Pitres & Testut - Les Nerfs en Schema PDF

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LES

NERFS EN SCHÉMAS
ANATOMIE ET PHYSIOPATHOLOGIE

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ix

CENTRE NEUROLOGIQUE DE LA XVIII REGION


(Hôpital complémentaire XVIII, Bordeaux-Saint-Genès)

LES

NERFS EN SCHEMAS
ANATOMIE ET PHYSIOPATHOLOGIE

PAR H
A. PITRES L. TESTUT
Professeur à la Faculté de Médecine Professeur à la Faculté de Médecine
de l’Université de Bordeaux de l’Université de Lyon
Associé national de l’Académie de Médecine Associé national de l’Académie de Médecine
Directeur du Centre neurologique de la XVIII région Médecin-Chef de l’Héipital complémentaire XVIII
Commandeur de la Légion (l’Honneur Commandeur de la Légion d'Ilonncur

AVKC 41 PLANCHES EN COULEURS


(I)essinées par Dr pu f.t)

ET

164 FIGURES EN NOIR DANS LE TEXTE


(Dessinées par Oih-üw.in)

PARIS
LIBRAIRIE ü C T A V E D O I N
GASTON DOIN, ÉDITEUR
<S, PLACE DE L'ODKON, <S

I 025
9 5. J

Tous droits réservés


Copyright hy Gaston Doin, 192.

WELLCOME 3TITUTE
LIBRA-V
Coll. wei'v ^mec
Call
No.

I
PRÉFACE

Ce livre est né de la guerre. Affectés dès le mois d’octobre 191b à la


direction technique du Centre de Neurologie de la XVIIIe Région, où furent
hospitalisés pendant la durée des hostilités près de douze mille combattants
français ou étrangers, atteints cle maladies ou de blessures du système ner¬
veux, ses auteurs ont été chargés par l'autorité militaire de faire périodique¬
ment à des groupes d’étudiants ou de jeunes docteurs, tous mobilisés dans
le Service de Santé, un cours sommaire comportant une vingtaine de leçons
sur les éléments de la Neuropathologie. Nous n’avions pas mission de leur
enseigner la thérapeutique des névroses ou des psycho-névroses, ni les pro¬
cédés de médecine opératoire applicables au traitement chirurgical des places
du cerveau, de la moelle épinière ou des nerfs périphériques. Dans l'esprit
des directeurs du Service de Sanlé, qui en avaient conçu le plan et fixé les
limites, nous devions nous borner à initier nos auditeurs aux principes fon¬
damentaux de la Neurologie clinique, principalement à la sémiologie des
affections traumatiques du système nerveux, afin que, dès leur arrivée aux
armées, ils fussent suffisamment instruits pour devenir d’utiles auxiliaires
dans les hôpitaux ou ambulances auxquels ils seraient affectés.
Très simple en apparence, cette tâche n’é'.ait pas sans présenter de sérieu¬
ses difficultés. On ne saurait, en effet, aborder l’étude de la Neuropathologie
sans posséder au préalable des connaissances précises sur l’anatomie et la
physiologie du système nerveux. Or, la plupart des jeunes gens qui nous
étaient envoyés pour suivre nos cours manquaient de ces connaissances pré¬
liminaires, soit parce qu’ils avaient toujours négligé de les acquérir, soit
parce que, les ayant, acquises superficiellement en vue de leurs examens de
doctorat, ils n’en avaient conservé par la suite qu’un souvenir confus.
Comment pouvions-nous, alors, arriver à leur enseigner ou à leur rappeler,
en quelques semaines, la. structure et les fonctions des diverses parties de
l’appareil nerveux ? Il ne fallait pas songer à leur faire faire des dissections
anatomiques et des travaux pratiques de physiologie : on n’en avait ni le
temps ni les moyens matériels. On ne pouvait davantage leur demander de
consacrer les quelques loisirs dont ils disposaient à compulser de nouveau
Il PRÉFACE

leurs livres classiques : ces livres, ils ne les avaient plus sous la main ; et
puis, ils étaient bien trop préoccupés par les graves événements qui se dérou¬
laient dans nos départements envahis, non moins que par les aléas de leur
propre avenir, pour se livrer à des lectures peu attrayantes par elles-mêmes
qui, pour être réellement profitables, auraient dû être faites posément, en
toute liberté d’esprit, avec une attention très soutenue.
Devions-nous, dans ces conditions, les admettre d’emblée à suivre les visi¬
tes que faisaient, matin et soir, nos médecins traitants aux blessés et malades
du Centre neurologique ? Evidemment non. A quoi leur aurait-il servi de
voir examiner les réflexes tendineux ou cutanés, les réactions pupillaires,
les Iroubles de l’équilibration, etc., de iel ou tel patient, s’ils ne connais¬
saient pas déjà le but et la signification de chacun des phénomènes révélés
par ces explorations ? En bonne pédagogie, d’ailleurs, il est souvent préfé¬
rable que la synthèse précède l’analyse : elle formule des lois générales qui
s’appliquent au faits particuliers, et permettent de saisir les conditions des
variations individuelles de ces derniers. C’est pourquoi elle est à la base de
renseignement didactique de toutes les sciences un peu compliquées.
Après quelques tâtonnements sur la méthode qu’il convenait de suivre
pour que nos auditeurs retirassent le plus grand profit possible de renseigne¬
ment auquel ils étaient astreints, nous adoptâmes celle des démonstrations
objectives par l’image, précédant la présentation des malades, méthode sou¬
vent employée par les maîtres de la Neurologie française, Charcot, Bris-

s\ud, Raymond et leurs disciples.


A cet effet, nous fîmes dessiner, sur de grandes feuilles de carton, des figu¬
res schématiques ou demi-schématiques, assez rapprochées cependant de la
réalité pour donner des idées exactes sur la systématisation des éléments
nerveux dans le névraxe et sur la distribution sensitive et motrice des nerfs
périphériques. Ces schémas dont la polychromie, intentionnellement un peu
violente, attirait le regard et fixait l’attention, ont beaucoup servi à notre
enseignement. Nos leçons étaient toujours divisées en deux parties : clans
la première, nous donnions, en utilisant les figures relatives aux sujets Irai-
lés, un résumé concis des notions anatomic/ues et physiologiques, de nature
à éclairer la pathologie de celui des appareils nerveux que nous étudiions ,
dans la seconde nous procédions à l'examen de quelques malades ou blessés,
en ayant soin d’indiquer, en passant, la pathogénie et ta valeur sémiologique
des divers symptômes révélés par l’exploration clinique.
Avions-nous, par exemple, à décrire les paralysies succédant aux blessu¬
res cran io-céré h raies, nous placions devant nos auditeurs deux schémas :
PKÉFACE ni

l’un figurant les circonvolutions de la face externe du cerveau, avec leurs


centres moteurs colorés en rose ; l’autre représentant les fibres de projec¬
tion de ces centres se portant en bas et se prolongeant, par le faisceau géni-
culé jusque dans les noyaux bulbo-protubérantiels des nerfs crâniens et par
le faisceau pyramidal jusque dans les cornes antérieures de la moelle épi¬
nière, après s’être entrecroisés, les premiers dans la région protubérantielle,
les autres à la partie inférieure du bulbe. Puis, les assistants ayant ces deux
schémas sous les yeux, nous leur faisions un exposé succinct de l’état actuel
de nos connaissances sur les localisations cérébrales. Nous leur expliquions,
notamment : 1° comment des lésions étendues de la circonvolution frontale
ascendante peuvent donner lieu à des hémiplégies totales, alors que des
lésions limitées au tiers inférieur, au tiers moyen ou au tiers supérieur de
celte même circonvolution se traduisent respectivement par des paraly¬
sies localisées à la face (monoplégies faciales), au membre supérieur (mono¬
plégies brachiales) ou au membre inférieur (monoplégie crurale) du côté
opposé du corps ; 2° comment des lésions destructives, même étendues en
surface et en profondeur, mais siégeant en dehors de la zone motrice, sur leè
lobes préfrontaux, occipitaux et temporaux par exemple, ne déterminent
aucun trouble de la motilité. Ces explications, une fois bien comprises (et
leur compréhension était singulièrement facilitée par l’examen de nos sçhé-
mas), nous faisions transporter dans la salle du cours quelques malades
atteints de fractures pénétrantes du crâne, les uns ne présentant pas de para¬
lysie, les autres au contraire frappés d’hémiplégie totale ou partielle, et nous
faisioîis constater à nos auditeurs : 1° tout d’abord, que ces paralysies étaient
croisées ;2° d’autre part, que les fractures des non paralysés se trouvaient tou¬
tes sur le frontal, l’occipital ou le temporal (c’est-à-dire dans des régions qui
n’avaient que des rapports lointains avec la zone motrice du cerveau), tan¬
dis que celles des paralysés siégeaient sur le pariétal (c’est-à-dire dans une
région qui répondait directement avec cette zone motrice).
Nous profitions, enfin, de la présence de ces blessés pour signaler les phé¬
nomènes objectifs les plus caractéristiques des paralysies d’origine cérébrale :
affaiblissement ou perte complète de la motilité volontaire à distribution
hémiplégique ou monoplégique, exagéra lion des réflexes tendineux et ostéo-
périostiques, exagération de /.’excitabilité des muscles à la percussion, inver¬
sion du reflexe cutané plantaire, hypertonie aboutissant progressivement à
une rigidité permanente des membres paralysés, trépidation épileptoïde,
mouvements syncinésiques se produisant automatiquement du côté malade,
à l’occasion des mouvements volontaires énergiques du côté normal, inté-
IV PRÉFACE

giîilé persistante du volume des muscles sans modification qualitative de


leurs réactions électriques, etc.
Nous suivions exactement la même marche dans l’étude des paraplégies
consécutives à des blessures vertébro-médullaires et des paralysies provo¬
quées par des lésions traumatiques des nerfs. Pour ce qui concerne ces der¬
nières, chacun des gros cordons nerveux de la face et des membres était
représenté par un schéma polychrome où les rameaux sensitifs étaient colo¬
rés en bleu et les moteurs en rose, de telle sorte qu’il était facile de se rendre
compte par un simple coup d’œil de l’ensemble de sa distribution, de noter
les points d’émergence de ses branches collatérales, de suivre son trajet jus¬
qu’à la pénétration de ses filets traminaux dans les muscles ou les téguments, et
de prévoir alors dans une certaine mesure, la qualité et l’étendue des troubles
moteurs et sensitifs qui devaient nécessairement résulter de ses sections hau¬
tes ou basses. La justesse de ces prévisions était d’ailleurs démontrée, à nos
cours, par l’examen clinique de nombreux malades présentant, à la suite de
blessures de guerre, les diverses variétés de paralysies du facial, du trijumeau,
du médian, du cubital, du radial, du sciatique et autres cordons nerveux.
Nos leçons étaient ainsi à la fois théoriques et pratiques, mais la théorie
n’y intervenait que pour éclairer la pratique. Nos étudiants les suivaient
très régulièrement et, nous disaient-ils, avec plaisir et profit. La Neurologie
leur apparaissait sous un jour nouveau. Ils avaient conscience d’accroître en
même temps, et sans de grands efforts, le lot de leurs connaissances et leur
capacité professionnelle. La plupart nous ont déclaré, en nous quittant pour
gagner les formations du front, que renseignement, rapide et intensif, qu'ils
avaient reçu au Centre neurologique avait gravé dans leur esprit des notions
qui leur semblaient auparavant absolument incompréhensibles, et qu'ils con¬
sidéraient maintenant ta Neuropathologie comme une des branches les plus
intéressantes des sciences médicales.
A ces témoignages de satisfaction auxquels nous étions particulièrement
sensibles, parce qu’ils nous prouvaient que nous adions fait œuvre utile, sont
venus se joindre ceux des médecins inspecteurs qui, à plusieurs reprises, ont
visité le Centre neurologique et étudié sur place la manière dont nous aviotis
compris et organisé renseignement qu’on nous avait confié. Les uns et les
autres, frappés de la simplicité, en même temps que de la valeur didactique
de nos planches de démonstration, nous ont vivement engagés à les faire
reproduire en réduction dans un ouvrage de format maniable qui, dans leur
pensée, ne pouvait être que fort utile, aussi bien aux étudiants en médecine
qu’aux médecins praticiens s’intéressant aux différents problèmes de la
neuropathologie.
PRÉFACE v

C'est pour répondre à ce désir que nous avons écrit ce livre. Il renferme
Ui planches coloriées et 16U figures au trait tirées en noir dans le texte. Ces
planches et ces figures, qui ne sont, que la reproduction (avec réduction va¬
riable) de celles qui ont servi à no.s leçons, tiennent dans notre travail une
place importante et ainsi s’explique le titre, un peu bizarre au premier abord,
de « Nerf en schémas » que nous avons donné à cet ouvrage.
Mais un pareil titre, disons-le tout de suite, ne donne qu'une idée très
imparfaite de ce que contiennent nos différents chapitres.
Les « Nerfs en schémas », en effet, ne sont pas uniquement consacrés à
l’anatomie. Comme nous l’avons indiqué plus haut, le programme des
cours au Centre neurologique, outre la. description de l’appareil nerveux,
comprenait l’étude de son fonctionnement dans les conditions normales
d’abord, puis celle des perturbations qu’apportent dans ce fonctionnement
les processus morbides et, tout particulièrement, les traumatismes de guerre.
Cette deuxième partie de notre enseignement devait, naturellement, figurer
dans notre texte : nous lui avons donné la place qui lui convient et voilà
pourquoi, dans le sous-titre de l’ouvrage, au mol Anatomie, nous avons ad¬
joint celui de Physiopathologie. Ajoutons que nous n’avons pas conservé au
texte la forme de leçons orales, mais que nous sommes restés fidèles à la mé¬
thode objective qui a dirigé notre enseignement et à la tendance constante à
lier étroitement la pathologie à Vanatomie et à la physiologie.
Ainsi, entendu, cet ouvrage comprendra sept chapitres, qui seront consa¬
crés respectivement :

Le Chapitre Fr, à quelques Considérai ions générales sur les nerfs ;


Le Chapitre 11, aux Nerfs crâniens ;
Le Chapitre III, aux Nerfs rachidiens ;
Le Chapitre IV, au Système du Grand Sympathique ;
Le Chapitre V, aux Centres nerveux ;
Le Chapitre VI, aux. Voies de conductions cortico-spinales ;
Le Chapitre VII, aux Réflexes et à la Réflectivité.

La rédaction des « Nerfs en schémas », commencée en 1919 après la cessa¬


tion des hostilités, était, terminée à la fin de 1920. Les difficultés économiques,
tenant à la rareté et à la qualité défectueuse des papiers d’imprimerie, en
a retardé jusqu'à ce jour la publication. Elles ont été surmontées grâce
au bon vouloir de notre éditeur, M. Gaston Doin, que nous ne saurions trop
vivement remercier pour les soins qu’il a apportés à l'exécution matérielle
VI PRÉFACE

d’un ouvrage, dont la perfection typographique est à la hauteur de la juste


renommée de sa maison.
Les belles planches en couleurs qui illustrent les « Nerfs en schémas » sont
dues à M. Dupret, dont la réputation artistique n’est plus à faire. Il les
a dessinées d’après nos indications et sous nos yeux avec un soin et une habi¬
leté que reconnaîtra avec nous le lecteur. Nous lenoits à lui adresser ici tous
nos remerciements. Nous remercions aussi M. Oberlin, à qui nous devons
les schémas, si clairement démonstratifs, qui se trouvent dans le texte et en
facilitent la compréhension.
Nous voulons, enfin, adresser l’expression de notre cordiale gratitude à
tous nos collaborateurs et amis du Centre de Neurologie, particulièrement
à MM. les professeurs Bégotjjn (de Bordeaux), Carrière (de Lille), Verger
(de Bordeaux), et à MM. les docteurs E. Bitot (de Bordeaux), Crouzet (de
Pau), Ducosté (de Ville-Evrard), Dupuy (de Sainte-Foy-la-Grande), Gauckler
(de Paris), Grenier de Cardenal (de Bordeaux), Laffite (de Coutras),
Labeau (de Bordeaux), Laplume (de Saint-Brieuc)., Marchand (de Saint-
Maurice), Marque (de Pau), Nancel-Pénard (de Bordeaux), Page (de Belle-
vue), Penaud (de Bordeaux), Quintrie (de Bordeaux), Bastouiu (de La Ro¬
chelle), Bobineau (de Bordeaux), Bociier (de Bordeaux), Sansuc (de Saint-
Denis-de-Pile), Verdelet (de Bordeaux), J. Vergely (de Bordeaux), qui tous,
avec un dévouement inlassable, ont prodigué leurs soins à nos blessés et ma¬
lades, soit à l’hôpital complémentaire XVIII, soit dans les diverses formations
qui lui avaient été annexées. Chacun d’eux, au poste qui lui a été assigné,
a été, dans la mesure de ses moyens el à un moment critique, de notre his¬
toire, un bon serviteur de la pairie.

A. PITBES E. TEST!JT

Bordeaux, le Ie1' octobre 1924.


A> NERFS EN SCHÉMAS
ANATOMIE & PHYSIOPATHOLOGIE

CHAPITRE PREMIER

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

Les nerfs sont des cordons blanchâtres plus ou moins volumineux qui,
partant du névraxe, vont se terminer, après des divisions et des subdivisions
successives, dans les territoires organiques auxquels ils sont destinés. Ils
constituent, dans leur ensemble, ce qu’on est convenu d’appeler le système
nerveux périphérique. Les uns, naissant de l’encéphale et traversant les trous
de la base du crâne, sont dits nerfs crâniens ; les autres, émanant de la moelle
épinière et traversant les trous de conjugaison, forment les nerfs rachidiens.
A côté de ce système cranio-rachidien, se trouve le système sympathique,
formant, sur le plan antérieur de la colonne vertébrale, deux longs cordons,
l’un droit, l’autre gauebe, d’où émanent de très nombreuses ramifications,
destinées principalement aux vaisseaux (nerfs vasculaires ou vaso-moteurs),
aux glandes (nerfs glandulaires ou secréteurs) et aux viscères (nerfs viscéraux)
Physiologiquement, les nerfs sont de simples conducteurs de l’influx ner¬
veux, ayant pour fonctions, ou bien de transmettre aux centres les impres¬
sions diverses recueillies à la périphérie, ou bien de transporter à la périphé¬
rie les incitations motrices et sécrétoires élaborées dans les centres. Ils se
divisent donc en deux grandes catégories : 1° les nerfs centripètes ou sensi¬
tifs ; 2° les nerfs centrifuges, comprenant les nerfs moteurs et les nerfs
sécrétoires. Mais une telle division, d’une importance capitale en physiologie,
ne présente en anatomie qu’un intérêt tout à fait secondaire. Tous les nerfs
en effet que dénude le scalpel, qu’ils soient moteurs, qu’ils soient sensitifs,
qu’ils soient mixtes, s’offrent à nous avec le même aspect extérieur.
Nous étudierons successivement, en trois chapitres distincts, les nerfs crâ¬
niens, les nerfs rachidiens et le sympathique.
Mais auparavant, et comme dans une sorte de préambule,- il ne sera pas
I.ES NERFS EN SCHÉMAS 1
9 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

inutile de développer quelques considérations générales sur la disposition ana¬


tomique, la structure et la physiopathologie des
cordons nerveux : elles feront l’objet du présent
chapitre. Nous ne nous occuperons toutefois, dans
ce chapitre premier, que des nerfs cranio-raclii-
diens, le système sympathique devant faire l’objet
d’un chapitre à part.

ARTICLE PREMIER

ANATOMIE

Les cordons nerveux cranio-rachidiens présentent


sur leur trajet, et en des points variables, des ren¬
flements plus ou moins volumineux, que l’on dési¬
gne sous le nom de ganglions. Ces ganglions ner¬
veux, comme nous le verrons plus loin en étudiant
leur constitution anatomique, font partie intégrante
des nerfs sur le trajet desquels ils se trouvent situés.
Le système nerveux périphérique eranio-rachidien
nous présente donc, morphologiquement, deux sor¬
tes de formations :
1° Les nerf s proprement dits ;
2° Les ganglions.

§ 1. - NERFS PROPREMENT DITS

Les nerfs cranio-rachidiens, quelle que soit leur


origine, rayonnent du névraxe vers les régions et or¬
ganes auxquels ils sont destinés. Chemin faisant, ils
se divisent, comme les artères, en des rameaux de
Fig. 1.
Fibre à myéline après plus en plus nombreux, mais de plus en plus grêles.
action de l’acide osmi-
Comme les artères encore, nous voyons les branches
que (d’après A. Key et
Retzius). de division prendre, suivant les conditions où elles
1, cylindraxe. — 2. gaine
de myéline. — 3. gaine de naissent, le nom de branches collatérales ou celui de
Schwann, avec 3’, son pro¬
toplasma. — 4, incisures de branches terminales. Comme les artères enfin, les
Schmidt. — 5. 5, segments
cylindro-coniques. — 6, un nerfs s'anastomosent entre eux suivant les modalités
étranglement annulaire.
ANATOMIE 3

les plus diverses. Mais il ne faut pas accorder ici au mot anastomose la même
acception qu’en angéiologie. Les nerfs ne sont pas en
effet, comme les vaisseaux, des canaux tubulaires rem¬
plis d’un liquide en mouvement. Ce sont des faisceaux
de libres nerveuses juxtaposées et parallèles : or, on ne
voit jamais ces fibi'es se fusionner entre elles. Dès lors,
l’anastomose nerveuse se réduit à ce simple fait qu’un
fascicule plus ou moins considérable de fibres se sépare
d’une branche nerveuse pour venir s’accoler à une bran¬
che voisine et la suivre désormais dans son trajet : c’est
un échange de fibres entre deux nerfs.
Histologiquement, les nerfs se composent essentielle¬
ment de fibres nerveuses disposées parallèlement les Unes
aux autres et reliées entre elles par du tissu conjonctif.
Ces fibres, dites fibres nerveuses périphériques, par oppo¬
sition aux fibres nerveuses des centres-, se présentent sous
deux aspects bien différents:les unes sont entourées d’une
SL substance graisseuse appelée myéline, ce sont les fibres
Fig. 2. à myéline ou myéliniques, encore appelées fibres de
Coupe longitudina¬ Leuwenhoeck ; les autres sont dépourvus de myéline, ce
le d’une fibre ner¬
veuse de la gre¬ sont les fibres amyéliniques ou fibres de Rema.k.
nouille (d’après
Nous étudierons, tout d’abord, ces deux ordres de fibres
Bethe) .
On voit nettement à l’état d’isolement. Nous verrons ensuite comment elles
les nombreuses fibril¬
les dont se compose se disposent pour former le nerf et, en même temps,
le cylindraxe passer
d’un segment inter-
annulaire à un au¬
comment se comporte le tissu conjonctif qui les unit.
tre.

1° Fibres à myéline. — Les fibres à myéline mesu¬


rent en moyenne, chez l’homme, de 2 y à 22 y de dia¬
mètre. Elles sont, comme on le voit, très variables ~~2

dans leurs dimensions et on peut, à cet effet, les diviser


en fibres fines (de 2 à 6 u), fibres moyennes (de 6 à
Fig. 3.
10 y) et fibres grosses (de 11 y et. au-dessus). Mais,
Soction transversa¬
quelles que soient leurs dimensions, ces fibres sont le d’un cylin¬
draxe (d’après
toujours constituées suivant le même, type, et chacune Tourneux).
d’elles comprend les trois éléments suivants : 1° une 1, faisceau de fibril
les élémentaires. —
2, gaine de Mauthnei
partie axiale, appelée cylindraxe ou axone ; 2° autour
du cylindraxe, une première gaine formée par une
substance grasse, la myéline ; 3° autour de cette gaine de myéline et formant
la limite extrême de la fibre, une mince membrane, appelée gaine de Schwann.
4 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

a) Cylindraxc. ■— Le cylindraxe, partie essentielle de la fibre nerveuse, oc¬


cupe, comme son nom l’indique, la partie axiale de la
fibre. C’est une tige molle, malléable, mais pas ri¬
gide, cylindrique comme la fibre nerveuse qui la ren¬
ferme, s’étendant sans interruption depuis son origine
jusqu’à sa terminaison. Son origine a lieu dans le pro¬
toplasma d’une cellule nerveuse et l’on a pu dire avec
raison que le cylindraxe n’est qu’un prolongement de
ce protoplasma. Quant à sa terminaison, elle s’effec¬
tue, soit à la périphérie, soit dans le névraxe lui-mê¬
me, par des arborisations libres.

l—-B Vu en long (fig. 2), le. cylindraxe présente une


striation longitudinale, in¬
dice manifeste de sa nature
fibrillairc. Il se compose, en
effet, d’une série de fibril¬
les fies fibrilles primitives
ou neurofibrilles,
les unes aux autres par une
accolées
SI
I substance cimentante, que
fort désigne indistincte¬
ment sous les noms de neu¬
roplasma (Kôlliker) ou

d’axoplasma (Wai/deyer).

Vu en coupe transversale
(fig. 3j, le cylindraxe appa¬
raît sous la forme d’un
champ circulaire, avec, dans Fig. 5.

toute l’étendue de ce champ, Réseau de neurokératine


dans la fibre nerveuse
une multitude de petits du crapaud ordinaire
(d’après Gedoelst).
Fig. 4. points, répondant, chacun à
La fibre .1 nous montre
Origine d’une fibre è myé¬ certaines travées du réseau,
une fibrille primitive. qui se sont orientées de ma¬
line (d’après Schultze). nière à constituer des cer¬
1, portion d’une cellule Le cylindraxe a donc une cles transversaux.
nerveuse. - 2, origine du La fibre B nous présente,
cylindraxe (prolongement de structure nettement fibril¬ à sa partie moyenne, un
Deiters). — 3, fibre nerveuse étranglement annulaire ;
à l’état de cylindraxe nu. lairc. Tous les biologistes on y voit nettement que le
— 4, la même, s’entourant réseau est interrompu à son
de myéline. sont d’accord sur ce point. niveau.

Mais l’accord est moins com¬


plet en ce qui concerne les relations réciproques des neurofibrilles qui entrent
dans la constitution d’un même cylindraxe. Les uns estiment qu’elles sont en-
ANATOMIE

tièrement indépendantes, accolées mais non anastomosées, et cela dans toute


l’étendue du cylindraxe. D’autres, au contraire, avec Ramon y Cajal, admel-
lent l’existence, entre neurolibrilles voisines, d’anastomoses transversales ex¬
trêmement fines, qui les unissent les unes aux autres et transforment leur
ensemble en un vaste réticulum. Cette dernière opinion, à laquelle se sont
ralliés dans ces derniers temps Uetzjus (1904), Lugaro (1905), Marinesco

(1909), tend à prévaloir aujourd’hui.


Quoi qu’il en soit, indépendantes ou plus ou moins anastomosées en réseau,
les neurofibrilles mesurent, en moyenne, 0,4 p de diamètre. D'une constitu¬

tion délicate, elles s’altèrent très rapidement et se décomposent alors en de


fines granulations. A l’extrémité initiale du cylindraxe
(fig. 4), elles se continuent avec les fibrilles du protoplas¬
ma de la cellule nerveuse et, à l’extrémité opposée, ce sont
elles qui, en se séparant les unes des autres, forment les
divisions ultimes de l’arborisation terminale.
b) Myéline. — La myéline entoure le cylindraxe à la
manière d’un manchon. En rapport avec ce dernier par sa
surface interne, (Ole répond par sa surface externe à la
Fig. 6.
gaine de Schwann. Un noyau de la gai¬
ne de Schwann
Sur le nerf vivant, la myéline se présente sous la forme avec son proto¬
d’une substance transparente et fortement réfringente. plasma (d’après
Tourneux) .
Elle s’altère très rapidement après la mort et devient, On voit Que le
cylindraxe est dépri¬
alors, opaque et granuleuse. On sait qu’elle se colore en mé à son niveau.

noir sous l'influence de l’acide osmique.


La myéline paraît être homogène, mais ce n’esl là qu’une apparence. Si on
l’examine avec attention sur des fibres nerveuses dont les éléments consti¬
tuants ont été préalablement fixés par l’acide osmique (fig. 1) on constate
de loin en loin des espèces de fentes, qui se portent obliquement de sa sur¬
face externe à sa surface interne : ce sont les incisures de Schmidt ou incisu-
res de Lantermann, ainsi appelées du nom des deux histologistes qui, les pre¬
miers, les ont signalées et bien décrites. Ces incisures, on le conçoit, décom¬
posent notre manchon de myéline en une série de segments cylindro-coni-
ques, les segments de Lantermann, qui se disposent les uns au-dessus des au¬
tres et qui s’emboîtent réciproquement, le sommet de l'un pénétrant dans la
base de l’autre : les divers segments s’imbriquent ainsi comme les tuiles d’un
toit ou, plus exactement, s'empilent comme des cornets d’oublies.
Ivühne et Ewald (1877) ont décrit dans l’épaisseur de la myéline, une sorte
de réticulum dont la ligure ci-contre (fig. 5),que nous empruntons à Gedoelst,

nous donne une idée exacte. La substance qui forme ce réticulum, fort diffe-
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

rente de la myéline proprement dite, présente les caractères physiques et chi¬


miques de la substance cornée : pour cotte raison, elle a reçu de Kïuine et
Ewald le nom de neurokératûne. Gedoelst qui, plus récemment, a étudié à
nouveau le réticulum de Kühne et Ewald, n’admet pas sa nature cornée. Pour
lui, il serait formé par une substance albuminoïde analogue, sinon identique,
à la plastine de Relneke et aurait la même signi¬
fication que celui que l’on rencontre dans toutes
les cellules. Ceci n’a rien que de très naturel, la
myéline, comme nous le verrons plus loin, étant
en réalité l’un des éléments constitutifs d’une cel¬
lule.
c) Gaine de Schwann et ses noyaux. •— La gaine
de Schwann, ainsi appelée du nom de celui qui l’a
découverte en 1839, est une membrane extrême¬
ment mince, élastique, transparente, entièrement
amorphe, enveloppant sur tout son pourtour le
manchon de myéline. Elle présente les plus gran¬
des analogies avec le sarcolemme, qui entoure la
fibre musculaire striée. Nous verrons tout à l’heu¬
re qu’elle a, morphologiquement, la signification
d’une membrane cellulaire. Sur la face interne de
Fig. 7.
la gaine de Schwann, on rencontre de loin en loin
Schéma montrant le mode
de constitution d’un (fig. 6; des noyaux ovalaires à grand axe longitu¬
étranglement annulaire-
dinal : ce sont les noyaux de la gaine de Schwann.
1, cylindraxe. — 2, gaine
de myéline. — 3, gaine de Ces noyaux dépriment à leur niveau la gaine de
Schwann. — 4, couche pro¬
toplasmique sous-jacente à
la gaine de Schwann. — myéline et s’y creusent une sorte de cupule, com¬
5, gaine de Mauthne-r, se
continuant, au-dessus de la me eux allongée en sens axial. Ils reposent là au
myéline, avec la couche
protoplasmique précitée. — sein d’une masse de protoplasma granuleux, qui les
6, étranglement annulai¬
re. — 7, renflement biconi- entoure de toutes parts et les isole ainsi de la myé¬
que. — 8, 8’, deux segments
interannulaires consécutifs. line et de la gaine de Schwann. Ajoutons que ce
protoplasma périnueléaire n’existe pas seule¬
ment au niveau des noyaux, mais, au-dessus et au-dessous d’eux, s’étale sur
la face interne de la gaine de Schwann en une couche très mince, mais con¬
tinue, qui sépare cette dernière membrane de la gaine de myéline.
d) Etranglements annulaires et segments interannulaires. — Nous avons
dit plus haut que la fibre nerveuse avait une forme cylindrique. C’est là, en
effet, sa forme générale, mais il convient d’ajouter que le cylindre n’est pas
exactement régulier. Si on suit une fibre dans une certaine longueur, on ren¬
contre de distance en distance des parties brusquement rétrécies (fig. 7),
ANATOMIE /

auxquelles Ranvier a donné le nom à’étranglements annulaires des nerfs ; on


dirait, en effet, qu’il existe, à leur niveau, une sorte d’anneau élastique qui
enserre et étrangle la fibre nerveuse au point de diminuer son diamètre de
moitié.
L’observation nous apprend que, pour une libre nerveuse donnée, les
étranglements annulaires présentent la constitution suivante (fig. 7). -— La
rriyéline tout d'abord, au niveau de l’étranglement, est nettement interrom¬
pue. Si on examine, en effet, des libres nerveuses traitées par l'acide osmique,
qui, comme on le sait, a la propriété de colorer la myé¬
line en noir, on remarque que les étranglements sont
marqués par des barres transversales claires qui vont
d’un bord à l’autre de la fibre nerveuse : on 11e saurait
demander, de l’interruption de la myéline sur ce point,
une démonstration à la fois plus simple et plus pré¬
cise. On constate en outre que, au-dessus et au-dessous
de l’étranglement, le manchon de myéline se renfle en
forme de baguette de tambour et se termine par une
surface arrondie régulièrement (Rénaux). Le cy-
lindraxe, contrairement à sa gaine de myéline, traver¬
se l’étranglement sans s’interrompre. Toutefois, il di¬
minue légèrement de calibre : comme le démontre la Fig. 8.
Un faisceau nerveux du
figure 7, il s’effile peu à peu jusqu’au niveau de l’an¬ nerf thoracique de la
neau ; puis, après l’avoir traversé, se renfle graduel¬ souris, après imprégna¬
tion d’argent (d’après
lement pour reprendre ses dimensions premières. — Ranvier) .
On voit, au niveau de cha¬
La gaine de Schwunn, quand cesse la myéline, s’inflé¬ que étranglement annulai¬
re, une petite croix latine,
chit en dedans et se rapproche ainsi du cylindraxe, dont la branche longitudi¬
nale est formée par le cylin¬
sans toutefois arriver à son contact. S’infléchissant draxe, la branche transver¬
sale par l’anneau de l’étran¬
alors en dehors, elle s’écarte du cylindraxe et, de nou¬ glement annulaire.

veau, vient recouvrir la myéline quand celle-ci, au-


dessous de 1 étranglement, fait sa réapparition autour du cylindraxe. La gai¬
ne de Schwann n’est donc pas interrompue au niveau de l’étranglement de
Ranvier et c’est elle qui, par sa partie la plus rapprochée du cylindraxe, for¬
me 1 espèce d anneau élastique, signalé ci-dessus, à la présence duquel est dû
l’étranglement.
Entre l’anneau que forme la gaine de Schwann et le cylindraxe, se dispose
en sens horizontal un disque biconvexe qui, en raison de sa forme, a reçu de
Ranvier le nom de renflement biconique : il paraît constitué, en effet, par
deux cônes égaux entre eux, qui seraient réunis par leur base et dans l’axe du¬
quel passerait le cylindraxe. Par son bout périphérique ou circonférence, le
8 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

renflement biconique est immédiatement en contact avec l’anneau de l’étran¬


glement. 11 représente ainsi une sorte de diaphragme, séparant l’un de l’au¬
tre le manchon de myéline qui est au-dessus de celui qui est au-dessous.
Lorsqu’on soumet un petit nert' à l’action d'une solution de nitrate d’ar¬
gent (fig. 8), on voit se dessiner en noir, le long des fibres nerveuses, de
toutes petites croix, que Ranvier a désignées sous le nom de croix latines. Ces
croix répondent chacune à un étranglement annulai¬
re : La branche transversale de la croix représente
l’anneau de l'étranglement ; quant à la branche lon¬
gitudinale, elle n’est autre que le cylindraxe.
Ranvier estime que c’est au niveau des étrangle¬
ments annulaires, là où fait défaut la gaine myélini-
que, que s’effectuent, pendant la vie, les échanges os¬
motiques entre les fibrilles cylindraxiles et les liqui¬
des nutritifs qui circulent dans l’épaisseur des fais¬
ceaux nerveux.
Les étranglements annulaires que nous venons de
décrire, en se succédant régulièrement le long d’une
libre nerveuse à myéline, décomposent celle-ci en un
certain nombre de segments, superposés bout à bout :
ce sont les segments interannulaires. La fibre nerveu¬
se, envisagée dans son ensemble, peut donc être con¬
sidérée comme un composé de segments interannu¬
laires, s’ajoutant les uns aux autres dans le sens de la
longueur et ayant chacun pour limites deux étrangle¬
ments annulaires consécutifs.

Fig. 9.
L’observation directe nous apprend : 1° que chaque
Portion de réseau des segment interannulaire possède un noyau et n’en pos¬
fibres de Remak du
pneumogastrique du sède qu’un ; 2" que ce noyau se trouve placé à la par
chien (Ranvier). lie moyenne du segment, c’est-à-dire à égale distance
1, fibre de Remak. — 2,
noyau. — 3, protoplasma. de l’étranglement qui est au-dessus et de l’étrangle¬
— 4, bifurcation de la
fibre. ment qui est au-dessous. Nous savons déjà que le noyau
en question est entouré de toutes parts par une petite
masse de protoplasma. Or, ce protoplasma se prolonge, au-dessus et au-des¬
sous du noyau, sous la forme d’une lame extrêmement mince, qui tapisse
dans toute son étendue la surface interne de la gaine de Schwann. Arrivé à
l’étranglement annulaire, il s’infléchit en dedans en même temps que la
gaine de Schwann, recouvre de dehors en dedans l’extrémité renflée du man¬
chon myélinique, atteint le cvlindraxc et, là, recouvre ce dernier (gaine de
ANAtoMiK 9

MuUthner) jusqu’au prochain étranglement. Il résulte d’une pareille descrip¬


tion que la myéline est entourée surtout son pourtour'par une lame cellu¬
leuse, mince mais continue, qui la sépare à la fois de la gaine de Schwann et
du cylindraxe.
Morphologiquement, les segments interannulaires peuvent être considérés
comme autant de cellules ajoutées bout à bout et traversées par le cylindraxe.
Ces cellules péricylindraxiles présentent la plus grande analogie avec les cel¬
lules adipeuses : les unes et les autres se composent d’une membrane d’enve¬
loppe, d’un noyau et d’un protoplasma, au sein duquel se sont développés
le bloc graisseux pour la cellule adipeuse, le bloc myélinique pour la cel¬
lule péricylindraxile. L’embryologie justilie pleinement une pareille inter¬
prétation. Quoi qu’il en soit, le cylindraxe reste la partie vraiment essentielle
de la libre nerveuse à myéline, les autres parties, parties surajoutées, parties
accessoires, ayant dans leur ensemble la signification d’un appareil de pro¬
tection ou de perfectionnement.

2° Fibres de Remak. — Les libres de Remak sont des libres nerveuses


entièrement dépourvues de myéline et de gaine de Schwann. On les désigne
encore sous le nom de fibres amyéliniques ou de fibres pâles. Ces fibres
sont particulièrement abondantes dans les filets nerveux dépendant du grand
sympathique. Mais on les rencontre aussi dans les nerfs cérébro-spinaux,
mêlées en proportion plus ou moins grande aux libres à myéline.
Vue en long, après dissociation convenable (dig. 9), la libre de Remak se
présente sous la forme d’une tige cylindrique, striée dans le sens de la lon¬
gueur. A sa surface se voient de loin en loin des noyaux ovalaires, allongés
dans le sens de la direction.de la libre et contenus dans une petite masse de
protoplasma granuleux, qui s’étale à la surface de la fibre nerveuse en une
miqce couche, donnant à cette dernière une enveloppe plus ou moins éten¬
due, mais toujours incomplète.
Vue en coupe transversale, la fibre de Remak revêt la forme d’un disque,
à la surface duquel se voient une multitude de petits points fortement tassés
les uns contre les autres.
Ce double aspect de la fibre de Remak, striée longitudinalement quand on
la voit en long, formée par des amas de petits points quand on la voit en
coupe, s’explique nettement par la nature même de la fibre, qui est consti¬
tuée, comme le cylindraxe, par une série de fibrilles dirigées parallèlement
et accolées les unes aux autres. Les fibres amyéliniques présentent cette par¬
ticularité importante qu’elles se divisent et s’anastomosent entre elles au
cours de leur trajet, formant ainsi dans leur ensemble « un vaste plexus dont
les mailles sont dans tous les sens » (Rvnvier).
10 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

Morphologiquement, les fibres de Remak sont de véritables fibres nerveu¬


ses, servant, au même titre que les fibres à myéline, à la conduction de l'in¬
flux nerveux. Ce sont des fibres nerveuses qui sont restées à l’état embryon¬
naire et qui, tout en étant moins complexes que les fibres à myéline, ne
diffèrent pas essentiellement de ces dernières. Nous en avons la preuve dans
ce fait, mis en lumière par Ranvier, que, si" l’on suit certaines fibres à

myéline du sympathique abdominal, on voit ces fibres, au cours de leur


trajet, perdre successivement leur myéline et leur gaine de Schwann et se
transformer ainsi en de véritables fibres de Remak.

3° Tissu conjonctif des


nerfs, texture des cordons
nerveux. — Les nerfs sont
un composé de fibres ner¬
veuses, les unes à myéline,
les autres sans myéline, acco¬
lées et unies ensemble par du
/
tissu conjonctif. Comme on
le voit nettement sur une
coupe transversale pratiquée
sur un nerf volumineux, le
sciatique par exemple (fig.
10'i, les fibres nerveuses ï>e
groupent systématiquement
1, 1, faisceaux nerveux. — 2, 2, gaine lamelleuse. •— 3, tissu
conjonctif interfasciculaire. — 4, tissu conjonctif intrafasci- en Ull grand nombre de fais-
culaire. — 5, artère dans le tissu conjonctif interfasciculaire.
— 6, artériole dans le tissu conjonctif intrafasciculaire. Ceaux indépendants, dits fais¬
ceaux nerveux. Ces faisceaux
présentent ce caractère essentiel qu’ils sont entourés chacun par une gaine
conjonctive, à laquelle Ranvier a donné le nom de gaine, lamelleuse. Cette
gaine lamelleuse laisse échapper, par sa surface interne, de nombreux pro¬
longements, qui pénètrent en sens radiaire dans le faisceau nerveux corres¬
pondant et divisent celui-ci en faisceaux plus petits, c’est le tissu, conjonctif
intrafasciculaire. Enfin, tous les faisceaux nerveux, dans un même nerf,
sont unis les uns aux autres par du tissu conjonctif lâche qui leur forme une
gaine commune. C’est, le tissu conjonctif interfasciculaire.
a) Gaine lamelleuse. — La gaine lamelleuse ou périnèvre entoure le fais¬
ceau nerveux à la manière d’un tube ou d’un manchon.
Sur les faisceaux de tout petit diamètre, cette gaine, relativement simple,
est formée par un seul feuillet extrêmement mince, transparent, d’aspect
hyalin : elle prend alors le nom de gaine de Henle.
ANATOMIE 11

Sur les faisceaux plus volumineux, la gaine lamelleuse, beaucoup plus


complexe, est constituée par des lamelles multiples (fig. 11), qui se disposent
concentriquement, autrement dit forment une série de tubes emboîtés les uns
dans les autres. 11 convient d’ajouter que ces lamelles concentriques ne sont
pas indépendantes les unes des autres, mais s’envoient réciproquement des
lamelles anastomotiques, formant ainsi un système continu, auquel Ranvjer

a donné le nom de système de tentes.


Histologiquement, les feuillets constitutifs de la gaine lamelleuse se compo¬
sent essentiellement de faisceaux conjonctifs et de
libres élastiques juxtaposés ou diversement entre¬
croisés, unis entre eux par une substance hyaline.
Sur chacune de leurs deux faces se disposent, en un
revêtement continu, des cellules endothéliales, que
décèlent nettement les imprégnations d’argent.
b) Tissu conjonctif intrafasciculaire. -— Le tissu
intrafasciculaire ou endonèvre occupe, comme son
nom l’indique, l’épaisseur même du faisceau ner¬ 2—

veux. 11 s’y présente sous deux aspects (Ranvier) .

1° sous la forme de minces cloisons qui, se déta¬


chant de la surface interne de la gaine lamelleuse,
pénètrent dans le faisceau nerveux et le décom¬
posent en un nombre plus ou moins considérable
de fascicules ; 2° sous forme de libres conjonctives Fig. 11.
Gaine lamelleuse d’un
isolées, cheminant dans les interstices des fibres vue
faisceau nerveux
nerveuses. Il n’v a pas de fibres élastiques dans les en coupe longitudinale
(,schématique).
faisceaux nerveux. Aux fibres conjonctives s’ajou¬ 1, quatre lamelles dispo¬
sées concentriquement. —
tent, dans le tissu conjonctif intrafasciculaire, de 2, 2, feuillets anastomotiques
unissant deux lamelles voi¬
nombreuses cellules de tissu conjonctif, cellules sines. — 3, espaces inter-
lamellaires. — 4, revêtement
plates, avec des prolongements plus ou moins longs, endothélial.

prenant exactement l’empreinte des libres nerveuses


ou des faisceaux conjonctifs sur lesquels elles sont appliquées.
c) Tissu conjonctif interfasciculaire. — Le tissu conjonctif interfascieu-
laire, encore appelé épinèvre ou névrilème, unit entre eux les différents fais¬
ceaux nerveux qui entrent dans la constitution d’un nerf et, d’autre part,
forme à celui-ci une sorte de gaine qui l’enveloppe de toutes parts. Par sa
nature histologique, le névrilème appartient à la variété du tissu conjonctif
lâche : il présente, outre les éléments propres au tissu conjonctif, des cellu¬
les adipeuses en nombre variable, disséminées ou disposées par groupe. Au
voisinage des faisceaux nerveux, le tissu conjonctif interfasciculaire se tasse,
12 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

devient plus dense et prend peu à peu la forme de lames : il établit ainsi la
transition entre le tissu conjonctif lâche et ce tissu extrêmement serré qui
forme la gaine lamelleuse. A la périphérie du nerf, il se confond insensible¬
ment avec le tissu conjonctif ambiant.
d) Résumé. — lin résumé, tout cordon nerveux d’un certain calibre, un
médian, un sciatique, un glosso-pharyngien, etc., contient une double
charpente conjonctive, constituée l'une par du tissu conjonctif commun,
l’autre par du tissu conjonctif différencié sous forme lamelleuse.

1° Le tissu conjonctif commun comprend, tout d’abord, une enveloppe


dense, fibreuse, élastique, plus ou moins résistante, qui entoure le cordon
nerveux et ses branches de division. Bichat lui a donné le nom de névri-
lème, nom qui est encore souvent employé en anatomie, soit descriptive, soit
médico-chirurgicale. — La face externe du névrilëme se continue avec le
tissu cellulaire ambiant. — De sa face interne se détachent des travées de
tissu conjonctif lâche, qui plongent dans le nerf et le cloisonnent en séparant
les uns des autres les faisceaux de libres nerveuses qui entrent dans sa cons¬
titution : Ranvieu a décrit ces travées sous le nom de tissu conjonctif péri-
fasciculairc ou interfasciculaire ; Axel Key et Retzius lui ont donné le nom
d’épinèvre. Quelques-uns de leurs éléments s’insinuent presque dans l’inté¬
rieur des faisceaux nerveux et y forment, entre les libres nerveuses, le tissu
conjonctif inlrafasciculaire de Ranvier ou endonèvre cLAxel Key et Retzius.

2° Le tissu conjonctif différencié sous la forme lamellaire entoure les


faisceaux nerveux jusqu’à leur terminaison, en se divisant et se subdivisant
au niveau de l’émergence de leurs branches et de leurs rameaux. Robin,

qui avait vaguement reconnu son existence autour des gros faisceaux,
l’avait décrit sous le nom de périnèvre. Tout le monde le désigne aujour¬
d’hui sous celui de gaine lamelleuse de Ranvier. Lorsque, au voisinage de
la terminaison du nerf, ces gaines lamelleuses ne contiennent que une ou
un tout petit nombre de fibres nerveuses, on les appelle des gaines de H et de.

4° Vaisseaux et nerfs. — A l’exception des plus petits filets nerveux,


qui sont dépourvus de vaisseaux et qui empruntent leurs éléments nutritifs
aux réseaux vasculaires du voisinage, tous les nerfs possèdent des artères, des
veines, des lymphatiques et des nerfs.
a) Artères. — Chaque nerf, soit superficiel, soit profond, a une ar¬
tère qui lui appartient en propre. Cette artère, qui provient des sources les
plus diverses, s’atténue naturellement au fur et à mesure qu’elle s’éloigne de
son origine : mais elle est renforcée ou plutôt remplacée, au cours de son
trajet, par des anastomoses successives que lui envoient les artères voisines.
ANATOMIE ta

En ce qui concerne leur mode de terminaison, les artères des nerfs forment
tout d’abord, dans le tissu conjonctif interfasciculaire, des réseaux irrégu¬
liers à mailles longitudinales. De ce premier réseau partent des artérioles qui
traversent obliquement les gaines lamelleuses ci-dessus décrites, arrivent
dans l’épaisseur des faisceaux nerveux en suivant les cloisons du tissu con¬
jonctif intra-fasciculaire et, finalement, se résolvent en un réseau capillaire,
dont les mailles, longitudinales, sont immédiatement en contact avec les
libres nerveuses.
b) Veines. — Les veines issues de ce réseau capillaire se portent à la surface
extérieure du nerf, où elles'se disposent suivant une modalité analogue à celle
des artères. Elles se jettent dans les veines voisines.
c) Lymphatiques. — Les faisceaux nerveux eux-mêmes ne présentent
aucune trace de canaux lymphatiques : la lymphe y circule, comme sur bien
d’autres points de l’organisme, dans les interstices des éléments anatomiques.
Ce n’est que dans le tissu conjonctif interfasciculaire que l’on rencontre de
véritables vaisseaux lymphatiques.
d) Nerfs. — Les nerfs les plus volumineux possèdent, dans leur tissu con¬
jonctif interfasciculaire, des fibres nerveuses qui accompagnent les vaisseaux,
ce sont les nervi nervorum. Leur signification n’est pas encore nettement élu¬
cidée. Sans doute, la plupart d’entre eux sont des vaso-moteurs, chargés de
régulariser la circulation et les échanges nutritifs ; mais il paraît rationnel
d’admettre que, à côté de ces filets vasculaires, se trouvent aussi quelques
filets sensitifs.

§ 2. - GANGLIONS

Les ganglions nerveux sont des renflements plus ou moins volumineux


qui sont situés sur le trajet des nerfs, soit cérébro-spinaux, soit sympathi¬
ques. Ils diffèrent des nerfs en ce qu’ils possèdent à la fois des libres et des
cellules. Du reste, comme nous le verrons plus loin, ils présentent avec eux,
au double point de vue anatomique et physiologique, des relations intimes.
Morphologiquement, les ganglions nerveux, d’après leur situation, se di¬
visent en trois groupes : 10 les ganglions spinaux, qui sont situés à la partie
externe des racines sensitives des nerfs rachidiens ; 2° les ganglions crâniens
ou cérébraux, qui sc trouvent sur le trajet des nerfs sensitifs bulbo-protubéran-
liels (ganglion plexiforme, ganglion jugulaire, ganglion d’Andersch, ganglion
de Casser, etc.) ; 3° les ganglions sympathiques, qui se développent, soit sur
le tronc même du sympathique, soit sur ses ramifications. Comme nous
l’avons fait pour les nerfs proprement dits, nous laisserons ici de côté les gan-
14 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

glions sympathiques pour ne nous occuper que des ganglions cérébro-


spinaux.
Tous les ganglions cérébro-spinaux, quel que soit le nerf auquel ils appar¬
tiennent, se composent : 1° d’un stroma conjonctif : 2° de cellules nerveuses ;
3° de fibres nerveuses ; 4° de vaisseaux.

1° Stroma conjonctif. — Le tissu conjonctif des ganglions, continua¬


tion de celui des nerfs correspondants, forme tout d’abord à la masse gan¬
glionnaire une sorte d’enveloppe plus ou moins épaisse, qui l’entoure de
toutes parts
De cette enveloppe se détachent des prolongements ou cloisons qui, en se
portant de la périphérie au centre, circonscrivent des espèces de loges, dans
lesquelles se disposent les éléments nerveux.
Le stroma conjonctif des ganglions nerveux nous présente, comme le tissu
conjonctif interfasciculaire des nerfs, des faisceaux du tissu conjonctif diver¬
sement entrecroisés, des fibres élastiques, des cellules conjonctives et des
cellules adipeuses.

2° Cellules nerveuses. — Les cellules nerveuses des ganglions cérébro-


spinaux ont une forme globuleuse, assez régulièrement sphérique. Leurs di¬
mensions, fort variables (grandes, moyennes, petites), oscillent ordinairement
entre 40 [x et 70 On les divise, d’après le nombre et la disposition de leurs
prolongements, en deux groupes ; 1° des cellules à un seul prolongement,
ce sont les cellules unipolaires ; 2° des cellules à'prolongements multiples, ce
sont les cellules multipolaires.

a) Cellules unipolalres. — Les cellules unipolaires ont pour caractère es¬


sentiel de n’avoir qu’un seul prolongement. Elles constituent l’élément pré¬
pondérant de la masse ganglionnaire. Chacune d’elles nous offre à considérer
les quatre éléments suivants.: 1° un corps cellulaire ; 2° un noyau ; 3e une
capsule ; 4° un prolongement.
a) Corps cellulaire. — Le corps cellulaire présente ici, comme pour
les autres cellules des centres nerveux, une substance chromatique et une
substance achromatique. — La substance achromatique (c’est-à-dire qui ne
se colore pas par la méthode de Nissl) est représentée par des filaments extrê¬
mement fins, disposés en réseau, c’est le réseau endocellulaire ou intracellu¬
laire. Ce sont ces filaments qui, en se rapprochant et en s’accolant au niveau
de l’origine du prolongement cellulaire, forment les fibrilles constitutives de
ce prolongement. — La substance chromatique (c’est-à-dire qui se colore par
la méthode de Nissl) se compose essentiellement de granulations chromophi-
ANATOMIE 15

les, très variables dans leur nombre comme dans leur volume, lesquelles se
disposent à la fois dans les mailles et sur les travées du réticulum endocellu-
laire. De la quantité plus ou moins considérable des grains chromatiques ré¬
sulte une différence d aspect des cellules, qui les a fait diviser en cellules obs¬
cures et cellules claires, les premières étant remplies de grains chromatiques,
les secondes n’en possédant que sur certains points. Il existe ordinairement
dans les cellules claires une zone périphérique qui est entièrement dépourvue
de ces granulations.
b) Noyau. — Le noyau, dans la cellule uni¬
polaire, est ordinairement unique et situé au
centre du corps cellulaire. 11 est arrondi en
ovalaire et ses dimensions varient avec celles
de la cellule qui le renferme. A son centre se
voit un nucléole volumineux
c) Capsule. — La capsule apparaît sous la for¬
me d’une membrane hyaline entourant tout le
pourtour de la cellule ganglionnaire et présen¬
tant sur sa face interne une série de noyaux
ovalaires. Ces noyaux, comme nous le démon¬
trent les imprégnations d’argent, appartiennent
Fig. 12.
à des cellules aplaties et à contours polygonaux, Cellule unipolaire d’un gan-
glion spinal du lapin, mon-
véritables cellules endothéliales, formant un re¬
trant le réseau emdocellulaire
vêtement continu qui rappelle celui des gaines et le cône d’origine du pro¬
longement, traitée par la mé¬
lamelleuses des nerfs : la cellule ganglionnai¬ thode de Nissl (d’après Van
Gehuchten) .
re, comme le faisceau nerveux, se trouve donc
contenue dans une sorte de séreuse.
Au-dessous de la capsule, la méthode de Golgi révèle l’existence d’un lacis
de fines fibrilles, qui s’étalent entre les cellules endothéliales et le protoplas¬
ma cellulaire. Ces fibrilles, décrites d'abord par Ehrlich chez la grenouille,
puis par Ramon x Cajal chez les mammifères, sont considérées par ce dernier
histologiste comme l’arborisation terminale d’une fibre nerveuse d’origine
mal connue, qui apporterait à la cellule ainsi enlacée les incitations nerveuses
élaborées dans une autre cellule plus ou moins éloignée, probablement une
cellule sympathique.
A ce réseau sous-capsulaire ou profond, s’ajouterait parfois un autre lacis
de fibrilles, celui-ci superficiel ou péricapsulaire qui, comme son nom l’indi¬
que, occuperait la surface externe de la capsule, et que bon nombre d’auteurs
considèrent comme constituant un véritable réseau. Nous devons faire les
plus grandes réserves au sujet de ce réseau péricapsualire, qui pourrait bien
u; CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

n’être qu’un produit artificiel et, dans le cas où il existerait réellement, n’être
pas de nature nerveuse.
d) Prolongement. — Le prolongement unique des cellules ganglionnaires
unipolaires, véritable fibre nerveuse, émane du protoplasma cellulaire et,
pour spécifier, du réticulum nerveux qui forme la substance achromatique.
11 commence dans la cellule elle-même par une partie évasée en forme de
cône, le cône d’origine du cylindraxe. Comme nous le montre la figure ci-
contre (fig. 12), ce cône d’origine a une structure nettement fibrillaire et,
d’autre part, les granulations
chromophiles y font complète¬
ment défaut. Au sortir de la
cellule, le prolongement ou
cylindraxe prend sa gaine de
Schwann et sa myéline et se
transforme ainsi en une fibre
nerveuse complète. Bientôt
après, elle présente un premier
étranglement annulaire, puis
un second et se partage, au ni¬
veau de ce deuxième étrangle¬
ment, en deux branches plus ou
moins divergentes, l’une un
peu plus volumineuse, l’autre
plus grêle.
Ces deux branches de bifur¬
Deux cellules des ganglions spinaux du chat :
A, réseau superficiel péricapsulaire ; B, réseau cation se disposent l’une et
profond ou péricellulaire (d’après Dogiel). l’autre suivant une même
ligne droite, ou bien s’écar-
lenl l’une de l’autre sous un angle variable. Dans le premier cas, elles for¬
ment la branche transversale d'un T majuscule, dont la branche verticale
serait représentée par la fibre-mère : on dit alors que la fibre nerveuse se bi¬
furque en T- Dans le second cas, les trois fibres (fibre-mère et fibres diver¬
gentes) rappellent assez bien, dans leur disposition générale, la lettre Y et
on dit alors que la fibre qui provient de la cellule ganglionnaire se bifurque
en Y. Les deux dispositions, on le voit, sont morphologiquement analogues
et les deux expressions de fibres en T et de fibres en Y deviennent ainsi sy¬
nonymes.
Les deux branches de bifurcation des fibres en T ont naturellement l’une
et l’autre la même signification anatomique que la fibre-mère dont elles éma-
ANATOMIE 17

nent : ce sont des fibres nerveuses à myéline. De ces deux fibres, l’une, celle
qui est la plus grêle se porte dans le névraxe et s’y résout en une arborisation
terminale libre ; l’autre, la plus volumineuse, se dirige vers la périphérie et
s’y termine également par une extrémité libre.
En examinant à un fort grossissement la bifurcation du prolongement, uni¬
que des cellules ganglionnaires, ou constate nettement (Lugaho, Miciiotte)
tpie les neurolibrilles qui entrent dans la constitution de ee prolongement uni¬
que se partagent (fig. 15), au niveau du point où se
fait la bifurcalion, en deux faisceaux divergents : un 2..

faisceau ascendant (c’est le plus petit), qui devient le


cylindraxe de la branche de bifurcation ascendante
et qui va aux centres nerveux ; un faisceau descen¬
dant (c’est le plus volumineux), qui devient de même
le cylindraxe de sa branche de bifurcation descen¬
dante et qui se rend à la périphérie. 11 paraît donc
rationnel d’admettre que le cylindraxe du prolonge¬
ment unique renferme à la fois, intimement acco¬
lées, mais- non fusionnées, les fibrilles descendantes
de sa brandie périphérique et les fibrilles ascendan¬
tes de sa branche centrale. Et cela est d’autant plus
Fig. 14.
vraisemblable que, suivant la remarque de van Ge-
Cellule unipolaire d’un
iiücjiten, l’épaisseur du cylindraxe de ce prolonge¬ ganglion spinal sur un
fœtus humain (d’après
ment unique équivaut à peu de chose près à l’épais¬ Tourneux).

seur des cylindraxes réunis des deux prolongements 1, corps de la cellule gan¬
glionnaire. — 2, noyaux, ap¬
(pii en proviennent. partenant à la couche endo¬
théliale de l’enveloppe. —
3, étranglement annulaire.
E’anatomie comparée d’une part, l’embryologie de — 4, bifurcation en T. — On
voit que le segment nerveux
l’autre, confirment pleinement une pareille interpré¬ qui fait immédiatement sui¬
te à la cellule nerveuse est
tai ion. Primitivement, les cellules des ganglions séparé de la bifurcation en
T par un court segment in¬
cérébro-spinaux sont bipolaires, donnant naissance à tercalaire.

deux fibres, une à chaque pôle. Plus tard, au cours


du développement, les extrémités initiales de ces deux fibres se rapprochent
graduellement sur l’un des côtés de la cellule et finissent par arriver au con¬
tact, semblant alors prendre sur le protoplasma une origine commune. Plus
tard encore, elles s’accolent l’une à l’autre sur une longueur plus ou moins
grande, au point de ne former, dans toute l’étendue de leur accotement,
qu une seule fibre, laquelle se bifurque au niveau du premier ou du second
étranglement annulaire. La cellule unipolaire, type de Vadulte, est ainsi
constituée. Rappelons à ce sujet que, chez l’homme, il y a deux ganglions
cérébro-spinaux, te ganglion de Corfi et le ganglion de Scarpa, qui sont
TJ3S NERFS EN SOTTÉMAS 9
18 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

exclusivement constitués par des cellules bipolaires : ils ont conservé leur
disposition embryonnaire.

h) Cellules multipolaiheîs. Les cellules multipolaires, beaucoup plus


rares que les cellules uni¬
polaires, sont irrégulière¬
ment disséminées dans la
masse du ganglion. Leur
eylindraxe, après un tra¬
jet plus ou moins long et
plus ou moins flexueux
au-dessous de la capsule,
s’échappe de cette derniè¬
re pour suivre les direc¬
Fig. 15.
Bifurcation, dans un ganglion rachidien du chien, du tions les plus diverses.
prolongement unique d’une cellule unipolaire (d’après
Michotte, avec de légères modifications).
Quant aux dendrites, gé-
1, cellule unipolaire (en pointillé). — 2, prolongement unique, neralement fort COUl'tes et
— 3. eylindraxe, avec 3’. sa bifurcation. — 4, branche centrale
(cellulifuge). — 5, branche périphérique (cellulipète). peu OU point ramifiées,
elles présentent cette par¬
ticularité intéressante qu’elles se terminent par des sortes de renflements qui,
suivant les cas, affectent la forme de massue, de cône, de spatule, de boule.
Ces prolongements mu¬
nis de boules sont de deux
sortes. Les, uns, très
courts, se terminent dans
la cellule même dont ils
proviennent, au milieu
des éléments épithéliaux
de la capsule. Les autres,
beaucoup plus longs, fran¬
chissent la capsule pour
venir se terminer, à une
Fig. 16.
distance plus ou moins
Une cellule fenêtrée du ganglion plexiforme du vague
grande, entre les cellules d’un homme de 6o ans (d’après Ramon y Cajal).
a, eylindraxe. — b, prolongement protoplasmique avec son
nerveuses du ganglion : renflement terminal. — c, cellules endothéliales de la capsule.

leur globule terminal, ou


boule, est entouré d’une capsule endothéliale rappelant de tous points la cap¬
sule péricellulaire.
T,a signification des boules placées à l’extrémité libre des prolongements
ANATOMIE 19

dendritiques des cellules multipolaires n’est pas encore bien élucidée. Ramon

y Cajal, les comparant aux corpuscules de Krause ou de Merkel, incline à

penser qu’elles pourraient bien avoir pour rôle de recueillir, au sein même du
ganglion, des impressions que les dendrites qui leur font suite amèneraient
ensuite à la cellule, mais ce n’est là qu’une hypothèse.

c) Fibres nerveuses. — Des fibres nerveuses que renferme le ganglion


cérébro-spinal, les fibres en T, qui émanent des cellules ganglionnaires uni¬
polaires et qui représentent à la fois la terminaison des nerfs sensitifs et l’ori¬
gine des racines postérieures, forment sans conteste le groupe le plus impor-

Fig. 17. Fig. 18.


Cellule multipolaire d’un ganglion cé¬ Autre cellule multipolaire à prolonge¬
rébro-spinal à prolongements proto¬ ments pTOtoplasmiques terminés en
plasmiques terminés en boule : les boule : les prolongements vont se ter¬
prolongements restent dans la cellule miner en dehors de la cellule (d’après
(d’après Ramon y Cajal). Ramon y Cajal).
a, cylindraxe. — />, prolongement protoplas¬ a, cylindraxe. — b, prolongement protoplas¬
mique avec son renflement en boule. — , cel¬ mique avec son renflement en boule. — c, cel¬
lules endothéliales de la capsule. lules endothéliales de la capsule.

tant. Mais à ce groupe s’en ajoutent d’autres, d’une signification bien dif¬
férente.
Nous avons, tout d’abord, les prolongements dendritiques (munis de bou¬
les) des cellules multipolaires, qui vont se terminer en dehors de la cellule,
et, aussi, des prolongements cylindraxiles de ces mêmes cellules multipolai¬
res, dont la destinée nous est encore inconnue.
Nous avons, ensuite, des fibres d’origine spinale, centrifuges et probable¬
ment motrices ou vaso-motrices, qui font partie des racines postérieures et
qui traversent le ganglion de part en part sans présenter aucune relation avec
ses éléments cellulaires.
Nous avons, enfin, un certain nombre de fibres sympathiques, signalées
par Ramon y Cajal, qui, du ganglion sympathique voisin, remontent par les
rami communicantes jusque dans le ganglion spinal et s’y divisent en deux
ou plusieurs branches. De ces branches, les unes ne font que traverser le
20 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR I ES NERFS

ganglion pour gagner les racines rachidiennes et, de là, la moelle épinière ;
les autres semblent se perdre dans le ganglion lui-même et peut-être, comme
le fait remarquer Ramon y Cajal, forment-elles tout ou partie de ces arborisa¬
tions péricellulaires que nous avons décrites plus haut, entre la cellule ner¬
veuse ganglionnaire et sa capsule endothéliale.

d) Vaisseaux. — Les ganglions cérébro-spinaux ont une riche circulation


sanguine, ce qui indique que leurs fonctions sont très actives. Les vaisseaux
cheminent le long des travées du stroma conjonctif et, après des divisions
et subdivisions successives, se résolvent en un réseau capillaire, dont les
mailles, très étroites, enlacent les éléments nerveux. Il est à remarquer que
les capillaires sanguins sont toujours situés en dehors de la capsule endothé¬
liale qui entoure les cellules nerveuses et, par conséquent, n’arrivent jamais
en contact immédiat avec le corps cellulaire proprement dit.

§ 3. - TERMINAISON DES NERFS

On ne cite plus aujourd’hui que pour mémoire cette opinion ancienne ac¬
ceptée jadis par Valentin, par Emmert, par Prévost et Dumas, d’après la¬
quelle les nerfs, arrivés à leur destination, se recourbaient sur eux-mêmes
en formant des anses et remontaient alors vers les centres en suivant un tra¬
jet rétrograde. Les récents progrès de l’anatomie ont nettement établi que
les anses en question proviennent d’anastomoses, qui s’échelonnent sur le
trajet des nerfs, mais qu’elles ne représentent nullement des terminaisons
nerveuses.
Il est universellement admis maintenant que les fibres nerveuses, quelle
que soit leur nature, se terminent réellement au sein des divers territoires
organiques qu’elles ont pour mission de rattacher aux centres. Mais cette ter¬
minaison s’effectue suivant des modalités extrêmement nombreuses, mo¬
dalités qui varient pour ainsi dire pour chaque organe et pour chaque tissu.
11 y a 1 ieu de considérer, à ce sujet, les terminaisons motrices, les terminai¬
sons sensitives et les terminaisons sensorielles.
Les fibres motrices se terminent dans les muscles de la vie de relation par
des formations spéciales appelées plaques motrices. Ce sont de petits amas
de substance granuleuse, à contour arrondi ou ovalaire, couchés à la surface
des fibres musculaires, qui se dépriment plus ou moins à leur niveau. Elles
mesurent en moyenne 4o à 6o y de longueur, sur 35 à 4o [r de largeur et 6 à
10 R d’épaisseur. On admet généralement qu’il n’existe qu’une plaque mo¬
trice pour chaque fibre musculaire, quelle que soit la longueur de celle-ci. Le
ANATOMIE 21

cylindraxe se termine, dans l’épaisseur de la plaque motrice, par une arbori¬


sation plus ou moins complexe, dite arborisation terminale.
Les fibres sensitives se terminent encore par des extrémités libres dans les
divers territoires organiques auxquels elles sont destinées, dans les os et le
périoste, dans les ligaments et synoviales articulaires, dans les muscles, dans
le cœur, sur les vaisseaux et sur les différents segments des trois grands ap¬
pareils digestif, respiratoire et génito-urinaire.
Les fibres sensorielles, enfin, se résolvent aussi, dans la peau, dans la mu¬
queuse linguale, dans la rétine, dans le labyrinthe membraneux, en des ar¬
borisations plus ou moins riches qui se terminent, soit librement entre les
éléments histologiques, soit dans de petits appareils spéciaux qui atteignent
un très haut degré de différenciation et qui constituent : ici des corpuscules
du goût ; là, les crêtes et les taches acoustiques ; ailleurs, les corpuscules 4e
Meissner, les corpuscules de Pacini, les corpuscules de Krause, etc.
En raison même de leur diversité morphologique, les terminaisons ner¬
veuses ne sauraient se prêter à une description générale et nous renvoyons,
pour l’étude spéciale de ces terminaisons, aux traités d’Ànatomie et d’Histo-
logie.

§ 4. - APPLICATION DE LA DOCTRINE DU NEURONE


A LA CONSTITUTION ANATOMIQUE DES NERFS

L’application de la doctrine du neurone à la constitution anatomique des


cordons nerveux a modifié la description ancienne, en la complétant et en
l'éclairant d’un jour tout nouveau. Rappelons, tout d’abord, ce qu’est le neu¬
rone.

1e Ce qu’est le neurone. — Les cellules nerveuses, en général, se com¬


posent d’un corps cellulaire ou cellule proprement dite, avec deux ordres de
prolongements : 1° les uns, relativement nombreux, habituellement courts et
plus ou moins ramifiés, irrégulièrement calibrés, quelquefois noueux et va¬
riqueux, ce sont les prolongements protoplasmiques ou dendrites ; 2° les
autres, unis et lisses, régulièrement calibrés, très longs et. non ramifiés, ce
sont les prolongements cylindraxiles ou de Deiters.
Le prolongement de Deiters a pour caractéristique anatomique d’être uni¬
que pour une même cellule.
Si nous le suivons à partir de son origine sur le protoplasma cellulaire,
nous le voyons bientôt s’entourer d’une gaine de myéline et former, ainsi,
avec cette dernière, une véritable fibre nerveuse dont il constitue l’élément
22 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

essentiel, le cylindraxe. Cette libre pourra ensuite ou se terminer dans les


centrés (fig. 19 A), ou s’échapper du névraxe pour pénétrer dans un nerf
périphérique (fig. 19 B) : son cylindraxe, à quelque distance qu’on l’examine,
sera toujours la continuation directe du prolongement de Deiters, le pro¬
longement de Deiters lui-même.
Vice versa, si nous suivons de dehors en dedans une libre à myéline, nous
la voyons, après un certain parcours, se dépouiller de sa gaine myélinique ;
puis, le cylindraxe ainsi mis à nu, se continuer sans ligne de démarcation
aucune, avec un prolongement de Deiters et, par ce dernier, aboutir à une
cellule nerveuse.
La fibre nerveuse se continue donc directement
s'-.-'W avec la cellule nerveuse et ne saurait être séparée :
elle fait partie intégrante de cette dernière au mê¬
me titre que les prolongements, forme ainsi un
tout continu, un tout indivisible, une véritable
unité nerveuse, à laquelle Waldeyer a donné le
-3 nom de neurone.
Le neurone peut donc être défini : toute cellule
nerveuse avec les prolongements plus ou moins
nombreux qui en émanent. Et chacun d’eux, quel¬
les que soient sa situation et sa signification bio¬
logique, comprend trois parties, savoir : 1° une
première partie centrale, qui est la cellule propre¬
Fig. 19.
Deux neurones schématiques ment dite ; 2° une deuxième partie, périphérique
(A et B) vus dans toute (par rapport à la cellule), constituée par les pro¬
leur longueur.
1, corps cellulaire avec son longements protoplasmiques et leurs ramifica¬
noyau. •— 2, prolongements pro¬
toplasmiques. — 3, prolonge¬ tions ; 3° une troisième partie, également périphé¬
ment cylindraxile avec 3’, son
arborisation terminale libre. rique, formée par le prolongement cylindraxile,
quelles que soient, du reste, la longueur et la des¬
tinée de celui-ci, qu’il reste à l’état nu ou qu’il s’enveloppe de myéline, qu’il
se termine dans les centres ou qu’il passe dans les nerfs. Nous ajouterons que
les prolongements, soit protoplasmiques, soit cylindraxiles, arrivés au terme
de leur parcours, se terminent toujours par des extrémités libres, entrant en
relations avec les prolongements des neurones voisins, non par continuité,
mais par simple contiguïté : ils sont, morphologiquement, indépendants les
uns des autres, à l’état adulte, comme à l’étal embryonnaire. C’est là un fait
d'une importance capitale en physiologie et en pathologie nerveuse.
Au point de vue fonctionnel, le corps cellulaire, dans tout neurone, est
un centre d’activité fonctionnelle : suivant la situation qu’il occupe et le rôle
ANATOMIE 23

qui lui est dévolu, il dirige vers les or¬


ganes contractiles des incitations mo¬
trices (cellules motrices), envoie aux
épithéliums glandulaires des incita¬
tions sécrétoires (cellules sécrétoires),
reçoit des impresssions venues du de¬
hors (cellules sensitives ou sensoriel¬
les), analyse ces impressions, les élabo¬
re, les transforme (cellules psychi¬
ques), etc., etc.
La cellule nerveuse est, en outre, un
centre trophique pour ses propres pro¬
longements, autrement dit tient sous
sa dépendance la nutrition de ses den-
drites et de son cylindraxe. Quant aux
prolongements eux-mêmes, ce sont de
simples conducteurs nerveux et l'ob¬
servation nous apprend que l’influx
nerveux se transmet dans un sens tout
différent pour les prolongements pro¬
toplasmiques et pour les prolonge¬
ments cylindraxiles : sur les premiers,
il va des arborisations terminales, vers
la cellule, ce qu’on exprime en disant
que dans les prolongements protoplas¬
miques la conduction est cellulipète ;
sur les seconds, il part de la cellule
pour gagner les arborisations termina¬
les, la conduction est cellulifuge. Nous
nous contenterons ici de signaler le
fait. Nous y reviendrons en détail à
propos de la physiologie spéciale des fi¬
Fig. 2D. Fig. 21.
bres nerveuses. Le neurone moteur Le neurone moteur
central périphérique
(schématique). (schématique).
Fig. 20. — 1. corps cellulaire (cellule pyramidale de l’écorce). - 2, prolongement protoplasmique.
— 3, prolongement cylindraxile, avec 3’ son arborisation terminale autour d’une cêllule radi¬
culaire de la moelle. — 4. gaine de myéline. 5, une cellule radiculaire de la moelle avec :
6, ses prolongements protoplasmiques ; 7. son prolongement cylindraxile.
Les flèches indiquent le sens dans lequel chemine l'influx nerveux.
Fig. 21. — 1, corps cellulaire (cellule radiculaire de la moelle). - 2, prolongement protoplas¬
mique. — 3, prolongement cylindraxile, avec 3’ son arborisation terminale dans la plaque mo¬
trice. ■— 4, gaine de myéline. — 5, gaine de Schwann. — 6, pie-mère spinale, marquant le
point où la fibre nerveuse s’échappe de la moelle. — 7, une fibre musculaire.
Les flèches indiquent le sens dans lequel chemine l’influx nerveux.
24 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LÈS NéKES

Ceci posé, revenons aux cordons nerveux et voyons comment nous de¬
vons concevoir aujourd’hui leur constitution anatomique.

2° Le nerf est un composé de fibres nerveuses, dont chacune repré¬


sente un prolongement d’une cellule neuronale; les neurones périphéri¬
ques ou protoneurones. — Les cordons nerveux comprennent deux ordres
de fibres : 1° des fibres motrices, centrifuges, ayant pour fonctions de trans¬
mettre aux muscles les incitations volontaires ou réflexes qui déterminent leur
contraction ; 2° des fibres sensitives, centripètes, chargées d’apporter aux
centres les impressions
M recueillies à la péri¬
phérie. Or, toutes ces
fibres appartiennent à
autant de neurones, les
uns moteurs, les autres
sensitifs, que l’on dé¬
signe sous le nom de
neurones périphéri¬
ques ou protoneuro¬
nes.
Le neurone moteur
périphérique (fig. 22)
a sa cellule, cellule
motrice, dans les cen¬
tres : dans les cornes
antérieures de la moel¬
le, pour les nerfs ra¬
chidiens; dans les dif¬
férents noyaux mo¬
teurs du bulbe et de la
Fig. 22. Fig. 23.
Proloneurone sensitif Protoneurone moteur protubérance, pour les
(schématique). (schématique).
nerfs crâniens. — Les
prolongements proto¬
plasmiques, très nombreux, mais très courts, se terminent au voisinage de la
cellule dont ils émanent. -— Le cylindraxe, au contraire très long, s’entoure
successivement de sa myéline et. de sa gaine de Schwann, sort du névraxe,
passe dans un nerf, rejoint le muscle auquel il est destiné et s’y termine dans
une plaque motrice.
Le neurone sensitif périphérique ( fig. 23) a sa cellule dans un ganglion
ANATOMIE 25

placé en dehors des centres : ganglions spinaux pour les nerfs rachidiens,
ganglions de Gasser. d’Andersch, jugulaire, plexiforme, géniculé, etc., pour
les nerfs crâniens. — Le prolongement protoplasmique, malgré sa longueur,

Fig. 24. Fig. 25. Fig. 26.


Un nerf moteur Un nerf sensitif, Un nerf mixte, avec
avec deux bran¬ avec deux bran¬ trois branches
ches collatérales, ches collatérales, collatérales, la
l’une à gauche, l'une à droite, première motri¬
L’autre à droite, l’autre h gauche, ce, la deuxième
toutes deux mo¬ toutes deux sen¬ sensitive, la troi¬
trices. sitives. sième mixte.
Dans ces trois figures, les fibres motrices sont représentées par des traits plus forts ; les fibres
sensitives, par des traits beaucoup plus fins. Les flèches indiquent le sens dans lequel se dirige
l’influx nerveux. Dans la figure 25 et la figure 26, le ganglion est représenté par six cellules ner¬
veuses, développées sur le trajet des fibres sensitives.

est représenté par la fibre qui, partant de la périphérie sensible (téguments,


muqueuses, glandes, viscères, etc.), s’incorporé à un nerf, gagne le gan¬
glion et là rejoint sa cellule. — Le prolongement cylindraxile, au sortir de
la cellule, se dirige vers le névraxe, le pénètre et, après un parcours variable,
26 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

s’y termine par une arborisation libre : dans les cornes postérieures, les
colonnes de Clarke, les noyaux de Goll et de Burdach pour les nerfs rachi¬
diens ; pour les nerfs crâniens, dans les noyaux bulbo-protubérantiels qui
leur sont destines. ,
Comme on le voit, les neurones périphériques ou protoneurones, qu’ils
soient moteurs ou sensitifs, se trouvent situés, en partie dans le névraxe, en
partie en dehors de lui. C’est ainsi que, pour le neurone moteur, la cellule, les
prolongements protoplasmiques et la portion initiale du cylindraxe font
partie des centres ; le reste du cylindraxe, sa portion la plus longue du reste,
est situé dans un nerf. Pour le neurone sensitif, la portion terminale du
cylindraxe chemine en plein névraxe ; tout le reste du neurone (portion
initiale du cylindraxe, cellule et prolongement protoplasmique) sont placés
en dehors des centres.
Nous voilà nettement lixés maintenant sur la signilication anatomo-
physiologique des libres nerveuses qui entrent dans la constitution des nerfs
sensitifs, moteurs et mixtes :
a) Les nerfs sensitifs (fig. 25) présentent tous, sur leur trajet et au
voisinage du névraxe, un ganglion, dont les éléments représentent les cel¬
lules des protoneurones sensitifs. En aval du ganglion, le nerf est formé par
les prolongements protoplasmiques de ces protoneurones, à conduction cel-
lalipète. En amont du ganglion (racines sensitives pour les nerfs rachidiens),
le nerf est constitué par les cylindraxes de ces mêmes protoneurones, à
conduction cellutifuge, lesquelles gagnent les centres nerveux et s’y termi¬
nent.
P) Les nerfs moteurs (fig. 24) sont formés par les cylindraxes des proto-
neurones moteurs à conduction cellutifuge, qui, des centres nerveux,
descendent vers les muscles et s’y terminent au niveau des plaques motrices.
y) Les nerfs mixtes (fig. 26), enfin, mélange intime de protoneurones
sensitifs et de protoneurones moteurs, renferment à la fois les cylindraxes
des protoneurones moteurs (à conduction cellulifuge) et les prolongements
protoplasmiques des protoneurones sensitifs (à conduction cellulipète).
Quant aux branches collatérales ou terminales émises par les nerfs mixtes,
elles sont, suivant les cas (fig. 26), des branches motrices, des branches sen¬
sitives ou des branches mixtes, présentant exactement la même constitution
anatomique que les nerfs moteurs, les nerfs sensitifs et les nerfs mixtes,
c’est-à-dire : 1° les branches motrices, formées exclusivement par des fibres
motrices ; 2° les branches sensitives, ne comprenant que des fibres sensitives ;
3° les branches mixtes, possédant à la fois, et dans des proportions variables,
des fibres motrices et des fibres sensitives.
PHYSIOPATHOLOGIE 27

Nous avons résumé ces notions fondamentales sur la constitution des nerfs
dans les trois figures schématiques 24, 25, 26. Nous verrons tout à l’heure com¬
bien ces schémas éclairent la marche de la dégénérescence wallérienne surve¬
nant à la suite des sections nerveuses.

ARTICLE II

PHYSIOPATHOLOGIE

Aux différences morphologiques qui existent entre les diverses portions


d’un même neurone correspndent des attributs biologiques différents eux aus¬
si ; la cellule nerveuse a d’autres propriétés physiologiques et d’autres réac¬
tions pathologiques que la libre nerveuse. Pour bien comprendre le rôle que
joue le neurone dans le fonctionnement du système nerveux, il convient
d’indiquer ce que nous savons des fonctions spéciales de chacune de ses par¬
ties. C’est là une sorte d’introduction nécessaire à l’étude de la neurologie.
Avant de nous occuper des nerfs en. particulier, nous allons donc résumer
l’état de nos connaissances • 1° sur les propriétés biologiques des différentes
parties du neurone ; 2° sur les attributs fonctionnels du neurone vivant.

§ 1. — PROPRIÉTÉS RIOLOGIQUES DES DIVERSES PARTIES DU NEURONE

1° La cellule nerveuse. — La cellule nerveuse, nous venons de le voir, com¬


prend : une membrane enveloppante, un appareil nucléaire et une masse pro¬
toplasmique au sein de laquelle flottent des inclusions dont les principales
sont les réseaux de substance chromatique, l’armature neurofibrillaire, les
agglomérats de granulations pigmentaires, et d’où partent les prolonge¬
ments protoplasmiques et cylindraxiles. A quoi servent chacune de ces par¬
ties constitutives de la cellule neuronale ? Telle est la question que nous
devons tout d’abord nous poser.

a) Membrane enveloppante. — La membrane enveloppante, très mince,


est appliquée par sa face interne contre la masse protoplasmique ; sa face
externe est en rapport avec les capsules péricellulaires qui ne sont elles-mêmes
que des sortes de sacs lymphatiques. Elle est perméable aux liquides et livre
passage, de dehors en dedans, aux substances solubles destinées à la nutrition
du corps cellulaire, et, de dedans en dehors, aux déchets de cette nutrition.
b) Appareil nucléaire. — L’appareil nucléaire est formé lui aussi d’une
28 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

membrane enveloppante et d’un contenu. La membrane enveloppante est


accolée à la substance propre du noyau qu’elle enveloppe de toutes parts sans
y adhérer intimement. Elle est perméable, comme l’enveloppe de la cellule,
aux courants osmotiques. Le contenu est composé d’un réseau plus ou moins
lâche de linite dont les travées convergent vers le nucléole, et de granulations
réfringentes dont la plupart ont une affinité élective pour les colorants acides,
mais dont quelques-uns sont franchement basophiles. L’abondance et les
réactions de ces granulations varient avec l’âge et avec certaines conditions
physiologiques et pathologiques encore incomplètement déterminées. Il est
probable quelles jouent un rôle dans l'élaboration des matériaux nutritifs
intra-nucléaires et que, par ce fait, elles sont soumises à des perpétuelles
modifications.
Le nucléole est inclus dans le noyau. Il n’en occupe pas toujours le centre
géométrique, mais il n’en est jamais très éloigné. Sa forme est régulièrement
sphérique. Il n’est pas formé, comme on le croyait naguère, par une masse
homogène ; il est composé de deux substances distinctes, l’une centrale
acidophile, l’autre périphérique basophile. Il n’y a habituellement qu’un
nucléole par noyau et qu’un noyau par cellule. On rencontre cependant quel¬
quefois des cellules nerveuses binucléées ou binucléolées. Cette particularité
qui représente d’ordinaire un stade de la multiplication des cellules vivantes
est rarement observée dans les cellules nerveuses adultes. Quand on l’y cons¬
tate, on l’explique par une malformation accidentelle datant de la période
embryonnaire, car les cellules nerveuses arrivées à leur plein développement
ne se divisent pas ; elles ont perdu la faculté de se multiplier par cariokinèse ;
elles sont, stériles. Mais si leur appareil nucléaire est privé du pouvoir de re¬
production, il n’en conserve pas moins un rôle de tout premier ordre. Il cons¬
titue en effet le nœud vital du neurone ; il est indispensable à la persistance
de sa forme et de son activité fonctionnelle ; quand il est altéré pour une
cause quelconque, la cellule dans laquelle il est inclus et tous ses prolonge¬
ments dépérissent ; quand il est détruit, ils meurent infailliblement.
Il est à peine besoin de dire qu’on ignore absolument la nature des forces
qui président à cette fonction. Le secret qui l’entoure est le mystère même de
la vie.
c) Corps cellulaire. — Le corps cellulaire, étudié par dissociation dans des
liquides indifférents, tels que le sérum iodé ou le picro-carmin, apparaît
comme un bloc de substance grossièrement granuleuse, qu’on appelle le
pjrotoplasma ou le cytoplasma.
Les techniques modernes ont démontré que cette masse, d’apparence
amorphe, se compose d’une matière liquide ou semi-liquide, ne prenant pas
PHYSIOPATHOLOGIE 29

les matières colorantes généralement utilisées en histologie, au sein de la¬


quelle flottent des inclusions figurées, dont les principales sont : des réseaux
de corpuscules ehromatophiles et une armature neurofibrillaire.
La portion liquide du cytoplasma qu’on désigne souvent sous le nom
d’enchylëme, constitue le milieu nutritif de la cellule. Incessamment renou¬
velée par les courants osmotiques qui traversent la membrane enveloppante
du corps cellulaire, elle fournit à ce dernier les substances chimiques desti¬
nées à être assimilées par lui, en même temps qu’elle le débarrasse des dé¬
chets provenant de sa désassimilation.
d) Réseaux de corpuscules ehromatophiles. — Les réseaux de corpuscules
ehromatophiles paraissent avoir un rôle différent. Il est démontré en effet par
les recherches concordantes de Nisse, de Mann, de Lucaro, de Dor, de Macint,
de Marinesco, de Vas, etc., que les corpuscules de substance chromatique
s’accumulent dans le cytoplasma pendant les périodes de repos de la cellule
et qu’au contraire ils se raréfient pendant ses phases d’activité, « à peu près
exactement, dit Rénaux, comme le matériel sécrétoire d’une cellule glandu¬
laire ».
Il est donc très vraisemblable que la substance chromatique joue un rôle
tout particulier dans l’élaboration des matériaux nutritifs utilisés par le fonc¬
tionnement de la cellule nerveuse. Elle serait, d’après Marinesco, le substra¬
tum matériel, ou mieux, l’élément générateur de l’énergie potentielle de cette
cellule. Aussi décrit-il dans le cytoplasma deux parties matériellement et
physiologiquement distinctes : le trophoplasma, qui correspondrait à la por¬
tion amorphe du contenu cellulaire, à ïenchytème, et serait surtout em¬
ployée aux usages communs de la nutrition , et le kinétoplasma, formé par
les corpuscules ehromatophiles, qui servirait principalement à accumuler et
à élaborer les substances destinées à être dépensées par le fonctionnement de
la cellule neurale.
e) Granulations pigmentaires. — On ne connaît pas encore exactement la
raison d’être des agglomérats de granulations pigmentaires. Quelques histo¬
logistes pensent qu’ils jouent un rôle actif dans les processus de nutrition du
protoplasma, tandis que d’autres supposent qu’ils représentent purement et
simplement des déchets plus ou moins dégénérés de l’activité cellulaire.
f) Neurofibrilles. — Les neurofibrilles qui traversent le protoplasma cellu¬
laire en passant sans interruption des prolongements protoplasmiques dans
les prolongements cylindraxiles, pour s’étendre jusqu’aux extrémités les plus
éloignées des fibres nerveuses périphériques, sont, à n’en pas douter, les
agents de la propriété la plus importante du système nerveux : la conducti¬
bilité. Au début de ses recherches, Golgi attribuait aux prolongements proto-
30 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

plasmiques et aux prolongements cylindraxiles des fonctions différentes. Il


supposait que les premiers avaient un rôle purement nutritif, comparable
à celui qu’exercent les racines végétales qui puisent dans le sol et fournissent
à la plante les matériaux nécessaires à l’entretien de sa vie, tandis que les
seconds servaient seuls à la conduction des excitations. Cette opinion n’a
pas prévalu. Tout le monde admet maintenant que les dendrites et les axones
.jouissent également de la propriété de conductibilité, avec cette seule diffé¬
rence que le sens de la conduction est cellulipète dans les premiers et cellu-
lifuge dans les seconds, ainsi que nous l’expliquerons plus loin à propos de
la polarisation dynamique des neurones.

2° La fibre nerveuse. — Son élément essentiel est le cylindraxe. La


fibre de Remak, qui est sa forme la plus simple, n’est rien autre chose qu’un
faisceau neurofibrillaire dépourvu d’enveloppes spéciales : c’est un cylindraxe
nu. La fibre de Leuwenhoeck, qui constitue la grande majorité des tubes ner¬
veux contenus dans les nerfs périphériques de la vie de relation des verté¬
brés, se compose elle aussi essentiellement d’un cylindraxe. Mais ce cylindraxe
y est entouré d’un manchon de myéline enveloppé dans la gaine de
Schwann et interrompu de distance en distance par les étranglements
annulaires. Voyons quels sont les usages de ces différentes parties :
a) Cylindraxe. — Le cylindraxe s’étend sans discontinuité de la cellule ner¬
veuse dans laquelle il prend naissance jusqu’aux dernières terminaisons, dans
un muscle, dans une glande ou dans un organe sensible, selon qu’il fait par¬
tie d’une fibre centripète ou d’une fibre centrifuge. Il est un prolongement,
souvent prodigieusement long par rapport au volume de la cellule dont il
dérive, de la substance même de cette cellule. Les fibres qui entrent dans la
composition des nerfs des membres des grands animaux tels que l’homme,
le cheval, la girafe, etc., ont parfois beaucoup plus d’un mètre de longueur,
alors que leurs cellules-mères ne mesurent que deux ou trois dixièmes de
millimètres de diamètre.
Notons en passant, pour éviter toute équivoque, que le mot de cylindraxe,
introduit dans la science par les recherches de Deiters sur les grandes cel¬
lules des cornes antérieures de la moelle — cellules dans lesquelles l’axone se
continue directement avec le cylindraxe des fibres motrices des nerfs rachi¬
diens — n’est pas nécessairement formé par des prolongements cylindraxiles
des cellules dont il dérive. Il peut tout aussi bien être constitué par des pro¬
longements protoplasmiques ou denditriques. C’est notamment ce qui arrive
dans les fibres sensitives dont les cylindraxes sont la continuation des pro¬
longements denditriques des cellules des ganglions spinaux, en d’autres ter-
PHYSIOPATHOLOGIE 31

mes, dans le langage scientifique actuel, le mot cylindraxe s’applique au fais¬


ceau de neurofibrilles qui se trouve au centre de toutes les fibres nerveuses
myéliniques ; ces neurofibrilles proviennent toujours d’une cellule nerveuse,
mais elles ne sont pas toujours de même nature : dans les fibres motrices,
elles sont des prolongements cyllindraxiles ; dans les fibres sensitives, des
prolongement denditriques de leurs cellules-mères.
Dans l’un comme dans l’autre cas, les neurofibrilles qui se trouvent dans
le cylindraxe sont les agents nécessaires et suffisants de la conduction ner¬
veuse. C’est en elles que réside la propriété de transmettre, sous une forme
dont nous ignorons l’essence (courant, vibrations physiques ou modifications
chimiques ?) les excitations qu’elles reçoivent. Les substructions qui les
entourent sont des moyens de protection ou des organes de perfectionnement
qui ne sont pas indispensables à la persistance de la conductibilité physiolo¬
gique.
Les preuves démontrant l’exactitude de cette proposition sont nombreuses.
La première réside dans le fait que chez les invertébrés, dont les nerfs sont
uniquement composés de fibres de Remak, les fonctions nerveuses, quoique
moins différenciées que chez les animaux supérieurs, s’exécutent cependant
avec une parfaite régularité : les sensations sont perçues, les mouvements
ont lieu, les réflexes se produisent.
La deuxième, c’est que, même chez les vertébrés,' les fibres nerveuses du
type de Leuwenhoeck ne sont pas revêtues dans toute leur étendue de gaine
myélinique. Entre le point où elles se réunissent pour former le cône d’émer¬
gence par lequel elles sortent de leurs cellules-mères, et leur arrivée dans les
racines antérieures, les neurofibrilles qui constitueront les cylindraxes des
fibres.motrices sont nues. Elles ne reçoivent leur revêtement de myéline
qu’au voisinage de leur sortie de la moelle au moment où elles vont pénétrer
dans les racines antérieures. De plus, à leur extrémité périphérique, elles
perdent souvent leur manchon de myéline avant de se ramifier dans les pla¬
ques motrices.
Les fibres sensitives naissent, elles aussi, des cellules unipolaires des gan¬
glions spinaux par des faisceaux neurofibrillaires sans myéline, et elles se dé¬
pouillent de leur manchon myélinique avant les ramifications terminales
qui apportent leurs extrémités dans les organes sensitifs spécialisés (corpus¬
cules de Meissner, corpuscules de Pacini, etc.), ou des interstices des revête¬
ments épithéliaux tégumentaires (peau, cornée, etc.).
Ainsi, à leurs deux extrémités, à leur naissance dans la cellule nerveu¬
se, et au voisinage de leur terminaison dans les organes auxquels elles se
distribuent, les fibres nerveuses ne sont plus représentées que par un seul
32 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

de leurs éléments constitutifs : le faisceau neurofibrillaire cylindraxile. C’est


donc bien lui qui est l’agent de la propriété générale de la fibre nerveuse :
la conductibilité.
A ces preuves on peut en ajouter une troisième, tirée de la pathologie. Il
y a une variété d'altération névritique, dans laquelle les enveloppes de la fi¬
bre nerveuse se désagrègent par places, par segments, sans que le cylindraxe
soit interrompu, sans que même il paraisse altéré : c’est la névrite segmen-
mentaire périaxile de Gombault. Eh bien, dans cette forme de lésion des
nerfs, la conductibilité des fibres nerveuses n’est pas abolie, tandis qu’elle
l’est toujours lorsque par une section traumatique ou une lésion destructive
spontanée quelconque leur continuité est interrompue.
b) Myéline. — Le manchon de myéline a probablement un double rôle :
Il protège le cylindraxe, éminemment impressionnable, contre les chocs ex¬
térieurs et amortit les effets physiques des changements de pression que pour¬
raient provoquer dans les membres les contractions et les relâchements suc¬
cessifs des masses musculaires. D’autre part, il assure l’isolement des fibres
nerveuses étroitement juxtaposées dans des gaines lamelleuses communes ;
il met obstacle à la diffusion des excitations physiologiques qui cheminent
dans les cylindraxes, comme les enveloppes de gutta-percha placées autour
des fils de télégraphie sous-marine empêchent les courants électriques de se
propager latéralement d’un fil à l’autre.
c) Gaine de Schwann. — La gaine de Schwann enveloppe le manchon
de myéline qu’elle maintient appliqué contre le cylindraxe. Elle est formée,
d’après Ranvter, par des cellules analogues aux cellules adipeuses du tissu
conjonctif. Chaque cellule possède un noyau et une masse protoplasmique.
Celle-ci s’étale sur la face interne de la membrane, se réfléchit au niveau des
disques biconiques et se continue sur la face externe du cylindraxe où elle
forme la gaine tic Mauthner, d'où se détachent de fines lamelles protoplas¬
miques qui cloisonnent la myéline (incisures de Schmitt). IWinvieh pense,
en outre, que la myéline est un produit de sécrétion de la cellule de Schwann.
Mais celte manière de voir n’est pas partagée par tous les autres histophysio-
logistes. Quelques-uns, parmi lesquels il faut citer l\ a mon y Ca.tat,, sont d’avis
que c’est, le cylindraxe qui séerèle la myéline.
d) Etranglements annulaires:. — T,es étranglements annulaires for¬
ment des cloisons qui ont pour effet d’empêcher le liquide contenu dans la
gaine de myéline de s’accumuler, sous l’influence de la pesanteur, dans les
parties déclives des tubes nerveux. Ils jouent vis-à-vis de ces tubes le rôle que
remplissent dans les végétaux les cloisonnements des vaisseaux de la sève :
ils équilibrent, en la fractionnant en petits segments, la colonne de pression
PHYSIOPATHOLOGIE 33

qui, si elle était continue, serait notablement plus forte dans les parties bas
ses des nerfs que dans leurs portions hautes.
De plus, les disques biconiques qui divisent la fibre nerveuse en segments
dont la longueur est en moyenne chez l’homme de deux millimètres, sont
constitués par une substance spongieuse qui se laisse facilement imbiber et
traverser par les liquides, de telle sorte qu elle permet à la lymphe de péné¬
trer par endosmose jusqu’au cylindraxe et aux produits altérés par la nutri¬
tion et le fonctionnement de ce dernier de rentrer par exosmose dans le cou¬
rant de la circulation générale (1).

§ 2. — ATTRIBUTS FONCTIONNELS DU NEURONE VIVANT

La conception du neurone, introduite dans la science par Waedeyer, en


1891, reposait primitivement sur un fait anatomique : l’union constante de
toute fibre nerveuse avec une cellule nerveuse. En décrivant séparément la
cellule et la fibre neurales comme si elles étaient organiquement indépendan¬
tes l’une de l’autre, les anciens histologistes disjoignaient à tort deux parties
d’un seul et même élément anatomique. En réalité, il n’y a pas, dans tout l’or¬
ganisme, une seule fibre nerveuse qui ne dérive d’une cellule nerveuse : la fi¬
bre est un prolongement de la cellule, une expansion de sa substance, une
portion tentaculaire de son être. L’élément spécifique du système nerveux,
c’est l’organite représenté par la cellule et ses prolongements, c’est le neurone.
A cette notion primordiale, les recherches de Golci, de Cajal, de Koelliker,
de van Gehuchten, de Marinesco et d'une foule d’autres observateurs en ont
annexé de nouvelles d’ordre physiologiquecl pathologique qui en sont en quel¬
que sorte des corollaires ; elles ont démontré que la fibre nerveuse est si inti¬
mement attachée à sa cellule-mère que son fonctionnement, sa nutrition, sa
vie sont sous l’étroite et perpétuelle dépendance du fonctionnement, de la nu¬
trition et de la vie de la cellule qui lui a donne naissance. La doctrine du neu¬
rone a pris alors une importance telle qu’elle est devenue l’axe de toutes nos
connaissances sur la stucture, les fonctions et les maladies du système nerveux.
Les lois qui en forment la synthèse sont au nombre de trois : 1° la loi de
l’indépendance organique des neurones les uns par rapport aux autres ; 2° la

(t) La perméabilité des disques biconiques aux courants osmotiques a été démontrée
par une expérience célèbre de Ranvieh, consistant à baigner pendant un temps variant de
vingt minutes à une heure un nerf dénudé de grenouille ou de lapin et à l’examiner en¬
suite au microscope après fixation par l’acide osmique. On constate alors qu’une notable
quantité de liquide a pénétré dans l’intérieur des fibres nerveuses, au niveau des étran¬
glements et s’y est logée en refoulant la myéline au-dessus et au-dessous des disques bi¬
coniques. Une faible proportion d’eau a aussi gonflé les lames du protoplasma qui for¬
ment les incisures de Schmidt.
I.F.S NERFS F,N SCHÉMAS a
si CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

loi de la polarisation dynamique ; 3° la loi, ou pour être plus exact, les lois
de la trophicitë des neurones. Nous allons les passer successivement en revue.

A) LOI DE L’INDÉPENDANCE ORGANIQUE DES NEURONES


LES UNS PAR RAPPORT AUX AUTRES

Les excitations sensitives reçues par un nerf périphérique se transmettent


aux centres nerveux, s’y réfléchissent et provoquent, en passant par un nerf
moteur, des réactions motrices dites réflexes. Il faut
donc que les conducteurs centripètes communiquent
dans le névraxe avec les conducteurs centrifuges.
Pour expliquer cette communication, on admettait
autrefois que les cellules sensitives des cornes posté¬
rieures et, les cellules motrices des cornes antérieu¬
res de la moelle étaient en rapport par l’intermédiai-
d’un réseau de fibrilles étendues sans discontinuité
des unes aux autres : c’était le réseau de Gerlach. La
plupart res histologistes modernes repoussent cette
explication. D’après eux, le réseau de Gerlach n’exis-
te pas. Les neurones ne communiquent pas les uns
avec les autres par continuité de tissu. Leurs prolon¬
gements se terminent toujours, après des divisions
plus ou moins nombreuses, par des extrémités libres.
Les communications entre deux neurones se font,
non par pénétration réciproque, mais par simple
frig- 27. contact ; de telle sorte que dans une chaîne de neu¬
Association des neurones. rones associés en vue de l’accomplissement d’un ac-
A, pi CüiiCJ UCUIVIIC. -
b. deuxième neurone. — c, te réflexe, chaque neurone reste substantiellement
neurone intercalaire.
(Les flèches indiquent le indépendant des autres : il leur est simplement relié
sens dans lequel chemine
l’iriflhx nerveux.) par un système d’articulation. Ainsi, pour employer
une comparaison grossière, les vertèbres supefpo
séës dans une colonne vertébrale forment par leur irhbrication, une partie du
squelette servant à une fonction distincte, bien que chacune des vertèbres con¬
serve son individualité anatomique.
Nous aurons à indiquer plus tard, à propos des voies sensitives, sensorielles
et motrices, comment sont agencées lés chaînes neuronales, souvent très com¬
pliquées, qui prennent part à la formation de ces voies. Disons simplement,
pour le moment, que, dans toutes, on peut vérifier les deux propositions for-,
mulées par Cajat. dans les termes suivants : « Le filament axile se termine tou-
PHYSIOPATHOLOGIE 35

jours par des extrémités libres, après avoir fourni ou non une arborisation
préterminale ; les prolongements protoplasmiques se terminent toujours par
des extrémités libres. » Autrement dit, les neurones chargés en commun de
l’exécution d’une fonction spécialisée forment des chaînes préétablies où les
excitations passent de l’un à l’autre par les articulations tèrminales de leurs
dendrites et de leurs axones.
La notion de l’indépendance organique des neurones les uns par rapport
aux autres a conduit à interpréter autrement qu’on ne le faisait naguère le
mécanisme des centres d’activités spéciales contenus dans le névraxe, tels que
les centres vésico-spinal, cilio-spinal, respiratoire, vaso-moteur, etc., dont la
'destruction expérimentale ou pathologique abolit la manifestation d’une
fonction déterminée. Oh supposait autrefois que chacun de ces centres
contenait des groupements de cellules nerveuses, fonctionnellement diffé¬
renciées, dans lesquelles résidait le principe de l’activité spécifique du centre
envisagé. On pense aujourd’hui avec beaucoup plus de probabilité que ces
prétendus centres ne sont que les points où se trouvent réunis les nœuds
d’articulation des différents neiirones qui prennent part à l’élaboration de
la fonction spéciale.
Dans l’hypothèse ancienne, la spécificité fonctionnelle résidait dans les
cellules nerveuses elles-mêmes ; dans la doctrine nouvelle, elle est le résultat
de l’association, en ün point limité, des terminaisons denditriques et axonàles
des divers neurones qui doivent entrer simultanément ou successivement
en jeu pour assurer l’accomplissement intégral des actes physiologiques que
nécessite la fonction visée. Le centre n’est plus un foyer autonome des forces
incitatrices de la fonction ; il est comme une station de croisements télégra¬
phiques où chaque fil conduit à des appareils préétablis les courant destinés
à influencer chacun de ces appareils.

fi) LOI DE LA POLARISATION DYNAMIQUE

Les mots polarisation dynamique signifient que les excitations, parcourent


les neurones dans un sens défini, toujours le même, sans inversion, ni oscil¬
lations, ni diffusion. Physiologiquement, le neurone a deux pôles, l’un récep¬
tif en rapport avec ses prolongements protoplasmiques ; l’autre émissif en
rapport avec son prolongement cvlindraxile. Les excitations qui le traversent
n’y pénètrent que par des dendrites ; ils n’en sortent que par l’axone. Le cou¬
rant nerveux est invariablement cellulipète dans les premiers et invariable¬
ment, cellulifuge dans le second. Tel est le principe de la polarisation dyna-
36 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

mique du neurone, dont Cajal et von Gejvuchten ont chacun de son côté et
presqu’au même moment eu la conception nette et fait la démonstration.
Appliqué aux nerfs périphériques, il résout le problème, si longtemps dis¬
cuté par les physiologistes, de la conduction indifférente des libres nerveuses.
On avait constaté depuis les temps les plus reculés que les nerfs moteurs con¬
duisent les excitations du centre à la périphérie et les sensitifs de la périphé¬
rie. aux centres. Mais on avait grande tendance à admettre que si l’excitation
d’un nerf moteur provoquait une réaction motrice et celle du nerf sensitif
une réaction sensitive, cela tenait uniquement à la nature de leurs terminai¬
sons centrales ou périphériques. On pouvait tout au moins supposer que le
nerf excité transmettait, dans les deux sens, l’excitation qu’il avait reçue,
mais que celle-ci ne devenait efficace qu’au point où, par le fait de ses rap¬
ports avec un muscle ou avec un centre de perception sensitive, l’excitation
pouvait donner lieu à un mouvement ou à une sensation. C’est ce que fait
très bien comprendre la comparaison suivante de Weir-Mitchell : « Nous
pouvons, dit-il, comparer le fonctionnement d’un nerf à celui d’un tube ou¬
vert à une de ses extrémités et muni d’un sifflet à l’autre ; si l’on souffle au
milieu du tube, l’air se déplace dans les deux directions, mais comme il ne
peut produire de son qu’à une extrémité, un observateur inattentif pourrait
croire qu’il n’y a de courant d’air que dans un sens. On pince un nerf moteur
et l’on ne voit que le mouvement ; mais si, à l’autre bout, il y avait, encore
un muscle, on constaterait qu’il entre également en action. »
On le constaterait, en effet, si la théorie de la conduction dans les deux
sens était exacte ; mais rien n’a jamais prouvé qu’elle le fût. Les expériences
de Babuchin, de Paul Bert, de Vuiptan et Piiilippeaux, qu’on invoque sou¬
vent en sa faveur, ne sont rien moins que démonstratives. Elles sont toutes
viciées par des causes d’erreur qui empêchent ti en tirer des conclusions cer¬
taines. Elles n’ont jamais convaincu Claude Bernard, qui a toujours ensei¬
gné que les nerfs moteurs et les nerfs sensitifs étaient de nature différente et
que le sens de leur conduction était déterminé par autre chose que par la spé¬
cialisation de leurs terminaisons. Cette autre chose est maintenant connue.
La loi de la polarisation dynamique du neurone en a donné l’explication
en nous apprenant que la libre nerveuse motrice était un prolongement cy-
lyndraxile, à conduction invariablement cellulifuge, du protoneurone mo¬
teur, tandis que la fibre nerveuse sensitive était un prolongement proto¬
plasmique à conduction nécessairement, cellulipète du protoneuronc.sensitif.
La même loi s’applique à la polarisation des neurones pjar lesquels les
excitations cheminent dans les centres nerveux. Dans toute chaîne neuronale
à fonction centripète les excitations se propagent des prolongements proto-
l’HYSlOPATllOLOGlE 37

plasmiques du neurone primitivement impressionné vers ses prolongements


cylindraxiiles, qui les transmettent aux prolongements protoplasmiques du
neurone formant l’anneau immédiatement contigu de la chaîne, et ainsi de
suilc jusqu’à ce qu’elles parviennent aux centres perceptifs cérébraux. Inver¬
sement, dans une chaîne neuronale à fonction centrifuge les excitations
passent des prolongements protoplasmiques du neurone central aux prolon¬
gements cylindraxiles du neurone suivant, jusqu’à ce qu’elles arrivent aux
muscles ou aux glandes dont elles sont destinées à stimuler les fonctions.

C) LOIS DE LA TROPHICITÉ DU NEURONE

La nutrition du neurone est subordonnée à la conservation de l'influence


vitale qu’exerce sur toutes ses parties son centre cellulaire. Quand la cellule
nerveuse meurt, tous ses prolongements périssent, avec elle ; quand un de
ses prolongements est séparé d’elle, tout le segment distal de ce prolonge¬
ment se désagrège et dégénère.
Inversement, la destruction des parties excentriques du neurone retentit
sur la nutrition de la cellule neuronale ; leur section provoque des altérations
matérielles du protoplasma de la cellule correspondante ; leur inertie fonc¬
tionnelle prolongée est suivie d’un ralentissement de la nutrition qui se tra¬
duit par une diminution de volume en masse de la totalité du neurone.
De là quatre éventualités différentes ou tout au moins quatre groupes de
faits qui vont être envisagés successivement.

a) La vie de la totalité du neurone est subordonnée à la persistance


de la vie de son centre cellulaire

Quand une altération substantielle détruit une cellule nerveuse, tous les
prolongements de cette cellule meurent avec elle. C’est pour exprimer ce fait
de la subordination constante de la vie des parties excentriques du neurone
à la vie de sa cellule, qu’on dit que la cellule est le centre trophique du neu¬
rone. Cette expression n’est cependant pas tout à fait juste, car la masse pro¬
toplasmique qui forme la majeure partie du corps cellulaire peut être profon¬
dément altérée sans que la mort du reste du neurone en soit nécessairement
la conséquence. En réalité, c’est dans l’appareil nucléaire de la cellule que
réside le nœud vital de la totalité du neurone. Tant que ce noyau reste intact,
la vie de la cellule et de ses prolongements persiste ; quand il est détruit, sa
mort entraîne fatalement celle de la cellule et de tous ses prolongements.
38. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

Mais c’est là im détail d’importance plutôt théorique que pratique, puisque


l’appareil nucléaire faisant partie intégrante de la cellule, la vie de celle-ci
est nécessairement liée à la persistance de la vie de celui-là.
Il résulte de la notion de l’influence exercée par la cellule neuronale sur la
vie de la totalité de ses prolongements, qu’il y a une différence non négligea¬
ble entre les centres fonctionnels et les centres trophiques. Les centres fonc¬
tionnels sont, ainsi que nous l’avons expliqué plus haut, les points où deux
ou plusieurs chaînes neuronales s’articulent par leurs prolongements, en vue
d'une action commune ; les centres trophiques sont les amas de cellules
dans lesquels résident les noeuds vitaux d’un groupe de neurones.
Les lésions d’un centre fonctionnel peuvent supprimer la fonction sans
détruire l’organe qui est chargé de la remplir ; la destruction d’un centre
trophique supprime elle aussi la fonction, mais en détruisant l'organe qui
la remplit. Elle est donc plus grave, plus radicalement irréparable que la
simple lésion d’un centre fonctionnel.

b) La vie de tout prolongement d'un neurone est liée à la conservation


de ses rapports avec sa cellule-mère

La suppression de l’influence trophique de la cellule nerveuse ne se mani¬


feste pas seulement par le fait que la mort de la cellule entraîne fatalement la
mort de tous ses prolongements. Elle se manifeste encore, ainsi que l’a dé¬
montré Aug. Waller, de Bonn, en 1852, à l’aide d’expériences histo-physio-
logiques d une remarquable ingéniosité, par une série très intéressante de
phénomènes qui évoluent dans les libres nerveuses sectionnées, en aval du
point où a porté leur section. Ces phénomènes, connus sous le nom de dégéné¬
ration et de régénération wallériennes, occupent, dans la phvsio-pathologie
du système nerveux, une place si importante qu’il nous paraît utile de les
décrire ici avec quelques détails.

1° La dégénération wallérienne. — Toutes les fois que la continuité


d’une libre nerveuse est interrompue, soit mécaniquement, par le fait de sec¬
tion, de ligature, ou d’attrition brutale, soit physiquement, par suite de l’ac¬
tion de températures trop élevées ou trop basses, soit chimiquement, par le
contact de certaines substances toxiques ou nécrosantes telles que le chloro¬
forme, l’éther, l’alcool, la bile, etc., etc., la portion de cette fibre située en
^val de l’interruption dégénère, tandis que la portion située en amont, qui,
elle, est restée en rapport avec sa cellule-mère, conserve sa structure et ses
propriétés biologiques normales.
PHYSIOPATHOLOGIE .39

Les phénomènes qui caractérisent la dégénération sont, les uns d’ordre


physiologique, les autres d’ordre histologique.
Supposons, pour en faciliter l’exposé, un nerf composé d’un
faisceau de fibres sensitives et d’un faisceau de fibres motrices, et étudions ce
qui se produira après sa section dans chacun de ces faisceaux.

a) Phénomènes physiologiques. — Après qu'il aura été divisé, toute commu¬

nication physiologique
sera interrompue entre
les origines Centrales et
les extrémités terminales
des faisceaux nerveux
sectionnés. Par suite, l’ir¬
ritation des organes sen¬
sibles auxquels se distri¬
buent les fibres sensitives
ne provoquera plus de
sensation, et aucune in¬
citation volontaire ou ré¬
flexe ne parviendra au
muscle innervé par le
faisceau des fibres motri¬
ces. En d’autres termes,
le territoire sensible in¬
Fig. 28.
nervé par le faisceau sen¬ Les divers stades de la dégénérât ion w aller i en ne.
A) Premier stade (du P au 5‘ jour apres la section du nerf).
sitif du nerf envisagé se¬ — Turgescence du noyau de Scliwann et de la masse protoplas¬
mique qui l’entoure ; division de la myéline en gros blocs irré¬
ra frappé d’anesthésie et guliers.
B) Deuxième stade. — (du' S au 11 jour). — Prolifération in¬
son territoire moteur de tense des noyaux ; réduction de la myéline en boules ou
contours arrondis.
paralysie. C) Troisième stade (du Ti au W jour). — Réduction graduelle
de la myéline en grains de plus en plus fin®.
Si à ce moment on T) Quatrième stade (du Ï7 au 30 jour). — Amincissement de
la fibre nerveuse ; disposition des noyaux en séries linéaires.
excite le bout central du 12) Cinquième stade («près le 3(P jour). — Résorption progressive
du noyau et du protoplasma ; réduction du tube nerveux à
faisceau sensitif, l’ani¬ l’état de gaine vide.

mal donne des signes


non équivoques de douleur ; si on excite le bout périphérique, il reste abso¬
lument indifférent. Inversement, si on excite le bout central du faisceau mo¬
teur, on ne constate aucune réaction musculaire, ou pour être plus précis, au¬
cune contraction du muscle innervé par ce faisceau, mais si on porte l’exci¬
tation sur son bout périphérique ce muscle se contracte énergiquement.
Donc le segment périphérique du nerf moteur et le muscle qui lui est
4U CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

appendu conservent leur excitabilité bien qu’ils soient séparés par la section
de leurs rapports avec les centres. Ainsi, dans un appareil télégraphique,
la dépêche ne passe plus quand le fil est rompu, bien que les appareils de
réception et d’émission des courants soient intacts, et que chacun des bouts
du fil qui les réunissait conserve le pouvoir de se laisser traverser par les
vibrations électriques jusqu’au point où s’est produit la rupture.
Les choses restent en état pendant les quatre premiers jours qui suivent
la section. Au bout de ce laps de temps, l’excitabilité du bout périphérique
du nerf sectionné disparait. On peut le pincer, le piquer, le soumettre à des
courants faradiques ou galvaniques, le muscle qui lui fait suite ne réagit
plus, non pas parce qu’il est devenu inexcitable, mais parce que le nerf qui
devrait lui transmettre l'excitation a perdu sa conductibilité. La preuve c’est
que si, à ce moment, on porte directement sur le muscle des excitations mé¬
caniques ou électriques, il se contracte avec la même énergie, souvent même
avec plus d’énergie qu’un muscle normal.

Dans les semaines suivantes, le muscle subit des modifications particulières


de son irritabilité, modifications qu’on décrit sous le nom de réaction de dégé¬
nérescence. Il devient tout d’abord inexcitable aux courants faradiques ; puis
la formule de son excitabilité aux courant galvaniques se modifie. Au lieu
que la secousse se produise primitivement à la rupture du pôle négatif, elle
a lieu à la fermeture du pôle positif. De plus, sa forme change : au lieu d’être
brève comme à l’état normal, elle devient lente, paresseuse, torpide, comme
si la libre musculaire épuisée ne pouvait se contracter qu’avec peine. A cette
période, la réaction mécanique à la percussion est conservée, mais elle est,
elle a'ussi, plus lente qu’à l’état normal.
Enfin, si après quelques mois de durée, les fibres nerveuses dégénérées ne
se régénèrent pas, toute trace d’excitabilité disparaît dans le muscle. Il cesse
de réagir aux courants galvaniques d’abord, puis aux excitations mécani¬
ques. Il est perdu pour la fonction : les fibres musculaires, atrophiées, sont
remplacées par des amas de granulations graisseuses, dépouvus de tout pou¬
voir contractile.
Ainsi la dégénération wallérienne ne s’arrête pas aux fibres nerveuses ;
elle s’étend plus lentement aux muscles dont elle modifie l’irritabilité et dont
elle finit par altérer profondément et même par détruire la substance con¬
tractile.
Telles sont les perturbations physiologiques qui accompagnent et révèlent
en clinique la dégénération des fibres nerveuses séparées de leurs cellules
mères. Nous allons étudier maintenant les phénomènes histologiques qui les
déterminent et les expliquent.
Pii y stop atholgGIë 41

b) Phénomènes histologiques. -— Le premier phénomène appréciable est


la tuméfaction du cylindraxe. Elle apparaît avant la fin du premier jour, au
voisinage immédiat de la plaie de section et s’étend rapidement de proche en
proche jusqu’aux extrémités terminales de la fibre nerveuse.
Elle s’accompagne de modifications appréciables sous de forts grossisse¬
ments dans la structure de l’axone. Les neurofibrilles, au lieu de rester uni¬
formément réparties dans toute l’épaisseur du ruban cylindraxile, s’entassent
au centre en un faisceau compact, tandis que la substance interfibrillaire
s’accumule vers la périphérie. En même temps, elles deviennent sinueuses,
comme variqueuses et finalement se désagrègent en fines granulations qui
se répandent dans la substance interfibrillaire.
Le deuxième jour, les noyaux des segments annulaires commencent
à s’hypertrophier. Le protoplasma qui les entoure devient exubérant et s’ac¬
cumule en masses irrégulières sous la gaine de Schwann, autour du cylin¬
draxe et dans les incisures de Schmidt.
Le troisième jour, la myéline, attaquée par l’envahissement du proloplas-
ma et déjà très modifiée dans sa composition chimique, commence à se
fragmenter en gros blocs irréguliers. Le cylindraxe se désagrège et ses débris
se confondent avec les bourgeonnements du protoplasma (fig. 28, A.).
Le quatrième jour, les noyaux des cellules de Schwann entrent en prolifé¬
ration active. La myéline continue à se fragmenter en blocs de plus en plus
petits (fig. 28, B.).
Du cinquième au dixième jour, les éléments embryonnaires proliférés
s’accumulent dans l’intérieur des gaines de Schwann où ils occupent les
places laissées vides par la résorption phagocytaire très active des petits blocs
de myéline ; ils prennent l’aspect de cellules polymorphes réunies parfois en
colonies, et plus souvent orientées en séries linéaires dans le sens de la direc¬
tion des fibres nerveuses. Elles sont alors allongées, fusiformes. C’est à ces
éléments que Marinesco donne le nom de cellules apotrophiques et Durante
cefiii de neuroblastes segmentaires (fig. 28, C).
Aers le quinzième jour, les granulations de myéline n’existent plus qu’en
minime quantité. Les tubes nerveux ne contiennent alors que des cellules
apotrophiques reliées entre elles par des bandes de protoplasma présentant
par places une ébauche de striation longitudinale. Le cylindraxe a totalement
disparu. On ne distingue plus du tout d’étranglements annulaires. Il n’existe
plus de traces des disques bi-coniques (fig. 28, D).
A partir du vingtième jour, le processus de la dégénération est à peu près
terminé. Cependant les tubes nerveux ne restent pas indéfiniment dans l’état
où ils se trouvent en ce moment. Ils évoluent soit dans le sens de la régéné-
42 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

ration si celle-ci doit se produire, soit dans le sens de l’atrophie totale si la


régénération n’a pas lieu. Dans ce dernier cas, les cellules apotrophiques con¬
tenues dans les gaines de Schwann diminuent lentement de volume ; les ban¬
des protoplasmiques qui les i'elient deviennent de plus en plus grêles ; elles
perdent leur aspect granuleux ; leur noyau lui-même se rapetisse et disparaît;
si {lien qu'au bout de quelques mois les anciennes fibres nerveuses se présen¬
tent sous la forme de gaines vides, flétries, manifestement inertes (fig. 28, E;
Telles sont les phases de la dégénération wallérienne qui se produit dans
le bout périphérique de tous les nerfs sectionnés, chez tous les vertébrés.
L’évolution des phénomènes qui la caractérisent est toujours et partout iden¬
tique, seule la rapidité de leur évolution varie d’une espèce animale à l’autre,
et, dans une même espèce, d’après l’âge du sujet et son état de santé générale.
C’est ainsi que la perle de l’excitabilité des fibres motrices qui marque le
premier stade de la dégénération, car elle coïncide avec le moment où le
cylindraxe altéré dans sa structure et interrompu dans sa continuité par le
développement exubérant du protoplasma des cellules de Schwann
devient incapable de transmettre les excitations, se manifeste après
deux jours chez le lapin, le cobaye, le rat, après trois jours chez le pigeon,
la poule, etc., après quatre jours chez le chien et chez l’homme, après trente
jours seulement chez les grenouilles en état d’hibernation.
En dehors de ces différences dans la rapidité de l’évolution, des phéno¬
mènes histologiques essentiels de la dégénération sont identiques dans tous
les nerfs moteurs ou sensitifs, et d une façon plus générale dans tous les
prolongements neuronaux séparés de leurs cellules mères.

g) Nature du processus de dégénération. — La nature intime du pro¬


cessus de la dégénération wallérienne a été diversement appréciée. Ranvier

y voit un phénomène d’hyperactivité cellulaire. Pour lui l’excitation des


noyaux des segments interannulaires, réfrénée à l’état normal par l’action
modératrice des centres nerveux, devient excessive et désordonnée. Les élé¬
ments cellulaires se tuméfient, s’hypertrophient, se multiplient, en détrui¬
sant autour d’eux tout ce qui tend à mettre obstacle à leur développement,
notamment la myéline et le cylindraxe. Il est probable cependant que l’hy¬
peractivité cellulaire, dont l’existence, n’est pas douteuse, n’est pas seule en
cause. Pour ce qui concerne la myéline, il est très vraisemblable, ainsi que
l’avait d’ailleurs prévu Ranvier, qu’avant d'être fragmentée et phagocytée,
elle a subi une modification chimique. Haliburton et Mott ont montré que
dans les nerfs dégénérés, la quantité d’eau était augmentée tandis que celle
des phosphates étail diminuée et que le protagon avait disparu. D’après ces
observateurs, la myéline subirait tout d’abord une hydratation sous l’in-
PHYSIOPATHOLOGIE 43

fluence de laquelle le lécithine, qui forme la majeure partie de sa substance,


se dédoublerait en acide stéarique et acide glyco-phosphorique et chlorure.
Il s’agirait là, en lin de compte, d'une véritable saponification, due proba¬
blement à l’action de diastases sécrétées par les cellules. Pour ce qui con¬
cerne le cylindraxe, il est certain qu’il est déjà altéré avant que les noyaux
de Schwann aient donné des signes de prolifération. Aussi, certains obser¬
vateurs, Cajal en particulier, en font-ils le primum movens du processus de
dégénération. Séparé de la cellule dont il est un prolongement, sa vitalité
s’altère ; il meurt et, eu mourant, il entraîne des altérations dans la myéline
qui n’est, peut-être, qu’un produit d’une sorte de sécrétion de sa propre subs¬
tance. La myéline altérée détermine une irritation qui déclanche la tumé¬
faction et la prolifération des cellules de Schwann.

L’hyperactivité cellulaire ne serait donc plus le phénomène primitif ; elle


serait une conséquence de l’altération db cylindraxe et de la myéline.
L’hypothèse est ingénieuse ; elle repose sur des observations qui semblent
de nature à l’étayer solidement et elle cadre mieux que toute autre avec les
idées que nous nous faisons aujourd’hui sur l’action trophique de la cellule
neuronale sur ses prolongements.
Quelle que soit d’ailleurs la théorie qu’on adopte, elle ne change rien aux
faits concrets sur lesquels repose la loi générale qui peut être formulée dans
les termes suivants : Lorsqu’un des prolongements d’une cellule nerveuse
se trouve séparé par une section traumatique ou par une lésion spontanée du
corps cellulaire auquel il est normalement attaché, le segment distal de ce
prolongement se désagrège et dégénère. Qu’il soit de nature protoplasmique
ou cylindraxüe, peu importe ; le résultat sera le même, les dendrites et
les arones puisant également dans la cellule neuronale l’incitation qui règle
et entretient leur vitalité.

2° La régénération wallérienne. — Malgré la désagrégation de ses


éléments constitutifs, un nerf qui a subi la dégénération wallérienne peut
récupérer et récupère habituellement sa structure et ses fonctions.

a) Processus de la régénération. — Le processus de la régénération est


resté longtemps entouré d’une profonde obscurité. Les recherches de
Ranvier en ont fixé d’une façon magistrale les principaux traits ; celles plus
récentes de Marinesco, de Perroncito, de Cajal, etc., ont achevé d’en pré¬
ciser les détails. On en comprend aujourd’hui le mécanisme ; on en connaît
les stades ; on peut en tracer en quelques lignes la description didactique.
Mais il importe, pour s’en faire une idée exacte de ne pas considérer la dé¬
génération et la régénération comme deux phases radicalement distinctes
44 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LÉS NERFS

d’une série évolutive, dont la seconde ne commencerait à se produire que


lorsque la première serait terminée.
A la vérité, le nerf dégénéré perd très rapidement ses propriétés physiolo-
giques et ce n’est qu’après un temps relativement long, dont la durée
se mesure par plusieurs mois, qu’il recouvre son excitabilité et sa conducti¬
bilité. 11 y a donc bien là deux événements se succédant l’un à l’autre. Mais
les phénomènes histologiques qui préparent le second débutent et évoluent
en même temps que ceux qui déterminent le premier.
Gela ressortira plus clairement des explications qui vont suivre.
Le premier acte de la régénération se passe dans le bout central du nerf
sectionné, à l’extrémité même des fibres nerveuses atteintes par le trauma.
Dès la sixième heure qui suit la section, on peut constater dans les cylin-
draxes qui confinent à la plaie et sur une longueur qui ne dépasse pas quel¬
ques dixièmes de millimètre, une tuméfaction trouble très appréciable à
de forts grossissements. Elle correspond à un commencement de nécrose,
car le moignon d’axone sur laquelle elle s’est manifestée se transforme très
vite en un détritus granuleux qui ne tarde pas à tomber dans le mélange de
sang et de lymphe plastique, accumulé entre les lèvres de la plaie nerveuse.
C’est immédiatement au-dessus du sillon d’élimination de cet anneau
nécrosé que va se produire le phénomène initial et essentiel du processus
de régénération. Il consiste en ce fait que du bout central des cylin-
draxes mutilés se détachent, en nombre considérable, des filaments neuro-
fibrillaires d’une extrême ténuité, qui deviendront ultérieurement les axones
des fibres régénérées. Il a été découvert et décrit, de igo4 à 1906, dans des
mémoires illustrés de magnifiques figures, par l’histologiste italien Perron-

cixo. On le désigne souvent sous le nom de phénomène de Perroncito.


De la sixième à la vingt-quatrième heure, ces filaments se développent et
s’accroissent avec une extraordinaire activité. Ils s’insinuent entre les héma¬
ties et les leucocytes de la nappe liquide où va s’organiser la cicatrisation
conjonctive, et s’y réunissent en faisceaux, dont les extrémités libres affec¬
tent les formes de fourches, de pinceaux, de houpes, d’aigrettes, etc.
Durant les jours qui suivent, les neurofibrilles continuent à s’accroître en
longueur et en épaisseur. Leur pointe, primitivement effilée, se renfle en
massue et devient tout à fait semblable aux cônes d’accroissement des tubes
nerveux embryonnaires.
Pendant les semaines suivantes, elles pénètrent en s’allongeant dans le
tissu néo-formé de la virole ou du pont cicatriciel, non pas en ligne droite,
mais en divergeant dans tous les sens et en s’entrecroisant les unes dans les
autres, de façon à représenter un véritable feutrage.
PHYSIOPATHOLOGIE 45

Si la cicatrice est mince, elles la traversent sans difficultés et arrivent bien¬


tôt à entrer en rapport avec les extrémités des fibres dégénérées du segment
périphérique du nerf. Mais si les lèvres de la plaie nerveuse n’ont pu se réunir
que par la formation de bandes épaisses de tissu induré, beaucoup de neuro¬
fibrilles, arrêtées dans leur développement, par les obstacles que leur oppose
ce tissu, se replient, se pelotonnent en boules, s’enroulent en spirales, et don¬
nent naissance à ces corpuscules étranges, qui ont tant étonné les premiers
histologistes, à l’observation desquels ils se sont présentés, et dont les plus
curieux, connus sous le nom de formations hélicoïdales, se trouvent toujours
en grand nombre dans les dissociations des névromes centraux.
En sortant de la zone cicatricielle, les faisceaux neurofibrillaires qui ont
pu en opérer la traversée sans être arrêtés par les obstacles qu’ils y ont ren¬
contrés, atteignent le segment périphérique du nerf. Ils y arrivent au mo¬
ment où la dégénération est déjà très avancée, où la myéline, à peu près
complètement résorbée, est remplacée par les bandes protoplasmiques et les
rangées de cellules apotrophiques provenant de la prolifération des cellules
de Schwann. Ils s’accroissent alors rapidement en longueur, dans l’intérieur
des anciennes gaines, et se recouvrent bientôt d’un manchon de myéline de
nouvelle formation, fournie, d’après certains auteurs, par les éléments cellu¬
laires de la gaine, d’après d’autres, par une sécrétion dérivant des neuro¬
fibrilles elles-mêmes.
Quoi qu’il en soit de ce détail, sur lequel la lumière n’est pas encore com¬
plètement faite, les fibres nerveuses néo-formées prennent très vile un aspect
tout à fait caractéristique ; elles sont très grêles, ne mesurant pas plus de
4 millièmes de millimètre de diamètre, et leurs segments interannulaires,
beaucoup plus courts que ceux des fibres adultes, ne dépassent pas un cin¬
quième ou un quart de millimètre.
A mesure qu’elles se développent, les cellules apotrophiques et les bandes
protoplasmiques disparaissent, comme si leur rôle était terminé ; il n’en reste
bientôt plus de traces.
Ce travail de résorption des substances et des éléments cellulaires qui
s’étaient accumulés dans les gaines de Schwann du segment périphérique
pendant la phase de la dégénération et celui de neurolisation des fibrilles
nouvelles provenant du bourgeonnement des cylindraxes du bout central, se
poursuit ainsi de proche en proche jusqu’aux extrémités terminales des
nerfs et jusqu’aux organes complexes qui se trouvent à leur terminaison :
plaques motrices, corpuscules du tact, etc.
Alors, mais alors seulement, le nerf, reconstitué anatomiquement, se
trouve en état de manifester sa restauration fonctionnelle par la récupération
4f) CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

de ses propriétés physiologiques de conductibilité et d’excitabilité. Leur


retour ne se fait pas tout d’un coup. Dans les nerfs moteui's, par exemple,
les mouvements volontaires reparaissent dans les muscles avant les mouve¬
ments provoqués par l’excitation électrique des cordons nerveux, et l’excita¬
tion par les courants galvaniques est efficace avant l’excitation par les cou¬
rants faradiques. De plus, la conduction du stimulus électrique se rétablit
dans le segment périphérique avant de se rétablir dans la cicatrice.
Pour ne pas compliquer la description qui précède, nous avons concentré
toute notre attention sur la marche des filament neurofibrillaires, qui par¬
tant des cvlindraxes du bout central se dirigent en droite ligne, à travers la
cicatrice, vers le bout périphérique du nerf. Ce sont, en effet, les plus nom¬
breux et les plus importants, mais ce ne sont pas les seuls. Un bon nom¬
bre de bourgeons cylindraxiles, divergent de côté et d’autre ; ils s’insinuent
entre les lames du tissu conjonctif lâche qui entoure généralement le névri-
tème des nerfs ; ils traversent les aponévroses, pénètrent dans les muscles,
et, suivant des chemins capricieux dont aucune règle ne permet de prévoir
les sinuosités, ils parcourent de très longs trajets. La plupart périssent ; mais
il arrive quelquefois que certaines neurofibrilles finissent par atteindre, sans
avoir passé par la cicatrice, le bout périphérique du nerf sectionné et s’y
comportent comme si elles y étaient parvenues par la voie directe et normale
du pont cicatriciel. Cette particularité peut avoir dans les cas où la cicatri¬
sation des moignons nerveux a été déficiente, une importance capitale, car
ces fibrilles aberrantes sont capables à elles seules d’assurer la régénération
du bout périphérique des nerfs qui ne sont réunis à leur bout central par
aucun tractus conjonctif apparent et qui paraissent avoir totalement perdu
leur continuité physique.

b) Théories explicatives. —Les théories tendant à interpréter le mécanis¬


me intime du processus de régénération sont au nombre de trois : 1° la théo¬
rie du bourgeonnement intégral ;2° la théorie de la néoformation autogène ;
3° la théorie éclectique, qui fait une part au bourgeonnement et une autre à
la prolifération des cellules de Schwann.
a) Théorie du bourgeonnement intégral. —- Les partisans de la théorie du
bourgeonnement intégral font valoir, à l’appui de leur opinion, des argu¬
ments d’une incontestable valeur. îls disent notamment, que le segment péri¬
phérique d’un nerf sectionné ne se régénère jamais quand on a empêché
d’une façon absolue les neurofibrilles provenant des cylindraxes vivants
d’entrer en contact avec les fibres nerveuses dégénérées de ce segment. A leur
avis, tous les faits expérimentaux qui paraissent contraires à cette règle sont
passibles d’objections, dont la plus importante provient précisément du rôle
PHYSIOPATHOLOGIE 47

éventuel que peuvent jouer les neurofibrilles aberrantes dont nous venons
de parler.
Ranvier rapporte, à ce propos, une observation très suggestive. A l’autopsie
d’un lapin dont il avait coupé le sciatique cent jours auparavant, il trouva
les deux bouts du nerf séparés par un intervalle de un centimètre environ.
Le bout central présentait à son extrémité un renflement volumineux; le péri¬
phérique un renflement de dimension très modérée. Ils paraissaient tout à
fait indépendants l’un de l’autre, du moins on ne voyait pas entre eux de
bande cicatricielle distincte ; ils reposaient simplement sur une membrane
blanche, luisante, d’apparence conjonctive. Ranvier eut l’idée de rechercher
si elle ne contenait pas de fibres nerveuses. Il la badigeonna d’acide osmique
et vit s’y dessiner des traits noirs qui, examinés au microscope, se mon¬
trèrent formés par un riche réseau de fibres néo-formées. Que serait-il arrivé,
ajoute-t-il, si nous n’avions pas employé l’acide osmique ? « Nous n’aurions
pas reconnu cette mince membrane cicatricielle, qui paraissait au premier
abord être simplement une lame de tissu conjonctif sous-jacente aux deux
bouts du nerf sectionné. Nous aurions été persuadé dès lors que les deux
extrémités du nerf se terminaient librement, et nous en aurions naturelle¬
ment tiré la conclusion qu’il se fait dans le segment périphérique une régé¬
nération absolument indépendante du bout central, car il contenait un grand
nombre de fibres nerveuses de nouvelle formation ».
b) Théorie de la régénération autogène. — Les partisans de la régénération
autogène soutiennent que la régénération des fibres nerveuses s’opère dans
l’intérieur des anciennes gaines, par la différenciation in situ du protoplas¬
ma dérivé de la prolifération des cellules de Schwann. Ils s’appuient surtout
sur des arguments tirés de l’embryologie et de l’anatomie pathologique. Ils
prétendent qu’on trouve souvent des nerfs bien développés chez des monstres
dépourvus de cerveau et de moelle. Mais ces faits sont en dehors de la ques¬
tion de la régénération nerveuse. Ils invoquent aussi quelques observations
de paralysie infantile dans lesquelles les nerfs des membres atrophiés ont été
trouvés régénérés malgré la destruction étendue du segment correspondant
des cornes antérieures de la moelle. Mais on peut supposer que des cellules
voisines de celles qui ont disparu ont envoyé dans les nerfs régénérés quel¬
ques filaments cvlindraxiles qui ont suffi à assurer la régénération de ces
nerfs.
c) Théorie éclectique. — Les histo-neurologistes contemporains les plus
autorisés se rallient presque tous à la théorie éclectique d’après laquelle la
régénération des fibres nerveuses désorganisées par le fait de la dégénéres¬
cence tVallériennè serait commandée par deux facteurs : le bourgeonnement
4,S CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

des fibres du bout central, et l’influence du protoplasma produit, dans les


fibres dégénérées du bout périphérique, par la réaction des cellules de
Schwann. Ce protoplasma qui s’accumule, ainsi que nous l’avons indiqué
précédemment, dans les gaines des anciens tubes nerveux, préparerait le
terrain à l’organisation des fibres nouvelles ; mais, à lui seul, il serait inca¬
pable de donner naissance à des cylindraxes par simple différenciation de sa
propre substance. Cajal, Marinesco, pensent qu’il sécrète des substances
à chimiotaxie positive, offrant aux neurofibrilles qui les atteignent une ré¬
serve alimentaire de premier choix, en même temps qu’ils excitent les mou¬
vements amiboïdes de leurs cônes d’accroissement et dirigent leur dévelop¬
pement dans le sens de la longueur des tubes nerveux, en voie de régéné¬
ration.
Bien que cette manière de voir ait été souvent combattue par quelques
auteurs, elle paraît plus conforme aux faits que les théories exclusives. En
l’état actuel de nos connaissances, il semble bien qu’il faille, pour expliquer
congrûment le processus de la régénération des nerfs, tenir compte à la fois
du bourgeonnement primitif et nécessaire des fibres du bout central et de
l'influence locale favorisante des cellules apotrophiques dans le bout péri¬
phérique.
La régénération n’est pas un phénomène aussi général que la dégénération.
Celle-ci se produit fatalement toutes les fois qu’un prolongement neuronal
est séparé de sa cellule-mère ; celle-là ne suit pas nécessairement la dégéné¬
ration. Nous verrons en étudiant, les nerfs rachidiens, que certaines circons¬
tances locales ou générales peuvent l’entraver. Mais il est un fait sur lequel
nous devons appeler ici l’attention : la régénération ne se produit jamais
dans les prolongements dégénérés des neurones centraux. Les fibres nerveu¬
ses des cellules de l’écorce cérébrale, celles des noyaux striés et thalamiques,
celles qui donnent naissance aux fibres d’association qui unissent le cervelet
à la moelle on les divers segments de la moelle entre eux, dégénèrent lors¬
qu’elles sont séparées de leurs cellules-mères, tout comme les fibres nerveuses
provenant des protoneurones périphériques. Leur dégénération provoque les
lésions systématiques ; les scléroses descendantes des faisceaux pyramidaux,
les scléroses ascendantes des faisceaux de Goll et des faisceaux cérébelleux,
etc. Mais à l’inverse de ce qui se passe pour les prolongements des proto-
neurones périphériques qui, après avoir dégénéré, sont susceptibles de régéné¬
ration, les segments dégénérés des neurones centraux ne se régénèrent
jamais.

c) Résumé. — En résumé, les lois de la régénération walléricnne peuvent


être formulées dans les deux propositions suivantes : Le segment distal de
PHYSIOPATHOLOGIE 49

toutes les fibres nerveuses centrales ou périphériques séparées de leur cellule-


mère dégénère, mais seules les fibres appartenant à des protoneurones péri¬
phériques sont susceptibles de régénérescence.

c) Altérations de la cellule neuronale succédant aux lésions de ses prolonge¬

ments (réaction à distance, chromatolyse péri nucléaire).

Waller croyait qu’après la section des nerfs périphériques le bout central


des fibres nerveuses sectionnées et les cellules dont elles dérivent ne subis¬
saient aucune modification. Ses observations sur ce point ont été infirmées
par les recherches des histo-physiologistes qui ont répété ses expériences avec
des méthodes d’investigation plus délicates. Nous avons déjà indiqué que le
bourgeonnement des neurofibrilles du bout central débute presque en même
temps que la dégénération du segment périphérique. D’autre part, il se
produit, dans les réseaux de substance chromatique des cellules mutilées
par la section de leurs prolongements, un phénomène désigné sous le
nom de réaction a distance ou de chromatolyse périnucléaire. Il a été
primitivement étudié p^r Nissl, sur les cellules des noyaux bulbaires
'du nerf facial, consécutivement à la section de ce nerf. Vingt-quatre heures
après le début de l’expérience Nissl remarqua que la substance chromati¬
que de ces cellules se raréfiait ; que le lendemain elle était réduite à l’état
pulvérulent ; que les jours suivants le corps cellulaire se tuméfiait et que son
noyau était repoussé vers la périphérie de la membrane enveloppante de la
cellule ; que l’altération était généralement arrivée à son maximum vers le
sixième jour ; qu’à partir de ce moment le réseau de chromatine récupérait
progressivement sa structure et son ordonnance normales, en même temps
que le noyau reprenait sa place habituelle au centre du protoplasma cellu¬
laire, mais que parfois, exceptionnellement, la chromatolyse aboutissait à
l’expulsion du noyau hors de la cellule et par conséquent à la mort de celle-ci.
La réaction à distance n’est pas un phénomène spécial au nerf facial du
lapin. Elle se produit à des degrés divers chez tous les vertébrés
après la section de tous les nerfs. Son intensité varie avec la gravité du
traumatisme subi par le nerf, avec la distance qui sépare le point traumatisé
des cellules originelles, avec l’état général du sujet en expérience. Elle reste
toujours étroitement localisée aux cellules des noyaux d’origine des nerfs
sectionnés, à tel point qu’entre les mains de Marinesco, de Lugaro, de van

Gehuchten, de Sano, etc., elle a déjà pu servir à fixer nos connaissances sur
un bon nombre de détails jusqu’alors très contestés, relativement à l’origine
LES NERFS EN SCHÉMAS 4
50 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

réelle des nerfs crâniens dans les noyaux du mésencéphale et des nerfs rachi¬
diens dans les différents segments de la moelle épinière.
Les auteurs qui s’en sont occupés y voient une perturbation nutritive des
cellules mutilées, représentant une adaptation défensive de leur nutrition
aux nouvelles conditions d’exislence que crée en elles la suppression bru¬
tale de leurs prolongements. Elle est, dans tous les cas, une preuve certaine
de la solidarité qui unit les parties excentriques du neurone à leur cellule-
mère. Quand la cellule meurt, tous ses prolongements périssent ; quand un
ou plusieurs de ses prolongements sont séparés d’elle, elle ne meurt généra¬
lement. pas, mais elle souffre, et sa souffrance se traduit par une perturba¬
tion temporaire dans l’élaboration des substances nutritives qui étaient desti¬
nées à entretenir la vitalité fonctionnelle du ou des prolongements qu'elle a
perdus.

d) Hypotrophie en masse du neurone succédant à son inactivité


fonctionnelle prolongée

La nutrition du neurone est influencée par l’exercice de son activité fonc¬


tionnelle. La physiologie générale nous apprend que tout organe qui cesse
de fonctionner subit une réduction progressive de ses parties constituantes.
Il ne meurt pas, mais il devient plus grêle, plus chétif que lorsque sa vita¬
lité était incessamment stimulée par l’exercice régulier de ses fonctions. Le
neurone n’échappe pas à cette loi biologique. Quand une cellule neurale
est séparée d’une partie de ses prolongements, elle est, par cela même, privée
d’une partie des excitations qui stimulaient son activité. Dès lors, n’étant
plus en l’état d’équilibre dynamique le plus favorable à l’entretien de sa nu¬
trition, elle s’atrophie lentement, tout comme un muscle condamné à une
inertie prolongée, et cette atrophie s’étend de proche en proche aux neurones
avec lesquels elle était en rapport physiologique. C’est ainsi que s’expliquent
les atrophies lentement progressives qui, à la suite des amputations des mem¬
bres, remontent lentement dans les tronçons des nerfs sectionnés, s’étendent
peu à peu dans la substance grise et dans les cordons latéraux de la moelle,
et, cheminant de proche en proche, se propagent finalement jusqu’aux ré¬
gions de l’écorce cérébrale où se trouvent les centres moteurs et sensitifs des
membres amputés. Il ne s’agit pas là d’une atrophie dégénérative à évolu¬
tion aiguë, comparable à celle qui se produit dans le segment distal des fibres
nerveuses séparées de leurs cellules-mères. 11 s’agit d’un simple amaigrisse¬
ment, sans altérations structurales profondes, uniquement dû au défaut pro¬
longé de toute activité fonctionnelle.
PHYSIOPATHOLOGIE 51

Nous sommes bien loin d’avoir abordé, dans le bref exposé que nous ve¬
nons de faire de la physiopathologie du neurone, tous les problèmes que sou¬
lève l’étude clinique des maladies du système nerveux. Mais nous aurons
maintes fois l’occasion, dans les chapitres suivants, de revenir sur certains
détails susceptibles d’éclairer la pathogénie d’un grand nombre de phéno¬
mènes ressortissant à la neurologie pratique.

§ 3. - ATTRIBUTS PHYSIOLOGIQUES ET RÉACTIONS PATHOLOGIQUES


DES FIBRES NERVEUSES

Nous étudierons successivement, dans le présent paragraphe : 1° les va¬


riâtes fonctionnelles des fibres nerveuses ; 2° leurs propriétés biologiques ;
3° les effets de leur excitation et de leur section ; 4° enfin, leurs réactions
pathologiques.

1° Variétés fonctionnelles des fibres nerveuses. — Les fibres nerveuses


sont les agents de liaison qui, en faisant communiquer entre elles les diffé¬
rentes portions du système nerveux, assurént l’harmonie de son fonction¬
nement.
On les divise en centrales et périphériques :
Les centrales, entièrement incluses dans le névraxe, forment les fais¬
ceaux d’association intra-cérébraux, intra-cérébelleux, cérébro et cérébello-
médullaires, par lesquels s’établissent les relations fonctionnelles entre les
neurones des diverses parties du cerveau, du cervelet, de la protubérance du
bulbe et de la moelle épinière.
Les périphériques sont celles qui entrent dans la composition des nerfs.
Par l’une de leurs extrémités, elles plongent dans le névraxe, soit directe¬
ment, soit après avoir traversé un amas ganglionnaire ; par l’autre, elles vont
se terminer dans les téguments, les muscles, les glandes, les vaisseaux, ou le
parenchyme des viscères.
De ces fibres périphériques, les unes sont centripètes, les autres centri¬
fuges :
Les centripètes sont constituées par les prolongements protoplasmiques
des neurones sensitifs ; elles transportent de la périphérie vers les centres
les excitations qui donneront naissance aux perceptions, ou se réfléchiront
en actes rellexes.
Les centrifuges sont formées par les prolongements cylindraxiles des cel¬
lules motrices des cornes anterieures de la moelle, des noyaux moteurs de la
protubérance et du bulbe, ou des noyaux d’origine du sympathique.
52 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

11 en existe quatre variétés : 1° des fibres motrices volontaires, qui trans¬


mettent aux muscles striés les incitations partant de l’écorce de la région
rolandique du côté opposé ; 2° des fibres réflecto-motrices, qui transportent
dans les mêmes muscles, après qu’elles ont été réfléchies dans divers points
du névraxe, les excitations centripètes réflectogènes ; 3° des fibres vaso¬
motrices dont l’incitation directe ou rcllexe a pour effet de provoquer la dila¬
tation ou la constriction des vaisseaux ; 4° des fibres sécrétoires qui comman¬
dent, les phénomènes cellulaires d’où dérivent les sécrétions des glandes.
On a pensé, pendant quelque temps, qu’il y avait aussi des fibres trophi¬
ques, tenant sous leur dépendance la régulation de la nutrition des organes
auxquels elles se distribueraient. Mais l’existence de fibres nerveuses agis¬
sant directement sur la nutrition n’a jamais été prouvée d’une façon cer¬
taine. En dehors de l’action trophique qu’exerce la cellule neuronale sur la
vie de ses prolongements, et par l’intermédiaire de ces derniers sur les fibres
musculaires, on ne connaît pas d’exemple convaincant démontrant que cer¬
taines fibres nerveuses ont pour fonction spécifique de présider à la nutrition
des organes ou des tissus vivants.
Quelles que soient leurs attributions fonctionnelles, les fibres nerveuses
ont toujours et partout la même structure histologique élémentaire ; elles
sont formées par un faisceau de neurofibrilles généralement entouré d’un
manchon de myéline dans les fibres motrices et sensitives de la vie de relation,
habituellement nu dans les fibres vaso-motrices et sécrétoires de la vie organi¬
que ; mais on trouve des fibres sans myéline dans les nerfs moteurs, et sensi¬
tifs de la vie de relation et des fibres à myéline dans les nerfs du système
sympathique. Bien plus, les fibres motrices et sensitives des nerfs des mem¬
bres qui sont revêtues d’une gaine de myéline dans la plus grande partie de
leur trajet, manquent de cette gaine au voisinage de leur origine dans les
cellules où elles prennent naissance, et elles s’en dépouillent au voisinage de
leurs extrémités terminales dans les plaques motrices des muscles ou dans
les corpuscules sensitifs. Aussi est-il impossible de reconnaître sous le mi¬
croscope à quelle fonction était affectée une fibre donnée ; ni ses apparences
morphologiques, ni l’action des réactifs colorants employés en histologie
ne permettent de distinguer une fibre motrice ou sensitive d’une fibre vaso¬
motrice ou sécrétoire. Et pourtant il y a vraisemblablement entre elles des
différences de composition, puisque certains poisons portent électivement
leur action sur Jes unes ou sur les autres : le curare par exemple paralyse
les mouvements sans altérer la sensibilité ; inversement, la cocaïne paralyse
la sensibilité sans affecter la motricité ; l’atropine tarit certaines sécrétions
que la pilocarpinc exagère, etc., etc.
PHYSIOPATHOLOGIE 53

2° Propriétés biologiques des fibres nerveuses. — Les fibres nerveuses


sont douées de deux propriétés biologiques : l’excitabilité et la conductibilité.
a) Excitabilité. — L’excitabilité est la propriété d’entrer en action sous
l’influence de stimulants physiologiques ou artificiels.
Dans les conditions normales de la vie, elle est mise en jeu par des incita¬
tions qui partent : pour les fibres motrices, des cellules neuronales où nais¬
sent ces fibres ; pour les fibres sensitives, des appareils périphériques
où elles se terminent. Dans le premier cas, l’excitation est cellulifuge ; elle
aboutit à une contraction musculaire ou à une réaction vaso-motrice ou
sécrétoire ; dans le second cas, elle est cellulipète, et aboutit à une percep¬
tion sensible ou, par réflexion, à un phénomène rellexe.
Expérimentalement, diverses excitations artificielles d’ordre mécanique,
calorique, chimique ou électrique, appliquées sur un point quelconque du
trajet d’un cordon nerveux, peuvent déterminer des réactions semblables à
celles que provoquent les excitations physiologiques, c’est-à-dire à des réac¬
tions motrices, vaso-motrices ou sécrétoires, s’il s’agit d’un nerf centrifuge ;
à des réactions sensitives ou réflexes s’il s’agit d’un nerf centripète. Ces phé¬
nomènes se produisent même quelque temps après que les animaux soumis
à l’expérience ont cessé de vivre. L’excitabilité des nerfs persiste, en effet,
plusieurs heures après la mort des animaux à sang chaud, et plusieurs
jours après celle des animaux à sang froid. Il est à peine besoin de dire
qu’on ne peut alors la mettre en évidence qu’en interrogeant les phénomènes
moteurs, car toute trace de sensibilité disparaît avec la cessation de la vie.
b) Conductibilité. — La conductibilité est la propriété essentielle des fibres
nerveuses. Si on pince un nerf moteur ou si on lance sur lui un courant
électrique d’une intensité suffisante, l’excitation se transmet au muscle
correspondant et y détermine des contractions. Lorsqu’on excite de la même
manière un nerf sensitif, l’animal manifeste de la douleur. Les nerfs sen¬
soriels répondent aux excitations par des sensations spécifiques : visuelles
s’il s’agit du nerf optique, auditives s’il s’agit du nerf acoustique, etc.
Lorsque, après avoir sectionné un nerf en travers, on rapproche ses deux
bouts de façon à les maintenir en contact, on peut exciter mécaniquement
son bout central sans provoquer de contractions musculaires et son bout
périphérique sans déterminer de douleurs, sauf dans le cas où des fibres
récurrentes établissent une communication collatérale avec les centres ner¬
veux. (Voy. p. 56 les conditions de production des phénomènes de sensibi¬
lité récurrente).

La rapidité avec laquelle s’opère la conduction des excitations dans les


nerfs vivants est relativement lente. Chez l’homme, elle est, aussi bien
54 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

pour les nerfs moteurs ijue pour les sensitifs, de 30 à 40 mètres par seconde .
Elle est notablement plus lente chez les animaux à sang froid. On remarquera
combien la conduction nerveuse est moins rapide que la conduction élec¬
trique ; c’est là une des raisons qui ont fait écarter l’hypothèse émise naguère
par quelques observateurs, d’après laquelle la conduction des excitations
dans les nerfs serait un phénomène physique de même nature que celle
des courants électriques dans les fils télégraphiques.
Aucune modification morphologique appréciable ne se produit dans les
libres nerveuses lorsqu'elles sont excitées mécaniquement, chimiquement ou
électriquement. Le seul phénomène objectivement constaté est celui connu
sous le nom de variation négative. Il se traduit par l’inversion du courant
électrique qui se produit à l’état de repos entre la surface et les parties cen¬
trales du cordon nerveux.
L’excitabilité et la conductibilité ne sont pas nécessairement liées l une à
l’autre. Un nerf inexcitable aux courants électriques peut parfaitement, ainsi
que l’a démontré Duchenne, de Boulogne, conduire les excitations physio¬
logiques. D’autre part, l’excitabilité peut être expérimentalement abolie
dans un segment de nerf où la conductibilité est conservée.
Les fibres nerveuses ne sont pas absolument inaccessibles à la fatigue, mais
elles résistent très longtemps à de fort longues séries d’excitations rappro¬
chées.
On ignore la nature du phénomène qui se passe dans la fibre nerveuse
quand elle transmet d’un point, à un autre les excitations qu’elle reçoit. Est-
ce une onde, un courant, une vibration, une modification chimique chemi¬
nant de proche en proche ?... Nul ne peut le dire. L’opinion la plus vraisem¬
blable, c’est que c’est une vibration physique comparable par sa lenteur
relative aux vibrations des cordes sonores. Dans tous les cas, ces vibrations
sont éteintes par l’interruption de continuité des cylindraxes et ne se mani¬
festent que si ceux-ci conservent un certain degré de souplesse et d’humidité.
Une curieuse expérience de Harless démontre l’importance de cette der¬
nière condition. Un nerf séparé des centres nerveux, mais tenant encore aux
muscles, est abandonné à l’air. Il se dessèche rapidement et perd son exci¬
tabilité ; il semble mort à tout jamais. Et cependant, si on vient à l’imbiber,
toutes ses propriétés éteintes reparaissent. « Semblable, dit Vulpian, à ces
infusoires dont l’histoire est si connue, que la dessiccation plonge pendant un
temps indéterminé dans un état de mort apparente, et qui reviennent peu
à peu à la vie dès qu’une goutte d’eau vient à les humecter, le nerf ressuscite,
pour ainsi dire, sous l’influence de l’imbibition. »
PHYSIOPATHOLOGIE 55

3° Effets de l’excitation et de la section des fibres nerveuses. — Nous


avons noté plus haut qu’il était impossible de reconnaître sous le micros¬
cope une libre nerveuse centripète d’une centrifuge. Mais la distinction
peut se faire expérimentalement par l’analyse des effets que produisent l’ex¬
citation et la section d’une fibre donnée douée de fonctions différentes.
Théoriquement, la chose est même très simple : l’excitation d’une fibre
motrice provoque la contraction de la fibre musculaire qui lui est appen-
due ; sa section détermine la paralysie de cette fibre musculaire.
L’excitation d’une fibre sensitive est suivie d’une sensation spécifique va¬
riant avec la nature de la fibre excitée : sensation olfactive visuelle ou audi¬
tive s’il s’agit d’une libre sensorielle, sensation de douleurs s’il s’agit d’une
libre de sensibilité générale.
La section d’une fibre sécrétoire paralyse la sécrétion de la cellule dans
laquelle elle se termine ; son excitation en stimule, au contraire, l’activité.
La section des libres vaso-motrices paralyse la régulation de la circula-
lion locale dans le réseau vasculaire correspondant ; l’excitation de libres
vaso-dilatatrices est suivie d’une hyperhémie intense de ce réseau ; inverse¬
ment, celle des vaso-constrictives y détermine une ischémie très marquée.
Ces effets différents s’expliquent par les deux lois qui régissent la conduc¬
tibilité des libres nerveuses et la polarisation dynamique des prolongements
neuronaux.
D'après la première de ces lois, la conduction dans les libres nerveuses
est subordonnée à la continuité substantielle de leur cylindraxe ; si celui-ci
est interrompu en un point quelconque de leur trajet, les courants nerveux
ne passent plus à travers le point d’interruption ; dès lors, la section d’une
fibre nerveuse vivante supprime toute manifestation fonctionnelle exigeant
le passage des excitations entre les deux segments de la fibre séparés par le
trait de section, bien que chacun de ces segments ait conservé ses propriétés
biologiques propres. C’est alors qu’intervient la loi de la polarisation dyna¬
mique ; si la fibre nerveuse divisée est à conduction cellulipète, l’excitation
de son bout central provoque une réaction sensitive sensorielle ou sensitivo-
motrice ; l’excitation de son bout périphérique ne détermine aucune réac¬
tion. Inversement, s’il s’agit d’une fibre à conduction cellulifuge, l’excita¬
tion de son bout central ne donne lieu à aucun phénomène appréciable,
tandis que celle de son bout périphérique donne lieu à des réactrices mus¬
culaires, vaso-motrices ou sécrétoires.
En pratique, les choses ne sont pas tout à fait aussi simples ; non pas que
les lois qui régissent les phénomènes élémentaires soient en défaut, mais
parce que l’on opère sur des nerfs qui contiennent toujours un mélange de
56 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

fibres fonctionnellement différentes dont les unes sont centripètes, les autres
centrifuges, quelques-unes même, sorties de la moelle par une racine pos¬
térieure, se recourbent en anse et vont s’incorporer dans la racine anté¬
rieure appartenant à la paire rachidienne correspondante ou vice versa ; ou
bien, après avoir exécuté une partie de son parcours dans un cordon nerveux
périphérique, elles passent par anastomose dans un nerf voisin fonctionnel¬
lement différent — c’est-à-dire dont les fibres propres n’ont, pas la même
polarisation dynamique qu elles — et y restent incluses pendant une autre
partie de leur trajet. Ce sont les fibres diles récurrentes dont les expériences
de Magendie. Claude Bernaud, Longet, ârloing et Tripier, etc., ont révélé
le rôle d’apparence paradoxale qu’elles jouent dans un grand nombre de
circonstances physiologiques ou pathologiques. Le nerf facial, par exemple,
est à son origine exclusivement moteur. Lorsqu’après l’avoir sectionné dans
le crâne on excite son bout central, on ne provoque pas de douleurs et si on
porte l’excitation sur son bout périphérique, on constate des contractions
indolentes limitées aux muscles de la face. Si au contraire, sur un autre ani¬
mal, on le coupe après sa sortie de la cavité crânienne, au-delà du trou stylo-
mastoïdien l’excitation de son bout périphérique détermine les mêïnes
contractions dans les muscles faciaux, mais l’excitation de son bout central
provoque des douleurs vives que l’animal manifeste par des mouvements
généraux de défense et des cris aigus. Comment ce nerf insensible à son
origine est-il devenu sensible dans son trajet ? Simplement parce qu’il a
reçu en cours de route des fibres récurrentes sensitives provenant de la
cinquième paire. La preuve, c’est que si l’on coupe le trijumeau du même
côté, l’excitation du bout central du facial ne détermine plus de souffrance.
On comprend combien ces phénomènes de récurrence doivent gêner l’ana¬
lyse des fonctions de certains nerfs. Afin de se mettre à l’abri de leur ingé¬
rence on peut dans les laboratoires de physiologie, avoir recours à des
artifices de nature à simplifier les expériences. Veut-on, notamment élimi¬
ner les réactions sensitives inopportunes, on chloroformise l’animal ; les
réactions motrices, on le curarise ; les réactions sécrétoires, on l’atropinise.
Mais il n’est qu’exceptionnellement possible d’user de ces moyens en patholo¬
gie humaine ; le clinicien est le plus souvent réduit à constater les phéno¬
mènes complexes soumis à son observation ; il peut cependant tirer parti
des données fournies par la physiologie pour les interpréter et en compren¬
dre la genèse.

4° Réactions pathologiques des fibres nerveuses, névrites — En pathologie,


les lésions des fibres nerveuses, qui sont les éléments nobles des nerfs, se tra-
PHYSIOPATHOLOGIE 57

duisént par deux groupes de phénomènes principaux : phénomènes d’inter¬


ruption et phénomènes d’excitation, souvent associés l'un à l’autre en pro¬
portions variables, suivant la nature des altérations anatomiques qui les con¬
ditionnent.
D’une façon générale, les phénomènes d’interruption sont caractérisés par
la perte de la fonction propre du nerf : paralysie motrice, s’il s’agit d’un nerf
moteur, anesthésie s’il s’agit d’un nerf sensitif, abolition des sécrétions et de
la régulation thermiques s’il s’agit d’un nerf contenant un grand nombre de
fibres sécrétoires et vaso-motrices. Les phénomènes d’excitation se manifes¬
tent par des symptômes de suractivité fonctionnelle : contractions ou spas¬
mes musculaires, hyperésthésie ou douleurs névralgiques ; hypersécrétion,
troubles vaso-moteurs et thermiques variés. Nous exposerons en détail les
éléments constitutifs de ces syndromes à propos de la pathologie des nerfs
rachidiens.
On divise les névrites en deux groupes :

Résultant de l’interruption de la continuité


des fibres nerveuses par le fait de lésions méca-
.. , l niques (plaies, ligatures, contusion, compres-
A) NEVRITES LOCALISEES 1 . > r
, , sion, etc.'), physiques (gelure, brûlure), ou chi-
DE CAUSE EXOGENE OU / .
, \ nuques (injections de substances diverses dans
MONONEVRITES. I
I les cordons nerveux), ou bien, enfin, par
ischémie locale, ou par altérations limitées des

I centres trophiques.

1° Toxiques (intoxication saturnine,


alcoolique, etc.).

2° Infectieuses (diphtérie, fièvre thyphoïde vario-


le, tuberculose, etc.).
arsenicale,

3° Dyscrasiques (rhumatisme, goutte, diabèle,


\ béribéri, etc.).

Il convient de remarquer que, malgré sa désinence, le mot névrite ne s’ap¬


plique pas uniquement aux altérations inflammatoires des nerfs. Il désigne
a la fois toutes les réactions vitales des nerfs qui aboutissent à des change¬
ments de structure appréciables à l’œil nu ou au microscope, que ces réac¬
tions soient de nature inflammatoire ou de nature dégénérative, confusion
regrettable, qui consacre un vice de langage très répandu dans nos classifi¬
cations nosologiques, où les mots d’hépatite, de néphrite, etc., s’appliquent
aussi bien aux affections parenchymateuses, relevant d’une perturbation pri-
58 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

milive de Ja nutrition cellulaire des organes, qu’aux affections interstitielles


réellement inflammatoires de leur gangue conjonctive.
De même, les mots de mono ou de poly-névriles ne doivent pas être pris à
la lettre. Ils ne signifient pas que la maladie porte, chez un même sujet, sur
un seul ou sur plusieurs nerfs. Ils expriment une idée pathogénique. On ap¬
pelle mononévrites celles dont la cause a porté localement sur le nerf atteint,
de telle sorte que la névrite, qui en est la conséquence, n’a d’autre tendance
à l’extension que celle résultant de la propagation de la dégénération wallé-
rienne le long de ses propres libres. Mais il est de toute évidence que plu¬
sieurs nerfs peuvent être affectés, chacun pour son propre compte, de lé¬
sions du type mononévritique. Une plaie du bras ou de l’avant-bras peut,
par exemple, sectionner le médian seul, ou le médian et le cubital, ou le mé¬
dian, le cubital et le radial, sans que le caractère mononévritique des lésions
de chacun de ces nerfs soit compromis.
Inversement, dans une polynévrite toxi-infectieuse, un seul nerf peut être
altéré quoique l’agent pathogène circulant dans le sang ait imprégné à !a
fois sa substance et celle de tous les autres nerfs de l’organisme. Il a réagi
le premier soit parce que sa résistance aux influences nocives a été diminuée
par des circonstances accidentelles (exemple, paralysie du cubital chez les
typhoïdiques restés longtemps couchés en chien de fusil sur un côté), soit
parce que le poison introduit dans l’organisme par voie sanguine ou lym¬
phatique a exercé tout d abord son action sur les ramifications nerveuses
les plus proches de sa porte d’entrée (ex., paralysie vito-palatine dans 'a
diphtérie pharyngée). Mais les autres nerfs n’en sont pas moins en état d’im¬
minence morbide par le fait de l’intoxication générale, si bien que la névrite
primitivement localisée à un nerf est toujours susceptible de s’étendre aux
autres pour peu que l’adultération des humeurs se prolonge ou s’intensifie.
CHAPITRE II

NERFS CRANIENS
fPlanche /].

On peut définir les nerfs crâniens : les nerfs qui, naissant de l’encéphale
ou du bulbe, traversent les trous de la base du crâne pour se rendre aux ter¬
ritoires organiques auxquels ils sont destinés.
Nous avons représenté dans la planche I l’ensemble de ces nerfs. La figure
1, nous les montre sur la face inférieure de l’encéphale, émergeant de bulbe,
de la protubérance annulaire, des pédoncules cérébraux, du chiasma optique,
de l’espace perforé antérieur. Nous les voyons, dans la figure 2, couchés sur
la base du crâne et traversant successivement les trous qui leur sont destinés
pour se rendre à leurs territoires respectifs.
Nous envisagei'ons dans un premier article, les nerfs crâniens en général.
Dans les articles suivants, nous étudierons séparément, au double point de
vue anatomique et physiopathologique, chacun des nerfs crâniens, en com¬
mençant par le nerf olfactif.

ARTICLE PREMIER

NERFS CRANIENS EN GÉNÉRAL

§ 1. — ANATOMIE

Les nerfs crâniens ont pour caractères communs : 1° d’obéir à la loi de


symétrie, et, par conséquent, de naître par paires, les uns sur le côté gau¬
che du névraxe, les autres sur le côté droit ; 2° d’occuper la cavité crânienne
immédiatement ou peu après leur origine ; 3° de traverser successivement,
60 LES NERFS CRÂNIENS

pour sortir de cette cavité, toutes les enveloppes de l’encéphale, la pie-mère,


l’arachnoïde, la dure-mère, et, enfin, la paroi osseuse du crâne. Entre la pie-
mère et le feuillet viscéral de l’arachnoïde, ils cheminent dans les espaces
sous-arachnoïdiens, baignant en plein dans le liquide céphalo-rachidien.
Chacun des nerfs crâniens possède une double origine : une origine appa¬
rente et une origine réelle. L’origine apparente, on le sait, est le point de la
surface extérieure du névraxe, où il est implanté et où il semble naître; l’ori¬
gine réelle, est le noyau, simple ou multiple, de substance grise centrale, où
aboutissent réellement ses fibres, après un parcours plus ou moins étendu
dans la substance même du névraxe.
Les nerfs crâniens sont au nombre de douze paires, que l’on désigne sous
les noms de première, deuxième, troisième, etc., en allant d'avant en ar¬
rière. Nous les groupons méthodiquement dans le tableau suivant, en indi¬
quant pour chacun d’eux : 1° son origine apparente sur le cerveau, l’isthme
de l’encéphale ou le bulbe ; 2° l’orifice de la base du crâne dans lequel il s’en¬
gage (voy. Planche I, 1 et 2).

PAIRES CRANIENNES ORIGINE APPARENTE TROU DE SORTIE


Paire: N. OLFACTIF. Cerveau.Trou de la lame cri¬
blée.
2® Paire : N. OPTIQUE. Couche optique.Trou optique.
3e Paire : N. MOTEUR OCULrL‘ COMM11 Pédoncule cérébral. Fente sphénoïdale.
4e Paire : N PATHF.TIOUE. Isthme.Fente sphénoïdale.
5e Paire : N. TRIJUMEAU. Protubérance. Fente sphénoïdale,
trou grand rond et
trou ovale.
6e Paire : N, MOTEUR OCUL10 EXTERNE Bulbe.Fente sphénoïdale.
7e Paire : N. FACIAL. Bulbe.. .Conduit auditif ex¬
terne et aqueduc
de Fallope.
8e Paire : N. AUDITIF. Bulbe. Conduit auditif ex¬
terne.
9° Paire: N. GLOSSO-PHARYNGIEN Bulbe.Trou déchiré posté¬
rieur.
40e Paire: N. PNEUMOGASTRIOUE . Bulbe.Trou déchiré posté¬
rieur.
1P Paire : N. SPINAL. Bulbe et moelle.Trou déchiré posté¬
rieur.
12e Paire : N. GRAND HYPOGLOSSE. Bulbe.... Trou condjdienanté¬
rieur.

Considérés au point de vue physiologique, les nerfs crâniens se divisent en


trois groupes : 1° les nerfs sensitifs ou sensoriels ; 2° les nerfs moteurs ; 3°
les nerfs mixtes.
a) Les nerfs sensitifs ou sensoriels sont au nombre de trois : l’olfactif (lr0
paire), l’optique (2e paire) et l’auditif (3° paire).
P) Les nerfs moteurs comprennent : le moteur oculaire commun (3e paire),
PITRES et L. TESTUT.
NERFS CRANIENS EN GENERAL 61

le pathétique (4e paire), le moteur oculaire externe (6e paire), le spinal


(11e paire) et le grand hypoglosse (12e1 paire).
y) Les nerfs mixtes, enfin, sont au nombre de quatre : le trijumeau (5e
paire), le facial (7e paire), le glosso-pharyngien (9e paire) et le pneumogas¬
trique (10° paire). Toutefois, en ce qui concerne ce dernier nerf, on a de
bonnes raisons de penser qu'à son origine il est exclusivement sensitif et
que les fibres motrices que renferme son tronc au-dessous du ganglion
plexiforme proviennent des anastomoses qui lui sont fournies par le glosso-
pharyngien, le facial, le grand hypoglosse et surtout par la branche interne
du spinal. Nous y reviendrons plus loin, à propos de la planche X consa¬
crée au pneumogastrique.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

Chacun des nerfs crâniens a une pathologie propre dont la phénomé¬


nologie est commandée par la nature de ses fonctions et par la distribution
terminale de ses branches. Nous aurons à étudier, dans le cours de cet
ouvrage, après la description anatomique de ces nerfs, les symptômes
qui révèlent aux cliniciens leurs lésions individuelles. Pour le moment,
nous nous bornerons à jeter un coup d’œil d’ensemble sur leur répartition
à la base de l’encéphale et sur les rapports qu’ils affectent entre eux dans leur
trajet sous-encéplialique, répartition et rapports qui expliquent la genèse des
syndt'omes de localisation, formés par les lésions simultanées de plusieurs
nerfs en des points où ils se trouvent assez rapprochés pour qu’ils puissent
être offensés ensemble par une même cause morbide.

A) IMPORTANCE SÉMIOLOGIQUE DES SYNDROMES D’ASSOCIATION


* PQLYNEUROPATHIQUE DES NERFS CRANIENS

Les nerfs crâniens, tout comme les rachidiens, peuvent être quelquefois
atteints d’affections primitives, telles que des névrites toxi-infectieuses ;
mais, le plus souvent, les altérations dont ils deviennent le siège se déve¬
loppent consécutivement à des traumatismes ou à des lésions de voisinage :
déchirures, airachements ou contusions, dans les cas de fractures de la base
du crâne ; compressions dues à des tumeurs néoplasiques, anévrysmales ou
hémorragiques ; réactions inflammatoires ayant pour point de départ des
foyers d’ostéites ou de méningites aiguës ou chroniques, de nature tubercu¬
leuse, syphilitique ou septique.
62 LES NERFS CRANIENS

Il va de soi que l’apparition, au milieu du groupe des symptômes déter¬


minés par une affection intra-cranienne en évolution, de quelques signes
révélant la paralysie ou l’irritation de l’un quelconque des nerfs crâniens
peut servir à éclairer le diagnostic topographique de l’affection causale. A
plus forte raison, la constatation de signes impliquant l’ingérence simul¬
tanée de plusieurs nerfs, voisins à leur origine, ou cheminant côte à côte
pendant une partie de leur trajet dans la cavité crânienne peut-elle acquérir
une valeur sémiologique de tout premier ordre. En fait, ces associations
polyncuropathiques constituent de véritables syndromes, qui permettent
souvent à un clinicien averti, non seulement de déterminer avec précision
le siège de la lésion primitive, mais encore d’en suivre, pour ainsi dire,
pas à pas l’extension progressive.
On connaît déjà un certain nombre de ces syndromes. Malheureusement,
on les a trop souvent désignés sous le nom des observateurs qui ont les pre¬
miers attiré l’attention sur leur signification sémiologique. Cette détestable
habitude a beaucoup nui à leur vulgarisation. La plupart des médecins igno¬
rent ce que représentent exactement le syndrome de Gradenigo, le syndrome
d’Avellis, le syndrome de Jackson, le syndrome de Schmidt, le syndrome
de Tapia, etc. Ils en ont bien lu quelques descriptions ; ils en ont peut-être
vu quelques exemples ; mais ils en ont oublié les caractéristiques cliniques,
parce que ces dénominations ne leur en rappellent ni la phénoménologie, ni
les raisons anatomiques susceptibles d’en faire comprendre la pathogénie.
Nous voudrions expliquer par quelles associations lésionnelles et symptoma¬
tiques ils sont formés, et comment leur constatation conduit à peu près
sûrement à des diagnostics de localisation très pïrécis.

B) LES PRINCIPAUX SYNDROMES D’ASSOCIATION DANS LES NERFS CRANIENS


9

L’examen de la planche I montre que les nerfs crâniens, à leur origine,


peuvent être divisés en trois groupes : 1° un groupe antérieur, comprenant
seulement les nerfs olfactif et optique (I et II paires) ; 2° un groupe moyen,
formé par les six nerfs qui naissent de la région pédonculo-protubérantielle,
c’est-à-dire par les nerfs moteur oculaire commun, pathétique, trijumeau,
moteur oculaire externe, facial et acoustique (III, IV, V, VI, VII et VIII paires);
3° un groupe postérieur, dans lequel figurent les quatre nerfs qui naissent
du bulbe : le glosso-pharyngien, le pneumogastrique, le spinal et l’hypoglosse
(IX, X, XI et XII paires). A chacun de ces trois groupes appartiennent des
syndromes d’association d’importance inégale que nous allons passer en revue.
NERFS CRANIENS EN GENERAL 63

1° Syndromes du groupe antérieur (I et IIes paires) — Les nerfs olfactif et


optique donnent lieu, lorsqu’ils sont le siège d’altérations pathologiques, à des
réactions spécifiques simples : le nerf olfactif réagit par de l’hyposmie ou de
l’anosmie ; le nerf optique par de l’ambliopie, de l’amaurose ou des hémia¬
nopsies.
Mais il ne prennent pas part à des associations symptomatiques suscepti¬
bles de fournir des indications très précises sur le siège des lésions qui ont
altéré leur fonctionnement. Les raisons qui les excluent de la formation des
syndromes de localisation sont différentes pour l’un et pour l’autre. L’olfac¬
tif cheminant seul, contre le plancher de l’étage supérieur de la base du
crâne, et ne contractant de rapports de voisinage avec aucun autre nerf,
conserve en pathologie l’individualité indépendante que lui donne son iso¬
lement anatomique. Le nerf optique n’est pas dans les mêmes conditions, car
il est en rapport immédiat avec plusieurs autres nerfs ; mais il s’altère si
facilement par suite de l’augmentation anormale de la pression intra-cranien-
ne que toutes les tumeurs cérébrales un peu volumineuses, quels que soient
d’ailleurs leur siège et leur nature, toutes les méningites un peu étendues
s’accompagnent d’œdème papillaire, ou de névrite optique. Ces phénomènes
sont tellement banals qu’ils n’ont pas plus de signification localisatrice que
la céphalée, les vomissements ou les éblouissements vertigineux, lesquels
dérivent eux aussi de l’exagération de la pression intra-cranienne.
Il y a pourtant un syndrome qui peut révéler l’existence d’une lésion limi¬
tée au cliiasma des nerfs optiques : c’est le syndrome de la selle turcique.
Voici comment il est constitué. Le chiasma optique, couché sur la selle tur¬
cique, est recouvert pa* la glande pituitaire. Si celle-ci devient le siège d’un
néoplasme, comme c’est le cas dans l’acromégalie, la tumeur aura pour effet
d’exercer une compression sur la partie centrale du chiasma compression
qui déterminera une hémianopsie bilatérale interne, ou binasale, c’est-à-dire
une perte de la perception lumineuse dans la moitié interne (ou nasale) de
chacune des deux rétines.
Cette variété d’hémianopsie pourrait, théoriquement, être produite par tou¬
tes les lésions atteignant les portions centrales du chiasma optique (abcès,
exostose du corps du sphénoïde, etc) ; mais ces lésions sont tellement rares
qu’en pratique sa constatation doit, toujours faire songer à l’existence d’une
tumeur du corps pituitaire liée au développement de l’acromégalie.

2° Syndromes du groupe moyen (IIT, TV, V, VI, VII et VIIIes paires). — Les
lésions associées des nerfs pédonculo-protubérantiels qui sont : le moteur
oculaire commun, le pathétique, le trijumeau, le moteur oculaire externe,
64 LES NERFS CRANIENS

le facial et l’acoustique, donnent lieu à plusieurs syndromes de localisation


d’une grande valeur sémiologique. Nous décrirons successivement : 1° le
syndrome du carrefour sphénoïdal ; 2° le syndrome du trijumeau ; 3° le syn¬
drome pétreux ; 4° le syndrome de l’angle ponto-cérébelleux.

a) Le syndrome du carrefour sphénoïdal. — Le moteur oculaire commun,


le pathétique, la branche ophtalmique de Willis (branche supérieure du tri¬
jumeau), et le moteur oculaire externe traversent tous les quatre le grand
lac sous-araclinoïdien, s’engagent côte à côte dans le sinus caverneux et vont
sortir de la cavité crânienne par la fente sphénoïdale, où ils se trouvent
réunis dans un espace relativement restreint, le carrefour sphénoïdal. Ils
peuvent donc être atteints simultanément, en ce point, par des lésions trau¬
matiques ou autres de la région moyenne de la base de l’encéphale. Aussi
n’est-il pas rare de voir survenir, dans les fractures irradiées du crâne, dans
les tumeurs de la fosse cérébrale moyenne, dans les anévrysmes de la carotide
interne, ou les thromboses du sinus caverneux, dans les méningites basilai¬
res, un syndrome complexe constitué par la coexistence d’une ophtalmoplé-
gie externe totale, résultant de la paralysie simultanée des nerfs de la IIIe, de
la îVe et de la VIe paire, avec des troubles de la sensibilité et de la trophicité
de la cornée et des téguments des régions frontale et péri-orbitaire, produits
par la lésion de la branche ophtalmique de la Ve paire.
Ce syndrome a une valeur sémiologique très précise. Il ne peut être confon¬
du avec la polioencéphalite supérieure, affection dans laquelle les noyaux des
oculo-moteurs peuvent être détruits simultanément, mais où les noyaux du
trijumeau sont généralement épargnés, ce qui fait que rophtalmoplégie tota¬
le ne s’accompagne pas de troubles de la sensibilité, tandis que ces troubles
de la sensibilité sont quasiment constants dans le syndrome du carrefour de
la fente sphénoïdale.

b) Le syndrome du trijumeau. — Le trijumeau émerge des parties latéra¬


les du pont de Varole. De ce point, ses fibres radiculaires se dirigjent vers
le ganglion de Gasser, d’où partent ses trois branches : la branche ophtalmi¬
que, la branche maxillaire supérieure et la branche maxillaire inférieure. La
branche ophtalmique, purement sensitive, se porte directement en avant
pour aller se joindre aux groupes des nerfs qui sortent du crâne par la fente
sphénoïdale.
Elle donne la sensibilité à la cornée, à la conjonctive, à la peau de la région
frontale, à celle du nez et à la muqueuse des fosses nasales. La branche maxil¬
laire supérieure, sensitive également, se dirige en bas vers le trou ovale par
lequel elle sort du crâne. Elle se distribue à la peau de la région sous-orbi-
NERFS CRANIENS EN GÉNÉRAL 65

taire, à la moitié supérieure de la muqueuse buccale, aux dents de la mâchoi¬


re supérieure. La branche maxillaire inférieure, mixte, suivant à peu près
la même direction que la précédente, va sortir de la cavité crânienne par le
trou grand rond, après avoir innervé la peau et la muqueuse de la partie
inférieure de la joue, les dents de la mâchoire inférieure et tous les muscles
masticateurs.
Les lésions simultanées des trois branches du trijumeau donnent ainsi lieu
à une symptomatologie touffue, caractérisée par des douleurs névralgiques
ou de l’anesthésie occupant les aires de distribution des lilcts terminaux de
ses branches sensitives, cutanée, par des anesthésies du globe oculaire, par
de l’aréflexie cornéenne, par des éruptions zostériformes siégeant le plus sou¬
vent dans la région naso-frontale (zona ophtalmique), et par des spasmes ou
des paralysies des muscles masticateurs.
La constatation de la totalité ou de la pluralité de ces phénomènes morbides,
au cours de l’évolution d’une affection intra-cranienne (tumeur, méningite,
etc.), indique que la lésion siège dans la fosse cérébrale moyenne, au niveau
ou au voisinage immédiat du pont de Varole.

c) Le syndrome pétreux. — 11 est constitué par des lésions simultanées


des deux nerfs qui traversent le rocher : le facial et l’acoustique. Sa caracté¬
ristique clinique est la coexistence d’une paralysie faciale du type funiculaire
avec des troubles plus ou moins accentués de l’audition et de l’équilibration,
résultant de l’offense des branches cochléaire et vestibulaire de la VIIIe paire.
Il se montre dans certains cas de fractures transversales du rocher, dans
quelques traumatismes de la région mastoïdienne, dans les otites suppurées,
dans les méningites péri-pétreuses.
Il peut être incomplet si les deux nerfs ne sont pas complètement sec¬
tionnés.
Il peut être, au contraire, compliqué par des paralysies du moteur ocu¬
laire externe, lequel contourne la pointe du rocher, en passant au-dessous du
ligament pétro-sphéno-basilaire, et aussi par des phénomènes d’irritation du
trijumeau ou des autres nerfs de la région pédonculo-protubérantielle.
Ses principales vai’iétés cliniques sont :
a) Le syndrome de Menières, caractérisé par l’association d’une paralysie
généralement incomplète du nerf cochléaire avec des crises vertigineuses
apoplectiformes, dues à l’irritation du nerf labyrinthique. Il se produit fré¬
quemment dans le cours des otites internes.
P) Le syndrome facio-labyrinthique de Lannois, caractérisé par la coexis¬
tence d’une paralysie faciale complète avec le syndrome de Menières. Il
résulte le plus souvent de fractures du rocher, de tumeurs siégeant dans le
LES NERFS EN SCHÉMAS 5
6G LES NERFS CRANIENS

canal auditif interne, ou de méningites localisées au niveau des origines


apparentes des VIIe et VIIIe paires, ou de névrites syphilitiques précoces,
ou bien encore de lésions de syphilis tertiaire 'exostoses dn conduit auditif,
gommes des nerfs).
y) Le syndrome tympano-pétro-oculo-moteur externe ou syndrome de
Gradcnigo. Il est formé par l’apparition, dans le cours d’une otite suppurée,
d’une paralysie du moteur oculaire externe et de phénomènes d’irritation du
trijumeau, notamment de douleurs névralgiques temporo-faciales. Il résulte
de la propagation de l’infection otitique au delà du rocher.
8) Le syndrome veslibulo-oculo-moteur de Bonnier. Constitué ptar l’asso¬
ciation à une lésion otique de troubles variés, spasmodiques ou paralytiques
de nature réflexe : nystagmus latéral ou vertical, déviation conjuguée des
globes culaires, paralysie de la IIIe paire (ptosis, mydrion), paralysie du mo¬
teur oculaire externe, etc.

d) Le syndrome de d’angle ponto-cérébelleux. — L’angle au niveau du¬


quel les pédoncules cérébelleux se relient aux côtés de la protubérance est
quelquefois le siège d’un espèce particulière de tumeur, de nature glioma-
teuse ou llbro-gliomateuse, qui paraît prendre naissance dans les fibres radi¬
culaires des nerfs dont les noyaux d’origine se trouvent situés dans la ré¬
gion protubérantielle, particulièrement dans les faisceaux radiculaires de
l’acoustique.
Ces tumeurs, presque toujours solitaires et encapsulées, refoulent, en se
développant, la protubérance et le cervelet sans pousser de racines dans leur
tissu. Elles sont donc — et c’est là ce qui donne à leur diagnostic précoce un
intérêt pratique de tout premier ordre — accessibles, tant qu’elles n’ont pas
acquis un volume trop considérable, à des interventions chirurgicales effi¬
caces.
Ce diagnostic repose sur la coexistence de quelques phénomènes réaction¬
nels d’origine cérébelleuse, avec des troubles sensitifs et moteurs impliquant
l’atteinte des nerfs qui se trouvent réunis dans l’angle ponto-cérébelleux,
c’est-à-dire du trijumeau, du moteur oculaire externe, du facial et surtout
de l’acoustique.
Les phénomènes ressortissant de l’ingérence des pédoncules cérébelleux
ou des portions voisines de la protubérance et du cervelet, sont l’asynergie
motrice, l’adiadococinésie, la paresse ou la perte totale des mouvements de
latéralité des globes oculaires, les troubles de l’équilibre et de la marche.
Les phénomènes révélant l’intervention des nerfs protubérantiels sont :
des douleurs névralgiques de la face, avec anesthésie et aréflexie cornéenne,
et quelquefois kératite neuro-paralytique (Ve paire) ; de la parésie ou de la
nerfs crâniens en général G7

paralysie du moteur oculaire externe (VIe paire) ; de la parésie, de la para¬


lysie ou des spasmes du facial (VIIe paire) ; de l’hypo-acousie ou de la sur¬
dité unilatérale, accompagnée de bourdonnements d’oreilles et de vertiges
labyrinthiques (VIIIe paire).
Quand le syndrome est au complet, c’est-à-dire quand il y a à la fois des
phénomènes morbides dépendant des quatre nerfs naissant de la protubé¬
rance et des phénomènes de réaction cérébelleuse, le diagnostic de localisa¬
tion s’impose : il s’agit sûrement d’une lésion située dans le point où ces
nerfs sont très rapprochés les uns des autres, et ce point ne peut être que
l’angle ponto-cérébelleux. Quand il est incomplet, il faut tenir compte de
l’importance ielative de chacun d’eux. On admet généralement que l’associa-
lion de l’hypo-acousie avec de la parésie du mouvement de latéralité des glo¬
bes et de l’aréflexie cornéenne, association connue sous le nom de triade
d’Oppenheim, suffit presque à elle seule à révéler l’existence d’une tumeur
de l’angle ponto-cérébelleux.

