la forêt : il est rigoureusement impossible de le
source : le vent qui souffle depuis la mer proche agite suivre.
les branches des arbres de la clairière, et fait par
conséquent s’entrechoquer les dizaines de squelettes Si les personnages suivent le ruisseau dans le
humains qui y sont accrochés ! sens désigné, ils trouveront en effet une sorte de sente,
grâce à laquelle ils peuvent progresser à une allure
raisonnable dans la forêt tropicale. Toutefois, deux
Note pour le Meneur de Jeu choses pourraient interloquer des personnages
attentifs :
Un jet de Fluide réussi par vos soins,
dans le plus grand secret, permettra d’avertir
- à la grâce des rayons de la lune, ils peuvent
le personnage en question qu’il ressent une
espérer apercevoir dans le ruisseau, flottant
puissante présence magique.
entre deux eaux, de temps en temps un crâne,
de temps en temps un autre ossement
Pendant que les personnages s’habituent au humain… bref, un ruisseau peu engageant.
spectacle de ce cimetière kanak, le guerrier cendré s’est Surtout qu’incontestablement, plus les
lui confortablement installé, accroupi sur ses talons, personnages avancent, plus le nombre
au milieu de la clairière. Il regarde les personnages d’ossements est élevé… alors même que l’on
d’un air plutôt narquois et semble attendre qu’ils disent s’éloigne du cimetière !?
ou fassent quelque chose. Comprenant par la force
des choses qu’ils doivent briser la glace, que peuvent - surtout, un joueur doté d’une bonne mémoire
dire nos personnages ? On peut supposer deux types ne manquera pas de faire remarquer par son
de questions : personnage qu’il n’est pas sensé y avoir le
moindre cours d’eau potable sur la presqu’île
- d’abord la plus logique : comment peuvent-ils Ducos. Ses camarades lui rétorqueront peut-
retrouver leur chemin ? être que cette eau macabre n’est à coup sûr pas
potable, il n’empêche que cela reste
- mais s’ils comprennent qu’ils ont affaire à un troublant…
personnage plutôt familier des choses de la mort —
mais où vont-ils chercher tout ça !? —, les De fait, ce ruisseau n’existe pas ! Il ne s’agit
personnages pourraient aussi questionner le Kanak sur que d’une hallucination collective symbolisant, comme
les rites mortuaires, la cannibalisme, les revenants… dans bien des mythologies, le fleuve qui conduit au
royaume des morts. En langue kanak, on appelle celui-
À la première question, le Bao Païmé ne ci le Ti Ondoué. Sur ce point, Païmé n’a donc pas
répondra d’abord rien, se contentant de lever les yeux menti : il conduit les personnages vers leur destin à
au ciel, laissant les personnages se demander s’il les tous ! Mais sans doute nos personnages préféreraient-
nargue ou s’il les invite à méditer sur les squelettes ils que ce destin soit le plus lointain possible, n’est-ce
accrochés aux branches. pas ?
À la deuxième série de questions, les Si les personnages ont un tel doute, ils
personnages pourront par contre être surpris préféreront sans doute s’enfoncer dans la forêt, quitte
d’entendre le son de la voix calme et grave du Kanak à se perdre ou à retomber sur les Kanaks belliqueux.
qui parle parfaitement la langue de la côte. Il pourra Ils auront raison : après une longue errance, ils
leur apprendre tout ce qui est récapitulé dans la déboucheront, épuisés mais sains et saufs, au petit
colonne ad hoc de l’annexe 4. Si on le lui demande, matin, sur une des côtes de la presqu’île.
il révèlera qu’il s’appelle « Païmé ».