3° Syndromes du groupe postérieur (IX, X, XI, XIIes paires). — Les qua¬


tre derniers nerfs crâniens, glosso-pharyngien, pneumogastrique, spinal et
grand hypoglosse, naissent tous les quatre sous le plancher de l’extrémité in¬
férieure du quatrième ventricule. Les trois premiers, enveloppés dans une
gaine arachnoïdienne commune se dirigent vers le trou déchiré postérieur
par lequel ils sortent de la cavité crânienne. L'hypoglosse, suivant à peu près
la même direction, gagne le trou condylien postérieur, par lequel il arrive
dans l’espace rétro-parotidien. Là, il s’accole, en même, temps que les trois
nerfs précédents, au cordon cervical du grand sympathique.

a) Tkajet et rapports sous-encéphaliques des quatre derniers nerfs

crâniens. — Durant tout leur trajet, depuis leur origine dans le bulbe jus-
qft’à leur entrée dans la région cervicale, les quatre derniers nerfs crâniens
restent donc assez rapprochés les uns des aulres pour qu’ils puissent être
simultanément atteints par des causes morbides. De ce fait résultent des
associations symptomatiques multiples qui paraissent, de prime abord, très
compliquées, mais qui sont cependant faciles à classer si on tient compte des
connexions et des fonctions propres de chacun des nerfs intéressés.
a) Glosso-pharyngien. — Le glosso-pharyngien est un nerf mixte. Par
ses fibres motrices, il commande la contraction du muscle constricteur supé¬
rieur du pharynx ; par ses fibres sensitives, il préside à la sensibilité gusta¬
tive du tiers postérieur de la base de la langue. Les phénomènes spécifiques
qui révèlent ses lésions sont donc : 1° des troubles de la déglutition résul¬
tant de la paralysie du muscle constricteur supérieur du pharynx, troubles
68 LES NERFS CRANIENS

consistant en une certaine difficulté à avaler les solides et en un mouvement


de translation de la paroi postérieure du pharynx vers le côté sain dans les
efforts nauséeux ; 2° une perte plus ou moins complète de la perception des
sensations gustatives, surtout des sensations amères, dans le tiers postérieur
de la muqueuse linguale. (Vernet).
b) Pneumogastrique. — Le pneumogastrique tire son origine de plusieurs
amas cellulaires assez mal délimités (vov. PL X).
11 n’est pas certain qu’il renferme, dès son origine, ainsi qu’on le pensait
naguère, des fibres motrices propres. Un bon nombre de physiologistes et
de cliniciens pensent maintenant qu’il est surtout peut-être même exclu¬
sivement, un nerf sensitif, et qu’il ne devient mixte qu’après avoir reçu, au
niveau du ganglion plexiforme, les fibres motrices qui lui sont fournies par
la branche interne du spinal et par les filets anastomotiques, qui lui vien¬
nent du glosso-pharyngien et de l’hypoglosse. L’association de ces fibres mo¬
trices d’emprunt aux fibres sensitives propres justifie la dénomination de
vago-spinal qui a été donnée au tronc du pneumogastrique dans son trajet
entre le ganglion plexiforme et le point d’émergence du récurrent.
Il fournit la sensibilité à la plus grande partie des muqueuses du voile du
palais, du larynx, et des viscères thoraciques et abdominaux. Il préside à la
sécrétion du foie, des glandes de l’estomac et de l’intestin. Il assure, de con¬
cert avec le sympathique, la régulation vaso-motrice des grands viscères, et,
par suite, de la pression artérielle générale.
Ses lésions unilatérales ne se traduisent cependant pas par des symptômes
éclatants. Le plus caractéristique c’est l’anesthésie de la moitié correspon¬
dante du voile du palais, du pharynx et du larynx, anesthésie qui n’entraîne
que des ti’oubles légers de la déglutition et de la phonation.
c) Spinal. — Le nerf spinal a son origine réelle en partie dans le bulbe,
en partie dans la moelle. Les fibres provenant de son noyau bulbaire forment
sa branche interne, celles provenant de la moelle, sa branche externe. La
première de ces branches, très courte, va se jeter dans le pneumogastrique,
au niveau du ganglion plexiforme. Les fibres qui la composent cheminent
un certain temps dans le tronc de ce nerf, sans perdre leur individualité
physiologique, puis elles en sortent les unes dans le nerf pharyngien qui va
innerver les muscles du voile du palais, les autres dans le laryngé inférieur
qui se rend à tous les muscles du larynx, sauf le crico-thyroïdien. Quelques-
unes, continuant leur trajet dans le pneumogastrique, vont se terminer dans
le muscle cardiaque ; ce sont probablement elles qui exercent sur le cœur
l’action modératrice qui se produit à la suite de l'excitation du tronc du pneu¬
mogastrique.
NERFS CRANIENS EN GÉNÉRAL 69

Les libx es du spinal provenant de la moelle, passent toutes dans la branche


externe de ce nerf, et vont se terminer dans les muscles trapèze et sterno-
cléido-mastoïdiens du même côté ; ces muscles reçoivent aussi, il ne faut pas
l’oublier, des filets moteurs provenant du plexus cervical.
Le spinal est donc un nerf moteur pur. Les lésions de sa branche interne
sont suivies d’une paralysie homolatérale du voile du palais et des muscles
tenseurs de la corde vocale inférieure, sans aucun trouble concomitant de la
sensibilité. Les lésions de sa branche externe déterminent une paralysie plus
ou moins accentuée des muscles trapèze et sterno-cléido-mastoïdien. Les
lésions de son tronc au-dessus de sa division en deux branches, sont carac¬
térisées cliniquement par la paralysie homologue du voile du palais et du
larynx (branche interne), et par celle du trapèze et du sterno-cléido-mastoï¬
dien (branche externe).
d) Grand hypoglosse. — Le grand hypoglosse est un nerf exclusivement
moteur. Il se distribue aux muscles intrinsèques de la langue. Ses lésions
provoquent l’hémiparalysie atrophique de ces muscles, sans anesthésie de la
muqueuse qui les recouvre.

u) Les syndromes des quatre derniers nerfs crâniens. — Nous voici en


mesure de comprendre la genèse des syndromes provoqués par les lésions
associées des quatre derniers nerfs crâniens : 1° les syndromes du vago-spinal;
2° le syndrome du trou déchiré postérieur : 3° le syndrome du carrefour
condylo-déchiré postérieur ; 4° le syndrome de l’espace rétro-parotidien.
a) Les syndromes du vago-spinal (syndromes d’Avellis, de Schmidt, de
Jackson, de Tapia). — a) Le plus simple est constitué par la coexistence d’une
paralysie unilatérale du voile du palais avec une paralysie de la corde vocale
inférieure du même côté (paralysie vélo-laryngée), sans troubles concomi¬
tants de la sensibilité ni de la déglutition. C’est lui que les laryngologistes
désignent sous le nom de syndrome d’Avellis ou de T.onghi-Avellis. Il est
l’expression symptomatique de la destruction du noyau bulbaire du spinal
ou de la branche interne de ce nerf avant son inclusion dans le tronc
des pneumogastriques. Il a une valeur sémiologique très précise, puisqu’il
indique une localisation lésionnelle étroitement limitée.
P) A la paralysie vélo-laryngée pure, qui constitue le syndrome d’Avellis,
s ajoute parfois la paralysie homolatérale des muscles trapèze et sterno-cléido-
mastoïdien (paralysie vélo-laryngo-scapulaire). Cette association caractérise
le syndrome de Schmidt. Elle i*évèle une lésion intéressant à la fois la bran¬
che interne et la branche externe du spinal.
y) Les lésions simultanées du spinal et de l’hypoglosse constituent le syn¬
drome de Jackson. Il est caractérisé par l’association d’une paralysie unila-
70 LES NEUFS CRANIENS

térale du voile du palais, du larynx, et des muscles trapèze et sterno-cléido-


mastoïdien (branches interne et externe de la XIe), avec une hémiparalysie
atrophique du côté correspondant de la langue iparalysie glosso-vélo-laryngo-
scapulaire).
S) Le syndrome de Tapia diffère du précédent par cette seule particularité
que dans le premier le voile du palais est épargné ; ce qui prouve que la
lésion du vago-spinal est située entre les points d émergence du nerf pharyn¬
gien et de la branche récurrentielle du vago-spinal.
Les syndromes d’Avellis, de Schmidt et de Jackson peuvent être d’origine
centrale ou périphérique, c'est-à-dire que leurs lésions provocatrices peuvent
siéger dans les noyaux bulbaires ou dans les nerfs qui en partent. On les
observe surtout dans la syringobulbie, dans le tabes, dans les polynévrites
infectieuses. Le syndrome de Tapia est, au contraire, habituellement causé
par des plaies pénétrantes ou des tumeurs de la région rétro-mastoïdienne.
b) Le syndrome du trou déchiré postérieur (Vernet). — Le glosso-pharyn-
gien, le spinal et le pneumogastrique sortent ensemble du crâne par le trou
déchiré postérieur avec la veine jugulaire interne et l’artère méningée posté¬
rieure. Leur lésion à ce niveau, soit par un agent traumatique, soit par une
tumeur néoplasique ou anévrysmale, soit par des névrites primitives, sera
suivie d’une association des symptômes relevant de la paralysie des IX, X
et XIe paires du côté correspondant, c’est-à-dire : 1° d'une hémiparalysie du
constricteur supérieur du pharynx accompagnée d’hémi-anesthésie gustative
du tiers postérieur de la langue fIXe paire) ; 2° d’une hémi-anesthésie tactile
du pharynx et du larynx (Xe paire) ; 3° d’une hémiparalysie du voile du
palais, du larynx et des muscles trapèze et sterno-cléïdô-mastoidien (XIe paire).
c) Le syndrome du carrefour condylo-déchiré postérieur (Collet, Sicard,
Vernet), ou syndrome des quatre dernières paires de nerfs crâniens. — Le
trou condylien postérieur par lequel l’hypoglosse sort de la cavité crânienne,
est si peu éloigné du trou déchiré postérieur qui livre passage aux trois autres
derniers nerfs crâniens, qu’un projectile pénétrant par la région rétro-mas¬
toïdienne ou qu’une tumeur peut fort bien les atteindre tous les quatre à leur
sortie du crâne. Les symptômes provoqués par cette quadruple lésion sont les
mêmes que ceux du syndrome précédent, auxquels s’ajoute l’hémiparalysie
atrophique de la langue (XIIe paire).
d) Syndrome de t'espace rétro-parotidien (Villaret). — En pénétrant daii9
1 espace rétro-parotidien, après leur sortie du crâne, les quatre nerfs crâniens
sont rejoints par le cordon du sympathique cervical. Un même agent
vuLnérant peut donc atteindre et blesser à la fois, sur ce point, le glosso-
pharyngien, le pneumogastrique, le spinal, l’hypoglosse et le grand sym-
NERFS CRANIENS EN GENERAL 71

pathique. Le syndrome complexe réalisé par cette blessure est représenté par
l'association des phénomènes morbides du syndrome précédent avec ceux qui
caractérisent le syndrome bien connu de Claude Bernard Horner : énophthab
mie, rétrécissement pupillaire, ptosis et troubles vaso-moteurs du côté lésé.

C) RÉSUMÉ

Tels sont les syndromes à signification topographique formés par les


lésions associées des nerfs crâniens. Il ne sera peut-être pas inutile de
résumer en quelques lignes les notions que nous venons de donner sur eux
en indiquant très brièvement, à côté des noms sous lesquels ils sont connus,
leurs caractères cliniques essentiels et le siège des lésions susceptibles de
leur donner naissance.
1° Syndrome de la selle turcique : association d'une hémianopsie bi-
nasale avec les signes d’une tumeur cérébrale. — Lésions de la partie
moyenne du chiasma des nerfs optiques résultant le plus souvent d’une tu¬
meur du corps pituitaire (acromégalie).
2° Syndrome du carrefour sphénoïdal : ophtalmoplégie externe totale avec
troubles de la sensibilité et de la trophicité de la cornée et des téguments
de la région péri-orbitaire. — Lésions simultanées des nerfs oculo-moteurs
(IÏI, IV et VIe paires) et de la branche ophtalmique du trijumeau (Ve paire)
dans le point où ils sont réunis en faisceau avant de traverser la fente sphé¬
noïdale. Fractures de l’étage supérieur du crâne ; anévrisme de la carotide in¬
terne dans le sinus caverneux, méningite de la fosse cérébrale antérieure.
3° Syndrome du trijumeau : douleurs ou anesthésie de la face, anesthésie
et aréflexie cornéennes, kératite neuro-paralytique, zona ophtalmique. —-
Lésions : tumeurs, ostéites, méningites de !a fosse cérébrale moyenne au
voisinage immédiat du pont de Varole.
4° Syndromes pétreux : coexistence d’une paralysie faciale du type funi¬
culaire avec des troubles de l’audition et de Véquilibration. — Lésions simul¬
tanées du nerf facial et du nerf acoustique dans l’aqueduc de Fallope, pro¬
voquées par des fractures du rocher, des otites suppurées ou des méningites
péri-pétreuses. Ses variétés cliniques résultent toutes de l’adjonction aux
symptômes essentiels du syndrome pétreux impliquant l’ingérence des nerfs
de la VIIe et de la VIIIe paires, de phénomènes d’irritation des nerfs voisins
ou des centres bulbo-cérébelleux : syndrome de Menières, syndrome facio-
labyrinthique de Lannois ; syndrome tympano-pétro-oculo-moteur externe
de Gradenigo ; syndrome vestibulo-oeulo-moteur de Bonriin.
72 LES NERFS CRANIENS

5° Syndrome de l’angle ponto-cérébelleux : association de quelques signes


de réaction cérébelleuse et des troubles sensitifs et moteurs des nerfs émer¬
geant de la protubérance au niveau de l’angle ponto-cérébelleux ou à son
voisinage immédiat, notamment de l'acoustique du facial du moteur ocu¬
laire externe et du trijumeau. — Lésion habituelle : tumeur de l’angle ponto-
cérébelleux.

6° Syndrome d’Avellis : paralysie vélo-laryngée. — Lésions du noyau bul¬


baire ou de la branche interne du spinal au-dessus de sa coalescence avec
le pneumogastrique.

7° Syndrome de Schmidt : paralysie vélo-laryngo-scapulaire. — Lésions des


noyaux bulbaire et médullaire du spinal ou des branches interne et externe
de ce nerf.

8° Syndrome de Jackson : paralysie glosso-vélo-laryngo-scapulaire. —


Lésions centrales ou périphériques de l’hypoglosse et du vago-spinal.
9° Syndrome de Tapia : paralysie glosso-laryngo-scapulaire. — Lésions
périphériques de l’hypoglosse et du vago-spinal entre le point d’émergence
des filets pharyngiens et de la branche récurrentielle.

10° Syndrome du trou déchiré postérieur (Vernet) : paralysie pharyngo-


vélo-laryngo-scapulaire, avec hémi-anesthésie tactile du pharynx et du larynx
et hémi-anesthésie gustative du tiers postérieur de la langue. — Lésion du
glosso-pharyngien et du vago-spinal au voisinage du trou déchiré posté¬
rieur.

11° Syndrome du carrefour condylo-déchiré postérieur (Collet, Sicard) :


mêmes phénomènes que ci-dessus, plus hémiparésie atrophique de la lan¬
gue. — Lésion des nerfs des IXe, Xe, XIe et XIIe paires, au niveau du point où
ils se rapprochent pour sortir de la base du crâne par le, trou déchiré posté¬
rieur et le trou condylien postérieur.

12° Syndrome de l’espace rétro-parotidien (Vjllaret) : mêmes phéno¬


mènes que ci-dessus, plus troubles oculo-sympathiques. — Lésion des qua¬
ire dernières paires crâniennes au sortir de la boîte du crâne, dans le point
où le cordon du sympathique cervical s’accolle à elles.
Pour être complets, nous devrions mentionner maintenant les diverses
associations symptomatiques des lésions des nerfs pédonculo-protubérantiels
et bulbaires avec les lésions du faisceau pyramidal et du ruban de Rei 1 sous-
jacents, associations sur lesquelles est établie la classification des paralysies
alternes ; mais l’étude de ces dernières exigeant des connaissances précises
sur le trajet des voies motrices et sensitives dans la moelle épinière et sur la
texture de l’isthme de l’encéphale, il nous paraît préférable de la renvoyer à
NERF OLFACTIF 73

l’article III du chapitre V (p. 554), où elle sera faite avec les développements
que mérite son importance.

ARTICLE II

NERF OLFACTIF
(Planche II].

Le nerf olfactif est. le nerf de l’odorat ; il a pour fonction de transmettre


aux centres nerveux les impressions toutes particulières recueillies sur la
portion olfactive de la muqueuse pituitaire. Il ne comprend à proprement
parler (pie les minces filets nerveux qui vont du bulbe olfactif à la muqueuse
nasale. Quant au bulbe olfactif lui-même, à la bandelette qui lui fait suite et
aux différentes racines qui relient cette dernière au névraxe, ils 11e sont réelle¬
ment, comme nous l’apprend l’embryologie, que des prolongements du cer¬
veau et, à ce titre, font partie du système nerveux central, non du système
nerveux périphérique.

§ 1. — ANATOMIE

1° Origine apparente. — Les nerfs olfactifs prennent naissance sur la


face inférieure du bulbe olfactif, qui, comme on le sait, est couché sur la
lame criblée de l’ethmoïde. Leur volume est très irrégulier. Leur nombre varie,
lui aussi, non seulement sur chaque sujet, mais, sur le même sujet, d’un
côté à l’autre.

2° Origine réelle. — Au-dessus de leur origine apparente, sur le bulbe olfas-


tif, les fibres constitutives des nerfs olfactifs traversent successivement : 1°
le bulbe olfactif ; 2° la bandelette olfactive ; 3° les racines de cette bandelette
ou racines olfactives.

a) Bulbe olfactif. — Le bulbe olfactif est une petite masse nerveuse, de


forme ovoïde, de couleur gris jaunâtre, couchée dans la gouttière olfactive
de la base du crâne, immédiatement au-dessus de la lame criblée de l’eth-
moïde. Il mesure, chez l’homme, 8 ou 9 millimètres de longueur, sur 3 ou 1
millimètres de largeur et 1 millimètre et demi ou 2 millimètres d’épaisseur.
C’est, chez l’homme, un organe fortement réduit, un organe déchu comme la
74 LES NERFS CRANIENS

fonction à laquelle il se rattache. Il est l’homologue du lobe olfactif des ani¬


maux, chez lesquels l'odorat, beaucoup plus développé (animaux osmatiques
de Broc a.), joue dans la lutte pour la vie, un rôle de première importance.
b) Bandelette olfactive. — La bandelette olfactive, qui continue en arrière
le bulbe olfactif, est un ruban nerveux qui se dirige obliquement d’avant en
arrière et un peu de dedans en dehors, couchée dans le fond du sillon olfac¬
tif, dont elle prend l'empreinte : elle revêt donc l’aspect, non d'un ruban
aplati, mais d'un prisme triangulaire, dont les trois arêtes sont interne, ex¬
terne et supérieure. Elle mesure de
? 7' 2
30 à 35 millimètres de longueur.
c.) Racines olfactives. — Arrivé à
la limite postérieure du lobe orbitai¬
re, la bandelette olfactive s’épaissit
en une sorte de pyramide triangulai¬
re, de coloration grisâtre, que l’on dé¬
signe sous le nom de tubercule olfac¬
tif (tuber olfactorium). C’est par le tu¬
bercule olfactif que la bandelette ol¬
Fig. 29. factive pénètre dans le cerveau : elle
Les racines du nerf olfactif, mics sur y pénètre par quatre faisceaux ou ra¬
ta face inférieure de l'hémisphère
cérébral. cines, (pie l’on désigne sous les noms
1, 1, scissure de Sylvius. — 2, repli falci-
forme. — 3, grand sillon de l’insula. — 4,
de racine blanche interne, racine blan¬
pôle de l’insula. -— 5, lobule antérieur et 5’,
lobule postérieur de l’insula. — 6, lobe tem- che externe, racine grise ou moyenne,
poro-oecipital sectionné et érigné. — 7, ban¬
delette olfactive, avec : 7’ sa racine blanche racine supérieure :
externe ; 7”, sa racine blanche interne. —
8, espace perforé antérieur. — 9, bandelette «) La racine blanche externe, la plus
diagonale. — 10. chiasma optique, érigné en
arrière. importante des quatre, se dirige obli¬
quement en arrière et en dehors. Elle
croise obliquement la scissure de Sylvius et vient de se perdre dans la par¬
tie antéro-externe de la circonvolution de l'hippocampe.
P) La racine blanche interne est relativement toute’petite. Partie de la
base de la bandelette olfactive, elle se porte tout d’abord en arrière et en
dedans vers la ligne médiane. Puis, s’infléchissant de bas en haut, elle gagne
la face interne de l’hémisphère cérébral et s’y termine, de chaque côté du bec
du corps calleux, dans une région spéciale qui représente la pointe de la
circonvolution du corps calleux et que l’on désigne, depuis Broca, sous le
nom de carrefour olfactif, nous verrons pourquoi tout à l’heure.
y) La racine grise ou mcine moyenne se sépare de la bandelette entre
les deux précédentes, d’où son nom de moyenne. Aussitôt née, elle s’enfonce
dans la substance grise de l’espace perforé antérieur. Puis, continuant son
A. PITRES jt L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Fig. 1 - Le chiasma olfactif Fig. 2 - Les racines du N. olfactif

PLANCHE II

NERF OLFACTIF ET VOIE OLFACTIVE

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur.


NERF OLFACTIF 75

trajet obliquement ascendant, elle pénètre dans la tete du corps strié et


rejoint la commissure blanche antérieure du cerveau, avec laquelle elle se
confond.
8) La racine supérieure sc sépare de la bandelette olfactive au niveau de
sa base et sur son plan dorsal. De là, elle se porte obliquement en haut
et en avant et se perd dans la partie postéro-interne du lobe orbitaire, en

Fig. 30.
Paroi externe des fosses nasales pour mon¬ Paroi interne! dos fosses nasales pour mon¬
trer les rameaux externes du nerf trer les rameaux internes du nerf
olfactif. olfactif.
1, bandelette olfactive. — 2, tube olfactif. — 1, ramifications du nerf olfactif dans la pitui¬
3, ramifications externes du nerf olfactif. — 4, taire (comme les ramifications externes, elles
nerf maxillaire supérieur. — 5, ganglion sphéno- se détachent du bulbe olfactif, lequel est resté
pàlatin. — 6, nerf ptérygo-palatin. —■ 7, nerf sur le segment externe de la coupe, fig, 30). —
vidien. — 8. nerf sphéno-palatin interne, sec¬
2, filet interne du nasal interne, se portant
tionné près de son origine. — 9, nerf sphéno-
, palatin externe. — 10, nerf palatin postérieur. obliquement en bas et en avant jusqu’au lobu¬
— 11, nerf palatin moyen. — 12, nerf palatin le. — 3, nerf sphéno-palatin interne ou naso-
antérieur, avec 12’, son anastomose avec le palatin, sectionné en arrière, se portant obli¬
sphéno-palatin interne. — 13, nerf nasal posté¬ quement en bas et en avant, vers le trou palatin
rieur. — 14, rameau externe du nasal interne, antérieur où il s’engage pour gagner la voûte
avec 14’, naso-lobaire. — 15, orifice de la trom¬ palatine. — 3’, son anastomose, à la voûte pa¬
pe d’Eustache. — 16, branches terminales du latine, avec le nerf palatin antérieur 4, qui
nerf palatin moyen. provient du ganglion sphéno-palatin.

particulier dans le pied des deux circonvolutions olfactive interne et olfac¬


tive externe.

3° Trajet et distribution. — En quittant le bulbe, les nerfs olfactifs, sui¬


vant un trajet descendant, traversent les trous de la lame criblée et arrivent
ainsi à la partie supérieure des fosses nasales. Là, ils sc partagent en deux
groupes de rameaux : des rameaux internes et des rameaux externes.
M) bes rameaux externes (fig. 30), au nombre de 12 à 20, s’étalent sur le
cornet supérieur en formant un riche plexus à mailles losangiques, dont les
filets terminaux se perdent dans la partie toute superficielle de la muqueuse.
76 LES NERFS CRANIENS

P) Les rameaux internes (fig. 31), au nombre de 12 à 15, se portent, sur la


cloison des fosses nasales et s’y résolvent en une multitude de blets divergents
qui s’étalent 5 la manière d’un éventail sur la face profonde de la muqueuse.
Comme les rameaux externes, les rameaux internes s’envoient mutuellement
de nombreuses anastomoses et forment un plexus : ce plexus, toutefois, est
beaucoup moins riche que celui qui s’étale sur la paroi externe des fosses na¬
sales. Ils se terminent, comme les rameaux
internes, sur la partie toute supérieure de la
cloison, en regard du cornet supérieur.

4° Voie olfactive. — De la muqueuse pitui¬


taire où elles prennent naissance, les impres¬
sions olfactives se portent vers l’écorce céré¬
brale en suivant une série de conducteurs,
dont l’ensemble constitue la voie olfactive.
Cette voie olfactive (bg. 32 et 34 comprend
deux neurones : un neurone périphérique et
un neurone central.
a) Neurone périphéiique. — Schultze a dé¬
crit depuis longtemps, disséminées entre les
éléments épithéliaux de la pituitaire, des cel¬
lules spéciales qui, en raison de leur rôle im¬
portant dans le sens de l’odorat, sont dites cel¬
lules olfactives. Ce sont des cellules allongées
en sens vertical, bipolaires, dont les extrémi¬
tés donnent naissance à deux prolongements,
l’un central, l’autre périphérique. — Le pro¬
longement périphérique se présente sous la
forme d’un bâtonnet irrégulier, relativement
Voic olfactive : Je neurone périphé¬ épais, mesurant un millième de millimètre
rique et le neurone central.
de largeur. Il se termine à la surface libre de
la pituitaire par un ou plusieurs cils qui flot¬
tent librement dans la cavité des fosses nasales. — Le prolongement central,
beaucoup plus grêle, légèrement flexueux, présentant de loin en loin sur son
trajet de petits renflements ovoïdes, rappelle nettement par son aspect exté¬
rieur les fines ramifications nerveuses et, en fait, il se continue avec l’une des
blues nerveuses qui constituent les filets olfactifs : les filets olfactifs ne sont
autres que les prolongements périphériques des cellules olfactives.
Les cellules olfactives acquièrent ainsi la signification de véritables cel-
NERF OLFACTIF 71

Iules nerveuses et ce sont elles qui, avec leurs deux prolongements, forment
le neurone périphérique : la cellule proprement dite, située entre les cellules
épithéliales ordinaires, devient le corps du neurone ; le prolongement péri¬
phérique représente le prolongement protoplasmique ; le prolongement
central représente le prolongement cylindraxile. Homologiquement, les
cellules olfactives forment dans leur ensemble une sorte de ganglion étalé
en surface, ganglion qui est pour le nerf olfactif ce qu’est le ganglion de
Casser pour le trijumeau sensitif, ce qu’est le ganglion d’Andersch pour le
glosso-pharyngien, ce qu’est le ganglion spinal pour la racine sensitive d’un
nerf rachidien. Dès lors, les prolongements périphériques des cellules olfac¬
tives, quelque courts qu’ils soient, sont les homologues des fibres sensitives
qui, de la périphérie, se rendent aux ganglions spinaux ; et, d’autre part,
leurs prolongements centraux (filets olfactifs) représentent les fibres sensi¬
tives qui vont des ganglions spinaux à la moelle épinière, autrement dit les
racines postérieures des nerfs rachidiens.
Suivis de leurs cellules d’origine vers les centres, les prolongements
cylindraxiles des cellules olfactives se dirigent en haut vers la voûte des
fosses nasales, traversent les trous de la lame criblée et arrivent à la face
inférieure du bulbe olfactif, où ils semblent se terminer. En réalité, ils
pénètrent dans l’épaisseur du bulbe et, comme les racines postérieures des
nerfs rachidiens, s’y terminent par une petite arborisation libre dans les
glomérules olfactifs, petites masses sphériques qui occupent la zone externe
de la couche moyenne du bulbe. Nous y reviendrons tout à l'heure. C’est là,
dans ce glomérule, que se termine le neurone périphérique et que commence
le neurone central.
b) Neurone central. — Le neurone central, qui fait suite au neurone péri¬
phérique, commence au glomérule olfactif et s’étend de là jusqu’à l’écorce
cérébrale. Il est essentiellement formé par de grosses cellules, dites cellules
mitrales (ainsi appelées parce qu’on les a comparées à une mitre d’évêque),
qui se trouvent situées dans le bulbe olfactif, un peu au delà des glomérules,
dans la zone interne de la couche moyenne. Ces cellules ont, dans leur
ensemble, la forme d’un triangle et sont orientées d’une façon telle que leur
base regarde la face inférieure du bulbe olfactif.
Par leur base, les cellules mitrales émettent un prolongement, qui a la
signification d’un prolongement protoplasmique. Il descend en ligne droite
vers le glomérule qui lui correspond, le pénètre et se termine dans son
épaisseur par une arborisation libre qui entre en contact avec l’arborisation
terminale du prolongement central du neurone périphérique. Et nous voyons
maintenant comment sont constitués les glomérules : ils comprennent cha-
78 LES NERFS CRANIENS

cun deux arborisations, plus ou moins enchevêtrées, mais toujoùrs indépen¬


dantes, provenant l'une du prolongement central d’une cellule olfactive,
l’autre du prolongement périphérique d’une cellule mitrale.
Par leur sommet, les cellules mitrales donnent naissance à un second pro¬
longement (pii se dirige vers les centres, c’est le prolongement central. 11 a là
signification d'un prolongement cylindraxile : c’est le cvlindraxe de la cellule
mitrale.

Les prolongements cylin-


draxiles des cellules mitrales,
à leur sortie du bulbe olfactif,
passent dans la bandelette ol¬
factive, dont ils constituent les
éléments essentiels, les fibres
de la bandelette. Arrivés à
l’extrémité postérieure de la
bandelette, ces fibres se par¬
tagent en quatre groupes, qui
constituent les quatre racines
olfactives sus-indiquées. Elles
suivent naturellement, le mê¬
Fig. 33.
me trajet que les racines elles-
Le carrefour olfactif, chez l’homme, vu sur la face
interne de l’hémisphère gauche. mêmes. -— Les fibres de la ra¬
1, corps calleux. — 2, trigone cérébral. — 3, septum
lucidum. — 4, carrefour olfactif. — 5, bulbe olfactif. -— cine blanche externe se por¬
6, bandelette olfactive. —■ 7, bandelette diagonale. — 8,
commissure blanche antérieure. — 9, bandelette optique. tent en arrière et en dehors,
— 10, circonvolution du corps calleux, avec 10’, scissure
intra-limbique. — 11, première circonvolution frontale, croisent la scissure de Sylvius
avec 11’, sillon sus-orbitaire. — 12, pli fronto-limbique
antérieur. et disparaissent dans la partie
antéro-externe de- la circonvo¬
lution de l’hippocampe. — Les fibres de la racine blanche interne gagnent la
face interne de l’hémisphère, pour venir se terminer dans la pointe de la cir¬
convolution du corps calleux, ainsi que dans un petit lobule, carrefour olfactif
de Broca (11 g-. 33), qui est commun à la portion initiale des deux circonvolu¬
tions du corps calleux et frontale interne. — Les fibres de la racine supérieure
se recourbant en haut, viennent se terminer dans les circonvolutions de la par¬
tie postéro-interne du lobe orbitaire. — Les fibres de la racine moyenne, enfin,
après avoir traversé le corps strié, pénètrent dans la commissure blanche
antérieure (dont elles constituent l’un des principaux éléments) et gagnent la
ligne médiane pour s’v entrecroiser avec celles du coté opposé. Ces fibres sont
de deux ordres : les unes, fibres en anse, remontent, après entrecroisement,
dans la bandelette olfactive et dans le bulbe olfactif du côté opposé, formant
Nerf olfactif ?9

ainsi dans leur ensemble une longue commissure transversale en forme de


fer à cheval jetée entre les deux bulbes et destinée à les associer dans leur
fonctionnement ; les autres, fibres entrecroisées, Iraversentde même la ligne
médiane, puis viennent en divergeant se perdre dans une région encore mal
délimitée de l’écorce temporo-occipitale. Ce sont ces dernières fibres qui, en
s’entrecroisant sur la ligne médiane,
comme le font les libres rétinien¬
nes dans le chiasma optique, cons¬
tituent le chiasma olfactif.
Quel que soit le trajet suivi par les
libres cylindraxilcs du neurone
central, elles viennent toutes se ter¬
miner dans l’écorce cérébrale,
chacune par une arborisation libre,
dont les fibrilles entourent une des
cellules corticales et lui apportent
les impressions olfactives recueillies
à la surface de la pituitaire.
Au total, l’impression olfactive,
depuis la muqueuse pituitaire où
elle prend naissance jusqu’au cortex
cérébral où elle est perçue et trans¬
formée en sensation, suit le trajet
suivant (tig. 34) : le -prolongement La voie olfactive, depuis la muqueuse nasale
où elle prend naissance, jusqu’à l’écorce
protoplasmique de la cellule olfac¬ cérébrale où elle se termine.
tive de la pituitaire, le corps de cette 1, muqueuse olfactive. — 2, cellules épithéliales.
— 3, cellule olfactive périphérique, avec : 4, son
prolongement périphérique ; 5, son prolongement
cellule olfactive, son prolongement central. — 6, cellule mitrale, avec : 7, son pro¬
longement protoplasmique ; 8, son prolongement
çylindraxile jusqu’au glomérule, où çylindraxile. — 9, glomérule olfactif, où entrent
en relation l’arborisation çylindraxile du neu¬
s’arrête le neurone périphérique ; là, rone périphérique et l’arborisation protoplasmi¬
que du neurone central. — 10, prolongements
en plein glomérule et grâce au con¬ transversaux des cellules mitrales.
(Les flèches indiquent la direction que suivent
tact de l’arborisation çylindraxile du les impressions olfactives).

neurone périphérique avec farbori¬


sation protoplasmique du neurone central, l'impression olfactive passe dans
ce second neurone ; elle parcourt successivement le prolongement protoplas¬
mique de la cellule mitrale, le corps de cette cellule mitrale et, enfin, son
prolongement çylindraxile qui l’amène jusqu’à l’écorce cérébrale.

5° Centres corticaux de l’olfaction. — Comme nous l’avons dit plus haut,


les conducteurs olfactifs, réunis en un faisceau compact dans toute la
80 LE;- NERFS CRANIENS

longueur de la bandelette olfactive, se partagent, à la base de cette dernière,


en quatre faisceaux (racines olfactives) qui se rendent chacun à une région
spéciale de l’écorce. Il existe donc sur le manteau cérébral quatre centres
corticaux de l’olfaction, un pour chaque racine (fig. 33). Ce sont ;
a) Le centre hippocampique, en rapport avec la racine blanche externe ;
face interne de l'hémisphère ; il comprend tout d'abord le petit lobule signalé
ligne transversale, menée par l’extrémité libre du crochet de cette circon¬
volution, indique assez bien la limite postérieure de ce premier centre
(Broca).
f») Le centre calleux, répondant à la racine blanche interne : il occupe la
lace interne de l’hémisphère ; il comprend tout d’abord le petit lobule signalé
plus haut sous le nom de carrefour olfactif, puis toute la portion de la
circonvolution du corps calleux qui se trouve comprise entre ce carrefour
olfactif et le genou du corps calleux.
Y) Le centre orbitaire, en rapport avec la racine supérieure : il répond à
la portion du lobe orbitaire comprise entre l’espace perforé antérieur et le
sillon cruciforme.
&) Le centre temporal, répondant à la racine moyenne : il occupe les cir¬
convolutions du lobe temporal ; mais son étendue, ses limites, sa situation
même nous sont encore complètement inconnues.
Rappelons que de ces quatre centres corticaux, les trois premiers reçoivent
des fibres directes, autrement dit se trouvent du même côté (pie les filets
olfactifs auxquels ils répondent. Le quatrième ou centre temporal, au con¬
traire, reçoit des fibres entrecroisées.

6° Fibres descendantes de la voie olfactive. — Aux fibres olfactives


ascendantes que nous venons de décrire s’ajoutent des fibres olfactives des¬
cendantes qui, du cerveau, se rendent au bulbe olfactif et s’y terminent en
d’élégantes arborisations, dont quelques-unes se trouvent situées dans le
glomérule.
Nous en trouverons d’analogues dans la voie optique et dans la voie
acoustique.
Leur signification n’est pas encore bien connue. Matiiias Duval, à
leur sujet, a émis l’hypothèse très suggestive qu’elles agissent direc¬
tement sur l’articulation, dans le glomérule, des deux arborisations par
lesquelles s’établissent les relations du neurone périphérique avec le neurone
central, je veux dire provoquent, suivant les circonstances, la rétraction ou
l’allongement de ces deux arborisations : dans le premier cas, elles les
isolent l’une de l’autre ; dans le second cas, elles les rapprochent et assurent
NERF OLFACTIF 81

leur contact. Les fibres descendantes en question régleraient ainsi le passage


de l’impression olfactive du neurone périphérique dans le neurone central.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

1° Le nez respiratoire et le nez olfactif. — Les rhinologistcs décrivent


avec raison dans le nez deux portions fonctionnellement différentes : 1° la
portion respiratoire, qui sert uniquement au passage par les fosses nasales,
quand la bouche est fermée, de l'air inspiré ou expiré ; 2° la portion olfac¬
tive, où se trouve l’organe collecteur des impressions odorantes.
a) Nez respiratoire. — Le nez respiratoire comprend toute la partie antéro-
inférieure des fosses nasales, c’est-à-dire les cornets inférieurs et moyens,
la moitié inférieure du cornet supérieur, toute la cloison cartilagineuse et
une partie de la cloison osseuse. La muqueuse qui le tapisse est rosée. Elle
est recouverte par un épithélium cylindrique à cils vibratiles entremêlé de
quelques cellules caliciformes. Elle jouit d’une sensibilité générale très vive
qu’elle reçoit du trijumeau par l’intermédiaire du nerf nasal, branche de
l’ophtalmique, des nerfs sphéno-palatins interne et externe et du nerf
ptérygo-palatin, branches efférentes du ganglion de Meckel. Elle ne ren¬
ferme aucun lilet émanant du nerf de la Ire paire.
b) Nez olfactif. — Le nez olfactif occupe, au haut des fosses nasales, une
sorte d’antre dont la voûte est formée par la lame criblée de l’ethmoïde, et
les parois par la face convexe du cornet supérieur et les parties immédiate¬
ment contiguës des os propres du nez et de la cloison osseuse. La mu¬
queuse de cet antre a une coloration jaunâtre chez l’homme, brunâtre chez le
cobaye, le lapin, le chien, qui tranche nettement sur la teinte rosée du reste
de la muqueuse pituitaire et qu’on désigne pour cela sous le nom de locus
luleus ou de tache olfactive. Son épithélium a des caractères spéciaux. Il
est formé en majeure partie de cellules cylindriques possédant pour la plu¬
part un plateau cuticulaire, mais dépourvues d’ordinaire, du moins chez
l’homme adulte, de cils vibratiles. Leur protoplasma renferme des granu¬
lations pigmentaires qui contribuent à donner à la tache olfactive sa colo¬
ration jaunâtre ou brunâtre.
Au milieu de ces cellules épithéliales se trouvent, de loin en loin, d’autres
cellules allongées, fusiformes, munies d’un noyau ovoïde volumineux dont
les deux pôles sont souvent coiffés de masses protoplasmiques granuleuses.
Elles sont de nature nerveuse. L’un de leurs prolongements, long et grêle,
dirigé vers le haut, se continue avec l’une des libres du nerf olfactif ; l’autre
se dirige vers la surface libre de la muqueuse et s’y termine par deux ou
LES NERFS EN SCHÉMAS G
82 LES NERFS CRANIENS

trois filaments rigides auxquels Schui.tze a donné le nom de poils ôlfactifs


et qu’on appelle plus communément les bâtonnets olfactifs. Il n’y a de telles
cellules que dans l’aire de la lâche olfactive.

2° Sensibilité générale et sensibilité spéciale. — Les physiologistes ont


cru pendant quelque temps que ce n'était pas l’olfactif mais le trijumeau
qui présidait à la perception des odeurs. Magendie ayant constaté que des
animaux dont il avait sectionné les nerfs de la Ire paire se reculaient vive¬
ment lorsqu’on plaçait sous leurs narines des tampons imbibés d’acide
acétique ou d’ammoniaque, en conclut qu’ils percevaient encore les effluves
odorantes émanées de ces substances. Le fait d’observation était exact et il
reste incontesté. ; mais son interprétation était erronée. L’acide acétique
et l’ammoniaque ont des propriétés irritantes susceptibles de provoquer,
par leur action chimique sur les muqueuses, des réflexes indépendants de
toute perception sensorielle différenciée. Quand les vapeurs qui s’en déga¬
gent atteignent la muqueuse conjonctivale, elles provoquent du clignement
des paupières et du larmoiement ; quand elles pénètrent dans les voies
respiratoires, elles déterminent de la toux et de l’apnée ; il est dès lors
tout naturel que lorsqu’elles arrivent sur la muqueuse pituitaire elles irri¬
tent chimiquement les terminaisons sensitives du trijumeau et qu’il en
résulte des réflexes de défense représentés par le mouvement de recul de la
tête et l’éternuement. C’est ce qui fut mis en évidence par les expériences
de Longet. On peut tenir aujourd’hui pour certain qu’après la section
isolée des nerfs olfactifs, les animaux perdent l’odorat tout en conservant les
réflexes dus aux excitations physiques ou chimiques de la muqueuse
nasale, et qu’inversement, après la section isolée des trijumeaux, ils perdent
les réactions réflexes dépendant de l’irritation des nei'fs sensitifs tout en
conservant la perception des odeurs. Il en est de même en pathologie
humaine où l’anesthésie et l’aréflexie pituitaire succèdent aux lésions du
trijumeau, et l’anosmie à celles de l’olfactif. De là découle cette règle de
pratique que pour étudier sur un malade le degré de disparition ou de conser¬
vation de l’olfaction il faut faire humer au sujet des substances aromatiques
non irritantes et non pas lui faire renifler de l’acide acétique ou de l’ammo¬
niaque susceptibles d’impressionner chimiquement les nerfs de la sensibilité
générale.

3° Lésions diverses de l’appareil olfactif. — L’appareil olfactif peut être


atteint par des causes morbides qui le frappent : 1° au niveau de ses termi¬
naisons dans la tache olfactive ; 2° dans son trajet entre ces terminaisons
et les centres nerveux ; 3° dans les centres nerveux eux-mêmes.
1NÉRF OLFACTIF 83

a) Dans la tache olfactive. — Aucun des nerfs de l'économie n’est aussi


directement exposé que l’olfactif aux influences nocives provenant de l’exté¬
rieur. La rétine où se terminent les libres du nerf optique est protégée par
la coque épaisse et résistante du globe oculaire ; le nerf acoustique est
enfoui dans les cavités osseuses de l’oreille interne ; les nerfs cutanés ont
bien des filaments dont les extrémités terminâtes-arrivent jusque dans les
couches profondes de l’épiderme, mais il n’ont pas, comme l’olfactif, des
pointes libres hérissées au delà de la surface de la peau et en rapport immé¬
dial avec le milieu extérieur.
A la vérité, la tache olfactive, cachée dans la cavité supérieure des fosses
nasales ne se trouve pas dans l’axe des courants aériens qui parcourent inces¬
samment le nez respiratoire. Elle est au-dessus et dans une certaine mesure
en dehors deux. Mais elle n’en est pas tellement isolée qu’elle soit à l’abri
du contact de l’air et des particules solides liquides ou gazeuses qu’il char¬
rie. Or, ces substances sont souvent irritantes et peuvent avoir pour effet
d’altérer gravement les poils olfactifs et les fibres nerveuses qui leur font
suite. L’anosmie des fumeurs, celle des ouvriers soumis à l’inhalation du
sulfure de carbone, dans la préparation du caoutchouc vulcanisé, celle des
vidangeurs, celle des distillateurs d’alcool ou d’éther, celle des chimistes
et des naturalistes qui manipulent beaucoup de formol, etc., n’ont pas
d’autre cause. Les irrigations dans les fosses nasales de solutions trop con¬
centrées de chlorure de sodium, de sulfate de magnésie, de chlorure de
zinc ; les insufflations trop souvent répétées, de camphre, de poudre§; men¬
tholées, de cocaïne, déterminent fréquemment la perte de l'odorat par un
mécanisme identique. Les localisations nasales de la grippe ou de la diphté¬
rie aboutissent parfois au même résultat quand elles s’étendent à la mu¬
queuse de l’antre olfactif.
b) Dans la portion comprise entre la tache olfactive et les centres ner¬
veux. — Entre la tache olfactive et les cenlres nerveux l’appareil olfactif peu!
être atteint de névrites loxi-infectieuses : tabétique, alcoolique, typhique,
tuberculeuse; lépreuse, etc. Il peut aussi être le siège de lésions secondaires
provoquées par des fractures, ou des ostéites, ou des exosloses de l’ethmoïde.
des tumeurs du lobe préfrontal, des anévrismes des artères cérébrales anté¬
rieure ou moyenne, des méningites de la fosse cérébrale antérieure. Dans
tous ces cas l’anosmie siège du côté correspondant à la lésion.
c) Dans les cenlres nerveux. ■—- Les lésions destructives des hémisphères
céiébraux, particulièrement les foyers d'hémorragie ou de ramollissement
siégeant dans le lobe frontal, dans la circonvolution de l’hippocampe,
dans celles de l’insula de Reil, on dans la couche optique, c’est-à-dire dans
84 LES NERFS CRANIENS.

les régions où se trouvent les irradiations centrales de l’appareil de l’olfaction


sont assez souvent suivies d’anosmie. Théoriquement, cette anosmie devrait
exister du côté opposé à la lésion cérébrale. Cependant, Collet croit avoir
constaté dans quelques cas qu’elle siégeait du côté correspondant, par con¬
séquent du côté opposé à l’hémiplégie. Si, après vérification par d’autres
observateurs, ce fait venait à être reconnu exact, il aurait une réelle impor
tance. Il prouverait, en effet, par la méthode anatomo-clinique, que chez
l’homme la décussation des libres nerveuses de la voie olfactive n’existe
pas ou est inconstante. D’autre part, il pourrait servir au diagnostic diffé¬
rentiel des hémiplégies organiques et hystériques, puisque, dans ces der¬
nières, l’anesthésie siège généralement du même côté que 1 hémiplégie.

ARTICLE III

NERF OPTIQUE
[Planche 1II}.

Le nerf optique, ou nerf de la II€ paire, est le nerf de la vision :


il transmet aux centres nerveux les impressions visuelles recueillies au niveau
de la rétine.

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine apparente, trajet. — Le nerf optique naît de l’angle antéro-


externe du chiasma, dont il constitue le prolongement antérieur. Le pro¬
longement postérieur, comme on le sait, est formé par la bandelette optique,
laquelle se porte en arrière, et en dehors pour se terminer, après bifurcation,
dans les corps genouillés interne et externe (fig. 35).
Du chiasma, où il prend naissance, le. nerf optique se dirige obliquement
d’arrière en avant et de dedans en dehors. Il atteint ainsi le trou ou canal
optique, qu'il traverse pour pénétrer dans l orbite. Arrivé dans cette cavité,
il s’infléchit légèrement sur lui-même en faisant un coude, dont la convexité
regarde en dehors. Suivant alors une direction à peu près postéro-antérieure,
il se porte vers le globe de l'œil, l’atteint à sa partie postérieure et le pénètre.
Rappelons, à ce sujet, que le point où se fait l’union du nerf optique avec
le globe oculaire ne répond pas exactement au pôle postérieur de ce dernier,
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

C nerveuse»

C. bipolaires

Se Sylviw

Lobe occipital_

Se p exl'_

Cunéus
Se ealcarine

Fig. 1 - Trajet du nerf optique Fig. 2 - La voie optique

PLANCHE III

NERF OPTIQUE ET VOIE OPTIQUE

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur.


NERF OPTIQUE 85

mais se trouve silué à 4 millimètres en dedans de ce pôle et à 1 millimètre


au-dessus. . ' •
Gomme on le voit, le nerf optique occupe successivement la cavité crâ¬
nienne, le canal optique, la cavité orbitaire, l’épaisseur de la paroi oculaire.
De là sa division, toute schématique du reste, en quatre portions : 1° une
portion intra-cranienne, longue de 10 à 12 millimètres, un peu aplatie de
haut en bas, cheminant entre l’espace qua¬ æ
drilatère perforé et la paroi crânienne (repré¬
sentée à ce niveau par la partie externe de la
gouttière optique) ; 2° une portion, intra-ca-
naliculaire, longue de 6 millimètres seule¬
ment, occupant le canal optique, à la paroi du¬
quel il est solidement uni ; 3° une portion
int-ra-orbitaire, mesurant 3 centimètres de
longueur, disposée en S italique (deux courbu¬
res), un peu plus longue par conséquent que
l’intervalle qui sépare, en ligne droite, le trou
optique du pôle postérieur de l’œil, entourée
-de toutes parts par le tissu cellulo-adipeux de
l’orbite ; 4° une portion intra-bulbaire, lon¬
gue de 6 ou 7 dixièmes de millimètres seule¬
Fig. 35.
ment, située dans l’épaisseur de la sclérotique Le chiasma optique et la bandelet-
. te optique, vus à la face infé¬
et de la choroïde. En pénétrant dans ces deux rieure des hémisphères.
membranes, le nerf optique, tout en conser¬ 1. tubercules quadrijumeaux anté¬
rieurs. — 2, tubercules quadrijumeaux
vant sa forme arrondie, se rétrécit graduelle' postérieurs. — 3, corps genouillé exter¬
ne. — 4, corps genouillé interne. —• 5,
bras conjonctival antérieur. — 6. bras
ment au point que son diamètre, qui était de conjonctival postérieur. — 7, chiasma
optique. — 8, bandelette optique, avec :
3 millimètres, descend à 1 millimètre et de- 8’, sa branche de bifurcation externe ;
8”, sa branche de bifurcation interne.
nii : il s’effile ainsi en tronc de cône jusqu’à — 9, pulvinar. — 9’, tænia semi-circu-
laris. — 10, tuber cinereum. — 11,
la lamina cribrosa, où ses éléments nerveux tubercules mamillaires. — 12, espace
perforé antérieur. — 13, pédoncule
se continuent avec ceux de la rétine. cérébral.

2° Structure. — Le nerf optique est essentiellement constitué par des


libres nerveuses longitudinales, accolées et parallèles, d’où l’aspect en moelle
de jonc que présentent les coupes transversales de ce nerf. Ses fibres appar¬
tiennent toutes à la classe des fibres à myéline, comme la grande majorité
de celles qui entrent dans la constitution des nerfs cérébro-spinaux. Elles
diffèrent cependant de ces dernières en ce qu’elles n’ont pas de gaine de
Schwann, se rapprochant en cela des fibres nerveuses des centres.
Les fibres du nerf optique sont séparées par des cloisons conjonctives plus
86 LES NERFS CRANIENS

ou moins épaisses, prolongements de la gaine cellulo-vasculaire qui entoure


le tronc nerveux. A ces éléments du tissu conjonctif s’ajoutent des éléments
névrogliques, et ceci n’a rien que de très naturel, le nerf optique étant
réellement, non un nerf périphérique, mais une dépendance du système ner¬
veux central.
Dans le crâne, le nerf optique, placé dans les espaces sous-arachnoïdiens,
n'est revêtu que par une enveloppe cellulo-vasculaire, prolongement de la
pie-mère cérébrale. Mais, au niveau du trou optique, les deux autres ménin¬
ges se réfléchissent sur
lui et l’accompagnent
jusqu’au globe de
l’œil. Les deux por¬
tions intra-canaliculai-
re et intra-orbitaire du
nerf optique nous pré¬
sentent donc, comme
le névraxe lui-même,
trois enveloppes con¬
centriques qui sont, en
allant de dedans en de¬
hors (Ilg. 36) : 1° la
gaine interne ou gai¬
Fig. 36.
ne piale, de nature cel¬
Coupe transversale du nerf optique et de ses gaines
(demi-schématique). lulo-vasculaire, pro-
1, nerf optique proprement dit, avec : 1’, ses faisceaux nerveux ;
1”, ses travées conjonctives. —- 2, artère centrale de la rétine. -— 3,
'ongeant la pie-mère ;
veine centrale de la rétine. — 4, gaine durale. — 5, gaine arach¬
noïdienne. — 6, gaine piale. — 7, couche névroglique sous-piale. — 2° la gaine externe ou
8, espace sous-dural. — 9, espace sous-arachnoïdien.
gaine durale, de natu¬
re franchement fibreu¬
se, continuation de lu dute-mèic ; 3° la gaine moyenne ou gaine arachnoï¬
dienne, intermédiaire aux deux précédentes, représentant l’arachnoïde.
Ajoutons que, au voisinage du globe oculaire, le nerf optique s’enrichit
de deux nouveaux éléments : Yartère centrale et la veine centrale de la rétine,
destinées, comme on le sait, à la tunique interne de l’œil.

3 Chiasma optique et bandelette optique. — Les éléments constitutifs


du nerf optique sont continués jusqu’à lencéphale par le chiasma optique
et la bandelette optique :
a) Le chiasma optique, impair et médian, est une petite lame de subs¬
tance blanche, de forme quadrilatère, allongée dans le sens transversal.
NERF OPTIQUE 87

Sa largeur varie, chez l’homme, de 12 à 14 millimètres ; son diamètre antéro¬


postérieur, de 5 à 6 millimètres. Tandis que sa face supérieure répond au
troisième ventricule, sa face inférieure repose sur la partie antérieure de la
tente de l’hypophyse, immédiatement en avant de la tige pituitaire.
P) Les bandelettes optiques naissent de l’angle postérieur du chiasma. De
là, elles se dirigent obliquement en arrière et en dehors, croisent oblique¬
ment la face inférieure du pédoncule cé¬
rébral et, arrivées au bord externe de
ce dernier, se divisent, chacune, en deux
branches : une branche externe, qui se
rend au corps genouillé externe de la
couche optique ; une branche interne,
qui se perd dans le corps genouillé in¬
terne. Rappelons ici que les bandelettes
optiques renferment deux sortes de fi¬
bres : 1° des fibres qui occupent sa par¬
tie externe et qui, provenant de la ré¬
tine, constituent des fibres rétiniennes
ou fibres optiques, nous les retrouverons
tout à l’heure ; 2° des fibres qui longent
son bord interne et qui, partant d’un
corps genouillé interne, aboutissent, à
la suite d’un long trajet en forme de
fer à cheval, au corps genouillé interne
du côté opposé. L’ensemble de ces der¬
nières fibres constitue la commissure
de Cudden : elles n’ont rien à voir avec
la voie optique. Rappelons encore que
les deux corps genouillés externe et in¬
terne sont reliés aux tubercules quadri¬
jumeaux par deux faisceaux cylindroï- La voie optique : neurone périphérique
et neurones centraux.
des, que l’on désigne sous le nom de
bras conjonctivaux : le corps genouillé ,
externe est relié, pai le bras conjonctival antérieur, au tubercule quadriju¬
meau antérieur ; le corps genouillé interne est relié de même, par le bras
conjonctival postérieur, au tubercule quadrijumeau postérieur (A E P I).
Voilà ce que nous enseigne la dissection ou, pour mieux dire, la simple
inspection d’un cerveau dépouillé de ses enveloppes. L’anatomie pure est
impuissante à nous fournir, sur le trajet des conducteurs optiques, autre
88 LES NERFS CRANIENS

chose que ces données, naturellement brutes et insuffisantes. L'anatomie


pathologique et la physiologie expérimentale viennent heureusement à notre
aide : les dégénérescences secondaires, qu’elles soient provoquées par l'expé¬
rimentation ou qu’elles surviennent en conséquence d’une lésion patho¬
logique quelconque, nous fixent nettement sur le parcours suivi par les
impressions rétiniennes pour
aller de l’œil à l’écorce céré¬
brale.

4° Voie optique. — La voie


de conduction optique est dis¬
posée exactement sur le même
type que la voie olfactive et
que la voie sensitive générale •
elle nous présente, elle aussi
(fig 37), un neurone périphé¬
rique et un ou deux neurones
centraux. Le neurone péri¬
phérique est représenté ici par
les cellules dites bipolaires,
qui occupent la partie moyen¬
ne de la rétine. Ces cellules,
Fig. 38.
on le sait, ont chacune deux
Figure indiquant schématiquement, d’après les
recherches de Hensen et de Vialet, quelle est la prolongements dirigés en sens
situation respective ides différents faisceaux opti¬
ques dans le nerf optique, dans le chiasma et inverse : 1° un prolongement
dans la bandelette optique. périphérique, très court, qui
A la partie gauche de la figure se trouve représenté
l’appareil optique extra-oérébral. A la partie droite se recueille les impressions lumi¬
voient cinq coupes transversales, A, B, C, D, E, prati¬
quées suivant les axes aa, bb, ce, dit, ce, indiqués sur
l'appareil optique. Chacune de ces cinq figures repré¬ neuses que lui apportent les
sente le segment antérieur de la coupe, vue postérieure.
FD, faisceau direct. — FC, faisceau croisé. — FM, fais¬ cônes et les bâtonnets ; 2° un
ceau maculaire — FG, commissure de Gudden.
xx, ligne médiane. . prolongement central, égale¬
ment très court, qui se porte
vers les grosses cellules ganglionnaires de la rétine et se termine tout autour
de ces cellules par des arborisations libres. Les cellules bipolaires de la rétine
deviennent ainsi les homologues des cellules (elles aussi primitivement
bipolaires), qui constituent le ganglion rachidien et, de leur côté, les grosses
cellules ganglionnaires de la rétine auxquelles elles aboulissent2 acquièrent
la signification d’un noyau terminal des centres : c’est le noyau terminal
des fibres optiques, comme la corne postérieure est le noyau terminal d’une
racine rachidienne, comme l’aile grise du bulbe est le noyau terminal des
NERF OPTIQUE 89

fibres sensitives du pneumogastrique et du glosso-pharvngien. G est de ces


cellules ganglionnaires de la rétine que partent les filues constitutives du
nerf optique ou fibres optiques, lesquelles conduiront les impressions réti¬
niennes, avec ou sans relai, jusqu a 1 ecorce céiébialc. Sui\ons-les succes¬
sivement • 1° dans le nerf optique lui-même ; 2° dans le chiasma ; 3° dans
la bandelette optique ; 4° dans le cerveau.
a) Dans le nerf opti¬
que. — Dans le nerf opti¬
que (fig. 38), les fibres
optiques cheminent pa¬
rallèlement les unes aux
autres depuis le globe
oculaire jusqu’au chias¬
ma. Malgré leur homo¬
généité apparente ces
fibres se répartissent en
trois groupes, formant
chacun un faisceau : 1°
le faisceau direct ; 2° le
faisceau croisé; 3° le fais¬
ceau maculaire.
a) Le faisceau direct est
ainsi appelé parce qu’il Schéma montrant la manière dont se comportent
les fibres optiques dans le chiasma.
passe directement, je MM, ligne médiane. — 1. nerf optique du côté gauche. — 1’,
nerf optique du côté droit. — 2, 2’, bandelettes optiques. —
veux dire sans s’entre¬ a. faisceau direct. — />, faisceau croisé. — <', faisceau macu¬
laire, en partie direct, en partie croisé. — d, comm’S&ure de
croiser, du nerf optique Gudden.

dans la bandelette corres¬


pondante L’observation nous apprend qu’il tire son origine de la région exter¬
ne ou temporale de la rétine et qu’il occupe, à la partie moyenne du nerf opti¬
que, le côté externe du tronc nerveux

P) Le faisceau croisé doit son nom à ce que les fibres qui le constituent s’en¬
trecroisent dans le chiasma avec leurs similaires du côté opposé pour passer
du nerf optique gauche dans la bandelette droite, ou du nerf optique droit
dans la bandelette gauche. Elles proviennent de la région interne de la
rétine et longent, dans le nerf optique, le côté interne du tronc nerveux.

y) Le faisceau maculaire, comme son nom l’indique, renferme les fibres qui
prennent origine dans la macula lutea, région qui se trouve située au
centre de la rétine et possède, comme on le sait, une acuité visuelle toute
90 LES NERFS CRANIENS

spéciale. Ce faisceau occupe, clans le nerf optique, la partie axiale du nerf,


cheminant par conséquent entre les deux autres faisceaux.
b) Dans le chiasma. — Arrivés au chiasma, les trois faisceaux fonda¬
mentaux du nerf optique se comportent comme suit ffig. 40) : le faisceau
direct, s’mlléchissanl en arrière, longe le bord externe du chiasma et passe
dans la bandelette correspondante, ce qui justifie son nom de faisceau direct ;
le faisceau croisé, continuant sa direction initiale, se porte obliquement
en dedans et en arrière, atteint la ligne médiane, s’y entrecroise avec le
faisceau homonyme du côté opposé et se jette alors, lui aussi, dans la ban¬
delette optique, mais dans celle
cf* j du côté opposé à l'œil dont il
émane ; quant aux fibres du fais¬
ceau maculaire, elles se divisent
en deux groupes : les unes direc¬
tes, suivant le même trajet que
celles du faisceau direct, c’est-à-
dire restant du même côté ; les
autres croisées, passant, après en
trecroisement sur la ligne média¬
ne, dans la bandelette du côté op¬
posé. Le nerf optique subit donc,
dans le chiasma, un décussation
partielle, une demi-décussation.
Fig. 40. c) Dans la bandelette optique.
Le champ (le Wernicke, vu sur une coupe fron¬
tale de l’hémisphère gauche, passant par le — La bandelette optique com¬
corps genouillé externe. prend deux ordres de fibres : 1°
1, corps calleux. — 2. couche optique. — 3, 3’, noyau
caudé. — 4, extrémité postérieure du noyau lenti¬ des fibres non optiques, qui lon¬
culaire. — 5, avant-mur. — 6, corps genouillé externe.
— 6’, corps genouillé interne. — 7, champ de Wer¬ gent son bord interne et qui cons¬
nicke. — 8, pédoncule cérébral, avec : 8’, locus niger ;
8”, noyau rouge. -— 9, faisceau de Meynert. — 10, pro¬ tituent la commissure de Gudden
longement sphénoïdal du ventricule latéral. — 11.
circonvolution de l’hippocampe. — 12, faisceau longi¬
tudinal inférieur, coupé en travers.
(p. 87) ; 2° des fibres optiques ou
rétiniennes, qui occupent sa par¬
tie externe. Or, celle partie externe ou partie optique de la bandelette nous
présente comme éléments fondamentaux : le faisceau direct de 1 œil coires-
pondant, le faisceau croisé de l’œil du côté opposé, le faisceau maculaire for¬
mé à la fois par des fibres directes (venant de 1 œil correspondant) et par des
fibres croisées (venant de l’œil du côté opposé). Voyons maintenant comment
se terminent ces différentes fibres.
Les fibres de la commissure de Gudden passent dans la branche interne
NERF OPTIQUE 91

de lu bandelette pour se rendre au corps gcnouillé interne et, de là, au


tubercule quadrijumeau postérieur. Nous n’en parlerons plus.
Les fibres optiques ou rétiniennes passent dans la branche externe de la
bandelette, qu elles constituent. Là, elles se partagent en deux groupes :
les libres longues et les libres courtes. — Les fibres longues, que l’on
appelle encore fibres directes ou fibres corticales, vont directement à
l’écorce cérébrale, nous verrons comment tout à l’heure. —- Les fibres
courtes, encore appelées fibres ganglionnaires, s’arrêtent à la partie posté¬
rieure de la couche optique : les unes dans le corps genouillé externe ; les
autres dans le pulvinar ; d’autres, enfin, dans le tubercule quadrijumeau
antérieur. Mais, quelle que soit la région où elles se rendent, elles s’y ter¬
minent toutes, par des arborisations libres, autour de cellules nerveuses qui
forment le deuxième neurone central. Ces cellules nerveuses émettent de
nouvelles libres, de signification cylindraxile, lesquelles convergent vers
la partie postérieure de la capsule interne, où elles forment, avec les libres
de projection qui s'y trouvent, une petite région triangulaire, d’aspect tout
spécial, connue sous le nom de champ de Wernickc : il a, sur le,s coupes
frontales (lig. 40), la forme d’une corne d'abondance dont la base, dirigée en
bas, coiffe le corps genouillé externe.
d) Dans le cerveau. — A la partie la plus reculée de la capsule interne,
les fibres longues d’une part et, d’autre part, les fibres ganglionnaires issues
du corps genouillé externe, du pulvinar et du tubercule quadrijumeau
antérieur, se condensent en un faisceau unique, que nous désignerons sous
le nom de faisceau optique intra-cérébral : ce sont les radiations optiques
de Gratiolet, le pédoncule postérieur de la couche optique de certains
auteurs.
Le faisceau optique intra-cérébral occupe, à son origine, la partie la
plus reculée du segment postérieur de la capsule interne, la région rétro-
lenliculaire de Déjérixe. De là, il se dirige horinzontalement en arrière, en-
décrivant une légère courbe dont la concavité, tournée en dedans, embrasse
la paroi externe du prolongement occipital du ventricule latéral.
Compact et ramassé sur lui-même à sa partie postérieure, il s’élargit dans
le sens sagittal au fur et à mesure qu’il s’éloigne de la capsule interne. — Ses
fibres supérieures, s’infléchissent en dedans, contournent en spirale la partie
supérieure du ventricule et viennent se terminer à la face interne du lobe
occipital, principalement dans la partie supérieure du cunéus. — Ses fibres
inferieures, s'infléchissant de même en dedans, passent au-dessous du ven¬
tricule et se rendent, les unes dans la partie inférieure du cunéus, les
autres,, dans la partie postérieure des deux circonvolutions temporo-occipi-
92 LES NERFS CRÂNIENS

laies, autrement dit clans le lobule fusiforme et le lobule lingual. — Ses jibres
moyennes, continuant leur direction initiale, atteignent la pointe du pro¬
longement ventriculaire et, la dépassant, aboutissent à l’écorce du lobe
occipital.
Au total, toutes les radiations optiques, quelle que soit leur situation dans
l’éventail formé par le faisceau optique mira-cérébral, se rendent à l’écorce
du lobe occipital, qui devient ainsi le centre cortical de la vision, le centre
psycho-optique ou bien encore la sphère visuelle.

5° Centre cortical de la vision. — Tous les auteurs sont généralement


d’accord pour placer dans le lobe occipital le centre cortical de la vision,
mais les divergences commencent quand il s’agit d’en préciser les limites.
Tandis que Hensciien le localise aux deux lèvres de la scissure calcarinc,
Monakow lui rattache toute l’écorce du lobe occipital, aussi bien celle des
deux faces inférieure et externe que celle de la face interne.
Le centre visuel est trop restreint dans la première hypothèse, trop étendu
dans la seconde.
Vialet, dont les conclusions sur ce point reposent sur un grand nombre
d’observations cliniques minutieusement analysées, croit devoir lui assigner
la face interne du lobe occipital et aussi toute sa face inférieure. 11 compren¬
drait donc, outre la scissure calcarine, les différentes circonvolutions qui sont
situées au-dessus et au-dessous de cette scissure, savoir : au-dessus, le
cunéus dans toute son étendue ; au-dessous, le lobule lingual, le lobule
fusiforme et le pôle occipital.

6° Fibres d’association unissant le centre visuel cortical à d’autres ré¬


gions de l’écorce. — Des faisceaux divers, appartenant soit au système d’asso¬
ciation soit au système commissural, mettent en relation le centre cortical de
la vision avec d’autres centres corticaux plus ou moins éloignés.
C’est d’abord un faisceau de fibres calleuses (fig. 41, a) qui, se mêlant
aux fibres du forceps major et du tapétum, gagnent le bourrelet du corps
calleux et, de là, se prolongent jusqu’au centre cortical homologue du côté
opposé. Ce faisceau est, coprime on le voit, un faisceau commissural inter¬
hémisphérique, reliant l’une à l’autre les deux sphères visuelles. Sa dégéné¬
rescence a été observée successivement par Monakow, par M. et Mmc Déjehine
et par Vialet.
Nous avons ensuite le faisceau longitudinal inférieur (b), qui met en rela¬
tion l’écorce occipitale avec la pointe du lobe temporal, notamment avec le
centre de la mémoire auditive des mois : l’interruption, par un processus
NERF OPTIQUE 93

quelconque, de colle dernière voie d’association donne lieu à la cécité verbale


pure (Déjerine et Vialet). Le faisceau longitudinal inférieur renfermerait
en outre, à sa partie inférieure (toujours d’après Déjerine et Vialet), un
certain nombre de fibres (c) destinées à réunir le centre visuel cortical à la
zone du langage articulé.
Le centre cortical de la vision donne naissance à deux faisceaux transver¬
saux, qui vont à la convexité du lobe occipital
et vraisemblablement à cette région spéciale que
CENTRE DU ,)
LANGAGE ARTICULER Wisbrand a désignée sous le nom de centre des
souvenirs visuels, la face inter¬
ne de l’hémisphère représentant
CENTRE DE LA f le centre de perception simple.
MEMOIRE AUDITIVE |
Le premier de ces faisceaux (d),
décrit par Sacits sous le nom de
CENTRE faisceau transverse du cunéus,
VISUEL DES MOTS
prend naissance, comme son
nom l’indique, dans l’écorce du
CENTRE DES cunéus. Le second (e) part du
SOUVENIRS VISUELS
lobule lingual ; il a été signalé
par Vialet, qui lui a donné le

Fig. 41.
nom de faisceau transverse du
Schéma montrant, sur une coupe hori¬ lobule lingual.
zontale de l’hémisphère gauche, les
Nous signalerons enfin, comme ap¬
fibres d’association de l’appareil opti¬
que. partenant aux fibres d’association de
a, fibres commissurales. -— b, faisceau longi¬
tudinal inférieur. — c, fibres allant de la la fonction visuelle : 1° des fibres (J)
sphère visuelle au centre du langage. — d.
faisceau transverse du cunéus. — c. faisceau à direction plus ou moins transversa¬
transverse du lobule lingual. — f, fibres allant
du centre visuel des perceptions au centre le, qui vont de la face interne du lobe
visuel des mots. — g, fibres unissant le centre
des souvenirs visuels au centre des images occipital au pli courbe, unissant ainsi
visuelles des mots. — h. faisceau optique
intracérébral. le centre visuel de perception au cen¬
tre visuel des mots ou centre des ima¬
ges graphiques ; 2° des fibres à direction antéro postérieure (g), qui mettent en
relation le centre des souvenirs visuels avec le centre visuel des mois.

7° Fibres descendantes de la voie optique. — Nous n’avons parlé jus¬


qu’ici, dans notre description de la voie optique, que de fibres centripètes
ou ascendantes, émanant des cellules ganglionnaires de la rétine et trans¬
portant les impressions visuelles, soit aux cellules ganglionnaires (par les
fibres courtes), soit au centre cortical (par les fibres longues). A ces fibres
centripètes ou ascendantes se mêlent d’autres fibres cheminant en sens
inverse et appelées pour cette raison fibres centrifuges ou descendantes.
9i LES NJ-RES CRANIENS

Les libres descendantes de la voie optique sont de deux ordres : les unes,
fibres corlico-ganglionnaires, émanent des cellules pyramidales de l’écorce
et viennent se terminer par des arborisations libres autour des cellules
nerveuses du corps genouillé externe, du pulvinar et du tubercule quadri¬
jumeau antérieur ; les autres, que nous appellerons fibres ganglio-rétinien-
nes, proviennent des cellules de ces centres ganglionnaires et s’étendent de
là jusqu'à la rétine, où elles se terminent, toujours par des arborisations
libres, dans les couches profondes de celte membrane. Peut-être existe-t-il
encore des libres descendantes directes, allant sans relai de l’écorce à la
rétine ; mais nous n’avons sur ce dernier point aucun renseignement précis.
La signification physiologique de ees fibres descendantes, notamment de
celles qui se terminent dans la rétine, n’est pas encore complètement élucidée.
11 nous paraît rationnel d’admettre qu’elles ont la même valeur que les fibres
descendantes de la voie olfactive (p. 80';, c’est-à-dire qu’elles agissent sur les
articulations réciproques des différents neurones de la voie optique et
règlent ainsi la transmission centripète des impressions rétiniennes. D’aprea
Ramon y Cajal, elles agiraient sur les spongioblastes de la couche molé¬
culaire interne de la rétine, lesquels, à leur tour, agiraient sur les cellules
nerveuses de la couche ganglionnaire.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

lTn examen altentif des figures 1 et 2 de la planche 11f permet de com¬


prendre la pathogénie des principaux symptômes que provoquent les
lésions de la voie optique, selon qu’elles siègent sur l’un ou sur l’autre de ses
différents segments. Nous étudierons successivement les effets des lésions :
1° du nerf optique, entre la rétine et le chiasma ; 2° du chiasma ; 3° des
bandelettes optiques ; 4° de la région thalamiqüe ; 5° du faisceau optique
intra-cérébral de Gratiolet ; 6° du centre sensoriel cortical ; 7° enfin, des
irradiations qui associent ce centre cortical à d’autres régions du cerveau.

1° Lésions du nerf optique entre la rétine et le chiasma. — Toutes les


fibres nerveuses provenant de la rétine sont réunies dans le nerf optique.
Leur section totale par un agent traumatique ou l’interruption de la conti¬
nuité de leurs cylindraxes par une altération pathologique de quelque
nature qu’elle soit, détermine une amaurose complète de l’œil correspon-
dant. Cette amaurose ne s’accompagnera, si le nerf optique est seul en
cause, d’aucun trouble de la mobilité du" globe, d’aucune modification de
NERF OPTIQUE 95

la sensibilité de la cornée du côté malade, ni d’aucune perturbai ion de la


vision du côté opposé.
Lorsque les fibres nerveuses, au lieu d’être détruites en masse, sont le
siège d’altérations partielles, on constate l’existence de scotomes dont l’éten¬
due et la distribution sont en rapport avec le nombre et la situation des
libres altérées. Il existe une forme de névrite toxi-infectieuse qui frappe
avec une prédilection marquée le faisceau maculaire, c’est la névrite rétro-
bulbaire. La syphilis, les intoxications par le tabac et l'alcool, par la quinine,
par l’extrait de fougère mâle, par le sulfure de carbone, etc., en sont les
causes les plus fréquentes. Son symptôme essentiel est la production d’un
scotome central (1), troublant profondément la perception des sensations
visuelles dans le point où elles ont à l’état normal, le plus de netteté, la
macula, tout en laissant à peu près intacte la vision périphérique.

2° Lésions du chiasma. — Une section dirigée d’avant en arrière sur


la ligne médiane du chiasma a pour effet de couper les faisceaux entrecroisés
des deux nerfs optiques sans toucher aux faisceaux directs (voy. fig. 39, p. 89).
Or, ces faisceaux entrecroisés proviennent de la moitié interne de chaque
rétine. La conséquence de leur interruption sera donc une perte de la vision
portant sur les deux moitiés internes de la rétine, c’est-à-dire une hémia¬
nopsie bilatérale interne ou binasale. Ce symptôme est rare. On le rencontre
pourtant quelquefois dans les tumeurs de l’hypophyse, quand la compression
exercée par le néoplasme sur les parties centrales du chiasma est assez forte
pour abolir toute conduction dans les fibres nerveuses étranglées entre la
gouttière du sphénoïde et la tumeur.
Inversement, des lésions destructives portant sur les côtés externes du
chiasma seraient suivies de la perte de la vision dans les moitiés externes
des deux rétines, c’est-à-dire d’une hémianopsie bilatérale externe ou bi¬
temporale (2).

(1) On appelle scotome la perte des impressions lumineuses, limitée à un ou plusieurs


îlots dans l’aire du champ visuel. On en apprécie le siège et l’étendue par l’exploration
campimétrique. Le scotome est dit central quand il occupe la région de la macula, et
périphérique quand il est placé en dehors d’elle. Dans certains cas de lésions du centre
cortical de la vision, le scotome a la forme d’un segment de cercle : on ï’appel'e alors
scotome en quadrant.

(2) Le mot hémianopsie, on le sait, indique la perte des perceptions lumineuses dans
une moitié du cercle rétinien. Elle est dite supérieure ou inférieure lorsque la ligne qui
sépare la moitié normale de la moitié anesthésiée de la rétine est dirigée transversale¬
ment de telle sorte que le demi-cercle obscur est situé au-dessus ou au-dessous du plan
horizontal de l’œil. Elle est dite latérale lorsque la ligne de séparation étant dirigée ver-
96 LES NERFS CRANIENS

3° Lésions des bandelettes optiques. — Toute lésion destructive quelque


peu étendue d’une bandelette optique retentit nécessairement sur les deux
yeux, c’est pour cela que Grasset a proposé de donner à ce segment des
voies optiques le nom de nerf hémioptique. Il suffit de réfléchir un instant
à la disposition des fibres nerveuses dans le chiasma pour comprendre
la justesse de cette expression. Si on sectionne en travers une des bande¬
lettes, on coupe à la fois le faisceau direct qui provient de la moitié externe
ou temporale de la rétine correspondante et le faisceau croisé ou nasal qui
tire son origine de la moitié interne de la rétine du côté opposé. Résultat :
perte de la vision dans la moitié externe de l’œil homologue et dans la
moitié interne de l’autre œil. C’est là le phénomène qu’on appelle l'hémia¬
nopsie latérale homonyme. On est convenu de la distinguer en droite ou
gauche selon que le malade qui en est atteint ne perçoit plus les rayons
lumineux provenant de la moitié droite ou de la moitié gauche de son
champ visuel. Mais il ne faut pas oublier que, par suite des dispositions du
système dioptrique de l’œil, formé par la cornée, l’humeur aqueuse, le
cristallin et le corps vitré, les images provenant de l’extérieur arrivent
renversées sur la rétine. Dès lors, quand c’est la bandelette droite qui est
lésée, ce sont bien les deux moitiés droites de chaque rétine qui sont frap¬
pées d’anesthésie visuelle. Cependant, l’hémianopsie succédant à une lésion
de la bandelette optique droite sera appelée gauche, parce que les images
qui arrivent aux moitiés droites des deux rétines, provenant de la partie
gauche du champ visuel, les malades atteints de lésions de la bandelette

ticalement, le demi-cercle obscur occupe la moitié droite ou la moitié gauche du cercle


rétinien.
L’hémianopsie bilatérale est celle qui frappe une des moitiés latérales de chacun des
deux yeux. Elle peut être croisée ou homonyme. On l’appelle croisée quand ce sont les
deux moitiés internes ou les deux moitiés externes de chaque rétine qui sont anesthé¬
siques. Quand ce sont les deux moitiés internes, l’hémianopsie est dite bi-nasale ; quand
ce sont les deux moitiés externes, elle est dite bi-temporale.
Dans l’hémianopsie bilatérale homonyme, l’anesthésie porte sur la moitié droite ou
sur la moitié gauche de chacun des deux cercles rétiniens.
L’hémianopsie double est tout autre chose que ‘l'hémianopsie bilatérale : C’est la
coexistence sur un seul œil ou sur les deux yeux de deux hémianopsies juxtaposées.
Quelques personnes emploient indifféremment les mots hémiopie et hémianopsie
comme s’ils étaient exactement synonymes. En réalité ils ont des significations abso¬
lument opposées. De par leur étymologie, l’hémiopie est la conservation de la moitié de
la vision, et l’hémianopsie la perte de la moitié de la'vision. Dire d’un malade qui a de
l’anesthésie lumineuse d’une moitié de la rétine qu’il est atteint d’hémiopie, c’est com¬
me si on disait d’un hémiplégique qu’il a conservé la possibilité de mouvoir ses mem¬
bres du côté sain. Au fond, cola est vrai ; mais ce qui caractérise dans ces deux cas les
phénomènes morbides, ce n’est pas la conservation des perceptions lumineuses ou des
mouvements volontaires du côté normal, c’est au contraire la perte de la sensibilité
‘umineuse ou de la motilité du côté malade.
NERF OPTIQUE 97

droite ne voient plus nettement les objets placés à leur gauche. Pour la
même raison, l’hémianopsie latérale homonyme droite correspond à des
lésions de la bandelette optique gauche.
Une particularité importante à noter ici, c’est que, dans les hémianopsies
latérales homonymes, la vision maculaire est presque toujours conservée.
Elle est généralement affaiblie mais non abolie. La ligne qui sépare la
moitié anesthésique de la moitié normale de la rétine forme habituellement
une encoche qui laisse la macule dans l’aire où la sensibilité rétinienne
persiste. 11 résulte de ce fait que les malades atteints d’hémianopsie latérale
conservent la vision distincte au point de fixation. Us peuvent le plus
souvent lire, reconnaître les personnes qu’ils rencontrent et se diriger sans
incertitude. Le seul phénomène morbide dont ils aient conscience c’est
qu’ils ne voient pas nettement les objets placés d’un côté de leur champ
visuel et qu’ils les heurtent quelquefois par inattention, car ils les verraient
fort bien s’ils avaient soin de diriger leurs yeux du côté où leur vision
est partiellement déficitaire.
La conservation de la vision maculaire dans la grande majorité des cas
d’héjnianopsie latérale s’explique par la semi-décussation du faisceau
maculaire dans le chiasma, semi-décussation par suite de laquelle les fibres
provenant de la macule d’un côté vont se terminer les unes dans l’hémis¬
phère cérébral droit, les autres dans l’hémisphère cérébral gauche. Par
le fait de cette semi-décussation, le centre cortical de l’hémisphère droit
reçoit le faisceau temporal de l’œil droit, le faisceau nasal de l’œil gauche
et une moitié du faisceau maculaire de chacun des deux yeux. De même,
l’écorce de l’hémisphère gauche reçoit le faisceau temporal de l’œil gauche,
le faisceau nasal de l’œil droit et la moitié du faisceau maculaire de chacun
des deux yeux.

4° Lésions de la région thalamique. — Quelques-unes des fibres des


bandelettes optiques s’arrêtent dans le pulvinar, dans le corps genouillé
externe et dans le tubercule quadrijumeau antérieur, régions que nous
désignerons sous le nom de région thalamique.
On n’est pas encore fixé sur le rôle que remplissent les fibres qui pénètrent
dans la couche optique et dans le corps genouillé externe. On pense géné¬
ralement qu’elles y font un relai avant d’entrer dans les faisceaux qui se
rendront dans l’écorce du lobe occipital. Quant à celles qui pénètrent dans
le tubercule quadrijumeau antérieur, il est à peu près certain qu’elles y
entrent en relation avec les nerfs qui se rendent dans le muscle ciliaire et
qu’elles font partie de l’appareil réflexe qui préside au rétrécissement de
LES NERFS EN SCHÉMAS 7
98 LES NERFS CRANIENS

la pupille sous l’influence de la lumière. En fait, la perte du réflexe photo¬


moteur paraît être un des symptômes susceptibes de .servir un diagnostic
différentiel entre les hémianopsies latérales homonymes provoquées par
des lésions de la bandelette optique et celles résultant des irradiations intra¬
cérébrales. D’après la plupart des ophtalmologistes, ce réflexe serait aboli
dans les lésions de la bandelette, tandis qu’il serait conservé dans les lésions
de la portion rétro-ganglionnaire des voies optiques.
Le rôle que jouent dans la physiologie de la vision les fibres de la ban¬
delette optique qui pénètrent dans le pulvinar et la région rétro-capsulaire
est encore incomplètement déterminé. On s’est beaucoup occupé, il y a
quelques années, des amblyopies unilatérales qui s’observent assez fréquem¬
ment chez les hystériques et chez les sujets porteurs de lésions en' foyer
limitées au segment postérieur de la capsule interne dans le point que
Charcot appelait le carrefour sensitif. Il paraît bien démontré par les
recherches de De je rixe et de Roussy que les lésions de cette région peuvent
donner lieu à des hémianesthésies de la sensibilité générale portant sur le
tronc et les membres du côté opposé ; mais il n’est pas certain du tout
qu’elles puissent aussi donner lieu par elles-mêmes à des hémianesthésies
sensorielles, notamment à des troubles visuels. Presque tous les ophtal¬
mologistes admettent aujourd’hui que l’amblyopie unilatérale croisée qui
accompagne souvent les hémianesthésies hystériques ou organiques —
amblyopies dont la réalité clinique n’est pas douteuse et n’est d’ailleurs
contestée par personne — ne peut être expliquée par des lésions directes de
1 appareil central de la vision, car il n’y a aucun point des centres nerveux
où se trouvent réunies toutes les fibres rétiniennes du côté opposé. L’inter¬
prétation la plus vraisemblable de sa genèse a été fournie par Lannegrace

et par Bechtf.rew. D’après eux, l’amblyopie unilatérale associée à une


hémianesthésie générale serait une conséquence de cette anesthésie, laquelle,
quand elle s’étend au globe de l’œil, s’accompagnerait de modifications
circulatoires de la rétine de nature à entraîner un rétrécissement du champ
visuel et par suite un affaiblissement plus ou moins marqué de l'acuité de
la vision de l’œil anesthésié.
Nous n’insisterons pas davantage sur un phénomène très intéressant en
soi, mais qui ne mérite pas de nous arrêter plus longtemps parce que, de
l’avis de tous les observateurs contemporains, il n’est pas sous la dépen¬
dance directe des altérations de l’appareil nerveux de la vision.

5° Lésions du faisceau optique intra cérébral (irradiations optiques de


Gratiolet). — Après leur relai dans la région juxta on rétro-thalmique, les
NERF OPTIQUE 99

fibres optiques, ainsi que nous l’avons expliqué clans notre description
anatomique, se reforment en un faisceau qui contourne le ventricule
latéral et va se terminer dans le lobe occipital. Les lésions de ce faisceau
déterminent des hémianopsies latérales homonymes semblables à celles que
provoquent les lésions de la bandelette optique du même côté. Elles n’en
diffèrent que par le fait qu’elles ne s’accompagnent pas de troubles de la
réflectivité irienne.

6° Lésions du centre cortical de la vision. — Le centre cortical de la


vision est la région de l’écorce cérébrale où aboutissent les fibres nerveuses
provenant de la rétine. Physiologiquement il est le lieu dans lequel les
impressions colligées par la rétine sont perçues sous la forme de sensations
conscientes.
Il est situé à la face interne du lobe occipital. D’après les recherches
d’HENSCHEN, il occuperait seulement le fond et les lèvres de la scissure
calcarine. D’après Y. Monakow et la plupart des autres observateurs qui se
sont occupés de déterminer sa topographie, il s’étendrait au delà des points
indiqués par IIenschen, de façon à gagner en avant la totalité de l’écorce
du lobule cunéiforme et en arrière celle du lobule lingual. Viallet, Galle-
maerts, Brissaud pensent même qu’il dépasse les limites de ces lobules
et s’étend en avant jusqu’à la scissure perpendiculaire interne, et jusqu’à la
pointe du lobe occipital en arrière.
Sa destruction sur un seul hémisphère provoque une hémianopsie latérale
homonyme avec conservation à peu près intégrale de la vision maculaire
et des réflexes pupillaires, semblable, par conséquent à l’hémianopsie résul¬
tant des lésions du faisceau de Gratiolet.
Ses destructions très limitées, telles que celles qui résultent de l’existence
de petits foyers de ramollissement, donneraient lieu, au dire de Henschen,
dont les opinions sont basées sur quelques observations anatomo-cliniques
d’une rigoureuse précision, à des scotom.es hérnianopsiques homonymes en
quadrant, ce qui semble prouver que les fibres rétiniennes, y compris les
fibres maculaires, se projettent dans le cerveau en conservant leur individua¬
lité et les dispositions topographiques qu’elles ont à leur origine dans la
rétine.
Les destructions bilatérales des centres corticaux visuels déterminent une
cécité complète des deux yeux, qu’on appelle cécité corticale pour la dis¬
tinguer des cécités dépendant de lésions portant sur l’appareil de réception,
et qui s’en distingue en effet cliniquement parce que les troubles de l’orien-
100 LES NERFS CRANIENS

tation — bien que la mémoire visuelle soit conservée — sont beaucoup plus
marqués que dans les cas de cécité complète d’origine périphérique.

7° Lésion des faisceaux d’association inter-corticales. — Tous les centres


sensoriels sont réunis par des faisceaux d'association à des régions de l’écorce
cérébrale où se produisent les phénomènes psychiques, notamment la
conservation des images et leur évocation éventuelle sous la forme de sou¬
venirs. Le centre cortical visuel n’échappe pas à cette loi. Ainsi que nous
l avons indiqué à propos de l’anatomie, des circonvolutions voisines de la
scissure calcarine (cuneus, lobule lingual) partent des faisceaux de fibres
nerveuses qui se dirigent vers le lobe pariétal. Quelques-unes s’y terminent,
tandis que d’autres se prolongent jusqu’au lobe préfrontal. On est très mal
renseigné sur leurs fonctions dans l’hémisphère droit. On connaît un peu
mieux le rôle de celles qui, dans l’hémisphère gauche, se rendent du lobe
occipital à la région de la base de l’insule de Reil, où se trouvent les centres
du langage. Leur destruction donne lieu à l’agnoscie visuelle ou, pour mieux
dire, à cette variété partielle de l’agnoscie visuelle qui constitue la cécité ver¬
bale ou alexic.
Les malades atteints de cécité verbale n’ont pas perdu le sens de la vue.
Ils distinguent nettement tous les objets qu’on leur présente. Placés devant
un livre ou une page d’écriture, ils distinguent les traits noirs qui forment
les lettres et les signes de la ponctuation ; mais ils les voient comme s’ils
n’avaient jamais appris à lire : ils n’en comprennent plus la signification.
Ils peuvent écrire comme le peut un sujet normal qui a les yeux fermés,
mais ils ne peuvent pas relire ce qu’ils ont écrit.
L’alexie peut porter à la fois sur tous les modes de l’écriture : imprimée
ou manuscrite, lettres, mots, chiffres, musique, ou bien seulement sur l’un
ou sur quelques-uns d’entre eux.
Elle est habituellement associée avec de l’hémianopsie latérale homonyme
droite et des troubles plus ou moins graves d’aphasie.
Dans les quelques observations connues jusqu’à ce jour, où on a pu
examiner le cerveau des malades atteints de cécité verbale pure, on a trouvé
des lésions siégeant dans la région du pli courbe et s’étendant assez profon¬
dément dans la profondeur du centre ovale pour atteindre la portion
externe des irradiations optiques de Gratiolet, qui sont à ce niveau accolées
au faisceau d’association occipito-pariétal par lequel passent, ainsi que nous
l’avons précédemment indiqué, les fibres qui se rendent du centre cortical
sensoriel de la vision aux centres du langage. Cette topographie des lésions
explique comment les perceptions visuelles sont conservées (intégrité du
NERF TRIJUMEAU 101

centre cortical sensoriel de la vision), et pourquoi l’hémianopsie accompagne


habituellement la cécité verbale (accolement du faisceau des fibres d’asso¬
ciation intercorticale aux irradiations optiques de Graliolet).

ARTICLE IV

NERF TRIJUMEAU
[Planches IV et V],

Le trijumeau, le plus volumineux des nerfs crâniens, est un nerf mixte,


présentant les plus grandes analogies avec les paires rachidiennes. Par ses
tilets sensitifs, il tient sous sa dépendance la sensibilité de la face ; par ses
filets moteurs, il innerve tous les muscles masticateurs.

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine apparente. — Le trijumeau naît sur le côté externe de la


protubérance, au moment où cette dernière se confond avec les pédoncules
cérébelleux moyens. Cette origine se fait par deux racines, une grosse et
une petite : la grosse racine, sensitive, remarquable par son volume, se
compose de quarante à soixante faisceaux nerveux, qui sont non seulement
accolés, mais reliés entre eux par de nombreuses anastomoses ; la petite
racine, motrice (nerf masticateur des physiologistes), est située en avant et
en dedans de la racine sensitive ; beaucoup plus petite que la précédente,
elle n’est constituée que par cinq ou six faisceaux nerveux, dix au plus.

2° Origine réelle. — Il convient d’examiner séparément la racine sensi¬


tive (trijumeau sensitif) et la racine motrice (trijumeau moteur).

a) Trijumeau sensitif. — La grosse racine, constituant le trijumeau sen¬


sitif, est l’homologue d’une racine postérieure rachidienne.
a) Ses noyaux terminaux. — Les noyaux de substance grise, auxquels
aboutissent dans le névraxe ses fibres constituantes, sont au nombre de deux
fig. 42) : le noyau gélatineux et le noyau moyen.
a) Le noyau gélatineux, continuation de la tête de la corne posté¬
rieure, a la forme d’une longue colonne longitudinale, qui s’étend sans
interruption depuis le collet du bulbe jusqu’au tiers inférieur de la protu-
102 LES NERFS CRANIENS

bérance. Elle occupe la partie latérale et superficielle du bulbe et c’est elle


qui, en soulevant à son niveau la partie antérieure du cordon postérieur,
détermine cette saillie, comme elle longitudinale, que l’on désigne en
anatomie descriptive sous le nom de corps cendré de Rolando. Vu sur des
coupes horizontales, le
noyau gélatineux est ar¬
rondi. Vu sur des coupes
frontales, il revêt l’aspect
d’une longue colonne as¬
cendante, légèrement in¬
curvée en S italique.
P) Le noyau moyen est
situé au-dessus et un peu
en arrière du précédent.
Sa hauteur est de 3 ou 4
millimètres. Kôlliker le
considère comme une
simple dépendance de la
colonne gélatineuse, com¬
me la partie toute supé¬
rieure de cette colonne.
Pour Hôsel, il serait l’ho¬
mologue du noyau de Bur-
dach.

Fig. 42. Outre ces deux noyaux,


Schéma représentant, sur le plancher du quatrième on décrivait autrefois,
ventricule, les origines et les terminaisons réelles du
trijumeau. comme noyau terminal
V, grosse racine du trijumeau ou trijumeau sensitif ; V’, pe¬
tite racine ou trijumeau moteur (nerf masticateur).
du trijumeau sensitif, le
1, noyau masticateur. — 2, racine moyenne du trijumeau
sensitif. — 3, racine du locus coeruleus, avec : 3’, fibres direc¬ locus coeruleus (noyau du
tes ; 3”, fibres croisées. — 4, locus coeruleus. — 5, racine infé¬
rieure ou descendante. — 6, 6, colonne de substance gélatineuse locus coeruleus), avec des
formant le noyau terminal (noyau gélatineux) de cette der¬
nière racine. — 7, noyau moyen du trijumeau sensitif. —- 8, libres directes et des li¬
racine supérieure du trijumeau moteur. — 9, 9, ses cellules
d’origine. bres croisées. Il est géné¬
ralement admis aujour¬
d’hui que les éléments cellulaires qui entrent dans cette dernière formation
appartiennent à la racine motrice (voyez plus loin).
b) Son trajet intra-protubérantiel. — De leur point d’émergence du
névraxe, les fibres constitutives de la racine sensitive se portent obliquement
en arrière et en dedans et, arrivées dans la calotte, se divisent chacune en
deux branches, l’une ascendante, l’autre descendante ; les branches descen-
LES NERFS EN SCHEMAS.

Fig. 1 - Origines, trajet, distribution


NERF TRIJUMEAU 103

dantes, comme leur nom l’indique, se portent en bas, pour venir se ter¬
miner dans le noyau inférieur ou gélatineux, en constituant dans leur en¬
semble la racine inférieure (racine, descendante de quelques auteurs) ; les
branches ascendantes se rendent au noyau
moyen. Toutes ces fibres, quelle que soit leur
direction, se terminent chacune par une ai-
borisation libre autour des
cellules du noyau auquel
elles se rendent.
c) Ses relations centra¬
les. — Les cellules nerveu¬
ses du noyau gélatineux
et du noyau moyen émet¬
tent des fibres qui se diri¬
gent en dedans, en formant
par leur ensemble ce que
nous appelerons la voie
centrale du trijumeau. Ces libres, arrivées au
raphé s’y entrecroisent avec celles du côté
opposé. Puis, se redressant en haut pour sui¬
vre une direction longitudinale, elles traver¬
sent successivement la protubérance et le pé¬
doncule cérébral et, comme le ruban de Reil
auquel elles sont juxtaposées ou même plus ou moins
mélangées, viennent se terminer dans la couche opti¬
que. Ajoutons que, au cours de leur trajet, les fibres
constitutives de la voie Fig. 43.
centrale du trijumeau Schéma montrant les origines et tes terminaisons réelles
des deux portions du trijumeau : trijumeau sensitif et
abandonnent de nom¬ trijumeau moteur.
(L’axe 1/1/ indique l’entrée du trijumeau dans la protubéran¬
breuses collatérales, qui ce ; l’axe xx désigne la ligne médiane.)
1, ganglion de Gasser avec ses trois branches : a, l’ophthal-
se terminent les unes mique ; b. le maxillaire supérieur ; c, le maxillaire inférieur,
avec ses fibres sensitives et ses fibres motrices.
dans les noyaux mo¬ 2, trijumeau sensitif (fibres fines). — 3 sa racine inférieure.
— 4, noyau gélatineux. — 5, noyau moyen. — 6, racine du locus
teurs bulbo-protubéran- cæruleus. — 7, voie centrale du trijumeau, avec 7’, l’entrecroi¬
sement sensitif.
tiels (en particulier dans 8, trijumeau moteur ou nerf masticateur (fibres grosses). —
9, noyau masticateur. — 10, racine supérieure, avec 10’, ses
le noyau ambigu, dans cellules d’origine.

le noyau masticateur et
dans le noyau du facial), les autres dans la formation réticulaire. Ces collatéra¬
les sont évidemment en rapport avec la voie réflexe.
104 LES NEUFS CRANIENS

b) Trijumeau moteur. — La petite racine du trijumeau, constituant le tri¬


jumeau moteur ou nerf masticateur, est l’homologue d’une racine antérieure
rachidienne.
a) Ses noyaux d'origine. — On distingue à la racine motrice deux noyaux,
l’un principal, l’autre accessoire :
«) Le noyau principal, plus connu sous le nom de noyau masticateur, est
profondément situé dans la partie latérale de la calotte protubérantielle.
C’est une petite colonne de substance grise, haute de 4 5 5 millimètres,
commençant en bas au niveau d<>. l’extrémité supérieure de l’olive protubé¬
rantielle et dépassant légèrement en haut le noyau sensitif. Comme le noyau
du facial, au-dessous duquel il est situé, il représente, au niveau de la pro¬
tubérance, la tête de la corne antérieure de la moelle épinière.
P) Le noyau accessoire est constitué par une longue traînée de cellules ner¬
veuses, qui commence en bas au niveau du noyau principal et, de là, s’étend
sans interruption jusqu’au côté interne du tubercule quadrijumeau antérieur.
Ces cellules, tantôt éparses, tantôt réunies en petits groupes, sont volumineu¬
ses, arrondies ou légèrement piriformes. Meynert, en raison de leur forme
sphérique et de leur aspect boursoullé, leur avait donné le nom de cellules
vésiculeuses.
b) Son trajet intra-protubérantiel. — Chacun des deux noyaux précités
donne naissance à un faisceau radiculaire. Le trijumeau moteur se trouve
ainsi avoir deux racines, l’une inférieure, l’autre supérieure :
a) La radine inférieure, de beaucoup la plus importante, provient du noyau
masticateur, se porte obliquement en avant et un peu en haut, traverse l’étage
inférieur de la protubérance et s’échappe du névraxe sur le même point que
la grosse racine. Rappelons que cette racine inférieure est en partie croisée,
c’est-à-dire que, tout en recevant la plus grande partie de ses libres du noyau
correspondant, elle en reçoit toujours un certain nombre du noyau du côté
opposé.
P) La racine supérieure émane du noyau accessoire. Les fibres qui la cons¬
tituent descendent vers le noyau principal, en formant un petit faisceau (semi-
lunairè en coupe), qui grossit naturellement au fur et à mesure qu’il descend.
Arrivé au voisinage du noyau masticateur, il s’infléchit en avant et en dehors,
se joint à la racine inférieure et toutes les deux, ainsi fusionnées, se portent
vers leur point d’émergence.

3° Trajet. — De la face inférieure de la protubérance, les deux racines


du trijumeau se dirigent obliquement en haut, en avant et en dehors, vers
la partie interne du rocher, où elles se terminent comme suit :
«0 La grosse racine croise le bord supérieur du rocher et, aussitôt après, se
PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

DUPRET ciel. G. DOIN éditeur.


NERF TRIJUMEAU 105

termine dans le bord supérieur, concave, d’un volumineux ganglion, le gan¬


glion de Gasser, lequel, comme nous le verrons tout à l’heure, se trouve situé
sur la face antérieure du rocher.

a P) La petite racine atteint, elle aussi, le ganglion


de Gasser. Mais, au lieu de s’y terminer comme la
précédente, elle passe au-dessous du ganglion, en¬
tre lui et le rocher, arrive à l’origine du nerf
maxillaire supérieur et, là, se fusionne avec cette
dernière branche nerveuse.

Fig. 44.
Ganglion de Gasser du côté 4° Ganglion de Gasser. — I.e ganglion de Gas¬
droit avec ses racines et
ses trois branches termi¬ ser est une masse de substance nerveuse d’un gris
nales. jaunâtre, couchée sur la partie interne de la face
n, ganglion de Gasser. — b. sa
racine sensitive. — c, racine antérieure du rocher, qui se creuse à ce niveau
motrice du trijumeau.
1, ophtlialmique. — 2, maxil¬ d’une dépression pour îc recevoir. Tl affecte, com¬
laire supérieur. — 3, maxillaire
inférieur. me on le sait (lig. 44), la forme d’un croissant, ou
mieux d’un haricot fortement aplati, dont le hile
serait tourné en haut et en arrière et dont le bord convexe regarderait en bas
et en avant. Il occupe une loge fibreuse, qui provient d’un dédoublement de
la dure-mère et que l’on désigne sous le nom de cavum de Meckel.
Morphologiquement, le ganglion de Gasser est l’homologue des ganglions
spinaux : il est à la racine sensitive du trijumeau, ce qu’est le ganglion
spinal à la racine sensitive d'une paire rachi¬
dienne quelconque. Rappelons que, dans le
cavum de Meckel, le ganglion de Gasser re¬
çoit, sur son côté interne, un ou plusieurs fi¬
lets sympathiques, qui lui viennent du
plexus caverneux.
Par son bord convexe, le ganglion de Gas¬
ser émet trois branches volumineuses, qui
Fig. 45.
divergent à la manière d’une patte d’oie. Ce
Constitution anatomique du gan¬
sont, en allant de dedans en dehors (fig. 45) : glion de Gasser.
1" Le nerf ophtlialmique ; 1, ganglion de Gasser, avec : 2, sa
petite racine ou trijumeau moteur. —
3, sa grosse racine ou trijumeau sen¬
2° Le nerf maxillaire supérieur ; sitif. — 4. nerf ophtlialmique. — 5,
nerf maxillaire supérieur. — 6, nerf
3° Le nerf maxillaire inférieur. maxillaire inférieur.

A chacune de ces trois branches et,


en un point plus ou moins éloigné de son origine, mais toujours en dehors
de la cavité crânienne, se trouve annexé un petit ganglion : pour le nerf
ophtlialmique, le ganglion ophtlialmique ; pour le nerf maxillaire supérieur,
106 LES NERFS CRANIENS

le ganglion sphéno-palatin ; pour le nerf maxillaire inférieur, le ganglion


otique. Suivons maintenant, dans leur distribution, les trois branches du
trijumeau et celles de leurs ganglions.

A) NERF OPHTHALMIQUE
(accc son ganglion)

Le nerf ophthalmique, la plus interne et la plus antérieure des trois bran¬


ches du trijumeau, se détache de la partie interne du ganglion de Gasser.
Il est exclusivement sensitif. Au sortir du ganglion, il se dirige oblique¬
ment en haut, en avant et en dedans, s’engage dans l’épaisseur de la paroi
externe du sinus caverneux et atteint bientôt la fente sphénoïdalei /qui
l’amène dans l’orbite.

1° Mode de distribution. — Avant d’atteindre la fente sphénoïdale,


l’ophthalmique reçoit du plexus caverneux un ou deux filets anastomotiques
et, à son tour, envoie un petit rameau à chacun des trois nerfs moteurs de
l’œil : le pathétique, le moteur oculaire commun et le moteur oculaire
externe. Il abandonne, en outre, un important rameau sensitif, le nerf
récurrent d’Arnold qui, après avoir perforé le pathétique, vient se terminer
dans la tente du cervelet et à la partie postérieure de la faux du cerveau.
Arrivé à la fente sphénoïdale, l’ophthalmique se divise en trois branches,
savoir : 1° une branche interne ou nerf nasal ; 2° une branche externe ou
nerf lacrymal ; 3° une branche moyenne ou nerf frontal.

a) Nerf nasal. — Le nerf nasal traverse la fente sphénoïdale par la


partie interne de l’anneau de Zinn. Il gagne la paroi interne de l’orbite et
la suit d’arrière en avant jusqu’au trou orbitaire interne antérieur, où il
se termine en se bifurquant.
a) Branches collatérales. — Chemin faisant, il abandonne quelques bran¬
ches collatérales, notamment : 1° un filet long et grêle, qui est la racine
sensitive du ganglion ophthalmique (voy. plus bas) ; 2° les longs nerfs
ciliaires, qui rejoignent le groupe des nerfs ciliaires issus du ganglion
ophthalmique ; 3° le filet sphénoïdal de Liisciika, qui s’engage dans le trou
orbitaire interne postérieur et aboutit à la muqueuse du sinus sphénoïdal.
b) Branches terminales. — Elles sont au nombre de deux, l’une externe
ou nasal externe, l’autre interne ou nasal interne :
«) Le nerf nasal externe, continuant le trajet du nerf nasal, longe le bord
inférieur du muscle grand oblique et, arrivé à la base de l’orbite, se résout
NERF TRIJUMEAU 107

en plusieurs rameaux qui se distribuent à la région intersourcilière, aux


voies lacrymales et à la peau de la partie supérieure du dos du nez, depuis
sa racine jusqu’au bord inférieur des os propres du nez.
P) Le nerf nasal interne, s’infléchissant en dedans, s’engage dans le conduit
orbitaire interne antérieur, qu’il parcourt dans toute son étendue. 11 débouche
ainsi dans la cavité crânienne,
sur la lame criblée de l’ethmoïde.
De là, il descend dans la fosse
nasale correspondante par le trou
ethmoïdal et s’v divise en deux
rameaux : l’un interne, qui se
distribue à la partie antérieure de
la cloison ; l’autre externe, qui
se ramifie à la partie antérieure
de la paroi externe. A noter que
ce dernier rameau fournit le nerf
naso-lobaire, petit filet qui, s’é¬
chappant de la fosse nasale entre
le bord inférieur des os du nez
et le cartilage qui leur fait suite,
vient s’épuiser en ramifications
de plus en plus ténues dans la
Fig. 46.
peau du lobule du nez.
Branche ophthalmique du trijumeau,
vue d’en haut.
b) Nerf frontal. — Le nerf I, nerf olfactif. — II, nerf optique. — ITI, moteur
oculaire commun. — V, trijumeau, avec ses deux
frontal pénètre dans l’orbite par racines.
1, ophthalmique. — 2, maxillaire supérieur. — 3,
la partie supérieure et interne de maxillaire inférieur. — 4, nerf lacrymal, avec 4’, son
anastomose avec le rameau orbitaire du maxillaire
la fente sphénoïdale, mais en de¬ supérieur. — 5, nerf frontal et ses branches. — 6,
nerf nasal, avec ses deux branches : 7. nasal inter¬
hors de l’anneau de Zinn. Arrivé ne et 8, nasal externe. — 9, un nerf ciliaire.

dans l’orbite, il chemine d’arrière


en avant le long de la paroi supérieure de cette cavité et, un peu en arrière du
rebord orbitaire, se bifurque en deux rameaux qui sont le frontal externe et le
frontal interne :
a) Le nerf frontal externe ou nerf sus-orbitaire traverse le trou sus-orbitaire
et se partage alors en deux ordres de rameaux : des rameaux ascendants ou
frontaux, qui se distribuent à la peau de la région frontale, depuis l’orbite jus¬
qu’à la suture lambdoïde ; des rameaux descendants ou palpébraux, qui se
terminent à la fois dans la peau et, dans la muqueuse de la paupière supérieure.
On décrit, en outre, un rameau osseux qui pénètre dans l’épaisseur du
108 LES NERFS CRANIENS

frontal et se termine, en partie dans le diploé et le péricrâne, en partie dans


la muqueuse des sinus frontaux.
р) Le nerf frontal interne, plus gi'êle que le frontal externe, sort de l’orbite
entre ce dernier nerf et la poulie du grand oblique et se divise alors en trois
ordres de rameaux : 1° rameaux frontaux, pour la région frontale ; 2° ra¬
meaux palpébraux, pour la paupière supérieure ; 3° rameaux nasaux, pour
la peau de la région intersourcilière.

с) Nerf lacrymal. — Le nerf lacrymal, la plus grêle des trois branches


de division de F ophthalmique, pénètre dans l’orbite par la partie la plus
externe de la fente sphénoïdale et, s’appliquant immédiatement contre la
paroi externe de la cavité orbitaire, il se dirige en avant vers la glande
lacrymale. Sur cette paroi, il s’anastomose, par un rameau en forme d’anse,
avec le rameau orbitaire du nerf maxillaire supérieur qui, lui, a pénétré
dans l’orbite par la fente sphéno-maxillaire. En atteignant la glande lacry¬
male que, selon les cas, il traverse ou contourne, le nerf lacrymal se divise
en deux groupes de rameaux : 1° des rameaux lacrymaux, en, nombrle très
variable, mais toujours très courts, qui se distribuent à la glande lacrymale ;
2° des rameaux palpébraux, qui s’épuisent dans la partie externe de la paupière
supérieure et, par quelques filets, dans la peau de la région temporale.

2° Ganglion ophthalmique. — Le ganglion ophthalmique, encore appelé


ganglion ciliaire, est un petit renflement d’un gris jaunâtre, situé sur le
côté externe du nerf optique, à la réunion de son quart postérieur avec ses
trois quarts antérieurs. Aplati transversalement, il affecte le plus souvent
la forme d’un quadrilatère aux angles légèrement arrondis : il mesure
2 millimètres dans le sens antéro-postérieur, 1 millimètre seulement dans
le sens vertical. Comme tous les ganglions périphériques, qui ne sont que
des centres d’innervation à territoire peu étendu, le ganglion ophthalmique
(fig. 47) reçoit des rameaux nerveux (branches afférentes ou racines) et il en
émet (branches efférentes).

a) Branches afférentes. — Elles sont au nombre de trois : une racine


sensitive, une racine motrice, une racine sympathique.
<*) La racine sensitive lui vient du nasal. Elle se détache de ce nerf avant
ou peu après son entrée dans l’orbite et aboutit à l’angle postérieur et
supérieur du ganglion. On l’appelle encore racine longue ou racine grêle :
racine longue, en raison de la longueur de son trajet ; racine grêle, en raison
de sa ténuité.
P) La racine motrice se détache, comme nous le verrons plus loin, du long
NEUF TRIJUMEAU 109

rameau que le moteur oculaire commun envoie au petit oblique. Se portant


obliquement en haut et en avant, elle aboutit à l’angle postérieur et inférieur
du ganglion, dont elle n’est séparée, à son origine, que par un intervalle
de 1, de 2, ou de 3 millimètres. Cette racine du ganglion ophthalmique
est donc très courte. Elle est en même temps beaucoup plus volumineuse
que celle que lui envoie le nerf nasal : aussi la désigne-t-on souvent, en
raison de l’un ou l’autre de ces deux caractères, sous les noms de racine
courte ou de grosse racine.

y) La racine sympathique prend naissance dans le plexus caverneux,


autrement dit dans le plexus nerveux qui entoure la carotide interne à son
passage dans le sinus caverneux. Elle entre dans l’orbite avec le nerf nasal
et se jette dans le bord posté¬
rieur du ganglion ophthalmi¬
que, soit isolément, soit en se
fusionnant préalablement avec
la racine sensitive.

b) Branches efférentes. — Fig. 47.


Le ganglion ophthalmique avec ses racines et ses
Les branches efférentes du branches efférentes (schématique).
ganglion ophthalmique cons¬
tituent les nerfs ciliaires. Ces nerfs prennent tous naissance sur les
deux angles antérieurs du ganglion et se partagent, dès leur origine, en
deux groupes : un groupe supérieur, composé de 3 ou 4 rameaux ; un groupe
inférieur, plus important, qui en renferme de 5 à 7. Ces 8 ou 10 rameaux,
bientôt rejoints par le ou les nerfs ciliaires que fournit directement le nerf
nasal et qui forment les longs nerfs ciliaires, se portent vers le globe oculaire
en décrivant des flexuosités nombreuses. Ils sont très fins et baignent en
plein dans le tissu cellulo-graisseux qui entoure le nerf optique.
Dans cette première partie de leur trajet, les nerfs ciliaires fournissent
quelques filets très déliés : 1° à la gaine externe du nerf optique ; 2° à l’artère
ophthalmique et à ses branches.
Paivenus au globe oculaire, les nerfs ciliaires perforent la sclérotique tout
autour de 1 entrée du nerf optique. Ils cheminent alors, comme autant de
méridiens, entre la sclérotique et la choroïde dans la couche du tissu con¬
jonctif lâche qui unit l’un à l’autre ces deux membranes et que l’on désigne
sous le nom de lamina fusca. Chemin faisant, ils abandonnent quelques
filets à la sclérotique et à la choroïde et arrivent ainsi sur la face externe
du muscle ciliaire. Là, ils forment un riche plexus, le plexus ciliaire, d’où
110 LES NERFS CRANIENS

s’échappent en divergeant une multitude de fdels terminaux destinés au


muscle ciliaire, à l’iris et à la cornée.

B) NERF MAXILLAIRE SUPÉRIEUR


(avec son ganglion)

Branche moyenne du trijumeau, le nerf maxillaire supérieur se détache


du bord inférieur du ganglion de Gasser, entre l’ophthalrnique qui est en
dedans et le maxillaire inférieur qui est en dehors. De là, il se porte d’ar¬
rière en avant et un peu de dedans en dehors, vers le trou grand rond,
sort du crâne par cet orifice et arrive dans la fosse ptérygo-maxillaire. S’in¬
fléchissant alors en dehors, il traverse obliquement la fosse en question, en
se dirigeant vers l’extrémité postérieure de la gouttière sous-orbitaire. Là,
il s’infléchit de nouveau pour devenir postéro-antérieur, s’engage dans la
gouttière sous-orbitaire d’abord, puis dans le canal sous-orbitaire, qui lui
fait suite, et débouche enfin par le trou sous-orbitaire pour se terminer
dans les parties molles de la joue.

1“ Mode de distribution. — Au cours de son trajet, le nerf maxillaire


supérieur, fournit de nombreuses branches, que nous diviserons en branches
collatérales et branches terminales :

a) Branches collaterales. 7— Depuis le ganglion de Gasser, où il prend


naissance, jusqu’au trou sous-orbitaire, où il se termine, le nerf maxillaire
supérieur donne cinq branches collatérales, savoir :
1° Rameau méningien moyen. — Filet nerveux extrêmement ténu, qui
se détache du nerf maxillaire supérieur avant son passage à travers le trou
grand rond et se distribue à la dure-mère de la région, en accompagnant
l'artère méningée moyenne.
2° Rameau orbitaire. — 11 se détache du maxillaire supérieur immédia¬
tement au-dessous du trou grand rond. Comme l’indique son nom, il pénètre
dans l’orbite à travers la fente ptérygo-maxillairc et, arrivé sur la paroi
externe de cette cavité, il se divise en deux rameaux : 1° un rameau lacrymo-
palpébral, qui se dirige en haut et en avant vers la glande lacrymale, s’anas¬
tomose avec la branche lacrymale de l’ophthalmique et se termine, en partie
dans la glande, en partie dans la portion externe de la paupière supérieure ;
2° un rameau temporo-malaire, qui pénètre dans le conduit malaire et s’y
divise, en même temps que le conduit, en deux filets : un filet malaire, qifi
sort à la face externe de l’os malaire et se perd dans la peau de la pommette ;
NERF TRIJUMEAU 111

un filet temporal, qui débouche dans la fosse temporale et vient se distribuer,


après avoir perforé le muscle temporal, dans la peau de la région temporale.
3° Rameaux pour le ganglion sphéno-palatin. — Au nombre de deux ou
trois, toujours très courts, ces rameaux se séparent du maxillaire supérieur
à la partie moyenne de la fosse ptérygo-maxillaire et se jettent sur le ganglion

Fig. 48.
Nerf maxillaire supérieur, vue latérale.
1. ganglion de Gasser. — 2, grosse racine du trijumeau.— 3, sa petite racine - 4, ophthalmique.
— b, nerf maxillaire supérieur. — 6, nerfs dentaires postérieurs. — 7, rameau orbitaire,
s’anastomosant, en 7’, avec le lacrymal. — 8, bouquet sous-orbitaire. — 9, ganglion sphéno-pala¬
tin, avec 9’, ses racines sensitives. — 10, nerf vidien. — 11, 12, 13, nerfs palatins antérieur, mo¬
yen et postérieur. — 14, nerf maxillaire inférieur. — 15, un rameau du facial, s’anastomo¬
sant avec les filets sous-orbitaires.

sphéno-palatin. On les désigne parfois sous le nom de racines descendantes


du ganglion sphéno-palatin.
4° Nerfs dentaires postérieurs. — Au nombre de deux ou trois, ils se
séparent du nerf maxillaire supérieur, au moment où celui-ci va s’engager
dans la gouttière sous-orbitaire. Se portant en bas et un peu en dehors, ils
descendent sur la tubérosité du maxillaire, s’engagent dans deux ou trois
petits conduits osseux qui se trouvent sur cette tubérosité et arrivent ainsi
112 LES NERFS CRANIENS

au voisinage des dents molaires. Là, ils se divisent et s’anastomosent de


façon à former une sorte de plexus, d’où s’échappent quatre ordres de filets,
savoir : 1;° des filets dentaires, pour les racines des grosses et des petites
molaires ; 2U des filets alvéolaires, qui se rendent au périoste des alvéoles ;
3° des filets muqueux, pour la muqueuse du sinus maxillaire ; 4° des filets
osseux, pour le maxillaire lui-même.
5° Nerf dentaire antérieur. — Le nerf dentaire antérieur naît du maxil¬
laire supérieur, à 8 ou 10 millimètres en arrière du trou sous-orbitaire.
De là, il s’engage dans un conduit spécial qui est creusé dans l’épaisseur
du maxillaire et descend ainsi sur les incisives, où il s’épuise en quatre

A carotide interne

Fig. 49.
Le ganglion sphéno-palatin avec ses racines et ses branches efférentes
(schématique).

ordres de filets : 1° des filets nasaux, pour la muqueuse du canal nasal ;


2'° des filets dentaires, pour les racines des deux incisives supérieures et, de la
canine correspondante ; 3° des filets alvéolaires, pour le périoste alvéolaire
de la muqueuse gingivale ; 4° des filets osseux, pour la portion du maxillaire
qu’elle traverse.

b) Branches terminales, bouquet sous-orbitaire. — A sa sortie du


trou sous-orbitaire, le nerf maxillaire supérieur s’épanouit en un très grand
nombre de rameaux et de ramuscules terminaux, dont l’ensemble constitue
le bouquet sous-orbitaire. Ils se divisent en trois groupes : i° filets ascen¬
dants ou palpébraux, qui viennent se perdre dans la peau et la muqueuse de
la paupière inférieure ; 2° filets descendants ou labiaux, qui se terminent
dans la peau et la muqueuse de la lèvre supérieure ; 3° filets internes ou
NERF TRIJUMEAU 113

nasaux, qui s’épuisent dans la peau de l’aile du nez et dans la peau qui
tapisse le vestibule des fosses nasales.

2° Ganglion sphéno-palatin. — Le ganglion sphéno-palatin ou ganglion


de Meckel est un petit renflement grisâtre ou gris jaunâtre, qui se développe
dans la fosse ptérygo-maxillaire juste en regard du trou sphéno-palatin,
d’où son nom. Il est situé, non pas au-dessous du nerf maxillaire supérieur,
mais sur son côté interne, quoique à un niveau un peu inférieur. Envisagé
au point de vue de sa forme, le ganglion sphéno-palatin est ordinairement
aplati de haut en bas, tantôt quadi'angulaire, tantôt triangulaire ou conoïde
à base externe. Il mesure 3 ou 4 millimètres de diamètre. Comme le ganglion
ophthalmique, il nous présente (fig. 4 8) des branches afférentes ou racines et
des branches efférentes :

a) Branches afférente^. — Le ganglion sphéno-palatin reçoit : 1° des


branches externes ; une branche postérieure, le nerf vidien.
a) Les branches externes ne sont autres que les deux ou trois filets, déjà
signalés plus haut, qui, du nerf maxillaire supérieur se rendent au ganglion.
Ce sont de vraies racines sensitives.
P) Le nerf vidien, qui aboutit au côté postérieur du ganglion après avoir
traversé le canal vidien (situé à la base de l’apophyse ptérygoïde), est un nerf
fort complexe, formé par trois rameaux nerveux, qui tous les trois se
trouvent situés dans l’étage moyen de la base du crâne, savoir : i° le grand
nerf pétreux superficiel, rameau moteur, qui lui vient du facial ; 2° le grand
nerf pétreux profond, rameau sensitif, qui émane du nerf de Jacobson, lequel
provient lui-même du glosso-pharyngien ; 3° le rameau carotidien, rameau
sympathique, qui émane du plexus carotidien. Comme on le voit, le nerf
vidien fournit, à lui tout seul, au ganglion sphéno-palatin, une de ses racines
sensitives (l’autre vient du nerf maxillaire supérieur), sa racine motrice et sa
racine sympathique.

b) Branches efférentes — Les branches efférentes du ganglion de


Meckel sont fort nombreuses. Nous les grouperons comme suit :
4° Rameau pharyngien. — Le rameau pharyngien, encore appelé nerf de
Bock, se porte obliquement en arrière et en dedans, s’engage dans le conduit
ptérygo-palatin et, à sa sortie, se divise en plusieurs filets terminaux qui se
distribuent, les uns à la muqueuse de la partie postérieure et supérieure des
fosses nasales, les autres à la partie de la muqueuse pharyngienne qui avoi¬
sine la trompe d’Eustache.
2° Filets orbitaires. — Filets très grêles, qui pénètrent dans l’orbite par
LES NERFS EN SCHÉMAS 8
114 LES NERFS CRANIENS

la fente sphéno-maxillaire. Ils sont toujours très variables, et dans leur nom¬
bre, et dans leur distribution.
3° Nerf sphéno-palatin. — Ce nerf se détache du côté supéro-interne du
ganglion sphéno-palatin. De là, il se porte en dedans, vers le trou sphéno-
palatin. Il le traverse et arrive dans la fosse nasale correspondante, où il se
partage en deux rameaux. l’un interne, l’autre externe :
a) Le rameau externe, spécialement destiné à la paroi externe des fosses
nasales, se résout en cinq ou six petits filets, les nerfs nasaux postérieurs et
supérieurs de Valentin, qui se distribuent à la muqueuse du cornet supérieur
et du cornet moyen, ainsi qu’au sinus sphénoïdal et aux cellules ethmoïdales
postérieures.
P) Le rameau interne, gagne la paroi interne des fosses nasales, la parcourt
en diagonale depuis sa partie postéro-supérieure jusqu’au conduit palatin
antérieur, en lui abandonnant quelques filets très grêles. Arrivé au conduit
palatin antérieur, il s’y engage et débouche alors à la voûte palatine, où il se
perd dans la région rétro-alvéolaire.
4° Nerfs palatins. — Les nerfs palatins se détachent de la partie inférieure
du ganglion sphéno-palatin et, de là, descendent verticalement vers la voûte
palatine, en suivant des conduits spéciaux entre les deux os maxillaire supé¬
rieur et palatin. Ils sont au nombre de trois, que l’on distingue d’après leur
situation en antérieur, moyen et postérieur :
a) Le nerf palatin antérieur, le plus volumineux des trois, s’engage dans
le conduit palatin postérieur, qui le conduit à la partie postéro-externe de la
voûte palatine. Là il se partage en deux ordres de filets : des filets postéiieurs,
très grêles, qui se distribuent à la muqueuse du voile du palais et à la cou¬
che glandulaire sous-jacente ; des filets antérieurs, plus importants, qui
s’épuisent dans la muqueuse de la voûte palatine et des gencives supérieures.
Rappelons que, dans son trajet à travers le conduit, palatin, le nerf palatin
antérieur fournit un rameau relativement volumineux, le nerf nasal posté¬
rieur, qui se porte d’arrière en avant sur la face externe du cornet inférieur
il innerve la portion de la muqueuse pituitaire qui revêt le méat moyen, le
cornet inférieur et le méat inférieur.
ji) Le nerf palatin moyen, le plus grêle du groupe, descend un peu en
arrière du précédent, dans un conduit palatin accessoire, et vient se terminer
dans la muqueuse du voile du palais.
y) Le nerf palatin postérieur descend de même dans un conduit palatin
accessoire jusqu’à la voûte palatine et, là, se divise en deux groupes de
rameaux : des rameaux sensitifs, pour la muqueuse des deux faces du voile du
palais ; des rameaux moteurs, pour les muscles péristaphvlin interne et palato-
NERF TRIJUMEAU 115

staphylin. Si l’on veut bien se rappeler que le ganglion sphéno-palatin reçoit


comme unique racine motrice le grand nerf pétreux superficiel, issu du
facial, et que, d’autre part, les branches efférentes de ce ganglion n’innervent
que deux muscles, le périistaphylin interne et le palato-staphylin, on en
conclura naturellement que ces deux muscles sont, en réalité, innervés par
le nerf facial.

c) nerf maxillaire inférieur


(avec son ganglion)

Troisième et dernière branche du trijumeau, le nerf maxillaii'e inférieur


est constitué par deux racines : une racine sensitive, qui se détache de la
partie la plus externe du ganglion de Gasser immédiatement en dehors du
nerf maxillaire supérieur ; une racine motrice, qui n’est autre que ia petite
racine du trijumeau, que nous avons vue naître de la protubérance, et qui
passe au dessous du ganglion de Gasser. L’une et l’autre de ces deux racines
se dirigent en dehors et un peu en avant, vers le trou ovale. Jusque-là, elles
restent simplement accolées. Mais, arrivées au trou ovale, elles entrent en
relation intime, s’envoient mutuellement des faisceaux et finissent par se fu¬
sionner entièrement, pour constituer un tronc unique, qui est le nerf maxil¬
laire inférieur. Ce nerf, on le voit, est un nerf mixte, présentant une analogie
remarquable avec les nerfs rachidiens, lesquels possèdent, comme lui, une
racine motrice et une racine sensitive, cette dernière pourvue d’un ganglion.

1° Mode de distribution. — Le nerf maxillaire inférieur est très court


A quelques millimètres au-dessous du trou ovale, il s’épanouit en un bou¬
quet de sept branches, que nous diviserons en collaterales et terminales :

a) Branches collatérales. — Nous pouvons, d’après leur direction, les


classer comme suit : 1° trois branches externes, qui sont le nerf temporal
profond moyen, le nerf masséterin et le nerf buccal ; 2° une branche inter¬
ne, le nerf du ptérygoïdien interne ; 3° une branche postérieure, le nerf
auriculo-temporal.
if Nerf temporal profond moyen. — Le nerf temporal profond moyen se
détache du maxillaire inférieur immédiatement au-dessous du trou ovale.
De là, il se porte en dehors, contourne la crête sphéno-temporale et, s’inflé¬
chissant en haut, remonte dans la fosse temporale, entre la paroi osseuse et
le muscle temporal. Il se termine dans la partie moyenne de ce muscle.
2° Nerf masséterin. — Né au même niveau que le précédent, il traverse
obliquement la fosse zygomatique, passe par l’échancrure sigmoïde du maxil-
116 LES NERFS CRANIENS

laire inférieur, arrive à la face profonde du masséter et se distribue à ce


muscle. Au niveau de la crête sphéno-temporale, il abandonne en haut le
nerf temporal profond postérieur qui, comme le temporal profond moyen,
se termine à la face profonde du muscle temporal.
3° Nerf buccal. — Il naît, lui aussi, immédiatement au-dessous du trou
ovale. S’infléchis¬
sant en bas et en
avant, il descend
sur la face externe
du buccinateur :
après avoir inner¬
vé la peau des
joues, il perfore ce
dernier muscle,
pour venir se ter¬
miner dans la mu¬
queuse sous-jacen¬
te. A noter que,
avant d’atteindre
la région génien-
ne, le nerf buccal
fournit : 1° un ou
deux rameaux au
muscle ptérygoï-
dien externe ; 2°
le nerf temporal
Fig. 50. profond antérieur
Nerf maxillaire inférieur, vue latérale. qui, s’infléchissant
1, nerf auriculo-temporal. -— 2, son anastomose avec le facial. — 3.
nerf massétérin, avec 4’, nerf temporal profond postérieur. — 5, nerf en haut, vient se
temporal profond moyen. — 6, nerf buccal, avec 7, temporal profond
antérieur. — 8, nerf lingual. — 9, nerf dentaire inférieur, avec 10, terminer dans la
nerf mylo-hyoïdien et 11, nerf mentonnier. — 12, nerf sous-oibitaire. —
13. rameau malaire. — 14. facial. partie antérieure dll

muscle temporal.
4° Nerf du ptérygoïdien interna. — 11 se porte obliquement en bas et an
peu en dehors et vient se perdre dans le muscle ptérygoïdien interne.
5° Nerf auriculo-temporal. — Formé par deux racines qui se détachent du
maxillaire inférieur au-dessous du trou ovale, le nerf auriculo-temporal se
dirige tout d«abord en dehors, vers le col du condyle du maxillaire inférieur.
Puis, contournant ce col et se portant en haut, il passe en avant du conduit
auditif externe, arrive à la région temporale et s’v résout en un grand nom-
NERF TRIJUMEAU 117

bre de petits filets divergents, qui se perdent dans les téguments. Rappelons
que, avant d’atteindre la région temporale, l’auriculo--temporal abandonne
comme branches collatérales : 1° un rameau anastomotique pour la branche
supérieure du facial ; 2° des rameaux parotidiens, pour la glande parotide ;
3° quelques filets auriculaires, pour le conduit auditif externe, pour la tragus
et la partie antérieure de l’hélix.

b) Branches terminales. — Nous comprendrons sous ce nom le dentaire


inférieur et le lingual.
1° Nerf dentaire inferieur. — Le dentaire inférieur, continuation directe
du nerf maxillaire inférieur, se porte obliquement en bas
■ - Lingual
et en avant, vers l’orifice supérieur du canal dentaire in¬
T C du tympan
férieur, dans lequel il s’engage avec l’artère et la veine
de même nom.
a) Jusque là, le dentaire inférieur a fourni,
comme branches collatérales : 1° tout en haut,
un petit rameau anastomotique
pour le lingual ; 2° au niveau mê¬
-J/G. sous maxillaire me de l’orifice du canal dentaire,
le nerf mylo-hyoïdien, qui se jet¬
C.deWartlion te dans la gouttière de même
nom, pour venir se terminer dans

Gl. sous-maxillaire le muscle mylo-hyoïdien et dans


A.Carot.int.
le ventre antérieur digastrique.
Fig. 51.
P) Dans le canal dentaire, le
Innervation de la glande sous-maxillaire
[schématique). dentaire inférieur fournit : i° des
filets dentaires, pour les grosses et
les petites molaires ; 2° des filets gingivaux, pour les gencives ; 3° des filets
osseux, pour le périoste et l’os.
y) Au niveau du trou mentonnier, il se divise en deux branches terlmi-
nales : 1° le nerf incisif, qui fournit trois filets, pour la canine et les deux
incisives inférieures ; 2j° le nerf mentonnier, qui s’échappe de Los par le trou
mentonnier et, alors, s’épanouit en un bouquet de fdets divergents qui se dis¬
tribuent, les uns à la peau du menton, les autres à la peau et à la muqueuse
de la lèvre inférieure.
2° Nerf lingual. — Le lingual, deuxième branche terminale du nerf
maxillaire inférieur, est situé en avant du précédent. D’abord accolé à ce
dernier nerf, il s’en sépare bientôt à angle très aigu, pour se porter vers la
pointe de la langue, en décrivant une longue courbe à concavité dirigée en
haut et en avant.
118 LES NERFS CRANIENS

Au cours de son trajet., il s’anastomose : 1° avec le dentaire inférieur (voy.


ce nerf) ; 2° avec le facial, par la corde du tympan, que lui envoie ce dernier
nerf et qui lui apporte des fibres gustatives et des fibres vaso-dilatatrices (voy.
le nerf facial) ; 3° avec le grand hypoglosse, par un rameau descendant, dis¬
posé en forme d’arcade sur le côté de la langue ; 4° quelquefois avec le nerf
mylo-hyoïdien.
Arrivé à la langue, le nerf lingual se résout en une multitude de rameaux
et ramuscules, lesquels se distribuent à la portion de la muqueuse lingual'
qui recouvre la face inférieure de la langue, ses bords et les deux tiers anté¬
rieurs de sa face
dorsale. Quelques
filets seulement vont
au voile du palais et
à l’amygdale.
Au nerf lingual
se trouve annexé un
petit ganglion, le
ganglion sous-ma-
xillaire, petit renfle¬
ment ovoïde situé
entre le nerf lin¬
gual, qui est au-
Fig. 52.
Le ganglion otique avec ses racines et ses branches efférentes dessus, et la glan¬
(schématique).
de sous-maxillaire,
qui est au-dessous.
Ses branches afférentes sont représentées p/ar trois ou quatre filets qui vien¬
nent du lingual. Ses branches efférentes descendent sur la glande sous-maxil¬
laire, où elles se terminent.
II existe assez fréquemment au-dessus de la glande sublinguale un ganglion
analogue, mais beaucoup plus petit, le ganglion sublingual : il est à la
glande sublinguale ce qu’est le précédent ganglion à la glande sous-maxillai¬
re. Comme le ganglion sous-maxillaire, il reçoit du lingual ses filets affé¬
rents et jette sur la glande sublinguale ses branches efférentes.

2° Ganglion otique. — Le ganglion otique ou ganglion d’Arnold, est un


petit renflement gris rougeâtre, couché transvei’salement sur le côté interne
du nerf maxillaire inférieur, immédiatement au-dessous du trou ovale. Tl
mesure, en moyenne, 4 ou 5 millimètres de longueur, sur 3 ou 4 millimètres
de hauteur et 1 millimètre à 1 millimètre 5 d épaisseur. Comme le ganglion
NERF TRIJUMEAU 119

ophthabnique et le ganglion sphéno-palatin, il présente des racines ou bran¬


ches afférentes et des branches efférentes (fig. 52; :

a) Branches afférentes ou racines. — Outre quelques petits rameaux,


naturellement très courts, que lui envoie le nerf maxillaire inférieur, le
ganglion otique reçoit : 1° une racine motrice, constituée par le petit nerf
pétreux superficiel, qui lui vient du facial (voy. ce nerf) ; 2° une racine
sensitive, représentée par le petit nerf pétreux profond, qui lui est fournie par
le nerf de Jacobson, branche du glosso-pharyngien ; 3° une racine sympa¬
thique, fort grêle, provenant du plexus sympathique qui entoure l’artère mé¬
ningée moyenne.

b) Branches efférentes. — On décrit au ganglion otique comme bran¬


ches efférentes : 1° un premier rameau moteur, pour les muscles ptérygoï-
dien interne et péristapbylin externe (ce nerf peut se détacher directement
du tronc même du maxillaire inférieur) ; 2° un deuxième rameau moteur,
pour le muscle du marteau ; 3° un ou plusieurs rameaux sensitifs, qui s’ac¬
colent au nerf auriculo-temporal, pour venir se distribuer à la muqueuse de
la caisse du tympan,

D) TERRITOIRES SENSITIFS DU TRIJUMEAU


[Planche F].

Il résulte des descriptions qui précèdent que le trijumeau sensitif se distri¬


bue.à la plus grande partie des téguments du crâne et de la face et que, dans
cette vaste zone cutanée innervée par lui, chacune de ses trois branches a son
territoire spécial. Nous avons représenté dans la planche V ces trois terri¬
toires : le territoire de l’ophthalmique en rose ; le territoire du maxillaire
supérieur en jaune ; le territoire du maxillaire inférieur en bleu.
Comme on le voit, en jetant les yeux sur celte planche :
a) Le territoire de l’ophthalmique (teinte rose) comprend les deux tiers
antérieurs de la région occipito-frontale, la région sourcilière, les deux tiers
internes de la paupière supérieure, la partie la plus interne de la paupière
inférieure et, enfin, la partie interne de l’aile du nez. Tl est sous la dépen¬
dance du nerf lacrymal, du nerf frontal, du nerf nasal externe et du rameau
naso-lobaire, branche du nerf nasal interne.
P) Le territoire du maxillaire supérieur (teinte jaune) a une forme trian¬
gulaire à base dirigée en bas et en avant. Il comprend la partie externe de
l’aile du nez, la lèvre supérieure et la partie antérieure de la région génienne.
120 LES NERFS CRANIENS

Il est innervé par les rameaux sous-orbitaires, ainsi que par les fibres du
rameau orbitaire, lesquelles, après s’être anastomosées dans l’orbite avec le
lacrymal, arrivent à la face et à la partie antérieure de la région temporale
par les deux branches de bifurcation du nerf temporo-malaire (voy. p. 110).
y) Le territoire du maxillaire inférieur (teinte bleue), très allongé dans le
sens vertical, comprend la plus grande partie de la fosse temporale (qu’il dé¬
borde même un peu à sa partie supérieure pour empiéter sur la région parié¬
tale), la partie postérieure de la région génienne, la partie supérieure de la
région massétérine et la région mentonnière. Trois nerfs innervent ce terri¬
toire : le nerf temporal superficiel ou auriculo-temporal en haut, le nerf
mentonnier en bas et, entre les deux, le nerf buccal.
Sur notre planche V, nous avons ajouté aux trois territoires précités du
trijumeau sensitif deux autres territoires : 1° le territoire des branches posté¬
rieures des nerfs rachidiens, teinté en vert ; 2° le territoire du plexus cervical
superficiel, teinté en jaune orange. Le premier représente nettement la zone
de distribution du grand nerf sous-occipital d’ARNOLD. On remarquera, sur
le second, que le plexus cervical superficiel, dépassant les limites du cou,
empiète sur la face et occupe la partie postéro-inférieure de la région mas-
seterine. Ainsi s’explique ce fait que, dans la paralysie totale du trijumeau,
après l’ablation du ganglion de Gasser par exemple, la partie de la face qui
avoisine l’angle du maxillaire conserve sa sensibilité.

§ 2 - PHYSIOPATHOLOGIE

Tant par ses fibres propres que par celles des filets anastomotiques qu’il re¬
çoit des autres nerfs crâniens et du sympathique cervical, le trijumeau par¬
ticipe à la vie et au fonctionnement de tous les tissus superficiels et profonds
de la face.
Il se distribue à tous les téguments du visage depuis la limite postérieure
de la région fronto-pariétale jusqu’à la pointe du menton (sauf à une partie du
pavillon de l’oreille et à un petit triangle recouvrant l’angle postérieur de la
mâchoire inférieure), à toutes les glandes sudoripares et sébacées de la peau des
paupières et de la face, aux muqueuses oculo-palpébrale, nasale, buccale, lin¬
guale (sauf dans la partie qui recouvre le tiers postérieur de la face dorsale
de la langue) ; à celles de la voûte palatine, des amygdales, du canal auditif
externe du tympan, aux prolongements qu’envoient ces muqueuses dans les si¬
nus frontaux sphénoïdaux et maxillaires, dans la trompe d’Eustache, le canal
de Sténon, le canal de Warthon, et aux innombrables glandules qui sont indu-
NERF TRIJUMEAU 121

ses dans leur sti’oma ; aux glandes salivaires (parotide, sous-maxillaire, sublin¬
guale, etc.), et à toutes les dents.' Il envoie quelques filets sensitifs aux
muscles oculo-moteurs et aux muscles peauciers du visage, qui reçoivent
leur innervation motrice, les premiers des IIIe, Ve et VIe paires, les seconds
du facial. Il innerve à lui seul tous les muscles élévateurs et diducteurs de
la mâchoire inférieure (temporal, massèter, ptérygoïdien interne et externe),
et deux de ses muscles abaisseurs (ventre antérieur du digastrique et mylo-
hyoïdien). Il innerve en outre deux des muscles tenseurs du voile du palais,
le péristaphylin externe et le palato-staphylin. Il pénètre dans l’intérieur du
globe oculaire, où il donne des filets à la cornée, aux muscles ciliaire et
papillaire, ainsi quà toutes les membranes de l’œil ; il pénètre aussi dans
l’intérieur de l’oreille, où il innerve le muscle interne du marteau, et donne
des filets aux organes contenus dans le labyrinthe et le limaçon. Enfin, il
se répand dans le tissu osseux du massif facial, et, traversant la paroi cra
nienne, il se prolonge jusque dans la dure-mère.
On comprend par cette énumération combien ses fonctions doivent être
variées. Et si l’on considère que, dès son origine dans le mésocéphale, de
nombreux filets, irradiés en tous sens, établissent des relations anatomiques
entre les neurones où il prend naissance, et les neurones des autres nerfs
crâniens ; que, d’autre part, dans son trajet périphérique, de multiples
anastomoses le mettent en communication avec les nerfs oculo-moteurs, avec
le facial, le glosso-pharyngien, l’hypoglosse et le grand sympathique cervi¬
cal, on ne trouvera pas surprenant qu’il ne soit étranger à aucun des actes
physiologiques ou pathologiques qui se passent dans la face. En réalité, qu’il
s’agisse de phénomènes sensitifs, moteurs, vaso-moteurs, sécrétoires, tropln-
ques, réflexes ou même sensoriels, le trijumeau intervient toujours dans
leur production. Quand il n’en est pas l’agent principal et exclusif, il y joue
un rôle secondaire ou accessoire ; mais il y prend toujours une part non
négligeable.

A) FONCTIONS DU TRIJUMEAU

L’étude expérimentale des fonctions du nerf de la Ve paire n’a été utilement


abordée que du jour où l’on eut trouvé des procédés permettant de pratiquer
la section intracrânienne du ganglion de Gasser ou de ses racines. Fodéra

réussit le premier celte opération en 1822 ; après lui, Magendie, Longet, etc.,
étudièrent les effets de cette section ; puis Ludwig, en 1841, découvrit les
effets de la section et de l’excitation du nerf lingual sur la sécrétion de la
glande sous-maxillaire, dont Cl. Bernard devait faire, un peu plus tard,
122 LES NERFS CRANIENS

une merveilleuse analyse physiologique ; enfin Vulpian, François Franck,

Dastre et Morat, Joeyet et Laffont, etc., s’attachèrent à déterminer l’ori¬


gine et le trajet souvent très compliqué des fibres sympathiques vaso-dilatatri¬
ces et vaso-constrictives incluses dans les trois branches du trijumeau et dans
les ganglions qui leur sont annexés. C’est sur l’ensemble de ces recherches
que reposent nos connaissances actuelles sur la physiologie du trijumeau.
La section de la Ve paire au niveau du ganglion de Gasser provoque du
côté correspondant de la face : 1° une anesthésie totale de la Jaee ; 2° une
paralysie complète des 7nuscles masticateurs ; 3° des troubles de la réflecti¬
vité ; 4° des troubles vaso-moteurs e,t sécrétoires ; 5e des troubles trophiques.
Il nous faut donner quelques explications sur chacun de ces groupes de phéno¬
mènes.

1° Anesthésie de la face. — L’anesthésie de la face porte sur tous les tis¬


sus superficiels et profonds du visage auxquels se distribuent les trois bran¬
ches du trijumeau. Elle occupe la peau du front, du nez, des joues, des
lèvres, du menton ; elle s’étend aux muqueuses palpébrale, pituitaire, buc¬
cale, linguale, auriculaire. Les seules parties du revêtement tégumentaire
Cutané et muqueux de la face qui soient épargnées sont : le pavillon de
l’oreille qui reçoit une partie de sa sensibilité de filets provenant du facial, du
plexus cervical et du pneumogastrique ; le coin postéro-inférieur de la mâchoi¬
re inférieure, qui est innervé par des branches du plexus cervical ; le tiers
postérieur de la muqueuse de la face supérieure de la langue qui reçoit sa
sensibilité gustative du glosso-pharyngien.
Cette distribution de l’anesthésie, dont l’aire se trouve représentée sur la
planche V, a été maintes fois constatée chez l’homme, à la si^ite de l’abla¬
tion chirurgicale du ganglion de Gasser.
Dans toute cette zone, la perte de la sensibilité est complète ; elle porte
à un égal degré sur les perceptions de contact de pression, de piqûre, de
température ; elle siège à la fois sur les téguments et sur les tissus profonds.
On peut inciser la peau, la cautériser au fer rouge, fexciter par des courants
électriques violents, arracher les poils ou les dents, lacérer les muscles, ouvrir
les sinus, abraser à la gouge les os maxillaire, malaire, frontal, etc. ou prati¬
quer l’extirpation du globe oculaire, sans que l’animal manifeste aucune
douleur. Le trijumeau est essentiellement le nerf sensitif de la face.
Il préside aussi à la perception des sensations gustatives dans les deux
tiers antérieurs de la muqueuse linguale, dont le tiers postérieur est innervé
par le glosso-pharyngien (voir le rôle respectif de ces deux nerfs page 213 et
suiv.). Mais il ne prend directement aucune part aux perceptions sensorielles
NERF TRIJUMEAU 123

de l’odorat, de la vue et de l’ouïe. Il y joue cependant un rôle accessoire, car :


1° par ses fibres propres il préside aux réflexes qui assurent les mouvements
des narines, de l’iris, des oreilles : 2° par les fibres d’emprunt qui lui viennent
du facial et du glosso-pharyngien, il participe aux sécrétions des glandes
salivaires,, lacrymales et pituitaires, et de tous les liquides de l’intérieur de
l’œil et de l’oreille; 3° enfin, par les fibres du grand sympathique, qu’il reçoit
dans son trajet, il régit la circulation de la muqueuse pituitaire, des membra¬
nes intra-oculaires et intra-auriculaires.

2° Paralysie des nerfs masticateurs. — L’ablation du ganglion de Gasser


ou la section de sa branche inférieure qui contient à côté de libres sensitives
un lot important de fibres motrices destinées aux muscles masticateurs, en¬
traîne à sa suite la paralysie de ces muscles. Si celle-ci est bilatérale, le mala¬
de, incapable de mâcher les aliments solides, en est réduit à se nourrir exclu¬
sivement de liquides ou de pâtées molles. Lorsqu’elle est unilatérale, il peut
encore mastiquer les solides, mais moins énergiquement qu’à l’état normal.

3° Troubles de la réflectivité. — Les troubles de la réflectivité qui succè¬


dent à la section du trijumeau sont très nombreux. Ce sont, en effet, les
filets terminaux de la Ve paire, qui recueillent les excitations centripètes dont
dérivent la plupart des actes réflexes qui se produisent tant à l’état physiolo¬
gique qu'à l’état pathologique, dans les diverses parties de la face. Ce sont
notamment ces filets qui président à tout le groupe des réflexes dits orificiels,
comprenant : 1° du côté des yeux, le réflexe d’occlusion ou de clignement du
à l’irritation de la cornée ou de la conjonctive, ou au chatouillement du
bord libre des paupières, ou bien encore à la percussion du rebord orbitaire ;
2° du côté du nez, le réflexe de reniflement bruyant de la narine qui suit le
chatouillement de l’orifice inférieur des fosses nasales et le réflexe d’éternue¬
ment qui est provoqué par l’excitation des parties plus élevées de la muqueu¬
se pituitaire ; 3° du côté de la bouche, le réflexe de succion que provoque chez
le nouveau-né le contact du mamelon de la nourrice ou de la tétine artificielle
avec l’orifice buccal du nourrisson ; le réflexe de grimacement que déter¬
mine chez presque tous les sujets plus avancés en âge le chatouillement des
commissures labiales ; 4° enfin, du côté de l’oreille, le secouement brusque -t
le recul de la tête produits par l’introduction d’un corps étranger dans le
canal auditif externe.
Tous ces réflexes font défaut lorsque la portion centripète de leur arc,
représentée par les fibres sensitives du trijumeau, est interrompue entre son
point de départ périphérique et son arrivée dans les noyaux de la Ve paire,
où se trouvent ses centres de réflexion.
124 LES NERFS CRANIENS

11 en est de même pour les réflexes pileux et auriculaires, chez les ani¬
maux qui, comme le lapin, ont des poils tactiles toujours en mouvement,
et des oreilles mobiles se relevant à la moindre excitation. Après la section
unilatérale de la Ve paire chez ces animaux, les poils tactiles et l’oreille du
côté correspondant restent tombants et inertes, non pas parce que les mus¬
cles releveurs de ces organes sont paralysés, mais parce que les impressions
sensitivo-sensorielles qui, à l’état normal, en sollicitent la contraction ne
se transmettent plus aux centres nerveux, et ne peuvent par conséquent
pas se réfléchir sur les muscles.
Pour des raisons de même ordre, le tonus et le sens musculaires sont
abolis, non seulement dans les muscles directement innervés par les fibres
motrices du trijumeau, mais aussi dans les muscles, oculo-moteurs innervés
par la IIIe, la IVe et la VIe paires, dans les peauciers de la face innervés par
la VIIe, dans les muscles de la langue, innervés par la XIIe, parce que c’est
par les fibres centripètes du trijumeau que passent les excitations sensitives
provenant des curieux appareils nerveux terminaux, libres ou encapsulés, en
forme de pinceaux, de corbeilles, de buisson, d’ombelles, de grappes, de
réseaux de Golgi, de corpuscules de Ruffini, qui se trouvent répartis en si
grande abondance à la surface des tendons et des aponévroses, ou qui pénè¬
trent sous la forme de fuseaux neuro-musculaires dans les faisceaux primitifs
de tous les muscles de la face.
Tous ces appareils nerveux ont, en effet, pour fonction de recueillir les
impressions de pi’ession et de traction qui accompagnent les contractions
des muscles de la face aussi bien que de ceux des membres. Ils sont les
agents centripètes du sens musculaire. Leur suppression n’empêche pas les
muscles qui en sont privés de se contracter sous l’influence de la volonté,
mais elle jette une grande perturbation dans le mécanisme cinesthésique qui
permet à l’animal d’apprécier à chaque instant le degré de la contraction
de ses muscles et d’en augmenter ou d’en diminuer l’énergie selon l’intensité
des résistances à vaincre pour obtenir l’exécution exacte du mouvement
voulu. C’est sans doute à cette perte du tonus et du sens musculaire
qu’étaient dus les troubles de la motilité du globe oculaire, et l’inertie rela¬
tive de la face, constatés et décrits par Magendie, sur les animaux dont il
avait coupé le trijumeau dans le crâne.
Si d’autres réflexes tels que les réflexes vaso-moteurs et sécrétoires persis¬
tent après la section intra-cranienne du ganglion de Gasser, c’est parce qu’ils
sont commandés, comme nous allons le voir, par des appareils nerveux
compliqués, auxquels sont annexés des ganglions qui peuvent jouer dans
une certaine mesure le rôle de centres de réflexion.
NERF TRIJUMEAU 125

4° Troubles vaso-moteurs et sécrétoires. —Les modifications vaso-motrices


qui suivent la section intra-cranienne du ganglion de Casser sont très peu
accentuées. La coloration de la peau de la face, ainsi que celle des muqueuses
buccale, linguale, conjonctivale, reste après l’opération sensiblement la même
qu’elle était avant.
Cette pénurie de réactions circulatoires ne prouve pas que le trijumeau soit
sans influence sur les phénomènes vaso-moteurs qui se produisent sous des
influences diverses dans les vaisseaux de la face. Elle confirme simplement
ce fait déjà révélé par l’anatomie que les libres vaso-motrices que contien¬
nent les branches de la Ve paire sont des fibres d’emprunt qui proviennent
du sympathique cervical par l’intermédiaire de l’anastomose sympathico-
gassérienne de Fr. Franck et des réseaux péri-artériels des branches de la
carotide, dont les fibres se rendent aux ganglions ophtalmique, sphéno-
palatin, otique, sous-maxillaire, sublingual, etc., ou des nerfs des autres

paires crâniennes, particulièrement du facial, par l’intermédiaire des nerfs


grand et petit pétreux superficiels, et du glosso-pharyngien, par la voie des
nerfs grand et petit pétreux profonds (1).
Il résulte de ces dispositions que le trijumeau qui, à ses origines, est un
nerf sensitivo-moteur, ne reste pas physiologiquement homogène dans le
cours de son trajet périphérique, puisque à ses fibres propres viennent
s’ajouter : dans telle de ses branches des faisceaux de fibres du facial ; dans
telle autre des faisceaux de fibres du glosso-phai'yngien ou du pneumogastri¬
que ou de l’hypoglosse, dans toutes, des fibres du grand sympathique, les
unes vaso-dilatatrices, les autres vaso-constrictives (2), et que ces annexions
modifient dans des proportions et dans des sens différents ses attributions

(1) 11 n’est peut-être pas inutile, pour la compréhension de ce qui va suivre, de


rappeler ici (voy. fig. 49 et 52) qu’il existe quatre nerfs pétreux : deux superficiels,
qui sont moteurs, et deux profonds, qui sont sensitifs.
Le grand nerf pétreux superficiel provient du facial. Il s’en détache au niveau du
ganglion géniculé et, après un trajet assez compliqué où il s’unit au grand nerf pétreux
profond, pour former le nerf vidien, il va se terminer dans le ganglion sphéno-palatin
dont il forme la racine motrice (voy. p. 113).
Le petit nerf pétreux superficiel naît lui aussi du ganglion géniculé du facial et va se
terminer dans le ganglion otique dont il forme la racine motrice (voy. p. 119).
Le grand et le petit nerfs pétreux profonds, sont deux des branches du rameau de
Jacobson, lequel prend naissance dans le ganglion d’Andersch du glosso-pharyngien. Le
grand nerf pétreux profond, après s’être uni au grand nerf pétreux superficiel dans le
nerf vidien, va former la racine sensitive du ganglion sphéno-palatin. Le petit nerf
pétreux profond se réunit de même au petit nerf pétreux superficiel et se porte avec lui
dans le ganglion otique, dont il forme la racine sensitive.
(2) Il faut noter, en outre, que les fibres du grand sympathique qui se mélangent en
nombre très variable aux fibres propres des diverses branches du trijumeau et pénètrent
avec elles dans les ganglions annexés à ces branches, n’ont pas seulement des fonctions
126 LÈS NERFS CRANIENS

fonctionnelles. De plus, chacun des ganglions qui leur est annexé représen¬
te une sorte de centre nerveux périphérique qui commande la régulation
vaso-motrice dans des territoires limités par la distribution de ses branches
efférentes.
Si on ne tenait pas compte de ces circonstances, les faits expérimentaux,
sur quoi repose le meilleur de nos connaissances, relativement aux fonctions
du trijumeau, sembleraient incohérents et contradictoires, car les mêmes
causes appliquées à l’une ou à l’autre de ses branches donnent des résultats
absolument dissemblables. Exemple : la section de la branche opbthalmique
détermine une forte hyperémie des vaisseaux rétiniens et choroïdiens, et
l’électrisation de son bout périphérique provoque la vaso-constriction de ces
mêmes vaisseaux. Au contraire, la section du lingual est suivie d’une légère
rougeur de la moitié correspondante de la muqueuse de la langue, rougeur
qui augmente considérablement par l’électrisation de son bout périphérique.
La différence des effets résultant d’excitations similaires appliquées à deux
branches du même nerf paraîtrait donc paradoxale, si on ne considérait
que la branche ophtalmique ne contient que les fibres propres du trijumeau
et quelques fibres sympathiques, tandis que le lingual contient, en outre,
un faisceau de fibres centrifuges à action fortement vaso-dilatatrice qui lui
sont venues du facial, par l’intermédiaire de la corde du tympan.
En fait, au point de vue de son innervation vaso-motrice, la face est divi¬
sée en plusieurs territoires distincts, indépendants les uns des autres. C’est ce
qui explique comment la conjonctive peut être fortement liyperémiée sans
que les vaisseaux de la choroïde et de la rétine soient dilatés, comment les
lèvres peuvent être très pâles, alors que les pommettes sont très rouges,
comment le sang afflue souvent aux oreilles, sans que le reste du visage
soit congestionné, ou inversement. Dans aucune partie du corps, on ne peut
aussi bien que sur la face constater le phénomène de circulation locale, phé¬
nomène qui est régi non par les fibres propres du trijumeau, mais par les

radicalement opposées, puisque les unes sont vaso-dilatatrices et les autres vaso-constric-
tives, mais qu’elles tirent aussi leur origine de régions différentes de la moelle. C’est
ainsi que les fibres vaso-dilatatrices des muqueuses des lèvres, des joues et de la bouche,
proviennent en majeure partie du sympatique cervical, qui les reçoit ilui-même des IIe
IIIe, IVe et Ve paires cervicales ; celles de l’oreille proviennent de la VIIIe paire cervicale et
des Ire et IIe dorsales, en passant par le ganglion cervical inférieur et le premier ganglion
thoracique. Les fibres vaso-constrictives de la face naissent en majeure partie des quatre
premières paires dorsales. La plupart de celles de la langue parviennent à cet organe
avec le nerf grand hypoglosse par l’anastomose qui réunit ce nerf au ganglion cervical
supérieur et par le trijumeau en passant par le filet anastomotique sympathico-grassérien
de Fr. Franck. Une bonne partie de celles de l’oreille passe directement de la moelle dans
l’oreille, par le nerf auriculo-cervical du plexus cervical.
Nerf Trijumeau 12?

filets du sympathique qui s’unissent aux branches de la Ve paire, dans le


cours de leur trajet, depuis le ganglion de Gasser, jusqu’à leur terminaison.
C’est également à l’ingérence de fibres d’emprunt que certaines branches
du trijumeau doivent la part la plus importante de leur action sur les glan¬
des salivaires et lacrymales. A son origine, la Y0 paire ne contient pas de
fibres sécrétoires. Elle n’est composée que de fibres motrices qui n’intervien¬
nent pas dans les fonctions glandulaires et de libres sensitives. Ces derniè¬
res jouent bien un rôle dans le mécanisme des réflexes qui aboutissent à la
sécrétion des larmes et de la salive. Tout le monde sait que, dans les condi¬
tions physiologiques, l’irritation de la conjonctive ou de la cornée, innervées
par le trijumeau (branche ophthalmique), provoque le larmoiement, et que
l’irritation de la muqueuse linguale innervée elle aussi par le trijumeau
(branche maxillaire inférieure), est suivie d'un afflux abondant de salive
dans la bouche. Mais ces irritations seraient sans effets utiles sur la sécrétion
des glandes salivaires et lacrymales si, après avoir été réfléchies dans les
centres nerveux, elles n’arrivaient à ces glandes par des faisceaux de fibres
sécrétoires qui tirent leur origine de noyaux autres que ceux du trijumeau
et par des faisceaux de fibres sympathiques. En fait, chacune des glandes
conglomérées quelque peu volumineuse de la face, la sous-maxillaire, la
parotide, la lacrymale, reçoit^ par l’intermédiaire d'un ganglion particulier
une innervation complexe dans laquelle se trouvent associées en proportions
variables : 1° des fibres sensitives venant du trijumeau ; 2° des fibres cen¬
trifuges excito ou fréno-sécrétoires, venant du facial ou du glosso-pharyngien,
et, 3° des fibres vaso-dilatatrices et vaso-constrictives venant du sympathique.
Le ganglion qui préside à la sécrétion de la glande sous-maxillaire est le
ganglion sous-maxillaire. Appendu au tronc du nerf tympanico-lingual (for¬
mé par la réunion du lingual qui provient du trijumeau, avec la corde du
tympan qui provient du facial, ou pour être plus précis, du nerf intermé¬
diaire de YVrisberg), il reçoit ses fibres sensitives du lingual, ses fibres cen¬
trifuges, sécrétoires et vaso-dilatatrices de la corde du tympan, et ses fibres
vaso-constrictives du plexus carotidien. Des preuves expérimentales très
convaincantes démontrent la spécificité fonctionnelle de chacun de ces nerfs.
La section du ganglion de Gasser, ou celle du nerf lingual, en amont de sa
coalescence avec la corde du tympan, ne supprime pas la sécrétion salivaire :
celle-ci est au contraire abolie par la section intra-cranienne ou de la corde du
tympan, au-dessus de sa réunion avec le nerf lingual. Inversement, l’électri¬
sation du bout périphérique du lingual seul n’exagère pas la sécrétion sous-
maxillaire, tandis que l’électrisation du bout périphérique de la corde du
tympan est suivie de l’excrétion d’une abondante quantité de salive par le
128 LES NERFS CRANIENS

canal de Warthon. Donc, les filets sécrétoires de la glande sous-maxillaire


proviennent du facial et non du trijumeau. De plus l’excitation électrique du
bout périphérique de la corde du tympan provoque une hyperémie très inten¬
se des vaisseaux de la glande sous-maxillaire, et de la moitié correspondant
à la muqueuse linguale ; les vaisseaux de ces régions s’emplissent-d’un sang
vermeil dont la température s’élève de 2 à 5 degrés au-dessus de celle du sang-
carotidien, preuve évidente que la corde du tympan contient, en même temps
que des fibres sécrétoires, un nombre proportionnellement considérable de
libres vaso-dilatalriccs. Enfin, l’excitation du sympathique cervical détermine
une diminution notable de l’activité circulatoire de la glande : il est le nerf
vaso-constricteur de la région. Il paraît contenir aussi quelques fibres sécré¬
toires, car son excitation donne lieu à l’écoulement de quelques gouttes d’un
liquide visqueux et trouble, dont les caractères physiques et chimiques dif¬
fèrent notablement de la salive claire et limpide qui se produit à la suite de
l’électrisation de la corde du tympan (salive sympathique).
Pour ce qui concerne la parotide, mêmes dispositions générales de l’appa¬
reil nerveux présidant à la sécrétion. Les libres sécrétoires sont contenues
dans le nerf auriculo-temporal qui se détache de la branche maxillaire infé¬
rieure du trijumeau. Mais elles ne prennent naissance ni dans les noyaux
d’origine du trijumeau, ni dans ceux du facial, car la section où l’excitation
intra-cranienne de ces nerfs est sans effets sur la sécrétion parotidienne. Ils
proviennent du tronc du glosso-pharyngien, dont ils se détachent pour for¬
mer le rameau de Jacobson, passent par le petit nerf pétrcux profond, se
rendent avec lui dans le ganglion otique, et du ganglion otique dans le nerf
auriculo-temporal, avec lequel ils vont se distribuer dans le parenchyme
de la glande parotide. Dans tout ce trajet compliqué, ils sont unis à des
fibres vaso-dilatatrices ; quant aux fibres vaso-constrictives, elles proviennent
du sympathique.
Bien que la sécrétion des larmes ait été moins étudiée que celle des salives
sous-maxillaire et parotidienne, on connaît assez bien le mécanisme de sa
production. Le nerf vecteur des fibres excito-sécrétoires de la glande lacry¬
male est le nerf lacrymal (branche du trijumeau), car sa section abolit la
sécrétion des larmes et son excitation la provoque. Mais les fibres cxcito-sécré-
toires que renferme le nerf lacrymal ne lui viennent pas du trijumeau, car
la section intra-cranienne du ganglion de Casser ne supprime pas la séeré
tion lacrymale. Ce sont des fibres d’emprunt qui naissent dans le noyau du
facial, passent par le grand nerf pétreux superficiel, et arrivent avec lui dans
le ganglion sphéno-palatin ; puis, après avoir fait un relai dans ce ganglion,
elles plongent dans le nerf maxillaire, supérieur, dont elles suivent la distri-
NERF TRIJUMEAU 129

bution dans le rameau orbitaire et le rameau lacrymal, qui les porte jusque
dans l’intérieur de la glande de ce nom. En fait, la sécrétion de cette glande
est supprimée par la section intra-cramenne du facial, du grand nerf pétreux
superficiel issu du ganglion sphéno-palatin, et des rameaux orbitaire et la¬
crymal du nerf maxillaire supérieur.
Toutes les fibres excito-sécrétoires de la glande lacrymale ne passent cepen¬
dant pas par cette voie. Quelques-unes proviennent du sympathique cervi¬
cal, dont l’excitation provoque l’expulsion de quelques gouttelettes de larmes
louches et épaisses. Le sympathique contiendrait aussi, d’après certains
auteurs, quelques fibres fréno-sécrétoires et vaso-constrictives.
En somme le trijumeau joue un rôle dans la sécrétion des glandes de la
face, notamment des glandes salivaires et lacrymales. Il l’excite par voie
réflexe ; il ne la provoque pas directement. Les agents immédiats de la sécré¬
tion, les véritables nerfs sécréteurs sont des nerfs centrifuges qui prennent
naissance dans les noyaux d’origine d’autres paires crâniennes, particulière¬
ment de la VIIe et de la IXe (facial et glosso-pharyngien). Ils pénètrent dans
les branches de distribution périphérique du trijumeau, et dans les ganglions
qui leur sont appendus, et aboutissent finalement dans les glandes qu’ils ont
pour fonction d’actionner. Par le fait de ces emprunts multiples, le trijumeau
perd son homogénéité fonctionnelle. Il n’était, à son origine, qu’un nerf
sensitivo-moteur ; il devient, en outre, à sa périphérie, un nerf de sécrétion
et de régulation vaso-motrice.

5° Troubles trophiques. — Des troubles trophiques variés ont été fré¬


quemment observés du côté du nez, de la bouche et de l’œil des animaux
dont on a coupé le ganglion de Casser ou les branches du trijumeau.
Dans les jours qui suivent ces opérations, la muqueuse pituitaire du côté
correspondant devient assez souvent rouge, tomenteuse ; il s’écoule par la
narine une quantité anormale de muco-pus visqueux et épais ; des ulcéra¬
tions torpides se forment à l’orifice externe des fosses nasales. De même, on
constate parfois à la lèvre et au bout de la langue des excoriations saignantes
qui ne tardent pas à devenir ulcéreuses.
Ces phénomènes s’expliquent probablement par des causes banales, par
les traumatismes accidentels auxquels est exposée la narine devenue anesthé¬
sique à la suite de l’opération, par les morsures que se fait involontairement
l’animal aux lèvres ou aux parties de la langue également anesthésiques, et
par les infections secondaires résultant du contact perpétuel de ces parties,
avec le sol de la cage toujours plus ou moins souillé d’ordures. Aussi n’y
a-t-on pas attaché beaucoup d’importance.
LES NERFS EN SCHÉMAS 9
130 LES NERFS CRANIENS

Il n’en est pas de même pour les lésions de kératite ulcéreuse qui se pro¬
duisent dans le globe oculaire. Décrites pour la première fois par Magendie,
elles ont été constatées depuis par tous les physiologistes qui ont pratiqué des
sections expérimentales du trijumeau. Leur évolution est tout à fait typique.
Quelques heures après l'opération, la cornée du côté correspondant paraît
moins lisse et moins brillante que l’autre. Après vingt-quatre heures, elle
est franchement dépolie, opaline, laiteuse, et, au pourtour de son limbe, se
dessine sur la conjonctive un riche réseau de vaisseaux sanguins turgescents.
Les jours suivants, elle devient tout à fait opaque ; le bourrelet conjonctival
commence à suppurer ; l’iris s’enflamme ; une ulcération ne tarde pas à se
former vers le centre de l’opacité cornéenne ; elle gagne rapidement en pro¬
fondeur et en largeur, et après six ou huit jours elle arrive à faire dans la
cornée une perforation par laquelle s’échappent l’iris, l’humeur aqueuse, le
cristallin, le corps vitré. Le globe oculaire, complètement vidé, arrive à n’être
plus représenté que par un moignon informe.
Cette variété de kératite expérimentale neuro-paralytique n’aboutit pas tou¬
jours à la fonte purulente de l’œil. Elle peut guérir avant que la cornée ait
été perforée, mais cela est exceptionnel. Elle ne se développe pas nécessaire¬
ment chez tous les animaux dont on a coupé le trijumeau. Magendie avait
cru* remarquer qu’elle était plus fréquente et plus précoce, quand la section
avait porté sur le ganglion, ou sur ses branches, que lorsqu’elle avait atteint
ses racines, entre le ganglion et la protubérance. CL Bernard a constaté le
même fait. Il a vu les phénomènes de kératite manquer tout, à fait quand on
arrivait à couper les racines suffisamment loin du ganglion ; on a alors, dit-
il, tous les. phénomènes moteurs et sensitifs qui suivent habituellement la
section de la Ve paire, moins les altérations de nutrition de l’œil. Il a constaté
en outre que ces altérations survenaient plus rapidement et avaient plus de
gravité chez les sujets débiles et émaciés que chez les animaux vigoureux et
bien nourris.
La pathogénie de la kératite neuro-paralytique a donné lieu à plusieurs
hypothèses. On a pensé tout d’abord qu’elle était due à l’irritation de la
cornée insuffisamment protégée, par suite de l’abolition des réllexes de cli¬
gnement palpébral et de sécrétion lacrymale, contre la dessiccation et le
contact nocif des poussières atmosphériques. Magendie a démontré l’insuf¬
fisance de cette explication par des expériences topiques : sur quelques
animaux il a empêché l’occlusion des paupières en sectionnant le nerf facial
dans le crâne ; sur d’autres, il a amputé totalement les paupières ou enlevé
la glande lacrymale ; chez aucun d’eux il ne s’est produit de kératite ulcéreu¬
se. Schiff a tenté de s’opposer au dessèchement de la cornée en suturant les
NERF TRIJUMEAU 131

paupières des animaux, auxquels il sectionnait, en même temps le ganglion


de Gasser sans obtenir de résultats constants ; tantôt la kératite se produi¬
sait, tantôt elle manquait.
Snellen supposant que les lésions de la kératite ulcéreuse étaient surtout
provoquées par les chocs que reçoivent accidentellement les animaux sur
leur œil anesthésique, eut l’idée de protéger leur globe oculaire contre les
violences extérieures en le recouvrant non pas seulement du voile mince et
insensible que forment les paupières, mais d’une membrane plus résistante
et pourvue de sensibilité. L’oreille lui parut susceptible de se prêter à cet
usage. Il en attira l’extrémité libre vers l’orbite et l’y fixa par des points
de suture. Les animaux étant ainsi préparés, il put leur couper le ganglion
de Gasser sans que leur cornée s’altérât. D’autres observateurs utilisèrent
dans le même but, et avec ls même succès, des rondelles de cuir ou des
verres de montre, maintenus au-devant de l’œil par des bandelettes adhésives.
Ges expériences ne parurent pas concluantes à tous les physiologistes, et
quand la théorie des nerfs trophiques fut introduite dans la science par les
travaux de Samuel, elle trouva un de ses principaux arguments dans l’his¬
toire de la kératite neuro-paralytique. Mais son succès fut éphémère. L’exis¬
tence de nerfs spéciaux ayant pour fonction de présider directement et exclu¬
sivement à la nutrition des organes, a soulevé des objections théoriques et
expérimentales si nombreuses, qu’elle est maintenant abandonnée par tout
le monde. En ce qui concerne particulièrement la nutrition de l’œil, Ranvier
lui a porté des coups décisifs. Dans ses leçons sur l’histologie de la cornée,
il rapporte deux observations qui sont de nature à la faire définitivement
repousser. Ayant remarqué que les nerfs de la cornée pénètrent dans cette
membrane par sa circonférence, en cheminant entre les lames antérieures
de son limbe, il fit, au voisinage de cette circonférence, une incision circu¬
laire assez profonde pour les couper tous, sans ouvrir cependant la chambre
antérieure de l’œil. A la suite de celte opération, la cornée devient complète¬
ment insensible, mais malgré qu elle soit totalement anervée, on n’y observe
pas de kératite ulcéreuse. La seconde observation est plus compliquée, mais
elle n’est pas moins instructive. Ranvier pratiqua sur un lapin la section
intï’a-cranienne du trijumeau. Dès le lendemain la cornée du côté corres¬
pondant était dépolie. 11 fixa alors, selon la méthode de Snellen, l’oreille de
l’animal devant l’œil déjà atteint d’un début de kératite. Huit jours après, la
cornée avait repris sa transparence normale ; mais, les sutures s’étant acci¬
dentellement détachées, elle ne tarda pas à redevenir opaque. Ranvier renou¬
vela l’application permanente de l’oreille sur l’œil, et celui-ci guérit en quel¬
ques jours pour la seconde fois. Il resta guéri par la suite, après l’enlèvement
132 LES NERFS CRANIENS

des points de suture. La conclusion tirée par Ranvier de ces observations est
formelle : « Les altérations de la cornée, à la suite de la section de la Ve paire,
ne sont pas dues à l’absence de nerfs trophiques, mais aux traumatismes
auxquels cette membrane est exposée, par suite de son insensibilité et de l’in¬
sensibilité de toute la moitié correspondante de la face. »
En somme, la section des nerfs de la cornée et l’anesthésie qui en est la
conséquence ne suffisent pas à provoquer la kératite neuro-paralytique, mais
elles en favorisent le développement en privant le tissu cornéen des moyens
de défense (clignement refiexe des paupières, réactions vaso-motrices et sé¬
crétoires) qui le protègent à 1 état normal contre les causes d’irritation pro¬
venant de l’extérieur.

B) PATHOLOGIE DU TRIJUMEAU

Par suite de la multiplicité de ses fonctions le trijumeau est nécessairement


entraîné à prendre une part plus ou moins active à tous les événements pa¬
thologiques qui se produisent dans son domaine. Son ingérence dans les
phénomènes morbides est tantôt secondaire et accessoire, tantôt primitive et
essentielle. Lorsqu’un corps étranger pénétrant sous la paupière détermine
une conjonctivite, le trijumeau intervient en provoquant un afflux de sang
dans les réseaux capillaires de la région irritée, et une abondante sécrétion
de larmes ; mais il n’entre en jeu que secondairement, le primum movens
des réactions vaso-motrices et sécrétoires étant de toute évidence la présence
du corps étranger dans le cul de sac conjonctival. Par contre, il est des cas
dans lesquels des altérations organiques ou dynamiques du ganglion 'de Gas-
ser ou de ses branches donnent directement naissance à des syndromes clini¬
ques dont le nerf de la Va paire est seul responsable, car il est alors à la fois
l’instigateur et le régulateur de tout le processus morbide.
Parmi ces syndromes en quelque sorte spécifiques de la pathologie propre
du trijumeau les plus communs et les mieux étudiés sont : L0 le syndrome
gassérien, 2° les névralgies symptomatiques ou reflexes et 3° les névralgies
dites idiopathiques.
Quelques auteurs y ajoutent les migraines et l’hémiatrophie faciale (tro-
phonévrose de Romberg). Mais il n’est pas déimonrté que ces affections soient
exclusivement d’origine trigéméllaire. On se bornera donc à décrire sommai¬
rement dans les pages suivantes les trois syndromes sus-indiqués.

1° Le syndrome gassérien. — On entend sous le nom de syndrome


NERF TRIJUMEAU 133

gassérien l’ensemble des signes cliniques qui se manifestent à la suite des


altérations organiques du ganglion de Casser. Ces altérations sont presque
toujours consécutives à des lésions de voisinage, telles que des ostéites ou des
caries du rocher, des suppurations des cellules ethmoï’dales ou de la caisse
du tympan, des exostoses ou des périostoses du temporal, des néoplasmes de
nature gliomateuse, sarcomateuse ou épithéliale de la base du crâne, des gom¬
mes syphilitiques ou tuberculeuses de la fosse cérébrale moyenne, des mé¬
ningites péri-pétreuses, etc.
Lorsque ces lésions arrivent, soit par compression simple, soit par irrita¬
tion de voisinage, soit par propagation dans son tissu propre, à altérer assez
gravement le fonctionnement du ganglion de Gasser, elles se traduisent cli¬
niquement par un groupe de symptômes très caractéristiques que M. Fernand
Lévy a eu l’excellente idée de décrire d’ensëmble sous le nom de syndrome
gassérien.
Les phénomènes morbides qui le constituent évoluent généralement en
trois phases successives :
La première est une phase d’irritation. Elle est représentée par des dou¬
leurs névralgiques, d’abord sourdes et lentes, puis aiguës, lancinantes, quel-
quefois.d’une violence extrême, généralement paroxystiques, à accès diurnes
ou nocturnes. Ces douleurs siègent d’ordinaire, au début, dans le domaine
d’une des branches du trijumeau et gagnent ultérieurement les autres bran¬
ches. A cette phase, la sensibilité objective de la face est conservée. Il y a
cependant quelquefois de l'hyperesthésie ou des sensations paresthésiques. Les
points d’émergence des nerfs sus-orbitaire, süus-orbitaire et mentonnier sont
habituellement douloureux à la pression.
La deuxième phase est caractérisée par des paralysies de la sensibilité et
de la motilité. La face, le globe oculaire, la langue deviennent anesthési¬
ques. Les muscles masticateurs du côté malade cessent de fonctionner nor¬
malement, d’où projection du maxillaire inférieur vers le côté sain, entraî¬
nant le désengrènement des arcades dentaires. L’exploration électrique révèle
souvent de la réaction de dégénérescence dans la totalité, ou dans quelques-
uns seulement des muscles innervés par le nerf masticateur. En même temps
que se montrent ces symptômes de paralysie sensitive et motrice, on constate
la perte des réflexes orificiels, palpébraux et pituitaires. On peut chatouiller
les lèvres sans provoquer de grimacement., introduire un rouleau de papier
dans les fosses nasales, sans déterminer de mouvement de recul de la tête,
ni d’éternuement ; passer un corps dur sur la conjonctive ou percuter le
rebord supérieur de l’orbite, sans que ces excitations soient suivies d’occlu¬
sion brusciuc des paupières ; frotter la cornée avec la tête d’une épingle,
134 LES NERFS GRA.NIENS

sans que le malade en soit incommodé et sans que son œil s’emplisse de
larmes.
Dans la troisième phase, aux paralysies sensitives, motrices et réflexes
sus-indiquées, viennent s’ajouter des troubles trophiques variés, dont les
plus communs sont : la kératite neuro-paralytique, et les éruptions zostéri-
formes.
La kératite évolue chez l'homme comme chez les animaux dont on a coupé
le ganglion de Gasser. Cependant sa marche est moins rapide, et son pro¬
nostic moins sévère en pathologie humaine qu’en pathologie animale. Un
peut presque toujours éviter qu’elle aboutisse à l’ulcération perforante de
la cornée et à la fonte purulente de l’œil, si on a le soin de recoui'ir à temps
à la tarsorraphie, c’est-à-dire à la suture des paupières, opération grâce à
laquelle on obtient généi’alement sa guérison. Sa bénignité relative, ou tout
au moins sa moindre gravité, dans l’espèce humaine, tient sans doute à ce
que, malgré l’anesthésie de son œil, l’homme ne cogne pas incessamment
son globe oculaire contre des corps étrangers, comme le font les chiens ou
les lapins. C’est probablement pour la même raison qu’elle est proportion¬
nellement beaucoup plus fréquente après la gasserectomie chez les animaux
que chez les hommes. Presque tous les chiens ou les lapins soumis, à cette
opération ont, dans les jours qui suivent, de la kératite neuro-paralytique .
plus de la moitié des hommes échappent à cette fâcheuse complication.
Les éruptions zostériformes sont formées par des groupes de vésicules
d’herpès distribuées sur la peau, selon l’axe du trajet d’une des branches ou
d’un des rameaux de la Ve paire. C’est le plus souvent la branche ophtalmi¬
que qui en est atteinte (zona ophtalmique). L’éruption débute par l’appari¬
tion assez brusque de petits placards érythémateux, au niveau desquels ne
tardent pas à se former des vésicules contenant un liquide citrin. En gros¬
sissant, les vésicules voisines se fusionnent de façon à donner naissance à
des bulles de volume très inégal. Après quelques jours, les bulles crèvent et
se dessèchent ; quand les croûtes qui leur ont succédé se détachent, il reste
à leur place des cicatrices blanches indélébiles. Parfois l’éruption prend un
caractère purulent, hémorragique ou même grangréneux. Elle s’accompa¬
gne souvent de complications inflammatoires du côté de la conjonctive, de
la cornée ou de l’iris. Elle coïncide d’ordinaire avec de l’anesthésie oculaii'e
et de l’anesthésie cutanée de la région frontale, ce qui ne l’empêche pas de
donner lieu à des douleurs névralgiques quelquefois très vives.
D’autres troubles trophiques plus rares et qui n’ont pas d’analogues dans
la pathologie expérimentale, ont été rattachés par quelques auteurs, non
sans quelque vraisemblance, au syndrome gassérien, Tels sont le mal perfo-
NERF TRIJUMEAU 135

rant buccal qui s’observe quelquefois dans le cours du tabes, la chute spon¬
tanée des dents qui se rencontre aussi chez un certain nombre de tabétiques
et de diabétiques.

2° Névralgies symptomatiques du trijumeau (neuralgia quinti, minor,


petite névralgie faciale, névralgies réflexes de la face). — Ces névralgies se
développent lorsque les filets terminaux de la cinquième paire sont soumis à
des excitations anormales provoquées par- des affections aiguës ou chroni¬
ques des organes auxquels ils distribuent la sensibilité générale.
Leur type le plus commun est la « rage de dents » consécutive aux caries
dentaires. Bien rares sont les personnes qui n’en connaissent pas par expé¬
rience les symptômes. Après avoir éprouvé pendant quelques jours des dou¬
leurs sourdes dans la région gingivale correspondant à la dent avariée, le
malade ressent dans la joue des lancées aiguës, d’abord isolées et souvent pro¬
voquées par le contact des aliments pendant la mastication ou par l'ingestion
de liquides chauds ou froids ; puis, un beau jour, sans provocation immé¬
diate, des élancements très intenses, s’irradiant en fusée vers la région tem-
poro-maxillaire se produisent. C’est une véritable crise névralgique qui se
déclenche. Elle dure cinq minutes, dix minutes, un quart d’heure, quelque¬
fois plus, puis elle s’apaise en laissant après elle la nappe de douleur contusive
profonde qui l’a précédée. Elle se reproduit par la suite à des intervalles varia¬
bles, de jour ou de nuit, en augmentant toujours d’intensité et de durée jus¬
qu’au moment où le patient se décide à faire extraire ou panser convenable¬
ment la dent d’où provient le mal.
Des phénomènes analogues se produisent toutes les fois qu’il existe dans
les alvéoles ou les gencives des foyers d’irritation permanente, par exemple
lorsqu’après l’extraction d’une dent un fragment de racine nécrosée est resté
au fond de la cavité alvéolaire, ou bien quand les maxillaires sont le siège
d’ostéite, d’osto-myélite ou de tumeurs néoplasiques.
Les névralgies symptomatiques du trijumeau peuvent également succéder
à des affections irritatives : 1° des fosses nasales : coryza chronique, fongo¬
sités des cornets, etc. ; 2° des sinus, sinusites avec rétention du pus ; 3° des
oreilles : corps étrangers du canal auditif externe, ostéites moyennes, carie
du rocher ; 4° des yeux : iritis, irido-choroïdites, glaucomes, etc...
Toutes ces névralgies ont pour caractères communs : 1° de survenir par
crises paroxystiques, laissant après elles un fond de douleurs sourdes conti¬
nues dont la persistance en des points fixes fournit au médecin un élément
important de diagnostic : 2° d’être extrêmement rebelles à tous les traitements
136 LES NERFS CRANIENS

palliatifs, mais de guérir radicalement par la suppression de la lésion locale


qui les a provoquées et les entretient.

3° Névralgies idiopathiques du trijumeau (neuralgia quinti major


prosopalgie essentielle, maladie de Fothergill, etc. — Ces névralgies résul-
tent d’altérations primaires du ganglion de Gasser ou des nerfs qui en éma¬
nent.
Elles surviennent parfois à titre de complication dans le cours des mala¬
dies loxi-infectieuses ou dyscrasiques : saturnisme, alcoolisme, syphilis, fiè¬
vre typhoïde, grippe, tuberculose, diabète, carcinose, rhumatisme, goutte,
etc..., qui sont toutes plus ou moins névritogènes ; elles succèdent aussi quel¬
quefois à des « coups de froid ». Leur étiologie n'en reste pas moins fort
obscure, car fréquentes sont les observations dans lesquelles aucune cause
prédisportante ou occasionnelle ne peut être sûrement invoquée pour en
expliquer l’apparition.
Leur isymptôme essentiel est l’explosion intermittente de douleurs lanci¬
nantes ou brûlantes dans l’un des côtés du visage, car celte névralgie est
presque toujours unilatérale.
Les accès éclatent soudainement, sans prodromes. Au milieu d’une conver¬
sation, le malade s’arrête brusquement, le regard anxieux, comme s’il était
terrorisé par la prévision de ce qui va se passer. « Ah ! s’écrie-t-il d’ordinaire,
voilà la crise, la voilà ! » et aussitôt l’hémiface névralgiée est sillonnée par
des élancements déchirants ou brûlants qui irradient vers les joues en suivant
le trajet d’une ou de plusieurs des branches de la cinquième paire.
Pendant la durée de la crise, qui se prolonge rarement au delà de 3o ou 4o
secondes, une minute au plus, quelques malades restent immobiles, figés, les
mains étendues au devant de la joue endolorie, comme s’ils voulaient la pro¬
téger contre toute excitation extérieure. D’autres, au contraire, atteints de la
variété qu’on appelle le tic douloureux de la face, font d’affreuses grimaces
déterminées par des secousses convulsives des muscles faciaux, et frottent
durement la joue avec la paume de leur main.
Quand la crise se termine, les douleurs cessent aussi subitement qu’elles
sont venues : le malade exécute quelques mouvements volontaires de la face
et des lèvres pour s’assurer que l'orage est bien passé ; et, lorsque cette expé¬
rience lui a donné satisfaction, l’expression de son visage redevient nor¬
male. <t C’est fini », dit-il alors, et il reprend le cours de la conversation
momentanément interrompue, comme si rien d’extraordinaire ne venait de
se passer.
Dans les phases interparoxystiques, les malades n’ont plus de douleurs
NERF TRIJUMEAU 137

spontanées aiguës ; mais la pression exercée sur les points particulièrement


éludiés par Valleix où les nerfs émergent du crâne pour devenir superficiels,
leur procure une sensation pénible et provoque quelquefois des crises. Ces
points sont : pour la branche ophthalmique, le rebord supérieur de l’orbite
au niveau du passage des nerfs frontal interne et externe ; pour la branche
maxillaire supérieure, l’orifice externe du canal sous orbitaire ; pour la bran¬
che maxillaire inférieure, l’orifice postérieur du canal dentaire sous l’épine
de Spix, et son orifice antérieur au Irou mentonnier.
Une particularité très digne de remarque, c’est que ces points cessent d’être
excitables immédiatement après les grandes crises douloureuses et le
redeviennent progressivement, peu à peu, à mesure que se prolonge la phase
d’interparoxysme ; si bien que chez beaucoup de malades, on peut impuné¬
ment, aussitôt après la fin d’une crise, presser, malaxer, frictionner des
points, dont le simple frôlement aurait, quelques instants auparavant, été sui¬
vi de l’explosion d’un accès très douloureux. On a justement comparé ce qui
se passe dans les crises névralgiques avec ce qui se produit dans la bouteille
de Leyde où s’accumule lentement un potentiel énergétique qui se dégage
brusquement par un simple contact.
La névralgie idiopathique du trijumeau a été l'objet pendant ces dernières
années de recherches anatomo-pathologiques qui ont beaucoup éclairé sa
pathogénie. L’examen histologique d’un grand nombre de ganglions de
Gasser ou de segments des branches de ce ganglion, enlevés par des chirur¬
giens sur des malades atteints de prosopalgies anciennes ayant résisté aux
traitements médicaux a révélé l’existence habituelle d’altérations surtout
interstitielles et parenchymateuses dans les nei'fs qui en émanent. Il semble
donc certain aujourd’hui que la grande névralgie de la cinquième paire
qu’on considérait naguère comme une maladie essentielle, sine materia, est
en réalité l’effet de neuroganglionites interstitielles chroniques, d’origine
vraisemblablement toxi-infectieuse.
Cette notion pathogénique a été confirmée par les bons effets des traite¬
ments qu’on applique aujourd'hui à ces névralgies. Dans les cas rebelles aux
traitements médicamenteux, on a recours aux injections neurolysantes de
solution d’alcool éthylique à 60 degrés, poussées dans la profondeur de la
fosse sphéno-maxillaire, au voisinage immédiat du trou ovale, du trou grand
rond et de la fente sphénoïdale par lesquels les branches du ganglion de
Gasser émergent de la cavité crânienne ; et si — ce qui est d’ailleurs excep¬
tionnel ces injections ne sont pas suivies de succès, le malade ne doit pas
encore désespérer de sa guérison ; il lui reste une ressource : c’est de s’adres-
138 LES NERFS CRÂNIENS

ser à un chirurgien habile qui pratiquera une neurotomie sus-gassérienne,


opération plus simple, plus efficace et moins dangereuse que la gasserectomie.

ARTICLE V

NERFS MOTEURS DE L’ŒIL


[Planche VI].

On désigne sous ce nom, en anatomie, en physiologie et en clinique, un


certain nombre de nerfs crâniens, qui tiennent sous leur dépendance les
mouvements du globe oculaire. Ils naissent tous de l’isthme de l’encéphale.

§ 1. - ANÀTOMIE

Les mouvements du globe oculaire sont déterminés par six muscles, tous
situés dans l’orbite, que l’on désigne sous le nom générique de muscles de
l’œil. On les distingue, d’après leur direction, en deux groupes : les mus¬
cles droits et les muscles obliques,
Les muscles droits, ainsi appelés parce qu’ils se dirigent dans le sens de
l'axe antéro-postérieur de l’œil, sont au nombre de quatre, savoir : 1° le
droit interne, qui porte la cornée en dedans, dans le plan horizontal, le
méridien vertical conservant sa position verticale ; 2° le droit externe, qui
porte la cornée en dehors, toujours dans le plan horizontal et le méridien
vertical restant encore dans sa position verticale ; 3° le droit supérieur, qui
porte la cornée en haut et un peu en dedans et, de plus, incline légèrement
en dedans la partie supérieure du méridien vertical ; 4° le droit inférieur,
qui porte la cornée en bas et un peu en dedans et, de plus, incline légère¬
ment en dehors la partie supérieure du méridien vertical.
Les muscles obliques doivent leur nom à ce fait qu’ils croisent oblique¬
ment l’axe antéro-postérieur du globe oculaire. Ils sont au nombre de
deux, que l’on distingue, en grand oblique et petit oblique. Le grand obli¬
que, le plus long des deux, a pour fonction de déplacer la cornée en dehors
et en bas ; de plus, il incline en dedans la partie supérieure du méridien
vertical. Le petit oblique, antagoniste du précédent, déplace la cornée en
dehors et en haut ; de plus, il incline en dehors la partie supérieure du
méridien vertical.
PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

LES NERFS MOTEURS DE L’ŒIL


%
NERFS MOTEURS DE L’OEIL 139

Outre ces six muscles, tous constitués par des muscles striés, qui sont
placés en dehors du globe de l’œil et que pour cette raison on désigne par¬
fois sous le nom de muscles extrinsèques, il existe dans l’épaisseur même
des membranes de l’œil, d’autres formations musculaires, celles-ci formées
par des fibres lisses qui constituent les muscles intrinsèques : ce sont, tout
d’abord, les fibres de l'iris, les unes circulaires, les autre® radiées, qui règlent
les dimensions de la pupille ; puis le muscle ciliaire, qui, par son action sur
le cristallin, tient sous sa dépendance l’accommodation.
Tous ces muscles, soit intrinsèques, soit extrinsèques, reçoivent leurs
rameaux nerveux (abstraction faite du sympathique) de trois troncs qui sont,
en allant d'avant en arrière, de la I” paire à la XIIe : 1° le nerf moteur ocu¬
laire commun ou nerf de la IIIe paire ;
2° le nerf pathétique ou nerf de la IVe pai¬
re ; 3° le nerf moteur oculaire externe ou
nerf de la VIe paire.

A ) NERF MOTEUR OCULAIRE COMMUN

Le nerf moteur oculaire commun, nerf


de la IIIe paire, est, comme son nom l’in¬
dique, commun, non à tous les muscles
de l’œil, mais à quatre d’entre eux : le
Fig. 53.
droit supérieur, le droit interne, le droit L’origine apparente du moteur
oculaire commun sur le côté
inférieur, et le petit obliqüe.
interne du pédoncule cérébral.
1, protubérance. — 2, pédoncule céré¬
bral. — 3, espace interpédonculaire. —
1° Origine apparente. — Ce nerf naît, 4, tubercules mamillaires. — 5. moteur
oculaire commun, avec 5’, sa surface
par dix à quinze filets sur le côté interne d’implantation.

du pédoncule cérébral, entre la protubé¬


rance annulaire et les tubercules maxillaires.
Les filets radiculaires postérieurs, très rapprochés de la ligne médiane, en¬
trent presque en contact, au niveau de cette ligne, avec les filets homologues
du côté opposé. Mais on ne voit jamais les filets de gauche et les filets de
droite se fusionner ensemble ou même s’entrecroiser, comme l’on enseigné
à tort quelques anatomistes, Varole et Vieussens entre autres.

Les filets radiculaires du moteur oculaire corrimun, sont assez bien isolés
au niveau de leur origine, sur le pédoncule, mais aussitôt après leur sortie
du névraxe ils convergent les uns vers les autres pour constituer, par leur
réunion, un cordon nerveux unique, légèrement aplati d’abord, puis régu-
140 LES NERFS CRANIENS

lièrement, arrondi, comme le sont généralement les troncs nerveux ; c’est le


tronc du moteur oculaire commun.

2° Origine réelle. — Le moteur oculaire commun, exclusivement moteur,


vient chercher son origine dans un noyau qui lui appartient en propre, le
noyau oculo-moteur commun : il est situé dans l'étage supérieur du pédon¬
cule cérébral, au-dessous des tubercules quadrijumeaux. 11 revêt, dans son
ensemble, la forme d’une petite colonne longitudinale qui s’étend, paral¬
lèlement à l’acqueduc de Sylvius, depuis le noyau du pathétique, auquel il
fait suite, jusqu’à la partie postérieure du troisième ventricule. Sa longueur
est de 10 à 12 millimètres ; sa largeur, de 3 ou 4 millimètres.
11 résulte des recherches de Gudden, d’EDiNGER, de Perlïa, de Kôlliker,
de van Gehuchten qu’un certain nombre de fibres efférentes du noyau
oculo-moteur commun franchissent la ligne médiane pour aller se jeter
dans le tronc nerveux du côté opposé. 11 en résulte que les filets radiculaires
du moteur oculaire commun s’entrecroisent partiellement sur la ligne
médiane, autrement dit que chaque nerf oculo-moteur commun, à sa sortie
du pédoncule cérébral, renferme deux sortes de fibres : 1° des fibres directes,
qui proviennent du noyau oculo-moteur correspondant, ce sont de beaucoup
les plus nombreuses ; 2° des fibres croisées, qui tirent leur origine du noyau
oculo-moteur commun du côté opposé. Ces dernières fibres occupent pro¬
bablement le côté interne du nerf moteur oculaire commun. Nous ne som¬
mes pas nettement fixés sur leur trajet ultérieur. D’après Spjtzka elles vien¬

draient se terminer dans le muscle droit interne.


Le noyau oculo-moteur commun n’est pas homogène, au point de vue
physiologique tout au moins. Les expériences électro-physiologiques de
Hensen et Vôlckers, confirmées dans ce qu’elles ont d’essentiel par les faits

anatomo-cliniques, ont établi l’existence, dans cette colonne de substance


grise, d’un certain nombre de centres, commandant chacun à un groupe
musculaire déterminé. Ces centres, plus ou moins indépendants les uns des
autres, se succèdent dans l’ordre suivant, en allant d’arrière en avant : 1° le
centre du petit oblique ; 2° le centre du droit inférieur ; 3f° le centre du
droit supérieur et du releveur ; 4'° le centre du droit interne.
Hensen et Vôlckers sont arrivés, en outre, à découvrir en avant du noyau
de l’oculo-moteur commun deux nouveaux centres, savoir : 1° sur le bord pos¬
térieur du 3e ventricule et sur ses faces latérales, le centre des mouvements
de l’iris ou centre photo-moteur, qui préside aux variations de l’orifice pupil¬
laire ; 2° plus en avant encore, vers le sommet du ventricule, le centre des
mouvements produits par le muscle ciliaire ou centre accommodateur. Ces
NERFS MOTEURS DE L’ŒIL l4l

deux centres photo-moteur et accominodateur envoient, eux aussi, des filets


radiculaires au nerf moteur oculaire commun et constituent ainsi, pour ce
dernier nerf, deux nouveaux noyaux d’origine. Ces filets, à attributions
physiologiques spéciales, sont placés vraisemblablement en avant de ceux
qui proviennent du noyau classique : Hensen et Vôlckers, en effet, après
avoir sectionné à leur émergence des pédoncules cérébraux les radicules les
plus antérieures, ont constaté que l’excitation des origines de l’oculo-
moteur commun était alors sans effet sur l’état de la pupille et sur le muscle
de l’accommodation.
Le noyau oculo-moteur commun est en connexion : If avec le faisceau
géniculé (motilité volontaire), qui le relie à l’écorce ; 2j° avec la voie sensi¬
tive centrale et aussi, par la bandelette longitudinale postérieure, avec la
voie auditive et la voie optique (motilité réflexe) ; 3° avec le cervelet, par
un faisceau descendant qui a été décrit par Klimoff.

3° Trajet et distribution. — En quittant le pédoncule, le nerf moteur


oculaire commun se dirige obliquement en avant, en dehors et un peu en
haut, vers le côté externe de l’apophyse clinoïde postérieure. Un peu en
avant de cette apophyse, il perfore obliquement la dure-mère et s’engage
dans l’épaisseur de la paroi externe du sinus caverneux. Suivant alors un
trajet postéro-antérieur, il gagne la fente sphénoïdale et, par elle, pénètre
dans l’orbite.
En entrant dans l’orbite ou même un peu avant d’y entrer, le moteur
oculaire commun se divise en deux branches, l’une supérieure, l’autre infé¬
rieure. -— La branche supérieure, se dirigeant obliquement en haut et en
avant, gagne la face profonde du muscle droit supérieur de l’œil et se
partage bientôt en deux rameaux : un rameau inférieur, qui se perd dans
le muscle droit supérieur de l’œil ; un rameau supérieur, destiné au muscle
releveur de la paupière supérieure. — La branche in férieure, plus volumi¬
neuse que la précédente, se porte directement en avant et, après un parcours
intra-orbitaire de quelques millimètres seulement, se divise en trois rameaux :
î° un rameau interne, qui se perd dans le muscle droit interne de l’œil ;
2° un rameau inférieur, qui se jette dans le muscle droit inférieur ; 3° up
rameau antérieur, très long, qui se porte jusqu’à la partie antérieure de
l’orbite et, là, se perd sur le bord postérieur du muscle petit oblique, auquel
il est destiné. C’est de ce dernier rameau, rappelons-le en passant, que se déta¬
che la grosse racine ou racine motrice du ganglion ophthalmique. Nous l’a¬
vons déjà vue (p. 109) à propos de ce ganglion.
142 LES NERFS CRANIENS

4° Anastomoses. — Dans la paroi même du sinus caverneux, le moteur


oculaire commun reçoit deux anastomoses :

a) L’une, sensitive, lui vient de l’ophthalmique qui, comme lui, passe


dans la paroi externe du sinus ;
P d’autre, sympathique, est constituée par un ou plusieurs filets, qui se
détachent du plexus caverneux, c’est-à-dire de ces ramifications du grand
sympathique qui entourent l’artère carotide interne au niveau de la gout¬
tière caverneuse.
Grâce à ces deux anastomoses, le moteur • oculaire commun, qui n’avait
jusqu’ici que des fibres motrices, renferme maintenant un certain nombre
de fibres sensitives et de fibres sympathiques.

B) nerf pathétique

Le nerf pathétique, nerf de la IVe paire, est le plus grêle de tous les nerfs
crâniens. Il est destiné à un seul muscle, le muscle grand oblique ou oblique
supérieur de l’œil.

1° Origine apparente. — Ce nerf prend naissance sur la face supérieure


de l’isthme de l’encéphale, immédiatement en arrière des tubercules qua¬
drijumeaux postérieurs (testes), de chaque côté du frein de la valvule de
Vieussens.

2° Origine réelle. — Si nous suivons le pathétique dans la profondeur à


partir de son point d’émergence, nous le voyons, tout d’abord, se porter
transversalement en dedans et franchir bientôt la ligne médiane en s’entre¬
croisant avec celui du côté opposé : cet entrecroisement est total, c’est-à-
dire que toutes les fibres qui entrent dans la constitution du pathétique
traversent la ligne médiane et, de ce fait, tirent leur origine d’un noyau
situé du côté opposé à celui qu’occupe leur point d’émergence : c’est là une
disposition remarquable que ne présente aucun autre nerf crânien. Peu
après son entrecroisement, le pathétique s’infléchit en avant pour prendre
une direction longitudinale et suivre pendant quelque temps un trajet
parallèle à l’aqueduc de Sylvius. Puis, se coudant de nouveau à angle droit,
il s’incline en dedans et, un peu en bas, atteint son noyau et s’y termine.
Ce noyau, noyau d’origine du pathétique, se trouve situé dans la calotte
pédonculaire un peu au-dessous et en dehors de l’acqueduc de Sylvius. Il
fait suite en arrière au noyau du moteur oculaire commun et 1 on a pu dire,
non sans raison, qu’il n’est autre chose que la portion toute postérieure de
nerfs moteurs de l’ûêil 143

la colonne de substance grise qui donne naissance à ce dernier nerf. De ce


fait, le noyau du pathétique a exactement la même signification morpho¬
logique que le noyau qu’il continue : il est, lui aussi, le représentant de la
base de la corne antérieure de la moelle.
Le noyau pathétique est en relation, comme le noyau oculo-moteur com¬
mun : 1’ avec la zone motrice de l’écorce cérébrale, par des fibres, apparte¬
nant au faisceau géniculé, qui lui apportent les incitations motrices volon¬
taires ; ces fibres sont
croisées ; 2° avec la
voie sensitive cérébra¬
le, avec la voie opti¬
que et avec la voie
acoustique, par des fi¬
bres ou des collatéra¬
les qui sont en rap¬
port avec des mouve¬
ments réflexes.

3° Trajet et distri¬
bution. — De son
point d’émergence au- Fig. 54.
Les nerfs de l'œil à leur passage dans le sinus caverneux,
dessous des tubercules côté gauche, vue latérale.
quadrijumeaux, le III, moteur oculaire commun. — IV, pathétique. — V, triju¬
meau. — VI, moteur oculaire externe.
nerf pathétique se di¬ 1, ganglion de Casser. — 2, ophthalmique. — 3, maxillaire supé¬
rieur. — 4, maxillaire inférieur. — 5, frontal. — 6, lacrymal. — 7,
rige obliquement en sinus caverneux. — 8, sinus pétreux supérieur. — 9, trou petit
rond. — 10, périoste orbitaire, érigné en haut.
xx, plan suivant lequel est faite la coupe représentée dans la
dehors, en bas et en figure 55.
avant.
Il contourne successivement la protubérance annulaire et le pédoncule cé¬
rébral et arrive ainsi à la base de l’encéphale. Changeant alors de direction,
il se porte d’arrière en avant, traverse la dure-mère au point où s’entrecroisent
les deux circonférences de la tente du cervelet et pénètre dans la paroi exter¬
ne du sinus caverneux. Il parcourt cette paroi dans toute son étendue, arrive
à la fente sphénoïdale, la traverse et pénètre ainsi dans la cavité orbitaire.
Obliquant alors en avant et en dedans, il gagne le bord supérieur du mus¬
cle grand oblique et s’y termine par un certain nombre de filets divergents.

4° Anastomoses. — Le pathétique, en traversant la paroi externe du sinus


caverneux, contracte des connexions intimes avec le grand sympathique et
l'ophthalmique :
144 LES NERFS CRÂNIENS

a) Le grand sympathique, tout d’abord, lui envoie un ou deux filets anas¬


tomotiques très fins, provenant du plexus caverneux.
P) L’ophthalmique, à son tour, lui donne deux rameaux, dont l’un, sous
le nom de nerf récurrent de la tente du cervelet, vient se perdre en de
nombreux filets dans la tente du cervelet et dans la partie inférieure de la
faux du cerveau. L’autre se détache du pathétique pour se jeter dans le
nerf lacrymal.

C) NERF MOTEUR OCULAIRE EXTERNE

Le nerf moteur oculaire externe, nerf de la VIe paire, est, comme


les deux précédents, un nerf exclusivement moteur. Il se rend, comme son
nom l’indique, au muscle droit externe de l’œil :
c’est Yabducens (l'abducteur) des anatomistes an¬
glais et allemands.

1° Origine apparente. — Il prend naissance


à la face antérieure du bulbe, un peu en dehors
de la ligne médiane, dans le sillon transversal qui

Fig. 55. sépare la pyramide de la protubérance. 11 n’est


Les mêmes, vus sur une pas rare de voir un de ses faisceaux radiculaires,
coupe transversale du si¬
nus caverneux, pratiquée plus antérieur que les autres, émerger de la pro¬
suivant la ligne xx de la tubérance elle-même, mais en un point qui est
figure précédente.
1, paroi supérieure du sinus. toujours très rapproché de la pyramide.
— 2, sa paroi externe. — 3,
cavité du sinus. — 4, carotide
interne. — 5, diaphragme de
l'hypophyse. — 6, corps pitui¬ 2° Origine réelle. — De son point d’émergen¬
taire.
III, moteur oculaire com¬ ce, le nerf moteur oculaire-externe se porte en
mun. — IV, pathétique. — Vi,
ophtalmique. — V2, maxillaire arrière vers le plancher du quatrième ventricule
supérieur. — VI, moteur ocu¬
laire externe.
et s’v termine dans deux noyaux, l’un principal,
l’autre accessoire :
a) Le noyau principal est situé sous le plancher ventriculaire, immédia¬
tement en dehors de la tige du calamus, au niveau de cette saillie arrondie
ou ovalaire qui porte le nom d’eminentla teres. Il se trouve compris dans
la concavité de l’anse que forme au-dessous de l’épendyme, le nerf de la
VIIe paire. Rappelons ici que le noyau principal du nerf moteur ocu¬
laire externe fait suite, en bas, à celui de l’hypoglosse (aile blanche interne),
dont il n’est séparé que par un tout petit intervalle. Comme ce dernier, il
se rattache morphologiquement à la base des cornes antérieures.
P) Le noyau accessoire, signalé par van Gehucitten, se trouve placé en-
NERFS MOTEURS DE L’OEIL 145

avant du noyau principal, entre celui-ci et le noyau d’origine du nerf facial.


Il rappelle exactement le noyau accessoire de l’hypoglosse.
Le noyau oculo-imoteur externe est en relation, comme les autres noyaux
moteurs de l’œil : 1° avec l’écorce cérébrale, par le faisceau géniculé, qui
lui apporte les incitations volontaires ; 2° avec la voie sensitive centrale ;
3° avec le faisceau optique et le faisceau acoustique. Ces dernières relations
sont en rapport avec les mouvements réflexes.

3° Trajet et distribution. — De la base de la pyramide bulbaire, où il


prend naissance, le nerf moteur oculaire externe se porte d’abord en avant
et en haut, vers le bord latéral de la lame quadrilatère du sphénoïde. Là,
il perfore cette portion de la dure-mère qui relie l’apophyse clinoïde pos¬
térieure au sommet du rocher et arrive alors dans le sinus caverneux. Il
parcourt ce sinus d’arrière en avant, arrive ainsi à la fente sphénoïdale,
la traverse et pénètre enfin dans l’orbite, où il se termine sur la face interne
du muscle droit externe de l’œil auquel il est destiné.

4° Anastomoses. — Dans son trajet à travers le sinus caverneux, le


moteur oculaire externe reçoit deux anastomoses, l’une de l’ophthalmique,
l’autre du plexus carotidien du grand sympathique. Grâce à cette double
anastomose, le nerf moteur oculaire externe, qui est exclusivement moteur
à son origine bulbaire, possède en entrant dans l’orbite, intimement unies
à ses fibres motrices, un certain nombre de fibres sensitives et de fibres vaso¬
motrices.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

Les nerfs qui commandent les mouvements des yeux intéressent surtout
les cliniciens par les paralysies ou les contractures musculaires que provo¬
quent leurs lésions. Il est dès lors indispensable que les médecins désireux Je
bien comprendre la pathologie des nerfs oculo-moteurs possèdent des
notions précises sur l’anatomie et la physiologie de la musculature des
globes oculaires.
Les muscles de l’appareil de la vision sont extrinsèques ou intrinsèques.
Les premiers, insérés d’une part sur les parois de l’orbite, viennent se fixer
d’autre part sur la face externe de la sclérotique : leur contraction a pour
effet de mouvoir en différents sens les globes oculaires.* Les seconds sont
les petits muscles à fibres lisses, inclus dans le globe de l’œil : ils président
aux mouvements de dilatation ou de rétrécissement de la pupille, ainsi
qu’aux changements de forme du cristallin dans l’acte de l’accommodation.
LES NERFS EN SCHÉMAS 10
146 LES NERFS CRANIENS

[.es uns et les autres prêtent à des considérations de physio pathologie que
nous allons exposer brièvement.

A) MUSCULATURE EXTRINSEQUE DE L’ŒIL

Comme nous l'avons vu plus haut, les mouvements du globe oculaire sont
sous la dépendance de six muscles : le droit interne, le droit externe, le droit
supérieur, le droit inférieur, le grand oblique et le petit oblique.
Ces muscles ont pour fonction d’orienter la cornée vers les différents
points de l’espace que nous voulons regarder, de façon à ce que les faisceaux
lumineux provenant de ces différents points soient projetés en incidence
normale sur la rétine qu’ils doivent impressionner. Pour atteindre ce but, ils
ont des mouvements isolés, des mouvements associés et des mouvements con¬
jugués.

1° Mouvements isolés de chacun des muscles extrinsèque, des


yeux. — Quand on fait contracter isolément par un courant électrique
d’intensité suffisante, l’un quelconque des six muscles extrinsèques de
l’œil d’un mammifère tué depuis quelques instants, on constate que le
globe oculaire exécute des mouvements dont le sens est rigoureusement
déterminé par les insertions des muscles excités, sur le squelette d’une part
et sur la sclérotique d’autre part. Le muscle droit interne porte la cornée
directement en dedans ; le droit externe, directement en dehors ; le droit
supérieur, en haut ; le droit inférieur, en bas ; le grand oblique, en dehors
et en bas ; le petit oblique, en dehors et en haut.
On sait déjà (voir figures 1 et 2 de la PL VI) qu’ils sonl animés : le droit
interne, le droit supérieur, le droit inférieur et le petit oblique, par le nerf
moteur oculaire commun ; le droit externe, par le nerf moteur oculaire
externe ; le grand oblique, par le nerf pathétique.
L’observation clinique confirme ces notions tirées de l’anatomie et de la
physiologie. Elle démontre que les lésions destructives du nerf moteur
oculaire commun sont suivies d’une paralysie portant à la fois sur les muscles
droit interne, droit supérieur, droit inférieur et petit oblique, paralysie qui
a pour effet de provoquer, par suite de la prédominance du tonus des muscles
droit externe et grand oblique dont la tonicité est intégralement conservée,
une déviation permanente du globe oculaire en dehors et en bas (1) ; ciue

(1) Il convient de rappeler ici que le nerf moteur oculaire commun innerve aus¬
si le muscle releveur de 'a paupière supérieure et le muscle constricteur de la pupille. A
la déviation du globe de l’œil s’associe donc la chute permanente de la paupière (ptosis)
et la dilatation permanente de la pupille (mydriase).
Nerfs moteurs de l’oeîl 147

les lésions du nei'f moteur oculaire externe sont suivies, pour des raisons
de même nature, d’une déviation permanente de l’œil directement en
dedans, et les lésions du nerf pathétique, d’une déviation de l’œil en bas
et en dedans.

2° Mouvements associés des deux yeux dans le sens vertical. — A l’é¬


tat physiologique, nous ne pouvons faire contracter isolément aucun des
muscles extrinsèques de nos yeux. Bien plus, nos deux globes oculaires
sont étroitement solidaires. Nous pouvons bien les porter ensemble, vers
le haut ou vers le bas ; mais il nous est absolument impossible de diriger
l’un en haut en laissant l’autre immobile ou en le dirigeant en bas. Cette
association constante, inéluctable chez tous les sujets normaux, a, selon
toute vraisemblance, sa raison d'être dans les connexions anatomiques qui
relient les noyaux d’origine des nerfs oculo-moteurs d’un côté à leurs congé¬
nères du côté opposé. Mais il y a d’autres associations physiologiques dont
l’explication n’est pas aussi simple : ce sont celles qui président aux mou¬
vements conjugués des deux yeux dont nous allons dire quelques mots.

3° Mouvements conjugués des deux yeux dans la projection latérale


du regard. — Quand nous voulons regarder un objet placé à notre droite,
nous dirigeons instinctivement nos deux yeux vers lui. Pour exécuter ce
mouvement, il faut nécessairement que le muscle droit externe de notre œil
droit se contracte en même temps que le muscle droit interne de notre œil
gauche. Or, ces deux muscles sont animés par des nerfs différents, le moteur
oculaire externe et le moteur oculaire commun, qui ont chacun dans le
mésocéphale un noyau distinct. Leur coopération à un acte qui a pour effet
de porter un œil en abduction par rapport au plan médian antéro-postérieur
aux corps, et l’autre en adduction paraît de prime abord fort surprenante.
On pourrait songer à.l’expliquer par le mécanisme général qui préside à
l’association des mouvements bilatéraux croisés. On sait en effet que, d’après
une loi de physiologie neuro-musculaire maintes fois exprimée et développée
par Dtjciienjne, de Boulogne, un muscle quelconque ne se contracte jamais
sans que ses antagonistes entrent eux aussi en action. Quand, par exemple,
nous fléchissons les doigts d’une de nos mains pour fermer le poing, ce
sont surtout les muscles épitrochléens (fléchisseurs des doigts et du poignet)
qui se contractent. Mais les épicondyliens (extenseurs des doigts et du poi¬
gnet) ne restent pas inertes. Ils se contractent eux aussi afin d’empêcher un
entraînement brusque de la main dans le sens de la flexion et de la main¬
tenir dans la direction que nous jugeons utile de lui donner, direction qui
est le plus souvent celle de l’extension. De même, quand nous inclinons
148 LES NERFS CRANIENS

latéralement le tronc vers la droite ou vers la gauche, les muscles sacro-


lombaires du côté vers lequel nous voulons nous pencher entrent immédia¬
tement en action pour imprimer au tronc l’inclinaison commandée ; mais
en même temps ceux du côté opposé se con¬
tractent aussi par association synergique afin
de limiter l’inclinaison au degré voulu, sans
quoi nous serions invariablement exposés à
tomber du côté vers lequel nous nous serions
penchés.
Il n’était donc pas illogique de supposer
que les choses se passaient ainsi pour les mou¬
vements conjugués des deux yeux. Il suffisait
d’admettre que les muscles, droit interne d’un
côté et droit externe de l’autre, étaient réci¬
proquement antagonistes. L’hypothèse était
d’autant plus admissible que les recherches de
Mathias Duval et de Laborde sur les origi¬
nes des nerfs crâniens avaient révélé l’exis¬
tence d’un faisceau de fibres se rendant du
noyau de la VIe paire d’un côté dans celui de
la IIIe paire du côté opposé, et que M. André-
Thomas avait également décrit, à la suite d’ex¬
périences physiologiques pratiquées sur le la¬
Schéma représentant, d’après pin et suivies d’examens histologiques sériés,
il’hypothèse de M. Duval et
Laborde, le mode d’innerva¬ que des fibres provenant du noyau de Deiters
tion des muscles choit inter¬ et du noyau du moteur oculaire commun tra¬
ne et droit externe de l'œil.
a, œil du côté gauche. — />, œil versent le raphé-médian, remontent dans la
du côté droit.
1, 1. muscles droits externes. — 2,
protubérance annulaire et vont se terminer
muscles droits internes. — 3, plan¬
cher du quatrième ventricule. — 4, dans le noyau du moteur oculaire commun
noyau oculo-moteur externe. — 5,
noyau oculo-moteur commun. — de l’autre côté (voy. fig. 56). Mais une étude
6, nerf moteur oculaire externe. —
7, nerf du droit interne, provenant plus attentive du phénomène de l’oculogyrie
du noyau oculo-moteur commun du
côté correspondant. — 7’, autre nerf a montré que son mécanisme était beaucoup
du droit interne, provenant du
noyau ocifo-moteur externe du côté plus compliqué.
opposé (ce faisceau n’est plus admis
par les anatomistes : voir le texte).
-— 8, entrecroisement de ce faisceau Ce sont des faits pathologiques qui ont at¬
avec son homologue du côté opposé.
tiré l’attention des observateurs sur la néces¬
sité de lui donner une autre interprétation.
On a constaté que, dans certains cas d’hémiplégie résultant de lésions massi¬
ves des hémisphères cérébraux, les malades présentaient une déviation per¬
manente de la tête et des yeux, tantôt du côté opposé. Prévost a décrit ce
NERFS MOTEURS DE L’OEIL 149

phénomène sous le nom de déviation conjuguée de la tête et des yeux. Un


peu plus tard, Landotjzy el Grasset se sont demandés si la déviation conju¬
guée ne tenait pas à la destruction d’un ou de plusieurs centres corticaux.
Leurs premières recherches les ont conduit à placer ces centres dans la
région du pli courbe. Dans des travaux ultérieurs, Grasset a repris l'étude de
cette question en s’appuyant sur une riche documentation physiologique et
pathologique et il est arrivé à admettre l’existence d’appareils nerveux spécia¬
lement affectés à la fonction de l’oculo et de la céphalogyrie. Voici en quel¬
ques mots la description qu’il en a donnée.
L’appareil nerveux de la direction latérale du regard comprend, d’après
notre regretté collègue de Montpellier, dans chaque hémisphère cérébral
deux centres corticaux, dont l’un, sensorio-moteur, est situé dans la région
du pli courbe, l’autre sensitivo-moteur, dans la région pré-rolandrique, vers
le pied de la deuxième circonvolution frontale.
Les fibres de projection de ces centres traversent le centre ovale en se
dirigeant : le premier vers la partie postérieure du bras antérieur de la
capsule interne, le second dans la portion juxta-thalamique de son bras
postérieur.
En sortant de la capsule interne, ils se réunissent en un faisceau commun
(faisceau hémi-oculo-moteur) qui, après s’être entrecroisé avec son homologue
du côté opposé, arrive dans un noyau supra-nucléaire de la protubérance,
dont la situation exacte n’est pas encore absolument précisée. Là, chacun
des faisceaux hémi-oculo-moteurs se divise en deux branches dont l’une se
rend dans le noyau de la VIe paire du côté correspondant et par son inter¬
médiaire au muscle droit externe de ce même côté, tandis que l’autre se
dirige vers le noyau de la IIIe paire du côté opposé et par son intermédiaire
au muscle droit interne.
Par suite de ces dispositions anatomiques, l’hémisphère droit, se trouvant
en rapport avec le muscle droit externe de l’œil gauche et avec le muscle
droit interne de l’œil droit, commanderait la projection simultanée des deux
yeux vers la gauche, et, inversement, l’hémisphère gauche étant relié au
muscle droit externe gauche et au muscle droit interne droit, présiderait à la
fonction de la direction conjuguée du regard vers la droite.
Ainsi se trouverait réalisée dans la nature la comparaison de Foville avec le
système de transmission par deux rênes, qui permet à un cocher assis sur
son siège de diriger un attelage de deux chevaux en tirant à la fois leurs
têtes vers la droite ou vers la gauche, comparaison dont de Lapersonne
et Cantonnet exposent les détails dans les termes suivants : « Considérons,
les deux globes oculaires comme deux chevaux attelés à une même voiture ;
150 LES NERFS CRANIENS

le timon qui les sépare représente le plan médian du corps. Chaque cheval
est guidé par une petite rêne droite et par une petite rêne gauche (chaque
petite rêne représente un muscle, son nerf et son noyau primaire). La petite
rêne droite de chaque cheval se réunit avec la petite rêne droite de l’autre
cheval, pour constituer la rêne commune droite, tenue par la main droite
du cocher ; il en est de même pour les deux petites rênes gauches, réunies
en rêne commune gauche, tenue par la main gauche du cocher. La main
droite du cocher est le centre coordinateur oculo-dextrogyre (car il meut
les appareils périphériques, les petites rênes droites, qui dirigent les deux
chevaux à droite) ; sa main gauche est le centre coordinateur oculo-levogyrc.
Mais la main droite du cocher obéit à son hémisphère gauche et inversement.
On peut donc dire que le cerveau gauche du cocher dirige les deux chevaux
à droite et que le cerveau droit les dirige tous deux à gauche. »
Et si l’on se rappelle que les impressions visuelles frappant les deux
moitiés homologues des deux rétines sont perçues par l'hémisphère cérébral
du côté opposé, ainsi que nous l’avons expliqué en étudiant les voies opti¬
ques et les hémianopsies latérales homonymes (voir p. 88 et p. 96), on com¬
prend la signification et la portée très générales de la loi formulée par
Grasset : « chaque hémisphère voit et regarde avec les deux yeux du côté
opposé », ou pour être plus exact, avec la moitié homologue du côté opposé
de chacun des deux yeux.
Il faut ajouter, pour ne laisser dans l'ombre aucun détail important, que
des associations analogues à celles qui assurent les mouvements conjugués
de latéralité des yeux président également aux mouvements de rotation de
la tête quand nous tournons instinctivement celle-ci d’un côté ou de l’autre
pour porter nos regards vers la droite ou vers la gauche. Elles forment l’ap¬
pareil de la céphalo-gyration, qui explique la coexistence habituelle de la
rotation de la tête vers le même côté que la déviation des yeux, dans le phé¬
nomène de la déviation conjuguée de la tête et des yeux.
Il faut ajouter aussi que le sens de la déviation conjuguée varie selon le
siège et la nature de la lésion provocatrice. S’il s’agit d’une lésion destruc¬
tive d’un hémisphère cérébral, la tête et les yeux sont déviés A^ers le côté
où siège la lésion (déviation paralytique). S’il s’agit, au contraire, d’une
lésion irritative du cerveau, susceptible de donner lieu à de la contracture,
la tête et les yeux sont tournés vers le côté opposé à la lésion fdéviation
spastique). Inversement, dans les cas de lésions du mésocéphale intéressant
l’appareil de l’oculo- et de la céphalo-gyrie au delà de l’entrecroisement des
faisceaux hémi-oculo-moteurs, la déviation conjuguée se produit du même
côté que la lésion si celle-ci est irritative et du côté opposé si elle est destruc-
NERFS MOTEURS DE L’OEIL 151

tive. Passons maintenant à l’étude physiologique des muscles intrinsèques


de l’appareil de la vision.

B) MUSCULATURE INTRINSEQUE DE L’ŒIL

Elis se compose de deux groupes, on pourrait dire plus exactement de


deux nappes de fibres musculaires lisses, placées les unes autour de la grande
circonférence du cristallin, les autres dans le stroma de l’iris. Les premières
forment ce qu’on appelle le muscle ciliaire ; les secondes, le muscle pupil¬
laire.

1° Muscle ciliaire. — Le muscle ciliaire a la forme d’un anneau aplati,


de coloration grisâtre, inclus dans la zone ciliaire, entre la sclérotique qui
est en avant et les procès ciliaires qui sont en arrière.
Il est constitué par des fibres musculaires lisses, dont les unes sont radiées,
les autres circulaires. — Les fibres radiées prennent naissance sur l’anneau
tendineux de Dôlllunger, en arrière du canal de Schlenun. Elles se terminent:
les superficielles dans le stroma-choroïdien, les profondes dans le tissu
conjonctif des procès ciliaires. — Les fibres circulaires occupent la partie
postéro-interne du muscle. Elles sont groupées en deux ou trois faisceaux bien
distincts, séparés par des travées épaisses de tissu conjonctif. Leur ensemble
constitue une sorte de muscle annulaire parallèle à la grande circonférence
de l’iris.
Les fibres nerveuses qui se rendent dans le muscle ciliaire sont les filets
ciüaires courts, qui émanent du ganglion ophthalmique. Elles sont en
majeure partie constituées par des fibres motrices provenant du moteur ocu¬
laire commun et par des fibres sympathiques. Avant de pénétrer dans le
muscle, elles forment un plexus riche en cellules ganglionnaires qu’on
appelle le plexus ciliaire.
La contraction du muscle ciliaire a pour effet d'augmenter le diamètre
antéro-postérieur du cristallin. On admet généralement qu elle résulte de
l’excitation des filets nerveux moteurs provenant du nerf de la IIIe pairie.
L’excitation des sympathiques est, au contraire, suivie d’une diminution du
diamètre antéro-postérieur du cristallin ; mais comme il n’existe pas dans
l’œil d’appareil musculaire susceptible de provoquer directement un apla¬
tissement de la lentille cristallinienne, il y a tout lieu de penser, confor¬
mément à l’opinion soutenue par MM. Dastre et Morat, que l’excitation du
sympathique agit là comme un nerf d’arrêt, sur le tonus du muscle ciliaire.
Pour expliquer comment la contraction ou le relâchement du muscle
152 LES NERFS CRANIENS

ciliaire peut modifier les courbures du cristallin, on a proposé deux théories.


La première, exposée par Helmoltz, présuppose que la zonula, dans laquelle
est enchâssée la grande circonférence de la lentille cristallinienne et qui est
douée d’une élasticité propre assez marquée, exerce sur cette circonférence
une traction élastique permanente qui a pour effet d’allonger les diamètres
équatoriaux de la lentille au détriment de son diamètre antéro-postérieur.
Quand le muscle ciliaire se contracte, il porte en avant le bord antérieur de
la choroïde sur lequel il s’insère, et du même coup il diminue la tension de
la zonula. Il en résute que le cristallin n’étant plus soumis à la traction qui
le maintenait aplati revient à sa position de repos dans laquelle il est plus
bombé.
La seconde théorie, soutenue par Tscherning et par Pfluck, admet au
contraire que la zonula, peu tendue à l’état de repos, est fortement attirée
excentriquement par la contraction du muscle ciliaire. Or, le cristallin n’a
pas une densité uniforme dans toutes ses parties. Son noyau central est plus
dur que ses portions périphériques. L’augmentation de la traction à sa cir¬
conférence a pour effet de diminuer l’épaisseur de ses portions périphé¬
riques molles, tandis que son noyau central, plus résistant, conserve sa
forme ; il devient ainsi proportionnellement plus bombé et acquiert par suite
une puissance de convergence plus grande.
Quelle que soit la théorie que l’on adopte, il n’en reste pas moins certain
que le moteur oculaire commun et le grand sympathique sont, en ce qui
concerne l’accommodation, réciproquement antagonistes. L’un fait bomber
le cristallin, l’autre l'aplatit ; Je premier est le nerf accommodateur pour
la vision des objets rapprochés, le second le nerf accommodateur pour les
objets éloignés.

2° Muscle pupillaire ’ et mouvements propres de l’iris. — L’iris est


le voile membraneux perforé à son centre d’un orifice circulaire, la pupille,
qui se trouve tendue en arrière de la chambre antérieure de l’œil.
Il est formé par un stroma conjonctif, dans les mailles duquel sont logées
des fibres musculaires libres et un riche réseau de vaisseaux et de nerfs.
La plupart des fibres musculaires qui entrent dans sa composition sont
disposées en anneau autour de l’orifice pupillaire. D’autres, moins nom¬
breuses, ont une disposition radiée. Elles prennent leur point d’insertion
fixe du côté de la grande circonférence de l’iris et leur point mobile du côté
de l'orifice de la pupille.
L’existence de ces fibres radiées, longtemps contestée par d’excellents
histologistes, paraît aujourd’hui tout à fait démontrée par les recherches de
Gabrialidès, de Vialleton et de Grynfelt,
NERFS MOTEURS DE L’ŒIL 153

Il va de soi que les fibres circulaires doivent être les agents actifs de
l’irido-constriction et que les fibres radiées doivent présider à l’irido-dila-
tation.
Les nerfs de l’iris proviennent des nerfs ciliaires longs dont la grande
majorité émanent du ganglion ophthalmique. Celui-ci possède, comme on
le sait, trois racines : une motrice venant du moteur oculaire commun, une
sensitive venant de la branche ophtalmique du trijumeau, et une sympa¬
thique venant du plexus caverneux qui est lui-même une dépendance du
plexus cervical. Les quelques filets des nerfs ciliaires qui ne traversent pas
le ganglion ophtalmique se détachent du nerf nasal.
Après avoir traversé la sclérotique et pénétré dans le globe de l’œil, les
filets ciliaires destinés à l’iris forment un plexus parsemé de cellules gan¬
glionnaires, d’où partent trois sortes de fibres : 1° des fibres pâles qui se
distribuent à la face postérieure du stroma membraneux et dont on ne
connaît pas la terminaison ; 2° des fibres à myéline de nature sensitive qui
se distribuent à la face antérieure de l’iris ; 3° des fibres sensitives et vaso¬
motrices qui se terminent dans les faisceaux des muscles iriens et dans les
parois des vaisseaux qui les entourent.
Les mouvements de dilatation et de constriction de la pupille sont pres¬
que toujours commandés par l’excitation directe ou réflexe de deux nerfs
antagonistes l’un de l’autre ; le moteur oculaire commun et le sympathique.
L’excitation du moteur oculaire commun est suivie du rétrécissement de
l’orifice pupillaire ; sa paralysie en provoque la dilatation. Inversement,
l’excitation du sympathique dilate la pupille, tandis que sa paralysie ’a
rétrécit.
La mydriase peut donc être produite par le défaut d’action du moteur
oculaire commun (mydriase passive ou paralytique), ou par l’excès d’action
du sympathique (mydriase active ou spastique). De même le myosis peut
être la conséquence de l’excitation du sympathique (myosis actif ou spas¬
tique), ou du défaut d’action du moteur oculaire commun (myosis passif
ou paralytique).
Mais tous les mouvements de l’iris ne sont pas commandés par le système
nerveux. Les muscles iriens jouissent, en effet, d’une excitabilité propre,
autonome, qui peut mettre directement en jeu leur contractilité. L’iris de
certains animaux à sang froid, tels que la grenouille ou l’anguille, séparé
de l’œil et immergé dans du sérum se contracte sous l’influence de la
lumière ou de la chaleur (expérience de Brown-Séquard).
Chez les mammifères, la pupille se dilate au moment de la mort, puis
pendant les quelques heures suivantes elle se rétrécit lentement. L’atropine
154 LES NERFS CRANIENS

qui fait dilater la pupille, l’és'érine qui la fait rétrécir, n’agissent pas seule¬
ment lorsqu’on les instille dans l’œil d’un animal vivant ; elles produisent
le même effet sur les pupilles d’un animal récemment tué ou sur celles
d’yeux fraîchement retirés de la cavité orbitaire.
Néanmoins, dans les conditions ordinaires de la vie, les mouvements de
l’iris sont sous la dépendance d’influences nei'veuses qui se manifestent par
les réflexes oculaires dont nous allons maintenant nous occuper.

Cj LES RÉFLEXES OCULAIRES

Les réflexes oculaires peuvent être divisés en quatre groupes : i'° le réflexe
cilicùire ou d’accommodation, auquel il faut joindre le réflexe de convergence
et le réflexe psycho-moteur ; 2° les réflexes pupillaires purs, comprenant .
le réflexe à la lumière ou photo-moteur, le réflexe sensitif et le réflexe con¬
sensuel ; 3° les réflexes vaso-moteurs et sécrétoires ; 4° le réflexe de cligne¬
ment.

1° Réflexe d’accommodation. — Quand nous regardons un objet éloi¬


gné, notre pupille s’élargit ; elle se rétrécit au contraire quand nous fixons
un objet rapproché. En même temps, le muscle ciliaire se contracte dans la
fixation lointaine et se relâche dans la fixation rapprochée. Or, nous avons
vu précédemment que les fibres excitatrices de la contraction du muscle
ciliaire provenaient du nerf moteur oculaire commun et les fibres inhibi¬
trices de ce muscle du grand sympathique. 11 est dès lors très vraisemblable
que c’est par l’intermédiaire de ces nerfs que se produisent les variations de
tension du muscle ciliaire qui commandent les variations de forme du cris¬
tallin d’où résulte l’accommodation de l’appareil visuel à la perception dis¬
tincte des images éloignées ou rapprochées. Mais il faut considérer qu’il ne
s’agit pas là d’un réflexe banal. Il est précédé, en effet, d’une adaptation
volontaire du regard à la distance de l’objet visé, adaptation qui constitue
ce qu’on appelle improprement le réflexe à la convergence, car la conver¬
gence n’est pas un acte réflexe : elle est le résultat d'un effort conscient et
il n’est pas certain du tout qu’elle ne joue pas un rôle de cause efficiente
dans la production de la contraction du muscle ciliaire qui détermine, par
l’intermédiaire des changements de forme du cristallin, le phénomène phy¬
sique de l’accommodation.
D’ailleurs, en clinique générale et en clinique neurologique, ce qu’on
recherche, ce n’est pas le réflexe ciliaire d’accommodation, c’est le réflexe
pupillaire de convergence. Pour le produire, on prie le sujet soumis à
NERFS MOTEURS DE L’OEIL 155

l’examen de regarder un objet éloigné de quelques mètres et on note le


degré de dilatation de ses pupilles, puis on lui demande de regarder un
objet qu’on place à trente ou quarante centimètres de ses yeux et on constate
si ceux-ci ont exécuté le mouvement de convergence et si leurs pupilles se
sont rétrécies. Si les yeux ont conservé une direction sensiblement parallèle
et surtout si le diamètre des pupilles n’a pas varié, on dit que le réflexe à
l’accommodation est aboli. Il peut l’être, ou bien par le fait d’une interrup¬
tion de la continuité des fibres du nerf moteur oculaire commun ou du sym¬
pathique, ou bien par suite de lésions intra-craniennes dont le siège reste
encore incertain.
Ce qu’on appelle réflexe psycho-moteur c’est aussi un réflexe pupillaire
provoqué par la représentation pure et simple d’un objet imaginaire rap¬
proché ou éloigné du sujet examiné. Ce sujet étant placé dans un lieu
modérément éclairé, on lui demande de se figurer qu’il voit un objet placé
à vingt ou trente mètres de lui, puis le même objet à la portée de sa main
sans imprimer aucun mouvement à ses yeux. Mais cette recherche n’a pas
grand intérêt clinique, car on ne lui connaît pas de signification diagnostique
utilisable.

2° Réflexes pupillaires purs. — Ils comprennent : 1° le réflexe à la


lumière ou réflexe photo-moteur ; 2° le réflexe sensitivo-jnoteur ; 3° le réflexe
consensuel.
a) Réflexe photo-moteur. —- Le réflexe photo-moteur est de tous les
réflexes oculaires celui qui est le plus fréquemment examiné en clinique.
Tout le monde sait que lorsqu’un rayon lumineux pénètre dans l’œil d’un
sujet normal il provoque un rétrécissement immédiat de la pupille.
La technique communément employée pour mettre en évidence le réflexe
qui cause ce rétrécissement consiste à abaisser avec les pouces les paupières
supérieures du malade à examiner, de façon à fermer complètement ses
yeux sans les comprimer. Après quelques instants, on relève vivement ses
paupières et on regarde les modifications qui se produisent dans le diamètre
de l’orifice pupillaire. Si la pupille ne se contracte pas, il y a lieu de penser
qu une cause pathologique empêche la production du réflexe photo-pupil¬
laire.
Pour éviter toute cause d’erreur provenant de l’intervention d’excitations
sensitives par le fait du contact des paupières ou de la compression du globe
oculaire, certains praticiens préfèrent placer leurs mains creusées en
coquilles au-devant des yeux grands ouverts du malade, de façon à inter¬
cepter la lumière, puis de les retirer brusquement. Ce procédé est peut-être
préférable au précédent.
156 LES NERFS CRANIENS

Qu’on ait employé l’un ou l’autre de ces procédés, lorsque le rayon lumi¬
neux qui a provoqué l’irido-constriction cesse d'impressionner la rétine, la
pupille revient à sa position de repos.
Le réllexe photo-moteur a pour point de départ l’excitation des neurones
rétiniens par les rayons lumineux. Née en ce point, l’excitation passant par
les fibres centripètes du nerf optique arrive au tubercule quadrijumeau
antérieur où elle fait un premier relai ; de là elle gagne le noyau du moteur
oculaire commun, nerf de l’irido-contraction active, où elle fait un second
relai ; puis elle chemine dans les fibres centrifuges de ce nerf et arrive
finalement par l’intermédiaire du ganglion ophthalmique et des filets ciliaires
longs dans le faisceau annulaire du muscle pupillaire. Son trajet est repré¬
senté sur le schéma de la fig. 3 de la PL VI). La portion centripète de
l'axe réflexe y est figurée par le trait noir inférieur qui, partant de la rétine,
s’étend horizontalement jusqu’au tubercule quadrijumeau antérieur, sa
portion intermédiaire par le trait bleu vertical qui va de ce tubercule au
noyau de la III6 paire, sa portion centrifuge par le trait bleu tendu direc¬
tement entre le noyau de la IIIe paire et l’iris en passant par le ganglion
ophtalmique.
Le réflexe photo-pupillaire est aboli par toutes les lésions destructives
siégeant sur un point quelconque du trajet que suivent les excitations lumi¬
neuses depuis la rétine jusqu’aux muscles iriens, en passant par le nerf
optique, la bandelette optique, le tubercule quadrijumeau antérieur, le
noyau de la IIIe paire et les fibres du nerf moteur oculaire commun. Il est
conservé dans les lésions de la portion intra-cérébrale des voies optiques :
irradiation rétro-thalamique de Gratiolet, centre ovale et écorce du lobe
occipital.
Sa disparition n'entraîne pas nécessairement celle du réflexe à la conver¬
gence.
Le signe d’Argyll Roberston. qui a pris une grande importance dans le
diagnostic de la syphilis des centres nerveux et qui a acquis la valeur d’un
véritable stigmate dans le tabes et la paralysie générale, est constitué par
la perte du réflexe à la lumière coïncidant avec la conservation intégrale du
réflexe à la convergence. Sa pathogénie s’explique très bien par le fait que
ces deux réflexes n’ont pas les mêmes points de départ et ne suivent pas,
dans tout leur trajet tout au moins, les mêmes voies. La réaction à la
lumière part de la rétine et se réfléchit dans le tubercule quadrijumeau
antérieur; le réflexe à la convergence naît dans l’écorce cérébrale et atteint
directement le noyau de la IIIe paire sans avoir passé par le tubercule qua-
NERFS MOTEURS DE L'OEIL 157

drijumeau. 11 n’cst donc pas étonnant du tout que, dans beaucoup de cas,
l’un des deux puisse être aboli, l’autre étant conservé.
b) Réflexe sensidivo-moleur. — I.e réflexe à la douleur, que nous désigne¬
rions volontiers sous le nom de réflexe, algo-pupillaire, est celui qui se produit à
la suite des excitations portant, soit sur la cornée, la conjonctive ou les
régions péri-orbitaires, soit sur n’importe quelle autre partie du corps. Toute
irritation sensitive un peu vive est en effet suivie chez les sujets normaux
d’une dilatation immédiate de la pupille. C’est à cause de ce fait qu’on a
comparé la pupille à un esthésiomètre et que, dans le cours de la chloro¬
formisation, on mesure le degré de l’anesthésie en passant le pulpe du doigt
sur la cornée du malade ; si la pupille de ce dernier réagit, il faut continuer
à donner du chloroforme ; si elle ne réagit pas, le chirurgien peut commen¬
cer l’opération.
Quand l’excitation provocatrice de ce réflexe part des extrémités terminales
du trijumeau, elle traverse le ganglion de Gasser où elle rencontre les
fibres du sympathique provenant du filet sympathico-gassérien de F. Franck,
puis, cheminant vers le globe oculaire dans la branche ophtalmique de
Willis, elle arrive au ganglion optique où elle rencontre les filets sym¬
pathiques (dilatateurs de la pupille), qui forment l’une des branches affé¬
rentes de ce ganglion et par l’intermédiaire des filets ciliaires qui en émanent
elle arrive aux muscles iriens.
Quand l’excitation initiale provient des nerfs rachidiens, elle remonte par
les cordons postérieurs jusqu’au centre cilio-spinal de la moelle, où elle
s’engage dans le cordon sympathique cervical, dont quelques fibres se
rendent par l’intermédiaire du ganglion optique aux filets ciliaires longs et
aux muscles pupillaires.
Ce réflexe est difficile à étudier chez les sujets normaux à cause de la
souffrance assez vive que leur impose sa recherche et des réactions de
défense qu’elle provoque,
11 a donné lieu à des erreurs d’interprétation contre lesquelles il importe
de réagir. Quelques médecins ont pensé pouvoir y trouver un signe objectif
permettant de dépister avec certitude les simulateurs qui prétendraient
faussement souffrir de certaines parties du corps ou qui accuseraient des
anesthésies inexistantes. C’est là une déduction a priori que ne confirme
pas du tout l’observation clinique. A l’état physiologique, la réaction de la
pupille à la douleur paraît bien être constante et d’une intensité sensiblement
proportionnelle au degré de l’irritation causale. Mais il n’en est pas du tout
de même à l’état pathologique. L’un de nous a démontré depuis longtemps
que dans les analgésies hystériques et les analgésies d’origine cérébrale, où
158 LES NEUFS CRANIENS

les piqûres profondes ne sont suivies d'aucune perception douloureuse, la


réaction pupillaire est intégralement conservée.
D’autre part, certaines douleurs spontanées très violentes, telles que les
atroces douleurs de la névralgie du trijumeau, les crises de douleurs ful¬
gurantes des ataxiques, les paroxysmes de douleurs causalgiques de certains
blessés des nerfs, n’ont aucun retentissement appréciable sur la pupille.
Tant qu'on ne connaîtra pas la raison de ces anomalies, il sera impossible
de tirer de l’explication des réactions pupillaires à la douleur des conclu¬
sions applicables à la médecine légale.
c) Réflexe consensuel. — Le réllexe consensuel, ou pour mieux dire ce
qu’on désigne improprement sous ce nom, n’est pas un véritable réflexe ;
c’est un mouvement associé qui se transmet de la pupille d’un côté soumise
à une cause de dilatation ou de rétrécissement à la pupille du côté opposé.
Il est, dû aux connexions qui existent entre les libres maculaires d’un côté à
l’autre. A l’état normal, la projection d’un rayon lumineux sur un œil
détermine toujours, en même temps qu’un rétrécissement notable de la pu¬
pille du côté éclairé, un rétrécissement de la pupille du côté opposé, même si
l’œil de ce côté est resté dans l’obscurité.
. . i
3° Réflexes vaso-moteurs et secrétoires. — Quand un corps étranger
vient à se loger dans le cul-de-sac conjonctival, il y provoque une
sensation désagréable bientôt suivie d’une congestion intense de tous les
vaisseaux de la conjonctive et d’une abondante sécrétion de larmes. Ces
deux derniers phénomènes sont l’effet de réflexes vaso-moteurs et sécrétoires.
a) Réflexes vaso-moteurs. — La voie centripète des premiers est formée
par le trijumeau, et la voie centrifuge par les fibres vaso-motrices prove¬
nant du sympathique par le filet sympathico-gassérien de F. Franck et par
les filets, émanés du plexus péri-carotidien, qui pénètrent dans le nerf
ophtalmique dans son trajet à travers le sinus caverneux et dans le ganglion
optique.
On a de bonnes raisons de penser que la circulation conjonctivale est dans
une large mesure indépendante de la circulation intra-oculaire. En effet,
la section du nerf ophthalmique est suivie d’une forte dilatation des vaisseaux
rétiniens, choroïdiens et uvéaux et ne produit qu’une très légère hyperhémie
des vaisseaux conjonctivaux ; son excitation détermine au contraire une
forte constriction des vaisseaux de l’intérieur de l’œil et une faible pâleur
de la conjonctive. Inversement, la section du sympathique au cou ou celle
de la moelle cervicale provoque la dilatation temporaire des vaisseaux inter¬
nes et externes de l’œil, et son excitation, leur rétrécissement. Ces expé-
Nerfs moteurs de l’oeil 159

riences expliquent comment les vaisseaux sanguins extra-oculaires sont


habituellement seuls congestionnés dans les cas d’irritation conjonctivale
ou palpébrale, tandis qu’au contraire 1 hyperhémie des vaisseaux intra-

oculaires prédomine dans les cas d’iritis, de rétinite ou de choroïdite.


La régulation vaso-motrice de la circulation de l'œil a une grande impor¬
tance physiologique et pathologique. C’est elle qui commande la tension
intra-oculaire et. ses variations en plus ou en moins dans les glaucomes et
les irido-cyclites où elle est exagérée, et dans les décollements de la rétine
où elle est diminuée.
b) Réflexes sécrétoires. — Les fibres sécrétoires de la glande lacrymale
proviennent du sympathique et du facial. Le trajet de celles qui appar¬
tiennent au sympathique se confond avec le trajet des fibres vaso-motrices,
que nous venons d’indiquer. Celles qui émanent du facial se séparent du
tronc de ce nerf au niveau du ganglion géniculé ; elles pénètrent dans le
grand nerf pétreux superficiel, traversent avec lui le ganglion sphéno-
palatin, puis après avoir cheminé un certain temps dans le nerf maxillaire
supérieur et son rameau orbitaire, elles passent par un blet anastomotique
dans le nerf lacrymal et plongent avec lui dans le parenchyme de la glande
où elles se terminent.
La sécrétion des larmes est un moyen de défense de la cornée contre la
dessiccation, d’une part, et, d’autre part, contre le contact des poussières
qui pourraient se fixer sur elle et l’irriter si elles n’étaient opportunément
entraînée par les larmes..
Elle est aussi un des modes d’expression des douleurs physiques ou
morales. Dans ce cas elle n’est plus la conséquence d’un phénomène réflexe,
elle est le l’ésultat de l’action directe des centres corticaux dont le siège
n’est pas encore déterminé sur les noyaux bulbaires et sur les ganglions
sympathiques cervicaux.

4° Réflexes de clignement. — Les paupières sont des annexes de


l’appareil de la vision qu’elles ont pour mission de protéger contre les
offenses extérieures qui menacent les globes oculaires. Dans les explorations
cliniques, on provoque très facilement leur occlusion en passant un mince
rouleau de papier sur la cornée, la conjonctive ou les bords ciliaires des pau¬
pières, ou bien en percutant légèrement le pourtour supérieur de l’arcade sour¬
cilière avec un corps dur.
Chez les sujets sains, le clignement se produit cinq ou six fois par minute.
Ce clignement physiologique paraît dû à l’excitation de la cornée par un
commencement de dessiccation. Il se produit aussi, mais avec plus d’intensité’
160 LES NERFS CRANIENS

quand nous fixons les yeux sur une source de lumière très vive ou que la
cornée, la conjonctive ou la paupière elle-même est le siège d’une excitation
sensitive un peu énergique.
Le point de départ de ce réflexe peut donc se trouver dans la rétine ou
dans les expansions terminales du trijumeau. C’est dire qu’il y a deux sortes
de réilexes du clignement ; l’un sensorio-moteur, l’autre sensitivo-moteur.
Dans le premier, la voie centripète est la même que pour le réflexe photo¬
moteur : rétine, nerf optique, tubercule quadrijumeau antérieur ; dans le
second elle est identique à celle du réflexe, sensitivo-pupillaire : trijumeau et
ganglion de Gasser. Mais dans les deux cas, la voie centrifuge est la même :
elle est représentée par le noyau de la VIIe paire, et le nerf facial, ou, pour
mieux dire, les fibres du nerf facial qui innervent l’orbiculaire des paupières.
En pathologie, le réflexe sensorio-palpébral et le réflexe sensitivo-palpébral
sont assez souvent dissociés : autrement dit, l’un des deux peut être aboli
l’autre restant conservé. C’est ainsi qu’après la section du trijumeau ou
simplement de sa branche ophthalmique, le malade ne cligne plus lorsqu’on
excite sa cornée ou sa conjonctive ; mais il cligne si on dirige sur la cornée
de son œil insensible un rayon de lumière intense. Inversement, dans les
amauroses d’origine rétinienne ou après la section des nerfs optiques, le
l’éflexe sensitivo-palpébral est conservé tandis que le sensorio-palpébral est
aboli. En revanche, les deux réflexes sont simultanément abolis dans les
paralysies faciales périphériques, parce que le muscle orbiculaire des pau¬
pières étant frappé d’inertie ne peut exécuter le mouvement final par lequel
s’extériorisent les réflexes de clignement, qu’ils soient d’origine sensorielle
ou d’origine sensitive.
Dans toutes les explorations des réflexes palpébraux, il faut se tenir soi¬
gneusement en garde contre une cause d’erreur, à laquelle on ne fait sou¬
vent pas suffisamment attention. Les noyaux d’origine des deux nerfs
faciaux sont associés par des fibres commissurales qui les relient l’un à
l’autre et les associent étroitement dans certains modes de leur activité.
Nous pouvons bien commander volontairement l’occlusion isolée d’un œil
ou de l’autre ; mais, dans le clignement réflexe, les deux orbiculaires des
paupières se contractent ensemble, quel que soit le siège de l’excitation
provocatrice. A l’état pathologique la paupièi’e du côté sain continue à
répondre par un clignement à toute excitation portant sur l’œil sain ou
sur l’œil malade, bien que la paupière de ce dernier ne se ferme pas volontai¬
rement. Ce fait est très évident dans les paralysies périphériques du nerf facial.
Si on percute avec un marteau à réflexe le rebord orbitaire du côté paralyse,
la paupière de ce côté ne s’abaisse pas, mais celle du côté sain répond' à l’exci-
NERF FACIAL 161

iation par an mouvement de clignement aussi net que lorsque la percussion


est pratiquée sur le rebord orbitaire de ce côté sain. Si on n’était pas prévenu
de cette particularité, on pourrait croire à la persistance du réflexe du cligne¬
ment, alors qu’il est en réalité aboli, mais du côté malade seulement.

ARTICLE VI

NERF FACIAL
[Planche VII).

Le nerf facial, nerf de la VIe paire, se distribue à tous les muscles peauciers
de la tête et du cou et, de ce fait, devient le nerf de la physionomie, le nerf
de l’expression, comme on l’appelle quelquefois. Mais à cela ne se borne pas
son action : il innerve encore les muscles moteurs des osselets de l’ouïe, ainsi
que quelques muscles du voile du palais' et, par l’une de ses branches, la
corde du tympan, qui exercera longtemps encore la sagacité des physiologis¬
tes, il prend part à la sécrétion de la salive, à la vascularisation de la muqueuse
linguale et à la perception des saveurs.

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine apparente. — Le nerf facial naît dans la fossette latérale du


bulbe par deux racines parfaitement distinctes, l’une interne, l’autre ex¬
terne :
a) La racine interne, de beaucoup la plus importante, constitue le facial pro¬
prement dit. Elle émerge du bulbe en arrière et en dehors du moteur oculai¬
re externe, dans une sorte de fossette compi'ise entre le bord inférieur de la
protubérance et l’extrémité supérieure de l’olive, la fossette sus-olivaire.
P) La racine externe, relativement toute petitesse trouve située entre la pré¬
cédente et le nerf auditif. Wrisberg, en raison de sa situation, la désignait
sous le nom de nerf intermédiaire : c’est le nerf intermédiaire de Wrisberg,
ou tout simplement le nerf de Wrisberg.

2° Origine réelle. — Les deux racines du facial sont de valeur différente


et méritent d’être étudiées séparément :
LES NERFS E't SCHÉMAS 11
162 LES NERFS CRANIENS

a) Facial proprement dit. — Le facial proprement dit, nerf exclusivement


moteur, pénètre dans l’épaisseur du bulbe pour aller chercher son origine
dans un noyau de substance grise, le tioyau du facial.
a) Noyau du facial. -— Il est profondément situé à la partie antéro-externe
de la calotte protubérantielle, entre les faisceaux radiculaires du moteur ocu¬
laire externe, qui sont en dedans, et la racine inférieure du trijumeau, qui
est eu dehors. C’est une
petite colonne de substan¬
ce grise dirigée en sens
longitudinal, mesurant
3mm,5 de hauteur, sur
2mm,5 de diamètre. Elle se
trouve située au-dessus
du noyau ambigu, un
peu au-dessous du noyau
masticateur. Comme ces
deux derniers noyaux, le
noyau du facial représen¬
te, dans la région qu’il oc¬
cupe, la tête de la corne
antérieure.
b) Trajet intra-bulbaire
du facial. — Le trajet ca¬
Fig. 57. ché ou intra-bulbaire du
Le nerf facial gauche (portion intra-bulbaire), vu sur
le plancher du quatrième ventricule et sur une nerf facial est très capri¬
coupe oblique passant à la fois par île point d’émer¬
cieux. Si nous suivons ce
gence du facial, par son noyau d’origine et par le
côté externe de l’eminentia teres. nerf de son point d’émer¬
1, plancher du quatrième ventricule. — 2, eminentia teres.
— 3, nerf facial, avec : 4, sa première portion ; 5, sa deu¬ gence vers la profondeur
xième portion ; 6, sa troisième portion ; 7, sa quatrième
portion ; 8, sa cinquième portion ; 9, son noyau d’origine. (lîg. 57), nous le voyons
— 10, protubérance annulaire. — 11, trijumeau, avec ses
deux racines. — 12, tubercules quadrijumeaux. tout d’abord se diriger
obliquement en arrière et
en dedans, vers le plancher du quatrième ventricule, et atteindre ce plan¬
cher, non pas exactement sur la ligne médiane, mais sur le côté
antéro-externe de cette saillie mamelonnée que l’on désigne sous le nom
d’éminentia teres et qui répond au noyau d’origine du nerf moteur oculaire
externe. S’infléchissant alors en dedans, il se porte transversalement et hori¬
zontalement jusqu’au raphé. Là, il se coude pour la seconde fois et se porte en
bas, en suivant une direction longitudinale parallèle à la ligne médiane. Après
avoir ainsi longé le raphé sur une étendue de 2 millimètres à 2mm,5, le fa-
Centre cortical du facial
NERF FACIAL 163

rial se coude de nouveau pour se porter transversalement en dehors. Arrivé à


l”11”,5 environ de la ligne médiane, il change une dernière fois de direction et
plonge dans la profondeur, pour rejoindre son noyau d’origine et s’y terminer.
Il résulte de cette description que le facial, dans son trajet intra-protubé-
rantiel, se coude quatre fois et, de ce fait, nous présente cinq portions, que
l’on désigne sous les noms de première, deuxième, troisième, etc., en allant
de la fossetle sus-olivaire au noyau d’origine. Rappelons, à ce sujet : 1° que
la cinquième et la quatrième portion constituent ce qu’on appelle la branche
d'origine du facial ; 2° que la deuxième et la
première portion forment sa branche de sor¬
tie ; 3° que sa troisième portion, enfin, cons¬
titue le fasciculus teres. Le coude, ordinaire¬
ment très accusé, que forme le fasciculus te¬
res, pour se continuer avec la branche de sor¬
tie, porte le nom de genou du facial.
c) Facial inférieur et facial supérieur. —
Le nerf facial, comme nous le verrons plus
loin, innerve tous les muscles peauciers de la
tête. Or, l’observation anatomo-clinique nous
apprend que, dans des cas de paralysie facia¬
le d’origine bulbaire, où le noyau du facial est
grossièrement altéré, un certain nombre de Schéma montrant quelle serait,
d’après Miïndel, l’origine du
muscles appartenant à la région supérieure de
facial supérieur.
la face, ne sont nullement atteints, et qu'il en 1, nerf moteur oculaire commun,
avec 1’, son noyau d’origine. — 2,
est de même, le plus souvent, dans l’hémiplé¬ nerf facial, avec 2’, son noyau
d’origine. — 3, facial supérieur,
gie d’origine cérébrale. Ces muscles, ainsi res¬ allant du noyau oculo-moteur com¬
mun au tronc du facial.
pectés par la paralysie, sont l’orbiculaire des
paupières, le sourciller et le frontal. Nous de¬
vrions donc admettre, ce semble : 1° que le noyau bulbaire du facial n’inner-
ve pas la totalité des muscles de la face, mais les muslces inférieurs seule¬
ment ; 2° que les trois muscles précités sont sous la dépendance d’un autre
centre ; 3° qu’en conséquence, il existe, intimement unis dans un même tronc,
un nerf facial inférieur et un nerf facial supérieur, ayant chacun son noyau
d’origine propre :
®) Le noyau facial inférieur serait le noyau bulbaire, le noyau classique,
celui que nous avons décrit plus haut ;
fi) Quand au noyau facial supérieur, celui qui tient sous sa dépendance les
trois muscles orbiculaire des paupières, sourcilier et frontal, il a été considéré
pendant longtemps comme étant placé dans le noyau de l’oculo-moteur exter-
164 lès Nerfs crâniens

ne. Mais cette opinion doit être abandonnée, le noyau en question ne fournis¬
sant aucune fibre au nerf facial. D’après Mendel (fig. 58), le noyau facial
supérieur serait représenté par la partie toute postérieure du noyau de
roculo-moteur commun : de ce noyau partiraient des fibres qui passeraient
dans la bandelette longitudinale postérieure, descendraient avec clic jusqu’au
genou du facial et, là, se jetteraient dans la branche de sortie de ce nerf, pour
gagner en définitive, par la branche temporo-faciale, le groupe musculaire
qui leur est dévolu. L’opinion de Mendel, admise par les uns, combattue par
les autres, n’a pas résisté aux recherches expérimentales récentes de Marinesco
et de van Gehijchten. Ces deux neurologistes, à la suite de nombreuses sections
du facial supérieur, ont vu cette section déterminer de la chromolyse dans la
partie postérieure du noyau classique du facial, et ils n’ont pas hésité à placer
dans ce noyau Lorigine des fibres qui se rendent aux muscles supérieurs de
la face : le noyau bulbaire serait donc à la fois le noyau du facial inférieur
et le noyau du facial supérieur, le noyau unique du facial.
Les cellules constitutives du noyau facial sont entourées par un riche ré¬
seau de fibrilles. Ces fibrilles, qui apportent aux cellules en question les inci¬
tations motrices destinées à les mettre en jeu, proviennent de diverses sour¬
ces : 1° de la voie, pyramidale (faisceau géniculé), cette voie est croisée ; 2°
de la voie sensitive centrale, notamment des fibres efférentes des noyaux sen¬
sitifs du trijumeau ; 3° de la voie optique et de la voie acoustique, par. les
fibres, bien connues, qui, du tubercule quadrijumeau antérieur, descendent
dans la bandelette longitudinale postérieure. De ces trois groupes de fibres
nerveuses qui se rendent au noyau du facial, les premières (fibres de la
voie pyramidale) sont affectées aux mouvements volontaires ; les autres
(fibres de la voie sensitive et de la voie sensorielle) sont en rapport avec les
mouvements réflexes.

u) Intermédiaire de Wrisberg. — De la fossette latérale du bulbe, où il


émerge, l’intermédiaire de Wrisberg se porte obliquement en arrière et en
dedans, vers le plancher du quatrième ventricule.
Ses fibres se comportent exactement comme les fibres sensitives du glosso-
pharyngien, qui est placé immédiatement au-dessous. Elles se bifurquent
chacune en deux branches, l’une ascendante, l’autre descendante : les bran¬
ches ascendantes vont se terminer dan? la partie supérieure de l’aile grise, qui,
comme on le sait, représente la base de la corne postérieure ; les branches
descendantes se rendent à l’extrémité supérieure du faisceau solitaire, qui
représente la tête de celte même corne postérieure. Les unes et les autres
se terminent, comme toutes les fibres sensitives, par des arborisations libres.
NERF FACIAL 165

Les relations centrales de l’intermédiaire de Wiusberc sont vraisemblable¬


ment. les mêmes que celles du glosso-pharyngien.

3° Trajet. — Si maintenant nous suivons les deux branches d’origine du


facial en sens inverse, de la fossette sus-olivaire vers leur champ de termi¬
naison, nous voyons le facial proprement dit se porter obliquement en haut,
en avant et en dehors, gagner le conduit auditif interne et s’y engager en
compagnie du nerf auditif. Arrivé dans le fond du conduit, il s’infléchit en
avant, pénètre dans l’aqueduc de Fallope, qui lui est spécialement destiné,
et le parcourt dans toute son étendue, en suivant régulièrement ses diverses
inflexions. C’est ainsi qu’il nous présente
deux coudes et trois portions délimitées par
ces coudes : une première portion, horizonta¬
le et antéro-postérieure, longue de 3 à 5 mil¬
limètres, allant du fond du conduit auditif
interne au premier coude ; une deuxième por¬
tion, transversale et légèrement inclinée en
dehors, allant d’un coude à l’autre, et mesu¬
rant de 10 à 12 millimètres de longueur ; une
troisième portion, enfin, dirigée verticalement
en bas, et s’étendant du deuxième coude au
trou stylo-mastoïdien ; elle mesure, comme Le nerf facial, l'intermédiaire
la précédente, de 10 à 12 millimètres de lon¬ de Wrisberg et te nerf audi¬
tif, vus en place dans le con¬
gueur. À sa sortie du trou stylo-mastoïdien, le duit auditif interne.
1, Nerf auditif, avec : 2, sa bran¬
nerf facial se dirige en bas et en avant et, che cochléenne ; 3, sa branche ves-
tibulaire. — 4, nerf facial, érigné
après un parcours de 10 à 15 millimètres, se en haut et en dehors. — 5. inter¬
médiaire de Wrisberg. — 6, repli
divise en deux branches terminales l’une su¬ semi-lunaire.

périeur, la branche temporo-faciale ; l’autre


inférieure, la branche cervico-faciale. Nous les retrouverons tout à l’heure.
Le nerf de Wrisberg suivant exactement le même trajet que le facial
proprement dit, s’engage avec lui dans le conduit auditif interne, où il che¬
mine entre le facial et l’auditif, justifiant ainsi son nom d’iintermédiaire.
Comme le facial encore, il pénètre dans l’aqueduc de Fallope et, arrivé au
premier coude (lig. 60), il se perd dans un petit ganglion qui, en raison de ‘a
situation sur le point où le facial change de direction (coude ou genou), a reçu
le nom de ganglion géniculé. Tl se présente d’ordinaire sous la forme d’une
petite pyramide triangulaire, dont la base, dirigée en arrière, coiffe le premier
coude du facial, et dont le sommet, dirigé en avant, se trouve juste en regard
de l’hiatus de Fallope. C’est au niveau de son angle interne que le ganglion
géniculé reçoit l’intermédiaire de Wrisberg.
166 LES NERFS CRANIENS

Histologiquement, le ganglion géniculé a la même structure que les gan¬


glions spinaux. Il en a aussi la signification : c’est l'homologue d’un ganglion
spinal. Il en résulte : 1° que l’intermédiaire de Wrisberg, avec son ganglion
géniculé, a la signification d’une racine sensitive rachidienne ; 2° que le
facial proprement dit a, de son côté, la signification d’une racine motrice
rachidienne ; 3° que le facial, en aval du ganglion géniculé, est un vérita¬
ble nerf mixte, ayant tous les caractères d’une paire rachidienne.

4° Anastomoses, — Dans le conduit auditif interne, le facial s’anastomose


avec le nerf auditif. Au-delà du conduit, il s’anastomose encore, soit par son
tronc, soit par ses branches, avec le glosso-pharyngien, le trijumeau, le
pneumogastrique, le plexus cervical superficiel.

5° Mode de distribution. — Le nerf facial, outre ses deux branches termi¬


nales, fournit au cours de son trajet dix branches collatérales : les unes dans
l’épaisseur même du rocher, ce sont les branches collatérales intra-pétreuses ,
les autres au-dessous du trou stylo-mastoïdien, ce sont les branches collatérales
extra-pétreuses.

a) Branches collatérales intra-pétreuses. — Elles sont au nombre de


cinq, qui sont en allant de haut en bas :
1° Le grand nerf pétreux superficiel. — Le grand nerf pétreux superficiel se
détache du sommet du ganglion géniculé (fig. 49), en face de l’hiatus de Fallo-
pe. 11 sort du rocher par cet hiatus et chemine alors sur la face antérieure de
l’os, dans une gouttière spéciale qui l’amène au trou déchiré antérieur. Sur
la face antérieure du rocher, le grand nerf pétreux superficiel, nerf moteur,
reçoit du nerf glosso-pharyngien un petit filet sensitif, le grand nerf pétreux
profond, que nous retrouverons plus loin. Arrivé au trou déchiré antérieur,
il est rejoint par un rameau du plexus carotidien et, ainsi grossi de ce rameau
sympathique, il prend le nom de nerf vidien. Nous savons qu’il sort du crâne
par le trou déchiré antérieur, qu’il traverse alors le canal vidien et se perd
dans le ganglion sphéno-palatin.
2° Le petit nerf pétreux superficiel. — Le petit nerf pétreux superficiel se
détache également du ganglion géniculé, un peu en dehors du précédent, et
s’engage aussitôt dans un petit canal spécial, qui le conduit à la face anté¬
rieure du rocher. Là (fig. 52), il reçoit un filet sensitif, le petit pétreux pro¬
fond, branche du glosso-pharyngien, sort du crâne par un petit pertuis situé
entre le trou ovale cl le trou petit rond et vient se terminer dans le ganglion
o tique.
3° Le nerf du muscle de l’étrier. — Il naît dans la troisième portion de
NERF FACIAL 107

l’aqueduc de Fallope et pénètre dans la pyramide pour se terminer dans le


muscle de l’étrier.
4° La corde du tympan. — La corde du tympan, que l’on considère géné¬
ralement comme la continuation de l’intermédiaire de Wrisberg, est un ra¬
meau relativement volumineux, qui se sépare du facial un peu en aval du pré¬
cédent, à 3 ou 4 millimètres au-dessus du
trou stylo-mastoïdien.
Suivant immédiatement après un trajet ré¬
current, elle se porte en haut et en avant,
s'engage dans un canal osseux particulier,
le canal postérieur de la corde, et arrive alors à
la partie postérieure et supérieure de la caisse du
tympan. Elle traverse cette cavité d’arrière en
avant, en s’appliquant contre la partie supé¬
rieure de la membrane du tympan, sort de la
caisse par un nouveau
canal osseux, lq canal
antérieur de la corde, et
arrive ainsi à la base
du crâne par un orifice
voisin de l’épine du
sphénoïde. S’infléchis¬
sant alors en bas et en
avant, elle se porte vers Fig. GO.
L’intermédiaire de Wrisberg dans scs rapports avec
le nerf lingual, l’atteint le facial et le lingual.
et se fusionne avec lui. 1. langue, vue par son côté gauche. — 2, V lingual. — 3.
glande sous-maxillaire avec 3’, canal de Warthon. — 4, ganglion
Une fois fusionnée avec sous-maxillaire. — 5, nerf facial, avec : 5’, 5”, 5”’, ses trois
segments dans l’aqueduc de Fallope. — 6, trou stylo-mastoïdien.
le lingual (fig. 60), la — 7, ganglion génicule. — 8, grand nerf pétrèux superficiel. —
9, petit nerf pétreux superficiel. — 10, nerf lingual. — 11, inter¬
médiaire de Wrisberg. — 12, corde du tympan (on voit nette¬
cordc du tympan parta¬ ment que l’intermédiaire se jette dans le ganglion géniculé, en
ressort sur le côté opposé, s’incorpore an facial, qu’il abandon¬
ge le trajet et la distri¬ ne un peu au-dessus du trou stylo-mastoïden pour devenir la
corde du tympan et se jeter dans le lingual. — 13, nerf glosso-
bution de ce dernier pharyngien, avec 13’. son ganglion, le ganglion d’Andersch. —
14, ses branches terminales à la base de la langue, en arrière
nerf. Elle se termine du V lingual.

comme lui : 1° dans les


deux glandes sous-maxillaire et sub-linguale, auxquelles elle envoie des li¬
bres dilatatrices et des libres secrétoires ; 2° dans la muqueuse de la moitié
antérieure de la langue, à laquelle elle fournit très probablement des fibres
vaso-dilatatrices pour les vaisseaux, des fibres secrétoires pour les glandes, et
des fibres gustatives pour les corpuscules du goût.
Gomme on le voit, la corde du tympan, continuation de l’intermédiaire de
168 LES NERFS CRANIENS

Wrisberg, a exactement les mêmes fonctions que le glosso-pharyngien, et,


quelques auteurs, parmi lesquels figurent Mathias Duval et Grasset, ont pu,
non sans raisons, la considérer comme un rameau erratique de ce dernier nerf.
5° Le rameau anastomotique du pneumogastrique. —Ce rameau, qu’on dé¬
signe encore sous le nom de rameau auriculaire du pneumogastrique (Arnold,

Valentin) ou de rameau de la fosse jugulaire CCruveilhier), se détache du fa¬


cial au même niveau que la corde du tympan. Aussitôt né, il s’engage dans
un petit canal osseux qui l’amène dans la fosse jugulaire. Longeant alors la
paroi antérieure de cette fosse, il contourne en demi-cercle la veine jugulaire
interne et arrive au ganglion supérieur du pneumogastrique, dans lequel
il se termine. On admet généralement que le rameau de la fosse jugulaire est
en réalité constitué par deux rameaux accolés et cheminant en sens inverse :
1° un rameau moteur, allant du facial au ganglion jugulaire du pneumogas¬
trique ; 2° un rameau sensitif, provenant de ce même ganglion et se diri¬
geant vers le facial.

b) Branches collatérales extra-pétrelses. -—- Elles sont également au


nombre de cinq, savoir :
1° Le rameau anastomotique du glosso-pharyngien. — Filet très grêle, se
détachant du facial immédiatement au-dessous du trou stylo-mastoïdien. 11
n’est pas constant. Quand il existe, il contourne en anse le côté antérieur de
la jugulaire interne et vient se terminer dans le muscle glosso-pharyngien un
peu au-dessous du ganglion d’Andersch.
2° Le rameau auriculaire postérieur. — Il naît également au-dessous du trou
stylo-mastoïdien. Il gagne le bord antérieur de l’apophyse mastoïde, contour¬
ne ce bord, arrive dans la région mastoïdienne et là, se divise en deux filets :
un filent ascendant, qui se perd dans les deux muscles auriculaire postérieur et
auriculaire supérieur ; un filet horizontal ou postérieur, qui se rend au muscle
occipital.
3° Le rameau du digastrique. — Il vient se jeter dans le ventre postérieur
du muscle digastrique.
4° Le rameau du stylo-hyoïdien. — Il se porte obliquement en bas, en avant
et en dedans, pour se terminer dans le muscle stylo-hyoïdien.
5° Le rameau lingual. — Il naît, comme les précédents, au-dessous du trou
stylo-mastoïdien, oblique en bas et en avant et croise la face latérale du
pharynx, où quelques filets du glosso-pharyngien viennent constamment le
rejoindre et le renforcer. Puis, il descend vers la base de la langue et s’y ter¬
mine par deux ordrs de filets : des filets sensitifs, qui s’épuisent dans la
muqueuse linguale ; des filets moteurs, qui se rendent aux deux muscles
glosso-staphylin et stylo-glosse,
NERF FACIAL 169

c) Branches terminales. — Au nombre de deux, elles se distinguent en


supérieure ou temporo-faciale et inférieure ou cervico-faciale :
a) Branche temporo-faciale. — La branche temporo-faciale, logée tout
d’abord dans l’épaisseur de la parotide, se porte en haut et en avant, vers le
col du condyle du maxillaire inférieur, où elle reçoit (fig. 61) une anastomose
du nerf auriculo-temporal, branche du maxillaire inférieur. Elle se partage
immédiatement après en un très grand nombre de rameaux divergents, que
nous diviserons en cinq groupes : 1° des filets temporaux, qui se dirigent vers
la région temporale et se perdent dans le muscle auriculaire antérieur ; 2° des
filets frontaux, qui se portent vers le muscle frontal
et se terminent dans ce muscle ; 3° des filets palpé¬
braux, qui se portent vers les paupières et s’y ter¬
minent dans les deux muscles sourcilier et orbicu-
laire des paupières ; 4° des filets nasaux ou sous-
orbitaires, destinés au grand zygomatique, au petit
zygomatique, au canin, à l’élévateur propre de la
lèvre supérieure, à l’élévateur commun de l’aile du
nez et de la lèvre supérieure, au pyramidal, au
triangulaire du nez, au dilatateur des narines et au
myrliforme ; 5° des filets buccaux supérieurs, desti¬
nés au muscle buccinateur et à la moitié supérieure
Anastomoses des deux
de l’orbiculaire des lèvres. branches terminales du
facial avec l’auriciilo-
b) Branche cervico-faciiale. — La branche cervico¬ teniporal et la branche
auriculaire du plexus
faciale est d’abord située, comme la précédente,
cervical.
dans l’épaisseur de la parotide. Suivant la direction 1, Branche de l’os maxil¬
laire inférieur. — 2, lobule
du tronc dont elle émane, elle se porte oblique¬ de l’oreille. — 3, nerf facial.
— 4, sa branche temporo-
ment en bas et en avant, reçoit ordinairement une faciale. — 5, sa branche
cervico-faciale. — 6, nerf
anastomose sensitive de la branche auriculaire du auriculo-temporal, avec 7,
deux filets anastomotiques
pour la branche temporo-
plexus superficiel (fig. 61), et, arrivée à l’angle du faciale. — 8, branche auri¬
culaire du plexus cervical,
maxillaire inférieur, se partage en de très nombreux avec 9, rameau anastomoti¬
que pour la branche cer¬
filets divergents, que l’on peut ramener à trois grou¬ vico-faciale.

pes : 1° des filets buccaux inférieurs, qui se distri¬


buent au risorius, au muscle buccinateur cl à la moitié inférieure de l’orbicu¬
laire des lèvres ; 2° des filets mentonniers, qui se terminent dans les trois
muscles triangulaire des lèvres, carré du menton et houppe du menton ; 3°
des filets cervicaux, qui descendent obliquement dans la région sus-hyoïdien¬
ne, pour se distribuer au muscle peaucier du cou.
Indépendamment des branches terminales que nous venons de décrire et
qui toutes se rendent à des muscles, on rencontre toujours, quand on dissè-
170 LES NERFS CRANIENS

que le facial avec soin, quelques fines ramifications qui se rendent à la peau.
Ces filets cutanés, nettement sensitifs, n’appartiennent pas en propre au
facial, lequel, à son origine, est exclusivement moteur. Ils proviennent vrai¬
semblablement des rameaux anastomotiques sensitifs, ci-dessus décrits, qui
se mêlent aux libres du facial, soit au niveau du tronc nerveux lui-même,
soit au niveau de ses deux branches terminales.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

Pour le nerf facial, comme pour les nerfs précédents, nous décrirons tout
d’abord ses fondions, puis sa paralysie. Nous étudierons, en terminant, le
syndrome du ganglion géniculé et les hémispasmes faciaux.

A) FONCTIONS DU NERF FACIAL

Par les fibres provenant de son noyau bulbaire et formant sa racine interne,
le nerf facial commande à lui seul, ainsi que l’a démontré Cit. Bell en 182Î,
la motilité de tous les muscles peauciers de la face. Sur ce point aucune con¬
testation n’est possible. Par contre, on a beaucoup discuté et on discute encore
aujourd’hui sur les fonctions de sa petite racine, qui constitue le nerf de
Wrisberg et du renflement ganglionnaire (ganglion géniculé) qui lui fait suite.

1° Opinion des anatomistes. — La plupart des anatomistes, frapppés


par les analogies morphologiques qui existent entre le mode de coalescence
des deux racines du facial et la façon dont les racines antérieures et postérieu¬
res de la moelle se réunissent pour former les nerf rachidiens, ont émis l’opi¬
nion que la grosse et la petite racine du nerf facial étaient les analogues d’une
racine antérieure et d’une racine postérieure de la moelle ; que la première
était motrice, la seconde sensitive, et qu’à elles deux elles formaient une paire
nerveuse absolument comparable aux paires rachidiennes qui donnent nais¬
sance aux nerfs mixtes du tronc et des membres.
Les physiologistes n’admettent généralement pas cette manière de voir.
Pour des raisons que nous indiquerons dans un instant, ils enseignent que
si la grosse racine du facial est bien une racine motrice, la petite n’est pas une
racine sensitive, mais plutôt une racine du grand sympathique ou un rameau
aberrant du nerf glosso-pharyngien. Des expériences très précises, dont la
plupart ont été faites par Magendie, Longet, Claude Bernard, Vulpian, etc.,
démontrent, en effet, que b' facial et le nerf de Wrisberg accolés et confondus
dans une partie de leur parcours ont cependant dès leur origine, des fonc-
NERF FACIAL 171

tions différentes. Physiologiquement, le facial e.st un nerf moteur pur, le nerf


de Wrisberg un nerf surtout vaso-moteur et sécrétoire contenant un certain
nombre de fibres sensorielles ou gustatives et pas ou peu de fibres de la sensi¬
bilité générale.

2° Données de l’expérimentation. — Les expériences qui ont conduit les


physiologistes à cette conclusion ont porté : 1° sur les racines du facial à
l’intérieur du crâne ; 2° sur ses branches terminales après sa sortie du trou
stylo-mastoïdien ; 3° sur les branches collatérales qui se détachent de lui
dans son trajet intra-pétreux.
a) Expériences portant sur les racines. — L’excitation de la grosse racine
du facial à l'intérieur du crâne, avant sa réunion avec le nerf de Wbisberg,
fait contracter énergiquement tous les muscles peauciers de la face : elle ne
détermine pas de douleurs. Sa section donne lieu à la paralysie immédiate
et complète des mêmes muscles ; elle ne provoque d’anesthésie dans aucun
point de la face.
L’excitation isolée de la petite racine est pratiquement irréalisable. Il en
est de même de sa section entre sa sortie du bulbe et le ganglion géniculé.
Mais on peut couper ensemble ou arracher simultanément les deux racines
du facial. Dans ce cas, aux phénomènes de paralysie des muscles, produits
par la section de la grosse racine seule, s’ajoutent des troubles de la gusta¬
tion dans les deux tiers antérieurs de la langue, quelques troubles de la
circulation vaso-motrice de la moitié correspondante de cet organe et une
diminution de la sécrétion salivaire du même côté.
11 paraît donc résulter de cette série d’expériences : 1° que la grosse racine
du facial est exclusivement motrice ; 2° que sa petite racine n’est pas sensi¬
tive, mais qu’elle contient des fibres sensorielles gustatives, des fibres vaso¬
motrices et des fibres sécrétoires. Cette petite racine n’est donc pas un nerf
sensitif vulgaire analogue à une racine postérieure de la moelle. Et voilà
une première raison de nature à faire repousser l’hypothèse d’après laquelle la
grosse et la petite racine du facial formeraient une paire nerveuse analogue
à une paire rachidienne résultant de la coalescence d’une racine antérieure
motrice et d’une racine postérieure sensitive.
b) Expériences portant sur la portion extra-çranienne du facial. — La sec¬
tion du facial, immédiatement après sa sortie du trou stylo-mastoïdien, est
suivie de la paralysie de tous les muscles peauciers de la face et du cou. Elle
ne détermine ni anesthésie du visage, ni troubles de la gustation, ni troubles
vaso-moteurs ou sécrétoires. Elle équivaut donc à la section isolée de la gros¬
se racine de ce nerf.
172 LES NERFS CRANIENS

L’excitation du tronc du facial, après sa sortie du crâne ou celle de ses


branches périphériques, provoque la contraction de tous les muscles peau-
ciers du visage, ou celle de ceux de ces muscles qui sont innervés par la
branche excitée. Mais, contrairement à ce qui s’observe après l’irritation des
racines du facial dans le crâne, elle donne lieu en même temps à des réac¬
tions douloureuses non équivoques. L’animal manifeste, par ses cris et son
agitation, qu’il souffre et qu’il souffre notablement.
Le nerf facial, à sa sortie du crâne, contient donc des fibres sensitives qui
ne se trouvaient pas dans ses racines. D’où proviennent-elles ? Quelques-unes
peuvent bien venir des anastomoses que reçoit le facial dans son trajet intra-
pétreux. Mais la grande majorité provient de fibres récurrentes parties du
trijumeau, qui se sont introduites dans le facial au voisinage de ses termi¬
naisons périphériques. La preuve que ce sont bien des fibres à trajet récur¬
rent qui donnent la sensibilité au facial, c’est que, si après avoir coupé l'une
des branches de ce nerf, on excite successivement le bout central et le bout
périphérique de cette branche, on constate que le bout central est à peu
près complètement insensible, tandis que le bout périphérique est très sen¬
sible. Ce serait tout l’opposé qui se produirait, s’il s’agissait d’un nerf sensi¬
tif ordinaire. La preuve que ces fibres récurrentes viennent du trijumeau,
c’est que si après avoir sectionné une branche du facial et constaté que l’exci¬
tation de son bout distal provoque de la douleur, on pratique la section
intra-cranienne du ganglion de Gasser du même côté, toute réaction sensi¬
tive disparaît dans le segment distal du facial sectionné. La sensibilité du
facial est donc bien une sensibilité d’emprunt qui lui vient par récurrence
du trijumeau. Et c’est là une nouvelle raison pour repousser l'hypothèse
d’après laquelle le nerf de Wrisberg serait la racine postéi’ieure d’une paire
nerveuse dont le facial serait la racine antérieure, car la caractéristique pliy-
siologique d’une paire nerveuse réside dans le fait que la sensibilité de sa ra¬
cine motrice provient par récurrence de la racine sensitive correspondante,
tandis que, dans le facial, ce n’est pas du nerf de Wrisberg que parlent les
fibres récurrentes de la racine motrice, c’est du trijumeau.
c) Expériences portant sur la portion intra-pétreuse. — Les expériences
précédentes ont démontré que la section simultanée des deux racines du
facial à l’intérieur du crâne, avant la pénétration du tronc nerveux formé par
coalescence de ses deux racines dans le conduit auditif interne, provoque
entre autres phénomènes des troubles vaso-moteurs et sécrétoires qui ne se
produisent pas lorsqu’on coupe isolément la grosse racine de ce nerf (seule
accessible à l’expérimentation) et qui 11e se développent pas non plus lors¬
qu’on sectionne le nerf facial après sa sortie dü crâne. On peut déduire de
NERF FACIAL 173

ces observations que les libres vaso-motrices et sécrétoires qui sont conte¬
nues dans le facial, lui arrivent par l’intermédiaire de sa petite racine (nerf
de Wrisberg ; qu’elles restent pendant un certain temps mélangées à ses
libres pi’oprcs provenant de sa grosse racine, et qu’elles s’en séparent en
passant par quelques-unes des branches collatérales qu’il émet dans le canal
de Fallope, puisqu’elles n’existent plus dans les branches terminales du nerf
après sa sortie du crâne par le trou stylo-mastoïdien.
Deux de leurs voies d’échappement nous sont déjà connues, car nous avons
eu l’occasion de les décrire à propos du trijumeau fvov. p. 117 et suiv.). La
première est la coxde du tympan qui, après s’être détachée du facial, un peu
au-dessus du trou, stylo-mastoïdien, traverse la cavité tympanique, et va se
fusionner avec un rameau de la branche maxillaire inférieure du trijumeau,
pour former avec lui le nerf lingual, auquel il fournit les libres gustatives
et les fibres vaso-dilatatrices et sécrétoires qui vont finalement se terminer
les unes directement dans la muqueuse de la langue, les autres par l'inter¬
médiaire des ganglions sous-maxillaire et sublingual, dans les glandes sali¬
vaires correspondantes. Les dîssecïions anatomiques les plus délicates n’au¬
raient jamais pu isoler, dans le nerf lingual, les fibres provenant de la corde
du tympan et celles appartenant en propre an trijumeau. Elles n’auraient
pas pu davantage déterminer les fonctions spéciales de chacune d’elles. Des
expériences physiologiques très précises ont résolu ce problème, par une
méthode identique à celle qui a permis de reconnaître les fonctions différen¬
tes des deux racines du facial. Elles ont tout d’abord démontré que la sec¬
tion du lingual abolissait la sécrétion des glandes sous-maxillaire et sublin¬
guale, tandis que son excitation l’exagérait (Ludwig), puisque la section ou
l’excitation de la corde du tympan (très facile à pratiquer dans la cavité tym¬
panique), avait les mêmes effets vaso-dilatateurs et sécrétoires que la section
ou l’excitation du nerf lingual lui-même (Claude Bernard) ; puis, enfin, que
si, après avoir coupé la corde du tympan, on attendait quelques jours avant
d’expérimenter sur le nerf lingual — de façon à laisser à la dégénération
wallérienne le temps de se produire et d’abolir toute excitabilité dans le
bout périphérique des libres de la corde séparées de leur centre trophique —
la section ou l’excitation du nerf lingual ne provoquait plus de modifications
appréciables dans la circulation de la muqueuse de la langue ni dans la sécré¬
tion des glandes sous-maxillaire et sublinguale (Yulpian). fl est donc bien
certain aujourd’hui que les fibres vaso-dilatatrices et sécrétoires, qui se trou¬
vent dans le nerf lingual, n’appartiennent pas au trijumeau, qu’elles pro¬
viennent, par l’intermédiaire de la corde du tympan, du nerf facial qui les
a reçues lui-même de sa racine interne, c’est-à-dire du nerf de Wrisberg.
174 LES NERFS CRANIENS

La seconde voie d’échappement des fibres du facial provenant du nerf de


Wrisberg, est le petit nerf pétreux superficiel qui, partant du ganglion géni-
culé, va se rendre avec'le petit nerf pétreux profond (venu du glosso-pharyn-
gien), au ganglion otique et s’engage ensuite dans le nerf auriculo-temporal
(branche du trijumeau), avec lequel il va se distribuer à la glande parotide
et aux glandules des joues et des lèvres. Sa physiologie est moins bien con¬
nue que celle de la corde du tympan (vov. noie de la p. 125. Ce qu’on en sait
tend cependant à faire croire qu’il y a entre les deux les plus étroites analogies.
Le petit nerf pétreux superficiel joue vis-à-vis du nerf auriculo-temporal et de
la parotide le même rôle que la corde du tympan vis-à-vis du nerf lingual et
des glandes sous-maxillaire et sublinguale.
d) Résumé. — En résumé, par ses fibres propres provenant de sa grosse
racine, le nerf facial est exclusivement moteur ; il innerve tous les muscles
peauciers de la face, dont le jeu détermine les expressions de la physio¬
nomie. Par sa petite racine (nerf de Wrisberg), il reçoit les fibres vaso-mo¬
trices, sécrétoires et gustatives, qui se distribuent à la muqueuse des deux
tiers antérieurs de la langue et aux glandes salivaires. Les fibres de sensibi¬
lité générale qui se trouvent dans ses branches périphériques sont, tout au
moins en majeure partie, des fibres récurrentes issues du trijumeau.
Ce qu’il y a de plus remarquable dans le facial, c’est l’extrême complexité
de ses relations anatomiques et fonctionnelles avec les nerfs voisins, particu¬
lièrement avec le trijumeau et le glosso-pharyngien. Ces trois nerfs étroite¬
ment associés tiennent sous leur dépendance la plupart des phénomènes mo¬
teurs, sensitifs, réflexes, vaso-moteurs et sécrétoires, qui se produisent inces¬
samment dans la face.

B) PARALYSIE DU NERF FACIAL

On distingue en clinique deux formes différentes de paralysies faciales :


les centrales et les périphériques. Les premières succèdent à des lésions intra-
encéplialiques, corticales, capsulaires, pédonculaires ou bulbaires. Elles ont
des cai'actères spéciaux que nous indiquerons quand nous étudierons les cen¬
tres nerveux. Nous ne nous occuperons en ce moment que des paralysies péri¬
phériques du nerf facial, c’est-à-dire de celles qui résultent de lésions du nerf
entre son origine apparente et ses extrémités terminales. Il en existe deux va¬
riétés, selon que les lésions qui leur donnent naissance se trouvent dans la por¬
tion intra-pétreuse du trajet du facial ou dans le tronc du nerf près son émer¬
gence du trou stylo-mastoïdien.
NERF FACIAL 175

1° Paralysie faciale par lésions, traumatiques ou spontanées, du tronc du


nerf facial à sa sortie du trou stylo-mastoïdien. — C’est de beaucoup
la variété la plus commune, c’-est elle qui correspond à la paralysie idiopa¬
thique vulgaire, dite a frigore, dont les exemples s’offrent journellement à
l'observation des cliniciens.
Le premier phénomène qui frappe l’attention du médecin, en présence
d’un malade atteint de paralysie-faciale, c’est l’asymétrie du visage. Du côté
paralysé, l’œil reste largement ouvert ; il ne peut être fermé volontairement ;
le clignement physiologique ne s’y produit plus.
L’aile du nez, aplatie, ne se relève pas dans
l'acte du reniflement, ou dans les larges ins¬
pirations. La commissure labiale est entraî¬
née vers le côté sain. Les rides du front sont
effacées. La joue flasque se soulève comme
un voile inerte, dans les expirations forcées.
- Le malade ne peut pas gonfler les joues, par¬
ce que, lorsqu’il tente de le faire, l’air
s’échappe de sa bouche par suite de l’occlu¬
sion insuffisante des lèvres du côté paralysé.
Le peaucier du cou ne forme plus de stries
saillantes, sous la peau de la région sus-cla¬
viculaire, dans les efforts de flexion de la
tête vers le sternum.
L’asymétrie du visage s’exagère considéra¬
blement, quand les muscles du côté sain se
contractent avec quelque énergie. Dans le
Fig. 62.
rire ou le pleurer, la commissure des lèvres Paralysie faciale gauche : dévia¬
est fortement entraînée vers le côté ou les tion des lèvres vers le côté
sain, lorsque le malade ouvre
muscles ont conservé toute leur puissance largement la bouche ; inoc¬
clusion de l’œil du côté pa¬
contractile. Lorsqu’on demande au malade ralysé.
d ouvrir largement la bouche, l’orifice buccal
prend une forme oblique-ovalaire ou triangulaire tout à fait caractéristique
(flg. 62.)

Par suite de l’atonie de tous ses muscles superficiels, la moitié paralysée de


la face est inexpressive. Fdle n’a plus de mimique. Les jeux si variés de la phy¬
sionomie humaine qui extérorisent nos sentiments intimes de tristesse ou de
crainte, de bienveillance ou de méchanceté, etc., y font absolument défaut ;
et le contraste qui se produit alors entre les deux moitiés de la face, dont
l’une reste figée dans une immobilité marmoréenne, tandis que l’autre rit ou
176 LES NERFS CRANIENS

pleure comme à l'élat normal, a quelque chose d’inattendu et de désharmoni-


que qui lui donne un aspect toujours grimaçant, parfois même grotesque.
Les réactions électriques varient, comme dans toutes les paralysies des
nerfs périphériques, selon le degré de gravité des lésions provocatrices. S’il
s’agit de lésions légères n’atteignant qu’une partie peu importante des libres
nerveuses, on ne constate que de l’hypoexcitabilité faradique et galvanique ;
si la totalité ou la majorité des fibres sont interrompues, on trouve de l’inex¬
citabilité aux courants faradiques avec réaction de dégénérescence et lenteur
de la secousse.
Avec cela, la motilité des globes oculaires (i), des mâchoires, de la langue,
est intégralement conservée. 11 en est de même de celle du voile du palais
et du pharynx. La sensibilité objective de la peau du visage et celle des mu¬
queuses oculaire, palpébrale, pituitaire, buccale, linguale, est intacte.
La vision, l’olfaction, l’audition ne sont pas affaiblies. Il n’existe aucune
perturbation de la régulation vaso-motrice de la face ni des sécrétions sali¬
vaires. A peine constate-t-on un peu d’exagération, plus apparente que réelle,
de la sécrétion lacrymale, exagération qui dépend peut-être en partie de la
dessiccation de la cornée et de la conjonctive due au défaut de clignement,
mais qui résulte surtout de l’éversion du bord inférieur de la paupière, dont
le constricteur a perdu sa tonicité et de la paralysie du muscle de Horner
qui empêche les larmes de passer aussi librement que du côté sain dans le
canal lacrymal.

(1) Il existe cependant dans la paralysie du nerf facial quelques perturbations des
associations synergiques des muscles des globes oculaires et des paupières, qui se révè¬
lent en Clinique par les trois petits signes suivants :
1° Le signe de Ch. Bell ou de l’œil fuyant, découvert par Ch. Bell en 1823, a été décrit
par cet auteur sous le nom de phénomène hyperciriétique bulbe-palpébral. Il cont-
siste en oe que, quand on demande au malade de fermer ses paupières et que cel¬
les-ci, malgré ses efforts, restent largement ouvertes, l'œil se porte involontairement
en haut et en dedans, de façon à aller se cacher sous la paupière qui ne vient pas le
recouvrir ; ce n’est pas là un phénomène paralytique, c’est un phénomène de dérivation
des incitations motrices, analogue à ceux qui se produisent dans les membres quand un
nerf étant paralysé et que les malades veulent mouvoir les muscles innervés par ce nerf,
ce sont les muscles voisins ou antagonistes restés en relation avec les centres nerveux
qui se contractent.
2° Le signe de Négro ou du dénivellement des globes oculaires a été signalé en 1905
par le Professeur Négro, de Turin. Lorsqu’un paralysé du facial veut porter ses yeux
en haut, l’œil du côté paralysé s’élève davantage que celui dlu côté normal ; les deux
pupilles ne sont plus dans l’axe du même plan horizontal, elles sont dénivelées.
3° Le signe de Dupuy Dufemps et Cestan, ou signe du relèvement paradoxal de la*
paupière paralysée, a été décrit par ces auteurs en 1903. Si on invite le malade à re¬
garder en bas, ses deux globes oculaires se portent ensemble dans la direction indi¬
quée ; mais si, à ce moment, on lui ordonne de fermer fortement ses dieux yeux, la
paupière supérieure du côté sain s’abaisse au maximum, tandis que celle du côté pa¬
ralysé s’é'ève au lieu de s’abaisser.
NERF FACIAL 177

Tous les détails de la symptomatologie des paralysies périphériques du


nerf facial s’expliquent aisément par les notions exposées plus haut, sur la
distribution anatomique et les fonctions de ce nerf.
L’immobilité générale de l’hémi-face du côté malade, l’effacement des
plis du front, des joues et du cou, l’aplatissement de l’aile du nez, l’occlusion
incomplète des paupières et des lèvres, sont la conséquence immédiate et
nécessaire de l’interruption de la conductibilité dans le tronc nerveux par
lequel passent toutes les incitations physiologiques destinées aux fibres
motrices des muscles peauciers du côté correspondant.
L’entraînement des parties mobiles du visage vers le côté sain est l’effet
de la perte d’équilibre des forces toniques qui maintiennent, à l’état normal,
la symétrie des deux moitiés de la face, par rapport au plan médian antéro¬
postérieur. Les muscles du côté sain avant intégralement conservé leur tonus
et leur énergie contractile, tandis que les muscles du côté malade ont perdu
les leurs, les portions mobiles de la moitié malade de la face sont entraînées
vers le côté sain.
De même, le relèvement permanent de la paupière supérieure est dû à la
fois à la perte du tonus dans l’orbiculaire des paupières, innervé par le facial
paralysé, et à la conservation du tonus dans son antagoniste, le releveur de la
paupière supérieure qui, lui, est innervé par une branche du moteur oculaire
commun non paralysé.
Il est tout naturel que la motilité des muscles des globes oculaires de la
langue et des mâchoires ne soit pas atteinte dans la paralysie périphérique
du facial, puisque ce nerf est complètement étranger à l’innervation des dits
muscles.
Il est naturel également que la sensibilité générale de la face et des
muqueuses oculaire, pituitaire, linguale, soit intégralement conservée puis¬
qu’elle est assurée toute entière par le trijumeau ; que la vision soit intacte,
puisque le facial ne donne aucun filet, au nerf optique et que l’audition, la
gustation et l’innervation vaso-motrice et sécrétoire ne présentent aucune
perturbation, puisque les filets du facial qui participent à ces fonctions, se
détachent du tronc nerveux dans le canal de Fallope, au dessus, par consé¬
quent, du point où siègent les lésions qui donnent lieu à la forme de paraly¬
sie périphérique du facial que nous envisageons en ce moment.
Il est à peine besoin de dire que les plaies de la face sectionnent parfois
isolément l’une des branches ou l’un des rameaux du nerf facial. Il en résulte
des paralysies parcellaires, portant uniquement sur les muscles ou les grou¬
pes de muscles innervés par les branches ou les rameaux sectionnés. Il suffit
de connaître la distribution périphérique du facial pour se rendre compte de
la répartition éventuelle de ces paralysies parcellaires.
LES NERFS EN SCHÉMAS 12
178 LES NERFS CRANIENS

2° Paralysie faciale par lésions du nerf dans son trajet intra-pétreux.


— Lorsque les lésions provocatrices de la paralysie du facial siègent sur la
portion intra-pétreuse de ce nerf (fracture du rocher, ostéite du temporal,
exostose des parois du canal de Fallope, contusion ou section par des pro¬
jectiles d’armes à feu ou par des instruments tranchants dans le cours d’opé¬
rations chirurgicales, etc.), aux symptômes que nous venons d’indiquer
brièvement s’ajoutent quelques troubles de l'ouïe (bourdonnements d’oreil¬
les, paracousie douloureuse), une perte partielle des perceptions gustatives
dans les deux tiers antérieurs de la muqueuse linguale, et une diminution
des sécrétions salivaires du côté correspondant.
Ici encore, la pathologie s’explique par les notions anatomiques et physio¬
logiques précédemment exposées. Les troubles de l’audition sont dus à la
paralysie du muscle interne du marteau dont la fonction est d'accommoder
la tension de la membrane du tympan au degré d’intensité des sons qui l’im¬
pressionnent. Cette accommodation étant abolie par la paralysie de l’un des
muscles qui la commandent (l’autre est le muscle de l’étrier innervé par'
un filet du trijumeau), il y a non pas une perte de l’ouïe, mais une simple
perturbation de son fonctionnement qui se traduit par de la paracousie dou¬
loureuse. La perte de la sensibilité gustative dans les deux tiers antérieurs de
la langue, et la diminution de sécrétions salivaires, résultent de l’interrup¬
tion de la conductibilité nerveuse dans la corde du tympan et le petit nerf
pétreux superficiel.
Sur un seul point, il existe un désaccord entre les données fournies par
l'anatomie et celles qui résultent de l’observation clinique. D’après la plupart
des anatomistes, le facial innerverait tous les muscles du voile du palais,
sauf le péristaphylin externe. Il innerverait notamment : le péristaphylin
interne et le palato-staphylin, par l’intermédiaire du grand nerf pétreux
superficiel et du ganglion spliéno-palatiri ; le glosso-staphylin et le stylo-
glosse par son rameau lingual. Influencé peut-être par ces notions, on a
cru pendant longtemps que le voile du palais était dévié vers le côté sain
dans les paralysies du facial, comme le sont les muscles peauciers de la face.
Depuis les recherches de Lermoyez (18981, les laryngologistes les plus
autorisés nient l’existence de cette déviation, non seulement dans les cas de
paralysie idiopathique vulgaire, mais aussi dans ceux de paralysie par lésion
intra-pétreuse siégeant au-dessus du point où le grand nerf pétreux super¬
ficiel se sépare du tronc du facial. D’après eux, les muscles du voile du palais,
dont on attribuait naguère l’innervation au facial, sont, en réalité, innervés
par la branche interne du spinal, et la déviation vélo-palatine, qui est un des
NERF FACIAT, 179

signes constants de la paralysie de la IXe paire, ne s’observerait jamais dans la


paralysie de la VIIe.

C) LE ZONA OTITIQUE ET LE SYNDROME GÉNICULAIRE

Le zona facial ou otitique est, une affection peu commune mais fort intéres¬
sante, à cause des aperçus qu’elle ouvre sur quelques points de la physio¬
pathologie du ganglion géniculé et du nerf de Wrisberg.
Le premier auteur qui l’ait étudiée est le neurologiste américain Ramsay
IIunt. On connaissait avant lui les zonas trigéméllaires dans lesquels l’infec¬

tion zosténienne primitivement localisée au ganglion de Casser détermine


des éruptions vésiculeuses suivant exactement le trajet de l’une ou l’autre
des trois branches périphériques du trijumeau. Ramsay Hunt remarqua que
certains zonas occupaient électivement deux autres régions de la face : d’une
part, les téguments du conduit auditif externe, du tympan et de la face
externe du pavillon de l’oreille ; d’autre part, le bord externe de la portion
antérieure de la langue. 11 remarqua en outre que ces zonas, à localisation
otitique et linguale s’accompagnent comme tous les zonas, à leur période
d’éruption, de douleurs vives ; qu’ils se compliquent souvent, pendant leur
période d’état, de paralysie faciale et d’hypacousie du côté correspondant,
et sont habituellement suivis, après le dessèchement des vésicules, d’ilots
anesthésiques limités aux points occupés par 1 éruption spécifique. Leur
distribution topographique, les troubles sensitifs qui les accompagnent t
les suivent, la paralysie faciale et l’hypoacousie qui les compliquent lui
firent penser qu’ils étaient sous la dépendance de lésions zostériennes du
ganglion géniculé. Reprenant alors l’étude histologique du nerf de Wrisberg
et des dégénérations wallériennes de ses fibres après leur section au-dessus
ou au-dessous du ganglion géniculé, il arriva à se convaincre que la plu¬
part d’entre elles après avoir passé par la corde du tympan et le lingual,
ainsi que le démontraient les recherches expérimentales des physiologistes,
allaient se terminer dans la muqueuse des deux tiers antérieurs de la langue,
tandis que d’autres se rendant par le nerf auriculo-temporal allaient se per¬
dre dans les téguments du conduit auditif externe, du tympan et du pavil¬
lon de l’oreille auxquels elles donnent la sensibilité générale.
Dès loi’s toute la symptomatologie du zona facial s’expliqua facilement.
Le virus zostérien se fixe tout d’abord sur le ganglion géniculé, où sa pré¬
sence provoque des douleurs et une éruption zonateuse limitée aux extrémités
terminales des fibres centripètes issues du ganglion primitivement infecté,
180 LES NERFS CRÂNIENS

c’est-à-dire des fibres sensitives propres du nerf de Wrisberg. Le nerf de


Wrisberg étant accolé dans le canal de Fallope au faisceau moteur du facial
et dans le rocher à l’acoustique, ces deux derniers nerfs sont souvent altérés
par suite de leur voisinage avec le premier ce qui donne lieu à la paralysie
faciale et à l’hypoacousie du côté correspondant. Ainsi se trouve réalisé le
groupe des phénomènes qui constituent le syndrome du ganglion géniculé,
syndrome qui comprend lorsqu’il est au complet : 1° féruption zonateuse,
siégeant sur l’oreille externe et le bord externe de la partie antérieure de
la langue et accompagnée au début de douleurs et plus lard d’anesthésie ;
2° la paralysie faciale ; 3° les troubles de l’audition.
On remarquera que la notion nouvelle du syndrome géniculaire introduite
dans la sémiologie neurologique par Ramsay Hunt, n’infirme aucun des ré¬
sultats positifs fournis par la méthode expérimentale sur les fonctions vaso¬
motrices et sécrétoires de la corde du tympan et du sympathique. Elle conduit
seulement à penser que le nerf de Wrisberg contient aussi chez l’homme une
certaine quantité de fibres sensitives, qui"avaient échappé à l’attention des
anatomistes et des physiologistes.

D) LES HÉMISPASMES FACIAUX

Les hémispasmes faciaux étaient naguère confondus avec les tics de la


face, Brissaud les .en a séparés. Les tics sont, d’après lui, des mouvements
primitivement volontaires, déterminés par des sensations anormales siégeant
sur un point des lèvres, des paupières, du front ou bien résultant d’une sorte
d’entraînement par imitation ; ils deviennent automatiques et inconscients
par le fait seul de leur répétition. A proprement parler, les tics ne sont pas
une maladie, mais une mauvaise habitude transformée peu à peu en besoin
plus ou moins impérieux. Ils peuvent toujours être réfrénés par la volonté et
souvent guéris par les procédés de la psycho-thérapie ou par des exercices
très simples de gymnastique respiratoire.
Les spasmes faciaux sont au contraire dès leur début des phénomènes pa¬
thologiques. Ils surviennent le plus souvent chez des sujets qui après avoir
eu une paralysie faciale, ont conservé un certain degré d’hypertonie des mus¬
cles du visage ; plus rarement chez des malades présentant une cause maté¬
rielle d’irritation en un point quelconque de l’arc reflexe intéressé dans la
production du spasme.
Ils se présentent sous la forme d’accès convulsifs indolores, éclatant sou¬
dainement dans un des côtés du visage, durant quelques secondes ou quelques
NERF AUDITIF 181

minutes, et s’arrêtant brusquement pour se reproduire par la suite à des in¬


tervalles très variables d’un cas à l’autre. Pendant 1 accès, le malade exécute
des contorsions outrées et grotesques du visage ; il se rend compte du ridicule
de ces grimaces, mais il est impuissant à les réfréner.
Dans les intervalles de ces accès la motilité et la sensibilité de la face sont
normales.
Le traitement des spasmes faciaux n’est pas toujours efficace ; on réussit
cependant à en guérir quelques cas par les injections neurolysantes poussées
au voisinage du tronc du nerf facial à sa sortie du crâne. On a obtenu aussi
quelques succès par l’élongation ou la névrotomie du nerf facial.

ARTICLE VII

NERF AUDITIF
[Planche VIII).

Le nerf auditif ou acoustique constitue la huitième paire crânienne. C’est


un nerf sensoriel, ayant pour fonctions de transmettre aux centres les impres¬
sions dites acoustiques, recueillies dans l’oreille interne.

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine apparente. — Ce nerf se détache du bulbe par deux racines


bien distinctes, quoique très rapprochées : une racine interne et une racine
externe :
a) La racine interne, encore appelée racine vestibulaire, naît dans la fos¬
sette latérale du bulbe, immédiatement en dehors du nerf facial et de l’inter¬
médiaire de Wrisberg.
3) La racine externe, encore appelée racine cochléaire, est placée en dehors
de la précédente. Elle prend contact avec le bulbe, au niveau de la partie
antéro-externe du pédoncule cérébelleux inférieur et, là, se termine dans deux
amas de substance grise, qui sont le noyau antérieur de l’auditif et le tuber¬
cule acoustique latéral. Nous les retrouverons tout à l’heure, à propos de l’ori¬
gine réelle du nerf. Voyons, d'abord, son trajet et son mode de distribution.
182 LES NERFS CRANIENS

2° Trajet et distribution. — De la base du bulbe, le nerf auditif se porte


obliquement en dehors, en avant et en haut. Il contourne le pédoncule céré¬
belleux moyen, arrive au conduit auditif interne, s'y engage en même temps
que le facial et le parcourt dans toute son étendue. Un peu avant d’atteindre
le fond du conduit, le tronc de l'auditif se partage en deux branches termi¬
nales, l’une antérieure ou cochléenne, l’autre postérieure ou vestibutaire :

a) Branche cochléenne. — La branche cochléenne ou nerf cochléen se


porte en avant, en s’aplatissant peu à peu, et en s’enroulant sur elle-même
à la manière d’une volute. Ce mode d’enroulement de la lamelle nerveuse
correspond exactement à celui du crible spiral
qu’elle doit traverser, de teille sorte que les dif¬
férents faisceaux constitutifs du nerf cochléen
se trouvent amenés chacun en regard de
l’orifice qui lui est destiné.
Après avoir traversé les orifices du crible spi¬
ral, les filets cochléens arrivent dans l’épaisseur
de lacolumelle. Us suivent quelque temps un
trajet parallèle à l’axe de cette dernière, puis,
s’inclinant en dehors, ils se portent vers le
canal spiral de Rosenthal et, là, se renflent en
Le nerf auditif, vu en place une sorte de ganglion qui remplit le canal spi¬
dans le conduit auditif in¬
terne. ral et que l’on désigne pour cette raison sous
1, nerf auditif, avec : 2, sa bran¬
che cochléenne ; 3, sa branche ves¬ le nom de ganglion spiral : on l’appelle en¬
tibulaire. — 4, facial, érigné en
haut et en dehors. — 5, intermé¬ core ganglion de Corti. Morphologiquement,
diaire de Wrisberg. — 6, repli semi-
lunaire. le ganglion de Corti est l’homologue d’un gan¬
glion spinal : il est au nerf cochléen ce qu’est
le ganglion spinal à la racine postérieure d’une paire rachidienne.
Au sortir du ganglion de Corti, les libres nerveuses de la branche
cochléenne s’engagent dans l’épaisseur de la lame spirale, où elles s’anasto¬
mosent entre elles, de manière à former à ce niveau une sorte de plexus.
Puis, elles traversent les foramina de la lèvre vestibulaire du sillon spiral
interne, et arrivent ainsi dans l’organe de Corti, où elles se terminent cha¬
cune par une petite arborisation. Ces arborisations terminales se disposent
dans l’intervalle des cellules épithéliales de l’organe de Corti et, pour préci¬
ser, à la surface des cellules ciliées, soit internes, soit externes : ce sont des
terminaisons nerveuses, non pas intra-épithéliales, mais interépithéliales.
Nous devons ajouter que, au moment de s’engager dans le crible spiral de
la base du limaçon, la branche cochléenne de l’auditif abandonne, par son
A. PITRES et L. TESTUT.
LES NERFS EN SCHEMAS.

PLANCHE Vlil

NERF AUDITIF ET VOIE ACOUSTIQUE

S. DUPRET del.
G. DOliV éditeur
NERF AUDITIF 183

côté postéro-externc, un petit rameau qui va, dans le vestibule, se terminer


dans la portion initiale du canal cocliléen. Tout pies de son origine, dans le
fond du conduit auditif par conséquent, ce filet nerveux nous présente un
petit ganglion, qui est le ganglion de Bœtlcher II est, au même titre que le
ganglion de Gorti, l’homologue d’un ganglion spinal.

b) Branche ves-

tibulaire. — La
branche vestibulai-
re ou nerf vesti-
bulaire est, comme
son nom l’indique,
destinée au vesti¬
bule de l’oreille in¬
terne.
Peu après son
origine, elle pré¬
sente un ganglion,
appelé ganglion de
Scarpa : il est au
nerf vestibulaire ce
qu'est le ganglion
de Corti au nerf
cochléen. Tous les
deux ont exacte¬ Fig. 64.
Schéma montrant le mode de distribution du nerf auditif.
ment la même si¬ a, vestibule, avec : b, utricule ; c, saccule ; d, portion initiale du
canal cochléaire ; e, ampoule du canal demi-circulaire postérieur.
gnification que le — /', limaçon. — g, aqueduc de Fallope. — h, fond du conduit auditif
interne, avec ses quatre fossettes. — i, foramen singulare de
ganglion spinal qui Morgagni.
1, tronc de l’auditif. — 2, sa branche cochléenne, avec 2’ section de
se développe sur le ses faisceaux superficiels, destinés à la moitié du limaçon qui a été
enlevée dans la figure. — 3, sa branche vestibulaire. — 4, ganglion de
trajet de la racine Corti. — 5, petit rameau destiné à la portion vestibulaire du canal
cochléaire. — 6, ganglion de Bœttcher. —7, nerf vestibulaire supérieur,
postérieure d’une fournissant : 8, le nerf utriculaire ; 9, le nerf ampullaire supérieur ;
10, le nerf ampullaire externe. — 11, nerf vestibulaire inférieur, four¬
paire rachidienne. nissant : 12, le nerf sacculaire ; 13, le nerf ampullaire postérieur. —
14, ganglion de Scarpa. — 15, nerf facial. — 16, étrier dans la fenêtre
ovale. — 17, caisse du tympan.
La branche ves¬
tibulaire, après un
court trajet, se partage en trois rameaux que l’on distingue, d’après leur di¬
rection, en supérieur, inférieur et postérieur (fig. 64) :
<*) Le rameau supérieur, le plus volumineux des trois, se porte vers la
fossette postéro-supérieure du fond du conduit auditif interne. Là, il s’engage
dans les trous que présente cette fossette, pénètre dans le vestibule par les
pértuis de la tache criblée supérieure et se divise alors en trois filets : 1° le nerf
184 LES NERFS CRANIENS

utriculaire, qui se rend à la tache acoustique de l’utricule ; 2° le nerf ampul¬


laire supérieur, qui se distribue à la crête acoustique du canal demi-circulaire
supérieur ; 3° le nerf ampullaire externe, qui vient se terminer sur la crête
acoustique du canal demi-circulaire externe.
P) Le rameau inférieur constitue le nerf sacculaire. Il sort du conduit audi¬
tif interne par la fossette postéro-inférieure, entre dans le vestibule par les
pertuis de la tache criblée inférieure et se termine sur la tache acoustique du
saccule.
y) Le rameau inférieur s’engage dans le foramen singulare de Morgagni,
qui l’amène à la tache cribée postérieure. Il traverse les pertuis de celle-ci et,
sous le nom de nerf ampullaire postérieur, se distribue à la crête acoustique
du canal demi-circulaire postérieur.
Arrivées aux taches et aux crêtes acoustiques, les fibres constitutives du
nerf vestibulaire, après s’être anastomosées en plexus au niveau des cellules
basales (plexus basal de Ranvier), se portent vers les cellules sensorielles ou
ciliées, et là se comportent exactement de la même façon que celles du nerf
cochléen : elles se terminent par des extrémités libres, qui se disposent autour
des cellules ciliées.

3° Origines réelles — Si maintenant nous suivons les fibres auditives vers


les centres, nous voyons que les deux nerfs cochléaire et vestibulaire, sim¬
plement accolés pour former le tronc nerveux, se séparent en abordant le
bulbe pour devenir, le premier la racine cochléaire, le second, la racine
vestibulaire. Ces deux,racines se comportent, dans leur trajet intra-bulbai-
re, d’une façon très différente et il convient de les étudier séparément :

a) Racine antérieure ou vestibulaire. — La racine vestibulaire, située


tout d’abord en arrière de la racine cochléaire (le vestibule est postérieur par
rapport au limaçon), croise cette dernière en X, pour venir se placer en
avant et en dedans d’elle. Les fibres constitutives de la racine vestibulaire,
pénétrant dans le bulbe au niveau de la fossette latérale, se portent oblique¬
ment en arrière et en dedans, vers le plancher du quatrième ventricule et,
un peu avant de l’atteindre, se divisent chacune en deux branches, l’une
ascendante, l’autre descendante (fig. 65) :
a) Terminaison des fibres ascendantes. — Les fibres ascendantes viennent
se terminer, chacune par une arborisation libre, dans trois noyaux, savoir :
1° le noyau dorsal externe, situé sur le plancher du quatrième ventricule,
dans la région de l'aile blanche externe ; 2° le noyau dorsal interne ou noyau
de Deliters, qui se trouve placé en dehors et un peu en avant du précédent,
NERF AUDITIF 185

immédiatement au-dessous de l’angle externe du plancher ventriculaire ; 3°


le noyau de Bechtereiu, petit groupe de cellules qui est situé en dehors du
noyau de Deiters, en plein corps restiforme. Tous ces noyaux paraissent
dériver de la base des cornes postérieures.
b) Terminaison des fibres descendantes. — Les libres descendantes, arri¬
vées sur le côté interne du corps restiforme, se recourbent en bas, en cons¬
tituant ce qu’on appelle la racine inférieure de l'acoustique. Cette racine
inférieure, qui présente les plus grandes analogies avec la racine inférieure
du trijumeau, peut être
suivie jusqu’à la région
du bulbe où s’effectue l’en¬
trecroisement sensitif. Les
fibres qui la constituent se
terminent, par des extré¬
mités libres, dans une co¬
lonne de cellules nerveu¬
ses qui se trouve placée sur
leur côté interne et qui se
fusionne, à son extrémité
inférieure, avec le noyau
de Burdach.
c) Relations centrales. —
Les cellules nerveuses qui Fig. 65.
Noyaux terminaux de la racine vestibulaire, avec leurs
constituent les noyaux du connexions supérieures (schématique).
nerf vestibulaire et qui Pour ne pas trop compliquer la figure, les fibres efférentes
des deux noyaux auxquels se rend la racine cochléaire ont
été supprimées.
reçoivent les arborisations 1, racine postérieure ou cochléaire, avec ses deux noyaux ;
2, noyau antérieur de l’auditif ; 3, tubercule acoustique. —
terminales de ce nerf, 4, racine antérieure ou vestibulaire. — 5, noyau dorsal
interne. — 6, noyau dorsal externe ou de Deiters. — 7, noyau
émettent ensuite de nou¬ de Bechterew. — 8, 8’ fibres allant au raphé. — 9, faisceau
vestibulo-spinal. —■ 10, fibres ascendantes cérébelleuses. —
velles fibres (cylindraxes) 11, raphé. —- 12, plancher ventriculaire. — 13, racine descen¬
dante de l’acoustique. — 14, pédoncule cérébelleux supérieur,
qui, au point de vue de leur vu en coupe. — 15, racine inférieure du trijumeau. — 16,
ruban de Beil. — 17, faisceau pyramidal.
destinée, se distinguent en
quatre groupes : 1° des fibres cérébelleuses qui, des trois noyaux dorsaux,
remontent dans le pédoncule cérébelleux inférieur, pour venir se terminer
dans le cervelet/tout spécialement dans le noyau du toit, le noyau globu¬
leux et l’embolus ; c’est à l’ensemble de ces fibres qu’on donne le nom de
faisceau acoustico-cérébelleux ; il est vraisemblable que de nouvelles fibres,
continuant le faisceau acoustico-cérébelleux, s’échappent des noyaux céré¬
belleux précités et s’étendent de là, après entrecroisement, jusqu'à la zone
sensitivo-motrice de l’écorce cérébrale ; 2° des fibres cérébrales, qui se diri-
186 LES NERFS CRANIENS

gent vers le raphé et qui, après entrecroisement sur la ligne médiane, se ren¬
dent au ruban de Reil et, de là, à l’écorce cérébrale ; 3° des fibres obliques,
qui, s’infléchissant en bas, en avant et en dedans, descendent vers la moelle
(faisceau vestibulo-spinal) et viennent vraisemblablement se terminer dans
les cornes antérieures ; 4° des fibres innommées, qui se rendent au noyau du
moteur oculaire externe ; elles proviennent, pour la plupart, du noyau de
Deiters .

b) Racine postérieure ou cociiléaire. — Les fibres constitutives de la


racine cociiléaire se terminent, chacune par une arborisation libre, dans
deux amas de substance grise, qui se trouvent situés sur le côté externe du
corps restiforme et qui sont, comme nous l'avons déjà vu plus haut (p. 181),
le noyau antérieur de l’auditif et le tubercule acoustique latéral. Ce sont là les
noyaux terminaux du nerf cociiléaire.
a) Fibres efférentes des noyaux terminaux. — Les cellules nerveuses qui
forment ces noyaux et autour desquelles se disposent les arborisations ter¬
minales des fibres cochléaires, émettent naturellement de nouvelles fibres
(deuxième neurone) qui, continuant les précédentes, s’élèvent vers le cer¬
veau. Ces libres, dites efférentes, suivent un trajet différent selon qu’elles
émanent du noyau antérieur ou du tubercule acoustique latéral :
a) Les fibres efférentes du noyau antérieur, suivant dans la protubérance
un trajet transversal, se portent d’abord vers l’olive supérieure, puis vers la
ligne médiane, enfin (après avoir traversé cette ligne), vers l’olive du côté
opposé. Réunies ensemble, celles de gauche et celles de droite forment un long
ruban allant du noyau antérieur à l’autre : c’est le corps trapézoïde. Rappelons
que ce corps trapézoïde, qui est entièrement caché chez l’homme dans l’épais¬
seur de la protubérance, est superficiel chez quelques animaux, dont la protu¬
bérance est peu développée : cela se voit notamment chez les singes inférieurs,
où le corps trapézoïde est représenté par un faisceau transversal couché sur la
face antérieure du bulbe, immédiatement au-dessous de la protubérance annu¬
laire. Les fibres efférentes du noyau antérieur de l’auditif, en traversant l’oli¬
ve supérieure, se terminent en partie dans ces masses grises, en même temps
qu’elles en reçoivent un certain nombre de fibres additionnelles, constituant
le troisième neurone : autrement dit, quelques-unes des fibres efférentes s’in¬
terrompent dans l’olive supérieure, tandis que d’autres ne font que la tra¬
verser.
pi Les fibres efférentes du tubercule acoustique latéral, se portant en
arrière et en dedans, contournent le corps restiforme et arrivent ainsi sur le
plancher du quatrième ventricule, où elles forment de petits faisceaux diver¬
gents que l’on désigne sous le nom de barbes du calamus ou stries acousti-
NERF AUDITIF 187

ques. Ces faisceaux se partagent en deux groupes. — Les uns, peu après leur
arrivée sur le plancher ventriculaire, plongent d’arrière en avant dans la
masse protubérantielle et aboutissent à l’olive supérieure du même côté. Là,
les fibres qui les constituent, avec ou sans interruption dans l’olive, se re¬
courbent en haut pour devenir libres longitudinales ascendantes, ce sont des
fibres directes. -— Les autres, et ce sont les plus nombreuses, suivent le
plancher ventriculaire, vont jusqu’au raphé, s’y entrecroisent et se rendent
à l’olive du côté opposé, où leurs libres, comme les précédentes, se recourbent
en haut pour devenir fibres longitudinales ascendantes, ce sont des fibres
croisées.
b) Formation du faisceau acoustique central. Au total, les libres efféren-
tes des deux noyaux termi¬
naux du nerf cochléaire,
qu’elles suivent la voie dor¬
sale (stries acoustiques),
ou la voie ventrale (corps
trapézoïde), aboutissent
toutes, directement ou
après entrecroisement sur
la ligne médiane, à l’olive
supérieure. Ces fibres, au
Fig. 66.
sortir de l’olive, se redres¬ La sphère auditive.
sent en haut pour suivre, à 1, scissure de Sylvius. — 2, 3, 4. deuxième, troisième et
quatrième circonvolutions temporales. — 5, circonvolution
partir de ce moment, un pariétale inférieure. — 6, troisième frontale, avec : 6’, son
pied ; 6”, son cap. — 7, sphère auditive (partie hachurée).
trajet longitudinal et as¬ — 8. scissure de Eolando. — 9, pôle frontal.

cendant : c’est à leur en¬


semble qu’on donne le nom de faisceau acoustique central. Constatons tout de
suite que, des différentes libres qui le constituent, les unes sont directes, les
autres sont croisées.
c) Trajet et terminaison du faisceau acoustique central, centre acoustique
cortical. — Le faisceau acoustique central, une fois constitué, se place sur
le côté externe du faisceau sensitif qui vient de la moelle et du bulbe. C’est
à la large nappe de fibres longitudinales formée par la réunion de ces deux
faisceaux que 1 on donne le nom de ruban de Reil : le faisceau acoustique
central n est ainsi que la partie externe du ruban de Reil. 11 est, tout d’abord,
entièrement dissimulé dans l’épaisseur de la protubérance. Mais bientôt, il
s en échappe par le sillon latéral de l’isthme, devient superficiel et, sous le
nom de faisceau latéral de l isthme, remonte sur le côté externe du tubercule
quadrijumeau postérieur.
188 LES NERFS CRANIENS

Là, ses fibres se partagent en deux groupes : les fibres courtes et les fibres
longues. — Les fibres courtes s’infléchissant en dedans, viennent se termi¬
ner, en majeure partie, dans le tubercule quadrijumeau postérieur, quel¬
ques-unes seulement dans le tubercule quadrijumeau antérieur. Elles se rat¬
tachent (par la bandelette longitudinale postérieure), à la motilité réflexe. —
Les fibres longues, poursuivant leur trajet ascendant, suivent le bras posté¬
rieur des tubercules quadrijumeaux qui les amène dans la région sous-thala-
mique. Se redressant alors en haut et en arrière, elles passent dans le seg¬
ment postérieur de la capsule interne, où elles se mêlent aux libres du fais¬
ceau sensitif. Au sortir de la capsule, elles se recourbent en dehors, traver¬
sent le centre ovale et viennent se terminer à la partie moyenne de la pre¬
mière circonvolution temporale, peut-être aussi à la partie moyenne de la se¬
conde.
Les deux premières circonvolutions temporales, ou tout au moins la pre¬
mière, deviennent ainsi l’aboutissant des impressions auditives recueillies par¬
le nerf cochléaire dans le limaçon : c’est (fig. 66) le centre acoustique cortical
ou sphère auditive.
d) Fibres descendantes de la voie acoustique centrale. — La voie acousti¬
que centrale n’est pas exclusivement constituée par des fibres à trajet ascen¬
dant. A ces fibres ascendantes (celles que nous venons de décrire), s’en ajou¬
tent un certain nombre d’autres (Held, van Gehuchten), dont les cellules
d’origine se trouvent situées dans l une des masses grises avec lesquelles le
faisceau acoustique entre en relation : les tubercules quadrijumeaux anté¬
rieurs et postérieurs, le noyau latéral, l’olive supérieure.
Issues de l’une quelconque de ces masses grises, les fibres acoustiques des¬
cendantes se portent en bas, comme leur nom l’indique, et viennent après un
trajet variable se terminer par des arborisations libres dans l’un des noyaux si¬
tués au-dessous.
La signification de ces dernières fibres est encore fort obscure. Elles ont
vraisemblablement la même valeur que les fibres descendantes que nous
avons déjà signalées dans la voie olfactive (p. 80) et dans la voie optique
(p. 93). '

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

- Un simple coup d’œil jeté sur les figures !, 2 et 3 de la planche VIII, suffit
à montrer que les deux branches qui constituent la VIIIe paire ont des origines
distinctes, qu’elles restent séparées dans tout leur trajet et qu elles se distri¬
buent chacune à l un des organes inclus dans l’oreille interne : la branche
NERF AUDITIF 189

cochléaire (en rouge) dans le limaçon ; la branche vestibulaire (en bleu)


dans les canaux demi-circulaires. Or, il est à prior)i bien peu vraisemblable
que deux organes aussi différents par leur structure que le limaçon et les
canaux demi-circulaires aient des fonctions identiques. La physiologie et la
pathologie confirment la justesse de cette induction. Elles prouvent, ainsi que
nous allons le voir, que le limaçon et le nerf cochléaire qui se termine dans
ses spires font partie de l'appareil sensoriel de l’audition, tandis que les
canaux demi-circulaires et le nerf vestibulaire qui plonge dans leurs volutes
sont les principaux agents de l’appareil de l’équilibration.

A) FONCTIONS ET RÉACTIONS PATHOLOGIQUES DU LIMAÇON


ET DU NERF COCHLÉAIRE.

1° Fonctions. — Que le limaçon et le nerf cochléaire soient exclusivement


affectés à la fonction sensorielle de l’audition, cela est démontré par une
foule d’expériences physiologiques et d’observations cliniques absolument
concordantes dont la signification n’est pas douteuse. Chez tous les mammifè¬
res dont l’oreille interne est construite sur le même type que chez l’homme,
la destruction du limaçon ou l’évacuation des liquides qu’il contient, par la
ponction de la fenêtre ovale ou par l’ouverture d’une brèche osseuse, est
invariablement suivie d’une surdité complète de l’oreille correspondante. Il
en est de même lorsque, sans toucher au limaçon, on coupe le nerf cochléai¬
re en un point quelconque de son trajet.
Ces faits forment la base de la théorie actuelle de l’audition qui peut être
résumée dans les propositions suivantes :
L’oreille est organisée pour colliger les vibrations des corps solides, liqui¬
des ou gazeux que nous percevons sous la forme de sons ou de bruits. Ces
vibrations, ordinairement transmises par l’air extérieur, arrivent par le con¬
duit auditif externe à la membrane du tympan qu’elles traversent ; puis el¬
les se propagent par la fenêtre ovale aux liquides (périlymplie et endolym-
phe) contenus dans les cavités labyrinthiques, ainsi qu’aux corpuscules oto-
lithiques qu’ils tiennent en suspension. L’ébranlement oscillatoire de ces pe¬
tits corps excite les poils des cellules nerveuses qui tapissent la crête du ca¬
nal cochléaire (organe de Corti) et l’excitation de ces cellules, variable selon
l’amplitude et la quantité des ébranlements qui les ont impressionnées, se
propage par le nerf cochléaire et ses irradiations centrales jusqu’au centre
cortical de l’audition, où elles sont perçues comme sensations sonores. Il est
évident que si les choses se passent ainsi dans la nature, la destruction du li¬
maçon, sa dessiccation par le drainage des liquides labyrinthiques ou la sec-
190 LES NERFS CRÂNIENS

lion du nerf cochléaire doivent aboutir au même résultat, la perte de l’ouïe


du côté correspondant.

2° Réactions morbides. — Les réactions morbides qui se produisent dans


le cours des maladies de l’appareil cochléaire sont peu nombreuses. La plus
commune et la plus caractéristique est la surdité, qui peut être unilatérale
ou bilatérale, complète (cophose) ou incomplète (liypoacousie).
Mais avant d’aboutir à une diminution appréciable de l’acuité auditive, les
maladies du limaçon donnent assez souvent lieu à des troubles subjectifs ou
acouphènes qui révèlent un certain degré d’irritation lente du nerf cochléai¬
re. Ce sont de^ bourdonnements d’oreilles, des bruits de roulement lointain
de voitures, de vent, de vagues, de pluie, de grêle, de ron-ron, de cigales, de
cloches, de sifflement, etc., toujours désagréables par leur continuité et quel¬
quefois très pénibles par leur intensité.
A une période plus avancée, les malades se plaignent de dureté d’oreille ;
ils n’entendent plus aussi bien les paroles prononcées devant eux ; ils sont
gênés pour suivre une conversation ; ils se rendent compte qu’ils deviennent
sourds.
Si les lésions provocatrices de leur hypoacousie siègent exclusivement sur
l’appareil cochléaire, en respectant complètement les canaux demi-cir¬
culaires — comme c’est le cas dans certaines formes de labyrinthite chro¬
nique ou de névrite primitive du nerf cochléaire — aucun autre symptôme
ne s’associe à ceux que nous venons de signaler : il n’y a pas de douleurs,
pas de nystagmus, pas de troubles de l’équilibre. L’appareil auditif étant
seul atteint, c’est uniquement par des troubles de l’audition que se manifeste
la maladie.
Mais l’appareil cochléaire n’est qu’une partie de l’oreille. Avant d’arriver
jusqu’à lui, les vibrations sonores doivent traverser le conduit auditif externe,
la cloison tympanique et l’oreille moyenne. Si le conduit auditif est obturé
par un néoplasme ou par un épais bouchon de cérumen, si le tympan est
devenu inapte à vibrer par le fait d’une induration scléreuse de son tissu,
ou d’une ankylosé des osselets, si la caisse est désorganisée par une otite
moyenne supputée, les vibrations arrêtées dans leur parcours ne parvien¬
dront plus jusqu’au limaçon. Par ce fait l’audibilité aérienne du malade sera
aflaiblie ou même abolie. On peut cependant arriver à reconnaître assez faci¬
lement — sans avoir recours à l’instrumentation coûteuse et d’un maniement
délicat qui ne se trouve que dans les cabinets dé spécialistes des maladies des
oreilles — si l’hypoacousie d’un malade est due à des lésions de l’appareil
percepteur des sons ou de l’appareil transmetteur des vibrations.
NERF AUDITIF 191

Les signes différentiels entre ces deux formes de surdité sont fournis par
les résultats de quatre épreuves cliniques qui sont les épreuves de la montre,
de la voix chuchotée, de Wf.ber et de Rinne. Nous allons en décrire brièvement
la technique et en expliquer la signification sémiologique, non seulement
pour permettre aux praticiens non spécialisés qui nous liront, de les utiliser
quand ils en auront l’occasion, mais aussi et surtout pour leur faciliter la
compréhension des formules abréviatives, par lesquelles les otologistes onl
pris l’habitude d’en exprimer les résultats sur leurs feuilles d’examen.
a) Épreuve de la montre. — Elle a pour but de fournir des indications
sur l’acuité auditive de l'oreille examinée et de déterminer les différences de
perceptibilité des vibrations sonores, selon qu’elles sont transmises à cette
oreille par voie aérienne ou par voie osseuse. De ces indications, les premières
servent à fixer le médecin sur le degré de la surdité du malade, les secondes
sur le siège des lésions provocatrices de celte surdité.
La technique de l’épreuve est des plus simples. Elle n’exige qu’une montre
commune, dont le tic-tac est assez fort pour être distinctement perçu par
un sujet normal à un mètre de distance, et un ruban métrique de la même
longueur.
Le malade étant assis et fermant avec son Index l’oreille du côté non exa¬
miné (cette précaution est indispensable pour éviter de grosses causes d’er¬
reur), le médecin se place du côté de l’oreille laissée ouverte et présente la
montre à une distance telle que son tic-tac ne soit pas perçu par le malade,
c’est-à-dire à un peu plus d’un mètre. Puis il la rapproche graduellement de
l’oreille du sujet jusqu’à ce que le malade l’entende distinctement. Il ne reste
plus alors qu’à mesurer à l’aide du ruban métrique la distance qui sépare
la montre de l’oreille pour connaître le degré de l’audibilité de cette derniè¬
re. Si l’écartement est de 0 m. 50 ou de 0 m. 25, l’audibilité sera de la
moitié ou du quart de la normale. Mais il peut arriver, lorsque la surdité
est très accentuée, que le tic-tac ne soit perçu que lorsque la montre est mise
en contact avec l’orifice externe de l’oreille ou même, lorsque la surdité est
absolue, qu’il ne soit pas perçu du tout lorsque la montre est fortement appli¬
quée contre l’oreille malade. Ces diverses éventualités sont généralement expri¬
mées sur les feuilles d’examen des otologistes par les formules suivantes :
n c o
Aud. montre, air = —. ou bien - ou bien —»
100 100 100
dans lesquelles : 1° la lettre n de la première formule, remplacée naturelle¬
ment dans chaque observation particulière par le nombre de centimètres où le
tic-tac a été perçu, représente le degré de l’affaiblissement de l’audition de
192 LES NERFS CRANIENS

l’oreille examinée ; 2° la lettre c de la deuxième, que la montre n’a été en¬


tendue que lorsqu’elle a été appliquée contre l’oreille ; 3° la lettre o de la
troisième, qu’elle n’a pas été entendue du tout, même lorsqu’elle a été mise
en contact direct avec l’oreille.
Malgré son extrême simplicité, et bien qu’elle ne fournisse que des indica¬
tions très relatives, l’épreuve de la montre donne des résultats presque aussi
précis que les instruments compliqués dont se servent parfois les spécialis¬
tes (acoumètres de Politzer, de Stefani-Grarenico, de Tréport, etc.), ou
les diapasons acoumétriques.
Elle peut rendre un autre service aux cliniciens en leur permettant de
reconnaître les différences d’audibilité des vibrations sonores, selon qu'elles
parviennent à l’oreille par la voie aérienne ou par la voie osseuse, différences
qui constituent l’un des éléments les plus importants du diagnostic des sur¬
dités par lésions de l’appareil transmetteur ou de l’appareil percepteur des
sons : chez les sujets normaux, le tic-tac est perçu à peu près également,
quand la montre est présentée au voisinage du méat auditif, ou quand elle
est appliquée contre l’apaphyse mastoïde, la tempe ou la bosse frontale du
même côté. Chez les hypoacousiques par lésions exclusives de l’appareil per¬
cepteur, l’audition crânienne est plus affaiblie que l’aérienne ; chez les hypoa¬
cousiques par lésions isolées de l’appareil transmetteur, au contraire l’audi¬
tion par les os persiste et est même augmentée.
Il est à peine besoin de dire que pour constater ces différencés, il faut
placer alternativement la montre eu face du méat auditif, puis l’appliquer
contre l’apophyse mastoïde, la tempe ou la bosse frontale.
Les otologistes inscrivent généralement les résultats de cette partie de
l’épreuve de la montre en indiquant la conservation de l’audition après
l’application de l’instrument sur chacun des os sus-mentionnés par le
signe +, sa diminution par le signe —, et son abolition complète par le
chiffre 0, et, en plaçant ces signes au-dessus des lettres F. M. T., qui rem¬
placent respectivement par abréviation les mots Frontal, Mastoïde et Tempe.
Ainsi les trois formules :
+ — -r — O
montre, os : -- montre, os -> montre, os : —-—
F. M. T. F. M. T. F. M. T.
signifient : la première, que l’audition est conservée sur tous les points ; la
seconde, qu elle est aboiie sur tous ; la troisième, qu’elle est normale au
frontal, affaiblie à la mastoïde et nulle à la tempe.
b) Épreuve de la voix chuchotée. — La voix chuchotée est perçue par les
oreilles normales, beaucoup plus loin que le tic-tac de la montre. Dans un
milieu très calme où règne un silence absolu, elle peut être entendue jus-
NERF AUDITIF 193

qu’à vingt et même trente mètres. Mais dans nos villes où l'atmosphère est
toujours agitée et le silence toujours incomplet, elle n’est généralement
perçue qu’à moins de dix mètres et, dans les cas où l’audibilité est affaiblie,
à moins de 5 mètres. De plus, il importe de savoir qu’à intensité d’émission
égale, chez les sujets sains, les sons aigus sont entendus de plus loin que
les sons graves, tandis que dans certaines maladies des oreilles, la percep¬
tion des sons graves peut être assez bien conservée, alors que celle des sons
aigus est totalement ou presque totalement abolie, ou vice versa. Or, tout le
monde sait que les voyelles qui entrent dans la composition des mots sont les
unes aiguës, comme a, é, i, les autres graves, o, u, e. De là, la nécessité de
choisir des mots d’épreuve ou des phonèmes ne contenant que des sons de
la première ou de la seconde catégorie. Gomme types des mots à sons graves,
on pourra adopter : Londres, Boulogne, Rhône, Rome, neurone, ronce, etc.,
ou les chiffres 33, 63, 83, et parmi ceux à sons aigus ou sifflants : Paris, Ju-
visy, café, identité, précocité, canal, chacal, etc., ou les chiffres 56, 66, etc.
Ces détails étant connus, voici comment on procédera à l’examen. L’une
des oreilles du malade étant fermée, le médecin se placera du côté de l’autre
oreille, à une distance de 5 mètres, et il prononcera à voix chuchotée douce,
en n’employant pour l’émettre que la provision d’air résiduelle d’une expî-
lation normale, quelques phrases indifférentes. Si elles ne sont pas entendues
par le sujet, il se rapprochera de lui jusqu’à ce que celui-ci les perçoive
distinctement. La distance à laquelle la perception deviendra distincte indi¬
quera la mesure de la surdité de l’oreille examinée, afin d’éviter que le ma¬
lade perçoive les sons par l’oreille normale, il sera utile d’assourdir celle-ci
par des frictions sur l’orifice de son conduit auditif externe.
Mais, le plus souvent, if arrivera qu’entre le seuil de l’audit;on confuse et
le point de perception distincte il y aura une phase intermédiaire dans
laquelle le malade n’entendra que partiellement les mots prononcés. Si par
exemple on lui dit : « Avez-vous lu le journal », il n’entendra que : Avez...
lu... al... ; ou bien, au contraire : Vous... le... jour... Cette particularité
indique qu’il a perdu l’audition pour les sons graves ou pour les sons aigus.
On s’en assurera d'une façon plus précise en employant les mots d’épreuve
ne contenant que des phonèmes de l’une ou de l’autre série. Et quand on
aura bien constaté une différence anormale dans l’acuité de l’audition des
sons aigus ou des sons graves, on aura fait un premier pas dans le diagnos¬
tic du siège des lésions provocatrices, car les otologistes admettent comme
très généralement exactes les deux règles suivantes :
1° La surdité aux phénomènes aigus, avec persistance relative de l’audi-
TÆS NERFS EN SCHÉMAS 13
194 LES NERFS CRANIENS

tion des phonèmes graves, s’observe surtout dans les maladies de l’appareil
de perception (limaçon et nerf cochléaire).
2° La surdité aux phénomènes graves est surtout nette dans les maladies de
l’appareil de transmission des vibration sonores (lésions de l’oreille moyenne
otites scléreuses, ankylosé des osselets, etc.).
c) Épreuve de Weber. — Si, sur un sujet sain dont les deux oreilles
jouissent d’une audibilité normale, on applique le pied d’un diapason
vibrant (le diapason vulgaire donnant le la3 officiel de 435 vibrations dou¬
bles suffit parfaitement à cet usage), sur le front ou sur les incisives média¬
nes du maxillaire supérieur, le sujet perçoit une sensation sonore bien
distincte, d’intensité égale dans les deux oreilles ; mais lorsqu’il vient à
boucher avec le doigt une de ses oreilles, le son perçu s’exagère notablement
et se localise nettement dans l’oreille obturée. On explique son renforcement
par le fait que l’occlusion de l’oreille externe empêchant la libre expansion
des vibrations au dehors, en exagère les effets balistiques sur l’oreille in¬
terne. Aussi quand, dans l’examen d'un malade atteint de surdité unilaté¬
rale, on constate que la sonorité du diapason n’est perçue que du côté sain,
on en peut conclure que la surdité dépend d’une lésion de l’appareil co¬
chléaire du côté opposé ; si au contraire elle est latéralisée du côté où existe
l’hypoacousie, c’est qu’il s’agit d’une lésion de l’appareil de transmission de
l’oreille externe (induration scléreuse du tympan, ankylosé des osselets, etc.).
Dans les feuilles d’observations des otologistes, les résultats de l’épreuve
de Weber, le côté vers lequel se fait la latéralisation du son est généralement
indiqué par une flèche dirigée vers ce côté. Exemple : Weber, ou plus'sim-
plement W-> signifie que la latéralisation a eu lieu dans l’oreille
droite, et <-W qu’elle s’est produite dans l’oreille gauche.
d) Épreuve de Rinne. — Cette épreuve dérive ainsi que la précédente
d’une observation qui peut être très facilement faite sur tous les sujets dont
l’audition est normale. Lorsqu’on place le pied d’un diapason en vibration
du type la3 de 435 vibrations doubles, qui se irouve entre les mains de tous
les musiciens, contre l’apophyse masîoïde, le son en est nettement perçu pen¬
dant quelques secondes par l’oreille correspondante ; puis il s’atténue rapide¬
ment et cesse d’être entendu Si à ce moment, sans réactiver le diapason, on en
présente les branches à quelques centimètres du méat auditif, le sujet entend
de nouveau résonner à son oreille la note initiale, le la3, avec autant et même
plus d’intensité que lorsque le pied de l’instrument était au contact de son apo¬
physe mastoïde. Après quelques secondes, la perception sonore s’atténue ; elle
ne cesse tout à fait que lorsque les vibrations de l’instrument sont complète¬
ment éteintes. Cette petite expérience démontre que chez les sujets sains,
NERF AUDITIF 195

Ja résonnance du diapason est mieux et plus longtemps perçue par la voie


aérienne que par la voie osseuse.
Il en est de même dans les cas pathologiques où l’hypoacousie dépend
d’une lésion de l’oreille interne (appareil percepteur). On dit alors que le
Rinne est positif, ce qu’on marque par le signe R + . Mais si la cause de
l’hypoacousie réside dans l’oreille externe ou l’oreille moyenne (appareil
transmetteur), le son est plus longtemps perçu quand le diapason est
appliqué sur les os que lorsqu’il est placé au-devant de l’oreille. On dit alors
que le Rinne est négatif : R — . Enfin dans le cas où les deux appareils de
transmission et de perception sont l’un et l’autre malades, mais dans des
proportions inégales, le résultat de l’épreuve est tel qu’il serait si le moins
lésé était normal.
Les otologistes jugent souvent utile de noter le nombre de secondes pen¬
dant lesquelles l’une des deux perceptions (l’aérienne dans le Rinne positif,
l’osseuse dans le Rinne négatif), continue à avoir lieu après la disparition de
l’autre, et d’en faire mention sur leurs feuilles d’examen. On trouvera, par
exemple, sur ces dernières, les formules suivantes : R + = 20”, ou bien
R — = 15”, ce qui veut dire, dans le premier des cas visés, que le Rinnb
était positif, et que la durée de la perception aérienne dépassait de vingt
secondes celle de la perception osseuse ; dans le second, que le Rinne était
négatif, et que la perception osseuse était restée efficace pendant quinze
secondes après la cessation de toute perception par la voie aérienne.
e) Résumé. — En résumé, les quatre épreuves de la montre, de la voix
chuchotée, de Weber et de Rinne, qui n’exigent d’autres instruments, qu’une
montre, un ruban métrique, et un diapason la3 permettent à tout praticien
un peu attentif de faire une série d’observations suffisantes pour les mettre
en mesure de distinguer les hypoacousies d’origine cochléaire, de celles qui
dérivent des lésions de l’oreille moyenne ou du conduit auditif externe.
Quand chez un malade se plaignant de surdité partielle on constatera :
1° Que dans les épreuves de la montre le tic-tac est mieux perçu par la
voie osseuse que par la voie aérienne ;
2° Que dans les épreuves de la voix chuchotée les phonèmes graves sont
plus distinctement entendus que les phonèmes aigus ;
3° Que dans l’épreuve de Weber le son du diapason ne se latéralisé que du
côté sain ;
4° Que dans l’épreuve de Rinne la résonance du diapason est mieux et
plus longtemps perçue par la voie aérienne que par la voie crânienne .Rinxe
196 LES NERFS CRANIENS

positif) ; on devra conclure que la surdité du malade examiné dépend Je


lésions siégeant dans l’oreille interne sur l’appareil cochléaire.
Inversement, si dans les épreuves de la montre le tic-tac est mieux perçu
par la voie osseuse que par la voie aérienne ; si dans les épreuves de la voix
chuchotée, les phonèmes aigus sont plus distinctement entendus que les
graves ; si dans l’épreuve de Weber le son du diapason se latéralisé du coté
de l’oreille où l’audition est diminuée ; si dans l’épreuse de Renne la réso¬
nance du diapason est mieux et plus longtemps perçue par la voie crânienne
que par la voie aérienne (Rinne négatif), on devra penser que la surdité du
malade examiné est le résultat de lésions de l’appareil collecteur des vibra
tions sonores (oreille moyenne ou canal auditif externe).

B) FONCTIONS ET RÉACTIONS PATHOLOGIQUES


DES CANAUX DEMI-CIRCULAIRES ET DU NERF VESTIBULAIRE.

1° Fonctions. — Les fonctions de l’appareil vestibulaire ont été plus tar¬


divement connues, parce qu’elles étaient beaucoup plus difficiles à déter¬
miner que les fonctions du limaçons et du nerf cochléaire.
Les premières expériences faites sur les canaux demi-circulaires sont dues
à Flourens. Il les a pratiquées sur des pigeons dont l’oreille interne est
assez aisément accessible pour qu’on puisse atteindre séparément ses différen¬
tes parties. Il a constaté que, chez cet animal, la section isolée des canaux
horizontaux détermine des mouvements oscillatoires de la tête autour de son
axe vertical, mouvements qui ne tardent pas à augmenter d’amplitude et à
amener la chute de l’opéré en avant. Celle des canaux verticaux postérieurs
est suivie de mouvements oscillatoires de la tête dans le sens vertical, abou¬
tissant à la chute de l’animal sur le dos, la tête par-dessus les pieds. Celle des
canaux verticaux supérieurs provoque des mouvements alternatifs de la tête
d’arrière en avant et d’avant en arrière, à la suite desquels l’animal culbute
sur lui-même, les pieds par-dessus la tête.
De Cyon qui a répété avec beaucoup de soin ces expériences de Flourens,
est arrivé à en formuler les résultats généraux dans la loi suivante : « La
section des canaux symétriques provoque des oscillations de la tête dans le
plan des canaux opérés. »
Il faut ajouter que la section simultanée de tous les canaux demi-circu¬
laires est suivie d’une perte totale de l’équilibre. La station debout, la^mar-
che, le vol, la préhension des aliments, et d’une façon générale tous les
mouvements complexes adaptés à un but défini deviennent, par le fait de
NERF AUDITIF 197

cette opération, absolument impossibles. Ces troubles de l’équilibre se mani¬


festent avec la même intensité chez Ses animaux dont le cerveau n’a pas été
mis à nu, et chez ceux qui ont subi une ablation partielle ou totale de cet
organe.
Des phénomènes identiques se produisent chez le chien et chez le lapin,
soit après la section totale des canaux demi-circulaires, soit après la section
isolée du nerf vestibulaire ; chez le lapin on constate souvent du nystagmus
en même temps que des troubles de l’équilibration fl).
Si, dans le cours des opérations expérimentales, le limaçon et le nerf
cochléaire ont été complètement épargnés, on n’observe aucun trouble de
l’audition.
Les phénomènes consécutifs à la section des canaux demi-circulaires ne
persistent pas très longtemps. Après quelques semaines chez les pigeons,
quelques mois chez les mammifères, ils s’atténuent et disparaissent. Ils lais¬
sent cependant presque toujours après eux un certain degré d’amyosthénie
et d’incoordination dans l’exécution des mouvements volontaires. On expli¬
que leur atténuation relativement rapide par le fait que la fonction de l’équi¬
libration n’est pas exclusivement liée à l’intégrité des canaux demi-circulai¬
res. Le maintien de l’équilibre du corps paraît être le résultat de l’association
dans le mésocéphale et le cervelet d’une foule d’impressions diverses, tac¬
tiles, musculaires, visuelles et labyrinthiques. Ces dernières sont les plus
importantes, mais quand elles font défaut, les autres peuvent les suppléer
dans une large mesure.

2° Réactions morbides. — L’étude des réactions provoquées chez l’hom¬


me par les lésions de l’oreille interne, n’a porté pendant fort longtemps que
sur les troubles de l’audition. C’est seulement en 1861 que les recherches de
Menières ont conduit à y adjoindre les vertiges et les troubles de l’équilibra¬
tion. La maladie, inconnue avant la description qu’en a donnée cet observa¬
teur, et qui porte depuis son nom, est en effet caractérisée par l’apparition
brusque d'une triade symptomatique composée : 1° de bruits subjectifs sou¬
vent très intenses, roulements de tambours, sifflets de locomotive, détona-

(I) Its ne s’observent pas seulement chez les mammifères. Lafite Dupont a fait en 1905,
dans le laboratoire de la Station biologique d’Arcachon, une intéressante série d’expé¬
riences sur les poissons cartilagineux. Chez la torpille, les lésions du canal vertical sont
suivies d’un mouvement tournant de la surface de l’eau vers le fond, qui fait rouler
fatalement l’animal dans le plan frontal d’avant en arrière. Un petit requin, après une
lésion des canaux horizontal et vertical externe, tournait en hélice et ne pouvait plus
nager autrement. Des mouvements conjugués des yeux ont été également provoqués
par les excitations des ampoules des canaux horizontaux : mouvements rapides du côté
opposé au canal excité, même après destruction du labyrinthe opposé, etc...
198 LES NERFS CRANIENS

tions, etc : 2° de vertiges violents survenant tantôt à la suite des déplacements


du corps, tantôt spontanément, assez forts pour déterminer de l’instabilité
dans la position verticale, de l’incoordination motrice dans la marche et
allant quelquefois jusqu’à provoquer des chutes aussi brutales que celles de
l’épilepsie, mais en différant par ce caractère essentiel qu’elles ne sont pas
accompagnées de perte de connaissance ; 3° par de l’affaiblissement de
l’ouïe aboutissant après un temps plus ou moins long à la surdité complète
de l’oreille malade.
Ce syndrome de Ménières est lié aux labyrinthites aiguës, où les appareils
cochléaire et vestibulaire sont généralement lésés tous les deux. Les observa¬
tions ultérieures des otologistes ont démontré qu’il était composé de deux
syndromes distincts : l’un, cochléaire, où prédominent les acouphènes et
la surdité ; l’autre, vestibulaire, où figurent les vertiges et les troubles de
l’équilibration. Nous connaissons déjà le premier ; il nous reste à étudier
le second.
On désigne maintenant en clinique, sous le nom de syndrome vestibu-
lalre, l’ensemble des phénomènes morbides qui résultent de 1 irritation ou
de la destruction des canaux demi-circulaires ou du nerf vestibulaire.
Ces phénomènes sont au nombrè de trois : 1° les vertiges ; 2° le nystag-
mus ; 3° les troubles du sens de Vorientation et de l’équilibration.

a) Les vertiges. — Le vertige se manifeste sous deux formes un peu


différentes : la sensation vertigineuse et le vertige proprement dit. La sensa¬
tion vertigineuse est caractérisée par l'illusion subjective de l’instabilité des
corps qui nous entourent. Le malade qui en est atteint croit voir les objets
extérieurs tourner ou osciller autour de lui. Le vertige proprement dit est
« le sentiment d’instabilité de notre position dans l’espace, relativement aux
objets environnants » (Graincer Stewart). Le sujet qui l’éprouve à la sen¬
sation qu’il s’élève dans les airs ou qu’il va être précipité dans un gouffre
ouvert devant lui. Quand le vertige est léger les malades sont entraînés à
s’incliner malgré leur volonté vers la droite ou vers la gauche, à tourner sur
eux-mêmes, à tomber en avant ou en arrière, en même temps ils ont sou¬
vent des nausées et parfois même des vomissements ; quand il est grave,
ils sont terrassés brutalement comme par un accès épileptique : c'est l’ictus
vertigineux ou vertige epilepliforme.
Le vertige n’est pas un phénomène nécessairement associé à des lésions
vestibulaires. Il se montre avec des caractères à peu près semblables dans
plusieurs maladies du cerveau et du cervelet, dans la sclérose en plaques,
le tabes, dans certaines intoxications (alcool, tabac, quinine, etc.), dans
quelques formes de migraine etc. 11 n’est donc pas un signe pathognomoni-
NERF AUDITIF 199

que des lésions labyrinthiques ; mais il est un des symptômes très fréquents
des perturbations fonctionnelles ou des altérations organiques des canaux
demi-circulaires. Il y a même un vertige physiologique qui paraît dépen¬
dre exclusivement de ces canaux. C’est celui qu’éprouvent tous les sujets nor¬
maux quand ils ont tourné rapidement sur eux-mêmes (vertige de Purkinge).

M. le professeur Moure a très ingénieusement tiré parti de cette particula¬


rité, pour étudier les variations de la sensibilité des labyrinthiques au ver¬
tige, en imaginant l'épreuve du bâton (1). Voici en quoi elle consiste :
Le sujet à examiner se place devant une canne, la tête penchée en avant,
de façon à ce que son front repose sur le dos de ses mains appliquées elles-
mêmes sur le pommeau de la canne. Dans cette position, on lui fait exécu¬
ter, les yeux fermés et à une allure modérée, cinq ou six tours autour de
l’axe fixe représenté par la canne ; après quoi on lui comm ndj de s’arrêter,
d’ouvrir les yeux et de marcher droit devant lui. Au moment de l’arrêt, les su¬
jets dont l’appareil vestibulaire est normal, éprouvent une sensation d’éblouis¬
sement vertigineux et de déséquilibration : ils ne peuvent pas marcher en
droite ligne ; ils sont poussés par une force invisible vers le côté où ils
viennent de tourner ; souvent ils chancellent et tombent.
Si on fait la même expérience sur un sujet dont l’appareil vestibulaire
d’un côté est hyperexcitable, deux ou trois tours suffiront pour provoquer
l’éblouissement vertigineux et la perte de l’équilibre qui l’accompagne,
pourvu toutefois que le mouvement circulaire du patient ait eu lieu dans
un sens tel que ce soient les canaux circulaires du côté malade cjui aient été
influencés par la rotation. Si ce sont ceux du côté gauche, c’est, par la rota¬
tion dite positive, c’est-à-dire de gauche à droite, dans le sens de la marche
des aiguilles d’une montre, que se traduira leur hyperexcitabilité, car c’est
seulement alors que les canaux demi-circulaires gauches seront influencés
par l’augmentation de pression résultant du refoulement excentrique des
liquides labyrinthiques. Inversement, c’est la rotation dite négative, c’est-à-
dire de droite à gauche, dans le sens opposé à la marche des aiguilles d’une
montre, qui révélera l’hyperexcitabilité des canaux demi-circulaires droits.
Quand l’hyperexcitabilité est assez marquée pour provoquer la chute du
sujet avant qu’il ait pu faire les cinq ou six tours prévus pour l’épreuve
régulière, il y aura intérêt à diminuer l’intensité des réactions en faisant

(1) E.-J. Moure, Sur un nouveau mode d’examen du labyrinthe vestibulaire, com¬
munication faite à l’Académie de Médecine, séance du 11 avril 1916 ; E.-J. Moure
et P. Piétri, L’organe de l’audition pendant la guerre, Arch. de méd. et de Pharmacie
militaires, n08 de juin et août 1916.
200 LES NERFS CRANIENS

tenir ce sujet debout, la tête simplement penchée en avant. Dans les cas
où l’appareil vestibulaire est hypoexcitable, le sujet aura des réactions net¬
tement diminuées dans leur intensité, et s'il y a destruction complète de
cet appareil vestibulaire, il n’éprouvera aucune incommodité après avoir
fait plus de six tours autour du bâton, ni aucune difficulté à marcher
droit ensuite.
La signification sémiologique de l’épreuve du bâton est donc claire et
nette. On peut la résumer en quelques mots dans les deux propositions
suivantes :
1° Un sujet normal tournant à allure modérée autour d’un bâton fixe,
éprouve après cinq ou six tours des sensations vertigineuses et des troubles
de l’équilibration qui sont dus à l’excitation des canaux demi-circulaires
excentriques par rapport à l’axe de la rotation.
2° Quand les canaux demi-circulaires excentriques.sont hyperexcitables,
les réactions vertigineuses et la perte de l’équilibre sont exagérées ; quand
ils sont hypoexcitables, elles sont diminuées ; quand ils sont inexcitables,
elles sont milles.
Une autre méthode de provocation clinique du vertige, qui a été surtout
étudiée et préconisée par M. Babinski, est celle du vertige voltaïque.
Lorsqu’on fait passer d’une oreille à l’autre d’un sujet normal, assis ou de
préférence debout, un courant galvanique d’une intensité maxima de 4 à 6
milliampères pendant dix à quinze secondes, ce sujet éprouve entre
autres phénomènes une sensation désagréable de vertige, accompagnée
parfois de nausées et même de vomissements, en même temps qu’il incline
involontairement la tête et le tronc vers le côté où se trouve le pôle
positif. La sensation de vertige s’exagère notablement au moment où on
interrompt le circuit.
A l’état pathologique : dans les maladies du labyrinthe provoquant de
l’irritation de l’appareil vestibulaire, les phénomènes sus-indiqués se pro¬
duisent avec une intensité de courant inférieure à 3 ou 4 milliampères ; dans
celles où l’appareil vestibulaire est moins excitable que normalement, il
faut porter le courant jusqu'à 8 ou 10 milliampères pour qu’ils se manifes¬
tent. De plus, d’une façon générale, si l’affection de l’oreille interne est unila¬
térale, l’entraînement de la tête se fait du côté de l’oreille malade, quel que
soit le sens du courant ; si elle est bilatérale mais inégale, il a lieu du côté
de l’oreille la plus atteinte ; enfin, si le vestibule est totalement détruit, com¬
me chez les sourds-muets, on ne provoque ni vertiges, ni inclinaison de la
tête, même en employant des courants de 20 milliampères, maximum qu’il
serait imprudent de dépasser.
NERF AUDITIF 201

b) Le nystagmus. — Comme le vertige, le nystagmus n’est pas un phéno¬


mène nécessairement lié aux lésions de l’appareil vestibulaire ; on peut le
rencontrer dans plusieurs maladies du cerveau et surtout du cervelet et de
la protubérance ; mais il fait partie intégrante de la symptomatologie des
affections labyrinthiques dont il constitue un des signes les plus importants.
Quand il est très marqué, il suffit d’examiner les yeux du malade regar¬
dant directement en avant, pour constater les petites oscillations rythmiques
qui agitent ses globes oculaires. Quand il est moins intense, il ne se manifeste
que lorsque les yeux du sujet sont dirigés latéralement. Pour le mettre en
évidence, il faut alors présenter un doigt à 25 centimètres des yeux de ce der¬
nier, et porter ce doigt successivement à droite et à gauche, de façon à obte¬
nir que le malade porte alternativement lui-même ses yeux vers la droite ou
vers la gauche.
Le nystagmus est toujours bilatéral. C’est un tremblement associé des deux
globes oculaires. Il est constitué par la succession régulière et involontaire
de secousses rapides de sens contraire, chaque secousse nystagmique étant
composée de deux mouvements successifs, l’un relativement lent, l’autre
sensiblement plus brusque. Il est d’usage de désigner le sens du nystagmus
d’après la direction du mouvement le plus brusque : on appelle nystagmus
droit celui dans lequel les globes oculaires, dirigés lentement vers la gauche,
sont ramenés brusquement vers la droite, et nystagmus gauche, celui dans
lequel le mouvement lent attire les yeux vers la droite, tandis que le brusque
les rapporte vers la gauche.
A l’état normal, l’harmonie statique des globes oculaires est assurée par un
réflexe dont le point de départ se trouve dans les canaux demi-circulaires,
la voie centripète dans le nerf vestibulaire, les centres- de réflexion dans le
noyau de Deiters et le cervelet, l’arc centrifuge dans les nerfs des IIIe, IVe et
VIe paires, le point terminus dans les muscles oculo-moteurs. Le nystagmus
est une réaction de ces muscles, provoquée par des excitations portant sur
les canaux demi-circulaires ou sur un point quelconque de la chaîne ner¬
veuse qui les relient à la musculature extrinsèque des yeux.
On peut provoquer le réflexe nystagmique par plusieurs procédés. Ceux
qui sont le plus employés sont la rotation sur le fauteuil tournant, et réchauf¬
fement ou le refroidissement de l’oreille.
a) Épreuve cle la rotation. — Le sujet à examiner est assis sur un fauteuil
tournant, auquel on fait exécuter dix tours en vingt secondes. Aussitôt après
l’arrêt, on regarde ses yeux et on constate que si la rotation a été faite de
gauche à droite (rotation +) ses yeux sont agités de secousses de nystagmus
horizontal gauche, résultant de l’excitation du canal demi-circulaire excen-
202 LES NERFS CRANIENS

trique gauche. Inversement, le nystagmus serait droit par excitation du canal


demi-circulaire excentrique droit, si la rotation avait eu lieu de droite à
gauche (rotation —). Dans les deux cas, si le sujet est normal, les secousses
nystagmiques persistent pendant vingt-cinq à trente secondes en vision
oblique. S’il dure moins de vingt secondes ou plus de trente-cinq secondes,
on en peut conclure que le labyrinthe est anormalement hypo ou hyperexci-
table. 11 est à peine besoin de dire que dans les cas pathologiques, il faudra,
après avoir constaté les résultats de l’épreuve avec rotation +, recommencer
l’expérience avec rotation —-, en faisant exécuter au fauteuil le même nombre
de tours dans le même temps, afin d’apprécier les différences que la mala¬
die aurait pu apporter à l’excitabilité des deux appareils vestibulaires du sujet.
b) Epreuves thermiques. — Elles consistent à injecter sous faible pres¬
sion, dans le conduit auditif externe, de l’eau froide entre 25 et 15 degrés
au minimum, ou de l’eau chaude à 40 degrés au maximum. Avec des tempé¬
ratures plus basses ou plus hautes, on s’exposerait à provoquer des réactions
violentes, mal supportées par les malades, et même des accidents fort désa¬
gréables (éblouissements vertigineux, vomissements, syncopes).
Chez un sujet sain, l’épreuve à l’eau froide est la plus sensible. Elle pro¬
voque d’abord une sensation de surdité très accusée, puis du vertige. Quel¬
ques secondes plus tard l'entre 30 et 40 secondes après le début de l’injection),
le nystagmus apparaît ; il est plus fort et plus prolongé que dans l’épreuve
rotatoire ; sa durée moyenne est de 50 à 80 secondes, en vision oblique. Il
est le plus souvent horizontal et toujours dirigé dans le sens opposé à l’oreille
injectée.
L’épreuve à l’eau chauffée à 40 degrés est moins efficace que la précédente.
Le nystagmus qui la suit apparaît après une minute de réchauffement du
conduit ; sa durée ne dépasse pas 20 à 30 secondes en vision oblique. Les
secousses sont toujoui^s dirigées vers le côté de l’oreille injectée.
Dans les cas pathologiques, l’excitabilité du labyrinthe vestibulaire se
mesure par la rapidité ou la lenteur de l’apparition du réflexe nystagmique,
et par la durée plus ou moins longue de sa persistance. En thèse générale,
si l’appareil vestibulaire est hyperexcitable, le nystagmus survient plus tôt
et dure plus longtemps que chez les sujets normaux ; s’il est liypoexcitable,
le nystagmus est plus tardif et se prolonge moins longtemps ; s’il est détruit,
les épreuves caloriques ne provoquent plus du tout de nystagmus.
La valeur sémiologique de ces épreuves est d’ailleurs toujours un peu in¬
certaine, d’abord parce que certains sujets n’ayant aucune lésion des oreilles,
mais exerçant des professions qui leur ont fait acquérir un pouvoir d’équi¬
libration supérieur à la normale (acrobates, danseurs, etc.), ont des réflexes
NERF AUDITIF 203

vestibulaires moins intenses que la moyenne des sujets normaux ; ensuite,


et surtout parce que ces réflexes peuvent être exagérés, diminués ou abolis
chez des malades atteints d’affections cérébrales ou cérébelleuses, alors même
que leurs canaux demi-circulaires sont intacts.

c) Troubles du sens de l’orientation et de l’équilibration. — Un sujet


sain a à tout instant la notion précise de la position qu’occupe son corps dans
l’espace. Il sait lorsqu’il est couché sur un lit dans l’obscurité complète, et
qu’il ne fait aucun effet musculaire pour maintenir ou pour modifier son
attitude, si sa tête est plus haute que ses pieds ou inversement. De même,
quand il est assis dans un coupé bien clos, roulant sur une route unie, il se
rend compte de la rapidité, avec laquelle le véhicule l’emporte vers le but
qu’il doit atteindre. Les sensations obscures qui lui donnent le sentiment in¬
time de la position de son corps ou de sa translation dans l’espace, provien¬
nent en majeure partie des canaux demi-circulaires. Tout changement
d’équilibre statique ou dynamique de notre corps produit des excitations ves¬
tibulaires dont les unes parviennent au cerveau où elles donnent lieu à des
perceptions çénesthésiques, pendant que les autres arrivent au cervelet, où
elles provoquent par voie réflexe, la contraction immédiate et inconsciente
des muscles susceptibles de rétablir l’équilibre compromis. C’est à l’ensemble
de ces phénomènes qu’on a donné le nom de sens de l’orientation et de
l’équilibration.
Son étude expérimentale a donné lieu à d intéressantes observations qu’il
est malheureusement très difficile d’utiliser en clinique, parce qu’elles exi¬
gent des appareils encombrants, tels que balançoires, escarpolettes, tables '<
bascule, tables tournantes, etc., qui ne peuvent guère trouver place dans un
laboratoire d’hôpital ou dans des cabinets de médecin.
Les seuls de ces appareils qui aient fourni quelques renseignements utiles,

sont le centrifugeur de Mach et la planche goniométrique de von Stein.


Le centrifugeur de Mach est formé par un plateau en bois, suspendu à
une traverse par un pivot, grâce auquel on peut faire imprimer un mouve¬
ment de rotation, dans le plan horizontal. Le sujet à examiner est assis les
yeux bandés, sur une chaises au milieu du plateau. Puis on fait faire quelques
tours à ce dernier avec une vitesse modérée uniforme.
Si le sujet a ses appareils vestibulaires normaux, il se rend parfaitement
compte qu’il est entraîné par un mouvement giratoire, et dans quel sens a
lieu ce mouvement. Mais quand on arrête brusquement le plateau, il a pen-
dans quelques secondes l’illusion qu’il continue à tourner dans un sens inverse
de celui dans lequel il tournait en réalité précédemment. Ces deux sensations
successives et inverses s’expliquent de la façon suivante : la première, réelle,
204 LES NERFS CRANIENS

est due à la pression exagérée des liquides contenus dans les canaux horizon¬
taux par le fait de la force excentrique ; la seconde, illusoire, au reflux de
ces liquides vers leur position de repos.
Dans les cas pathologiques les deux sensations font défaut quand les deux
appareils vestibulaires sont détruits. Lorsque la destruction ne porte que sur
l'un d’eux, elles persistent quand, pendant l’épreuve, c’est l’oreille malade qui
se trouve du côté de l’axe de la rotation ; mais elles manquent si c'est l’oreille
saine, parce que, ainsi que nous l’avons expliqué plus haut à propos de l’épreu¬
ve du bâton, qui est, elle aussi, une épreuve giratoire, ce sont les canaux
demi-circulaires du côté opposé à l’axe du mouvement qui sont influencés
par le déplacement des liquides labyrinthiques.
La planche goniométrique de von Stein, modifiée par Escat, a pour but
de permettre d’étudier les variations de l’équilibre statique sur des plans de
plus en plus inclinés. Elle se compose de deux planches inclinées à l’une de
leurs extrémités par une charnière. L’une repose sur le sol où elle doit rester
fixe ; l’autre, mobile, peut être relevée à son extrémité libre par un treuil ou
une manivelle. Elle est recouverte à sa face supérieure d’un tapis, de façon
à éviter le glissement. Un goniomètre mesure à chaque moment de l’épreuve
le degré de son inclinaison.
Le sujet à examiner étant placé debout, les yeux bandés, sur la planche
mobile, on relève lentement son extrémité non articulée en notant l’ouver¬
ture de l’angle qu elle forme avec le sol, lorsque le sujet commence à perdre
l’équilibre. A l’état normal cet angle varie peu, selon que le sujet a la pointe
des pieds dirigée vers la charnière ou dans le sens opposé, ou perpendicu¬
lairement à l’axe de la planche. Dans l’une ou l’autre de ces trois positions,
la perte de l’équilibre se manifeste lorsque l’inclinaison a atteint de 20 à 30
degrés. Elle est beaucoup plus précoce chez les malades porteurs de lésions
de l’appareil vestibulaire, mais il est bien difficile de tirer de cette épreuve
des déductions applicables au diagnostic du siège ou de l’étendue de la lé¬
sion, qui provoque la diminution de la stabilité statique.
L’épreuve de la marche est plus significati ve. Sa technique est des plus
simples. Le sujet à examiner est invité à regarder attentivement un objet
déterminé placé en face de lui, à six ou huit mètres de distance. Quand il a
bien visé l’objet à atteindre, on lui bande les yeux et on lui donne le signal
du départ. Il est rare qu’un sujet sain ne dévie pas un peu après avoir par¬
couru deux ou trois mètres et qu’il arrive franchement au but. La dévia¬
tion est plus rapide et plus accentuée chez les malades dont l’appareil vesti¬
bulaire est le siège de lésions importantes. Dans la majorité des cas, elle a lieu
dans le sens de l’oreille lésée. De plus, les malades de ce genre ont, même
NERF AUDITIF 205

lorsque leurs yeux sont ouverts, mais plus encore lorsqu’ils sont fermés, une
démarche toute spéciale : ils écartent largement les jambes de façon à élargir
leur base de sustentation et progressent lourdement en balançant leurs corps
d'un côté à l’autre comme des canards... Cette démarche différente de celle
des cérébelleux et des ataxiques est presque caractéristique des affections du
labyrinthe vestibulaire.
Pour rendre plus démonstrative l’épreuve de la marche, M. Cestan a pro¬
posé de commencer par faire tourner les malades cinq on six fois autour
d’eux-mêmes et de leur demander d’exécuter ensuite en droite ligne cinq ou
six pas en avant, puis cinq ou six pas en arrière. Les avantages de ce pro¬
cédé d’exploration ne nous paraissent pas évidents.
Les épreuves de l’équilibre statique dans la position verticale sont toutes
dérivées du signe décrit par Romberg, dans le tabes dorsal : accentuation de
l’incoordination motrice par l’occlusion des yeux. Un otologiste russe, von

Stein, s’est attaché à les étudier avec une minutie méticuleuse. Il a proposé
d’examiner les malades les yeux ouverts, puis les yeux fermés :
a) Dans la staition verticale : 1° sur les deux pieds réunis et posant à plat
sur le sol ; 2° sur un seul pied ; 3° sur la pointe des deux pieds ; 4° sur la
pointe de chacun des pieds isolément ;
P) Dans la marche : 1° en avant ; 2° en arrière ; 3° latérale vers la droite
et vers la gauche ; 4° sur la plante ou sur la pointe des pieds ;
y) Dans le saut : 1° les pieds joints en avant et en arrière ; 2° sur un
seul pied en avant et en arrière ; 3° sur la pointe des deux ou d’un seul
pied, etc., etc...
Si cette multiplicité de détails avait une réelle importance clinique, si elle
devait fournir des indications diagnostiques précises, il y aurait évidemment
lieu de n’omettre dans les examens des malades aucune des épreuves imagi¬
nées par von Stein. Mais il n’en est rien ; et il est facile de comprendre pour¬
quoi. Nous avons indiqué précédemment que les physiologistes avaient cons¬
taté l’atténuation rapide des troubles de l’équilibre chez les animaux, dont ils
avaient détruit les canaux demi-circulaires. Les choses se passent de la même
façon chez l’homme, à la suite des lésions spontanées ou traumatiques de
l’appareil vestibulaire Dans les semaines qui suivent la production de ces
lésions, ils ne peuvent pas se tenir debout et moins encore marcher sans
chanceler et tomber. Après quelques semaines ou quelques mois, ils com¬
mencent à se tenir debout et à faire timidement quelques pas, pourvu qu’ils
aient les yeux ouverts. Quelques mois plus tard ils marchent plus hardiment,
même les yeux fermés ; mais pour assurer leur équilibre, ils écartent fortement
les jambes, ce qui donne à leur démarche, ainsi que nous venons de le dire,
20G LES NERFS CRANIENS

l’aspect de celle des canards. Enfin, ils arrivent peu à peu à marcher à peu près
comme tout le monde. Cette régression relativement rapide clés troubles de la
locomotion est le résultat d’une sorte de rééducation qui se fait par l’interven¬
tion de plus en plus active et de plus en plus précise des impressions visuelles,
tactiles et musculaires qui entrent en jeu dans le mécanisme de l’orientation
et de l’équilibration.
A l’état normal, ces impressions ne sont que vicariantes ; dans les condi¬
tions sus-indiquées elles deviennent suppléantes. Si on voulait analyser dans
ses moindres détails, le mécanisme par lequel elles arrivent à compenser le
déficit des impressions vestibulaires, il serait assurément très utile d’étudier
les modifications successives qui se produisent dans l’équilibration statique
des malades, depuis le moment où leur labyrinthe a été offensé, jusqu’à celui
où la compensation fonctionnelle de ses lésions est complète. Mais si une telle
analyse peut tenter des spécialistes, il faut convenir qu’elle n’a pas d’appli¬
cations pratiques et qu’elle a peu d’intérêt pour les médecins non spécialisés.
11 suffit à ces derniers de savoir que les lésions récentes du labyrinthe vesti-
bulaire donnent lieu, en même temps qu’à des vertiges et à du nystagmus, à
des troubles grossièrement évidents de l’équilibre statique ; que ces troubles,
même lorsque la lésion qui les a provoqués est destructive et incurable,
s’atténuent progressivement ; qu’à cette période, ils sont décelables par l’oc¬
clusion des yeux qui les exagère notablement, comme elle exagère l’incoordi¬
nation motrice des tabétiques ; que plus tard, ils finissent par disparaître com¬
plètement, à tel point qu’on ne peut plus les mettre en évidence par l’occlu¬
sion des yeux.

ARTICLE VIII

NERF GLOSSO-PHARYNGIEN
[Planche IX].

Le nerf glosso-pharyngien constitue la neuvième paire des nerfs crâniens.


Nerf mixte dès son origine, comme le démontrent les expériences de Chau¬

veau, de VoLkmAnn et de Klein, ce nerf renferme à la fois des fibres sensitives


et des fibres motrices : des fibres motrices présidant à certains mouvements
du pharynx et des piliers du voile du palais ; des fibres sensitives recueillant,
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Plancher du N. maxillaire sup'

IV' ventricule.

G" sphéno-palatin

Aile grise . N maxillaire inP

lG" otique
Noyau dorsal.

Faisc. solitaire

Noyau ambigu ^Trompe d’Eustaciie

Clirolltli‘ tuf

de Jacobson 'Caisse du tympan

Anasr* avec le pneumog", Trou déchiré postérieur

Anasf' avec te syrnpat

Centre corticai.
Occipitai. Cire0" de
du
l'hippocampe
Guosso pharyngien

C‘
Ram linsmal
du facial

Cs_
Stylo-pharyngien

C‘_ Sly/o-glosse. ’

Glosso-staphylin

Langue

Trou borgne

Cl

moteurs. _ V

Rameaux / sensitifs_'

vasculaires_/ ^

PLANCHE IX

NERF GLOSSO-P HARYNGIEN

S. DUPRET (tel.
G. DOIN Éditeur.
NERF GLOSSO-PIIARYNGIEN 207

sur les diverses muqueuses auxquelles elles se distribuent, à la fois des


impressions de sensibilité générale et des impressions gustatives.

§ 1. — ANATOMIE

1° Origine apparente. — Le glosso-pharyngien naît à la partie supérieure du


sillon collatéral postérieur ou sillon latéral du bulbe, entre le faisceau latéral et
le corps restiforme, au-dessous de l’auditif et au-dessus du pneumogastrique.
Celte origine se fait constamment par plusieurs filets radiculaires, qui sont
primitivement indépendants, mais qui ne tar¬
dent pas à se réunir pour constituer un cordon
arrondi.