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Si les personnages préfèrent poursuivre sur la
La rencontre avec Andia
voie indiquée par le Bao, ils finiront par être attaqués
par les esprits des morts voulant les faire basculer dans
S’ils finissent par se rendre chez Louise Michel,
le monde inférieur !
au campement de la baie de l’ouest (avant ou après la
rencontre précédente), les personnages seront plus que
En effet, après avoir longuement suivi le ruisseau
surpris de ne pas la trouver seule, ni même avec ses
des morts, les personnages finissent par être arrivés
camarades déportées. En effet, après avoir été reçus
suffisamment près du monde inférieur pour être tentés,
très aimablement par la fougueuse communarde dans
par des esprits, de s’y jeter définitivement !
sa case, spartiate et ouverte à tous vents, après avoir
peut-être eu le temps de lui demander de ses
Les personnages, attaqués par ces spectres (qui,
nouvelles, un nouvel invité fait son entrée dans la
dans l’obscurité de la forêt, ne sont au mieux que des
case : Andia, l’étrange barde du chef Ataï ! (voir sa
ombres furtives), ne sont désormais plus maîtres de
description en annexes PNJ).
leurs mouvements : il n’est pas trop tard pour fuir mais,
pour cela, il faut désormais réussir un jet
Spiritualité.
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d’autres guerriers kanak…), préfèrent se tenir sur leur
La visite au village kanak garde… « se mobiliser » comme diraient les blancs.
Pour se renseigner sur les mystères kanak, les Pour définitivement les rassurer, le takata fait aux
personnages préfèreront peut-être s’adresser à la source
personnages une proposition surprenante : et s’ils
plutôt qu’à Louise Michel : en route pour le village restaient ce soir assister au pilou-pilou ? Il s’agit
kanak, installé au nord de Ducos par les Kanaks d’une proposition rare destinée à honorer des
« européanisés » servant de supplétifs à hôtes respectés. Pour les personnages, refuser est
l’administration pénitentiaire. bien délicat, surtout dans ce contexte explosif. Pour
autant, est-il si facile d‘accepter alors qu’ils sont
Les personnages qui avaient fait le choix probablement nourris d’images terribles de sauvages
d’accompagner l’expédition punitive de la veille dansant autour de grosses marmites ?
connaissent le chemin mais, dans le cas contraire,
Ducos n’est pas si grande et en se dirigeant au nord, Si les personnages refusent, le takata sera
les personnages finissent par le trouver. visiblement vexé et refusera de répondre à toute autre
question (donc si les personnages n’ont pas abordé
La première impression que laisse ce triste village les autres sujets avant celui du pilou-pilou, tant pis pour
de quelques cases dans lesquelles popinées (femmes) eux !) mais personne cependant ne lèvera le bras
et piquinini (enfants) semblent peu nombreux, est contre les déportés, qui pourront quitter le village sans
mitigée. En effet, les personnages ont beau savoir que danger.
ces Kanaks se sont toujours comportés de façon
amicale envers les blancs, l’agitation qui semble régner Par contre, s’ils acceptent, ils vont effectivement
dans le village, ces hommes en armes traditionnelles vivre un moment unique. La nuit tombée, l’agitation
ayant abandonné leurs oripeaux occidentaux, qui régnait dans le village devient une véritable
visiblement en état de surexcitation, n’augurent rien exaltation : les hommes ont sorti leurs plus beaux
de bon. atours ; armes rutilantes, masques de guerre, colliers
et ceintures en poil de roussette… sont exposés en
Toutefois, s’ils persistent à vouloir entrer en signe de puissance. La fête à proprement parler
contact avec les Kanaks, les personnages seront commence à la nuit tombée, par une distribution
relativement bien accueillis. Logiquement, leurs d’ignames à l’assemblée, disposée assise sur ses talons,
questions devraient les faire aboutir dans la case du autour d’un grand feu. La distribution n’oublie
takata local, un homme assez vieux, au physique personne : chacun reçoit une part de la récolte selon
décharné et dont la bouche édentée offre un rictus son rang et son mérite. Les personnages masculins,
légèrement crispant. en tant qu’invités, reçoivent donc également leur lot
d’ignames.
Celui-ci, habitué à côtoyer les blancs de longue
date, s’exprime dans un Français presque entièrement Vient ensuite le temps des danses et des chants,
expurgé de termes bichelamar. Il fait bon accueil aux si déroutants pour les yeux et les oreilles des
personnages et accepte sans condition de répondre à Européens. Laissons Louise Michel nous décrire, avec
leurs questions sur les mystères kanak, les rituels toute sa sensibilité, le déroulement de cette partie du
mortuaires… (cf. annexe 4). pilou-pilou :
En ce qui concerne l’agitation qui règne dans le « Dans les rondes du pilou-pilou, les hommes
village, le takata se fait plus évasif, mais leur apprend tournent à part des femmes, quelquefois en sens
que le village s’apprête à organiser le soir même un contraire, le mouvement finit par être tellement rapide
pilou-pilou, les fameux rassemblements rituels aussi que les danseurs passent à travers la flamme sans en
festifs que guerriers. Pourquoi ce pilou-pilou ? Contre être atteint.