2° Origine réelle. — Le nerf glosso-pharyn-


gien étant un nerf mixte, nous examinerons
successivement, au point de vue de son origine
réelle, ses fibres sensitives et ses fibres motri¬
ces :
a) Fibres sensitives, leurs noyaux de termi¬
naison. ■— Du sillon latéral du bulbe, où elles
Fig. 67.
pénètrent dans le névraxe, les fibres sensitives
Les derniers nerfs crâniens
du glosso-pharvngien se portent obliquement s’engageant dans leurs ori¬
fices duraux.
en arrière et en dedans, vers le plancher du qua¬ 1, trijumeau. — 2. moteur ocu¬
laire externe. — 3, facial
trième ventricule. Un peu avant de l’atteindre, avec : 3’, intermédiaire de
Wrisberg. — 4. auditif. — 5,
elles se divisent chacune en deux branches, l’u¬ glosso-pharyngien. — 6, pneu¬
mogastrique. — 7, spinal. — 8,
ne ascendante, l’autre descendante (fig. 68) : sinus latéral. — 9, sinus pé-
treux inférieur. — 10, sinus
a) Les branches ascendantes viennent se ter¬ pétreux supérieur.

miner, sur le plancher ventriculaire, dans la


partie moyenne de l’aile grise, qui devient ainsi son noyau d’origine ou
noyau terminal : c’est le noyau de l'aile grise ou noyau dorsal. Rappelons,
en passant, que l’aile grise est un dérivé de la base des cornes postérieures
de la moelle et qu’elle donne encore naissance à deux nerfs : au-dessus du
glosso-pharyngien, à l’intermédiaire de Wrisberg ; au-dessous du glosso-
pharyngien, au pneumogastrique.
(1) Les branches descendantes, s’infléchissant en dehors et en bas, viennent
se terminer à la partie moyenne d’une petite colonne de substance grise,
profondément située, qui commence en bas au niveau de l'entrecroisement
sensitif et que l’on peut suivre, en haut, jusqu’à la partie moyenne du qua-
208 LES NERFS CRANIENS

triènie ventricule, c’est, le faisceau solitaire. Ce faisceau solitaire, comme le


noyau inférieur du trijumeau, avec lequel il présente les plus grandes analo¬
gies, dérive de la tête des cornes postérieures.
Au total, la portion sensitive du glosso-pharyngien a deux noyaux d’ori¬
gine ou noyaux terminaux: le noyau de l'aile grise ou noyau dorsal et le
noyau solitaire. Dans l’un et dans l’autre, les libres sensitives se terminent
par des arborisations libres, qui enlacent les cellules nerveuses constitutives
des deux noyaux.
b) Fibres motrices, leur noyau d’origine. — Les fibres motrices du glosso-
pliaryngien, intimement mêlées aux libres sensitives, suivent tout d'abord le
même trajet que ces dernières : obliques d’avant en arrière et de dehors en
dedans, elles traversent successivement la racine bulbaire du trijumeau et la
formation réticulaire, et arrivent à la partie antérieure de l’aile grise. Là,
s'infléchissant sur elles-mêmes en formant une courbe très prononcée, elles
se dirigent d’arrière en avant et un peu de dedans en dehors, pour gagner la
partie supérieure d’une petite colonne de substance grise qui donne encore
naissance, plus bas, à deux autres faisceaux moteurs, le faisceau moteur du
pneumograstrique et le nerf spinal : c’est le noyau ambigu. Ce noyau ambigu
est profondément placé dans la formation réticulaire du bulbe, exactement
sur la même verticale que le noyau dû facial et le noyau masticateur. Comme
ces derniers noyaux, il représente, à son niveau, la tête de la corne antérieure.
Ramon y Cajal admet un entrecroisement partiel des fibres radiculaires mo¬
trices du glosso-pharyngien. Mais, contrairement à cette opinion, van

Geuuchten conclut, des recherches qu’il a entreprises à ce sujet avec la


méthode de Nt.ssl, que le glosso-pharyngien ne renferme que des fibres
directes.
c) Relations centrales des noyaux du glosso-pharyngien. — Le glosso-
pharyngien est en relation avec Fécorce cérébrale, à la fois par ses noyaux
sensitifs et par ses noyaux moteurs :
«x) Les fibres afférentes des deux noyaux sensitifs (noyau dorsal et noyau soli¬
taire) se portent en dedans vers la ligne médiane, s’y entrecroisent avec
leurs homologues du côté opposé et, se redressant alors pour devenir ascen¬
dantes, se mêlent aux fibres constitutives du ruban de Reil. Elles font ainsi
partie de la voie sensitive centrale, et, avec elle, remontent jusqu’à l’écorce
cérébrale. On admet généralement qu’elles aboutissent à la partie moyenne
de la circonvolution de l’hippocampe.
B) Quant au noyau moteur du glosso-pharyngien, il reçoit les arborisations
terminales d’un certain nombre de fibres du faisceau géniculé, qui lui appor-
NERF GL0SS0-P1IARYNGIEN 209

tent les incitations motrices cérébrales. Ces fibres motrices ont, comme les fi¬
bres sensitives, un trajet croisé.
Il est très probable que le glosso-pharyngien est encore en rapport avec le
cervelet par une double voie, l’une ascendante, l’autre descendante. Mais ces
dernières connexions ne sont pas encore bien connues.

æ
3* Trajet. — Immédiatement
après son émergence du bulbe, le
nerf glosso-pharyngien se porte en
dehors et un peu en avant, vers le
trou déchiré postérieur. Se coudant
alors à angle droit pour devenir
descendant, il s’engage dans ce
trou (fig. 67), le traverse et arrive
ainsi à la base du crâne. Là, il se
dirige de haut en bas et d’arrière
en avant, pour se porter à la base
de la langue, où il se termine.

4° Ganglions. — A sa sortie du
trou déchiré postérieur, le glosso-
pharyngien présente sur son tra¬
jet un petit renflement ganglion¬
naire, de coloration grisâtre : c’est
le ganglion d’Andersch ou encore Fig. 68.
le ganglion pétreux. Il est, mor¬ Mode de terminaison des fibres sensitives
du glosso-pharyngien.
phologiquement, l’homologue d’un xx, ligne médiane. — 1, un segment de la
moelle cervicale en coupe, avec 2, substance
ganglion spinal. gélatineuse de la corne postérieure. -— 3, fais¬
ceau solitaire. — 4, les fibres sensitives du glosso-
Un peu au-dessus du ganglion pharyngien, avec 4’, leurs ganglions (g. d’An¬
dersch). — 5, leur bifurcation en : 5’, branches
d’Andersch, le glosso-pharyngien ascendantes, allant à l’aile grise ; 5”, branches
descendantes, allant au faisceau solitaire. — 6,
possède un deuxième ganglion, le fibres efférentes des cellules du faisceau solitaire,
se portant vers la ligne médiane, s’y entrecroi¬
sant avec leurs homologues du côté opposé et se
ganglion d’Ehrenritter. Ce deuxiè¬ redressant alors pour contribuer à former 6’, la
voie sensitive centrale.
me ganglion a la même significa¬
tion que le précédent : il est, toute¬
fois, beaucoup moins important, se réduisant, parfois à une simple traînée
de cellules nerveuses, visibles seuleir ent au microscope.

5° Anastomoses. — A sa sortie du crâne, le glosso-pharyngien s’anasto¬


mose : 1° avec le pneumogastrique par un rameau très court et très grêle qui
LES NERFS EN SCHÉMAS 14
210 LES NERFS CRANIENS

va d’un nerf à l’autre immédiatement au-dessous du trou déchiré ; 2° avec le


facial (voy. ce nerf, p. 168) ; 3° avec le grand sympathique par un filet très
grêle qui va du ganglion d’Andersch (quelquefois du tronc même du glosso-
pharyngien) au rameau carotidien du ganglion cervical supérieur.

6° Mode de distribution. —
Le nerf glosso-pharyngien, aü
cours de son trajet, fournit
deux ordres de branches : des
branches collatérales et des
branches terniinales.
a) Branches collatérales. -—

Elles sont au nombre de six :

1° Nerf de Jacobson. — 11
naît sur le côté externe du gan¬
glion d’Andersch et, par le ca¬
nal tympanique, arrive à la par¬
tie inférieure de la caisse du
tympan. Il se jette alors dans
v Fig. 69.
Le nerf de Jacobson sur la paroi interne
une gouttière ramifiée qui oc¬
de ’a caisse du tympan. cupe le promontoire. Là (fig.
1, nerf glosso-pharyngien, avec 1’ ganglion d’An¬
dersch. — 2, nerf de Jacobson, avec ses six filets : 3, 69), il se partage en six rameaux,
filet carotico-tympanique ; 4, filet de la fenêtre ron¬
de; 5, filet de la fenêtre ovale; 6, filet de la trompe; dont deux se dirigent en arrière,
7, grand nerf pétreux profond ; 8, petit nerf pétreux
profond. — 9, nerf facial dans l’aqueduc. — 10, corde deux en avant et deux en haut.
du tympan. — 11, ganglion géniculé. — 12, grand
nerf pétreux superficiel. — 13, petit nerf pétreux su¬ a) Les deux rameaux posté¬
perficiel.
a, trou stylo-mastoïdien. — />. promontoire. — c, rieurs (fig. 69), sont destinés à la
trompe d’Eustache. — d, face antérieure du rocher.
— e, carotide interne et plexus carotidien.
muqueuse tympanique : l’un se
perd sur le pourtour de la fenê¬
tre ronde ; l’autre s’épuise en fines ramifications au voisinage de la fenêtre
ovale.
PO Des deux rameaux antérieurs, l’un, rameau muqueux, se distribue a la
muqueuse de la trompe d’Eustache ; l’autre, sous le nom de filet carotico-
tympanique, se rend au plexus carotidien.
Y) Les deux rameaux supérieurs sont : le grand nerf pétreux profond, qui
s’unit au grand nerf pétreux superficiel (venu du facial) pour former le nerf
vidien, lequel se rend au ganglion sphéno-palatin (voy. fig. 49) ; le peiit
nerf pétreux profond, qui s’unit de même au petit nerf pétreux superficiel
(venu du facial) pour se porter ensuite au ganglion otique (voy. fig. S?'1
NERF GLOSSO-PHARYNGIEN 211

2° Nerf du stylo-pharyngien. — Il se distribue, par un ou deux filets, au


muscle stylo-pharyngien.
3° Nerf du stylo-glosse et du glosso-staphylin. — Il se réunit d’ordinaire au
rameau lingual (venu du facial) pour venir se distribuer aux deux muscles
stylo-glosse et glosso-staphylin.
4° Rameaux carotidiens. — Au nombre de deux ou trois, ils se portent vers
la bifurcation de la carotide primitive, où ils forment, avec quelques autres
rameaux issus du pneumogastrique et du ganglion cervical supérieur, un
important plexus, que l’on désigne, en raison de sa situation entre les deux
carotides, sous le nom de plexus intercarotidien.
5° Rameaux pharyngiens. — Au nombre de deux ou trois, ils forment sur
le côté du pharynx, avec d’autres rameaux provenant du pneumogastrique et
du ganglion cervical supérieur, un deuxième plexus, le plexus pharyngim,
d’où s’échappent : 1° des filets moteurs, pour les muscles constricteurs du
pharynx ; 2° des filets sensitifs, pour la muqueuse du pharynx ; 3° des filets
vasculaires, pour les vaisseaux de cet organe.
6° Rameaux ionsilldires. — Ils se portent sur la face externe de l’amyg¬
dale, où ils forment en s’anastomosant entre eux, un troisième plexus, le
plexus tonsillaire d’ANDERScu. De ce plexus tonsillaire partent des filets pour
l’amygdale et le pilier antérieur du voile du palais.

b) Branches terminales. — Après avoir fourni ces diverses branches colla¬


térales, le nerf glosso-pharyngien pénètre dans l’épaisseur de la base de la
langue et s’y partage ordinairement en deux branches principales; l’une
interne, l’autre externe.
Ces deux branches, se divisant et se subdivisant à leur tour, se résolvent
en une multitude de petits filets qui se croisent et s’anastomosent dans tous
les sens : leur ensemble constitue un riche plexus, que l’on désigne sous
le nom de plexus lingual.
Finalement, ces filets vont se perdre dans la muqueuse de la base de la
langue, au niveau et en arrière du V lingual.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

A) rONCTIONS DU NERF GLOSSO-PHARYNGIEN

Dans sa leçon au Collège de France du 18 juin 1839, Magendie disait :


« Il règne aujourd’hui beaucoup de désaccord et d'incertitude sur les fonc¬
tions du nerf glosso-pharyngien. Les uns le regardent comme un nerf de
212 LES NERFS CRANIENS

mouvement, d autres comme un nerf de sentiment, d autres comme un


nerf de goût. Certains physiologistes combinent et associent diversement ces
opinions, de manière à reconnaître au nerf des propriétés mixtes ». (1).
h avenir a donné raison à ces derniers ; mais il a fallu plus d’un demi-siè¬
cle de patientes investigations, auxquelles ont pris part tour à tour Longet,

Claude Bernard et bien d autCes, pour arriver à démontrer d’une façon posi¬
tive que le glosso-pharyngien contenait des fibres sensorielles, sensitives,
motrices, secrétoires et vaso-motrices. Encore convient-il d’avouer que tous
les problèmes soulevés par l’étude physiologique de ce nerf n’ont pas été
complètement résolus. Les obstacles qui en ont retardé la solution sont de
plusieurs ordres. Tout d'abord, la complexité et la multiplicité de ses fonc¬
tions. En second lieu, il se trouve à son origine profondément encastré,
au fond d’une région à peu près inacessible à l’expérimentation sur les
animaux vivants, entre le groupe très cohérent des VIIIe, Xe, XIe et XIIe
paires, de telle sorte qu’il est extrêmement difficile de l’atteindre iso¬
lément dans le crâne et d’analyser, comme on le fait pour le triju¬
meau ou le facial, les effets de la section ou de l’excitation de ses fais¬
ceaux radiculaires. Or, cette analyse serait d’autant plus importante, dans
l’espèce, qu’avant même de sortir du crâne, il reçoit plusieurs anastomoses
susceptibles de modifier ses attributs fonctionnels en lui annexant des fibres
d’emprunt. Une troisième difficulté résulte du fait qu’avanl d’arriver à ses
extrémités terminales, plusieurs de ses rameaux entrent dans la composition
de ganglions ou de plexus, dans lesquels ils se mélangent étroitement à des
rameaux provenant du trijumeau, du facial, du spinal et du pneumogastri¬
que, si bien qu’il est impossible d’isoler par les dissections les plus délicates
les filets appartenant aux uns ou aux autres de ces nerfs, et par conséquent, de
savoir au juste auquel d’entre eux appartiennent les fibres qui forment les
branches efférentes de ces inextricables réseaux. Quatrièmement, enfin, on
ne peut explorer que d’une façon très grossière la sensibilité gustative et
même la sensibilité tactile de la base de la langue et du pharynx des ani¬
maux en expérience. Néanmoins, à force de patience et d ingéniosité, les
physiologistes ont fini par se mettre d’accord sur un certain nombre de faits
essentiels qui permettent de comprendre les fonctions très complexes du
glosso-pharyngien.
Pour donner plus de clarté à l’exposé de ces faits, nous envisagerons suc¬
cessivement le nerf de la IXe paire : 1° dans ses fonctions sensorielles :

(1) Magendie, Leçons sur les fonctions et les maladies du système nerveux, Paris 1889
T. II p. 293.
N EK F GLOSSO-PHARYNGIEN 213

2° dans ses fonctions sensitivo-motrices ou réflexes ; 3° dans ses fonctions


sécrétoires et vaso-motrices. Etudions l’une après l’autre chacune de ces
fonctions.

1° Fonction sensorielle; rôle du glosso-pharyngien dans la gustation,


conception physiologique du nerf gustatif. — Le nerf de la IXe paire a
été appelé, par les anatomistes, glosso-pharyngien. Cette dénomination est
justifiée par le fait que la plupart de ceux de ses rameaux qu’on peut suivre
par la dissection se distribuent dans la langue et dans le pharynx.
Si on voulait lui donner un nom rappelant sa principale fonction, on
devrait considérer qu’il sert surtout à la gustation. On pourrait dès lors, par
analogie avec les autres nerfs sensoriels, olfactif, optique, auditif, l’appeler
le nerf gustatif. Mais il faut remarquer qu’il n’est pas le seul n'erf affecté au
sens du goût. Il y en a un autre qui partage avec lui cette fonction, c’est le
nerf intermédiaire de Wrisberg, que nous avons décrit précédemment, à
propos du nei'f facial, non sans indiquer cependant les raisons d’ordre ana¬
tomique et physiologique qui légitimeraient plutôt son rattachement au
glosso-pharyngien. Nous avons rappelé notamment que Mathias Duval dans
ses recherches sur les origines des nerfs crâniens a été conduit à penser que
le noyau de Wrisberg, était probablement un noyau aberrant à la IXe paire
et que, d’autre part, le professeur Grasset, dans ses études de physiopatho¬
logie clinique, décrit le nerf de Wrisberg et le glosso-pharyngien comme
deux branches d’un seul et même nerf physiologique : le nerf gustatif.
Voyons avant d’accepter ou de repousser cette manière de voir, quelle est la
part respective du nerf de Wrisberg et du glosso-pharyngien dans la fonction
de la gustation.
Le champ gustatif, c’est-à-dire la portion de la muqueuse des voies digesti¬
ves où sont colligées les impressions sapides, s’étend à toute la cavité bucco-
pharyngienne, car on trouve en toutes ses parties des papilles et des corpus¬
cules histologiquement différenciés où se terminent les fibres nerveuses dont
la fonction est de recueillir les excitations spécifiques qui nous fournissent la
notion de la sapidité des corps. Mais s’ils sont répandus sur toutes les mu¬
queuses de la bouche et du pharynx, ils se trouvent principalement groupés
dans deux massifs occupant, l’un le tiers postérieur, l’autre les deux tiers
antérieurs de la muqueuse de la langue. Ils sont séparés par le V lingual.
Chacun d’eux reçoit son innervation sensorielle d’un nerf différent. Tous les
physiologistes s’accordent en effet à déclarer qu’on peut abolir la gustation
dans le massif postérieur en sectionnant le glosso-pharyngien en un point
quelconque de son trajet, sans modifier celle du massif antérieur.
214 LES NERFS CRANIENS

Il est donc évident que le glosso-pharyngien contient des fibres gustatives


qui se rendent au tiers postérieur de la muqueuse linguale. De même, tous
les physiologistes contemporains admettent que la section du nerf lingual,
émané de la branche maxillaire inférieure du trijumeau et formé, comme on
le sait (voir p. 117), par la réunion d’un rameau de cette branche du triju¬
meau avec la corde du
tympan, abolit la sen¬
sibilité gustative dans
les deux tiers antérieurs
de la langue. On serait
tenté de conclure en
présence de ce fait ex¬
périmental, dont per¬
sonne à l’heure actuelle
ne conteste la réalité,
que la sensibilité gus¬
tative du massif anté¬
rieur de la langue éma¬
ne de la Ve paire. Mais
s’il en était ainsi, la
section intracrânienne
du trijumeau, ou celle
du tronc de la branche
Fig. 70. maxillaire inférieure, à
L’intermédiaire de Wrisberg dans ses rapports avec
le facial et le lingual. la sortie du trou grand
1, langue, vue par son côté gauche. — 2, V lingual. — 3. rond, devrait nécessai¬
glande sous-maxillaire avec 3’, canal de Warthon. — 4, ganglion
sous-maxillaire. — 5, nerf facial, avec : 5’, 5”, 5”’, ses trois rement avoir le même
segments dans l'aqueduc de Fallope. — 6, trou stylo-mastoïdien.
— 7, ganglion génicule. — 8, grand nerf pétreux superficiel. — effet sur la sensibilité
9, petit nerf pétreux superficiel. — 10. nerf lingual. — 11, inter¬
médiaire de Wrisberg. — 12, corde du tympan (on voit nette¬
ment que l’intermédiaire se jette dans le ganglion géniculé, en
gustative des deux tiers
ressort sur le côté opposé, s’incorpore au facial, qu’il abandon¬
ne un peu au-dessus du trou stylo-mastoïden pour devenir la antérieurs de la langue
corde du tympan et se jeter dans le lingual. — 13, nerf glosso-
pharyngien, avec 13’. son ganglion, le ganglion d’Andersch. — que la section du nerf
14, ses branches terminales à la base de la langue, en arrière
du V lingual. lingual. Or, il n’en est
rien. La section du tri¬
jumeau dans le crâne est suivie d’une anesthésie tactile générale de la face
et de la langue ; celle du tronc du maxillaire inférieur, d’une anesthésie li¬
mitée à la portion inférieure de la face et à la totalité de la langue ; mais
toutes deux laissent intacte la sensibilité gustative de cet organe. Donc le
nerf lingual ne reçoit pas les fibres sensorielles qu’il contient, du trijumeau.
Elles lui viennent en réalité de la corde du tympan qui les a reçues elle-mê-
NERF GLOSSO-PIIARYNGIEN 215

me du nerf de Wrisberg. Voici les preuves expérimentales de cette affir¬


mation :
1° Lorsqu'on coupe la corde du tympan entre le point où elle se détache du
tronc du nerf facial, à quelques millimètres au-dessus du trou stylo-mas¬
toïdien et le point où elle pénètre dans le nerf lingual, on provoque la perte
du goût dans les deux tiers antérieurs de la langue.
2° Quand on coupe le nerf facial au-dessous du ganglion géniculé c’est-
à-dire en aval du point où il reçoit le nerf de Wrisberg, ou dans toute la
portion de son trajet qui s’étend du ganglion géniculé au voisinage du trou
stylo-mastoïdien, point auquel la corde du tympan se détache de lui pour aller
se réunir au nerf lingual, on provoque également la perte du goût dans le mas¬
sif antérieur du champ gustatif. Mais quand on coupe le facial au-dessus du
ganglion géniculé ou au-dessous du trou stylo-mastoïdien, on ne constate d’a¬
nesthésie gustative dans aucune partie de la langue.
3° La section ou l’arrachement de la grosse racine du facial ne provoque
elle non plus aucun trouble de la gustation. Au contraire, la section ou l’arra¬
chement de sa petite racine — qui est en réalité le faisceau radiculaire du
nerf de Wrisberg *— produit exactement la même perte du goût, dans les
deux tiers antérieurs de la langue que la section du facial, dans son trajet
intra-pétreux, ou que la section de la corde du tympan en un point quelcon¬
que de son trajet, où elle peut être atteinte isolément, ou que la section du
nerf lingual.
11 ressort clairement de la comparaison de ces trois séries d’expériences
que les fibres nerveuses, qui donnent la sensibilité gustative aux deux tiers
antérieurs de la langue, tirent leur origine du nerf de Wrisberg, qu’elles
pénètrent dans le facial au niveau du ganglion géniculé, qu’elles cheminent
dans le tronc de ce nerf jusqu’au voisinage du trou stylo-mastoïdien, qu elles
l’abandonnent à ce niveau en formant la corde du tympan, laquelle, après
s’être fusionnée avec le nerf lingual, arrive finalement à sa destination der¬
nière, les deux tiers postérieurs de la langue.
La conception d’un nerf gustatif physiologiquement unique, comprenant
le glosso-pharyngien et le nerf intermédiaire de Wrisberg, que les anato¬
mistes décrivent comme deux nerfs distincts, parce qu’ils ont en réalité
des trajets différents, n’est donc pas une simple vue de l’esprit ; elle exprime
sous une forme claire et facilement compréhensible, une série de faits
expérimentaux, dont il est très malaisé de saisir la signification, d’après
les descriptions fragmentaires qu’en font la plupart des- ouvrages classiques.
Cette conception exposée avec la lucidité qui est une des caractéristiques de
son talent par M. le professeur Grasset peut être ainsi résumée :
216 LES NERFS CRANIENS

Le nerf gustatif naît dans les papilles du goût qui se trouvent disséminées
dans les muqueuses de la bouche et du pharynx, mais dont la grande majo¬
rité est groupée dans les deux massifs gustatifs qui s’étalent l’un en avant,
l’autre en arrière du V lingual. Les fibres nerveuses qui naissent dans les
papilles de chacun de ces massifs se réunissent en deux faisceaux qui suivent
pour arriver au bulbe des trajets différents. Celles qui proviennent des papil¬
les contenues dans les deux tiers antérieurs de la langue forment la branche
antérieure du nerf gustatif ; elles se mélangent, sans perdre leur indivi¬
dualité propre, à des fibres sensitives du trijumeau auxquelles elles s’acco¬
lent pour former le nerf lingual, dans lequel elles cheminent sur une lon¬
gueur de quelques centimètres. Puis elles se séparent du trijumeau et vont,
sous le nom de corde du tympan se fusionner avec le nerf facial, dans lequel
elles pénètrent au niveau du trou stylo-mastoïdien et dont elles partagent le
trajet jusqu’au ganglion géniculé, où elles font un premier relai dans les
cellules constitutives de ce ganglion. Au delà de ces cellules, elles se recons¬
tituent en un faisceau distinct qui porte le nom de nerf intermédiaire de
Wrisberg et se dirigent avec lui vers le bulbe, où elles font un second relai
dans l’extrémité la plus élevée du noyau solitaire, d’où elles se projettent
dans le centre cortical gustatif qui se trouve très probablement dans la partie
moyenne de la circonvolution de l’hippocampe.
Les fibres qui proviennent du massif postérieur du champ gustatif et for¬
ment la branche postérieure du nerf gustatif ont un trajet beaucoup moins
compliqué. Elles pénètrent immédiatement dans le tronc du glosso-pharyn-
gien et s’acheminent avec lui vers le ganglion d’Andersch, où se trouve leur
premier relai, puis de là, elles se rendent dans la partie moyenne du noyau
solitaire, où elles ont leur centre d’origine bulbaire, entre le noyau du nerf
de Wrisberg qui est au-dessus et celui du pneumogastrique qui est au-des¬
sous. Au-dessus du noyau solitaire, les deux branches du nerf gustatif se
réunissent en un seul faisceau qui traverse le pédoncule cérébral et va se ter¬
miner dans le centre cortical de la circonvolution de l’hippocampe, où les
impressions sapides sont transformées en sensations gustatives.
Quant aux fibres sensorielles qui sont disséminées dans les parties de la
muqueuse bucco-pharyngée non comprise dans les massifs gustatifs, elles
vont se réunir isolément, celles de la partie antérieure de la cavité buccale
à la branche antérieure du nerf gustatif, celles de la partie postérieure à sa
branche postérieure.
Telle est la composition du nerf physiologique de la' gustation à laquelle
le glosso-pharyngien prend une part importante mais non exclusive. Il nous
reste à indiquer les autres fonctions de ce nerf.
NFRI GLOSSO - P H AR YNGI EN 217

2° Fonctions sensitives, motrices et réflexes. — Si après avoir coupé en


travers le nerf glosso-pharyngien au delà de sa sortie du crâne par le trou
déchiré postérieur, on excite successivement son bout central et son bout
périphérique, on constate que l’excitation du bout central provoque des ma¬
nifestations non équivoques de douleur et celle du bout périphérique, des
contractions dans quelques muscles du pharynx et du voile du palais. Enfin,
la section des deux nerfs glosso-pharyngiens supprime tous les réflexes qui
se produisent à l’état normal, à la suite de l’irritation mécanique du fond de
la gorge, ou de la base de la langue, notamment le réflexe nauséeux.
Après sa sortie du crâne, le nerf glosso-pharyngien contient donc sûrement
des fibres sensitives, des fibres motrices et des fibres réflecto-motrices. Il se
pourrait à la rigueur qu’elles provinssent des anastomoses qu’il a déjà reçues
à ce niveau du facial et du vago-spinal. C’était là l’opinion de Longet ; mais
Chauveau expérimentant sur les racines mêmes du nerf, à leur émergence

du sillon latéral du bulbe, a obtenu des résultats identiques à ceux fournis


par l’excitation ou la section du tronc nerveux, après sa sortie du crâne.
Aussi admet-on aujourd’hui que le glosso-pharyngien est mixte dès son
origine. Etudions donc chacune des fonctions qu’il remplit en dehors, bien
entendu, de ses fonctions sensorielles que nous connaissons déjà, par l’ex¬
posé que nous venons d’en faire dans le paragraphe précédent.
a) Sensibilité générale. — On a beaucoup discuté sur la distribution sen¬
sitive du glosso-pharyngien. Il paraît certain qu’il fournit directement la
sensibilité tactile au pilier postérieur du voile du palais et à l’amygdale lin¬
guale, et d’après certains auteurs, dont l'opinion est très contestée, au tiers
postérieur de la base de la langue. Par l’intermédiaire du rameau de Jacob-
son il innerve la muqueuse du tympan, les membranes qui recouvrent les
fenêtres ronde et ovale et la muqueuse de la trompe d’Eustache. Enfin, il
prend part à la constitution du ganglion otique, du ganglion sphéno-
palatin, et du plexus pharyngien, dont les fibres mélangées avec des fibres
provenant du trijumeau et du vago-spinal, vont contribuer à l’innervation
sensitive de l’amygdale palatine et de la muqueuse du pharynx.
b) Motricité. — Pour ce qui concerne les libres motrices, les unes se ren¬
dent sûrement au muscle du marteau ; d’autres vont, sûrement aussi,
innerver le muscle constricteur supérieur du pharynx et le muscle stylo-
pharyngien ; mais il n’est pas certain que les muscles stylo-glosse et glosso-
staphylin soient exclusivement innervés par le glosso-pharyngien. Quant
aux autres muscles du voile du palais (péristaphylin interne, palato-staphy-
lin, pharyngo-staphylin et péristaphylin externe), ils sont vraisemblablement
innervés tous par le spinal.
218 LES NERFS CRANIENS

Le glosso-pharyngien ne prend donc aucune part aux mouvements de la


langue ni à ceux du voile du palais. Mais il joue un rôle important dans la
déglutition, ou pour être plus précis, dans le premier temps de la dégluti¬
tion, par 1 intermédiaire de celles de ses libres qui innervent le muscle cons¬
tricteur du pharynx. Ce fait a été longtemps contesté. Magendie avait bien
affirmé qu après la section du glosso-pharyngien, les animaux éprouvaient
beaucoup de difficulté à avaler. Mais Longet avait prétendu tout le contraire.
Il soutenait que Magendie avait confondu dans ses expériences les nerfs
pharyngiens, provenant du spinal, avec le glosso-pharyngien. Chauveau a
repris la question dans des conditions expérimentales où une pareille cause
d erreur ne pouvait intervenir. En excitant le glosso-pharyngien dans le
crâne d animaux récemment tués, il a constaté des contractions dans la partie
antérieure du constricteur supérieur du pharynx et dans une partie des mus¬
cles staphylins. Nous verrons dans un instant que les faits pathologiques
recueillis sur l’homme confirment cette observation expérimentale.
c) Réflectivité. — Deux réflexes différents se produisent à la suite de l’exci¬
tation de l’arrière-gorge, ce sont le réflexe de déglutition et le réflexe
nauséeux.
Le premier survient quand le bol alimentaire préparé par la mastication
et l’insalivation, est poussé volontairement par la langue vers l’isthme du
gosier. A partir du moment où il est arrivé en cet endroit, sa progression
cesse d’être régie par la volonté, elle devient purement réflexe. Les voies
centripètes de ce réflexe sont formées par le trijumeau (rameau palatin
de la branche maxillaire supérieure qui donne la sensibilité à la face anté¬
rieure du voile du palais), et accessoirement par le laryngé supérieur
(branche du pneumogastrique) ; son centre est dans le bulbe ; ses voies
centrifuges sont multiples car la déglutition met en jeu successivement les
muscles de la langue innervés par le grand hypoglosse, les muscles sus-hyoï¬
diens et péristaphylins externes, innervés par la branche masticatrice du
trijumeau, les muscles du voile du palais innervés par le spinal, les muscles
constricteurs du pharynx innervés, le supérieur par le glosso-pharyngien, le
moyen et l’inférieur par le spinal, et enfin, les muscles de l’œsophage, inner¬
vés par le pneumogastrique.
Le réflexe nauséeux, qui est plus connu en clinique sous le nom de réflexe
pharyngien, succède à l’attouchement par un corps dur de la base de la
langue, du voile du palais, ou des replis épiglottiques. Cet attouchement est
généralement pratiqué avec le bout de l’index introduit profondément dans
la bouche du sujet examiné. Il provoque habituellement chez les sujets nor¬
maux une sensation désagréable de « soulèvement de cœur » accompagnée de
NERF GLOSSO-PIIARYNGIEN 219

contraction des muscles du voile du palais et de ceux de 1 abdomen, allant


quelquefois, chez les personnes très sensibles jusqu’à produire le vomis¬
sement.
Ce réflexe aurait, d’après J. 1\eid qui l'a bien étudié, pour point de départ
l’excitation des fibres sensitives du glosso-pharyngien, pour centre le bulbe,
et pour voie centrifuge les nerfs moteurs qui animent les muscles du voile
du palais, du pharynx et de l’abdomen.
On remarquera que ce réflexe nauséeux joue par rapport au sens de la gusta¬
tion, un rôle comparable à celui que remplissent, par rapport au sens de
l’olfaction, le réflexe d’éternuement, et par rapport au sens de la vue, le
réflexe du clignement palpébral. Ce sont tous des réflexes défensifs qui pro¬
tègent les organes sensoriels contre des excitations extérieures inopportunes
ou inadéquates aux fonctions propres de ces organes.
»

3° Fonctions secrétoires et vaso-molrices du nerf glosso-pharyngien. —


Le glo.sso-pharyngien renferme un grand nombre de fibres dilatatrices des
vaisseaux de la langue. Il ne contient en revanche qu’un petit nombre de
fibres vaso-constritives, la plupart de ces dernières passant par le grand
hypoglosse. Il contient aussi proportionnellement à son volume beaucoup
moins de fibres sécrétoires que le nerf de Wrisberg qui régit seul la sécré¬
tion des glandes salivaires et lacrymales ainsi que nous l’avons expliqué
précédemment à propos du facial (voir p. 173).

B) RÉACTIONS PATHOLOGIQUES DU NERF GLOSSO-PHARYNGIEN

Les phénomènes morbides succédant aux sections traumatiques ou aux


lésions spontanées (névrites, tumeurs, etc.) du glosso-pharyngien ont été
peu, ou pour mieux dire incomplètement étudiées jusque dans ces derniers
temps. On n’a guère prêté attention qu’aux troubles de la gustation et à ceux
de la réflectivité pharyngienne. Or, l'exploration quantitative et surtout
qualitative du goût est toujours délicate et prête à de nombreuses causes
d’erreur. Quant à la valeur sémiologique du réflexe nauséeux provoqué pai
l’introduction d'un doigt dans le fond de la gorge, elle est presque complète¬
ment illusoire, à cause de l’extrême variabilité de la réflectivité pharyngienne,
chez les sujets normaux ; chez les uns, la nausée se manifeste aussitôt que
le doigt explorateur approche de la base de la langue ; chez les autres, on
peut l'introduire jusqu’au fond de la gorge et le promener sur l’épiglotte,
sans déterminer la moindre réaction de défense.
220 LES NERFS CRANIENS

Ces deux phénomènes : la perte de la sensibilité gustative à la base de la


langue et l’abolition du réflexe pharygien, ne sont donc pas suffisants pour
permettre de diagnostiquer une paralysie du nerf glosso-pharyngien.
A ces signes toujours incertains ou infidèles, M. Vernet en a tout récem¬
ment ajouté deux autres qui paraissent avoir beaucoup plus de valeur
clinique : ce sont la difficulté de la déglutition des aliments solides et le
mouvement de rideau de la paroi postérieure du pharynx du côté malade vers
le côté sain.
«) La difficulté de la déglutition des aliments solides est généralement très
caractéristique. Les malades atteints de paralysie du glosso-phrayngien boi¬
vent facilement ; les liquides qu’ils ingurgitent ne passent pas, comme dans
les paralysies du voile du palais, dans les voies aériennes. Ce sont seulement
les solides, le pain, la viande qui passent mal. Le malade « en arrive parfois
à s’abstenir de manger durant les premiers jours de la paralysie ou à n’ac¬
cepter que les purées ou les soupes ». Plus tard la déglutition s’améliore,
mais il persiste toujours une sensation de gêne, d’étroitesse du gosier qui
empêche le libre passage du bol alimentaire.
P) Le signe du rideau est caractérisé par le fait que lorsqu'on provoque un
réflexe nauséeux, en enfonçant l’abaisse-langue dans le fond de la bouche, ou
bien si le malade ayant la bouche largement ouverte, on l’invite à prononcer
les voyelles a ou é, on constate aussitôt que la paroi postérieure du pharynx
se porte du côté malade vers le côté sain par un mouvement qu’on peut
comparer à celui d’un rideau.
Ces deux signes dépendent de la paralysie du muscle constricteur supérieur
du pharynx qui est innervé par le glosso-pharyngien, tandis que les constric¬
teurs moyen et supérieur reçoivent leurs nerfs moteurs, sinon exclusivement,
du moins d’une façon prédominante du spinal. Or, le constricteur supérieur
du pharynx a une fonction différente de celle des deux autres. C’est lui qui
joue le rôle principal dans le premier acte de la déglutition. Sa contraction
a pour effet de rétrécir le calibre de la partie supérieure de la cavité pharyn¬
gienne, et par suite, de faire cheminer le bol alimentaire vers la partie
inférieure du canal. Ce premier acte de la déglutition est particulièrement
important pour l’ingestion des substances solides. C’est pourquoi dans la
paralysie du glosso-pharyngien les solides sont beaucoup plus difficilement
déglutis que les liquides.
Quant au signe du rideau il s’explique tout naturellement par la prédomi¬
nance de l’énergie contractile du muscle constricteur supérieur, du côté
sain, par rapport à celle du muscle homologue du côté paralysé qui a perdu
NERF PNEUMOGASTRIQUE 221

sa contractilité et qui se trouve de ce fait attiré vers le coté sain, lorsque


son antagoniste du côté opposé est frappé d’inertie.
Ajoutons en terminant que dans les paralysies isolées du glosso-pharyn-
gien, on ne constate aucun trouble de la motilité de la luette, des lèvres, ni
de la langue.

ARTICLE IX

NERF PNEUMOGASTRIQUE
[Planche X ].

Le pneumogastrique ou nerf de la Xe paire, que l’on désigne encore sou»


le nom de nerf vague, est le plus long et certainement aussi le plus important
de tous les nerfs crâniens. Il s’étend depuis le bulbe jusqu’au-dessous du
diaphragme, jetant des rameaux, chemin faisant, sur tous les viscères con¬
tenus dans les trois régions du cou, du thorax et de l’abdomen.

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine apparente. — Le nerf pneumogastrique prend naissance dans


le sillon latéral du bulbe, sur la même ligne que le glosso-pharyngien, qui
est au-dessus, et le spinal, qui est au-dessous. Cette origine a lieu, comme
pour le glosso-pharyngien, par un certain nombre de filets radiculaires qui,
convergeant les uns vers les autres, ne tardent pas à se réunir pour constituer
le tronc nerveux.

2° Origine réelle — Comme le glosso-pharyngien, le pneumogastrique est


mixte à son émergence et, par conséquent, renferme deux ordres de fibres,
des fibres sensitives et des-fibres motrices. Etudions-les séparément :
a) Fibres sensitives, leurs noyaux d’origine. — Les fibres sensitives (fig. 71)
se comportent exactement comme celles du glosso-pharyngien. Après avoir
traversé la racine bulbaire du trijumeau et la substance réticulaire, elles se
partagent chacune en deux branches, l’une ascendante, l’autre descendante :
les branches ascendantes aboutissent, après un trajet très court, à la partie
inférieure de l’aile grise, c’est le noyau dorsal ; les branches descendantes,
se recourbant en bas, viennent se terminer à la partie inférieure du noyau
222 LES NERFS CRANIENS

solitaire, c’est le noyau solitaire. Ces fibres, quel que soit le


noyau auquel elles aboutissent, se terminent ici, comme pour
le glosso-pharyngien, par des arborisations libres, qui entou¬
rent les cellules nerveuses constituti¬
ves des noyaux précités.
b) Fibres motrices, leur noyau d’o¬
rigine. — Les fibres motrices du pneu¬
mogastrique suivent, elles aussi, le mê¬
me trajet que celles du glosso-pharyn¬
gien. Se portant d’abord d’avant en
arrière, puis d’arrière en avant, elles
décrivent dans leur ensemble une sor¬
te de courbe en forme de fer à chevail
et viennent se terminer à la partie mo¬
yenne du noyau ambigu. D’après Ra-
mon y Cajal, les fibres radiculaires mo¬
trices du pneumogastrique présenteraient,
comme celles du glosso-pharyngien, une dé¬
cussation partielle. Mais ici encore, van

Gehuchten rejette cette opinion : pour lui,


toutes les fibres du vague seraient des fi¬
bres directes.
c) Relations centrales des noyaux d’origi¬
ne du pneumogastrique. — Elles sont les
mêmes que pour le glosso-pharyngien (voy.
ce nerf, p. 208).
Schéma représentant le faisceau
solitaire et le mode de termi¬
3° Trajet. — Du sillon latéral du bulbe naison des fibres sensitives
où il émerge, le pneumogastrique se dirige des nerfs mixtes.
a\r, ligne médiane. — 1, intermé¬
obliquement en haut, en dehors et un peu diaire de Wrisberg, avec 1’, son
ganglion (ganglion qéniculé). — 2,
en avant, vers le trou déchiré postérieur. Là, glosso-pharyngien, avec 2’ son gan¬
glion (ganglion d'Andersch). — 3.
se coudant à angle droit, il s’engage dans pneumogastrique, avec 3’. son gan¬
glion (ganglion jugulaire) et gan¬
glion plexiforme) 4, faisceau
ce trou et arrive ainsi à la base du crâne. solitaire, se continuant en bas avec
4’, substance gélatineuse de la cor¬
A partir de ce point, le pneumogastrique ne postérieure. — 5, fibres effé¬
rentes des cellules du faisceau
suit un trajet verticalement descendant : il solitaire, contribuant à former,
après entrecroisement sur la ligne
traverse successivement le cou et le thorax ; médiane, la voie sensitive centrale.
— 6. cordon antéro-latéral de la
il traverse ensuite le diaphragme au niveau moelle. — 7, racines postérieures.

de son orifice œsophagien et débouche alors


dans la cavité abdominale, où il se termine, par de nombreux rameaux di¬
vergents, sur l’estomac, dans le foie et dans le plexus solaire.
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

_ Rocher

_Caisse ou tympan
Plancher du 4e

Aile grise-_ du pneumogf.avec le :

Noyau dorsal_ glosso-pharyng"


"nal
Fasse, solitaire
gd hypoglosse
sympathique
Noyau ambigu_

Trou déchiré

Sl.-ci.-jnasr_
Langue

Trapèze Os HYOÏDE

N. laryngé exl6
Crico-aryt" pOStr._
A ry-aryténoidicn_
Crico-aryt" laû_ _Glotte

Thyro-aryl•.*_ _Larynx

Anse de Galien_ Crico-l/tyroïdien

_ Trachée
OEsophage
N. récurrent droit

.N. récurrent gauche

N. pneumog0 gauche

Poumon droit
_Aorte

Poumon gauche

Ganglion cardiaque.
A flore' pulmonaire

CV?vr

Diaphragme

G° semi-lunaire droit

Foie

Estomac

PLANCHE X

NERFS PNEUMOGASTRIQUE ET SPINAL


S. DUPRET Ciel. G. DOIN Éditeur.
-
NERF PNEUMOGASTRIQUE 223

Rappelons en passant que, au cou, le pneumogastrique chemine dans


l’espace angulaire postérieur que forment, en s’adossant l’une à l’autre, la
veine jugulaire interne et la carolide (la carotide interne d’abord, puis la
carotide primitive).
Rappelons encore que, à son entrée dans le thorax, le nerf se comporte
différemment à droite et à gauche : à droite, il croise verticalement la face
antérieure de l’artère sous-clavière, ayant en avant de lui la veine de même
nom ; à gauche, continuant son trajet descendant le long de la carotide
primitive, il chemine tout d’abord entre cette dernière artère et l’artère sous-
clavière gauche, laquelle est presque verticale à ce niveau ; il croise ensuite
verticalement la face antérieure ou face gauche de la crosse aortique.
Rappelons enlin que, dans le thorax, les deux pneumogastriques, après
avoir croisé chacun la face postérieure de la bronche correspondante, gagnent
l’un et l’autre la ligne médiane pour se placer, le gauche sur la face antérieure
de l’oesophage, le droit sur sa face postérieure.

4° Ganglions. — Le tronc du pneumogastrique nous présente, immédiate¬


ment au-dessous du crâne, deux glanglions superposés, le ganglion jugulaire
et le ganglion plexiforme :
a) Le ganglion jugulaire, le moins important des deux, est placé dans le
trou déchiré postérieur ; il est de couleur grisâtre, de forme ovoïde, mesu¬
rant de 4 à 6 millimètres de hauteur, sur 2 ou 3 millimètres de largeur.
P) Le ganglion plexiforme, situé immédiatement au-dessous du précédent,
est allongé en fuseau, mesurant en moyenne 20 à 25 millimètres de longueur,
sur 4 à 5 millimètres de largeur.
Tous les deux, du reste, ont la même signification morphologique : ce sont,
au même titre que le ganglion de Gasser et le ganglion d’Anderscli, les ho¬
mologuas des ganglions spinaux.

5° Anastomoses. — Au voisinage du trou déchiré postérieur, le pneumo¬


gastrique s’anastomose : 1° avec le spinal, qui lui envoie sa branche de
bifurcation interne ; 2° avec le glosso-pharyngien (voyez ce nerf, p. 209) ;
3° avec le facial (voyez ce nerf, p. 168 ; 4° avec le grand hypoglosse, à l’aide
de deux ou trois petits filets que ce dernier abandonne au ganglion plexifor¬
me, au moment où il le contourne ; 5° avec le grand sympathique, par un ou
deux rameaux, qui se détachent du ganglion cervical supérieur et se perdent
à la surface du ganglion plexiforme ; 6° avec les deux premiers nerfs rachi¬
diens, par un filet (non constant) qui naît de l’arcade, formé par les deux prc-
224 LES NERFS CRANIENS

mières paires cervicales et qui vient se jeter, presque immédiatement après


son origine, dans le ganglion plexiforme.

6" Mode de distribution. — Dans son long trajet du bulbe à l’abdomen,


le pneumogastrique fournit des branches fort nombreuses. Nous les distin¬
guerons, suivant la région à laquelle elles se distribuent, en quatre groupes :
1° une brai che intracrânienne ; 2° des branches cerviales ; 3° des bran¬
ches thoraciques ; 4° des branches abdominales.

a) Braxciie intracrânienne. — Elle est unique : c’est un rameau très


grêle qui, sous le nom de rameau méningien postérieur, vient se distribuer
à la dure-mère dans le voisinage du sinus latéral.
Quelques auteurs décrivent encore comme branche intracrânienne du
pneumogastrique le rameau auriculaire d’ARNOLD ou rameau de la fosse jugu¬
laire de Cruveilhier, qui, après s’être anastomosé avec le facial, va innerver
la paroi postéro-inférieure du conduit auditif externe. Nous l’avons décrite
avec le facial (voy. p. 168).

b) Branches cervicales. —■ A la région du cou, le pneumogastrique

fournit les nerfs suivants :


1° Nerf pharyngien. — Tantôt simple, tantôt double, il se détache du
ganglion plexiforme et se porte sur le côté du pharynx, où il forme, avec les
ram-eaux issus du glosso-pharyngien et du sympathique, le plexus pharyn¬
gien. Il émet des rameaux musculaires et des rameaux muqueux.
2° Rameaux cardiaques cervicaux. — Encore appelés rameaux cardiaques
supérieurs du pneumogastrique, ils sont représentés par deux ou trois
rameaux, qui se détachent de la portion cervicale du pneumogastrique, à des
hauteurs diverses. Suivant un trajet descendant, ils pénètrent dans le thorax,
en passant en avant des gros troncs artériels de la région et viennent se jeter
dans le plexus cardiaque, qui comtne on le sait, se trouve situé à la base du
cœur.
3° Nerf laryngé supérieur. Le laryngé supérieur, nerf mixte, se détache
de la partie inférieure du ganglion plexiforme. De là, il se porte vers le larynx
et, arrivé à l’os hyoïde, il se divise en deux rameaux, l’un inférieur, l’autre
supérieur :
a) Le rameau inférieur, plus connu sous le nom de nerf laryngé externe,
se porte obliquement en bas et en avant et envoie quelques filets très déliés
au corps thyroïde et au constricteur inférieur du pharynx. Il arrive ensuite
au muscle crico-thyroïdien, l’innerve, perfore d’avant en arrière la mem¬
brane crico-thyroïdienne et se distribue, en ramuscules terminaux, à la
NERF PNEUMOGASTRIQUE 225

muqueuse de la portion sous-gloltique du larynx, ainsi qu’à la muqueuse du


ventricule laryngé.
(3) Le rameau supérieur, conlinuant le trajet du laryngé supérieur, arrive
sur la membrane thyro-hyoïdienne, la per¬
fore et débouche ainsi dans l’épaisseur des
replis aryténo-épiglottiques, où il s’épanouit
en un bouquet de filets terminaux : 1° ra¬
meaux antérieurs, pour la muqueuse de
l’épiglotte ; 2° rameaux moyens, pour la
muqueuse des replis aryténo-épiglottiques ;
3° rameaux postérieurs, pour la portion de
la muqueuse pharyngienne qui recouvre la
face postérieure du larynx. Parmi ces der¬
niers, il en est un qui vient s’anastomoser
bout à bout avec un filet ascendant du la¬
ryngé inférieur, formant ainsi entre les deux
nerfs laryngés une anastomose verticale ap¬
pelée anse cle Galien.
4° Nerf laryngé inférieur ou nerf récur¬
rent.'— Le nerf laryngé inférieur se déta¬
che du pneumogastrique à la partie infé¬
rieure du cou et, de là, remonte vers ele
larynx en suivant un trajet rétrograde, d’où
son nom de récurrent.
Il diffère légèrement à droite et à gau¬
che. — A droite, il naît du pneumogastri¬ - Fig. 72.
que au moment où ce nerf croise l’artère Nerfs du larynx, vue postérieure.
1, laryngé supérieur, avec : 1\
sous-clavière. Il contourne cette artère, son rameau laryngé externe ; 1”
ses rameaux linguaux. — 2, laryngé
suit le bord droit de l’œsophage et arrive à inférieur ou récurrent du côté
gauche. — 2’, laryngé inférieur du
la face postérieure du larynx. — A gauche, côté droit. — 3, rameaux œsopha¬
giens. — 4, rameaux trachéens. —
il se détache du pneumogastrique au mo¬ 5, rameaux thyroïdiens. — 6, ra¬
meaux du crico-aryténoïdien posté¬
rieur et du crico-aryténoïdien laté¬
ment où ce nerf croise la crosse aortique. ral. — 7, rameau de l’ary-aryténoi-
dien. — 9, anse nerveuse de Galien.
Il contourne d’avant en arrière ce gros vais¬ — 10, 10’, nerfs pneumogastriques.
A, larynx. — B. épiglotte. — C,
seau et remonte vers le larynx, en suivant trachée. — D, corps thyroïde. — F,
œsophage. — I\ crosse aortique. —
le sillon que forment, en s’adossant l’une G. artère sous-clavière droite.

à l’autre, la face antérieure de l’œsophage


et la face postérieure de la trachée.
Chemin faisant, le nerf récurrent fournit : 1° des rameaux cardiaques
moyens qui, comme les cardiaques supérieurs, se rendent au plexus cardia-
IÆS NERFS EN SCIIÉMAS • 15
226 LES NERFS CRANIENS

que ; 2° des rameaux œsophagiens, à la fois moteur et sensitifs, pour la


couche musculaire et pour la muqueuse de l’œsophage ; 3° des rameaux tra¬
chéens pour la trachée ; 4” des rameaux pharyngiens, pour le constricteur
inférieur du pharynx.
Arrivé au larynx, il se termine dans les quatre muscles qui se trouvent ?
la face postérieure de cet organe : le crico-aryténoïdien postérieur, le crico-
aryténoïdien latéral, le muscle ary-aryténoïdien et le muscle thyro-aryténoï-
dien. Le récurrent innerve donc tous les muscles du larynx, sauf le crico-
thyroïdien qui, comme nous l’avons vu, reçoit son nerf du laryngé externe.

c) Branches thoraciques. — Dans le thorax^ le nerf pneumogastrique


fournit trois ordres de rameaux, savoir :
1° Rameaux cardiaques inférieurs. -— ils se détachent du tronc du pneu¬
mogastrique au-dessous de l’origine des récurrents, descendent entre 1*
trachée et la crosse aortique et, finalement, aboutissent au plexus cardiaque
v'voy. Grand sympathique).
2° Rameaux pulmonaires. — Ces rameaux, toujours fort nombreux, se
portent autour des bronches, qu’ils enlacent dans un riche plexus, le plexus
bronchique ou plexus pulmonaire. De ce plexus s’échappent des filets
trachéens, œsophagiens, péricardiques, pulmonaires, dont les noms seuls
indiquent la Ustribution.
3° Rameaux œsophagiens inférieurs. — Ils forment autour de l’œsophage
un riche plexus, dit plexus œsophagien. Ce plexus abandonne, à la partie
inférieure de l’œsophage thoracique, une série nombreuse de tous petits filets,
qui se distribuent à la fois à la muqueuse et à la couche musculaire.

nj Branches abdominales. — Arrivé dans l’abdomen, le pneumogastrique


se comporte différemment à droite et à gauche :
a) Le pneumogastrique gauche, situé sur le coté antérieur du cardia,
s’épanouit en de nombreux rameaux divergents sur la face antérieure de
l’estomac. La plupart d’entre eux se distribuent à cet organe. Un certain
nombre, cependant, après avoir longé la petite courbure, s’engagent entre
les deux feuillets de l’épiploon gastro-hépatique, se portent vers le hile du
foie et pénètrent dans ce viscère en suivant les divisions de la veine porte.
b) Le pneumogastrique droit, situé en arrière de l’œsophage et du cardia,
recouvre de ses branches la face postérieure de l’estomac.. Il abandonne
ensuite de nombreux rameaux au plexus solaire et, finalement, vient se
terminer dans l’angle interne du ganglion semi-lunaire du côté droit, en
contribuant à former le côté interne de cette longue arcade connu sous le
nom d’anse mémorable de Wrisberg. Nous nous contenterons de la signa-
NERF PNEUMOGASTRIQUE 227

lcr ici : nous la retrouverons plus loin, en étudiant le grand sympathique


(voy : Grand sympathique).

§ 2. — PHYSIOPATHOLOGIE:

Le pneumogastrique est formé par parties à peu près égales de deux ordres
de fibres nerveuses qui ne se trouvent réunies en de telles proportions dans
aucun autre nerf de l’économie : de fibres de la vie de relation et de fibres de
la vie organique. Les premières, fonctionnellement identiques à celles des
nerfs rachidiens, se distribuent à des parties sensibles du corps ou à des
muscles striés volontaires ; les secondes, fonctionnellement analogues à
celles du grand sympathique, sont destinées à des viscères qui ne jouissent à
l’état normal que d’une sensibilité très obtuse, ou à des muscles non soumis à
l’influence de la volonté.
Inextricablement mélangées dans le tronc du pneumogastrique au cou,
ces fibres d’espèces différentes se groupent cependant en faisceaux physio¬
logiquement homogènes, de telle sorte que chacune des branches collatérales
ou terminales qui partent de ce tronc se trouve constituée par des fibres
appartenant, sinon exclusivement, du moins d’une façon très prédominante au
système de la vie de relation, ou au système de la vie végétative.
Il serait très difficile, si on ne tenait pas compte de ces dispositions, de
résumer clairement les fonctions de la X° paire. Aussi, profitant de la liberté
que nous laissent le titre et l’esprit du présent ouvrage, allons-nous envisager
successivement — bien qu’ils ne soient pas en réalité absolument séparés — :
1° le pneumogastrique de la vie de relation ; 2’° le pneumogastrique de la vie
organique. Nous étudierons ensuite les réactions pathologiques du nerf vague.

A) LE PNEUMOGASTRIQUE DE LA VIE DE RELATION

1° Données anatomiques et physiologiques. — Le pneumogastrique


de la vie de relation comprend deux ordres de fibres : des fibres propres et
des fibres d’emprunt.
Les fibres propres prennent naissance dans les noyaux bulbaires de la
Xe paire. Elles cheminent, avec les fibres de la vie végétative qui tirent leur
origine des mêmes noyaux, dans les racines dont la réunion va former, au
niveau des ganglions jugulaire et plexiforme, le tronc commun du vague.
Elles n’y restent pas longtemps incluses ; elles passent, en effet, toutes ou
presque toutes dans les branches collatérales qui en émergent dans la région
cervicale.
228 LES NERFS CRANIENS

Les fibres d’emprunt proviennent des anastomoses que reçoit le pneumo¬


gastrique au niveau de ses renflements ganglion¬
naires, particulièrement de la branche interne du
spinal qui plonge toute entière dans le ganglion
plexiforme, reste enfermée dans le cordon du va¬
gue dans toute l’étendue de son trajet cervical et
s’en détache au point d’émergence des nerfs laryn¬
gés inférieurs, à la partie tout à fqit inférieure du
cou.
C’est à cette portion du cordon du pneumogas¬
trique où les fibres propres du vague sont réunies
à celles du spinal qu’on donne souvent le nom de
vago-spinal, dénomination criticable peut-être au
point de vue de la saine nomenclature anatomique,
mais justifiée en pratique par le fait que toutes les
lésions pathologiques et toutes les expériences phy¬
siologiques portant sur le segment cervical du
pneumogastrique, intéressent nécessairement à
la fois le spinal et le vague et donnent par consé¬
quent toujours lieu à des réactions complexes ré¬
sultant de l’excitation ou de l'inertie fonctionnel¬
le de ces deux nerfs.
Leur mode de coalescence avait fait penser à
Fig. 73. quelques savants du siècle dernier qu’ils formaient
'Schéma montrant la com¬
pénétration du spinal une paire nerveuse, comparable aux paires rachi¬
ot du pneumogastrique diennes, dans laquelle le pneumogastrique muni
ou vague, pour former
le vago-spinal. de ses ganglions représentait la racine sensitive,
1. paroi crânienne. — 2,
trou déchiré postérieur. — et la branche interne du spinal, la racine motrice.
3, pneumogastrique, avec : 4,
son ganglion jugulaire ; 5, Mais cette opinion émise par Goeres dès 1805, et
son ganglion plexiforme. —
6, spinal, avec : 7, sa bran¬ soutenue plus tard par ScArpa, Arnold, Bischoff,
che externe ; 8, sa branche
interne, dont la grande ma¬ Longet, etc., à été combattue par Cl. Bernard
jorité des fibres se déta¬
chent du cordon du vago- pour plusieurs raisons, dont les deux plus con¬
spinal, pour former 9, le
nerf laryngé supérieur, et vaincantes sont : d’une part, que les racines de
10, le nerf laryngé inférieur
ou récurrent. — 11, 12, 13,
14 et 15, filets laryngés, la Xe paire contiennent dès leur origine des élé¬
pharyngiens, œsophagiens,
cardiaques et pulmonaires, ments moteurs et des éléments sensitifs, car l’ex¬
émis par le pneumogastri¬
que. — 16, ses branches citation de leur bout central provoque des réac¬
terminales splanchniques.
— 17, diaphragme. tions douloureuses et celle de leur bout périphéri¬
que des réactions motrices dans quelques-uns des
muscles du larynx et du pharynx (expériences confirmées ultérieurement
NE R F PNEUMOGASTRIQUE 229

par Chauveau, Eckhard, etc.) ; d’autre part, que la sensibilité récurrente de?
racines du spinal provient non pas du pneumogastrique mais des quatre
premières racines cervicales, tandis que dans les paires rachidiennes la
racine motrice reçoit toujours sa sensibilité récurrente de la racine sensiti¬
ve correspondante.
Tous les physiologistes admettent donc aujourd’hui que le pneumogastri¬
que et le spinal ne sont pas entre eux dans les mêmes rapports que les deux
racines d'une paire rachidienne, que le premier est un nerf mixte dont la
partie motrice est renforcée par l’annexion de la branche interne du spinal.
L’étude des dégénérations secondaires confirme cette manière de voir en
montrant qu’après l’arrachement des racines du spinal on trouve dans toute
la longueur de la portion cervicale du vague des fibres dégénérées qu’on peut
suivre jusque dans les ramifications terminales du nerf récurrent (Waller,
Burckardt, etc), mais pas au delà (van Gehuciiten).

2* Fonctions spéciales des branches du pneumogastrique. — Ce point


étant acquis il nous reste à indiquer les fonctions spéciales de chacune des
branches du pneumogastrique par lesquelles passent les fibres de la vie de
relation. Ces branches, nous le savons, sont au nombre de cinq : 1° le rameau
méningieu postérieur ; 2° le rameau auriculaire ; 3° le nerf pharyngien ;
4° le nerf laryngé supérieur ; 5° le nerf laryngé inférieur ou récurrent.
a) Fondions du rameau méningien. — Le rameau méningien postérieur
qui se distribue à la dure-mère de la fosse occipitale est exclusivement sen¬
sitif. Il n’a donné lieu à notre connaissance à aucune expérience physiolo¬
gique. Il est probable qu’il joue un rôle dans la céphalée occipitale qui
accompagne souvent d’après les observations de P. Vercely, les affections
du pharynx et quelquefois celles de la région postérieure du crâne.
b) Fonctions du rameau auriculdire. — Le rameau auriculaire d’ARNOLU
et de Valentin (rameau de la fosse jugulaire de Cruvetliiier) qui va se dis¬
tribuer, conjointement avec quelques fibres provenant du glosso-pharyngien,
à la peau du conduit auditif externe et à la membrane du tympan,
donne la sensibilité tactile à ces parties de l’oreille. Il forme la por¬
tion centripète de l’axe sensitivo-moteur auquel est dû le mouvement
brusque de recul de la tête qui se produit involontairement lorsqu’on intro¬
duit un corps étranger dans le conduit auditif externe. Ce mouvement
représente une réaction de défense qui protège les organes internes de l’audi¬
tion contre les excitations susceptibles de les offenser.
c) Fonctions du rameau pharyngien. — Le nerf pharyngien est mixte. Il
se distribue, après avoir pris part à la formation du plexus pharyngien, où
230 LES NERFS CRANIENS

il se mélange à des filets du glosso-pharyngieu et du grand sympathique, à


la muqueuse du pharynx et aux muscles constricteurs moyen et inférieur de
cet organe. Nous avons précédemment indiqué (p. 217), que le constric¬
teur supérieur était innervé surtout, sinon exclusivement, par le glosso-
pharyngien. Contrairement à l’opinion formulée dans plusieurs ouvrages
classiques, il est probable aussi qu’il ne prend qu’une part très accessoire,
peut-être même nulle, à l’innervation motrice du voile du palais.
Par contre, il joue le principal rôle dans la production du réflexe nau¬
séeux, qui se produit quand on excite intempestivement avec un corps
étranger la base de la langue ou la face postérieure du pharynx, et qui pré¬
lude souvent aux vomissements.
d) Fonctions du laryngé supérieur. — Le nerf laryngé supérieur est sur¬
tout sensitif. Il donne la sensibilité tactile et d-olorifique à la portion posté¬
rieure de la base de la langue, aux deux faces de l’épiglotte, aux replis
arythéno-épiglottiques et à la totalité de la muqueuse qui tapisse le larynx.
11 innerve en outre le muscle crico-thyroïdien, et peut-être aussi, en partie,
le constricteur inférieur du pharynx.
Sa section détermine l’anesthésie de toutes les portions de la muqueuse
pharyngo-laryngée, dans lesquelles il se distribue, et la paralysie du muscle
crico- thyroïdien. Il »n résrdte une modification particulière de la voix qui
devient grave et rauque, par insuffisance de tension de la corde vocale
inférieure correspondante, sans troubles respiratoires notables. La voix rede¬
vient momentanément normale si, avec une pince, on rapproche le cartilage
ericoïde du thyroïde (Longet).
Le nerf laryngé supérieur jouit d’une sensibilité très vive, particulièrement
à la face supérieure de la glotte où quelques gouttes de liquide suffisent à
provoquer des quintes de toux violentes et pénibles. L’excitation de son bout
central est toujours suivie d’efforts expiratoires avec toux et de mouvements
de déglutition ; celle de son bout périphérique est suivie de l’occlusion de la
glotte. A l’état normal, il prend une part importante à l’acte de la déglu¬
tition. Lorsque les aliments suffisamment mastiqués et insalivés arrivent
dans l’antre pharyngien, l’excitation spécifique qu’ils produisent sur la
muqueuse de la base de la langue et les muqueuses voisines, innervées par lui,
provoque à la fois, par voie réflexe, l’abaissement de l’épiglotte qui assure
l’occlusion de l’orifice supérieur du larynx et la contraction du muscle
constricteur du pharynx qui dirige le bol alimentaire vers le canal pliaryngo-
œsopliagien. Si le bol alimentaire est trop volumineux et trop résistant,
l’irritation de la muqueuse pharyngienne innervée par les rameaux issus du
plexus pharyngien détermine l’effort d’expulsion qui constitue le réflexe
NERF PNEUMOGASTRIQUE 231

nauséeux. Le nerf laryngé supérieur et le nerf pharyngien sont ainsi préposés


l’un et l’autre à la garde des orifices des voies respiratoires et des voies
digestives. Le premier surveille l’introduction des aliments dans le pharynx
et l’œsophage ; il laisse passer librement ceux que leur mollesse rend suscep¬
tibles d’y être introduits sans inconvénient, en même temps qu’il empêche,
par l’abaissement de l’épiglotte, leur passage dans le larynx et la trachée ;
le second a plus spécialement pour fonction de rejeter au dehors de la cavité
buccale les corps solides qui tendraient à pénétrer indûment dans les voies
digestives. Ils interviennent probablement aussi tous les deux, dans la pro¬
duction des réflexes qui provoquent le hoquet et le vomissement.
e) Fondions du laryngé inférieur. — Le nerf lai'yngé inférieur ou récur¬
rent est presque exclusivement moteur. Il est formé en majeure partie par
des fibres provenant de la branche interne du spinal. Il innerve tous les
muscles intrinsèques du larynx, hormis le crico-thyroïdien, lequel reçoit sa
motricité d’un rameau détaché du laryngé supérieur. 11 envoie, en outre,
quelques lilets aux muscles striés de la partie supérieure de l’œsophage et à la
muqueuse œsophagienne.
La section d’un seul récurrent trouble l’émission de la voix qui devient
bitonale par suite de la paralysie unilatérale des muscles tenseurs des cordes
vocales. La section des deux détermine une aphonie complète. Elle a, à ce
point de vue, le même effet que l’arrachement des racines bulbaires des deux
nerfs spinaux. Chez les très jeunes sujets, elle est souvent suivie de suffoca¬
tion mortelle, parce que les cordes vocales, ayant perdu leur tonicité, se
rapprochent dans l’inspiration, à la manière de clapets, au point de mettre
obstacle à la pénétration de l’air dans la trachée. Les animaux d’un âge plus
avancé échappent à ce danger de mort par asphyxie, parce que leurs cartila¬
ges arythénoïdes, plus résistants, laissent en arrière des lèvres de la glotte
une ouverture que les cordes vocales flottantes ne peuvent pas obturer. L’air
continuant à pénétrer par cette ouverture, l’asphyxie est évitée, d’autant plus
que pour suppléer à la diminution d’ouverture de la glotte, l’animal fait
instinctivement des inspirations plus rapprochées qu’à l’état normal.
Somme toute, le récurrent n’a pas une grande influence sur le mécanisme
de la respiration. En revanche, par son action sur les muscles intrinsèquse du
larynx, qui commandent la tension des cordes vocales, il est l’agent princi¬
pal de la phonation. Mais il ne faut pas oublier que c’est du noyau bulbaire
de la XIe paire et non pas de ceux de la Xe paire que proviennent les fibres
motrices du récurrent, et que, par conséquent, c’est le spinal et non le pneu¬
mogastrique qui est en réalité le nerf de la voix et du chant.
232 LES NERFS CRANIENS

3° Résumé. — En résumé, le pneumogastrique de la vie de relation


préside :
a) Par ses fibres sensitives propres, à la sensibilité tactile et algique d’une
portion limitée de la dure-mère, du conduit auditif externe, de la plus
grande partie des muqueuses du voile du palais, de l'orifice bucco-pharyn-
gien et de la portion sus-glottique du larynx ;
P) Par ses fibres motrices propres, à la motilité des muscles constricteurs
moyen et inférieur du pharynx, des muscles striés de l’œsophage et du
muscle crico-thyroïdien ;
y) Par les fibres motrices d’emprunt qui lui viennent de la branche interne
du spinal, à la motilité de tous les autres muscles intrinsèques du larynx.
Les principaux réflexes auxquels il prend une part prédominante sont :
le réflexes auriculaire, le réflexe de la déglutition, le réflexe nauséeux, les
réflexes expiratoires de la toux qui se produisent à la suite des excitations de
la muqueuse laryngée et les réflexes inspiratoires qui accompagnent les
phénomènes du hoquet et du vomissement.
On remarquera, avant de passer à l’étude du pneumogastrique de la vie
organique, qu’au-dessous de l’émergence du nerf laryngé supérieur qui naît
au voisinage immédiat du ganglion plexiforme, le tronc commun du vague
ne contient plus de fibres sensitives de la vie de relation. C’est ce qui expli¬
que ce fait en apparence paradoxal que, bien que les racines de la X€ paire
soient sensibles, le pneumogastrique au bas du cou est insensible aux exci¬
tations ; on peut le couper, le piquer, l’électriser, sans que ranimai en expé¬
rience manifeste de douleur.
On remarquera aussi que les fibres motrices propres du vague passent
presque toutes par le nerf pharyngien et le laryngé supérieur, tandis que les
fibres d’emprunt, provenant de la branche interne du spinal, cheminent
beaucoup plus longtemps dans la gaine névrilématique commune du pneu¬
mogastrique, puisqu’elles ne s’en séparent qu’au point d’émergence du récur¬
rent, lequel se trouve : à droite, à la hauteur de l’artère sous-clavière
(lro vertèbre dorsale) et à gauhe, à la hauteur de la crosse de l’aorte (3° ver¬
tèbre dorsale).

B) LE PNEUMOGASTRIQUE DE LA VIE ORGANIQUE

Les fibres qui entrent dans sa composition prennent naissance, comme


celles du pneumogastrique de la vie de relation, dans les noyaux bulbaires
de la X° paire. On ne sait pas d’une façon positive si elles y ont des origines
distinctes. La plupart des anatomistes admettent que les fibres sensitives pro-
NERF PNEUMOGASTRIQUE 233

viennent à la fois du noyau dorsal et du noyau solitaire, les libres motrices, du


noyau ambigu. Mais quelques-uns pensent que le noyau ambigu ne fournit au
pneumogastrique que celles de ces fibres motrices qui sont destinées aux
muscles striés, tandis que le noyau dorsal lui fournirait les fibres destinées
aux muscles lisses. Marinesco, qui a défendu cette opinion, donne le nom de
noyau musculo-strié au noyau ambigu, et celui de noyau musculo-lisse au
noyau dorsal, lequel ne serait donc pas sensitif comme on le suppose généra¬
lement, mais moteur des muscles de la vie organique.
Ap rès avoir traversé les racines et les ganglions, conjointement avec les
fibres de la vie de relation, les fibres de la vie végétative s’engagent dans le
tronc commun du pneumogastrique et vont finalement se distribuer aux
poumons, au cœur et à 1 appareil digestif, d’où le nom de irisplanchnique
qui est souvent donné au nerf de la Xe paire. Mais il faut noter qu’en aucun
point, elles n’arrivent directement aux organes auxquels elles sont destinées.
Avant d’y pénétrer, elles forment toujours avec des fibres du grand sym¬
pathique, des plexus compliqués (plexus pulmonaires, plexus cardiaque,
plexus solaire, plexus intestinaux de Meissner et d'Auerbach, etc.), dont
les nœuds renferment de lies nombreuses cellules ganglionnaires.
Etudions maintenant leur action sur le fonctionnement de chacun des
viscères auxquels elles sc distribuent.

1° Irfluence du pneumogastrique sur l’appareil respiratoire. — Les


poumons reçoivent un grand nombre de filets du pneumogastrique. Les uns
se terminent dans les muqueuses de la trachée et des bronches ; les autres
dans les muscles de Reissessen.

Les premiers sont centripètes ; c’est à eux qu’est duc la sensibilité, d’ail¬
leurs très obtuse, de la trachée, des bronches et du parenchyme pulmonaire,
les seconds sont centrifuges : ils commandent par l’intermédaire des
muscles des bronchioles qu’ils innervent, la pénétration de l’air dans les
alvéoles pulmonaires et la contractilité du tissu propre des poumons. (Expé¬
riences de Williams et de Bert).

Le nerf de la Xe paire prend une part à la régulation du rythme respira¬


toire, dont le centre se trouve dans le bulbe au voisinage immédiat de ses
noyaux d’origine.
L’excitation légère du bout central d’un seul des pneumogastriques déter¬
mine ordinairement une accélération des mouvements respiratoires. Une
excitation plus forte provoque un arrêt de la respiration, tantôt en inspiration
(Traube, Cl. Bernard), tantôt eu expiration (Budge, Eckiiard).

On suppose, pour expliquer ces effets opposés, que le tronc du vague con-
234 LES NERFS CRÂNIENS

tient des fibres inspiratrices et des fibres expiratrices qui entrent en action
selon le moment de la phase respiratoire où. se produit l’excitation ; mais cette
hypothèse n’est pas absolument démontrée.
La section d'un seul des pneumogastriquse au cou ne modifie pas sensi¬
blement le mécanisme de la respiration. La section des deux est suivie, après
quelques heures, d’une diminution marquée du nombre des mouvements
respiratoires : les inspirations deviennent plus rares et plus profondes, les
expirations plus brusques et les pauses intermédiaires plus longues qu’à
l’état, normal.
La vagotomie est souvent suivie de congestion pulmonaire diffuse ou
disséminée en îlots circonscrits. Ces lésions ont été attribuées par quelques
savants à une paralysie des vaso-moteurs des poumons, mais il est peu vrai¬
semblable que cette explication soit exacte, parce que l’innervation des vais¬
seaux pulmonaires appartient au grand sympathique et non pas au vague.
Vulpian n’a vu en effet aucune modification de teinte se produire dans les
poumons après la section ou l’électrisation des pneumogastriques au cou.

2° Influence du pneumogastrique sur l’appareil circulatoire. — Les


expériences les plus importantes relativement à faction qu’exerce le pneumo¬
gastrique sur le cœur sont les suivantes :
1° Lorsque après avoir coupé le cordon du vague au cou, on fait passer un
courant électrique, faradique ou galvanique sur son bout périphérique, on
constate : si le courant est de faible intensité, un ralentissement momentané
des pulsations cardiaques ; s’il est fort, un arrêt complet du cœur en diastole.
L’arrêt persiste pendant 20 à 30 secondes ; après ce laps de temps, les pulsa¬
tions reprennent avec leur rythme normal, même si on prolonge l’excitation
du nerf (Expérience de Weber).

2° Inversement, quand on électrise les filets du grand sympathique qui se


rendent des ganglions cervicaux ou des premiers ganglions thoraciques au
plexus cardiaque, les battements du cœur deviennent momentanément plus
rapides ; leur accélération persiste plusieurs secondes après qu’a cessé l’exci¬
tation qui l’a provoquée.
3° L’excitation directe du bulbe rachidien sur le plancher du quatrième
ventricule, dans un point correspondant aux noyaux d’origine de la Xe paire,
ralentit le rythme des pulsations cardiaques, tout comme celle du cordon du
vague au cou. L’excitation de la région de la moelle cervicale, ou des pre¬
miers ganglions thoraciques, accélère les battements du cœur, tout comme
ceUe des filets qui en partent.
4° Les effets cardiaques du pneumogastrique sont suspendus par l’absorp-
NERF PNEUMOGASTRIQUE 235

tion préalable de certaines substances toxiques qui paralysent les terminaisons


du vague, telles que l’atropine, la nicotine, le curare, la vératrine, les toxines
pyocyanique ou diphtérique, etc., par les inhalations de nitrite d’amyle, par
l’absence de calcium libre dans le sang en circulation. Ils sont au contraire
exagérés à la suite des intoxications par d’autres agents qui sont réputés para¬
lyser le sympathique, tels que la piloearpine, la muscarine, etc.
On peut déduire de l’ensemble de ces expériences que le pneumogastrique
est modérateur et le grand sympathique accélérateur du rythme cardiaque.
C’est l’action modératrice du pneumogastrique qui a surtout retenu
l’attention des physiologistes. On a cherché à l’expliquer tout d’abord par la
présence, dans les filets cardiaques du vague, d’un certain nombre de fibres
motrices d’emprunt provenant du spinal : explication erronée, car si quelques
jours avant d’exciter le pneumogastrique on a pris soin d’arracher les racines
du spinal, le ralentissement du cœur consécutif à l’excitation du bout péri¬
phérique du vague se produit aussi bien que si toutes les fibres provenant
du spinal n’avaient pas perdu leur excitabilité par le fait de la dégénération
wallérienne.
D’ailleurs, d’autres raisons auraient dû la faire écarter. Il y a trop de dif¬
férences entre les effets de l’excitation ou de la section d’un nerf moteur
ordinaire et ceux de l’excitation ou de la section du pneumogastrique pour
qu’on puisse les identifier. L’excitation d'un nerf moteur des membres
provoque après un temps très court (un ou deux centièmes de secondes) la
contraction active du muscle qu’il anime ; l’excitation du vague est au con¬
traire suivie, après un temps perdu beaucoup plus long (quatre ou cinq
secondes), du relâchement diastolique du myocarde. Si on sépare un muscle
strié ordinaire de ses relations avec les centres nerveux en coupant son nerf
moteur, ce muscle perd immédiatement sa motilité volontaire et réflexe ; il
ne se contracte plus que s’il y est sollicité par des excitations extérieures, et,
dans ce cas, ses contractions sont étroitement subordonnées à la nature, la
durée et l’intensité des excitations provocatrices : à une secousse électrique
isolée succède une secousse musculaire unique ; à des secousses suffisamment
intenses et rapprochées, une contraction tétanique qui dure tout le temps que
passent les courants. Le cœur, au contraire, même celui d’un animal à sang
chaud, continue à battre rythmiquement lorsque, après avoir coupé tous les
nerfs qui s’y rendent, on entretient sa vie par des circulations artificielles. A
l’inverse des muscles des membres, le myocarde porte donc en lui-même,
indépendamment de toute influence des centres nerveux supérieurs (encé¬
phale, bulbe, moelle), des causes qui entretiennent son activité automatique.
Quelles sont ces causes ? Une expérience très simple va nous l’apprendre.
236 LES NERFS CRANIENS

Le cœur d’un animal à sang froid, d'une grenouille par exemple, enlevé de
la poitrine et placé sur une soucoupe, continue à battre pendant plusieurs
heures. Si on le divise par un coup de 'fiscaux passant au-dessous de la
cloison auriculo-ventriculaire, en deux segments contenant, l’un les oreil¬
lettes et l’autre le ventricule, le segment auriculaire continue à battre tandis
que le segment ventriculaire demeure immobile. Les libres musculaires de
ce segment devenu inerte, par suite de sa séparation d’avec le segment auri¬
culaire, n’ont pas cependant perdu leur contractilité, car si on les pique avec
une aiguille elles réagissent par des contractions vives, et si on les soumet
à certaines excitations expérimentales continues, physiques ou chimiques,
elles recommencent à se contracter rythmiquement.
Pourquoi donc ne se contractent-elles plus spontanément comme celles
du segment auriculaire ? Parce que, avant de pénétrer dans les fibres car¬
diaques, les filets nerveux destinés au cœur traversent les ganglions de
Ludwig, de Remak et de Bidder, situés, le premier dans le sinus veineux,
le second dans la cloison inter-auriculaire, le troisième dans la cloison auri-
culo-ventriculaire, ganglions d’où partent les excitations qui commandent
l’automatisme du myocarde. Tous ces ganglions sont inclus dans le segment
auriculaire qui lui, continue à battre ; le segment ventriculaire ayant été
séparé d’eux par la section échappe à leur influence et reste immobile ta.nl
qu’une excitation.extérieure ne vient pas mettre en jeu sa contractilité, laquelle
se manifeste alors sous la forme de contractions rythmées, même si l’excita¬
tion provocatrice est continue, parce que c’est sous cette forme que répond
la fibre musculaire cardiaque, à toute excitation durable d’une certaine
intensité.
L’automatisme du cœur est donc une fonction propre des ganglions intra¬
cardiaques, et le rythme, une propriété biologique inhérente à la nature
même de la fibre myocardique.
A la vérité, il n’existe pas dans le cœur des mammifères, des ganglions
aussi agglomérés et aussi faciles à isoler que dans celui des animaux à sang
froid ; mais on y trouve un nombre considérable de cellules ganglionnaires
disséminées dans les nœuds des réseaux que forment au sein du myocarde les
filets du pneumogastrique et du grand sympathique. Il y a tout lieu de penser
que si les modalités des distributions anatomiques sont différentes, les phé¬
nomènes élémentaires restent les mêmes ; que, par conséquent, les cellules
nerveuses disséminées dans les plexus intracardiaques, des mammifères y
jouent le même rôle que les ganglions de Ludwig, de Retmak et de Bidder,
dans le cœur des batraciens et que leur activité propre qui suffit à entretenir
l’automatisme du cœur peut être influencée en plus ou moins par les deux
NE R P PNEUMOGASTRIQUE 237

nerfs, avec lesquels elles sont en rapport : le pneumogastrique, cpii est modé¬
rateur ; le grand sympathique, excitateur.
En somme l’innervation du cœur n’est pas semblable à celle des muscles
moteurs volontaires. Les nerfs de ces derniers se rendent directement dans
les muscles qu’ils innervent ; ils commandent sans intermédiaire leur con¬
tractilité. Les nerfs du cœur n’arrivent pas directement à la fibre cardiaque ;
ils traversent des amas plus ou moins agglomérés de cellules ganglionnaires,
sur lesquelles le pneumogastrique exccrce une action modératrice et le grand
sympathique une action stimulatrice; A l’état normal, les deux influences
s’équilibrent et leur égalilé détermine une sorte de tonus moyen de l’activité
cellulaire, qui suffit à entretenir, dans les fibres du myocarde, le degré d’exci¬
tation nécessaire et suffisant à la mise en jeu de leur contractilité rythmique.
Mais si l’équilibre des deux influences antagonistes vient à être rompu, le
rythme des contractions du cœur en éprouve le contre-coup. Quand c’est
l’action modératrice du vague qui l’emporte, le cœur se ralentit ; quand
c’est l’action stimulatrice du grand sympathique qui prédomine, les pulsa¬
tions cardiaques deviennent plus rapides. Mais, ni le pneumogastrique, ni le
grand sympathique ne sont de véritables nerfs moteurs du cœur. Ils n’ont
aucune action immédiate sur la fibre musculaire cardiaque. Celle-ci continue
à. se contracter automatiquement et rythmiquement après leur section :
automatiquement, parce qu’elle reçoit des excitations provenant des cellules
ganglionnaires ; rythmiquement, parce qu’il est dans sa nature de répondre
par des secousses intermittentes à des excitations continues. Le seul effet du
pneumogastrique et du sympathique sur le cœur est de modifier, en plus ou
en moins, 1 irritabilité des cellules ganglionnaires, irritabilité qui est aug¬
mentée par l’excitation du sympathique et diminuée par celle du pneumo¬
gastrique.

3° Le réflexe dépresseur et les réflexes sensitivo-cardiaques. — L’étude de


faction du pneumogastrique sur l’appareil circulatoire serait incomplète, si
nous ne disions quelques mots des réflexes cardiaques et vasculaires, à la
production desquels prend part, la Xe paire. Les plus importants sont le
réflexe dépresseur et les réflexes sensitivo-cardiaques.
a) Le réflexe dépresseur. — On savait depuis longtemps que, ehez certains
animaux, l’excitation du bout central du vague au cou est suivie d’un
abaissement considérable de la pression artérielle. La x'echerche des condi-
tioris qui déterminent ce phénomène a conduit Ludwig et Cyon, en 1886, à

la découverte chez le lapin d’un petit rameau nerveux qui, après avoir pris
naissance sous l’endocarde, s’élève parallèlement au paquet vasculo-nerveux
238 LES NERFS CRANIENS

du cou, jusque dans la région cervicale supérieure, où il se divise généra¬


lement en deux ramuscules, dont l’un s’enfonce dans le tronc commun du
vague, tandis que l’autre pénètre dans le nerf laryngé supérieur : c’est le
nerf dépresseur de Ludwig et Cyon. L’excitation du bout périphérique de ce
petit nerf, ne provoque aucune réaction cardiaque ni vasculaire ; celle de
son bout central, détermine une dilatation énorme des vaisseaux de l’abdo¬
men, d où résulte un abaissement très marqué de la pi'ession artérielle.
Ces phénomènes sont les effets d’un acte réflexe dont la voie centripète est
formée par le nerf dépresseur, dont le centre se trouve dans le bulbe et dont
le sympathique cervical et les nerfs splanchniques représentent les voies cen¬
trifuges. Son rôle consiste à régulariser les pressions dans les diverses parties
de l’appareil circulatoire. Quand la pression s’élève dans le cœur, elle excite
les terminaisons du nerf dépresseur ; cette excitation ouvre la vanne qui
règle l’afflux du sang dans les réseaux abdominaux ; ceux-ci s’emplissent de
sang et la pression diminue d’autant dans le reste de l’appareil circulatoire.
Le nerf dépresseur qui est isolé dans la plus grande partie de son trajet
chez le lapin, le porc, le cheval, etc., ne l’est pas chez le chien et chez plusieurs
autres animaux. Il n’en existe pas moins chez ces derniers un faisceau de
fibres centripètes qui va du cœur au bulbe, mais au lieu de cheminer en
dehors du cordon commun du vague, il pénètre sous sa gaine névrilématique
et se mélange avec ses fibres propres. Aussi, chez ces animaux, l’excitation du
bout central du pneumogastrique au cou a-t-elle les mêmes effets sur la
pression artérielle que l’excitation du nerf de Ludwig et Cyon, chez le lapin.
Le réflexe dépresseur représente ainsi un mécanisme général de défense du
cœur, contre la pression trop élevée que pourrait éventuellement avoir à sup¬
porter 1 endocarde.
b) l.es réflexes sensitivo-cardiaques. — Toute irritation violente d’un nerf
sensitif provoque, par réflexion sur le pneumogastrique, un ralentissement
du cœur. Ce phénomène se produit chez les animaux à la suite de l’électri¬
sation du bout central du sciatique, du médian, du trijumeau, etc. Il se
produit aussi après l’irritation de la peau ou des muqueuses. François-Franck

a montré que l’application d’une compresse imbibée de chloroforme, sur les


naseaux d’un lapin ou d’un chien, détermine un arrêt des pulsations du
cœur qui peut aller jusqu’à déterminer une véritable syncope. La section du
pneumogastrique empêche cet arrêt du cœur de se manifester. Il s’agit donc
bien là d’un véritable réflexe sensitivo-cardiaque. Les chocs portés à l’épi¬
gastre, les irritations du péritoine retentissent également sur le cœur par
réflexion sur le pneumogastrique.
Les cliniciens se sont beaucoup occupés dans ces dernières années d’un
NERF PNEUMOGASTRIQUE 239

réflexe sensitivo-cardiaquc, qui paraît avoir une réelle valeur sémiologique,


c’est le réflexe oculo-cardiaque. Chez l’homme sain ou pour mieux dire sur
la plupart des hommes sains (75 % d’après Cornu, et Caillods), la compres¬
sion modérée des globes oculaires est suivie d’un ralentissement des batte¬
ments du cœur de 6 à 10 pulsations par minute. Ce ralentissement peut
atteindre le chiffre de 20 à 30 pulsations dans certains cas pathologiques, où
le pneumogastrique est très excitable. Il peut au contraire manquer absolu¬
ment et même être remplacé par une accélération dans les cas où le grand
sympathique est plus excitable que le pneumogastrique.

4° Influence du pneumogastrique sur l’appareil digestif. — L’action du


pneumogastrique s’exerce : 1° sur les tuniques musculeuses du canal digestif :
2° sur la sécrétion des glandes que renferme ce canal ou qui lui sont annexées.

a) Action sur la musculature du canal digestif. — Nous avons indiqué


plus haut le rôle très accessoire que joue le pneumogastrique de la vie de
relation dans la première phase de la déglutition, phase volontaire par
laquelle le bol alimentaire pénètre dans le pharynx. A partir du moment où
il arrive dans l’œsophage, son cheminement échappe à la volonté ; il est
commandé en effet par le pneumogastrique de la vie organique qui donne
seul la sensibilité à la muqueuse de l’œsophage et la motricité à ses muscles ;
Or, ces muscles sont formés dans le tiers supérieur du canal œsophagien par
des fibres striées, dans le tiers inférieur par des fibres lisses, et dans le tiers
moyen par un mélange des unes et des autres ; le pneumogastrique agit d’une
façon différente sur les unes et les autres. Son excitation provoque la contrac¬
tion des fibres striées et le relâchement des libres lisses. Sa section au cou
détermine, au contraire, la paralysie des premières et la contraction des
secondes. Aussi observera-t-on après la vagotomie bilatérale une inertie
paralytique complète de la partie supérieure de l’œsophage et un rétrécisse¬
ment annulaire de sa partie inférieure et du cardia. L’animal reste capable
de déglutir, parce que la déglutition est surtout fonction des muscles inner¬
vés par le nerf pharyngien qui se sépare du tronc commun du pneumogas¬
trique dans la fosse jugulaire, au-dessus par conséquent de l’endroit où on
pratique généralement la vagotomie, c’est-à-dire à la partie moyenne du
cou ; mais les aliments qu’il ingère s’accumulent dans la portion supérieure
paralysée de l’œsophage, ils s’y putréfient et en sont expulsés par des efforts de
régurgitation. Et comme la musculature du larynx est, elle aussi, paralysée,
ils pénètrent dans les voies aériennes et tombent dans les bronches, où ils
deviennent le point de départ d’îlots de broncho-pneumonie septique.
Les mouvements péristaltiques de l’estomac et des intestins, auxquels est
240 LES NERFS CRANIENS

due la progression des substances alimentaires, dans toute la traversée du tube


digestif, depuis l’estomac jusqu’au rectum, ont pour agent d’exécution les
libres musculaires lisses qui se trouvent dans la couche musculaire de l’ap¬
pareil gastro-intestinal ; les contractions et les décontractions vermiculaires
qui les déterminent sont commandées par les cellules ganglionnaires dissé¬
minées dans les plexus de Meissner et d’Auerbach. Les ondes péristaltiques
qu elles provoquent ne sont subordonnées ni à l’action du pneumogastrique ni
à celle du sympathique, car elles continuent à se produire après la section
de ces deux nerfs. Ceux-ci ont cependant sur elles une influence non dou¬
teuse ; elles sont, en effet, exagérées par F excitation du bout périphérique du
tronc commun du vague ou de ses branches abdominales et ralenties par celle
du cordon cervical du sympathique ou des nerfs splanchniques.
Leur mécanisme est donc comparable à celui qui préside aux pulsations car¬
diaques. Les phases de rétrécissement et de dilatation de chaque segment
intestinal sont analogues aux phases systolique et diastolique du cœur. Elles
se succèdent plus lentement que les battements du cœur parce que les fibres
musculaires lisses de l’intestin se contractent et se décontractent moins
brusquement que les fibres striées du myocarde. Les incitations motrices qui
les font entrer en activité proviennent des cellules ganglionnaires des plexus
de Meissner et d’Auerbach, comme celles qui commandent les contractions
rythmiques du cœur dérivent des cellules, des ganglions ou des plexus car¬
diaques. La section du pneumogastrique et du sympathique, n’abolit pas plus
les mouvements de l’intestin que ceux du cœur, parce que ces nerfs ne sont
pas plus en rapport imlmédiat avec les fibres musculaires de l’intestin qu’avec
celles du cœur. Leur excitation à cependant, par l’intermédiaire des cellules
ganglionnaires, auxquelles elle aboutit, une certaine influence sur la rapidité
du rythme des ondes péristaltiques de l’intestin et des battements du cœur.
Mais on remarquera que, pour des raisons qui nous sont inconnues,
cette influence s’exerce dans un sens opposé sur l’un et sur l'autre de
ces viscères : le pneumogastrique est modérateur des pulsations cardiaques
et excitateur du péristaltisme intestinal, tandis que le grand sympathique est
excitateur du rythme cardiaque et modérateur du péristaltisme intestinal.

b) Action sur les sécrétions digestives. — Jusqu’au jour ou Pawlow et ses


élèves eurent fait connaître les résultats de leurs belles recherches sur le
travail des glandes digestives, on ne possédait que des notions très imprécises
sur la nature des excitants susceptibles de mettre en jeu l’activité sécrétoire
de ces glandes. On savait bien que la vue et l’odeur d’aliments appétissants
faisaient « venir l’eau à la bouche », que la mastication et le contact des
Nerf pneumogastrique 241

substances sapides ou irritantes avec la muqueuse bucco-linguale excitait 1h


sécrétion de la salive, mais on ignorait complètement dans quelle mesure les
sécrétions salivaire, gastrique, pancréatique et intestinale sont influencées
par le pneumogastrique ou le sympathique.
Les ingénieuses expériences de Pawi.ow, sur le repas fictif, ses études sur
la composition des liquides sécrétés dans des segments isolés de l’estomac ou
de l’intestin soumis à différents modes d’excitation ont démontré un certain
nombre de faits d’une haute importance, dont les principaux sont les sui¬
vants :
a) La sécrétion de la salive et du suc gadtrique est excitée par le désir
que suscitent la vue et l’odeur d’aliments appétissants. Le point de départ
de cette excitation par l’appétence est psychique ; sa transmission aux glan¬
des de l’estomac s’opère par l’intermédiaire des pneumogastriques.
La démonstration de ces propositions est fournie par l’expérience du repas
fictif, dont voici le dispositif : Après avoir sectionné l’œsophage d’un chien
et lié une large canule à son bout supérieur, on pratique au même chien
une fistule gastrique, dans laquelle on fixe une autre canule. Quand l’animal
est bien rétabli des suites de ces opérations préalables, on constate qu’il ne
s’écoule pas de liquide par sa fistule gastrique. On lui présente alors une suc¬
culente pâtée composée des aliments qu’il préfère, de viande par exemple.
Aussitôt qu’il l’a aperçue ou qu’il en a reniflé l’odeur, ses glandes salivaires
et gastriques entrent en activité, et le produit de leur sécrétion s’écoule par
la canule œsophagienne et par la canule stomacale. Si on enlève la pâtée,
la sécrétion se tarit lentement. Si, au contraire, on la met à la portée de la
gueule de l’animal, il l’avale gloutonnement ; mais les bouchées qu’il déglu¬
tit passent en totalité par la canule œsophagienne ; il n’en arrive aucune
parcelle dans l’estomac. Néanmoins une abondante quantité de liquide acide
ayant la composition chimique et les propriétés digestives du suc gastrique
normal, sort à flot par la canule stomacale, pendant tout le temps que dure
le repas fictif.
Si on vient à couper le pneumogastrique, la sécrétion s’arrête alors même
que l’animal continue à déglutir les aliments qu’on a placés à sa portée. Le
premier excitant des sécrétions digestives est donc bien un excitant psychi¬
que, ou pour mieux dire psycho-sensoriel. Il a son point de départ dans le
cerveau et il aboutit aux glandes salivaires et gastriques par la voie des pneu¬
mogastriques.
b) Les excitations mécaniques de la muqueuse de l’estomac ne provoquent
pas de sécrétion gastrique. Cette sécrétion est, au contraire, excitée par le
LES NERFS EN SCHÉMAS 16
242 LES NERFS CRANIENS

contact de substances alimentaires avec la muqueuse gastrique, même


après la section des vagues et du sympathique.
Les preuves de l’indifférence des glandes de l’estomac, aux excitations pure¬
ment mécaniques de la muqueuse gastrique, sont faciles à donner. Si on
introduit par l’orifice de la üslule stomacale des corps durs inertes, tels que
du sable ou des éponges, ou bien si on frotte la muqueuse avec une tige de
bois ou une baguette de verre, on ne voit sourdre aucun liquide par la
fistule, quelles que soient la durée et l'énergie de l’irritation de la muqueuse.
Mais si, au lieu de corps chimiquement indifférents, on fait pénétrer dans
la cavité de l’estomac des substances alimentaires, elles sont en très peu de
temps imbibées de suc gastrique acide et transformées en chyme. Cet effet
se produit aussi bien lorsque les pneumogastriques et les sympathiques ont
été sectionnés que s’ils sont intacts, aussi bien dans la grande cavité de l’esto¬
mac que dans les petites poches diverticulaires expérimentalement isolées
du reste de l’estomac. Il s’agit donc là d’une sécrétion autonome, dépendant
sans aucun doute de l’influence des portions du système nerveux incluses
dans les parois même de l’estomac, c’est-à-dire des plexus et des cellules
ganglionnaires, contenus dans les tuniques propres de ce viscère. Et ce qu’il
y a de plus curieux dans ces expériences, c’est que la quantité et la qualité
du liquide sécrété varient, dans une large mesure, avec la nature des subs¬
tances introduites dans l’estomac. L’eau, le lait, les bouillons de viande, les
pulpes de viandes excitent beaucoup plus la sécrétion gastrique que l’albumine
cuite ou crue, l’amidon, le sucre de canne et surtout que les huiles et les grai¬
nes végétales ou animales qui exercent plutôt sur elle une action inhibitrice.
De plus, la proportion et la nature des ferments digestifs contenus, dans le suc
gastrique diffèrent selon la composition chimique des substances qui en ont
provoqué la sécrétion. Les choses se passent comme si le travail des glandes de
l’estomac était dirigé par un mécanisme adaptant électivement les propriétés
du produit de leur sécrétion à la nature des aliments que ce produit doit di¬
gérer.
La sécrétion salivaire ne paraît pas être aussi complètement indifférente
aux excitations purement physiques que la sécrétion gastrique. Elle peut être
stimulée par des irritations banales des muqueuses de la bouche ou de la
langue. Elle résulte alors de la mise en jeu d’un réflexe, dont le point de
départ se trouve dans les filets sensitifs du trijumeau. Le ptyalisme qui
accompagne les glossites et les stomatites, est fonction de ce même réflexe
auquel le pneumogastrique ne prend aucune part.
Par contre, le réflexe œsophago-salivaire de Roger qui se produit lorsqu’un
corps étranger, solide et volumineux, irrite la muqueuse de l’œsophage, est
NERF PNEUMOGASTRIQUE 243

bien un réflexe du pneumogastrique, car il est supprimé par la section de ce


nerf. Mais il n’en est pas moins vrai que dans l’exercice normal des fonctions
digestives c’est l’excitant psychique qui est l’agent principal de la sécrétion
salivaire.
c) Expérimentalement, la sécrétion du pancréas peut être provoquée par
l’excitation du pneumogastrique. Dans les conditions physiologiques de la
digestion, elle est excitée, on le sait : d’abord par la vue ou l’odeur des ali¬
ments désirés, ensuite par le contact du chyme acide avec la muqueuse du
duodénum.
d) La physiologie de la sécrétion de la bile et du suc intestinal est à peu
près complètement inconnue. On sait seulement d’une façon positive que
la section du vague et du sympathique n’abolit ni l’une ni l’autre. La même
obscurité règne encore sur le mécanisme de la sécrétion biliaire. Fout ce
qu’on en connait, c’est qu’elle persiste après la section de tous les nerfs qui
pénètrent dans le parenchyme hépatique, et que la section des pneumogas¬
triques jette une perturbation profonde dans la fonction glycogénique du
foie (expérience de CL Bernard).

C) RÉACTIONS PATHOLOGIQUES DU PNEUMOGASTRIQUE

Sous ce titre, nous décrirons tout d’abord les troubles jonctionnels du


pneumogastrique, puis les signes des lésions matérielles de ce nerf. Nous étu¬
dierons, enfin, la mort par les pneumo-gastriques.

1° Troubles fonctionnels dus au pneumogastrique. — On a de très bon¬


nes raisons de penser que le pneumogastrique intervient dans la pathogénie
d’un grand nombre d’affections ou de maladies des appareils respiratoire,
circulatoire et digestif. 11 est vraisemblable, notamment, qu’il joue un rôle
dans la genèse des spasmes du pharynx, du larynx et de l’oesophage, des
toux convulsives du type coqueluchoïde, des asthmes nerveux, des anoma¬
lies persistantes ou passagères du rythme des pulsations cardiaques (bradycar¬
dies, tachycardies, arythmies), des vomissements névropathiques, des gas¬
tralgies, des crises gastriques, des coliques intestinales, et il est possible qu’iî
ne soit pas étranger à la production de quelques-uns des symptômes de la
maladie de Basedow, de la névropathie cérébro-cardiaque, de l’angine de
poitrine, des cénestopathies viscérales, etc., etc. Mais il est tellement difficile
de distinguer, dans toutes ces manifestations morbides ce qui lui appartient
en propre, de ce qui revient à son antagoniste, le grand sympathique, qu’on
peut presque toujours se demander si les phénomènes observés sont dus à
244 LES NERFS CRANIENS

l’action excitatrice de l’un de ces nerfs ou à la suppression de l'action modé¬


ratrice de l’autre. On a cherché parfois à résoudre la question par l’emploi
des substances toxiques qui sont censées agir électivement sur les terminai¬
sons du vague ou du sympathique. Etant donné, par exemple, un cas de
bradycardie qui pourrait théoriquement résulter d’une hypertonie du vague
ou d’une hypotonie du sympathique, on a proposé d’injecter au malade un
milligramme de sulfate d’atropine, dissous dans un centicube de liquide,
ou de lui faire inhaler quelques bouffées de vapeurs de nitrite d’amyle, subs¬
tances qui sont considérées comme paralysantes du pneumogastrique. Si
l’épreuve est positive, c’est-à-dire si elle est suivie d’une accélération des pul¬
sations cardiaques, on en devra conclure, au dire des instigateurs de la
méthode, que la bradycardie est due à une hypertonie pathologique du
vague.
Mais il faut bien avouer que nos connaissances en toxico-physiologie ne
sont pas assez précises, pour qu’il soit légitime d’affirmer que les poisons
employés dans les épreuves sus-visées, portent exclusivement leur action sur
les terminaisons du vague ou du sympathique. Il suffit de se rappeler les
controverses auxquelles a donné et donne encore lieu l’analyse des effets du
curare, de la pilocarpine, de la muscarine, de la digitale, etc., pour compren¬
dre qu’il serait bien téméraire de baser des diagnostics pathogéniques sur la
simple constatation d’un seul des phénomènes très complexes qui suivent
l’administration de ces substances.
Laissant donc de côté tout ce qui concerne les troubles fonctionnels du
pneumogastrique, nous nous bornerons à indiquer les signes qui révèlent
ses lésions matérielles chez l’homme.

2° Signes des lésions matérielles du pneumogastrique. — Ces lésions sont


destructives ou irritatives, et selon qu elles appartiennent à l’une ou 1 autre
de ces catégories, elles donnent lieu au syndrome d’interruption ou au syn¬
drome d’irritation.
a) Syndrome d’interruption. — Le syndrome d'interruption résulte de la
section, par instrument tranchant ou par des projectiles d armes a feu, du
cordon commun du vago-spinal, ou bien des contusions ou des strictions
assez brutales pour interrompre la continuité des fibres nerveuses qui entrent
dans sa composition.
Les effets de ces lésions qui intéressent nécessairement à la fois les fibres
propres du pneumogastrique et les fibres d’emprunt qui lui viennent du
spinal, varient un peu, suivant que l’interruption de la continuité du nerf
siège au-dessus ou au-dessous de l’émergence du laryngé supérieur.
NEUF PNEUMOGASTRIQUE 245

Lorsqu’elles siègent au-dessous, on constate une paralysie motrice homola¬


térale des muscles innervés par la branche interne du spinal, associée à quel¬
ques phénomènes résultant de la section des fibres du pneumogastrique de
la vie organique. Ces phénomènes consistent en une accélération immé¬
diate des battements du cœur, souvent minime, jamais inquiétante, qui
disparaît spontanément après quelques heures ou quelques jours. Le rythme
de la circulation n’en est pas modifié d’une façon appréciable. Les fonctions
digestives ne sont pas gravement perturbées. Vèrnet croit avoir constaté un
peu de diminution de la sécrétion salivaire du coté correspondant, rien de plus.
Lorsque la section porte au-dessus de l’émergence du laryngé supérieur et
des autres branches collatérales qui se détachent du vague au voisinage du
ganglion plexiforme, aux symptômes que nous venons de signaler, s’ajou¬
tent une anesthésie palato-pharyngo-laryngée et auriculaire, due à l’inertie
fonctionnelle par défaut de conduction dans le nerf laryngé supérieur, dans
le nerf pharyngien et dans le rameau auriculaire.
En somme la section d’un vague chez l’homme n’a pas de gravité. Elle ne
compromet aucune des grandes fonctions viscérales. Elle se traduit suitout
et presque exclusivement par la paralysie liomo-latérale des muscles du
larynx, innervés par la branche interne du spinal, et, si la lésion est haut
située, par l’anesthésie des régions auxquelles se distribuent les branches
collatérales du pneumogastrique de la vie de relation.
b) Syndrome d’irritation. — Lorsque le pneumogastrique a été irrité
par des tractions intempestives ou saisi sans précaution entre les mors d’une
pince, on observe généralement un ralentissement brusque des pulsations
cardiaques, avec abaissement de la pression artérielle qui peut aller jusqu’à
déterminer des syncopes ; du côté de l’appareil respiratoire on constate
souvent des quintes de toux coqueluchoïde et des accès de dyspnée du type
des faux asthmes ; du côté de l’appareil digestif, des nausées et par¬
fois de la dysphagie, des vomissements et du hoquet. A ces phénomènes
s’ajoutent quelquefois, d’après Vebnet, une douleur qui peut être mise en
évidence par la pression exercée sur le nerf en avant du sterno-cléido-mastoï¬
dien, derrière l’angle inférieur de la mâchoire, une exagération de la sécré¬
tion salivaire et de l’hyperesthésie de la portion du conduit auditif externe
innervée par le rameau auriculaire.
Les compressions lentes qui se produisent à la suite du développement de
tumeurs dans la région cervicale ou bien d’anévrysmes de la crosse de l’aor¬
te, de la sous-clavière ou des carotides, provoquent l’apparition graduelle et
insidieuse des mêmes symptômes qui surviennent plus rapidement après
les tiraillements brusques ou les attritions brutales du vago-spinal. (1 est à
246 LES NERFS CRANIENS

peine besoin de dire que dans les cas de compression lente, ces symptômes
sont souvent associés à d’autres phénomènes morbides dérivant de l’irrita¬
tion concomitante des différents nerfs qui traversent la région cervicale, au
voisinage du pneumogastrique, particulièrement du grand sympathique, du
grand hypoglosse, du phrénique, etc., dont les réactions, s’ajoutant à celles
du vago-spinal, peuvent donner lieu à des ensembles de manifestations cli¬
niques, d’autant plus complexes que la compression qui est au début irrita¬
tive, aboutit à la longue à la destruction des libres nerveuses comprimées
que, d’autre part, elle ne s’exerce pas avec une égale énergie sur tous les
nerfs que refoule une tumeur néoplastique ou un anévrysme, et que, par
conséquent, quelques-uns de ces nerfs peuvent encore donner lieu à des réac¬
tions irritatives, alors que d’autres sont déjà réduits par la destruction totale
de leurs fibres, à une inertie fonctionnelle complète. De là, une phénoméno¬
logie touffue dont l’interprétation est souvent difficile. Quant au pronostic,
tout en étant plus sérieux que celui des interruptions complètes, il n’est pas
très sombre.
Par elles-mêmes, ni la section ni l'irritation d’un seul pneumogastrique
ne mettent directement en danger les jours des malades. Nous allons voir
qu’il en est tout autrement quand les deux cordons du vague sont simultané¬
ment lésés.

3° De la mort par les pneumogastriques. — Chez tous les vertébrés, la


section simultanée des deux pneumogastriques au lieu d’élection, c’est-à-
dire à la partie moyenne du cou, ou l’arrachement de leurs racines, entraîne
presque invariablement la mort des animaux opérés.
Elle survient parfois aussitôt après l’opération. C’est ce qui se produit
d’ordinaire quand la double vagotomie a été pratiquée sur des sujets très
jeunes. Elle résulte alors de l’asphyxie, succédant, elle-même à la paralysie
des cordes vocales, ainsi que nous l’avons expliqué, à propos de la section
des deux récurrents. Ees animaux plus avancés en âge échappent en général
aux dangers de l’asphyxie immédiate. Ils succombent néanmoins : les mam¬
mifères et les oiseaux entre le 2° et le 4e jour, les reptiles et les batraciens
entre le 6e et le 10e jour.
Les raisons de leur mort paraissent devoir être surtout attribuées à la
coexistence de troubles des sécrétions digestives avec la paralysie de l’œso¬
phage et du larynx. En effet, lorsque les deux vagues sont coupés à la par¬
tie moyenne du cou, la sécrétion psychique de la salive et du suc gastrique
est supprimée, en même temps que l’œsophage et le larynx sont totalement
paralysés. Par suite de ces deux circonstances, les aliments ingérés s’accu-
NERF PNEUMOGASTRIQUE 247

mulent dans l’œsophage, y séjournent et s’y putréfient. Une partie est reje¬
tée au dehors par régurgitation ; mais le larynx étant complètement para¬
lysé des parcelles plus ou moins altérées par la putréfaction, passent dans
les voies aériennes et déterminent des foyers de broncho-pneumonie septi¬
que. Une autre partie arrive à franchir le cardia, mais ne trouvant pas dans
l’estomac le mélange de salive et de suc gastrique qui serait nécessaire à sa
digestion, elle y croupit, s’y corrompt, et ce qui en est absorbé par les lym¬
phatiques devient une source d'infection générale.
A elles seules, les perturbations de la sécrétion des glandes intestinales et
du suc gastrique ne suffisent pas à entraîner la mort ; Schiff a, en effet,
démontré depuis longtemps que les animaux auxquels on a sectionné les deux
pneumogastriques, au-dessous ou immédiatement au-dessus du diaphragme
— ce qui supprime toute action de ces nerfs sur les glandes de l’estomac
et des Intestins, sans provoquer de paralysie concomitante de l'œsophage et du
larynx — survivent à cette double vagotomie basse. D’autre part, Pawlow

a constaté plus récemment que les chiens dont on a coupé le pneumogas¬


trique d’un côté à la partie moyenne du cou et celui de l’autre côté au-dessous
de l’émergence du récurrent, continuent à vivre, ce qui s’explique parce que
l’innervation de l'oesophage et du larynx n’étant compromise que dans une
de leurs moitiés latérales, ces organes n’ont pas perdu la totalité de leurs
réactions motrices et que, par conséquent, les aliments déglutis ne s’arrê¬
tent plus dans l’œsophage, n’y subissent pas de décomposition putride et ne
pénètrent plus, par les efforts de régurgitation, dans les voies aériennes.
Pawlow a montré aussi qu’on pouvait conserver vivants les animaux sou¬
mis à l’opération de la double vagotomie au lieu d’élection, si on prenait
soin de les alimenter à la sonde, de laver soigneusement avant chaque repas
leur œsophage et leur estomac, de façon à enlever toutes les parcelles de
substances susceptibles de s’y décomposer, enfin de remplacer l’excitant psy¬
chique manquant, par un excitant chimique très actif, tel que du bouillon
de viande. Grâce à cette prophylaxie expérimentale, il a pu conserver en
bonne santé, pendant de longs mois, des chiens qui auraient très proba¬
blement succombé trois ou quatre jours après la vagotomie bilatérale.
Lorsqu’au lieu de couper les deux pneumogastriques simultanément, on
les coupe successivement en laissant entre les deux opérations un intervalle
de plusieurs semaines, l’animal survit généralement. Cela se conçoit très
bien, puisqu’on a laissé au nerf sectionné le premier, le temps de régénérer
ses fibres et de récupérer ses fonctions, avant de couper le second.

4° Résumé. — En résumé, la pathologie du nerf de la Xe paire confirme ce


que nous a appris sa physiologie, à savoir que si le pneumogastrique prend une
248 LES NERFS CRANIENS

certaine part à l’exécution de tous les phénomènes normaux ou morbides qui


se passent dans les appareils respiratoire, circulatoire et digestif, il n’est abso¬
lument indispensable à l’accomplissement d’aucun. Partout il partage avec
d’autres nerfs les fonctions auxquelles il est affecté. Dès sa sortie du trou
déchiré postérieur, il s’allie au glosso-pharyngien et s’annexe la branche in¬
terne du spinal, avec lesquels il participe aux réflexes de la déglutition et aux
réflexes de défense qui protègent les orifices supérieurs du pharynx et du
larynx contre l’introduction indésirable de corps étrangers nocifs. Plus bas,
c’est avec le grand sympathique qu’il s’associe pour régler, par l’intermédiaire
des cellules ganglionnaires des plexus pulmonaire, cardiaques et abdomi¬
naux, le rythme des mouvements respiratoires, la fréquence des battements
du cœur et l’amplitude des ondes péristaltiques des intestins, Mais la priva¬
tion de son inlluence n’est en aucun cas suffisante pour suspendre complè¬
tement l’une quelconque des grandes fonctions viscérales. Après sa section,
les mouvements respiratoires de la cage thoracique persistent, le cœur conti¬
nue à battre rythmiquement, les ondulations péristaltiques des intestins ne
sont nullement suspendues. Et si la vagotomie bilatérale, au lieu d’élection,
entraîne habituellement la mort, ce n’est pas parce qu’elle a arrêté une des
fonctions essentielles de la vie, c’est parce que, par suite des perturbations
apportées au jeu des mécanismes de défense dans lesquels intervient le pneu¬
mogastrique, elle a rendu possible le développement de complications qui
peuvent être évitées, si l'on prend les précautions nécessaires pour en empê¬
cher la genèse.

ARTICLE X

NERF SPINAL
[Planche X ].

Le nerf spinal, qui constitue la XIe paire, est un nerf exclusivement mo¬
teur. Il s’étend de la moitié inférieure du bulbe rachidien et de la moitié
supérieure de la moelle cervicale, au trou déchiré postérieur, au-dessous
duquel il se termine, en partie dans le pneumogastrique ou nerf vague,
en partie dans les deux muscles les plus importants du cou, le sterno-
cléido-mastoïdien et le trapèze. On le désigne encore sous les noms di-
NERF SPINAL 249

vers de nerf accessoire du vague (vagi accessorius), de nerf accessoire de


Willis, ou tout simplement de nerf accessoire.

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine apparente — Le nerf spinal prend naissance à la fois dans le


bulbe et dans la moelle. De là, la division de ses racines en deux groupes :
racines bulbaires et racines médullaires.
A ?
a) Les racines bulbaires, au nombre de qua¬
tre pu cinq, naissent dans le sillon latéral du bul¬
be, au-dessous des racines du pneumogastrique,
au-dessus des racines postérieures du premier
nerf cervical.
P) Les racines médullaires se détachent du cor¬
don latéral de la moelle épinière, un peu en avant
de la ligno d’émergence des racines postérieures
des nerfs rachidiens. On peut les suivre, d’ordi¬
naire, jusqu’à la IVe paire rachidienne.

2° Origine réelle. — Les filets radiculaires du


spinal diffèrent, quant à leur origine, pour la por¬
tion bulbaire (spinal bulbaire) et pour la por¬ Origines apparentes
du spinal.
tion médullaire (spinal médullaire) : ■vx, limites séparatives de la
moelle et du bulbe. — A, pro¬
a) Spinal bulbaire. — Du sillon latéral du bul¬ tubérance. — B, bulbe. — C,
moelle épinière.
be où ils émergent, les filets bulbaires du spinal 1, racines médullaires du spi¬
nal. — 2, ses racines bulbaires.
se portent en dedans pour venir, après un trajet — 3, nerf pneumogastrique. —
4, nerf glosso-pliaryngien. — 5,
très court, se terminer à la partie inférieure du nerf auditif. — 6, nerf inter¬
médiaire de Wrisberg. — 7.
noyau ambigu. Nous savons que le noyau ambigu nerf facial. — 8, nerf moteur
oculaire commun. — 9, nerf
représente, à ce niveau, la tête de la corne anté¬ grand hypoglosse.

rieure. Nous savons, d’autre part, qu’il donne


naissance, à sa partie moyenne et à sa partie supérieure, aux fibres motrices
du pneumogastrique et du glosso-pliaryngien (voy. p. 208).
b) Spinal médullaire. — Du cordon latéral où ils émergent, les filets mé¬
dullaires du spinal se portent obliquement de dehors en dedans et d’arrière
en avant, gagnent la partie postévo-externe de la corne antérieure et se ter¬
minent dans cette corne antérieure, en partie dans le noyau latéral, en partie
dans le noyau antéro-externe. A noter que, tandis que certaines fibres vont
directement à leur noyau d’origine, il en est d’autres qui sont tout d’abord
horizontales, puis descendantes, puis de nouveau horizontales, rappelant
250 LES NERFS CRANIENS

assez exactement notre Z majuscule : ce sont les fibres en Z. Il en résulte


que, pour ces dernières fibres, le noyau d’origine se trompe situé sur un plan
inférieur à celui du point d’émergence.

3® Trajet. — Des différents filets radiculaires qui constituent le nerf spi¬


nal, les supérieurs se dirigent horizontalement en dehors, les moyens obli¬
quement en haut et en dehors, les inférieurs directement en haut. Ces filets
se fusionnent en un petit troncule, qui pénètre dans le crâne en contournant
le bord latéral du trou occipital. Il se porte alors transversalement en dehors
vers le trou déchiré postérieur, qu’il traverse pour arriver à la région cervi¬
cale (voy. fig. 67, p. 207), où il se termine en se bi¬
furquant.

4° Anastomoses. — Le spinal, de son origine à sa


bifurcation, s’anastomose : 1° avec les deux premiers
nerfs cervicaux, par de tout petits filets qui vont des
racines postérieures au spinal, mais que ce dernier
restitue toujours aux racines postérieures ; 2° avec le
pneumogastrique, à l'aide d’un petit filet qui, dans
le trou déchiré postérieur, unit le tronc du spinal au
Fig. 75.
ganglion jugulaire du pneumogastrique.
Schéma montrant le tra¬
jet en Z que suivent
les filets intra-médul- 5° Mode de distribution. — Au sortir du trou
ilaires du spinal.
1, 1’, deux segments de
déchiré postérieur, le spinal se partage en deux bran¬
moelle superposés. — 2,
2’ 2”, une fibre radiculai¬ ches terminales, une branche externe et une branche
re du spinal, disposée en
Z. — 3, sa cellule d’ori¬ interne :
gine. — 4, racines anté¬
rieures des nerfs rachi¬ a) Branche interne. — La branche interne, fort
diens. — 5, racines posté¬
rieures. courte, est principalement formée par les filets radi¬
culaires émanés du bulbe. Elle se porte en avant et
en dedans, et se jette sur la partie externe et supérieure du ganglion plexi-
forme du pneumogastrique. La physiologie nous apprend qu’elle se rend au
muscle constricteur supérieur du pharynx, à tous les muscles intrinsèques
du larynx (sauf le crico-thyroïdien) et au plexus cardiaque.
b) Branche externe. — La branche externe, beaucoup plus longue, est
principalement constituée par les fibres radiculaires issues de la moelle cer¬
vicale. Elle se porte obliquement en bas, en arrière et en dehors. Elle perfore
le sterno-cléido-mastoïdien en lui abandonnant de nombreux rameaux, tra¬
verse ensuite obliquement le triangle sus-claviculaire, s’engage au-dessous du
trapèze et se termine dans ce muscle par un certain nombre de rameaux
divergents. Rappelons que, avant de pénétrer dans le sterno-cléido-mas-
NERF SPINAL 251

toïdien, les rameaux du spinal destinés à ce muscle s’anastomosent pour


la plupart avec une branche du troisième nerf cervical et forment avec elles,
au-dessous et dans l’épaisseur du muscle, un petit plexus.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

A) FONCTIONS DU NERF SPINAL

Nous nous sommes déjà occupés, dans le chapitre précédent, des relations
du spinal avec le pneumogastrique. Nous avons rappelé les principales rai¬
sons qui ont fait repousser l’hypothèse d’après laquelle ces deux nerfs
seraient entre eux dans les mêmes rapports que la racine antérieure et la
racine postérieure d’une paire rachidienne ; nous avons indiqué comment,
après avoir pénétré dans le cordon du vague, au niveau du ganglion pléxi-
forme, les fibres provenant de la branche interne du spinal, se séparent de ce
cordon, les unes, dans la région cervicale pour aller se distribuer à quelques
muscles du pharynx, les autres, en beaucoup plus grand nombre, dans la
région thoracique supérieure, où elles passent dans les récurrents et vont
innerver tous les muscles du larynx, hormis le crioo-thyroïdien ; nous avons
enfin montré que le spinal ne prend aucune part à la formation des bran¬
ches terminales du pneumogastrique destinées aux poumons, au cœur ou à
l’estomac. (Yoy. p. 227 et suiv.).
Il nous reste maintenant à dire quelques mots de sa branche externe, et à
donner un aperçu d’ensemble de la destination fonctionnelle du nerf de la
XI6 paire.
La branche externe du spinal, comme nous venons de le voir, innerve le
trapèze et le sterno-cléido-mastoïdien. Mais chacun de ces deux muscles reçoit
aussi des filets du plexus cervical. -
Or, en physiologie générale, il est admis que lorsqu’un muscle ou un grou¬
pe de muscles reçoit des nerfs de deux sources différentes, ce n’est pas pour
augmenter sa puissance de contraction, mais plutôt pour l’adapter à des actes
fonctionnels différents.
Il est donc, à priori, vraisemblable que les muscles trapèze et sterno-mas-
loïdien ont à remplir chacun deux fonctions distinctes. En fait, ils servent
d’une part à mouvoir volontairement la tête et les épaules, et d’autre part,
ils president à certains mouvements qui sont en relation avec le mécanisme
respiratoire. Cela résulte des expériences de Claude Bernard, que nous allons
résumer en quelques lignes.
Les physiologistes qui avaient cherché, avant lui, à étudier les effets de
252 LES NERFS CRANIENS

la section ou de l’excitation des racines des derniers nerfs crâniens, en les


abordant directement par une brèche ouverte à la base de l’occipital,
s’étaient heurtés à des difficultés pratiquement insurmontables. Les délabre¬
ments osseux, les hémorragies provenant du diploé de l’occipital, des sinus
de la dure-mère et des gros vaisseaux artériels ou veineux de la région, met¬
taient en péril immédiat la vie des animaux qui succombaient presque tou¬
jours sur la table à vivisection.
Cl. Bernard imagina un procédé beaucoup moins nocif. 11 eut l’idée d’ar¬
racher les racines de ces nerfs, au niveau de leur passage au trou déchiré
postérieur, sans ouvrir le crâne. Pour ce qui concerne les nerfs de la Xe et
de la XIe' paire, l’opération est relativement simple. Par une incision allant
de l’apophyse mastoïde à l’apophyse transverse de l’atlas, on met à découvert
la branche externe du spinal, dans le point où elle aborde le sterno-mastoï-
dien, et s’en servant comme d’un guide, on la suit de bas en haut jusqu’au
trou déchiré postérieur. Arrivé là, on saisit le tronc du nerf avec une pince
à mors plats et, en l’attirant à soi, on l’extrait avec ses racines. On peut
ainsi arracher isolément soit la branche externe, soit la branche interne. On
peut aussi arracher par le même procédé, les racines propres du pneumogas¬
trique.
Une fois maître de ce procédé, qui réussit très bien sur les lapins, les
chats, les chevreaux (beaucoup moins bien sur les chiens), Cl. Bernard put
étudier comparativement les effets de l’arrachement bilatéral des racines du
spinal et de celles du pneumogastrique. Il constata que, dans les deux cas,
l’émission de la voix était abolie, mais qu’à part ce phénomène commun,
tous les autres étaient absolument différents. Après l’arrachement des deux
nerfs spinaux, les animaux adultes n’avaient aucune modification du rythme
respiratoire, ni de la rapidité des pulsations cardiaques, ni de la sécrétion du
suc gastrique : ils guérissaient rapidement et continuaient à vivre indéfini¬
ment. Au contraire, après l’extirpation bilatérale des racines du vague, la
respiration était ralentie, le cœur accéléré, les sécrétions gastriques taries, et
les animaux succombaient dans les trois ou quatre jours suivants. De plus,
l’aphonie observée dans les deux cas n’était pas due à des troubles fonc¬
tionnels de même nature. Après la suppression de l’action des spinaux,
les cordes vocales étaient paralysées, et la glotte largement ouverte ne pou¬
vait être fermée volontairement ; les animaux respiraient librement, la fonc¬
tion vocale de leur larynx était abolie, sans que sa fonction respiratoire
fut compromise. Inversement, après la suppression de l’action des vagues,
la glotte était rétrécie et ne pouvait s’ouvrir : les fonctions vocales et respira¬
toires étaient simultanément atteintes ; l’animal mourait de suffocation
NERF SPINAL 253

asphyxique, à moins que par des moyens artificiels, on ne rétablit le passage


de l’air dans le poumon.
Rapprochant les résultats de ces expériences, Cl. Bernard conclut que le
pneumogastrique est le nerf qui régit l’adaptation du larynx à la fonction
respiratoire, tandis que le spinal commande les mouvements de la glotte
spécialement adaptée à l’émission de la voix.
De même, dans la déglutition, le pneumogastrique et le spinal ont chacun
un rôle distinct. Le premier assure le cheminement du bol alimentaire dans
le pharynx et l’oesophage, pendant que le second ferme la glotte, de façon à
empêcher le passage des substances ingérées dans le larynx, et leur pénétra¬
tion dans les bronches et les poumons. C’est aussi lui qui, en faisant contrac¬
ter les muscles tenseurs des cordes vocales, met obstacle à l’issue de l’air con¬
tenu dans la poitrine pendant l’effort.
Enfin, dans la phonation et dans le chant, la branche externe du spinal
règle le jeu de la soufflerie qui fait vibrer plus ou moins fort et plus ou
moins longtemps les cordes vocales, en maintenant contractés les muscles
trapèze et sterno-cléido-mastoïdien qui sont des élévateurs du thorax ; elle
adapte ainsi le volume de la colonne d’air qui traverse le larynx à la quan¬
tité strictement nécessaire aux modulations expressives de la voix parlée et
à la tenue des notes du chant.
En somme, Cl. Bernard considère le spinal comme un nerf moteur qui
régit les mouvements du larynx et du thorax, toutes les fois que ces orga¬
nes doivent exécuter des actes autres que ceux exclusivement destinés à la
respiration simple. Autrement dit, c’est un nerf de la vie de relation, annexé
à l’appareil respiratoire ; de même que les actions auxquelles il prend part : la
phonation, la déglutition, l’immobilisation du thorax, l’occlusion de la glotte
dans l’effort, sont des phénomènes annexes de la fonction respiratoire. « Il
n’est donc pas, à proprement parler, un nerf accessoire de la respiration ;
il est plutôt un nerf antagoniste de la respiration. » (1).
Tout en reconnaissant l’exactitude des observations de CI. Bernard, les

physiologistes modernes n’admettent pas intégralement sa conception de


l’antagonisme physiologique du spinal et du pneumogastrique ; mais si

(1) Duchenne, de Boulogne, range le sterno-cleido-mastoïdien et le faisceaü supérieur


du trapèze parmi les muscles auxiliaires de la respiration. Lorsque, la tête étant fixée,
ils prennent en se contractant leur point d’insertion mobile sur le manubrium et la
clavicule ils ont l’un et l’autre pour effet d’attirer vers le haut la cage thoracique et
de déterminer ainsi des inspirations du type costal supérieur. Leur action sur le
thorax est démontrée : 1° chez les sujets normaux, par les effets de l’électrisation ;
2° chez les malades en état d’asphyxie imminente, par l’apparition d’inspirations
spontanées du type costal supérieur ; 3° chez les sujets dont les muscles sus visés
sont paralysés ou atrophiés, par l’impossibilité de réaliser des inspirations de ce type.
254 LES NERFS CRANIENS

quelques-uns de ses détails sont critiquables, il n’en reste pas moins qu'elle
rend compte de la plupart des faits qu’elle tend à expliquer.

B) RÉACTIONS PATHOLOGIQUES DU SPINAL CHEZ L’HOMME

Le spinal peut être atteint dans tout son trajet par des lésions irritatives ou
destructives. Il peut être sectionné par des plaies d’instruments tranchants
ou de projectiles d’armes à feu ; comprimée par des tumeurs ganglionnaires
néoplastiques ou anévrysmales ; altéré dans sa structure par des névrites
toxiques ou infectieuses.
Les symptômes de ces lésions varient suivant qu’elles portent sur sa bran¬
che interne ou sur sa branche externe.
Quand elles siègent sur sa branche interne, que ce soit avant, pendant ou
après son passage dans le tronc du vago-spinal, elles se traduisent par un
groupe de phénomènes qui constituent le syndrome récurrentiel, lequel se
présente avec une physionomie clinique différente, selon qu’il s’agit de
lésions irritatives ou destructives, et selon que ces lésions sont uni ou bi¬
latérales.
Dans les cas de lésions irritatives uni-latérales, la voix et la toux sont à
peu près normales ; la respiration n’est pas gênée ; à l’examen laryngosco-
pique, la corde vocale du côté correspondant se tient fixée en position
médiane.
Dans les cas de lésions irritatives bilatérales, la voix reste encore à peu
près normale, la toux est voilée, la respiration est striduleuse, bruyante,
accompagnée de cornage et de menace d’asphyxie. Les deux cordes vocales
examinées au laryngoscope occupent le milieu de l’espace interglottique.
Dans les cas de lésions destructives uni-latérales, la voix et la toux sont
bitonales, à timbre aigu, eunueboïde ; la corde vocale correspondante est
immobile, en position intermédiaire entre la normale et la cadavérique, aussi
la respiration n’est-elle pas très gênée.
Dans les cas de lésions destructives bilatérales, la voix est étouffée, éteinte ;
la toux voilée ou rauque ; la respiration relativement facile, sauf au moment
des efforts vocaux et des exercices violents où les cordes vocales restant un
peu écartées de la ligne médiane, il se produit une sorte de coulage d’air qui
donne lieu, chez les sujets adultes, à des bruits respiratoires de sonorité
sourde. Mais chez les enfants dont, l’orifice glottique est très étroit, l’immo¬
bilisation des cartilages arythénoïdes en position à peu près médiane, déter¬
mine toujours, même au repos, une dyspnée plus ou moins accentuée.
Les syndromes récurrentiels sont souvent associés à des phénomènes mor-
NERF SPINAL 255

bides, résultant de lésions de ceux des nerfs crâniens qui sont accolés au
spinal : le glosso-pharyngien, le pneumogastrique, l’hypoglosse, et aussi, à

la sortie du trou déchiré postérieur, le grand sympathique. Ces associations


donnent lieu aux syndromes des paralysies laryngées associées, dont nous
avons déjà indiqué les principales variétés (voy. p. 69).
La branche externe du spinal innerve, conjointement avec le plexus cer¬
vical, le sterno-cléido-mastoïdien et le trapèze. On pensait naguère que les
Fibres provenant de ces deux origines étaient toutes des Fibres motrices. Cette
opinion est aujourd’hui très contestée. Les recherches de MM. Lesbre et Mai-

gnon tendent à démontrer que la branche externe du spinal est le nerf moteur
exclusif du sterno-cléido-mastoïdien et du trapèze et que les Fibres qui arri¬
vent à ces deux muscles par l’intermédiaire du plexus cervical, sont exclusi¬
vement sensitives. Les observations pathologiques recueillies chez l’homme,
paraissent confirmer cette manière de voir. Elles prouvent tout au moins que
les sections de la branche externe du spinal, déterminent des paralysies tota¬
les et complètes des deux muscles auxquels elle se distribue.
Les lésions qui déterminent ces paralysies sont traumatiques ou spontanées. .
Les premières sont habituellement le résultat de plaies pénétrantes de la
région rétro-mastoïdienne qui atteignent soit le tronc même de la branche
externe du spinal au-dessus de sa bifurcation, soit l’un ou l’autre de ses
rameaux qui se rendent au sterno-cléido-mastoïdien ou au trapèze ; les secon¬
des sont des polynévrites toxi-infectieuses, particulièrement des polynévrites
tabétiques.
Il va de soi que lorsque c’est le tronc même du spinal externe qui est
offensé, les deux muscles innervés par les Fibres qu’il contient sont simulta¬
nément paralysés, tandis qu’un seul d’entre eux sera frappé d’inertie fonc¬
tionnelle si les altérations nerveuses portent uniquement sur le rameau desti¬
né à un seul de ces muscles.
La paralysie isolée du sterno-cléido-mastoïdien ne donne pas lieu à des
troubles fonctionnels grossièrement évidents.
Ce muscle volumineux, qui traverse en diagonale la région antéro-latérale
du cou, prend son insertion supérieure à l’apophyse mastoïde et à la crête
occipito externe, et ses insertions inférieures sur le manubrium et le tiers
interne de la clavicule. Quand il prend son point Fixe sur le sternum et la
clavicule, il imprime à la tête un triple mouvement : 1° il la fléchit sur la
colonne vertébrale ; 2° il l’incline de son côté ; 3° il la fait tourner sur son
axe vertical de façon à porter le menton du côté opposé. Lorsqu’il se contrac¬
te en même temps des deux côtés, il est simplement fléchisseur de la tête,
les mouvements d’inclinaison latérale et de rotation déterminés par la
256 LES NERFS CRANIENS

contriction d’un seul des deux muscles symétriques se trouvant annihilés


par l’action antagoniste de l’autre. Quand il prend son point fixe sur la tête,
il élève le sternum et la clavicule. Il devient alors un muscle inspirateur acces¬
soire, et surtout un muscle modérateur de l’expiration, car il modère et ralen¬
tit la chute de la portion supérieure du thorax après le relâchement des mus¬
cles inspirateurs. C’est ainsi qu’il est utile dans la régulation de la respiration
pendant la déclamation et le chant.
Il semblerait, d’après ses fonctions physiologiques, que sa paralysie unila¬
térale dut être suivie de déviation permanente de la tête (torticolis paralyti¬
que) et sa paralysie bilatérale, de (roubles respiratoires importants. Il n’en
est rien. Quand un seul des sterno-cléido-mastoïdiens est paralysé, la tête
reste droite et mobile, et quand les deux le sont à la fois, la respiration n’est
pas très gênée. Cela tient à ce que plusieurs muscles du cou peuvent le sup¬
pléer. La statique et les mouvements de la tête sont assurés, à son défaut, par
le trapèze, le long du cou, le grand et le petit droit antérieur, le splénius, le
complexus, etc. ; la modération de la chute expiratoire du thorax, par les sca-
lènes, le sterno-thyroïdien, l’angulaire de l’omoplate. Aussi les meilleurs
signes de la paralysie du sterno-cléido-mastoïdien sont ils moins la perte des
mouvements de la tête et du thorax, qu’il commande à l’état normal, que
l’inertie complète de ses fibres, facilement constatable par l’inspection, la
palpation et la réaction de dégénérescence révélée par l’exploration électri¬
que de ses faisceaux.
Le trapèze a une action complexe sur le scapulum et l’épaule : il est sur¬
tout adducteur du premier et fixateur de la seconde. Ses faisceaux supérieurs,
obliquement ascendants, portent l'omoplate en dedans et élèvent l’épaule ;
ses faisceaux moyens, dirigés transversalement, portent l’omoplate en dedans
et élèvent l’acromion ; ses faisceaux inférieurs obliquement descendants, rap¬
prochent le scapulum de la ligne médiane, en abaissant l’extrémité interne
de l’épine sur laquelle ils s’insèrent, et tend par conséquent à élevei le moi¬
gnon de l’épaule.
Quand il est paralysé, l’omoplate est plus écartée de la ligne médiane qu’à
l’état normal, et ne peut-être que difficilement rapprochée de la colonne ver¬
tébrale par l’action suppléante du rhomboïde. L’épaule est abaissée ; son
élévation active est diminuée d’amplitude, mais elle est encore possible dans
une certaine mesure, par l’effet de la contraction volontaire du grand den¬
telé, de l’omo-hyoïdien (quand l’os hyoïde est fixé), de l’angulaire et du
rhomboïde.
Les troubles fonctionnels les plus importants sont ceux qui dérivent de
l’imparfaite fixation de l’omoplate dans les mouvements du bras. Par ce fait,
NEUF GRAND HYPOGLOSSE 257

tous les mouvements d’élévation du bras sont diminués d’amplitude et


d’énergie, et tous les mouvements de force des membres supérieurs qui ne
peuvent s’accomplir avec assurance que si l’épaule est solidement fixée sur
le thorax, manquent de sécurité et de puissance.
Nous avons fait remarquer, il y a un instant, que la paralysie unilatérale
de la branche externe du spinal ne s’accompagnait pas de torticolis paialyti-
que. Cela ne veut pas dire que le spinal externe ne puisse pas intervenir
dans la pathogénie de ceitaius cas de torticolis spasmodique. On l’a accusé
notamment, il y a quelques années, de jouer un rôle essentiel dans la produc¬
tion de la forme de spasme rythmique de la tête et du cou que Brissaud a
décrite sous le nom de torticolis mental ; on a même conseillé, pour faire
cesser les mouvements involontaires et gênants qui constituent le principal
symptôme de cette curieuse maladie, de pratiquer la névrotomie de la bran¬
che externe du spinal. Les résultats de ce mode de traitement ont été très in¬
constants. Aux observations peu nombreuses dans lesquelles ils ont été favora¬
bles, on en a opposé plusieurs autres où les spasmes ont persisté malgré l’opé¬
ration, et quelques-unes dans lesquelles ils ont bien cessé de se manifester du
côté opéré, mais se sont aussitôt établis du côté opposé. On a dès lors renoncé
à employer une méthode théiapeutique aussi infidèle.

ARTICLE XI

NERF GRAND HYPOGLOSSE


[Planche XI].

Le nerf grand hypoglosse constitue la XIIe paire crânienne. C’est un nerf


exclusivement moteur, allant du bulbe aux muscles de la langue, au muscle
génio-hyoïdien et à tous les muscles de la région sous-hyoïdienne.

S 1. - ANATOMIE

1® Origine apparente. — Le grand hypoglosse naît à la face antérieure


du bulbe rachidien, dans le sillon longitudinal qui sépare l’olive de la pyra¬
mide antérieure : le sillon préolivaire ou sillon de l’hypoglosse. Cette origine
se fait par dix à quinze filets, disposés en une série régulièrement verticale,
qui descendent, en bas, jusqu’à l’entre-croisement des pyramides.
LES NERFS EN SCHÉMAS 17
258 LES NERFS CRANIENS

2° Origine réelle. — Le grand hypoglosse, nerf exclusivement moteur,


est l’homologue d’une racine antérieure rachidienne.
a) Ses noyaux d'origine. — Ses filets radiculaires tirent leur origine, dans
la région du plancher ventriculaire, de deux noyaux, un noyau principal et
un noyau accessoire :
a) Le noyau principal, de beaucoup le plus volumineux, est situé sur le

x plancher du quatrième ventricule, immédia¬


tement en dehors de la ligne médiane, c’est
Vaile blanche interne. Il revêt dans son en¬
semble la forme d’une colonne longitudinale,
qui s’étend depuis la base de l’aile blanche in¬
terne jusqu’à quelques millimètres au-dessous
du bec de calamus. Morphologiquement, le
noyau principal de l’hypoglosse représente la
base des cornes antérieures de la moelle épi¬
nière.
(3) Le noyau accessoire se trouve placé en
avant et un peu en dehors du noyau principal,
tout à côté du noyau ambigu. Il est profond,
tandis que le noyau principal est superficiel.
II représente, morphologiquement, la tête de
poglosse.
xx, ligne médiane.
la corne antérieure de la moelle épinière.
1, 1’, noyau gauche et noyau b) Son trajet inlra-bulbaire. — Les filets
droit de l’hypoglosse. — 2, nerf
grand hypoglosse. — 3, faisceau
géniculé. — 4, acoustique. — 5, radiculaires qui proviennent du noyau prin¬
trijumeau. — 6, glosso-pharyngien.
— 7, pneumogastrique. — 8, ban¬ cipal se portent obliquement en avant et en
delette longitudinale postérieure.
— 9, fibres commissurales. dehors, en décrivant dans leur ensemble une
légère courbe à concavité externe. Ils traver¬
sent d’abord la formation réticulaire, passent ensuite entre l’olive et la paro-
live interne, et sortent du bulbe, comme nous l’avons vu, au niveau du sillon
préolivaire. Quant aux fibres qui viennent du noyau accessoire, elles se por¬
tent d’abord en arrière, vers le plancher ventriculaire ; puis, changeant de
direction, elles se recourbent en dedans et en avant pour rejoindre les fibres
du noyau principal et se mêler à elles.
c) Ses relations centrales. — Le noyau principal (et probablement aussi le
noyau accessoire) du grand hypoglosse est en relation : 1° avec celui du côté
opposé, par des fibres qui s’entre-croisent, dans le raphé médian et qui ont
pour fonction d’associer les deux noyaux droit et gauche dans certains mou¬
vements de la langue ; 2° avec le faisceau géniculé du côté opposé, qui lui
apporte les incitations volontaires ; rappelons en passant que l’hypoglosse
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Voyau principal du grt hypoglosse.


Scissure de Rolando.

Noyau accessoire.

Plancher du 4® ventricule.

/TaOU CONDYUEN AN?',

.Scissure
de
Sylvius.
Centre cor
de l’hypoglosse.

-An5* avec le symp".


(Ganglion cervical siip')-

Ans® avec le pneunri".


(Ganglion plcxiformc). 2
Centre cortical

1er nerf cervical.

2e nerf cervical.
_N. grand hypoglosse.

. Slylo-glosse.

_Palato-glosse.

P ha ryng o-glosse.

A mygdulo-glosse.

- _ Lingual supr

Carotide interne. -Lingual infT.

. Trunsoerse.

Jugutaire interne.

_Grnio-glosse.

MaXIU.AIIŒ INFr.

Branche desc16 de i’hypoglosse..

-G énio-hyoïdien.

vv.Hyoïde.

-Thyro-hyoïdien.

Branche desCle du plexus cervical._

Jugulaire Sterno-hyoldien.

Slerno-thyroïdicn.

Omo-hyoïdien.

Fig. 1 - Origine, trajet, terminaison

PLANCHE XI

NERF GRAND HYPOGLOSSE


S. DUPRET del.
G. DOIN éditeur.
NERF GRAND HYPOGLOSSE 259

a son centre cortical dans la partie la plus inférieure de la circonvolution


frontale ascendante (PI. XI, fig. 2) ; 3° avec la voie sensitive centrale, no¬
tamment avec les libres qui proviennent des trois noyaux pneumogastri-
que, glosso-pharyngien et trijumeau (en rapport avec les mouvements
réllexes) ; 4° avec un certain nombre des fibres de la bandelette longitudinale
postérieure (en rapport elles aussi avec les mouvements réflexes).

3° Trajet. — Du sillon préolivaire où ils sont implantés, les filets radicu¬


laires du nerf grand hypoglosse se portent en dehors, vers le trou condylien
antérieur. Ils sont généralement partagés en deux groupes : les filets supé¬
rieurs, légèrement descendants, se réunissent ensemble, à peu de distance
du bulbe, pour constituer un petit troncule ; les filets inférieurs, obliquement
ascendants, se condensent eux aussi en un troncule distinct, situé un peu au-
dessous.
Ces deux troncules, résumant tous les filets radiculaires du grand hypo¬
glosse, traversent la dure-mère, tantôt par un orifice commun, tantôt par
deux orifices distincts quoique très rapprochés. Ils s’engagent ensuite dans
le conduit condylien antérieur et s’y fusionnent en un tronc unique qui
débouche à la base du crâne.
Du trou condylien antérieur, le grand hypoglosse se porte obliquement
en bas et en avant, jusqu’au bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoï¬
dien, qu’il croise à angle aigu. Il suit alors une direction à peu près horizon¬
tale jusqu’au bord postérieur du muscle mylo-hyoïdien. Là, il s’infléchit de
nouveau pour se porter en haut et en avant et, finalement, vient s’épanouir
à la face inférieure de la langue, où il se termine.

4° Anastomoses. — Dans son trajet à travers les parties molles du cou,


le grand hypoglosse s’anastomose successivement : 1'' avec le grand sympa-
thique, par un filet très grêle qui se détache du tronc nerveux, à sa sortie du
trou condylien, et qui vient se jeter, soit dans le ganglion cervical supérieur
du grand sympathique, soit dans le filet carotidien de ce ganglion ; 2° avec
le pneumogastrique (voy. ce nerf, p. 223) ; 3° avec les deux premiers nerfs
cervicaux, par deux ou trois filets, qui naissent de l’arcade préatloïdienne for¬
mée par ces deux nerfs, et qui se jettent ensuite sur la partie avoisinante de
l’hypoglosse ; 4° avec le lingual (voy. ce nerf, p. 118).

5° Mode de distribution. — Le nerf grand hypoglosse fournit deux


ordres de branches : des branches collatérales et des branches terminales.

a) Branches collatérales. — Elles sont au nombre de six, savoir :


260 LES NERFS CRANIENS

1° Rameau méningien. — Filel très grêle, sensitif, qui se détache du nerf


dans le trou condylien antérieur, suit, à partir de là un trajet récurrent et
vient se terminer, en partie dans l’os occipital, en
partie sur les parois du sinus occipital postérieur.
2° Rameau vasculaire. — Tout petit rameau,
simple ou multiple, qui, après s’être anastomosé
avec des filets du grand sympathique, vient se ter¬
miner sur le côté interne de la veine jugulaire in¬
terne.
3° Branche descendante. — La branche descen¬
dante du grand hypoglosse se détache du tronc ner¬
veux au moment où il croise la carotide externe. ®e
portant verticalement en bas, elle descend
(d’où son nom) le long de la carotide pri¬
mitive, jusqu’au tendon de l’omo-liyoï-
dien. Là, elle s’anastomose, sur le côté an-
téro-externe de la jugulaire interne, avec
la branche descendante interne du plexus
cervical, en formant avec cette dernière
une petite arcade à concavité supérieure :
c’est l'anse de Vhypoglosse. De la conve¬
xité de cette anse, se détachent des ra-
Fig. 77. meaux musculaires pour les deux ventres
Schéma indiquant les relations du de l’omo-hyoïdien, pour le sterno-cléido-
nerf grand hypoglosse avec les
premiers nerfs cervicaux (d’après hyoïdien et pour le sterno-thyroïdien : en
M. Holl). somme pour tous les muscles sous-hyoï¬
XII, grand hypoglosse. — C’, C”,
C’”, les trois premiers nerfs cervicaux. dien, sauf le tliyro-hyoïdien. Rappelons
— 1. anastomose des deux premiers
nerfs cervicaux. — 2, branche du pre¬ que, d’après Holl, la branche descendante
mier nerf cervical, fournissant le
nerf centripète 2’ et les nerfs du petit de l’hypoglosse ne renfermerait aucun fi¬
droit antérieur de la tête 2”_ et du
grand droit antérieur de la tête 2”’. let provenant de ce tronc nerveux. Pour
— 3, 3’, 3”, trois rameaux s’accolant
à l’hypoglosse et le suivant dans son
trajet descendant. — 4, anastomose
lui, elle serait exclusivement formée par
entre le deuxième nerf cervical et le
troisième. — 5, 5’, deux rameaux for¬ des libres provenant, par voie d’anastomo¬
mant la branche descendante du
plexus cervical. — 6, 6’, branche des¬ se, des trois premiers nerfs cervicaux (voy.
cendante de l’hypoglosse. — 7, 7, 7,
nerfs des muscles sous-hyoïdiens. — fig. 77), qui s’accoleraient plus ou moins
8, nerf du thyro-hyoïdien. — 9, nerf
du génio-hyoïdien. à l’hypoglosse, mais s’en sépareraient
ensuite pour aller innerver tous les mus¬
cles sous-hyoïdiens. L’hypoglosse lui-même serait spécialement destiné aux
faisceaux musculaires de la langue.
4° IS’crf du thyro-hyoïdien. — 11 se détache du grand hypoglosse un peu
NERF GRAND HYPOGLOSSE 261

en arrière du bord postérieur du muscle hyo-glosse, se porte obliquement


en bas et en avant et se termine dans le muscle thym-hyoïdien.
5° Nerf des muscles hyo-glosse et stylo-glosse. — Ils naissent un peu au-
dessous du précédent et viennent se terminer, comme l’indique suffisam¬
ment leur nom, dans les deux muscles hyo-glosse et stylo-glosse.
6° Nerf du génio-hyoïdien. — Il naît un peu au-dessous des précédents,
se porte d’arrière en avant et, après un court trajet, arrive sur le côté externe
du muscle génio-liyoïdien, où il se termine.

b) Branches terminales. — Après avoir fourni successivement les diffé¬


rentes branches collatérales que nous venons d’indiquer, le nerf grand hypo¬
glosse, considérablement amoindri, chemine quelque temps sur la face exter¬
ne du muscle génio-glossc. Puis, il s’enfonce dans l’épaisseur de la langue, où
il s’épanouit en de nombreuses branches terminales, fréquemment anasto¬
mosées entre elles, qui, finalement, se perdent dans les différents faisceaux
musculaires de la langue.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

A) FONCTIONS DU NERF GRAND HYPOGLOSSE

1° Données expérimentales. — On peut atteindre les filets originels de


la XIIe paire sans ouvrir la paroi osseuse du crâne, en les. mettant simple¬
ment à nu par l’incision de la lame membraneuse qui ferme en arrière l’es¬
pace occipito-atloïdien. On tombe droit sur ses racines et il est alors pos¬
sible de les arracher, de les couper ou de les exciter. Ces manoeuvres ne provo¬
quent, chez l’animal en expérience, aucune manifestation douloureuse ; elles
déterminent seulement des contractions dans les muscles innervés par l’hypo¬
glosse. Si, au lieu d’agir sur les racines de ce nerf, on excite, mécaniquement
ou électriquement, son tronc ou ses branches périphériques, on provoque à la
fois des mouvements dans les muscles qu’il innerve, de la douleur et des
réactions vaso-motrices.
L’hypoglosse est donc à son origine un nerf exclusivement moteur, et s’il
devient plus loin sensitif et vaso-moteur, c’est parce qu’il s’est annexé dans
son trajet, des fibres sensitives et vaso-motrices provenant des anastomoses
qu’il a reçues du pneumogastrique du grand sympathique, du plexus cervical
et du trijumeau (par l’intermédiaire du lingual).
262 LES NERFS CRANIENS

2° Effets de la section des deux nerfs hypoglosses. — Par ses fibres motri¬
ces qui sont de beaucoup les plus nombreuses, l’hypoglosse commande la mo¬
tilité de tous les muscles intrinsèques et de la plupart des muscles extrinsèques
de la langue. Après l’arrachement de ses racines ou après la section bilatéra¬
le de son tronc, la langue devient immédiatement flasque, inerte, elle reste
immobile sur le plancher de la bouche, incapable d’aucun mouvement volon¬
taire. Elle n’a pas perdu sa sensibilité tactile, car si on la pique ou si on la pin¬
ce, l’animal pousse des cris de douleur ; elle a conservé aussi sa sensibilité
gustative, car si on dépose sur elle une solution de coloquinte, il manifeste
une sensation désagréable. Les libres sensitives qui se trouvent dans l’hypo¬
glosse ne sont pas destinées, en effet, à la muqueuse linguale ; elle se termi¬
nent toutes dans les fuseaux neuro-musculaires et dans les autres appareils
sensitifs dont la musculature de la langue est abondamment pourvue.
Les troubles fonctionnels qui se produisent après la section des deux hypo¬
glosses chez le chien sont toutefois caractéristiques. Si on présente à l’animal
une écuelle de lait, il ne peut pas laper le liquide ; il approche son museau de
l’écuelle, mais ne pouvant tirer la langue hors de la bouche, il lui est impos¬
sible de boire son contenu. « Si on lui offre un morceau de pain trempé dans
du lait, il le saisit avec vivacité et se met à le mâcher ; mais à peine est-il
divisé qu’il le laisse tomber pour le reprendre encore, le subdiviser et ainsi
de suite, jusqu’à ce que, après l’avoir réduit en petits fragments, il l’aban¬
donne ; et si par hasard la pointe de la langue vient pendant les mouvements
de la tête à sortir par l’un ou l’autre angle de la bouche, elle reste dehors
sans que le chien puisse la retirer, en sorte que, pendant les mouvements de
mastication, il la mord et pousse des cris de douleur ». (Pantzza).
La déglutition est, elle aussi, très difficile ou même impossible. Introduit-
on un morceau de viande dans la bouche de ce même chien, celui-ci fait de
vains efforts pour le placer entre ses dents afin de le mastiquer et de l’avaler ;
mais, le plus souvent, le morceau de viande s’échappe de sa bouche et tombe
sur le sol ou bien il se place entre la langue et les arcades dentaires, d’où
l'animal ne peut le déloger à cause de l’inertie de sa langue.
Chez l’homme, la perte de l’action des deux hypoglosses est suivie des
mêmes troubles de la mastication et de la déglutition que chez le chien ;
maison observe, en outre, des troubles très marqués de la phonation, car dans
l’espèce humaine la langue ne sert pas seulement à amener les aliments sous
les dents qui doivent les broyer et à porter le bol alimentaire à l’orifice supé¬
rieur du pharynx ; elle joue aussi un rôle très important dans la modulation
de la voix et du chant ; elle est particulièrement indispensable à la pronon¬
ciation des consonnes dites linguales : K, L, R, T, et à l’émission correcte de
NERF GRAND HYPOGLOSSE 263

» la plupart des autres, si bien que lorsqu’elle est paralysée, la voix devient
monotonale et indistincte, même si les cordes vocales et les lèvres ont conservé
leur motilité normale.

3° Fibres sympathiques de l’hypoglosse. — Les fibres du grand sympa¬


thique contenues dans le tronc et les branches de l’hypoglosse sont en
majeure partie vaso-constrictives. Après la section de ce nerf, on constate
une légère hypérémie de la moitié correspondante de la langue, due à la
paralysie des vaso-constricteurs. Inversement, l’excitation électrique du bout
distal du nerf sectionné est suivie d’une ischémie hémilatérale très apprécia¬
ble de la muqueuse linguale, déterminée par la contraction active des arté¬
rioles de la région (Vulpian). Les fibres vaso-dilatatrices de la langue passent
presque toutes par le nerf lingual.

B) RÉACTIONS’PATHOLOGIQUES DE L’HYPOGLOSSE

Toute lésion destructive du nerf hypoglosse, de ses noyaux bulbo-médul-


laires, de son centre cortical ou des faisceaux de fibres qui relient ses noyaux
bulbaires et médullaires à ceux du cerveau se traduit cliniquement par des
phénomènes de paralysie linguale. Cette paralysie est limitée à une moitié la¬
térale de la langue lorsque ses lésions provocatrices sont elles-mêmes unilaté¬
rales ; elle s’étend à la totalité de la langue si elles sont bilatérales. Ses symptô¬
mes, uniformes dans leurs grands traits, varient par quelques détails selon
que les lésions qui leur ont donné naissance siègent sur la portion périphéri¬
que du nerf, sur ses noyaux d’origine ou sur ses centres corticaux. De là trois
types ou variétés de paralysies neuropathiques de la langue : 1° le type péri¬
phérique ; 2° le type nucléaire ou bulbaire ; 3° le type cérébral.

1° Paralysies périphériques. — Les paralysies périphériques de l’hypo¬


glosse sont le plus souvent la conséquence de plaies pénétrantes de la région
sus-hyoïdienne, de compression par des tumeurs du voisinage ou de névrites
toxi-infectieuses. Elles sont généralement unilatérales.
Leur symptôme essentiel est l’hémiparalysie atrophique de la langue. A
Vinspection, l’hémilangue du côté correspondant au nerf offensé apparaît
aplatie, ridée, comme flétrie. A la palpation, on la trouve manifestement
plus mince et plus molle que du côté sain. A l’exploration électrique, on trou¬
ve, au début, une simple diminution de l’excitabilité des muscles en voie
d’atrophie ; plus tard on constate toute la série des modifications quantita¬
tives et qualitatives qui marquent les différents degrés de la réaction de dégé-
264 LES NERFS CRANIENS

nérescence dans les muscles anervés ; enfin, dans les cas anciens où la régé¬
nération ne s’est pas opérée, toute excitabilité aux courants faradiques et gal¬
vaniques est perdue.
Il n’y a pas de troubles de la motilité de la face, pas de déviation du voile
du palais. La sensibilité tactile et gustative de la muqueuse linguale est intégra¬
lement conservée. Les réflexes salivaires, provoqués par les irritations méca¬
niques des parties latérales de la langue, ne sont pas abolis.
Les troubles fonctionnels sont moins graves qu’on ne pourrait le supposer
a priori. La mastication, la déglutition, la phonation sont bien un peu gênées,
mais elles s’effectuent encore assez facilement par suite de la persistance de
la contractilité volontaire dans les muscles linguaux du côté sain.
Pour la même raison, le malade peut sans difficulté porter sa langue hors
de la bouche ou la rétracter vers l’arrière-gorge. Il faut noter cependant que
l’exécution de ces mouvements est toujours défectueuse, en ce sens qu’elle
s’accompagne de déviations anormales de la langue. Quand celle-ci est au re¬
pos, appliquée sans effort sur le plancher de la bouche, son raphé médian est
rectiligne comme chez les sujets normaux. Mais quand le malade la tire
hors de la bouche, sa pointe se dévie en arc vers le côté malade ; au contraire,
lorsqu’il la ramène fortement vers la gorge, elle se dévie vers le côté sain.
Voici l’explication que donnent, de ces phénomènes la plupart des au¬
teurs : la déviation de la pointe de la langue vers le côté paralysé, dans la
propulsion active hors de la bouche, est due à l’action du muscle génio-glosse
du côté sain. A cause de son insertion oblique d’avant en arrière et de dedans
en dehors, ce muscle attirerait la langue d’autant plus énergiquement vers
le côté malade que les muscles du côté opposé seraient plus atones. Ascoli
fait remarquer à ce sujet qu’à l’état normal, quand un homme sain por¬
te fortement sa langue d’un côté, la contraction la plus énergique a lieu
du côté opposé à celui de la déviation de la langue, tandis que s’il porte cet
organe directement en avant, les muscles des deux côtés se contractent avec
une égale énergie. Pour ce qui concerne la déviation de l’axe de la langue
vers le côté sain quand elle est rétractée dans le fond de la bouche, elle a été
attribuée par Dinkles à la contraction du muscle stylo-glosse. Le stylo-
glosse prend, en effet, son point fixe sur l’apophyse mastoïde et le ligament
stylo-maxillaire, d’où il se porte obliquement en avant et en dedans vers le
bord latéral de la langue, dans l’épaisseur de laquelle il pénètre. Par suite,
quand les deux stylo-glosses se contractent ensemble, ils attirent directement
la langue en arrière ; mais si un seul d’entre eux entre en contraction, il en¬
traîne la langue dans la direction de son point fixe, c’est-à-dire du côté où
s’exerce la traction, c’est-à-dire du côté sain.
NERF GRAND HYPOGLOSSE 265

2° Paralysies nucléaires- — Les paralysies nucléaires de l’hypoglosse peu¬


vent être la conséquence :
a) Ou bien (mais cela est rare) de lésions unilatérales comme de petits
foyers d’hémorragie ou de ramollissement, siégeant à la partie inférieure du
bulbe, dans la région correspondant à l’aile blanche interne du plancher
du quatrième ventricule ;
P) Ou bien (ce qui est plus fréquent) d’altérations plus ou moins régulière¬
ment symétriques, comme celles qui déterminent les polio-bulbies toxi-infec-
tieuses, ou celles, d’origine encore inconnue, qui forment le substratum
anatomique des paralysies labio-glosso-laryngées de Duchenne, de Boulogne.
Or, dans aucun de ces cas les lésions ne sont strictement limitées à l’aire
des noyaux de l’hypoglosse ; elles s’étendent toujours plus ou moins sur les
noyaux des nerfs voisins, très rapprochés les uns des autres dans cette région.
Par suite, aux symptômes provoqués par la destruction des éléments
cellulaires propres de la X1L paire s’ajoutent des phénomènes morbides
dépendant des lésions des noyaux d’autres nerfs crâniens, situés à proximité
de. ceux de. l’hypoglosse. Aussi, en règle générale, doit-on toujours penser à
une paralysie nucléaire, plutôt qu’à une paralysie périphérique de l’hypo¬
glosse, quand une paralysie atrophique uni ou bilatérale de la langue s’accom¬
pagne de paralysie du vetile du palais ou du larynx, de paralysie du
constricteur supérieur du pharynx, de paralysie des lèvres ou du moteur
oculaire externe, impliquant l’intervention de la XIe, de la IXe, de la VIL ou
de la VIe paire, ou bien de troubles respiratoires ressortissant du pneumo¬
gastrique.

3° Paralysie d’origine cérébrale. — La glossoplégie d’origine cérébrale


a une symptomatologie des plus simples. Elle est uniquement caractérisée par
une diminution de l’énergie contractile de la moitié de la langue du côté op¬
posé à l’hémisphère cérébral où siège sa lésion provocatrice. Les muscles pa-
résiés s’atrophient un peu, leurs réactions électriques restent normales. Les
troubles fonctionnels de la mastication, de la déglutition, de la phonation sont
réduits au minimum. La langue tirée hors de la bouche est légèrement déviée
vers le côté paralysé, et c’est cette déviation qui constitue le principal symptô¬
me des paralysies de la langue d’origine cérébrale.
Il est à peine besoin de rappeler que cette forme de parésie unilatérale de
la langue est presque toujours accompagnée d’hémiplégie des membres et de
parésie faciale du côté opposé à la lésion cérébrale.

4° Diagnostic différentiel des glossoplégies d’origine périphérique, nu¬


cléaire ou cérébrale. — Les éléments de ce diagnostic sont fournis moins par
26(5 LES NERFS CRANIENS

les symptômes propres de la paralysie linguale, qui sont sensiblement identi¬


ques dans tous les cas, que par la constatation des divers phénomènes mor¬
bides qui lui sont fréquemment associés.'
De ce point de vue les éventualités qui se présentent le plus communément
en clinique sont les suivantes :
a) L’hémiparalysie linguale existe seule. — Théoriquement elle pourrait
alors être la conséquence de lésions périphériques, nucléaires ou cérébrales
du nerf de la XIIe paire. Mais, en fait, il est excessivement rare qu’une lé¬
sion du névraxe soit assez circonscrite pour atteindre isolément le groupe des
éléments anatomiques affectés à une fonction spécialisée. Dès lors, toute
glossoplégie pure, c’est-à-dire exempte de complications résultant de l’ingé¬
rence de nerfs autres que l'hypoglosse doit, par cela même qu’elle est pure,
être considérée comme d’origine périphérique.
b) L’hémiparalysie linguale est associée à des phénomènes révélant Vat-
ieinte simultanée de l’hypoglosse et du glosso-pharyngien, du vago-spinal ou
du cordon sympathique cervical. — Ces associations polyneuropathiques ont
été minutieusement étudiées par les laryngologistes sous le nom générique de
Syndromes des quatre derniers nerfs crâniens, comprenant les syndromes
de Jackson, de Tapia, dé Vernet, ou du trou déchiré postérieur, de Collet-
Sicard ou du carrefour condvlo-déchiré postérieur et de Villaret ou de l’es¬
pace rétro-parotidien. Ils sont le résultat de lésions intéressant à la fois l’hy¬
poglosse et les nerfs qui se trouvent en certains points de leur trajet en rap¬
port de contiguïté avec lui. Nous avons indiqué plus haut avec assez de dé¬
tails les conditions de productions et la signification diagnostique de cha¬
cun d’eux (voy. p. 67 et suiv.). Il serait superflu de leur consacrer ici de
nouveaux développements.
c) L’hémiparalysie linguale est associée à une hémiplégie de la face et des
membres. — On doit alors l’attribuer à des lésions cérébrales siégeant dans
la zone motrice corticale ou dans les faisceaux de fibres de projection qui
s’en détachent et qui passant par le centre ovale, la capsule interne et le
pied du pédoncule cérébral s’entrecroisent sur la ligne médiane avant de se
rendre dans les noyaux des nerfs bulbo-protubérantiels ou les cornes antérieu¬
res de la moelle.
CHAPITRE III

NERFS RACHIDIENS

Les nerfs rachidiens, que l’on désigne encore sous le nom de nerfs spinaux,
peuvent être définis : les nerfs qui naissent de la moelle épinière et tra¬
versent les trous de conjugaison, pour se rendre aux territoires organiques
auxquels ils sont destinés. Us diffèrent ainsi nettement des nerfs crâniens
qui, eux, traversent les trous de la base du crâne. Comme nous l’avons fait
pour les nerfs crâniens, nous étudierons tout d’abord, dans un premier arti¬
cle, les nerfs rachidiens en général. Nous décrirons ensuite, dans les sept
articles suivants : 1° les branches postérieures des nerfs rachidiens ; 2° le
plexus cervical ; 310 le plexus brachial ; 4f° les nerfs intercostaux ; 5° le plexus
lombaire ; 6° le plexus sacré ; 7° le plexus sacro-coccygien.

ARTICLE PREMIER

NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL


[Planche XII}.

Envisagés au point de vue de leur constitution anatomo-physiologique, les


nerfs rachidiens appartiennent tous à la classe des nerfs mixtes, c’est-à-dirc
qu'ils possèdent à la fois, diversemen! entremêlées, des fibres motrices et des
fibres sensitives.

5 1. — ANATOMIE

Comme les nerfs crâniens, les nerfs rachidiens obéissent à la loi de symé¬
trie ; ils naissent par paires à droite et à gauche de la moelle épinière.

1° Division. — Il existe, chez l'homme, à l’état normal, 62 paires rachi-


268 LES NERFS RACHIDIENS

diennes, soit 31 nerfs de chaque côté. Ils se divisent, comme les vertèbres,
avec lesquelles ils présentent des rapports intimes, en cervicaux, dorsaux,
lombaires, sacrés et coccygien :
a) Les nerfs cei uicaux sont au nombre de
9
8 : le premier passe entre l’occipital et
l’atlas ; le huitième, entre la septième cer¬
vicale et la première dorsale.
b) Les nerfs dorsaux sont au nombre de
12 : le premier s’échappe par le trou de
conjugaison, qui est. formé par la première
vertèbre dorsale et par la seconde ; le dou¬
zième par le trou de conjugaison que cir¬
conscrivent la dernière vertèbre dorsale et
la première lombaire.
c) Les nerfs lombaires sont au nombre
de 5 : ils passent par les cinq trous de con¬
jugaison suivants.
d) Les nerfs sacrés, au nombre de 5 éga¬
lement, s’échappent du canal vertébral, les
quatre premiers par les trous sacrés, le
cinquième entre le sacrum et le coccyx.
e) Le nerf coccygien, enfin, situé au-des¬
sous du précédent, passe sous un ligament
qui va de la base de la corne coccvgienne
à la deuxième pièce du coccyx.

2° Mode d’origine : racines antérieures


Un tronçon de moelle, vu par sa
face latérale droite, pour mon¬
et racines postérieures. —Les nerfs rachi¬
trer les racines des nerfs rachi¬ diens se détachent de la moelle par deux
diens.
1, dure-mère, incisée et érignée. —
ordres de racines, les unes antérieures ou
2, ligament dentelé. — 3, une dent de
ce ligament, insérée sur la dure- ventrales, les autres postérieures ou dor¬
mère. — 4, un nerf rachidien dans
la gaine que lui fournit la dure-mère. sales, les premières motrices, les secondes
— 5, 5, 5. racines antérieures. — 6,
6, 6, racines postérieures. — 7, 7, sensitives. Du reste, comme les nerfs crâ¬
ganglions spinaux. — 8, 8’, racine
antérieure et racine postérieure, jux¬ niens, les racines rachidiennes ont une
taposées dans le canal fibreux de la
dure-mère. — 9, cloison fibreuse ver¬ origine apparente et une origine réelle :
ticale séparant les deux racines.

a) Origine apparente. — L’origine appa¬


rente est le point de la surface de la moelle, d’où émergent les racines : c’est
là, en effet, qu’elles semblent prendre naissance. Les racines antérieures nais¬
sent par plusieurs filets irrégulièrement superposés sur la partie antéro-
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.
Moelle épinière
(vue ant.)

Occipital
-Racines rachidiennes

NERFS CERVICAUX

n vu V
u > NERFS DORSAUX

D VMI

Dix

D x

D xii

L "

/ NERFS LOMBAIRES

L v

NERF COCCYGIEN

PLANCHE XII

VUE D'ENSEMBLE DES ORIGINES


S. DUPRET riel
DES NERFS RACHIDIENS ET DES PLEXUS
NERFS RACHIDIENS EN GENERAL 269

latérale de la moelle, un peu en dehors du sillon médian antérieur. Les racines


postérieures émergent par des filets également multiples, sur la partie postéro¬
latérale de la moelle, un peu en dehors du sillon médian postérieur, dans un
sillon spécial qui sépare le cordon postérieur du cordon latéral et que l’on
désigne sous le nom de sillon collatéral postérieur (fig. 78 et 79).
Les filets radiculaires de la racine antérieure se portent obliquement en
dehors et un peu en arrière vers le trou de
la dure-mère (canal durai) qui doit leur livrei
passage. Un peu avant d’atteindre cet orifice
ou au moment de l’atteindre, ils se réunissent
en un faisceau unique, tronc radiculaire ante¬
rieur, lequel s’engage dans la partie antérieure
du canal durai. De même, les filets radiculaires
postérieurs se dirigent obliquement en dehors
et un peu en avant, se réunissent en un seul
faisceau, tronc radiculaire postérieur, et pénè¬
trent dans la partie postérieure du canal durai.
Le canal fibreux que la dure-mère offre aux
racines rachidiennes, se trouve situé, sauf pour
un certain nombre de racines que nous indi¬
querons plus loin, dans le trou de conjugaison
Fig. 79.
correspondant. Une paire rachidienne, avec
Arrivés à la partie externe du trou de conju¬ ses Taeines antérieures et
ses racines postérieures.
gaison, les deux troncs radiculaires antérieur et 1, tronçon de moelle, vu par sa
face latérale gauche. — 2, sillon
postérieur s’unissent à leur tour pour constituer médian antérieur. — 3, corne
antérieure. — 4, corne postérieu¬
un tronc mixte, qui est le nerf rachidien. Cette re. — 5, corne latérale ou tractus
intermedio-lateralis. — 6, forma¬
fusion des deux racines est intime : il est abso¬ tion réticulaire. — 7, racine anté¬
rieure. — 8, racine postérieure,
avec 8’ son ganglion. — 9, nerf
lument impossible de démêler, au delà du trou rachidien. — 9’ sa branche pos¬
térieure.
de conjugaison, ce qui appartient à l’une ou à
l’autre.
L’obliquité de chaque racine rachidienne varie suivant les régions : les raci¬
nes du premier nerf rachidien sont légèrement ascendantes ; les racines du
deuxième et du troisième nerf suivent une direction à peu près horizontale ;
les racines des nerfs suivants sont toutes obliquement descendantes, et cette
obliquité augmente progressivement, au point que les nerfs qui sortent par
les trous de conjugaison de la région lombaire et de la région sacrée, ont une
direction qui se rapproche beaucoup de la verticale. C’est à l’ensemble des ra¬
cines de ces derniers nerfs, formant, dans le canal lombo-sacré, un volumi-
270 LES NERFS RACHIDIENS

neux paquet de cordons verticaux ef parallèles qu’on a donné le nom de queue


de cheval.
Les racines antérieures et les racines postérieures, si profondément
distinctes au point de vue fonctionnel, présentent, même à un point de vue
purement anatomique, de nombreux caractères différentiels. Dans leur mode
d’émergence, tout d’abord, les filets radiculaires antérieurs se disposent, de
chaque côté de la moelle, en une série fort irrégulière, se rapprochant tantôt
plus, tantôt moins, du sillon médian antérieur : l’ensemble de leurs points
d’émergence forme comme une sorte de bande longitudinale de i ou 2 milli¬
mètres de largeur. Les filets radiculaires postérieurs, au contraire, s’éta¬
gent, dans le sillon collatéral postérieur, en une série parfaitement linéaire à
direction verticale. Au point de vue volume, les racines postérieures possèdent
plus de filets que les racines antérieures correspondantes. En outre, chaque
filet radiculaire, pris isolément, est un peu plus volumineux dans les racines
postérieures que dans les racines antérieures. Il en résulte que le volume total
de chaque racine postérieure est plus considérable que celui de la racine
antérieure qui lui correspond. Le rapport volumétrique des deux ordres de
racines est établi par les chiffres suivants : la racine antérieure étant 1, la
racine postérieure devient 1,5 à la région dorsale, 2 à la région lombaire, 3 à
la région cervicale.
Mais le caractère le plus important qui différencie morphologiquement les
deux racines rachidiennes, c’est la présence, sur la partie externe de la racine
postérieure, d’un petit renflement ganglionnaire, appelé ganglion rachidien
ou ganglion spinal : nous y reviendrons tout à l’heure. Voyons, auparavant,
qu elle est l’origine réelle des nerfs rachidiens.

b) Origine réelle. -— Les relations intimes des racines rachidiennes avec


le névraxe sont différentes pour les antérieures et pour les postérieures, et il
convient, à ce sujet, de les étudier séparément :
a) Racines antérieures. — Les racines antérieures s’engagent dans l’épais¬
seur du cordon antéro-latéral de la moelle et se dirigent vers la corne
antérieure de la substance grise, subdivisées le plus souvent en une série de
petits faisceaux secondaires. Les fibres qui constituent ces faisceaux radicu¬
laires se terminent chacune dans une des cellules radiculaires antérieures
(voy. moelle). Les cornes antérieures de la moelle sont ainsi les véritables
noyaux d’origine des racines antérieures : les fibres constitutives des racines
antérieures ne sont autres que les cvlindraxes des cellules précitées.
Les cellules radiculaires de la corne antérieure sont en relation, soit par
leurs prolongements protoplasmiques, soit par leur corps cellulaire, avec
plusieurs ordres de fibres, notamment avec les fibres du faisceau pyramidal,
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 271

avec les fibres descendantes du cervelet et avec les collatérales sensitivo-

motrices de Ramon J. Cajai..


De ces différentes fibres, qui toutes se terminent autour de la cellule
radiculaire par des arborisations libres, les premières proviennent de la zone
motrice du cerveau ; les secondes descendent de l’écorce cérébelleuse ; les
troisièmes émanent des racines postérieures correspondantes. Chaque cellule
motrice des cornes antérieures, est donc soumise à une triple influence :
1° à l’influence du cerveau, qui lui envoie les incitations motrices volontai¬
res ; 2° à l’influence du cervelet, qui lui transmet des incitations, encore mal
connues, mais réelles, tendant à coordonner les mouvements et peut-être
aussi à les rendre plus forts, plus énergiques ; 3° à l’influence des nerfs sensi¬
tifs périphériques, qui, par les impressions qu’ils lui apportent, provoquent
les mouvements réflexes.
b) Racines postérieures. — Les racines postérieures ou sensitives disparais¬
sent dans le sillon collatéral postérieur, entre le faisceau de Goll et le faisceau
de Burdach. Elles traversent là, à la périphérie de la moelle, une petite région
spéciale connue sous le nom de zone marginale de Lissauer ou zone de
Lissauer. Puis, chacune des fibres qui les constituent se partage en deux bran¬
ches, l’une ascendante, l’autre descendante :
a) Les branches descendantes, extrêmement grêles, se portent en bas.
Après un trajet très court (quelques centimètres seulement), elles pénètrent
dans la corne postérieure et s’y terminent chacune par une arborisation li¬
bre, laquelle entre en relation avec l’un des groupes cellulaires de cette corne,
tout particulièrement avec les cellules de la substance gélatineuse. Ce sont
des voies courtes.
(ï) Les branches ascendantes, beaucoup plus importantes, constituent, dans
leur ensemble, le faisceau radiculaire postérieur. Il occupe successivement
dans le cordon postérieur oe la moelle : 1° le côté interne de la corne posté¬
rieure (champ cornu-radiculaire de Marie) ; 2° la partie moyenne du fais¬
ceau de Burdach (bandelette externe de Pierret) ; 3° le faisceau de Goll, jus¬
qu’à son extrémité supérieure. Envisagées au point de vue de leur terminai¬
son, les fibres constitutives du faisceau radiculaire postérieur se divisent,
d’après la longueur de leur parcours, en fibres courtes, fibres moyennes et
fibres longues : les fibres courtes, se portant obliquement en avant et en de¬
hors, pénètrent dans la tête de la corne postérieure et s’y résolvent en des
arborisations terminales libres autour des cellules nerveuses, soit de la subs¬
tance gélatineuse, soit de la substance spongieuse ; les fibres moyennes se
rendent, après un trajet un peu plus long (G ou 7 centimètres), à la colonne
de Clarke, où elles se terminent, de même, par des arborations libres au-
272 LES NERFS RACHIDIENS

tour des cellules nerveuses de cette colonne ; les fibres longues, enfin, re¬
montent en plein faisceau de Goll jusqu’au bulbe rachidien pour se termi¬
ner dans les noyaux de Goll et de Burdach. Les cellules de la corne posté¬
rieure, la colonne de Clarke et les deux noyaux de Goll et de Burdach de¬
viennent ainsi les noyaux d'origine ou, plus exactement, les noyaux termi¬
naux des fibres sensitives rachidiennes. Rappelons, en passant (nous y revien¬
drons plus loin en étudiant la voie sensitive) que, de ces différents noyaux,
partent d’autres fi¬
bres qui, après en¬
tre-croisement sur
la ligne médiane,
gagnent l’écorce cé¬
rébrale en formant
le ruban de Reil.

3" Ganglions spi¬


naux. — Les gan¬
glions spinaux (fig.
80) sont de pe¬
tites masses de
H
£ Dupret couleur gris cen¬
dré, de forme ovoï¬
Fig. 80.
Un ganglion spinal, vu en place entre la troisième vertèbre
de ou elliptique,
cervicale et la quatrième. qui se développent
1, troisième vertèbre cervicale. — 2, corps de la quatrième. -— 3,
trou de conjugaison entre ces deux vertèbres. — 4, moelle épinière. sur la partie exter¬
— 5, racines antérieures. — 6, racines postérieures. — 7, ganglion
spinal. -— 8, quatrième nerf cervical, avec : 8’, sa branche posté¬ ne des racines pos¬
rieure ; 8”, sa branche antérieure. — 9, dure-mère se prolongeant sur
le ganglion. — 10, nerf spinal, érigné en haut et en dehors. — 11, térieures. Les raci¬
sympathique cervical. — 12, muscles prévertébraux. — 13, anasto¬
mose entre le nerf rachidien et le sympathique. nes les abordent
par leur extrémité
interne, appelée quelquefois pôle d’immersion. Elles les pénètrent, les traver¬
sent et en ressortent à Lextrémité opposée ou pôle d’émergence. C’est au sor¬
tir du ganglion qu’elles se fusionnent avec les racines antérieures corres¬
pondantes pour constituer les nerfs mixtes, les nerfs rachidiens.
Les ganglions spinaux se trouvent logés généralement dans les trous de
conjugaison. Quelques-uns, cependant, font exception. Ce sont : 1° le gan¬
glion du premier nerf cervical qui, très variable dans sa disposition, se trouve
situé, selon les cas, au niveau de l’orifice durai, en dehors ou en dedans de
cet orifice ; 2° le ganglion du deuxième nerf cervical, qui est situé entre la
partie antérieure de l’arc postérieur de l’atlas et la partie correspondante de
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 273

la lame de l’axis ; 3° les ganglions des nerfs sacrés, qui se trouvent placés
dans le canal sacré, entre la paroi latérale de ce canal et le sac durai ; ils sont
intra-raebidiens, au lieu d’être intervertébraux ; 4° le ganglion du nerf coccy-
gien, dont les éléments se disséminent à la surface du cordon nerveux.
Histologiquement, les ganglions spinaux ont pour éléments essentiels des
cellules unipolaires, dont le prolongement, très court, se divise en deux
branches : une branche ascendante, qui représente le prolongement cylin-
di'axile de la cellule ganglionnaire et qui passe dans les racines postérieures ;
une branche descendante, qui représente le prolongement protoplasmique et
qui, se jetant dans le nerf rachidien, se rend à la périphérie. Rappelons, en pas-
sant, que les cellules ganglionnaires sont primitivement bipolaires et que ce
n’est que plus tard, au cours du développement, qu’elles deviennent unipo¬
laires.

4° Rapports. — Pour sortir du canal vertébral, les racines rachidiennes


doivent forcément traverser les trois enveloppes de la moelle ou méninges.
Or, chacune de ces enveloppes se comporte à leur égard d’une façon spé¬
ciale : la pie-mère, membrane cellulo-vasculaire, s’étale régulièrement sur
chaque racine d’abord, puis sur le nerf mixte, en formant le névrilème ; l’a-
rachnoïde, membrane séreuse, n’est en rapport avec les racines que sur le
point où ces racines s’engagent dans l’orifice que leur offre la dure-mère ; la
dure-mère, membrane fibreuse, se réfléchissant en dehors au niveau du
point où elle est perforée par les racines, forme à celles-ci des gaines tubu¬
leuses qui les accompagnent dans les trous de conjugaison et se fusionnent
peu à peu, au delà de ces trous, avec la gaine conjonctive du nerf.
Dans le canal vertébral, depuis leur émergence jusqu’à leur orifice durai,
les racines rachidiennes, chacune avec les vaisseaux qui l’accompagnent,
cheminent dans l’espace sous-arachnoïdien, entre la pie-mère et le feuillet
viscéral de l’arachnoïde.
Dans le trou de conjugaison, les deux racines correspondantes sont encore
séparées l’une de l’autre par une mince cloison fibreuse, ou tout au moins
conjonctive, tantôt simple, tantôt double, qui dépend de la dure-mère. Cette
cloison, disposée verticalement, divise le prolongement tubuleux que cette
membrane envoie dans chaque trou de conjugaison, en deux conduits secon¬
daires : l’un antérieur, occupé par la racine motrice ; l’autre postérieur, ré¬
servé à la racine sensitive et à son ganglion. Ajoutons que, dans les trous
de conjugaison qui sont, comme on sait, beaucoup plus larges que ne le
comporte le volume des nerfs rachidiens, ceux-ci entrent en rapport avec
LES NERFS EN SCHÉMAS 18
274 LES NERFS RACHIDIENS

des veines, dites veines de conjugaison, toujours très volumineuses et plus


ou moins disposées en plexus.

5° Distribution générale. — Au sortir du trou de conjugaison, les


nerfs rachidiens, à peine formés, se divisent chacun en deux branches ter¬
minales d’inégal volume (fig. 801, une bèanche postérieure et une branche
antérieure :
a) Branches postérieures. — Les branches postérieures ou dorsales, relati¬
vement petites, se portent en arrière. Elles sont destinées aux muscles et aux
téguments de la région dorsale du corps.
b) Branches antérieures, plexus. —Les
branches antérieures ou ventrales, beau¬
coup plus volumineuses, semblent être
la continuation des troncs rachidiens.
Elles se portent en avant et en dehors
et se distribuent à la région ventral»1
du corps, c’est-à-dire aux muscles et aux
téguments des parties latérales et anté¬
rieures du cou, du thorax et de l’abdo¬
men, ainsi qu’aux membres supérieurs
Fig. 81. et inférieurs. Leur mode de distribution
Schéma montrant la division du nerf générale, disons-le tout de suite, est bien
rachidien en ses deux branches ter¬
minales. différents de celui des branches posté¬
1, racine postérieure, avec 1’, son gan¬ rieures. tandis que ces dernières, vrai¬
glion. — 2, racine antérieure. — 3, nerf
rachidien proprement dit. — 4, sa bran¬
che de bifurcation postérieure. — 5, sa
ment remarquables par l’uniformité de
branche de bifurcation antérieure. — 6,
système du grand sympathique, avec 6’ leur distribution, marchent, solitaires,
un ramus communicans. — 7, nerf sinu-
vertébral. vers les territoires organiques qui leur
sont dévolus, les branches antérieures,
infiniment plus complexes, vont, dès leur origine, à la rencontre les unes des
autres, s’unissent et s’entrelacent suivant les modalités les plus diverses, de
façon à former dans leur ensemble ce qu’on est convenu d’appeler des plexus.
On compte cinq plexus, savoir (PL XII) :
1° Le plexus cervical, formé par les branches antérieures des quatre pre¬
miers nerfs cervicaux ;
2° Le plexus brachial, à la constitution duquel concourent les branches
antérieures des quatre derniers nerfs cervicaux et. du premier nerf dorsal ;
3° Le plexus lombaire, constitué par les branches antérieures des quatre pre¬
miers nerfs lombaires ;
4° Le plexus sacré, formé par les branches antérieures du cinquième nerf
lombaire et des quatre premiers nerfs sacrés ;
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 275

5° Le plexus sacro-coccygien, enfin, à la constitution duquel concourent,


par leur branche antérieure, les deux derniers nerfs sacres et le nerf coccygien.
Les branches antérieures des nerfs dorsaux, contrairement aux branches
précédentes, ne forment pas de plexus. Sous le nom de nerfs intercostaux,
elles cheminent isolément sur les parois du thorax.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

Les nerfs rachidiens étant formés par la coalescence d’un racine antérieure
motrice et d’une racine postérieure sensitive, auxquelles s’adjoint, immédia¬
tement au delà du ganglion spinal, un faisceau de fibres sympathiques pro¬
venant des rami-communicantes, sont tous des nerfs mixtes. Tout ce que
nous avons dit précédemment (voy. Chapitre Ier) des propriétés biologiques
des fibres nerveuses en général et de leurs réactions expérimentales, s’ap¬
plique intégralement aux fibres centripètes et centrifuges qui composent
les nerfs rachidiens. 11 ne nous reste plus qu’à étudier les phénomènes
souvent très complexes qui se produisent lorsque ces derniers sont le siège
de lésions traumatiques ou spontanées. Pour mettre un peu d’ordre dans cette
étude, nous décrirons successivement :
1° Le syndrome d’interruption de la conduction nerveuse ;
2° Le syndrome d'irritation ;
3e Le syndrome de compression ;
4° Le syndrome de régénération ;
5° Les syndromes polynévritiques.

A) LE SYNDROME D’INTERRUPTION DE LA CONDUCTION NERVEUSE

Selon que l’interruption de la conduction existe sur la totalité ou seule¬


ment sur une partie des fibres composantes du nerf envisagé, on en distingue
deux variétés : l’une totale, l’autre partielle.

a) Syndrome d’interruption totale

Il se produit : 1° dans le cas où le nerf a été divisé par un trait de section


transversale en deux segments complètement séparés l’un de l’autre ; 2°
lorsque, par suite d’une contusion ou d’une ligature, les fibres nerveuses con¬
tenues dans le sac névrilématique qui les enveloppe ont été assez fortement
276 LES NERFS RACHIDIENS

écrasées pour que leurs cylindraxes aient perdu leur continuité histologi¬
que, sans que pour cela la gangue conjonctive ait été divisée ; 3° lorsqu’un
projectile d’arme à feu traversant un membre a passé près d’un cordon ner¬
veux, sans le toucher directement, mais en provoquant un ébranlement com¬
motionne] qui a eu pour effet de le frapper dhnertie fonctionnelle, de stupeur ;
4° lorsqu’un liquide nécrosant ou neurolysant, tel que l’alcool au-dessus de
80 degrés, l’éther, le chloroforme, une solution de quinine, de bile ou de sels
biliaires, etc., a été maladroitement injectée dans un cordon nerveux ou
même simplement dans le tissu conjonctif lâche qui l’enveloppe.
Dans tous ces cas, la continuité des fibres nerveuses incluses dans le nerf
étant interrompue, aucune excitation physiologique ne peut traverser le point
d’interruption : la voie est barrée ; le segment périphérique ne communique
plus fonctionnellement avec le segment central.
Cette suppression des communications portant à la fois sur les trois espèces
de fibres : motrices, sensitives et sympathiques, contenues dans le cordon
nerveux, détermine trois ordres de phénomènes morbides qui sont par
ordre d’importance :
a) Une perte immédiate de la motilité volontaire, réflexe et synergique
dans les muscles exclusivement innervés par les branches provenant du
nerf offensé, en aval, du point où existe l’interruption du circuit : paralysie
motrice ;
(3) Une perte de la sensibilité dans le territoire de distribution des branches
nerveuses qui partent du nerf offensé en aval du point lésé : paralysie sen¬
sitive ;
y) Des troubles vaso-moteurs, sécrétoires et trophiques résultant de la sec¬
tion des fibres sympathiques contenues dans le nerf au point où il a été coupé
ou offensé.
Indiquons rapidement les caractères cliniques de chacun de ces trois
groupes de phénomènes morbides.

1° La paralysie motrice. — Tout muscle dont les rapports avec le névraxe


sont rompus par la section complète de son nerf moteur cesse, par cela même,
de recevoir les excitations physiologiques partant des centres nerveux, qui sol
licitent à l’état normal son activité, soit que ces excitations émanent de l’écor¬
ce cérébrale, comme les excitations volontaires, ou qu’elles proviennent des
centres sous-jacents, comme les excitations réflexes et synergiques. Il est frap¬
pé ipso fado d’inertie paralytique.
Cette inertie présente les quatre caractères fondamentaux suivants :
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 277

a) Elle est immédiate, c’est-à-dire qu’elle se produit aussitôt après la sec¬


tion du nerf et acquiert d’emblée son maximum d’intensité.
b) Elle est totale, en ce sens que le muscle énervé ou, mieux, anervé ne se
contracte plus du tout sous l’inlluence de la volonté ; il ne donne plus de
réactions réflexes ; il ne se durcit plus par association synergique ; il
n’a plus de tonus. 11 est d’emblée mou, flasque, atone, inerte, Il n’a pas pour
cela perdu sa contractilité, car si on l’excite directement en lançant sur lui
des courants électriques ou en le percutant avec un corps dur, il se contracte
comme un muscle normal. Il n’est donc pas incapable de se contracter, mais
il ne se contracte pas parce que ses communications avec les centres d’inci¬
tation motrice sont interrompues : quand le fil télégraphique est coupé, les
dépêches ne passent plus quoique les piles et les appareils récepteurs soient de¬
meurés intacts.
c) Elle est strictement limitée au muscle ou au groupe de muscles exclusi¬
vement innervés par les fibres nerveuses qu\i proviennent du nerf sectionné
et s’en détachent en aval du point de section. Or, ces muscles sont sou¬
vent situés très au-dessous du lieu où siège la section du nerf. De plus, les
muscles des membres révèlent leur activité par les mouvements qu’ils impri¬
ment aux segments mobiles de ces membres, qui se trouvent à l’extrémité dis¬
tale de leurs tendons. Il résulte de ces deux dispositions que, dans les explo¬
rations cliniques, la paralysie consécutive à la section d’un nerf ne
se manifeste qu’à une distance souvent très grande du lieu où siège la
blessure, et qu’elle est beaucoup plus circonscrite que ne semblerait de
prime abord devoir le faire supposer le siège de la lésion nerveuse. C’est
ainsi qu’une section du sciatique à la partie moyenne de la cuisse, au-dessous
des points d’émergence des rameaux destinés au demi-tendineux, au demi-
membraneux et au biceps crural, donne lieu à une paralysie des muscles de
la jambe et du pied qui ne se traduit cliniquement que par une impotence
motrice du pied et des orteils. Cela est tout naturel puisque la fonction prin¬
cipale et presque exclusive des muscles de la jambe est de mouvoir le pied.
Mais la discordance apparente entre le siège haut situé de la lésion du nerf et
la limitation des troubles fonctionnels à la motilité du pied et des orteils est
tellement grande qu’elle surprend toujours les observateurs non prévenus
qui ne réfléchissent pas aux conditions de sa production.
d) Elle s’accompagne, au bout de quelques semaines, d’atrophie dégénéra¬
tive, avec réaction de dégénérescence des muscles paralysés. Cette atrophie
est un effet inéluctable de la dégénération wallerienne du segment périphéri¬
que du nerf sectionné que nous avons déjà étudiée (voir p. 43).
Histologiquement, la dégénération débute dès les premières heures qui
278 LES NERFS RACHIDIENS

suivent la blessure du nerf ; mais elle ne se révèle pas tout de suite par des
phénomènes cliniques nettement appréciables. Ce n'est qu’à la fin du qua¬
trième jour qu’une modification biologique importante apparaît : le nerf
perd alors en quelques heures son excitabilité et sa conductibilité électriques
et mécaniques. -
Nous disons le nerf et non pas le muscle. Celui-ci conserve, en effet, pen¬
dant deux ou trois semaines après la section de son nerf moteur, la propriété
de se contracter sous l’influence des chocs mécaniques et des courants élec¬
triques. Au bout de ces deux ou trois semaines, il devient progressivement
hypo-excitable d’abord, puis totalement inexcilable aux courants faradiques
tout en restant encore excitable aux galvaniques. A ce moment on constate
souvent, mais non pas toujours, des modifications dans la formule des exci¬
tations polaires. De plus, et cela est le phénomène essentiel de la R D , la
secousse musculaire, au lieu d’être brève comme elle l’est à l’état normal,
devient manifestement lente.
Si, plus tard, la paralysie guérit, le muscle récupère peu à peu son exci¬
tabilité normale : la secousse aux galvaniques redevient brève, l’excitabilité
au faradique reparaît ; tout rentre dans l’ordre. Si, au contraire, la paralysie
évolue vers l’incurabilité, l’excitabilité galvanique devient de plus en plus
faible et finit par disparaître complètement, en même temps que la fibi'e
musculaire perd tout à fait sa structure histologique et ses propriétés physio¬
logiques.
La valeur sémiologique de la R D ,.est trop connue pour qu’il soit utile d'in¬
sister ici sur son importance dans le diagnostic des paralysies traumatiques
par blessure des nerfs. Mais les indications qu’on peut tirer de l’exploration
mécanique des muscles sont moins familières aux praticiens et nous devons
indiquer en quelques môts les renseignements, parfois très utiles, qu’elle
peut leur fournir.
Les muscles normaux sont excitables par la percussion. Si on les frappe
avec un marteau à réflexe ou avec un objet dur quelconque, ils répondent à
chaque choc par une contraction brève, et durant les premières semaines
qui suivent la section complète de leurs nerfs leur excitabilité à la percus¬
sion est, conservée ; elle est même plutôt exagérée.
Quand, après quelques semaines, leurs réactions aux courants faradiques
s’affaiblissent et disparaissent, les réactions à la percussion restent intactes,
avec secousses brèves ; et même lorsque la réaction aux courants galvani¬
ques est seule efficace et que la R D est nettement constituée, la réaction à
la percussion persiste encore, mais la secousse, qui jusqu’alors était restée
brève, devient lente.
NEUFS HAClllDiENS EN GÉNÉRAL 279

Enfin, quand, dans les cas graves où la libre musculaire évolue vers la
désorganisation irréparable et où l'excitabilité galvanique s’affaiblit et dis¬
paraît, la réaction à la percussion s'affaiblit elle aussi et finit par disparaître ;
mais elle s’éteint plus tardivement que l’excitabilité galvanique. Elle reste
le dernier signe appréciable de la vitalité du muscle mourant.
11 résulte de cette évolution que les praticiens n’ayant pas sous la main les
appareils électriques qui ne se trouvent que dans les cabinets des électriciens
ou les laboratoires de clinique, peuvent remplacer dans une certaine mesure
l’électro-diagnostic par le mécano-diagnostic. Tant que la secousse à la
percussion est brève, ils peuvent être certains que le muscle est peu altéré ;
quand elle devient lente, c’est qu’il y a de la R l) (1), lorsqu’elle s’affaiblit et
disparaît, le muscle est irrévocablement perdu.
Le gros inconvénient de ce mode d’exploration musculaire, c’est qu’il est
difficile de l’utiliser chez les sujets gras et que, même chez les maigres, il
est malaisé de l’appliquer à certains muselles tels que les fessiers, les muscles
de la région postérieure des cuisses, les sus et sous-épineux et tous les mus¬
cles profonds des membres.
En résumé, les signes des paralysies motrices par interruption complète de
la conductibilité sont très précis : suppression immédiate et totale de la motili¬
té volontaire, suppression du tonus, suppression de la réflectivité, puis, plus
tard, atrophie dégénérative des muscles innervés par le nerf sectionné, voilà
en quelques mots toute leur symptomatologie.
A ces signes fondamentaux ne s’ajoute aucun phénomène d’irritation. Les
contractions fibrillaires, les contractures, les tremblements, les spasmes, les
convulsions ne font pas partie de leur symptomatologie habituelle. L’exis¬
tence de l’un ou de l’autre de ces phénomènes d’ordre irritatif doit faire
penser à une section incomplète ou à des causes d’excitation persistante
siégeant au niveau ou au-dessus du point de section du nerf.

2° La paralysie sensitive. — L’interruption complète de la conduction


dans un nerf mixte est toujours suivie d’une perte totale ou partielle de la sen¬
sibilité dans le territoire de distribution terminale de ce nerf.
La forme, l’étendue et la profondeur de la zone d’insensibilité varient, natu¬
rellement, avec le siège de la section et avec le mode de répartition des nerfs
dans les téguments et dans les tissus sous-jacents.

(1) A la vérité la secousse peut devenir lente sans qu'il y ait de lésions nerveuses.
Cela se produit notamment dans quelques cas de syndromes hytéro-traumatiques
accompagnés de refroidissement inténse du membre blessé. Mais alors l’excitabilité fara¬
dique des muscles n’est pas abolie comme dans la II D et la secousse redevient brusque
par le simple réchauffement artificiel du membre.
280 LES NEUFS RACHIDIENS

Si, par exemple, le nerf radial est coupé à l’avant-bras, on ne trouve


d’anesthésie qu’à la face postérieure du pouce et à la partie externe du dos
de la main, qui sont innervées par la branche^terminale antérieure du nerf.
Si la lésion siège à la partie moyenne du bras, au-dessus de l’origine du ra¬
meau cutané externe qui a lieu d’ordinaire au niveau de l'insertion humérale
du long supinateur, on constate, en outre, une bande d’insensibilité sur la
partie axiale de la face postérieure de l’avant-bras. Si la section a été faite dans
l’aisselle, au-dessus de l’émergence du rameau cutané interne, une autre bande
d’anesthésie se développe à la partie axiale de fa face postérieure du bras.
Cet échelonnement de plusieurs zones d’anesthésie superposées selon le
niveau de la blessure du tronc nerveux tient à ce que le radial émet des ra¬
meaux sensitifs à diverses hauteurs de son trajet.
Les choses se passent tout autrement si l’on considère d’autres nerfs. Ainsi,
que le médian ou le cubital soient coupés au bras ou à l’avant-bras l’anes¬
thésie succédant à leur section sera uniformément limitée aux régions de la
main correspondant à leurs territoires respectifs, parce que ces nerfs ne
donnent de rameaux sensitifs qu’à la partie inférieure de l’avant-bras, un
peu au-dessus du ligament antérieur du carpe.
Il n’est pas inutile de noter que dans la plupart des cas, le territoire de
l’anesthésie cutanée, pour un nerf donné, ne correspond que très incomplè¬
tement à la région qu’occupent les muscles paralysés. Ainsi, dans les sec¬
tions du nerf sciatique à la partie moyenne de la cuisse, où la paralysie
motrice frappe tous les muscles de la jambe et du pied, la paralysie sensitive
siège uniquement sur les faces dorsale et plantaire du pied et sur le côté
antéro-externe de la jambe. Cela s’explique par le fait que la peau du côté
antéro-interne de la jambe est innervée par le saphène interne, branche du
crural, qui descend jusqu’au bord interne du pied, et celle de la face posté¬
rieure de la jambe par le petit sciatique, branche collatérale du plexus
sacré, qui se détache du plexus dans le bassin, au-dessus de l’origine du
grand nerf sciatique.
11 convient de remarquer aussi que l’ilot d’anesthésie cutanée qui succède à
la section d’un nerf sensitif est souvent beaucoup moins étendu que l’aire de
distribution de ce nerf. Cela tient à ce que les territoires sensitifs de la peau
ne sont pas circonscrits par des lignes géométriques. Entre deux champs ner¬
veux limitrophes existent des zones mixtes de compénétration dans lesquelles
les extrémités terminales des nerfs voisins se mélangent inextricablement, de
sorte que la carence de l’un d’eux est en grande partie suppléée par la persis¬
tance des autres. Les expériences bien connues d'Am-omc et Tripier sur
les effets de la section des nerfs collatéraux des doigts, celles de Siiérrington
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 281

sur la section des racines spênales postérieures, les observations cliniques de


Lktiévant sur la distribution des troubles de la sensibilité constatés chez
l'homme à la suite des sections traumatiques ou opératoires des nerfs des mem¬
bres ont surabondamment démontré l’existence et l’importance de ces sup¬
pléances d’un nerf sensitif par ses voisins.
On n’observe jamais, dans les anesthésies dépendant de sections complè¬
tes des nerfs, du moins pendant les premiers jours qui suivent la blessure,
de dissociations sensitives analogues à celles qui se rencontrent souvent dans
la syringomyélie et quelquefois dans les névrites périphériques. En revan¬
che, on y constate souvent une perte totale de la sensibilité superficielle de»
la peau avec conservation de la sensibilité profonde ou inversement. Certains
nerfs, en effet, ne se distribuent qu’à la peau et même aux parties les plus
superficielles de la peau, tandis que d’autres innervent à la fois la peau et
les tissus profonds qu’elle recouvre. Le cubital et le radial offrent, à la main,
deux exemples typiques de ces modalités différentes de distributions sensi¬
tives. Le cubital innerve à la fois la peau, les os et les muscles de la partie
interne de la main : aussi, quand il est complètement sectionné, on peut pi¬
quer profondément la peau du petit doigt, tirailler ses articulations, compri¬
mer le cinquième métacarpien, traverser de part en part l’éminence hypo-
thénar sans provoquer aucune réaction douloureuse ; l’anesthésie est, ici,
superficielle et profonde. Le radial, au contraire, ne se distribue qu’à la
partie superficielle de la peau de la face postérieure du pouce et de la
partie externe du dos de la main, les tissus sous-jacents étant innervés par
le médian : aussi, quond on veut explorer la sensibilité de la main d’un sujet
porteur d’une section complète du radial, faut-il employer les modes d’exci¬
tation les plus délicats, le contact avec un fin pinceau d’ouate ou une brin¬
dille d’étoffe très souple, car si on exerce une pression, si faible soit-elle, le
malade accuse une sensation et on est exposé à conclure qu’il y a une hypoes-
thésie simple, alors qu’il y a réellement une anesthésie, mais une anesthésie
purement superficielle.
Un signe constant du syndrome d’interruption totale, auquel Mmc, M. De-

jerine et M. Mouzon attachent une très grande valeur sémiologique, c’est


l’absence de toute douleur provoquée par la pression du tronc nerveux au-
dessous de la section, ou des muscles paralysés par suite de l’interruption de
sa continuité. Pour ce qui concerne le tronc nerveux, cela est absolument
vrai ; mais nous ne croyons pas que la règle s’applique avec la même géné¬
ralité aux muscles dont les tendons ou les aponévroses reçoivent souvent des
filets sensitifs provenant de nerfs autres que ceux destinés à leur innervation
motrice.
282 LES NERFS RACHIDIENS

Les symptômes sensitifs des sections complètes des nerfs sont toujours des
symptômes de déficit. La douleur fait défaut ou est très modérée. Les malades
peuvent bien éprouver des élancements ou des picotements résultant de
l’irritation du moignon central du nerf coupé ou de quelques libres récurren¬
tielles remontant vers la moelle par des voies aberrantes ; mais ils n’éprou¬
vent jamais les abominables douleurs causalgiques qui tourmentent parfois
si cruellement les blessés atteint de sections incomplètes de certains nerfs,
particulièrement du médian et du tibial postérieur. On ne constate jamais
non plus chez eux les phénomènes de paresthésie douloureuse qu’on observe
souvent à la face palmaire de la main ou à la face plantaire du pied dans les
cas de blessures superficielles de ces mêmes nerfs.

3° Les troubles vaso-moteurs, sécrétoires et trophiques. — A la suite


de presque toutes les lésions de quelque gravité des nerfs des mem¬
bres, on observe des troubles de la vascularisation, de la calorification,
de la sudation, de la croissance des poils et des ongles, de la nutri¬
tion des téguments et des os, parfois même des éruptions eczémateu¬
ses, lichénoïdes ou ectliymateuses ou des ulcérations torpides siégeant au¬
tour de la racine des ongles, à la pulpe des doigts ou à la face plantaire du
pied. Ils ont été bien décrits jadis par Weik Mitchell. Leur étude a été
reprise ces temps derniers par plusieurs observateurs qui ont pensé y trouver
des indications utiles au diagnostic de la lésion primitive du nerf traumatisé.
II. Claude et Chauvet ont spécialement attiré l’attention, en 1911, dans un re¬
marquable mémoire relatif à la Séméiologie réelle des sections totales
des nerfs mixtes périphériques, sur les réactions vaso-motrices et sudorales,
sur la croissance des ongles et des poils, sur la raréfaction du tissu osseux
et sur l’effacement des crêtes épidermiques de la pulpe des doigts. Tl résul¬
terait de leurs recherches qu’après la section complète d’un nerf il y aurait
dans son territoire de distribution une vaso-dilatation très marquée, se tradui¬
sant surtout par le phénomène de la congestion par déclivité, c’est-à-dire que
pour le mettre en évidence il suffirait de laisser les membres du malade pen¬
dants durant quelques instants : dans cette position, l’extrémité distale du
membre blessé deviendrait le siège d’une congestion passive des plus éviden¬
tes, qui pourrait aller jusqu’à lui donner une teinte cyanosique. La vaso-dila-
lation ainsi produite serait limitée à l’aire de distribution du nerf lésé et en re ¬
produirait plus exactement les contours que ne le fait l’îlot d’anesthésie,. En
outre, la croissance des ongles et des poils serait arrêtée ; la sudation serait abo¬
lie, les crêtes épidermiques effacées. Enfin, les os seraient amincis, poreux,
moins pesants, moins compacts et plus fragiles que des os sains.
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 283

Des travaux récents ont confirmé en partie ces observations.


Villaret conclut d’une série de recherches très documentées que l’hy-
potrichoss, ta diminution ou la suppression de la sudation spontanée et le
saignement à la piqûre doivent être considérés comme des signes de section
complète des nerfs.
R. Porak, qui a étudié les troubles de la réaction sudorale provoquée
par les injections de pilocarpine ou les bains d’air chaud chez des malades
porteurs de lésions du plexus brachial, a constaté que la sueur n’était pas
sécrétée à la main et à l'avant-bras quand un ou plusieurs des troncs nerveux
du membre étaient complètement sectionnés.
Quant à l’ostéoporose de la main et des pieds, sur laquelle MM. Sicard et
Gastaud et MM. Claude et Porak ont publié en 1915 deux intéressants
mémoires, il paraît bien démontré que, si elle se développe souvent à la
suite des lésions graves des nerfs, elle peut aussi se produire consécutive¬
ment à des affections chirurgicales très variées et même dans des cas de
paralysies fonctionnelles où les membres ont été soumis à une immobilisa¬
tion prolongée. Bien plus, elle peut ne pas se manifester quand l'un des gros
troncs nerveux d'un membre a été complètement sectionné par une inter¬
vention chirurgicale. Ces observations diminuent beaucoup la valeur sémio¬
logique de la décalcification osseuse, dans les cas de lésions nerveuses. On ne
peut plus, disent Claude et Porak, se baser sur l’examen radiologique
pour le diagnostic des paralysies organiques'ou névropatiques des membres.
I.ebar est arrivé à des conclusions semblables pour ce qui concerne
l’hypertrichose qu’il a constatée, non seulement sur les membres de sujets
porteurs de lésions des cordons nerveux d’un certain volume, mais aussi sur
ceux des malades atteints de traumatismes superficiels ou profonds sans
offense des nerfs importants de la région et même dans des cas de paralysies
purement fonctionnelles. De telle sorte qu’il repousse formellement l’hypo¬
thèse d’après laquelle les troubles de l’évolution pilaire seraient une consé¬
quence directe des lésions des nerfs périphériques.
Il convient, ce nous semble, de faire les mêmes réserves pour les autres
troubles vaso-moteurs, sécrétoires et trophiques qui surviennent quelquefois
à la suite des blessures des nerfs. Leur pathogénie reste encore fort obscure.
Il est probable, on peut même dire il est certain qu’elle n’est pas simple. La
lésion nerveuse joue un rôle dans leur apparition, c’est possible ; mais elle
n’est pas leur cause déterminante exclusive. Il y a des causes occasionnelles
qui interviennent. Pour les troubles trophiques à forme ulcéreuse (ulcéra¬
tions péri-unguéales, maux perforants) qu’on était porté tout récemment
encore à rattacher, sans intermédiaire, à la lésion nerveuse, Pierre Marie
284 LES NERFS RACHIDIENS

et MUe Benisty n’ont-ils pas montré qu'ils ne se produisaient guère que chez
les sujets qui avaient, en même temps qu’une lésion des nerfs, une oblitéra¬
tion artérielle diminuant dans une large proportion l’activité de la circula¬
tion de leur membre malade ? En réalité, il n’y a de véritables troubles tro¬
phiques nécessairement commandés par la section complète d’un nerf que
la dégénération wallérienne du segment périphérique de ce nerf et l’atro¬
phie dégénérative du muscle qui lui fait suite. Tous les autres phénomènes
dits trophiques sont contingents et accessoires. Ils peuvent exister et ils exis¬
tent souvent à la suite des sections des gros troncs nerveux périphériques,
mais ils n’en sont pas des effets directs, constants et nécessaires ; ils peuvent
tout aussi bien survenir à la suite de lésions chirurgicales des membres
dans lesquelles les nerfs d’un certain volume n’ont nullement été offensés.

4* Résumé. — En somme, il résulte de l’exposé qui précède que le syn¬


drome d’interruption complète des nerfs se traduit cliniquement par un
certain nombre de signes moteurs et sensitifs assez précis pour que, dans
tous les cas où ils se trouvent réunis, on soit autorisé à diagnostiquer l’in¬
terruption totale de la conduction dans un cordon nerveux, en un point qu’il
est relativement facile de déterminer par la distribution topographique des
troubles fonctionnels observés.
Si ces signes ne sont pas au complet ou s’ils se présentent avec des irrégu¬
larités ; si, par exemple, une partie des muscles qui devraient) logiquement
être paralysés ne le sont pas ou ne) le sont qu’incomplètement, ou bien si l’a¬
nesthésie fait défaut dans la totalité ou dans une portion notable du territoire
où elle devrait exister ; ou bien encore si aux phénomènes de déficit fonction¬
ne! caractéristiques de l’interruption de la conduction, s’associent des phéno¬
mènes d’ordre irritatif, tels que douleurs violentes, contractures, spasmes, etc.,
on devra plutôt songer à des lésions partielles du nerf blessé.
Mais, même lorsque les signes de la section complète se présenteront avec
tous leurs caractères spécifiques, sans anomalies de distribution ou de qua¬
lité, on devra se rappeler que, puisqu’ils dérivent tous de la perte de la con¬
duction nerveuse, ils ne fournissent de renseignements que sur l’interrup¬
tion de la continuité physiologique du nerf ét qu’ils ne nous donnent aucune
indic.f»fion sur son état anatomique. Car, si la perte de la conduction suit né¬
cessairement la section transversale d’un nerf, elle peut tout aussi bien ré¬
sulter de lésions qui ont atteint les fibres nerveuses sans couper le névrilème,
par des contusions, des compressions, des constrictions et peut-être même
par de simples commotions du cordon nerveux. Si bien qu’en l’état actuel
de nos connaissances on peut reconnaître sûrement la perte complète de la
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 285

conduction des fibres nerveuses d’un nerf déterminé, mais il est impossible,
à moins d’avoir recours à une incision exploratrice, de diagnostiquer si cette
perte correspond ou non à une interruption matérielle de la continuité du
nerf envisagé. En d’autres termes, on peut diagnostiquer la section physiolo¬
gique d’un nerf, on ne peut pas diagnostiquer sa section anatomique.

b) Syndrome d’interruption partielle

Il se produit dans les cas où un nerf mixte a été incomplètement sectionné


par un instrument tranchant, ou éraflé par un projectile d’arme à feu. Son
symptôme essentiel, caractéristique, est la paralysie dissociée.
On désigne sous ce nom des paralysies motrices ou sensitives portant sur
une partie seulement des muscles ou des territoires cutanés innervés par les
branches du nerf offensé qui se détachent de ce nerf en aval du point où
il a été lésé.
Le mécanisme de leur production s’explique par la distribution fascicm
laire des fibres nerveuses à l’intérieur des nerfs. Dans le cours de leur long
trajet, entre leur émergence des plexus rachidiens et leurs extrémités termi¬
nales, ces fibres ne sont pas juxtaposées au hasard ; elles sont groupées en
faisceaux où se trouvent réunies celles d’entre elles qui sont destinées à tel
ou tel groupe de muscles, ou à telle ou telle portion du tégument externe.
Ces faisceaux se divisent en fascicules de plus en plus grêles et font des échan¬
ges de fibres anastomotiques par quoi s’opère une sélection de plus en plus
rigoureuse, tendant à amener chaque fibre au point précis où elle doit se
terminer. Ainsi se crée une discrimination progressive, grâce à laquelle cha¬
cune des branches collatérales ou terminales d’un nerf contient exactement
les fibres nécessaires à l’accomplissement de la fonction différenciée qu’elle
est appelée à remplir.
Il résulte de ces dispositions qu’un nerf rachidien a une texture différente
selon la hauteur à laquelle on l’examine. On peut assez justement le compa¬
rer à un câble de télégraphie sous-marine, dont les fils, partis d’un poste
d’émission central, se rendraient à des postes de réception échelonnés sur
tout son trajet. La rupture du câble au voisinage de son point de départ,
interromprait les communications avec tous les postes de réception ; plus
loin, elle ne compromettrait la transmission des dépêches qu’avec les postes
situés en aval de la rupture, et si la rupture portait uniquement sur le grou¬
pe des fils destinés à un seul de ces postes, les communications seraient in¬
terrompues avec ce poste seulement, soit que la rupture siégeât près ou loin
du poste central d’émission. Il en est de même pour les nerfs rachidiens. Leur
286 LES NERFS RACHIDIENS

section complète au voisinage de leur naissance donne lieu à un syndrome


d’interruption totale ; leur section dans leur trajet suspend la fonction de tou¬
tes les fibres qui ne sont détachées de lui en aval du point où elle siège ;
leur section partielle ne détermine d’inertie fonctionnelle que dans les fibres
sectionnées, et celles-ci étant systématiquement groupées dans des faisceaux
distincts, 1 interruption de leur conduction se traduit par des phénomènes
paralytiques dissociés. Soit, par exemple, une section incomplète du grand
nerf sciatique à la partie supérieure de la cuisse, au-dessous du point d’où
partent les branches destinées aux muscles biceps, demi-tendineux et demi-
membraneux, mais au-dessus de la division du tronc nerveux en sciatique
poplité externe et sciatique poplité interne, la conséquence d’une telle lésion
pourra être une paralysie sensitive et. motrice, portant exclusivement sur le
sciatique poplité externe ou sur le sciatique poplité interne, ou même, si la
lésion a été très limitée sur l’une ou l’autre des branches collatérales ou ter¬
minales, sensitives ou motrices de l’un de ces deux nerfs. T.es caractères pro¬
pres de ces paralysies dissociées ne diffèrent d’ailleurs de ceux qui s’observent
dans le syndrome d’interruption totale que par leur limitation à une partie des
organes innervés par les branches ou les rameaux qui émergent du cordon
nerveux au-dessous du point où il a été offensé.

B) LE SYNDROME D'IRRITATION

Tandis que les syndromes d’interruption se manifestent cliniquement par


des phénomènes de déficit fonctionnel, les syndromes d’irritation sont
caractérisés par des phénomènes de suractivité fonctionnelle.
Ils se produisent lorsque des nerfs sont irrités par le contact de corps
étrangers : (éclats de projectiles métalliques, lambeaux de vêtements, frag¬
ments d’objets divers introduits accidentellement dans la plaie, esquilles
osseuses) ou par des agents infectieux pyogènes ou sclérogènes.
Les signes qui traduisent l’irritation des nerfs sont beaucoup moins pré¬
cis que ceux par lesquels s’établit le diagnostic de la perte de conduction. Ce
sont :
a) Du côté de la motilité : des contractures permanentes, des secousses spas¬
modiques ou plus rarement des mouvements fibrilaires, des tremblements,
voire même des convulsions générales.
P) Du côté de la sensibilité, des paresthésies douloureuses, des topoalgies,
des névralgies à type lancinant, térébrant ou brûlant.
y) Du côté de la vaso-motricité el de la trophicité, des troubles circulatoi¬
res, thermiques et trophiques dont les plus communs sont la cyanose perma-
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 287

nenlc de l’extrémité correspondant au nerf lésé, le refroidissement de cette


extrémité, l’atrophie rapide des muscles et des os, les dystrophies unguéa¬
les, avec formation de bourrelets épidermiques sous-unguéaux, les éruptions
eczématoïdes, herpéliformes ou ichtyosiformes, les ulcérations torpides rap¬
pelant le mal perforant.
En fait, la symptomatologie des lésions irritatives des nerfs est aussi varia¬
ble que celle des sections complètes est uniforme. Cela tient à plusieurs
raisons. La première c’est que les causes des lésions irritatives sont elles-
mêmes très diverses. Entre l’irritation provoquée par une infection et celle
résultant de la présence d’un corps étranger, il n’v a pas de commune mesu¬
re. Bien plus, nous ne voyons habituellement que la cause occasionnelle de
l’irritation, nous ne saisissons pas sa cause efficiente. Pourquoi, dans certains
cas, des corps étrangers logés au voisinage immédiat d’un nerf, sont-ils indé¬
finiment tolérés sans provoquer de réactions sensitives ou motrices, tandis
que dans d’autres ils donnent lieu à des phénomènes réactionnels d’une
extrême violence ? A vrai dire, nous l’ignorons absolument. Une deuxième
raison c’est qu’à tous les troubles irritatifs s’associent des réflexes impli¬
quant une intervention de la moelle épinière et que l’un des caractères les
plus généraux des actes réflexes, c’est qu’ils s’étendent très aisément au delà
des limites de la zone réflectogène où siège leur point de départ.
Enfin, il faut tenir compte, dans tout phénomène d’irritation, du degré de
susceptibilité névropathique des sujets. Tel malade supportera stoïquement
une douleur qui, chez tel autre, provoquerait des réactions d’une violence hors
de proportion avec leur cause organique.
Les phénomènes d’ordre irritatif liés aux lésions des nerfs se manifestent
tantôt primitivement, tantôt secondairement.
Les primitifs surviennent dès les premiers jours qui suivent la naissance
de la lésion provocatrice. Ils acquièrent généralement d’emblée leur maxi¬
mum d’intensité ; ils tendent presque toujours par la suite à s’atténuer spon¬
tanément et à disparaître.
Les secondaires apparaissent plusieurs semaines ou plusieurs mois après
que la lésion est constituée. Il sont habituellement liés à des cicatrisations
vicieuses de nerfs incomplètement sectionnés, ou à la production de névro-
mes. Leur durée est fort longue. Les souffrances qu’ils occasionnent justi¬
fient souvent des interventions opératoires radicales que les malades eux-
mêmes réclament avec insistance.
Les syndromes d’irritation coéxistent plus souvent avec des lésions de voi¬
sinage ou des sections partielles qu’avec des interruptions totales des nerfs.
On peu! cependant les observer dans quelques cas de sections totales. Il suffit
288 LES NERFS RACHIDIENS

en effet que la cause de l’irritation siège sur le bout central d’un nerf section¬
né pour qu’elle donne lieu à des réactions douloureuses que le malade per¬
çoit aux extrémités des membres correspondant au nerf irrité. C’est ainsi
que les névromes d’amputation s’accompagnent fréquemment de douleurs très
vives que les malades rapportent aux doigts ou aux orteils de leurs membres
perdus.

C) LE SYNDROME DE COMPRESSION

1° Effets de la compression. — La compression d’un nerf vivant poussée


à un certain degré, suspend momentanément la conductibilité des fibres ner¬
veuses au niveau du point comprimé. Weir Mitchell a constaté qu’en com¬
primant un nerf sciatique de lapin sous une colonne de mercure de 50 ctm.
de hauteur, on abolit en quelques secondes sa conductibilité. Si on cesse la
compression, le nerf recouvre très rapidement ses propriétés ; mais si on la
prolonge trop longtemps, il se produit'au point comprimé des altérations assez
profondes pour interrompre la continuité des fibres nerveuses et entraîner la
dégénération wallerienne de leur bout périphérique. François-FRANCK a
répété sur le nerf pneumogastrique les observations que Weir Mitchell avait
faites sur le sciatique. Stroebe et Hauken ont obtenu des résultats concor¬
dants sur les nerfs de l’oreille des lapins.
Plusieurs observateurs ont étudié sur eux-mêmes les effets de la compres¬
sion des nerfs, particulièrement Bastien et Vulpian, Waller, Ch. Richet.
La description des phénomènes qu’ils ont éprouvés est uniforme : au début,
sensation de fourmillement ou de cuisson superficielle ; puis, lassitude dans
les muscles ; plus tard, douleurs profondes et crampes ; finalement, anesthésie
et abolition des mouvements volontaires. Les sensibilités superficielles dis¬
paraissent dans l’ordre suivant : 1° sensibilité thermique ; 2° sensibilité tac¬
tile ; 3° sensibilité à la douleur. Elles reparaissent dans un ordre inverse,
après la cessation de la compression. Quelquefois les troubles moteurs et
sensitifs se prolongent assez longtemps. Waller ayant comprimé son nerf
radial durant quarante-cinq minutes, eut une paralysie des extenseurs qui
persista onze jours. Cb. Richet ressentit pendant plus d’une semaine des
troubles de la sensibilité.

2° Causes de la compression. — Les compressions des nerfs observées en


pathologie humaine sont de cause externe ou de cause interne :
Q) Elles sont de cause externe lorsqu’un nerf se trouve comprimé pendant
un temps assez long ou avec une suffisante énergie, entre un corps dur et
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 289

un plan squelettique. Les paralysies du radial survenant chez les béquil-


lards ou chez les gens qui s’endorment profondément, la tête appuyée sur le
bras, les paralysies professionnelles des' branches palmaires du cubital, chez
les ouvriers tailleurs de limes, etc..., en offrent des exemples bien connus.
P) Elles sont de cause interne quand un nerf est comprimé par un os luxé,
par un fragment osseux fracturé et déplacé, par un cal exubérant, par du
tissu cicatriciel, par des tumeurs de voisage, notamment par des anévrysmes.

3° Symptômes des compressions. -— Des causes aussi variées doivent néces¬


sairement produire des effets très différents. Aussi la clinique révèle-t-elle
une échelle de complexité symptomatique et de gravité croissantes, dont le
premier degré est représenté par les compressions simples et de courte durée,
comme celles que détermine l’usage de béquilles mal conditionnées ; le deu¬
xième, par les compressions lentes continues et régulièrement progressives
qui résultent du développement des tumeurs de voisinage ; le troisième, par
les compressions compliquées de désorganisation du nerf consécutive à l’en¬
vahissement de son tissu par les éléments de néoplasmes malins qui, après
avoir traversé son névrilème, s’infiltrent dans ses lymphatiques et se substi¬
tuent peu à peu à ses fibres propres.

a) compresssions au premier degré. — Les compressions simples du pre¬


mier degré se manifestent ordinairement sous la forme d’une paralysie motrice
flasque, hypotonique, avec hypoesthésie plus ou moins accentuée, sans
douleurs aigues, sans troubles vaso-moteurs ou trophiques sérieux, différant
surtout des paralysies consécutives aux sections complètes par la moindre in¬
tensité de sa symptomatologie et par sa durée beaucoup plus courte. Il est ra¬
re, en effet, que les paralysies radiales des béquillards ou des dormeurs qui
en sont les types les plus communs, persistent plus de cinq ou six semaines ;
souvent même elles se dissipent en quelques j urs si elles ne sont pas entre¬
tenues par la répétition de leurs causes.

b) compressions au deuxième degré. — Les signes de la compression au


deuxième degré d’un nerf mixte sont habituellement constitués par un mélan¬
ge de phénomènes d’interruption et d’irritation.
a) Phénomènes d’interruption. — Les phénomènes d’interruption sont :

a) Du côté de la motricité, une paralysie motrice différant de celle que pro¬


duisent les sections totales parce qu’elle n’est ni aussi brutale à son début; ni
aussi complète plus tard ; c’est plutôt une parésie hypotonique qu’une para¬
lysie atonique absolue, et une parésie qui va souvent en s’accentuant au fur
et à mesure que se prolonge la compression qui lui a donné naissance.
LES NERFS EN SCHÉMAS 19
290 ' LES NERFS RACHIDIENS

P) Du côté des réactions électriques, la rareté de la R D totale, et, assez


fréquemment, une perte de la conduction électrique du nerf au point com¬
primé ; au-dessus de ce point les courants intermittents ou continus ne pro¬
voquent pas de contractions musculaires dans les muscles innervés par les
branches se détachant du nerf en aval du point où siège la compression ; au-
dessous, son excitabilité électrique est conservée, avec secousses brèves.
y) Du côté de la sensibilité, l’absence d’anesthésie complète dans la zone
innervée par le nerf comprimé.
b) Phénomènes d’irritation. — Ce sont :
«) Du côté de la sensibilité, des douleurs névralgiques intenses avec irra¬
diations parfois très étendues. On sait combien fréquemment les petits ané¬
vrysmes de l’aorte se traduisent, longtemps avant d avoir acquis un volu¬
me suffisant pour qu’on puisse les reconnaître à l’aide des signes physiques
(sauf par la radiographie), par des parésies récurrentielles accompagnées
de névralgies irradiées vers le plexus brachial ou par des crises d’angine de
poitrine résultant de l’irritation du plexus cardiaque.
P) Du côté de ta vaso-molricité et de. la trophicité, des altérations de la peau,
des dystrophies des ongles, des atrophies des muscles, de la décalcification des
os, de la cyanose avec refroidissement des extrémités.

c) compressions au troisième degré. — Les compressions du troisième


degré qui sont associées à des altérations destructives progressives des fibres
nerveuses sont caractérisées, elles aussi, par la combinaison de phénomènes
d’interruption et de phénomènes d’irritation ; mais les uns et les autres sont
plus prononcés et plus graves que dans la variété précédente. Leur type le
plus commun s’observe dans les névrites des cancéreux où, après l’exérèse de
la tumeur primitive, des infiltrations du tissu carcinomateux pénètrent dans
les gros cordons nerveux des membres et donnent lieu à des paralysies motri¬
ces totales accompagnées de douleurs névralgiques d’une violence extrême,
de cyanose, de troubles trophiques très prononcés : atrophie profonde des
muscles, sclérème de la peau, dystrophie des ongles, etc., etc...

D) LE SYNDROME DE RÉGÉNÉRATION

Un nerf qui a été meurtri ou même totalement sectionné peut récupérer


sa continuité physique et ses propriétés biologiques.

1° Processus anatomique de la régénération. — Sa restauration physique


est le résultat de la prolifération des cellules du tissu conjonctif du nerf lui-
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 291

même et de celles des tissus voisins, prolifération qui aboutit très rapide¬
ment — en cinq ou six jours dans les cas favorables — à la formation d’une
virole cicatricielle assez parfaite pour qu’il soit très difficile de reconnaître à
l’œil nu sur quel point du cordon nerveux a porté la coupure. Dans les cas
moins favorables, dans ceux notamment où les deux segments du nerf divisé
étaient séparés par un intervalle de un, à cinq centimètres ou plus, un
névrome volumineux se forme à l’extrémité distale du segment central, un
autre d’un volume moindre, à l’extrémité proximale du segment périphé¬
rique, et les deux pôles libres de ces névroines se réunissent par un fila¬
ment, un cordon ou une lame de tissu cicatriciel d’apparence fibroïde, dans
lequel chemineront plus tard les neurofibrilles dont dépend la restauration
fonctionnelle du nerf.
Celle-ci est l’aboutissant d’un processus infiniment plus compliqué et beau¬
coup plus lent que celui de la cicatrisation conjonctive. Jamais une fibre
nerveuse dont la continuité a été interrompue ne se cicatrise par première
intention et ne récupère en quelques jours sa conductibilité et son excitabi¬
lité. Un nerf transsectionné ne recouvre ses propriétés physiologiques qu’a-
près avoir subi une série de modifications histologiques très complexes,
dont les gi'andes lignes ont été découvertes par Aug. Waller, vers le milieu
du siècle dernier, mais dont les détails n’ont été précisés que depuis les re¬
cherches de Ranvier, de Perroncito, de C\jal et de plusieurs autres histo¬
logistes contemporains.
Ces phénomènes débutent par la dégénération du segment distal des fibres
sectionnées. Dans toute la partie qui s’étend du point où a porté la section
jusqu'à leurs extrémités terminales, ces fibres perdent leur structure ; leur
myéline se fragmente et se résorbe ; leur cylindraxe se désagrège ; les cel¬
lules de leurs segments interannulaires se multiplient, et après un laps de
temps qui n’est jamais inférieur à un mois ou six semaines, on ne trouve, à
la place des fibres anciennes, que des rangées île cellules apotrophiques, dis¬
posées en série linéaire dans les restes des gaines de Schwann (voy. pour
plus de détails p. 38).
Pendant que cette désorganisation des fibres nerveuses évolue, une autre
série de phénomènes histologiques prépare leur régénération. A l’extrémité
libre du bout central du nerf sectionné se développe un abondant chevelu
de neuro-fibrilles, dont les unes plongent en droite ligne dans la virole
cicatricielle, tandis que les autres se répandent en tous sens dans le tissu
ambiant qui entoure le cordon nerveux. Beaucoup périssent en route ; mais
un bon nombre parviennent à rejoindre le segment périphérique ; elles
pénètrent dans les gaines de Schwann dégénérées, s’y recouvrent de myéline
292 LES NERFS RACHIDIENS

el finissent par remplacer les cylindraxes qui y existaient avant la dégéné¬


ration (voy. p. 43).
Alors, mais alors seulement, le nerf régénéré se trouve en état de manifes¬
ter par des signes cliniquement appréciables sa restauration fonctionnelle.

2° Phénomènes précurseurs de la régénération. — Les phénomènes pré¬


curseurs de cette restauration sont les suivants :

a) La réapparition graduelle du tonus dans les muscles paralysés. —

Elle se Iraduit tout d’abord par la diminution de leur llaccidité et par une
atténuation des attitudes vicieuses résultant de leur manque de tonicité. La
main d’un paralysé du radial, par exemple, qui pendait au début en col de
cygne, par suite de l’atonie absolue des muscles extenseurs, devient moins
tombante ; l’angle de flexion du poignet sur l’avant-bras, mesuré au gonio¬
mètre ou à la lame de plomb, augmente d’ouverture. La tendance au rétablis¬
sement de l’équilibre tonique entre les groupes de muscles paralysés et leurs
antagonistes, peut être mise en évidence à l’avant-bras, au poignet et aux
doigts par les trois petits signes suivants que nous avons appelés : 1° le signe
de la pronation à ressort de favant-bras ; 2° le signe de la chute en fléau de
la main ; 3° le signe du déclic élastique les doigts. Voici en quoi ils consistent.
a) Le signe de la pronation à ressort de Vavant-bras sert à apprécier le
degré de prédominance du tonus des muscles pronateurs innervés par le
médian sur celui des muscles supinateurs innervés par le radial. Dans les
premiers temps qui suivent le début de la paralysie radiale, l’avant-bras reste
constamment en pronation. Si après l'avoir tourné en supination on le lâche,
il revient brusquement à sa position habituelle, par suite de la persistance
du tonus des muscles pronateurs non paralysés, comme s’il était mû par
un ressort à détente. Quand la récupération fonctionnelle commence, la
détente de son retour en pronation est moins vive ; il arrive même, quand
l’équilibre des forces toniques qui l’actionnent est à peu près complètement
rétabli, par le fait de la réapparition du tonus dans les muscles supinateurs,
qu’jl reste pendant quelques instants on pronation et ne revient que lente¬
ment en supination.
b) Le signe de la chute en fléau de la main se produit lorsque l’avant-bras
étant placé verticalement à angle droit sur le coude appuyé sur un point fixe,
on lui imprime de petits mouvements alternatifs d’extension et de flexion
sur son articulation cubito-humérale. Si on fait celte expérience sur un sujet
normal en le priant de laisser sa main inerte, celle-ci, par l’effet de la pesan¬
teur, passe doucement de l’extension à la flexion et de la flexion à l’extension,
selon que l’avant-bras est lui-même fléchi ou étendu. Sur un sujet atteint
NERFS RACHIDIENS EN GENERAL 293

d'une paralysie du radial, dont le tonus est aboli dans les muscles extenseurs
et conservé dans les fléchisseurs, la chute de la main se fait d’une façon très
différente, dans l'un et l’autre sens ; elle est lente et douce quand elle a lieu
dans le sens de F extension parce quelle est retenue par l’action modératrice
du tonus des fléchisseurs ; elle est au contraire rapide et saccadée lorsqu’elle
se fait dans le sens de la flexion, parce qu elle n’est pas combattue par le
tonus des extenseurs du poignet. En répétant plusieurs fois de rang la
manœuvre du déplacement de l’avant-bras, les mouvements passifs de la main
ressemblent à ceux d’un fléau qui tombe lourdement sur l’objet qu’il doit
marteler et se relève ensuite mollement, avant de frapper le coup suivant.
Dans tous les cas, la brusquerie de la chute en flexion de la main va en s’at¬
ténuant à mesure que s’amoindrit la différence d’énergie du tonus des exten-
seurs et des fléchisseurs. Sa diminution est donc un signe du rétablissement
de l’équilibre physiologiste entre ces deux forces antagonistes.
c) Le signe du déclic élastique des doigts : un sujet sain peut, sans aucune
difficulté, placer la paume ou le dos de la main sur une table, de façon que
la face palmaire ou la face dorsale des quatre derniers métacarpiens et des
doigts correspondants, s’applique exactement sur le plan horizontal formé
par la table. Un malade atteint d’une paralysie récente du radial peut exécu¬
ter correctement ce geste par la face palmaire, mais non par la face dorsale,
parce que lorsque le dos de sa main est appliqué sur la table, ses doigts,
entraînés par le tonus non compensé des fléchisseurs, se placent malgré lui
en demi-flexion. Si, lorsqu’il est dans cette position, on étend passivement
l’un ou l’autre de ses doigts, et qu’après l’avoir amené au contact de la
labié, on l’abandonne à lui-même, il se remet aussitôt en demi-flexion, com¬
me s’il était tiré par un cordon élastique d’autant plus gros que le tonus des
fléchisseurs l’emporte davantage sur celui des extenseurs.
Par suite, la diminution de la vivacité du déclic est un signe révélateur
du retour du tonus dans les muscles extenseurs des doigts.

b) La réapparition des contractions synergiques des muscles paralysés. —

C’est là le deuxième symptôme de la restauration fonctionnelle des nerfs en


voie de régénération. Duchenne (de Boulogne) a démontré dans ses mémo¬
rables recherches sur la physiologie des mouvements qu’à l’état normal la
contraction volontaire d’un muscle est toujours accompagnée de la contrac¬
tion synergique involontaire de ses antagonistes. Le fait est très facile à véri¬
fier sur soi-même : l’acte de fermer énergiquement le poing entraîne néces¬
sairement une forte contraction de tous les muscles de l’avant-bras, aussi
bien de ceux qui commandent l’extension des doigts que de ceux qui prési¬
dent à leur flexion. Or, les contractions synergiques sont abolies dans les
294 LES NERFS RACHIDIENS

muscles séparés des centres nerveux par la section de leurs nerfs moteurs. Si
donc on demande à un malade, dont le nerf radial a été coupé quelques
jours ou quelques semaines auparavant, de serrer fortement le poing pen¬
dant qu’on applique légèrement la pulpe des doigts sur la masse charnue de
ses muscles épicondyliens, on constate que ceux-ci restent absolument iner¬
tes, pendant que les épitrochléens entrent en action pour exécuter le mouve¬
ment commandé. Mais quand le tonus commence à se rétablir dans les mus¬
cles paralysés, on sent ces derniers se durcir sous le doigt, d’abord tires
légèrement, puis d’une façon de plus en plus distincte, et cela bien avant le
jour où ils deviennent capables de se contracter volontairement.

c) La réapparition des contractions volontaires. — Elle suit d’assez près


celle du tonus et des contractions synergiques. Elle est tout d’abord si faible
que pour la constater il faut employer un petit artifice qu’on pourrait appeler
la manœuvre de la charnière. Il consiste à maintenir la main du malade en
demi-supination pendant qu’on lui demande de mouvoir son poignet. On
constate alors qu’il peut imprimer un mouvement d’extension à son poignet,
mouvement qu’il ne peut lui faire exécuter lorsque celui-ci est en position
de pronation complète. Cette différence tient à ce qu’un effort très léger suf¬
fit pour lui imprimer un déplacement latéral quand la charnière formée par
l’articulation radio-carpienne est verticale ; tandis que lorsqu’elle est horizon¬
tale, il faut déployer une force sensiblement plus grande pour vaincre la ré¬
sistance qu’oppose au mouvement le poids de la main et des doigts pendant
au bout de l’avant-bras.

d) l’énergie de la contraction volontaire. — Elle ne revient que très tar¬


divement. Nous connaissons plusieurs paralysés du radial assez complètement
guéris pour pouvoir se livrer quotidiennement à des travaux manuels, chez
qui le dynamomètre révèle encore des différences de force de plus de vingt
kilos entre la main saine et la main antérieurement paralysée. Ainsi que
l’a constaté autrefois Duciienne, de Boulogne, la contractibilité volontaire
reparaît généralement dans les muscles et les nerfs en voie de régénération,
avant le retour de l’excitabilité aux courants faradiques.

e) Le retour de la sensibilité. — Pendant que s’affirme progressivement


la restauration motrice, les troubles sensitifs s’atténuent et disparaissent eux
aussi. Cependant la récupération de la sensibilité n’évolue pas toujours paral¬
lèlement à celle de la motilité ; quelquefois elle est plus rapide. Elle s’accom¬
pagne souvent de douleurs spontanées sous formes d’élancements, de sensa¬
tions de courbature profonde, de démangeaisons, de fourmillements. En
général les zones d’anesthésie diminuent peu à peu d étendue, de la périphé-
NER1<!S RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 295

rie au centre, les perceptions algiques et tactiles reprenant leur intensité plus
tôt que les perceptions thermiques, de telle sorte qu’il se produirait dans le
cours de la régénération des libres sensitives une sorte de dissociation analo¬
gue à celle qu’on observe dans la syringomyélie.
11 est un autre trouble sensitif qui s’observe assez souvent dans la période
de restauration fonctionnelle des nerfs traumatisés. Signalé par plusieurs
observateurs anciens, sous le nom de phénomène du frémissement vibratoire
ou du fourmillement, notamment par Létiévant, dans son Traité des sec¬
tions nerveuses publié en 1873, par Marciguey dans sa thèse de doctorat
(Paris 1885), son étude a été reprise dans le cours de la dernière guerre, par
Ducosté, qui l’a décrit sous le nom de phénomènes des courants, et par
Tinel, qui Ta appelé plus tard le signe des fourmillements.
Pour le rechercher, il faut comprimer avec les doigts le tronc nerveux
traumatisé sur le point même où il a été blessé, ou le percuter légèrement.
Pendant les cinq ou six semaines qui suivent la blessure, ces manœuvres ne
déterminent qu’une douleur locale banale, ou sont même tout à fait indolen¬
tes. Plus tard, elles déterminent une sensation désagréable de frémissement
vibratoire que les malades comparent tous au passage d’un courant électri¬
que. Cette sensation s’étend depuis le point excité jusqu’aux parties du tégu¬
ment où se distribuent les filets terminaux du nerf. Dans quelques cas, au
courant descendant qui est toujours le plus intense, s’associe un courant
ascendant qui remonte vers la racine du membre.
L’interprétation de ce phénomène est assez difficile. La loi de la projection
périphérique des excitations nerveuses sensitives ne lui est pas applicable ;
d’abord parce que le courant est quelquefois ascendant ; ensuite, parce que
Ducosté a constaté qu’une ligature appliquée sur le membre au-dessous
ou au-dessus du point de départ du courant arrêtait ordinairement la propa¬
gation de ce dernier.
Ce qui paraît certain, c est que le phénomène des courants se mani¬
feste seulement lorsque la cicatrisation de la blessure des cordons nerveux
s’accompagne de la formation exubérante de tissus fibreux ou névromateux.
U ne serait donc pas, ainsi que le pense Tinel, un signe de la régénéres¬
cence régulière des fibres nerveuses ; if serait plutôt l’effet d'une perturbation
accidentelle dans le processus de leur régénération.

f) L’atténuation des troubles vaso-moteurs, sécrétoires et trophi¬

ques. — Les troubles vaso-moteurs et sécrétoires s’atténuent et disparaissent


généralement peu à peu dès le début du processus de régénération. Quant
aux troubles trophiques, ils guérissent souvent très lentement, surtout quand
ils ont revêtu la forme ulcéreuse de mal perforant, et quand ils coexistent, ce
296 LES NERFS RACHIDIENS

qui est assez fréquent, avec des oblitérations artérielles. L’amyotrophie simple
suit une évolution parallèle à celle de la restauration motrice volontaire. Les
groupes de muscles amaigris, à la suite des sections nerveuses, ne repren¬
nent leur volume normal que lorsqu’ils ont récupéré, depuis quelque temp^
déjà, l’intégralité de leur activité fonctionnelle.

3° L’intervention des suppléances dans la restauration fonctionnelle des


paralysies par blessures des nerfs. — L’étude de la guérison des paraly¬
sies succédant aux blessures des nerfs est rendue difficile par l’intervention
de suppléances motrices qui masquent le déficit fonctionnel dépendant de la
lésion nerveuse. Le mécanisme de ces suppléances est fort simple ; il résulte
du fait que certains muscles qui, à l’élat normal, ne jouent qu’un rôle acces¬
soire dans l’exécution d’un mouvement déterminé, peuvent arriver à accom¬
plir ce mouvement en substituant leur action à celle du muscle principal
défaillant qui en était plus spécialement chargé. Exemple : L’extension du
poignet est assurée par trois muscles, le premier radial externe, le deuxième
radial externe et le cubital postérieur. Le deuxième radial externe est exten¬
seur direct, le premier radial externe, extenseur-abducteur, le cubital posté¬
rieur, extenseur-adducteur.
Si le deuxième radial externe vient à être seul paralysé, le premier radial
externe et le cubital postérieur en se contractant ensemble réaliseront l’exten¬
sion directe du poignet. Dans ce cas, les trois muscles intéressés sont
innervés par un même nerf, le radial, mais des suppléances du même genre
peuvent se produire grâce à l’intervention de muscles tirant leur innervation
de nerfs différents. C’est ainsi que l’abduction du poignet est fonction du
premier radial externe innervé par le radial, et du grand palmaire innervé
par le médian, tandis que son adduction est déterminée par la contraction
du cubital postérieur innervé par le radial, et du cubital antérieur innervé
par le cubital. Grâce à celte combinaison, ni l’abduction, ni l’adduction du
poignet ne se trouvent complètement abolies par la section isolée d’aucun des
trois nerfs qui fournissent la motricité aux muscles de l’avant-bras ; car,
lorsque le nerf radial est coupé, la paralysie du muscle cubital postérieur est
compensée par l’activité du grand palmaire qui, lui aussi, est abducteur du
poignet, mais dont l’innervation provient du médian. De même pour l’adduc¬
tion, où les muscles, cubital antérieur et cubital postérieur, étant innervés
respectivement par le cubital et par le radial, la paralysie de chacun d’eux
peut être suppléée par l’activité persistante de l’autre.
Il serait très facile de multiplier ces exemples, car il n’existe pas dans les
nembres un seul groupe de muscles associés en vue d’une fonction commune,
où ne puissent se produire, par le jeu de combinaisons analogues à celles que
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 297

nous venons d’indiquer, des suppléances susceptibles de masquer ou de com¬


penser le déficit fonctionnel provoqué par la paralysie d’un ou plusieurs
d’entre eux.
Admirablement analysées du point de vue physiologique, par Duchenne

de Boulogne, les suppléances motrices ont été surtout étudiées, du point de


vue clinique, par un savant professeur de l’Ecole de médecine de Lyon,
Létiévant. Il entreprit ses premières recherches sur ce sujet en 1868, à un
moment où les chirurgiens qui, jusqu’alors, avaient considéré comme incu¬
rables les paralysies consécutives aux sections des nerfs, et s’étaient, pour
cette raison, systématiquement refusés à pratiquer des sutures nerveuses,
bien que leur innocuité et leurs avantages eussent été signalés, dès la fin du
xviii0 siècle, par les expériences bien connues de Kruikshank, Fontana,

Haighton, répétées sous des formes diverses au commencement du xix® par


Descot, Flourens, Steinruck, etc., se trouvaient encore sous le coup de
l’impression que leur avait causée la communication faite par Laugier, le
20 juin 1868, à l’Académie des Sciences, sur un cas de section complète du
nerf médian à l’avant-bras, dans lequel la suture précoce avait été suivie,
après quelques heures, d’un rétablissement notable de la sensibilité et de la
motilité, dans les parties de la main où se distribue ce nerf. Cette observation
fut bientôt suivie de la publication de plusieurs cas analogues, constatés par
Nétalon, Richet, etc. On chercha alors à expliquer ces faits paradoxaux
de restauration ultra-rapide des fonctions des nerfs sectionnés et suturés.
On supposa tout d’abord que l’affrontement exact des fibres nerveuses
pouvait permettre le passage des excitations physiologiques entre les deux
bouts du nerf sectionné, ce qui est une hérésie physiologique ; ou bien que
la cicatrisation per primam des lèvres de la plaie pouvait empêcher la dégé¬
nération vallerienne de se produire dans le bout périphérique du nerf divisé,
ce qui en est une autre ; ou bien, enfin, que la circulation du courant ner¬
veux pouvait se rétablir, après l’interruption de sa voie principale, par
des voies collatérales, tout comme, après l’oblitération de l’artère principale
d'un membre, se rétablit la circulation du sang, ce qui est une vieille hypo¬
thèse abandonnée depuis trois siècles par tous les biologistes.
C’est alors qu’intervint Létiévant. Le grand enseignement qui ressort de
ses recherches, c’est qu’avant lui on connaissait très mal la véritable sympto¬
matologie des blessures des nerfs. On raisonnait comme si leur section devait
nécessairement abolir toutes les fonctions auxquelles ils sont censés présider
dans toutes les parties auxquelles ils se distribuent. On disait, par exemple,
pour ce qui concerne la sensibilité, en se basant sur la moyenne des résul¬
tats fournis par les dissections anatomiques : le médian se distribue à la moi-
298 LES NERFS RACHIDIENS

tié externe des téguments de la face palmaire et de la face dorsale, de la main


et des trois premiers doigts, sauf à la partie de la peau qui recouvre le pre¬
mier espace interosseux dorsal qui reçoit sa sensibilité des expansions termi¬
nales du ralial ; puis, sans xenir compte des variations individuelles dans la
distribution des nerfs de la main, de la dualité d’innervation dans les zones
mitoyennes, toujours assez larges, entre les territoires de deux nerfs voisins,
de la possibilité de suppléances provenant de fibres récurrentes, on était
convaincu qu’après toute section du médian tout son territoire schématique¬
ment limité par l’anatomie, devait être frappé d’anesthésie totale. Or, les
recherches de LétiéVant, confirmées par celles de Richelot, d’ARLoiNG et
Tripier, ont démontré que la zone réelle de l’anesthésie, après la section du
médian, était rarement aussi étendue que celle indiquée par les anatomistes,
que parfois même elle était limitée à une partie seulement de l’extrémité
de l’index et du médius, et que par conséquent si on n’en avait pas soigneu¬
sement délimité l’étendue dans chaque cas particulier, avant la suture, ce
qui a été rarement fait dans les cas de prétendue récupération ultra-rapide,
on n’était pas autorisé à conclure en la trouvant très limitée après l’opé¬
ration, que celle-ci avait déterminé une restauration fonctionnelle de la sen¬
sibilité.
Pour ce qui concerne la motilité, on partait egalement d’a priori analo¬
gues, sans songer aux suppléances. On disait : le médian innerve tous les
muscles pronateurs de l’avant-bras ; donc, lorsqu’il est sectionné, la prona-
lion de l’avant-bras doit être abolie. Or, elle 11e l’est jamais complètement,
«

parce que le long supinateur est, selon la position qu’occupe l’avant-bras


supinateur ou pronateur ; il peut donc suppléer dans une certaine mesure
les pronateurs paralysés. On disait aussi : le médian innerve tous les muscles
lléchisseurs de l’index et du médius, donc tout mouvement de flexion de
ces doigts est supprimé après sa paralysie ; et quand après la suture on cons¬
tatait, sans s’être assuré auparavant s’il existait ou non des mouvements
volontaires de pianotement de ces deux doigts, on en concluait que le médian
avait récupéré ses fonctions motrices. Erreur de fait et erreur d’interpréta¬
tion ; de fait, parce que jamais les paralysés du médian ne perdent la faculté
d’exécuter des mouvements de pianotement avec l’index et le médius ; d’in¬
terprétation, parce que le pianotement n’implique pas du tout la conser¬
vation de l’activité du médian ; c’est un mouvement en masse d’élévation et
d’abaissement de la première phalange des doigts, ou pour mieux dire, un
mouvement alternatif d’extension et de flexion, dans lequel le mouvement
d’extension, est produit par la contraction des muscles extenseurs innervés
par le radial et le mouvement de flexion par les interosseux fléchisseurs de la
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 299

première phalange, innervés par le cubital. Le médian ne prend donc aucune


part à la production des mouvements de pianotement.
Létiévant rapporte dans son Traité des sections nerveuses, où sont réunies
toutes ses études antérieures sur ce sujet, un grand nombre d’autres exem¬
ples de suppléances motrices qui peuvent tromper grossièrement les mféde-
cins insuffisamment avertis, et rendent souvent difficile, pour les plus avisés,
l’appréciation exacte du degré de l’amélioration xéelle dans l’évolution vers
la guérison des blessures des nerfs ; car si on ne se tenait pas en garde contre
les erreurs qu’elles peuvent faire commettre, on serait très souvent amené à
considérer can>me guéries, ou très améliorées, beaucoup de paralysies neu¬
ropathiques qui ne sont en réalité ni guéries ni améliorées.
Il existe heureusement pour chacune d’elles un certain nombre de signes
caractéristiques, qui ne peuvent être masqués ou compensés par aucune
espèce de suppléance. Leur existence est un signe critère de la persistance
de la paralysie ; leur absence est un test formel de sa guérison.

4° Les tests de guérisons des paralysies. — 11 nous a paru utile, dès 1915,
de rechercher ces signes, et de tâcher de trouver les moyens de les mettre
en évidence, par des gestes très simples, afin qu’ils soient facilement accessi¬
bles aux praticiens, particulièrement aux chirurgiens qui, après avoir prati¬
qué des opérations sur les nerfs, doivent être désireux de connaître exacte¬
ment leurs résultats.
Nous indiquerons plus loin, dans les chapitres de cet ouvrage, où seront
étudiées les paralysies de chacun des nerfs périphériques, leurs signes critères
et les tests de leur guérison. Disons simplement à cette place, à titre d’indi¬
cation provisoire, que les gestes qui nous paraissent aujourd’hui devoir ser¬
vir de tests de guérison aux paralysies du radial, du médian, du cubital, du
sciatique et de ses branches sont :
a. Pour le radial, le geste de placer le membre supérieur dans l’attitude
du serment, le poignet et les doigts étendus horizontalement, le pouce assez
fortement écarté de l’index, pour que les tendons qui limitent les bords de
la tabatière anatomique se dessinent nettement sous la peau.
b. Pour le médian, le geste d’appliquer exactement la pulpe de l’index et
du médius sur celle du pouce, ou celui de gratter correctement avec l’ongle
de l’index, le poignet restant tout à fait immobile, un point fixe d’une table
ou d’un livre.
c. Pour le cubital, le geste de réunir la pulpe du petit doigt et de l’annulaire
à celle du pouce, ou de gratter correctement avec l’ongle du petit doigt, le
poignet restant tout à fait immobile, un point fixe d’une table ou d’un livre.
300 LES NEUFS RACHIDIENS

d. Pour le sciatique et ses branches, le geste de battre correctement avec le


pied la mesure à quatre temps.
La valeur de ces tests repose uniquement sur la possibilité ou l’impossi¬
bilité d’accomplir certains gestes très simples, dépendant exclusivement de
l’action de muscles précédemment paralysés. Lorsqu’ils sont correctement
exécutés, la guérison est certaine. Mais il peut arriver que le malade, ayant
intérêt «à ne pas être considéré comme guéri, se déclare faussement incapable
de faire le geste demandé. Pour mettre le médecin à l’abri de cette cause
d’erreur, Froment a eu l’excellente idée de recourir à d'autres tests de con¬
trôle qu’on pourrait appeler les tests de sincérité. Leur principe réside dans
le jeu des associations synergiques qui se produisent automatiquement dans
les muscles prétendument impotents pendant la contraction volontaire des
muscles non paralysés. Ducjienne a décrit le premier test de ce genre : l’iner¬
tie du long supinateur pendant l’effort contrarié de flexion de l’avant-bras
sur le bras, chez les sujets atteints de paralysies du radial. Froment et son col¬
laborateur Gardère ont cherché et trouvé des signes du même ordre dans les
paralysies de la plupart des nerfs des membres.
Ce sont :
a. Dans les paralysies du sciatique poplité externe, l’absence du mouve¬
ment associé d’extension des orteils dans la marche et, pendant la station à
cloche-pied, l’absence de contraction du jambier antérieur, du long péronier
latéral et des extenseurs des orteils ;
b. Dans la paralysie du sciatique poplité interne la placidité du tendon
d’Achille résultant de l’inertie du gastroenémien ;
c. Dans la paralysie du radial l’absence de contraction synergique du
deuxième radial externe et du cubital postérieur dans les efforts de flexion
énergique des doigts, le poignet étant maintenu passivement en extension,
ou bien l’absence de saillie des tendons de l’extenseur commun durant l’effort
d’écartement des doigts, ou bien encore l’absence de saillie des tendons de
la tabatière anatomique pendant les efforts énergiques et soutenus d’abduc¬
tion du petit doigt ;
d. Dans la paralysie du cubital, l’absence de gonflement et de durcisse¬
ment de l’adducteur du pouce sous la peau du premier espace intermétacar¬
pien pendant les efforts de préhension.
e. Dans la paralysie du médian, l’absence de contraction synergique du
court abducteur du pouce dans l’effort de placement du pouce en extension
à angle dièdre par rapport à l’index.
Ces tests de sincérité peuvent bien servir à dépister quelques tentatives
de simulation ; mais, pour qu’ils soient tout à fait démonstratifs, il importe
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 301

de s’assurer que la contraction volontaire des mirscles sains a été assez éner¬
gique pour déclancher celle de leurs antagonistes.

E) LES SYNDROMES POLYNÉYRITlQUES

L’introduction des polynévrites dans les cadres de la nosologie médicale,


est de date relativement récente. Les premiers travaux tendant à démontrer
que les nerfs peuvent être atteints sous l’iullueuce de causes endogènes de névri¬
tes indépendantes de toute altération préalable des centres nerveux, ont été
publiés seulement en 1864 et 1866, par Duménil, de Rouen. On n’en comprit
pas tout d’abord la portée. Mais dès 1870, les recherches de Ciiarcot, Pierret,

Joffroy, Leyden, Gombault, Dejerine, Leloir, OEttinger, Althaus,

Eisenlohr, Oppeniieim, Korsakoff, etc., etc., démontrèrent avec une telle


évidence la fréquence et le grand intérêt clinique des névrites périphériques
de cause interne qu’en ntoins d’un quart de siècle ces dernières ont acquis
droit de cité en neurologie, et que personne ne leur conteste plus la large
place qu’elles y occupent maintenant.

1* Divisions des polynévrites. — D’après la nature de leurs causes on


divise les polynévrites en : toxiques, infectieuses et dyscrasiques.
a) Les toxiques sont dues à la pénétration dans le sang de substances irri¬
tantes, susceptibles de provoquer des lésions des fibres nerveuses : l’alcool,
le plomb, l’arsenic, sont les plus connus de ces agents névritogènes.
P) Les infectieuses résultent de l’action sur les nerfs de toxines microbien¬
nes. Toutes les maladies infectieuses, la diphtérie, la fièvre typhoïde, les fièvres
éruptives, les dysenteries, le choléra, la grippe, les oreillons, la syphilis, la
tuberculose, etc., peuvent s’accompagner, dans le cours de leur évolution ou
pendant leur convalescence, de complications de nature franchement polyné-
vritique.
y) Les dyscrasiques surviennent chez des malades atteints de rhumatisme,
de goutte, de diabète, de cancer, de cirrhose du foie, de scorbut, de béri¬
béri, etc., chez lesquels la crase sanguine est modifiée par des anomalies du
métabolisme des substances nutritives, donnant lieu à la production de poi¬
sons endogènes nocifs pour les nerfs.

2° Lésions anatomiques. — Les lésions anatomiques des polynévrites


débutent dans les ramuscules terminaux ou pré-terminaux des fibres ner¬
veuses. Elles y restent parfois limitées ; mais d’autres fois elles remontent
302 LES NERFS RACHIDIENS

plus ou moins haut dans les nerfs, sans arriver cependant jusqu’aux plexus
où ils prennent naissance, et à plus forte raison jusqu’aux racines rachidien¬
nes qui sont presque toujours épargnées.
Ces lésions sont, selon les cas, interstitielles ou parenchymateuses.
Les polynévrites interstitielles pures sont rares. On les a cependant consta¬
tées dans quelques cas de polynévrites aiguës.
Les lésions parenchymateuses sont de beaucoup les plus communes. Elles
siègent ordinairement d’emblée sur le cylindraxe des fibres nerveuses qui est
détruit in situ sur une plus ou moins grande étendue, ce qui détermine
nécessairement la désorganisation de ces libres, et par suite, la dégénération
wallérienne de tout leur segment distal.
Dans d’autres cas, les altérations primitives portent uniquement sur la
gaine de myéline qui se désagrège ça et là sur quelques segments inter-
annulaires des fibres altérées : c’est la névrite segmentaire périaxile, décri¬
te pour la première fois par Gombaut, dans ses recherches sur la névrite
saturnine expérimentale, mais qu’on a retrouvée maintes fois, depuis que
cet excellent observateur a attiré sur elle l’attention, dans d’autres variétés
de polynévrites. Dans ces cas, le cylindraxe n’étant pas détruit, la dégénéra¬
tion wallérienne du segment périphérique ne se produit pas, et la guérison
des altérations locales de la fibre nerveuse peut être très rapide.

3° Leurs rapports avec les lésions des centres. — L’un des points les
plus discutés de l’étude des névrites périphériques de cause endogène, est la
détermination de leurs rapports avec les lésions des centres nerveux. Ceux-ci
sont le plus souvent indemnes de toute altération décelable par les moyens
d’investigation que nous possédons aujourd’hui ; mais dans quelques cas
il existe, en même temps que la névrite, des lésions évidentes du cerveau ou
de la moelle épinière, ou des deux à la fois. Il n’est pas surprenant qu’il en
soit ainsi ; il y aurait plutôt lieu d’être étonné qu’il n’en soit pas toujours
ainsi, puisque le poison qui cause la polynévrite circulant dans le sang,
imprègne également les éléments anatomiques des nerfs périphériques et
ceux du névraxe. Mais on sait que les différentes parties du système nerveux
ont des affinités électives très marquées pour les agents toxiques. La strychni¬
ne qui excite fortement les cellules motrices de la moelle, n’a aucun effet sur
ses cellules sensitives. Le curare paralyse les plaques motrices des muscles
sans modifier les propriétés spécifiques des fibres nerveuses et des cellules
des noyaux centraux ; la toxine tétanique se localise d’une façon toute spé¬
ciale sur certains noyaux bulbo-protubérantiels, notamment sur ceux de
la branche masticatrice du trijumeau ; la toxine diphtérique porte primiti-
NERFS .RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 303

vement son action sur les noyaux du glosso-pharyngien et du pneumogas¬


trique ; la toxine botulinique sur les noyaux des nerfs oculo-moteurs, etc. Il
n’y a donc rien d’extraordinaire à ce que certains poisons déterminent des al¬
térations portant exclusivement ou d’une façon très prédominante sur des
portions limitées des branches terminales des nerfs périphériques.
Cette notion primordiale de l’électivité explique même la localisation habi¬
tuelle de certaines polynévrites sur certains points du système nerveux péri¬
phérique, à l’exclusion des autres. La polynévrite saturnine, par exemple,
frappe de préférence les membres supérieurs et se fixe presque toujours sur
les rameaux du nerf radial qui donnent la motilité aux muscles extenseurs
du poignet et des doigts. Inversement, la polynévrite alcoolique, très rare
aux membres supérieurs, se localise d’ordinaire aux branches terminales du
nerf sciatique, et tout particulièrement à celles de ces branches qui se déta¬
chent du sciatique poplité externe pour se rendre aux muscles extenseurs du
pied et des orteils. La polynévrite typhoïdique a une prédilection marquée
pour les nerfs cubitaux ; la polynévrite diabétique pour le moteur oculaire
externe, etc.
Néanmoins ces localisations électives n’ont rien d’absolu. Toute toxi-infec-
tion étant par essence une maladie générale, peut et doit atteindre simulta¬
nément tous les tissus de l’organisme ; mais elle ne les altère pas tous à un
égal degré, ou pour mieux dire, ils ne réagissent pas d’une façon identique
chez tous les sujets. Par suite de prédispositions héréditaires ou acquises,
la machine animale de chaque homme ne résiste pas uniformément dans
toutes ses parties aux influences morbides tendant à la détériorer. C’est pour¬
quoi des intoxications de même nature et d’égale intensité ne se révèlent
pas chez tous les malades par des troubles fonctionnels ou organiques iden¬
tiques. Tel alcoolisé chronique fera, par exemple, de la cirrhose du foie ou
de l’artério-sclérose, tel autre des accidents cérébraux ou de la polynévrite,
tandis qu’un troisième présentera à la fois des troubles digestifs et des trou¬
bles cérébraux ou des phénomènes cérébraux et polynévritiques associés.
Dans ce dernier cas, les lésions du système nerveux central et celles des
nerfs périphériques, développées toutes deux sous l’influence d’une même
cause centrale, restent cependant, dans leur évolution, indépendantes les unes
des autres. Mais il est un autre groupe de faits dans lesquels des lésions poly-
névritiques de nature taxi-infectieuse déterminent secondairement des altéra¬
tions du système nerveux central, particulièrement des cellules des cornes
antérieures de la moelle, par le mécanisme de la réaction à distance que nous
avons précédemment décrit à propos des phénomènes de chromatolyse
périnucléaire, qui se produisent dans les cellules neuronales séparées de leurs
304 LES NERFS RACHIDIENS

prolongements (voy. Chap. I, p. 49). Ces altérations cellulaires ont vive¬


ment préoccupé les premiers observateurs qui ont étudié les polynévrites,
parce qu’on pouvait se demander si elles n’étaient pas la cause réelle des
altérations constatées dans les nerfs périphériques.
Sans entrer dans le détail des controverses soulevées à ce sujet, nous pou¬
vons dire que l’opinion qui les explique par la réaction à distance est de
beaucoup la plus vraisemblable. Le principal argument en sa faveur est tiré
du fait que dans les polynévrites les fibres nerveuses, altérées à leurs extré¬
mités distales, sont indemnes de loule modification structurale dans leurs
portions proximales et dans les racines rachidiennes, ce qui n’aurait certai¬
nement pas lieu si la cause de leurs altérations résidait primitivement dans
les cellules de la moelle.

4° Symptomatologie. — La symptomatologie des polynévrites est extrê¬


mement polymorphe. Les signes qui les caractérisent sont cependant peu
nombreux et ils .dérivent tous de l’irritation ou de l’interruption des fibres
nerveuses contenues dans les nerfs malades ; mais les lésions qui atteignent
ces fibres sont elles-mêmes très variables, à la fois dans leur intensité et
leur distribution ; tantôt diffuses, tantôt localisées ou très prédominantes sur
des faisceaux fonctionnellement homogènes de fibres sensitives, motrices ou
sympathiques, tantôt superficielles, tantôt profondes, elles évoluent tantôt
lentement, tantôt rapidement, si bien qu’entre les formes cliniques de poly¬
névrites les plus légères, dites latentes, dont les manifestations sont telle¬
ment frustes qu’elles échappent presque toujours à l'attention des médecins,
et qu’on les reconnaît seulement après la mort par des examens microsco¬
piques délicats, et les formes les plus sévères représentées par la paralysie
ascendante suraiguë qui détermine une paralysie rapidement progressive des
quatre membres, et tue en quelques jours par inertie des muscles respira¬
toires, il y a une infinité d’intermédiaires. Heureusement, dans ces formes
intermédiaires qui sont de beaucoup les plus comimunes, les phénomènes
morbides s’associent de façon à constituer de véritables syndromes bien diffé¬
renciés, ayant chacun une physionomie qui le sépare nettement des autres.
On décrit généralement quatre de ces syndromes : 1° le paréto-névritique ;
2° le tabéto-névritique ; 3° l’amyotropho-névritique ; 4° le psycho-névritique.
Nous allons résumer très succinctement leurs caractères respectifs.

a) Le syndrome paréto-névritique. — C’est celui dans lequel les phéno¬


mènes d’affaiblissement de la motilité volontaire occupent la première place.
11 se présente sous deux formes, l’une subaiguë généralement bénigne, l’au¬
tre suraiguë habituellement très grave.
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 305

a) Forme subatigiië. — La forme subaiguë ou quadriplégie polynévritique


subaiguë, se développe généralement dans le cours d’une intoxication, d’une
maladie infectieuse ou d’une cachexie.
Son début est insidieux. Il est marqué par l’apparition de quelques troubles
subjectifs de la sensibilité : sensations légères de fourmillements d’élance¬
ments siégeant aux extrémités distales des membres inférieurs.
Les jours suivants, le malade se plaint de mouvoir difficilement ses pieds
et ses jambes. Peu à peu, la parésie gagne les cuisses en même temps qu’elle
s’accentue aux jambes, mais elle reste toujours plus accentuée aux pieds
qu’aux jambes et aux jambes qu’aux cuisses.
Pendant que ces phénomènes se produisent du côté des membres infé¬
rieurs, les membres supérieurs deviennent eux-aussi le siège de fourmille¬
ments, d’engourdissements, de picotements, et enfin de parésie qui gêne
notablement l’exécution des mouvements des mains et des avant-bras, sans
diminuer d’une façon très appréciable ceux des bras.
La quadriplégie est alors constituée. Durant sa période d'état les muscles
parésiés des extrémités des quatre membres sont mous, flasque, atones.; ils
s’amaigrissent notablement ; leurs réactions électriques se modifient dans le
sens de la R D partielle ou totale. Les réflexes tendineux sont abolis ; la sen¬
sibilité objective des téguments est peu altérée ; les fonctions sphinctériennes
sont intactes. Pas ou peu de réaction fébrile ; pas d’eschares sacrées ; pas de
troubles intellectuels.
La période d’état dure quelques semaines ; puis les membres supérieurs
d’abord, les inférieurs ensuite, récupèrent leur motilité volontaire ; les sensa¬
tions anormales de picotement ou d’engourdissement des extrémités dispa¬
raissent elles aussi, et après un laps de temps qui varie entre trois et six mois,
la guérison est complète.
b) Forme suraiguë. — La forme suraiguë ou paralysie ascendante aiguë de
Landry, est beaucoup plus grave. Elle débute comme la précédente, par des
sensations subjectives d’engourdissement, de fourmillements, de froid aux
pieds, gagnant rapidement les jambes et les cuisses. Peu après, les membres
inférieurs deviennent impotents. C’est d’abord de la parésie limitée aux pieds
et aux jambes, puis de la paralysie vraie. Quelques heures ou quelques jours
plus tard, les mêmes phénomènes se font sentir aux membres supérieurs :
les mains, les avant-bras, les bras s’engourdissent ; ils deviennent faibles,
parésiés, et enfin totalement paralysés.
Aussi bien aux membres inférieurs qu’aux supérieurs la paralysie reste
flasque, hypotonique. Les réflexes tendineux sont abolis. Les sphincters sont
épargnés ; il ne se produit pas d’eschare sacrée ; l’intelligence reste intacte.
LES NERFS EN SCHÉMAS 20
306 LES NERFS RACHIDIENS

Mais le plus souvent les choses n’en restent pas là ; la paralysie s’étend
aux muscles intercostaux, au diaphragme, et après quelques accès de
dyspnée intermittente, le malade meurt dans une crise de suffocation
dyspnéique, ayant conservé jusqu’à la dernière minute la pleine lucidité de
son intelligence. Cette terminaison a habituellement lieu entre le 4e et le 12e
jour. Elle n’est pas fatale, car la polynévrite peut s’arrêter avant d’avoir
atteint le nerf phrénique et les nerfs bulbaires, mais elle se produit dans près
de la moitié des cas de la maladie de Landry.

b) Le syndrome tabéto-névritique, ou pseudo-tabes périphérique, ou

neuro-tabes polynévrittque. — Il est caractérisé par l’association à l'abo¬


lition du réflexe rotulien qui est un symptôme commun aux polynévrites et
au tabes, de douleurs à type lancinant et de troubles de la coordination des
mouvements des membres inférieurs rappelant dans une certaine mesure les
douleurs fulgurantes et l’instabilité locomotrice des tabétiques.
En réalité, le pseudo-tabes polynévritique diffère du tabes vrai par une
série de particularités qui ne peuvent plus tromper un médecin avisé. En
effet, dans le syndrome tabéto-névritique, les douleurs lancinantes n’ont
jamais ni la violence, ni la soudaineté, ni la répétition sous forme paroxy-
tique, des crises fulgurantes des tabétiques vrais. D'autre part, les troubles
de la motilité sont d’ordre parétique plutôt qu’ataxique : le malade ne lance
pas follement ses jambes au delà du but à atteindre, il les traîne ; il ne
talonne pas, il steppe, comme steppent tous les sujets atteints de parésie
des muscles extenseurs des pieds. De plus, on ne constate jamais chez les
polynévritiques ni le signe d’Argyll Robertson — sauf dans le cas de syphi¬
lis coexistante— ni les crises viscéralgiques, ni les anesthésies viscérales pro¬
fondes, testiculaires, épigastriques, trachéales et. autres, ni les troubles tro¬
phiques tels que arthropathies, fractures spontanées, dystrophie et chute des
ongles ou des dents, maux perforants plantaires, etc., qui s’observent si fré¬
quemment chez les tabétiques vrais. Enfin, tandis que le tabes est une mala¬
die à peu près incurable, les polynévrites de la variété tabéto-parétique gué¬
rissent spontanément en quelques mois sans laisser de séquelles.

c) Le syndrome amyotropho-névritique. — Toutes les polyné\ ■ ites qui s’ac¬


compagnent de troubles de la motilité, c’est-à-dire presque toutes les poly¬
névrites comptent au nombre de leurs symptômes un certain degré d’atro¬
phie musculaire ; mais cette atrophie disparaît rapidement à mesure que
les fibres malades se régénérant, les muscles qu’elles animaient récupèrent
leur contractilité volontaire. Il est cependant des cas où la régénération des
tubes nerveux ne se fait pas, et où, par suite, l’atrophie des muscles qu’ils
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 307

innervaient progresse et devient irréparable. A côté des atrophies muscu¬


laires progressives, d’origine myélopathique et d’origine myopathique, il y
a donc lieu de décrire des atrophies musculaires d’origine neuropathique. Ce
sont ces dernières qui figurent dans le groupe de faits réunis sous la déno¬
mination de syndrome amyotropho-névritique. Ces faits sont rares, très rares
même. Néanmoins on ne saurait les passer sous silence, dans une étude géné¬
rale. Ils se divisent en deux catégories comprenant : la première, les cas où
l’atrophie a débuté chez les adultes, sans hérédité similaire, à la suite de
névrites toxi-infectieuses (formes simples) ; la seconde, ceux où elle s’est
manifestée dès le jeune âge, au titre de maladie héréditaire familiale (atro¬
phies neuropathiques familiales).
a) Formes simples. — La forme simple non héréditaire, qu’on pourrait équi¬
tablement appeler la maladie de Duménil, car c’est à propos de cas de ce
genre que ce médecin distingué a publié les premières observations de névrite
amyotrophique, débute chez l’adulte à l’occasion de circonstances parfois bien
déterminées : intoxication saturnine ou alcoolique, infections diverses, par¬
fois aussi sans cause connue. Leur évolution est semblable à celle des polyné¬
vrites du type parétique vulgaire : sensations paresthésiques aux extrémités
distales des membres supérieurs ou inférieurs, puis parésie des muscles de ces
extrémités s’étendant peu à peu vers la racine des membres et devenant par la
suite une paralysie complète, fiasque avec R. L). totale ou partielle, abolition
des réflexes tendineux, intégrité des sphincters et de l’intelligence. Des mois
se passent, puis la motilité revient lentement aux cuisses et aux bras ; mais la
paralysie et l’atrophie qui l’accompagnent vont en s’accentuant de plus en
plus, aux mains et aux avant-bras, ou aux pieds et aux jambes. Des troubles
vaso-moteurs et trophiques se produisent aux extrémités malades : refroi¬
dissement permanent, cyanose, état lisse de la peau, déformation simiesque
des mains, pied-bots varus équins, Bref au lieu de guérir, la maladie se
transforme en une infirmité persistante.
Le diagnostic de l’amyotrophie du type Duménil est facile. On ne pourrait
guère le confondre qu’avec l’atrophie musculaire myopathique du type Aran-

Duchenne ; mais les troubles de sensibilité qui marquent son début, sa loca¬
lisation élective aux extrémités des membres et l’existence de troubles vaso¬
moteurs et thermiques, permettent le plus souvent d’éviter cette erreur.
b) Les atrophies neuropathiques familiales. — Elles comprennent deux
variétés distinctes :
«) La première variété est connue en France sous le nom d’atrophie mus¬
culaire familiale du type Charcot-Marie. Elle a été décrite aussi à l’étranger,
par Tooth, sous le nom de type péronier de l’atrophie musculaire progressé
3ÔS LES NERFS RACHIDIENS

ve, et par Hoffmann, sous celui d'Atrophie musculaire progressive névri-


tique. Ses caractères cliniques sont : début insidieux, chez des enfants appar¬
tenant à des familles où existent déjà des cas identiques, par une atrophie
musculaire à évolution lentement progressive, envahissant d’ordinaire les
pieds et les jambes, n'atteignant les mains et les avant-bras que plusieurs
années plus tard, ou inversement, se manifestant aux membres supérieurs
avant d’atteindre les inférieurs, épargnant toujours les muscles du tronc,
des épaules et de la face, s’accompagnant de troubles vaso-moteurs et trophi¬
ques des extrémités des membres atteints ; •sensibilité peu altérée ; réflexes
rotuliens abolis ; sphincters indemnes. 11 existe quelques autopsies de cette va-
riété. Elles ont été décrites par Martnesco, Sainton, W. Dubreüilr, Long.

Dans toutes on a trouvé les nerfs périphériques très altérés, les racines rachi¬
diennes intactes et la moelle saine ou avec des lésions insignifiantes.
ji) La seconde variété des amyotrophies neuropathiques héréditaires est re¬
présentée par la névrite hypertrophique progressive et familiale de Dejerine.

Elle se présente avec des symptômes et une évolution analogues à ceux qu’on
observe dans la variété précédente. Les seules différences sont que les trou¬
bles sensitifs y paraissent plus accentués, et que l’examen des malades permet
de constater une augmentation de volume très manifeste des cordons ner-
veux accessibles à la palpation.
Cette hypertrophie des nerfs a été constatée également dans les quelques
autopsies dont les résultats ont été ptibliés par Dejerine et ses collaborateurs
Sottas et Thomas, par Bovers, par Hoffmann. Elle porte non seulement sur
les nerfs périphériques, mais aussi sur les racines rachidiennes et les gan¬
glions spinaux. Elle est due à des lésions grossières de névrite interstitielle,
avec épaississement très marqué des gaines de Sciiwann, des parois des vais¬
seaux, des travées conjonctives intra et extra-fasciculaires coïncidant avec
L’atrophie dégénérative d’un très grand nombre de fibres nerveuses. Dans la
moelle on a trouvé plusieurs fois de la sclérose systématique des cordons
postérieurs, probablement consécutive aux lésions des racines postérieures,
et une fois de la sclérose des cordons latéraux.
Notons, en passant, qu’il est bien peu de maladies héréditaires qui présen¬
tent au même degré que celle-ci le caractère familial. Dans la plupart des
faits publiés elle a frappé, à peu près au même âge, plusieurs frères ou
sœurs. Dejerine a rapporté l’histoire d’une famille qui fournit en cinq géné¬
rations treize cas d’amyotrophie du même type, et Hammond celle d’une autre
famille où il fut possible d’en relever vingt-deux cas en quatre générations.

d) Le syndrome psycho-névritique. — On désigne sous ce nom ou sous


ceux de psychose polynévritique, de neuro-cérébrite toxique, de îpaladie ou de
NERFS RACHIDIENS EN GÉNÉRAL 309;

syndrome de Korsakofj, un complexe pathologique formé par l’association


de phénomènes polynévritiques à des troubles cérébraux caractérisés par de
la confusion mentale avec amnésie de fixation, désorientation dans le temps
et dans l’espace, dissociation des idées, fausses réminiscences, onirisme déli¬
rant et tendance à la confabulation.
Cette association, fréquente dans l’alcoolisme chronique, a été également
observée dans les intoxications par l’arsenic ou le plomb, chez des sujets
atteints de fièvre typhoïde, de grippe, de pneumonie, de fièvre puerpérale,
d’érysipèle, de cachexie rhumatismale, diabétique, cancéreuse, d’azotémie,
d’urémie lente, etc.
La maladie débute comme une polynévrite du type paréto-névritique, par
des sensations subjectives de fourmillements et de picotements siégeant aux
extrémités des membres, bientôt suivies de phénomènes parétiques envahis¬
sant successivement les pieds et les jambes, puis plus tard, et à un moindre
degré, les mains et les avant-bras.
C’est seulement lorsque la polynévrite est arrivée à la période d’état que
commencent à se manifester les perturbations psychiques. Les malades
deviennent apathiques, indifférents à ce qui se passe autour d’eux ; le som¬
meil les fuit ou est troublé par des cauchemars pénibles, dont le souvenir
persiste longtemps après le réveil.
Durant la journée ils sont assez calmes ; si on les interroge ils répondent
correctement aux premières questions qu’on leur pose ; mais quand on conti¬
nue à s’entretenir avec eux, on ne tarde pas à s’apercevoir qu’ils « dérail
lent » complètement ; que leur mémoire présente d’énormes lacunes ; que
tout en se souvenant bien des événements anciens, ils ne fixent plus de sou¬
venirs nouveaux ; qu’après avoir dit correctement leur âge, leur profession,
leur adresse, ils sont incapables de raconter ce qu’ils ont fait la veille, ou ce
qui leur est advenu quelques instants auparavant.
Ils ne savent dire ni le nom du jour courant ni sa date dans le mois ; ils
se croient à la campagne quand ils sont chez eux, ou chez eux quand ils sont
à l’hôpital (désorientation dans le temps et dans l’espace). Ils racontent des
histoires invraisemblables qui ne leur sont jamais arrivées (confabulation).
Ils passent sans transition d’un sujet à un autre ("dissociation des idées).
Lorsque la nuit arrive, ils deviennent loquaces, exigeants, agités ; ils ont
des.hallucinations oniriques, du délire confusionnel avec, parfois, de l’excita¬
tion pseudo-maniaque.
Ces troubles mentaux persistent pendant quelques semaines ; puis, ils
s’apaisent peu à peu avant que les phénomènes parétiques commencent à
s'amender. h:.
310 LES NERFS RACHIDIENS

La terminaison habituelle est la guérison. La mort est rare. Le passage à


l’état chronique ne s’observe que chez les vieillards, chez qui la démence
presbio-phrénique n’est, d’après la plupart des aliénistes, que la forme chro¬
nique de la psychose d’intoxication.
Les lésions révélées par les autopsies sont : du côté des nerfs périphériques,
les altérations banales des polynévrites toxi-infectieuses ; du côté des centres
nerveux des altérations de chromatolyse disséminées sans ordre apparent
dans les cellules de toutes les régions de l’écorce cérébrale et dans celles des
cornes antérieures de la moelle.
La pathogénie du syndrome psycho-névritique- a été nettement indiquée
par Korsakoff. Dès ses premières recherches publiées en 1887, il a émis
l’hypothèse, justifiée depuis par des examens nécroscopiques nombreux, que
ce syndrome résultait de toxémies variées, portant à la fois leur action nocive
sur les nerfs périphériques et sur les centres nerveux, et il a mis en relief le
rôle très important que jouent dans sa genèse les troubles des sécrétions
internes (corps thyroïde, hypophyse, etc.), et les altérations des organes
d’épuration de l’organisme, notamment celles des reins et du foie.

ARTICLE II

BRANCHES POSTÉRIEURES des NERFS RACHIDIENS


[Planche XIII].

Nous désignons sous ce nom les branches, généralement grêles, que les
nerfs rachidiens, au sortir des trous de conjugaison, envoient au plan dorsal
du corps. Ce sont des nerfs mixtes, destinés à la fois aux muscles de la région
et aux téguments qui les recouvrent.

§ 1. - ANATOMIE

Au nombre de trente et une de chaque côté, les branches postérieures des


nerfs rachidiens se séparent des branches antérieures immédiatement en
dehors des trous de conjugaison. De là, elles se dirigent horizontalement en
arrière, passent entre les apophyses transverses des deux vertèbres corres¬
pondantes et arrivent ainsi au-dessous des masses musculaires qui remplis-
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

_ droit r
P1 oblique-

(G* oblique ' , G" nerf sous-occipila!
1 Splénius-i
J Trapèze
B MANCHES CERVICALESB
<7J complexusM
POSTERIEURES \ 25

|Gd complexées,

Transversaire
. épineux

Branches dorsales
POSTÉRIEURES Sacro-lombaire'

Lonÿ dorsa IL-/./-

Branches lombaires/
POSTERIEURES _ _

Masse HIl!liHKF
F commune

POSTÉRIEURES \ ( V \
^ X <1
Branche cocoycienne
postérieure

PLANCHE XIII

BRANCHES POSTERIEURES DES NERFS RACHIDIENS

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur,


BRANCHES POSTÉRIEURES DES NERFS RACHIDIENS 311

sent les gouttières vertébrales. Poursuivant ensuite leur trajet antéro-posté¬


rieur, elles cheminent dans les interstices celluleux qui séparent ces muscles
et se partagent bientôt en deux ordres de rameaux : 1° des rameaux muscu¬
laires, pour les muscles de la nuque, du dos, des lombes et des gouttières
sacrées ; 2° des rameaux cutanés pour la peau de ces mêmes régions.
Tout en se disposant suivant le type général, les branches postérieures des
nerfs rachidiens présentent quelques particularités suivant les régions qu’elles
occupent.
Nous les diviserons, à ce sujet, comme les paires rachidiennes elles-mêmes,
en cinq groupes savoir : 1° les branches cervicales ; 2° les blanches dorsales ;
3° les branches lombaires ; 4° les branches sacrées ; 5° la branche coccy-
gienne.

1° Branches postérieures des nerfs cervicaux. — Au nombre de huit,


elles se distribuent à la partie postérieure de la tête et du cou. Deux d’entre
elles, la première et la seconde, méritent une description à part.
«) La branche postérieure du premier nerf cervical sort du canal vertébral
entre l’occipital et l’arc postérieur de l’atlas, en dedans de l’artère vertébrale
qui lui est contiguë. Elle arrive ainsi dans la masse cellulo-graisseuse qui
comble le triangle formé par les muscles droits postérieurs et obliques de
la tête. Elle se distribue à ces muscles.
p) La branche postérieure du deuxième nerf cervical ou grand nerf sous-
occipital d’ARNOLD est trois ou quatre fois plus volumineuse que la branche
antérieure correspondante. Elle s’échappe du canal rachidien entre l’arc
postérieur de l’atlas et la lame sous-jacente de l’axis, immédiatement au-
dessous du muscle grand oblique de la tête. Contournant le bord inférieur
de ce muscle, elle se porte en haut et en dedans, traverse successivement le
grand complexus et le trapèze, arrive alors à la région occipitale et, là, se
termine dans la peau de cette région. Dans la région même de.la nuque, le
nerf sous-occipital donne des rameaux moteurs au grand complexus, au petit
complexus, au splénius et au trapèze.
y) Les branches postérieures des six derniers nerfs cervicaux décroissent
successivement de volume en allant de. haut en bas. Immédiatement après
leur arrivée dans les gouttières vertébrales, elles se portent obliquement en
arrière et en dedans, entre le grand complexus, qui les recouvre, et le trans¬
versaire épineux, sur lequel elles reposent. Dans cette première partie de leur
trajet, elles fournissent des filets moteurs aux muscles grand complexus,
petit complexus, transversaire du cou et transversaire épineux. A quelques
millimètres de la ligne médiane, elles perforent le splénius d’abord, le trapèze
312 LES NERFS RACHIDIENS

ensuite, et arrivent ainsi dans le tissu cellulaire sous-cutané. Là, elles s’in¬
fléchissent de dedans en dehors et se distribuent, à la peau de la nuque.

2° Branches postérieures des nerfs dorsaux. — Au nombre de douze,


comme les paires dorsales dont elles dérivent, elles se distinguent, au point
de vue de leur distribution, en trois groupes : la première, les sept suivan¬
tes, les quatre dernières.
a) La branche postérieure du premier nerf dorsal, analogue aux branches
postérieures des derniers nerfs cervicaux, fournit, comme ces dernières, des
rameaux musculaires et des rameaux cutanés : des rameaux musculaires, pour
les muscles qui se disposent en arrière des vertèbres ; des rameaux cutanés,
pour la peau qui recouvre ces muscles.
p) Les branches postérieures des sept nerfs dorsaux suivants, en arrivant
dans la gouttière vertébrale, se divisent chacune en deux rameaux : 1° un
rameau externe ou musculaire, qui se porte dans l’espace celluleux qui sépare
le long dorsal du sacro-lombaire et se ramifie dans ces deux muscles ; 2° un
rameau interne ou musculo-cwtané, qui se porte obliquement vers le sommet
des apophyses épineuses et, là, traverse successivement les origines du grand
dorsal et du trapèze, pour arriver dans le tissu cellulaire sous-cutané ; il
fournit quelques filets au muscle transversaire épineux et s’épuise en fines
ramifications dans la peau du dos et de l’épaule.
'{) Les branches postérieures des> quatre derniers nerfs dorsaux diffèrent
des précédentes en ce qu’elles ne présentent pas de rameau interne. Leur
mode de distribution rappelle exactement celui des branches lombaires et
sacrées, auxquelles on les réunit quelquefois sous le nom de branches abdo¬
mino-pelviennes. Elles sont destinées à la partie postéro-inférieure du thorax
«
et, aussi et surtout, aux parois abdominales.

3° Branches postérieures des nerfs lombaires. — Au nombre de cinq,


comme les paires rachidiennes dont elles proviennent, les branches posté¬
rieures des nerfs lombaires se distribuent aux parois abdominales.
Leur mode de distribution, analogue à celui des quatre dernières bran¬
ches dorsales est le même pour toutes. Les plus élevées d’entre elles s’enga¬
gent dans l’interstice celluleux qui sépare le long dorsal du sacro-lombaire.
Les branches les plus inférieures pénètrent directement dans la masse com¬
mune.
Après avoir fourni des rameaux collatéraux au sacro-lombaire et au trans¬
versaire épineux, les unes et les autres arrivent aux téguments, en traver¬
sant l’aponévrose lombaire. Là, elles se divisent en deux groupes de filets :
BRANCHES POSTERIEURES DES NERFS RACHIDIENS 313

1° des filets internes, qui se portent en dedans et se distribuent à la peau qui


avoisine la ligne médiane ; 2° des filets externes, qui se dirigent en dehors cl
en bas, et viennent se terminer dans la peaü des deux régions lombaire et
fessière.

4° Branches postérieures des nerfs sacrés. — Les branches postérieures


des nerfs sacrés, au nombre de cinq également, diminuent de volume en
allant de haut en bas.
Elles ont, du reste, une disposition assez uniforme qui rappelle exactement
celle des branches lombaires.
Elles présentent les quelques particularités suivantes : 1° elles débouchent
par les trous sacrés postérieurs ; 2° immédiatement après leur sortie, elles
s’anastomosent entre elles, dans les gouttières sacrées en formant un systè¬
me d’arcades ' 3° de ces arcades anastomotiques s’échappent ensuite de nom¬
breux filets, les uns musculaires pour la masse commune et pour la partie
interne du grand fessier, les autres cutanés pour la peau de la région sacro-
coccygienne.

5° Branche postérieure du nerf coccygien. — La branche postérieure


du nerf coccygien, extrêmement grêle, se sépare de la branche antérieure à
l’extrémité inférieure du canal sacré. De là, elle se porte en arrière, s’anas¬
tomose avec la branche postérieure du cinquième nei’f sacré et vient se ter¬
miner dans la peau qui recouvre le coccyx. Elle fournit un rameau musculai¬
re (quand ce muscle existe) au saci’o-coccygien postérieur.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE1!'

Par leurs fibres motrices les branches postérieures des nerfs rachidiens
innervent tous ceux des muscles spinaux qui sont extenseurs de la colonne
vertébrale ; par leurs fibres sensitives elles donnent la sensibilité à la presque
totalité des téguments de la face postérieure du corps, depuis le vertex jus¬
qu’au milieu de la région fessière. Nous pourrions borner à ces deux pro¬
positions le résumé de leur physiologie ; mais l’étude du rôle qu’elles jouent,
particulièrement dans la statique de la colonne vertébrale et de la tête, prête
à quelques considérations intéressantes que nous ne croyons pas devoir pas¬
ser sous silence.

1° Rôle des fibres motrices dans la statique de la colonne vertébrale


et de la tête. — L’axe squelettique du corps des animaux vertébrés est formé
314 LES NERFS RACHIDIENS

par le rachis, dont l’extrémité supérieure est reliée à la portion basale de


l'occipital et, par son intermédiaire, au massif cranio-facial, tandis que son
extrémité inférieure, par l’intermédiaire du sacrum et du coccyx, le fixe à l’os
coxal, constituant avec ce dernier, les parois de la cavité pelvienne.
Solidement unies par des ligaments fibro-élastiques puissants, les vertè¬
bres rachidiennes jouissent cependant les unes sur les autres d’une certai¬
ne mobilité, grâce à laquelle nous pouvons mouvoir librement la tête dans
tous les sens, sans imprimer aucun mouvement au cou, le cou sans remuer
le thorax, le thorax sans déplacer le bassin.
Ces mouvements sont exécutés par deux systèmes de muscles. Ceux du
premier système s insèrent directement par leurs deux extrémités sur les
vertèbres elles-mêmes. Ils ne servent qu’à elles, ce sont les muscles propres
de la colonne vertébrale. Ceux du second prennent l’une au moins de leurs
insertions, parfois les deux, sur des os plus ou moins éloignés'du rachis : le
sternum, la clavicule, les côtes, le bassin. Ils n’ont pas, comme les précé¬
dents, pour unique fonction de mouvoir la colonne vertébrale, mais ils ser¬
vent éventuellement à sa mobilisation : ce sont des muscles de renfort, qui
viennent en aide aux muscles spinaux lorsque la tâche de ces derniers est
au-dessus de leurs forces ou de leurs moyens. En fait, les muscles du pre¬
mier système jouent un xole prédominant dans la statique automatique de la
colonne vertébrale, tandis que ceux du second interviennent surtout et pres¬
que exclusivement dans les mouvements volontaires d’une large amplitude
et d’une certaine énergie des divers segments du rachis. On pourrait piesque
dix'e que les uns ont pour fonction de raidir et de stabiliser la colonne vei’té-
brale, les autres de la mobiliser.
Indiquons brièvement confinent sont al teints ces deux buts, dans les por¬
tions cervico-dorsale et dorso-lombaire de la colonne rachidienne d’abord,
puis dans la région occipito-cervicale.
a) Région cervico-dorsale et dorso-lombaire. — Dans les régions dorso-
lombaire et cervico-dorsale du l’achis, la musculature pi'opre ou intrinsèque
est représentée par les muscles des gouttières vertébrales, ou muscles spinaux,
comprenant la masse sacro-lombaire, le long dorsal et le transversaire épi¬
neux, tous innervés par les branches postérieures des nei'fs rachidiens. Tous
ces muscles sont bilatéraux et symétriques. Si ceux d’un côté se contractent,
ils impriment à la colonne vertébrale un léger mouvement d’inclinaison
latéi'ale accompagné d’un petit moxivemcnt de rotation sur leur axe verti¬
cal ; loi'squ’ils se contractent des deux côtés à la fois, ils ont pour effet de
raidir la colonne vertébrale en la renversant en arrière si elle était vei'ticale,
ou de la redresser si elle était fléchie. Ce sont donc des extenseurs de la
BRANCHES POSTERIEURES DES NERFS RACHIDIENS 315

colonne vertébrale, des erectoves spinœ. A ce titre on peut dire qu’ils sont les
muscles de la station bipède, car c’est à eux que l’homme doit de pouvoir se
tenir longtemps debout sans fatigue.
On remarquera que s’ils sont mutuellement antagonistes les uns par rap¬
port aux autres, le mouvement d’extension que leur contraction associée
imprime à la colonne vertébrale n’a pas de muscles antagonistes. Or, nous
savons, depuis les recherches de Duchenne, de Boulogne, que la régulation
des mouvements dans les membres résulte de la combinaison de deux forces
agissant en sens contraire, l’une active, qui dirige le mouvement, l’autre
automatique, ou pour mieux dire synergique, qui le modère et l’assouplit.
Comment se fait-il donc que les mouvements d’extension de la colonne ver¬
tébrale qui ne sont pas modérés comme ceux des membres, par des muscles
antagonistes, soient néanmoins d’une souplesse parfaite. Cela tient à ce que
le tonus de ses muscles extenseurs est constamment en lutte avec le poids
des viscères abdominaux et thoraciques, qui tend perpétuellement, lorsque le
corps est en position verticale, à l’entraîner en avant, c’est-à-dii'e en flexion.
La pesanteur de ces viscères supplée ainsi la tension modératrice qu’exerce¬
raient, s’ils existaient, des muscles fléchisseurs. Grâce à elle et au tonus des
extenseurs, la rectitude du rachis est conservée sans qu’il soit nécessaire de
faire intervenir les muscles de renfort. Mais si nous voulons imprimer aux
segments mobiles de la colonne yertébrale des mouvements amples de pro¬
jection en avant, en arrière ou de côté que les muscles spinaux ne sont pas
capables d’exécuter, il nous faut avoir recours à la musculature extrinsèque
de l’épine dorsale. Ainsi, lorsque étant couchés sur le dos, nous faisons effort
pour nous mettre dans la position assise, nous contractons les muscles de
la paroi antérieure de l’abdomen qui, en attirant le thorax vers le pubis,
détermineront indirectement la flexion de la colonne dorso-lombaire et le
relèvement du tronc. De même, quand étant debout ou assis, nous inclinons
latéralement le tronc vers la droite ou vers la gauche, ce sont les muscles
carrés des lombes et les psoas iliaque — et non pas les muscles des gouttières
vertébrales — qui seront les agents actifs de ces mouvements.
b) Région occipito-cervicale. — Le segment occipito-cervical de la colonne
vertébrale étant beaucoup plus mobile que le segment dorso-lombaire, il
possède une musculature plus riche. On y trouve, en effet, dans la région de
la nuque, un groupe important de muscles, composé de chaque côté par le
splénius, le grand et le petit complexus, les grands et les petits droits pos¬
térieurs et obliques de la tête qui sont tous, quand ils se contractent des deux
côtés à la fois, extenseurs de la tête.
Il sont, comme les extenseurs propres de la colonne vertébrale, innervés
31G LES NERFS RACHIDIENS

par les branches postérieures des nerfs rachidiens. De plus il existe, dans la
région prévertébrale, un autre groupe de muscles, composé du long du cou
et des grand et petit droits antérieurs de la tête, qui sont fléchisseurs -— par
conséquent antagonistes des précédents — et reçoivent leur innervation des
branches antérieures du plexus cervical. -Ces deux groupes musculaires, pla¬
cés l’un en arrière, l’autre en avant de la région occipito-cervicale, servent
évidemment à stabiliser les attitudes de la tête dans les positions voisines de
la normale. Mais la tête doit jouir de déplacements très étendus pour que
le regard puisse être dirigé vers tous les points de l’horizon. Aussi sa muscu¬
lature propre est-elle renforcée par des muscles extrinsèques, susceptibles de
lui faire exécuter de larges mouvements de flexion, d’extension, d’inclinai¬
son latérale ; ces muscles de renfort sont le sterno-cléido-mastoïdien, les sca-
lènes, les faisceaux supérieurs du trapèze et l’angulaire de l’omoplate.

2° Réactions pathologiques. — Les branches postérieures des nerfs


rachidiens étant des nerfs mixtes, il convient d’envisager successivement :
1° Les réactions des fibres motrices ; 2° les réactions des fibres sensitives.

a) Réactions des fibres motrices. — La pathologie des deux systèmes de


muscles préposés à la motilité de la colonne vertébrale et de la tête comprend,
à côté des maladies communes à tous les muscles du corps, telles que les atro¬
phies musculaires myopathiques, neuropathiques ou myélopathiques et des
phénomènes morbides provoqués par des lésions primitives du squelette,
un petit nombre d’affections qui leur sont spéciales si non par leur nature
au moins par leur localisation. Telles sont, par exemple, les contractures
permanentes du sterno-cléido-mastoïdien ou du trapèze qui donnent nais¬
sance aux torticolis d’origine musculaire, celles des carrés des lombes qui
provoquent et entretiennent ces curieuses plicatures du tronc dont les neu¬
rologistes ont eu l’occasion d’observer tant d’exemples dans le cours de
la grande guerre, les spasmes rythmiques hystériques et les contractions
irrégulièrement périodiques qui caractérisent le torticolis mental de Bris-
saud. Dans tous ces cas c’est surtout et peut-être exclusivement la muscu¬
lature extrinsèque qui est mise en jeu par l’effet d’excitations provenant des
centres nerveux.
Les troubles fonctionnels de la musculature intrinsèque sont plus rares.
On peut cependant leur attribuer les phénomènes d’opisthotonos qui se pro¬
duisent dans les intoxications par la strychnine et dans le tétanos et sont
à n’en pas douter les effets de l’action exercée sur les centres médullaires
par les alcaloïdes strychniques ou les toxines tétaniques.
En revanche, les muscles intrinsèques de la colonne vertébrale et de la
BRANCHES POSTERIEURES DES NERFS RACHIDIENS 317

tète échappent à la paralysie, dans les cas d’hémiplégies organiques causées


par des lésions unilatérales du cerveau. Tout le monde sait que dès les
premiers jours qui suivent la disparition des phénomènes diffus, dus à
l’ictus apoplectique, les hémiplégiques vulgaires, incapables de mouvoir
leurs membres d’un côté du corps, peuvent cependant se tenir debout ou
assis, sans que leur tronc s’incline visiblement vers leur côté non paralysé,
ce qui devrait infailliblement arriver, par suite du déséquilibre des tonus,
si leurs muscles spinaux d’un côté étaient frappés d’inertie au même degré
que leurs muscles des membres, tandis que ceux du côté opposé auraient con¬
servé leur tonicité. Cette particularité est très vraisemblablement due à ce que
les incitations motrices qui leur sont destinées ne leurs arrivent qu’après
avoir été dédoublées et conjuguées dans des centres médullaires ou mésen-
céphaliques, de telle façon que les muscles symétriques reçoivent à la fois
des fibres directes et des fibres croisées, comme cela a lieu pour les muscles
accouplés dans les actes de l’oculogvrie.

b) Réactions des fibres sensitives. —- La distribution sensitive des bran¬


ches postérieures des nerfs rachidiens n’a pas d'applications cliniques très
importantes. Elle permet cependant, quelquefois, dans régions dorsolom-
baire, de localiser avec précision le siège des lésions provocatrices de cer¬
taines anesthésies. Si ces lésions se trouvent dans la moelle ou dans les ra¬
cines rachidiennes, l’anesthéie qu’elles détermient a une distribution net¬
tement métamérique, c’est-à-dire que sa limite supérieure horizontale croi¬
se nettement la direction oblique des côtes. Si elle siège sur les nerfs in¬
tercostaux au delà des ganglions des racines postérieures elle forme une
bande oblique de haut en bas et. d’arrière en avant, mais cette bande ne
commence qu’au delà de la région postérieure du tronc, innervée par la
branche postérieure du nerf rachidien correspondant, branche dont la con¬
ductibilité doit être conservée, puisqu’elle s’est détachée du tronc nerveux
en amont de la lésion provocatrice.
La seule branche cervicale qui ait un intérêt réel pour les cliniciens est
celle qui forme le grand nerf sous-occipital d’ARNOLD. Elle se distribue, ainsi
que le montrent nos planches VI et XIII, à la peau de toute la région occipito.
pariétale. Elle est sujette à des névralgies très pénibles, affectant parfois la for¬
me migraineuse, qu'il est souvent fort difficile de distinguer des céphalées
occipitales dues à des néoplasmes intra-craniens, ou à des lésions du naso-
pharynx. Quand elle a été contusionnée par un projectile d’arme à feu, on
constate assez fréquemment, avec une anesthésie occupant toute sa zone de
distribution, des douleurs de tête persistantes, des éblouissements A^ertigi-
318 LES NERFS RACHIDIENS

neux et des phénomènes de fatigabilité physique et mentale rappelant ceux


qu'on observe dans le syndrome commotionnel. Son tronc est aussi, souvent,
d’après MM. Mairet et Piéroa, douloureux à la pression dans les cas de
commotion cérébrale pure par le vent des explosifs, même lorsque la com¬
motion ne s’est accompagnée d’aucune meurtrissure apparente, ni d’aucune
contusion, de la région occipitale.
D’après ces mêmes observateurs, le grand nerf occipital d’Arnold serait
souvent, le siège de douleurs syncinésiques irradiées de l’occipital vers là
branche ophtalmique du trijumeau, ou vice versa.

ARTILGE III

PLEXUS CERVICAL
[Planche XIVj.

On donne le nom de plexus cervical à l’ensemble des anastomoses que


forment, avant leur distribution périphérique, les branches antérieures des
quatre premiers nerfs cervicaux.

§1.- ANATOMIE

Le plexus cervical est profondément situé en arrière du bord postérieur du


sterno-cléido-mastoïdien, entre les muscles prévertébraux, qui sont en de¬
dans, et les insertions cervicales du splénius et de l’angulaire, qui sont en
dehors.

1° Mode de constitution du plexus. — Les branches antérieures des


quatre premiers nerfs cervicaux, pour constituer le plexus, se comportent
de la façon suivante :
a) La branche antérieure du premier nerf cervical, située entre l’occipital
et l’atlas, suit tout d’abord la gouttière de l’artère vertébrale. Elle se sépare
de ce vaisseau au niveau du trou qui occupe la base de l’apophyse transverse
de l’atlas et, s’infléchissant alors en avant et en bas, elle vient se réunir
avec un rameau ascendant de la branche antérieure du deuxième nerf cer¬
vical.
jj) La branche antérieure du deuxième nerf cervical, au sortir du trou de
conjugaison, chemine de dedans en dehors dans la gouttière que lui présente
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Gd nerf sous-occipital

Droit latéral

P' droit ant'

Mastoïüe __ _Occipital

■ M ' ■"
-Gd hypoglosse
Br auriculaire
St.-cl.-mastoïdien -Pneumogastrique

... m
■K)
Br. mastoïdienne -':k#
* ''JM- Gi droit ant’
Plexus cervical superficiel

G° cervical supr

AT_Long du cou
Br cervicale transverse -
i-.‘u c'L'

... . • '.•M
•V.'»F J il ' -il■
-G“ cervical moyen

Br. sus-claviculaire
■ ’Vi 11,

iVJS'.t'jUl
Br. sus-acromiale

Angulaire

It/iomboidc ïviï-iÿïllibidl- St. hyoïdien


■ ? ';'iiï 1-t'l
l \ ■' n

Omo-hyoïdien
tU-St thyroïdien

Acromion _G° cervical inP

.Clavicule


_Sternum

V juy. interne
N phrénique

Diaphragme

PLANCHE XIV

PLEXUS CERVICAL

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur


PLEXUS CERVICAL 319

1 apophyse transverse de l’axis, entre les deux muscles intertransversaires cor¬


respondants, en arrière de l’artère vertébrale qui la croise à angle droit. Arri¬
vée au sommet de l’apophyse, elle se partage en deux rameaux, dont 1 un,
ascendant, se réunit à la branche antérieure du premier nerf cervical, tandis
que l’autre, descendant, s’anastomose avec le troisième.
7) La branche antérieure du troisième nerf cervical, arrivée au sommet
de l’apophyse transverse de la troisième vertèbre cervicale, se bifurque en
deux rameaux : un rameau ascendant, qui se réunit, en avant de l’apophyse
transverse de l’axis, avec le rameau descendant de la branche précédente
un rameau descendant, qui s’anastomose avec un rameau ascendant de la
branche suivante.
S) La branche antérieure du quatrième nerf cervical s’anastomose, de
même, par un rameau ascendant avec le rameau descendant du troisième et
envoie un petit filet anastomotique à la branche antérieure du cinquième,
lequel, comme nous l’avons dit plus haut, se rend au plexus brachial.
Au total, le plexus cervical est formé par trois arcades nerveuses, qui se
superposent, dans le sens vertical, au devant des apophyses transverses des
trois premières vertèbres cervicales. Rappelons que la veine jugulaire interne,
la carotide interne et le pneumogastrique descendent verticalement sur sa
face antérieure et un peu en dehors de lui.

2° Anastomoses. —- Au niveau des arcades ci-dessus décrites, le plexus


cervical s’anastomose avec trois nerfs :
a) Avec le grand hypoglosse, par deux ou trois filets qui se détachent de
la première arcade ou arcade préatloïdienne et qui se jettent, l’un dans la
partie la plus élevée de l'hypoglosse, les deux autres dans la portion de ce
nerf qui contourne le pneumogastrique ;
p) Avec le pneumogastrique, par un filet (il manque parfois) qui naît
également de l’arcade préatloïdienne pour aboutir au ganglion plexiforme ;
y) Avec le grand sympathique, par trois ou quatre filets, fort grêles, qui
se détachent de chacune des branches constitutives du plexus et se termi¬
nent, soit dans le ganglion cervical supérieur, soit dans le ganglion cervical
moyen.

3° Distributions. — Quinze branches émanent du plexus cervical. On


les divise ordinairement, d’après leur situation, en deux groupes : 1° bran¬
ches superficielles ou cutanées ; 2° branches profondes ou musculcûires.

a) Branches superficielles. — Les branches superficielles, dont l’ensem¬


ble constitue le plexus cervical superficiel, sont au nombre de cinq. Réunies
320 LES NERFS RACHIDIENS

tout d’abord sur la partie moyenne du bord postérieur du sterno-cléido-


mastoïdien, elles se séparent bientôt, comme autant de rayons divergents,
pour gagner les territoires cutanés auxquels elles sont destinées. De ces
cinq branches, l’une se poi'te transversalement en avant, c’est la branche
cervicale transverse ; deux se portent en haut, ce sont la branche auriculaire
et la branche mastoïdienne ; deux, enfin, se dirigent en bas, la branche
sus-claviculaire et la branche sus-acromiale.
a) La branche cervicale transverse lire son origine de l’anastomose qui
unit les deuxième et troisième paires cervicales. Après avoir contourné le
bord postérieur du sterno-cléido-mastoïdien, elle chemine d’arrière en avant
sur la face externe de ce muscle, croise la veine jugulaire externe (à laquelle
elle abandonne un filet) et se partage en deux ordres de rameaux, les uns
ascendants, les autres descend, nts. Ces rameaux terminaux, situés tout
d’abord au-dessous du peaucier, perforent ce muscle en des points divers
et se distribuent, les premiers (ascendants) à la peau de la région sus-hyoïdien¬
ne, les seconds (descendants) à la peau de la région sous-hyoïdienne.
£) La branche auriculaire se détache également de l’anastomose des
deuxième et troisième nerfs cervicaux, le plus souvent par un tronc commun
avec la branche précédente. Du bord postérieur du sterno-cléido-mastoï¬
dienne, elle se porte en haut vers le sillon qui sépare l’apophyse mastoïde
du pavillon de l’oreille et, là, se partage en deux rameaux, l’un interne,
l’autre externe : le rameau interne se ramifie dans la peau qui recouvre la
face interne du pavillon de l’oreille ; le rameau externe perfore de dedans
en dehors le pavillon, un peu au-dessus du lobule, arrive ainsi sur sa face
externe et se distribue à la peau qui recouvre l’hélix et la concavité de la
conque. A noter que, chemin faisant, la branche auriculaire du plexus cer¬
vical envoie une anastomose à la branche inférieure du nerf facial (voy. ce
nerf, p. 281) et plusieurs filets à la parotide.
y) La branche mastoïdienne, née du deuxieme nerf cervical, se porte vers
la mastoïde en suivant le bord postérieur du sterno-cléido-mastoïdien. En
atteignant cette apophyse, elle se divise en deux rameaux : un rameau
antérieur, pour la peau qui recouvre la région mastoïdienne et la partie
postérieure de la région temporale ; un rameau postérieur, pour la peau de
la région occipitale.
8) La branche sus-claviculaire provient du quatrième nerf cervical. Se
portant obliquement en bas et en avant, elle descend dans le triangle sus-
claviculaire et s’épanouit en une nombreuse série de rameaux divergents,
qui viennent se terminer dans la peau de la région sous-claviculaire, depuis
le sternum jusqu’au bord externe du grand pectoral.
PLEXUS CERVICAL 321

e) La branche sus-acromiale, enfin, émane du troisième nerf cervical par un


tronc qui lui est commun avec la branche précédente. Se portant oblique¬
ment en bas et en dehors, elle croise successivement le triangle sus-clavicu¬
laire, la face externe du trapèze, le bord antérieur de la clavicule et vient
se distribuer, par de nombreux rameaux divergents, dans la peau qui recou¬
vre le moignon de l’épaule.

b) Branches profondes. — Les branches profondes, qui forment par leur


ensemble le plexus cervical profond, sont au nombre de dix. Elles naissent
successivement des trois arcades nerveuses ci-dessus décrites et se divisent,
d’après leur direction, en quatre groupes : 1° branches ascendantes ; 2° bran¬
ches descendantes ; 3° branches internes ; 4° branches externes.
a) Branches ascendantes. — Elles sont au nombre de deux : le nerf du
droit latéral et le nerf du petit droit antérieur, rameaux très grêles, qui se dé¬
tachent du premier nerf cervical et vont se perdre, le premier dans le muscle
droit latéral de la tête, le second dans le muscle petit droit antérieur.
b) Branches descendantes. -— Elles sont également au nombre de deux :
la branche descendante interne et le nerf phrénique.
a) La branche descendante interne du plexus cervical se détache à la fois
du deuxième nerf cervical et du troisième. Comme son nom l’indique, elle
descend au-deissous du sterno-cléido-mastoïdien, le long de la jugulaire
interne, jusqu’au niveau du point où le muscle omo-hyoïdien croise ce vais¬
seau. Là, elle s’anastomose avec la branche descendante du grand hypoglosse,
pour former cette arcade importante (anse de l'hypoglosse), déjà décrite
à propos du nerf grand hypoglosse (voy. p. 260 et planche XI), d’où
s’échappent les rameaux des trois muscles sterno-hyoïdien, omo-hyoïdien
et sterno-thyroïdien.
P) Le nerf phrénique, remarquable par la longueur de son trajet tout
autant que par l’importance de ses fonctions, s’étend du plexus cervical au
muscle diaphragme. Le plus souvent, il tire sa principale origine du qua¬
trième nerf cervical ; il est ensuite renforcé, presque immédiatement après,
par deux rameaux additionnels, qui proviennent, l’un du troisième nerf
cervical, l’autre du cinquième. — Ainsi constitué, le phrénique se porte
verticalement en bas, longe tout d’abord la face antérieure du scalène anté¬
rieur, puis, contournant le bord interne de ce muscle, passe dans le thorax.
Rappelons en passant que, à ce niveau, il s’anastomose avec le sympathi¬
que cervical, le grand hypoglosse et le nerf du soüs-clavier. — En entrant
dans le thorax, le phrénique oblique un peu en dedans, embrasse dans une
légère courbe le sommet du cône pulmonaire et vient se placer sur la face
interne du poumon. Bientôt après, il croise, en avant, le pédicule pulmonaire
LES NERFS EN SCHÉMAS 21
322 LES NERFS RACHIDIENS

et arrive alors à la face supérieure du diaphragme, où il s’épanouit en de


nombreux rameaux divergents, que nous distinguerons en supérieurs et infé¬
rieurs : les premiers (sous-pleuraux), cheminent entre la plèvre et le dia¬
phragme et, finalement, se perdent dans les différentes portions de ce mus¬
cle ; les seconds (sous-péritoneaux), après avoir perforé le diaphragme, che¬
minent entre ce muscle et le péritoine et se perdent, en partie, dans le dia¬
phragme (y compris ses piliers), en partie dans le péritoine sous-diaphrag-
matique. A noter que de ces rameaux sous-péritoneaux se détachent toujours
un certain nombre de filets (filets abdominaux du phrénique) pour les capsules
surrénales et pour le plexus solaire. — Au cours de leur trajet intra-thora-
cique, les neifs phréniques abandonnent ouelques fins rameaux à la plèvre
costale, à la plèvre médiastine et au péricarde.
c) Branches internes. — Les branches internes, au nombre de deux, le
nerf du grand droit antérieur et le nerf du long du cou, se dirigent en
dedans et se distribuent à ces deux muscles.
d) Branches externes. — Au nombre de quatre, ces branches se portent
en dehors. Ce sont :
a) Le nerf du sterno-cléido-mastoïdien, qui naît par deux racines de la
deuxième et de la troisième arcade du plexus cervical et qui se distribue
au sterno-cléido-mastoïdien, en s’anastomosant, dans l’épaisseur de ce mus¬
cle, avec la branche externe du spinal ;
P) Le nerf du trapèze, qui tire son origine du troisième nerf cervical et se
termine dans le trapèze, en s'anastomosant, comme le précédent, avec la
branche externe du spinal ; le trapèze, comme le sterno-cléido-mastoïdien, a
donc une double innervation (plexus cervical et nerf spinal) ;
yj Le nerf de l’angulaire, qui naît au même niveau que le précédent et se
jette dans le muscle angulaire de l’omoplate ;
8) Le nerf du rhomboïde, qui contourne le scalène postérieur, en se diri¬
geant vers l’angle postérieur de l’omoplate, et se perd dans les faisceaux
du muscle rhomboïde.

§ 2. PHYSIOPATHOLOGIE

1° Branches superficielles. — Par ses branches superficielles, toutes sen¬


sitives, le plexus cervical donne la sensibilité aux téguments qui recouvrent
la portion latérale des régions pariétale et occipitale, y compris la mastoïde
et le pavillon de l’oreille, les régions antérieure et latérales du cou, les régions
sus et sous-claviculaires, et enfin, le sommet du moignon de l’épaule. Dans
PLEXUS CERVICAL 323

ces différentes régions son territoire est limitrophe : en haut, du domaine


du trijumeau ; en arrière, de celui des branches postérieures des nerfs cervi¬
caux ; en bas, de celui des premiers nerfs intercostaux.

2° Branches profondes. — Par ses branches profondes, toutes motrices,


il donne la motilité : 1° aux muscles de la région prévertébrale ; 2° aux mus¬
cles des régions antérieure et latérales du cou (sauf au digastrique, au stylo-
hyoïdien et au peaucier, qui sont innervés par des rameaux du facial) ; 3° au
diaphragme, par le phrénique ; 4° enfin, il partage avec la branche externe
du spinal l’innervation du sterno-cléido-mastoïdien et du trapèze.
Or, les muscles prévertébraux, c’est-à-dire les grands et petits droits anté¬
rieurs de la tête et le long du cou auxquels on peut joindre le droit latéral
de la tête, sont fléchisseurs et rotateurs de la tête et du cou ; le diaphragme
est l’agent principal de l’ampliation inspiratoire du thorax, à laquelle pren¬
nent accessoirement part les muscles sus et sous-hyoïdiens (particulière¬
ment le sterno-cléïdo-hyoïdien, le sterno-thyroïdien, les stylo-, milo- et
génio-hyoïdiens) et les muscles des régions latérales du cou (scalènes, angu¬
laire de l’omoplate, sterno-cléïdo-mastoïdien et trapèze) sont à la fois amplia-
leurs du thorax et rotateur de la tête et du cou.
On peut donc dire que le plexus cervical préside à deux sortes de mou¬
vements : 1° aux mouvements de flexion, de rotation et d’inclinaison latérale
de la tête et du cou ; 2° aux mouvements inspiratoires du thorax (1).
Ceux du premier groupe ont été étudiés plus haut à propos du nerf spinal •
ceux du second, commandés par Ile phrénique, méritent une description
spéciale.

3* Nerf phrénique. — La plus importante des branches du plexus cervical


est le nerf phrénique ou diaphragmatique, dont nous avons indiqué ci-dessus
les origines apparentes, le trajet, les rapports et les terminaisons.

a) Ses origines réelles. — Le siège précis de ses origines réelles dans la


moelle épinière est connu depuis près de 2.000 ans. C’est, en effet, Galien

qui a démontré, par deux expériences restées célèbres : 1° que la section


de la moëlle à la hauteur de la VIIe vertèbre cervicale, détermine en même
temps qu une paralysie totale des quatre membres, une inertie complète des
muscles de la partie inférieure du thorax; 2° que la section de la moëlle entre

(1) Nous avons donné assez de détails dans le chapitre II (page 251), à propos du nerf
spinal, sur les paralysies du trapèze et du sterno-cléido-mastoïdien, pour qu’il nous pa¬
raisse inutile de revenir maintenant sur ce sujet.
324 LES NERFS RACHIDIENS

la IIIe et la IVe vertèbre cervicale abolit, en outre, la motilité du diaphragme


et de la partie supérieure de la poitrine. C’est donc entre la III8 et la IVe cer¬
vicale que se trouvent les noyaux d’origine du phrénique.
A ces expériences fondamentales de Galien, les physiologistes du siècle
dernier en ont ajouté quelques autres d’un grand intérêt. Legallois a cons-
- taté notamment que la section de la moëlle entre la Ie et la IIe vertèbre cervi¬
cale, c’est-à-dire au iniveau du collet du bulbe, arrêtait immédiatement les
mouvements respiratoires, ce qui entraînait fatalement la mort de l’animal
opéré. Flourens émit plus tard l’hypothèse qu’en ce point précis se trouvait
le centre commun de toutes les incitations nerveuses nécessaires à la persis¬
tance de la vie et pour bien spécifier la nature, et la haute importance
de ses fonctions, il lui avait donné le nom île nœud vital. Les recher¬
ches ultérieures de Longet, Claude Bernard, Paul Bert, etc., ont
démontré que la conception de Flourens était inexacte, qu’il n’existait pas
un centre unique régissant à lui seul toutes les modalités de l’activité de la
vie, mais qu’il y a, en réalité, à l’extrémité inférieure du IVe ventricule, de
chaque côté de la ligne médiane, un peu au-dessus des noyaux d’origine,
du pneumogastrique, un point dont la destruction est suivie de l’arrêt imjmé-
diat des mouvements respiratoires du côté correspondant, si celle-ci est uni¬
latérale, des deux côtés si elle est bilatérale, et que, dans ce dernier cas,
l’animal meurt, non par suite de l’extinction d’un principe vital, dont la
réalité n’a jamais été démontrée, mais tout simplement par suspension des
actes mécaniques de la respiration.
En d’autres termes, il existe au-dessus du noyau d’origine des phréniques
un centre commun d’association, d’où partent les incitations régulatrices des
mouvements respiratoires. Ce centre se trouve à la partie inférieure du bulbe,
de chaque côté de la pointe du bec du calamus scriptorius. Lorsqu’il est
détruit, l’ainimal meurt parce qu’il ne peut plus respirer.

b) Son action respiratoire. — Mais revenons au nerf phrénique, qui doit


seul nous occuper en ce moment. Il innerve le diaphragme qui est chez
l’homme et la plupart des animaux vertébrés, non pas le seul, mais le prin¬
cipal muscle inspirateur. Si on coupe le nerf phrénique d’un côté, la moi¬
tié correspondante du diaphragme est frappée d’inertie paralytique ; si on
le coupe des deux côtés, le diaphragme est totalement paralysé. L’inspira¬
tion n’est pas pour cela absolument supprimée, car les muscles inspirateurs
accessoires qui sont les sus et sous-liyoïdiens, les scalènes, le trapèze, le
sterno-cléido-mastoïdien, etc., peuvent dans une certaine mesure le suppléer;
mais elle est moins profonde, moins ample, et par conséquent moins efficace
PLEXUS CERVICAL 325

que lorsque le diaphragme a conservé sa contractilité (voy. pour plus de


détails sur le mécanisme respiratoire l’article Y consacré aux nerfs intercos¬
taux, p. 106).
Dans les conditions ordinaires de la vie. les deux côtés du diaphragme se
contractent simultanément. Leur contraction a pour effet d’augmenter tous
les diamètres de la poitrine ; lé vertical, en refoulant vers 1 épigastre les
viscères abdominaux qui sont logés dans la concavité de sa voûte ; l’antéro¬
postérieur et les transversaux, en diminuant l’obliquité des côtes inférieures
et en provoquant, par ce fait, un élargissement de la base de la cavité tho¬
racique. Son jeu se traduit à l'inspection par la turgescence du creux épi¬
gastrique pendant l’inspiration et son affaissement durant l’expiration. Ces
changements de forme et de volume de la région épigastrique caractérisent
le type respiratoire dit abdominal ou diaphragmatique, qui est. normal
chez l’homme. Les femmes respirent d’ordinaire suivant un mode un peu
différent dans lequel, le diaphragme se contractant avec moins d’énergie,
l’épigastre reste à peu près complètement immobile. L’ampliation inspira¬
toire de la poitrine résulte surtout, chez elles, du raccourcissement actif des
muscles cervicaux qui s’insèrent sur la clavicule et le sternum, tels que
les scalènes et les sterno-cléido-mastoïdiens.- Ce raccourcissement attire vers
le haut la paroi antérieure du thorax et, par conséquent, augmente la capa¬
cité de la cavité pectorale en diminuant l'obliquité des côtes ; ce type respi¬
ratoire est appelé thoracique ou. supérieur.
Que la respiration s’effectue par le mode thoracique ou par le mode abdo¬
minal le résultat est sensiblement le même. Pendant l'inspiration, le thorax
se dilate activement et son ampliation détermine par appel au vide la péné¬
tration de l’air extérieur dans la trachée et les bronches ; durant Y expira¬
tion, les muscles inspirateurs se relâchent et l’élasticité pulmonaire ramène
passivement le thorax à sa position de repos en chassant au dehors l’air
qu’avait fait pénétrer dans les poumons l’inspiration précédente.

c) Ses fibres sensitives. — Le nerf phrénique ne contient pas seulement


des fibres motrices ; il en renferme aussi de sensitives et de réflecto-motrices.
Si, après l’avoir coupé on électrise son bout central, l’animal donne des
signes non équivoques de douleurs, et exécute des mouvements désordonnés.

d) Sa pathologie. — Les lésions du phrénique donnent lieu à des trou¬

bles moteurs, à des toubles sensitifs, et à des troubles réflexes.


a) Troubles moteurs. — La paralysie des phréniques, ou pour mieux dire,
la paralysie du diaphragme, bien étudiée par Duchenne de Boulogne, a pour
326 LES NERFS RACHIDIENS

symptôme fonctionnel une polypnée permanente, s’exagérant au moindre


effort, et pour symptôme physique, l’inversion des, mouvements respiratoi¬
res du creux épigastrique qui, au lieu de se gonfler comme à l’état normal
pendant l’inspiration, et de s’affaisser pendant l’expiration, devient saillant
dans l’expiration et se déprime dans l’inspiration.
b) Troubles sensitifs. — L’irritation du nerf phrénique par des tumeurs
ou des inflammations du voisinage (péricardites, pleurésies diaphragmati¬
ques) détermine quelquefois des douleurs névralgiques très intenses, sié¬
geant principalement aux insertions costales du diaphragme entre la VIIe et
la Xe côte (points thoraciques inférieurs) au niveau des IIe ou IIIe articula¬
tions chondro-sternales (points sternaux), à la partie latérale du cou, en
avant du scalène antérieur (point cervical antérieur), à la hauteur des IIIe et
IVe vertèbres cervicales (point cervical postérieur ou apophysaire.) Parties
de ces points, les douleurs s’iiTadient parfois vers la clavicule, vers l’épaule,
la mastoïde, la mâchoire inférieure, en suivant les trajets des branches
superficielles du plexus cervical, etc. Elles sont parfois assez fortes pour
limiter l’amplitude des mouvements respiratoires et rendre très pénibles les
efforts de toux, le bâillement, le hoquet, et, d’une façon générale, tous les
actes à l’exécution desquels prend part le diaphragme.
c) Troubles réflexes. — L’inspiration et l’expiration ont pour effet d’intro¬
duire mécaniquement l’air dans les poumons et de l’en expulser après que
les échanges gazeux qui constituent l’acte essentiel de la respiration sont
accomplis. C’est là leur but principal, mais ce n’est pas leur seule fonction.
La phonation, le chant, le sanglot, le bâillement, l’éternuement, la déglu¬
tition, la régurgitation, le vomissement, l’effort, etc., exigent des suspen¬
sions momentanées ou des modifications parfois volontaires, plus souvent
réflexes du rythme respiratoire. Le diaphragme, et par conséquent le phré¬
nique dont il tire son innervation, prend une part à l’exécution de tous ces
actes, et intervient dans leur pathogénie lorsqu’ils se produisent sous
l’influence des causes morbides accidentelles, à tel point qu’on peut assez
souvent les atténuer ou les faire disparaître complètement par de simples
exercices de gymnastique respiratoire. C’est ainsi, par exemple, qu’on peut
fréquemment arrêter des hoquets incommodes, en faisant exécuter aux pa¬
tients quelques inspirations lentes et profondes.
On peut également guérir par une rééducation relativement facile du
rythme respiratoire la plupart des cas de bégaiements. Le bégaiement par
lui-même est, en effet, plutôt une névrose de la respiration que de l'articu¬
lation. Tous les bègues respirent mal et c’est en les habituant à régler leurs
PLEXUS BRACHIAL (PLEXUS PROPREMENT DIT ET RACINES) 827

inspirations qu’on arrive le plus sûrement et le plus vite à les débarrasser


de leur désagréable infirmité.

ARTICLE IV

PLEXUS BRACHIAL
[.Planches XV el XX/].

On désigne sous le nom de plexus brachial l’entrelacement nerveux que


forment, avant leur distribution périphérique, les branches antérieures des
quatre derniers nerfs cervicaux et du premier nerf dorsal. Issu du renfle¬
ment cervical de la moelle épinière, il se distribue au membre supérieur qui,
comme on le sait, est chez l’homme un membre hautement différencié,
remplissant dans la mécanique animale les fonctions les plus importantes et
les plus délicates. Le plexus brachial acquiert ainsi, au triple point de vue
anatomique, physiologique et clinique, un intérêt tout spécial et, adoptant
pour lui, en raison même de son importance, un plan un peu différent de
celui que nous suivrons pour les autres plexus, nous le diviserons en trois
parties, que nous étudierons successivement, savoir :
1° Le plexus proprement dit, avec ses racines ;
2° Les branches collatérales ;
3° Les branches terminales.

A) PLEXUS PROPREMENT DIT AVEC SES RACINES

§ 1. — ANATOMIE

Le plexus brachial, nous venons de le dire, est l’entrelacement nerveux que


forment les branches antérieures des quatre dernières paires cervicales et de
la première dorsale. Voyons, d’abord, son mode de constitution.

1° Mode de constitution du plexus.— En débouchant des trous de conju¬


gaison et des espaces intertransversaires, les cinq branches constitutives ou
racines du plexus brachial se comportent de la façon suivante (fig. 82) :
«) La cinquième cervicale, très obliquement descendante, s’unit avec la
:î28 LES NERFS RACHIDIENS

sixième pour former un cordon unique, lequel sc bifurque bientôt en deux


branches, l’un supérieure, l’autre inférieure ; il en résulte un X majuscule
renversé (x ).
£) De même, la première dorsale, obliquement ascendante s’unit avec la hui¬
tième cervicale, dont la direc-
1A Cs
tion est a peu près transversale,
pour former un deuxième cor-
branches constituantes...___— uû(d9 *lon qui se partage lui aussi en
deux branches, l’une supé-
^£*7 rieure, l’autre inférieure. Il
en résulte un nouvel X ren-
versé fx), situé au-dessous
Plexus brachial.pi Ollier.
y) Entre ces deux X ner-
veux chemine isolément la
'A p
septième cervicale jusqu au
niveau de la première côte.
Circonflexe U> eüe se divise en deux

branches f branches à la manière d’un Y


TERMINALES. fr - Kadial.
renversé (>■ ) : la branche su-
Brachial cutané interne, périeure se réunit à la bran¬
che de bifurcation inférieure
Cubital. .
de 1 X qui est au-dessus ; la
_Médian. branche inférieure s’unit, de
Muscuio-cutané. meme, avec la blanche de bi-
Fi„ gg furcation supérieure de l’X
Le plexus brachial, avec ses racines et ses branches qui est au-dessous.
, , * ' Voila la description, assu-
En haut, ses cinq branches constituantes ou racir 1
nés, striées en long — En bas, ses six branches ter- rément bien simple et toute
mmales, egalement striees en long. A la partie moyen- i
ne, le plexus proprement dit, en noir plein. Il peut se s^tipmAfinno mi’/vn ti-oinrh
définir, anatomiquement : tout ce qui est compris ocuem» tique, qu Oïl trouve
entre la terminaison des branches constituantes et i < 1 i-
l’origine des branches terminales, autrement dit, tout Udlls piesqUL VOUS ILS Il\ie&.
ce qui n’est pas les branches constituantes ou les
branches terminales. Ou la rencontre plus rarement
sur les sujets, où le mode de
constitution du plexus brachial est cil réalité beaucoup plus compliqué. Il
suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur un certain nombre
de préparations ou de dessins faits d’après nature. On y constatera presque
toujours une intrication tellement complexe qu’elle se prête difficilement
à une analyse claire et précise. Elle s’v prête d’uutant moins qu’elle est sujette
à des variations individuelles fort nombreuses.
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Constitution schématique

du
3' VERTÈBRE CERVICALE .
PLEXUS BRACHIAL

Cv
R oculairi
,-t nyulaire t

Rhomboïde _ C*

Sous-claoierl N. phrénique

N circonflexe, QVI

Sous-scapulaire
Scalène anl
Sus-épineux

Sous-épineux

P' rond Scalene post

_Cvm

_D
K. çut* de' l’épaule
__ G" cervical inf

vl™ vert' dorsale

Deltoïde _

_Gi pectoral

G" dorsal_

Gd rond—. _ P' pectoral

N radial N. brachial eut int'


et son accessoire
N musculo-cutané
Gâ dentelé

_N culutal
N médian

4” CÔTE

PLANCHE XV

PLEXUS BRACHIAL

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur.


PLEXUS BRACHIAL (PLEXUS PROPREMENT DIT ET RACINES) 329

2° Situation et forme. — Le plexus brachial est situé tout d’abord sur la


partie latérale du cou, dans la région sus-claviculaire. Il passe ensuite sous
la clavicule et descend dans le creux de l'aisselle, où il se termine.
On peut donc, topographiquement, lui distinguer trois portions : une
portion supéiieure ou cervicale, une portion moyenne ou rétro-claviculaire et
une portion inférieure ou axillaire.
Envisagé dans son ensemble, il représente assez bien une sorte de triangle,
dont le sommet tronqué occupe le creux axillaire et dont la base, située sur les
côtés de la colonne vertébrale, correspond exactement à la série des trous le
conjugaison qui livrent passage à ses cinq branches constitutives ou racines.
!

3° Anastomoses. — Le plexus brachial s’anastomose, à différentes hau¬


teurs :
a) Avec le plexus cervical, par une branche de grosseur variable, qui

descend de la quatrième cervicale à la cinquième.


P) Avec le grand sympathique, sur deux points : 1° par un ou deux filets
qui, de la cinquième et de la sixième paires, se rendent au ganglion cervical
moyen ; 2° par quatre autres filets, qui se détachent des sixième, septième,
huitième cervicales et première dorsale, et se jettent dans le nerf vertébral,
l’une des branches du ganglion cervical inférieur (voy. Grand sympathique).
y) Avec le deuxième nerf intercostal, par un rameau, généralement très
grêle, qui, de ce nerf, se rend à la cinquième branche d’origine du plexus
en croisant la deuxième côte.

4° Distribution. — Les branches fournies par le plexus brachial, abs¬


traction faite de quelques rameaux très grêles qui se perdent, dès leur origine,
dans les muscles scalènes antérieur et postérieur (nerfs des scalènes), sont au
nombre de dix-huit. On les divise, pour la commodité de l’étude, en deux
groupes :
1° Les branches collatérales ;
2° Les branches terminales.
Nous les étudierons séparément dans deux paragraphes distincts. Voyons,
aupaiavant, la physiopathologie du plexus brachial, proprement dit.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

1° Données anatomo physiologiques. — Nous venons de voir que le


plexus brachial est formé par les anastomoses qu’échangent entre eux, dans
330 LES NERFS RACHIDIENS

leur trajet extra-rachidien, les troncs radiculaires provenant des quatre der¬
nières paires cervicales et de la première dorsale. Chacun de ces cinq troncs
est lui-même formé par la coalescence d’une racine antérieure motrice avec
la racine postérieure sensitive correspondante, auxquelles s’annexent au

PLEXUS BRACHIAL DU COTÉ DROIT AVEC SES RACINES

ET SES BRANCHES (VUE ANTÉRIEURE)

N phremqu

N. de l'angulaire
N du rhomboïde

N sus-scapulaire - -

N sous-scapulaire
supérieur

-2DB

^ N du grand dentelé.

N du sous clavier.

1 • • N du petit pectoral.

L" N du grand pectoral.

N brachial cutané interne


Son accessoire

Fig. 83.
Schéma indiquant le mode de constitution du plexus brachial (côté droit).
A droite de la figure, se voient les branches raohidiennes d’où émanent le plexus : Civ, Cv.
Cvi, Cvn, Cviu, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième paires cervicales : Di, DU,
première et deuxième paires dorsales
En dehors et en bas, le plexus lui-même et ses différentes branches : les branches dont le nom
est souligné sont les branches terminales ; les autres, sont les branches collatérales.
Le gros trait noir, à direction transversale, placé à la partie moyenne du plexus indique la
situation de la clavicule.

niveau du ganglion spinal des filets du grand sympathique provenant des


rarni communicantes ; il renferme donc tous les éléments constitutifs d’un
nerf mixte, et est tout à fait comparable au tronc d’un nerf intercostal.
Mais, tandis que les nerfs intercostaux, issus des métamères du segment
dorsal de la moelle, vont directement se distribuer aux muscles et aux por-
PLEXUS BRACHIAL (PLEXUS PROPREMENT DIT ET RACINES) 331

tions des téguments auxquels ils sont destinés, en conservant d’un bout à
l’autre leur systématisation primitive, les troncs radiculaires du plexus bra¬
chial, issus des métamères du renflement cervico-brachial, traversent, avant
d’aboutir à leur destination terminale, une formation réticulaire, où leurs
fibres se disjoignent et se mélangent de telle sorte que les branches afféren¬
tes du plexus ont une toute autre fasciculation que ses branches afférentes.
Le problème physiologique soulevé par cette transformation consiste à
rechercher comment elle s’opère, quel est son but et quels sont ses effets
ou, en termes plus concrets de quelles paires de racines rachidiennes pro¬
viennent les fibres nerveuses qui, après leur passage dans le plexus, entrent
dans la composition de chacun des nerfs du membre supérieur. Il est à peu
près résolu. Un premier fait surabondamment démontré, à la fois par l’ex¬
périmentation sur les animaux et par la clinique humaine, c’est que les fibres
nerveuses qui traversent le plexus y conservent intégralement leur indivi¬
dualité, et n’y acquièrent aucune propriété nouvelle ; elles ne font qu’y
changer leur mode de groupement, de façon à réunir dans les mêmes nerfs
périphériques les conducteurs de la motilité et de la sensibilité qui partici¬
pent habituellement ensemble à l’exécution de certains actes fonctionnelle¬
ment différenciés. Le inerf radial, par exemple, qui innerve les muscles
extenseurs et supinateurs du bras, de l’avant-bras et de la main, et donne la
sensibilité à la région postéro-externe du membre supérieur, a ses protoneu¬
rones moteurs et sensitifs échelonnés dans les cinq métamères du renfle¬
ment cervico-dorsal de la moelle, d’où émergent les cinq^ paires de racines du'
plexus brachial. Pour le paralyser complètement, en agissant sur ces racines,
il faudrait donc les sectionner toutes, ce qui entraînerait fatalement la para¬
lysie de tous les autres nerfs du membre supérieur correspondant. Mais dans
son passage à travers le plexus, les fibres motrices destinées aux muscles
extenso-supinateurs, et les fibres sensitives qui doivent se rendre à la région
postéro-externe du bras, de l’avant-bras et de la main, se sont réunies en un
cordon unique, le nerf radial, dont la section déterminera une paralysie
sensitivo-motrice limitée aux muscles auxquels se distribue ce nerf et aux
territoires cutanés qui les recouvrent.
Le nerf médian reçoit lui aussi des fibres provenant des cinq racines du
plexus brachial ; le nerf musculo-cutané naît des deux racines supérieures
de ce plexus (VIe et VIIe Cervicales), et le nerf cubital des deux inférieures
(VIIP Cervicale et Ire Dorsale).
On a poussé beaucoup plus loin l’analyse des origines réelles des fibres
nerveuses qui se distribuent aux différents muscles du membre supérieur °t
des racines par lesquelles elles émergent de la moëlle. Voici, notamment.
332 LES NERFS RACHIDIENS

d après MM. Duval et Guillain, ua tableau indiquant par quelles racines


passent les fibres radiculaires qui se rendent dans les muscles innervés par
les branches collatérales des plexus brachial :

BRANCHES DU PLEXUS LEURS ORIGINES

Nerf de l’angulaire et du rhomboïde. Cr> (inconstant.)


Nerf du grand dentelé. Tronc commun des C5, CG et C7.
Nerf du sous-clavier. Tronc commun des C5 et CG.
Nerf du sous-scapulaire. Tronc d’union des C5 et CG.
Nerf sus-scapulaire. Tronc d’union des C5 et CG.
Nerf du grand pectoral. Tronc d’union des Cs, C6 et C7.
Nerf du petit pectoral. C8 et D1.
Nerf du grand rond. Tronc d’union des Cs, CG et C7.
Nerf du petit rond... Les cinq racines du plexus (par le
circonflexe.)
Nerf du grand dorsal. CG et C7.

Ces notions élémentaires permettent de comprendre le mode de produc¬


tion des paralysies radiculaires des plexus brachial et la symptomatologie de
leurs variétés cliniques.

2° Paralysies radiculaires du plexus brachial. — On désigne sous le nom


générique de paralysies radiculctires du plexus brachial, les paralysies
causées par des lésions des branches afférentes ou racines de ce plexus.

a) Leurs causes. — Elles sont le plus souvent déterminées par des lésions
traumaliques : sections par instruments tranchants ou par projectiles d’ar¬
mes à feu, contusion de la région sus-claviculaire, attrilion par des esquilles
osseuses provenant de fractures de la clavicule» élongation brutale par trac¬
tion du bras, etc.
Elles peuvent aussi succéder à des compressions dues à des déplacements
de la tête de l’humérus, à des tumeurs de voisinage : anévrysmes de la sous-
clavière ou des carotides, abcès chauds ou froids ; à des tumeurs ganglion¬
naires ou néoplasiques, à des altérations tuberculeuses ou 'syphilitiques des
vertèbres, ou des méninges rachidiennes, etc.
Enfin, elles sont quelquefois, mais rarement, provoquées par des névrites
loxiques, infectieuses ou dyscrasiqucs.

b) Formes cliniques. — Leurs symptômes varient selon que les lésions qui
les déterminent, atteignent un plus ou moins grand nombre des branches
afférentes du plexus, et qu’elles siègent sur le segment intra-rachidien (filets
radiculaires primitifs ou racines proprement dites), le segment extra-rachi¬
dien (troncs radiculaires), ou le segment intra-plexuaire de ces branches.
PLEXUS BRACHIAL (PLEXUS PROPREMENT DIT ET RACINES) 333

On leur décrit généralement trois formes cliniques principales à caractères


bien définis : 1° la forme supérieure ; 2° la forme inférieure ; 3° la forme
totale. A ces formes principales, il faut ajouter des formes partielles et des
formes atypiques.
a) Paralysie radiculaire supérieure, dite du type Dtjchenne-Erb. — Dans
cette forme les lésions siègent sur les branches radiculaires provenant des
Ve et VI0 paires cervicales.
Les muscles paralysés sont le deltoïde, le biceps, le brachial antérieur, et
le long supinateur, et aussi, mais habituellement à un moindre degré, le
grand dorsal, le grand pectoral, le grand dentelé et le grand rond.
Par suite de l’inertie paralytique de ces muscles, le membre supérieur
tombe, pendant, le long du tronc, en adduction et rotation interne. Le
malade ne peut pas porter volontairement le bras dans l’abduction. 11 ne peut
pas non plus fléchir l’avant-bras sur le bras ou il ne le fléchit que très incom¬
plètement grâce à l’intervention des muscles épicondyliens et épitrocliliens,
particulièrement du grand palmaire et du premier radial externe, qui sup¬
pléent dans une certaine mesure les vrais fléchisseurs de l’avant-bras.
En revanche, les mouvements d'extension de l’avant-bras sur le bras, les
mouvements d’extension et de flexion du poignet et des doigts sont possibles.
Les muscles paralysés s’atrophient rapidement. Leurs réactions électriques
sont généralement modifiées dans le sens de la 11 D totale ou partielle (1).
La sensibilité est émoussée ou abolie sur le sommet de l’épaule, et sur le
côté externe du bras et de l’avant-bras.
b) Paralysie radiculaire inférieure dite du type Dejeuine-Kluivipke. — Cette
forme résulte des lésions portant sur les troncs radiculaires qui proviennent
des VIIe et VIIIe paires cervicales, et de la Ire dorsale.
Elle est caractérisée cliniquement par la paralysie atrophique des muscles
de la main, innervés par le médian et le cubital : muscles des éminences
thénar et hypothénar. interosseux et lombricaux, fléchisseurs communs
superficiel et profond des doigts, d’où résulte une perte complète des mou¬
vements de flexion et d’opposition des doigts, réduisent parfois à néant l’uti¬
lisation de la main.
Les mouvements segmentaires de l’épaule, du bras et de l’avant-bras sont
conservés.
Les troubles de la sensibilité sont représentés par une anesthésie occupant
la moitié interne de la main et de l’avant-bras.

(1) Il est à peine besoin de rappeler que les deux majuscule R D signifient réaction de
dégénérescence (vov. p. 277).
334 LES NERFS RACHIDIENS

Dans la plupart des cas de paralysie radiculaire inférieure, on constate,


ainsi que l’a démontré Mme Dejerîne-Klumpke, outre les symptômes moteurs
et sensitifs sus-indiqués, le groupe des troubles oculo-pupillaires connus en
sémiologie sous le nom de syndrome oculo-sympathique de Claude Bernard-
Hornér, caractérisé par le myosis, le rétrécissement de la fente palpébrale,
l’énophtalmie, la diminution de la sécrétion des larmes et de la sueur, et
parfois un certain degré d’aplatissement du côté correspondant de la face.
Ce syndrome est dû à la coexistence avec la lésion des branches afférentes
inférieures du plexus brachial, d’une lésion du rameau communiquant qui
provient de la VIIIe' cervicale et de la Ie dorsale, rameau qui innerve les fibres
radiées de l’iris, et tient sous sa dépendance, la vaso-motrieité de la majeure
partie de la face.
Le diagnostic des deux formes supérieure et inférieure du plexus brachial
ne présente aucune difficulté ; il repose sur la distribution nettement systé¬
matisée des troubles moteurs et sensitifs qui les caractérisent.
c) Paralysie radiculaire totale. — Elle est causée par des lésions portant
simultanément sur toutes les branches afférentes du plexus brachial. Sa
symptomatologie totalise les signes décrits dans les deux formes précédentes.
Les doigts, la main, l’avant-bras, le bras sont complètement privés de mou¬
vements volontaires. Seuls les mouvements du moignon de l’épaule, com¬
mandés par la contraction des faisceaux supérieurs du trapèze, dont l’innerva¬
tion provient de la branche externe du nerf spinal, sont conservés.
La sensibilité est abolie dans tout le membre supérieur, sauf dans une zone
triangulaire occupant la région supéro-interne du bras, dont l’innervation
sensitive est assurée par les deuxième et troisième nerfs intercostaux.
Le syndrome oculo-sympathique est fréquemment observé.
Les troubles trophiques sont représentés tout d’abord par l’atrophie dégé¬
nérative des muscles. Plus tard la peau s’amincit, se flétrit, se dessèche ; les
doigts, tiraillés en différents sens par des rétractions fibreuses, se placent
en des attitudes vicieuses ; la main, dans son ensemble, prend l’aspect de la
griffe médio-cubitale ou de la patte de singe, pendant que le bras et l’avant-
bras flasque, émacié, squelettique, pendent inertes le long du corps, inaptes
à toute espèce d’utilisation fonctionnelle.
En somme, la paralysie totale du plexus brachial détermine une mono¬
plégie complète du membre supérieur, monoplégie qu’il est facile de dis¬
tinguer des monoplégies d’origine fonctionnelle, cérébrale, médullaire ou
périphérique. En effet, dans les monoplégies brachiales hystériques, on ne
constate ni d’atrophie musculaire, ni de modifications qualitatives des réac¬
tions électriques, et les anesthésies en gigot qui les accompagnent habituelle-
PLEXUS BRACHIAL (PLEXUS PROPREMENT DIT ET RACINES) 335

ment, débordent les limites du champ d’innervation des branches d’origine


du plexus brachial.
Les monoplégies brachiales d’origine cérébrale, llasques à leur début, ne
tardent pas à se compliquer de contracture secondaire, avec exagération très
marqué des réflexes. De plus, les troubles moteurs et sensitifs, auxquels
elles donnent lieu sont beaucoup plus marqués à l’extrémité distale qu’à la
racine du membre paralysé.
Les monoplégies d’origine médullaire, provoquées par des poliomyélites
antérieures, sont rares, et ne sont généralement pas accompagnées de troubles
de la sensibilité. Celles qui sont sous la dépendance de la syringomyélie
s’accompagnent, au contraire, de troubles sensitifs caractéristiques (conser¬
vation de la sensibilité tactile coïncidant avec l’abolition des sensibilités
algique et thermique), de scoliose rachidienne, d’éxagération des réflexes
rotuliens et achilliens, etc.
Enfin, les paralysies brachiales, dépendant des polynévrites périphéri¬
ques, sont habituellement bilatérales. Elles succèdent à des intoxications
(alcoolique, saturnine, arsénicale etc.,) ou à des maladies infectieuses (fièvre
typhoïde, diphtérie, variole, pneumonie, choléra, etc.) ; débutent par des
fourmillements et des élancements dans les extrémités des membres infé¬
rieurs qui s’étendent ultérieurement aux supérieures et les paralysies aux¬
quelles elles donnent lieu, sont presque toujours beaucoup plus accentuées
aux pieds et aux jambes, qu’aux mains et aux bras.
d) Paralysies radiculaires partielles et atypiques. — On en a signalé plu¬
sieurs variétés :
a) Les variétés monoradiculaires sont trop rares pour qu’on puisse en tracer
à l’heure actuelle un tableau symptomatique complet, d’autant plus que la
plupart des observations qui en ont été publiées jusqu’à ce jour manquent de
détails cliniques précis. On sait d’ailleurs, par l’expérimentation sur les
animaux, que la section d’une seule racine ou d’un seul tronc radiculaire ne
détermine pas d’anesthésie appréciable et ne provoque que des paralysies
incomplètes des muscles à l’innervation desquels leurs fibres prennent part.
fi) Les variétés atypiques, sont au contraire très communes, particulière¬
ment dans les cas de blessures par projectiles de guerre. Une balle traversant
le plexus sectionne une ou plusieurs de ses branches ; mais, en même temps,
elle contusionne, tiraille ou commotionne plus ou moins violemment les
branches voisines, si bien que l’ensemble de ces lésions infiniment variables
par leur siège, leur extension et leur gravité respective, se traduit par des
combinaisons, extrêmement variées elles-mêmes, de troubles sensitifs et
moteurs.
33(5 LES NERFS RACHIDIENS

c) Pronostic. — Le pronostic des paralysies radiculaires diffère beaucoup


suivant la nature de leurs causes. Celles qui sont sous la dépendance de lésions
évolutives, tendent à s’aggraver au fur et à mesure que progressent ces
lésions ; celles qui dépendent de lésions destructives irrévocablement conso¬
lidées, sont nécessairement incurables ; celles qui sont provoquées par des
traumatismes ou des altérations polynévritiques, sont seules susceptibles de
régression et de guérison radicales. La régression s’observe surtout dans les
cas de blessures par projectiles de guerre. Au début, la paralysie du membre
supérieur est totale et complète ; quelques mois après, elle n’est plus que du
type supérieur ou du type inférieur, et il n’est pas rare qu’au bout de l’année,
parfois même beaucoup plus tôt, le malade soit en état de mouvoir assez
librement tous les segments de son membre primitivement paralysé et de
s’en servir utilement pour les usages ordinaires de la vie courante.

B) BRANCHES COLLATÉRALES DU PLEXUS BRACHIAL

[Planche XV],

§ 1. - ANATOMIE

Les branches collatérales du plexus brachial sont au nombre de douze.


Nous les diviserons, d’après la direction qu’elles prennent apres leur émer¬
gence du plexus, en antérieures, postérieures et inférieures.

1° Branches antérieures. — Elles sont au nombre de trois : le nerf du sous-


clavier, le nerf du grand pectoral et le nerf du petit pectoral.
a) Nerf du sous-clavier. — Ce nerf, extrêmement grêle, mais constant, se
détache généralement par deux racines des cinquième et sixième cervicales.
Il descend en avant du plexus et de l’artère sous-clavière et gagne la face
superficielle du scalène antérieur, où il se partage en deux rameaux : un
rameau musculaire, qui se perd dans la portion moyenne du muscle sous-
clavier ; un rameau anastomotique, qui se rend au nerf phrénique.
b) Nerf du grand pectoral. — Il se détache du plexus au niveau de la cla¬
vicule. Suivant un trajet oblique en avant et en dedans, il arrive à la face
profonde du grand pectoral et s’épanouit en un grand nombre de rameaux
divergents, qui se perdent dans ce muscle.
c) Nerf du petit pectoral. — Il se sépare du plexus au même niveau que
le précèdent. Sc portant, lui aussi, en avant et en dedans, il s’anastomose
PLEXUS BRACHIAL (BRANCHES COLLATÉRALES) 337

avec le nerf du grand pectoral, en formant une arcade nerveuse, d’où


s’échappent de nombreux filets pour le grand et le petit pectoral.

2° Branches postérieures. — Les branches postérieures se dirigent en


arrière comme leur nom l’indique. Elles sont au nombre de sept :
a) Nerf sus-scapulaire. — Né au-dessus de la clavicule, ce nerf se porte en
bas et en arrière, passe dans l’échancrure coracoïdicnne et se distribue aux
deux muscles qui s'étalent sur la face postérieure de l’omoplate : le muscle sus-
épineux (nerf du sus-épineux) et le sous-épineux (nerf du sous-épineux.)
b) Nerf de l'angulaire. — Il naît, lui aussi, au-dessus de la clavicule, de la
quatrième ou de la cinquième cervicale, quelquefois de l’une et de l’autre. Il
chemine tout d’abord sur le scalène postérieur, contourne ensuite ce muscle
et vient se terminer dans l’angulaire de l’omoplate.
c) Nerf du rhomboïde. — Il a la même origine que le précédent. Il passe
tout d’abord entre le scalène postérieur et l’angulaire, s’engage ensuite entre
les côtes et le rhomboïde et se perd à la face profonde de ce dernier muscle.
d) Nerf supérieur du sous-scapulaire. — Il naît un peu au-dessus de la
clavicule, sur la partie postérieure du plexus brachial. Il se termine dans les
faisceaux supérieurs du muscle sous-scapulaire.
e) Nerf inférieur du sous-scapulaire. — Il naît dans le creux axillaire, tantôt
sur le plexus lui-même, tantôt sur fume de ses branches. Il se distribue aux
faisceaux moyens et aux faisceaux inférieurs du sous-scapulaire.
f) Nerf du grand dorsal. — 11 prend naissance dans faisselle, sé porte verti¬
calement en bas, en suivant la face antérieure du sous-scapulaire, gagne la
face profonde du grand dorsal et se termine dans ce muscle.
g) Nerf du grand rond. — Il a le même trajet que le précédent. Il se
termine dans le muscle grand rond.

3° Branches inférieures. — Les branches inférieures ou descendantes


sont au nombre de deux : le nerf du grand dentelé et l’accessoire du brachial
cutané interne.
a) Nerf du grand dentelé. — Il naît des cinquième et sixième paires cer¬
vicales, immédiatement après leur sortie des escapes intertransversaires.
De là, il descend verticalement sur la face externe, du grand dentelé et se
distribue à ce muscle.
b) Accessoire du brachial cutané interne. — Ce nerf, à la fois très long et
très grêle, naît du cordon nerveux qui est formé par la réunion de la der¬
nière cervicale et de la première dorsale. Peu après son origine, il passe au-
dessous de la clavicule, traverse de haut, en bas le creux de l’aisselle, perfore
LES NERFS EN SCHÉMAS .>2
338 LES NERFS RACHIDIENS

l’aponévrose brachiale, s’accole au nerf brachial cutané interne et descend jus¬


qu’au coude. Il innerve la peau de la face interne du bras.

§ 2. — PHYSIOPATHOLOGIE

Sauf le trapèze, le deltoïde et le petit rond qui sont innervés, le premier


par la branche externe du spinal et par quelques rameaux du plexus cervical,
les deux autres par le circonflexe, tous les muscles moteurs de l’épaule reçoi¬
vent leur motricité des branches collatérales du plexus brachial.
De ces muscles, les uns agissant directement sur l’humérus ou la clavi¬
cule ont pour principale fonction d’élever ou d’abaisser le moignon de
l’épaule ; les autres, qui prennent leur insertion mobile sur l’omoplate, ont
pour effet, quand ils se contractent, d’imprimer à cet os des déplacements
tendant à le rapprocher ou à l’écarter de la colonne vertébrale.
Mais jamais, à l’état physiologique, aucun de ces muscles ne se contracte
isolément. Ils sont tous associés par des synergies qui les mettent solidaire¬
ment en jeu dans tous les mouvements de la région scapulo-humérale qu’ils
ont mission d’accomplir. Et, comme plusieurs d’entre eux interviennent
simultanément dans les déplacements actifs de l’épaule vers le haut ou vers
le bas, et dans ceux de l’omoplate en dedans ou en dehors, la paralysie d’un
seul, compensée par la contraction de ses coadjuteurs, ne donnent lieu qu’à
des troubles fonctionnels si légers et si fugaces qu’ils échappent à l’attention
des cliniciens.
Les paralysies du grand dentelé, du rhomboïde, du grand dorsal, du sous-
épineux et du grand pectoral se manifestent cependant chacune par des
signes jssez facilement reconnaissables.
a) Le grand dentelé concourt à fixer l’omoplate contre le thorax, afin de
donner un appui solide aux muscles qui vont du scapulum au membre supé¬
rieur. Il intervient activement dans l’acte de porter le bras au-dessus de l’ho¬
rizontale ; il se contracte énergiquement, lorsque nous poussons un obstacle
en avant de nous avec l’épaule. Quand il est paralysé le malade peut bien
étendre le bras horizontalement (grâce à la contraction du deltoïde, seul
ou aidé du sous-épineux), mais il ne peut pas l’élever plus haut. En outre, la
paroi postérieure du creux de l’aisselle est effacée ; on n’y distingue plus les
saillies qu’y forment chez les sujets normaux les digitations thoraciques du
grand dentelé. Enfin, l’omoplate est moins solidement appliquée contre les
parois costales du côté malade que du côté sain ; sans que, cependant, il en
soit assez détaché pour laisser un creux entre son bord interne et le thorax
PLEXUS BRACHIAL (BRANCHES COLLATÉRALES) 339

Le scapulum alatum résulte de la paralysie associée du grand dentelé et du


rhomboïde.
b) Le rhomboïde a, lui aussi, pour principale fonction de fixer l’omoplate
contre le thorax, en le tenant rapproché de la colonne vertébrale. De plus,
en raison de l’obliquité de ses faisceaux, il fait basculer cet os de telle sorte
que : 1° son angle inférieur est rapproché de la ligne médiane ; 2° le moi¬
gnon de l’épaule est abaissé.
Lorsqu’il est paralysé, le bord spinal de l’omoplate s’écarte du thorax, en
même temps que son angle inférieur, entraîné par l’action tonique du grand
dentelé qui est son antagoniste, se porte en avant ; d’où affaiblissement très
marqué du mouvement tendant à placer la main en arrière et en dedans
du tronc, comme dans le geste de croiser les mains derrière le dos.
c) Le grand dorsal rapproche le scapulum de la ligne médiane en attirant
l’épaule en dedans et en arrière, dans la position du soldat au port d’armes.
S’il est paralysé, le sujet ne peut plus prendre correctement cette attitude,
bien que l’action du trapèze et du rhomboïde puisse dans une certaine me¬
sure suppléer le grand dorsal.
d) Le sous épineux, qui intervient surtout dans les mouvements de rotation
externe et d’abduction du bras, est très utile dans l’acte d’écrire ; sa pai'alysie
empêche, en effet, le sujet de porter la main de gauche à droite, au fur et à
mesure que se développent les lignes graphiques.
e) L'action du grand pectoral est très complexe. Par ses faisceaux claviculai¬
res il attire le moignon de l’épaule, en avant et en haut, en même temps
qu’il porte le bras en dedans ; par ses faisceaux inférieurs, il abaisse le moi¬
gnon de l’épaule, et applique le bras contre le tronc. Le geste le plus caracté¬
ristique qu’on lui attribue, est celui d’embrasser ou de bénir. Sa paralysie
ne donne pourtant pas lieu à une impotence fonctionnelle grossièrement
évidente, parce qu’il peut être suppléé par le deltoïde.
f) Nous passerons volontairement sous silence les paralysies isolées du petit
pectoral, du sous-clavier, du grand rond et du sous-épineux, parce qu’elles
n’ont pas de symptômes assez nets pour qu’il soit possible de les diagnostiquer.
En somme, la plupart des paralysies isolées des branches collatérales
du plexus brachial, n’ont, pas par elles-mêmes une grande importance
clinique ; mais quelques-unes d’entr’elles ont un certain intérêt au
point de vue du diagnostic topographique des lésions du plexus dont
elles se détachent à des hauteurs différentes. Il suffira de regarder atten¬
tivement la fig. 83 (p. 330), pour comprendre que si dans un cas de paralysie
radiculaire supérieure, le rhomboïde et le grand dentelé sont épargnés,
c’est que la lésion siège dans la portion extra-rachidienne du plexus,
340 LES NERFS RACHIDIENS

et n atteint pas les racines spinales des Ve et VIIe paires cervicales. De


même, si dans une paralysie radiculaire inférieure, on constate une inté¬
grité complète de la motilité du grand pectoral, on en conciliera que le
plexus est lésé dans sa portion sous-claviculaire. Il ne faudrait, cependant,
pas accorder une valeur absolue, à ces petits détails de sémiologie, à cause
des anomalies que présentent assez fréquemment les branches collatérales
du plexus brachial, dans leur origine et leur distribution.

C) BRANCHES TERMINALES DU PLEXUS BRACHIAL


[Planche XV à XXII).

Les branches terminales du plexus brachial sont au nombre de six : 1° le


nerf circonflexe ; 2° le nerj radial ; 3° le nerf cubital ; 4° le nerf médian ;
5° le nerf musculo-cutané ; 6° le nerf brachial cutané interne. Tous pren¬
nent naissance dans l’aisselle et viennent, par des trajets divei's, se distribuer
aux différents segments du membre supérieur (1).

1» NERF CIRCONFLEXE

[Planches XV et XVII}.

§ 1. — ANATOMIE

ln Origine. — Le nerf circonflexe, ainsi appelé parce qu’il contourne à la


manière d’un demi-cercle le col chirurgical de l’humérus, tire son origine
d’un tronc nerveux qui lui est commun avec le radial (le tronc radio-circon¬
flexe) et qui occupe, dans le creux axillaire, ila partie postérieure ou profonde
du plexus brachial. Ses fibres proviennent, du cinquième et du sixième nerf
cervical.

2° Trajet. — Ainsi constitué, le circonflexe se porte obliquement de haut


en bas et de dedans en dehors. Il chemine tout d’abord sur la face antérieure
du muscle sous-scapulaire, sort de l’aisselle par le quadrilatère huméro quu-
dricipital, arrive ainsi à la face postérieure de l’épaule, et chemine alors entre
le deltoïde et le col chirurgical de l’humérus.

(1) Outre les planches XV à XX consacrées à chacune des branches terminales du


plexus brachia], voyez les deux planches XXI et XXII, où se trouvent représentés : dans
la planche XXI, les Territoires sensitifs du membre supérieur ; dans la planche XXII,
Y Innervation de ta main.
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Région post

Fig. 1- Trajet et distribution Fig. 2 - Leurs territoires cutanés

PLANCHE XVII

NERFS RADIAL ET CIRCONFLEXE

S. DUPRET ciel. G. DO IN éditeur.


PLEXUS BRACHIAL (NERF CIRCONFLEXE) 341

3° Distribution. — Le nerf circonflexe fournit des branches collatérales


et des branches terminales :
a) Branches collatérales. — Elles sont au nombre de deux : l'une, motrice,
se jette sur le muscle petit rond (nerf du petit rond) ; l’autre, sensitive (nerf
cutané de l'épaule), se distribue à la peau du moignon de l’épaule.
b) Branches terminales. — Les branches terminales du circonflexe, tou¬
jours fort nombreuses et disposées en éventail, s’épuisent dans la masse du
deltoïde, qu’elles pénètrent par sa face profonde. Constamment ces branches
envoient quelques fins rameaux à l’articulation de l’épaule.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE, LES PARALYSIES OU CIRCONFLEXE

Par ses rameaux moteurs, le nerf circonflexe ou axillaire, comme nous


venons de le voir, innerve deux muscles : le petit rond et le deltoïde. Quand
il est sectionné ou atteint de lésions spontanées interrompant sa conductibi¬
lité, ces deux muscles sont frappés de paralysie.

1° Paralysie du petit rond. — La paralysie du petit rond ne se traduit


par aucun signe cliniquement appréciable. Ce muscle ne joue, en effet,
qu’un rôle très effacé dans le dynamique du membre supérieur. Il contribue
pour une faible part à maintenir la tête humérale en rapport avec la cavité
glénoïde, en même temps qu’il imprime à l’humérus un léger mouvement
de rotation en dehors. Mais lorsqu'il est paralysé, plusieurs autres muscles
s’insérant eux aussi sur l’omoplate d’une part et sur l’humérus de l’autre,
particulièrement les sus et sous-épineux, le suppléent assez bien pour mas¬
quer complètement le déficit fonctionnel résultant de la perte de son action.

2° Paralysie du deltoïde. — Le deltoïde est au contraire l’agent le plus


important des mouvements d’abduction et d’élévation du bras. A lui seul il
n'exécute qu’une partie de ces mouvements. Par son faisceau antérieur ou
claviculaire il porte l’humérus en avant et en dedans, par son faisceau pos¬
térieur ou acromial il le porte en arrière, par son faisceau moyen ou par la
contraction simultanée de ses trois faisceaux, il l’élève en abduction directe
jusqu’à l’hoi'izontale, pas au-dessus. Il est impossible qu'il l’élève plus haut
par ses propres moyens : d’abord parce que son élévation, au-delà de l’hori¬
zontale, est bridée par le grand rond qui fait l’office de ligament actif ;
,ensuite parce que le membre supérieur, pesant de tout son poids sur l’angle
externe du scapulum, abaisse cet angle de telle sorte que la tête de l’humérus,
venant butter contre l’acromion, ne pourrait s’élever davantage qu’en sortant
342 LES NERFS RACHIDIENS

de la cavité glénoïde. Pour que le bras passe de la position horizontale à la


verticale, il est nécessaire que l’omoplate exécute un mouvement de rotation
qui soulève son angle externe et entraîne en même temps vers le haut, d’une
seule pièce, le bras préalablement fixé sur lui par la contraction du deltoïde.
,Cet aperçu physiologique explique comment la paralysie du deltoïde rend à
la fois impossibles les mouvements d’abduction du bras directement com¬
mandés par ce muscle, et les mouvements d’élévation verticale du membre
supérieur qui dépendent des muscles innervés par d’autres nerfs que le cir¬
conflexe.
Dans les paralysies du deltoïde, par lésion pure du circonflexe, le bras
pend inerte le long du thorax. Le malade ne peut le porter ni en abduction
directe, ni en avant vers le sternum, ni en arrière vers la colonne vertébrale.
Il me peut pas non plus l’élever au-dessus de la tête. Tous les autres mouve¬
ments de projection de l’épaule en avant et en arrière de flexion et d’exten¬
sion de l’avant-bras sur le bras, de la main, des doigts sont conservés.
L’inertie paralytique du deltoïde s’accompagne d’une atrophie rapide de
ses fibres, atrophie qui se révèle à l’inspection par l’aplatissement du moi¬
gnon de l’épaule et à l’exploration électrique par la R D partielle ou totale
selon la gravité du cas. Elle s’accompagne aussi habituellement d’un îlot d'hy-
poesthésie, siégeant sur les téguments de la région supéro-externe de l'épaule,
dans les points où se distribuent les fibres du rameau sensitif de l’épaule.
L’impotence fonctionnelle résultant des paralysies du nerf circonflexe
peut être, non pas suppléée, mais légèrement atténuée, par la contraction
volontaire du muscle sous-épineux, innervé par le nerf sus-scapulaire (bran¬
che collatérale du plexus brachial) qui contribue, à l’état normal, à porter
le bras en avant et en dehors, mais qui n’a pas assez de puissance pour rem¬
placer le deltoïde lorsque celui-ci est défaillant. Aussi la paralysie du circon¬
flexe, donne-t-elle lieu à une infirmité extrêmement gênante car, s'il est
exceptionnel dans la vie courante qu’un homme ait besoin de porter le bras
tendu jusqu à l’horizontale, comme dans la position du serment, ou de l’éle¬
ver vers le ciel dans l’attitude des mains en l’air, il lui est à chaque instant
nécessaire d’associer un certain degré d'abduction du bras à la flexion ne
l’avant-bras, pour exécuter des actes familiers, tels que ceux de porter >a
main à la bouche, de le placer sur l’épaule du côté sain, de l’introduire dans
la manche de ses vêtements, dans la poche de son pantalon, etc..., etc..., et
l’exécution de tous ces actes est rendue impossible ou extrêmement difficile
du côté où le deltoïde est paralysé. Cette paralysie est heureusement rare,
parce que le nerf circonflexe est protégé, par sa situation profonde dans le
creux axillaire, contre les offenses provenant de l’extérieur ; en revanche, il est
PLEXUS BRACHIAL (NERF RADIAL) 343

parfois comprimé ou meurtri dans les luxations de la tête humérale ou les


fractures du col de l’humérus.

2° NERF RADIAL
[Planche X U et XVII}.

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine. —- Le nerf radial, l’une des branches les plus considérables


du plexus brachial, naît à la partie postérieure du plexus, d’un tronc qui lui
est commun avec le circonflexe, le radio-circonflexe, et à la constitution
duquel concourent à la fois les quatre dernières paires cervicales et la premiè¬
re paire dorsale. Le nerf radial tire plus particulièrement ses fibres des.sixiè¬
me, septième et huitième nerfs cervicaux, quelquefois aussi du cinquième.

2° Trajet. -— Immédiatement après son origine, le radial se porte oblique¬


ment en bas, en dehors et en arrière.
Il sort de l’aisselle au niveau de son angle postéro-externe et s’engage
alors dans la gouttière de torsion de l'humérus, qu’il parcourt dans toute son
étendue. Il longe ensuite le bord externe de cet os, le contourne d’arrière en
avant, en perforant l’aponévrose intermusculaire externe, et arrive au pli du
coude, où il se termine en se bifurquant.
Le radial contourne donc l’humérus à la manière d’une demi-spirale, d’où
le nom de nerf musculo-spiral, que lui donnent les anatomistes anglais.

3U Distribution. — Envisagé au point de vue de sa distribution, le nerf


radial fournit deux ordres de branches : des branches collatérales et des
branches terminales.

a) Branches collatérales. — Le radial, au cours de son trajet, depuis


son origine jusqu’à sa bifurcation, abandonne huit branches collatérales :
1° Le rameau cutané interne, qui se détache du tronc nerveux à la partie
supérieure du bras, au moment où il va s’engager dans la gouttière de
torsion. D’abord sous-aponévrotique, il perfore bientôt l’aponévrose bra¬
chiale, pour se distribuer à la peau de la région postérieure du bras ;
2° Le rameau de la longue portion du triceps, qui se distribue, comme son
nom l’indique, à la longue portion du muscle triceps :
3° Le nerf du vaste interne, pour la portion interne du triceps ;
4° Le nerf du vaste externe et de Vanconé, qui se perd dans la portion
externe du triceps et dans le muscle anconé ;
344 LES NERFS RACHIDIENS

5° Le rameau cutané externe, qui se détache du radial dans la partie infé¬


rieure de la gouttière de torsion et qui se distribue, par des rameaux descen¬
dants, à la peau de la région postérieure de l’avant-bras ;
6° Un petit rameau (pas constant) pour les faisceaux internes du muscle
brachial antérieur ;
7° Le nerf du long supinateur, qui naît du radial à la partie supérieure du
pli du coude et qui se perd à la face profonde du long supinateur ;
8° Le nerf du premier radial externe, qui se détache du radial un peu au-
dessous du précédent, et se distribue, après un très court trajet, au muscle
premier radial externe.
Au total : deux rameaux sensitifs, pour la peau du bras et de l'avant-bras,
et six rameaux moteurs pour les trois portions du triceps et trois muscles
de la région postéro-externe de l’avant-bras.

b) Branches terminales. — Un peu au-dessus de l’interligne articulaire


du coude, le tronc du radial se divise en deux branches terminales, l’une
postérieure ou musculaire, l’autre antérieure ou cutanée :
a) Branche postérieure. — Presque immédiatement après son origine, elle
fournit un rameau au deuxième radial externe (nerf du deuxième radial
externe) ; puis, elle perfore le court supinateur, en lui abandonnant plusieurs
blets (nerfs du court supinateur.) Après avoir innervé ces deux muscles, la
branche postérieure du radial contourne en spirale le col du radius, arrive
à la face postérieure de l’avant-bras, entre les muscles de la couche super¬
ficielle (extenseur commun des doigts, extenseur propre du petit doigt, cubi¬
tal postérieur anconé) et les muscles de la couche profonde (long abducteur
du pouce, court extenseur du pouce, long extenseur du pouce, extenseur
propre de l’index) et innerve tous ces muscles, sauf l’aneoné, qui a déjà reçu
son nerf du rameau destiné au vaste externe.
b) Branche antérieure. — La branche antérieure ou cutanée descend à la
face antérieure de l’avant-bras, en dedans du long supinateur et des radiaux,
en dehors de l’arrière radiale. Au tiers inférieur de l’avant-bras, elle contourne
le radius d’avant en arrière, devient superficielle et se divise alors en trois
rameaux, qui innervent la peau de la moitié externe du dos de la main et
donnent les cinq premiers collatéraux dorsaux des doigts. A noter que Je
collatéral dorsal externe du pouce fournit parfois un rameau thénarien, qui
se distribue, en partie à la peau de l’éminence thénar, en partie au muscle
court abducteur du pouce, lequel, recevant d’autre part son rameau principal
du médian, se trouve avoir ainsi une double innervation.
PLEXUS BRACHIAL (NERF RADIAL) 345

4° Résumé. — En résumé, le nerf radial, nerf mixte, fournil des branches


musculaires et des branches cutanées :
a) Par ses branches musculaires, il innerve (fig'. 84) : i° tons les muscles de
la région postérieure du bras ; 2° tous les muscles de la région externe et de la
région postérieure de l’avant-bras ; 3° en partie (pas toujours) un muscle de
l’éminence thénar, le court abducteur du pouce.
p) Par les branches cutanées, il préside à la sensibilité de la peau : 1° de la
partie postérieure du bras ; 2° de la face postérieure de l’avant-bras (partie
moyenne seulement) ; 3° de la moitié externe du dos de la main ; 4° de
la face dorsale du pouce ; 5° de la face dorsale de la première phalange
de l’index ; 6° de la face dorsale (moitié externe seulement) de la première
phalange du médius.

§ 2. — PHYSIOPATHOLOGIE, LES PARALYSIES RADIALES

Les paralysies du nerf radial sont les plus communes des paralysies neuro¬
pathiques des membres supérieurs. Leurs symptômes sont d’ailleurs faciles
à constater cl concordent étroitement, ainsi qu’on va le voir, avec les don¬
nées de l'analômie et de la physiologie.

A) LES VARIÉTÉS DES PARALYSIES RADIALES

Par les quatre groupes de muscles qu’il innerve, le nerf radial commande :
1° les mouvements d’extension de l'avant-bras sur le bras ; 2° les mouve¬
ments de supination de l’avant-bras et d'extension du poignet ; 3° les mouve¬
ments d’extension de la première phalange des quatre derniers doigts ; 4° les
mouvements d’extension et d'abduction du pouce.
Les rameaux moteurs que reçoit chacun de ces groupes se détachent du
tronc, du nerf à des hauteurs différentes : 1° ceux du triceps brachial et de
1 anconé, extenseurs de 1 avant-bras sur le bras,, s’en séparent à la partie supé¬
rieure du bras, au niveau du col chirurgical rie l’humérus, avant l’entrée du
nerf dans la gouttière de torsion ; 2° ceux du long supinateur et du premier
radial-externe qui sont : l’un supinateur de l’avant-bras, l’autre extenseur-ab¬
ducteur du poignet parlent du radial après sa sortie de la gouttière de torsion,
a la hauteur de l’union du tiers inférieur avec le tiers moyen du bras ; 3° les
rameaux du court supinateur et du deuxième radial externe, qui renforcent
les mouvements de supination de l’avant-bras et d’extension du poignet, nais¬
sent avec ceux de 1 extenseur commun des doigts et de l’extenseur propre du
346 LES NERFS RACHIDIENS

petit doigt, de lu branche terminale postérieure du radial à quelques centimè¬


tres au-dessous du pli articulaire du coude ; 4° enfin, les rameaux des muscles
extenseurs et abducteurs du pouce proviennent de la même branche, un peu
plus bas que les précédents tvoy. lig. 84).
Au-dessous de ce point, le radial n’émet pas de fibres motrices.
Il résulte, de cette distribution en échelons, qu’il n’y a pas une paralysie
du radial à symptomatologie uniforme, mais des paralysies du radial diffé¬
rant en extension suivant la hauteur des lésions qui leur donnent naissance.
On en distingue quatre variétés :
a) Dans la première, dite brachiale supérieure, tous les muscles innervés
par le radial sont paralysés à la fois.
P) Dans la deuxième, dite brachiale inférieure, la
paralysie ne porte que sur le groupe des épicondyliens
et les deux groupes anti-brachiaux.
v) Dans la troisième dite antibrachiale supérieure,
la paralysie n’atteint que les muscles des couches
superficielle et profonde de la région postérieure de
l’avant-bras.
8) Dans la quatrième, dite antibrachiale inférieure,
les muscles extenseurs et abducteurs du pouce, sont
seuls frappés d’inertie paralytique.
La plus fréquente de ces quatre variétés, est la
brachiale inférieure qui succède à des lésions du radial
siégeant à la partie moyenne du bras, dans la région
où le nerf, appliqué contre la gouttière de torsion, se
trouve en rapport immédiat avec l’humérus. C’est en
ce point, en effet, qu’il est le plus exposé à des vio¬
lences extérieures directes ou indirectes : directes,
lorsqu’il est atteint par des chocs traumatiques ou des
plaies par instruments tranchants, ou par projectiles
d’armes à feu ; indirectes, lorsqu’après des fractures
Fjrr 8i de l’humérus, il est soumis à des tractions brutales
Silhouette de la dis- résultant des déplacements des fragments osseux, à
tribution motrice
du nerf radial.
1. rameaux du triceps et de l’anconé naissant au-dessus de la gouttière de torsion. — 2. ra¬
meaux des long et court supinateurs et des premier et deuxième radiaux externes, naissant au
niveau de l’articulation du coude. — 3, rameaux de l’extenseur propre du petit doigt, de l’exten¬
seur commun des doigts et du cubital postérieur, naissant au-dessous de l’articulation du cou¬
de. — 4. rameaux du long abducteur du pouce, du long extenseur propre du pouce, du court ex¬
tenseur propre du pouce et de l’extenseur propre de l’index, un peu au-dessous des précédents.
Une section du nerf radial siégeant en a. déterminera la variété brachiale supérieure ou sus-
traehélienne de la paralysie radiale ; entre b et c, elle déterminera la paralysie brachiale infé¬
rieure ; entre c et d, la variété haute de la paralysie antibrachiale et, au-dessous de d, la va¬
riété basse de la paralysie antibrachiale.
PLEXUS BRACHIAL (NERF RADIAL) 347

des dilacérations par des esquilles aberrantes, ou bien à des inclusions dans
des cals exubérants ou des cicatrices vicieuses. C’est également là qu’il se
trouve souvent comprimé par des béquilles mal confectionnées, sans appuie-
mains solides (paralysie des béquillards), par l’emploi de courroies maladroi¬
tement appliquées pour porter des fardeaux pesants sur le dos, ou de liens
trop serrés destinés à maintenir les délirants agités dans des camisoles de
force (paralysies des porteurs d’eaux et des aliénés). C’est encore en ce point
qu’il est comprimé pendant le sommeil chez les alcoolisés aigus, qui se cou¬
chent pour cuver leur vin, sur un sol dur, la tête appuyée sur un de leurs
bras (paralysie des ivrognes), et chez les sujets qui s’endorment à côté de
leurs conjoints, en laissant la tête de ces derniers reposer sur l’un de leurs
bras (paralysie des amoureux.)
Aussi, quand on parle de paralysie radiale sans autre qualificatif, c’est-il
à la variété brachiale inférieure, ou mieux, si on ne craignait pas d’em¬
ployer un néologisme qui aurait l’avantage d’en préciser exactement le
siège, tvachélienne (de -^ixyr^oç, gouttière) qu’on a en vue.
Commençons par en exposer les caractères cliniques ; nous verrons
ensuite, quels sont les phénomènes qui s’y ajoutent dans la variété brachiale
supérieure, et ceux qui y manquent dans les variétés antibrachiales.