qui les hommes du village prennent-ils les armes ? Autrefois, disent les vieillards, après des temps où on
Les personnages peuvent légitimement craindre pour ne se mangeait pas, il vint des temps que les grands-
leur vie et celle de leurs compagnons restés à Numbo. pères de leurs grands-pères n’ont pas vus, dans ceux-
Le vieux takata tente de les rassurer : ce pilou-pilou là il y eut des guerres, des famines, des fêtes où, quand
ne serait pas tourné contre eux, mais les hommes du les chants et les danses avaient duré une partie de la
village, inquiets de la tournure prise par les nuit, l’un des danseurs disparaissait ; il était bu par la
évènements (crimes, expéditions, débarquement foule, quelquefois plusieurs.
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Aujourd’hui le pilou-pilou se termine par une La dernière partie du pilou-pilou est beaucoup
joie frénétique et l’abattement de la fatigue. On dort moins formalisée : chacun s’en revient vers ses tayos
le lendemain. (amis) pour partager en petits groupes informels, çà et
là dans le village, la douce chaleur du feu qui continue
Une des danses historiques, — et ils en ont de de brûler dans la nuit et surtout pour consommer,
belles ! —, est celle-ci : Une file de danseurs arrive, jusqu’à très tard, de grandes quantités de nourriture,
hommes et femmes, comme s’ils reconnaissaient le pendant que les chants continuent de résonner.
terrain et en prenaient possession ; puis ils se Jules Garnier, l’explorateur de la Nouvelle-Calédonie
murmurent, avec leurs quarts de tons si doux parfois, en 1864, compare ce moment à celui de l’ivresse chez
les plus douce églogues, ils simulent la danse de pêche, les Européens : « sans consommation d’alcool, les
la danse des récoltes, la danse des noces, la danse de Kanaks sont en effet alors en état de surexcitation. C’est
la mort. le moment de tous les excès ».
C’est la tribu vivant au soleil et mourant à C’est dans cette partie finale du pilou-pilou que
l’ombre, puis viennent d’autres encore, des étrangers, les personnages cessent d’être des spectateurs (peut-
poupouale, ils chassent et dispersent la tribu. être d’ailleurs légèrement inquiets de savoir comment
cette orgie va se terminer ?) pour redevenir acteurs.
Il n’y a plus après eux qu’un chant triste et En effet, le vieux takata, visiblement heureux de les
monotone, comme les plaintes du vent. L’orchestre qui avoir convaincus de rester assister à la fête rituelle, les
l’accompagne avec des branches de palmiers grattées invite à le rejoindre, lui et quelques tayos prestigieux
doucement s’harmonise bien avec ces plaintes du (dont le chef du village), un peu à l’écart, autour d’un
pauvre sauvage. feu secondaire. S’ils acceptent — peuvent-ils
réellement refuser ? —, les personnages voient, en
Puis il se fait un silence, tous se déploient sur s’approchant, que le feu ne sert pas seulement à
une même ligne, avancent du côté du nord, la main réchauffer et à éclairer la nuit : à la façon kanak, un
droite comme pour menacer ou maudire ; en criant : trou a été creusé dans le foyer et sert à faire cuire
Match ! Match ! (mort ! mort !). quelque chose… qui exhale une bien alléchante
odeur ! C’est aussitôt après cette première impression
La musique canaque, avec ses quarts de tons, que les choses se gâtent… quand leur esprit, assez
ressemble au vent, aux bruits de bois, aux chants des vite, réalisent que le fricot est sans aucun doute
flots… Souvent elle est douce, quelquefois rauque, de la viande humaine !
parfois on dirait des gouttes d’eau tombant sur les
feuilles… Les personnages ont sans doute déjà compris
que l’on va les mettre en présence d’une scène de
Des bambous frappés en cadence, une flûte de cannibalisme rituel. Cela doit sans doute
roseau, les branches de palmiers grattées, une feuille profondément les choquer mais, déjà, peuvent-ils être
qu’ils s’appliquent sur la bouche, tels sont leurs rassurés : ce n’est pas eux que l’on va manger ! De
instruments. Souvent encore, ils accompagnent en fait, les Kanaks ne se livrent au cannibalisme que pour
sifflant ou en soutenant la voix sur une seule note, des raisons rituelles traditionnelles : il s’agit de détruire
tandis que l’air est chanté ; ces sons filés produisent doublement l’ennemi que l’on a tué, afin d’empêcher
un effet étrange. » sur sa dépouille un quelconque culte des ancêtres. Les
personnages étant les invités et non les ennemis des
Note pour le Meneur de Jeu Kanaks, ils n’ont strictement rien à craindre.
Cette description si évocatrice est due à Pour poser l’ambiance de cet extraordinaire
Louise Michel, dans Légendes et chants de moment que peut être une expérience de
gestes canaques, 1885. Et nous tenons à votre cannibalisme, lisons un petit extrait du récit fait par
disposition, pour sonoriser cette scène, un chant Jules Garnier de son Voyage en Nouvelle-
sous forme de fichier mp3 de 1,3 Mo, que nous Calédonie durant les années 1860 : le Meneur
nous ferons un plaisir de vous envoyer si vous pourra y puiser quelques passages pour « corser »
nous en faites la demande… sa description de la scène !
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« Une douzaine d’hommes étaient assis près d’un grand feu (…) ; sur de larges feuilles de
bananier était placé au milieu d’eux un monceau de viandes fumantes, entourées d’ignames et de
taros ; la vapeur qui s’élevait de ces aliments, apportée par la brise, arrivait juste vers nous, et j’aurais
désiré pouvoir retenir mon souffle pour ne pas aspirer le fumet d’un aliment aussi révoltant. (…)
Le trou dans lequel on avait fait cuire leurs membres détachés à coups de hache était là ; une
joie farouche se peignait sur le visage de tous ces démons ; ils mangeaient à deux mains.
Ce spectacle était si extraordinaire qu’il me faisait l’effet d’un rêve, et jétais tenté d’aller à eux
pour leur parler et les toucher. Un point surtout attirait toute mon attention ; en face de moi, et bien
éclairé par la lueur du foyer, se trouvait un vieux chef à la longue barbe blanche, à la poitrine ridée,
aux bras déjà étiques ; il ne paraissait pas jouir de l’appétit formidable de ses jeunes compagnons ;
aussi, au lieu d’un fémur orné d’une épaisse couche de viande, il se contentait de grignoter une tête ;
celle-ci était entière (…) ; on avait eu cependant le soin de brûler les cheveux ; quant à la barbe, elle
n’avait pas encore eu le temps de pousser sur les joues du pauvre défunt et le vieux démon, s’acharnant
sur ce visage, en avait enlevé toutes les parties charnues, le nez et les joues ; restaient les yeux, qui, à
demi ouverts, semblaient être encore en vie.
Le vieux chef prit un bout de bois pointu et l’enfonça successivement dans les deux prunelles ;
on aurait pu croire que c’était pour se soustraire à ce regard et finir de tuer cette tête vivante ; point du
tout, c’était tout simplement pour parvenir à vider le crâne et en savourer le contenu ; il retourna
plusieurs fois son bois pointu dans cette boîte osseuse, qu’il secoua sur une pierre du foyer pour en
faire tomber les parties molles, et cette opération accomplie, il les prenait de sa main maigre comme
une griffe et les portait à sa bouche, paraissant très satisfait de cet aliment.
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Alors que l’étrange festin vient de débuter, le bâton la cervelle avant de suçoter ledit bâton. Enfin, il
vieux takata, comme les personnages pouvaient le coupe le bras droit de sa victime à l’aide de sa hachette
craindre, s’approche d’eux, une écuelle d’écorce puis s’enfuit. La dernière scène du délire voit Oundjo
pleine de morceaux dégoûtants à la main : il leur courir en haletant à travers les fourrés puis se faire
propose de participer — honneur considérable ! — atteindre mortellement par deux balles de fusil.
, au repas rituel.