B) SYMPTOMES DES PARALYSIES RADIALES DE LA VARIÉTÉ


BRACHIALE INFÉRIEURE OU BRACHÉLIENNE

1° Troubles de la motilité. — Les muscles privés d’incitation motrice,


par l’interruption du nerf radial au niveau ou immédiatement après son issue
de la gouttière de torsion de l’humérus sont les supinateurs de l’avant-bras,
les extenseurs du poignet, les extenseurs de la première phalange des doigts,
les extenseurs et les abducteurs du pouce. Leur inertie paralytique se traduit
cliniquement par les phénomènes suivants :

a) Attitudes anormales de l’avant-bras et de la main au repos, résul¬

tant du déséquilibre des tonus. — Les paralysés du radial se présentent à

l’observateur l’avant-bras, en pronation permanente, le poignet fléchi sur


l’avant-bras, la première phalange des doigts fléchie sur les métacarpiens,
les deux dernières légèrement infléchies vers la paume de la main, le
pouce pendant en adduction le long de l’index. Les segments distaux du mem¬
bre supérieur forment ainsi au bout de l’avant-bras, une courbe arrondie
rappelant celle d’un col de cygne (fig. 85, p. 348).
Cette attitude spéciale s’explique par le déséquilibre des tonus que crée
1 inertie des muscles extenseurs paralysés en face des fléchisseurs qui ont
348 LES NEUFS RACHIDIENS

conservé leur tonicité normale. L’avant-bras est en pronation parce que les
courts supinateurs étant devenus alones, le rond et le carré pronateurs (inner¬
vés par le médian) exercent sur lui une traction continue dans le sens de la
pronation. La chute du poignet résulte de l’hypertonicité relative de scs flé¬
chisseurs (grand et petit palmaires innervés par le médian, et cubital anté¬
rieur par le cubital), en face de ses extenseurs ( 1er et 2e radial externe et cubital
postérieur) qui sont paralysés. Pareillement la chute de la première pha¬
lange des doigts est la conséquence de la prédominance d'action des longs
fléchisseurs et des imterosseux, innervés par le médian et le cubital, non

Idg. 85. Idg. 8G.


NIui 11 tombante en « col de cygne » Clntle « en patelle » de la main dans
dans tes paralysies tracliélicnnes cl les paralysies globales molles Iiys-
sus-lraciiélicnnes du nerf radial. léro-liiamualkpies.

combattue par le tonus défaillant des longs extenseurs. De même les derniè¬
res phalanges des doigts, dont l'extension est fonction des inlerosseux inner¬
vés par le cubital, et dont la flexion est assurée par les longs lléchisseurs in¬
nervés par le cubital et le médian, sont un peu plus infléchies vers la pau¬
me de la main que dans la position ordinaire du repos. Enfin, le pouce
tombe à angle dièdre le long de l’index, parce que son abducteur et ses exten¬
seurs propres paralysés, laissent prédominer l’action tonique des petits
muscles de l’émimence thénar, qui sont ses adducteurs et ses fléchisseurs.
Lorsque tous les muscles qui ont pour fonction de mobiliser les segments
distaux de l’un des membres supérieurs se trouvent atteints ensemble de
paralysie organique ou fonctionnelle, comme dans la variété de paralysie hys¬
téro-traumatique connue sous le nom de paralysie globale molle de la main,
PLEXUS BRACHIAL (NERF RADIAL) 349

leur atonie simultanée détermine des altitudes spéciales diiférant notable¬


ment de celles qui s’observent dans les paralysies isolées du nerf radial. Ces
segments privés de tonus n’obéissent plus dans leurs déplacements qu’aux lois
de la pesanteur. Si l’avant-bras du malade est pendant le long de la cuisse, le
carpe, le métacarpe et les phalanges tombent en droite ligne dans le prolon¬
gement direct de l’axe de l’avant-bras ; si celui-ci est porté horizontalement
dans la position du serment la main et les doigts se dirigent à angle droit

Fig. 87. Fig. 88.


Signe du daquoir dans les paralysies Signe du claquoir dans les paralysies
du radial. du radial.
Premier temps : lorsqu’ils cessent d’être Deuxième temps : lorsque le poignet du
maintenus en extension par leur appui sur côté paralysé n’est plus soutenu par sou
les doigts du côté normal, les doigts du côté application contre celui du côté normal, il
paralysé se fléchissent. tombe aussitôt en flexion.

vers le sol comme pourrait le faire une palette mobile autour de l’articulation
radio-carpienne. Les ligures 85 et 86 montrent nettement ces différences
d’attitude de la main et des doigts chez deux sujets atteints r le premier d’une
paralysie du radial, le second d’une paralysie globale molle hystéro-trauma¬
tique de la main.
Il est facile d’apprécier, dans les paralysies du radial, le degré d’énergie que
fournit le déséquilibre du tonus entre le groupe des muscles extenseurs-supi¬
nateurs paralysés et le groupe antagoniste des fléchisseurs pronateurs non
paralysés, grâce aux trois petits signes de la pronation à ressort ch l'avant-
bras, du déclic élastique des doigts et de la chute en fléau de la main, qui ont
été décrits plus haut (voy. ehap. TT1, p. 292).
350 LES NERFS RACHIDIENS

Le signe du claquoir (fig. 87 et 88 p. 349), dont voici la technique, n’est


pas moins démonstratif :
Le claquoir est un instrument formé par deux tablettes rectangulaires en
bois, réunies à l’une de leurs extrémités par une charnière, dont se servent
les maîtres de cérémonies pour indiquer aux personnes placées sous leurs or¬
dres le moment précis où elles doivent exécuter certains actes collectifs. On
peut imiter cet instrument en appliquant l’une contre l’autre la face palmaire
des deux mains et en écartant et rapprochant les doigts et les métacarpiens,
sans rompre le contact des poignets servant de charnière. Les paralysés du ra¬
dial peuvent bien appliquer leurs deux mains à plat l’une contre l’autre et les
tenir ainsi verticalement au-devant de leur visage, la main du côté paralysé se
trouvant maintenue en extension par l’appui que lui fournit la main du cô¬
té normal. Mais, si on leur demande d’écarter les doigts en faisant le geste
d’ouvrir le claquoir, les doigts du côté paralysé n’étant plus soutenus se
fléchissent sur la métacarpe, et, si on leur ordonne de séparer leurs poignets,
la main de ce côté tombe aussitôt en col de cygne.

a) Perte des mouvements volontaires des muscues paralysés. — Les ma¬


lades paralysés du radial ne peuvent exécuter aucun des mouvements volon-
dont les agents exclusifs sont les muscles innervés par le radial, en aval du
point où sa conduction est interrompue. Il ne peut donc pas placer
volontairement son avant-bras en supination (carence des long et court supi¬
nateurs), ni relever le poignet (carence des Ie1' et 2e radial externe et du cubi¬
tal postérieur), ni étendre la première phalange de ses doigts (carence du long
extenseur commun des doigts et des extenseurs propres du petit doigt et de
l’index), ni porter le pouce en extension et abduction (carence des long et
court extenseurs propres et de l’abducteur du pouce).
Nous indiquerons plus loin dans quelle mesure cette impotence met obsta¬
cle à l’utilisation fonctionnelle du membre supérieur.
En revanche, ils peuvent contracter volontairement tous les muscles
innervés par le radial au-dessus du point où il est lésé, c’est-à-dire
le triceps brachial et l’aneoné, qui sont fléchisseurs de l’avant-bras sur le
bras, et ceux qui reçoivent leurs nerfs moteurs du médian et du cubital c’est-
à-dire le rond et le carré pronateurs, les longs fléchisseurs superficiel et pro¬
fond des doigts, les interosseux, les lombricaux, et quelques muscles des émi¬
nences thénar et hypothénar. Ils peuvent donc tléchir correctement les doigts
et mouvoir assez librement leurs deux dernières phalanges.
A la vérité, la flexion permanente des poignets et de la lre phalange des
doigts gène les mouvements des deux dernières phalanges parce qu’elle place
celles-ci dans une position défavorable à leur mobilisation. Aussi pour mettre
PLEXUS BRACHIAL (NERF RADIAL) 351

en évidence le degré d’amplitude et d’énergie motrice qu elles ont conservé,


faut-il employer quelques artifices dont les plus démonstratifs sont l’épreuve
des mains croisées, et celle du crochetage des doigts.
Voici en quoi elles consistent :
a) Epreuve des mains croisées. — On place les mains du malade dans la
position de la prière fervente, les phalanges des doigts entrecroisées et fixées
en exlension par le fait, même de leur entrecroisement, les phalangines et les
phalangettes appliquées contre les têtes des métacarpiens, puis on lui deman¬
de de fléchir et d’étendre ses doigts du côté sain et ceux du côté paralysé. Il
exécute très aisément ces mouvements, et souvent, avec autant d’amplitude et
d’énergie d’un côté que de l’autre. Pour apprécier approximativement le degré
de leur force, on peut lui ordonner de résister, autant qu’il le pourra, aux ef¬
forts qu’on fera pour étendre ses doigts fléchis, ou pour fléchir ses doigts éten¬
dus ; on constate alors qu’il résiste presqu’aussi fortement du côté paralysé
que du côté normal. Et cela est tout naturel, puisque les mouvements d’exten¬
sion et de flexion des deux dernières phalanges des doigts, sont produites par
les interosseux et les longs fléchisseurs non paralysés, et que, si la première
phalange des doigts est solidement stabilisée en bonne position, comme elle
l’est après le croisement des mains, il n’y a pas de raison pour que l’action de
ces muscles soit notablement amoindrie.
b) Epreuve du crochetage des doigts. — Pour exécuter cette épreuve, le mé¬
decin doit opposer les doigts d’une de ses mains, fléchis en crochets aux doigts
également fléchis en crochets de la main paralysée du malade. Cela fait, cha¬
cun tirera de son côté jusqu’à ce que l’un des deux ne puisse plus résister à la
traction exercée par l’autre. Ce sera généralement le malade qui cédera, mais
après une résistance qui surprendra bien souvent son adversaire.

c) Perturbation des synergies musculaires. — L’une des notions les plus


importantes que les recherches de Duchenne, de Boulogne, aient intro¬
duites dans la science, est celle des associations synergiques des muscles.
On croyait autrefois que lorsqu’un sujet normal faisait un mouvement
volontaire, les muscles les plus aptes, de par leurs insertions, à provoquer
le mouvement voulu entraient seuls en action. Duchenne a démontré que
les choses ne se passaient pas aussi simplement. Nous ne pouvons contracter
aucun de nos muscles isolément. Tout mouvement volontaire un peu énergi¬
que implique bien la contraction du ou des muscles qui, par leurs insertions,
se trouvent le mieux placés pour l’exécuter ; mais cette contraction initiale
s’accompagne de la contraction synergique des muscles voisins, et aussi de
celle de leurs antagonistes. La première lance et dirige le mouvement voulu ;
la deuxième renforce la première ; la troisième modère et assouplit les deux
352 LES NERFS RACHIDIENS

autres, de façon à les adapter étroitement, sans heurt ni secousses, au but à


atteindre.
Lorsqu’un groupe de muscles est séparé des centres nerveux par la section
de ses nerfs, il ne prend plus part aux associations synergiques. De ce fait
se produisent quelques phénomènes mobides, dont les principaux, dans les
paralysies du radial, sont : 1° l'inertie du long supinateur dans les efforts
\olonlàires de llexion de l'avant-bras sur le bras : signe du long supinateur ;
2° l'entraînement involontaire du poignet en byperllexlion dans les efforts
de llexion volontaire des doigts : signe du poing fermé ; 3° l'augmenta¬
tion involontaire de la llexion des phalanges dans les efforts volontaires d’écar¬
tement des doigts -. signe
de Vesadier.
On les met en évidence
par les manœuvres sui¬
vantes :
al Signe du long supi¬
nateur.— Le malade ayant
l’avant-bras fléchi à angle
droit sur le bras, on lui
demande de faire effort
pour le porter en llexion
complète, pendant qu’on
le’ maintient lixé solide¬
ment dans la position an
Fig. 89. gulaire. Si on fait celle
Signe du poing fcimé dans les paralysies du radial. manœuvre du côté sain,
le biceps et le brachial
antérieur, qui sont les fléchisseurs principaux de l’avant-bras sur le bras, se
contractent les premiers ; puis, le long supinateur, qui est fléchisseur acces¬
soire, vient synergiquement à leur aide pour renforcer leur action. Son corps
charnu soulève la peau de la région sus-épicondylienne du bras, en formant
au-dessous d’elle une corde aplatie et résistante qui s’étend du tiers inférieur
du bras jusqu’à l’union du tiers supérieur avec le tiers moyen de l’avant-
bras. Mais, si on la pratique du côté où le radial est paralysé, le biceps et le
brachial antérieur innervés par le coraco-bracliial, se contractent seuls, pen¬
dant que le long supinateur reste inerte et flasque (Duciienne).
b) Signe du poing fermé. — On demande au malade de fermer énei'gique-
ment ses deux poings. Pendant qu’il exécute cet ordre, son poignet du côté
normal reste en extension dans le prolongement de l’axe de l’avant-bras
plexus brachial (nerf radial) 353

celui du côté paialysé se place involontairement en hypertlexion (fig. 89), de


telle sorte que le sujet ne peut le tenir dans la position de la garde du boxeur ;
ce fait s’explique par l’absence de contraction synergique dans les muscles an¬
tagonistes qui sont les extenseurs du poignet, innervés par le radial.
c) Signe de l'escalier. — Un homme sain peut facilement, sa main étant
horizontalement placée dans la position du serment, écarter et rapprocher
ses doigts les uns des autres, comme les lames d'un éventail. Un paralysé
du radial ne peut pas, à cause de la chute permanente de son poignet et des
premières phalanges de ses doigts, mettre correctement sa main malade dans
la position du serment. -
Mais, de plus, si on lui
demande d’écarter les
doigts tombant vers la
paume de la main, mou¬
vement qui doit être
exécuté par les inter-
osseux innervés par le
cubital non paralysé,
on voit que les doigts
s’écartent bien un peu
les uns des autres, mais
qu’en même temps ils se
fléchissent vers la pau¬
me de la main, le V plus
fortement que le IV, le Fig. 90.
Signe de l’escalier dans les paralysies radiales.
IV plus que le 111, le III
Quand les malades ferment le poing, leur poignet est
plus que le II, de telle attiré en hyperflexion par suite de l’absence de con¬
traction synergique des muscles extenseurs innervés par
sorte que leur ensemble le radial.

figure un escalier héli¬


coïdal à quatre manches (lig. 90). C’est encore là un des effets de la suppres¬
sion des contractions synergiques des extenseurs des doigts, effet qui se
manifeste avec plus d’intensité sur les derniers doigts que sur les premiers,
parce que, même à l’état normal, il est beaucoup plus facile, lorsque la main
est tombante, d’écarter les doigts en escaliers que de les écarter en les main-
tnant sur un même plan transversal.

d) Atrophie dégénérative des muscles paralysés, réactions Electriques

et mécaniques. — Les lois générales qui président à la genèse et à l’évolu¬


tion de la dégénération wallérienne, s’appliquent au radial comme à tous les
autres nerfs périphériques. Le segment distal des fibres nerveuses séparées
LES nerfs en schémas 23
354 LES NERFS RACHIDIENS

de leurs cellules neuronales, dégénère fatalement et leur dégénérescence


entraîne à sa suite l’atrophie granulo-graisseuse des muscles correspondants.
Dans le cas particulier, l’atrophie est surtout manifeste au niveau du
groupes des épicondyliens. Elle s’accompagne, après quelques semaines de
R D totale ou partielle selon la gravité du cas. Les réactions myo-mécani-
ques exagérées dans les premiers temps deviennent moins vives par la suite.
Elles sont très nettes longtemps après que l’excitabilité faradique a disparu
Elles persistent même après que la galvanique est abolie. Elles ne cessent
d’exister' que lorsque les fibres musculaires, totalement désorganisées, ne
sont plus susceptibles de régénération.

2° Troubles sensitifs. — La distribution des fibres sensitives du radial ne


correspond pas tout à fait à celle de ses rameaux moteurs. Elles se détachent
du tronc nerveux par le rameau cutané interne, le rameau cutané externe et
la branche terminale potérieure ou cutanée.
Le rameau cutané interne naît immédiatement au-dessus de faisceaux
moteurs destinés au triceps brachial, et va se distribuer à la peau de la face
postérieure du bras ; le rameau cutané externe naît au niveau du coude, et
va se distribuer à la peau de la face postérieure de l’avant-bras ; la branche
terminale postérieure se sépare de l’antérieure un peu au-dessus du coude,
traverse l’avant-bras sans s’y diviser et va se terminer dans les téguments
de la moitié externe du dos de la main et de la face dorsale de la première
phalange des trois premiers doigts dans un réseau où ses filets s’anastomo¬
sent avec des filets provenant du brachial cutané interne et du médian.
Aussi les sections du radial ne donnent-elles pas lien à des ansthésies aussi
étendues que le ferait supposer, à priori, sa distribution, telle, que nous
l enseigne l’anatomie descriptive. Ainsi (pie le fait exccllement remarquer
Mmc Atanassio-Benisty le territoire sensitif du radial, suivant la topogra¬
phie classique, est d’une étendue considérable, par rapport aux autres nerfs
du membre supérieur ; et cependant le radial est le nerf dont la paraly¬
sie entraîne les troubles de. la sensibilité les moins accentués, même en cas de
section complète. En fait, dans la grande majorité des cas de paralysies
radiales de la variété trachélienne, les malades ne se plaignent pas de dou¬
leurs spontanées intenses ; c’est à peine s’ils accusent quelques sensations
de fourmillements on d’engourdissement, et si l’on explore leur sensibilité
objective, on ne trouve d’anesthésie véritable qu’au niveau des téguments
qui recouvrent le premier espace interosseux dorsal et la face dorsale de la
base du pouce. Autour de cet îlot, et tout le long de la partie moyenne de
la face postérieure de l’avant-bras, où se distribue le rameau cutané externe,
1PLEXUS BRACHIAL (NERF RADIAL) 355

il m’y a qu’une hypoesthésie superficielle si peu accentuée qu’il faut la


rechercher avec grand soin pour en délimiter les contours. Même dans la
région du pouce où l’anesthésie au contact, à la température et à la piqûre,
est abolie, les sensations baresthésiques et le sens des attitudes segmentaires,
sont habituellement conservés.

3° Troubles vaso-moteurs, secrétoires et trophiques. — Ils sont peu accen¬


tués. Quelquefois on constate, dans les premiers jours qui suivent l’appari¬
tion de la paralysie, un peu de chaleur et de succulence de la main, avec
moiteur de la peau ; mais ces phénomènes ne persistent pas longtemps. Les
ongles continuent à s’accroître aussi vite que du côté sain. Ils sont parfois
striés en travers et un peu cassants. Ils ne présentent pas de bourrelets sous-
unguéaux.
Le seul trouble trophique qui s’observe fréquemment, c’est la tumeur
dorsale du poignet. Elle se développe tardivement, plusieurs semaines eu
mois après le début de la paralysie. Elle est produite par l’épaississement
des tendons et des gaines synoviales péri-lendineuses qu’on sent très nette¬
ment augmentés de volume et roulant sous les doigts quand on palpe avec
soin la face postérieure du carpe.

4° Réflexes. — Le réflexe stylo-radial est généralement aboli ; le cubito-


pronateur plutôt exagéré.

5° Utilisation fonctionnellej'de la main. — La paralysie des muscles


innervés par le radial constitue une infirmité disgracieuse et incommode.
Cependant, les mouvements de flexion et d’extension de l’avant-bras sur le
bras et ceux des deux dernières phalanges étant conservés, les malades peu¬
vent obtenir de leur main pendante, un bon nombre de services. Ils peu¬
vent s’en aider pour se vêtir et s’alimenter ; ils peuvent saisir entre leurs
doigts des objets d’un certain volume, des manches d’outils agricoles, bê¬
che, pioche, hache, fourche, etc., et porter à bout de bras des fardeaux
assez pesants, arrosoirs, brouettes, etc... Ce qui les gêne le plus, c’est l’im¬
possibilité de tenir l’avant-bras en supination, le poignet en extension et le
pouce en abduclion. C’est elle qui les empêche d’exécuter correctement les
gestes de placer le petit doigt sur la couture du pantalon, dans l’attitude du
garde à vous, de faire le salut militaire, de présenter le poing fermé dans la
position de défense du boxeur. L’impossibilité d’étendre la première phalan¬
ge des doigts leur interdit de jouer de tous les instruments de musique à cor¬
des, à touches, à clefs ou à pistons et de se servir des ciseaux dont ils peuvent
356 LES NERFS RACHIDIENS

bien rapprocher les branches mais non les écarter ; par contre ils manient
bien les pinces et les sécateurs dont l’ouverture est assurée par des ressorts
qui remplacent le mouvement d’extension et d’abduction du pouce.
La plupart arrivent à écrire assez bien en s’aidant de quelques petits arti-
iiees, tendant à compenser le défaut d’extension du poignet qui permet de dé¬
placer la plume de gauche à droite pour tracer les lignes. Les uns suppléent il
ce déficit fonctionnel en déplaçant tout le membre supérieur, comme on le
fait quand on écrit à main levée avec un bâton de craie sur un tableau ; les
autres en poussant avec leur index gauche la main droite qui tient la plume ;
quelques-uns ein attirant peu à peu avec leur main gauche le papier, ce qui
rend inutile le déplacement de leur main droite.

C) SYMPTOMES DE LA VARIÉTÉ BRACHIALE HAUTE

La variété brachiale haute ou sus-trachélienne résulte de lésions intéressant


le nerf radial, entre le point où il s’individualise en se séparant du nerf cir¬
conflexe. et celui où il donne naissance à ses premiers rameaux moteurs des¬
tinés au triceps brachial et à l’enconé. Aux phénomènes morbides de la va¬
riété trachélienne, s’ajoute alors la paralysie atrophique des extenseurse de
l'avant-bras sur le bras. Lorsque celui-ci est pendant le long du corps, il n’y a
pas d’attitude vicieuse, la pesanteur suffisant à maintenir l’avant-bras dans le
prolongement vertical de l’axe de l’humérus ; mais si l’avant-bras est fléchi,
le malade ne peut pas le porter volontairement en extension. Il peut bien éle¬
ver le membre jusqu’à l’horizontale par le deltoïde et le sus-épineux) et même
un peu plus haut par le grand dentelé et le trapèze, mais lorsque l’avant-bras
s’aplproche de la verticale, n’étant plus maintenu par les extenseurs, il re¬
tombe lourdement en flexion ; de telle sorte que la main du sujet vient irré¬
sistiblement heurter son visage. De plus le malade est incapable d’exécuter
les gestes, d’envoyer un baiser, de donner une gifle, de mettre son chapeau
sur la tête.
Le réflexe tricipital est aboli. La sensibilité superficielle est émoussée dans
le domaine de la branche cutanée externe, c’est-à-dire dans la région posté¬
rieure du bras.

D) SYMPTOMES DES VARIÉTÉS ANTIBRACHIALES

Les variétés antibrachiales se divisent en hautes, basses et parcellaires. Elu-


dions-les séparément :
PLEXUS BRACHIAL (NERF RADIAL) 357

1° Variété haute. — Dans la variété haute, le nerf radial est lésé immédia¬
tement au-dessous du point où il fournit les rameaux destinés au groupe des
muscles épicondyliens. Dès lors, la contractibilité, volontaire et synergique de
ces muscles, qui sont supinateurs de l’avant-bras, et extenseurs du poignet, est
intégralement conservée, tandis que celle des muscles innervés par des ra¬
meaux naissant au-dessous de ce point, c’est-à-dire des extenseurs des doigts
et du pouce est abolie. Le malade peut donc porter l’avant-bras en supination
et relever le poignet, mais il est incapable de relever la première phalange des
doigts et de porter le pouce en extension-abduction, de façon à faire saillir
les tendons qui limitent la tabatière anatomique. De plus, le rameau cutané
externe étant offensé, on peut constater une bande d’hypoesthésie à la face
postérieure de l’avant-bras, s’étendant, du côté de la main, jusqu’à la peau
du premier espace interosseux dorsal.
C’est cette variété qu’on observe le plus souvent dams les paralysies satur¬
nines, dans lesquelles le long supinateur est épargné. On a cherché beaucoup
d'explications à cette particularité. On paraît ne pas avoir songé à la plus
simple de toutes. La paralysie saturnine est une polynévrite toxique, qui
comme toutes les polynévrites débute par les extrémités terminales des nerfs
et ne s’étend que rarement à une grande hauteur sur le trajet des cordons
nerveux. Dans la grande majorité des cas, la polynévrite saturnine, ne dé¬
passe pas la hauteur du coude. Elle s’arrête au-dessous du point où les ra¬
meaux du long supinateur et des radiaux externes se détachent du tronc du
nerf. Aussi la paralysie épargne-t-elle le plus souvent ces muscles, tandis
qu’elle est très marquée sur les muscles innervés, en aval de la région du coude.

2° Variété basse. — Dans la variété basse, les lésions du nerf siègent au


niveau de l’union du tiers moyen avec le tiers inférieur de l’avant-bras, dams
le point où la branche antérieure du radial, se divise en ses rameaux termi¬
naux qui vont innerver les muscles extenseurs du pouce, et l’extenseur pro¬
pre de l’index. La paralysie qu’elles provoquent se trouve alors limitée aux
seuls mouvements d’extension et d’abduction du pouce. L’extenseur propre
de l’index est bien, lui aussi, paralysé, mais il est si facilement suppléé par
le faisceau de l’extenseur commun qui lui est destiné que sa paralysie passe
tout à fait inaperçue.

3° Variétés parcellaires. —Une plaie pénétrante de l’avant-bras ou du bras


peut passer, sans l’offenser, au voisinage du tronc du radial et sectionner isolé¬
ment une de ses branches : elle sera alors suivie de la paralysie du muscle ou
de l’hypoesthésie de la région de la peau qu’innervent les fibres motrices ou
358 LES NERFS RACHIDIENS

sensitives interrompues. Les lésions parcellaires, d’ailleurs assez rares, n’ont


pas une grande importance clinique à cause des suppléances qui peuvent les
masquer.

E) DIAGNOSTIC DE LA PARALYSIE RADIALE ET DE SES VARIÉTÉS

II est généralement très facile. Et pourtant la paralysie globale molle de


la main, qui se produit assez souvent à la suite de blessures légères de l'extré¬
mité distale du membre
supérieur — même de
blessures qui n’ont pu
offenser en aucune façon
le nerf radial — peut
induire en erreur des
observateurs non préve¬
nus ou insuffisamment
attentifs. L’impossibilité
de relever le poignet, et
d étendre les premières
phalanges des doigts
existe, en effet, dans les
deux cas. Mais dans la
paralysie globale de la
main, la mobilité des
iléchisseurs est tout aus¬
Fig. 91. si compromise que celle
Geste du salut militaire incorrectement exécuté par
des extenseurs. Dans
un sujet atteint de paralysie du nerf radial. Cour¬
be arrondie en col de cygne du poignet et des l’épreuve des mains
doigts.
croisées, les doigts ne
s’appliquent pas contre
la tête des métacarpiens et ne se meuvent pas du tout ; dans celle du croche¬
tage des doigts les dernières phalanges du malade ne se fléchissent pas en
crochet, et par conséquent, ne peuvent pas résister à la traction ; le signe de
l’escalier fait défaut. De plus le déséquilibre du tonus entre les muscles
extenseurs qui ont perdu toute tonicité et leurs antagonistes, les fléchisseurs,
qui l’ont conservée, donne toujours à la main des paralysés du radial la for¬
me arrondie en col de cygne, tandis que dans les paralysies globales molles
hystéro-traumatiques, tous les muscles du poignet et des doigts étant unifor¬
mément frappés d’atonie, la main conserve, quelle que soit sa position par
PLEXUS BRACHIAL (NERF RADIAL) 359

rapport au tronc, la forme en palette (fig. 91 et 92). Enfin, s’il j ade l’anes¬
thésie, ce qui est fréquent, elle a une distribution segmentaire, au lieu d’être
limitée au territoire du radial à la main.
Le diagnostic du siège de la paralysie en hauteur est encore plus aisé. A
chacune de ses variétés correspondent des signes critères à peu près infailli¬
bles : dans la variété antibrachiale basse, l’impossibilité de tenir le pouce
en angle droit par rapport au deuxième métacarpien, en faisant saillir nette¬
ment les tendons de la tabatière anatomique ; pour la variété antibrachiale
haute, l’impossibilité
de tenir la main éten¬
due dans l’attitude du
serment et de présen¬
ter correctement le
poing fermé de la po¬
sition de défense du
boxeur ; pour la va¬
riété trachélienne,
l’impossibilité de rele¬
ver le poignet et l’ab¬
sence de contraction
du long supinateur
dans l’effort contrarié
de flexion volontaire
de P avant-bras sous le
bras ; pour la variété
Fig. 92.
brachiale haute, l’im¬ Geste du salut militaire éxécuté par un malade
atteint de paralysie globale molle hystéro-trauma¬
possibilité de faire le
tique. Main plate, en palette, à angle droit sur
geste d’envoyer un l'avant-bras.

baiser, ou de mettre
convenablement un chapeau sur la tête.

F) SIGNES DE LA RÉCUPÉRATION FONCTIONNELLE

Les paralysies du radial ne sont pas incurables. Même lorsqu’elles sont la


conséquence des lésioins traumatiques grossières, voire de section complète
avec écartement notable, elles peuvent guérir, et si elles n’en sont empê¬
chées par des causes locales ou générales, elles tendent naturellement vers
la guérison. Les fibres du segment périphérique dégénèrent, mais par un
360 LES NERFS RACHIDIENS

processus dont mous avons indiqué précédemment le mécanisme histologi¬


que (voy. p. 290) ; elles récupèrent leur structure et leurs fonctions.
Les signes qui révèlent leur restauration fonctionnelle ne se manifestent
pas tout d’un coup. Ils s’établissent insidieusement, progressivement. Ils
commencent généralement à apparaître entre le 4e et le 8e mois qui suit ta
blessure dp nerf. Il importe de les bien connaître pour ne pas commettre de
regrettables erreurs de pronostic.
Le premier est la réapparition du tonus dans les muscles paralysés. Il se
révèle par la diminution de leur flaccidité et par une atténuation graduelle
des attitudes vicieuses résultant de leur hypotonicité. La main qui pendait
au début, en col de cygne, par suite de l'inertie absolue des muscles exten¬
seurs, devient moins tombante. L’angle de flexion du poignet sur l’avant-
bras, mesuré au goniomètre ou à la lame de plomb, augmente d’ouverture.
La tendance au rétablissement de l’équilibre tonique se manifeste en
même temps par la diminution graduelle de la pronation à ressort, par
l’atténuation de la brusquerie de la chute en lléau de la main, et par l’amoin¬
drissement de l’intensité du déclic élastique des doigts.
A mesure que le tonus se rétablit, les contractions synergiques reparaissent.
Pour le constater on aura recours aux épreuves décrites plus haut (voy. p.
292 et 293) du long supinateur et du poing fermé. Dans la première, on
sentira facilement le corps charnu du long supinateur se durcir pendant que
le malade fait effort pour, fléchir l’avant-bras sur le bras. Dans la seconde,
on verra que l’hyperllexion du poignet esl moins marquée qu elle ne l’était
au début de la paralysie.
Ces phénomènes sont des signes précurseurs du retour prochain de la
contractibilité volontaire ; ils le précèdent de quelques semaines. Lorsque
le muscle devient capable de ,se contracter volontairement, il commence par
se gonfler légèrement pendant l’effort. Mais ce gonflement, à peine apprécia¬
ble par la palpation attentive de son corps charnu, n’est pas assez énergi¬
que pour se traduire par une tension appréciable de son tendon, et encore
moins pour exercer sur la main ou les doigts une traction efficace suscep¬
tible de les relever. Quelques jours plus lard, la contraction devenue plus
énergique, arrive à produire une extension évidente de ces organes. Une
particularité assez curieuse, c’est que durant celte phase de récupération, en
quelque sorte latente, de la contractibilité volontaire, on voit un boni nombre
de malades qui ne peuvent pas encore relever leur poignet, si celui-ci est
pendant en pronation, cl qui peuvent pourtant le porter en abduction, lors¬
que leur avant-bras est placé en demi-supination (signe de la charnière). Cette
différence d’action tient, à n'en [tas douter, à ce qu’un effort léger suffit à
PLEXUS 111! AUI 11 AL (NEUF RADIAL) 361

déplacer la main quand la charnière formée par l'articulation radio-carpienn©


est verticale ; tandis que, si elle est horizontale, il faut déployer une force
beaucoup plus grande pour vaincre la résistance qu’oppose au mouvement
actif, le poids de la main et des doigts pendant au bout de l’avant-bi'as.
En général, le retour de la motilité volontaire précède la disparition de
la 1\D et de l’atrophie des muscles précédemment paralysés.
Il faut ajouter que la récupération de l’énergie contractile ne s’opère que
très lentement. Il se passe toujours de longs mois avant que les malades
donnent au dynamomètre un degré de force égal du côté paralysé et du côté
sain. Néanmoins, ils peuvent se servir facilement de leurs deux mains pour
tous les usages habituels de la vie courante, ainsi que pour les besoins ordi¬
naires de leur profession.
La restauration fonctionnelle ne se fait pas en même temps dans tous les
groupes musculaires du membre. Elle débute d’habitude dans les groupes
les plus voisins de la lésion du nerf et gagne peu à peu les plus éloignés, ce
qui paraîtra tout naturel si l’on se rappelle que la régénération wallérienne
évolue du centre vers la périphérie. Celte particularité explique comment les
derniers délicits fonctionnels qui incommodent les paralysés du radial, en
voie de guérison, sont ceux résultant de l’inertie du pouce. C’est pourquoi
nous pensons que le test le plus démonstratif de leur guérison est la possi¬
bilité de placer la main étendue dans l’attitude du serment, le pouce écarté à
angle droit de l’index, ou d’exécuter correctement le geste du salut militaire.
Si l’on avait quelques raisons de suspecter la bonne foi de sujets ayant
intérêt à simuler ou à exagérer, après leur guérison, les impotences consécu¬
tives à une paralysie radiale réellement guérie, on pourrait avoir recours aux
tests de sincérité indiqués par Fhoment et Cakdèiœ (voy. p. 300), tests qui sont
pour ce genre de paralysie : 1° l’absence de contraction synergique du
deuxième radial externe et du cubital postérieur dans les efforts énergiques
de llexion des doigts, le poignet étant passivement maintenu en extension ;
2° l’absence de saillie de l’extenseur commun des doigts durant l’effort
d écartement des doigts ; 3° l’absence de saillie des tendons de la tabatière
anatomique pendant les efforts d’abduction du petit doigt. Mais il faudra
avoir soin de s’assurer que les sujets soumis à l’examen exécutent les mouve¬
ments commandés avec assez de force pour (pie la contraction volontaire des
muscles aptes à produire ces mouvements puisse déclancher la contraction
synergique des muscles qui leur sont fonctionnellement associés.
En résumé, bien que le radial ail une distribution sensitive et motrice très
étendue, ses paralysies sont relativement bénignes. Les troubles de la sensi¬
bilité qui l’accompagnent sont pour ainsi dire insignifiants et les troubles de
362 LES NERFS RACHIDIENS

la motilité, portant uniquement sur l’extension de l’avaut-bras sur le bras, la


supination de 1 avant-bras et l'extension du poignet et de la première pha¬
lange des doigts, compromettent moins les mouvements de la main que les
paralysies du médian ou du cubital. En outre, elles guérissent mieux et plus
souvent que les paralysies de ces derniers nerfs.

3" NERF CUBITAL

[Planches XV el XVIII].

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine. — Le nerf cubital est un nerf volumineux, à la fois moteur et


sensitif, qui s’étend de la région de l’aisselle à l’extrémité des doigts. Il se
détache (lig. 82j de la racine interne du médian, un peu au-dessous du bra¬
chial cutané interne. Il tire ses fibres du dernier nerf cervical et du premier
nerf dorsal.

2° Trajet. — Suivant, à partir de son origine, un trajet verticalement


descendant, le nerf cubital longe le côté interne du bras, comme le médian,
mais sur un plan un peu postérieur : tandis que le médian est placé dans
la loge antérieure du bras, le cubital chemine dans la loge postérieure ou
loge du triceps. Les deux nerfs n’en sont pas moins très voisins, séparés seu¬
lement l’un de l’autre par l’aponévrose intermusculaire interne.
Arrivé à l’épilochée, le cubital passe en arrière de cette saillie osseuse et
descend à la face postérieure du coude, jusqu’à l’extrémité supérieure de la
diaphysc du cubitus.
Là, il contourne d’arrière en avant le côté interne de cette diaphyse, gagne
ainsi la face antérieure de l’avant-bras et descend alors verticalement jusqu’à
la région du poignet, où il se termine en se bifurquant.

3° Distribution. — Le nerf cubital, comme le radial, fournit deux ordres


de branches, des branches collatérales et des branches terminales :

a) Branches collatérales. — Dans son trajet brachial, le nerf cubital


n’abandonne aucune collatérale. A l’avant-bras, au contraire, il fournit de
nombreux rameaux, savoir :
1° Tout en haut, quelques rameaux articulaires, sensitifs par conséquent,
pour l’articulation du coude ;
2° Un peu plus bas, deux rameaux musculaires, l’un pour le cubital anté¬
rieur (nerf du cubital antérieur), l'autre pour les deux faisceaux internes du
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Pouce

Fig. 1 - Trajet et distribution Fig. 2 - Son territoire cutané

PLANCHE XVIII

NERF CUBITAL

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur.


PLEXUS BRACHIAL iNEHF CUBITAL) 363

fléchisseur commun profond des doigts (nerf du fléchisseur commun pro¬


fond des doigts) ;
3° A la partie inférieure de l’avant-bras, un rameau anastomotique pour
le nerf brachial cutané interne ;
4° Le nerf cutané dorsal de la main : né à trois ou quatre travers de doigt
au-dessus du poignet, il se porte en bas, en dedans et en arrière, contourne
le cubitus et arrive à la région postérieure de l’avant-bras, où il se divise en
trois rameaux divergents, qui forment les collatéraux dorsaux du petit doigt,
de l’annulaire et de la moitié interne du médius.

b) Branches terminales. —- Arrivé au poignet, le nerf cubital se termine


par deux branches, l’une superficielle, l’autre profonde :
a) Branche superficielle. — La branche superficielle fournit un rameau
au petit muscle palmaire cutané, puis se divise en deux rameaux, tous les
deux sensitifs : l’un interne, qui devient le collatéral palmaire interne du pe¬
tit doigt ; l’autre externe, qui forme, en se bifurquant, le collatéral palmaire
externe du petit doigt et le collatéral palmaire interne de Vannulaire.
b) Branche profonde. — La branche profonde, la plus volumineuse des
deux, est presque exclusivement musculaire. Elle prend ordinairement nais¬
sance sur le côté externe du pisiforme, quelquefois un peu plus haut. De là.
elle se dirige obliquement en bas, en arrière et en dehors, traverse les inser¬
tions supérieures du court fléchisseur du petit doigt et arrive dans la région
palmaire profonde, au-dessous des tendons fléchisseurs des doigts. Elle se
porte alors transversalement en dehors, en décrivant, dans son ensemble,
une longue courbe à concavité dirigé en dehors et en haut :
a) Par sa concavité, cette arcade ne fournit que quelques filets, toujours
très grêles, pour les articulations du poignet.
P) Par sa convexité, au contraire, elle donne des branches fort nombreu¬
ses : 1° pour les trois muscles sous-aponévrotiques de l’éminence hypotlié-
nar, l’adducteur, le court fléchisseur et l’opposant du petit doigt ; 2° pour
les deux derniers lombricaux ; 3° pour tous les interosseux palmaires et
dorsaux ; 4° pour l’adducteur du pouce et pour le faisceau interne du court
fléchisseur du pouce.

4° Résumé. — En résumé, le merf cubital fournit, comme le radial, deux


ordres de branches, des branches musculaires et des branches cutanées.
a) Par ses branches musculaire, il innerve : 1° à l’avant-bras, le cubital
antérieur et les deux faisceaux internes du fléchisseur commun profond des
doigts ; 2° à la main, les quatre muscles de l’éminence hypothénar, les deux
364 LES NERFS RACHIDIENS

derniers lombricaux, l'adducteur du pouce, le faisceau interne du court


fléchisseur du pouce et tous les interosseux.
{}) Par ses branches cutanées, il préside à la sensibilité de la peau : 1° de
moitié interne de la région dorsale de la main ; 2° de l’éminence hypotlié-
nar ; 3° du petit doigl ; 4° de la moitié interne de l’annulaire.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE, LES PARALYSIES CUBITALES

Le cubital est un nerf mixte intégral, en ce sens que scs fonctions physio¬
logiques et ses réactions pathologiques sont à la fois, et en proportion bien
équilibrée, motrices, sensitives et sympathiques.
11 est particulièrement intéressant par l’importance du rôle qu’il remplit
dans le merveilleux appareil de mécanique animale qu’est la main humaine.
Trois nerfs animent les muscles qui font mouvoir les doigts et le pouce : le
radial, le médian et le cubital. Le radial innerve les muscles extenseurs de la
première phalange des doigts et du premier métacarpien. Le médian et le
cubital se partagent l’innervation des longs fléchisseurs communs des doigts
qui fléchissent le;s pliaIanginés cl les phalangettes, cl des muscles thénariens
affectés à l’opposition. Le cubital commande en outre tout seul, par l’inter¬
médiaire des interosseux, les mouvements associés de flexion de la première
phalange et d’extension des deux autres, ainsi que le mouvement d’écarte¬
ment et de rapprochement des doigts. Il préside ainsi à l’exécution des actes
les plus délicats que réalisent les extrémités digitales. C/est grâce à lui (pie
le violoniste peut comprimer telle ou telle des cordes de son instrument ; le
pianiste, frapper isolément telle ou telle des touches de son clavier ; le pein¬
tre, mélanger les couleurs sur sa palette et les étendre sur la toile ; l’écrivain,
tenir et diriger sa plume. Nous allons passer en revue les déficits fonction¬
nels déterminés par ses paralysies, en indiquant autant que possible les
suppléances susceptibles d’en modifier les manifestations.

A) SYMPTOMES DES PARALYSIES DU CUBITAL

1° Aspect général de la main. — L’aspect de la main est habituellement


modifié : 1° par l’aplatissement de la voûte métacarpienne ; 2° par la dépres¬
sion des éminences et des espaces interosseux ; 3° par la diminution du dia¬
mètre transversal de la main.
a) Aplatissement de la voûte métacarpienne. — Chez un sujet normal la
main au repos est légèrement arrondie sur son axe transversal. Le métacarpe
PLEXUS BRACHIAL (NERF CUBITAL) 363

vu par sa face dorsale est convexe ; par sa face palmaire, il est concave. Cette
courbe due surtout à l’action tonique du palmaire cutané et des interosseux
s’efface et disparaît lorsque ces muscles sont paralysés : la main devient plate
(fîg. 93 et 94) (signe de Massé, Journal de Méd. de Bordeaux, août 1916. p.
198). Pour la même raison, le gril métacarpien devient mou ; on peut beau¬
coup plus facilement qu’à l’état normal, mobiliser les uns par rapport aux
autres les os qui le composent.
b) Dépression des éminences et des espaces interosseux. —Cette dépression

Fig. 93. Fig. 94.


PaTalysie du cubital. Paralysie du cubital.
Aspect de la main, face dorsale. Dépression Aspect de la main, face palmaire. Diminu¬
des espaces interosseux et des éminences ; tion du diamètre transversal du métacarpe.
aplatissement de la voûte métacarpienne. Atrophie très marquée de l’éminence hypo¬
Incurvation légère du petit doigt et de l’an¬ thénar. Incurvation légère du petit doigt et
nulaire. de l’annulaire.

est l’effet de l’amaigrissement des muscles propres de la main, innervés par


le cubital. Elle est surtout évidente au niveau de l’éminence hypothénar dont
le relief disparaît complètement et du premier espace interosseux dorsal, dont
la saillie,est remplacée par une véritable excavation en salière (fig. 93 et 94).
c) Diminution du diamètre transversal de la main. — Elle est, due en partie à
l’affaissement de la saillie de l’éminence hypothénar, et en partie à l’atrophie
ostéo-porosique des têtes des métacarpiens, dont la radiographie révèle
366 LES NERFS RACHIDIENS

l’existence. Si, en effet, on mesure avec un compas d’épaisseur ou un pied


à coulisse, la distance qui sépare la tète du deuxième métacarpien de celle du
cinquième, on constate qu’elle est en moyenne de quatre ou cinq millimètres
moins longue du côté malade que du côté sain (fig. 93 et 94).

2° Attitudes anormales des doigts. — Ce sont : 1° l’abduction permanente


du petit doigt ; 2° l’abduclion permanente du premier métacarpien ; 3° la
llexion de la phalange unguéale du
pouce ; 4° la griffe dite cubitale.
a) Abduction permanente du petit
doigt. — Elle résulte de l’atomic
paralytique des muscles de l’éminen¬
ce hypothénar, tous innervés par le
cubital, atonie qui a pour effet de lais¬
ser le champ libre au tonus antago¬
niste de l'extenseur commun des
doigts, dont le faisceau le plus in¬
terne tend à porter le petit doigt en
abduction, par rapport à l’axe de la
main. Elle est assez souvent marquée
par des rétractions fibro-tendineuses.
b) Abduction permanente du pre¬
mier métacarpien. — Elle est due,
elle aussi, à la prédominance du to¬
nus des muscles extenseurs et. ab¬
ducteurs du pouce innervés par le
radial, sur l’adducteur devenu ato¬
ne par la paralysie du cubital. Elle
n’est pas également accentuée chez tous les sujets : chez quelques-uns même
elle se manifeste seulement pendanl les efforts de mobilisation active du
pouce.
c) Flexion permanente de la phalangette du pouce. — La flexion perma¬
nente de la phalangette du pouce (signe de Jeanne) est un phénomène du
même ordre. La flexion de cette phalange est commandée par le long fléchis¬
seur propre du pouce innervé par le médian ; son extension est fonction de
l’abducteur et du faisceau interne du court fléchisseur, innervés par le cubi¬
tal. Quand ces deux derniers muscles sont paralysés, la phalangette du pouce
se trouve donc entraînée en llexion par le tonus prédominant du long fléchis¬
seur propre.
PLEXUS BRACHIAL (NERF CUBITAL) 36?

Celle prédominance du tonus parfois à peine appréciable au repos s’exagère


habituellement dans les mouvements volontaires qui impliquent une con¬
traction active du long fléchisseur du pouce, comme dans l’acte de serrer une
feuille de papier entre le pulpe du pouce et la première phalange de l’index.
(Signe de Froment).
d) Griffe cubitale. — La griffe cubitale est une altitude vicieuse, spéciale,
plus ou moins accentuée, tics deux ou trois derniers doigts.

Fig. 96. Fig. 97.


Griffe cubitale type IL Griffe cubitale type lit.
Flexion en crochet mwert de la phalan- Flexion en crochet fermé de la plialan-
gine et de la phalangette des deux der¬ gine et de la phalangette des deux der¬
niers doigts. niers doigts.

Elle se présente sous trois types différents. Dans le type I (fig. 95) la pre¬
mière phalange de ces doigts, mais principalement celle de l'auriculaire et de
l’annulaire, est en hypertension légère, tandis que les deux dernières sont un
peu infléchies en arc, sans rigidité. Dans les griffes du type II (lig. 9G), les
trois phalanges des derniers doigts sont fléchies, vers la paume de la main, en
crochet ouvert ; elles sont assez facilement réductibles; cependant on éprouve
une certaine résistance, et le malade se plaint de douleurs, lorsqu’on cherche à
mobiliser l’articulation phalango-phalangienne de ces doigts. Dans le type IIf,
(fig. 97) les trois phalanges sont lléchies au maximum, en crochet fermé
de telle sorte que la pulpe des deux ou trois derniers doigts est en contact
368 LES NERFS RACHIDIENS

immédiat avec la peau de la paume de la main, et fixée en cette position


pai des rigidités fibro-arliculaires qui empêchent absolument de les étendre.
La genèse de la griffe paraît liée, non pas comme le prétendent certains
auteurs, au siège haut ou bas des lésions du nerf cubital, mais à la façon
dont s’opère leur cicatrisation. Si elle s’effectue rapidement, sans complica¬
tions irritatives ou infectieuses, l’attitude anormale des doigts TV et V, résul¬
tant purement et simplement du déséquilibre du tonus, ne dépasse par le
type I, et elle se dissipe en quelques semaines. Mais si les plaies infectées
suppurent, si des produits phlogogènes
irritent les extrémités du nerf offensé et
donnent lieu à des phénomènes doulou¬
reux et à des troubles trophiques fibro-
articulaires, les trois phalanges des
doigts IV et V se fléchissent peu à peu
en crochet ouvert d’abord, puis en cro-
crochet fermé et arrivent finalement à
être immobilisés par des ankylosés ir¬
réductibles qui resteront indélibiles,
même lorsque le nerf régénéré, aura ré¬
cupéré sa conductibilité physiologique.
La griffe cubitale ne fait donc pas né¬
cessairement partie de la symptomato¬
logie des paralysies du cubital. Elle en
est un signe fréquent qui se rencon¬
tre, à des degrés divers, dans 90 pour
100 des cas, mais non un signe patho¬
gnomonique. Elle peut, d’ailleurs, être
Fig. 98.
Fausse griffe cubitale provoquée par simulée par des contractures bystéro-
une section traumatique des tendons
lraumatiques de nature purement fonc¬
internes du muscle extenseur com¬
mun des idoigts. tionnelle des fléchisseurs des derniers
doigts, et aussi par des lésions musculo-
tendineuses, vicieusement cicatrisées des faisceaux internes de 1 extenseur
commun des doigts (fig. 98).

3° Troubles de la motilité volontaire. — Les muscles innervés par le


cubital prennent part, conjointement avec ceux que commandent le médian
et le radial, à l’exécution de tous les mouvements des doigts et de la main ,
car il y a entre ces trois nerfs des associations physiologiques très étroites. Le
cubital n’entre jamais seul en action. Il est entouré de deux coadjuteurs
vigilants, toujours prêts à venir à son aide et à le remplacer en cas de besoin.
PLEXUS BRACHIAL (NERF CUBITAL) 369

Aussi pour étudier les perturbations motrices déterminées par sa paralysie,


faut-il analyser avec soin les mouvements qui dépendent de chacun de ses
muscles, en tenant compte de l’appui que peuvent lui fournir les muscles
voisins et de la mesure dans laquelle ils peuvent le suppléer.
11 faut aussi tenir compte du siège de la lésion qui a provoqué la paraly¬
sie (voir lig. 99). Celle-ci présentera nécessairement une symptomatologie
différente, si le nerf a été offensé au-dessous du point où il donne naissance
aux rameaux destinés aux muscles qu’il innerve à
l’avant-bras {paralysie basse), ou au-dessus de ce point
(paralysie haute).

a) Paualysie basse. — Dans les paralysies basses, les


muscles intrinsèques de la main innervés par les bran¬
ches terminales du cubital sont seuls paralysés.
Les mouvements des doigts à la production desquels
ils prennent une part exclusive ou tout au moins im¬
portante, peuvent être divisés en quatre groupes : 1°
ceux des quatre doigts qui dépendent de l’action des
interosseux ; 2° ceux du pouce, qui résultent de la con¬
traction de l’abducteur et du faisceau interne du court
fléchisseur ; 3" ceux du petit doigt qui ont pour agents
les muscles de l’hypothénar ; i° enfin, ceux de préhen¬
sion ci d’opposition où les déplacements du pouce sont
associés à des déplacements corrélatifs des autres
doigts. Eludions successivement les perturbations
fonctionnelles qui succèdent dans chacun d’eux, à la
paralysie du cubital et les épreuves cliniques qui per¬
mettent de les déceler.
a) Perturbation des mouvements dépendant de fac¬
tion des interosseux. — Les interosseux et les lombri-
caux qui leur sont annexés ont une double fonction : a)
ils écartent et rapprochent les doigts les uns des au¬
tres b) ils fléchissent les premières phalanges et éten¬
dent les deux dernières. Les épreuves cliniques qui ré¬
vèlent leurs déficits fonctionnels, sont l’épreuve de l’é¬ Fig. 99.
ventail et l’épreuve du gouvernail. Silhouette de la dis¬
tribution motrice
du nerf cubital.
1, rameau du muscle cubital antérieur. — 2, 2’, rameaux pour les deux faisceaux internes
du fléchisseur commun profond des doigts. ■—• 3, rameau pour le palmaire cutané. — 4. ra¬
meaux pour les trois muscles profonds de l’éminence hypothénar : l’adducteur, le courl
fléchisseur et l’opposant du petit doigt. — 5, rameaux pour les deux lombricaux intei-
nes. — 6, rameaux pour les trois interosseux palmaires et les quatre interosseux dorsaux.
— 7. rameaux pour l’adducteur et pour le faisceau interne du court fléchisseur du pouce (émi¬
nence thénar).
I.ns NERFS EN SCHÉMAS 24
370 LES NERFS RACHIDIENS

«) Epreuve de l'éventail. — Théoriquement, le cubital innervant tous les


interosseux, sa paralysie devrait empêcher absolument tous les mouve¬
ments d’écartement et de rapprochement des quatre doigts. En fait, elle
n’abolit totalement que les mouvements de latéralité du médius. La raison
de cette apparente anomalie, c’est que des quatre tendons de T extenseur
commun des doigts réunis sous le ligament postérieur du carpe, un seul,
celui du médius se porte en droite ligne, à la première phalange de ce doigt;
les trois autres se rendent très obliquement, l’un à l'index, les deux derniers
à l’annulaire et à l’auriculaire. Par suite, lorsque l’extenseur commun des
doigts se contracte, il entraîne l’index d’une part, l’annulaire et l'auriculai¬
re d’autre part, en abduction par rapport à l’axe de la main, et cela avec
d’autant plus de facilité que le tonus des interosseux dorsaux, qui sont
adducteurs -des doigts, est supprimé. Quand sa contraction cesse de les ternir
écartés, ces doigts reprennent passivement leur position de repos, d’autant
plus aisément que le tonus des interosseux palmaires, qui sont abducteurs
des doigts, fait lui aussi défaut.
Mais si le malade peut placer volontairement ses doigts dans la position
de l’éventail ouvert ou fermé, il ne peut pas porter isolément son médius en
dedans ou en dehors. Ce phénomène de l’immobilité latérale du médius est
un des signes les plus constant et les plus caractéristiques de la paralysie du
cubital.
|t) Epreuve du gouvernail. — Lorsque la main, étant placée en demi supi¬
nation, on fléchit la première phalange des doigts, en laissant les deux
autres étendues, on opère un mouvement analogue à celui que le pilote
imprime au gouvernail d’un bateau, dont il veut modifier la direction. A
l’état physiologique, ce geste est réalisé par les interosseux et les lombricaux.
Que se passe-t-il lorsque les muscles qui sont chargés de le produire sont
paralysés ? Il semble à priori qu’il devrait être inexécutable ; et pourtant
l’observation démontre que les malades atteints de paralysie du cubital, ou
tout au moins ceux de ces malades qui n’ont pas de griffe irréductible des
derniers doigts l’exécutent assez bien. Au commandement, ils fléchissent les
premières phalanges de leurs quatre doigts, en laissant les deux autres étendus.
Le mouvement de gouvernail est absolument correct pour l’index et le mé¬
dius ; il l’est souvent un peu moins pour l’annulaire et l’auriculaire, dont la
phalangine tend un peu prématurément à se fléchir ; mais dans l’ensemble le
geste voulu est réalisé grâce à une suppléance exercée par l’extenseur com¬
mun des doigts innervé par le radial et par les faisceaux des fléchis¬
seurs communs innervés par le médian. Cette suppléance n’est pas parfaite;
l’énergie avec laquelle les doigts sont portés et maintenus dans la position
PLEXUS BRACHIAL (NERF CUBITAL) 371

du gouvernail est diminuée, la flexion des dernières phalanges des IVe et V°


doigts est souvent prématurée, mais les quatre doigts peuvent exécuter en¬
semble le mouvement du gouvernail.
b) Perturbation des mouvements dépendant de l'adducteur et du faisceau
interne du court fléchisseur du pouce. — Ces deux muscles qui prennent
leur innertion mobile sur l’os sésamoïde interne ont, selon Duciienne, une
action tics différente, suivant la position qu'occupe le pouce au moment où ils
se contractent ; ils peuvent, en effet, le porter, selon les cas, en adduction,
en abduction, en extension ou en flexion. Ils servent surtout à ramener et
à maintenir le pouce contre le métacarpe quelle ([lie soit sa position préalable.
En outre, ils étendent la deuxième phalange du pouce et fléchissent légè¬
rement la première en lui imprimant un petit mouvement de rotation sur
son axe de dedans en dehors. Ils prennent ainsi une part dans l’acte de l’oppo¬
sition, mais une part seulement, car l’opposition correcte est surtout exécutée
par le court abducteur et l’opposant qui sont innervés par le médian, et ne
sont, par conséquent, pas frappés d’inertie dans les paralysies pures du cubilal.
Pour mettre en évidence le déficit fonctionnel résultant de l’akinésie de
l’adducteur et du faisceau interne du court fléchisseur, mous conseillons
d’avoir recours à l’épreuve suivante, que nous appellerons l’épreuve de l’arc
de cercle :
Épreuve de l’arc de cercle : Le malade ayant la main étendue, la face pal
maire dirigée en haut, le pouce appliqué le long de l’index, on le prie de
porter ce doigt en adduction forcée, en suivant aussi exactement que possi¬
ble la ligne des articulations métacarpo-phalangiennes. Un sujet normal
exécute ce mouvement en deux temps. Dans le premier, les deux phalanges
du pouce restent étendues, le premier métacarpien se rapproche de la ligne
axiale de la main, jusqu’à la base du médius ; dans le second, la phalangette
du pouce se fléchit à angle droit sur la phalange basale, et grâce à cette
flexion, elle arrive jusqu’à l’articulation métacarpo-phalangienne du petit
doigt, sans avoir un seul instant perdu contact avec la paume de la main
et sans que le premier métacarpien ait effectué un mouvement de rotation
très appréciable >sur son axe. Chez le paralysé du cubital, les choses se
passent autrement. Dans la plupart des cas, le premier temps est incorrect
parce que la phalange unguéale du pouce se fléchit dès le début du mouve¬
ment d’adduction du premier métacarpien. Le second ne l’est pas moins,
parce que lorsque la pulpe du pouce est arrivée au niveau du deuxième
espace interdigital, le premier métacarpien pivotant brusquement sur son
axe de dehors en dedans, entraîne les phalanges qu’il supporte dans un mou¬
vement demi-circulaire par lequel elles se détachent de la peau de la main,
372 LES NERFS RACHIDIENS

passent en planant à un ou deux centimètres en avant de la base du médius


et viennent reprendre contact avec la main au niveau de la base de l’annu¬
laire qu’elles ine dépassent pas.
Ces deux anomalies s’expliquent facilement : la flexion prématurée do
la phalangette du pouce, par la contraction synergique du faisceau interne
des fléchisseurs communs ; la traversée en vol plané de la partie moyenne
de la paume de la main, par la carence, dans l’exécution du mouvement d’op-
posilion accompli par le court abducteur et l’opposant (innervés par le mé¬
dian), du frein que représentent l’abducteur et le faisceau interne du court flé¬
chisseur du pouce, dont la fonction principale est de maintenir le premier
métacarpien rapproché de la paume de la main.
c) Perturbation des mouvements dépendant des muscles hypothéna-
riens. — Tous les muscles de l’éminence hypothénar sont affectés à la mobi¬
lisation active du petit doigt ; ils sont tous innervés par le cubital. Il semble
donc que les paralysies de ce nerf devraient entraîner des troubles très appa¬
rents de la motilité du cinquième doigt. En réalité, à part les quelques phéno¬
mènes statiques dus au déséquilibre du tonus, que nous avons signalés plus
haut, l’inertie des muscles hypothénariens ne se traduit cliniquement par
aucun signe très apparent. Le petit doigt, en effet, continue à jouir des plus
importants de ses mouvements, l’extension et la flexion, qui sont fonction des
lomgs fléchisseurs et des longs extenseurs innervés par le médian et le radial.
D’autre part, dans 90 pour 100 des cas, les paralysies du cubital s’accom¬
pagnent de griffes, souvent compliquées d’attitudes en crochet ouvert ou
fermé, qui rendent matériellement impossible la recherche des petits mou¬
vements d’abduction, d’abduction ou d’opposition que commandent les
muscles hypothénariens.
d) Perturbation des mouvements de préhension et d'opposition où les
déplacements du pouce sont associés à des déplacements corrélatifs des autres
doigts. — La position que prennent les doigts et la main dans les innombra¬
bles modalités de l’acte de la préhension sont infiniment variables. Veut-on
saisir et maintenir dans la paume de la main des grains de plomb ou un
liquide, on la creuse en coquille ; veut-on arrêter à la volée et retenir une
pelote ou une orange, on présente la main ouverte, les doigts relevés et demi-
lléchis, en forme de cupule ou de calice ; veut-on saisir une mèche de cheveux,
on rapproche les extrémités des doigts en faisceau.
Chacune de ces positions implique la contraction harmonique de tous les
muscles qui meuvent les doigts et la main ; elle niet notamment en action
ceux qui sont innervés par le cubital. Aussi, lorsque ce nerf est paralysé les
malades ne peuvent-ils exécuter correctement les gestes sus-indiqués.
PLEXUS BRACHIAL, (NERF CUBITAL) 373

Ils ne "peuvent pas creuser la main en coquille, à cause de l’inertie des


interosseux, du palmaire cutané et des adducteurs du pouce et du petit doigt
qui, chacun pour sa part, contribuent à rapprocher l’éminence thénar de
l’hypothénar, et par suite à exagérer la concavité de la paume de la main.
Ils ne peuvent pas placer les doigts dans la posilion du calice, parce que
l’aplatissement de leur voûte métacarpienne qui maintient sur un plan recti-
ligine la base des phalanges de leurs quatre derniers doigts, ne leur permet
pas de les placer en
rond en face du
pouce, à égale dis¬
tance d’un axe fictif
passant par le centre
de la main (fig. 100).
Ils 11e peuvent pas
former correctement
le faisceau en rap¬
prochant la pulpe
dés quatre derniers
doigts de celle du
pouce. Ils le forment
bien avec l’index,
le médius et le pou¬
ce ; mais l’annulaire Fig. 100.
et l’auriculaire Signe du calice.
Du coté droit normal, le pouce étendu se place en face des
n’obéissant pas à l’or¬ autres doigts ; du côté gauche, où le cubital a été sectionné
par un projectile, le pouce, dont les phalanges sont légère¬
dre de ralliement; ment fléchies, n’esquisse même pas le mouvement de rotation
sur son arc qui devrait le porter en opposition par rapport
ils restent en dehors aux autres doigts.

du faisceau (fig. 101).


Ce défaut de ralliement âes deux derniers doigts se manifeste aussi dans
l’épreuve des boucles. Les paralysés du cubital peuvent porter isolément la
pulpe de l’index ou du médius sur celle du pouce, de façon à former des
boucles arrondies ; mais ils ne peuvent pas, même lorsqu’ils n’ont pas de
griffes rigides, formier des boucles avec l’annulaire ou le petit doigt.
Il en est de même pour les chiquenaudes : elles sont possibles avec le pouce
et les deux premiers doigts, impossibles avec le pouce et l’annulaire ou l’au¬
riculaire.
U en est de même aussi pour le pincement. Nous avons déjà signalé plus
haut le signe de Frotment, qui se manifeste par une flexion exagérée de la
première phalange du pouce dans l’acte de serrer une feuille de papier entre
374 LES NERFS RNCIITDIEN'S

le pouce et la première phalange de l’index ; le même phénomène se produit


lorsque les malades veulent pincer avec le bout du pouce et la phalangette de
l’index ou du médius. Aussi sont-ils très maladroits pour saisir avec le bout
des doigts de petits objets, tels que des aiguilles ou des pièces de monnaies.
Quant à exécuter le geste du pincement avec le pouce et les deux derniers
doigts, cela leur est impossible ; ils ne peuvent même pas l’esquisser.
Les petits signes que nous ve¬
nons de décrire nous paraissent
avoir une grande valeur sémiolo¬
gique. Ceux de la coquille, du
calice et du faisceau, nous sem¬
blent notamment devoir figurer
dans le groupe des signes critères,
les plus caractéristiques des para¬
lysies du cubital.

b) Paralysies hautes. — Les


paralysies hautes du cubital suc¬
cèdent à des lésions du nerf de ce
nom siégeant dans son segment
brachial, au-dessus par consé¬
quent du point où se séparent de
lui les rameaux destinés au mus¬
cle cubital antérieur et aux deux
faisceaux internes des fléchisseurs
communs profonds des doigts.
Elles ne diffèrent des basses
que parce que à l’ensemble des
phénomènes morbides révélateurs de ces dernières s’ajoutent quelques trou¬
bles de la motilité dépendant de l’inertie paralytique des muscles sus-visés.
Le cubital antérieur est fléchisseur-adducteur des poignets. Sa paralysie
ne donne lieu à aucun déficit moteur appréciable, parce qu’à son défaut le
grand et le petit palmaire (médian) et le cubital postérieur (radial) se con¬
tractant simultanément portent le poignet dans la flexion et d'adduction.
Les faisceaux internes du fléchisseur commun profond ont pour fonction
de fléchir la phalange unguéale des deux derniers doigts. Ils sont les seuls
muscles fléchisseurs de ces phalanges ; aussi, la perle de la possibilité de les
fléchir volontairement, est-elle un signe critère des lésions du cubital au-
dessus du coude. Le moyen le plus sûr de le mettre en évidence, est de fixer
PLEXUS BRACHIAL (NERF CUBITAL) 375

entre le pouce et l’index la phalange basale et la phalangine du petit doigt


du sujet examiné, et d’ordonner à celui-ci de faire effort pour fléchir la pha¬
langette sur la phalangine. S’il y réussit, c’est que les faisceaux internes de
son fléchisseur commun profond ont conservé leur motilité volontaire ; si¬
non, c’est qu’ils l’ont perdue.
Un procédé plus commode est fourni par L'épreuve clu grattage. Le malade
ayant les deux poignets appliqués l’un contre l’autre par leur face palmaire,
on le prie de gratter avec l’ongle du côté où le cubital est présumé paralysé,
la paume de sa main du côté opposé. L’exécution correcte de ce mouvement à
la même signification clinique que la flexion isolée de la phalangette ; elle
prouve que le faisceau interne du fléchisseur commun profond est fonc¬
tionnellement intact, car lui seul est capable de fléchir la phalangette sur
la phalangine, le court fléchisseur qui fait partie du groupe des hvpothé-
nariens n’ayant d’action que sur la première phalange du petit doigt.
Il est à peine besoin de dire qu’avant de pratiquer cette épreuve, il faudra
s’être assuré que les articulations des doigts ne sont pas immobilisées par
des rigidités fibro-arliculaires ankylosantes, el que, pendant son exécution,
il ne faut pas confondre le grattage correct, qui exige la flexion de la phalan¬
gette, avec le frottement qui, lui, peut être réalisé par la flexion seule de la
phalangine sur la phalange.

4° Troubles de la sensibilité. — Les troubles de la sensibilité dans la para¬


lysie cubitale sont objectifs ou subjectifs :
a) Troubles objectifs. — Dans toute paralysie du cubital, il existe une
anesthésie au tact, à la piqûre et à la température, dans une zone occupant
le tiers interne de la main (faces dorsale et palmaire), la totalité du petit
doigt et la moitié interne de l’annulaire.
Les sensations de position segmentaire du petit doigt sont, elles aussi,
abolies ; lorsqu’il a les yeux fermés le malade ine peut pas dire quels déplace¬
ments passifs on imprime aux phalanges de ce doigt.
b) Troubles subjectifs. — La plupart des paralysés du cubital se plaignent
des douleurs spontanées, caractérisées les unes par des picotements ou des
élancements, les autres par des sensations profondes d’endolorissement arti¬
culaire. Il est très rare qu’ils aient des douleurs brûlantes du type causal-
gique. Cependant, on voit de loin en loin quelques cas de causalgie vraie
du cubital.
Le nerf cubital étant le seul nerf sensitif de la région interne de la main,
il est assez difficile de comprendre la raison d’être des douleurs qui accom¬
pagnent ses sections complètes. U est probable que les picotements et les
376 LES NERFS RACHIDIENS

élancements sont dûs à des phénomènes d'irritations du bout central du


nerf sectionné, phénomènes qui donnent lieu à des sensations perçues à la
périphérie en vertu de la loi bien connue de Muller.
Quant aux sensations d’endolorissement profond, elles se comportent
exactement comme les douleurs dépendant d’arthrites rhumatismales.
Comme ces dernières elles sont barométriques, c’est-à-dire qu’elles sont exa¬
gérées par les changements de temps, par les mouvements imprimés aux
jointures, par la pression des articulations. 11 est vraisemblable qu’elles sont
sous la dépendance du sympathique plutôt que du système nerveux de la vie
de relation.

5° Troubles de la réflectivité. — Les réflexes tendineux du poignet sont


en grande partie conservés.
La contraction idio-musculaire se comporte comme dans toutes les autres
paralysies par lésion des nerfs périphériques. Elle est exagérée au début ;
elle s’accompagne, par la suite, de décontraction lente du muscle percuté ;
elle s’affaiblit très tardivement ; elle ne disparaît tout à fait que lorsque le
muscle complètement désorganisé a perdu toutes ses fibres contractiles.

6° Troubles vaso-moteurs secrétoires et trophiques.— Ils varient de natu¬


re et d’intensité suivant que la paralysie est récente ou ancienne.

a) Troubles vaso-moteurs. — Dans les premiers jours qui suivent une


offense grave du nerf cubital, il existe une dilatation vaso-motrice très mar¬
quée du tiers interne de la main. La peau en est rosée, chaude, sans œdème,
mais avec un certain degré de succulence.
Celte hypérémie ne dure pas très longtemps ; elle disparaît après quelques
semaines ; mais, durant plusieurs mois elle est remplacée par une pertur¬
bation de la régulation vaso-motrice, par suite de laquelle la région cubitale
de la main est toujours ou plus chaude ou plus froide que la région similaire
de la main du côté sain.
Si la restauration du nerf ne s’opère pas après quelques mois, cette même
région de la main est perpétuellement froide.

b) Troubles sécrétoires. — Dans les cas de section complète haute ou


basse du cubital, la sudation est abolie sur toute la peau de la partie interne
de la main. Dans les cas de section incomplète, il y a souvent, au contraire,
une hyperhydrose manifeste, quelquefois assez marquée pour qu’on voie
perler constamment des gouttelettes de sueur par les orifices glandulaires.
PLEXUS BRACHIAL (NERF CUBITAL) 377

c) Troubles trophiques. — Ils portent sur les muscles, la peau, les


ongles, .les os et les articulations :
a) Muscles. — Nous avons déjà signalé, à propos de l'aspect extérieur de
la main F affaissement des éminences thénar et hypothénar, et la dépression
des espaces interosseux, qui dépendent de l’atrophie des muscles innervés
par le cubital.
Celte atrophie s’accompagne de 11 D totale ou partielle, et, tant qu’elle
n’a pas abouti à la désorganisation définitive du tissu musculaire, de conser¬
vation de l'excitabilité mécanique avec secousse lente.
Elle est grossièrement évidente dans tous les cas de section du cubital.
Elle constitue un des symptômes les plus constants et les plus significatifs
des paralysies graves de ce nerf.
b) Peau. ■—- Les troubles trophiques de la peau sont moins constants et
ont, par conséquent, une valeur sémiologique moins grande que ceux des
muscles. Ils sont, cependant, fréquent et méritent de fixer l’attention.
Us consistent en une production exagérée des écailles épidermiques. Celte
hyperkératose en nappe ou en îlots disséminés existe surtout à la face pal¬
maire de la région interne de la main.
Les ulcérations torpides du type mal perforant sont rares. On ne les observe
guère que dans les cas où les grosses artères du membre supérieur, blessées
en même temps que le nerf, ont été liées chirurgicalement ou se sont spon¬
tanément oblitérées. En revanche, il est fréquent de rencontrer des ulcéra¬
tions superficielles à cicalrication lente, résultant de brûlures (pie se sont
faites les malades sur les parties anesthésiques de leurs doigts ou de leur
main.
c) Ongles. — Les ongles des deux derniers doigts sont habituellement
légèrement dystrophiés, secs, cassants, striés en travers. Leur croissance est
le plus souvent très ralentie. On constate fréquemment, en examinant leurs
rapports avec le lit tégumentaire sur lequel ils reposent, l’existence d’un
bourrelet épidermique saillant entre l’extrémité libre de l’ongle et le pli de
la peau (pii s’engage au-dessous de lui. Ce bourrelet sous-unguéal serait,
d après Le Daxtec, la conséquence de 1 irritation du nerf cubital.
d) Os, articulations et tissus fibreux péri-aiiiculaires. — Les os sont très
souvent atteints d ostéo-porose. La décalcification prédomine nettement sur
les deux derniers métacarpiens et sur les phalanges des deux derniers doigts.
Les articulations de ces phalanges deviennent quelquefois très rapidement
le siège d’une rigidité qui, tout d’abord limite leur mobilisation, et finit pav
la rendre absolument impossible.
378 LES NERFS RACHIDIENS

Cette rigidité ne se produit pas indifféremment sur toutes les jointures de


1 auriculaire et de l’annulaire. Tout à fait à ses débuts, la griffe du Type I
est molle et facilement réductible. Elle ne devient rigide que secondaire¬
ment, en passant au lype II (en crochet ouvert). La raideur se manifeste
toujours en premier lieu sur l’articulation phalango-phalanginicnne du
petit doigt, puis sur la même articulation de l’annulaire. Elle y reste limitée
dans le cas où la cicatrisation de la lésion du nerf s'opère sans phénomènes
concomitants d irritation ou d’infection très marqués. Mais si ces phénomè¬
nes sont plus accentués, la griffe passe progressivement du Type II au Type

Fig. 102.
Artifice employé par un paralysé du cubital avec griffe du type 11.

III. En même temps, les articulations phalango-plialangiennes des doigts


IV, V deviennent irréductibles, la rigidité gagne les articulations phalan-
gino-phalangetticnnes, et finalement les métacarpo-phalangiennes. La griffe
est alors devenue irréductible et incurable.
La rapidité avec laquelle se produisent souvent ces lésions fibro-articulai-
res, leur limitation au domaine du cubital, leurs rapports évidents avec l’irri¬
tation de la plaie nerveuse, leur résistance aux traitements les plus rationnels
qu’on leur oppose les font considérer à juste titre, par la plupart des au¬
teurs, comme l’expression d'un véritable trouble neuro-trophique. Mais on
peut se demander si la perturbation de la tropbicité, dont elles sont la mani-
PLEXUS BRACHIAL (NERF CUBITAL) 379

festation, dépend de l’irritation de fibres nerveuses de la vie de relation conte¬


nues dans le cubital ou de celle des filets du grand sympathique.

Bi UTILISATION FONCTIONNELLE DE LA MAIN

L’impotence résultant de la paralysie du cubital tient à trois facteurs : 1° au


déficit moteur qui, par lui-même, limite dans une certaine mesure l’adapta¬
tion de la main et des doigts à quelques-uns des usages auxquels ils sont

Fig. 103.
Autre artifice employé par un sujet paralysé du cubital, avec griffe du type 111.

appliqués à l’état normal ; 2° à l’anesthésie du petit doigt et de la région


interne de la main ; 3° et surtout ù l'attitude vicieuse des doigts qui consti¬
tue la griffe.
On pourrait presque dire sans aucune exagération que le degré d’invali¬
dité d’une iparalysie du cubital est directement proportionnel au degré de
striction de sa griffe.
Si celle-ci est du Type I, en inflexion légère, sans rigidité fibro-articulaire,
le malade, jouissant de la faculté de fléchir et d’étendre presqu’aussi biern
ses deux derniers doigts que les trois premiers, peut s’habiller seul, bouton¬
ner ses vêtements, couper ses aliments et les porter à la bouche, manier adroi-
380 LES N ER LS RACHIDIENS

tement les ciseaux, la bêche, le rabot, le marteau, écrire, dessiner. 11 n’est


réellement gêné que dans l’exécution des mouvements très délicats des doigts,
comme ceux que doivent accomplir avec agilité et précision les violonistes, les
pianistes, etc.
L’infirmité s’aggrave notablement lorsque la griffe passe au type 11 ou 111,
car alors les malades ne peuvent plus utiliser en vue de la préhension que le
pouce et l’index. Ils tirent bien un peu parti de leur griffe pour stabiliser les
objels de forme allongée et de petit volume dont ils ont à faire usage : doi¬
vent-ils, par exemple, se servir de la fourchette et de la cuillère, ils introdui¬
sent le manche dans les crochets ouverts du Type II ou entre les phalanges
du médius et de l’annulaire du Type 111 pendant qu’ils en tiennent et en diri¬
gent l’autre extrémité avec le pouce et l’index (fig. 102 et 103). Mais
ces artifices ne leur permettent pas de tenir la plume ou le crayon autrement
que dans des positions extrêmement incommodes (lig. 104). Ils ne peu¬
vent pas non plus les mettre en état de manier avec force cl sécurité les gros
outils tels que la pioche, la hache ou la bêche parce que les derniers doigts,
lléchis en crochets rigides dans le creux de la main, ne sont pas seulement
inutilisables à cause de leur inertie, mais sont en outre extrêmement gênants
par le fait seul de leur présence en cet endroit. Certains malades en sont tel¬
lement incommodés qu’ils en arrivent à solliciter l’amputation de ces appen¬
dices transformés en corps étrangers absolument indésirables.
L’anesthésie du petit doigt et du bord interne de la main sera souvent
pour lui plus incommode que la paralysie motrice. Dans l’acte d’écrire, par
exemple, les sensations qui nous viennent du petit doigt appuyé sur le papier,
nous renseignent sur le moment où il convient de déplacer la main vers la
droite pour tracer correctement la ligne. L’association entre la nature de la
sensation incitatrice et l’amplitude du mouvement opportun est même
tellement établie dans les centres inerveux, que l’écrivain laisse courir la
plume sur le papier sans songer un seul instant à mouvoir sa main : l’édu¬
cation et l’habitude ont créé un circuit réflexe qui fonctionne indépen¬
damment du contrôle cérébral. Mais s'il vient à être paralysé du cubital, la
voie centripète de ce réflexe étant interrompue, il sera obligé de surveiller
étroitement sa main, et de commander par la pensée .chacun de ses déplace¬
ments, à moins que, comme le font instinctivement la plupart des malades
de ce genre, il ne se décide à écrire à main levée ou en appuyant seulement
sur le papier la pulpe de son médius et le côté externe de celle de son annu¬
laire qui, elles, ont conservé leur sensibilité (lig. 104).
Les paralysies du cubital laissent ainsi presque toujours après elles une in-
PLEXUS BRACHIAL (NERF CUBITAL) 381

firmité extrêmement gênante, qui limite dans une forte proportion l’utilisa¬
tion fonctionnelle de la main.

C) SIGNES CRITÈRES, TESTS DE GUÉRISON ET DE SINCÉRITÉ

Parmi les nombreux symptômes des paralysies du cubital, ceux qui ont
la plus grande valeur diagnostique sont : en première ligne, l’aplatissement
de la voûte palmaire, l’atrophie des éminences, la perte des mouvements vo¬
lontaires de latéralité du médius, l’anesthésie du petit doigt et du bord in¬
terne de la main,
et, dans les cas de
lésion haute seule¬
ment, l’impossibilité
de gratter avec l’on¬
gle du petit doigt. En
seconde ligne : la
griffe cubitale, les si¬
gnes de la coquille,
du calice et du fais¬
ceau, le signe de l'arc
de cercle, le signe de
Froment, etc.
Les meilleurs tests
de guérison sont : en
cas de lésion basse
la récupération des
mouvements de latéralité du médius et de la capacité de former correctement
la coquille, le calice et le faisceau : en outre, en cas de lésion haute, le
retour de la possibilité de gratter avec le petit doigt, le tout coïncidant avec
la disparition de l’anesthésie de la région interne de la main et du petit
doigt.
Gomme tests de sincérité, Froment et Gardkre signalent l’absence de gon¬
flement et de durcissement de l’adducteur du pouce sous la peau du premier
espace interosseux pendant les efforts de préhension.
L’atrophie des éminences persiste longtemps après la récupération fonc¬
tionnelle du nerf. Quant aux griffes rigides des types 11 et 111, elles sont indé¬
lébiles : elles constituent une infirmité permanente, une sequelle qui ne tend
nullement à s’atténuer même après que les fibres nerveuses et les muscles
382 LES NERFS RACHIDIENS

ont intégralement recouvré leurs structure anatomique et leurs propriétés


physiologiques.

4°. — NERF MÉDIAN

[Planches XV et X VI].

§ 1. — ANATOMIE

1° Origine. — Le nerf médian, Lune des branches les plus importantes


du plexus brachial, naît de la portion axillaire de ce plexus par deux cordons
volumineux, l’un externe, l’autre interne, que l'on désigne sous le nom de
racine externe et racine interne du médian.
Ces deux racines, séparées tout d’abord par un intervalle de 5 ou G milli¬
mètres, se réunissent à la manière de deux branches d’un V. Rappelons que
la racine externe donne naissance au nerf musculo-cutané, et que la racine
interne laisse échapper de même le inerf cubital et le nerf brachial cutané
interne. Entre les deux racines chemine l’artère axillaire, gagnant le plan
postérieur du sommet du V.
Le nerf médian tire ses origines des trois derniers nerfs cervicaux et du
premier nerf dorsal.

2° Trajet. — Le nerf médian, comme le radial et le cubital, s’étend de


la cavité axillaire à l’exlrémité des doigts.
D’abord légèrement aplati, puis assez régulièrement cylindrique, il des¬
cend verticalement sur le coté interne du bras, un peu en avant du nerf cubi¬
tal, et, arrive à la face antérieure de d’épiIrochlée. Là, obliquant légère¬
ment en dehors, il se rapproche peu à peu de Taxe du membre, l’atteint et
devient ainsi véritablement médian, ce qui lui a valu son nom.
Reprenant alors sa direction verticale, il traverse successivement la face
antérieure de l’avant-bras, la face antérieure du poignet et arrive à la pau¬
me de la main, où il s’épanouit en six branches divergentes.

3° Distribution. — Au cours de son long trajet, le nerf médian fournil


deux ordres de branches : des branches collatérales et des branches termi¬
nales :

a) Branches collatérales. — Le médian, comme le cubital, traverse le


bras sans abandonner aucune Collatérale. Au coude et à l’avant-bras, au con¬
traire, il fournit des branches fort nombreuses, savoir :
A. PITRES et L. TESTUT LES NERFS EN SCHEMAS.

V. axillaire

Fig. 1 - Trajet et distribution Fig. 2 - Son territoire cutané

PLANCHE XVI

NERF MEDIAN

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur


PLEXUS BRACHIAL (NERF MEDIAN) 383

1° Des rameaux articulaires (deux en général, l’un supérieur, l’autre infé¬


rieur) pour l’articulation du coude.
2° Des rameaux musculaires, que nous pouvons distinguer en deux grou¬
pes : les uns antérieurs, destinés aux muscles rond pronateur, grand pal¬
maire, petit palmaire et fléchisseur commun superficiel des doigts ; les autres
postérieurs, pour le muscle long fléchisseur propre du pouce et les deux
faisceaux externes du fléchisseur commun profond des doigts (les deux fais¬
ceaux internes étant innervés, comme nous l’avons déjà vu (p. 362), par le
nerf cubital.)
3° Le nerf interosseux, qui chemine, avec l’artère interosseuse antérieure,
sur le ligament interosseux, entre le long fléchisseur propre du pouce et le

B, face dorsale.

fléchisseur commun profond des doigts. Après avoir fourni quelques filets à
ces deux muscles, il s’engage au-de^ous du carré pronateur, lui abandonne
plusieurs rameaux et vient se terminer, par des filets sensitifs, dans les par¬
ties molles de l’articulation radio-carpienne.
4° Le nerf cutané palmaire, rameau sensitif, qui se détache du tronc ner¬
veux à 2 ou 3 centimètres au-dessus du poignet, perfore l’aponévrose anti-
brachiale et vient se distribuer à la peau de l’éminence thénar et de la région
palmaire moyenne.

a) Branches terminales.— Les branches terminales du nerf médian


naissent toutes en arrière du ligament annulaire antérieur du carpe et sui¬
vent, immédiatement après leur origine, un trajet fortement divergent.
384 LES NERFS RACHIDIENS

Elles sont au inombre de six, que l'on distingue en première, deuxième, troi¬
sième, etc., en allant de dehors en dedans.
a) La première, qui est la plus courte, est destinée à l'éminence thé-
nar : c’est le rameau thénarien ou nerf des muscles thénar. Immédiatement
après son origine, clic se porte en dehors cl innerve tous les muscles de
l'éminence thénar, sauf l’adducteur du pouce et le faisceau interne du court
fléchisseur, qui sont innervés par le cubital (p. 3G3).
P) Ecs cinq autres branches forment les sept premiers collatéraux palmai¬

res, les trois derniers étant fournis par le cubital (p. 363). Ajoutons : 1° que
la sixième branche reçoit une anastomose de la branche superficielle du cubi¬
tal ; 2° <pic la quatrième branche (a la fois sensitive et motrice) envoie un
rameau au premier lombrical ; 3° que la cinquième branche (mixte également)
innerve le deuxième lombrical.

4° Résumé. — Le nerf médian, nerf mixte comme le radial et le cubital,


fournit des rameaux musculaires et des rameaux cutanés :
a) Les rameaux musculaires innervent (lig. 108) : 1° tous les muscles de la
région antérieure de l’avant-bras, à l’exception du cubital antérieur et des
deux faisceaux internes du fléchisseur commun profond des doigts, qui reçoi¬
vent, leurs nerfs du cubital ; 2° les deux premiers lombricaux ; 3° tous les
muscles de l’éminence thénar, sauf l’adducteur et le faisceau interne du court
fléchisseur, qui sont innervés par le cubital.
p) Les rameaux cutanés donnent la sensibilité à la peau : 1° de l'éminence
thénar et de la région palmaire moyenne ; 2° de la face palmaire du pouce ;
3° de la face palmaire et de la plus grande partie de la face dorsale de l’index,
du médius et de la moitié externe de l’annulaire.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE, LES PARALYSIES DU MÉDIAN

Par l’intermédiaire des muscles qu’il anime, le nerf médian préside aux
mouvements de pronation de Lavant-bras, à la flexion de la main et des doigts
et à l’opposition du pouce ; néanmoins, après sa section, la plupart de ces
mouvements peuvent être exécutés par des muscles voisins innervés par le
radial ou le cubital. Pareillement, l’anesthésie des téguments de la main et
des doigts qui coexiste avec les paralysies par transseclion complète de ce nerf
sont souvent beaucoup moins étendues que le champ dans lequel se distri¬
buent ses fibres sensitives. Pour avoir une idée exacte des déficits fonction¬
nels résultant de l’interruption du médian, il faut donc les étudier sans idées
PLEXUS BRACHIAL (NERF MEDIAN) 385

préconçues el enregistrer les symptômes observés, alors meme qu ils semble


raient de prime abord en opposition avec les notions classiques tirées des dis¬
sections sur les cadavres.

A) SYMPTOMES DES PARALYSIES DU MÉDIAN

lo Aspect général de la main et attitude des doigts. — Durant les pre¬


mières semaines qui suivent la blessure causale, les paralysés du médian ont
presque toujours la main enveloppée
d’ouate ou munie d’un gant épais, et
reposant en demi-pronation sur une
écharpe (fig. 106). Quand on leur
demande de la montrer, on est frappé des
précautions méticuleuses qu’ils pren¬
nent, pour la mettre à nu sans heurts et
sans secousses.
Lorsqu’ils l’ont dépouillée des linges
ou du gant qui la recouvraient, ils la
présentent au médecin par la face pal¬
maire. La peau en est rosée, luisante, lisse,
mince, d’aspect fœtal. La voûte métacar¬
pienne a sa courbure normale, l’émi¬
nence thénar est. grêle, molle, affaissée
en masse. Les doigts sont étendus ; ils
paraissent amincis, effilés ; le pouce est
en extension, rapproché de 1 index (fig.
107, p. 386).
A l’avant-bras, le groupe des muscles
épitrochléens est nettement amaigri.
La main dans son ensemble se lient
exactement dans le, prolongement de Fig. 106.
Altitude habituelle dos paraly¬
l’axe de l’avant-bras, sans déviation laté¬
sés du médian : main malade
rale ni antéro postérieure. Quelque¬ soutenue par une écharpe cl
protégée par la main saine.
fois cependant, elle est légèrement déviée
vers le bord cubital.
Les ongles sont souvent dystrophiés, plats ou recourbés en forme de tuile,
striés* en travers. Quand ils sont longs, leur extrémité libre s’incline forte¬
ment vers la face palmaire du doigt correspondant ; ils ressemblent alors au
gant dont se servent les joueurs de pelote basque, qu’on appelle la chistera.
I.ES NERFS EN SCHÉMAS 25
386 LES NERFS RACHIDIENS

2° Troubles de la motilité volontaire. — Théoriquement, ils devraient,


semble-t-il, différer beaucoup d’importance, suivant que les lésions du nerf
siègent sur les deux tiers inférieurs de som segment antibrachial, au-dessous
du point d’émergence des rameaux destinés aux muscles épitrochléens, ou
sur son segment brachial au-dessus de ce point (fig. 108) ; car dans le premier
cas, les petits muscles de la main, que commande le médian, sont seuls
privés d’innervation motrice, tandis que dans le second, la paralysie des mus¬
cles épitrochléens s’ajoute à celle des muscles de la main. Néanmoins, en fait,
il y a peu de différence entre la symptomatologie des paralysies hautes, et des
paralysies basses du médian, parce que le déficit fonctionnel, résultant de
l’inertie des mus¬
cles épitrochléens,
est en grande par¬
tie masqué ou
compensé par la
contraction active
des muscles voisins
innervés par le
radial ou le cubi¬
tal. C’est ainsi
qu’après la section
haute du médian,
la pronation de
l’avant-bras n’est
pas abolie, parce
que le biceps et le
long supinateur suppléent dans une large mesure le rond et le carré prona-
teurs déficients. La flexion de la main sur l’avant-bras n’est pas abolie non
plus, parce qu’à défaut du grand et du petit palmaires paralysés, elle peut
être réalisée par la contraction simultanée du cubital antérieur innervé par
le nerf cubital, et du long abducteur du pouce innervé par le radial. Quant à
la flexion de l’index et du médius, celle de leur première phalange est tou¬
jours conservée parce qu’elle est fonction des interosseux commandés par le
cubital ; celle de leurs deux dernières phalanges qui est réalisée par les fais¬
ceaux externes des fléchisseurs communs superficiels et profonds, est seule
gravement compromise.
Pour ce qui concerne les mouvements du pouce, ils ne sont jamais que
partiellement abolis dans les paralysies hautes ou basses du médian, parce
que ceux des muscles thénariens qui sont innervés par le cubital (adducteur
PLEXUS BRACHIAL (NERF MÉDIAN) 387

et court fléchisseur) sont disposés de façon à pouvoir remplir à peu près les
fonctions de leurs voisins,, lorsque ces derniers
viennent à être paralysés.
En définitive, les troubles de la motilité sont
uniquement représentés par quelques perturba¬
tions des mouvements du pouce, de l’index, et du
médius, qui pourraient fort bien passer inaper¬
çues si on ne les recherchait pas méthodique¬
ment. C/est pourquoi nous allons indiquer som¬
mairement les diverses épreuves que nous con¬
seillons d’employer pour mettre en évidence :
1° Les anomalies des mouvements du pouce ; 2°
les anomalies des mouvements de l’index et du
médius ; 3° les perturbations des mouvements
complexes de préhension et d’opposition qui
' impliquent la participation conjuguées du pouce,
et d’un ou de plusieurs autres doigts.

a) Anomalies des mouvements du pouce. -—


Elles portent isolément sur le premier métacar¬
pien, ou sur les phalanges, ou bien à la fois sur
le métacarpien et les phalanges.
a) Isolément sur le premier métacarpien,
épreuves du moulinet et de l'équerre. — Les
mouvements élémentaires qui peuvent être volon¬
tairement imprimés au premier métacarpien
sont : l’extension, la flexion, l’abduction, l’ad¬
duction et la circumduction, celle-ci n'étant que
le résultat de la succession régulière des quatre Silhouette de la distribution
autres. motrice du nerf médian.
1. rameaux (lu rond prona-
Chez les paralysés du médian, ils sont tous teur, du grand palmaire, du
petit palmaire et des quatre
possibles, mais avec moins d’amplitude et faisceaux du fléchisseur com¬
mun superficiel des doigts. —
d’énergie qu’à l’état normal ; l’extension elle- 2, rameaux des deux faisceaux
externes du fléchisseur commun
même à laquelle ne prend part aucun des mus¬ profond des doigts (les deux
autres étant innervés par le
cubital. — 3, rameau du carré
cles du médian est un peu limitée. On se rendra pronateur. — 4, rameau théna-
rien pour les muscles court
facilement compte de l’importance de leur limi¬ abducteur du pouce, opposant
du pouce et faisceau externe du
tation par les épreuves du moulinet et de court fléchisseur du pouce. —
5, rameaux des deux lombri-
l’équerre • caux externes.

L'épreuve du moulinet permettra d’apprécier


d’ensemble le degré de l’impotence des muscles qui meuvent le premier
388 LÈS NERFS RACHIDIENS

métacarpien. Le malade ayant entrecroisé les doigts de ses deux mains, on


le prie de faire tourner ses pouces l’un autour de l’autre. On constate alors
que celui du côté sain virevolte seul librement autour de celui du côté para¬
lysé, qui, lui, reste presque immobile.
L’épreuve de l’équerre a pour but de mettre en évidence la limitation anor¬
male de l’abduction du pouce. Le malade présentant ses deux mains éten¬
dues à plat devant l’observateur est invité à écarter autant qu’il le pourra ses
pouces de ses index (lig. 109). Du côté où le nerf médian est intact l’écarte-

Fig. 109.
Epreuve de l’équerre dans la paralysie du médian.
Du côté normal, à gauche de la figure, le malade peut écarter volontairement le ponce
du premier métacarpien, jusqu’à former avec ce dernier un angle presque droit. Du côté
opposé, où le nerf médian est paralysé, l’écartement du pouce est réduit de plus de moitié.

ment atteint sensiblement 40 à 45 degrés ; de l’autre, il ne dépasse pas 20 à


25 degrés.
b) Isolément sur les phalanges. — Si on envisage les mouvements des
phalanges en fixant le premier métacarpien, et en demandant au malade de
fléchir les segments libres de son pouce, on constate que la flexion de ces
phalanges, surtout celle de la deuxième, est extrêmement limitée, ce qui
est tout à Tait logique, puisque le long fléchisseur propre du pouce qui est
l’agent, principal de la flexion de Ja deuxième phalange sur la première, et
secondairement de la première sur le métacarpien, est innervé par le médian
paralysé, tandis que le court fléchisseur qui est principalement fléchisseur
PLEXUS BRACHIAL (NERF MÉDIAN) 389

de la 2' phalange, et accessoirement de la première, est en partie innervé par


le cubital.

c) Simultanément sur le premier métacarpien et sur les phalanges : épreuve


de l'are de cercle. Le mouvement par lequel on porte le pouce en
adduction forcée implique la contraction simultanée des quatre muscles de
l’éminence thénar, et du long fléchisseur propre. Or, le long fléchisseur
propre du pouce, et deux et demi des muscles thénariens : le court abducteur
l’opposant, et le faisceau externe du court fléchisseur sont innervés par le
médian, tandis que l’adducteur et le faisceau interne du court fléchisseur
reçoivent leur innervation du cubital. Aussi, lorsque le médian est paralysé,
le mouvement combiné d’adduction du premier métacarpien et des phalan¬
ges du pouce, est-i 1 incomplet et incorrect. L'épreuve de l'arc de cercle met
en évidence ces anomalies. Pour en tirer parti, il suffit de demander au
malade de porter l’extrémité unguéale de son pouce de la tête du deuxième
à la tête du cinquième métacarpien, en rasant la ligne des articulations méta¬
carpo-phalangiennes. 11 commence bien le mouvement, mais il ne peut pas
le pousser au-delà du troisième espace interdigital : d’une part, parce que
le mouvement d’adduction du premier métacarpien est limité ; d’autre part,
parce qu’il ne peut pas compenser son insuffisance d’amplitude en fléchis¬
sant sa deuxième phalange du pouce sur la première. Cette limitation de
l’arc de cercle confirme l’opinion de Duciienne, d’après laquelle les muscles
innervés par le cubital amènent le pouce jusqu’à la base du médius, et ceux
innervés par le médian, de la base du médius à la tête du 5e métacarpien.

b) Troubles de la motilité de l’index et du médius dans l’exécution des

mouvements simples de ces doigts. — Les mouvements de l’index et du


médius sont commandés pat l’extenseur commun des doigts, l’extenseur
propre de l’index, les interosseux, et les deux faisceaux internes des fléchis¬
seurs communs, superficiels et profonds. L’extenseur commun des doigts et
l’extenseur propre de l’index sont innervés par le radial, les interosseux par
le cubital, et les deux faisceaux internes des fléchisseurs communs par des
rameaux du médian qui se détachent du tronc nerveux, bien au-dessus du
point où siègent les lésions qui donnent lieu à ses paralysies basses. 11 semble
donc à priori, que l'index et le médius devraient conserver intégralement
leur motilité volontaire dans la variété basse des paralysies du médian.
L’observation clinique démontre qu’il en est tout, autrement. Après les sec¬
tions de ce nerf au poignet, ou un peu au-dessus du poignet, l’index, et à un
moindre degré le médius, sont et restent étendus, sans rigidité, parce que le
tonus de leurs extenseurs demeurés intacts l’emporte sur celui de leurs
390 LES NERFS RACHIDIENS

fléchisseurs paralysés ; quant aux mouvements volontaires de flexion de leur


deux dernières phalanges sont ou très diminués d’amplitude, ou abolis.
Ils peuvent, cependant, prendre part au mouvement dit de pianotement.
Mais ce mouvement qui se passe tout entier dans les premières phalanges
des doigts, est produit par la contraction alternative des extenseurs qui éten¬
dent ces phalanges, et des înterosseux qui les fléchissent ; les muscles du
médian n’y interviennent à aucun degré. Le geste du pianotement n’a donc
aucune importance diagnostique ; il ne peut pas servir à reconnaître l’exis-
ftence ou l’absence d’une
paralysie du médian.
Les troubles spécifi¬
ques de la moitié de l’in¬
dex et du médius qui ac¬
compagnent toujours les
paralysies de ce nef sont
l’abolition totale ou la li¬
mitation très marquée
de la flexion des dernières
phalanges de ces deux
doigts. Pour des raisons
qu’il est difficile de dé¬
terminer, ce déficit fonc¬
Fig. 110.
Épreuve du poing fermé. tionnel esî habituellement
A la main droite du sujet, dont l’innervation est beaucoup moins marque
normale, l’enroulement de tous les doigte est correct.
A la main gauche, dont le nerf médian est paralysé, il au médius qu’à l’in¬
est très incorrect par manque de flexion du pouce, de
l’index, et à un moindre degré du médius. dex. En pratique, c’est
donc l'index qu’il faut
surtout examiner, pour en rechercher les signes révélateurs.
Ceux-ci sont, d’ailleurs, très faciles à constater. Au repos, l’index est
moins infléchi vers la paume de la main que les autres doigts. Le malade
ne peut pas le fléchir volontairement : il me peut pas faire le geste vulgaire
de l’appel par le doigt, ou pour mieux dire, il le fait incorrectement, en flé¬
chissant seulement la première phalange de l’index et pas du tout les deux
autres. Il ne peut pas se servir de ce doigt pour boulonner ses vêtements,
pour saisir de petits objets ; pour jouer du piano ou du violon ; pour rouler
une cigarette, etc...

Les épreuves que mous allons indiquer sont, le plus souvent, superflues
pour apprécier le degré d’impotence résultant du défaut de flexion de l’index.
PLEXUS BRACHIAL (NERF MEDIAN) 391

Elles peuvent, cependant, avoir quelquefois de l’intérêt, ne serait-ce que


pour dépister des tentatives de simulation ou d’exagération volontaire.
a) Épreuve du poing fermé. — Lorsque le malade ferme le poing (fig. 110),
l’index ne s’enroule pas comme les autres doigts dans la paume de la main ; il
reste étendu en corne ou en flèche à côté du médius qui, lui-même, est moins
fortement serré que l’annulaire et le petit doigt (H. Claude.)

b) Épreuve des mains


croisées. — Le malade
ayant les mains croisées
dans l’attitude de la prière,
l’index du côté paralysé
reste, comme dans l’épreu-
pi'écédente étendu en lié
che ou en corne à côté des
autres doigts qui se flé¬
chissent (fig. 111) énergi¬
quement sur les métacar¬
piens de la main saine. Le
médius n’a pas une attitude
aussi anormale ; il s'appli¬
que à peu près sur le troisiè
me métacarpien du côté op¬
posé ; mais il résiste beau¬
coup moins que l’annulaire
ou le petit doigt aux efforts
tendant à l’étendre passi¬
vement (Tinel.) Fig. 111.
c) Épreuve des griffes Epreuve des mains croisées.
Les doigts de la main droite normale du sujet s’ap¬
conjuguées. — Vous en¬ pliquent étroitement sur le métacarpe de la main gau¬
che ; par contre, l’index et le médius gauches, dont le
grenez les quatre doigts nerf médian est paralysé, restent étendus en flèche par
défaut d’action de leurs muscles fléchisseurs.
fléchis en griffes de l’une
de vos mains avec les qua¬
tre doigts également fléchis de la main malade du sujet à examiner, et vous
ordonnez à celui-ci de résister à la traction que vous allez opérer sur ses
doigts. Vous constatez alors : 1° que son index est resté étendu ; 2° que son
médius n’est pas aussi étendu que l’index, mais qu’il est, imparfaitement flé¬
chi en griffe ; 3° que le patient ne résiste efficacement à la traction qu’avec
ses doigts IV et V.
Cette conservation de la motilité, et de la force dans les deux derniers
392 LES NERFS RA.CH1D1ENS

doigts, permet au\ paralysés du médian de porter à bout de bras les objets
meme assez lourds qu'ils peuvent saisir dans le crochet formé par la flexion
du petit doigt et de l’atniiulaire, comme par exemple, l’anse d'un panier ou les
brancards d’une brouette.
d) Épreuve du grattage. avec l'index, — Le grattage est produit par un
mouvement alternatif de flexion et d’extension des deux dernières phalanges
des doigts. Le mouvement de flexion est le principal ; celui d’extension n’a
d’autre effet que de ramener l’extrémité du doigt qui vient de gratter à son
point de départ.
Pour l’index que nous envisagerons seul en cc moment, le mouvement
d’extension de ses dernières phalanges est produit par la contraction du
premier interosseux dorsal et du premier interosseux palmaire innervés par le
cubital, et très accessoirement par l’extenseur propre'de l’index et le faisceau
externe de l’extenseur commun, innervé par le radial. Le mouvement de
flexion a pour agents exclusifs les faisceaux externes des fléchisseurs com¬
muns superficiel et profond qui fléchissent l’un la deuxième, l’autre
la troisième phalange de l’index. Aucun des autres muscles de l’avant-
bras ou de la main ne peut les suppléer dans cette fonction, car aucun n’in¬
tervient dans l’acte de fléchir les deux dernières phalanges de ce doigt.
Or le faisceau externe des deux fléchisseurs communs est innervé par le
médian au-dessous du coude. Dès lors, la transsection haute du médian doit
avoir pour conséquence de paralyser les fléchisseurs de l’index, et par suite de
supprimer le mouvement essentiel du grattage, qui est la flexion de ses der¬
nières phalanges. C’est, en effet, ce qui se produit en clinique. L’inipossibili-
lé de gratter correctement avec l’ongle de l’index est un symptôme constant
des paralysies hautes du médian, et la réapparition de celle possibilité le
meilleur des signes critères de sa guérison.
Mais pour tirer de l’épreuve du grattage les indications diagnostiques
qu’elle peut fournir, il importe de me pas confondre le frottement ou le
pianotement avec le grattage, Quand on demande à un paralysé du médian
de gratter le plateau d’une table il n’hésite jamais : il imprime à sa main un
mouvement de va et vient par quoi il fait promener la pulpe de son index sur
la table : il ne gratte pas, il frotte.
Si orn immobilise son poignet, de façon à empêcher le déplacement d’en-
senible de sa main, il peut encore imprimer à son index quelques mouve¬
ments qui pourraient tromper uni observateur inattentif ou insuffisamment
averti ; car ses interosseux et ses extenseurs, innervés par le cubital et le
radial, ayant conservé leur contractilité volontaire, il lui est loisible d’éten¬
dre et de fléchir les phalanges de l’index. Ce n’est pas là non plus du grattage,
PLEXUS BRACHIAL NERF MEDIAN) 393

c’est du tapotement, et ce tapotement n’a pas plus de valeur diagnostique que


le pianotement, dont il est d’ailleurs une variété unidigitale.
Afin de se mettre à l’abri de ces causes d’erreur, il convient d’inviter le
malade à accoler les faces antérieures de ses deux poignets, à étendre large
ment ses deux mains en claquoir, et cela fait, à gratter la paume de !a
main saine avec l’ongle de l’index du côté opposé, sans rompre le contact des
poignets. Dans ces conditions, il
est très facile de constater si le grat¬
tage est normal, défectueux ou nul.
Nous venons de dire qu’il est
toujours aboli dans les paralysies
hautes du médian. Dans les bas¬
ses, il est habituellement conservé ;
cependant nous l’avons Irouvé
quelquefois défectueux ou aboli,
probablement parce que les agents
vulnéranls qui avaient atteint le
médian avaient en même temps
sectionné au-dessus du poignet ’e
tendon du fléchisseur commun
destiné à l'index, tendon qui, à ce
niveau est inclus dans la même
gaine synoviale que le nerf lui-mê¬
me. Fig- 112.
Epreuve du pincement entre le pouce
c) Peu TURRATIONS DES MOTJVE- 01 1 ,n(loX'
L’application de la pulpe du pouce contre la
MENTS COMPLEXES PORTANT A LA pulpe de l’index est impossible.

POIS SUR LE POUCE ET UN OU PLU¬

SIEURS des autres DoiçTS. — Ces mouvements ont pour caractère commun
d’impliquer la participation harmonique du pouce, d une part, et d un ou de
plusieurs des autres doigts, d’autre part. Ils sont tous des modalités de l’op¬
position. On peut les diviser en deux groupes comprenant : le premier, les
mouvements par lesquels l’extrémité du pouce se met en contact avec celle de
l’un des autres doigts : pincement, boucles, chiquenaudes, etc. ; le second,
les mouvements de préhension où le pouce se place en face des quatre au¬
tres doigts.

a) Mouvements du premier groupe. — Les mouvements du premier groupe


ne sont généralement pas tout à fait impossibles, mais ils sont exécutés incor¬
rectement, et sans énergie.
394 LES NERFS RACHIDIENS

Le pincement entre le pouce et l’index est le plus défectueux. L’insuffisance


de llexion des phalanges distales de l’index ne permettant pas à sa pulpe de
se porter vers celle du pouce, le contact n’a lieu qu’entre l’extrémité distale
du pouce et la face palmaire de la deuxième phalange de l’indicateur. Ce
défaut de coaptation empêche les paralysés du médian de saisir, de retenir,
et de malaxer entre le pouce et l’index les petits objets. Il les met dans l’im¬
possibilité de ramasser des épingles ou des pièces de monnaie, de prendre
une prise de tabac, de rouler une cigarette, de modeler un petit bloc de cire
molle ou de mie
de pain, pour en
former un cor¬
don cylindrique,
ou une boulette,
etc., etc. L’inca¬
pacité d’accom¬
plir ces gestes,
particulièrement
celui de rouler
une boulette de
mie de palin, est
un des bons si¬
gnes critères de
Fig. 113. la paralysie du
Épreuve des boucles.
médian (lig. 112,
Du côté droit normal, l’extrémité onguéale de l’index vient
s’appliquer contre la puipe du pouce. Du côté gauche, les mus¬ p. 393).
cles fléchisseurs de l’index étant paralysés, sa phalangette ne
peut pas se rapprocher de celle du pouce. Par ce fait la forma¬
tion de la boucle est absolument impossible. Le pincement
entre le pouce et
les doigts lll, IV et V est beaucoup moins gravement compromis et à moins
d’importance diagnostique.
Les boucles formées par le pouce et l’un quelconque des autres doigts, au
lieu d’être, comme à l’état normal, à peu près arrondis, sont allongés ou
triangulaires ; elles n’offrent aucune résistance aux efforts qu’on fait pour
les disjoindre (lig. 113).
Les malades ne peuvent qu’ébaucher grossièrement les gestes de donner
des chiquenaudes ou de faire claquer le médius dans la paume de la main.
b) Mouvements du second groupe. — Les mouvements du second groupe
servent surtout à la préhension. Celle-ci peut s’exercer de deux façons diffé¬
rentes : ou bien on empoigne à pleine main entre le pouce et les autres doigts
PLEXUS BRACHIAL (NERF MÉDIAN) 395

écartés pour recevoir l’objet qu’on veut saisir, ou bien on le prend par le
bout des doigts réunis en faisceau.
Les paralysés du médian ne peuvent accomplir correctement ni l’un ni
l’autre de ces gestes, à cause de l'insuffisance de flexion de leurs deux premiers
doigts. Veulent-ils prendre à pleine main une bouteille ou le manche d’un
outil, le pouce et l’index ne s’enroulent pas, comme à l’état normal autour
de ces objets, qui ne sont, plus fixés et retenus que par le petit doigt et

Fig. 114. Fig. 115.


Tentative de présentation de Tentative de réunion des
ila main en calice par un idoigts en faisceau par le
paralysé du médian droit. même malade.

l’annulaire. De même,, quand ils veulent saisir une mèche de cheveux ou


une feuille de papier, c’est seulement par l’opposition des deux derniers
doigts avec le pouce qu’ils peuvent le faire, l’index restant obstinément en
dehors du faisceau. Pour la même raison, ils sont incapables de jouer aux
cartes : ils ne peuvent ni ramasser celles de leur jeu, ni les tenir commodé¬
ment disposées en éventail entre le pouce et les autres doigts.
Ajoutons, pour en finir avec ce qui a trait aux troubles de la motilité, qu’il
leur est impossible de. présenter convenablement la main en calice ou de réu¬
nir les doigts en faisceau (fig. 114 et 115).
3° Troubles de la sensibilité. —- Ils diffèrent beaucoup, selon que le
médian a été complètement ou incomplètement sectionné.
S’il l’a été complètement, on observe une anesthésie tactile, algique et
thermique occupant rarement la totalité du champ de distribution du mé¬
dian à la main et aux doigts. Dans la plupart des cas l’aire de l'anesthésie
est beaucoup plus restreinte ; elle est réduite à une petite bande occupant
la portion de la face palmaire de la main qui correspond aux bourrelets méta¬
carpo-phalangiens de l’index et du médius et s’étend de là à la peau de ces
deux doigts. 11 n’y a même parfois d’anesthésie à tous les modes qu’aux
extrémités de l’index et du médius, coïncidant avec une liypoesthésie plus
ou moins marquée, avec perte du sens stéréognostique, dans la région
externe de la paume de la main.
A ces troubles de la sensibilité objective s’ajoutent d’ordinaire des sensa¬
tions subjectives d’engourdissement, de picotement, d’élancements et quel¬
quefois de refroidissement siégeant surtout au centre de la main et au bout
de l’index et du médius.
Lorsque le médian a été simplement éraflé, ou incomplètement sectionné,
il n’y a en aucun point d’anesthésie totale ; il y a, au contraire, une hyperal¬
gésie des plus vives, qui rend insupportable tout contact d’un corps étran¬
ger avec l’épiderme de la paume de la main, de l’index et du médius.
A cette hyperalgésie s’associent souvent des crises de douleurs brûlantes
d’une violence extrême dont Weiu Mitchell a donné une description très
exacte sous le nom de causalgic (de xawo, je brûle, et aXyoç douleur).
Ces crises éclatenl indifféremment le joui ou la nuit, spontanément ou
à J’occasion d’une excitation physique ou d’une émotion morale habituelle¬
ment insignifiantes. Le déplacement de la main, une secousse imprimée îu

lit du malade, l’ouverture d'urne porte, l’ébranlement du sol par le passage


d’un véhicule dans la rue, un bruit soudain, comme la chute d’une chaise
ou l’aboiement d’un chien, le récit d’un événement impressionnant, la vue
d’une personne se penchant à une fenêtre, d’un ouvrier monté sur une
échelle ou sur un toit, une image retraçant un accident de chemin de fer,
ou même évoquant simplement l’idée d’un accident possible, sont autant de
causes du déclanchement, de paroxysmes abominablement douloureux (voy.
lig. 11 G) : « Il semble dit Weir Mitchell que tous les sens ne soient autre cho¬
se que des routes par lesquelles s'introduisent des tortures affreuses et tou¬
jours renouvelées. »
Les malades comparent tous les douleurs qu’ils éprouvent durant les crises,
à celles que produiraient des brûlures de la peau de la main et des trois pre¬
miers doigts. C’est'comme si on me versait de l’huile bouillante sur la main,
Plexus brachial (nerf médian) 397

disent les uns, comme si j’avais la maim .sur un poêle à frire ou sur un
fourneau chauffé au rouge, disent les autres.
La sensation de brûlure paraît être influencée par les mouvements diasto¬
liques des artères. Fdle est pulsatile, avec des exacerbations rythmées iso¬
chrones aux pulsations artérielles. Fdle s’atténue quand on comprime l’artère
humérale ou quand le médecin plaçant entre ses deux mains étendues la
main également étendue du malade, exerce sur elle un compression large et

soutenue. Mais ces moyens


ne peuvent être appliqués
que pendant quelques ins¬
tants ; ils ne procurent,
d’ailleurs, qu’un apaise¬
ment très relatif.
Durant les paroxysmes qui
persistent parfois des heu¬
res entières, l’intensité de
la souffrance arrache aux
malheureux causalgiques
des cris et des larmes. Poul¬
ies éviter ils demandent à
être isolés dans des cham¬
bres où aucun bruit, aucun
mouvement extérieur ne
viennent les troubler, et où
on laisse à leur disposition
une cuvette contenant de
l’eau froide ou tiède avec Fig. 110.

laquelle ils mouillent inces¬ Expression douloureuse du visage d’un causalgiquc


en état de crise.
samment les linges qui en¬
veloppent leur main. Quel¬
ques-uns éprouvent une certaine détente en passant à chaque instant, sur
leur front ou leurs lèvres, un tampon d’ouate humectée d’eau fraîche.
I rès fréquente après les lésions partielles du médian, la causalgie est très
rare à la suite des lésions des autres nerfs du membre supérieur. On prétend
en avoir observé quelques cas au cubital, quelques cas au brachial cutané
interne. Nous n en avons jamais vu au musculo-cutané, au circonflexe, ni
au radial.
Les médicaments dits antinévralgiques n’ont aucune action sur elle. La
morphine elle-même n’a que des effets incomplets et éphémères. Pour la
398 LES NERFS RACHIDIENS

guérir, il faut avoir recours à des interventions chirurgicales, dont celle qui
est à la fois la plus inoffensive et la plus efficace, est l’injection intra-troncu-
laire d’alcool à (iO degrés, au-dessus du point où le nerf a été offensé (Sicard,
Pitres et Marchand). Nombreux ont été les malades qui, dans le cours de
la dernière guerre, en ont apprécié les heureux résultats.

4° Troubles vaso moteurs sécrétoires et trophiques.— a) Troubles vaso¬


moteurs. — Nous avons indiqué plus haut l’hyperémie et l’hyperthermie de
la peau de la main et des
doigts qu’on constate du¬
rant les premières semaines
de la paralysie du médian.
Plus tard, ces phénomènes
s’atténuent. A la vaso-dilata¬
tion initiale sucçède pen¬
dant quelques mois, une
instabilité de la régulation
vaso-motrice, se traduisant
par le fait que la main ma¬
lade est toujours plus chau¬
de ou plus froide que celle
du côté sain. Plus tard en¬
core, elle devient perpétuel¬
lement pâle et froide avec,
parfois, une teinte cyanique
plus ou moins accusée, pré¬
dominant au niveau de l’in¬
dex et d’autant plus foncée
Position du crayon dans la main d’un paralysé que température extérieu-
du médian cherchant à écrire. rê est p}us basse.
b) Troubles sécrétoires. —
Les troubles sécrétoires sont variables. Dans les cas de section complète, la
p|eau de la main est habituellement sèche. Après les sections incomplètes, la
sudation est au contraire exagérée ; chez quelques sujets, de grosses goute-
lettes de sueurs perlent continuellement de la surface de la peau ; elles macè¬
rent l’épiderme de la paume et mouillent désagréablement les gants que por¬
tent les malades.
c) Troubles trophiques. — Les troubles trophiques portent sur la peau, les
ongles, les muscles, et les os. La peau s’atrophie lentement, les crêtes épi-
PLEXUS BRACHIAL (NERF MÉDIAN) 399

dermiques s’effacent; le derme s’amincit. L’atrophie est surtout apparente à


l’index qui paraît grêle et effilé. Quelquefois une desquamation ichtyosifor-
me de l’épiderme se produit pendant très longtemps, sur la région externe de
la paume de la main.
Les ongles du pouce de l’index et du médius sont souvent déformés en
plateau, en tuile ou en chistéra, avec, au point où ils se séparent de leur
lit, des bourrelets épidermiques.
Les ulcérations torpides du type mal perforant sont rares, sauf dans les
cas où il y a eu des oblitérations artérielles. En revanche, les malades se
font souvent, sans y prendre garde, à cause de l’anesthésie de leurs doigts,
des brûlures du 2e ou du 3e degré, dont la guérison est très lente.
Les muscles innervés par le médian s’atrophient toujours après les sections
complètes de leur nerf moteur. Si la section est basse, l’atrophie porte seule
ment sur les muscles de l’éminence thénar. Elle n’est pas très apparente à la
vue parce que la conservation de l’adducteur, et du faisceau interne du court
fléchisseur maintiennent en grande partie les saillies de la région théna-
rienne ; mais elle se révèle par les modifications de l’excitabilité électrique
caractéristique de la RD. Ces mêmes modifications se produisent aussi dans
les muscles épitrochléens, si la section a été haut située.
La nutrition des os et des articulations est peu altérée. II y a habituelle¬
ment un peu d’ostéoporose discrète des phalanges du pouce et de l’index,
rien de plus. Les rigidités fibro-articulaires de ces doigts sont rares. Quand
elles existent, elles sont plutôt attribuables à des phénomènes de périarthrite
infectieuse banale qu’à de véritables troubles neurotrophiques.

B) PRONOSTIC, DIAGNOSTIC, TESTS DE GUÉRISON ET DE SINCÉRITÉ

Le pronostic des paralysies du médian est grave. 11 est grave, dans les cas
de section complète haute ou basse, à cause de la grosse diminution de l’utili¬
sation fonctionnelle de la main qui résulte des défectuosités de la flexion de
l’index et de l’opposition du pouce aux autres doigts. Un paralysé du médian
ne peut, en effet, exercer aucune profession exigeant le maniement d’outils à
gros manches tels que pelles, bêches, haches, pioches, etc., ou d’objets de
petit volume qu’il faut fixer entre le pouce et l’index : aiguilles, fuseaux, na¬
vettes, etc. Un musicien n’est plus capable de jouer des instruments à cordes,
clés, pistons ou touches ; un sculpteur, de modeler la glaise ; un dessinateur,
un écrivain, de tenir et de diriger correctement le crayon ou la plume. Pour
la même raison, un grand nombre des actes de la vie courante, comme bou-
4 ou Ï,KS SERFS lUC.IliWKNS

tonner ses vêtements, nouer sa cravate, etc., lui sont interdits ; il tient très
maladroitement la cuillère ou la fourchette ; il a beaucoup de peine à couper
ses aliments. La fig. 117, p. 398 représente la façon dont un de nos malades
plaçait pour écrire, son crayon cidre le petit doigt et l'annulaire : inutile d’a¬
jouter (pie, dans celte position incommode, il ne traçait pas des lettres bien
calligraphiées.
Le pronostic est grave aussi dans les cas de section incomplète, à cause des
douleurs cruelles du type causalgique qui, tant qu'elles existent, mettent
les malades à la torture. Il est grave, enfin, parce que la guérison est Ion-
jours lente et très souvent incomplète.
Le diagnostic est facile, si on recherche méthodiquement les signes que
nous avons indiqués plus haut. Si on se bornait à constater le mouvement
de pianotement, et la possibilité de l'adduction du piouce, on serait fatale¬
ment exposé à méconnaître des paralysies non douteuses, car les symptômes
caractéristiques des paralysies du médian sont les défectuosités des mouve¬
ments de flexion de l’index, et d'opposition du pouce que révèlent les épreu¬
ves du poing fermé, de l'arc de cercle, du grattage avec l'ongle de l’index,
du pincement, des boucles, de la préhension, etc.
Quant aux tests de guérison, le plus significatif nous paraît être la possibili¬
té de rouler une houlette de mie de pain entre les pulpes du pouce et de l’index
Comme test de sincérité, Froment et Gardkre signalent l’absence de contrac¬
tion synergique du court abducteur dans l’effort de placement du pouce en
extension à angle dièdre par rapport à l'index.

C) PARALYSIE MÉDIO-CUBITALE

Les nerfs médian et cubital cheminent, de concert dans la plus grande


partie de leur trajet brachial ! ils s’écartent l’un de l’autre à l'avant-bras,
mais ils se réunissent de nouveau à la main où ils entremêlent leurs bran¬
ches et leurs rameaux. Ils se trouvent donc presque partout exposés aux
mêmes violences traumatiques cl aux mêmes influences nocives : par sui¬
te, ils sont souvent paralysés ensemble. Or leurs paralysies simultanées
sont incomparablement plus graves qu’on ne pourrait le supposer, en ad¬
ditionnant les troubles fonctionnnels qui résultent de la paralysie isolée de
chacun d eux. La raison en est facile à comprendre. Le médian et le cu¬
bital sont si intimement associés dans leur fonctionnement que la carence
de l'un est en grande partie compensée par la suppléance de l’autre ; mais,
s’ils sont atteints en même temps, tous les actes physiologiques auxquels ils
PLEXUS BRACHIAL (NERF MUSCULO-CUTANÉ) 401

participaient sont irrémédiablement abolis. En fait, dans les paralysies mé-


dio-cubitales tous les mouvements des deux dernières phalanges des doigts
sont supprimés. L’extension des premières phalanges, qui dépend du radial,
reste théoriquement possible ; mais, le tonus persistant de leurs extenseurs
n’étant plus équilibré par celui des fléchisseurs, ces phalanges sont immobi¬
lisées en extension permanente. Ainsi se produit la griffe totale des doigts
qui caractérise la main de singe dans toute sa hideur. Pâle, froide, at.ro-

Fig. 118.
Griffe médio-cubitale en voie de formation, deux mois après une blessure par éclat d’obus
ayant traversé le bras en meurtrissant les nerfs médian et cubital. L’atrophie est masquée
par un œdème diffus de la main ; elle deviendra beaucoup plus apparente à mesure que la
tuméfaction œdémateuse se dissipera.

phiée, insensible, inerte, terminée par des doigts dont les premières phalan¬
ges sont en hyperextension et les deux dernières fléchies et immobilisées en
crochet ouvert ou fermé par des rétractions fibro-tendineuses, cette main
n’est plus qu'un appendice difforme, gênant (lîg. 118), dont les malades ne
peuvent faire aucun usage.

5». - NERF MUSCULO-CUTANÉ


{Planches XV et XIX].

§ 1. — ANATOMIE

1° Origine. — Le nerf musculo-cutané prend naissance dans le creux


axillaire, où il se détache de la racine externe du nerf médian (fig. 83, p. 330).
Ses fibres proviennent du cinquième et du sixième nerf cervical.
LES NERFS EN SCHÉMAS 26
Iü2 Lfb M-JIU'S HACIJiDIKNS

2° Trajet. — Immédiatement après son origine, le nerf musculo-cutané


se dirige obliquement en bas et en dehors. Il croise, tout d’abord, le tendon
du muscle sous-scapulaire, gagne ensuite le coté interne du muscle coraco-
brachial et bientôt le perfore, d’où le nom de nerf perforant du coraco-
brachial que lui donnent certains auteurs.
A la sortie de ce dernier muscle, il se trouve placé entre le biceps, qui est
# en avant, et le brachial antérieur, qui est en arrière.
Il traverse alors en diagonale la face antérieure du bras, arrive à la région
du pli du coude et, après avoir longé pendant quelque temps le côté externe
du tendon du biceps, il perfore l’aponévrose superficielle, pour devenir sous-
cutané et se ramifier, comme nous le verrons tout à l'heure, dans la moitié
externe de la peau de l’avant-bras.

3° Distribution. — Le nerf musculo-cutané, comme les autres branches


terminales du plexus, fournit des branches collatérales et des branches ter¬
minales ■:
a) Branches collatérales. — Dans sa portion brachiale, le nerf musculo-
cutané fournit des rameaux aux trois muscles de la région antérieure du
bras : le coraco-brachial, le biceps (longue portion et courte portion) et le
brachial antérieur.
b) Branches terminales. — Devenu sous-cutané un peu au-dessus de l’in-
lerligne articulaire du coude, le nerf musculo-cutané se divise en deux bran¬
ches terminales, l’une antérieure, l’autre postérieure :
a.) La branche postérieure, se portant en bas et en dehors, gagne successi¬
vement la face externe et la face postérieure de l’avant-bras et descend jus¬
qu’au niveau du carpe, où elle se termine. Elle fournit de nombreux rameaux
à la région postéro-externe de l’avant-bras. Il n’est pas rare de la voir, tout à
fait en bas, jeter quelques fins rameaux dans la région du premier métacar¬
pien et du premier espace interosseux.
(ï) La branche antérieure, continuant la direction descendante du tronc
dont elle émane, chemine à la face antérieure de l’avant-bras entre la veine
médiane, qui est en dedans, et la veine radiale, qui est en dehors. Elle se
ramifie, chemin faisant, dans la peau de la région antéro-externe de l’avant-
bras. On peut suivre ses filets terminaux jusqu’aux plis transversaux du
poignet et très souvent même jusque sur la partie la plus élevée de l’émi¬
nence thénar.

4° Résumé. — En résumé, le nerf musculo-cutané, moteur et sensitif


comme son nom l’indique, fournit :
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

V. ax'illaire
A. axillaire

Fig. 1 - Trajet et distribution Fig. 2 - Son territoire cutané

PLANCHE XIX

NERF MUSCULO-CUTANE

S. DUPRET Ciel. G. DOIN éditeur.


l'LÜXUS iiliACIliAL (NERF MUSCULO-CUÎAfojÊ) 403

a) Des rameaux musculaires ou moteurs à lous les muscles de la région an¬


térieure du bras : le coraco-brachial, le court biceps, le long biceps et le bra¬
chial antérieur ;
(3) Des rameaux cutanés ou sensitifs à la peau de la moitié externe de l’avant-
bras et, dans bien des cas, à la peau qui recouvre, tant en avant qu’en arrière
le premier métacarpien ou métacarpien du pouce.

§ 2. — PHYSIOPATHOLOGIE, LES PARALYSIES DU MUSCULO-CUTANÉ

Comme nous venons de le voir, le nerf musculo-cutané est un nerf mixte,


renfermant à la fois des libres motrices (c’est le nerf moteur) et des libres sen¬
sitives (c’est le nerf sensitif).

1° Le nerf moteur. — Comme nerf moteur, le musculo-cutané innerve


trois muscles : le coraco-brachial, le biceps et le brachial antérieur ; celui-ci
reçoit, en outre, à sa partie inférieure et externe un petit fdet du radial. Pro¬
fondément caché entre les muscles de l’épaule qui le protègent contre les vio¬
lences extérieures, il est rarement frappé isolément de paralysie traumatique.
Les symptômes qui révèlent ses paralysies sont beaucoup moins accentués
que ne tendrait à le faire supposer le volume des muscles qu’il commande.
Le coraco-brachial est adducteur du bras.
Le biceps est fléchisseur-supinateur de l’avant-bras. Quand il se contracte
seul, la main étant en pronation, le premier effet de son raccourcissement
est de la porter en supination ; après quoi, il fléchit directement l’avant-bras
sur le bras. D’après Duchenne, sa courte portion agirait surtout dans la
supination, sa longue dams la flexion.
Le brachial antérieur est fléchisseur direct de l’avant-bras sur le bras.
Loi'sque, par suite d’une section du musculo-cutané ces trois muscles sont
paralysés, aucun des mouvements à l’exécution desquels prennent part les
muscles qu’il commande, n’est complètement aboli. L’adduction du bras
n’est nullement compromise parce qu’elle peut être réalisée, à défaut du
coraco-brachial, par trois autres muscles puissants de l’épaule : le grand
pectoral, le grand dorsal, et le grand rond, qui sont innervés par des bran¬
ches collatérales du plexus brachial. Mais ces trois muscles, en même temps
qu’ils portent le bras en dedans, tendent à tirer l’humérus de haut en bas,
tandis que le coraco-brachial et la longue portion du biceps tendent à le
porter de bas en haut, c’est-à-dire à le rapprocher de la cavité glénoïde. A
ce point de vue, ils sont antagonistes des muscles de l’épaule sus-visés.
404 LES NERFS RACHIDIENS

Par suite de cette disposition, il arrive, parfois, que la paralysie du coraco-


brachial et du biceps est suivie, lorsque le malade porte un fardeau un peu
lourd à bout de bras, ou qu’il rapproche énergiquement le bras du tronc,
son humérus, privé des deux ligaments actifs qui maintiennent sa tête
accolée à l’omoplate, se luxe en bas et en dedans.
La flexion de l’avant-bras sur le bras n’est, pas gravement altérée non
plus, dans la paralysie du musculo-cutamé, parce que d’une part, le brachial
antérieur est en partie innervé par le radial, et d’autre part, parce que tous
les muscles épitrochléens et épicondyliens qui prennent l’une de leurs inser¬
tions sur l’humérus, et l’autre sur le radius ou le cubitus, sont eux aussi
fléchisseurs de l’avant-bras sur le bras ; ils peuvent donc suppléer, dams
une certaine mesure, le brachial antérieur paralysé. Toutefois, lorsque ce
dernier fait défaut, la force de la flexion est très diminuée ; les malades
ne peuvent pas s’opposer énergiquement à un effort passif d’extension de
l’avant-bras sur le bras ; ils me peuvent pas grimper par les mains à une
corde ou aux barreaux d’une échelle.

2° Le nerf sensitif. — Les fibres sensitives du musculo-cutané se distri¬


buent aux téguments de la région antéro-externe de l’avant-bras, jusqu’au
poignet. Leur interruption se traduit par une bande d’hypoesthésie à con¬
tours assez indécis, occupant la partie centrale de leur champ de distribution.

6°. — NERF BRACHIAL CUTANÉ INTERNE

[Planches XV et XX}.

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine. — Le nerf brachial cutané interne, ainsi appelé parce qu’il


occupe le côté interne du membre supérieur, se détache de la racine interne
du médian, un peu au-dessus du cubital. Il tire ses fibres du huitième nerf
cervical et du premier nerf dorsal.

2' Trajet. — Situé tout d’abord en dedans et en arrière de l’artère axillai¬


re, le brachial cutané interne se place ensuite en avant de ce vaisseau, en se
dirigeant vers le point où la veine basilique vient s’aboucher dans la veine
axillaire. Il s’accole alors à cette veine basilique, perfore avec elle l’aponé¬
vrose superficielle, à l’union du tiers supérieur avec les deux tiers inférieurs
du bras et, devenu sous-cutané, descend verticalement vers le coude, où il
se termine en se bifurquant.
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS

Fig. 1 - Trajet et distribution Fig. 2 - Leur territoire cutané

PLANCHE XX

NERF BRACHIAL CUTANE INTERNE


ET SON ACCESSOIRE

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur


V
PLEXUS BRACHIAL (NERF BRACHIAL CUTANÉ INTERNE) 405

30 Distribution. — Un peu au-dessous de son origine, le nerf brachial


cutané interne fournit un filet cutané brachial (quelquefois deux) qui, après
avoir perforé l’aponévrose, se distribue à la peau de la région interne du
bras. Arrivé au tiers inférieur du bras, un peu au-dessus de l’épitrochlée, le
tronc nerveux se partage en deux branches terminales, l’une postérieure,
l’autre antérieure :
a) La branche postérieure, passant en arrière de l’épitrochlée, gagne la
face postérieure de l’avant-bras et se distribue, par de nombreux rameaux,
à la peau de la région postéro-interne de l’avant-bras, depuis le coude jus¬
qu’au poignet.
p) La branche antérieure, suivant la direction du tronc primitif, atteint
le pli du coude.
Là, elle se divise en plusieurs rameaux, qui passent les uns en avant, les
autres en arrière de la veine médiane basilique. Ces rameaux descendent ver¬
ticalement à la face antérieure de l’avant-bras, jusqu’au niveau du carpe, et,
chemin faisant, recouvrent de leurs divisions secondaires la région antéro-in-
terne de l’avant-bras. Ils se distribuent à la peau de cette région.
Constamment, la branche de bifurcation antérieure du nerf brachial cu¬
tané interne s’anastomose : 1° à la face antérieure de l’avant-bras, avec les fi¬
lets terminaux du nerf musculo-cutané ; 2° un peu au-dessus du poignet, avec
un rameau issu du nerf cubital.

4° Résumé. — En résumé, le nerf brachial cutané interne, nerf exclusi¬


vement sensitif, abandonne quelques filets à la peau de la région interne du
bras (région qui est innervée surtout par son accessoire, p. 337) et innerve,
à lui tout seul, la peau de la moitié interne de l’avant-bras.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE
PARALYSIE DU BRACHIAL CUTANÉ INTERNE

Le nerf brachial cutané interne et son accessoire sont rarement blessés iso¬
lément, mais leurs rapports avec le paquet vasculo-nerveux font qu’ils se trou¬
vent assez souvent compris dans l’aire des plaies par instrument tranchant
ou projectiles d’armes à feu, qui atteignent le médian ou le cubital.
Leur symptomatologie est réduite à une bande d’hypoesthésie occupant
presque exclusivement le côté interne de l’avant-bras, car la sensibilité du
côté interne du bras est fournie à la fois par eux, et par les branches perfo
raintes latérales des 2S et 3e nerfs intercostaux.
406 LES NERFS RACHIDIENS

Rappelons ici que l’accessoire du brachial cutané interne reçoit, dans l’ais¬
selle, quelques lilels anastomotiques des rameaux perforants des 2° et 3e
nerfs intercostaux (p. 408), ce qui pourrait expliquer, dans l’inflamlmation des
plèvres, les irradiations douloureuses sur la face interne du bras.

ARTICLE V

NERFS INTERCOSTAUX
[Planche XXIII}.

Les nerfs intercostaux, ainsi appelés parce qu’ils cheminent d’arrière en


avant dans les espaces qui séparent les côtes, sont constitués par les branches
antérieures des douze paires dorsales. A la fois sensitifs et moteurs, ils se dis¬
tribuent aux parois du thorax et de l’abdomen. On en compte douze, que
Loin distingue en premier, deuxième, troisième, quatrième, etc., en allant
de haut en bas. Le premier est situé dans le premier espace intercostal, le
deuxième immédiatement au-dessous de la douzième côte.

§ 1. — ANATOMIE

Envisagés au point de vue anatomique, les nerfs intercostaux présentent


des caractères généraux, qui permettent de les comprendre dans une descrip¬
tion commune, et des caractères particuliers, qui les distinguent les uns des
autres.

Caractères communs à tous les intercostaux. —- Les nerfs intercostaux


prennent ce nom, immédiatement en dehors des trous de conjugaison, au
moment ou les troncs nerveux rachidiens se bifurquent chacun, en une
branche postérieure qui est destinée à la région rétro-rachidienne et une
branche antérieure qui n’est aulre que le nerf intercostal.
a) Trajet et rapports. — Aussitôt né, le nerf intercostal se dirige en
dehors, vers l’espace intercostal correspondant. Il chemine d'abord entre
le muscle intercostal externe et la lame fibreuse qui prolonge jusqu’aux corps
vertébraux le muscle intercostal interne. Il s’engage ensuite entre les deux
muscles intercostaux et conserve cette situation jusqu’à l’extrémité antérieure
de l’espace intercostal, où il se termine.
Envisagé dans ses rapports avec les côtes, le nerf intercostal est situé, tout
A. PITRES el I,. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

_Plexus cervical

Circonflexe
Circonflexe

Accessoire
du
Brachial cutané interne

Radial

Brachial cutané interne

Musculo-cutané_

_ Musculo-cutané

Cubital.

Médian _Médian

PLANCHE XXI

TERRITOIRES SENSITIFS DU MEMBRE SUPERIEUR

s. dupbet net. G. DOIN éditeur.


NERFS INTERCOSTAUX 407

d’abord, à égale distance de la côte qui est au-dessus ït de la côte qui est au-
dessous. Mais, en atteignant la région de l’angle, il s’inlléchit en haut pour
se rapprocher du bord inférieur de la côte qui est au-dessus et il s’accole
alors au côté inférieur des vaisseaux intercostaux, lesquels cheminent parallè¬
lement à lui dans la gouttière costale. On sail que l’artère intercostale est située
immédiatement au-dessus du nerf, la veine intercostale immédiatement au-
dessus de l’artère.

b) Distribution. — Dans leur long trajet demi-circulaire autour du


thorax, les nerfs intercostaux abandonnent quatre ordre de rameaux : 1° des
rameaux anastomotiques ; 2° des rameaux intra-thoraciques ; 3° des rameaux
musculaires ; 4° des rameaux cutanés.
a) Rameaux anastomotiques. — Dès son origine, chaque nerf intercostal
abandonne deux filets anastomotiques {rami communicantes) au cordon du
grand sympathique : un filet supérieur ou ascendant, qui se rend au ganglion
thoracique situé au-dessus ; un filet inférieur ou descendant, qui se porte
dans le ganglion situé au-dessous.
b) Rameaux intra-thoraciques. — Nous désignons sous ce nom des filets
extrêmement déliés qui, après avoir perforé le muscle intercostal interne, se
portent sur la face interne, soit de la côte qui est au-dessus, soit de la côte qui
est au-dessous et se terminent, en partie dans le périoste et l’os, en partie
dans la plèvre pariétale.
c) RcPmeaux musculaires. — Très nombreux, mais très grêles, ces rameaux
se perdent dans les muscles intercostaux internes et externes, dans les surcos¬
taux, les sous-costaux, le triangulaire du sternum, les muscles de l’abdomen
(grand oblique, petit oblique, transverse, grand droit.) Les six derniers nerfs
intercostaux fournissent, en outre, quelques fins rameaux à la portion mar¬
ginale du diaphragme.
d) Rameaux cutanés. — Ces rameaux, pour se rendre aux téguments,
perforent le muscle intercostal externe, d’ou le nom de nerfs perforants, sous
lequel on les désigne. On en compte deux pour chaque nerf : le perforant
latéral, et le perforant antérieur. — Le nerf perforant latéral se sépare du
nerf intercostal à la partie moyenne de l’espace intercostal. Il perfore alors
de dedans en dehors le muscle intercostal externe et se partage immédiate¬
ment après en deux rameaux : l’un antérieur, qui se dirige d’arrière en avant
pour se distribuer à la peau de la région antérieure du thorax ; l’autre posté¬
rieur, qui se porte en arrière pour s’épuiser dans la peau de la région laté¬
rale. —- Le nerf perforant antérieur n’est autre que la portion terminale de
l’intercostal. Plus petit que le précédent, il arrive à la peau dans le voisinage
408 LES NERFS RACHIDIENS

de la ligne médiane antérieure et se partage alors en deux groupes de filets :


des filets externes, qui se portent d’avant en arrière à la rencontre du rameau
antérieur du perforant latéral et se ramifient, comme ce dernier, dams la
peau de la paroi antérieure du thorax ; des filets internes, qui se distribuent
à la peau de la région médiane du tronc.

b) Caractères particuliers des nerfs intercostaux. — Chaque nerf


intercostal, tout en se disposant suivant le type général que nous venons de
décrire, présente quelques caractères individuels :
a) Le premier intercostal se distingue de tous les autres par sa ténuité
relative. Il ne représente, du reste, qu’une bien faible portion de la première
branche dorsale, la plus grosse portion de cette branche se rendant, comme
nous l’avons vu (p. 328), au plexus brachial.
b) Le deuxième et le troisième présentent cette particularité que leur ra¬
meau perforant latéral, au lieu de se ramifier dans la peau du thorax, pénè¬
tre dans l’aisselle et s’y anastomose avec l’accessoire du brachial cutané
interne, pour se distribuer avec lui à la peau de la région interne du bras.
c) Le quatrième et le cinquième se distinguent par les trois particularités
suivantes : 1° le filet postérieur de leur rameau perforant latéral se distribue
à la face postérieure de l’épaule ; 2° le filet antérieur de ce même rameau
est principalement destiné à la glande mammaire et au mamelon ; 3° leur
extrémité antérieure, enfin, fournit, au voisinage du sternum, quelques
filets moteurs au muscle triangulaire.
d) Le sixième et le septième rentrent dans la description générale. Ils pré¬
sentent cependant, comme caractères distinctifs, quelques rameaux plus
ou moins grêles, qui se détachent du tronc nerveux à des niveaux variables,
et qui se rendent à la partie supérieure des muscles grand oblique et grand
droit de l’abdomen.
e) Les huitième, neuvième, dixième et onzième sont situés tout d’abord
dans les espaces intercostaux formés par les fausses côtes, entre l’intercostal
externe et l’intercostal interne. Arrivés à l’extrémité antérieure de ces espa¬
ces, ils croisent obliquement les cartilages costaux, s’engagent alors entre
les muscles larges de l’abdomen, auxquels ils abandonnent de nombreux
filets, et atteignent ainsi le bord externe du grand droit. Là, ils fournissent
un premier rameau perforanl antérieur, qui traverse d’arrière en avant le
bord externe de ce dernier muscle et se distribue ensuite à la peau. Puis, ils
pénètrent dans la gaine du grand droit, abandonnent plusieurs filets à ce
muscle et, finalement perforent son bord interne, (deuxième rameau perfo¬
rant antérieur), pour venir se distribuer à la peau de la région médiane de
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

A) NERFS MOTEURS ET SENSITIFS R) TERRITOIRES SENSITIFS


DE LA MAIN DE LA MAIN

a) Face antérieure a) Face antérieure

Ram. eut4 pairaa ^ . Br cul**


du médian dorsale

Adducteur \ ^

_ Opposant ^

Cfléch

_ _ A' lombrical

Int1 palmaires

/* lombrical _y

39 lombrical

b) Face postérieure b) Face postérieure

PLANCHE XXII

INNERVATION DE LA MAIN

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur


NERFS INTERCOSTAUX 409

l’abdomen. Quant aux rameaux perforants latéraux de ces quatre nerfs inter¬
costaux, ils perforent le grand oblique avant de se rendre au territoire cutané
auquel ils sont destinés. Ils suivent, du reste, pour atteindre ce territoire, un
trajet de plus en plus oblique en bas et en avant.
/) Le douzième nerf intercostal, auquel nous ne donnons ce nom que par
analogie, puisqu il ne chemine pas entre deux côtes, mais bien au-dessous
de la douzième, sort du canal rachidien par le trou de conjugaison situé
entre la douzième vertèbre dorsale et la première lombaire. Après avoir
envoyé un rameau anastomotique au premier nerf lombaire, il croise en
avant les insertions costales du muscle carré des lombes, longe le bord infé¬
rieur de la douzième côte, s’engage d’abord entre le transverse et le petit obli¬
que, puis entre le petit oblique et le grand oblique et se termine de la même
façon que les quatre branches précédentes. Le rameau perforant latéral du
douzième nerf intercostal se distingue de tous les autres par son trajet et sa dis¬
tribution. Après avoir perforé le grand oblique pour atteindre le tissu cellu¬
laire sous-cutané, il se porte verticalement en bas, croise la crête iliaque et
s’épanouit alors en de nombreux et longs rameaux, qui se perdent dans
la peau de la région fessière.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

1° Muscles inspirateurs et muscles expirateurs. — Les muscles innervés


par les nerfs intercostaux se divisent en deux groupes. Le premier est formé
par les muscles intercostaux internes et externes, sus et sous-costaux, et le
triangulaire du sternum, qui sont élévateurs des côtes, donc inspirateurs ;
le second, par les muscles des parois antérieures et latérales de l’abdomen :
le grand oblique, le petit oblique, le transverse et le grand droit de l’abdo¬
men, qui sont abaisseurs des dernières côtes, donc expirateurs.
Etant donné leur antagonisme fonctionnel, il semblerait naturel de penser
que leur contraction rythmiquement alternée est la condition déterminante
des mouvements inspiratoires et expiratoires de la poitrine. Gela serait vrai
s’ils étaient les seuls agents intervenant dans la production de ces mouve¬
ments. Mais, en fait, il n’en est pas du tout ainsi. Tout d’abord, il y a ul
grand nombre de muscles inspirateurs qui ne sont pas innervés par les nerf,
intercostaux : tels sont le diaphragme, les scalènes, le sterno-cléïdo- mastoï¬
dien, le trapèze, le grand et le petit dentelé, le grand et le petit pectoral, etc.,
etc. D’autre part, l’expiration est en grande partie assurée par l’élasticité du
parenchyme pulmonaire qui, après avoir été distendu par l’effort inspira¬
toire, tend passivement à revenir à sa position de repos.
410 LES NERFS RACHIDIENS

Pour bien comprendre comment ces influences actives et passives se com¬


binent dans le jeu des mouvements de la poitrine, il faut absolument ana¬
lyser ce qui se passe : 1° dans les respirations d’amplitude modérée : 2° dans
les respirations forcées.
a) Dans les respirations calmes, de petite ou de moyenne amplitude l’ins¬
piration est uniquement ou presque uniquement due à- la contraction simul¬
tanée du diaphragme innervé par le nerf phrénique et des muscles costaux
innervés par les nerfs intercostaux. Cette contraction a pour effet d’augmen¬
ter dans tous les sens les diamètres, et par conséquent, la capacité de la
cavité thoracique, et comme celle-ci ne communique avec l’extérieur que
par le tube trachéal, l’appel au vide résultant de sa dilatation est comblé par
la pénétration de l’air atmosphérique dans les poumons ; quand l’inspi¬
ration est terminée, l'élasticité du parenchyme pulmonaire chasse passive¬
ment l’air.contenu en excès dans les tuyaux bronchiques, sans que les mus¬
cles expirateurs aient à intervenir en quoi que ce soit.
b) Dans les respirations volontaires d'amplitude exagérée, et plus encore
dams les cas de dyspnée par obstacle à la libre circulation de l’air dans l’arbre
trachéo-bronchique, à la contraction inspiratoire du diaphragme et des
muscles costaux, qui suffit à elle seule à provoquer l’inspiration normale,
s’ajoute celle des muscles inspirateurs accessoires : sterno-cléido-mastoïdien,
trapèze, scalène, sus et sous-hyoïdiens, triangulaire du sternum, etc., etc.
Et, lorsque à cette inspiration forcée succède une expiration anormalement
amplifiée ou difficile, les muscles expirateurs abdominaux entrent en action
pour renforcer l’élasticité pulmonaire, de même qu’ils entrent en action
dans les expirations brusques et saccadés qui déterminent Le phénomène de
la toux.

2° Les types respiratoires. — Entre la respiration tout à fait calme et la


respiration manifestement exagérée, il y a toute une série d intermédiaires
qui se traduisent par les variétés physiologiques du type respiratoire. On en
décrit, depuis les recherches de Beau et Maissiat, trois variétés :
a) Le type [abdominal ou diaphragmatique, dans lequel le thorax restant à
peu près complètement immobile, l’épigastre se gonfle d’une façon très
apparente à chaque inspiration, et se déprime à chaque expiration ; il est
dù à l’action prédominante du diaphragme qui, en se contractant, refoule
énergiquement vers l’abdomen les viscères abdominaux. Ce type s'observe
chez les jeunes sujets des deux sexes.
i) Le type costal inférieur, dans lequel les dernières cotes apparaissent
plus mobiles que l’épigastre et que les parties supérieures du thorax ; c’est
A. PITRES et L. TESTUT.
LES NERFS EN SCHEMAS.

Sacro-lombaire

PLANCHE XXIII

NERFS INTERCOSTAUX
S. DUPRET ciel.
G. DOIN éditeur.
NERFS INTERCOSTAUX 411

celui qu’on rencontre le plus souvent chez l’homme adulte. Il est dû à


l’action simultanée, et à peu près égale des muscles intercostaux et du dia¬
phragme.
-,,,) Le type costal supérieur ou claviculaire, où la partie supérieure de la
poitrine, soulevée par les muscles inspirateurs accessoires qui prennent leur
insertion sur la clavicule .et le manubrium, est proportionnellement plus
mobile que la .partie inférieure. C’est le type le plus commun chez les femmes
adultes.
Une foule de circonstances physiologiques ou pathologiques peuvent
modifier chez un sujet donné la modalité du type respiratoire. Le degré de
distension de l’estomac, l’existence d’emphysème dans le poumon, la pré¬
sence d’épanchements dans les cavités pleurales, l'endolorissement des parois
thoraciques, etc., etc., transforment le type abdominal en type costal ou
claviculaire, ou inversement.

3° Les origines intra-médullaires des nerfs destinés aux muscles de la


respiration. — Si l’on envisage dans son ensemble le jeu de l’appareil
neuro-musculaire qui préside au mécanisme respiratoire, on constate qu’il
se compose de plusieurs groupes de muscles innervés par une série de nerfs
différents, dont les noyaux d’origine sont échelonnés dans toute l’étendue
des régions cervicale, brachiale et dorsale de la moelle épinière. Tout en
haut se trouve le'noyau de la branche externe du spinal qui innerve le sterno-
cléido-mastoïdien et le trapèze ; un peu au-dessous, ceux du phrénique qui
animent le diaphragme ; plus bas, ceux des branches collatérales du plexus
brachial, qui se rendent aux muscles grand et petit pectoral, grand et petit
dentelé, rhomboïde, etc. ; plus bas encore, ceux des nerfs intercostaux, qui
innervent les muscles propres des côtes ; enfin, tout à fait au bas de la ré¬
gion dorsale inférieure, ceux des deux derniers nerfs intercostaux, qui in¬
nervent les muscles abdominaux, seuls expirateurs de toute la série. Et
tous ces noyaux sont en rapport avec le centre commun d’association de
Legallois, inclus dans le segment inférieur du bulbe rachidien, d’où partent,
ainsi que nous le verrons plus loin (vov. le chapitre consacré à l’étude de l’is¬
thme de l’ancéphale) les incitations volontaires et réflexes qui commandent
et harmonisent les contractions de tous les muscles susceptibles de jouer un
rôle dans-le mécanisme de la soufflerie respiratoire.
Cette superposition des noyaux moteurs de ces muscles, surabondamment
démontrée par les expériences pratiquées sur les animaux, est mise en évi¬
dence chez 1 homme, par 1 étude clinique des cas de myélite ascendante, où
1 on voit, à mesure que les lésions gagnent des parties inférieures vers les
412 LES NEUFS RACHIDIENS

parties supérieures de la ,moelle, se manifester : d'abord une paralysie des


membres inférieurs avec inertie des sphincters, à laquelle s'ajoutent succes¬
sivement la paralysie des muscles abdominaux, innervés par les derniers
nerfs intercostaux, qui supprime les expirations forcées et la toux ; puis,
l’immobilité inspiratoire des côtes, qui est la conséquence de la destruction
des noyaux d’origine des autres nerfs intercostaux ; puis la paralysie des
muscles inspirateurs périthoraciques innervés par les branches collatérales
du plexus brachial, qui coïncide avec l’extension de la paralysie aux mem¬
bres supérieurs ; puis celle du diaphragme et des muscles sus et sous-hyoï¬
diens innervés par le plexus cervical ; puis, enfin, celle du st'enno-cléïdo-
mastoïdien, et du trapèze innervés par le spinal, qui précède immédiatement
la mort du sujet par syncope respiratoire.

4° Névralgies et névrites des nerfs intercostaux. — hes névralgies et les


névrites des nerfs intercostaux sont loin d’avoir la fréquence et l’importance
clinique que leur avaient attribuées certains auteurs du siècle dernier. Elles
sont, la plupart du temps, symptomatiques de lésions médullaires ménin¬
gées, ou radiculaires, provoquées elles-mêmes par des altérations organi¬
ques de nature syphilitique, baccillaire ou cancéreuse. Elles s’accompagnent
parfois de troubles trophiques zostériformes qui, par leurs •caractères exté-
térieurs ise rapprochent beaucoup 'de ceux qu’on observe dans le zona-idio-
pathique. Celui-ci, d’ailleurs, n’est, selon toute vraisemblance, qu’une
névrite spécifique résultant d’une infection microbienne qui se localise
électivement dans les ganglions des racines postérieures des nerfs rachidiens.

ARTICLE VI

PLEXUS LOMBAIRE
[Planche XXIV}.

On donne le nom de plexus lombaire à l’ensemble des anastomoses que


contractent entre elles, avant leur distribution périphérique, les branches
antérieures des quatre premiers nerfs lombaires. Au point de vue de sa dis¬
tribution, il est destiné : 1° à la partie inférieure de l’abdomen ; 2° à une par¬
tie du bassin ; 3° à la plus grande partie du plan antérieur du membre pelvien,
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Douzième côte

Douzième n. intercostal

Carré des lombes

N p* abdomino-génital

N. fémoro-cutané

N. abdomino-génital _Sympathique
avec son rameau fessier lombaire

Iliaque

Gà oblique

P' oblique_

Transverse

_N. lombo-sacré

Psoas

Épine iliaque
Gé droit.
ANTÉRO-SUP”

_N. génito-crural

N. obturateur
N. Crural

-Canal inguinal.

F. iliaques extos.
..Trou obturateur

'' V;'-Ï;V Y\' v ••

Aponévrose fémorale__

PLANCHE XXIV

PLEXUS LOMBAIRE

S. DUPRET del.
G. DOIN éditeur.
PLEXUS LOMBAIRE 413

l’autre partie de ce plan antérieur et le plan postérieur tout entier étant in¬
nervés par des branches du plexus sacré.

§ 1. — ANATOMIE

Le plexus lombaire est profondément situé dans l’angle dièdre que forment
les corps vertébraux des quatre premières lombaires avec les apophyses
transverses correspondantes. Il est recouvert par le muscle psoas, que la plu¬
part de ses branches, disons-le tout de suite, sont obligées de traverser pour
se rendre à leur champ de distribution. Le sympathique lombaire est placé en
dedans et en avant de lui, sur la partie antéro-latérale des corps vertébraux.

1° Mode de constitution du plexus. — Pour former le plexus lombaire,


les quatre nerfs sus-indiqués, au isortirvdes trous de conjugaison, se compor¬
tent comme suit :
a) La branche antérieure du premier nerf lombaire reçoit une anastomose
du douzième nerf intercostal et envoie, à son tour, à la branche antérieure
du deuxième nerf lombaire une anastomose oblique en bas et en dehors.
Puis, elle se partage en deux branches, qui deviennent les deux nerfs abdo-
mino-génitaux ;
(j) La branche antérieure du deuxième nerf lombaire envoie de même une
forte anastomose à la branche antérieure du troisième et se divise ensuite en
deux branches, qui sont le fémoro-cutané et le génito-crural :
y) La branche antérieure du troisième nerf lombaire, après avoir fourni
un rameau d’origine au nerf obturateur, poursuit son trajet de dedans en
dehors et devient le nerf crural ;
8) La branche antérieure du quatrième nerf lombaire, enfin, se partage
en trois rameaux divergents : un rameau ascendant, qui rejoint le nerf cru¬
ral et le renforce ; un rameau moyen, qui n’est autre que la portion princi¬
pale du nerf obturateur ; un rameau descendant, qui se porte vers la branche
antérieure du cinquième nerf lombaire et se réunit à elle pour constituer
le tronc lombo-sacré, 1 une des branches d’origine les plus importantes du
plexus sacré.

2° Forme. — Il résulte de la description qui précède que chacune des


branches antérieures des inerfs lombaires est reliée aux branches voisines par
des anastomoses obliques, qui se détachent des troncs nerveux ou les abor¬
dent sous des angles aigus. Comme le fait judicieusement remarquer Hirscii-
feld, la première branche s’anastomose avec la seconde tout près du trou de
414 les Neufs uac.hidiens

conjugaison ; la seconde s’anastomose avec la troisième un peu plus en


dehors ; la quatrième, plus en dehoTs encore, ce qui fait que, dans son
ensemble, le plexus lombaire affecte la forme d’un triangle, dont la base
repose sur la colonne vertébrale, et dont le sommet répond exactement à
l’union de la troisième branche lombaire avec le rameau ascendant de la
quatrième.

3° Anastomoses. — Envisagé dans son ensemble, le plexus lombaire con¬


tracte les trois anastomoses suivantes :
a) Tout'd'abord, à sa partie supérieure, il s’anastomose avec le dernier nerf
intercostal par la branche, ci-dessus mentionnée, que ce dernier nerf envoie
au premier nerf lombaire.
(}) Il s’anastomose également, à sa partie inférieure, avec le plexus sacré
par le rameau descendant que la quatrième branche lombaire jette dans le
tronc lombot-sacré.
y) Il est relié, enfin, aux ganglions du sympathique lombaire par des rami
communicantes, qui sont ordinairement au nombre de deux pour chacune
de ses branches constituantes. Rappelons, en passant, que ces rami commu¬
nicantes, pour arriver au cordon du sympathique, traversent les arcades
fibreuses que présente le psoas à son insertion sur les corps vertébraux.

4° Distribution. — Indépendamment de quelques rameaux, naturelle¬


ment très courts, qu'il abandonne au muscle carré des lombes, au grand
psoas et au petit psoas, le plexus lombaire fournit six branches que nous
diviserons, comme celles du plexus brachial, en deux groupes :
10 Branches collatérales ;
2° Branches terminkdes.

A) BRANCHES COLLATÉRALES

Elles sont au nombre de quatre, savoir : le nerf grand abdomino-génital, le


nerf petit ab domino-génital, le nerf fémoro-cutané et le nerf génito-crural.

1° Nerf grand abdomino-génital. — Le nerf grand abdomi no-génital


tire son origin:e du premier nerf lombaire. 11 traverse le psoas à sa partie
postérieure et supérieure et, se portant obliquement en bas et en dehors, il
chemine tout d’abord, en arrière du rein, entre le carié des lombes et le
péritoine. Il s’engage ensuite entre le muscle transverse et le muscle petit
oblique, longe la crête iliaque et, arrivé à la partie antérieure de cette crête,
se divise en deux rameaux : un rameau abdominal et un rameau génital.
l’LEXUS LüMBAlHK 415

u) Le rameau abdominal se porte transversalement en dedans, d’abord entre


le transverse et le petit oblique, puis entre les deux obliques : il fournit des
rameaux à ces trois muscles. Arrivé au bord externe du grand droit, il se
comporte comme les derniers nerfs intercostaux : il fournit tout d'abord un
premier perforant cutané antérieur, pour la peau qui répond au bord externe
du grand droit ; puis, il s’engage dans l’épaisseur du grand droit, lui aban¬
donne quelques filets et, finalement, le perfore d’arrière en avant au voisinage
de son bord interne pour venir, sous le nom de deuxième perforant cutané
antérieur, se terminer dans les téguments qui avoisinent la ligne médiane.
(ï) Le rameau génital, continuant la direction du tronc dont il émane, se
porte obliquement en bas et en dedans. Il gagne ainsi le canal inguinal, s’y
engage et le parcourt dans toute son étendue. Au sortir de ce canal, il se
divise en deux filets : un filet pubien, qui se porte en bas et se perd, par plu¬
sieurs ramifications très déliées, dans la peau du scrotum chez Lhomme, dans
la peau des grandes lèvres chez la femme.

2° Nerf petit abdomino-génital. — Le nerf petit abdomino-génital naît


également du premier nerf lombaire. Beaucoup plus grêle que le précèdent,
au-dessous duquel il est situé, il chemine parallèlement à lui, dans l’épaisseur
de la paroi abdominale et,arrivé au voisinage de l’épine iliaque antérieure et
supérieure, il se divise comme lui en deux rameaux : un rameau abdominal
et un rameau génUa.1. Ces deux rameaux se comportent exactement comme
les rameaux homonymes du grand abdomino-génital.

3° Nerf fémoro-cutané. — Le nerf fémoro-cutané se détache ordinaire¬


ment du deuxième nerf lombaire. Il traverse obliquement la partie posté¬
rieure du psoas, croise le muscle iliaque, s'échappe du bassin par l’échan¬
crure innomimée, qui est située entre les deux épines iliaques antérieures et
là, se divise en deux rameaux, tous les deux destinés à la peau : 1° un rameau
postérieur ou fessier qui, se portant en dehors et on arrière, vient se distri¬
buer à la partie externe de la région fessière ; 2° un rameau antérieur ou
fémpral qui, continuant le trajet vertical du tronc dont il émane, descend
jusqu’au genou, en couvrant de ses ramifications la peau de la région antéro-
externe de la cuisse.

4° Nerf génito-crural. — Le nerf génito-crural tire son origine, comme


le précédent, du deuxième nerf lombaire. Il s’engage immédiatement après
dans l’épaisseur du psoas, qu’il traverse obliquement d’arrière en avant et
de haut en bas. Dégagé du psoas, il chemine quelque temps sur la face aidé-
416 LES NERFS RACHIDIENS

rieure de ce muscle et se partage, un peu au-dessus du ligament de Fallope,


%

en deux rameaux terminaux : un rameau génital et un rameau crural.


a) Le rameau génital se dirige vers l’orifice abdominal du canal inguinal et,
après avoir jeté quelques fins rameaux dans le muscle transverse et le petit
oblique, il s’engage dans ce canal, qu'il parcourt dans toute son étendue.
Arrivé au publis, il se comporte comme le rameau génital des deux nerfs
abdomi no-génitaux.
(i) be rameau crural se porte, avec l’artère iliaque externe, vers l’an¬
neau crural (d’où son nom). Il le traverse, et arrive ainsi dans le triangle
de Scarpa. Dans ce triangle, il est situé au devant de l’artère fémorale, immé¬
diatement au-dessous de l’aponévrose superficielle, qui, comme on le sait,
prend ici le nom de fascia cribriformis. A 2 on 3 centimètres au- dessous de
l’arcade crurale, il perfore d’arrière en avant le fascia cribriformis et, arrivé
dans le tissu cellulaire sous-cutané, il se partage en plusieurs filets divergents,
qui se distribuent à la peau de la partie antérieure et supérieure de la cuisse.

B) BRANCHES TERMINALES

Les branches terminales du plexus lombaire sont au nombre de deux :


le nerf obturateur et le nerf crural. Quant au tronc lombo-sacré, que certains
auteurs décrivent comme une troisième branche terminale, il nous paraît
préférable de le considérer comme une des origines du plexus sacré. Nous le
relrouveons avec ce dernier plexus (p. 424).

1° Nerf obturateur. — Le nerf obturateur, ainsi appelé parce qu’il sort


du bassin par la partie supérieure du trou obturateur, naît du plexus lom¬
baire par trois racines, qui proviennent des deuxième, troisième et quatriè¬
me nerfs lombaires. Ces trois racines se portent obliquement en bas et en
dehors, en convergeant l’une vers l’autre, et se réunissent dans l’épaisseur
même du psoas pour former le tronc nerveux. Ainsi constitué, le nerf obtu¬
rateur s’échappe 'du psoas par le côté interne de ce muscle, croise l’articula¬
tion sacro-iliaque, passe dans l’angle de bifurcation de l’artère iliaque primi¬
tive, longe ensuite la face latérale du bassin, un peu au-dessous de la ligne
innominée, et arrive ainsi au niveau du canal sous-pubien, dans lequel il
s’engage avec les vaisseaux obturateurs.
Dans son trajet abdomino-pelvien, le nerf obturateur ne fournit aucune
branche collatérale.
A son entrée dans le canal sous-pubien, il abandonne un rameau muscu-
l'LlAÜS LOMHAilŒ 417

laire qui, après un court trajet, disparaît dans ic bord supérieur du muscle
obturateur externe, c’est le nerf supérieur de l’obturateur externe.
Dans le canal sous-pubien lui-même, le nerf obturateur se partage en deu^
branches terminales, l’une antérieure, l’autre postérieure. — La branche
antérieure, continuant la direction (du tronc, s’échappe par l’orifice antérieur
du canal sous-pubien, se place entre le pectine et le court adducteur et, là<
se divise en un certain nombre de branches qui se distribuent au petit adduc¬
teur, au moyen adducteur, et au droit interne. Rappelons que le nerf du
moyen adducteur fournit un rameau long et grêle (le ramus cutaneus obtu-
ratorii), qui vient s’anastomoser, un peu au-dessous de l’anneau du troisième
adducteur, avec le saphène interne ou avec son accessoire. — La bnanche
postérieure, se portant directement en bas, sort du canal sous-pubien, tantôt
par l’orifice antérieur de ce canal, tantôt en traversant les faisceaux supé¬
rieurs du muscle obturateur externe. Arrivé à lia cuisse, il fournit : 1° un
rameau pour l’obturateur externe (le nerf inférieur de l’obturateur externe) ;
2° un ou plusieurs rameaux au grand adducteur (les nerfs du grand adduc¬
teur) ; 3° quelques filets très grêles aux articulations de la hanche et du genou.
En résumé, le nerf obturateur est un nerf mixte : ses faisceaux moteurs
innervent l’obturateur externe, les trois adducteurs de la cuisse, le droit
interne, quelquefois même le pectiné ; ses faisceaux sensitifs se distribuent,
les uns (rameaux articulaires) aux deux articulations de la hanche et du
genou, les autres (rameaux cutanés), par l’anastomose que l’obturateur envoie
au saphène interne, à la peau de la face interne du genou et de la jambe.

2° Nerf crural. — Le nerf crural, la plus volumineuse des branches du


plexus lombaire, tire son origine des deuxième, troisième et quatrième nerfs
lombaires par trois grosses racines qui, convergeant l'une vers l’autre, se
réunissent dans l’épaisseur du muscle psoas. Le tronc qui résulte de cette
union se dégage du psoas sur son côté externe. Il se jette alors dans la gout¬
tière profonde formée par le muscle psoas et le muscle iliaque, parcourt cette
gouttière dans toute son étendue et arrive ainsi à l’arcade fémorale, où il sc
termine en fournissant quatre branches (fig. 119, p. 421) : le nerf musculo-cu-
tané externe, le nerf musculo-culané interne, le nerf du quadriceps et le nerf
saphène interne. Rappelons que, avant sa division en branches terminales, le
crural a abandonné, dans le bassin, quelques branches collatérales pour les
deux muscles psoas et iliaque.
a) Le nerf musculo-cutane externe se porte en bas et en dehors entre le
psoas-iliaque et le couturier. Il fournit deux sortes de rameaux, des rameaux
musculaires et des rameaux cutanés. — Les rameaux musculaires, destinés
LES NERFS EN SCHÉMAS
27
418 LES NERFS RACHIDIENS

au muscle couturier, se perdent à la face profonde du muscle. — Les


rameaux cutanés sont au nombre de trois : 1° le perforant supérieur, qui
perfore le bord interne du couturier (dans le tiers supérieur de la cuisse),
arrive dans le tissu cellulaire sous-cutané et se distribue, par de nombreux
filets, à la peau de la région antérieure de la cuisse, jusqu’au genou ; 2° le
perforant moyen, qui perfore de même le couturier à sa partie moyenne,
puis se porte en bas et un peu en dedans, pour se distribuer à la peau de la
partie antéro-interne de la cuisse, également jusqu’au genou ; 3° le rameau
accessoire du saphène interne qui, peu après son origine, se partage en deux
filets, l’un qui s’accole à l’artère fémorale (filet satellite de l’artère fémorale),
l’autre qui s’accole à la veine saphène interne (filet satellite de la saphène
interne) ; tous les deux, un peu au-dessus du genou, s’anastomosent avec le
saphène interne.
P) Le nerf musculo-cutané interne se porte en dedans et se partage en de
nombreux rameaux, les uns musculaires pour les deux muscles pectiné et
moyen adducteur, les autres cutanés pour la peau de la partie interne et
supérieure de la cuisse.
y) Le nerf du quatriceps se porte en bas et se divise en quatre rameaox
pour chacuine des quatre portions du quadriceps crural. Ces quatre rameaux,
nerf du droit antérieur, nerf du vaste interne, nerf du vaste externle et nerf
du crural, très variables dans leur origine, se détachent du crural tantôt
isolément, tantôt par un ou plusieurs troncs communs.
S) Le nerf saphène interne se porte, dès son origine en bas et en dedans,
s’engage dans la gaine des vaisseaux fémoraux et chemine alors sur la face
antérieure de l’artère fémorale, jusqu’à l’anneau du troisième adducteur.
Là, il s’échappe de la gaine vasculaire, chemine au-dessous du muscle cou¬
turier et, arrivé au niveau du condyle interne, il se divise en deux rameaux
terminaux, le rameau rotulien et le rameau jambier. — Le rameau rotulien,
situé tout d’abord au-dessous du couturier, perfore ce muscle en constituant
le rameau perforant inférieur. Puis, arrivé à la peau, il se dirige oblique¬
ment en bas, en avant et en dehors, contourne la partie inférieure de la
rotule et, finalement, s’épanouit en de nombreux filets divergents qui se
distribuent à la peau de la région rotulienrie. — Le rameau jambier, conti¬
nuant la direction du saphène interne, traverse l’aponévrose pour gagner le
tissu cellulaire sous-cutané et s’accole, à partir de ce moment, à la veine
saphène interne, avec laquelle il descend verticalement jusqu’à la partie
interne du cou-de-pied. Dans son trajet, le rameau jambier abandonne de
nombreuses collatérales, qui se distribuent à la peau de la moitié interne de
la jambe. Il se termine au niveau du cou-de-pied, en fournissant quelques
PLi-XUS LOMBAIRE 419

filets ai'ticulair^s pour l’articulation tibro-tarsienine et des filets cutanés qui


se ramifient, le long du bord interne du pied, jusqu’à la partie moyenne du
premier métatarsien.
En résumé, le nerf crural, le plus long de tous les nerfs rachidiens, s’étend
depuis la deuxième lombaire jusqu’au voisinage du gros orteil. Nerf mixte,
comme la plupart des nerfs des membres, il fournit des rameaux musculai¬
res et des rameaux cutanés. — Les rameaux musculaires se rendent aux mus¬
cles psoas-iliaque, pectiné, moyen adducteur, grand droit antérieur de la
cuisse, vaste interne, vaste externe et crural. — Les rameaux cutanés prési¬
dent à la sensibilité de la peau : 1° de la partie antérieure et interne de la
cuisse ; 2° de la partie antérieure et interne de l’articulation du genou ; 3° de
la moitié interne de la jambe et du bord interne du pied jusqu’à la partie
moyenne du premier métatarsien.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

La physiologie et la pathologie des racines rachidiennes faisant l’objet


d’un chapitre à part (voy. p 268 et pi. XII), nous ne nous occuperons ici
que des pai'alysies des branches collatérales et terminales du plexus lom¬
baire. Nous dirons quelques mois, en terminant, des névralgies de l’obtura¬
teur et du crural.

A) PARALYSIES DES BRANCHES COLLATERALES

Les quatre branches collatérales que les anatomistes décrivent au plexus


lombaire ont fort peu d’intérêt pour les cliniciens.

1° Nerfs abdomino-génitaux. — Le grand et le petit abdomino-génital,


issus tous les deux de la deuxième paire lombaire, présentent dans leur dis¬
tribution d’étroites analogies avec les nerfs intercostaux.
a) Leurs filets moteurs se rendent dans les muscles des régions latérales
et antérieures du ventre : carré des lombes, grand oblique, petit oblique,
tramsv'erse, grand droit de l’abdomen ; mais tous ces muscles reçoivent aussi
des filets provenant des derniers nerfs intercostaux. Aussi ne sont-ils jamais
complètement paralysés par la perte de conductibilité des grands et petits
abdomino génitaux.
b) Leurs filets sensitifs se distribuent : 1° à la peau de la partie supéro-
externe de la fesse ; 2° à celle de la portion inférieure de l’abdomen ; 3° à
420 LKS M'Il’iFS UAClIlDlKNS

la partie supéro-interne de la cuisse ; 4° à la peau du scrotum chez l’homme


et des grandes lèvres chez la femme. Mais leurs terminaisons s’enchevêtrent
avec celles d’autres nerfs sensitifs de ces régions, de telle sorte que leur sec¬
tion ne donne lieu qu’à des hypoesthésies limitées, à contours mal déter¬
minés.

2° Nerf fémoro-cutané. — Le nerf fémoro-cutané innerve partiellement


le tenseur du fascia-lata, qui reçoit aussi quelques filets du nerf fessier supé¬
rieur, branche collatérale du plexus sacré, et u ,ie longue bande de peau
de la région antérieure de la cuisse, jusqu’au genou. C’est dans son domaine
que se manifestent les troubles de sensibilité qu’on a décrits sous le nom de
méralgie paresthésique.

3° Nerf génito-crural. — Le nerf génito-crural donne quelques filets


moteurs au transverse, au petit oblique et au crémaster, et des filets sensitifs
à la peau du scrotum chez l’homme et de la grande lèvre chez la femme. Ses
lésions ne donnent lieu qu’à des symptômes sans importance.

B) PARALYSIES DES BRANCHES TERMINALES

Les deux branches terminales du plexus lombaire sont le nerf crural, et


le nerf obturateur. Ils proviennent tous les deux des trois racines inférieures
du plexus, L" L3 et L1.

1° Paralysies du nerf obturateur. — L’obturateur innerve les trois


adducteurs de la cuisse, et le droit interne ; mais le moyen et le court adduc¬
teur reçoivent aussi des rameaux du crural. Or, ces muscles ont pour fonc¬
tion principale de porter la cuisse en dedans ; accessoirement, ils sont aussi
fléchisseurs et rotateurs de la cuisse en dehors, sauf le faisceau interne du
grand adducteur qui est rotateur en dedans.
Leur paralysie gêne un peu la marche, mais pas autant que ne tendrait à le
faire supposer leur volume, parce que la pesanteur empêche la cuisse de se
porter exagérément en abduction.
Les filets sensitifs de l’obturateur se distribuent, après s’être anastomosés
avec le saphène interne, à la peau de la face interne du genou et de la jambe.
Ils prennent donc une part à la sensibilité de ces régions.

2° Paralysies du nerf crural. —- Le nerf crural est de beaucoup le nerf


le plus important du plexus lombaire.
Par les muscles qu’il innerve (psoas-iliaque, pectiné, couturier et quadri-
PLEXUS LOMBAIRE 421

ceps crural,) il commande tous les mouvements d’extension de la cuisse sur


le bassin, une partie de ceux de flexion du bassin sur la cuisse, et tous ceux
d’extension de la jambe sur la cuisse. Par ses filets sensitifs, il préside à la
sensibilité des régions antéro-inteine de la cuisse, interne de la jambe, et
intenne de la face dorsale du pied jusqu’au voisinage du gros orteil.
Les symptômes de ses paralysies varient suivant la hauteur des lésions qui
leur donnent naissance. Il en faut dis¬
tinguer trois espèces : 1° une para¬
lysie tronculaire haute, dans laquelle
le nerf est interrompu dans le bassin
au-dessus du point d’émergence des
rameaux destinés au psoas-iliaque ; 2°
une paralysie tronculaire basse, dans
laquelle il a été lésé au niveau de l’ar¬
cade fémorale avant sa division en
quatre branches terminales ; 3° des
paralysies parcellaires, où l’une ou
l’autre de ces branches ayant été offensée
Fig. 119.
isolément, les phénomènes morbides Silhouette de la distribution motrice
sont limités à l’aire de la distribution du nerf crural.
xx, arcade crurale. — A, tronc du cru¬
motrice et sensitive de la branche ral, portion pelvienne, d’où naissent
seulement quelques rameaux destinés au
lésée. muscle psoas-iliaque (1 et 1’). — B, nerf
museulo-cutané externe, d’où partent
a) Paralysie tronculaire haute clu quelques rameaux moteurs (2) pour le
muscle couturier. — C, nerf musculo-
eutané interne fournissant : 3, un ra¬
crural. — Elle compromet de la façon meau au pectiné ; 4, un rameau au
moyen adducteur. — D, nerf du quadri-
la plus grave le fonctionnement de ceps donnant des rameaux aux quatre
portions du quadriceps : 5, nerf du vaste
membre inférieur sur lequel elle siège. externe ; 6, nerf du vaste interne ; 7,
nerf du droit antérieur ; 8, nerf du mus¬
Etendu sur un lit, le malade ne peut cle crural.

imprimer, à sa cuisse ni à sa jambe,


aucun mouvement d’extension. Assis les jambes pendantes, il est incapable
de porter celle du côté malade en position horizontale. Debout, il ne peut pas
exécuter les gestes de « marquer le pas sur place ou de donner un coup de
pied. La marche sans béquille lui est interdite.
Le réflexe rotulien est aboli, l’achilléen conservé.
La sensibilité objective est très diminuée dans toutes les régions où elle
dépend du crural, c’est-à-dire à la face antéro-interne de la cuisse et à la
partie interne de la jambe et du pied.
Il n’y a généralement pas de troubles subjectifs accentués ; pas de dou¬
leurs lancinantes ; pas de causaîgie.
Les troubles vaso-moteurs sont fugaces ou très peu marqués.
422 LES NERFS RACHIDIENS

On n’observe d’autres troubles trophiques que ceux dépendant de l’atro¬


phie dégénérative des muscles paralysés.
La paralysie tronculaire haute du crural constitue, même lorsqu’elle est
unilatérale, une infirmité des plus sérieuses. On peut bien en atténuer les
désagréments à l’aide d’appareils orthopédiques ; mais quelqu’ingénieux
qu’ils soient, ils sont toujours pesants, compliqués, coûteux, fragiles et ne
remplacent que d’une façon très imparfaite les muscles dont la contractilité
volontaire est abolie.
b) Paralysile tvonculmi\e basse. — Dans cette variété le psoas-iliaque étant
conservé intact, le malade peut fléchir la cuisse sur le bassin, et le bassin sur
les cuisses. Mais la paralysie des extenseurs de la jambe sur la cuisse déter¬
mine une impotence fonctionnelle sérieuse.
Si le malade est assis sur une table ou sur un siège un peu élevé, la jambe
pendante, il ne peut pas la porter vers l’horizontale.
S’il est couché et qu’il veuille relever le membre inférieur, ses muscles
iliaques soulèvent bien sa cuisse vers le bassin, mais son quadriceps crural
inerte ne lui permet pas de détacher le talon du plan du lit.
Dans la station verticale, l’équilibre statique du corps peut être main¬
tenu, tant que le centre de gravité du tronc passe un peu en avant de l’axe
de l’articulation des genoux. Pour eela, il faut que ceux-ci soient en exten¬
sion forcée. Si le tronc s’incline un peu en amère, il faudrait pour main¬
tenir l’équilibre que les extenseurs de la jambe sur la cuisse se contractassent
énergiquement. Or, ils font défaut chez le paralysé du crural ; aussi les
malades de ce genre ne peuvent-ils se maintenir en équilibre, lorsque leur
corps est incliné en arrière, ou lorsqu’ils veulent s’accroupir.
Dans la marche, l'équilibre est très instable. Le sujet peut bien, lorsque
le poids du corps est supporté par le membre inférieur du côté sain, porter
en avant la jambe du côté où le quadriceps est paralysé, en faisant exécuter
à son bassin un mouvement d’élévation et de projection qui, la pesanteur
aidant, entraîne le membre correspondant au-devant de l’autre. Mais à ce
moment le poids du corps devra être reporté sur le membre malade, et pour
le maintenir rigide, il faut absolument que les extenseurs de la jambe sur la
cuisse se contractent avec une certaine énergie. S’ils sont paralysés, le genou
ploie et la chute est imminente.
Cette action des extenseurs est encore plus nécessaire dans la marche sur
un plan ascendant. Elle est indispensable dans l’acte de monter des escaliers
ou des échelles. Aussi, ces actes sont-ils absolument interdits aux paralysés
du crural.
En revanche, ils peuvent exécuter tous les mouvements commandés : par
PLEXUS LOMBAIRE 423

le grand sciatique (mouvements d’extension et de tlexion du pied, mouvement


de flexion de la jambe sur la cuisse) ; par le petit sciatique (mouvement
d’abduction de la cuisse ; par les fessiers et les pelvi-trochantériens ; (mouve¬
ments d’adduction et de rotation en dehors et en dedans par les adducteurs
et les pyramidaux.)
Les troubles sensitifs, réflexes, vaso-moteurs et trophiques, sont les mêmes
que dans la variété précédente.
c) Paralysies parcellaires des branches terminales du crural. — Il va de
soi que chacune des branches ou chacun des rameaux du crural peut être
atteint isolément de lésions traumatiques ou spontanées et que ces lésions
donneront lieu à des paralysies motrices ou sensitives, parcellaires, dont la
répartition sera étroitement subordonnée à la spécialité physiologique des
rameaux intéressés, et au siège plus ou moins élevé du point où ils auront été
offensés.

C) NÉVRALGIES DES NERFS OBTURATEUR ET CRURAL

Les névralgies de l’obturaieur et du crural sont rares.


Celles de l'obturateur donnent lieu à des douleurs paroxystiques partant de
la région supéro-interne de la cuisse et s’irradiant le long de la partie interne
de la jambe jusqu’au talon. Elles sont parfois provoquées par des hernies ob¬
turatrices méconnues el peuvent alors dans quelques cas mettre sur la voie
du diagnostic de ccs hernies.
Les névralgies du crural sont tout à fait exceptionnelles. Vallejx n’en a
vu que deux exemples dans lesquels les points douloureux siégeaient à l’aine,
au condyle interne du fémur et à la malléole interne.

ARTICLE YII

PLEXUS SACRÉ
[Planche AA’F],

On donne le nom de plexus sacré à l’entrelacement nerveux que forment,


avant leur distribution périphérique, les branches antérieures de la dernière
paire lombaire, et des quatre premières paires sacrées. Situé immédiatement
au-dessous du plexus lombaire, réuni à lui par une branche volumineuse, le
nerf lombosacré, le plexus sacré est pour ainsi dire la continuation de ce der¬
nier. Comme lui, du reste, il se distribue au bassin el an membre inférieur.
424 LES NERFS RACHIDIENS

Aussi certains auteurs ont-ils cru devoir réunir les deux plexus en un seul, le
plexus lombo-sacrc (1).

§ 1. — ANATOMIE

Le plexus sacré est profondément placé à la partie postérieure de l’excava¬


tion pelvienne. Il répond, en arrière, au muscle pyramidal du bassin et, sur
un plan plus profond, à la face antérieure du sacrum. En avant, il est recou¬
vert par l’aponévrose pelvienne supérieure, qui le sépare des viscères conte¬
nues dans l’excavation. En dedans, il est en rapport avec le rectum, qui le
recouvre plus ou moins, et avec le sympathique sacré, qui descend le long de
son côté interne. En dehors, enfin, il répond au bord postérieur du muscle
releveur de l’anus et aux vaisseaux hypogastriques.

1° Mode de constitution du plexus. — Pour constituer le plexus, les


cinq branches précitées se comportent comme suit :
a) La branche antérieure du cinquième nerf lombaire, grossie de l’anasto¬
mose qui lui envoie la branche du quatrième, se porte obliquement en bas et
un peu en dehors vers la grande échancrure sciatique, c’est le nerf lombo-sacré ;
P) La branche antérieure du premier nerf sacré se porte également en bas et
en dehors, en longeant le bord supérieur du muscle pyramidal et se fusionne,
au niveau de la grande échancrure sciatique, avec le nerf lombo-sacré ;
y) La branche antérieure du deuxième nerf sacré se fusionne de môme,
toujours au niveau de la grande échancrure sciatique, avec les deux bran¬
ches précédentes ;
8) La branche antérieure du troisième nerf sacré, à peu près transversale,
chemine le long du bord inférieur du muscle pyramidal et s’unit à son tour
avec les branches qui sont placées au-dessus d’elle ;
3) La branche antérieure du quatrième nerf sacré, enfin, se partage, au
sortir du trou sacré antérieur, en deux rameaux : 1° un rameau ascendant, qui
s’unit à angle aigu avec le troisième nerf sacré : 2° un rameau descendant, qui
se porte vers le cinquième pour passer dans le plexus saero-coccygien.
Le plexus sacré, on le voit, est infiniment moins complexe que les précé¬
dents. C'est un ensemble fort simple de cinq branches progressivement dé¬
croissantes, qui convergent vers un même point et s’y fusionnent.

(1) Outre les planches XXIV et XXV consacrées au plexus lombaire et au plexus
sacré, voyez les trois planches XXVI, XXVII et XXVIII, où sont représentées : dans la
première, les Nerfs du membre inférieur ; dans la seconde, les Territoires sensitifs du
membre inférieur ; dans la troisième, l’Innervation du pied.
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Nb de la queue de cheval

Fascia/ata

N uré Irai

PLANCHE XXV

PLEXUS SACRE ET COCCIGIEN

S. DUPRET fiel.
G. DOIN éditeur.
PLEXUS SACRÉ 425

2° Forme. — Ainsi constitué, il affecte la forme d'un vaste triangle,


dont la base correspond à la ligne verticale qui unit le dernier trou de conju¬
gaison de la colonne lombaire au quatrième trou sacre antérieur, et dont le
sommet se trouve placé en avant de la grande échancrure sciatique.

3" Anastomoses. — Le plexus sacré est relié :


a) Au plexus lombaire, par la grosse branche qui, du quatrième nerf lom¬
baire, descend vers le cinquième pour former le tronc lombo-sacré ;
(J) Au plexus sacro-coccygien, par le rameau descendant de la branche
antérieure du quatrième nerf sacré.
y) Au grand sympathique, par de nombreux filets qui, des branches cons¬
titutives du plexus, se rendent aux ganglions sacrés. Nous les retrouverons
à propos du grand sympathique.

4° Distribution. — Le plexus sacré fournit : 1° de nombreuses branches


collatérales ; 2° une seule branche terminale, qui est le nerf grand sciatique.