Note pour le Meneur de Jeu
Bien sûr, le vieux sorcier le justifie : celui que
l’on mange est Oundjo. En effet, ce dernier est Vous pouvez considérer que tout
considéré par tous les notables du village comme un personnage ayant vécu cela subit un
traître ayant jeté le discrédit sur eux auprès des si Événement d’ordre 2 contre l‘Ouverture
puissants hommes blancs, mettant en danger la survie d’Esprit.
même du village sur Ducos. C’est pour cela qu’ils ont
aidé les blancs (peut-être certains des personnages ?) Au réveil, le ou les personnages cannibales vont
à le tuer, puis ont obtenu sa dépouille ; maintenant, beaucoup mieux. Ils n’ont strictement aucun souvenir
ils se proposent de le faire définitivement disparaître ! du pilou-pilou ni de leur acte, mais se souviennent
Mais ce n’est pas tout : à en croire le vieux takata, avec acuité de leur délire et peuvent le raconter aux
manger la chair d’un homme permettrait de pénétrer autres (s’ils acceptent encore de leur parler !).
son esprit, ses pensées les plus intimes. Si les
personnages acceptent de manger Oundjo, peut-être Des personnages à forte Spiritualité pourront
sauront-ils oui ou non si Oundjo est coupable des accepter ce récit comme étant un effet de la magie des
meurtres à Numbo ? esprits kanak. Les autres le tiendront pour un simple
délire fiévreux. En tout cas, les premiers pourront
établir les faits suivants : Oundjo est bien coupable
Note pour le Meneur de Jeu du crime de Tellier et innocent de celui de Valletot…
En tout cas de son vivant ! En effet, si on interroge le
Il s’agit d’un Événement d’ordre 2
takata sur ce point, il apparaît que le cannibalisme
contre la Spiritualité : tout personnage
rituel ne peut pas renseigner sur l’esprit du défunt…
réussissant ce jet ne peut admettre un tel acte et
une fois qu’il s’est détaché de son enveloppe charnelle.
de telles explications, il est donc hors de question
qu’il puisse accepter le marché.
Note pour le Meneur de Jeu
Le takata voudra bien, cette fois-ci, admettre un On le voit : la Nouvelle-Calédonie reste à
refus. Si toutefois un des personnages accepte, il ne se l’époque de Maléfices une terre de grands
passera rien, comme on pouvait le craindre… mystères, faisant le régal des amateurs
d’exploration et de récits de voyage.
Mais peu de temps après ce répugnant repas, le
personnage cannibale sera pris de violents maux de Pourquoi ne pas proposer à vos joueurs
ventre et de fièvres intenses. Juste châtiment ? Cela en début de scénario, la tenue d’un (petit)
n’inquiète pas le takata qui ne recommande qu’un peu carnet de voyage dans lequel ils pourront
de repos. noter, au fur et à mesure de l’aventure, les
réactions de leur personnage aux évènements
Pendant celui-ci, le personnage, tremblant de inhabituels qu’ils viennent de vivre ?
fièvre, va effectivement revoir en pensées les actions Cela permettrait d’enrichir sous une forme
de Oundjo, comme s’il se trouvait à l’intérieur de son originale la « fiche indiscrète » de leur alter ego.
esprit. Par ses yeux, il reverra des scènes d’amicales
complicités avec Tellier puis une scène évoquant le Une motivation supplémentaire ?
geste déplacé de Tellier envers le jeune Kanak et la
dispute qui s’en suivit. Dans son délire, le personnage L’auteur assure ici même qu’il y aura un
verra encore une scène où ce dernier s’introduit au jour une suite à cette aventure, avec les
petit matin dans la hutte de Tellier, le tue net d’un coup mêmes personnages ! Le fait qu’ils soient
de sagaie dans la poitrine puis se livre à son macabre « enrichis » ne pourra donc que renforcer
rituel : il frappe le crâne sans vie de Tellier, en fait l’interprétation des rôles, le moment venu !
éclater la boîte crânienne puis remue à l’aide d’un petit Patience !
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Les vampires attaquent ! devoir se battre pour les chasser. Précisons enfin que
la « bestiole » mesure en moyenne plus d’un mètre
Note pour le Meneur de Jeu d’envergure !
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Acte V : Denouement
de l’état de siège, il serait plus facile à un déporté
Un peu de réflexion d’avoir un fusil qu’un poignard !
Lorsqu’ils reviennent à Numbo après leur(s) Les personnages peuvent penser qu’un soldat
expédition(s) dans la brousse, les personnages ou le capitaine Duroy peuvent être coupables mais,
retrouvent le village dans le même état de siège : ils toujours à cause de l’état de siège, ils n’ont guère le
seront d’ailleurs interceptés par une vigie, et auront à loisir de s’absenter pour se rendre nuitamment dans
nouveau tout intérêt à en sélectionner une parmi les la case de Valletot ou pour aller se débarrasser de son
déportés volontaires, pour minimiser les problèmes. bras.
Dès qu’ils auront eu le loisir de prendre la température
du village, ils se rendront compte que, voyant que Et puis, pourquoi s’embarrasser de telles
l’attaque redoutée ne se produit pas, le capitaine précautions pour un simple déporté, dont il serait facile
Duroy est plus que jamais décidé à partir en expédition de maquiller la mort en tentative de fuite ou de
contre les Kanaks. Il est donc temps d’agir ! rébellion ?
Avant cela, les personnages auront besoin de En fait, les personnages ont eu l’occasion
faire le point. Qu’ont-ils appris, si l’acte 4 s’est d’apercevoir une autre arme blanche que celles des
correctement déroulé ? Kanaks ou de l’armée : le poignard improvisé de
Don Ruy Gomez ! Il serait donc judicieux de se
- Oundjo est bien coupable du meurtre de Tellier pour renseigner au théâtre (plan Annexe 7) sur cette arme.
les raisons supposées ;
- ni son fantôme, ni les guerriers de Ataï, ni les Kanaks Le théâtre est fermé en dehors des soirs de
de Ducos ne peuvent raisonnablement être tenus représentation et Louis-Paul Morin ne leur apprendra
responsables du meurtre de Valletot ; rien (et pour cause !…) mais tout autre déporté
- les signes laissés sur le cadavre de Valletot ne sont participant à la troupe pourra apprendre les éléments
pas des signes ou des rituels kanak. suivants aux personnages :
Comme dirait ce bon Sherlock, une fois toutes - il s’agit bien d’une véritable baïonnette offerte au
les autres hypothèses écartées, celle qui reste est théâtre, avec quelques autres accessoires, par un
forcément la bonne, n’est-ce pas ? précédent officier d’infanterie désireux d’encourager
la création de ce théâtre ;
Le coupable du second meurtre est donc
un quelqu’un vivant à Numbo même. - cette arme est toujours dans la remise, fermée à clef,
du théâtre. Si les personnages se débrouillent pour
Il reste à déterminer lequel. Pour cela, les aller vérifier, ils la trouveront à sa place, mais
personnages disposent de trois pistes : visiblement nettoyée et brillante comme un sous neuf ;
- qui possède une arme blanche capable de de plus, il ne fait aucun doute que sa pointe, bien
perforer la poitrine du pauvre Valletot ? entretenue, pourrait tuer un homme…
- qui a pu se débarrasser du bras de Valletot dans
la brousse ? - seul Morin possède les clefs du théâtre et de sa remise
- qui pouvait fréquenter suffisamment Valletot aux accessoires.
pour avoir un contentieux mortel avec lui ?
• le bras de Valletot : compte tenu du dispositif de
Les pistes sécurité autour de Numbo, quelqu’un sortant du village
avec un bras pour s’en débarrasser dans la brousse
Explorons ces trois pistes avec nos personnages : n’est peut-être pas passé complètement inaperçu, n’est-
ce pas ?
• l’arme du crime : nous sommes dans un camp Les personnages pourront sans mal retrouver la
de prisonniers certes assez ouvert, mais les armes ne vigie la plus proche du lieu où ils ont retrouvé le bras
courent pas les rues et, paradoxalement, dans le cadre déchiqueté. C’est un déporté volontaire, Brizemieux,
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un vrai dur de Montmartre qui, d’emblée, refusera de toute collaboration, quoi que disent les personnages
« cafter » sans savoir de quoi il retourne. Toutefois, si (dans une certaine limite : voir annexe 6), il reste
on lui explique bien qu’il s’agit de laver l’honneur d’un possible de se renseigner sur Morin en consultant le
camarade sur des soupçons étayés, il finira par céder registre de l’administration pénitentiaire.
et avouera avoir vu Morin aller « se dégourdir les
jambes » à proximité. Et peut-être bien qu’il avait un En dehors des informations notées à chaque
paquet d’étoffes sous le bras…Par contre, il n’a pas vu écrou, le registre peut aussi contenir quelques
de soldat, et encore moins le capitaine Duroy, quitter renseignements sur les spécificités de chaque
leur poste. prisonnier, enregistrés au gré des rappor ts.