A) BRANCHES COLLATÉRALES

Les branches collatérales du plexus sacré, au nombre de dix, se divisent,


d’après leur origine sur le plexus, en branches antérieures et branches pos¬
térieures :

1° Branches antérieures. — Elles sont au nombre de cinq : le nerf de


l'obturateur interne, le nerf anal ou hémorrhoïdal, le nerf du heleveur de
l'anus, le nerf honteux interne, les nerfs viscéraux.
a) Nerf de l'obturateur interne. — Il naît sur la face antérieure du
plexus. 11 sort du bassin par la grande échancrure sciatique, contourne
l’épine sciatique, rentre de nouveau dans le bassin par la petite échancrure
sciatique, remonte vers le muscle obturateur interne et se perd, par de nom¬
breux rameaux, sur la face interne de ce muscle.
b) Nerf anal ou hémorrhoïdal. — Ce nerf se détache du bord inférieur
du plexus. Comme le précédent, il sort du bassin par la grande échancrure
sciatique, conlourne l’épine sciatique et se dirige ensuite vers l’anus, pour
se terminer dans le sphincter anal (filets moteurs) et dans la peau qui recou¬
vre ce muscle (filets sensitifs).
c) Nerf du releveur. — Rameau long et grêle, souvent double, qui se
détache de la partie antérieure du plexus sacré et se perd, par trois ou quatre
filets, sur la face interne du muscle releveur de l’anus.
426 LES NERFS RACHIDIENS

d) Nerf honteux interne. — Le nerf honteux interne, la plus volumineuse


des branches antérieures du plexus sacré, naît du bord inférieur du plexus
tout près de son sommet. Il sort du bassin par la grande échancrure sciatique,
contourne l’épine sciatique et, rentrant de nouveau dans le bassin par la
petite échancrure sciatique située au-dessous, il vient se placer sur la face
interne de la tubérosité de l’ischion. Là, il se divise en deux branches termi¬
nales, Lune inférieure, l’autre supérieure :
a) La branche inférieure ou périnéale se dirige vers la portion postérieure
du périnée. Après avoir fourni quelques filets à la portion antérieure du
sphincter anal et un rameau à la peau du pli fémoro-périnéal, il se partage en
deux rameaux, l’un superficiel, l'autre profond. — Le rameau superficiel,
exclusivement sensitif, fournit d’abord quelques ramuscules à la peau de la
partie anterieure du périnée. Puis, il s’épanouit en de nombreux filets, qui
se distribuent à la peau du scrotum et de la face inférieure de la verge. — Le
rameau profond, à la fois sensitif et moteur, vient se placer dans le triangle
ischio-bulbaire. 11 fournit : 1° des filets moteurs aux trois muscles transverse
du périnée, ischio-caverneux et bulbo-caverneux ; 2° des filets sensitifs au
bulbe et à la portion spongieuse de l’urèthre (c’est le nerf bulbo-uréthral).

P) La branche supérieure ou pénienne, encore appelée nerf dorsal de la ver¬


ge, continue le trajet du nerf honteux interne. Longeant le côté interne des
branches ischio-pubicnnes, il arrive au-dessous du pubis, perfore là le liga¬
ment sous-pubien et vient se placer alors à la face dorsale de la verge qu’il par¬
court d’arrière en avant, jusqu’au gland. Exclusivement sensitif et vaso-mo¬
teur, il se distribue : 1° aux corps caverneux ; 2° à la peau qui les recouvre ;
3° au gland, à la fois au tissu spongieux et à la muqueuse qui l'enveloppe.
Chez la femme, le nerf honteux interne, beaucoup moins développé que
chez l’homme, se divise également en deux branches : l’une inférieure ou
périnéale pour les trois muscles transverse, ischio-clitoridien et constricteur
du vagin, pour le canal de l’urèthre, le bulbe du vagin et la peau des grandes
lèvres ; l’autre supérieure ou clîtoridienne pour les corps caverneux du cli¬
toris.

e) Nerfs viscéraux. — Ces nerfs, fort variables en nombre, mais toujours


fort nombreux et fort grêles, naissent principalement du troisième nerf
sacré et de la branche ascendante du quatrième. Ils se portent en avant sur
les parties latérales du rectum et du bas-fond de la vessie et se réunissent
avec de nombreux rameaux issus du sympathique, pour constituer le plexus
hypogastrique, que nous retrouverons plus loin à propos du grand sympa¬
thique.
A. PITRES et, L. TESTUT.
LES NERFS EN SCHEMAS.

Région antérieure
Région postérieure

Fig. 1 - Vue postérieure


Fig. 2 - Vue antérieure
(Plexus sacré)
(Pt. lombaire et PI. sacré)

PLANCHE XXVI

NERFS DU MEMBRE INFERIEUR


DUPRET del.
G. DOIIV éditeur.
PLEXUS SACRÉ 427

2° Branches postérieures. — Les branches collatérales postérieures du


plexus sacré sont également au nombre de cinq, savoir : le nerf fessier supé
rieur, le nerf du pyramidal, le nerf du jumeau [Supérieur, le nerf du jumeau
inférieur et du carré crural, le nerf fessier inférieur ou petit sciatique.
a) Nerf fessier supérieur. — Le nerf fessier supérieur naît du bord supérieur
du plexus. Se portant de là en dehors, il sort du bassin entre le pyramidal et la
partie la plus élevée de la grande échancrure sciatique et arrive ainsi à la ré¬
gion fessière. Il se distribue au moyen fessier, au petit fessier et au tenseur
du fascia lata.
b) Nerf du pyramidal. — Rameau très court, qui se détache de la face
postérieure du plexus sacré en regard du troisième nerf sacré. Il se perd sur
la face antérieure du muscle pyramidal du bassin.
c) Nerf du jumeau supérieur. — Simple ramusculc, qui se détache de la
partie postérieure du plexus tout près de son sommet et se perd, presque
aussitôt, à la face profonde du muscle jumeau supérieur.
d) Nerf du jumeau inférieur et du carré crural. — Il naît à côté du pré¬
cédent. Il sort du bassin par la partie inférieure de la grande échancrure
sciatique et descend verticalement en avant du jumeau inférieur et du
carré crural. II se distribue à ces deux muscles.
e) Nerf petit sciatique. — Le nerf petit sciatique ou fessier inférieur, nerf
mixte, naît de la partie postérieure et inférieure du plexus sacré. Il sort
du bassin par la grande échancrure sciatique, au-dessous du bord inférieur
du pyramidal, et arrive ainsi à la région fessière, avec le nerf grand sciatique
sur la face postérieure duquel il est situé. De là, il s’infléchit en bas et des¬
cend verticalement jusqu’au creux poplité, où il se termine. A la fesse, il est
situé au-dessous du grand fessier. A la cuisse, il chemine immédiatement
au-dessous de l’aponévrose, séparé là du grand sciatique, par les muscles
postérieurs de la cuisse.
Comme nerf moteur, le petit sciatique, innerve le grand fessier, par de
très nombreux rameaux qu’il envoie à la face profonde de ce muscle.
Comme nerf sensitif, le petit sciatique fournit : 1° des rameaux fessiers,
à la peau de la partie inférieure de la fesse ; 2° un rameau périnéal qui, se
portant en dedans et en avant vers le pli fémoro-périnéal, abandonne des
filets au périnée, à la partie interne et supérieure de la cuisse et au scrotum
(à la grande lèvre chez la femme) ; 3° des rameaux fémoraux, les uns inter¬
nes, les autres externes, qui, perforant l’aponévrose pour devenir superfi¬
ciel, se distribuent à la peau de la région postérieure de la cuisse ; 4° des
rameaux jambiers, qui représentent les rameaux terminaux du petit sciati-
428 LES NERFS RACHIDIENS

que et qui se distribuent à la peau de la partie postérieure et supérieure de


la jambe.

B) BRANCHE TERMINALE : LE NERF GRAND SCIATIQUE

Le plexus sacré ne fournit qu’une seule branche terminale, qui est le lier]
grand sciatique. Ce nerf suit, à la face postérieure de la cuisse, un trajet verti¬
cal : il conserve sont individualité et son nom jusqu’au sommet du losang°
poplité. Là, il se partage en deux branches légèrement divergentes, que l’on
désigne, l'interne sous le nom de sciatique poplité Uiterne, l’externe sous
celui de sciatique poplité externe.
Ces deux nerfs, à la fois sensitifs et moteurs comme le tronc dont ils
émanent, descendent jusqu’au pied et vont même jusqu’aux orteils (fig. 120,
p. 437). Toutefois, le sciatique poplité interne, au cours de son trajet change
de nom : au-dessous de l’anneau du soléaire, il devient le nerf tibial pos¬
térieur.
Nous étudierons successivement, dans le présent paragraphe : 1° le nerf
grand sciatique proprement dit ; 2° le nerf sciatique poplité externe ; 3° le
nerf sciatique poplité interne, auquel nous rattacherons le nerf tibial posté¬
rieur qui n’en est que la continuation.

1° — Tronc du grand sciatique

Immédiatement après son origine au niveau du bord inférieur du muscle


pyramidal, le nerf grand sciatique sort du bassin par la partie inférieure de
la grande échancrure sciatique, et pénètre ainsi dans la région fessière. S’inilé-
chissant alors de haut en bas, il descend verticalement dans une gouttière
profonde que lui forment l’ischion en dedans et le grand trochanter en
dehors : il est recouvert là par le grand fessier. Au sortir de cette gouttière
ischio-trochantérienne, il s’engage au-dessous de la longue portion du
biceps et chemine ensuite le long de la face postérieure de la cuisse jusqu’au
sommet du creux poplité, où il se termine en se bifurquant. Envisagé au
point de vue de sa distribution ffig. 120, p. 437), le grand sciatique fournit :
1° des branches collatérales ; 2° des branches terminales.
' ' 1 I

1° Branches collatérales. — Les rameaux que le grand sciatique aban¬


donne au cours de son trajet se distinguent en rameaux musculaires et
rameaux articulaires :
a) Rameaux musculaires. — Les rameaux musculaires, destinés aux nuis-
A. PITRES et L. TESTUT.
LES NERFS EN SCHEMAS.

PLANCHE XXVII

TERRITOIRES SENSITIFS DU MEMBRE INFERIEUR


S. DUPRET del.
G. DOIN éditeur.
PLEXUS SACHE 429

clés de la région postérieure de la cuisse, se détachent de la partie supéiieuie


du tronc nerveux, tantôt isolément, tantôt par des troncs communs. Ce sont .
1° J.e nerf de la longue portion du biceps, qui se porte en dehors et se
perd, par des filets multiples, à la face profonde du chef ischialique du biceps ;
2° Le nerf de la courte portion du biceps, qui se porte également en dehors
et pénètre, à son tiers supérieur, la portion fémorale de ce même muscle ;
3° Le nerf du demi-tendineux, filet très long, qui se perd à la face profonde
du demi-tendineux ;
4° Le nerf du demi-membraneux, qui se distribue, de même, à la face pro¬
fonde du demi-membraneux ;
5° Le nerf du grand adducteur, qui se porte obliquement en bas et en de¬
dans, et se perd dans la moitié inférieure du grand adducteur. Rappelons,
en passant, que ce muscle reçoit ses rameaux principaux du nerf obturateur,
branche plexus lombaire.
b) Rameaux articulaires. —- Au nombre de deux, ils se divisent en supérieur
et inférieur. — Le rameau supérieur, naît de la partie supérieure du tronc
nerveux et va à l’articulation de la branche. — Le rameau inférieur se détache,
soit du sciatique, soit du nerf de la courte portion du biceps. Il vient se per¬
dre sur la face externe de l’articulation du genou.

2° Branches terminales. — En atteignant le creux poplité, quelquefois


plus haut (jusque dans le bassin), rarement plus bas, le grand sciatique se
partage en deux grosses branches terminales : 1° l’une qui continue la direc¬
tion du tronc nerveux, c’est la sciatique poplité interne ; 2° l’autre qui se
porte obliquement en bas et en dehors, c’est la sciatique poplité externe.

2° — Sciatique poplité externe

Branche de bifurcation externe du grand sciatique, le sciatique poplité


externe prend naissance au niveau de l’angle supérieur du creux poplité. De
là, il se porte obliquement en bas et en dehors, en longeant le tendon du
biceps, arrive à la tête du péroné et, là, se termine en se bifurquant. Comme Je
grand sciatique, dont il émane, il donne (fig 120, p. 437) : 1° des branches
collatérales ; 2° des branches ietuninales.

1° Branches collatérales. —Le sciatique poplité externe, au cours de son


trajet, abandonne cinq collatérales, savoir :
1° Un rameau articulaire, qui se perd sur le côté postéro-externe de l’arti¬
culation du genou ;
430 LÉS NERFS RACHIDIENS

2° Le nerf accessoire du saphène externe, rameau exclusivement sensitif,


qui se porte obliquement en dedans et rejoint un rameau analogue issu du
sciatique poplité interne, pour former avec lui le saphène externe.
3° Le nerf cutané péronier, également sensitif, qui se détache du sciatique
poplité externe au niveau du condyle externe du fémur, perfore l’aponé¬
vrose, devient superficiel et se ramifie alors dans la peau qui recouvre la face
externe de la jambe.
4° Des rameaux musculaires, qui se détachent au voisinage de la tête du
péroné et viennent se perdre dans le muscle jamhier antérieur.

2° Branches terminales. — Sur la partie externe du col du péroné, le


sciatique poplité externe se bifurque en deux bi’anches terminales : l’une
externe, formant le nerf musculo-cutané ; l’autre interne, constituant le
nerf tibial antérieur.

1° Nerf musculo-cutané. — Le nerf musculo-cutané, nerf mixte comme


son nom l’indique, se porte verticalement en bas, le long de la face externe
du péroné, cheminant tout d’abord dans l’épaisseur du long péronier latéral,
puis entre ce muscle et le court péronier latéral, finalement entre le court
péronier latéral et l’extenseur commun des orteils. Vers la partie moyenne
de la jambe, il perfore l’aponévrose, devient superficiel et se partage en
deux branches terminales :
a) Branches collatérales. —- Au cours de son trajet, le musculo-cutané four¬
nit des rameaux au long péronier latéral et au court péronier latéral.
b) Branches terminales. — Au nombre de deux, elles se distinguent en
externe et interne. Ces deux branches, exclusivement sensitives, se portent
en bas sur la face dorsale du pied et, à la suite de divisions successives, for¬
ment les sep' premiers collatéraux dorsaux des orteils, quelquefois les neuf
premiers. Ajoutons que, avant de fournir les collatéraux des orteils, les bran¬
ches terminales du nerf musculo-cutané abandonnent un grand nombre de
filets cutanés à la partie antérieure et inférieure de la jambe et à l'a région
dorsale du pied.

2° Nerf tibial antérieur. — Le nerf tibial antérieur, nerf mixte comme


le précédent, mais presque exclusivement moteur, se porte obliquement dans
la région antérieure de la jambe et, là, s’infléchit en bas pour suivre un trajet
vertical, tout d’abord entre l’extenseur commun des orteils et le jamjbier
antérieur, plus bas entre ce dernier muscle et le long extenseur propre du
gros orteils. Il se termine au cou-de-pied. Comme le précédent, il fournit des
branches collatérales et des branches terminales :
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

A) NERFS MOTEURS ET SENSITIFS B) TERRITOIRES SENSITIFS


DU PIED DU PIED

a) Face dorsale a) Face dorsale

Cutané péronier_x _Saphène inl*


N. tibial antr

b) Face plantaire - b) Face plantaire


Add

PLANCHE XXVIII

INNERVATION DU PIED

S. DUPRET (tel. G. DOIN éditeur.


plexus sacré 431

a) Branches collatérales. — Dans son trajet descendant à travers la région


antérieure de la jambe, le tibial antérieur abandonne des rameaux aux mus¬
cles de la région, savoir •: 1° au jambiier antérieur, qui reçoit toujours des
rameaux multiples ; 2° à l’extenseur commun des drteils ; 3° à l’extenseur
propre du gros orteil ; 4° au péronier antérieur.
b) Branches terminales. — Arrivé au cou-de- pied, le tibial antérieur se
divise en deux rameaux, l’un interne, l’autre externe. — Le rameau externe,
nerf mixte, se porte au-dessous du pédieux et innerve ce muscle par des
filets toujours multiples. Puis, il s’épuise en de fins ramuscules, qui vont aux
articulations du tarse et du métatarse. — Le rameau interne, que l’on peut
considérer comme la continuation du tibial antérieur, descend vers le pre¬
mier espace interosseux, s’y anastomose avec le rameau correspondant du
musculo-cutané et se termine, soit dans la peau du premier espace inter¬
osseux, soit en formant les deuxième et troisième collatéraux dorsaux.

3° — Sciatique poplité interne

Branche de bifurcation interne du grand sciatique, le sciatique poplité


interne prend naissance au niveau de l’angle supérieur du creux poplité, où
il semble continuer le tronc nerveux dont il émane. De là, il descend verti¬
calement dans le creux poplité, jusqu’à son angle inférieur. Il s’engage
alors au-dessous des jumeaux, traverse l'anneau du soléaire et, au sortir de
l’anneau, change1 de nom : il devient le tibial postérieur. Sous ce nom nou¬
veau, il descend à la face postérieure de la jambe, en longeant la face posté¬
rieure des fléchisseurs, et arrive à la gouttière interne du calcanéum, où il
se termine en se bifurquant. 11 donne, lui aussi (fig. 120), des branches colla¬
térales et des branches terminales :

1° Branches collatérales. — Au cours de son ti’ajet, le sciatique poplité


interne, auquel nous rattacherons le tibial postérieur, fournit comme bi’an-
ches collatérales : 1° des rameaux musculaires ; 2° des rameaux articulaires ;
3° des rameaux cutanés.

a) Rameaux musculaires. — Ils sont destinés aux muscles de la région


postérieure de la jambe. Nous pouvons les diviser en deux groupes, suivant
qu’ils naissent au-dessus ou au-dessous de l’anneau du soléaire. — Au-dessus
de l’anréem (naissant-du sciatique poplité interne), nous avons : le nerf du
jumeau externe et le nerf du jumeau interne, le nerf du plantaire grêle, le
nerf supérieur du soléaire, le nerf du poplité, dont les noms seuls indiquent
432 LËS NEUFS KAcillDlENS

le mode de distribution. — Au-dessous de l'anneau (naissant du tibial posté¬


rieur), nous avons : le nerf inférieur du solédire, le nerf du jambier posté¬
rieur, le nerf du fléchisseur commun des orteils, le nerf du fléchisseur pro¬
pre du gros orteil.
b) Rameaux articulaires. — Très grêles et très variables en nombre, ces,
rameaux se portent, les uns à la partie postérieure de l’articulation du genou,
les autres à la partie externe de l’articulation du cou-de-pied,
c) Rameaux cutanés. — Ils sont au nombre de trois : le saphène externe,
le nerf calcanéen interne, le nerf cutané plantaire.
a) Te saphène externe se détache du sciatique poplité interne à la partie
moyenne du creux poplité. De là, il se porte verticalement en bas, gagne le
sillon longitudinal que forment les deux jumeaux en s’adossant l’un à l’autre,
parcourt ce sillon dans toute son étendue, vient se placer ensuite le long du
bord externe du tendon d’Achille et, contournant le bord postérieur de la
malléole externe, arrive sur le bord externe du pied, où il se termine. Chemin
faisant le saphène externe abandonne plusieurs rameaux jambiers, calca-
néens, malléolaires externes, lesquels se distribuent, comme l’indique leur
nom, aux téguments qui recouvrent la partie externe de la jambe, la
malléole péronière et la partie externe du talon : Sur le bord externe du
pied, le saphène externe se termine en donnant, suivant les cas, le dernier ou
les trois derniers collatéraux dorsaux des orteils.
p) Le nerf calcanéen interne se sépare du tibial postérieur un peu au-dessus
de l’articulation du cou-de-pied et vient se distribuer à la peau de la face
interne du talon.
y) Le nerf cutané plantaire, homologue (au pied) du nerf cutané palmaire du
médian (à la maiiP, naît au même niveau que le précédent, souvent par un
tronc commun. Il descend à la plante du pied et se ramifie dans la peau de
la partie postérieure de celte région.

2° Branches terminales.. — Parvenu dans la gouttière calcanéenne, le


sciatique poplité interne se partage en deux branches terminales, le plan¬
taire interne et le plantaire externe :

1° Nerf plantaire interne — Le plantaire interne est, au pied, l’homo¬


logue du médian à la main. 11 se porte en avant entre les muscles de la
région plantaire interne et ceux de la région plantaire moyenne, occupant
successivement le tarse et le métatarse. Il fournit des branches collatérales
et des branches terminales.
a) Branches collatérales. — Au niveau du tarse, il abandonne : 1° des
rameaux cutanés, qui se distribuent à la peau de la face inférieure du talon
l’LËYUS SACRÉ 48Ô

et de la région plantaire interne ; 2° des rameaux musculaires, pour l’adduc¬


teur du gros orteil, le court fléchisseur plantaire et l'accessoire (portion
interne seulement) du long fléchisseur commun des orteils.
b) Branches terminales. — Au niveau du métatarse, le plantaire interne
se résout en quatre branches divergentes (première, deuxième, etc., en allant
de dedans en dehors), lesquelles fournissent, comme le médian à la main,
les septs premiers collatéraux plantaires* A noter que de la deuxième et de la
troisième branche partent deux rameaux pour les deux premiers lombricaux
(nerfs des lombricaux).
2° Nerf plantaire externe — Le plantaire interne est, au pied, l’homo¬
logue du cubital à la main. Il se porte obliquement en avant et en dehors,
cheminant profondément entre le court fléchisseur plantaire et l’accessoire
du long fléchisseur. Il arrive ainsi à l’extrémité postérieure du quatrième
espace interosseux, où il se termine. Comme pour le nerf précédent, nous dis¬
tinguerons ses branches en collatérales et terminales :
a) Branches collatérales. — Trois petits rameaux moteurs : l’un pour
l'accessoire du long fléchisseur (partie externe seulement) ; les deux autres
pour l’abducteur du petit orteil et pour le court fléchisseur du petit orteil.
b) Branches terminales. — A l’extrémité postérieure du quatrième espace
interosseux, le plantaire externe (comme le cubital à la main) se partage en
deux branches terminales, l’une superficielle, l’autre profonde.
a) La branche superficielle, après avoir jeté quelques rameaux sur la peau
de la région plantaire externe, fournit les trois derniers collatéraux plantaires.
jj) La branche profonde, changeant brusquement de direction, se porte
obliquement en avant et en dedans, en décrivant sur les interosseux une lon¬
gue courbe à concavité dirigée en arrière et en dedans. Elle se termine à la
partie moyenne du premier espace interosseux. Au cours de son trajet, elle
fournit : 1° des rameaux articulaires, très grêles, pour les articulations tar¬
siennes et métatarsiennes ; 2° des rameaux musculaires, pour les deux der¬
niers lombricaux, pour l’abducteur oblique et l’abducteur transverse, pour
tous les interosseux, soit plantaires, soit dorsaux.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

Pour se faire une idée juste de la part d’influence qui revient au plexus
sacré, dans la physiologie et la pathologie neuro-musculaires des membres
inférieures, il faut avoir présente à l’esprit celle qui appartient au plexus
lombaire (p. 412).
LES NERFS EN SCHÉMAS
28
434 LES NERFS RACHIDIENS

Rappelons donc, que par ses branches collatérales ou terminales, celui-ci


fournit la sensibilité aux téguments d’une bonne partie de la région fessière
inférieure, des faces antérieure, externe et interne de la cuisse, de la face
antéro-interne de la jambe, du bord interne et de la face dorsale du pied ;
que, d’autre part, il innerve les muscles extenseurs et adducteurs de la cuisse
sur le bassin et les muscles extenseurs de la jambe sur la cuisse.
Il ne reste donc plus au plexus sacré qu’à assurer la sensibilité d’une partie
de la région fessière, de la face postérieure de la cuisse, de la face externe de
la jambe, de la plante du pied, et à fournir la motilité volontaire aux mus¬
cles fessiers, aux muscles fléchisseurs de la cuisse sur le bassin et le la jambe
sur la cuisse, aux muscles extenseurs et fléchisseurs du pied sur la jambe et
aux muscles propres du pied affectés aux mouvements des orteils.
C’est beaucoup assurément, mais ce n’est pas autant que le supposent la
plupart des cliniciens, qui ont presque tous une tendance très marquée à
attribuer aux branches du plexus sacré, particulièrement au grand nerf scia
tique, une influence à peu près exclusive sur la sensibilité et la motricité des
membres inférieurs, alors qu’en réalité, par l’étendue de son domaine sen
sitif, et par l’importance fonctionnelle des muscles qu’il innerve, le nerf
crural l’emporte notablement sur le sciatique.
Ceci dit, passons à la description : 1° des paralysies des branches collaté¬
rales du plexus sacré ; 2° des paralysies de sa branche terminale (le nerf scia¬
tique). Nous terminerons cette étude physiopathologique du plexus sacré par
la description de la névralgie sciatique.

A) PARALYSIES DES BRANCHES COLLATÉRALES DU PLEXUS SACRÉ

Des dix branches collatérales que fournit ce plexus, les seules qui aient
quelque intérêt en physiopathologie sont le nerf fessier supérieur, le nerf
petit sciatique et le nerf honteux interne.

1° Paralysies du nerf fessier supérieur. — Le nerf fessier supérieur se


distribue aux muscles moyen fessier, petit fessier, et tenseur du fascia-lata. Il
est très rarement lésé isolément. Aussi déduit-on théoriquement les effets, de
sa paralysie de la fonction connue des muscles qu’il innerve. Le moyen et le
petit fessier sont abducteurs de la cuisse et, accessoirement, rotateurs en
dehors ou en dedans, selon que ce sont leurs fibres antérieures ou postérieu¬
res qui se contractent. Ils sont aussi stabilisateurs de la cuisse sur le bassin.
C’est surtout à eux qu’est dû le mouvement de circumduction de la cuisse.
plexus sacré 435

Leur paralysies compromet légèrement, au dire des auteurs, l’exécution


régulière de ce mouvement, et s’accompagne dans la station verticale et dans
la marche d’une attitude hanchée assez particulière.
Le tenseur du fascia-lata tend la portion externe de l’aponéosode féxno-
rale, et par elle, il est extenseur de la jambe sur la cuisse ; de plus, il agit sur
la cuisse en la portant un peu en arrière et en dehors. Mais plusieurs autres
muscles ont des actions analogues et leur contraction doit vraisemblable¬
ment suppléer son inactivité paralytique.
Nous pensons — mais nous émettons cette hypothèse sous toutes réserves,
parce que nous n’avons jamais eu l'occasion d’examiner des malades dont le
nerf fessier supérieur avait été coupé -— qu’en dehors des réactions électri¬
ques, le principal signe clinique de la paralysie du tenseur du fascia-lata,
doit être l’abolition de la contraction réflexe de ce muscle à la suite du grat¬
tage de la plante du pied.

2° Paralysie du nerf petit sciatique. — Le petit sciatique, ou fessier


inférieur, innerve le muscle grand fessier et donne la sensibilité à la peau
des régions fessière inférieure et perinéale, ainsi qu’à celle de la face posté¬
rieure de la cuisse et de la jambe. Sa pathologie est assez compliquée. A la
suite de ses lésions au niveau de l’échancrure sciatique, on constate une
paralysie atrophique du muscle grand fessier et une bande d’anesthésie
occupant la partie inférieure de la fesse, et les faces postérieures de la cuisse
et de la jambe. Mais la paralysie isolée du grand fessier est en grande partie
suppléée par les petits et moyens fessiers innervés par le nerf fessier supé¬
rieur, et l’anesthésie est le plus souvent, représentée par une simple diminu¬
tion de la sensibilité au tact, à la piqûre, et à la température, dans une zone
à contours mal délimités, parce qu’à leurs extrémités périphériques les
fibres du petit sciatique s’anastomosent avec celle du fémoro-cutané, et du
saphène interne qui proviennent du plexus lombaire.

3° Paralysie du nerf honteux interne. — Le nerf honteux interne a pour


fonction principale de donner la sensibilité au pénis et au gland. C’est par
lui que passent les excitations centripètes qui, parties de ces organes, et
transmises au centre médullaire de l’érection, y sont réfléchies sur les nerfs
érecteurs. Ceux-ci sont formés par des fibres du grand sympathique qui sor¬
tent de la moelle par les trois dernières paires sacrées et se rendent au pénis,
après avoir traversé le plexus hypogastrique. La faradisation de leur bout
périphérique provoque la vaso-dilatation des corps caverneux et du gland,
dont dépend la turgescence active de ces organes ; leur section expérimen-
43Ô LES Nkkfs kàciudieNs

taie chez les animaux est suivie de la perte des érections. Les lésions trauma¬
tiques du honteux interne chez l’homme sont rares. Nous avons eu l’occa¬
sion d’examiner pendant la guerre un jeune soldat, dont le nerf honteux
interne avait été coupé par une balle dans la région périnéale ; sa verge et
son gland étaient absolument insensibles ; il n’avait plus du tout d’érections.

B) PARALYSIES DU NERF GRAND SCIATIQUE ET DE SES BRANCHES

Il convient d’étudier séparément les paralysies du tronc même du sciatique


(paralysies tronculaires), et celles de ses deux branches terminales : le sciati¬
que poplité interne et le sciatique poplité externe.

1° Paralysies tronculaires du sciatique. — Le nerf sciatique s’étend de


l’échancrure sciatique où les cinq troncs radiculaires du plexus sacré se
réunissent en un cordon commun, jusqu’à l'extrémité supérieure du losange
poplité où ce cordon se divise en sciatique poplité interne et sciatique poplité
externe.
Dans le tiers supérieurs et le tiers inférieur de son trajet, il ne donne nais¬
sance à aucun rameau ; de son tiers moyen se détachent ceux qui vont inner¬
ver les muscles fléchisseurs de la jambe sur la cuisse : demi-tendineux, demi-
membrameux, biceps crural. Il résulte de cette disposition que ces muscles
seront paralysés, si le sciatique est sectionné haut, au voisinage de l’échan¬
crure, tandis qu’ils conserveront leur contractilité volontaire, s’il est section¬
né bas, au-dessous de la partie moyenne de la cuisse (voy. lig. 120).

a) Paralysie tronculaire haute. — La paralysie tronculaire haute du


sciatique est caractérisée par les signes suivants :
a) Troubles de la motilité. — Tous les mouvements volontaires dépendant
des muscles exclusivement innervés par le sciatique, c’est-à-dire les mouve¬
ments des orteils et du pied, et les mouvements de flexion de la jambe sur
la cuisse sont abolis. Mais les mouvements d’extension de la jambe sur la
cuisse qui sont commandés par le crural, et ceux de stabilisation de la cuisse
sur le bassin, qui sont commandés par les branches collatérales du plexus
lombaire ou du plexus sacré, sont conservés. Dès lors la conservation de
l’équilibre du corps dans la station debout et dans la marche reste assurée,
et la projection de la jambe en avant dans la marche, qui dépend des mus¬
cles de la région antérieure de la cuisse, innervés par le crural, n’est pas
compromise. En fait, les paralysies du sciatique total sont beaucoup moins
PLEXUS SACRÉ 437

graves que celles du crural. Les malades qui en sonl atteints peuvent fort
bien se tenir solidement dans la posi¬
tion verticale ; ils peuvent marquer le
pas sur place, marcher sans béquille et
Bassin
même sans canne. Ils ne peuvent pas
porter le talon vers les fesses ; leur pied
ballant s’applique avec moins d’assu¬
rance sur le sol que le pied sain ; ils
trébuchent quelquefois ; mais enfin, ils
se tiennent debout, et ils progressent
sans trop de difficultés.
Cuisse
b) Troubles de la réflectivité. — Les
réflexes tendineux, rotuliens et achil-
léens, ainsi que le réflexe cutané plan¬
taire, sont abolis.
c) Troubles de la sensibilité. — Anes¬
thésie à peu près totale du pied, remon¬
tant en s’atténuant sur la face externe
de la jambe. Conservation intégrale de
la sensibilité sur toute la cuisse, sur la
Jarnbe
face interne de la jambe, et sur le bord
interne du pied.
A ces troubles de la sensibilité objec¬
tive, s’ajoutent très souvent des dou¬
leurs à type lancinant, qui se font sen
tir surtout à l’extrémité distale du
Pied
membre, particulièrement à la face
plantaire du pied et des orteils ; quel¬
quefois aussi des douleurs causalgiques
brûlantes très intenses dans les mêmes
régions. Fig. 120.
Il est. à remarquer que les malades SUhoiMte de la^disUibution mo trice

A, tronc de sciatique, portion pelvienne. — A’ sa portion crurale. — B, sciatique poplité


interne. — O, sciatique poplité externe. — D. nerf musculo-cutané. — E, nerf tibial antérieur. —
F, nerf tibial postérieur. — G, nerf plantaire interne. — H, nerf plantaire externe.
1, rameaux destinés aux muscles de la région postérieure de la cuisse : biceps crural (lon¬
gue portion et courte portion) ; demi-tendineux, demi-membraneux et grand adducteur. — 2,
rameaux des muscles du mollet : rameaux soleaire, plantaire grêle et poplité. — 3, rameaux pour
le jambier postérieur, le long fléchisseur commun des orteils et le fléchisseur du gros orteil. —
4, rameaux pour l’adducteur et le court fléchisseur du gros orteil, le court fléchisseur plantaire,
l’accessoire du long fléchisseur. — 5, rameaux pour les deux lombricaux internes. — 6, rameaux
pour les péroniers latéraux. — 7, rameaux pour le jambier antérieur, l’extenseur commun des
orteils, l’extenseur propre du gros orteil et le péronier antérieur. — 8, nerf du pédieux. — 9, ra¬
meaux peur l’abducteur et le court fléchisseur du petit orteil, l’accessoire du long fléchisseur,
l’abducteur oblique et transverse du gros orteil. — 10, rameaux pour les deux lombricaux exter¬
nes. — 11, rameaux pour tous les interosseux plantaires et dorsaux.
438 LES NERFS RACHIDIENS

dont le nerf sciatique a été offensé par de gros traumatismes, ne se plaignent


jamais de douleurs suivant la face postérieure de la cuisse et du mollet, sem¬
blables à celles qui caractérisent la névralgie sciatique spontanée.
A noter aussi, que c’est presque exclusivement dans les cas de section
incomplète du nerf que se produisent les douleurs causalgiques violentes,
douleurs qui se font surtout et presqu’exelusivement sentir au pied.
N. Sciatique d) Troubles vaso-moteurs et sécrétoires. —
Ils sont généralement peu accentués. Au dé¬
but le pied est souvent hypérémié, avec un
certain degré de succulence et d’élévation de
température de la peau. Mais ces phénomènes
ne persistent pas très longtemps. Ils sont assez
vite remplacés par de l’hypothermie avec cya¬
nose plus ou moins accentuée.
La sécrétion sudorale, abolie dans les cas de
section complète est, au contraire, souvent
très exagérée quand le nerf a été simplement
éraflé ou partiellement sectionné.
e) Troubles trophiques. — Le seul qui soit
constant est l’atrophie avec R D partielle ou
totale des muscles innervés par le sciatique.
Les plus fréquents des autres sont : le ralen¬
tissement de la croissance des ongles, les dys¬
trophies, et parfois la chute spoidanée de quel¬
ques ongles, la desquamation ichtyosiforme
de la peau. Il n’est pas rare d’observer aussi
des ulcérations torpides de la région talonniè-
Fig. 121. re ou des bourrelets métatarsiens. Elles succè¬
Nerf grand sciatique : paralysie
tronculaire haute et paraly¬ dent à des ampoules provoquées par l’usage
sie tronculaire basse. de chaussures défectueuses. Leur guérison est
habituellement très lente.

b) Paralysies tronculaires basses. — Les paralysies tronculaires basses


du sciatique diffèrent des hautes par la conservation de la motilité volon¬
taire des muscles fléchisseurs de la jambe sur la cuisse. Pour le reste, tout
au moins dans les cas où le nerf a été totalement sectionné, la symptomato¬
logie est identique. Mais si la section a été incomplète, on constate souvent
des paralysies dissociées portant d’une façon exclusive ou très prédominan¬
te, sur les domaines du sciatique poplité interne ou du sciatique poplité
externe.
PLEXUS SACRÉ 439

Cette particularité s’explique par le fait que les libres nerveuses


destinées à entrer dans la composition de ces deux nerfs, sont déjà réunies
en faisceaux distincts dans le tronc commun du sciatique, bien avant que
celui-ci se divise en fourche au niveau du creux poplité. Dès lors une section
incomplète de ce tronc peut fort
N Sciatique
bien couper isolément l’un ou l’au¬
tre de ces faisceaux ou bien les at¬
teindre tous les deux, mais dans des
proportions différentes. Dans la
première hypothèse, la paralysie
équivaudra cliniquement à la sec¬
tion de l’un des sciatiques poplités ;
dans la seconde, elle portera inéga¬
lement sur les deux et revêtira des
formes cliniques atypiques.

2° Paralysie du sciatique poplité


interne. — Le sciatique poplité inter¬
ne, le tibial postérieur qui le prolon¬
ge à partir de l’anneau du soléaire,
et les nerfs plantaires interne et ex¬
terne, qui font suite au tibial posté¬
rieur, à partir de la gouttière calca-
néenne ne sont, en réalité, qu’un
seul et même nerf qui, par une
fâcheuse défectuosité de la nomen¬
clature anatomique, change deux
fois de nom dans son trajet.
Ce nerf innerve : par ses rameaux
moteurs : le groupe des muscles
Fig. 122.
fléchisseurs et adducteurs du pied Nerf sciatique poplité interne : paralysie
ftriceps sural et jambier antérieur), haute et paralysie basse.

les longs fléchisseurs des orteils et


la plupart des petits muscles intrinsèques du pied ; par ses fibres sensitives,
il donne la sensibilité aux téguments de la région calcanéenne et à la pres¬
que totalité de la région plantaire.
Il peut être lésé dans un point quelconque de son trajet ; mais, comme il
est très protégé dans la moitié supérieure de la jambe par la grosse masse
musculaire du mollet au milieu de laquelle il chemine, et au pied par la
440 LES NERFS RACHIDIENS

voûte tarso-métatarsienne qui le recouvre, il est surtout vulnérable : en


haut, au niveau du creux poplité ; en bas, dans la moitié inférieure de la
jambe où il n’est recouvert que par la peau, et le tissu cellulaire sous-cutané.
Il convient de décrire une paralysie haute ou tronculaire du sciatique
poplité interne proprement dit, et une paralysie basse ou du tibial postérieur.

a) Paraylsie haute ou tronculaire. — Les lésions qui la provoquent


siègent au-dessus de l’émergence des rameaux nerveux destinés aux muscles
de la région postérieure de la jambe : triceps sural, jambier postérieur, long
fléchisseur commun des orteils et long fléchisseur propre du gros orteil,
dont les uns sont extenseurs-adducteurs du pied sur la jambe, les autres flé¬
chisseurs des orteils.
Leur déficit fonctionnel se manifeste par l'impossibilité à peu près absolue
d’étendre le pied sur la jambe. Le malade assis sur une chaise, le pied repo¬
sant à plat sur le sol, ne peut relever le talon en prenant appui sur les bour¬
relets métatarsiens. A plus forte raison est-il incapable de se tenir, de mar¬
cher ou de sauter sur la pointe du pied.
Il ne peut pas porter le pied en adduction ni en rotation en dedans.
Il ne peut pas fléchir énergiquement les orteils (paralysie des longs fléchis¬
seurs), ni les écarter en éventail les uns des autres (paralysie des interos¬
seux).
L’excitabilité électrique des muscles paralysés est modifiée dans le sens
de la R D. Leur excitabilité à la percussion est exagérée dans les pre¬
miers mois qui suivent la paralysie ; plus tard, elle diminue progressivement,
mais elle m’est tout à fait abolie que lorsque les fibres musculaires, complè¬
tement atrophiées, ont perdu toutes leurs fibres striées.
Le réflexe achilléen est aboli, le rotulien conservé.
Les troubles sensitifs sont les mêmes que dans la paralysie du tibial posté¬
rieur. Les troubles vaso-moteurs, sécrétoires et trophiques également.

b) Paralysie basse ou du tibial postérieur. — La paralysie du tibial pos¬


térieur dans la moitié inférieure de son trajet ne détermine des troubles de
la motilité que dans les muscles intrinsèques du pied qui, sauf le pédieux,
sont innervés par les nerfs plantaires interne et externe lesquels, ainsi que
nous l’avons dit plus haut, sont formés de fibres provenant du tibial posté¬
rieur. Ces muscles sont assez nombreux, ce sont : l’adducteur, le court flé¬
chisseur et l’adducteur du gros orteil ; l’abducteur, le court fléchisseur, et
l’abducteur du petit orteil ; le court fléchisseur plantaire, l’accessoire du
long fléchisseur, les lombricaux, et les interosseux. La perte de leur tonus
détermine une légère hyperextension des orteils ; la perte de leur contrac-
PLEXUS SACRÉ 441

lilité volontaire, compensée en grande partie par la conservation de l’action


des longs fléchisseurs et longs extenseurs ne se traduit que par des anoma¬
lies difficiles à analyser des mouvements des phalanges ; les seuls, dont il
soit assez facile de constater l’absence sont ceux de flexion de la première
phalange avec extension des dernières, et ceux de latéralité des orteils, qui
sont fonction des interosseux.
Les mouvements du pied sont conservés. Le réflexe achillée est normal.
A ces troubles légers de la motilité s’ajoute une anesthésie très marquée
de la totalité de la face plantaire (sauf une petite partie de son bord interne)
et de la partie externe de la face dorsale du pied. A la face plantaire, cette
anesthésie s’étend jusqu’aux extrémités unguéales des cinq orteils ; à la face
dorsale elle occupe également la totalité des IVe et Ve orteils, mais pour les
trois autres elles est limitée à leur dernière phalange.
Si le tibial postérieur a été simplement éraflé, l’anesthésie plantaire se
complique souvent de douleurs brûlantes du type causalgique.
Les troubles vaso-moteurs et sécrétoires sont les mêmes que ceux décrits
précédemment à propos des paralysies tronculaires du sciatique.

3° Paralysies du sciatique poplité externe et de ses branches termi¬


nales. — Le tronc du sciatique poplité externe est très court. Il s’étend de
l’extrémité supérieure du creux poplité où a lieu la bifurcation du sciatique
jusqu’à la partie inférieure de la tète du péroné, qu’il contourne en spirale
et immédiatement au-delà de laquelle il se divise en ses deux branches ter¬
minales : le tibial antérieur el le musculo-cutcuné.
Très superficiel au niveau de la tète du péroné, il y est exposé à de nom¬
breuses causes de violences extérieures ; aussi ses lésions, et par suite ses
paralysies sont-elles très fréquentes. Ses branches terminales, bien proté¬
gées par les muscles de la région antéro-externe de la jambe, au milieu des¬
quels elles cheminent, sont beaucoup moins souvent offensées. Nous
dirons cependant quelques mots de leurs paralysies après avoir décrit celle
du sciatique poplité externe qui est de beaucoup la plus commune.
Les fibres motrices, qui passent par le sciatique poplité externe, innervent
les six muscles de la région antérieure de la jambe, à savoir : le jambier
antérieur, le long el le court péronier latéral, le long extenseur commun des
orteils, le péronier antérieur, le long extenseur propre du gros orteil, et un
seul des muscles intrinsèques du pied : le pédieux.
Ces muscles ont pour fonclioin : 1° de maintenir la concavité de la voûte
plantaire : 2° d étendre la première phalange des orteils ; 3° d’imprimer au
pied les mouvements de flexion dorsale, d’abduction avec rotation en dehors
442 LES NERFS RACHIDIENS

et d’adduction avec rotation en dedans ; le quatrième des mouvements qu'il


peut accomplir dans la mortaise tibio-péronière, l’extension, étant produite
par la contraction des muscles de la région postérieure de la jambe, qui sont
innervés, comme nous l’avons vu plus haut (p. 439), par des rameaux prove¬
nant du sciatique poplité interne, et du tibial postérieur.
Ses fibres sensitives forment le nerf saphène externe qui, après avoir reçu
le rameau dit accessoire du saphène externe que lui envoie le sciatique
poplité interne, va se distribuer à la peau de la partie antéro-externe de la
jambe et de la partie interne de la face dorsale du pied jusqu’à la base des
premier, deuxième et troisième orteils.
La paralysie du sciatique poplité externe peut porter sur le nerf tout entier
(paralysies totales) ou sur ses branches terminales (paralysie des branches
terminales.)

a) Paralysies totales. — Les paralysies totales du sciatique poplité ex¬


terne présentent les symptômes suivants :
a) Attitude du pied. — Quand le malade est assis sur le bord d’un lit ou
d’une table, les pieds ne touchant pas le sol, on constate au premier coup
d’œil que celui du côté paralysé est tombant. Il forme avec la jambe uin
angle obtus beaucoup plus ouvert que celui du côté sain. De plus les pre¬
mières phalanges de ses orteils sont en flexion plus ou moins accentuées,
mais toujours très nette (déséquilibre du tonus).
En outre, ce pied tombant est en même temps ballant, c’est-à-dire qu’à la
moindre secousse qu’on imprime à la jambe, il flotte d’un côté à l’autre
(iinertie de ses muscles abducteurs et adducteurs.)
Enfin, ce pied tombant et ballant est mou, en ce sens qu’il est plus aisé
qu’à l’état normal d’aplatir sa voûte métatarsienne et de faire jouer les uns
sur les autres ses métatarsiens (atonie du long péronier latéral).
b) Troubles de la motilité volontaire. —- Le malade ne peut volontaire¬
ment ni relever la pointe du pied, ni étendre la première phalange de ses
orteils, ni porter le pied en adduction ou en abduction.
Tous les mouvements de la jambe sur la cuisse, sont conservés (intégrité
du crural et du sciatique.) Les mouvements d écartement des orteils, et
d’extension de leurs deux dernières phalanges sont possibles (intégrité des
interosseux.) Les mouvements d’extension du pied isur la jambe ne sont pas
abolis, mais pour en constater l’existence, il faut relever la pointe du pied
du malade avec la main, et prier ce dernier de la repousser.
Une épreuve très commode pour mettre en évidence la paralysie isolée du
sciatique poplité interne ou du sciatique poplité externe, consiste à demander
PLEXUS SACRÉ 443

au malade assis sur une chaise, les pieds reposant à plat sur le sol, de
faire exécuter à celui du côté impotent un mouvement de bascule, en prenant
successivement appui sur le talon et sur les bourrelets métatarsiens. Si le sujet
est paralysée du sciatique poplité interne, il peut bien relever la pointe du
pied mais il ne peut pas détacher le talon du sol ; si c’est son sciatique poplité
externe qui est paralysé, c’est l’inverse, il ne peut pas relever la pointe, mais
il peut relever le talon.
Dans la station verticale, les malades posent correctement le pied sur le
sol, et y prennent un point d’appui solide qui leur permet de se tenir en
équilibre sur une seule jambe. Dans la marche, la chute de leur pied tom¬
bant et ballant les gène ; sa pointe tend sans cesse à frotter le sol, et à s’ac¬
crocher à toutes ses aspérités. Aussi pour parer à ces inconvénients les mala¬
des relèvent-ils instinctivement la jambe du côté paralysé, beaucoup plus
haut que celle du côté sain : ils marchent en stoppant. Ce signe du steppage
est un des plus constants et des plus caractéristiques de la paralysie du sciati¬
que poplité externe.
c) Troubles sensitifs. — Ils sont très légers. Ils consistent en une hypoes-
thésie peu marquée de la peau de la partie moyenne de la face dorsale du
pied, se prolongeant en s'atténuant vers la face externe de la jambe, jusqu’à
quelques traverses du doigt au-dessous du genou. Il n’y a jamais de douleurs
causalgiques.
d) Troubles de la réflectivité. — Les réflexes rotuliens et acbilléens sont
conservés. Le cutané plantaire est aboli.
e) Troubles vaso-moteurs, sécrétoires et trophiques. — Les troubles vaso¬
moteurs et secrétoires sont très peu accentués ; le plus souvent ils font tout
à fait défaut. L’atrophie des muscles est constante et très marquée. Elle
s’accuse par une dépression très apparente de la saillie que forment à l’état
normal, au-dessous du genou, entre la crête du tibia et le péroné, la masse
charnue des muscles péroniers latéraux et du jambier antérieur. Elle s’ac¬
compagne de R D.
L'excitabilité à la percussion de ces mêmes muscles est longtemps exa¬
gérée.
f) En résumé, les signes critères de la paralysie du sciatique poplité externe
sont : la chute du pied, le steppage, et l’impossibilité de relever la pointe du
pied en prenant appui sur le talon.

b) Paralysies isolées ides branches terminales. — Les paralysies isolées


des branches terminales du sciatique poplité externe sont rares. Si les deux
sont atteints au quart supérieur de la jambe, les phénomènes morbides
444 LES NERFS RACHIDIENS

résultant de leur lésion simultanée en amont du point d'émergence des


rameaux destinés aux péroniers latéraux, au jambier antérieur et aux longs
extenseurs des orteils se confondent avec ceux que déterminent les offenses
du tronc du sciatique poplité externe. Si elles siègent en aval de ce point,
elles sont à peu près impossibles à diagnostiquer parce que, dans ce cas, les
seuls muscles dont les nerfs sont paralysés (c’est-à-dire le péronier antérieur
et le pédieux), étant de simples auxiliaires des longs extenseurs des orteils,
/a persistance de la fonction des muscles principaux masque la carence de
l’action de leurs auxiliaires.

C) NÉVRALGIE SCIATIQUE

La névralgie sciatique ou plus simplement la sciatique ou la sciatalgie, est


la plus fréquente et la mieux étudiée des névralgies.

1° Causes et variétés cliniqnes. — Les nombreuses recherches dont la


sciatique a été lobjet dans ces dernières années ont éclairé sa pathogénie et
profondément modifié les idées doctrinales qui avaient cours dans la science
à ta fin du siècle dernier. On la considérait naguère comme une affection
presque toujours essentielle de la portion périphérique du nerf sciatique ;
on sait pertinemment aujourd’hui qu’elle est le plus souvent symptomatique
de lésions matérielles grossières intéressant soit les racines du plexus sacré
dans leur trajet intra-méningé, soit les funicules qui font suite à ces racines
dans leur traversée des trous et des canaux de conjugaison, soit les cordons
nerveux dont l'entrelacement dans le bassin forme le plexus lombo-sacré,
soit, enfin, le tronc du nerf sciatique lui-même après sa sortie de la cavité
pelvienne.
Ces lésions varient autant par leur nature que par leur siège. Les plus
communes sont — outre les offenses traumatiques portant sur le squelette de
la colonne vertébrale, du bassin, de l’articulation coxo-fémorale et de la
cuisse — : 10 dans le canal rachidien, des plaques de méningite syphilitique,
bacillaire, méningococcique ou gonococcique, des altérations tuberculeuses
ou cancéreuses des corps vertébraux suivies d îlots de pachyméningite s’éten¬
dant dans le sac dure-mérien ; 2° dans les trous et les canaux de conjugaison,
des néoformaties scléreuses, des ostéopathies en forme de « bec de perroquet »
(Nkri) ou des névrodocites inflammatoires encerclant et irritant les funicules
(Stcarï)) ; 3° dans le bassin, des tumeurs provenant de l’utérus ou de ses
annexes, de la vessie ou des intestins, ou bien encore des arthrites sacro-
l'ÜAliS SACRÉ 415

iliaques (Barré el Le Mansois) ; 4" euiin, au niveau et au-delà de Véchan¬


crure sciatique de simples périnévrites du nerf sciatique d’origine rhumatis¬
male ou goutteuse des névrites interstitielles variqueuses (Quénu) ou des
polynévrites toxi-infectieuses ou dyperasiques.
Toutes ces lésions sont susceptibles de donner lieu à des sciatalgies dites
radiculaires, funiculaires, plexuaires ou tronculaires, dont on peut d’ores et
déjà faire le diagnostic et qu’on est souvent en mesure de traiter par des
moyens moins empiriques et plus efficaces que ceux dont on disposait au¬
trefois.
Sans entrer ici dans les développements qu’exigerait l’histoire détaillée des
diverses variétés cliniques des névralgies sciatiques, nous allons exposer
brièvement les symptômes qui sont communs à toutes les sciatalgies en
indiquant au passage ceux qui appartiennent en propre aux variétés sus-
tronculaires (radiculaire, funiculaire et plexuaire) et ceux qui caractérisent
la variété tronculaire.

2° Symptomatologie des sciatalgies. — Les troubles fonctionnels de


la névralgie sciatique portent : 1° sur la sensibilité ; 2° sur la motricité ;
3? sur la réflectivité ; 4° sur Y innervation vaso-motrice et sécrétoire.

a) Troubles de la sensibilité. — Les troubles de la sensibilité sont d’ordre


subjectif ou objectif :
a) Troubles subjectifs. — Les troubles subjectifs sont uniquement repré¬
sentés par le phénomène essentiel de toutes les névralgies : la douleur.
Cette douleur a pour siège principal la partie postérieure du membre infé¬
rieur depuis la région lombaire jusqu’au talon. Dans la sciatique tronculaire,
presque toujours unilatérale, elle est rigoureusement limitée au domaine de
distribution sensitive du nerf sciatique ; dans les variétés sus-tronculaires elle
en dépasse les frontières et s’étend à des régions innervées par des bran¬
ches collatérales du plexus lombo-sacré, au périnée, au scrotum, à la paroi
inférieure de l’abdomen du côté correspondant ou même des deux côtés à
la fois.
Elle est rémittente. Dans les périodes de calme elle est sourde, profonde,
eoLitusive. Durant les accès paroxystiques elle est lancinante, en fusées qui
sillonnent le membre de haut en bas ou de bas en haut. Leur violence est
souvent assez grande pour arracher des gémissements plaintifs aux malades
les plus stoïques. Les accès éclatent à des intervalles très variables d’un cas
à l’autre, soit le jour, soit la nuit, parfois sans provocation apparente, d’autres
fois à la suite de mouvements volontaires ou non, de quintes de toux ou
d’éternuement, d’efforts pour aller à la garde-robe.
446 LES NERFS RACHIDIENS

Après un laps de temps qui ne dépasse généralement pas quelques minutes,


la crise s’apaise ; mais le membre reste sourdement endolori et très sensible
à certaines excitations susceptibles d’y provoquer des douleurs aiguës. Celles
de ces excitations qui sont utilisées en clinique en vue du diagnostic des
sciatiques sont les points douloureux de Valleix et les déplacements passifs
des membres inférieurs dont les types les plus caractéristiques sont les signes
de Lasègue et de Bonnet et leurs dérivés qu’on englobe sous le nom de signes
de l’élongation.
a) Les points de Valleix sont des points limités sur lesquels la pression
digitale détermine une exagération immédiate de la souffrance des malades.
Valleix en a déterminé quinze. Ils n'ont pas tous une égale fréquence. Les
plus communs sont les points sacro-iliaque, trochantérien et péronier.
Valleix leur attribuait une grande valeur sémiologique qui est très contestée
aujourd’hui.
b) Les signes de l’élongation ont au contraire une grande importance clini¬
que. Leur principe repose sur l'observation suivante : tout déplacement actif
ou passif .des membres inférieurs ou du tronc qui a pour effet d’exercer une
traction sur le nerf sciatique ou sur les racines du plexus lombo-sacré, pro¬
voque chez les sciatalgiques une sensation très douloureuse limitée au mem¬
bre où siège la névralgie si celle-ci est tronculaire et susceptible de s’étendre
au membre du côté opposé si elle est sus-tronculaire. On va voir que cette
formule générale s’applique au signe de Lasègue, au signe de Bonnet et à leurs
dérivés.
La technique à suivre dans la recherche du signe de Lasègue comporte
deux temps :
Dans le premier, le malade étant couché sur le dos on saisit sa jambe, on la
fléchit sur la cuisse et on fléchit celle-ci sur le bassin. Si ces déplacements
ne provoquent aucune douleur on en peut conclure que les articulations
tibio et coxo-fémorales ne sont ni ankylosées ni atteintes d’arthrites doulou¬
reuses.
Dans le second temps on passe la main sous le talon du malade à examiner
et on l’élève au-dessus du plan du lit, la jambe restant étendue sur la cuisse.
Si on a affaire à un sciatalgique il accuse une douleur très vive qui empêche
le médecin de donner à l’élévation du membre l’amplitude qu’elle devrait
atteindre à l’état normal.
L’indolence du premier temps s’explique pas le fait que la flexion préala¬
ble de la jambe sur la cuisse donne an nerf sciatique une laxité suffisante
pour lui permettre de supporter malgré l’byperalgésie dépendant de l’état
névralgique, le degré de tension que lui fait subir la flexion de la cuisse sur
Flexüs sacré 447

le bassin. La douleur du second temps est l’effet du tiraillement exercé sur


le même nerf préalablement tendu par l’extension de la jambe sur la cuisse.
La technique destinée à mettre en évidence le signe de Bonnet consiste à
porter successivement la cuisse du malade dont la jambe est maintenue flé¬
chie, en abduction ou en adduction. S’il s’agit d’une arthropathie coxo-fémo-
rale, les deux mouvements sont limités et douloureux. Dans les cas de scia-
talgie l’adduction est seule suivie de douleur vive parce qu’elle seule tiraille
le tronc du nerf sciatique.
Les signes de Lasègue et de Bonnet sont d’excellents symptômes des névral¬
gies sciatiques mais ils n’indiquent pas si elles sont radiculaires ou ti’oncu-
laires. On peut cependant en tirer des éléments de diagnostic différentiel en
mobilisant de la même façon non plus le membre du côté endolori, mais
celui du côté normal, car si ces deux signes sont positifs du côté dolent et
négatifs du côté indolent, on doit penser à une sciatique tronculaire. Si, au
contraire, les manœuvres de l’élongation pratiquées sur le membre indolent
éveille de la douleur dans celui du côté opposé, il y a lieu de diagnostiquer
une névralgie radiculaire parce qu’il est vraisemblable que cette douleur
contra-latérale est le résultat du tiraillement des racines postérieures du côté
sain transmis à leui's compagnes du côté malade par l’existence d’adhérences
pathologiques consécutives à des lésions méningées.
D’autres modalités de l'élongation douloureuse ont été décrites. Beaucoup
de sciatalgiques éprouvent des sensations pénibles lorsqu'étant assis sur une
chaise on étend passivement leur pied sur la jambe tBocu) ou leur jambe sur
la cuisse (Lortat-Jacob) ou lorsqu’étant debout on leur demande de faire la
révérence (Néri). Ces petits signes sont surtout utiles pour dépister les super¬
cheries des simulateurs ou des exagérateurs.
b) Troubles objectifs. — Les troubles de la sensibilité objective sont géné¬
ralement peu marqués dans les sciatiques tronculaires où, dans la moitié
environ des cas, les perceptions tactiles, algiques et thermiques sont intégra¬
lement conservées ; dans l’autre moitié il existe seulement quelques îlots
d’hypoestliésie ou d’anesthésie irrégulièrement disséminés sur les téguments
du membre inférieur affecté de névralgie.
Par contre, dans les sciatiques radiculaires ou funiculaires il existe fré¬
quemment une bande longitudinale d’anesthésie, étendue sans discontinuité
depuis la fesse jusqu’au talon. La topographie de cette bande correspond
exactement à Faire de distribution sensitive des racines sacrées ; son existence
est un signe très important des sciatiques sus-tronculaires.

b) Troubles de la motricité. — Les névralgies sciatiques ne s’accompa¬


gnent pas de paralysies motrices ; les mouvements volontaires sont souvent
i'l& Lks Nerfs rachidIENs

liinilés par Ja douleur, mais les malades peuvent néanmoins se tenir debout,
marcher, mouvoir dans tous les sens leur jambe et leur pied.
Cela ne veut pas dire que les muscles des scialalgiques jouissent de toutes
leurs propriétés physiologiques. Ils présentent en réalité, un groupe de phé¬
nomènes anormaux constitué par de la myalgie, de l’amyotrophie et des
modifications du tonus, phénomènes dont l’ensemble constitue un syndrome
qu’on pourrait appeler le syndrome myo-névralgique.
Etudions .ses éléments :
a) Myalgie. — La myalgie est très commune. Elle se manifeste surtout dans
l’exécution des mouvements volontaires et à la suite des pressions exercées
sur les masses charnues des adducteurs de la cuisse (Barré) et des gastro-
cnémiens.
b) Amyotrophie. — L’amyotrophie est presqu’aussi fréquente. Elle est
surtout accentuée au pied et à la jambe : même dans oes régions elle est assez
modérée pour ne pas aboutir à des dégénérations complètes des fibres mus¬
culaires accompagnées de R D totale ; la seule modification des réactions
électriques qu’on y constate est une simple diminution de l’excitabilité aux
courants faradiques et galvaniques, sans inversion de la formule polaire.
L’excitabilité à la percussion n’est jamais abolie ; elle serait plutôt exagérée.
c) Modifications du tonus. -— Les modifications du tonus présentent cette
particularité qu’elles existent dans des sens et à des degrés différents dans les
divers muscles des membres et du tronc, dont les uns sont hypo et les autres
hypertoniques.
L’hypotonie se révèle d’ordinaire : à la fesse, par la mollesse des fessiers
et l’abaissement du pli fessicn (Barré') ; à la cuisse, par la flaccidité des mus¬
cles de la région postérieure ; à la jambe, par le relâchement et la flaccidité
du tendon d'achille (Barré) ; au pied, par l’effacement de la voûte plantaire
et la facilité avec laquelle on peut mobiliser les métatarsiens.
L’hypertonie se manifeste par le clonus fréquent des fessiers et des jumeaux
et par l’exagération des réflexes glutéal, crémastérien, abdominal et rotulien.
Elle joue aussi un rôle dans la palhogénie de certaines des attitudes antal¬
giques que prennent les malades atteints de névralgie sciatique, attitudes sur
le mécanisme desquelles il convient de fournir ici quelques explications.
d) Attitudes antalgiques, les scolioses croisées et homologues des sciatal-
giques. — Lorsqu’un malade souffre d’un membre il l’immobilise instincti¬
vement dans la position ou il en souffre le moins. Ainsi font les sciatalgiques.
Au lit, ils se couchent sur le côté sain, le pied du côté endolori légèrement
fléchi sur la jambe, la jambe sur la cuisse et la cuisse'sur le bassin, de façon
à ce que leur nerf sciatique ne soit pas tendu ; assis, ils font porter le poids du
i'LÜXUS SACRÉ 449

corps sur la fesse indolente alin d’épargner toute compression à l'autre ;


debout, pour la même raison, iis prennent une position hanchée vers le côté
normal ; dans la marche ils s’appuient aussi peu que possible sur leur jambe
endolorie et fléchissent à chaque pas le tronc en l’inclinant latéralement com-
mes s’ils saluaient révérencieusement des personnes placées en avant de leur
membre algié (démarche salutatoire). Toutes ces attitudes sont purement an¬
talgiques. Les scolioses des sciatalgiques sont plus compliquées, car la dévia¬
tion vertébrale ne se fait pas toujours dans le même sens. Chez certains
malades la concavité de la courbure du rachis est dirigée vers le côté sain,
chez d’autres, vers le côté douloureux. Dans le premier cas la scoliose est dite
croisée, dans le second, homologue.
La scoliose croisée est la plus fréquente. Elle existe à un degré plus ou
moins accentué dans la plupart des cas de sciatique tronculaire et dans un
bon nombre de sciatiques plexuaires. Le mécanisme de sa production paraît
être purement antalgique. Les malades inclinent volontairement le tronc
vers le côté normal alin de soulager d’autant le membre endolori. Au début
ils ne prennent celte position que lorsqu’ils sont debout ; mais peu à peu, si
la maladie se prolonge, ils la conservent inconsciemment, même dans le décu¬
bitus horizontal.
La scoliose homologue, dans laquelle la colonne vertébrale est courbée vers
le côté sain paraît de prime abord paradoxale puisqu’au lieu de soulager le
côté algié elle tend à lui faire supporter plus lourdement le poids du corps.
Les malades obvient à cet inconvénient par un artifice : ils élèvent autant
qu’ils le peuvent le côté du bassin correspondant au membre douloureux,
de telle sorte que le pied indolent repose à plat sur le sol, tandis que Lautru
ne le touche que parla pointe, son talon en demeurant écarté de 3 à 5 centi¬
mètres. Cette position est gênante. Pour conserver l’équilibre du corps dans
la position verticale et la marche, les malades qui la prennent sont obligés
de maintenir leurs membres inférieurs dans une direction oblique fort in¬
commode. Pourquoi donc ne font-ils pas, comme leurs camarades atteints
de sciatiques tronculaires, des scolioses croisées ? Brissaud a fourni une
explication plausible de cette particularité ; c’est, a-t-il dit parce que ces
malades ont des sciatiques hautes radiculaires ou funiculaires, dans lesquelles
l’irritation des branches postérieures des paires sacrées, provoque et entre¬
tient une contracture spasmodique des muscles latéraux de la colonne verté¬
brale qu’elles innervent, contracture qui a pour effet d’entraîner le rachis
vers le côté douloureux. Autrement dit, la scoliose croisée des sciatalgiques
est une attitude volontaire de défense contre la douleur ; la scoliose homo¬
logue, une déviation involontaire de la colonne vertébrale résultant de l’hy-
LES NERFS EN SCHÉMAS 29
450 LES NERFS RACHIDIENS

pertonie unilatérale des muscles sacro-lombaires dont les fibres -originelles


sont irritées par des lésions permanentes.

c) Troubles de la réflectivité. -— Us se manifestent par des modifica¬


tions des réflexes : 1° cutanés ; 2° tendineux ; 3° ostéo-périostiques.
a) Réflexes cutanés. — Le réflexe cutané plantaire est d’ordinaire affaibli
ou aboli dans les névralgies sciatiques. Quand il est conservé il est souvent
incomplet en ce sens, que le grattage de la plante du pied provoque bien
la flexion du gros orteil mais non la contraction du tenseur du fascia lata qui
l’accompagne à l’état normal, ou vice versa. Cette dissociation du réflexe s’ex¬
plique par le fait que la voie centripète de ses deux réactions est identique,
mais que les centres de réflexion de ces dernières dans la moelle sont dis¬
tincts et leurs voies centrifuges differentes, puisque les muscles fléchisseurs
des orteils sont innervés par le nerf tibial postérieur, branche du sciatique et
le tenseur du fascia lata, par le nerf petit fessier, branche collatérale du ple¬
xus sacré. Leur discordance après une même excitation dans la région plan¬
taire est donc possible. Elle a même une certaine valeur sémiologique : l’abo¬
lition isolée de la réaction des orteils est un signe en faveur du diagnostic des
sciatalgies tronculaires ; celle de la réaction du tenseur du fascia lata, un
signe des sciatalgies sus-tronculaires.
Les réflexes gluitéal, abdominal et crémastérien sont habituellement exa¬
gérés, aussi bien dans les variétés hautes que basses des névralgies sciatiques.
b) Réflexes tendineux. — Le réflexe achilléen est aboli dans la moitié envi¬
ron des cas de sciatiques. Le réflexe rotulien est presque toujours conservé
et parfois notablement exagéré. Le réflexe péronéo-fémoral est généralement
conservé dans les sciatiques tronculaires et fréquemment aboli dans les scia¬
tiques radiculaires (Barré).

c) Réflexes ostéo-périostiques. — Les réflexes pédo-dorsaux sont habituelle¬


ment normaux (Lortat-Jacob) tandis que le médio-plantaire est aboli
iGuillain). Le réflexe rétro-malléolaire est ordinairement affaibli ou nul
(.Barré).

d) Troubles vaso-moteurs, sécrétoires et trophiques. — a) Les troubles


de la vaso-motricité sont peu accentués. On peut constater cependant dans
un assez grand nombre de cas un ralentissement de la circulation capillaire
de l’extrémité du membre endolori, qui se révèle par un abaissement de la
température du pied et de la jambe.
b) La sécrétion sudorale qui est fréquemment abolie dans les paralysies
motrices du sciatique est conservée dans les névralgies de ce nerf.
c) Le trouble trophique le plus important est l'atrophie musculaire dont
PLEXUS SACRÉ 451

il a été question plus haut. Elle est souvent accompagnée d une adipose sous-
cutanée diffuse, qui masque la diminution de volume des muscles sous-
jacents.
Dans les sciatiques très anciennes la peau du membre endolori est parfois
amincie et recouverte d’écailles épidermiques ichtyosif ormes. Les éruptions
neurotrophiques à forme vésieuleuse, pustuleuse ou ulcéreuse sont extrême¬
ment rares.

e) Examen radioscopique de la colonne vertébrale et analyse du

liquide céphalo-rachidien. — Dans tous les cas de névralgie sciatique sévère


et prolongée il est indispensable de procéder à l’examen radioscopique de la
région sacro-lombaire de la colonne vertébrale et à l’analyse microscopique
et chimique du liquide céphalo-rachidien. L’examen radioscopique de la
colonne vertébrale peut en effet révéler des altérations des corps verté¬
braux (anciennes fractures vicieusement consolidées, ossification des liga¬
ments, sacralisation de la Ve vertèbre lombaire, etc.) ou des tumeurs du bassin
susceptibles d’éclairer l’étiologie des névralgies radiculaires, funiculaires ou
plexuaires et à fournir des indications à leur traitement chirurgical.
L’examen du liquide céphalo-rachidien n’est pas moins important. Une
lymphocytose abondante fera songer à des lésions d’origine syphilitique ; une
augmentation discrète de l’albumine ou de sucre, à des réactions méningées
de nature irritative, d’origine tuberculeuse, cancéreuse ou autre.

3° Diagnostic. — Reconnaître une névralgie sciatique est toujours facile.


Il suffit d’un peu d’attention pour la distinguer des autres affections doulou¬
reuses du membre inférieur, notamment des coxalgics et des ostéo-myelites
du fémur ou de l’os-iliaque. Le diagnostic différentiel entre les sciatiques
radiculaires et tronculaires est parfois plus malaisé. On arrivera cependant à
le poser en tenant compte des éléments indiqués plus haut dont les plus signi¬
ficatifs peuvent être énumérés en quelques lignes :
A) Dans les sciatiques tronculaires :
1° I..es douleurs spontanées sont unilatérales et strictement limitées à l’aire
de distribution anatomique du nerf sciatique ;
2° Les troubles de la sensibilité objective sont peu accentués et sans topo¬
graphie spéciale ;
3° Les épreuves de l'élongation pratiquées du côté endolori sont toujours
positives ; pratiqués du côté indolent elles n’ont jamais de retentissement
contra-latéral ;
4° La scoliose est croisée ;
5° Le réflexe plantaire s’accompagne de la réaction du muscle tenseur du
fascia lata ;
45 2 les Neufs hachIdiens

6° L’examen radiologique de la colonne vertébrale n’y révèle aucune ano¬


malie ;
7° Le liquide céphalo-rachidien est inaltéré.
b) Dans les sciatiques sus-troncuiaires :
1° Les douleurs spontanées sont souvent bilatérales et quand elles sont uni¬
latérales elles s’irradient au delà des frontières du domaine anatomique du
nerf sciatique ;
2° Les troubles de la sensibilité objective sont souvent représentés par une
bande d’anesthésie caractéristique, à topographie nettement radiculaire ;
3° Les signes de l’élongation ont des effets directs et contra-latéraux.
4° La scoliose est homologue ;
5° Le réflexe du tenseur du fascia lata est aboli ;
6° L’examen radioscopique de la colonne vertébrale révèle souvent des
altérations matérielles de la région sacro-lombaire ;
7° Le liquide céphalo-rachidien présente fréquemment à l’examen micros¬
copique de la lymphocytose et à l’analyse chimique des modifications de sa
composition, caractéristiques des réactions irritatives des méninges rachi¬
diennes.

4° Évolution, durée, terminaison, pronostic, traitement. — L’évolution,


la durée, les terminaisons, le pronostic et le traitement des névralgies sciati¬
ques varient naturellement avec les causes multiples et diverses de la maladie.
Nous ne croyons pas devoir entrer, à leur propos, dans des développements
qui ne seraient pas à leur place dans un article uniquement destiné à donner
un aperçu succinct de la physiopathologie du nerf sciatique.

ARTICLE VIII

PLEXUS S ACRO-COCCYGIEN
[Planche XXV].

Nous désignerons sous le nom de plexus sacro-coccygien l’ensemble des


anastomoses que contractent entre elles, avant leur distribution périphéri¬
que, les branches antérieures des deux derniers nerfs sacrés et du nerf
coccygien. Ce petit plexus sacro-coccygien ou coccygien est loin d’avoir la
PLEXUS SÀCRO-COCCYGIEN 453

complexité et l’importance des plexus cervical, brachial, lombaire et sacré,


mais ce n’est pas une raison pour le passer sous silence comme le font
certains auteurs.

§ 1. - ANATOMIE

Le plexus sacro-coccygien est profondément situé à la partie postéro-


inférieure de l'excavation pelvienne, immédiatement au-dessous du qua¬
trième trou sacré.

1° Mode de constitution du plexus. — Le cinquième nerf sacré, au sortir


du canal 'sacré, se divise en deux branches : 1° une branche supérieure, à
laquelle vient s’unir un rameau descendant, déjà signalé, du quatrième nerf
sacré ; 2° une brymche inférieure, qui se réunit, de même, un peu plus loin,
avec un rameau ascendant du nerf coccygien
Tel est le plexus sacro-coccygien.
Il est, comme on le voit, constitué par deux anses superposées : l’une
allant du quatrième nerf sacré au cinquième ; l’autre unissant le cinquième
nerf sacré au nerf coccygien.

2° Distribution. — De ces deux anses anastomotiques, constituant le


plexus, se détachent deux ordres de rameaux : 1° des rameaux antérieurs, qui
se rendent au plexus hypogastrique (voy. Sympathique) ; 2° des rameaux
postérieurs, qui se portent en arrière, pour se terminer dans la peau qui
recouvre le coccyx.
De son côté, le nerf coccygien, après avoir fourni l’anastomose précitée
pour le cinquième nerf sacré, se partage en deux rameaux fort grêles, l’un
interne, 1 autre externe : le rameau interne, mixte, traverse d’avant en ar¬
rière le muscle ischio-coccvgien, auquel il abandonne un filet, et vient sê ter¬
miner dans les téguments de la région coccygienne ; le rameau externe, mo¬
teur, après avoir traversé de même le muscle ischio-coccygfien et le grand li¬
gament sacro-sciatique, vient innerver les faisceaux les plus inférieurs du
muscle grand fessier.

§ 2. — PHYSIOPATHOLOGIE

La pathologie des nerfs dérivés du plexus coccygien n’a aucun intérêt.


Elle est toute entière contenue dans l’histoire de la coccygodinie, qui succède
presque toujours a des contusions de la région coccygienne, et dont les don-
454 LES NERFS RACHIDIENS

leurs dépendent plutôt du grand sympathique que des nerfs rachidiens de la


vie de relation.

ARTICLE IX

TOPOGRAPHIE VERTEBRO-MEDULLAIRE

(Planche XXIXJ1

Nous avons résumé dans le schéma de la planche XXIX : 1° les rapports que
présentent les divers segments topographiques de la moelle avec les corps
vertébraux (topographie vertébro-médullaire proprement dite) ; 2° les rap¬
ports que les diverses paires rachidiennes présentent avec les apophyses épi¬
neuses qui repèrent leur point d’émergence sur la moelle (topographie verté-
bro-radiculaire).

1° Topographie vertébro-médullaire proprement dite. — Nous compre¬


nons sous ce titre les rapports que présentent avec les corps vertébraux les six
segments classiques de la moelle épinière : 1° le cône médullaire, qui repré¬
sente l’extrémité inférieure de la moelle ; 2° la moelle sacrée ; 3° la moelle
lombaire ; 4° la moelle dorsale ; 5° la moelle brachiale ; 6° la moelle cervi¬
cale.
a) Le cône médullaire, d’où naissent les trois dernières paires sacrées
(3e, 4 e, 5e) et le nerf coccygien, répond à la deuxième vertèbre lombaire ;
b) La moelle sabrée, qui donne naissance aux deux premières paires sacrées
(lre, 2e) et à la dernière paire lombaire (la 5e), répond au corps de la première
vertèbre lombaire ;
c) La moelle lombaire, d’où émanent les quatres premières racines lom¬
baires (lre, 2e, 3e, 4e), est entourée par les dizième, onzième et douzième ver¬
tèbres dorsales (10e, 11e, 12e) ;
d) La moelle dorsale, qui s’étend de la deuxième paire dorsale à la dou¬
zième paire dorsale, répond aux deuxième, troisième, quatrième, cinquième,
sixième, septième, huitième et neuvième vertèbres dorsales ;
é) La moelle brachiale, qui fournit les branches radiculaires du plexus
brachial, s’étend de la quatrième vertèbre cervicale à la deuxième dorsale ;

(i) Cette planche, ainsi que le texte qui lui est consacré, sont empruntés, avec quel¬
ques légères modifications , au Traité d’anatomie topographique de Testut et Jacob,
T. Ire, 4e édition, 1921, p. 600 ; et au Traité d’anatomie humaine de Testut, T. TII, 7e
édition, 1922, p. 247.
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMA».

ZONES IMOTRICES ZONES SENSITIVES

Sterno-mastoïdien, trapèze, scalènes, muscles pré-


Nuque et partie postérieure de la tète ; face anté¬
vertébreux, muscles sous-hyoïdiens.
rieure du cou.

Diaphragme, deltoïde, biceps, coraco-brachial,long


supinateur, rhomboïde, sus et sous-épineux .... Nuque, partie supérieure de l’épaule.

Long du cou. scalènes, angulaire, rhomboïde, gd


Côté externe du membre supérieur, moins l’émi¬
dentilé. s*-clavier, sus et ss-épineux, petit rond, ss-sca-
nence thenar; partie supérieure du thorax et du dos.
pulaire, deltoïde, biceps, brachial antérieur . . .

Mêmes muscles que C5. En plus : gd pectoral, rond Partie moyenne de la face antérieure et postér.
pronat . gd palmaire, supinateurs, radiaux; abducteur, de l'avant-bras et du bras ; trois quarts externes de la

opposant, court fléchisseur du pouce. face pa maire et de la face dorsale de la main ; tous
les doigts, sauf l’auriculaire ; partie supérieure du
Long du cou, pectoraux, triceps, grand dorsal, thorax et du dos.
radiaux, fléchisseurs et extenseurs des doigts, cubi¬
taux, petit muscles de la main.

Côté interne du membre supérieur ; partie supé¬


Pectoraux, fléchisseurs des doigts, cubital antérieur, rieure de la poitrine et du dos.
carré pronateur, intercostaux et surcostaux, petit den¬
telé postéro-supérieur.

Intercostaux, surcostaux, triangulaire du sternum, Poitrine, dos, abdomen. Les territoires d'innerva¬
dentelé et muscles du dos. Les 7e, 8“, 9', 10e, 11e et tion forment une série de bandes,dont chacune répond
12e racines innervent, en outre, les muscles de l’abdo¬ à une racine. Ces bandes se superposent régulière¬
men . ment de haut en bas dans 1 ordre même des racines.

Région inguino pubienne, racine de la verge et du


Carré des lombes, muscles de l’abdomen, ciémaster
scrotum.

Carré des lombes, psoas iliaque, abducteurs, droit


Partie supéro-externe de la cuisse.
interne couturier. .

Psoas iliaque, pectiné, abducteurs, droit interne,


Partie moyenne de la face antér. de la cuisse.
couturier.

Abduct. et adduct. de la cuisse, fléchiss. du genou, Côtés interne et externe de la cuisse ; face anté¬
muscles des régions ext. et int. de la jambe . . rieure du genou et antéro-interne de la jambe.

Rotat. delacuisse, fléchis, du genou, muscl. delà jambe


Côté externe de la jambe et du pied.
sauf les gastroenénnens, pniimx. muscl. int. de la jamhe.
Rotateurs de la cuisse en dehors, musclcs postér. Face postéro-interne de la jambe, côté interne du
de la cuisse, muscles de la jambe et du pied . pied.

Rotateurs de la cuisse en dehors, fléchisseurs de la


Face postérieure de la cuisse et de la jambe.
jambe et du pied.

Peau de la fesse, du périnée, des bourses, de la


Releveu'r de l’anus, sphincter de l’anus, sphincter verge.
de la vessie, muscles du périnée . . . t . . .

PLANCHE XXIX

TOPOGRAPHIE RADICULAIRE
S. DUPRET Ciel. G. DOIN Oditeur.
TOPOGRAPHIE VERTÉBRO-MÉDULLAIRE 455

/) La moelle cervicale, enfin, qui donne naissance aux branches constitu¬


tives du plexus cervical, répond aux trois premières branches cervicales.

28 Topographie vertébro-radiculaire. — On sait l’utilité pratique qu’il y a


à bien préciser l'apophyse épineuse au niveau de laquelle une racine donnée
émerge de la moelle, soit pour aider le clinicien à diagnostiquer lia hauteur
d’une lésion médullaire, soit pour guider le chirurgien dans une interven¬
tion opératoire. Des recherches dans ce sens ont été entreprises depuis long¬
temps déjà par Jadelot et par INûhn et, plus récemment, par Reid (1889) par
Chipault (1894) et par IIovelacque (1912). Les recherches de Ciiipault ont
porté sur 20 sujets, dont 8 enfants et 7 adultes. L’auteur, tout en recon¬
naissant qu'il existe, ici comme ailleurs, des variations individuelles consi¬
dérables, a cru pouvoir formuler, en manière de conclusion, cette proposi¬
tion à la fois très simple et très pratique :
1° 'A la région cervicale, il faut ajouter 1 au numéro d’une apophyse déter-
minée par le palper, pour avoir le numéro des racines qui naissent à son
niveau ;
2° A la région dorsale supérieure, il faut ajouter 3 ;
3° La partie inférieure de l’apophyse de la 11e dorsale et l’espace inter-épi¬
neux sous-jacent répondent aux trois dernières paires lombaires ;
4° La douzième apophyse dorsale et l’espace inter-épineux sous-jacent
répondent aux paires sacrées.
Cette formule, ajoute Chipault, est applicable aussi bien à la femme adulte
qu’à l’homme adulte. Chez l’enfant, il faut la modifier légèrement, au moins
pour les premières racines dorsales et les premières lombaires, et dire : 1° à la
région dorsale supérieure, de la première à la quatrième apophyse, il faut
ajouter 3 pour avoir le numéro de la racine correspondante ; 2° à la région
dorsale moyenne, de la cinquième à la neuvième apophyse, iil faut ajouter 4.
Les rapports entre les apophyses épineuses et les racines qui émer¬
gent de la moelle à leur niveau sont schématiquement reproduits dans
notre planche XXIX. Sur ce schéma, la moelle (vue postérieure) est fen¬
due en deux sur la ligne médiane. Ses deux moitiés sont écartées l’une
de l’autre et, dans l’intervalle, sont figurés les sommets des apophy¬
ses épineuses, chacune avec son numéro d’ordre. D’autre part, chaque
hémi-moelle se trouve divisée en cinq segments, chacun avec une teinte
propre : le cône médullaire, en bleu ; la moelle sacrée, en rose ; la
moelle lombaire, en vert ; la moelle dorsale, en jaune ; la moelle cervico¬
brachiale, en jaune-orange. A chacun de ces segments se voient les racines
456 LES NERFS RACHIDIENS

correspondantes, portant la même teinte que les segments dont elles émanent
et ayant chacun son numéro d’ordre. Pour ne pas charger inutilement le
dëssin, on n’a pas représenté, sur l’hémi-moelle droite, les racines antérieu¬
res ; par contre, on a figuré les racines postérieures jusqu’à l’extrémité externe
de leurs ganglions. De même, sur l’hémi-moelle gauche, ces racines posté¬
rieures ont été réséquées tout près de leur origine, laissant ainsi à découvert
les racines antérieures correspondantes. Enfin, chaque racine se trouve placée
sur la même horizontale que l’apophyse épineuse qui repère son émergence
de la moelle et, en regard d’elle, se trouvent inscrits en caractères typogra¬
phiques, à gauche le territoire moteur, à droite le territoire sensitif, auxquels
cette racine se distribue. Un simple coup d’œil jeté sur notre schéma nous
permet de dire aisément à quelle vertèbre répond une racine donnée et, réci¬
proquement, à quelles racines correspond telle ou telle apophyse épineuse.
Ce n’est pas tout.
Grâce aux indications que ce même schéma fournit sur les territoires mo¬
teurs et sensitifs qui sont sous la dépendance de chaque racine et du segment
de moelle correspondant, il devient facile de répondre aux deux questions
suivantes : t° étant donnée la lésion de telle vertèbre, quels sont les symptô¬
mes qui traduisent la lésion des racines et du segment de moelle correspon¬
dant ; 2° étant donnés tels symptômes de lésion radiculo-médullaires, quelles
sont les racines et les vertèbres lésées.
Pour connaître les symptômes radiculo-médullaires qui doivent être la
conséquence de la lésion d’une vertèbre donnée, il suffit, l’apophyse épineuse
de la vertèbre lésée ayant été repérée et étant par suite connue, il suffit,
disons-nous, de chercher sur notre schéma la ligne horizontale passant par
celle apophyse et de lire, sur les colonnes de droite et de gauche les « zones »
qui sont innervées par les racines correspondantes. On se rappellera que,
lorsque cette lésion est grave, tout ce qui est au-dessous d’elle est paralysé.
On se rappellera encore que, d’ordinaire, les réflexes qui ont leur siège au
niveau du point lésé sont abolis, tandis que ceux qui sont situés plus bas
s’exagèrent.
Nous rappelons dans le tableau suivant, dont nous empruntons les élé¬
ments à Thane, les muscles du cou, du tronc et des membres groupés mé¬
thodiquement d’après leur innervation radiculaire. Ea première colonne nous
indique les différents nerfs rachidiens disposés de haut en bas, en allant du
premier nerf cervical au nerf coccygien ; la seconde colonne, les muscles
qui sont innervés par la branche antérieure de ces nerfs ; la troisième colon¬
ne, les muscles qui sont innervés par leurs branches postérieures :
TOPOGRAPHIE VERTÉBRO-MÉDULLAIRE 457

NERFS RACHIDIENS MUSCLES INNERVÉS

a) Par sa branche antérieure : b) Par sa branche postérieure

Droit latéral . / Grand droit postérieur.


Petit droit antérieur.\ Petit droit postérieur.
Ier CERVICAL. Grand droit antérieur.< Grand oblique.
Génio-hyoïdien ./ Petit oblique.
Muscles sous-hyoïdiens .\ Grand complexus.

Grand droit antérieur.[ „ , ,


Long du cou.\ ^and oblique.
Sterno-cléido-mastoïdien . { Grand complexus.
3e CERVICAL.
Génio-hyoïdien . ) Sp^mus.
Muscles sous-hyoïdiens .( Pet,t cornP,exus-

Grand droit antérieur.


Long du cou.
Muscles sous-hyoïdiens .
3e CERVICAL.
Scalène postérieur . J
Grand complexus.
Angulaire de l’omoplate. ) Muscles spinaux.
Sterno-cléido-mastoïdien (P) ...
Trapèze ..
Diaphragme (?) . \

Grand droit antérieur.


Long du cou.
Scalène postérieur .
6e CERVICAL. Scalène antérieur (P) .é Muscles spinaux.
Diaphragme .
Angulaire de l’omoplate.
Trapèze .

Long du cou. i
Scalènes . I
Diaphragme (?) .
Angulaire de l’omoplate.
Rhomboïde ..
Grand dentelé .
Sous-clavier .
3e CERVICAL. Sus-épineux .< Muscles spinaux.

Petit rond .
Sous-scapulaire .
Grand rond (?) .
Deltoïde .
Grand pectoral .
Biceps brachial .
Brachial antérieur ... .1

Long du cou. j
Scalènes .I
Sous-clavier (?) .|
Grand dentelé .!
Sus et sous-épineux (?).1
Petit rond (?) .1
Sous-scapulaire .I
Grand rond (?) . j
Deltoïde . I
6° CERVICAL Grand pectoral ./ Muscles spinaux.
Biceps brachial . j
Brachial antérieur .J
Rond pronateur .I
Grand palmaire . f
Long et court supinateur.!
Radiaux externes .
Abducteur du pouce.
Opposant du pouce.I
Court fléchisseur du pouce. 1
458 LES NERFS RACHIDIENS

NERFS RACHIDIENS MUSCLES INNERVES

a) Par sa branche antérieure : b) Par sa branche postérieure :


Long du cou.
Scalène postérieur .
Grand dentelé (?) .
Grand et petit pectoral.
Grand dorsal .
Grand rond (?) .
Coraco-brachial .
Triceps brachial .
Anconé .
7e CERVICAL. Fléchisseur superficiel des doigts.. Muscles spinaux.
Fléchiseur profond des doigts (?)..
Fléchisseur propre du pouce (?)...
Carré pronateur (?).
Radiaux externes .
Extenseurs des doigts.
| Cubital postérieur .
j Abducteur du pouce (?).
1 Opposant du pouce (?).
' Court fléchisseur du pouce (?)...
I Long du cou.
Grand et petit pectoral.
Grand dorsal .
Triceps brachial .
Anconé .
Fléchisseur des doigts .
8e CERVICAL. Cubital antérieur .( Muscles spinaux.
Carré pronateur .
Abducteur du pouce.
Interosseux .
Abducteur du petit doigt.
Court fléchisseur du petit doigt..
I Opposant du petit doigt.
Grand et petit pectoral.
Fléchisseurs des doigts.
Cubital antérieur .
Ier DORSAL Carré pronateur . ^ Muscles spinaux.
Intercostaux .
Surcostaux .
Petit dentelé postéro-supérieur. ...
Intercostaux .
Surcostaux .
2e DORSAL. Muscles spinaux.
Petit dentelé postéro-supérieur. ...
Triangulaire du sternum (?).
Intercostaux .
•3e DORSAL,
Surcostaux .
et Muscles spinaux.
Petit dentelé postéro-supérieur....
4e DORSAL.
Triangulaire du sternum (?).
Intercostaux .
5e DORSAL, Suroostaux .
et Triangulaire du sternum.| Muscles spinaux.
6° DORSAL. Grand oblique de l’abdomen.
Grand droit .S".
Intercostaux .
Surcostaux .
7e DORSAL. Sous-costaux .
et Grand oblique de l’abdomen.{ Muscles spinaux.
8e DORSAL. Petit oblique de l’abdomen.
Tiransverse de l’abdomen...
Grand droit .
Intercostaux .
g° DORSAL. Surcostaux .
IOe DORSAL. Sous-costaux .

IIe
et
DORSAL. Muscles larges de l’abdomen.
Grand droit .
::: I
Petite dentelé postéro-inférieur... ) Muscles spinaux.
TOPOGRAPHIE VERTÉBRO-MÉDULLAIRE 459

NERFS RACHIDIENS MUSCLES INNERVÉS

a) Par sa branche antérieure b) Par sa branche postérieure

l Carré des lombes (?) .


i Muscles larges de l’abdomen
12e DORSAL. . Muscles spinaux.
' Grand droit .
( Pyramidal de l’abdomen....

I Carré des lombes (?).


Petit oblique de l’abdomen (?)...
Ier LOMBAIRE. . Muscles spinaux.
Transverse de l’abdomen (?)....
Crémaster .

I Carré des lombes (?)


i Crémaster .
I Grand psoas .
j Petit ipsoas (?) .
J Iliaque .
2° LOMBAIRE. .
( Pectiné .
Moyen adducteur ..
Muscles spinaux.

Petit adducteur ....


Droit interne .
Couturier .

Psoas-iliaque .
i Pectiné .
(
t Abducteurs .
3e LOMBAIRE. . s Droit interne. | Muscles spinaux.
Obturateur externe
Couturier .
Quadriceps crural .

I Grand psoas (?)....


| Petit adducteur ...
Grand adducteur .
I Droit interne .
I Obturateur externe
I Quadriceps crural .
’ Moyen et petit fessier. 1
I Tenseur du fascia lata. ]
/|° LOMBAIRE..
(Grand fessier (?).> Muscles spinaux.
Obturateur interne (?). J
I Carré crural . I
I Demi-membraneux .I
I Muscles profonds de la lace posté-
rieure de la jambe (?).[
Muscles des régions antérieure et
externe de la jambe. i
Pédieux . \

(Quadriceps crural (?). I


Grand adducteur .
Grand, moyen et petit fessier.
Tenseur du fascia lata.
Pyramidal du bassin (?).
Carré crural .
5e LOMBAIRE Muscles spinaux.
j Obturateur interne .
I Muscles postérieurs de la cuisse....
f Muscles de la jambe, sauf les gas-
troonémiens .
Pédieux .
Muscles internes de la plante.\

Grand, moyen et petit fessier.I


! Tenseur du fascia lata.I
Pyramidal du bassin. 1
Obturateur interne ./
1er SACRÉ. .
Carré crural . ) Muscles spinaux.
Grand adducteur (?). I
Muscles postérieurs de la cuisse... [
' Muscles de la jambe et du pied... '
460 LES NERFS RACHIDIENS

NERFS RACHIDIENS
MUSCLES INNERVES

a) Pur sa branche antérieure b) Par sa branche postérieure


I Grand fessier .
Moyen et petit fessier (?).
Tenseur du fascia lata (?).
Pyramidal du bassin.
Obturateur interne .
Demi-tendineux .
Biceps crural .
( Muscles antérieurs de la jambe (?).
3° sacré. . .. Muscles spinaux.
Péroniers (?) .
Gastrocnémiens .
Soléaire .
Long fléchisseur du gros orteil...
Long fléchisseur des orteils (?)....
Jambier postérieur (?).
Muscles externes de la plante....
Muscles du périnée.

(Pyramidal du bassin (?).


Biceps crural .
Gastrocnémiens (?) .
Soléaire (?) .
3e sacré. . .. Muscles spinaux.
') Muscles de la plante (?).
Releveur de l’anus (?)...
Muscle coccygien (?).
Muscles du périnée.

Releveur de l’anus.
6° sacré.. .. Muscles coccygiens .
Muscles du périnée.

5e SACRÉ. . . . Muscles coccygiens .

NERF COCCYGIEN Muscles coccygiens .

Comme on le voit par ce tableau, il est un certain nombre de muscles qui


sont innervés par des racines différentes : Thornburn, généralisant le fait, est
d'avis que chaque muscle est sous la dépendance de plusieurs racines, mais
qu'il en possède toujours une principale, prépondérante. D’autre part, cha¬
que racine se rend à des muscles multiples, souvent même fort nombreux,
et ces muscles sont parfois très différents par leur situation et par leur fonc¬
tion. C'est la confirmation de la proposition formulée par Forgue (1883) à
savoir que : « chaque racine commande à une région donnée ; elle s’v dis¬
tribue dans des territoires topographiques constants, mais fonctionnellement
indéterminés ; elle est la racine d’un département musculaire donné, elle
n’est pas la racine d’une fonction ».
Une pareille conclusion, du reste, nous paraît en parfait accord avec les
données de la dissection, qui nous montre : d’une part, une même racine
rachidienne se dissociant en amont du plexus pour se jeter dans plusieurs
nerfs de fonctions souvent différentes et, d’autre part, un même cordon
nerveux, le nerf médian ou le nerf radial par exemple, tirant son origine de
deux ou même trois racines.
Il n’existc donc pas de racines préposées à la flexion, de racines préposées
Topographie vertêrro-médullaIUE 4el

à l’extension de tel ou tel segment des membres. Tout au plus pourrait-on


accorder cette spécialisation fonctionnelle aux minces lilets radiculaires qui
entrent dans la constitution de ces racines ; encore n’est-il pas nettement
démontré que ces lilets radiculaires, quelque ténus qu’ils soient, ne se dis¬
socient pas eux-mêmes au niveau des plexus pour aboutir à deux cordons
nerveux différents, dont l’un peut-être sera fléchisseur et l’autre extenseur,
l'un pronateur et l’autre supinateur, etc.
En réalité, le centre fonctionnel d’un mouvement des membres, que ce
mouvement soit déterminé par la contraction isolée d’un seul muscle ou
résulte de la contraction simultanée d’un certain nombre de muscles syner¬
giques, ne doit pas être localisé dans telle ou telle racine des nerfs x'achidiens,
mais plus bas ou plus haut : plus bas, dans le cordon nerveux définitif qui
s’échappe du plexus pour se rendre aux muscles ; plus haut, dans les cornes
antérieures de la moelle épinière, où, selon toutes probabilités, les cellules
motrices forment des groupes, sinon à action spéciale, du moins à action
topographiquement limitée.

3° Territoires fonctionnels des racines rachidiennes. — La planche


XXIX, consacrée à la topographie vertébro-médullaire, ne nous indique pas
seulement les rapports topographiques qui existent entre les divers seg¬
ments de la moelle avec les corps vertébraux qui les entourent et ceux que
les diverses paires rachidiennes présentent avec les apophyses épineuses. Elle
nous dit aussi quels sont, à la périphérie, les territoires fonctionnels, soit mo¬
teurs, soit sensitifs, qui sont sous la dépendance d’une racine donnée.
a) Territoires moteurs. — Sur le côté gauche de la planche nous avons ins¬
crits, en regard de chaque paire rachidienne, les noms des muscles inner¬
vés par elle : il suffira donc d'un simple coup d’œil jeté sur ce côté de la fi¬
gure pour être fixé : 1° sur les muscles qui sont innervés par une racine
antérieure donnée ; 2° sur la paralysie motrice qui suivra la destruction le
cette racine. Cette innervation motrice par les diverses paires rachidiennes
est, du reste, indiquée en détails dans le tableau synoptique situé plus haut
(voy. pages 457 à 460).
b) Territoires sensitifs. — Nous avons inscrit de même, sur le côté droit de
la planche, en regard de chaque paire rachidienne ou de chaque groupe Je
paires rachidiennes, les régions tégumenlaires qui tirent d’elles leur inner¬
vation sensitive. Ici encore, un simple coup d’œil jeté sur la figure, nous
indiquera nettement : quelle est la région cutanée qui répond à telle ou telle
racine postérieure et qui, quand cette racine sera lésée, sera frappée, suivant la
462 LEls NERFS RACHIDIENS

nature de la lésion, d’hyperesthésie, d’hypesthésie ou d’anesthésie. C’est ain¬


si que nous voyons :

Les 4 premières cervicales, innerver la peau de la nuque, de la partie postérieure


de la tête, de la face antérieure du cou, de la partie supérieure de l’épaule ;
La 5e cervicale, le côté externe du membre supérieur (moins l’éminence thénar), la
partie supérieure du thorax et du dos ;
La 6e et la 7e cervicales, la partie moyenne de la face antérieure et ne la Xace posté¬
rieure de l’avanl-bras et du bras, les trois quarts externes de la face palmaire et de la
face dorsale de la main, tous les doigts (sauf l’auriculaire), la partie supérieure du
thorax et du dos ;
La 8e cervicale et la Te dorsale, le côté interne du membre supérieur, la partie
supérieure du thorax et du dos ;
Les 11 dernières dorsales, la poitrine, le dos, l’abdomen (formant une série de
bandes transversales, se superposant régulièrement de haut en bas dans l’ordre même
des racines) ;
La lre lombaire, la région inguino-pubienne, la racine de la verge, le scrotum ;
La 2e lombaire, la partie supéro-externe de la cuisse ;
La 3e lombaire, la partie moyenne de la face antérieure de la cuisse ;
La 4e lombaire, le côté interne et externe de la cuisse, la face antérieure du genou
et le côté antéro-externe de la jambe ;
La 5e lombaire, le côté externe de la jambe et du pied ;
La lre sacrée, la face postéro-interne de la jambe, le côté interne du pied ;
La 2e sacrée, la face postérieure de la cuisse et de la jambe ;
Les 3 dernières sacrées et le nerf coccygien, la peau de la fesse, du périné, des.
bourses, de la verge.

Comme les téguments, les viscères reçoivent, des racines postérieures, un


certain nombre de libres à myéline dont la présence dans les nerfs viscéraux a
été constatée par de nombreux histologistes, notamment par Kolliker et par
Edgeworth (1892). Ajoutons que ces territoires viscéraux ont une innervation
fixe, autrement dit qu’ils sont sous la dépendance de racines déterminées, les¬
quelles sont toujours les mêmes pour le même viscère. Voyez, pour plus de
détails, Testut, Traité d’Anatomie humaine, 7e édition, 1922, t. III, p. 242).
CHAPITRE IV

GRAND SYMPATHIQUE
[Planches XXX et XXXI}.

Le système du grand sympathique, qu’on désigne encore sous les dénomi¬


nations diverses de nerf trisplanchnique, de système nerveux ganglionnaire,
de système nerveux de la vie végétative, est représenté chez l’homme par
deux longs cordons, l’un droit, l’autre gauche, situés de chaque côté de la
colonne vertébrale et s’étendant sans interruption de la première vertèbre
cervicale à la dernière vertèbre sacrée. C’est la chaîne sympathique des phy¬
siologistes.

ARTICLE PREMIER

ANATOMIE

§ 1. - CONSTITUTION ANATOMIQUE GÉNÉRALE DU GRAND SYMPATHIQUE

Les deux cordons qui constituent le sympathique présentent cette particu¬


larité caractéristique qu’ils sont interrompus de distance en distance par de
petits renflements appelés ganglions sympathiques.

1» Ganglions sympathiques. — Ces ganglions échelonnés de haut en bas


sur toute l’étendue du cordon sympathique, forment les ganglions centraux,
par opposition à d’autres ganglions, dits périphériques, qui se trouvent situés
en dehors du cordon sympathique, sur les diverses ramifications de ce der¬
nier. Ils affectent une coloration grisâtre tirant un peu sur le rouge. Mous
464 (JHAND S\Ml>ATIliQUL

par eux-mêmes, ils empruntent à l’enveloppe libreuse qui les entoure une
consistance ferme, qui en rend la dissection relativement facile.
Très variables par leur volume, les ganglions de la chaîne sympathique
ne le sont pas moins par leur configuration : ils sont le plus souvent allon¬
gés, en forme d’olive ou en forme de fuseau ; on en voit aussi de triangu¬
laires, de pyramidaux ; il en est qui sont comme
BASE DU CRAXE
bifurqués à l’une ou à l’autre de leurs extrémités,
quelquefois à toutes les deux ; d’autres ont des con¬
tours irrégulièrement festonnés, laissant échapper à
la limite de chaque feston des prolongements ou
rayons, qui leur ont valu le nom de ganglions étoilés.
Théoriquement, le nombre des ganglions de la
chaîne sympathique devrait être le même que celui
des segments osseux de la colonne vctébrale. En fait,
ce nombre est beaucoup moindre. A la région cervi¬
cale, par exemple, les huit ganglions théoriques,
obéissant pour ainsi dire à un mouvement de concen¬
tration, se réduisent à trois ganglions ou même à
deux seulement. A la région dorsale, nous en trou¬
vons, suivant les sujets, douze, onze ou dix. Il en
existe ordinairement quatre à la région lombaire,
quatre également à la région sacrée. Au niveau du
coccyx, qui n’est en réalité chez l’homme qu’un
organe rudimentaire, le grand sympathique fait
défaut. Au total, le nombre des renflements ganglion¬
naires que nous présente le cordon du sympathique
varie, de chaque côté, de vingt à vingt-trois. (Fig. 123).

2° Sympathique crânien. — Le crâne n’étant en


Fig. 123.
Schéma représentant grande partie que la continuation de la colonne ver¬
la disposition du
tébrale, les nerfs crâniens continuant de même la
système sympathi¬
que chez l’homme. série des paires rachidiennes, il est rationnel de pen¬
ser que le grand sympathique doit, lui aussi, fran¬
chir les limites supérieures de la région cervicale et exister à la région crâ¬
nienne. Nous avons déjà dit, dans notre chapitre II, que les ganglions otique,
sphéno-palatin, ophthalmique et sous-maxillaire, que l’on décrit générale¬
ment avec le nerf trijumeau, font partie.intégrante du sympathique crânien.
Toutefois, comme la détermination de cette première portion du cordon
sympathique est encore fort obscure, nous adopterons ici les idées classiques
et considérerons le nerf grand sympathique comme commençant à l’atlas.
A.. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Gd nerf pétreux sup1


...Trijumeau
P‘ nerf pétreux
~r

_Corps pituitaire
ty. vidien _

Tympan — N. moteur oculaire ext®


.N. moteur oculaire corn
N. pathétique

Glosso-pharyngien. A. maxillaire intr


Pneumogastrique. ,A. temporale sup1*
! ,A. auriculaire
Gd hypoglosse ' ! ,A. occipitale

G“ cervical supr

G“ sous-maxill"

Glande sous-maxillaire.. A. pharyng inf

.A. faciale

.A. linguale

G° cervical moyen .A vertébrale


A. cervicale profonde
.A scapul. sup‘°
.A . scapul. postro
A. sous-clavière.
..A. mammaire int"
. A. intercostale suprr

Gn cervical inP _

Récurrent droit.

_Récurrent gauche
Aorte.

_Plexus cardiaque

.Gn cardiaque

A. pulmonaire.
___A intercostale

GB thoraciques.
_N thoraciques

OEsophage..

Aorte

N gd splanchnique_

N. p* splanchnique_
.Diaphragme

PLANCHE XXX

NERF GRAND SYMPATHIQUE


(Portion sus-diaphragmatique)

s. DUPRET del. G. DOIN éditeur,


ANatoMië 465

3° Relations du cordon sympathique avec le système cérébro-spinal,


rami communicantes. —- Le grand sympathique ne constitue pas un sys¬
tème indépendant. L'expérimentation, tout d’abord, nous apprend qu’au
point de vue fonctionnel il soutire des centres nerveux (moelle et encéphale)
son pouvoir excito-moteur. La dissection, d’autre part, nous révèle l’exis¬
tence d une multitude de
rameaux qui relient le sym¬
pathique aux nerfs rachi¬
diens et que l’on désigne
sous le nom, très significa¬
tif, de rami-communican-
les.

Ces rameaux communiquants s’échap¬


pent des nerfs rachidiens à leur sortie des
trous de conjugaisons et se portent de là, après
un trajet ordinairement fort court, dans les
ganglions sympathiques les plus voisins.
Comme nous le verrons plus loin, ils sont
extrêmement variables par leur nombre, par
leur volume, par leur direction, par la lon-
ueur de leur trajet. Mais tous ont exactement
la même signification morphologique, qui
est de servir de trait d’union entre la chaîne
Fig. 124.
sympathique et le système cérébro-spinal.
Schéma montrant les relations
probables d’un ganglion sym¬ Les rami-communicantes renferment deux
pathique central avec le cor¬
don du sympa Ihique et avec sortes de fibres, les fibres ganglipètes et les
le système cérébro-spinal. fibres ganglifuges. —-
1, 1, cordon du sympathique. — 2, un ganglion sympathique
central. — 3, racine antérieure d’une paire rachidienne. — Les premières, fibres à
4, ganglion spinal et racine postérieure. — 5, tronc rachidien,
avec : 5’, sa branche de bifurcation antérieure ; 5”, sa bran¬ myéline, vont de la
che de bifurcation postérieure. — 6, ramus communicans. —
7, 7, deux branches efférentes du ganglion sympathique. moelle au sympathique.
—- Les secondes, fibres
de Remak, vont du ganglion sympathique aux nerfs rachidiens et, là, se divi¬
sent en deux groupes : les unes, s’infléchissant en dehors passent dans ces
nerfs rachidiens et gagnent avec eux la périphérie ; les autres, se portant en
dedans, gagnent les racines spinales du nerf rachidien et se terminent,
d’après Ramon Cajal, en partie dans la moelle, en partie dans le ganglion
y

spinal (fig. 124).


De nombreux auteurs désignent les rami-communicamtes sous D nom de
racines ou encore de branches afférentes du grand sympathicme. On voit
LES NERFS EN SCHÉMAS 30
466 GRAND sympathique

maintenant combien cette expression est impropre. Les rameaux en ques¬


tion, en effet, nous présentent toujours, à côté des fibres vraiment afférentes
et intimement mêlées à elles, des fibres qui tirent leur origine des ganglions
et qui, à ce titre, sont manifestement efférentes.

4° Branches efférentes du sympathique. — Les ganglions de la chaîne


sympathique émettent une multitude de branches, dites branches effé¬
rentes. Ces branches, extrêmement variables dans leur volume, rayonnent
dans tous les sens et d’une façon tellement irrégulière qu’elles échappent,
par le fait même de leur irrégularité, à toute description.
Elles se distribuent, après un parcours variable : 1° aux viscères (tierfs vis¬
céraux) ; 2° aux vaisseaux (nerfs vasculaires ou vaso-moteurs) ; 3° aux glan¬
des (nerfs glandulaires ou sécréteurs).
Physiologiquement, les fibres nerveuses constitutives des branches
du sympathique se divisent en sensitives et motrices, les premières apportant
aux ganglions les impressions diverses recueillies à la périphérie, les secondes
transmettant aux muscles et aux glandes les excitations motrices et sécrétoi¬
res élaborées dans les cellules ganglionnaires.

5° Plexus périphériques. — Envisagées du point de vue de leur mode de


distribution, les branches nerveuses du sympathique, quelles que soient leurs
dimensions, ont pour caractéristique une grande tendance à se réunir, à
s’entremêler, en un mot à former des plexus.
Ces plexus périphériques du sympathique occupent d'ailleurs les situa¬
tions les plus diverses. Nous les trouvons, en dehors des organes, sur le tra¬
jet de nerfs volumineux, accessibles alors au scalpel et d’une observation
relativement facile. Mais nous les rencontrons aussi dans l’épaisseur même
des organes, formés alors par des ramuscules excessivement ténus et visibles
seulement au microscope. Dans l’un et l’autre cas, de nombreux renfle¬
ments ganglionnaires entrent le plus souvent dans la constitution des plexus
nerveux périphériques : nous les désignerons sous le n'om de ganglions péri¬
phériques, par opposition aux ganglions centraux, qui sont situés sur le
tronc même du grand sympathique.
Les ganglions nerveux périphériques sont, à leur tour, très variables dans
leur volume : les uns sont visibles à l’œil inu, comme les ganglions du plexus
solaire ; les autres, et ce sont incontestablement les plus nombreux, ne sont
visibles qu’à l’aide du microscope, comme les ganglions du tube intestinal,
suspendus çà et là aux mailles du plexus d’Auerbach, et du plexus de
Meissner.
ANATOMIE 467

6» Structure. — Au point de vue histologique, les nerfs et les ganglions


du grand sympathique différent, sur bien des points, des nerfs et des gau-
glions du système cérébro-spinal.

a) Nerfs. — Les nerfs du grand sympathique, tout d’abord, sont consti¬

tués par des faisceaux de fibres nerveuses, les unes à myéline, les autres sans
myéline ou fibres de Remak, avec
dans la plupart des cas prédomi¬
nance de ces dernières. Le nerf
sympathique doit à la présence des
fibres de Remak cet aspect grisâtre
et translucide qui lui est spécial.

b) Ganglions. — Les ganglions


sympathiques, qu’ils appartiennent
au tronc même du sympathique
(ganglions centraux) ou à l’une de
ses branches (ganglions périphét'i-
ques), nous offrent à considérer,
comme les ganglions cérébro-spi¬
naux : 1° un stroma conjonctif ;
2° des cellules nerveuses ; 3° des
fibres nerveuses.
a) Stroma conjonctif. — Les ^

ganglions sympathiques possèdent Cellule sympathique du ganglion cervical


supérieur, avec sa couronne protoplasmi¬
à leur surface une gaine lamelleu-
que et ses fibres afférentes (d’après Ramon
se, qui les entoure de toutes parts y Cajal).
A, prolongements protoplasmiques courts avec
et se continue, à la limite du gan¬ des épaississements ovalaires formant comme
une couronne au corps protoplasmique. — B,
glion, avec la gaine lamelleuse des prolongements formant comme un glomérule
endocapsulaire.
filets nerveux qui en émanent. De a, cylindraxe. — />, fibres nerveuses afférentes.
— c, arborisations nerveuses de la couronne
la face interne de cette enveloppe protoplasmique.

se détachent des prolongements très


résistants, qui cloisonnent le ganglion et donnent à celui-ci une consis¬
tance considérable.
b) Cellules nerveuses. — Les cellules nerveuses qui entrent dans la consti¬
tution des ganglions sympathiques sont entourées chacune d’une capsule
nucléée, appartenant au type des cellules multipolaires, avec des prolonge¬
ments protoplasmiques plus ou moins développés et un prolongement cylin-
draxile toujours unique :
«) Le prolongement cylindraxile, prend naissance le plus souvent sur le
468 GRAND SYMPATHIQUE

corps protoplasmique lui-tmême. Mais on le voit parfois se séparer, à une


distancé plus ou moins grande de la cellule, d’un prolongement protoplas¬
mique. Quoi qu’il en soit de son origine, sa destinée est toujours la même :
il s’échappe de la cellule pour devenir une fibre de Remak.
P) Les prolongements protoplasmiques ou dendrites, au nombre de 2 à 20,
se comportent différemment suivant les cellules examinées. Ramon y Cajal
distingue à cet égard trois espèces de cellules sa¬
voir : 1° cellules pourvues de dendrites courtes,
avec ou sans renflements, plus ou moins rami¬
fiées, formant dans leur ensemble une sorte de cou¬
ronne (fig. 125), entourant tout le pourtour du
corps protoplasmique ; 2° cellules pourvues de
dendrites longues, franchissant la capsule pour al¬
ler se terminer en dehors d’elle ; 3° cellules mix¬
tes, possédant à la fois des dendrites courtes et des
dendrites longues, les premières à terminaison in-
tra-capsulaire, les secondes à terminaison extra¬
capsulaire. Aux prolongements protoplasmiques
précités se mêlent un certain nombre de fibrilles,
toujours très fines, décrivant parfois comme une
série de cercles autour d’une ou de plusieurs den¬
drites (fig. 125) : ce sont des fibrilles cylindraxiles
venues de cellules plus ou moins éloignées et ap¬
portant à la cellule à laquelle elles se rendent des
Fig. 12G.
Cellules nerveuses sympa¬ incitations diverses qui mettent en jeu leur pro¬
thiques de la grenouille pre activité. Celle disposition se voit très nette¬
(Kky et Riïtzius).

1, cellule nerveuse, avec : ment sur les cellules sympathiques des batraciens
2, son noyau ; 3, sa capsule
nucléée. — 4, fibre droite. — anoures, la grenouille par exemple, qui présentent
5, fibre spirale. — 6, gaine
commune aux deux fibres. deux fibres au lieu d’une (fig. 126) : 1° une fibre
droite, naissant de la cellule au niveau de l’un de
ses pôles et s’en séparant en suivant une direction plus ou moins rectiligne,
c’est pour la cellule une fibre efférente ; 2° une fibre spirale, décrivant tout
autour de la cellule et de la fibre droite un certain nombre de tours de spi¬
res, c’est une fibre afférente, venue d’ailleurs et allant se résoudre, entre le
corps cellulaire et sa capsule nucléée, en une arborisation de fines fibrilles.
c) Fibres nerveuses. — Aux éléments cellulaires se joignent une multi¬
tude de fibres nerveuses, que l’on peut diviser en trois ordres : 1° fibres de
passage, no faisant que traverser le ganglion, de significations diverses : les
unes venant d’un ganglion sympathique plus ou moins éloigné, les autres
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

___Diaphraqmt

_GD semi-lunaire gc

G“'semi-lunaire d‘
Plexus solaire

Rate.

Tronc cœliaque.

Vésicule biliaire.
. Estomac

Pancréas
Pylore.
G“4 sympathiques lombaires
N.

_Capsule surrlo g
Capsule surr'e
_Rein gauche
Rein droit_

A. mésentérique supn
Intestin grêle .

Côlon transverse. _Côlon transverse

A mésentérique infr*

Côlon ascendant_

Côlon descendant

._N sacrés
Cæcum.

V.- cave inf*e.

Côlon sigmoïdien
Gns sympathiques sacrés_

__Rectum

Plexus hypog°__

.A. iliaque int*

Prostate__

.A iliaque ext*
Vésicale séminale

Véüsie. Pubis

Vne dorsales de la verge Epididyme

Testicule

PLANCHE XXXI

NERF GRAND SYMPATHIQUE


{Portion sous-diaphragmatique')

s. DUPRET del.
G. DOIN éditeur,
ANATOMIE 469

d’un lilet nerveux sympathique, un certain nombre émanant du névraxe :


2° fibres efférentes, naissant des cellules ganglionnaires et sortant du gan¬
glion, pour se terminer, soit dans un autre ganglion sympathique, soit dans
un ramus communicans, soit dans un organe ; 3° fibres afférentes, de prove¬
nances les plus diverses, entrant dans le ganglion et s'y terminant par des ex¬
trémités libres qui, suivant les cas, se perdent entre les cellules ganglionnaires
ou bien entourent celles-ci d’un véritable nid péri-cellulaire.

7° Division. — Le grand sympathique forme .un tout continu, depuis


son extrémité supérieure répondant à l’atlas, jusqu’à son extrémité infé¬
rieure située en regard de la dernière vertèbre sacrée. On le divise en général,
pour la commodité de l’étude, en quatre portions : portion cervicale, poélion
thoracique, portion lombaire, portion sacrée. Chacune de ces portions com¬
prend comme éléments constituants :
1° Le tronc même du sympathique, avec ses ganglions ;
2° Ses branches afférentes ou rarni communicantes ;
3° Ses branches efférentes.

S 2. - SYMPATHIQUE CERVICAL

1" Tronc et ganglions. — A la région cervicale, le-cordon du sympathi¬


que se trouve placé en dehors du paquet vasculo-nerveux du cou, au-devant
de l’aponévrose prévertébrale. 11 nous présente trois ganglions (fig. 123), que
l’on distingue en supérieur, moyen et inférieur :
a) Le ganglion cervical supérieur, le plus volumineux des trois, est situé
de chaque côte dj pharynx, en avant des deuxième et troisième vertèbres
cervicales. Allongé et fusiforme, il mesure de 2 à 3 centimètres de longueur.
b) Le ganglion cervical moyen est situé à la partie inférieure du cou, en
regard de la cinquième ou de la sixième cervicale, tout à côté de l’artèue thy¬
roïdienne inférieure. Il fait très souvent défaut et, quand il existe, il est de
toutes petites dimensions.
c) Le ganglion cervical inférieur, relativement volumineux est profondé¬
ment situé au-devant de la première articulation costo-vertébrale, dans l’an¬
gle, à sinus ouvert en haut, que forment entre elles l’artère vertébrale et
l’artère sous-clavière. C’est un complexe anatomique résultant de la fusion,
à l’entrée du thorax, du ganglion cervical inférieur et du premier thoracique
ou même des deux premiers thoraciques (ganglion confondu de certains au¬
teurs). Au point de vue de sa forme, le ganglion confondu est extrêmement
470 GRAND SYMPATHIQUE

variable : il est, suivant les sujets, plus ou moins aplati, arrondi, triangu¬
laire, allongé en fuseau ; il a aussi, dans bien des cas, la forme d’un corps
semi-lunaire embrassant par sa concavité le col de la première côte.

2<> Rami-communicantes. — Les rami-communicantes qui se rendent


des branches antérieures des nerfs cervicaux aux trois ganglions du
sympathique cervical proviennent 1° pour le ganglion cervical supé¬
rieur, des quatre premières
A. cérébrales paires cervicales ; 2° pour le
ganglion cervical moyen
(quand il existe), des cin¬
Paroi interne de la caisse du
tympan avec le nerf de Jacobson quième, sixième et quelque¬
fois .septième paires cervi¬
cales ; 3° pour le ganglion
cervical inférieur, des deux
dernières paires cervicales,
quelquefois de la huitième
cervicale seulement. Le gan
glion cervical inférieur re¬
çoit encore, dans la plupart
des cas, un filet du premier
nerf intercostal : rappelons,
en passant, que ce filet ren¬
ferme des libres motrices
destinées à l’iris.

3° Branches efférentes.
— Les branches efférentes
22

car externe proviennent à la fois des


trois ganglions cervicaux :
primitive
a) Branches efférentes

DU GANGLION SUPÉRIEUR. —

Fis. 127. Nous pouvons les diviser


Le ganglion cervical supérieur du grand en quatre groupes (fig. 127) :
.sympathique du côté droit et ses bran¬
ches efférentes (schématique).
1, ganglion cervical supérieur, vu par son côté externe. — 2, branche crânienne postérieure. —
3, branche crânienne antérieure. — 4, plexus carotidien. — 5, plexus oaverneux. — 6, filet carotico-
tympanique. — 7, filet carotidien du nerf vidien. — 8, ganglion sphéno-palatin. — 9, ganglion
ophthalmique. — 10, nerfs de l’œil. — 11, trijumeau et ganglion de Gasser. — 12, filets muqueux
et méningiens. — 13, glosso-pharyngien. — 14, pneumogastrique. — 15, grand hypoglosse. — 16,
branches postérieures du ganglion. — 17, 17’, 17”, rameaux pharyngiens, laryngés, thyroïdiens. —
18, rameaux carotidiens. — 19, deux rameaux du glosso-pharyngien et du pneumogastrique allant
au plexus intercarotidien. — 20, plexus intercarotidien. — 21, plexus thyroïdien supérieur. — 22,
plexus lingual. — 23, plexus facial. — 24, nerf cardiaque supérieur. — 25, cordon cervical du
grand sympathique.
ANATOMIE 471

a) Branches supérieures ou crâniennes. — Elles sont au nombre de deux,


l’une antérieure, l’autre postérieure : ,
1° La branche postérieure se dirige en arrière vers le trou déchiré posté¬
rieur et se divise en plusieurs rameaux, rameaux anastomostiques, qui se
jettent dans les trois nerfs pneumogastrique, glosso-pharyngien et grand
hypoglosse.
2° La branche antérieure se porte en avant vers la carotide interne et l’en¬
lace dans un riche réseau, qui prend successivement les noms de plexus caro¬
tidien et de plexus daverneux. —- Du plexus carotidien naissent deux filets :
1° le filet carotico-tympanique, qui se réunit, dans la caisse du tympan, avec
le nerf de Jacobson ; 2° le filet carotidien du nerf vidien, qui va au ganglion
sphéno-palalin. — Du plexus caverneux partent : 1° de très nombreux filets
pour le corps pituitaire, les méninges, les sinus sphénoïdaux, les branches do
la carotide interne ; 2° des rameaux anastomostiques pour les nerfs de l’orbite
(moteur oculaire externe, moteur oculaire commun, pathétique, ophthalmi-
que ; 3° un filet pour le ganglion de Gasser ; 4° la racine sympathique du
ganglion ophthalmique.
b) Branches postérieures. — Les branches postérieures, musculaires et
osseuses, se dirigent en arrière pour se perdre dans les muscles préverté¬
braux et dans les vertèbres cervicales.
c) Branches antérieures. — Les branches antérieures se portent vers fan
gle de bifurcation de la carotide primitive et, là, forment, entre les deux
carotides interne et externe, un riche plexus, le plexus intercarotidien. Ce
plexus donne naissance à de très nombreuses branches qui, à leur tour,
forment des plexus secondaires sur les différentes divisions de l'artère caro¬
tide externe : le plexus thyroïdien supérieur, le plexus lingual, le plexus fa¬
cial, le plexus auriculaire postérieur, le plexus occipital, le plexus pharyngien
inférieur, le plexus temporal superficiel, le plexus maxillaire interne, qui ré¬
pondent aux artères de même nom.
d) Branches internes. — Les branches internes, se portant en dedans, se
jettent sur les organes viscéraux de la région cervicale : pharynx, œsophasre
larynx, corps thyroïde. Un certain nombre se réunissent pour former le nerf
cardiaque supérieur.

b) Branches efférentes nu ganglion moyen. — On les distingue en :

1° branches thyroïdiennes, qui se portent sur l’artère thyroïdienne infé¬


rieure, en formant le plexus thyroïdien inférieur ; 2° branches cardiaques,
qui se dirigent vers le cœur, en formant le nerf cardiague moyen.
472 GRAND SYMPATHIQUE

c) Branches efférentes pu ganglion inférieur. — On les divise en trois


groupes : externes, ascendantes et descendantes.
a) Branches externes. — Elles se jettent sur l’artère sous-clavière et for¬
ment autour de ses différentes branches autant de plexus. Ce sont les nerfs
vaso-moteurs du membre supérieur.
b) Branches ascendantes. — Les branches ascendantes se portent en haut
et s’engagent, avec l’artère vertébrale, dans le canal que forment à cette
artère les apophyses transverses des vertèbres cervicales. Leur ensemble
constitue ce que l’on désigne, en physiologie comme en anatomie, sous le
nom de nerf vertébral. De ces branches ascendantes, les unes s’étalent en
plexus autour de l’artère vertébrale (plexus vertébral), qu’elles accompagnent
jusque dans le crâne, en formant successivement, autour des branches de ce
tronc artériel, les plexus spinaux, le plexus basilaire, le plexus cérébral pos¬
térieur, etc. ; les autres, au lieu de se terminer sur l’artère vertébrale, se
jettent sur les derniers nerfs cervicaux et, dès lors, font partie intégrante de
ces derniers.
c) Branches descendantes. — Elles se portent en dedans et en bas vers
le médiastin. L’une de ces branches se jette sur le nerf récurrent, dont elle
partage la distribution. Une autre rejoint le nerf phrénique. Une troisième
se rend à l’œsophage. Une quatrième descend dans le plexus pulmonaire. Un
dernier groupe de filets (filets cardiaques) se fusionnent entre eux pour
former le nerf cardiaque inférieur. Il existe donc, de chaque côté de la
colonne vertébrale, trois nerfs cardiaques, supérieur, moyen et inférieur,
provenant respectivement du ganglion cervical supérieur, du ganglion cer¬
vical moyen et du ganglion cervical inférieur.

§ 3. — SYMPATHIQUE THORACIQUE

1" Tronc et ganglions. — Le sympathique thoracique descend, à droite


et à gauche de la colonne vertébrale, de la première à la douzième dorsale.
11 repose sur la tête des côtes, croisé par les vaisseaux intercostaux, recouvert
par la plèvre. Il nous présente, sur son trajet, de dix à douze ganglions : ce
sont les iganglions thoraciques.

2 Rami-communicantes. —- Chaque ganglion thoracique est relié à l’un


des deux nerfs intercostaux voisins, au moins par un ramus communicans,
bien souvent par deux. 11 est encore assez fréquent de voir un certain nom¬
bre de ganglions thoraciques recevoir chacun deux racines, l'une de l’inter¬
costal qui est au-dessus, l’autre de l’intercostal qui est. au-dessous. Il y a sur
ce point de très nombreuses variations.
ANATOMIE 473

3o Branches efférentes. — Elles se comportent différemment dans la


partie supérieure et dans la partie inférieure du thorax :

a) Branches efférentes supérieures. — Elle se dé¬


tachent des quatre ou cinq premiers ganglions thora¬
ciques et fournissent des rameaux aux vertèbres voisi¬
nes, à l’œsophage, à l’aorte, aux poumons.

bj Branches efférentes inférieures. — Elles nais¬


sent des sept ou huit ganglions inférieurs. Elles se réu¬
nissent pour former deux nerfs : le grand splanchni¬
que et le petit splanchnique, auxquels se rattachent les
ganglions semi-lunaires (fig. 128).
a) Grand splanchnique. — 11 naît des ganglions tho¬
raciques moyens par quatre ou cinq
branches, qui se dirigent en bas et se
réunissent au niveau de la onzième
dorsale. Ainsi formé, il continue son
trajet descendant, traverse le dia¬
phragme et se jette dans l’angle exter¬
ne du ganglion semi-lunaire corres¬
pondant.
b) Petit splanchnique. — Il est for¬
mé par la réunion des rameaux venus
des derniers ganglions thoraciques. 11
traverse lui aussi le diaphragme et, ar-
Fig. 128 rivé dans la cavité abdominale, se par¬
Sympathique thoracique droit, avec
les nerfs splanchniques. tage en trois branches, qui se jettent .
1, ganglion cervical inférieur, avec, sur son 1° l’une dans le ganglion semi-lunaire
côté externe, la coupe de la première côte.
— 2, 2, 2, nerfs intercostaux. — 3, diaphrag¬ ou dans le grand splanchnique ; 2° une
me. — 4, chaîne ganglionnaire thoracique,
avec 4’, rami communicantes. — 5, gan¬
glion semi-lunaire droit. — 6, nerf grand
autre dans le plexus solaire ; 3° la troi¬
splanchnique, avec 6’ ganglions de Lobstein.
—- 7, nerf petit splanchnique. — 8, nerf sième dans le plexus rénal.
pneumogastrique droit. — 8’ portion de ce
nerf se rendant au ganglion semi-lunaire et c) Ganglions semi-liinéires. ■— On
formant, avec le ganglion et le nerf grand
splanchnique du même côté, l'anse de désigne sous ce nom deux ganglions
Wrisberg. — 9, œsophage. — 10, aorte. —
11, plexus solaire. — 12, artère rénale, avec volumineux en forme de croissants à
son plexus. — 13, muscle psoas. — 14. mus¬
cle carré des lombes.
concavité supérieure, l’un droit, l’au¬
tre gauche, situés à la partie postéro-
supérieure de l’abdomen, en avant des piliers du diaphragme, en dedans des
capsules surrénales, un peu au-dessus du pancréas. Ils reçoivent des branches
et en émettent :
474 GRAND SYMPATHIQUE

а) Leurs branches afférentes sont formées par les grands splanchniques, qui
abordent les ganglions par leur côté externe. Rappelons que, à l’extrémité
interne du ganglion semi-lunaire droit (lig. 128, 5), aboutit le nerf pneumo¬
gastrique droit, formant avec le ganglion et le grand splanchnique du même
côté ce que l’on désigne sous le nom d’anse mémorable de ^Yrisberg.

б) Les branches efférentes des ganglions semi-lunaires forment au-dessous


des ganglions un vaste plexus, qui s’étale au-devant de l’aorte et du tronc
cœliaque : c’est le plexus solaire (fig. 128, 11). Sur ses mailles se disposent
toujours un certain nombre de petits ganglions, les ganglions solaires. Du
plexus solaire s’échappent une multitude de branches, qui se distribuent aux
•viscères abdomino-pelviens, en suivant le trajet de leurs artères, et en for¬
ment sur elles autant de plexus secondaires. On compte douze plexus : les
plexus diaphragmatiques inférieurs, coronaire stomachique, splénique, hépa¬
tique, mésentérique, supérieur, surrénaux, rénaux, spermatiques. Chacun de
ces plexus se divise à son tour, en même temps que les artères qu'ils accom¬
pagnent, en plexus de troisième et de quatrième ordres, qui suivent les divi¬
sions et subdivisions des artères.

§ 4. - SYMPATHIQUE LOMBAIRE

1° Troncs et ganglions. — Le cordon du grand sympathique passe du


thorax dans l’abdomen en traversant le pilier correspondant du diaphragme.
Arrivé dans la cavité abdominale, il oblique légèrement en dedans pour se
rapprocher de la ligne médiane et vient se placer alors sur la partie antéro¬
latérale de la colonne lombaire, immédiatement en dedans des insertions
du muscle psoas. 11 est recouvert, à gauche par l’aorte abdominale, à droite
par la veine cave inférieure.

En haut, le sympathique lombaire commence à l’orifice diaphragmatique,


qu’il traverse. Il se termine, en bas, à l’articulation de la cinquième lombaire
avec le sacrum.

Le sympathique lombaire nous présente généralement, sur son trajet,


quatre ganglions, quelquefois trois, quelquefois cinq. Ce sont les ganglions
lombaires.

2° Rami-communicantes. — Us viennent des nerfs lombaires. Us sont


souvent au nombre de deux pour chaque ganglion.
ANATOMIE 475

3° Branches efférentes. — Les branches efférentes du sympathique lom¬


baire >se distinguent en rameaux osseux, rameaux lombaires et rameaux
préaortiques :
a) Rameaux osseux. — Ce sont des filets fort grêles, qui se perdent dans
les vertèbres lombaires.
b) Rameaux lombaires. — Us se jettent sur les artères lombaires et se
distribuent aux parois de ces vaisseaux.
c) Rameaux préaortiques — Ces rameaux, comme leur nom l’indique, se
portent au-devant de l’aorte et, là, forment un important plexus, le plexus
lombo-aortique.
Le long de ses mailles se disposent, comme pour le plexus solaire, un grand
nombre de petits ganglions.
Du plexus lombo-aortique s’échappent de nombreux rameaux, qui sc jet¬
tent sur les artères spermatiques, lombaires, mésentériques inférieures, ilia¬
ques primitives, en formant autour de ces artères et de leurs branches autant
de plexus. Rappelons que les rameaux qui se rendent aux iliaques primitives
vont constituer les vaso-moteurs du membre inférieur, en suivant successi¬
vement l’iliaque externe, la fémorale et les branches collatérales ou termi¬
nales de ces deux troncs artériels.

§ 5. - SYMPATHIQUE SACRÉ

1° Troncs et ganglions — Le sympathique sacré descend sur la face anté¬


rieure du sacrum, en dedans des trous sacrés antérieurs, en arrière du rectum.
Il présente, sur son trajet, quatre ou cinq ganglions, les ganglions sacrés.
Arrivés au coccyx, les deux sympathiques droit et gauche, quoique très
rapprochés, peuvent conserver leur indépendance réciproque jusqu’à leur
terminaison : mais cette disposition est relativement rare. Le plus souvent,
ils se réunissent l’un à l’autre, soit en formant une anse à concavité dirigée
en haut (anse coccygienne), soit en formant un angle plus ou moins aigu,
fin ganglion minuscule, le ganglion coccygien ou ganglion impair, se déve¬
loppe parfois au point où s’effectue la réunion des deux sympathiques.

2° Rami-communicantes. — Ils vont des nerfs sacrés aux ganglions. On


en compte généralement deux pour chaque ganglion.

3° Branches efférentes. — l/es branches efférentes du sympathique sacré


se divisent en deux groupes : branches internes et bixmches antérieures.
476 GRAND SYMPATHIQUE

a) Branches internes. — Remarquables par leur ténuité, autant que par la


brièveté de leur trajet, les branches internes se distribuent : 1° au sacrum ;
2° à la partie inférieure du rectum ; 3° à l’artère sacrée moyenne.
n) Branches antérieures. — Les branches antérieures, à la fois très nom¬
breuses et relativement volumineuses, forment dans l’excavation pelvienne,
sur les côtés du rectum et de la vessie chez l’homme, sur les côtés du rectum
et du vagin chez la femme, un important plexus, le plexus hypogastrique,
qui se continue, en haut, avec le plexus lombo-aortique.
A ce plexus, formé en majeure partie par des rameaux issus des ganglions
sympathiques s’ajoutent toujours des rameaux émanant directement des troi¬
sième et quatrième nerfs sacrés. Sur ses mailles se trouvent de nombreux
renflements ganglionnaires.
Envisagé au point de vue de sa distribution, le plexus hypogastrique
innerve l’ensemble des viscères contenues dans le bassin. Ces branches
viscérales se portent pour la plupart vers leur champ de distribution, en
suivant les artères et en formant autour d’elles autant de plexus secondai¬
res : le plexus hémorrhoïdal moyen, le plexus vésical, le plexus prostatique,
le plexus vêsico-sêminal, dont le nom seul indique le territoire. Chez 'a
femme, le plexus prostatique et le plexus vésico-séminal de l’homme sont
remplacés par les deux plexus vaginal et utérin.

ARTICLE II

PHYSIOPATHOLOGIE

Le nerf grand sympathique préside à l’exécution de tous les actes vitaux


qui s’accomplissent dans le corps des vertébrés, indépendamment du con¬
cours de la volonté et du contrôle de la sensibilité consciente. Il régit en quel¬
que sorte automatiquement les circulations locales et la pression du sang
dans les artères, les mouvements de l’estomac et des intestins, la sécrétion et
l’excrétion de toutes les glandes de l’économie, les échanges nutritifs de tous
les tissus ; il lient sous sa dépendance la plupart des réactions réflexes adap¬
tées au fonctionnement des appareils respiratoire, digestif et uro-génital ; il
maintient l’occlusion des sphincters ; il joue un rôle important dans le mé¬
canisme qui assure l’équilibre du corps dans la station verticale et la marche ;
il prend une part accessoire, mais non négligeable, à la netteté de la vision
fil VSlüPATl iOLOGrlJi 477

et de l’audition, par les mouvements de l’iris eL la tension de la membrane


du tympan qu’il commande. Elan! donné 1 extrême complexité de ses fonc-
lions, nous diviserons son élude en six paragraphes contenant : le premier,
un aperçu historique des idées de Bichat ; les deuxième, troisième et qua¬
trième, un résumé des expéi’iences fondamentales relatives aux nerfs vaso¬
moteurs, pilo-moteurs et trophiques : le cinquième, l’énumération des prin¬
cipales maladies dépendant de perturbations du système sympathique ; le
sixième, l’exposé succinct des faits sur lesquels repose la notion, récemment
introduite dans la science, de l'antagonisme physiologique des réactions du
système sympathique et du système dit autonome ou para-sympathique.

§ 1. - LE SYSTÈME SYMPATHIQÜE^D’APBÈS BICHAT

Bichat a divisé le système nerveux des animaux vertébrés en deux parties


anatomiquement et physiologiquement distinctes : 1° le système de La vie
animale ou de relation, formé par l’axe cérébro-spinal et les nerfs qui en
partent pour aller sc distribuer aux parties sensibles du corps et aux muscles
moteurs volontaires ; 2° le système de la vie organique ou végétative, repié-
senté par le grand sympathique, destiné surtout aux viscères, plus particu¬
lièrement aux vaisseaux sanguins des grands viscères dont les fonctions
s’accomplissent sans le concours de la sensibilité consciente et de la motri¬
cité volontaire.
La lecture du chapitre de l’anatomie générale où Bichat expose les raisons
qui l’ont décidé à établir cette division est d’un grand intérêt pour les per¬
sonnes curieuses de se rendre compte de l’évolution des idées scientifiques.
Le système nerveux de la vie organique se compose, dit-il, d’une série de
ganglions reliés les uns aux autres par des anastomoses. Chacun de ces gan¬
glions est <( un centre particulier, indépendant des autres par son action,
fournissant ou recevant des nerfs particuliers, comme le cerveau fournit ou
reçoit les siens, n’ayant rien de commun que par les anastomoses avec les
autres organes analogues ; en sorte qu’il y a cette remarquable différence
cintre le système nerveux de la vie animale et celui de la vie organique, que
c’est au cerveau qu’arrive toute espèce de sentiment, et que c’est de lui que
part toute espèce de mouvement, tandis que dans le second il y a autant de
petits centres particuliers, et par conséquent de petits systèmes nerveux
secondaires qu’il y a de ganglions. )>
Dams son esprit, ce qu’on appelle le nerf grand sympathique n’existe
point réellement, ou du moins n’est, pas un nerf semblable aux nerfs rachi-
478 GRAND SYMPATHIQUE

diens. Le cordon continu du sympathique, qui s’étend depuis le cou jusqu’au


bassin « n'est autre chose qu’une suite de communications nerveuses, une
série de branches que les ganglions placés les uns au-dessus des autres s’en¬
voient réciproquement, et non un nerf partant du cerveau ou de l’épine.
• Bichat ignore la composition histologique et les attributs fonctionnels de
ces ganglions. Il l’avoue franchement : « Je m’ai dit-il, aucune opinion sur
la nature ni sur les fonctions des ganglions, puisque je n’ai aucun fait pour
m’appuyer ; mais, certainement, il y a quelque chose de plus dans leur tissu
que l’épanouissement des fibres nerveuses. » 11 suppose cependant qu’ils
constituent des centres autonomes d’innervation, complètement indépendants
du cerveau et de la moelle épinière.
Il constate que la plupart des filets nerveux émanés des ganglions
s’entrelacent en manière de plexus, enveloppent les artères et les accompa¬
gnent dans leur trajet. En général, c’est sur celles qui se rendent dans les
viscères que ces plexus sont le plus apparents : « ce qui suppose certaine¬
ment un usage que nous ignorons, relativement à la circulation ou aux au¬
tres fonctions organiques ; car comme ces vaisseaux distribuent surtout
les matériaux de ces fonctions, des sécrétions, des exhalations, de la nutri-
lien, etc., sans doute que les nerfs organiques ont quelque influence sur
elles. »
Pour ce qui concerne la pathologie, il remarque que les ganglions du
grand sympathique et les filets qui en partent sont peu sensibles aux excita¬
tions extérieures ; que leur irritation expérimentale ne donne lieu ni à de
vives douleurs ni à des contractions musculaires violentes ; mais qu’à l’état
pathologique leur sensibilité est susceptible de s’exalter beaucoup ; cepen¬
dant les douleurs dépendant de leur irritation sont très différentes de celles
qui se produisent dans les nerfs de la vie animale : « elles sont profondes,
portent au cœur, comme on le dit. » Les coliques nerveuses « qui siègent
manifestement dans les nerfs des ganglions semi-lunaires, et se répandent
dams tout le trajet des artères abdominales... sont de véritables névralgies du
système nerveux de la vie organique ; or, ces névralgies n’ont absolument
rien de commun avec le tic douloureux, la sciatique et autres névralgies du
système nerveux de la vie animale. Les symptômes, la marche, la durée, etc.,
tout est différent dans l’une et l’autre espèce d’affections ».
L’avenir a démontré la justesse de la plupart des prévisions géniales de
Bichat. En l’état actuel de nos connaissances, sa conception du système ner¬
veux de la vie organique n’a été modifiée que sur quelques points. Le plus
important résulte du fait que le grand sympathique n’est pas le seul nerf
affecté au fonctionnement des grands viscères thoraco-abdominaux. Le fa-
PHYSIOPATHOLOGIE 479

cial (ou pour mieux dire la portion du facial qui provient du noyau lu
nerf intermédiaire de Wrisberg) que Winslow avait appelé le petit sympa¬
thique, le pneumogastrique que le même anatomiste appelait le moyen sym¬
pathique, le glosso-pharyngien, le spinal ont, par une bonne partie de leui's
fibres, une influence au moins aussi grande sur les poumons, le cœur, l’œso¬
phage et l’estomac que le grand sympathique lui-même ; d’aûtre part, quel¬
ques nerfs provenant directement du segment inférieur de la moëlle prési¬
dent à la turgescence des organes érectiles, et à la sécrétion des glandes de
l’appareil génital. Aussi, certains auteurs ont-ils pensé qu’il était logique
de rattacher l’ensemble de ces nerfs, dont l’activité n’implique ni la partici¬
pation de la sensibilité consciente ni celle de la motricité volontaire, au systè¬
me nerveux de la vie végétative. Mais, considérant qu’ils ine sont pas aussi
exclusivement attachés au fonctionnement des grands viscères que le grand
sympathique, ils ont proposé de les décrire dans un groupe annexe, sous le
nom de système autonome. Cette idée a été exposée par de Blainville, Gas-

kel, Langley, etc. ; Grasset l’a développée avec beaucoup de talent dans ses
études sur la physiologie clinique des centres nerveux et quelques patho¬
logistes modernes divisent aujourd’hui, le sympathique en trois portions •
1° une portion moyenne, répondant au cou, au thorax et à l'abdomen,
portion cervico-thoraco-abdominale ; 2° une portion supérieure, située à
la base de la boîte crânienne et se distribuant à la face et aux organes
des sens, portion crânienne ; 3° une portion inférieure, répondant au bas¬
sin, portion pelvienne. Or, tandis que la portion moyenne constituerait pour
eux le système sympathique proprement dit, les deux autres formeraient un
autre système, qu’ils désignent sous le nom de système autonome ou para¬
sympathique. Cette division ne nous paraît pas justifiée. Anatomiquement, le
système sympathique est un. Sa portion crânienne, en majeure partie formée
par des rameaux provenant du ganglion cervical supérieur, est une continua¬
tion du sympathique cervical. Quant à sa portion pelvienne, elle est le pro¬
longement, sans ligne de démarcation aucune, du sympathique lombaire. Si
le sympathique paraît avoir des réactions physiologiques ou pathologiques
différentes dans ses diverses parties, c’est parce qu’avant d’arriver aux orga¬
nes, dans lesquels il se distribue, il s’est mélangé à des nerfs crâniens ou ra¬
chidiens, doués eux-mêmes d’attributs fonctionnels différents.
En résumé, le fond de la doctrine de Btciiat est demeuré intangible depuis
l’époque où ont été publiés, en 1799 et 1800, les Recherches sur la vie et sur
la mort et le Traité d'anatomie générale de cet éminent biologiste. Les étu¬
des poursuivies dans le courant du XIXe siècle ont, à la vérité, introduit dans
la science, des notions nouvelles sur les nerfs vaso-moteurs, mais ces notions
480 GRAND SYMPATHIQUE

n’ont lien changé à la conception de Bichat sur le rôle du grand sympathique


dans les phénomènes de la vie organique.

§ 2 - NERFS VASO-MOTEURS

1° Comment ont été découverts les nerfs vaso-moteurs et les circula¬


tions locales. — On savait, depuis les temps les plus reculés, que certaines
émotions font rougir ou pâlir la peau du visage, et que les variations de la
température extérieure s’accompagnent de modifications corrélatives de la
coloration et de la vascularisation des extrémités.
On savait également, depuis la fin du XVIIIe siècle, par les expériences
d’un médecin hollandais, Verschuir, que la réfrigération du mesentère du
crapaud ou de la membrane interdigitale des grenouilles, détermine un
rétrécissement très marqué du calibre des artérioles de ces organes.
On savait enfin, depuis 1840, par les recherches histologiques de Henle,

que les tuniques artérielles contiennent des fibres musculaires lisses, et par
celles de Stilling que ces fibres musculaires sont innervées par des filets
nerveux provenant du grand sympathique.
On était dès ce moment sur la voie qui devait conduire à la découverte
des nerfs vaso-moteurs et des circulations locales, mais on ignorait encore
absolument que le système nerveux de la vie végétative exerçât par son action
sur la tunique contractile des vaisseaux sanguins, une influence régulatrice
permanente.sur le débit du sang dans les réseaux vasculaires des différentes
régions du corps.
Deux expériences fondamentales ont démontré cette subordination des
circulations régionales à l’action du grand sympathique. La première a été
faite en 1851 par Claude Bernard : si on sectionne d’un côté du cou le
cordon sympathique d’un lapin, on constate, entre autres phénomènes, que
l’oreille correspondante rougit, que sa température s’élève de plusieurs
degrés, et que si on y fait une plaie elle saigne abondamment ; la seconde,
a été réalisée en 1852, par Brown-Séouard : si on excite par l'électricité le
bout céphalique du cordon sympathique cervical préalablement transsec¬
tionné d'un lapin, l’oreille du côté correspondant pâlit, sa température
s’abaisse, et si on y fait une plaie, celle-ci saigne très peu.
La comparaison de ces deux expériences qui se contrôlent et se complè¬
tent l’une par l’autre, prouve qu’à côté de la circulation générale comman¬
dée par les contractions du cœur, il y a des circulations locales, régies par
des nerfs provenant du sympathique, qui se rendent dans les artères dont le
PHYSIOPATHOLOGIE 481

calibre est augmenté ou diminué, selon que ces nerfs sont sectionnés ou exci¬
tés ; ils méritent donc par ce fait le nom de vaso-moteurs.
L’étude des réactions vaso-motrices est alors devenue l’un des sujets de
recherches qui ont le plus captivé les physiologistes depuis le milieu du
siècle dernier. Après Claude Bernard et Brown-Séquard, Schiff, Stricker,
Eckhard, Vulpian, Goltz, Mosso, François-Franck, Jolyet et Lafont, Das-
tre et Morat, Vertheimer, Hé'don, etc..., se sont successivement occupés de
cette question. Grâce à leurs travaux, on possède aujourd’hui une documen¬
tation expérimentale très variée, et assez précise pour qu’on soit en mesure de
comprendre le rôle important que joue la vaso-motricité en physiologie et en
pathologie, et de discerner les divers mécanismes par lesquels elle s’exerce.
Nous allons donner un aperçu succinct des principaux problèmes dont la
solution est maintenant acquise.

2° Distinction des nerfs vaso-moteurs en vaso-constricteurs et vaso¬


dilatateurs. — Nous venons de voir que dans les deux expériences initiatri¬
ces de Claude Bernard et de Brovvn-Sé'ouard, la section du sympathique au
cou provoque la dilatation et son excitation, la constriction des artérioles de
l’oreille. On pouvait donc être tenté d’en déduire que la vaso-dilatation est le
résultat de la paralysie, et la vaso-constriction, l’effet de l’excitation d’une
seule espèce de nerfs auxquels convenait le nom1 de vaso-constricteurs, puis¬
que leur activité détermine la constriction des réseaux vasculaires qu’ils in¬
nervent.
De nouvelles expériences ne tardèrent pas à démontrer qu’il existe une
autre espèce de nerfs vaso-moteurs, dont l’action est inverse de celle de vaso-
constricteurs, car leur excitation est suivie de la dilatation immédiate et leur
section du rétrécissement relatif du calibre des vaisseaux intéressés. Ils sont
donc vaso-dilatateurs.
Leur découverte a été faite en 1857 et 1858 par Claude Bernard, dans le
cours de ses recherches sur les fonctions des nerfs présidant à la sécrétion
de la glande sous-maxillaire.
Cette glande, dont l’excitant physiologique est l’irritation mécanique —
surtout par des substances sapides — portant sur les deux tiers antérieurs
de la muqueuse de la langue, tire son innervation du ganglion sous-maxil¬
laire, lequel reçoit lui-même : des filets sensitifs provenant du trijumeau
par le nerf lingual, des filets moteurs qui viennent du nerf intermédiaire de
Wrisberg et du facial par la corde du tympan, enfin des filets du grand sym¬
pathique émanés du ganglion cervical supérieur fvov. page 117, fig. 51).
Ludwig avait fait sur elle, en 1851, une expérience célèbre. Il avait démon-
LES NERFS EH SCHÉMAS 31
482 (JKAiNL) SYMPATHIQUE

tré que l’excitation électrique du nerf lingual détermine une abondante


sécrétion de salive, et que la pression de cette salive mesurée au dynamomè¬
tre, à l'aide d’une canule préalablement lixée dans le canal de Warthon,
peut être supérieure à la pression du sang circulant dans les grosses artères
du cou ; fait d’une importance capitale au point de vue de la physiologie
générale des fonctions glandulaires, car il prouve que la sécrétion n’est pas
comme on le pensait autrefois, une simple filtration élective du sérum san¬
guin à travers les cellules épithéliales des glandes.
Claude Bernard reprit en 1857 et 1858 l’expérience de Ludwig dans le
but de rechercher l’action propre qu’exerce sur l’excrétion de la salive l’ex¬
citation de chacun des nerfs qui se rendent à la glande sous-maxillaire. Il
résulte de ses recherches, dont nous ne pouvons, ici, relater tous les détails :
1° Que l’excitation du bout central ou du bout périphérique du nerf tym-
patico-lingual (c’est-à-dire de la portion du nerf lingual dams laquelle a péné¬
tré et est incluse la corde du tympan), provoque une abondante excrétion
de salive aqueuse, limpide, très peu chargée de sels. Mais que, si on excite
isolément avant leur coalescence, le nerf lingual ou la corde du tympan
préalablement sectionnés, la salivation ne se produit que lorsque l’excitation
porte sur le bout central du lingual, ou sur le bout périphérique de la corde
du tympan.
2° Que, si l’on excite les filets du grand sympathique qui se rendent à la
glande, il ne s’écoule par la canule placée dans le canal de Warthon qu’une
toute petite quantité de salive épaisse, visqueuse, et très chargée de sels, qui
ne tarde pas à s’arrêter complètement, même si on continue à électriser le
nerf.
3° Et c’est là le point qui nous intéresse tout particulièrement en ce
moment, que l’excitation du bout périphérique de la corde du tympan
détermine, en même temps que l’hyperexcrétion salivaire déjà signalée, une
hypérémie très marquée de la glande qui devient rouge et turgescente. Des
artérioles à peine visibles avant l’excitation, deviennent très distinctes après;
les capillaires se dilatent, les veines s’emplissent de sang rouge, rutilant ;
elles deviennent pulsatiles comme des artères, et la température du sang
qu’elles contiennent s’élève de 1 à 2 degrés.
Vulpian, Dastre et Morat, etc., ont constaté plus tard que l’hypérémie
résultant de l’excitation de la corde du tympan ne reste pas limitée au
parenchyme de la glande ; elle s’étend au tissu conjonctif qui l’enveloppe,
où se produisent souvent des écchyinoses ou des extravasations sanguines,
et aussi aux deux tiers antérieurs de la muqueuse de la langue, à la voûte
palatine et à l’amygdale du côté correspondant, c’est-à-dire dans les parties
PHYSIOPATHOLOGIE 48Ü

de la cavité bucco-pharyngienne, où se distribuent les rameaux de la corde


du tympan qui ne se sont pas arrêtés dans la glande sous-maxillaire.
Ainsi a été démontrée pour la première fois, expérimentalement, l'exis¬
tence d'um nerf vaso-dilatateur, et expliqué d’une façon satisfaisante le méca¬
nisme physiologique de la sécrétion d'une glande salivaire. L’excitation par
une substance sapide de la langue impressionne les libres sensitives du tri¬
jumeau (nerf centripète) ; l’impression transmise aux centres nerveux est
rélléchie sur la corde du tympan (nerf centrifuge, vaso-dilatateur) et déter¬
mine dans le réseau vasculaire de la glande sous-maxillaire, une suractivité
locale de la circulation sanguine qui facilite l’excrétion de la salive.
Des mécanismes analogues entrent en jeu dans la sécrétion de la glande
parotide, des glandes lacrymales, et d’une façon générale de toutes les glan¬
des à sécrétion externe.
Notons avant d’aller plus loin que la vaso-dilatation et la vaso-constriction
ne sont pas les deux faces d’un phénomène physiologique dont l’une serait
purement et simplement l’antagoniste de l’autre. 11 y a dans les modalités de
leur production quelques particularités qui les différencient nettement et
qu’il convient de signaler : 1° la période d’excitation latente est plus longue
pour les nerfs dilatateurs que pour les constricteurs : elle est de une seconde
environ pour ceux-ci, et de quatre à six secondes pour ceux-là ; 2° les vaso¬
dilatateurs répondent mieux aux excitations électriques lentes, métronomées
à une ou deux interruptions par seconde, qu’aux secousses plus rapides ; c’est
l’opposé pour les vaso-constricteurs ; 3° enfin, dans la vaso-constriction, la
pression sanguine s’élève tout d’abord en deçà du point rétréci, et s’abaisse
dans les capillaires et les veines au-delà de ce point ; au contraire, dans la
vaso-dilatation, la pression primitivement diminuée dans les artères afféren¬
tes est secondairement augmentée dans les réseaux veineux qui reçoivent une
plus grande quantité de sang qu’à l’état, normal.
Nous aurons à tirer parti de ces notions, quand mous étudierons les méca¬
nismes physiologiques de la vaso-constriction et de la vaso-dilatation.

3° Des fibres vaso-constrictives et vaso-dilatatrices sont habituellement


incluses dans les mêmes cordons nerveux — De même que les nerfs mixtes
de la vie de relation contiennent d’ordinaire sous une gaine névrilématique
commune des faiceaux de fibres sensitives mélangés en proportions variables
avec des fibres motrices, ainsi les nerfs vaso-moteurs renferment très souvent
des fibres vaso-constrictives et des fibres vaso-dilatatrices, dont les réactions
sont inverses. Dès lors, quand on excite un de ces nerfs, tous les éléments
qui entrent dans sa composition étant simultanément excités, l’effet, produit
484 GRAAD SYMPATHIQUE

est la résultante de leur excitation simultanée ; il sera donc variable, selon


que le nerf donné contiendra plus ou moins d’éléments constricteurs ou dila¬
tateurs, ou que l’un des deux groupes sera plus ou moins excitable que l’au¬
tre. Cet alliage bizarre d’éléments à réactions physiologiques opposées a été
mis en évidence à l’aide d’expériences directes par Schiff, Dastre et Morat,
etc., dans le cordon cervical du sympathique ; par Got/rz, par Lépine, etc.,
dans le sciatique. Les physiologistes admettent maintenant comme une loi à
peu près générale, la coexistence de fibres vaso-constrictives et vaso-dilata¬
trices dans tous les nerfs vaso-moteurs.

4° Distribution topographique des nerfs vaso-moteurs. — Elle n’est pas


la même pour les vaso-constricteurs et les vaso-dilatateurs.
a) Nerfs vQso-constricteurs. — Les fibres vaso-constrictives sortent presque
toutes de la moëlle épinière par les racines antérieures. Elles s’engagent
ensuite dans les rami-corrtynunicantes, et arrivent ainsi dans le grand sym¬
pathique avec les ramifications duquel elles vont se distribuer aux organes
qu’elles doivent innerver.
Les vaso-constricteurs de la région céphalique proviennent des quatre
premières paires dorsales. Ils remontent vers la tête, soit par le cordon du
sympathique cervical et les réseaux péri-carotidiens, soit par les branches
anastomotiques qui réunissent le ganglion cervical supérieur au ganglion
de Gasser (nerf cervico-Gasserien de François-Franck ou au grand hypo¬
glosse, soit par les branches du plexus cervical.
Ceux des membres supérieures proviennent des racines antérieures com¬
prises entre la 3e et la 10e paires dorsales. Ils passent dans le sympathique,
traversent le plexus brachial, et se rendent à leur destination, soit en prenant
part à la formation de réseaux péri-artériels, soit en restant inclus jusqu’au
voisinage de leurs expansions terminales dans les nerfs mixtes.
Ceux des viscères thoraciques proviennent de la 5° et de la 6e racines anté¬
rieures dorsales. Ils traversent le ganglion cervical inférieur et le premier tho¬
racique, et vont se plonger dans les plexus pharyngien, œsophagien, pulmo¬
naire et cardiaque.
Ceux des viscères abdominaux sortent de la moëlle par les huit ou neuf
dernières paires dorsales, et les deux ou trois premières lombaires. Ils s’en¬
gagent dans les nerfs splanchniques et pénètrent avec eux dans les plexus
coéliaque, hépatique, splénique, intestinal, etc.
Ceux des membres inférieurs proviennent des trois ou quatre dernières
paires dorsales, et des trois premières lombaires. Les uns passent directe-
PHYSIOPATHOLOGIE 485

ment dans le sciatique ou le crural ; les autres se jettent dans le sympathique


et les plexus de la région sous-ombilicale de l’abdomen.
Ceux des organes génitaux sortent de la moelle par les dernières racines
lombaires, et la première sacrée ; ils gagnent le sympathique, et n’arrivent
à leur destination qu’après avoir traversé le plexus hypogastrique.
b) Nerfs vaso-dilatateurs. — Les fibres vaso-dilatatrices de la tête provien¬
nent de la région cervicale de la moelle et de la portion inférieure du bulbe,
dans laquelle se trouvent les noyaux d’origine des derniers nerfs crâniens,
particulièrement du nerf de Wrisberg, du glosso-pbaryngien, du pneumo¬
gastrique, du spinal, et de l’hypoglosse. Le nerf de Wrisberg, et la corde
du tympan qui lui fait suite, contient les vaso-dilatateurs de la glande sous-
maxillaire, de la parotide, des deux tiers antérieurs de la langue, de la mu¬
queuse des joues, des lèvres et de la voûte palatine ; ceux des fosses nasales
passent par le sympathique cervical et le trijumeau ; ceux des piliers du
voile du palais et des amygdales, par le glosso-pbaryngien ; ceux du larynx,
du pharynx et de l’oesophage par le pneumogastrique et le spinal ; ceux de
l’oreille par les ganglions cervical inférieur et premier thoracique.
Le vaso-dilatateurs des membres supérieurs issus des Ve, VIe, VIIe et VIIIe
métamères de la moelle sortent par les racines antérieures des paires corres¬
pondantes, et suivent le sort des vaso-constricteurs avec lesquels ils se mé¬
langent.
Ceux des viscères thoraciques et abdominaux naissent aux mêmes hauteurs
que les vaso-constricteurs destinés aux mêmes organes. Ils partagent leur
distribution en s’entremêlant avec les fibres venues de la portion céphalique
du système autonome dans les plexus pulmonaire, cardiaque, coéliaque, etc.
Contrairement à ceux des membres supérieurs, et par exception à la loi
de Magendie, d’après laquelle toutes les fibres centrifuges passent par les
racines antérieures, les vaso-dilatateurs des membres inférieurs sortent de
la moelle par les racines postérieures du renflement sacro-lombaire.
Les nerfs vaso-dilatateurs des organes génitaux naissent du renflement
sacré. Les nerfs érecteurs du pénis, qui ont été tout particulièrement étudiés,
passent par les racines antérieures des première, deuxième et troisième paires
sacrées.

5° Interprétation physiologique de la vaso-constriction et de la vaso¬


dilatation. — La vaso-constriction est, de l’avis unanime de tous les phy¬
siologistes, un phénomène actif. Les artérioles sont munies d’une couche
circulaire de libres musculaires lisses ; ces fibres sont animées par des filets
nerveux dont l’excitation provoque la contraction des muscles qu’ils inner-
486 GRAND SYMPATHIQUE

vent ; ces muscles, en se contractant, rétrécissent le calibre du vaisseau qu’ils


enserrent à la manière d’une ceinture ; d'où diminution de l’afilux du sang
dans le bouquet vasculaire rétréci et anémie locale dans la région corres¬
pondante. Le nerf vaso-constricteur agit, en somme, sur les muscles lisses
des vaisseaux comme les nerfs moteurs du système nerveux de la vie de rela¬
tion sur les muscles rouges soumis à l’influence de la volonté.
Le mécanisme de la vaso-dilatation est beaucoup plus difficile à saisir. Elle
semble, à première vue, être, comme la vaso-constriction, un phénomène
actif ; mais cette hypothèse se heurte à une objection capitale, c’est qu'il n’y
a pas dans les tuniques vasculaires d’éléments contractiles dont le raccour¬
cissement puisse déterminer par lui-même l’élargissement du calibre des
vaisseaux. Aussi admet-on généralement aujourd’hui que les nerfs vaso dila¬
tateurs sont des nerfs d’arrêt dont l’excitation inhibe le tonus normalement
entretenu dans les muscles lisses des artères, par l’action permanente des
vaso-constricteurs D’après cette manière de voir, ils seraient tout à fait com¬
parables au pneumogastrique dont la section retentit très peu sur la motilité
du myocarde, mais dont l’excitation arrête le cœur en diastole, ainsi que l’a
démontré l’expérience bien • onnue des frères Weber (voy. p. 234).

6° Où les nerfs vaso-moteurs prennent-ils naissance ? — On admet


aujourd’hui, contrairement à l’opinion de Bichat d’après laquelle le sym¬
pathique serait anatomiquement et physiologiquement indépendant de l’axe
cérébro-spinal, qu’une partie des libres cheminant dans les rameaux com¬
muniquants proviennent de neurones contenus dans la moelle épinière. Ln
preuve en a été fournie par les recherches concordantes de Courvoisiek,

Sghiff, Giannuzi, Vulpian, etc., qui, étudiant la marche de la dégénération


wallérienne après la section de ces rameaux, ont trouvé la plupart de leurs
libres en voie de dégénérescence dans le segment périphérique, et quelques-
unes seulement dans le segment central ; d’où on peut conclure que le plus
grand nombre des fibres qui passent dans les rami-communicantes ont leur
cellule mère dans la moelle, tandis que les autres, moins nombreuses tirent
leur origine de cellules incluses dans les ganglions du sympathique.
L’expérience suivante démontre en outre que parmi ces fibres émanées de la
moelle beaucoup sont vaso-motrices : si on coupe les racines antérieures des
nerfs rachidiens qui se rendent à l’un des membres supérieurs, il se produit
une dilatation des vaisseaux de ce membre, et si on excite le bout périphéri¬
que des racines transsectionnées, les vaisseaux du membre correspondant se
cessèrent. Les racines antérieures contiennent donc, ainsi que nous l’avons
indiqué plus haut, les vaso-constricteurs des membres supérieurs.
PHYSIOPATHOLOGIE 487

Mais, dans quelle partie de la moelle se trouvent leurs cellules originelles P


Sur ce point, nous sommes encore très incomplètement renseignés. Pierret,

Jacubowitch, etc., avaient pensé que c’était dams la colonne vésiculeuse de


Clarke ; mais Marinesco, Van Gehuchten le contestent et Vulpian estime
qu’aucune démonstration histologique, aucune preuve tirée de l’expérimenta¬
tion physiologique n’a été fournie à l’appui de cette hypothèse. Oncjf et Col¬

lins concluent de leurs recherches très soignées sur la localisation centrale du


sympathique chez le chat, que les fibres efférentes qui, de la moelle, se ren¬
dent dans les ganglions de la région dorsale du grand sympathique tirent
leur origine des trois groupes cellulaires suivants : le groupe paracentral, le
groupe de la corne latérale, et le groupe de la zone intermédiaire. Grasset

avait antérieurement soutenu, d’après des observations pathologiques, que


chez l’homme les vaso-moteurs provenant de cette région de la moelle nais¬
sent dans les cornes postérieures ou, pour être plus précis, dans la subs¬
tance grise médiane et postérieure. Adhuc sub judice lis est »
On est mieux fixé sur l’origine des fibres vaso-motrices qui, partant du
bulbe, passent par les derniers nerfs crâniens. Il est à peu près certain
qu’elles naissent dans les noyaux à petites cellules qui entourent le faisceau
solitaire (colonne grêle de Clarke), et dont les prolongements cylindraxiles
pénètrent dans le nerf de Wrisberg le glosso-pharyngien, le pneumogas¬
trique, le spinal et l’hypoglosse.
Mais toutes les fibres du sympathique m'émanent pas de la moelle. Chacun
des ganglions échelonnés du haut en bas du trajet de ce nerf ou disséminés
dans ses ramifications périphériques, chacune des innombrables cellules
contenues dans les mailles de ses réseaux préterminaux, donne naissance à
des axones qui viennent incessamment s’ajouter à ceux qui proviennent des
neurones médullaires, et modifient, pour aimsi dire, à chaque pas, la compo¬
sition anatomique et les réactions physiologiques du système nerveux de la
vie végétative.

7» Des centres vaso-moteurs.— On en a décrit dans le cerveau, le bulbe,


la moelle, et les ganglions périphériques. Ils sont loin d’avoir tous la même
importance et la même signification physiologique.
a) Centres cérébraux. —Il n’est pas douteux que le cerveau a une influence
sur les circulations locales par l’intermédiaire des vaso-moteurs. La rougeur
ou la pâleur de la face succédant aux émotions morales en est une première
preuve ; l’hypérémic et l’élévation de température des membres paralysés
dans les hémiplégies récentes en est une autre.
Dans les expériences pratiquées sur l’écorce ou les masses centrales
488 GRAND SYMPATHIQUE

(capsule interne, corps strié, couche optique), des hémisphères cérébraux, on


constate souvent des réactions vasculaires manifestes. Mais s’agit-il là de
phénomènes directement provoqués par l’excitation ou la destruction de
véritables centres spécialement affectés à la fonction vaso-motrice ?. Cela est
très douteux. Pour ce qui concerne l’écorce, les ingénieuses expériences de
François-Franck sur l’épilepsie viscérale provoquée par l’excitation élec¬
trique de la surface du cerveau chez des chiens curarisés, a conduit cet
excellent physiologiste à la conclusion que « la surface corticale se comporte
à la façon d’une surface sensible, et ne renferme pas plus de centres vaso-mo¬
teurs que de centres organiques quels qu’ils soient. L’écorce joue le rôle de
point de départ, et nullement celui d’organe producteur des réaction viscé¬
rales qu’on provoque en excitant la surface cérébrale. Les véritables centres
vaso-moteurs sont contenus dans le bulbe et la moelle ; ils reçoivent des
incitations cérébrales, comme ils reçoivent des incitations périphériques,
et réagissent dans les deux cas, en vertu d’un mécanisme semblable, le mode
réllexe. » (Leçon sur les fonctions motrices du cerveau, etc., Paris, 1887,
p. 210). On peut interpréter de la même façon les troubles vaso-moteurs,
d’ailleurs très variables d’un cas à l’autre, qui se produisent après les lésions
destructives de la couche optique, des corps striés et des autres parties des
hémisphères cérébraux.
b) Centres bulbaires. — C’est au-dessous du plancher du quatrième ven¬
tricule, de chaque côté de la ligne médiane, dans une région étendue depuis
l’extrémité postérieure des tubercules quadrijumeaux jusqu’à la pointe du
calamus scriptorius, que paraît résider le centre commun des nerfs vaso¬
moteurs. C’est en cette région que se réfléchissent les excitations centripètes
qui entretiennent le tonus vasculaire, harmonisent les variations locales de
la circulation et assurent l’équilibre de la pression sanguine dans l’ensem¬
ble de l’appareil circulatoire.
Son excitation électrique détermine habituellement une vaso-constriction
générale des vaisseaux périphériques, accompagnée d’élévation corrélative
de la pression artérielle ; ses lésions destructives ou sa paralysie temporaire,
provoquées par l’application locale de cocaïne, provoquent la vaso-dilatation
de toutes les artères du corps avec abaissement de la pression sanguine. Elle
est donc, surtout, un centre vaso-constricteur ; mais elle contient aussi des
fibres vaso-dilatatrices, dont on peut démontrer l’existence par Faction de
certains poisons, agissant électivement sur les vaso-dilatateurs ou sur les
vaso-constricteurs. C’est ainsi que l’urée, et surtout l’adrénaline augmentent
la pression artérielle, en excitant les centres vaso-constricteurs, tandis que
les sucs thyroïdiens et hypophysaires l’abaissent en excitant les centres vaso-
PHYSIOPATHOLOGIE 489

dilatateurs, et que la toxine pyocyanique diminue l'excitabilité des vaso-dila¬


tateurs sans modifier celle des vaso-constricteurs.
c) Centres médullaires. — Au-dessous des centres bulbaires et communi¬
quant avec eux par des faisceaux de fibres qui passent vraisemblablement
par les cordons latéraux de la moelle, existent des centres, ou pour mieux
dire des sous-centres médullaires d’association affectés à des fonctions spé¬
ciales ; les plus connus sont le centre cilio-spinal, et le centre génito-spinal.
Ce me sont pas les seuls. Chaque métamère de la moelle contient des cen-
ti’es d’association secondaire, subordonnés au centre mésocéphalique, mais
jouissant cependant d’une certaine indépendance qui leur permettent d’exci¬
ter séparément les réactions vaso-motrices locales commandées par les fibres
naissant de ce métamère.
d) Centres ganglionnaires. — Les ganglions du sympathique prennent
certainement une part importante à la contraction du myocarde, des muscles
lisses des vaisseaux sanguins et des tuniques musculeuses des viscères abdo¬
minaux. Les battements du cœur des animaux à sang froid, séparé de toutes
ses connexions avec le système cérébro-spinal (voy. page 236), la persis¬
tance des mouvements péristaltiques de l’intestin des animaux à sang chaud
après la destruction totale de la moelle épinière (voy. page 239), le prouvent
d’une façon indubitable.

8° Rôle physiologique des centres vaso-moteurs. — Les centres vaso¬


moteurs reçoivent par leurs fibres afférentes les excitations provenant de la
périphérie, les réfléchissent, et les dirigent par leurs libres efférentes vers les
divers champs vasculaires où le fonctionnement des organes exige des modi¬
fications en plus ou en moins. Ils président aux circulations locales, à l’équi¬
libration de la pression sanguine et à la répartition de la chaleur animale.
Leur intervention met en jeu, en s’exerçant tantôt dans le sens de la vaso¬
constriction, tantôt dans le sens de la vaso-dilatation, un appareil de com¬
pensation qui a pour résultat d’atténuer les conséquences fâcheuses que
pourrait avoir un dénivellement trop marqué de la pression sanguine dans
certaines portions de l’appareil circulatoire. Le ressèrement des vaisseaux
périphériques a pour effet de refouler une partie du sang dans les organes
profonds, et par suite d’élever proportionnellement la pression artérielle dans
l’aorte et les gins vaisseaux, et de modérer les contractions cardiaques ; inver¬
sement la dilatation des réseaux périphériques soulage d’autant la pression
des artères centrales, et active les mouvements du cœur. On connaît le mode
d action du nerf déprcsseur de (h ois (voy. page 237). Des phénomènes analo-
490 GRAND SYMPATHIQUE

gués se passent en petit dans tous les champs vasculaires régionaux de la


périphérie.
On peut dès lors comparer assez justement le mécanisme général des réac¬
tions vaso-motrices, à celui qui serait formé par un jeu de robinets répartis-
sant aux organes la quantité de sang nécessaire à chaque instant à leur
fonctionnement. Il doit passer plus de sang dans une glande en activité que
dans la même glande au repos : ce sont les vaso-moteurs qui graduent, selon
les besoins du moment, l’afflux du sang vers le tissu glandulaire.

§ 3. - NE H FS PIEO-MOTKURS

Chez l'homme et chez les animaux dont le tégument externe est revêtu de
poils ou de formations cornées analogues aux poils, comme les piquants des
hérissons ou les plumes des oiseaux, ces organes sont pourvus d’un appareil
neuro-musculaire auquel ils doivent la propriété de se redresser sous l'in¬
fluence d’excitations physiques ou psycho-affectives.
Découvert par Kôlliker, étudié un peu plus tard par Muller, Schiff, etc.,
cet appareil a fait entre 1891 et 1904 l’objet de recherches expérimentales
fort intéressantes dont les principales sont dues à Eangley et à ses collabora¬
teurs Anderson et Scherrington. Depuis 1918, André-Tjiomas s’est appliqué
à l’étude des réactions pilo-motrices chez l’homme à l’état normal et patho¬
logique. Sa monographie sur le réflexe pilo-moteur qu’il a publié en 1921
contient, avec un grand nombre d’observations anatono-cliniques très soi¬
gnées, un exposé complet de l’état actuel de nos connaissances sur ce sujet ;
nous allons en donner un résumé succinct.

1° L’appareil neuro-musculaire de la pilo-motricité. — Chaque


poil érectile est muni d’un faisceau aplati ou cylindrique de fibres musculai¬
res lisses inséré d’une part sur les réseaux fibro-élastiques de la couche super¬
ficielle du derme et d’autre part sur la tunique externe du fond du follicule
pileux, au-dessous du point où le canal excréteur de la glande sébacée qui lui
est généralement annexée pénètre dans le canal folliculaire où elle déverse
son produit de sécrétion. Ce muscle a pour effet, lorsqu’il se contracte,
de redresser le poil et d’attirer vers la surface de la peau la glande qui lui
est adjointe. Ainsi se produit un double phénomène : le hérissement du poil
et la formation d’une saillie papuleuse qui donne à la peau l’aspect granuleux
désigné sous le nom de chair de poule.
Mais tous les poils ne sont pas érectiles ; chez l’homme, notamment, les
PHYSIOPATHOLOGIE 491

sourcils, les cils, les moustaches, les poils des oreilles, du nez, des aisselles
sont dépourvus de muscles arrectores pilorum. De même, toutes les glandes
sébacées ne sont pas annexées à des poils. C’est pourquoi l’on peut observer
séparément, sur certaines régions du corps, soit le hérissement des poils, soit
le phénomène de la chair de poule.
Les tibr'es nerveuses qui innervent les muscles pilo-moteurs tirent leur
origine de la moelle épinière, plus précisément de la colonne de substance
grise, dite du sympathique, qui s’étend du VIIIe segment cervical au IIIe seg¬
ment lombaire. Elles naissent dans des îlots de cellules neurales logés entre
le col des cornes antérieures et des cornes postérieures, au niveau de la petite
saillie désignée en anatomie descriptive sous le nom de corne latérale et dans
le tractus intermédio-latéral de Clarke qui lui est contigu.
Parties de ces points, où elles voisinent avec les centres vaso-moteurs
sudoraux et viscéraux, elles sortent de la moelle par les racines antérieures,
passent dans les ganglions de la chaîne du sympathique par les rameaux com¬
municants, et s’engagent finalement dans les nerfs périphériques dont elles
partagent la distribution jusqu’à leur terminaison dans les muscles pilaires.
On appelle préganglionnaires les fibres qui réunissent la moelle épinière
aux ganglions de la chaîne sympathique et postganglionnaires celles qui
s’étendent de ces ganglions à la périphérie. La plupart des premières sont
médullifuges ; elles arrivent dans le ganglion correspondant par la portion
blanche des rameaux communicants et y font un rclai dans les cellules pro¬
pres du ganglion. La plupart des secondes sont ganglifuges ; elles passent
par la portion grise des rameaux communicants. Il existe en outre un certain
nombre de fibres qui parties des cellules ganglionnaires, se dirigent vers la
moelle, donc médullipètes, et d’autres qui parties de la moelle traversent le
ganglion sans y relayer.
Les expériences physiologiques relatives aux réactions pilo-motrices chez
le chat, le chien, le singe, etc.., ont démontré que la section de la moelle épi¬
nière, des racines antérieures ou de la chaîne sympathique abolit la pilo-mo-
tricité dans les parties sous-jacentes du corps, mais que l’excitation électrique
portée sur la portion périphérique de la moelle, des racines antérieures ou de
la chaîne sympathique transsectionnées provoque le hérissement des poils
dans les régions correspondant aux portions excitées de l’appareil pilo-moteur.
Elles ont révélé, en outre, que l’adrénaline et la pilocarpine injectées sous
la peau stimulent la réflectivité pilo-motrice tandis que l’atropine la modère.
La nicotine appliquée localement sur les ganglions vertébraux, paralyse les
cellules qui y sont incluses, sans modifier l’excitabilité des nerfs qui en par¬
tent. Le curare n’a aucun effet sur le jeu de l’appareil pilo-moteur.
492 GRAND SYMPATHIQUE

2° Les réactions pilomotrices chez l’homme. — L’application


d’un corps froid ou chaud sur certaines régions du corps, la réfrigération de
ces mêmes régions par les pulvérisations d’éther, d’alcool, d’eau ou par un
simple courant d’air, ou bien encore leur excitation par le chatouillement ou
l’électrisation, provoquent des réactions ansérines tantôt localisées, tantôt
étendues à la moitié correspondante du corps, tantôt généralisées à toute la
surface du corps.
Les régions particulièrement excitables par ces procédés sont : la région
sous-occipitale, depuis la ligne d’insertion des cheveux jusqu’au bord supé¬
rieur du trapèze, le creux de l’aisselle, la face antérieure de la poitrine, les
parties latérales du thorax.
La réflectivité pilo-motricc peut également être mise en jeu par des excita¬
tions d’ordre psycho-affectif. L’approche d'un excitant déjà éprouvé par le
sujet, d’un linge froid et humide, par exemple, la menace d’un chatouille¬
ment peuvent, chez les personnes très émotives, être aussi horripilogènes
que le contact direct de ces excitants avec la peau. La colère, la terreur, l’in¬
dignation, le dégoût ont souvent le même effet.
L’intensité des réactions ansérines est très variable d’un sujet à l’autre, et,
chez les mêmes sujets, d’un moment à l’autre.
Leurs centres de réflexion paraissent se trouver : pour les réactions locali¬
sées à la région excitée, dans les ganglions de la chaîne du sympathique cor¬
respondant au lieu de l’excitation ; pour les réactions généralisées, dans le
bulbe rachidien.
La valeur sémiologique des réflexes pilo-moteurs est difficile à apprécier,
d’abord parce que tous les sujets normaux ou réputés tels ne réagissent pas
également à des excitations identiques ; ensuite parce que l’ingérence dans les
examens cliniques d’influences psycho-émotionnelles dont rien ne permet
de prévoir et de mesurer les effets est toujours possible.
D’une façon générale on peut dire qu’ils sont abolis dans les membres
inférieurs paralysés par lésions organiques de la moelle (sections traumati¬
ques, compression, myélites tranverses, etc.) et dans les paralysies périphé¬
riques d’origine neuropathique, dans lesquelles la conductibilité des nerfs est
interrompue soit par des lésions traumatiques, soit par des mono ou des po¬
lynévrites dégénératives.
La dualité des centres de réflexion des réactions ansérines explique un fait
d’observation assez curieuse et qui paraît de prime abord paradoxal : dans
certaines affections des nerfs, il existe des îlots d’anesthésie cutanée au niveau
desquels les excitations directes ne provoquent aucune réaction réflexe pilo-
motrice, tandis que les excitations lointaines portant sur des régions non
physiopathologie 493

anesthésiques des téguments sont suivies du hérissement des poils et de la


chair de poule, non seulement sur les parties de la peau qui ont conservé
leur sensibilité, mais aussi sur les ilôts où elle est abolie. Cette particularité
constalée à plusieurs reprises par André-Thomas dans des cas de méralgie
paresthésique et de zona prouverait d’après cet auteur que les lésions provo¬
catrices de l’anesthésie cutanée siègent au-delà dos ganglions spinaux et
qu’elles ont respecté le centre bulbaire et la portion centrifuge de l’appareil
réflexe de la pilo-motricité.

§ 4. — NERFS TROPHIQUES

On a désigné sous ce nom des nerfs du système de la vie végétative, qui


auraient pour fonction de régir directement la nutrition des tissus et des
organes. Malgré tous les efforts qui ont été faits pour démontrer leur exis¬
tence, celle-ci est restée problématique. En dehors de l’influence trophique
exercée par les cellules neuronales sur leurs prolongements, influence que
nous avons étudiée, dans le chapitre consacré à la dégénération wallérienne
(voy. pages 38 et suiv.), et qui n’implique pas du tout la participation de nerfs
spéciaux, puisque la portion du neurone qui dégénère n’est autre chose qu’une
partie d’un élément anatomique séparée de sa cellule mère, on ne connaît
pas un seul exemple précis de troubles trophiques exclusivement dûs à la
paralysie ou à l’excitation de nerfs de la vie végétative ou de la vie de relation.
On a souvent invoqué à l’appui de la théorie des nerfs trophiques, les kéra¬
tites ulcéreuses dites neuro-paralytiques qui succèdent souvent aux sections
du trijumeau, et les lésions pulmonaires qui se produisent chez les animaux
dont on a coupé les pneumogastriques au cou. Nous avons étudié plus haut
ces deux phénomènes, qui s’expliquent l’un et l’autre par des causes acciden¬
telles surajoutées aux lésions des nerfs intéressés (voy. pages 129 et 134).
En l’état actuel de nos connaissances, rien ne prouve qu’il existe des nerfs
régissant, indépendamment de toute intervention des réactions circulatoires
ou d’altérations humorales de la crase sanguine, les échanges nutritifs qui
assurent la vitalité des éléments anatomiques.
On observe, à la vérité, en clinique neurologique, des troubles qu’on
appelle trophiques parce qu’ils se développent chez des sujets porteurs de
lésions grossières des centres nerveux ou des nerfs périphériques, et qu’on
suppose qu’il existe un rapport direct de cause à effet entre eux et les lésions
qui ont précédé leur apparition. Tels sont, par exemple, les eschares précoces
des hémiplégiques cl des paraplégiques, les éruptions herpétiformes du zona,
494 CRAWL) SYMPATHIQUE

les fractures spontanées, les ostéo-arthropathies indolentes, la chute des


ongles et des dents chez les tabétiques, les ulcérations torpides des extré¬
mités des sujets atteints de blessures des nerfs des membres. Mais dans tous
ces cas, on trouve, associée à la lésion nerveuse, une ou plusieurs des compli
cations qui peuvent concourir avec celle-ci à réaliser le prétendu trouble
trophique. Chez les hémiplégiques et les paraplégiques, ce sont les para¬
lysies vaso-motrices, et la compression de la région fessière ou sacrée sup¬
portant d’une façon permanente, sans que le malade paralysé puisse y échap¬
per en changeant de position, le poids du corps ; dans le zona, c’est l’infec¬
tion microbienne ; chez les tabétiques c’est la syphilis ; chez les blessés des
nerfs ce sont les lésions artérielles coexistantes sur lesquelles le Professeur
Pierre-Marie et Mme Axhanassio-Bétmsxy ont appelé l’attention, etc.

§ 5. - ROLE DU GRAND SYMPATHIQUE EN PATHOLOGIE

1° Réactions morbides du grand sympathique. — A l’état physiologique


le grand sympathique accomplît silencieusement les fonctions qui lui sont
dévolues, sans que l’être vivant en soit avisé par des perceptions conscientes.
Tant que nous sommes en bonne santé nous ne sentons ni les pulsations de
notre cœur, ni les mouvements péristaltiques de nos intestins, ni les modi¬
fications qui se produisent dans nos glandes durant leurs phases d’activité
sécrétoire ; nous ne nous occupons nullement de nos viscères ; nous laissons
à notre appareil nerveux de la vie végétative le soin d’en assurer le fonction¬
nement.
Il en est tout autrement à l’état pathologique. Les organes innervés par le
système sympathique sont susceptibles de donner lieu, aussitôt qu’il subis¬
sent des excitations anormales, à des réactions vasculaires, sécrétoires et mo¬
trices qui s’accompagnent toujours de sensations pénibles et parfois de
spasmes très douloureux. Ces réactions sont de causes externes ou internes.

a) Réacxioxs de cause exxerne. — Les principales réactions de cause ex¬


terne sont :
a) Des perturbations locales de la régulation vaso-motrice et sécrétoire.
Qu’un grain de sable, par exemple, vienne à s’introduire accidentellement
dans un cul de sac conjonctival ; sa présence y détermine aussitôt une dou¬
leur bientôt suivie de congestion intense de la muqueuse irritée ptar le con¬
tact du corps étranger, de tuméfaction œdémateuse et de sécrétion abondante
de larmes.
b) Des spasmes réflexes viscéraux, tels que les quintes de toux convulsive
i’I IY Slot’AT HOLOG1Ë 4'.)5

qui suivent le passage de liquides ou de substances alimentaires solides dans


la trachée, les nausées qui surviennent après les irritations de la région pha-
ryngo-épiglottique, les vomissements symptomatiques des péritonites, les
crampes d estomac liées aux affections gastriques, les coliques intestinales,
hépatiques ou néphrétiques dues à des occlusions de 1 intestin ou à des obli¬
térations calculeuses du canal cholédoque ou des uretères, les spasmes vési¬
caux provoqués par des calculs de la vessie, etc. etc.

b) Réactions de cause interne. -— Indépendamment de ces réactions déter¬


minées par des causes externes bien délinies, il existe plusieurs ailections dans
lesquelles les désordres circulatoires ou sécrétoires sont attribuables à des
perturbations primaires, idiopathiques de l’appareil nerveux de la vie végé¬
tative. Tels sont notamment :
a) Les congestions et les ischémies segmentaires qui s’observent dans l’acro-
cyanose, l’érythromélalgie, l’asphyxie locale des extrémités, la maladie de
Raynaud ;

b) Les œdèmes angio-neurotiques localisés qui se traduisent cliniquement


par la succulence des extrémités, la maladie de Quincke, le trophœdême
héréditaire ;
c) Les ecchymoses spontanées et les hémorragies viscérales, sans lésions
des parois vasculaires, ni altérations dyscrasiques ou infectieuses du sang ;
d) Quelques formes d’hypersécrétion glandulaires : scialorrhées, gas-
Irorrhées, enterorrhées ;
e) Divers syndromes cardiaques, respiratoires ou gastro-intestinaux carac¬
térisés par des troubles fonctionnels que n’explique aucune lésion organi¬
que : palpitations du cœur, arythmie, brady ou tachycardie, dyspnée, polyp-
nées, crises laryngées, gastriques, hépatiques néphrétiques ;
f) Certaines variétés de névralgies dans lesquelles les douleurs sont plus
continues et angoissantes que dans les névralgies des nerfs de la vie de rela¬
tion : cardialgies, gastralgies, entéralgies, mastodynie, sacrodynie, coccygo-
dynie, irritabile testis, etc. ;
g) Tout le groupe des sensations vagues, profondes, bizarres qu’on réunit
sous le nom de cénestopathies ;
h) Enfin le système sympathique prend une part tout au moins accessroiro
et épisodique mais non négligeable à la genèse et à la symptomatologie de
diverses maladies parmi lesquelles figurent l’entérite muco-membraneuse,
le goitre exophtalmique, l’asthme dit essentiel, l’angine de poitrine, les mi¬
graines et. peut-être aussi Lépilepsie.
Laignel-Lavartine a particulièrement étudié et décrit sous le nom de syn-
496 GRAND SYMPATHIQUE

dromes solaires, l’ensemble des perturbations viscérales qui dépendent des


lésions aiguës ou chroniques, irritatives ou destructives du sympathique
abdominal. Les principaux phénomènes qui les constituent sont, outre les
douleurs épigastriques et les gastralgies et entéralgies : 1° les inhibitions,
exagérations ou inversions des mouvements péristaltiques de l’estomac et des
intestins ; 2° les modifications qualitatives ou quantitatives de la sécrétion des
glandes digestives, des reins et des surrénales ; 3° les troubles vaso-moteurs
des réseaux artériels commandés par les nerfs splanchniques et leur réper¬
cussion sur la circulation générale et sur la pression sanguine, d’où peuvent
résulter des syncopes mortelles. Tous ces phénomènes s’ajoutant à la sympto¬
matologie propre des péritonites, des occlusions intestinales, de la maladie
d’Addison, etc., en altèrent la physionomie clinique au point d’en rendre
parfois le diagnostic difficile et en aggravent souvent beaucoup le pronostic.