Le fou de la Baie N’Gi peux lui aussi donner Évidemment, pour ce faire, les personnages devront
l’information (optionnel, selon le roleplaying) se montrer extrêmement convaincants auprès des
fonctionnaires du bureau de Numbo qui conservent
• les fréquentations de Valletot : farouche ce registre (voir, le cas échéant, l’annexe 5). Cette
communard, Valletot n’avait aucune relation avec les lecture pourra renforcer les soupçons ; mais
officiers ou les soldats avant les évènements récents ; définitivement, aucune preuve formelle ne pourra être
à priori, rien à trouver par ici. établie : cela renforcera le dilemme de la décision
finale des personnages.
Parmi les déportés, le champ d’investigation est
large, car Valletot avait beaucoup d’amis. Note pour le Meneur de Jeu
Toutefois, si les soupçons pèsent déjà sur Morin, À nouveau, la résolution de l’acte final ne
il suffira de questionner des déportés sur les relations doit pas donner lieu à une minutieuse enquête.
entre les deux hommes. Une fois revenus plus ou moins sains et saufs de
l’acte 4, les personnages ne doivent plus être
Morin lui-même n’avouera rien. freinés dans la découverte de la vérité : ne
multipliez pas les fausses pistes ou les obstacles,
La plupart des déportés pourront confirmer qu’ils montrez que, tout à ses préparatifs guerriers, le
étaient bons amis mais aucun ne pourra assurer qu’ils capitaine n’a plus guère le temps de s’opposer à
s’étaient vus le soir du crime. leurs investigations… Cet acte 5 ne doit donc
pas plus être un moment d’enquête que les
Comme souvent, Balzenq, heureusement, sera précédents : place au cas de conscience final !
une précieuse source de renseignements : il sait que
Les personnages tiennent sans doute désormais
les deux hommes passaient de longues soirées
leur vérité sur le meurtre de Valletot (voir Valletot et
ensemble, pour la bonne raison qu’ils leur fournissait
Morin dans « personnages et autres figurants »).
à ces occasions de son fameux alcool de niaouli (c’est-
Mais que vont-ils en faire ? Où est leur
à-dire, de notoriété générale, un authentique
intérêt ?
poison !) ; d’ailleurs, le soir du crime, pour fêter à la
fois la mort du meurtrier de Tellier et le succès de la
En dehors de la mécanique du jeu, qui veut que
représentation de Morin, il leur a fourni une ou deux
les joueurs « réussissent » ou non le scénario en
bouteilles pour la nuit… Pour autant, il ne sait rien
découvrant la vérité, le groupe devra avoir un vrai
(ou ne veut rien savoir !…) de la nature de leurs
débat interne qui aboutira à une décision bien pesée
relations.
car celle-ci peut transformer totalement le statut des
personnages sur Ducos. Pour plus de simplicité, les
Il ne fait guère de doutes que Morin, dans une
conséquences de chaque décision sont récapitulées
dispute alcoolisée, a tué de plusieurs coups de sa
dans le tableau de l’annexe 6.
baïonnette son ami Valletot puis, craignant pour sa
propre vie, a tenté plus ou moins adroitement de
Quelle que soit leur décision finale, qu’elle ait
maquiller son crime pour qu’il évoque celui de Tellier,
des conséquences fâcheuses sur les Kanaks opprimés
commis la veille. On notera que le crime était
ou sur leurs camarades déportés, gageons que nos
prémédité puisque Morin avait pris soin, avant de se
personnages auront dû, au moins une fois, « manger
rendre chez son ami, de se munir de l’arme.
leurs frères » à la façon kanak !
Pour avoir confirmation ou pour éclaircir le
Bonne partie,
mobile, alors que Morin, une nouvelle fois, refusera
Julien Clément.
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