2° De l’antagonisme physiologique des systèmes sympathique et au¬


tonome. — Nous ne pouvons pas terminer cet article sans dire quelques
mots d’une vue fort ingénieuse de physiopathologie dont les applications
ne sont pas encore très étendues, mais pourraient fort bien entrer avant peu
dans le domaine de la clinique courante. Nous voulons parler de l’antagonis¬
me fonctionnel qui existe entre le grand sympathique et les nerfs du système
dit autonome (1) particulièrement le pneumogastrique. Dans leur distribution

(1) Le système autonome auquel H a été fait plus haut (voy. p. 479) une brève allusion
est constitué par deux groupes de nerfs qui contiennent, mélangées à des fibres nerveu¬
ses de la vie de relation, une forte proportion de fibres vaso-motrices et sécrétoires. Le
groupe supérieur comprend le rameau de la IIIe paire qui anime le muscle constricteur
de l’iris, le nerf de Wrisbcrg et les quatre dernières paires de nerfs crâniens ; le groupe
inférieur est surtout formé par les nerfs érecteurs d’EcKHARDT et ceux des glandes géni¬
tales. Les nerfs du premier groupe naissent dans les noyaux bulbaires ; les nerfs du
second, dans le renflement sacré de la moelle épinière. Les uns et les autres se distri¬
buent. à des organes non soumis à la volonté, après avoir traversé des plexus plus ou
moins compliqués dans lesquels ils s’entrelacent inextricablement avec des filets du
grand sympathique.
Ainsi que l’a fait observer Sicard, la dénomination de système autonome est mau¬
vaise : autonome veut dire « qui se gouverne par ses propres lois ». Or, tous les nerfs,
qu’ils soient moteurs, sensitifs, sensoriels vaso-moteurs ou sécrétoires sont dans le même
cas. Langley a proposé le nom de système para-syjnpathique, de -api', à côté, parce que
les nerfs de ce système cheminent durant nne partie de leur trajet à côté des éléments
du sympathique commun ; mais ce n’est pas là un caractère spécifique : beaucoup de
fibres de la vie de relation se trouvent dans leur parcours accolées à des fibres de la vie
végétative. Sicard tenant compte des fonctions opposées des nerfs des systèmes sympa¬
thique et autonome voudrait qu’on appelât ce dernier : système cat a-sympathique, le
préfixe y.a-cà, contre, marquant nettement l’opposition.
Le pneumogastrique étant le plus important des nerfs dits autonomes, c’est surtout
sur lui qu’ont porté les expériences et les observations des auteurs qui ont étudié com¬
parativement les fonctions des deux systèmes de la vie végétative, mais des résultats
identiques ont été notés sur tous les autres nerfs du système autonome.
Physiopathologie 49?

aux viscères thoraciques et abdominaux, le sympathique et le vague se trou¬


vent constamment en contact. Leurs libres se mélangent dans les plexus pul¬
monaire, cardiaque et dans tous ceux qui, du pharynx à l’anus, se ren¬
dent dans le tube digestif et ses annexes ; partout ils semblent se comporter
comme des frères ennemis en perpétuelle opposition l’un avec l'autre ; par¬
tout ils exercent des actions inverses. C’est ainsi, par exemple, que le sym¬
pathique accélère le cœur, le vague le ralentit ; le sympathique inhile les
mouvements intestinaux, le vague les stimule.
Certaines substances toxiques ou médicamenteuses agissent en sens in¬
verse sur l’un et sur l’autre de ces deux nerfs. L’adrénaline excite le sympa¬
thique ; elle provoque de la polyurie et de la glycosurie ; elle amène la cons-
triction des vaisseaux. La pilocarpine, au contraire, excite le pneumogastri¬
que ; elle provoque la salivation, la sueur, la rougeur de la peau ; elle
amène la dilatation des vaisseaux.
Les hormones des glandes endocrines ont, elles aussi, sur chacun d’eux, des
effets différents : l’adrématine, la thyroïdine, l’hypophysine accroissent l’exci¬
tabilité du vague, elles ralentissent la désassimilation des albuminoïdes, le
métabolisme des graisses, mobilisent les hydrates de carbone, augmentent
l’élimination de l’eau et des sels ; elles élèvent la pression artérielle. Inverse¬
ment les extraits de sucs pancréatique et ovarique accroissent l’excitabilité
du sympathique, ils hâtent la désassimiltion des albumoïdes, le métabolisme
des graisses, la mobilisation des hydrates de carbone, l'élimination de l’eau et
des sels ; ils abaissent la pression artérielle.
D’une façon générale, le sympathique est plutôt vaso-constricteur, le pneu¬
mogastrique plutôt vaso-dilatateur. La pression moyenne du sang est la
résultante de leur équilibre. Mais chez beaucoup de sujets, cet équilibre
n’est pas parfait. 11 y a des personnes dont le sympathique est plus
excitable que le pneumogastrique, et d autres dont l’action du pneu¬
mogastrique tend toujours à prédominer sur celle du sympathique.
Les premières sont dites sympathicotoniques, les secondes vagoloniques
(Heppinger et Hess). Il sera facile de les reconnaître, en leur injec¬
tant des doses modérées d’adrénaline, et plus lard de pilocarpine. A
l’état normal, l’injection sous-cutanée de un milligramme d’adrénaline
détermine une glycosurie légère (5 grammes environ, dans les 24 heu¬
res), de la polyurie avec fréquence du pouls, élévation de la pression
artérielle et augmentation de l’excitabilité réflexe ; celle de un centigramme
de pilocarpine exagère sensiblement les sécrétions salivaire et sudorale. Chez
un sujet sympathicotonique, les effets de l’injection de un milligramme
de pilocarpine seront plus marqués : la glycosurie sera plus abondante et
LES NERFS EN SCHÉMAS 32
498 GRAND SYMPATHIQUE

plus persistante, l’accélération du pouls plus accentuée ; chez un sujet vaga-


tonique, ce sont les effets de l’injection de pilocarpine qui seront exa¬
gérés par rapport à l’état normal.
On saisit, sans qu'il soit utile d’insister davantage, l’intérêt pratique qui
peut être déduit de ces constatations. Aux malades fortement sympathico-
toniques, disent les promoteurs et les adeptes de la théorie de l’antagonisme
absolu des systèmes sympathique et autonome, on conseillera les médica¬
ments vaso-dilatateurs : la trinitrine, le suc ovarien, etc.; aux vagotoniques,
les médicaments vaso-constricteurs, comme l’adrénaline, la thyroïdine, l’hy-
pophysine, etc. Mais la valeur des épreuves pharmacodynamiques sur quoi
repose cette théorie est fortement contestée. Elles donnent souvent chez un
même sujet des résultats différents d’un jour à l’autre. Elles sont particu¬
lièrement influencées par les lésions organiques et les troubles fonctionnels
des glandes endocrines. L’étude des rapports existant entre ces glandes et le
système nerveux a fait l’objet d’une discussion approfondie au dernier Con¬
grès de médecine, séant à Bordeaux en septembre 1923. MM. Perrin, de
Nancy, et Hanns, de Strasbourg, chargés de rapporter la question d’après les
documents tirés de la pathologie, et M. le professeur Pachon, chargé de mettre
au point les faits expérimentaux susceptibles d’éclairer sa solution, ont conclu
que les produits de sécrétion des glandes internes avaient certainement une
action tantôt modératrice, tantôt excitatrice ou perturbatrice sur le système
nerveux végétatif, mais qu’il était présentement impossible de dégager les
lois de cette sorte de symbiose n euro glandulaire. Et M. Laignel-Lavastine,
tout en reconnaissant l’intérêt des recherches de MM. Eppinger et Hess et de
leurs successeurs, déclare formellement que nos connaissances actuelles sur
le fonctionnement du sympathique sont encore trop incomplètes pour qu’on
soit en droit d’en tirer des déductions cliniques et des directives thérapeu¬
tiques.
CHAPITRE V

CENTRES NERVEUX

Sous ce titre, nous avons représenté schématiquement, dans nos planches


et dans nos figures : 1° les faisceaux constitutifs de la moelle épinière ; 2° les
artères de la moelle, avec leurs territoires respectifs ; 3° les noyaux bulbo-
protubérantiels, noyaux d’origine et noyaux de terminaison des nerfs mo¬
teurs, nerfs sensitifs et nerfs mixtes, qui émergent de l’isthme de l’encé¬
phale ; 4° le cervelet, avec ses pédoncules ; 5° les circonvolutions cérébrales,
avec les localisations fonctionnelles dont elles sont le siège ; 6° les noyaux
opto-striés, avec ;la capsule interne qui les traverse ; 7° les artères du cerveau,
avec leurs territoires.

ARTICLE PREMIER

MOELLE ÉPINIÈRE
[Planche XXXII, fig. I.)

La moelle épinière ou tout simplement la moelle, ainsi appelée en raison


de l’analogie grossière qu’elle présente avec la moelle des os longs, est le
segment inférieur du névraxe. Nous pouvons la définir : cette partie du sys¬
tème nerveux central qui occupe le canal rachidien. En haut, elle se continue
directement avec le bulbe : la limite séparative, toute conventionnelle,
répond à l’entrecroisement des pyramides ou, si l’on veut, à un plan hori¬
zontal qui raserait l’articulation de l’atlas avec les condyles de l’occipital.
En bas, la moelle s’atténue très rapidement : elle s’effile pour ainsi dire à la
manière d’un crayon taillé et se termine en formant une espèce de cône dit
500 CENTRES NERVEUX

terminal. Le cône terminal correspond, chez l’adulte, au corps de la


deuxième vertèbre lombaire, rarement à celui de
la première. Notons que le cône terminal est con¬
tinué par un prolongement fort mince qui, sous
le nom de filum terminale, descend au milieu des
derniers nerfs rachidiens et prolonge la moelle
jusqu à la base du coccyx. La moelle épinière pré¬
sente, en moyenne, de 43 à 45 centimètres de
longueur.

M..i

§. 1. ANATOMIE

La moelle épinière, comme nous le montre la


figure ci-contre, affecte la forme d’une longue tige
cylindrique, légèrement aplatie dans le sens
antéro-postérieur. Mais ce n’est pas un cylindre
parfait. Elle nous présente deux renflements fusi¬
*..il I
formes fort étendus : un renflement supérieur ou
cervical, allant de la troisième vertèbre cervicale
à la deuxième dorsale ; un renflement inférieur
ou dorso-lombaire, commençant au niveau de la
neuvième vertèbre dorsale et allant en augmentant
jusqu’au niveau de la douzième. Ces deux ren¬
flements, toujours très accusés, répondent : le
premier à l’origine des nerfs qui se rendent aux
membres supérieurs ou thoraciques, c’est le renfle¬
ment brachial ; le second à l’émergence des nerfs
C_i
qui descendent dans les membres inférieurs ou ab¬
dominaux, c’est le renflement abdominal.
Vue par sa face antérieure, la moelle épinière

Fig. 129. nous présente tout d’abord, sur la ligne médiane,


Moelle épinière, bulbe et un sillon longitudinal, le sillon médian antérieur,
protubérance : A, vue
antérieure ; B, vue pos- profond de 2 ou 3 millimètres, qui s'étend sans
térieuce.
(Pour ne pas agrandir démesurément les dimensions verticales de ces deux figures, le filum
terminale a été détaché de l’extrémité inférieure de la moelle et placé entre les deux).
1, sillon médian antérieur. — 2, sillon médian postérieur. — 3, sillon collatéral postérieur. —
4, sillon intermédiaire postérieur. — 5, renflement cervical. — 6, renflement lombaire. — 7, cône
terminal. — 8. ligne d’implantation des racines antérieures. — 9, cordon latéral. — 10, pyramide
antérieure du bulbe. — 11, olive. — 12, pyramide postérieure. — 13, corps restiforme. — 14,
protubérance. — 15, tubercules quadrijumeaux. — 16, filum terminale, avec : a, son extrémité
supérieure, répondant à a’, l’extrémité inférieure de la moelle- ; b, son extrémité inférieure, ré¬
pondant au coccyx.
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

F. pyr1 direct Sillon médian


Racines antérieures
antr
F. restant du cordon ant'_

------ Cordon antérieur


F. de Gowers

F. fondamental
du cordon lat1 _Corne ant"

F. latéral profd

Cordon latéral
F. pyram’ croisé_

_Corne post"
F. cérébelleux direct

_Sillon collatéral postr


F. de Burdach_
_Racines postérieures
F. de Wesphal . -
F. de Goll Sillon médian v Cordon postérieur
postr

Fig. 1 - Systématisation de la moelle

Art. du cordon ant


Art. spinale ant"
Art. médiane ant"
Art. radiculaires
antérieures Racines
antérieures

Corne ant"
Art. péri¬
phériques i
du cordon j
latéral

Corne post"
Art. radi¬
culaires
postres_
Art. spinale post" extn” _

Réseau radie" postr .


Racines
Art. spinale postre int“_
postérieures
Artères péri- ■
phériques post1
Art. médiane post"

Fig. 2 -Artères de la Moelle

PLANCHE XXXII

MOELLE EPINIERE
Vue en coupe transversale.
S. DUPRET (tel.
G. DO IN éditeur
MOELLE ÉPINIÈRE 501

interruption d’une extrémité à l’autre de l’organe. Au fond de ce sillon se


voit une lame blanchâtre qui passe d’un côté à l’autre, c’est la commissure
blanche. De chaque côté du sillon médian antérieur, et à 2 ou 3 millimètres
en dehors de ce sillon, émergent les 7'acines antérieures ou motrices des nerfs
rachidiens. Entre le sillon médian antérieur et les racines antérieures se voit un
cordon longitudinal d’aspect blanchâtre : c’est le cordon antérieur de la moelle.
Vu par sa face postérieure, le cylindre médullaire nous présente : 1° sur la

Fig. 130.
Coupe transversale de la moelle épinière de l'homme, pratiquée à la partie
moyenne de la région dorsale (d’après un dessin de Pierret).
1, sillon médian antérieur. — 2, sillon médian postérieur. — 2’, sillon collatéral postérieur. —
3, racines antérieures ou motrices. —- 4, racines postérieures ou sensitives. — 5, commissure
blanche. — 6, commissure grise. — 7, canal central ou canal de l’épendyme. — 8, corne antérieu¬
re. — 9, corne postérieure. —• 10, corne latérale ou tractus intermedio-lateralis. — 11, cordon an¬
térieur. — 12, cordon latéral. — 13, cordon postérieur. — 14, formation réticulaire. — 15, 16,
groupes cellulaires antéro-interne et antéro-externe de la corne antérieure. — 17, groupe cellu¬
laire du tractus intermedio-lateralis. — 18, cellules de la colonne vésiculaire de Clarke.

ligne médiane, un sillon peu profond, à peine accusé, le sillon médian posté¬
rieur ; 2° à droite et à gauche du sillon médian, et à 3 millimètres en dehors,
un deuxième sillon, le sillon collatéral postérieur, d’où émergent les racines
postérieures ou sensitives des nerfs rachidiens ; 3° entre les deux sillons
précités, un cordon blanchâtre, le cordon postérieur de la moelle. Ce cordon
est indivis dans la plus grande partie de son étendue. Mais lorsqu’on l’exa¬
mine à la région cervicale, on découvre à sa partie supérieure, entre le sillon
médian et le sillon collatéral, un troisième sillon, appelé sillon intermé¬
diaire postérieur ou sillon paramédian postérieur. Ce dernier sillon va en
s’atténuant de liant en bas et disparaît d’ordinaire au niveau de la deuxième
502 CENTRES NERVEUX

ou de la troisième vertèbre dorsale. Sur tout le segment médullaire où il


existe, le sillon intermédiaire divise le cordon postérieur en deux faisceaux
l’un interne, qui est le faisceau de Goll ; l’autre externe, qui est le faisceau de
Burdach. Nous les retrouverons plus loin.
Vue latéralement, la moelle nous présente un troisième cordon blanc, le
cordon latéral, limité en avant par les racines antérieures, en arrière par le
sillon collatéral postérieur et les racines postérieures.
Si, maintenant, nous sectionnons la moelle en travers à une hauteur quel¬
conque, nous constatons nettement, en jetant les yeux sur la surface de
coupe (fîg. 130) d’une part, qu’elle se compose de deux moitiés exactement
symétriques, l’une droite, l’autre gauche ; d’autre part, que chacune de ces
deux moitiés ou hémi-moelles comprend deux portions physiquement bien
distinctes :
1° line portion centrale, de couleur sombre, c’est la substance grise ;
2° Une portion périphérique, de coloration blanchâtre, entourant la pre¬
mière sur tout son pourtour, c’est la substance blanche.

A) SUBSTANCE GRISE

Ua substance grise, ici comme dans les autres segments du névraxe, se


distingue par une coloration plus ou moins foncée, qui lui a valu son nom.
Nous envisagerons successivement : 1° sa disposition générale ; 2° sa consti¬
tution anatomique.

1° Disposition générale. — Dans chaque moitié de la moelle, la substan¬


ce grise (fig. 130 et 131) affecte la forme d’un croissant, dont la concavité est
dirigée en dehors et dont les deux extrémités, appelées cornes, se trouvent
placées l’une en avant, c’est la corne antérieure, l’autre en arrière, c’est la
corne postérieure. Les deux croissants gris, droit et gauche, sont réunis l’un
à l’autre par une bande transversale, que l’on désigne sous le nom très signi¬
ficatif de commissure.
a) Corne antérieure. — La corne antérieure, relativement volumineuse,
regard directement en avant, quelquefois en avant et en dehors. Confondue
en arrière avec la corne postérieure, elle se termine en avant à une certaine
distance de la surface extérieure de la moelle ; elle est donc entourée sur tout
son pourtour, sauf sur le point où elle se continue avec la corne postérieure,
par le manteau médullaire.
Topographiquement, on distingue à la corne antérieure deux parties : une
partie antérieure ou tête et une partie postérieure ou base. Du reste, il
n’existe entre ces deux parties aucune ligne de démarcation bien nette.
MOELLE ÉPINIÈRE 503

La corne antérieure, disons-le tout de suite, donne naissance aux racines


antérieures ou motrices.
De la partie postéro-externe de la corne antérieure s’échappe un prolon¬
gement transversal, de forme triangulaire, qui pénètre dans le cordon latéral
et s’y termine en une pointe plus ou moins effilée • c’est le tractus intermedio-
lateralis de Clarke, désigné plus souvent aujourd’hui sous le nom de corne
latérale ou corne moyenne. La
15 15
corne latérale n’est pour ainsi
dire bien visible qu’à la partie
supérieure de la moelle dorsale.
Au-dessus et au-dessous de cette
région, elle s’atténue graduel¬
lement ou même disparaît d’une
façon complète en tant que pro¬
longement distinct ; mais ses
éléments histologiques n’en exis¬
tent pas moins, fusionnés alors
avec la partie latérale de la corne
antérieure.
b) Corne postérieure. — La Fig. 131.
La colonne grise centrale, dégagée de son
corne postérieure, à laquelle se manteau médullaire (schématique).
rendent les racines postérieures t, sillon médian antérieur. — 2, sillon médian pos¬
térieur — 3, sillon collatéral postérieur. — 4, cor¬
ou sensitives des nerfs rachi¬ don antérieur de la moelle. — 5, cordon latéral. —
6, cordon postérieur. — 7, corne antérieure, avec :
diens, se dirige obliquement en 8, son noyau antéro-externe ; 9, son noyau antéro-
interne ; 10, son noyau postéro-externe, occupant
arrière et en dehors. Elle se dis¬ la corne latérale ou tractus intermedio-lateralis.
— 11, corne postérieure, avec 12, colonne vésiculai¬
tingue de la précédente en ce re de CLarke. — 13, faisceau longitudinal de la cor¬
ne postérieure. — 14, substance gélatineuse de Ro-
„ando. — 15, racines antérieures. — 16, racines pos¬
qu’elle est plus petite, plus mince, térieures. — 17, canal de l’épendyme. — 18, veines
de la commissure grise.
comme effilée et qu’elle ne
présente pas sur sa ligne de
contour ces espèces de festons et de piquants qui caractérisent la corne
antérieure. Elle en diffère, d’autre part, en ce qu’elle s’étend jusqu’au voisi¬
nage du sillon collatéral postérieur : elle n’est séparée de la surface extérieure
de la moelle, en effet, que par une mince lamelle de substance blanche, qui
répond à l’entrée des racines postérieures et qui est appelée zone marginale
de Lissauer ou, tout simplement, zone de Lissauer.
La configuration spéciale de la corne postérieure lui a fait distinguer trois
parties : 1° une partie antérieure ou base, qui se continue, comme nous
l’avons déjà dit, avec la base de la corne antérieure ; 2° une partie posté¬
rieure ou tête, dont le sommet, plus ou moins effilé en arrière, a reçu le nom
504 CENTRES NERVEUX

d’apex ; 3° entre la base et la tête, une partie moyenne plus ou moins rétré¬
cie, qui constitue le col.
La tête diffère des autres parties de la corne en ce qu elle n’est pas homo¬
gène : en effet, tandis que sa partie antérieure (noyau de la tête de Waldeyer)
présente tous les caractères de la substance grise en général, sa partie toute
postérieure est formée par une substance particulière, transparente, d’aspect
gélatineux, à laquelle, pour
{ 42 U
cette raison, on donne le
nom de substance gélati¬
neuse de Rolando. Cette subs¬
tance, vue sur des coupes
horizontales de la moelle (fig.
132,5), revêt l’aspect d’un
croissant, dont la concavité,
dirigée en avant, coiffe la
partie correspondante de la
tête (le noyau) comme le
ferait un U ou un V majus¬
cule. La substance gélati¬
neuse est délimitée en
arrière, du côté de la zone
de Lissauer et des racines
postérieures, par une mince

xx, limite séparative de la corne antérieure couche, comme elle disposée


et de la corne postérieure
1. sillon médian antérieur. — 2, sillon médian posté¬
en croissant, mais présen¬
rieur, avec 2’ septum médian postérieur. — 3, base de
la corne postérieure. — 4, son col. — 5, sa tête avec : ». tant tous les attributs de la
noyau de la tête ; /', substance gélatineuse de Rolando ;
c, couche zonale de Waldeyer. — 6, faisceaux longitudi¬ substance grise ordinaire :
naux de Kôlliker. — 7, racine postérieure, avec : 7’, son
faisceau interne ; 7”, son faisceau externe. — 8. 8, zone c’est la couche zonale de
de Lissauer. — 9, faisceau de Burdacih. — 10, faisceau
de Goll. — 11, septum intermédiaire ou paramédian. — Waldeyer. Ajoutons que le
12, base de la corne antérieure. — 13, canal de l’épen-
dyme. — 14, cordon latéral. noyau de la tête nous pré¬
sente constamment un cer¬
tain nombre de faisceaux verticaux, sectionnés en travers sur les coupes
horizontales, auxquels Kôlliker a donné le nom de faisceaux longitudinaux
de la corne postérieure.
c) Commissure grise. — La commissure grise est une bande transversale de
substance grise, qui unit l’un à l’autre, par leur convexité, les deux croissants
gris droit et gauche. En arrière, elle répond : 1° sur la ligne médiane, à une
cloison névroglique, le septum médian postérieur, qui s’étend jusqu’au sillon
médian postérieur et qui sépare l’un de l’autre les deux cordons postérieurs
MOELLE ÉPINIÈRE 505

droit et gauche ; 2° à droite et à gauche de cette ligne médiane, à la substan¬


ce blanche des cordons postérieurs. En avant, elle répond au sillon médian an¬
térieur, mais ce rapport n’est pas immédiat : entre la commissure grise et le
sillon s’interpose une lame de substance blanche qui réunit l’un à l’autre les
deux cordons antérieurs et qui constitue la commissure blanche.
Au centre de la commissure grise se voit un conduit longitudinal, très
étroit, vestige du large canal que présente la moelle aux premiers stades de
son développement embryonnaire, c’est le canal de l’épendyme. Il s’ouvre,
en haut, dans le quatrième ventricule et s’arrête, en bas, à la partie moyenne
du lilum terminale.
Une ligne transversale passant par le canal de l’épendyme partage la com¬
missure grise en deux portions : une portion antérieure ou préépendymaire,
que l’on désigne parfois sous le nom de commissure grise antérieure ; une
portion postérieure ou rétro-épendymaire, que l’on appelle encore la com¬
missure grise postérieure. Tout autour de l’épendyme se trouve une zone
d’aspect spécial, semi-transparente, finement granuleuse : c’est la substance
gélatineuse centrale.

2° Constitution anatomique. — Ta colonne grise centrale nous présente


deux ordres d’éléments nerveux : des fibres et des cellules.

a) Fibres nerveuses. — Les fibres nerveuses de la substance grise appar¬


tiennent toutes, sauf quelques rares exceptions, à la catégorie des fibres
amyéliniques. Extrêmement nombreuses et entre-croisées dans tous les sens,
elles forment dans leur ensemble un réticulum très complexe. Il est à remar¬
quer que, quelque compliqué qu’il soit, ce réticulum n’est, pas un plexus,
mais un simple feutrage où chaque fibrille conserve jusqu’au bout son indé¬
pendance anatomique. 11 n’y a jamais entre elles d’anastomoses vraies.

b) Cellules nerveuses. — l es cellules nerveuses de la substance grise


centrale, quelles que soient leur forme et leurs dimensions se distinguent,
suivant la destinée de leur cylindraxe, en trois groupes : 1° cellules de racine
ou cellules radiculaires ; 2° cellules de cordon ou cellules cordonales ; 3° cel¬
lules à cylindraxe court.
a) Cellules radiculaires. — On désigne sous ce nom les cellules dont les
cylindraxes, fuyant la moelle, se rendent aux racines des nerfs rachidiens.
Elles sont motrices ou vaso-motrices. Le plus grand nombre d’entre elles
envoient leur cylindraxe dans les racines antérieures, ce sont les cellules
radiculaires antérieures. Les autres, très peu nombreuses, envoient leur
cylindraxe dans les racines postérieures, ce sont les cellules radiculaires
postérieures.
506 CENTRES NERVEUX

b) Cellules cordonales. — Les cellules cordenales sont celles qui envoient


leur cvlindraxe dans les cordons de la substance blanche, soit dans le cordon
antérieur (cellules cordonales antérieures), soit dans le cordon postérieur
(cellules cordonales postérieures), soit dans le cordon latéral (cellules cordo¬
nales latérales. Ces cellules cordonales, d’après leur mode de terminaison,
sont dites : 1° homolatérales ou homomères (de ô^àç, le même et pipoç, côté),
quand elles jettent leur cylindraxe dans l’un des cordons du côté corres¬

6 pondant ; 2° héicrolatérales ou hétéro-


mères (de ëxepoç, autre et pipoç, côté),
quand elles envoient leur cylindraxe
dans l’un des cordons blancs du côté
opposé ; 3° bilatérales ou dimères (de Slç
deux et pipoç, côté), quand elles envoient
leur cylindraxe, après bifurcation, à la
fois dans le côté correspondant et dans
le côté opposé. Quoi qu’il en soit de leur
direction et de leur mode de terminai¬
son, les cylindraxes des cellules cordona¬
les, une fois arrivés dans le cordon auquel
ils sont destinés, s’entourent de myéline,
puis se bifurquent chacun en deux bran¬
ches, l’une ascendante, l’autre descen¬
dante : ces deux branches de bifurcation,
Fig. 133.
après un trajet variable, mais toujours
Diverses espèces de cellules cordonales.
1, 2, 3, cellules cordonales homomères très court (ce sont des voies courtes),
ou homolatérales des cordons antérieur
(1), latéral (2) et postérieur (3). -— 4, cel¬ s’infléchissent en dedans, entrent de
lule cordonale hétéromère ou hétérolaté-
rale. — 5, cellule cordonale bilatérale. — nouveau dans la colonne grise et s’y ter¬
6, racine antérieure. — 7, racine posté¬
rieure. minent chacune par une arborisation
libre, embrassant dans ses nombreuses
fibrilles une cellule nerveuse, soit de la corne antérieure, soit de la corne pos¬
térieure. Ce sont des fibres d’association longitudinales, mettant en relation
les étages successifs de la moelle épinière.

c) Cellules à cylindraxe court. — Ces cellules, décrites par Golgi (cellules


de Golgi type II), présentent ce caractère essentiel que leur cylindraxe, très
court, ne sort pas de la substance grise et s’y termine au voisinage du corps
cellulaire dont il émane. Ce sont des cellules ou neurones d'association, à
champ peu étendu, mettant en relation les cellules dont elles reçoivent les ar¬
borisations terminales avec celles auxquelles elles envoient les leurs.
MOELLE EPINIERE 507

3° Mode de répartition des cellules nerveuses dans la substance


grise. — Les trois espèces de cellules nerveuses que nous venons d’étudier pour
ainsi dire à l’état d’isolement ne sont pas réparties dans la moelle d’une façon
quelconque. Si un certain nombre d’entre elles sont disséminées sans ordre
apparent sur les points les plus divers de la substance grise, les autres se
disposent par groupes sur des points parfaitement déterminés, en formant au¬
tant de systèmes réguliers, que l’on désigne sous le nom de noyaux quand
on les envisage sur des coupes horizontales, sous le
nom de colonnes quand on les examine sur des
coupes longitudinales. Le mode de répartition des
éléments cellulaires dans la substance grise spinale a,
en physiologie et surtout en anatomie pathologique,
une importance considérable. Examinons-le successi¬
vement : 1° dans la corne antérieure ; 2° dans la corne
postérieure ; 3° dans la commissure grise.

a) Cellules nerveuses de la corne antérieure. —

Les cellules nerveuses, dans la corne antérieure, for¬


ment tout d’abord, trois noyaux (fig. 130 et 131) :
a) Le noyau antéro-interne, situé à l’angle antéro-
interne de la corne antérieure : il renferme des cellules
4>
radiculaires antérieures, cellules motrices, envoyant Fig. 134.
Une cellule cordona-
leur cylindraxe aux racines antérieures et des cellules le, vue à l’état d’i¬
cordonales hétérolatérales, dont les cylindraxes passent, solement (schéma¬
tique).
après entrecroisement sur la ligne médiane, dans le cor¬ 1, corps cellulaire. —
2, cylindraxe, avec : 3,
don antérieur du côté opposé : sa branche ascendan¬
te, se terminant en 3’
P) Le noyau antéro-externc, occupant l’angle antéro- autour d’une cellule
nerveuse ; 4, sa bran¬
externe de la corne : il est presque exclusivement cons¬ che descendante, se ter¬
minant en 4’ autour
titué par des cellules radiculaires motrices se rendant d’une deuxième cellu¬
le nerveuse.
aux racines antérieures ; Les fibres 2, 3 et 4
représentent des fibres
7) Le noyau posléro-externe ou latéral, occupant la endogènes.

corne latérale : les cellules qui le constituent sont, en


partie des cellules radiculaires qui envoient leur cylindraxe dans les racines
antérieures, en partie des cellules cordonales homomères, qui envoient leur
cylindraxe dans le cordon antérieur ou le cordon latéral du môme côté.
Outre ces trois noyaux, on rencontre encore dans le territoire de la corne
antérieure des cellules solitaires, dont les cylindraxes se rendent, soit dans
les cordons (ce sont des cellules cordonales), soit dans les racines postérieures
(ce sont des cellules radiculaires postérieures).
508 CENTRES NERVEUX

b) Cellules nerveuses de la corne postérieure. — Elles constituent les


trois groupes suivants (fig. 131) :
a) La colonne de Clarke, située à la partie interne de la base de la corne
postérieure. Elle revêt, sur les coupes transversales, une forme arrondie ou
ovalaire. Histologiquement, elle renferme des cellules dont les cylindraxes
se dirigent en dehors pour former le faisceau cérébelleux direct, que nous
retrouverons dans le paragraphe suivant (voy. p. 512). La colonne de Clarke
caractérise la moelle dorsale : elle n’existe pas, en effet, dans la moelle cervi¬
cale et dans la moelle lombaire ou, plus exactement, elle n’y est représentée
que par des cellules plus ou moins disséminées ;
P) Le groupe de la substance gélatineuse de Rolando, situé dans la substan¬
ce de même nom à la partie postérieure de la corne. Il se dispose en trois zones
concentriques : les cellules constitutives de ces trois zones sont des cellules
cordonales, envoyant leur cylindraxe, soit dons la partie avoisinante du
cordon latéral, soit dans le cordon postérieur ;
y) Les cellules solitaires de la corne postérieure, disséminées un peu par¬
tout dans le territoire de la corne : elles se distinguent en cellules à cylindraxe
court et en cellules cordonales, ces dernières envoyant leur cylindraxe dans
les cordons médullaires, soit du côté correspondant, soit du côté opposé.

c) Cellules nerveuses de la commissure grise. — La commissure grise


nous présente dans la substance gélatineuse centrale, tout autour du canal
épendymaire par conséquent, un certain nombre de cellules nerveuses de for¬
me et de grosseur variables, formant par leur ensemble ce qu’on pourrait ap¬
peler le groupe central ou groupe péri-épendymaire. Ces cellules nerveuses
sont des cellules cordonales, soit homomères, soit hétéromères, envoyant
leur cylindraxe dans le cordon antérieur et dans le cordon latéral.

B) SUBSTANCE BLANCHE

La substance blanche de la moelle épinière se dispose tout autour de la


substance grise, l’enveloppant comme dans un manteau, le manteau médul¬
laire. Comme nous l’avons déjà vu plus haut, elle forme six cordons, trois de
chaque côté : 1° en avant, le cordon antérieur, situé entre le sillon médian
antérieur et l’émergence des racines antérieures ; 2° en arrière, le cordon
postérieur, situé entre le sillon médian postérieur et le sillon collatéral posté¬
rieur, d’où s'échappent les racines postérieures ; 3° sur les côtés, le cordon
latéral, compris entre les deux autres, délimité en avant par les racines anté¬
rieures, en arrière par les racines postérieures. Ces trois cordons se voient
nettement sur une coupe transversale de la moelle épinière, quel que soit le
MOELLE ÉPINIÈRE 509

niveau auquel elle est faite (fig. 1 de la PI. XXXII). Notons tout de suite que,
tandis que le cordon postérieur est partout nettement délimité, aucune li¬
mite naturelle ne sépare l’un de l’autre le cordon antérieur et le cordon laté¬
ral : on peut donc réunir ces deux cordons en un seul, le cordon antéro-la-
téral. Notons encore : d’une part, que le cordon antéro-latéral entre en rela¬
tion, au fond du sillon médian antérieur, avec le cordon similaire du côté op¬
posé ; d’autre part, que le cordon postérieur est fusionné avec son homologue
du côté opposé dans presque toute son étendue. Les deux cordons postérieurs
ne sont séparés, en effet, que par une mince cloison névroglique, le sepKum
médian postérieur, qui s’étend en sens sagit¬
tal depuis le sillon médian postérieur jus¬
qu’à la commissure grise.
Les cordons blancs de la moelle compren¬
nent histologiquement, outre quelques cellu¬
les nerveuses aberrantes qui sont toujours
très rares et que nous ne ferons que men¬
tionner, des libres nerveuses à myéline, ayant
tous les caractères des fibres nerveuses des Fig. 134 bis
centres : sans étranglements annulaires, pri¬ Coupe transversale de la subs¬
tance blanche de la moelle,
vées de gaine de Schvann et réduites, par montrant : 1° les fibres ner¬
conséquent, à leur cylindraxe et à leur man- . veuses transversalement cou¬
pées, avec leur myéline dis¬
chon de myéline (fig. 134 bis). posée en zones concentriques ;
2° entre elles, la névroglie
Les libres des cordons médullaires sont avec deux cellules ramifiées
toutes constituées de la même façon et nous (Klein.)

savons cependant qu’elles sont fonctionnelle¬


ment très différentes, les unes étant des conducteurs de la motilité, les autres
des conducteurs sensitifs, d’autres de simples agents d’association entre des
groupes cellulaires plus ou moins éloignés, etc. Si l’anatomie normale est
impuissante, avec les moyens dont elle dispose, à reconnaître et à situer ces
diverses variétés de fibres, l’anatomie pathologique et l’étude du développe¬
ment viennent à son aide et nous pouvons aujourd’hui, grâce à elles, décom¬
poser la substance blanche en un certain nombre de faisceaux ou systèmes
jouissant chacun d'une fonction déterminée et, d’autre part, parfaitement
autonomes tant à l’état morbide qu’à l’état normal. Nous allons tout à l’heure
décrire ces différents systèmes, en indiquant pour chacun d’eux, autant du
moins que cela se pourra, son origine et sa terminaison. Mais nous devons
d’ores et déjà, établir en principe que les fibres des faisceaux médullaires,
quelle que soit leur situation, peuvent toujours être ramenées à l’une des
trois catégories suivantes : 1° fibres d'origine radiculaire, allant aux racines
510 CENTRES NERVEUX

ou en provenant ; 2° fibres d’origine spinale, émanant des cellules cordo-


nales de la substance grise de la moelle ; 3° fibres d’origine encéphaligue,
provenant des cellules situées au-dessus de la moelle, dans l’un quelconque
des segments de la masse encéphalique.
Ceci posé, nous examinerons successivement, au point de vue de leur systé¬
matisation : 1° le cordon antéro-latéral ; 2° le cordon postérieur. Le lecteur
voudra bien, pour les descriptions qui suivent, se reporter à la planche
XXXII (fig. 1), représentant une coupe horizontale de la moelle épinière, sur
laquelle se trouvent indiqués, chacun avec une teinte spéciale, les différents
faisceaux qui entrent dans la constitution de la substance blanche de la
faisceaux qui entrent dans la constitution de la substance blanche spinale.

1° Cordon antéro-latéral. — Le cordon antéro-latéral nous présente cinq


faisceaux : 1° le faisceau pyramidal direct ; 2° le faisceau pyramidal croisé ;
3° le faisceau de Gowers ; 4° le faisceau cérébelleux direct ; *5° le faisceau
fondamental antéro-latéral.
a) Faisceau pyramidal direct. — Le faisceau pyramidal direct ou faisceau
de Türck est situé à la partie interne du cordon antéro-latéral. Il nous appa¬
raît, sur les coupes horizontales de la moelle, sous la forme d’une bandelette
aplatie tranversalement. et limitant, à droite et à gauche, le sillon médian
antérieur. Il est dit direct parce que les fibres qui le constituent passent direc¬
tement (je veux dire sans s’entrecroiser sur la ligne médiane) du bulbe dans
la moelle.
Les fibres constitutives du faisceau pyramidal direct prennent naissance,
en haut, dans les grosses cellules pyramidales de la zone motrice de l’écorce
cérébrale (voyez planche XXXVIII) : chacune d’elles est le prolongement cylin-
draxile d’une cellule pyramidale. Elles suivent, comme nous venons de le
voir un trajet direct, autrement dit elles occupent dans la moelle le même
côté que dans l’encéphale. Toutefois, au fur et à mesure qu’elles descendent
dans la moelle cervicale, dorsale et lombaire, elles s’inclinent vers la ligne
médiane successivement, les unes à la suite des autres, paquets par paquets ;
elles gagnent ainsi la commissure blanche antérieure, la traversent et
passent du côté opposé. Finalement, elles se rendent aux cornes antérieures
et là se terminent par des arborisations libres autour des cellules motrices
situées dans cette corne antérieure.
Envisagé à un point de vue purement morphologique, le faisceau pyrami¬
dal direct est un composé de fibres nerveuses à long parcours, qui vont des
cellules motrices de l’écorce cérébrale aux cellules motrices spinales du côté
opposé. Physiologiquement, il a pour fonction de conduire à ces dernières
cellules (qui les transmettent elles-mêmes aux muscles) les incitations volon-
MOËLLE ÉPINIÈRE 511

taires parties du cerveau : c’est, avec le faisceau pyramidal croisé que nous
allons voir tout à l’heure, le faisceau moteur volontaire.
b) Faisceau pyramidal croisé. — Le faisceau pyramidal croisé, ainsi appelé
parce qu’il s’entrecroise à la partie inférieure du bulbe avec celui du côté
opposé, occupe la partie toute postérieure du cordon antéro-latéral.
Beaucoup plus volumineux que le faisceau pyramidal direct, il est arrondi
ou ovalaire à la région cervicale, plus ou moins triangulaire aux régions dor¬
sale et lombaire.
Les fibres constitutives du faisceau pyramidal croisé ont exactement
la même signification que celles du faisceau pyramidal direct : elles
vont des cellules pyramidales de l’écorce aux cellules motrices des cor¬
nes antérieures du côté opposé. Elles n’en diffèrent que sur un point : c’est
que, au lieu de s’entrecroiser successivement sur toute la hauteur de la
moelle épinière, elles s’entrecroisent en bloc à la partie inférieure du bulbe,
(décussation des pyramides), avant de descendre dans la moelle par consé¬
quent. Le faisceau pyramidal croisé est donc, lui aussi, un faisceau moteur
volontaire, chargé de transmettre aux cellules des cornes antérieures et, de
là, aux muscles, les incitations motrices des centres de volition.
c) Faisceau ascendant antéro-latéral. — Le faisceau ascendant antéi’o-laté-
ral ou faisceau de Gowers, se trouve situé en avant du faisceau pyramidal
croisé et du faisceau cérébelleux direct. Il fait pour ainsi dire suite à ce
dernier et occupe, en avant de lui, la partie toute superficielle de la moitié
antérieure du cordon latéral. Il dépasse même, du moins dans la portion supé¬
rieure de la moelle, les limites de ce dernier cordon pour empiéter de quel¬
ques millimètres sur le cordon antérieur. Dans son ensemble, il affecte la
forme d’un croissant à concavité interne, traversé de part en part, à son
extrémité antérieure, par les racines antérieures ou motrices des nerfs ra¬
chidiens.
Pour Sherrington et pour Edinger, le faisceau de Gowers, faisceau ascen¬
dant, tire son origine des cellules cordonales hétéromères (cellules comrnis-
surales) de la corne postérieure, principalement des cellules occupant la par¬
tie moyenne de la base. Les fibres nerveuses (cylindraxes) qui émanent de
ces cellules croisent la ligne médiane à travers la commissure antérieure,
passent ainsi du côté opposé, se portent alors transversalement de dedans
en dehors et, arrivées dans le faisceau de Gowers, se redressent en haut pour
suivre, à partir de ce point, un trajet longitudinal.
Le faisceau de Gowers est donc un faisceau sensitif croisé, je veux dire
suivant dans le cordon antéro-latéral de la moelle épinière, le côté opposé
à celui où il prend son origine. Quelques auteurs admettent, cependant,
512 centres Nerveux

dans Je faisceau de Gowers, un certains nombre de fibres directes, prove¬


nant de la corne postérieure correspondante. Mais ces libres sont tou-
toujours en petite quantité. Les libres croisées constituent toujours la pres¬
que totalité du faisceau.
Quoiqu’il en soit, le faisceau de Gowers s’élève sans interruption jusqu’au
bulbe. Là, il s’infléchit, en dedans, se rapproche peu à peu du ruban de
lied, l'atteint, se fusionne avec lui et ne le quitte plus. Faisceau de Gowers
et ruban de Red, ainsi réunis, forment la voie sensitive centrale, nous
savons (voy. p. 626 et Pl. XL;, qu’elle aboutit, à tiavers la protubérance, le pé¬
doncule, la capsule interne et le centre ovale, à la zone sensitivo-motrice de
l’écorce cérébrale.
d) Faisceau cérébelleux direct. — Le faisceau cérébelleux direct appa¬
raît, sur l’écorce de la moelle, sous la forme d’une bandelette aplatie transver¬
salement et fort mince. Topographiquement, il s’étend, dans le sens antéro¬
postérieur, depuis h sillon collatéral postérieur jusqu’au voisinage d’une
ligne transversale qui passerait par le canal de l’épcndyme.
Envisagé au point de vue de sa constitution anatomique, le faisceau céré¬
belleux dixect est encore un faisceau ascendant ou sensitif. 11 est formé par
des libres longitudinales, qui tirent leur origine de la colonne de Clarke et
des cellules qui, sur la moelle lombaire et la moelle cervicale, sont les homo¬
logues de cette colonne.
Ces libres, parties de la face antérieure de la colonne de Clarke, se por¬
tent d’aboid en avant jusqu’au niveau d’une ligne transversale passant par
le caixal de l’épendyme. Puis, se coudant en dehors, elles se portent horizon¬
talement vers le cordon laléral (faisceau cérébelleux horizontal de Flechsig)

et, arrivées dans la partie superficielle de ce coi’don, se recourbent en haut


pour devenir verticalement ascendantes et constituer ainsi, par leur ensem¬
ble, notre faisceau cérébelleux direct. Elles remontent alors, sans interrup¬
tion et sans entrecroisement (d’où le nom de direct donné à ce faisceau),
jusqu'au bxdbe et au cervelet, où elles se terminent, très probablement dans
la partie dorsale du vermis supérieur.
e) Faisceau restant ou fondamental du cordon antéro-latéral. — Ce fais¬
ceau, comme l’indique son nom, est ce qui reste du cordon latéral, déduction
faite des quatre faisceaux précédents.
Les libres qui le constituent proviennent des cellules cordonales de la corne
postérieure, de la coi'ne latérale et de la corne antérieure. Au sortir de la
substance grise, elles prennent une direction longitudinale et, après un trajet
vai'iable mais toujours très court dans le cordon antéro-latéral, elles entrent
de nouveau dans la substance grise pour s’v terminer, sous forme d’arborisa-
MOELLE ÉPINIÈRE 513

lions libres, autour des cellules de cette substance grise. Ce sont des libres
d association longitudinales, disposées en arc, qui relient les uns aux autres
les différents étages de la colonne grise centrale.
La partie profonde du faisceau fondamental du cordon antéro-latéral,
celle qui se trouve appliquée contre le côté externe de la substance grise,
a été décrite par certains auteurs sous le nom de faisceau latéral pro¬
fond ou encore de faisceau limitant latéral. Les fibres qui entrent dans la
constitution de ce faisceau appartiennent à la catégorie des fibres fines : leur
diamètre varie ordinairement de 2 à 5 p.. Elles ont, du reste, la même
signification que les précédentes : ce sont encore des voies courtes reliant en¬
tre eux les étages successifs (mais des étages très voisins) de la colonne
grise centrale.

2° Cordon postérieur. — Le cordon postérieur de la moelle présente


une constitution particulièrement complexe, que nous allons réusmer. Rap¬
pelons, tout d’abord, qu’il comprend deux faisceaux : l’un interne ou
faisceau de Goll ; l’autre externe ou faisceau de Burdach. Une cloison
névroglique plus ou moins nettement différenciée, le septum intermédiaire,
les sépare l’un de l’autre. Les deux faisceaux de Goll et de Burdach, peu
différents par leur nature, comprennent l’un et l’autre deux ordres de fibres :
1° des fibres, qui viennent du dehors de la moelle, ce sont les fibres exogè¬
nes ou radiculaires ; 2° des fibres venant de la substance grise de la moelle,
ce sont les fibres endogènes ou spinales. Etudions-les séparément :

A) Fibres exogènes ou radiculaires. — Les fibres exogènes ou radicu¬


laires proviennent, comme leur nom l'indique, des racines postérieures :
elles ne sont autres que ces racines elles-mêmes. Gomme on le sait, elles
représentent les prolongements internes ou cylindraxiles des cellules conte¬
nues dans les ganglions spinaux.
a) Entrée des radines postérieures dans la moelle. — Les racines postérieu¬
res ou sensitives pénètrent dans le sillon collatéral postérieur (au niveau de
la zone de Lissauer), en formant deux groupes de faisceaux, l un interne,
l’autre externe : le groupe externe se compose de fibres grêles à développe¬
ment tardif ; le groupe interne, lui, est formé en grande partie par des
libres grosses et à développement précoce. Les fibres constitutives de l’un
et l’autre groupes, immédiatement après leur entrée dans la moelle, se bifur¬
quent chacune en une branche ascendante et une branche descendante : les
branches descendantes, très grêles, après un très court trajet, s’infléchissent en
avant et en dehors, pénètrent dans la corne postérieure et s’y terminent par des
LES NERFS EN SCHÉMAS 33
514 CENTRES NERVEUX

arborisations libres autour des cellules de cette corne ; les branches ascen¬
dantes, beaucoup plus importantes, pénètrent pour la plupart dans le fais-
ceau de Burdach, en formant
dans leur ensemble un volumi¬
neux faisceau, que nous dési¬
gnerons sous le nom très signi¬
ficatif de faisceau radiculaire
du cordo?i postérieur.
b) Trajet intra-mcdullaire du
faisceau radiculaire du cordon
postérieur. — A son entrée dans
le cordon postérieur, le faisceau
radiculaire vient se placer tout
d’abord sur le côté interne de la
corne postérieure. Puis, se por¬
tant de bas en haut et de dehors
en dedans, il traverse oblique¬
ment le faisceau de Burdach,
atteint le côté externe du fais¬
ceau de Goll et pénètre dans ce
dernier faisceau, où il restera
désormais jusqu’à sa terminai¬
son (fig. 135).
Le faisceau radiculaire occupe
Trajet intra-médu-llaire du faisceau radiculaire
postérieur (schématique). donc successivement, dans le
1, moitié gauche de la moelle épinière, vue par cordon postérieur, le trois points
sa face postérieure. — 2, sillon médian postérieur.
— 3, sillon collatéral postérieur. — 4, faisceau de suivants : 1° le côté interne de
Burdach. — 5, faisceau de Goll. — 6, nerf rachidien
avec : 6' son ganglion ; 6” sa racine postérieure
ou sensitive. — 7, faisceau radiculaire du cordon
la corne postérieure, c’est sa
postérieur, avec : 7’, sa première étape (sur le côté
interne de la corne postérieure) ; 7”, sa deuxième première étape ; il revêt alors,
étape (à la partie moyenne du faisceau de Bur¬
dach) ; 7”’, sa troisième étape (dans le faisceau de sur des coupes horizontales de
Goll). — aa, bb. cc, plans horizontaux, suivant les¬
quels ont été faites les trois coupes transversales la moelle, la forme d’un crois¬
représentées dans la figure suivante.
On voit nettement, sur ce schéma, que le faisceau sant, dont le bord concave se
radiculaire (7) d’un nerf rachidien quelconque est
graduellement repoussé en dedans par les faisceaux moule exactement sur la partie
radiculaires sus-jacents, qui, successivement, effec¬
tuent les mêmes étapes que le faisceau 7. postéro-interne de la corne, c’est
le champ cornu-radicutaire de
Marie ; 2° la partie moyenne du faisceau de Burdach, c’est sa deuxième
étape ; il s’est aplati dans le sens transversal, en même temps qu’il s’est
allongé dans le sens antéro-postérieur, c’est, alors, la bandelette externe de
Pierret ; 3° le faisceau de Goll, c’est sa troisième étape ; il revêt là, sur les
MOELLE EPINIERE 515

coupes horizontales de la moelle, l’aspect d’un triangle, dont la base dirigée


en arrière répond à la périphérie de la moelle.
Il est à noter qu’en parcourant ainsi ses différentes étapes, le faisceau radi¬
culaire diminue peu à peu de volume. Cela tient à ce que, chemin faisant,
il jette un certain nombre de ses libres dans la corne postérieure.
c) Mode de terminaison du faisceau radiculaire. —: Les fibres constituti¬
ves du faisceau radiculaire, quoique ayant la même origine et probablement
aussi la même valeur anatomique, diffèrent de beaucoup quant à leur lon¬
gueur et l’on peut, à cet égard, les diviser en fibres courtes, fibres moyen¬
nes et fibres longues (fig. 135, 136 et 137J .
<*) Les fibres courtes se séparent du faisceau radiculaire au cours de sa
première étape. Se portant obliquement en avant et en dehors, elles pénè-

Fig. 1 tj.
Coupes transversales de la moelle pour montrer le faisceau radiculaire : A, dans sa pre¬
mière étape (sur le côté interne de la corne postérieure) ; B, dans sa deuxième étape
(à la partie moyenne du faisceau de Burdach) ; C, dans sa troisième étape (en plein
dans le faisceau de Goll).
Ces trois coupes A, B, C, sont faites, en ce qui concerne le faisceau radiculaire, au niveau
des trois plans «a, bb, ce de la figure précédente.

trent dans la tête de la corne postérieure et s’y résolvent en arborisations


terminales libres autour des éléments cellulaires, soit de la substance gélati¬
neuse, soit de la substance spongieuse ;
P) Les fibres moyennes se séparent du faisceau radiculaire au cours de
sa deuxième étape et viennent se terminer, toujours par arborisations li¬
bres, dans la colonne de Clarke, autour des cellules qui forment cette co¬
lonne (cellules d’origine du faisceau cérébelleux direct) ;
y) Les fibres longues sont celles qui, du faisceau radiculaire passent dans
le faisceau de Goll, autrement dit c’est le faisceau radiculaire lui-même dé¬
barrassé, au cours de ses deux premières étapes, de ses fibres courtes et de ses
fibres moyennes. Elles vont tout d’une traite jusqu’au bulbe, où elles se ter¬
minent dans les noyaux de Goll et de Burdach. Les plus longues sont natu¬
rellement celles qui viennent de plus bas (nerfs sacrés) ; les plus courtes,
516 CENTRES NERVEUX

celles qui viennent de plus haut (nerfs cervicaux). Or, l’observation démon¬
tre que, sur un point quelconque du faisceau de Goll, les fibres radiculaires
longues sont disposées d’une façon telle
(Loi de Kulher) qu’elles sont d'autant plus
rapprochées du plan médian que leur
point d’entrée dans la moelle épinière est
placée plus bas. En d’autres tei'mes, les
libres les plus internes sont celles qui
viennent de plus bas, les fibres les plus
externes, celles qui viennent de plus haut.
Voilà pourquoi, sur une coupe transver¬
sale du faisceau de Goll, pratiquée à sa
partie toute supérieure on trouve successi¬
vement, en allant de dedans en dehors :
1° les fibres longues provenant des nerfs
sacrés ; 2° les fibres longues lombaires ; 3"
les fibres longues dorsales ; 4° enfin les
fibres longues cervicales.

e) Fibres endogènes on 'jptnai.es. —

Les fibres endogènes, ainsi appelées parce


qu’elles proviennent, non du dehors com¬
me les précédentes, mais bien de la moelle
elle-même, sont relativement peu nom¬
breuses et, de ce fait, constituent pour le
Fig. 137. cordon postérieur un élément accessoire.
Schéma montrant le trajet et la
terminaison des fibres radicu¬ a) Origine et trajet. — Elles provien¬
laires postérieures. nent des cellules cordonales des cornes
1, 1’, deux tronçons de la molle cer¬
vicale superposés. — 2, un tronçon du postérieures. En entrant dans le cordon
bulbe. — 3, colonne de Clarke. —
4, noyau de Goll. — 5, noyau de Bur- postérieur , chacune d’elles s’v divise en
dach. — 6, faisceau cérébelleux direct.
— 7, trois fibres radiculaires, avec 7’, deux branches, l’une ascendante, l’autre
leur ganglion. — 8, leur branche de
bifurcation descendante. — 9, branche
ascendante courte (voie courte). — 10, descendante, lesquelles, après un trajet
branche ascendante moyenne (encore
voie courte). — 11, branche ascendante très court, s’engagent de nouveau dans la
longue (voie longue).
corne postérieure et s’y terminent par des
arborisations libres.
b) Fibres ascendantes. — I.es fibres endogènes ascendantes (elles dégénè¬
rent de bas en haut), se condensent à la partie antérieure du cordon en un
faisceau plus ou moins individualisé, que l’on désigne indistinctement
MOELLE EPINIERE 517

sous les noms de faisceau ventral du cordon postérieur, zone cornu-commis-


surale de Marie, champ de Wesphal.
c) Fibres descendantes. — Les libres endogènes descendantes (elles dégé¬
nèrent de haut en bas) forment à la partie postéro-
interne du cordon postérieur, un faisceau plus ou
moins nettement individualisé, qui change légère¬
ment de place et d’aspect, suivant les régions où l'on
examine : 1° sur le cône terminal et sur la moelle
sacrée, c’est un petit triangle, dont la base répond à
la surface extérieure de la moelle (triangle médian de
Gombaut et Philippe ; 2° sur la moelle lombaire,
c’est une bandelette plan-convexe située à la partie
moyenne du faisceau de Goll, tout contre le septum
médian (centre ovale de Flechsig) ; 3° sur la moelle Fig. 138.
dorsale inférieure, c’est une bandelette allongée en La zone cornu-radicu-
laire et le faisceau
sens transversal, tout contre la surface extérieure en virgule de
de la moelle (bandelette périphérique dorsale) Schultze (schéma¬
tique).
sur la moelle dorsale supérieure et sur la moelle 1, corne postérieure.
— 2, faisceau en vir¬
cervicale, c’est un faisceau en forme de virgule gule. — 3, zone cornu-
radiculaire. — 4, fais¬
(à queue postérieure), située dans les deux tiers anté¬ ceau de Burdach. — 5,
faisceau de Goll. — n
rieurs du faisceau de Burdach (faisceau en virgule de ' et 6’, segment interne
et segment externe de
Schultze). la zone de Lissauer.

3° Résumé. — Nous résumons dans le tableau synoptique suivant, le


mode de constitution du cordon antéro-latéral et du cordon postérieur :

CORDONS FAISCEAUX CELLULE D’ORIGINE LIEU DE TERMINAISON


DES FIBRES DES FIBHES

1 1” F. pyramidal direct_ Ecorce cérébrale .... Cornes antérieures.


l 2° F. pyramidal croisé_ Ecorce cérébrale .... Cornes antérieures.
COUPON
, 3» F.' cérébelleux direct... Colonne de Clarke ... Ecorce cérébelleuse.
ANTÉRO-LATÉRAL
1 4" F. de Gowers. Subst. grise spinale. Ecorce cérébrale.
) 5° F. fondamental. Subst. grise spinale. Subst. grise spinale.
f Ganglion spinal pour
\ les fibres exogènes et
CORDON \ 1" F. de Burdach — \
< subst. grise spinale | Subst. grise spinale.
POSTÉRIEUR 1 2° F. de Goll.j / pour les fibres endo-
\ gènes.

Rappelons ici que le faisceau fondamental du cordon antéro-latéral, teinté


en jaune dans notre planche XXXII, résulte de la réunion de trois faisceaux,
que certains auteurs décrivent à part : le faisceau fondamental du cordon an-
518 CENTRES NERVEUX

lérieur, le faisceau fondamental du cordon latéral et le faisceau latéral profond.


Ces trois faisceaux qu’aucune limite naturelle ne sépare, sont, d’autre part,
constitués par des fibres de même valeur : il est donc très rationnel de les fu¬
sionner et de n’en faire qu’un seul.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

La moelle épinière n’est pas simplement, ainsi que le croyaient les


anciens, un gros tronc nerveux — le summus corporis humani nervus,
comme l’appelait encore Monro à la fin du xvmc siècle, — servant unique¬
ment à relier les nerfs périphériques à l’encéphale et vice-versa. Elle sert,
en effet, à cet usage, mais pas à lui seul ; car, outre les faisceaux de subs¬
tance blanche qui sont bien de simples agents de conduction, elle contient
dans sa substance grise une multitude de cellules neurales, dont les nerfs
périphériques de la vie de relation sont complètement dépourvus. Son rôle
dans le mécanisme du système nerveux est très complexe. Il serait impos¬
sible de condenser en quelques pages les innombrables recherches que les
physiologistes et les cliniciens ont faites pour déterminer ses fonctions et
comprendre ses réactions pathologiques. Obligés de nous restreindre, nous
nous bornerons à exposer ici les notions essentielles actuellement acquises à la
science et ayant un intérêt pratique immédiat pour tous les médecins. Notre
cadre étant ainsi circonscrit, nous allons : 1° résumer en quelques lignes
la texture à la fois fasciculaire et métamérique de la moelle ; 2° relater les
troubles fonctionnels et les dégénérations secondaires qui se développent
après ses transsections complètes ; 3° exposer très brièvement les effets de
ses lésions systématiques, pseudo-systématiques et non systématiques :
4° enfin, indiquer les causes, les symptômes et les éléments du diagnostic
de ses compressions lentes.

1° Texture fasciculaire et métamérique de la moelle épinière. —


La moelle épinière est constituée par un assemblage d’appareils de conduc¬
tion et d’organes doués inactivité spécialisée.
a) Les appareils de conduction sont représentés par les cordons de subs¬
tance blanche qui forment en quelque sorte les pièces de soutènement de
sa charpente. Leurs fonctions consistent : d’une part, à transmettre de la
périphérie à l’encéphale les impressions sensitives, et de l’encéphale à la
périphérie, les incitations motrices volontaires ; d’autre part, à établir les
communications physiologiques entre les divers étages de la colonne de
substance grise centrale.
MOELLE EPINIERE 519

b) Les organes doués d’activité spécialisée sont inclus dans la substance


grise. Les plus simples sont les nœuds de raccordement par lesquels dans
toute la longueur du névraxe les neurones à conduction centripète prove¬
nant des racines postérieures de chaque paire rachidienne s’articulent avec
les neurones à conduction centrifuge émergeant par les racines antérieures
de la même paire ; ils sont particulièrement affectés à la production du
réflexe ubiquitaire du tonus musculaire. D’autres, plus compliqués, formés
par l’association de neurones du système sympathique et du système de
la vie de relation constituent de véritables centres excito-moteurs adaptés
à des fonctions spéciales. Tels sont : le centre cilio-spinal de Waller, éten¬
du de la C6 à la D2 ; le centre accélérateur cardiaque de Cl. Bernard, situé
entre la partie inférieure du renflement cervical et la partie moyenne de
la région dorsale ; les centres génito-spinal de Budge, vésico-spinal de
Giannuzi, ano-spinal de Masius, contenus dans le renflement lombo sacré ;
enfin, plusieurs centres vaso-moteurs, sudoraux, pilo-moteurs, dispersés à
différentes hauteurs de la colonne grise. Celle-ci se trouve ainsi composée
par une série de disques superposés qu’on appelle les myèlomères ou méta-
mères, dont chacun est fonctionnellement distinct de ses voisins sans en être
toutefois complètement indépendant, car un grand nombre de fibres les
relient à l’encéphale et les réunissent les uns aux autres de façon à régu¬
lariser et à solidariser leur action.
En somme, la texture de la moelle est fasciculaire dans le sens vertical
pour les appiareils de conduction contenus dans la substance blanche et
métamérique dans le sens horizontal pour les organes à activité autonome et
à fonction spécialisée échelonnés dans les divers segments de la substance
grise. Il est indispensable d’avoir toujours présentes à l’esprit ces notions
d’anatomie topographique pour comprendre et interpréter judicieusement
la physiopathologie des affections médullaires.

2° Effets précoces et effets tardifs des transsections complètes de la


moelle.— La transsection complète de la moelle épinière détermine : 1° des
syndromes paraplégiques ; 2° des phénomènes d'automatisme médullaire :
3° des dégénérations secondaires.

a) Syndromes paraplégiques. — Toute interruption complète de l’axe


médullaire, qu’elle dépende d’une transsection traumatique linéaire par
instrument tranchant, d’un écrasement annulaire provoqué par la péné¬
tration d’un projectile de guerre ou par des esquilles osseuses provenant
de fractures de la colonne vertébrale, d’une myélite transverse ou de toute
520 CENTRES NERVEUX

autre cause, a nécessairement pour effet de diviser la moelle en deux seg¬


ments n’ayant plus de communications physiologiques l’un avec l’autre. Le
segment supérieur, resté en rapport avec le cerveau et le cervelet, conserve
à peu près intégralement ses fonctions ; le tronçon inférieur, complètement
isolé de l’encéphale, ne peut plus remplir les siennes. Les longs faisceaux
de conduction intra-médullaire étant coupés, toutes les parties du corps
innervées par les nerfs issus de ce tronçon sont privés de motilité volontaire
et de sensibilité. Les organes doués d'activités spécialisées qu’il renferme
soustraits à la surveillance et au contrôle des centres céphaliques et bulbo-
protobérantiels sont déréglés. De tout cela résulte une série de perturba¬
tions fonctionnelles, motrices, sensitives, vaso-motrices, trophiques, sphinc¬
tériennes et autres qui se traduisent cliniquement par des syndromes para¬
plégiques dont les composants diffèrent avec la hauteur de la lésion provo¬
catrice. Leurs principales variétés sont, en allant de bas en haut :
a) Le syndrome du cône terminal, caractérisé par l’anesthésie en selle de
la région périnéale, avec troubles sphinctériens et perte des érections, sans
paralysie des membres ;
P) Le syndrome du renflement lombo-sacré : memes phénomènes que
le précédent avec, en plus, paralysie des membres inférieurs et des muscles
abdominaux, anesthésie de la moitié sous-ombilicale du corps, et souvent
eschares sacrées ;
y) Le syndrome de la région dorsale : mêmes phénomènes que les pré¬
cédents, avec, en plus, anesthésie remontant jusqu’au thorax et paralysie des
muscles intercostaux, sans paralysie du diaphragme innervé par le nerf
phrénique qui naît du plexus cervical ;
5) Le syndrome du renflement brachial : mêmes phénomènes que les
précédents avec, en plus, paralysie des membres supérieurs, anesthésie re¬
montant jusqu’aux épaules, et dilatation permanente des pupilles ;
e) Le syndrome de la région cervicale : mêmes phénomènes que les précé¬
dents, avec, en plus, paralysie du diaphragme, d’où asphyxie et mort rapide.
Si l’interruption de la moelle est hémilatérale, on constate le syndrome
de Vhémisection latérale étudié et décrit par Brown-Sùquard, dans lequel
avec une paralysie motrice de tous les muscles innervés par les nerfs qui
partent de la moelle au-dessous de la lésion et du même côté qu’elle, coexiste
une hémianesthésie du côté opposé. Cette particularité s’explique par le
fait que toutes les libres motrices s’entrecroisenl dans le bulbe, tandis que
la plupart des libres sensitives subissent une décussation immédiatement
après leur entrée dans les cornes postérieures.
MOELLE ÉPINIÈRE 521

b) Phénomènes d’automatisme médullaire. — Aussitôt que la moelle a


été coupée les syndromes paraplégiques se sont établis et, dès leur apparition,
ont acquis leur maximum d’intensité : la perte de la sensibilité et de la moti¬
lité volontaire dans toutes les parties du corps privées d’innervation par le
fait de l’interruption du névraxe a été absolue ; les muscles sont devenus
atones ; les réflexes tendineux et cutanés ont été abolis ; les troubles sphincté¬
riens très accusés. Durant les semaines suivantes des modifications se pro¬
duisent, non pas dans la sensibilité et la mobilité volontaires, qui restent et
resteront indéfiniment annihilées, mais dans la réflexibilité. Le tonus mus¬
culaire reparaît le premier ; les réflexes cutanés et tendineux renaissent en¬
suite ; ils se manifestent sous des modalités anormales qui les ont fait dési¬
gner sous le nom de réflexes de défense ; en même temps les troubles sphinc¬
tériens s’atténuent. Ce sont là les phénomènes dits d’automalisme médul¬
laire, que nous nous bornons à signaler en ce moment, mais qui seront étu¬
diés, avec les détails que juslilie leur importance, dans le chapitre vu, p. G89.

c) Décélérations secondaires de la moelle.— Lorsque la moelle épiinière


d’un homme a été transsectionnée dans la région dorsale, par exemple, et
que, le malade ayant survécu quelques semaines ou quelques mois, on prati¬
que, après durcissement et coloration convenables, l’examen microscopique
des coupes provenant des segments supérieur et inférieur, on y constate des
bandes de dégénération ou de sclérose — suivant que la survie du malade a
été plus ou moins longue — dont la topographie est différente sur les coupes
de l’un de l’autre de ces segments.
a) Au-dessous de la transsection. — On voit sur chacune des moitiés laté¬
rales de la coupe examinée, deux îlots de dégénération : le plus large, de
forme ovalaire est situé dans le cordon latéral, en dehors du croissant à con¬
cavité externe formé par la corne postérieure, le second, plus petit, de
forme rectangulaire, longe le bord interne du cordon antérieur. Le fait que
les fibres qui entrent dans la composition de ces îlots ont dégénéré de
haut en bas, démontre que leurs cellules mères se trouvent au-dessus de
la transsection ; en réalité, la plupart sont placées dans l’écorce de la ré¬
gion rolandique du cerveau ; quelques-unes seulement se trouvent dans
les noyaux du pont de varole ou du noyau rouge (faisceau rubro-spinal
de von Monakovv et van Gehuchten). L’îloi du cordon latéral est formé par
le faisceau pyramidal croisé, l’îlôt du cordon antérieur par le faisceau py¬
ramidal direct.

En outre dans la portion externe des cordons antéro-latéraux, au milieu


des aires dénommées faisceau de Gowers et faisceau cérébelleux direct
522 CENTRES NERVEUX

on distingue un petit nombre de libres dégénérées au milieu d’un beaucoup


plus grand nombre restées normales. Ce sont des libres à trajet centrifuge
dont les cellules neuronales se trouvent dans le cervelet.
b) Au-dessus de la transsection. — Au-dessus de la transsection, on cons¬
tate de chaque côté de la coupe :
1° Sur la portion interne du cordon postérieur, un îlot triangulaire de
dégénération, à base dirigée en arrière, c’est le faisceau de Goll, dont les
libres nées dans les parties inférieures de la moelle se dirigent vers ses par¬
ties supérieures jusqu’à la hauteur des pyramides postérieures.
2° Sur la région externe des cordons antéro-latéraux, deux croissants où
abondent les fibres dégénérées ; celui qui se trouve en avant est le faisceau
de Gowers, celui qui se trouve en arrière, le faisceau cérébelleux direct. Ils
sont composés : le premier par des fibres remontant du segment inférieur de
la moelle où elles prennent naissance vers le cervelet où elles se terminent ;
le second, par des libres partant, d’après la plupart des auteurs, des cellules
de la colonne vésiculeuse de Clarke et se rendant également dans le cervelet.
Sauf dans les points immédiatement contigus à la surface des plaies résul¬
tant de la transsection, la substance grise des cornes antérieures et postérieu¬
res ne présente pas d’altération appréciable.

d) Spécialisation fonctionnelle de la substance cuise et des cordons

blancs. — La répartition des dégénérations secondaires sur les deux segments


de la moelle coupée en travers indique bien la polarisation centripète ou cen¬
trifuge des faisceaux dégénérés, mais elle ne donne que de vagues présomp¬
tions sur leurs fonctions propres ; à fortiori, l’intégrité des cornes antérieures
et postérieures ne donne-t-elle aucune indication sur le rôle qu’elles remplis¬
sent. L’élude anatomo-clinique des affections organiques de la moelle fournit
heureusement, comme nous allons le voir, des documents de nature à résou¬
dre le problème de la spécialisation fonctionnelle des diverses parties de l’axe
médullaire. Voici les faits principaux qui ressortent de l’analyse de ces docu¬
ments. Les uns sont relatifs à la substance grise centrale, les autres aux fais¬
ceaux de substance blanche.
a) Substance grise centrale. — Elle forme, comme on le sait, les cor¬
nes antérieures et les cornes postérieures :
a) Les cornes antérieures font partie de l’appareil cérébro-spinal de la
motilité volontaire. Les chaînes neuronales de cet appareil sont représentées
par deux groupes de neurones superposés, l’un central ou cortico-médullaire ;
l’autre périphérique ou médullo-musculaire. Les neurones du groupe cen¬
tral ont leurs cellules-mères dans l’écorce de la région rolandique du cer-
MOELLE ÉPINIÈRE 523

veau ; leurs prolongements cylindraxiles pénètrent dans le faisceau pyra¬


midal et arrivent avec lui dans les cornes antérieures de la moelle où ils s ar¬
ticulent avec les dendrites des neurones périphériques dont les cylindraxes,
après être sortis du névraxe par les racines antérieures les plus proches, pénè¬
trent dans les nerfs moteurs et y poursuivent leur trajet jusqu’aux muscles
auxquels ils sont destinés. Les neurones du premier groupe ont pour fonction
de transmettre du cerveau à la moelle l’ordre de faire exécuter le mouvement
voulu ; ceux du second, de communiquer cet ordre aux agents subalternes
dont ils disposent, c’est-à-dire aux muscles.
Toute lésion destructive massive d’une corne antérieure a pour effet immé¬
diat d’interrompre les voies de communications entre les centres céi’ébraux
d’où part l’incitation volontaire et les organes contractiles qui doivent l’ac¬
complir. De là résulte une paralysie par défaut de transmission des com¬
mandes : une panne d’embrayage. Ce n’est pas tout. La destruction des cellu¬
les neurales contenues dans le segment lésé de la corne antérieure est néces¬
sairement suivie de la dégénération vallérienne des fibres qui en partent et
de l’atrophie des muscles innervés par les fibres dégénérées.
Le syndrome des altérations massives limitées aux cornes antérieures de
la moelle est donc une paralysie fiasque et atrophique des muscles volontai¬
res qui reçoivent leur innervation des cellules nerveuses contenues dans la
corne antérieure malade, paralysie ne s’accompagnant pas de troubles de la
sensibilité.
Ce syndrome s’observe en clinique dans les cas de poliomyélites antérieu¬
res aiguës, subaiguës ou chroniques, de paralysies infantiles, d’atrophies
musculaires progressives myélopathiques, de paralysies ischémiques des cais¬
sons, d’hématomyélies à petit foyer limités ne dépassant pas l’aire des cor¬
nes dans lesquelles s’est produit le raptus hémorragique, de petits ramol¬
lissements lacunaires, etc.
jî) Les cornes postérieures appartiennent à l’appareil sensitif intra-médul-
laire. C’est à leur niveau que pénètrent, après avoir traversé la zone de
Lissauer, les fibres centripètes provenant des racines postérieures (voy. fig.
132, p. 504). Cette zone est toujours atteinte d’altérations sclérosiques dans
le tabes ; son irritation par l'envahissement, progressif du tissu interstitiel
est très vraisemblablement la cause des douleurs aiguës à type fulgurant qui
sont l’un des principaux symptômes de cette maladie ; sa destruction déter¬
mine des anesthésies totales des régions périphériques où se distribuent les
fibres détruites.
Dans la syringomyélie, c’est la base des cornes postérieures qui se trouve
surtout désorganisée. Le curieux phénomène de la dissociation sensitive, dite
524 CENTRES NERVEUX

syringomyélique, dans lequel la sensibilité tactile étant conservée, les sensi¬


bilités thermique et dolorilique soid abolies, est le résultat des lésions des¬
tructives de cette portion de la substance grise de la moelle.

e) Faisceaux de la substance blanche. —- Passons maintenant à l’étude


des faisceaux blancs dont la pathologie éclaire les fonctions :
a) Les faisceaux pyramidaux croisés et directs relient l’écorce cérébrale
aux cornes antérieures de la moelle. Les libres qui les composent naissent
dans les cellules de la zone motrice corticale (circonvolution frontale ascen¬
dante, lobule paracentral et opercule rolandique), traversent le centre ovale,
la capsule interne, le tiers moyen du pédoncule, la pyramide antérieure du
bulbe, à la base de laquelle la plupart s’entrecroisent, plongent dans le cor¬
don latéral du côté opposé et vont se terminer dans les cornes antérieures de
la moelle, en s’articulant avec les prolongements dendritiques des gran¬
des cellules de Deiters. Leur interruption dans un point quelconque de
leur long trajet sépare les centres psychiques de la volonté des orga¬
nes périphériques d’exécution. Elle détermine une paralysie dont les carac¬
tères diffèrent notablement de celles qui résultent des lésions du proto¬
neurone moteur périphérique. I.e malade ne peut pas exécuter les mouve¬
ments qu’il veut ; mais ses muscles n’ont pas perdu leur pouvoir de se
contracter par synergie ; ils sont hypertoniques ; les nerfs qui s’y rendent
ne subissent pas la dégénération wallérienne ; les muscles s’amaigrissent à
la longue par défaut d’exercice, mais leurs fibrilles élémentaires ne perdent
pas leur structure normale et ils ne présentent jamais les modifications
qualitatives de l’excitabilité électrique qui caractérisent le R ü.
P) Les faisceaux de Goll sont formés par dos fibres d’association qui relient
entre eux les différents étages de la moelle et servent vraisemblablement à
assurer l’harmonie des mouvements complexes du corps. Ils dégénèrent de
bas en haut. Leurs altérations primitives et isolées sont très rares. En revan¬
che, ils sont toujours sclérosés dans le tahes au-dessus de la légion lombo-
sacrée où siègent d’ordinaire les lésions propres de cette maladie. Néanmoins,
il ne semble pas que leur sclérose suffise à elle seule à produire l'incoordi¬
nation motrice des tabétiques.
y) Les faisceaux cérebelleux directs et les faisceaux croisés île Govvers font
partie de l’appareil des associations cérébello-médullaires qui seront décrites
plus loin. D’après quelques auteurs, le faisceau cérébelleux direct partirait des
cellules de la colonne vésiculeuse de Clarke et serait l’origine du grand sym¬
pathique.
8) Les fonctions de la portion dite fondamentale des faisceaux antérieurs
et latéraux restent à l’heure actuelle indéterminées.
Moelle épinière 525

3° Les affections systématiques, pseudo-systématiques et non systé¬


matiques de la moelle. — On appelle : 1° systématiques, les affections
organiques de la moelle épinière dont les lésions sont strictement limitées a
]’un ou l’autre des longs faisceaux de conduction inlra-médullaires ; 2° pseu¬
do-systématiques, celles dont les lésions, tout en prédominant sur les fibres
de l’un ou l’autre de ces faisceaux ou sur les cellules des cornes de substance
grise, n’en altèrent pas tous les éléments au même moment et à un égal de-'
gré ; 3° non-systématiques, celles dont les lésions diffuses ou circonscrites
affectent indistinctement, en des points et à des profondeurs différentes,* un
ou plusieurs des appareils de conduction ou des centres d activité propre
fonctionnellement différenciés du névraxe.

a) Lésions systématisées pures. — Les lésions systématiques pures se ren¬


contrent seulement dans les cordons blancs. Elles résultent de la dégénéra¬
tion wallérienne de groupes cohérents de fibres nerveuses soustraites à 1 in¬
fluence trophique de leurs cellules-mères, soit parce que celles-ci ont été dé¬
truites par des foyers de ramollissement ou d’hémorragie, soit parce que
la continuité des fibres qui en dérivent a été interrompue dans le cours de
leur trajet entre le point où elles émergent du corps cellulaire dont elles pro¬
viennent et le lieu où elles se terminent en se dissociant dans les plaques mo¬
trices d'un muscle ou en s’articulant avec un autre neurone.
Les phénomènes histologiques de la dégénération évoluent dans les fibres
oordonales médullaires comme dans le bout périphérique des nerfs section¬
nés (voy. p. 38). Ils débutent par la déliquescence de l’axone, bientôt suivie
de la fragmentation et de la résorption par phagocytose de la myéline ;
mais, contrairement à ce qui se passe dans les nerfs périphériques, les fibres
dégénérées du névraxe ne se régénèrent pas. Au fur et à mesure que les rési¬
dus de leur substance sont emportés par les macrophages, les espaces qu’ils
occupaient sont envahis et comblés par une prolifération exubérante des tis¬
sus interstitiels. Aux fibres dégénérées se substitue ainsi une bande de sclé¬
rose qui, une fois établie, persiste indéfiniment. La dégénération et la sclé¬
rose systématique ne sont donc pas deux lésions étiologiquement différentes •
ce sont les deux stades successifs d’un même processus, ou, pour mieux dire,
la sclérose est la séquelle cicatricielle indélébile de la dégénération.
11 résulte de cette pathogénie que la distribution et l’étendue des dégéné¬
rations et, par suite, des scléroses cordonales de la moelle, sont subordon¬
nées au siège des lésions initiales qui ont provoqué la dégénération. On peut,
en paraphrasant la formule des lois de Waller, résumer en trois proposi¬
tions très concises les conditions essentielles de leur genèse : 0 Lorsque la
526 CENTRES NERVEUX

cellule-mère d’une libre cordonale est détruite, cette libre dégénère dans
toute son étendue ; 2° lorsqu’une libre cordonale est sectionnée dans le cours
de son trajet, son bout périphérique, par rapport à la cellule dont elle dérive,
dégénère, son bout central demeure inaltéré ; 3° les dégénérations des libres
cordonales de la moelle s’étendent toujours dans le sens de leur conductibi¬
lité physiologique : elles sont descendantes dans les fibres affectées à la mo¬
tricité et ascendantes dans les fibres servant à la transmission des impres¬
sions sensitives.
Les scléroses systématiques les plus fréquentes et les mieux étudiées por¬
tent sur les faisceaux pyramidaux et sur les faisceaux de Goll.
a) Sclérose systématique des faisceaux pyramidaux. — Les faisceaux pyra¬
midaux font partie, comme on l'a expliqué plus haut (voy. p. 510), de l’appa
reil neuro-musculaire affecté à la motricité volontaire. Réduit schématique¬
ment à son maximum de simplicité, cet appareil se compose de deux neurones
superposés, l’un central ou cortico-médullaire, l’autre périphérique ou médul-
lo-musculaire. Le neurone central a sa cellule-mère dans l’écorce de la région
rolandique du cerveau ; son prolongement cylindraxile traverse, sans s’y
arrêter en aucun point, le centre ovale, la capsule interne, le pied du pé¬
doncule cérébral, la protubérance, la pyramide antérieure du bulbe au ni¬
veau de laquelle il s’entrecroise avec son congénère ; il pénètre ensuite dans
le faisceau latéral du côté opposé de la moelle et arrive, finalement, dans une
des cornes antérieures, où il se termine en s’articulant avec les dendrites
du neurone moteur périphérique. Celui-ci prend naissance dans l'une des
grandes cellules multipolaires de Deiters ; son axone sort du névraxe par la
racine antérieure la plus voisine et, poursuivant son trajet dans une fibre du
nerf périphérique provenant de cette racine, il s’étend sans relai jusqu'au
muscle qu’il est destiné à innerver.
Etant organiquement indépendants l’un de l’autre, chacun de ces deux
neurones obéit séparément et pour son propre compte aux lois de Waller.

Lorsqu’une lésion corticale a détruit la cellule-mère du neurone central,


l’axone qui en naît dégénère dans toute sa longueur ; lorsque celui-ci est
coupé dans un point de son parcours, son segment distal par rapport à la
cellule dont il dérive, dégénère ; son segment proximal demeure inaltéré. Pa¬
reillement pour le neurone périphérique : après la destruction de sa cellule-
mère dans la corne antérieure où elle est incluse, la totalité de son prolonge¬
ment cylindraxile dégénère jusqu’à sa terminaison dans la plaque motrice
du muscle dans laquelle il se termine ; ce muscle lui-même en pâtit, il s’atro¬
phie rapidement. Si le prolongement cylindraxile est interrompu dans son
trajet, son bout central resté adhérent à la cellule reste normal, tandis que
moelle épjnière 521

son bout périphérique dégénère jusqu’au muscle, qui ne tarde pas à s’atro¬
phier.
Bien qu’ils soient organiquement indépendants l’un de l’autre, le neurone
central et le neurone périphérique n’en sont pas moins physiologiquement
associés à une fonction commune dont l’accomplissement exige la partici¬
pation de chacun d’eux : la transmission des incitations volontaires du cer¬
veau au muscle. Que la voie de communication soit interrompue dans sa
portion cérébro-médullaire ou dans son segment médullo-musculaire, le
résultat sera le même : l’ordre lancé par le cerveau ne parviendra pas à des¬
tination ; le muscle restera inerte malgré la volonté du sujet ; il sera para¬
lysé.
Certaines différences symptomatiques permettent cependant aux clini¬
ciens de reconnaître sur lequel des deux neurones porte la couppre. Les aki-
nésies dépendant de lésions du neurone central surviennent généralement à
la suite d’hémorragies ou de ramollissement du cerveau ; elles débutent
brusquement par un ictus apoplectique, suivi d’impotence motrice des
deux membres du côté du corps opposé à l’hémisphère cérébral où s’est pro¬
duite la lésion initiale ; les paralysies qui lui succèdent, flasques à leur dé¬
but, s’accompagnent bientôt après, à mesure que se développe la sclérose
secondaire du faisceau pyramidal sous-jacent, d'exagération des réflexes ten¬
dineux, d’inversion du réflexe cutané plantaire (signe de Babinski) et de con¬
tracture permanente des membres paralysés, sans atrophie ni modifications
des réactions électriques des muscles, qui ne répondent plus aux incitations
volontaires. Au contraire, les akinésies qui succèdent aux interruptions du
neurone médullo-musculaire sont toujours homolatérales ; elles sont limi¬
tées à un groupe de muscles innervés piar un ou plusieurs des nerfs périphé¬
riques naissant dans la région affectée de la moelle ; elles sont toujours flas¬
ques, hypotoniques, aréflexiques et accompagnées d’atrophie musculaire
avec réaction de dégénérescence.
La sclérose systématique des faisceaux pyramidaux, découverte en 1850,
par Ludwig Türck, de Vienne, sur la moelle de sujets atteints d’hémiplégie
ancienne, a été étudiée aussitôt après par Charcot, Bouchard, Leyden, Vul-

pian, Brissaud, etc. Lorsqu’elle est très accentuée, elle est nettement visible
à l’œil nu. Le faisceau sclérosé est, dans toute son étendue, grisâtre, mou,
d’apparence gélatineuse : l’examen microscopique le montre composé de
tissu conjonctif lâche, réticulé, sillonné par quelques vaisseaux sanguins,
sans fibres nerveuses reconnaissables. Dans les cas d’hémiplégie récente, da¬
tant seulement de quelques jours, la bande scléreuse ne se distingue pas à
l’œil nu, mais si l’on examine au microscope des fragments de substance mé-
o28 CENTRES NERVEUX

dullaire prélevés sur divers points des coupes de la moelle fraîche, on


trouve dans ceux provenant de l’aire du faisceau pyramidal du côté para¬
lysé, et dans ceux-là seulement, de nombreuses cellules gorgées de corps gra¬
nuleux, qui ne sont autre chose que les macrophages cbariant les résidus des
fibres nerveuses désorganisées par la dégénération wallerienne.
b) Sclérose systématique des faisceaux de Goll. — Les faisceaux de Goll
sont formés en majeure partie de fibres endogènes longues, qui, nées dans
les cellules des cornes postérieures des divers métamères de la moelle, se por¬
tent verticalement en haut et vont se terminer dans les noyaux de Goll et de
Burdach. Ils contiennent aussi un certain nombre de fibres exogènes. Celles-ci
naissent dans les cellules des ganglions spinaux et pénètrent dans la moelle
avec les racines postérieures, en donnant naissance à des collatérales, dont la
plupart, ascendantes, vont se mélanger aux fibres du faisceau de Goll, tan¬
dis que les autres, descendantes, forment de petits fascicules dont les con¬
tours et la position varient aux différentes hauteurs de la moelle (voy. p. 517)
Théoriquement, la section des faisceaux de Goll doit donc donner lieu à des
dégénérations ascendantes et descendantes. C’est, en effet, ce que révèlent les
observations anatomo-cliniques. Au-dessus des transsections de la moelle, on
constate que toutes les fibres ascendantes du cordon de Goll, dégénèrent, se¬
lon le mode wallérien, jusqu’au bulbe ; au-dessous, on aperçoit, sur les cou¬
pes miscroscopiques seulement, de petits îlots de dégénération ou de sclérose,
suivant le temps qui s’est écoulé entre le moment où s’est produite la lésion
et celui où est mort le malade, dont la forme varie avec le siège de l’interrup¬
tion du névraxe. On admet généralement aujourd’hui que le fascicule sclé¬
rosé a la forme : 1° d'une virgule dans les régions cervicale et dorsale supé¬
rieure (faisceau en virgule de Schultze) ; 2° de bandelette transversale dans
la région dorsale inférieure (bandelette périphérique dorsale) ; 3° ovalaire
dans la région lombaire (centre ovale de Flechsig) ; 4° triangulaire dans le
renflement sacré (triangle de Gombault et Philippe).

La sclérose protopatbique des faisceaux de Goll est d’une extrême rareté


il n’en existe même pas d’observations tout à fait démonstratives. En revan¬
che, on la rencontre constamment après les transsections de la moelle et très
fréquemment dans le tabes dont les lésions, débutant d’ordinaire dans la por¬
tion extra-arachnoïdienne des racines postérieures de la région lombaire (Na-
geotte), atteignent, en traversant la zone de Lissauer, les origines des fibres
endogènes des faisceaux de Goll et de Burdach, qui dégénèrent alors de bas
en haut jusqu'au bulbe. On ne sait pas encore au juste quelle part revient à
la désorganisation de ces faisceaux dans la genèse des symptômes de l’ataxie
locomotrice.
Moelle épinière 52Ô

b) Lésions pseudo-systémaxisées. — Ces lésions peuvent siéger : 1° isolé¬


ment sur les libres des cordons blancs ; 2° isolément sur les cellules de la
substance grise ; 3° à la fois sur les cordons blancs et la substance grise (sclé¬
roses combinées).
a) Sur les fibres des cordons blancs. — De même que certains poisons mi¬
néraux, comme le plomb et le mercure, attaquent primitivement la gaine
myélinique des fibres nerveuses périphériques, en respectant le cylindraxe, et
donnent ainsi lieu aux névrites périaxiles segmentaires de Gombault, ainsi
certaines dyscrasies d’origine toxique ou infectieuse déterminent des dégé¬
nérations primaires, périaxiles, des fibres cordonales du névraxe.
Ces dégénérations primaires se distinguent des dégénérations secondai¬
res ou wallériennes par leur étiologie, leur anatomie pathologique, leur
symptomatologie et leur pronostic. Les dégénérations Avallériennes se déve¬
loppent sur des fibres ou des portions de fibres séparées de leurs cellules-mè¬
res ; elles portent d’emblée sur le cylindraxe et ultérieurement sur la gaine
myélinique ; elles abolissent totalement la conductibilité des fibres nerveu¬
ses dégénérées et provoquent, par ce fait, des déficits fonctionnels répara¬
bles lorsqu’elles se produisent sur les fibres des nerfs périphériques suscep¬
tibles de régénération, mais irréparables quand elles siègent sur des fibres
des centres nerveux, qui ne se régénèrent jamais. Les dégénérations pri¬
maires s’établissent insidieusement sur des portions des fibres du névraxe
non séparées de leurs cellules-mères ; elles portent tout d'abord sur la
gaine de myéline, en respectant le cylindraxe qui conserve habituellement
sa structure et sa conductibilité normales, mais qui peut cependant quelque¬
fois être secondairement altéré et interrompu ; elles ne donnent pas lieu à
des troubles fonctionnels proportionnels au nombre des fibres atteintes ; en¬
fin les gaines de myéline désorganisées peuvent se reconstituer sur place,
ce qui rend aux fibres malades toutes les apparences histologiques des fibres
restées saines. Il peut cependant arriver que le cylindraxe de quelques-unes
des fibres atteintes de dégénération primaire ne résiste pas à la désorganisa¬
tion de leur gaine de myéline ; leur bout périphérique dégénère alors selon
le mode wallérien.
Les dégénéralions primaires des cordons blancs de la moelle, dont l’étude
a été surtout faite par les histopatbologistes de l’école italienne, Vassale,
Donacgio et autres, ont été constatées chez l’homme dans l’anémie perni¬
cieuse, la pellagre, le diabète, la maladie d’Addison, la cachexie palustre et
dans un grand nombre de cas d’intoxications lentes et de maladies infectieu¬
ses ; elles ont été aussi expérimentalement provoquées sur des animaux em-
LES NERFS EN SCHÉMAS 34
530 CENTRES NERVEUX

poisonnés par la pyrodine, la picrof.oxine, la strychnine, la tétrodotoxine,


etc., ou soumis à l’ablation totale ou partielle des glandes surrénales, thyroï¬
diennes ou parathyroïdiennes, etc. Dans tous ces cas, on trouve à l’examen
microscopique de la moelle un nombre plus ou moins grand de fibres alté¬
rées, dissiminées dans les cordons antérieurs, postérieurs ou latéraux, voire
même dans la substance blanche de l’isthme de l’encéphale et du centre ovale
des hémisphères cérébraux.
b) Dans les cellules de la substance avise. — Les cellules de la substance
grise, particulièrement celles dos cornes antérieures de la moelle, mais aussi
celles des noyaux bulboprotubérantiels et de l'écorce cérébrale sont, très sen¬
sibles à l’action de beaucoup de poisons éxogènes ou endogènes. Leur mode
de réaction le plus commun est la chromatolyse périnucléaire (voy. p. 49),
lésion en quelque sorte banale et comparable, au point de vue de son étiolo¬
gie et de son évolution, à la dégénération primaire des libres mycliniques.
Elle se développe, en effet, sous l’influence des moindres troubles de nutri¬
tion ; le plus souvent passagère et réparable sur place elle aboutit parfois aus¬
si à 1 énucléation de la cellule, par conséquent à sa mort et à la dégénération
wallérienne de la fibre nerveuse qui en dérive. Cette dernière éventualité est
réalisé dans les poliomyélites antérieures aigues ou chroniques des enfants ou
des adultes, qui sont accompagnées d’atrophie musculaire.
c) Scléroses combinées. — On désigne sous ce nom un groupe de mala¬
dies de la moelle dans lesquelles les symptômes d’abord et les autopsies en¬
suite révèlent la coexistence de sclérose systématique sur plusieurs des cor¬
dons médullaires, avec ou saus participation d’altérations des cornes de subs¬
tance grise.
Les modalités de ces associations sonl triples : 1° quelquefois un cordon
blanc est sclérosé en même temps qu’un autre cordon blanc ; c’est le cas du
tabes combiné ; 2° d’autres fois une sclérose des faisceaux latéraux est com¬
pliquée d’altérations des cellnles des cornes antérieures ; c’est le cas de la sclé¬
rose latérale amyotrophique ; 3° parfois, enfin, la sclérose atteint à la fois
les cordons de Goll et de Burdach, la portion croisée du faisceau pyramidal,
le faisceau cérébelleux direct, le faisceau de Gowers et les cellules des cor¬
nes antérieures de la moelle ; c’est le cas de la maladie de Friedreich.
On a cru pendant assez longtemps après la découverte de ces maladies que
les dégénérations et les scléroses combinées de la moelle étaient régies, com¬
me les dégénérations et les scléroses systématisées pures des faisceaux laté¬
raux et des cordons de Goll, par les lois de Waller, mais une étude approfon¬
die de leur répartition a démontré que cette hypothèse était mal fondée.
Dans la sclérose latérale amyotrophique, par exemple, on trouve bien quel-
Moelle épinière 53i

fois des altérations importantes des cellules de l’écorce cérébrale ; mais ces
altérations font souvent défaut, ou sont si peu profondes qu’elles ne peuvent
pas rendre compte de la dégénération massive des faisceaux sous-jacents. De
même dans la maladie de Friedreich les lésions scléreuses très accentuées dans
la moelle sont très peu marquées ou nulles dans l’isthme de l’encéphale et le
cerveau ; de plus, elles n’atteignent que les libres du faisceau croisé, à l’ex¬
clusion de celles du faisceau direct. Pierre Marie, qui a fait sur ce sujet des
études très remarquables dont il a exposé les résultats dans scs belles leçons
sur les maladies de la moelle publiées en 1892, est arrivé à la conclusion que
la plupart des scléroses combinées, sinon toutes, sont la conséquence de ma¬
ladies infectieuses dont les agents nocifs attaquent primitivement les parois
artérielles, et que leur systématisation apparente est surtout commandée par
les dispositions anatomiques des réseaux vasculaires qui distribuent le sang
aux différentes parties de la moelle. Cette opinion, fondée sur des observa¬
tions rigoureuses, est maintenant acceptée par la plupart des neurologistes.

g) Lésions non systématisées de la moelle. — Elles se divisent en deux


groupes : les unes sont diffuses, sans limites précises ; telles sont les ménin-
go-myélites infectieuses ; les autres sont localisées en nappes ou en îlots d’é¬
tendue et de profondeur très variables. Elles sont le plus souvent représen¬
tées par des foyers hémorrhagiques ou des ramolissements nécrobiotiques
consécutifs à des embolies ou des artérites oblitérantes. Une seule maladie
cliniquement définie, la sclérose en plaques, affecte toujours une disposi¬
tion en îlots disséminés sans ordre apparent sur la moelle, l’isthme de l’en¬
céphale, le cerveau et le cervelet. Chaque îlot est formé par un bloc de néo¬
formation névroglique qui enveloppe les fibres nerveuses sans en détruire
les cylindraxes ; aussi présentent-ils cette particularité fort étrange qu’ils
ne provoquent pas la dégénératon secondaire des fibres qu’ils englobent.
Les symptômes des lésions non systématisées varient naturellement avec
leur siège en hauteur et leur extension en surface et en profondeur.

«
4U Les compressions]! lentes de la moelle. — Des lésions de nature
très différente se développant ou faisant hernie dans le rachis ont né¬
cessairement pour effet de refouler d’abord, puis de comprimer la moelle ;
elles peuvent même arriver à exercer sur elle une constricti'on assez forte
pour l’étrangler, au point d’empêcher toute communication physiologique
entre le segment supérieur et le segment inférieur. Poussée à ce degré, la
compression équivaut à une transsection complète.
Les compressions lentes se traduisent cliniquement : dès leur début, par
532 CENTRÉS NERVEUX

des douleurs névralgiques violentes, résultant de l’irritation des racines pos¬


térieures au point comprimé, et, plus tard, par des déficits moteurs et sen-
sitifs (parésie ou paralysie, liypoesthésie ou anesthésie) de toutes les parties
du corps innervées par les nerfs sortant de la moelle au niveau et au-dessous
du point comprimé, de perturbations des réflexes, de troubles sphinctériens
et de troubles trophiques. Enfin, lorsque la rupture entre les deux segments
de la moelle est consommée, il se produit dans le tronçon inférieur une série
fort intéressante de phénomènes dits d’automatisme médullaire, qui seront
décrits plus loin (voy. p. 689).
Il importe beaucoup de faire de bonne heure le diagnostic de la nature et
du siège précis de la lésion dont dépend la compression, car il est assez sou¬
vent possible de l’atteindre par des interventions opératoires, qui ne sont pas
au-dessus de l’habileté des chirurgiens de nos jours.
Pour établir le diagnostic de nature, on tiendra surtout compte des anam¬
nestiques. Il est clair que si l’on a affaire à un sujet tuberculeux avec carie
vertébrale, gibbosité et abcès migrateur, ou à un cancéreux précédemment
opéré d’une tumeur maligne, ou porteur d’un de ces cancers en cuirasse qui,
malgré leur évolution lente, donnent fréquemment lieu à des généralisations
néoplasiques dans les vertèbres ou les viscères, la ligne de conduite à suivre
sera autre que s'il s’agit d’une gomme syphilitique ou d’une tumeur bénigne,
comme un psammome ou un kyste. On ne négligera donc aucun des moyens
susceptibles d’éclairer ce diagnostic, ni l’exploration méticuleuse de la co¬
lonne vertébrale, des poumons et des organes intra-abdominaux, ni les
examens sérologique et cytologiques du sang et du liquide céphalo-ra¬
chidien.
Si le diagnostic de nature ne contre-indique pas l’intervention chirurgi¬
cale, il faudra, afin d’épargner au patient des délabrements inutiles, détermi¬
ner aussi exactement que possible, non seulement le siège en hauteur de la
lésion sur la moelle, mais aussi et surtout les rapports de ce siège avec les
apophyses épineuses de la colonne vertébrale. Les repères anatomiques in¬
diqués plus haut (p. 454 et 461) dans l’arlicie consacré à la topographie verté¬
bro-médullaire fourniront déjà d’utiles indications sur ce point. La radio¬
scopie simple, n’en donnera ordinairement aucune, parce que la plupait
des lésions intra-rachidiennes, hormis les osléomes, qui sont fort rares,
sont transparentes aux rayons X. En revanche, la radiographie, après in¬
jection dans le rachis de lipiodol de Lafay, selon la méthode préconisée
récemment par Sicard et ses collaborateurs, Forestier, Paraf, Laplane,
Robineau et Lermoyez, montrera le point précis où le chirurgien devra
ARTÈRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE 533

trépaner la colonne vertébrale pour tomber sur la limite supérieure de la


compression médullaire.

ARTICLE 11

ARTÈRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE


[Planche XXXII, fig. 2}.

La circulation artérielle de la moelle épinière nous est aujourd’hui assez


bien connue, grâce aux recherches de Duret (1873), (T-Adankiewicz (1881)
et de Kadyi (1889). Nous résumons, dans la planche XXXII (üg. 2), d’une
façon toute schématique, les résultats obtenus par ces trois anatomistes. Dans
sa moitié gauche, la ligure nous montre, sur une coupe horizontale de la
moelle, les divers groupes artériels qui irriguent les trois cordons et la subs¬
tance grise. Dans sa moitié droite, cette même ligure nous présente les terri¬
toires respectifs de chacun de ces groupes. A gauche, les groupes artériels
sont indiqués par des chiffres romains, A droite, leurs territoires sont dési¬
gnés par ces mêmes chiffres romains affectés d’un ’ (prime).

§ 1. - ANATOMIE

1° Origine des artères de la moelle. — Les artères destinées à la moelle


épinière proviennent de trois sources :
1° Des artères spinales antérieures, branches des vertébrales ;
2° Des artères spinales postérieures, fournies également par les vertébrales ;
3° Des artères spinales latérales, lesquelles naissent successivement : au cou,
de la vertébrale et de la cervicale ascendante ; au thorax, des artères intercos¬
tales ; aux lombes, des artères lombaires ; au bassin, des artères sacrées
Rappelons que ces artères spinales latérales s’engagent dans les trous de
conjugaisons correspondants et arrivent à la moelle en suivant les racines
antérieures et les racines postérieures des nerfs rachidiens.
La moelle est parcourue de haut en bas par cinq petites colonnes arté¬
rielles : une, antérieure, qui occupe le sillon médian antérieur ; quatre,
postérieures, deux à droite, deux à gauche, qui, de chaque côté de la ligne
médiane, longent le sillon collatéral postérieur. Ces dernières, fréquemment
534 CENTRES NERVEUX

anastomosées entre elles, forment le long des racines postérieures un véri¬


table réseau, le réseau radiculaire postérieur.
Les deux réseaux radiculaires postérieurs, le droit et le gauche, sont reliés
l’un à l’autre par des anastomoses transversales, qui croisent le sillon médian
postérieur. D’autre part, chacun d’eux est mis en relation avec le tronc
spinal antérieur par des branches, également transversales, qui cheminent
entre les deux ordres de racines et qu’on désigne pour cette raison sous le
nom d’anaslomoses inter-radiculaires. Il résulte d’une pareille disposition
que, vue sur une coupe horizontale, la moelle est entourée d’un cercle artériel
complet : cercle périmédullaire. .
C’est de ce cercle périmédullaire, nettement représenté sur notre plan¬
che XXXII (fig. B), que partent les nombreuses artères destinées aux parties
constituantes de la moelle (artères intra-médullaires).

2° Leur mode de distribution. — Les artères intra-médullaires peuvent


être divisées en trois groupes : 1° les artères médianes ; 2° les artères radicu¬
laires ; 3° les artères périphériques.
a) Artères médianes. — Les artères médianes se distinguent en antérieures
et postérieures :
a) Les artères médianes antérieures parcourent d'avant en arrière le sillon
médian antérieur, en jetant un certain nombre de rameaux collatéraux dans
le faisceau pyramidal direct. Arrivées au fond du sillon, elles s’infléchissent
en dehors, les unes à droite, les autres à gauche et pénètrent alors dans la
moitié de la moelle qui leur est destinée. Après avoir abandonné quelques
ramuscules à la partie antérieure de la commissure, elles fournissent chacune
trois rameaux : 1° un rameau récurrent, qui se porte dans la partie interne
de la corne antérieure ; 2° un rameau postérieur, destiné à la base de la
corne postérieure et notamment à la colonne de Clarke ; 3° des rameaux
verticaux, les uns ascendants, les autres descendants, qui se distribuent à
la partie correspondante de la moelle.
ji) Les artères médianes postérieures cheminent d’arrière en avant le long
du septum médian postérieur, jettent, chemin faisant, quelques fins ra¬
meaux dans la partie interne des faisceaux de Goll, envoient un ou deux
ramuscules à la colonne de Clarke et, finalement, viennent se terminer
dans la commissure grise, en arrière du canal de l’épendyme.
b) Artères radiculaires. — Elles se divisent, comme les artères médianes,
en antérieures et postérieures :
«) Les artères radiculaires antérieures, se portant en arrière, viennent «e
distribuer à la tête de la corne antérieure,
ARTÈRES DE LA MOELLE ÉPINIÈRE 535

(3) Les artères radiculaires postérieures sont représentées par de nombreux


rameaux, que l’on distingue, d’après leur situation, en moyens, internes et ex¬
ternes. — Les rameaux moyens sont situés au milieu des faisceaux radicu¬
laires. Ils se rendent à la substance gélatineuse et à la corne postérieure qui
lui fait suite. — Les rameaux externes contournent en dehors la substance gé¬
latineuse et s’épuisent en de lins ramuscules dans la partie externe de la cor¬
ne correspondante. — Les rameaux internes, enfin, pénètrent en plein fais¬
ceau de Burdach et s’y épuisent en grande partie.
c) Artères périphériques. — Sous ce nom, on désigne toutes les artères
qui pénètrent dans la moelle par des points autres que ceux que nous venons
de signaler. On en compte ordinairement de 8 à 10 sur une coupe hori¬
zontale de la moelle. Les artères périphériques cheminent de dehors en
dedans en sens radiaire. Elles sont principalement destinées à la substance
blanche. Quelques-unes, cependant, vont jusqu’à la substance grise et même
la pénètrent pour irriguer ses parties superficielles.

§ 2. — PHYSIOPATHOLOGIE

La première expérience, démontrant la subordination de l’activité fonc¬


tionnelle de la moelle épinière à la persistance de son irrigation artérielle, a
été pratiquée par le grand anatomiste du xvne siècle, Sténon. Répétée depuis,
avec des résultats toujours identiques, par Flotjrens, Vulpian, Brown-
Séquard, elle est devenue une expérience de cours. Elle consiste à lier
l’aorte abdominale immédiatement au-dessous du diaphragme. Cette liga¬
ture suspend l’arrivée du sang rouge dans tout le train postérieur de l’ani¬
mal, y compris le segment lombo-sacré de sa moelle. Aussitôt après son
apposition, on constate une hyperexcitabilité légère des réflexes, suivie
après deux ou trois minutes d’une paralysie motrice et après cinq ou six
d’une anesthésie des membres postérieurs. Si la ligature est enlevée, peu
de temps après, l’anesthésie se dissipe rapidement, la paralysie disparaît, la
réflectivité redevient normale, tout rentre dans l’ordre ; mais si on la
laisse en place plus de 15 à 20 minutes, bien que la circulation se rétablisse
aussitôt après qu’on l’a enlevée, l’animal conserve une paraplégie qui per¬
siste indéfiniment.
L’explication de cette expérience est très claire. Les muscles et les nerfs
périphériques supportent sans dommages une ischémie locale prolongée
beaucoup plus d’une demi-heure ; tout le monde sait qu'on peut suspendre
longtemps la circulation d’un membre par la compression digitale ou méca-
536 CENTRES NERVEUX

nique des troncs artériels qui s’y rendent, sans qu’il en résulte des paralysies
permanentes. Mais les cellules nerveuses, celles des cornes antérieures de
la moelle en particulier, sont beaucoup moins tolérantes. Privées de sang,
elles perdent très vite leurs propriétés biologiques ; Marinesco a constaté
qu’après 20 à 30 minutes leur protoplasma se désagrège ; leur mort entraîne
la dégénération wallérienne des fibres nerveuses qui en partent et l’atrophie
dégénérative des muscles qu elles innervent. Ainsi se produit la paraplégie
permanente qui succède à la ligature de l’aorte abdominale lorsque l’inter¬
ruption de la circulation a tué les cellules neuronales contenues dans le
segment de moelle temporairement ischémié.
L’expérience de Sténon rend compte de la pathogénie de certaines para¬
plégies observées chez l’homme, notamment de celles des scaphandriers ou
des ouvriers qui après avoir travaillé dans des caissons à air compi'imé ont
été soumis, en remontant à l’air, à une décompression trop rapide. Paul

Bert en a expliqué le mécanisme de la façon suivante : les gaz se dtssol-


vent dans les liquides proportionnellement à la pression qu’ils supportent.
Chez les sujets placés dans des espaces clos où l’air est comprimé à plusieurs
atmosphères, le sérum sanguin dissout plus de gaz qu’à l’état normal. Si
on les replace brusquement, à l’air libre, des bulbes gazeuses se dégagent
de leur sang et vont former des embolies capillaires susceptibles, lorsqu’elles
se fixent dans les réseaux péricellulaires de la moelle, de déterminer des
îlots d’ischémie locale qui ne tardent pas à entraîner la mort des cellules
nerveuses qu’elles privent de l’irrigation artérielle nécessaire à l’entretien
de leur vie. Autrement dit, les paralysies des scaphandriers sont le résultat
de poliomyélites par ischémie, analogues à celles que produit, chez le lapin,
l’expérience de Sténon, la ligature temporaire de l’aorte abdominale.
La claudication intermittente paraît être parfois le résultat de troubles
de la circulation artérielle de la moelle. On connaît l’histoire de ce curieux
syndrome. Il a été primitivement observé en pathologie vétérinaire sur les
chevaux. L’animal qui en est atteint ne présente au repos aucun trouble de
la motilité. Attelé, il part à belle allure, au trot ou au galop ; mais après
avoir parcouru quelques centaines de mètres ses membres postérieurs s’af¬
faiblissent ; il traîne les pattes, boîte du train de derrière ; il faut qu’il s’ar¬
rête. Quelques minutes de repos lui rendent toute son énergie, mais pour
peu de temps seulement, si bien que l’impotence périodique dont il est affecté
finit par le rendre impropre à tout service régulier. Les médecins-vétérinaires
qui ont eu l’occasion de pratiquer l’autopsie de chevaux atteints de cette
affection ont généralement trouvé des oblitérations tbrombosiques des artères
iliaques internes. Charcot a constaté chez l’homme des claudications inter-
ISTHME DE L’ENCÉPHALE ET NOYAUX BULBO-PIiOTUBËRENTIELS 537

mittentes semblables à celles du cheval et dépendant également d’obturation


des artères iliaques internes ou de l’extrémité inférieure de l’aorte. On a
alors interprété les impotences périodiques des claudicants intermittents
par la diminution de l’irrigation artérielle de leurs membres inférieurs.
Suffisante pour entretenir la nutrition des muscles au repos, elle est, a-t-on
dit, insuffisante durant les phases d’activité fonctionnelle qui s’accompagnent
toujours d’une augmentation très marqués de la circulation sanguine ; et
cette interprétation est très probablement conforme à la réalité pour les cas
dans lesquels le débit des artères des membres inférieurs est notablement
diminué. Mais à côté de ces cas qui sont du reste les plus nombreux, il en
existe d’autres où la claudication intermittente ne s’accompagne ni pendant
les phases d’impotence périodique, ni durant les périodes de repos d’aucune
lésion organique du système artériel ; les pulsations sont amples, les tuni¬
ques souples, la tension normale. Dejerine ayant remarqué que les malades
atteints de cette forme de claudication intermittente sans altérations des
artères des merpbres inférieurs étaient habituellement d’anciens syphilitiques
présentant par ailleurs quelques phénomènes révélateurs de lésions radicu¬
laires ou méningées, émit l’hypothèse que l’impotence intermittente de ces
malades tenait à une diminution de l’irrigation sanguine de l’extrémité infé¬
rieure de l’axe médullaire par engainement des vaisseaux pie-mériens de
cette région dans des plaques de méningite spécifique. Cette manière de
voir est très vraisemblable, car les artérioles nourricières de la moelle pro¬
venant toutes des lacis vasculaires pie-mériens il est impossible que lorsque
la circulation est gênée dans ceux-ci elle ne soit pas en même temps dimi¬
nuée dans celles-là.

ARTICLE III

ISTHME DE L’ENCÉPHALE
ET NOYAUX BULBO-PROTUBÉRANTIELS
[Planche XXXIII],

Comme nous l’avons vu plus haut (,Chap. II, p. 101 et seq.), les nerfs issus
du bulbe, de la protubérance et du pédoncule, quelle que soit leur nature, sen¬
sitifs, moteurs ou mixtes, viennent se terminer (nerfs moteurs) ou prendre
naissance (nerfs sensitifs) dans des noyaux de substance grise qui se trouvent
538 CENTRES NERVEUX

situés, à des hauteurs diverses, dans l’épaisseur de l’isthme de l’encéphale


et que l'on désigne, en anatomie comme en pathologie, sous le nom de
noyaux bulbo-protubérantiels. Ces noyaux, qui dérivent tous morphologi¬
quement de la substance grise spinale, nous les avons groupés schématique¬
ment dans la planche WMIC fies nerfs moteurs en rouge, les nerfs sensi¬
tifs en bleu), en indiquant pour chacun d’eux ses relations avec les cornes
antérieure et postérieure de la moelle.

§ 1. — ANATOMIE

Les noyaux bulbo-protubérantiels occupant l’isthme de l’encéphale, il ne


sera pas inutile, avant de décrire ces noyaux, de rappeler en quelques mots
la disposition et la constitution générales de cette région importante des cen¬
tres nerveux.
\

1° Disposition générale de l’isthme de l’encéphale. -— On donne le nota


d’isthme de l’encéphale à cette portion du névraxe qui se trouve comprise
entre la moelle, le cervelet et le cerveau. 11 se compose essentiellement des
formations suivantes : 1° du bulbe ; 2° de la protubérance ; 3° des trois pé¬
doncules cérébelleux ; 4° des tubercules quadrijumeaux ; 5° des pédoncules
cérébraux. Examinons-le successivement sur sa face antérieure ou ventrale M
sur sa face postérieure ou dorsale.

a) L’isthme n par sa face antérieure. —- Vu par sa face antérieure


(fig. 139), l'isthme de l’encéphale nous présente, tout d’abord, en allant de bas
eii liant, le bulbe rachidien.
a) Le bulbe rachidien, qui fait suite à la moelle, nous apparaît sous la for¬
me d’un tronc de cône, à grande hase dirigée en haut, légèrement aplati
d’avant en arrière, long de 27 à 30 millimètres. En bas, il se continue direc¬
tement avec la moelle par une partie relativement étroite, c’est le sommet du
tronc de cône, appelé collet du bulbe. En haut, il répond à la protubérance,
dont il est séparé par un sillon transversal, le sillon bulbo-protubérantiel ou
sillon protubéraniiel inférieur. La face antérieure du bulbe, nous présente en
son milieu un sillon profond, qui divise l’organe en deux moitiés symétri¬
ques, c’est Je sillon médian antérieur. Tout en haut, ce sillon se termine par
une dépression, toujours très marquée, appelée, foramen cæcum ou trou bor-
qnc. Tout en bas, il est interrompu par un système de petits faisceaux qui se
portent obliquement d’un côté à l’autre en s’entrecroisant sur la ligne mé¬
diane et en formant ce que l’on désigne sous le nom de décussation des pyra-
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

CÔTÉ GAUCHE CÔTÉ DROIT


CENTRES MOTEURS CENTRES SENSITIFS

. - - Aqueduc de Sylvius
N. moteur oculaire commun „

N. moteur oculaire externe B

Protubérance annulaire
N. pathétique

Pédoncule cérébral

Nates_
_Plancher du IV"
ventricule

Testes _ . - _

N. trijumeau
moteur
N. trijumeau
sensitif

Pédoncule Pédoncule
cérébelleux inf cérébelleux moyen

N. facial N. facial
N. intermédiaire N. intermédiaire
N. auditif N. auditif

N. glosso-pharyngien N. glosso-pharyngien
N. pneumogastrique N. pneumogastrique

N. spinal
N. grand hypoglosse N. grand hypoglosse

Corne antérieure Bulbe

Corne postérieure . _ — Moelle épinière

PLANCHE XXXIII

ISTHME DE L’ENCEPHALE, VUE DORSALE :


LES NOYAUX BULBO-PROTUBERANTIELS
S. DUPRET del, G. DOIN éditeur.
ISTHME DE L’ENCÉPHALE ET NOYAUX BULBO-PROTUBÉRANTIELS 539

mides. De chaque côté du sillon médian, se voient deux cordons blancs lon¬
gitudinaux, les pyramides antérieures, que délimite eti dehors un sillon plus
ou moins marqué, le sillon collatéral antérieur. En dehors de ce sillon et
dans la moitié supérieure du bulbe, se trouve une saillie allongée, mesurant
15 m/m de hauteur sur 5 m/m de largeur : c’est, l'olive bulbaire ou olive infé¬
rieure. Elle est séparée de la protubé¬
rance par une petite dépression, la fos¬
sette sus-olivaire, d’où émergent trois
nerfs : le facial, l'intermédiaire et l’au¬
ditif. Elle est nettement délimitée, du
côté de la pyramide, par un sillon lon¬
gitudinal, le sillon préolivaire, d’où
s’échappent les filets radiculaires de
l’hypoglosse.
b) Au-dessus du bulbe, nous trou¬
vons la protubérance. La protubé¬
rance, encore appelée mésocéphale ou
pont de Varole, est une masse blanche
de forme quadrilatère, mesurant 27 m/ra
dans le sens longitudinal, 38 m/ra dans
El. Boulenaz.
le sens transversal. Nous y voyons suc¬
Fig. 139.
cessivement : 1° sur la ligne médiane,
L’isthme de l’encéphale, vu par sa face
un sillon longitudinal, le sillon basilai¬ antérieure.
re, en rapport avec le tronc artériel de 1, sillon médian antérieur du bulbe, avec :
1’, entrecroisement des pyramides ; 1”, trou
même nom ; 2° à droite et à gauche de borgne. — 2, pyramide antérieure. — 3, oiive.
— 4, sillon préolivaire. — 5, fossette sus-oli-
vaire et fossette latérale. — 6, faisceau la¬
ce sillon, une saillie longitudinale, téral, avec 6’, corps cendré de Éolando. — 7,
protubérance annulaire. — 8, pédoncules cé¬
arrondie et mousse, c’est le bourrelet rébelleux moyens. — 9, pédoncules cérébraux.
— 10, bandelettes optiques et corps genouil-
pyramidal, ainsi appelé parce qu’il est lés. — 11, espace interpédonculaire. — 12,
tronc basilaire. — 13, cervelet.
formé par la pyramide antérieure du III, moteur oculaire commun. — IV, pathé¬
tique. — V. trijumeau. — VI, moteur oculaire
bulbe qui, en traversant la protubé¬ externe. —- VII, facial. — VII' intermédiaire
de Wrisberg. — VIII, auditif. — IX, glosso-
rance, soulève à son niveau les fais¬ pharyngien — X, pneumogastrique. — XI,
spinal. — XII, grand hypoglosse. — Ci, pre¬
ceaux superficiels de ce dernier orga¬ mière paire cervicale.

ne ; 3° plus en dehors, l’émergence du


trijumeau, avec ses deux racines, l’une grosse ou sensitive, l’autre petite ou
motrice. La racine du trijumeau constitue la limite latérale de la protubé¬
rance. En dehors de celte limite, toute conventionnelle du reste, se voient
les pédoncules cérébelleux moyens, se portant en dehors el un.peu en arrière
et continuant la protubérance jusqu'au cervelet.
540 CENTRES NERVEUX

c) Au-delà de la protubérance et séparé d’elle par un sillon transversal, le


sillon protubêrantiel supérieur, nous trouvons les pédoncules cérébraux. Ce
sont deux gros faisceaux de substance blanche, l’un droit, l’autre gauche,
qui s’échappent de la partie supérieure de la protubérance et se portent obli¬
quement, en haut et en dehors, pour disparaître dans les hémisphères céré¬
braux. Chacun d’eux mesure 15 à 18 m!m de longueur, sur 16 Ir‘/m de largeur
et 20 à 22 m/m d’épaisseur. On distingue aux pédoncules cérébraux quatre
faces : inférieure, supérieure, externe et interne. La face inférieure, celle que
nous avons les yeux quand nous regardons l’encéphale par sa base, est régu¬
lièrement fasciculée dans le sens longitudinal. Elle répond successivement à
la lame quadrilatère du sphénoïde et à la selle turcique. Elle est croisée en
écharpe par la bandelette optique et recouverte en grande partie par la cir¬
convolution de l’hippocampe. Les deux pédoncules ayant un trajet divergent
sont séparés l’un de l’autre, par un espace triangulaire criblé de trous :
c’est Yespace interpédonculaire ou espace perforé postérieur. Sur le côté
externe de cet espace naît un nerf important, le nerf moteur oculaire commun-

b) L’isthme vu par sa face dorsale. — Vu par sa face dorsale (fig. 140),


l’isthme de l’encéphale nous présente les mômes formations que sur sa face
ventrale et, en plus, les pédoncules cérébelleux inférieurs et les tubercules
quadrijumeaux.
a) Le bulbe, tout d’abord, nous apparaît sous un aspect bien différent dans
sa moitié inférieure et dans sa moitié supérieure. — Dans sa moitié infé¬
rieure, nous retrouvons les mêmes éléments que dans la moelle cervicale :
1° le sillon médian postérieur et le sillon collatéral postérieur, d’où émergent
le spinal, le pneumogastrique et le glosso-pharyngien ; 2° entre ces deux
sillons, le cordon postérieur, que le sillon intermédiaire ou paramédian
divise en deux faisceaux : en dedans, le faisceau de Goll ; en dehors, le fais¬
ceau de Burdach. — Dans sa moitié supérieure, les cordons postérieurs du
bulbe s’écartent l’un de l’autre à la manière des deux branches d’un V ; le
sillon médian s’élargit en un espace angulaire ; la commissure postérieure
s’amincit et se rupture et, de ce fait, le canal de l’épendvme se trouve ouvert.
Ce canal épendymaire, fortement agrandi dans le sens transversal et étalé en
surface, constitue le quatrième ventricule Nous y reviendrons tout à l’heure.
b) La protubérance, qui ici comme en avant fait suite au bulbe, est vue
maintenant par sa face postérieure. Elle est plane, assez régulière et, comme
le bulbe, forme le plancher du quatrième ventricule. Nous allons la retrouver.
c) Les pédoncules cérébelleux inférieurs, encore appelés cordons restifor-
Isthme de l’encéphale et noyaux bulboprotübérantiels 541

mes, continuent les cordons postérieurs du bulbe. Sc portant en haut et en


dehors, ils longent obliquement la moitié inférieure du quatrième ventricule
et viennent se perdre dans le cervelet en même temps que les pédoncules
cérébelleux moyens.
d) Les pédoncules cérébelleux supérieurs longent de même la moitié supé¬
rieure du quatrième ventricule. Partis du cervelet, sur le point où aboutissent

Fig. 14a
L’isthme de l’encéphale, vu par sa face postérieure : le bulbe et le plancher
du quatrième ventricule.

les deux autres pédoncules, ils se dirigent en haut et en dedans, arrivent aux
tubercules quadrijumeaux et disparaissent au-dessous de ces formations :
dans leur trajet caché, ils s’entrecroisent réciproquement sur la ligne mé¬
diane et sc jettent, à droite et à gauche, dans le noyau rouge de la calotte
pédonculaire. Rappelons, en passant, que les deux pédoncules cérébelleux
supérieurs sont reliés l’un à l’autre, par une lame de substance nerveuse,
de forme triangulaire, la valvule de Vieussens.
e) Le quatrième ventricule ou ventricule bulbo-cérébelleux occupe la partie
moyenne du plan dorsal de l’isthme. C’est une cavité losangique, fortement
542 CENTRES NERVEUX

aplatie d’avant en arrière, dont le grand axe se dirige obliquement en haut


et en avant, faisant avec la verticale un angle de 10 à 15 degrés. Il est nette¬
ment délimité sur les côtés : en bas, par les deux pédoncules cérébelleux
inférieurs ; en haut, par les deux pédoncules cérébelleux supérieurs. De ses
deux parois (postérieure et antérieure), la paroi antérieure ou plancher (la
seule qui nous intéresse ici) repose à la fois sur le bulbe et sur la protubé¬
rance. Une ligne transversale fictive, menée par ses deux angles latéraux, la
divise en deux triangles, l’un supérieur, l’autre inférieur :
a) Le triangle inférieur ou bulbaire appartient au bulbe. 11 nous présente,
sur la ligne médiane, un sillon qui occupe toute sa hauteur, c’est la tige du
calamus scriptorius. A droite et à gauche de ce sillon, se détachent des trac-
tus blanchâtres, barbes du calamus ou stries acoustiques, lesquelles, se por¬
tant en dehors, viennent se jeter dans le tubercule acoustique. De chaque
côté de la ligne médiane et en allant de dedans en dehors, nous rencontrons :
1° une région blanchâtre, de forme triangulaire à base supérieure, c’est Yaile
blanche interne (noyau de 1 hypoglosse) ; 2° une deuxième région blanchâtre,
encore triangulaire à base supérieure, c'est Yaile blanche externe ; rappelons
qu’elle se divise en deux parties, l’une inféro-interne ou aile blanche externe
proprement dite (noyau du nerf veslibulaire), l’autre supéro-externe ou tuber¬
cule acoustique (noyau du nerf cochléaire) ; 3° entre les deux ailes blanches,
une région grisâtre, triangulaire à base inférieure, c'est Yaile? grise (noyaux
sensitifs du pneumogastrique, du glosso-pharyngien et de l'intermédïaii*e).
A noter que les deux ailes blanches foi nient chacune, sur le plancher ven¬
triculaire, un relief plus au moins considérable, tandis que l’aile grise est
plus ou moins déprimée en forme de fossette, la fovea inferior ou fossette
inférieure.
P) Le triangle supérieur ou prubéraniiel appartient à la protubérance. Nous
y rencontrons successivement (outre la lige du calamus qui s’y continue) :
1° en bas et en dedans, un peu au-dessus de l’aile blanche interne, une petite
saillie ovoïde, Yeminentia teres (noyau du moteur oculaire externe) ; 2° au-
dessus de cette saillie et longeant la ligne médiane, un faisceau longitudinal,
arrondi, le funiculus teres ; 3° en dehors de l’eminentia teres, une dépression
peu profonde, la fovea superior ou fosselte supérieure ; 4° à la partie supéro-
lalérale du losange ventriculaire, une petilc surface d’un gris ardoisé, le
locus cœruleus (un noyau du trijumeau).
f) Les tubercules quadrijumeaux sont placés en avant du quatrième ven¬
tricule, entre ce quatrième ventricule et le troisième ou ventricule moyen,
qui appartient au cerveau. Ce sont quatre saillies arrondies en forme de
mamelons, disposées symétriquement de chaque côté de la ligne médiane,
ISTHME DE L’ENCËPIIALE ET NOYAUX BULBO-PROTÜBÉRANTIELS 543

deux à droite, deux à gauche, eu avant de la valvule de Vieussens, en arrière


de la glande pinéale. On les divise en deux groupes, les antérieurs ou nates et
les postérieurs ou testes : les tubercules antérieures ou nates, de coloration
grisâtre, de forme ovoïde, mesurent 10 ")'m de longueur sur 7 m/m de largeur ;
les tubercules postérieures ou testes différent des précédents en ce qu’ils sont
plus petits (8 :n/m de longueur sur 6 mlm de largeur), d’un gris plus clair et d’une
forme moins allongée. Chacun des tubercules quadrijumeaux envoie au-
dehors un prolongement qui se porte vers les couches optiques. Ces prolon¬
gements constituent les bras conjonctivaux. Un les distingue, comme les
tubercules dont ils émanent, en antérieurs et postérieurs : les antérieurs (A)
viennent se terminer dans les corps genouillés externes (E) ; les postérieures
(P), dans les corps genouillés internes (I). Rappelons que, au-dessous des tu¬
bercules quadrijumeaux se trouve l'acqueduc de Sylvius, canal étroit qui fait
communiquer le quatrième ventricule avec le ventricule moyen.
g) Les pédoncules cérébraux, enfin, ne paraissent pas sur le plan dorsal de
l’isthme. Ils sont situés au-dessous des tubercules quadrijumeaux, qui les
masquent complètement. La limite conventionnelle entre ces deux forma¬
tions est un plan transversal passant par l’aqueduc de Sylvius.

2° Constitution générale de l’isthme. — Coinrne la moelle, comme le


cervelet, comme le cerveau, l’isthme de l’encéphale est constitué par les deux
substances nerveuses, la substance blanche et la substance grise : la substance
blanche, formée par des fibres nerveuses ; la substance grise, comprenant \
la fois des fibres et des cellules nerveuses. Ces deux substances présentent des
dispositions spéciales suivant les segments que l’on considère :

a') Bulbe. — Le bulbe possède deux ordres d éléments : 1° les parties trans¬
mises par la moelle ; 2U les parties propres au bulbe.
a) Parties transmises par la moelle. — Ce sont d’abord les sept faisceaux
de substance blanche (voy. p. 508) qui constituent les trois cordons de la
moelle : faisceau pyramidal direct, faisceau pyramidal croisé, faisceau de
Goll, faisceau de Burdach, faisceau fondamental antéro-latéral, faisceau de
Gowers, faisceau cérébelleux direct, chacun, dans la traversée bulbaire, se
comportant d’une façon qui lui est propre (voy. les Tiw,liés d'anatomie). La
substance grise de la moelle épinière f corne antérieure et corne postérieure)
passe aussi dans le bulbe, mais en subissant, comme la substance blanche,
des transformations profondes, dont le résultat est précisément la formation
des noyaux bulbo-protubérantiels (voy. plus bas p. 548).
b) Parties propres au bulbe. — Les parties qui appartiennent en propre au
bulbe, formées à la fois par de la substance blanche et de la substance grise
544 CENTRES NERVEUX

sont : 1° les noyaux des cordons postérieurs (noyaux de Goll et noyaux de


Burdach) ; ces noyaux, qui sont les aboutissants des fibres longues des raci¬
nes postérieures des nerfs rachidiens (faisceau sensitif postérieur), donnent
naissance aux fibres constitutives du ruban de Reil ; 2° l’olive bulbaire et les
parolives, représentées par de minces lames de substance grise fortement
plissées, en relation à la fois avec la moelle, avec le cervelet et avec le cer¬
veau ; 3° les fibres arciformes, qui proviennent des pédoncules cérébelleux
inférieurs ; 4° la formation réticulaire, ainsi appelée parce qu'elle revêt sur les
coupes l’aspect d’un riche réseau, qui occupe la partie centrale du bulbe ;
elle renferme h la fois des faisceaux nerveux, de valeur diverse, entrecroisés
dans tous les sens et des cellules nerveuses irrégulièrement disséminées dans
le champ réticulaire.

b) Protubérance. — Si nous sectionnons en travers la protubérance et si


nous examinons la surface de coupe (fig. 141), nous constatons que l’organe
n’est pas homogène et qu’on peut, à cet égard, le diviser en deux étages :
l’un antérieur, plus compact, plus ferme, plus blanc ; l’autre postérieur, plus
mou, de coloration moins blanche, d’apparence plus complexe, c’est la
calotte pi otubérantielle, dans laquelle se continue, en se développant, la for¬
mation réticulaire du bulbe. L'un et l’auti'e de ces deux étages renferment de la
substance blanche et de la substance grise :
a) Substance blanche. -— Fdle comprend des fibres à myéline, que nous
distinguerons en trois groupes : 1° fibres transversales ; 2° fibres longitudi¬
nales ; 3° fibres arciformes.
a) Les fibres transversales occupent toute la hauteur de l’étage antérieur.
Le plus grand nombre d’entre elles proviennent des pédoncules cérébelleux
moyens et forment deux groupes : 1° les fibres intercérébelleuses, allant d’un
hémisphère cérébelleux à l’autre, en traversant ia ligne médiane ; 2° les
autres, se portant aussi vers la ligne médiane, mais s’arrêtant dans les noyaux
du pont (voy. plus loin).
P!' Les fibres longitudinales forment trois faisceaux principaux : 1° le fais¬
ceau pyramidal, faisceau moteur volontaire qui, de la zone motrice de l’écorce,
descend dans la moelle pour se terminer dans les cornes antérieures ; 2° le
faisceau géniculé, autre faisceau moteur volontaire qui, naissant comme le
précédent dans la zone motrice corticale, se rend aux noyaux moteurs bulbo-
protubéranticls ; il est, pour ces noyaux bulbo-protubéranliels, ce que le fais¬
ceau pyramidal est pour les noyaux moteurs des nerfs rachidiens (cellules
radiculaires des cornes antérieures ; 3° le ruban de Reil (lemnicus ou la-
queus), faisceau sensitif, continuation du faisceau sensitif du bulbe, traver-
ISTHME DE L’ENCÉPHALE ET NOYAUX BULBO-PROTUBÊRANTIELS 545

sant la protubérance pour passer dans le pédoncule cérébral ; rappelons que


ce ruban de Reil, émanant, de la moelle, se grossit, dans sa traversée bulbo-
protubérantielle, des faisceaux additionnels que lui envoient successivement
tous les nerfs sensitifs du bulbe et de la protubérance. — Topographiquement
(üg. 141), le faisceau pyramidal, continuation de la pyramide antérieure du
bulbe, occupe dans la protubérance la partie moyenne de l’étage antérieur :
à noter que, dans la partie inférieure de la protubérance, ce faisceau est uni¬
que et compact, qu’il est au contraire, dans la partie supérieure de l'organe,
dissocié en un certain nombre de faisceaux distincts, que séparent les fais¬
ceaux de fibres transversales. — Le faisceau géniculé se trouve situé sur le

Péd.c supérr 4e Ventricule

Formation réticulaire - Etage supérr ou calotte

IP externe
P interne
S lat de listhme

P méd Etage inférieur

N du Pont
.... Haptié
F pyramidal

Trijumeau- - - Trijumeau

Bourr. pyramidal Sillon basilaire

Fig. 141
La protubérance annulaire vue en coupe frontale (schématique).

côté postéro-externe du faisceau pyramidal. — Quant au ruban de Reil, nous


le trouvons à la partie antérieure de la calotte prolubérantielle, étalé là sous
la foxme d’un faisceau aplati (d’où son nom de ruban) et s’étendant, en lar¬
geur, depuis le côté externe de l’organe jusqu’à la ligne médiane.
y) Les fibres arciformes sont placées dans la formation réticulaire, dans la
calotte par conséquent. Elles ont exactement la même signification que celles
du bulbe.
b) Substance grise. — La substance grise de la protubérance comprend,
comme celle du bulbe, deux ordres de formations : i° des formations qui
proviennent de la moelle ; 2° des formations propres à la protubérance :
a) Les formations d’origine spinale sont des débris des cornes antéi’ieure
et postérieure, constituant les noyaux protubérantiels (vov. plus loin, p. 548).
P) Les formations propres à la protubérance sont : 1° les noyaux du pont,
LES NERFS EN SCHEMAS 35
546 centres Nerveux

îlots de substance grise, irrégulièrement disséminés entre les fibres trans¬


versales de l’étage antérieur. Ces noyaux du pont, nous l avons déjà vu,
reçoivent des libres cérébelleuses que lui apportent les pédoncules cérébel¬
leux moyens. Elles émettent, d’autre part, des fibres nouvelles qui, se redres¬
sant vers le haut, prennent une direction longitudinale et remontent jusqu’à
l’écorce cérébrale, ce sont les fibres cortico-protubérantielles ; 2° l’olive supé¬
rieure ou protubérantielle, située un peu en avant et en dedans du noyau du
facial ; elle est en relation avec la voie acoustique ; 3° le noyau réticulé de la

Fig. 142.
Coupe transversale du pédoncule cérébral et des tubercules quadrijumeaux.
Dans le pied du pédoncule : ci, partie externe, formée par les fibres cortico-protubérantielles
postérieures et comprenant, au voisinage du locus niger, en a’, un petit faisceau sensitif pro¬
venant du ruban de Reil ; l>. partie moyenne, contenant le faisceau pyramidal mélangé aux
fibres cortico-protubérantielles antérieures ; c. partie interne, formée par le faisceau géniculé,
mélangé lui aussi aux fibres cortico-protubérantielles antérieures.

culot/le et le noyau central supérieur, masses diffuses de subslance grise, dis¬


séminées dans la formation réticulaire.

g) Pé'doacules cérébraux. — Vu en coupe transversale (fig. 142), le pédon¬


cule cérébral nous présente à sa partie moyenne une traînée de substance noi¬
râtre, le locus niger de Soemmerixg : elle a la forme d'un croissant à concavité
supéro-interne s’étendant d’un côté à l’autre de la coupe, et pour préciser, du
sillon latéral de l’isthme au sillon de l’oculo-moteur commun. Le locus niger
divise la coupe du pédoncule en deux parties ou étages : une partie située
au-dessus, c’est l’étage supérieur ou calotte ; une partie située au-deissous,
c’esl l’étage inférieur ou pied.
ISTHME Î)E L'ENCÉPHALE ET NOYAUX ÉULBO-ITtOTUBÉRANTIÈLS 547

a) Calotte. — La calotte pédonculaire à une forme irrégulièrement quadri¬


latère. Elle nous présente : 1° la formation réticulaire ; 2° la substance grise ;
3° la substance blanche.
a) La formation réticulaire, continue celle de la protubérance, qui elle-
même fait suite à celle du bulbe. Sa signification est la même.
p) La substance grise comprend : 1° une formation d’origine spinale, c’est
le noyau moteur oculaire commun (voy. plus bas) ; 2° une formation qui
appartient en propre au pédoncule, c’est le noyau, rouge de la calotte, petite
masse grise de forme arrondie,- de ô ou 7 m/ra do liamètre, recevant par son
côté postérieur le pédoncule cérébelleux supérieur et émettant par son côté
antérieur de nouvelles fibres qui remontent de là jusqu’à l’écorce cérébrale.
y) La substance blanche de la calotte comprend, à son tour, outre les fibres
arciformes de la formation réticulaire : 1° le pédoncule cérébelleux supérieur,
(jue nous venons de voir aboutir au noyau rouge ; 2° le ruban de Reil, situé à
la partie antérieure de la formation réticulaire, immédiatement en arrière
du locus niger ; à noter qu’une partie de ce ruban, la partie externe, s’est
échappée de la calotte pour devenir le iaisceau latéral de l'isthme ; à noter
aussi qu’une autre partie, le ruban du pied, a passé dans le segment externe
du pied du pédoncule.
b) Pied. — Le pied du pédoncule est exclusivement formé par de la subs¬
tance blanche, dont les fibres suivent toutes une direction longitudinale. Ces
libres sont : 1° celles du faisceau pyramidal ; 2° celles du faisceau géniculé ;
3° les fibres cortico-proiubérantielles.

a) Le faisceau pyramidal, qui descend dans la moelle épinière, occupe


la partie moyenne (approximativement les trois cinquièmes moyens) du pied
du pédoncule ;
P) Le faisceau géniculé, qui se termine (après entre-croisement) dans les
noyaux moteurs de la protubérance et du bulbe, est situé en dedans du faisceau
pyramidal, dans le cinquième interne du pied pédonculaire ;

71 Les fibres cortico-protubérantielles, qui unissent l’écorce cérébrale aux


noyaux du pont, se divisent en antérieures et postérieures : les fibres postérieu¬
res se condensent en un faisceau compact, qui occupe la partie externe (le
cinquième externe) du pied du pédoncule, c’est le faisceau cortico-proiubé-
rantiel postérieur ou faisceau de Meynert ; les fibres antérieures sont intime¬
ment mélangées aux fibres du faisceau pyramidal et du faisceau géniculé,
par conséquent cheminent dans les quatre cinquièmes internes du pied du
pédoncule.
548 CENTRES NERVEUX

d) Tubercules quadrijumeaux. — Les tubercules quadrijumeaux anté¬


rieurs et postérieurs différent par leur signification morphologique plus en¬
core que par leur configuration extérieure.
a) Tubercules antérieurs (nates). — Ils se rattachent essentiellement à la
vision, accessoirement au sens de l’ouïe. Ils renferment à la fois des cellules
nerveuses et des fibres nerveuses. Ces fibres se distinguent en afférentes et
efférentes. — Les fibres afférentes, qui suivent le bras conjonctival antérieur,
sont constituées en majeure partie par des fibres optiques, auxquelles s'ajou¬
tent, d’après IIeld, un certain nombre de fibres auditives provenant de la par¬
tie externe du ruban de Reil. — Les fibres efférentes se répartissent en trois
groupes : 1° fibres cnmmissurales, se rendant à travers la ligne médiane au
tubercule antérieur du côté opposé ; 2" fibres ascendantes, remontant, à tra¬
vers le bras conjonctival antérieur, jusqu’à l’écorce cérébrale ; 3° fibres des¬
cendantes, se portant dans la bandelette longitudinale postérieure.
b) Tubercules postérieurs (testes). — Ils sont exclusivement affectés au sens
de l’ouïe. Ils sont constitués par une masse grise centrale que revêt, sur sa
surface libre, une mince couche de substance blanche. Comme les précédents,
ils reçoivent des fibres (fibres afférentes) et ils en émettent (fibres efféren¬
tes). — Les fibres afférentes émanent du faisceau acoustique qui, comme on
le sait, forme la partie externe du ruban de Reil. — Les fibres efférentes se
divisent encore ici en trois groupes : 1° fibres commissurales, se portant à
travers la ligne médiane, dans le tubercule correspondant du côté opposé ;
2° fibres ascendantes, se rendant, à travers le bras conjonctival postérieur,
à l’écorce cérébrale ; 3° fibres descendantes, venant se mêler, dans la calotte
pédonculaire, aux fibres du ruban de Reil.
Les divers segments de l’isthme de l’encéphale nous étant maintenant con¬
nus dans leur disposition et leur constitution générales, nous pouvons reve¬
nir à notre Planche XXXIII et étudier les noyaux bulbo-protubérantiels.

3° Les noyaux bulbo-protubérantiels : leur origine, leur signification.


Les deux cornes antérieure et postérieure de la moelle épinière se prolon¬
gent dans le bulbe, chacune avec sa valeur morphologique et fonctionnelle,
la corne antérieure motrice, la corne postérieure sensitive. Mais elles subis¬
sent, dans ce passage, des transformations profondes, qui aboutissent pré¬
cisément à la formation des noyaux précités.
Rappelons-les en quelques mots (voy. lig. 143) :
A la partie inférieure du bulbe, tout d’abord, l’entrecroisement du fais¬
ceau pyramidal croisé (entrecroisement moteur) décapite les cornes anté¬
rieures et les divise ainsi en deux parties : une partie postérieure, représen-
ISTHME DE L’ENCÉPHALE ET NOYAUX BULBO-PROTUBÉRANTIELS 549

D) Coupe transversale du bulbe passant un


peu au-dessus de l'entrecroisement sensitif (les
deux décapitations des cornes antérieures et
postérieures étant effectuées). — 1, sillon médian
antérieur. — 2, base des cornes antérieures. —
2’, tête des cornes antérieures. — 3. base des cor¬
nes postérieures. — 3’, tête des cornes postérieu¬
res. donnant naissance à un nerf sensitif- — 4,
nerf grand hypoglosse. — 5, faisceau pyramidal.
— 6, faisceau sensitif ou» ruban de Eeil.

C) Coupe transversale du bulbe passant par


l'entrecroisement sensitif, montrant la décapita¬
tion des cornes postérieures par le passage des
fibres sensitives. — 1. sillon médian antérieur.
— 2 et 2’, base et tête de la corne antérieure.
— 3, un nerf moteur (grand hypoglosse). —* 4,
faisceaux sensitifs, allant vers leur entrecroise¬
ment et décapitant au passage la corne postée
rieure. — 5, entrecroisement sensitif. — 6 et 6’,
base et tête de la corne postérieure. — 7, faisceau
pyramidal. — 8, faisceau sensitif ou ruban de
Eeil.

B) Coupe transversale du bulbe portant sur la


partie moyenne de l’entrecroisement des pyra¬
mides, montrant la décapitation des cornes an¬
térieures i>ar l'entrecroisement du faisceau py¬
ramidal croisé. 1, sillon médian antérieur. —
2. racines motrices. —- 3, racines sensitives. — 4,
base des cornes antérieures, dont la tête 4’ a été
détachée par le passage du faisceau pyramidal
croisé. — 5, entrecroisement des faisceaux pyra¬
midaux, allant former les pyramides antérieu¬
res. — 6, cornes postérieures.

A) Coupe du bulbe rachidien à la juirtie infé¬


rieure de l'entrecroisement des pyramides. — 1,
sillon médian antérieur. — 2, Cornes antérieu¬
res, avec 2’, racines motrices. — 3, Cornes posté¬
rieures, avec 3’, racines postérieures. — 4, fais¬
ceau pyramidal croisé. — Les deux flèches a et
a’, indiquent le trajet que suivront les fibres du
faisceau pyramidal croisé au niveau de l'entre¬
croisement des pyramides ; de même les flèches
b et b’ indiquent le trajet que suivront, un peu
plus haut, les fibres sensitives pour l’entrecroi¬
sement sur la ligne médian.

Fig. 143
La décapitation des cornes antérieures et des cornes postérieures
(à lire de bas en haut)
550 CENTRES NERVEUX

tant lu base ; une partie antérieure, représentant la tête. Or, ces deux par¬
ties, ainsi séparées l’une de l’autre, ne se réuniront pas à nouveau. Elles
resteront distinctes jusqu’à leur terminaison dans le pédoncule cérébral.
Un peu plus haut, mais toujours dans le bulbe, l’entrecroisement du
ruban de Reil (entrecroisement sensitif) décapite de même la corne posté¬
rieure, qu’elle divise en deux parties : une partie postérieure ou externe,
représentant la tête* ; une partie antérieure ou interne, représentant la base.
Ici encore les deux parties ne se rejoindront plus. Elles resteront distinctes
jusqu’à leur terminaison.
Ces quatre colonnes grises, provenant de la décapitation successive de la
corne antérieure et de la corne postérieure, conservent pendant quelque
temps encore (jusqu’au milieu du bulbe) leur situation respective. Mais la
formation du quatrième ventricule, qui n’est que l’agrandissement et l’éta¬
lement en surface du canal de l’épendyme, vient bientôt modifier cette
situation. — La base de la corne antérieure qui, dans la moelle, est située
en avant et en dehors du canal épendymaire, conserve ses rapports avec la
ligne médiane : elle s’étale sur le plancher du quatrième ventricule, immé¬
diatement en dehors de la lige du calamus. Sa tète, naturellement plus
profonde, se trouve rejetée en avant et un peu en dehors. — En ce qui
concerne la corne postérieure, sa base qui, au niveau de la moelle, est placée
en arrière du canal de l’épendyme, se renverse en dehors et en avant, lors¬
que ce dernier commence à s’ouvrir et que les cordons postérieurs s’écartent
de la ligne médiane pour venir occuper une position latérale : tout en res¬
tant à découvert sur le plancher ventriculaire, elle vient se placer immé¬
diatement en dehors de la base des cornes antérieures et sur le même plan
qu'elles. Quant à sa tète, suivant elle aussi le mouvement général par lequel
les parties postérieures du bulbe se portent en dehors et en avant, elle se
déjette vers les parties latérales du bulbe : c’est elle qui, sous le nom de
tubercule cendre de Rolando, vient faire hernie pour ainsi dire sur la partie
externe du corps restiforme.
Chaque moitié du bulbe nous présente donc maintenant, au lieu et place
de la colonne grise centrale que possède la moelle, quatre colonnes dis¬
tinctes, deux motrices et deux sensitives, suivant chacune sur le point que
nous venons d’indiquer, un trajet vertical et parallèle : les deyx colonnes
dérivées de la base des cornes sont superficiellement placées sur le plancher
ventriculaire ; les deux colonnes représentant les têtes sont profondément
placées en avant des précédentes dans Eépaisseur du névraxe.
Survient alors un nouvel élément perturbateur de la substance grise spi¬
nale ; les fibres arciformes. Ces fibres qui, du corps restiforme, se portent vers
ISTHME DE L’ENCÉPHALE ET NOYAUX 13ULBO-PROTUBÉRANTIELS 551

la ligne médiane pour s’y entrecroiser, ne se contentent pas de passer à côté des
colonnes en question : elles les traversent, les interrompent dans leur con¬
tinuité et les divisent ainsi en un certain nombre de tronçons régulièrement
superposés, dans lesquels viennent se terminer ou prendre leur origine les
différents nerfs moteurs, sensitifs ou mixtes, qui émanent du bulbe et de
la protubérance. Ce sont là nos noyaux bulbo-protubérantiels et nous voyons
qu'ils se divisent, suivant leur provenance, en quatre groupes : 1° noyaux
dérivés de la base de la corne antérieure ; 2° noyaux dérivés de la tête de
la corne antérieure ; 3° noyaux dérivés de la base de la corne postérieure ;
4° noyaux dérivés de la tête de la corne postérieure. Les deux premiers groupes
sont moteurs, ils donnent naissance à des fibres motrices. Les deux autres sont
sensitifs, ils reçoivent les extrémités terminales des fibres sensitives.
Il suffit de jeter un simple coup d’œil sur notre planche XXXIII pour voir
les quatre colonnes que nous venons de décrire avec, pour chacune d’elles, sa
concordance avec la substance grise spinale et les différents noyaux qu’elle
forme, soit dans le bulbe, soit dans la protubérance :
a) La base de la corne antérieure (en rouge foncé, côté gauche de la
figure) forme, sur le plancher du quatrième ventricule et de chaque côté
de la ligne médiane : le noyau de l’hypoglosse d’abord (aile blanche interne),
puis le noyau du moteur oculaire externe (eminentia teres). Plus haut,
au delà des limites du quatrième ventricule et un peu en avant de l’aqueduc
de Sylvius, elle forme un nouveau noyau, d’où émergent à la fois, à sa
partie postérieure le pathétique, à sa partie antérieure le moteur oculaire
commun : c’est le noyau du moteur oculaire commun et du pathétique.
b) La tête de la corne antérieure (en rouge clair, côté gauche de la figure)
constitue tout d’abord le noyau ambigu, colonne mince et allongée, où pren¬
nent successivement naissance, le spinal d’abord, puis les fibres motrices
du pneumogastrique et, enfin, les fibres motrices du glosso-pharyngien ,
cette même colonne forme, par ses parties les plus internes, un noyau
accessoire pour l’hypoglosse. Au-dessus du noyau ambigu, mais dans la
même direction, la tête des cornes antérieures forme deux autres noyaux :
le premier, noyau du fadial, répond au plan de séparation du bulbe et de
la protubérance ; le second, noyau masticateur, se trouve situé en pleine
protubérance, un peu en arrière du point d’émergence du trijumeau.
c) La base de la corne postérieure (en bleu foncé, côté droit de la figure)
forme, tout d’abord, l’aile grise et l’aile blanche externe du quatrième ventri¬
cule, véritables noyaux sensitifs, où viennent se terminer : 1° dans l’aile
grise et successivement en allant de bas en haut, les filets sensitifs du pneu¬
mogastrique (nerf mixte), les filets sensitifs du glosso-pharyngien (autre
552 CENTRES NERVEUX

nerf mixte) et Y intermédiaire de Wrisberg (nerf sensitif) ; 2° dans l’aile


blanche externe, la racine vestibulaire de l’auditif. En avant et en dehors
de l’aile blanche externe, la colonne grise dérivant de la base des cornes
postérieures forme encore le tubercule acoustique, où aboutit la racine
cochléaire du nerf auditif.
d) La tête de la corne postérieure (en bleu clair, côté droit de la figure)
constitue une longue colonne, qui s’étend, en hauteur, depuis l’entrecroise¬
ment du ruban de Reil jusqu’à la protubérance. Sur le côté externe de cette
colonne naissent successivement un grand nombre de fibres nerveuses, qui
remontent avec elle jusque dans la partie moyenne de la protubérance, puis
s’infléchissent en avant et en dehors pour se jeter dans le trijumeau. L’en¬
semble de ses fibres constitue l’une des plus importantes racines de ce nerf,
sa racine inférieure ou bulbaire. Rappelons, en passant, que la tête de la
corne postérieure (probablement par sa substance gélatineuse) forme encore,
en avant et en dehors de l’aile grise, une petite colonne, dite noyau du fais¬
ceau solitaire, où viennent se terminer l’intermédiaire de Wrisberg et les
libres sensitives du glosso-pharyngien et du pneumogastrique (vov. ces
nerfs).
Nous nous contenterons de ces données générales sur les noyaux bulbo-
protubérantiels. Chacun d’eux, en effet, a été déjà décrit plus haut, à pro¬
pos du nerf qui y prend naissance ou qui vient s’y terminer. Nous ne sau¬
rions y revenir ici sans tomber dans des redites inutiles.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE
' »

L’isthme de l’encéphale est la portion la plus compliquée des centres ner¬


veux. Etendu depuis le collet du bulbe, où il se continue directement avec la
moelle épinière, jusqu’au point où les pédoncules cérébraux pénètrent dans
les masses centrales des hémisphères du cerveau, il renferme la totalité des
libres centripètes et centrifuges par quoi les circonvolutions cérébxales et
cérébelleuses sont en communication avec les divers métamères de la moelle ;
il contient, outre les noyaux d’origine des dix dernières paires de nerfs
crâniens, un nombre au moins égal de noyaux autonomes à fonctions spé¬
cialisées ; enfin les faisceaux intermédiaires qui relient tous ces noyaux les
uns aux autres forment çà et là des noeuds de raccordement dans lesquels
des libres d’origine différente sont réunies de façon à constituer des centres
reflexes affectés à des fonctions particulières : succion, déglutition, oculo-
gyrie, respiration, équilibration, régulations vaso-motrices et sécrétoires, etc.
ISTHME DE L’ENCÉPHALE ET NOYAUX BULBO-PROTUBÉRANTIELS 553

La description de chacun des grands appareils de conduction sensitive et


motrice et de chacun des noyaux d’origine des nerfs bulbo-protubérantiels
étant faite avec des détails suffisants dans divers chapitres de cet ouvrage,
nous allons nous borner à étudier dans les pages suivantes :
1° Les syndromes polynucléaires, résultant de lésions assez étendues en
surface de l’isthme de l’encéphale pour atteindre simultanément plusieurs
noyaux des nerfs bulbo-protubérantiels et donner ainsi lieu aux polio-
encéphalites ;
2° Les syndromes nacléo-fasciculaires, causés par des lésions assez éten¬
dues en profondeur pour intéresser à la fois un ou plusieurs noyaux des nerfs
bulbo-protubérantiels et un ou plusieurs des faisceaux d’association encé-
phalo-médullaire, provoquant ainsi les hémiplégies alternes ;
3° La physiopathologie des noyaux propres de l’isthme.

1" Syndromes polynucléaires : les polioencéphalites. — Le schéma de


la planche XXXIII représente eu projection, sur une surface plane fictive, la
topographie des noyaux, d’origine des dix dernières paires de nerfs crâniens
contenues dans la protubérance annulaire et le bulbe rachidien.
Le premier fait qui saute aux yeux à l’examen de ce schéma, c’est que les
noyaux moteurs des nerfs bulbo-protubérantiels forment trois groupes assez
éloignés les uns des autres pour que chacun d’eux puisse être atteint, sans
que ses voisins y participent, par des lésions organiques d’une certaine éten¬
due, telles que raptus hémorraghiques corticaux ou pie-mériens, foyers
superficiels de ramollissement nécrobiotique, nappes de méningite tuber¬
culeuse, gommes syphilitiques, etc.
Le groupe supérieur est formé par les noyaux du moteur oculaire commun
et du pathétique, qui sont affectés à la motricité du globe de l’œil, de la
paupière supérieure et de l’iris. L’altération simultanée de ces deux noyaux
donne lieu à une affection bien connue des ophtalmologistes sous le nom
de polio-encéphalite supérieure.
Le groupe moyen comprend les noyaux moteurs du trijumeau, du moteur
oculaire externe et du facial et le noyau de l’acoustique. Ses lésions idio¬
pathiques sont rares ; on en connaît cependant quelques exemples ; mais la
structure et les fonctions des nerfs qui le composent sont souvent compro¬
mises ensemble par le développement des tumeurs de l’angle fronto-céré-
belleux.
Le groupe inférieur comprend les noyaux moteurs du glosso-pharyngien,
du pneumogastrique, du spinal et de l’hypoglosse. C’est sur lui que portent
les lésions de la polioencéphalite inférieure aiguë ou subaiguë et aussi celles
554 CENTRES NERVEUX

de la paralysie labio-glosso-laryngée qui est, comme toute, une polio-bulbite


chronique.

2° Syndromes mucléo-fasciculaires : les hémiplégies alternes. — On


appelle alternes les hémiplégies dimidiées de la face et des membres provo¬
quées par des lésions unilatérales de F isthme de l’encéphale intéressant à la
fois un ou plusieurs noyaux d’origine des nerfs bulbo-protubérantiels et l’un
ou l’autre des longs faisceaux d'association cérébro-médullaire qui relient
les nerfs rachidiens au cerveau.
Gubler qui a le premier attiré sur elles l’attention, en 1856 et 1859, en a
reconnu et indiqué la véritable pathogénie. La paralysie du nerf bulbo-protu-
bérantiel dont le noyau est détruit est directe, homolatérale, parce que les
fibres nerveuses qui le rattachent au cerveau s’entrecroisent au-clessus du point
où siège sa lésion ; la paralysie des membres est au contraire croisée, hétéro-
latérale, parce que les faisceaux de fibres qui font communiquer les nerfs
rachidiens avec le cerveau s’entrecroisent au-dessous du point où leur conti¬
nuité se trouve interrompue par la lésion (fig. 144).
On divise les hémiplégies alternes en quatre groupes : 1° motrices pures ;
2° sensitives pures ; 3° sensitivo-motrices pures ; 4° sensitivo-motrices com¬
pliquées par l’adjonction de phénomènes dépendant de l’irritation ou de la
destruction partielle des appareils de la régulation du tonus musculaire ou
de l’équilibration.

a) Hémiplégies alternes motrices pures — Les hémiplégies alternes


motrices pures sont les plus communes. Files résultent de lésions portant à
la fois sur l’un des noyaux moteurs des nerfs bulbo-protubérantiels, reliés
au cerveau par le faisceau géniculé dont la décussation se fait dans les parties
supérieure ou moyenne de l’isthme de l’encéphale, et du faisceau pyramidal
qui s’entrecroise seulement au niveau du collet du bulbe (voir schéma ci-
contre). Elles donnent lieu à quatre syndromes bien différenciés, qu’on dési¬
gne généralement sous les noms de syndrome de Weber, syndrome de
Millard-Gubler, syndrome de Foville-Grasset et syndrome alterne des der¬
niers nerfs crâniens :
a) Le syndrome de Weber, qu’il sérail plus équitable d’appeler de Gubler-
Weber, car le premier de ces auteurs l’a décrit quatre ans avant le second, est
constitué par la coexistence d’une paralysie nucléaire directe du moteur-
oculaire commun avec une paralysie fasciculaire croisée des membres du côté
opposé.
Le noyau de la IIIe paire étanl relativement très étendu et composé par la
juxtaposition de plusieurs amas cellulaires affectés chacun à l’innervation de
ISTHME DE L’ENCÉPHALE ET NOYAUX BULBO-PROTUBÉRANTIELS 555

l’un des muscles commandés par le nerf moteur oculaire commun (releveur de
la paupière supérieure, droit supérieur, droit inférieur, droit interne, petit
oblique et constricteur de l’iris) il arrive parfois qu’un seul de ces muscles soit
paralysé en même temps que les membres du côté opposé. Les ophtalmologis¬
tes ont assez souvent l’occasion d’oberver des exemples de ces variétés parcel-
4

laires du Weber. Cestan et Chenats ont rapporté l’histoire d’un malade qui
présentait, avec des phé¬
nomènes oculo-pupillaires
paraissant dépendre de
l’irritation du rameau for¬
mant la racine motrice du
ganglion ophtalmique
d’un côté (myosis, énoph-
thalmie, rétrécissement cle
la fente palpétrale et ptosis
léger) une paralysie des
membres du côté opposé.
Dans une observation pu¬
bliée par Grunes et Bar-
toletti, il y avait d’un
côté des troubles de la
motilité oculaire (ophtal-
moplégie interne avec
perle d’élévation, d’abais¬
sement et de convergence
du globe) et de l’autre, une
paralysie des membres su¬
périeur et inférieur. Schéma explicatif des hémiplégies alternes motrices.
La figure représente le trajet descendant du faisceau
b) Le syndrome de MU- pyramidal et du faisceau géniculé, s’entrecroisant le pre¬
mier en b, le second en a.
lard-Gubler est formé par Il suffit d’examiner ce trajet pour comprendre qu’une
lésion située en A, intéressant à la fois le faisceau pyra¬
l’association d’une para¬ midal et le faisceau géniculé au-dessus de leur entrecroi¬
sement, donnera lieu à une paralysie croisée de la face et
lysie nucléaire directe du des membres, tandis que, si elle est située en B, elle sera
suivie d’une paralysie nucléaire directe de la face et d’une
nerf facial avec une pa¬ paralysie croisée des membres.

ralysie fasciculaire croisée


des membres. Dans les cas de ce genre la lésion siège sous le plancher
du quatrième ventricule au niveau de Yémineniia teres, dont la saillie corres¬
pond, comme on le sait, au noyau de la VIL paire, et s’étend en profondeur
jusqu’au faisceau pyramidal sous-jacent.
c) Le syndrome de Foville-Grassel est caractérisé par la coexistence d’une
556 CENTRES NERVEUX

paralysie de la VIe paire ou simplement des mouvements conjugués de latéra¬


lité des yeux avec la paralysie des membres du coté opposé. La paralysie
oculaire dépend de lésions siégeant ou bien sur le noyau même du moteur
oculaire externe ou bien sur le tronc de I abducteur à l’endroit où il devient
oculogyre par le fait de son entre-croisement partiel avec son congénère (voy.
page 147) et le moteur oculaire commun ; celle des membres, de l’atteinte si¬
multanée du faisceau pyramidal.
d) Le syndrome moteur alterne des derniers nerfs crâniens est réalisé par
des lésions portant sur l’un des côtés du triangle inférieur du IVe ventricule,
et intéressant à des degrés divers les noyaux d’origine du glosso-pharyngien,
du pneumogastrique, du spinal et de l’hypoglosse et le faisceau pyramidal
voisin, d’où résultent : une paralysie nucléaire directe vélo-laryngée du type
Avellis, vélo-laryngo-scapulaire du type Schmidt ou glosso-vélo-laryngo-
scapulaire du type Jackson (voy. pour la description de ces trois types
page 67) et une paralysie fasciculaire croisée des membres.

b) Hémiplégies alternes sensitives pures. — Elles ont été signalées en


1877-78 par Cor ty dans le courant d’un mémoire très soigné sur les hémi
anesthésies mésocéphaliques ; mais elles ne furent régulièrement étudiées
(jue vingt ans plus tard par Raymond qui leur consacra deux de ses leçons
cliniques (la XXXe et la XXXIe du Tome II, pages 625 et 649) en utilisant pour
leur description deux malades de son service et quelques observations isolées,
éparses dans la littérature médicale.
Leur variété la plus typique est représentée par les cas où l'anesthésie de
l’hémiface d’un côté, provoquée par une lésion nucléaire ou radiculo-
nucléaire du trijumeau est associée à une hémi-anesthésie du tronc et des
membres du côté opposé, résultant de l’extension de la lésion au ruban de
Reil sous-jacent.
L’anesthésie est parfois totale, c’est-à-dire qu’elle porte simultanément sur
tous les modes de la sensibilité, et parfois dissociée c’est-à-dire limitée à la
perte des sensations taetiles et profondes (banques, musculaires et articu¬
laires) avec conservation des sensations thermiques et douloureuses, ou inver¬
sement. Elle peut être totale à la face, et dissociée au tronc et aux membres.
Les causes de ces modalités différentes de la distribution des anesthésies
dissociées dans les affections organiques de la région butbo-prolubérantielle
ont élé révélées entre 1912 et 1919 par les recherches de Dejerine et de ses
collaborateurs André-Thomas, Quercy, Gatjkler, Roussy. On connaissait
bien auparavant les dissociations sensitives qui s’observent dans certaines
maladies de la moelle épinière, et on savait que celles de ces maladies qui
Isthme de l’ENcépjialè et noyaux bulBo-protubêrantiëls 557

altèrent particulièrement la substance grise péri-épendymaire, comme la


syringomyélie, les sensaiions thermiques et algiques sont souvent abolies
sans que les sensibilités tactiles et profondes soient modifiées, tandis que dans
celles dont les lésions portent plus particulièrement sur les cordons posté¬
rieurs et latéraux, comme le tabes, ce sont d’ordinaire les sensations tactiles et
profondes qui sont supprimées ; d’où l’on déduisait que les sensations ther¬
miques et douloureuses passent par la substance grise centrale et les sensations
tactiles et pi’ofondes par les faisceaux de fibres blanches contenus dans les
cordons postérieurs et latéraux.
Les travaux de Dejerine et de ses disciples ont démontré que dans l'isthme
de l’encéphale les fibres de conduction des deux groupes de sensations susvi¬
sées cheminent par des voies différentes, que l’interruption d’une de ces
voies donne lieu à des anesthésies du type syringomyélique, l’interruption
de l’autre à des anesthésies du type tabétique, et l’interruption des deux à la
fois à des anesthésies totale. D’après eux les fibres conductrices des sensibi¬
lités tactiles et profondes après avoir fait un relai dans les noyaux de Goll et
de Burdach pénètrent dans le bulbe rachidien par les fibres arciformes inter¬
nes, traversent la formation réticulée interolivaire, s’entrecroisent dans le
raphé-médian (décussation piniforme) et passent dans le ruban médian de
Reil du côté opposé dans lequel elles restent incluses tout le long du pédon¬
cule cérébral jusqu’à leur entrée dans la région thalamique.
Les fibres conductrices des sensibilités thermiques et douloureuses, entre¬
croisées dès leur pénétration dans la substance grise des divers métamères
de la moelle, remontent dans cette substance jusqu’au bulbe traversent la
formation réticulée rétro-olivaire, et s’enfoncent dans le ruban médian de
Reil du même côté qu’elles accompagnent jusqu’à la couche optique.
Ces dispositions anatomiques rendent compte de la diversité symptomati¬
que des anesthésie consécutives aux altérations organiques des faisceaux
sensitifs qui cheminent dans la région bulbo-protubérantielle. En effet :
1° Toute lésion interrompant la continuité du faisceau bulbo-thalamique
par lequel passent les impressions tactiles superficielles et profondes donnera
nécessairement fieu à une anesthésie du type tabétique dont la distribution
sera homo-latérale si la lésion porte sur les fibres arciformes internes, bila¬
térale si elle désorganise la décussation piniforme, et hétéro-latérale si elle
siège au-dessus de cette décussation ;
2° Toute lésion unilatérale intéressant isolément le faisceau vecteur des
sensibilités thermiques et douloureuses, qui, lui, ne s’entrecroise pas dans
le bulbe, provoquera une anesthésie homo-latérale du type syringomyélique ;
3° Toute lésion unilatérale coupant simultanément les deux faisceaux con-
558 CENTRES NERVEUX

ductéurs des deux espèces de sensibilité de nature différente, sera suivie :


si elle est située au-dessous de la décussation piniforme d’une hémi anesthésie
totale du côté correspondant du corps, et si elle est située au-dessus, d’une
hémi-anesthésie dimidiée, avec dissociation du type syringomyéJique du côté
correspondant du corps et du type tabétique du côté opposé.

c) Hémiplégies alternes sen^itivo-motrices. — Elles sont produites géné¬


ralement par l’association d’une anesthésie nucléaire ou nucléo-radiculaire
directe d’un nerf sensitif (trijumeau ou acoustique) avec une paralysie
fasciculaire des membres du côté opposé résultant d’une lésion con¬
comitante du faisceau pyramidal. 11 est très rare que l’anesthésie et la para¬
lysie soient rigoureusement limitées et superposées à l’hémiface d’un côté
et aux membres de l’autre. Pétrina a publié une observation de ce genre :
c’est, à notre connaissance, la seule qui soit connue.
Dans la plupart des cas, l’hémiface d’itn côté est seule anesthésiée et les
membres du côté opposé sonl paralysés sans déficit sensitif (obs. de Raymond,

Ballet etc). Dans quelques autres l’anesthésie faciale est associée à des para-
ly sies motrices des nerfs masticateurs, ou des nerfs de la VIe ou de la VIIe paire
(obs. d’HoppENHEiM, de Marie et Crouzon, etc). Dans une observation de Gellé.
l’atteinte de la VIIIe paire se révélait par de la surdité et des bruits subjectifs de
l’oreille du côté opposé à la paralysie des membres.

d) Hémiplégies alternes sensitivo-motkices compliquées de troubles

MYO TONIQUES, LABYRINTHIQUES OU CÉRÉBELLEUX. - Lorsque les lésions qui


donnent lieu aux hémiplégies alternes s’étendent vers les parties supérieures
de l’isthme, elles peuvent déterminer des irritations ou des destructions par¬
tielles des appareils régulateurs du tonus musculaire, de P équilibration et de
l’orientation (locus niger, noyau rouge, noyaux de Bechterew et de Deiters
pédoncules cérébelleux) ; à la phénoménologie propre de la paralysie dimi¬
diée s’ajoutent alors des symptômes révélateurs de l’ingérence de tel ou tel
de ces appareils. Ainsi se produisent des syndromes complexes très variés
dont les principaux sont :
a) Le syndrome cle Benedickt ou de l’artère cérébelleuse postéro-inférieure
constitué par la coexistence d’une paralysie de la IIIe paire d’un côté avec de
la parésie et des tremblements des membres du côté opposé. Lésions de la
région pédonculaire.
b) Le syndrome de Raymond et Cestan : paralysie des mouvements con¬
jugués de latéralité des yeux, avec, du côté opposé à l’œil le plus atteint
dans ses mouvements d’abduction, anesthésie cutanée et articulaire, trem¬
blements, incoordination, asynergie, mouvements athétosiformes. Trois
ISTHME DE L’UNCÊFliALE ET NOYAUX BULBO-PHOTUBÈHANTIELS 559

autopsies ont révélé la présence tle tubercules solitaires au niveau de la calotte


protubérantielle dans l’espace compris entre les noyaux de la IIIe et de la
VIe paire.
c) Le syndrome de Babinski-Nageotte : hémi-asynergie du membre infé¬
rieur d’un côté avec latéropulsion ; hémiplégie légère avec hémi-anesthésie
et tremblement du côté opposé ; difficulté de la déglutition, etc. Autopsie :
quatre foyers de ramollissement dans la moitié gauche interrompant les fais¬
ceaux d’association reliant les olives bulbaires aux olives cérébelleuses, et les
noyaux de Deiters à l’arc médullaire, atteinte partielle du ruban de Reil, etc.
d) Le syndrome de Descomps et Quercy : mesthésie thermo-douloureuse
d’un côté ; syndrome d’Avellis, syndrome oculo-sympathique, anesthésie
faciale et troubles vestibulaires du côté opposé.

3° Physiopathologie des noyaux propres de l’isthme de l’encéphale. —


Indépendamment des noyaux d’origine des dix nerfs bulbo-protubérantiels,
l’isthme de l’encéphale contient un certain nombre d îlots de substance
grise, qui ne paraissent pas donner naissance à des fibres se prolongeant
directement dans les nerfs périphériques ; on les appelle en bloc les noyaux
propres de l’isthme.
Les principaux sont de bas en haut : 1° dans le bulbe, les noyaux de Goll
et de Burdach, dont les libres provenant des voies sensitives de la moelle
font un relai dans les dits noyaux avant de pénétrer dans le ruban de Reil ;
le noyau post-pyramidal, inclus dans la portion supérieure des pyramides
postérieures ; le noyau restiforme, dont on peut suivre les éléments constitu¬
tifs jusque dans le cervelet, les olives bulbaires et les parolives, les noyaux de
Deiters et, de Betcherew ; 2° dans le protubérance, les noyaux du pont,
l'olive supérieure ou olive du pont 3° dans la calotte des pédoncules céré¬
braux, le locus niger de Soemmering, le noyau rouge de Stilling et les tuber¬
cules quadrijumeaux.
En outre, dans toute l’étendue de l’isthme se trouvent des nappes de
substance réticulée, formées par des fascicules de fibres nerveuses entrelacées
dans tous les sens, au milieu desquels le microscope révèle l’existence de
cellules multipolaires disséminées ou agglomérées en certains endroits, de
façon à constituer de véritables ganglions, dont quelques-uns sont assez
constants pour que les histologistes leur aient donné des noms spéciaux, par
exemple : les noyaux du cordon antérieur de Milkawski, le noyau central
inférieur de Roller, le ganglion dorsal du toit de Meynert, le ganglion
interpédonculaire, le ganglion de l’habénula.
On ignore les fonctions que remplissent les petits îlots cellulaires dispersés
560 CENTRES NERVEUX

çà et là dans la réticulée. La position qu’ils occupent au milieu du carrefour


mésocéphalique, les rapports qu’ils contractent avec leurs congénères et avec
les organes voisins permettent de supposer qu’ils forment les nœuds de con¬
jonction des neurones dont dépendent les nombreux actes réflexes qui sont
régis par le rnésencéphale, c’est-à-dire les mouvements respiratoires et les
phénomènes qui en dérivent : cris, éternuement, pleurs et rires spasmodi¬
ques ; les mouvements de mastication, de succion, de déglutition ; les
réflexes nauséeux et les vomissements, le clignement des paupièies, l’oeulo-
gvrie, les réflexes vaso-moteurs qui prennent part à la régulation de la
pression vasculo-eardiaque, les réflexes sudoraux et aussi ceux qui régissent
le métabolisme de certaines substances alimentaires, particulièrement la
transformation du glycogène en glycose. La physiologie et la pathologie
démontrent, en effet que chacun de ces actes a sur le plancher du IVe ven¬
tricule un centre distinct bien limité, dont la destruction se traduit invaria¬
blement par l’arrêt ou la perturbation de l’acte qu’il commande. C’est ainsi
que toute lésion traumatique de la pointe du IVe ventricule cause la mort par
arrêt des mouvements respiratoires (nœud vital de Legallois), que la piqûre
du bulbe immédiatement au-dessus et en dehors de ce point détermine la
glycosurie (Cl. Bernard), etc.
On est mieux renseigné sur les fonctions de la plupart des noyaux plus
volumineux, dont on discerne nettement les contours à l’œil nu. On sait,
notamment que les noyaux de Goil et de Buidaeh font, partie de la voie sen¬
sitive médullo-encéphalique : que les noyaux restiformes, les olives bulbaires
et les noyaux de Deiters et de Betcherew sont des annexes des appareils
cérébelleux et acoustico-veslibulaires servant à la coordination des mouve¬
ments et à l’orientation : que les tubercules quadrijumeaux postérieurs sont,
anatomiquement et physiologiquement, adjoints à l’appareil de l'audition et
les antérieurs à l’appareil de la vision.
Les fonctions des noyaux rouges de Stirling, des noyaux noirs de Soemme-

ring et des noyaux du pont sont demeurées très longtemps inconnues. Les
recherches dont ces organes ont été l’objet depuis quelques années ont four¬
ni des résultats importants que nous croyons devoir indiquer ici.
a) Noyau rouge. — Le noyau rouge a la forme et le volume d’un haricot.
Il est logé sous la calotte (tegmentum) de chacun des pédoncules cérébraux.
Sa coloration est d’un gris rougeâtre : on le distingue très nettement sur les
coupes transversales, par lesquelles dans les autopsies on a l’habitude de
séparer les hémisphères cérébraux des parties sous-jacentes des centres ner¬
veux. Ses connexions sont très complexes. Il est en rapport par un faisceau
dit mbro-coriical, avec l’écorce du cerveau ; par un faisceau ruhro-thalami-
ISTHME DE L’ENCÉPIIALE ET NOYAUX BULBO-PBOTUBÉRANTIELS 5131

que, avec la couche optique ; par le faisceau tecto-bulbaire de Paveow, avec


le tubercule quadrijumeau supérieur ; par le pédoncule cérébelleux supérieur,
avec le cervelet ; enfin par le faisceau rubro-spinal de von Monakow (prépy¬
ramidal d’ANDRÉ Thomas, mésenccphalo-spinal de van Geiiuciiten), avec la
substance grise des cornes antérieures du côté opposé de la moelle. 11 fait
partie, d’après Paveow, de l’appareil de l'équilibration. Van Gehuchten le
considérait comme le centre commun du tonus musculaire et des réflexes
tendineux.
b) Locus niger. — Le locus niger de Soemmering a la forme d’un croissant
renflé en quartier de lune au milieu de sa courbe. Il est inclus, de chaque
côté de la ligne médiane, entre l’étage supérieur ou calotte et l’étage inférieur
ou pied du pédoncule cérébral correspondant. Les cellules neurales qu’il
contient sont grosses, pyramidales, multipolaires, assez semblables aux gran¬
des cellules de l’écorce de la zone motrice du cerveau, mais elles sont plus
fortement pigmentées. Leurs prolongements eylindraxiles se rendent les uns
dans le cerveau, les autres s’entrecroisent avec leurs congénères du côté
opposé au niveau du stratum intermédiaire ; elles dégénèrent à la suite des
lésions corticales du cerveau. Le locus niger paraît être affecté, au même titre
que le noyau rouge, à la régulation du tonus musculaire. Ses lésions destruc¬
tives, bien étudiées dans ces derniers temps par Anulade d’abord, puis par
Trf.tianoff, dans le laboratoire du professeur Pierre Marie, déterminent
les syndromes parkinsonniens. Dans douze cas de maladies de Parkinson

types, ce dernier auteur a constaté des altérations dégénératives des cellules


de ce noyau : des deux côtés, lorsque la rigidité et le tremblement étaient,
bilatéraux ; du côté opposé seulement lorsque ces symptômes étaient uni¬
latéraux. Le locus niger était aussi plus ou moins altéré dans des affectiôns
diverses du système nerveux dans la symptomatologie desquelles figurait de
la catatonie, des tremblements ou des secousses choréo-athétosiques, notam¬
ment dans la chorée de Huntington, dans l’encéphalite léthargique avec
catatonie, dans le torticolis spasmodique, la sclérose en plaques, etc.
c) Noyaux du pont. — Les noyaux du pont sont les petites masses de subs¬
tance grise qu’on voit sur les coupes transversales du pont de Varole, entre
les lames de fibres blanches qui s’étendent du pédoncule cérébelleux moyen
d’un côté, à celui du côté opposé. La plupart des fibres qui en partent se ren¬
dent dans le cervelet ; quelques-unes vont se mélanger à celles du faisceau
pyramidal sous-jacent, qu’elles contribuent à renforcer. Ces dernières se
rendraient surtout, d’après les observations de Pierre Marie et Georges

Gtiillain, dans le faisceau de Türck (faisceau direct du cordon antérieur)


dont la dégénération, très discrète lorsque les lésions initiales siègent dans
les hémisphères cérébraux, serait plus étendue et plus massive quand elles
LES NERFS EN SCtlÉMAS 3(5
562 centres NekVeux

se trouvent dans les régions sous-tlialainique ou protubérantielle. On pense


généralement aujourd'hui que les noyaux du pont ont surtout pour fonction
de produire et d’entretenir les réflexes dits de stabilisation, qui fixent la tête
et le tronc en position verticale pendant l’exécution des mouvements coor¬
donnés de la locomotion.

ARTICLE IV

LE CERVELET

Le cervelet (petit cerveau) est cette portion de la masse encéphalique qui


occupe la partie postérieure et inférieure de la cavité crânienne. Topogra¬
phiquement, il est situé au-dessus du bulbe, au-dessous du cerveau, en arrière
de la protubérance et des tubercules quadrijumeaux. Envisagé d’une façon
générale et dans l’ensemble de la série, le cervelet, organe pair et symétri¬
que, se compose essentiellement de trois parties : une partie médiane, qui
forme le lobe médian ou lobe, moyen ; deux parties latérales, qui constituent
les lobes latéraux ou hémisphères cérébelleux. Or, si le lobe médian existe
chez tous les vertébrés, les hémisphères font leur première apparition chez
les mammifères inférieurs, pour acquérir graduellement de l’importance
au fur et à mesure qu’on s’élève dans la série. C’est, chez l’homme qu’ils
atteignent leur plus haut degré de développement.

§ 1. - ANATOMIE

Le cervelet est un organe aplati de haut en bas, mesurant, en moyenne :


8 à 10 centimètres dans le sens transversal, 5 centimètres et demi à 6 centi¬
mètres dans le sens antéro-postérieur, 4 ou 5 centimètres dans le sens verti¬
cal. Son poids est de 135 à 145 grammes.

ln Conformation extérieure. — Vu d’en haut (fig. 145), le cervelet nous


apparaît sous la forme d’un cœur de carte à jouer. On lui distingue deux
faces l’une supérieure, l’autre inférieure, et une circonférence.
a) Face supérieure. — La face supérieure nous présente sur la ligne mé¬
diane une saillie longitudinale, qui va d’une extrémité à l’autre du cervelet.
Elle est divisée, par des sillons transversaux et parallèles, en une série de
CElWlïLËT 563

segments ou anneaux, ce qui l’a l'ait comparer à un ver à soie : c’est le verrais
supérieur. De chaque coté du verrais, noire face supérieure est représentée
par une surface plane, fortement inclinée en dehors et en bas. Ici encore, des
sillons plus ou moins profonds décomposent la surface cérébelleuse en un
système de lamelles minces et plus ou moins parallèles. Homologiquement,
le verrais représente le lobe moyen ; les parties larges situées à droite et «à
gauche du vermis représentant les lobes latéraux ou hémisphères.
b) Face inférieure. — Elle nous présente (lig. 146) : 1° sur la ligne médiane,
une grande scissure, la scissure médiane du cervelet, au fond de laquelle se
voit une saillie longitudinale, le vermis inférieur ; 2° à droite et «à gauche du
vermis, les deux hémisphères cérébelleux, affectant sur cette face une forme
franchement convexe. Rap¬
pelons que le vermis infé¬
rieur se termine en avant
par une extrémité allongée,
la luette, sur les côtés de
laquelle s’étalent en sens
horizontal deux minces la¬
melles en forme de crois¬
sants, les valvules de Tarin.
c) Circonférence. ■— La
circonférence du cervelet
est échancrée en arrière et
en avant : dans l’échancrure
postérieure se rencontrent et Fig. 145.
se fusionnent les deux ver- Cervelet, vu par sa face supérieure.
. „ , .1, face supérieure du cervelet. — 2, vermis supérieur. —
mis, On tonnant te vermis 3, lobule central, avec 3’, ses ailes latérales. •— 4, vermis
. postérieur. — 5, échancrure postérieure du cervelet. — 6,
postérieur ; de I échancrure 6, grand sillon circonférentiel de Vicq-d'Azyr. — 7, valvu¬
le de Vieussens. — 8, nerf pathétique. — 9, tubercules
antérieure partent les pédon- quadrijumeaux. — 10, glande pinéale, soulevée et érignée
1 en avant. — 11, coupe des pédoncules cérébraux. — 12, troi-
cules cérébelleux. De chaque sième ventricule,
côté de ces échancrures
médianes, la circonférence prend la forme d’un boni arrondi et mousse, for¬
tement convexe en dehors : sa partie la plus saillante constitue à droite et
à gauche, l'angle latéral du cervelet.

2° Mode de segmentation périphérique. — La surface extérieure du


cervelet nous présente de très nombreux sillons, qui ont pour effet de
décomposer l’organe en segments de plus en plus petits. Ces sillons sorti de
deux ordres :
564 CENTRES NERVEUX

a) Sillons de premier ordre. —- Les sillons de premier ordre, les plus pro¬
fonds, décrivent pour la plupart, des courbes régulières à concavité dirigée
en avant et en dedans. Ils décomposent la masses cérébelleuse en lobules. De
ces lobules, on n’en décrit ordinairement que deux : 1° le lobule du pneumo¬
gastrique ou flocculus, couché sur le bord inférieur du pédoncule cérébel¬
leux moyen, en avant et au-dessus du pneumogastrique ; 2° le lobule rachi¬
dien ou tonsille, placé en arrière et sur le côté du bulbe, immédiatement au-
dessous de la valvule de Tarin correspondante.
b) Sillons de second ordre. — Moins profond, que les précédents, les sil¬
lons do second ordre décomposent chaque lobule en une série de segments
II
plus petits, aplatis et ados¬
sés les uns aux autres com¬
me les feuillets d’un livre,
ce sont les lames et les la¬
melles.

3° Constitution anatomi¬
que. — Vu sur des coupes,
le cervelet nous présente
une substance grise périphé¬
rique entourant une masse
E.BOULENAZ centrale de substance blan¬
Fig. 146.
che, au sein de laquelle on
Cervelet, vu par sa face inférieure.
(Le bulbe rachidien a été réséqué, pour laisser voir les portions aperçoit un certain nombre
de cervelet qu'il recouvre.)
1, face interne du cervelet. — 2, 2, grande scissure mé¬
de petits noyaux gris. Nous
diane, logeant le vermis inférieur. — 3, échancrure pos¬
térieure. — 4, éminence cruciale de Malacarne. — 5, luette. pouvons donc lui considé¬
— 6, grand sillon circonférenciel de Vicq-d’Azyr. — 7, lo¬
bule rachidien ou amygdale. — 8, lobule du pneumogas¬ rer les trois parties suivan¬
trique. — 9 quatrième ventricule. — 10. coupe de l’extré¬
mité supérieure du bulbe. — 11, protubérance annulaire. tes : 1° la substance grise
— 12, pédoncule cérébelleux moyen. — 13, nerf trijumeau
avec ses deux racines. périphérique ou écorce ; 2°
la substance grise centrale
ou noyaux centraux ; 3° la substance blanche.
a) Écorce. — Elle s’étale tout autour du cervelet, sous la forme d’une lame
grise fort mince, recouvrant régulièrement toutes les saillies et descendant,
sans s’interrompre, dans le fond des sillons. Elle forme au cervelet une enve¬
loppe à peu près continue : elle n’est interrompue, en effet, qu'au niveau de
la partie antérieure de l’organe, là où naissent les pédoncules.
b) Substance blanche. — Elle forme au centre du cervelet une masse volu
mineuse, le centre médullaire. De la périphérie de ce centre médullaire,
s’échappent des prolongements radiaires qui pénètrent dans les lobules,
CERVELET 565

dans les lames et dans les lamelles, formant ainsi des branches, des rameaux
et des ramuscules, disposition arborescente spéciale au cervelet et bien
caractéristique, que l’on désigne sous le nom d’arbre de vie.
c) Noyaux centraux. —- On désigne sous ce nom un certain nombre de
formations grises qui sont situées au centre du cervelet, à droite et à gauche
de la ligne médiane (lig. 147). Elles sont au nombre de six : trois de chaque
côté. Ce sont : 1° le corps dentelé (corps rhomboïdal, olive cérébelleuse), for¬
mé par une mince lame grise, irrégulièrement plissée, emprisonnant à son
centre une petite masse de substance blanche et ouverte en dedans en un point
appelé hile ; 2° les noyaux dentelés accessoires, situés en dedans du précé¬
dent, au nombre de deux, l’un externe ou embolus, l’autre interne ou nucléus
globosus, représentés cha¬ , N du. luit
cun par une petite colonne Noyau U l’ni rit’ i , N. glohulaia:
Vermis / / rEmbolus
de substance grise, dirigée supérior. / / /

dans le sens antéro-posté¬


rieur ; 3° le noyau du toit,
situé en plein vermis, à
droite et à gauche de la
ligne médiane, se terminant
en avant par une extrémité
arrondie et, en arrière, par
Quatrième ventricule
une série de pointes irrégu¬
lières Fig- 147..
Les noyaux centraux du cervelet, vus sur une coupe
frontale passant un peu au-dessus de la partie
4° Connexions et pédon¬ moyenne du quatrième ventricule.

cules. — Le centre médul¬


laire du cervelet est constitué par des libres à myéline de significations di¬
verses. On peut les diviser en intrinsèques et extrinsèques :
a) Fibres intrinsèques. — Les fibres intrinsèques sont celles qui, dans
toute leur étendue, sont situées dans le cervelet : ce sont des fibres d’associa¬
tion entre les différentes parties de l’organe. On les distingue, d’après leurs
connexions, en trois groupes : 1e fibres arquées ou arciformes, disposées
en arc, réunissant dans une même moitié du cervelet, deux points de l’écor¬
ce plus ou moins éloignés l’un de l’autre ; 2° fibres interhémisphériques,
allant d’un point de l’écorce de l’un des hémisphères au point homologue
de l’hémisphère du côté opposé (sorte de corps calleux pour le cervelet) •
3° fibées cortico-nucléaires, mettant en relation l’écorce cérébelleuse avec les
masses grises centrales. A ces trois ordres de fibres, il faudrait probablement
566 CENTRES NERVEUX

ajouter des fibres internucléaires, reliant entre eux les divers noyaux de la
substance grise centrale.
b) Fibres extrinsèques, pédoncules cérébelleux. — Les fibres extrinsè¬
ques relient le cervelet aux autres départements du névraxe. Elles sont de
deux ordres : les unes, naissent dans le cervelet pom aller se terminer en
dehors de lui, ce sont les fibres efférentes ; les autres, tirant leur origine de
la moelle, du bulbe, de la protubérance ou du cerveau et venant se termi¬
ner dams le cervelet, ce sont les fibres afférentes. Qu’elles soient afférentes ou
efférentes, les fibres extrinsèques sortent toutes du cervelet à sa partie antéro-
inférieure, en formant par leur ensemble six gros faisceaux de (trois de chaque
côté), qui constituent les pédoncules cérébelleux. On les distingue, d’après
leur direction, en inférieurs, moyens et supérieurs.
a) Les pédoncules cérébelleux
inférieurs ou corps restiformes
descendent vers le bulbe et se
confondent, en apparence tout
au moins, avec les cordons pos¬
térieurs. Ils renfermerit deux
ordres de fibres : 1° des fibres
spino-cérébelleuses, reliant le
cervelet à la moelle ; parmi
elles, les fibres descendantes de
Makcjii ou, tout simplement,
fibres de Marché, en rapport
avec la motilité volontaire, se
terminant dans les cornes anté¬
Le cervelet et ses trois pédoncules, vue latérale. rieures ; 2° les fibres bulbo-
cérébelleuses, reliant le cervelet
au bulbe ; elles deviennent, au bulbe, les fibres arciformes, lesquelles se
terminent en partie dans l’olive, en partie dans les noyaux de Goll et de
burdach.
p) Les pédoncules cérébelleux moyens, sont deux cordons aplalis, à direc¬
tion transversale, occupant les parties latérales de l’isthme et unissant le cer¬
velet à la protubérance annulaire. Ils se composent de fibres nerveuses à
myéline, comme eux à direction transversale. Ces fibres sont de trois ordres :
1° fibres intercérébelleuses, disposées en anse, allant (par les deux pédoncu¬
les et par la protubérance) d'un hémisphère cérébelleux à l'autre ; 2° fibres
cérébello-protubéranticlles descendantes, allant de l’écorce.cérébelleuse (cel¬
lules de Purkinje) aux noyaux du pont ; 3° fibres cérébello-protubéranticlles
CERVELET 567

'ascendantes, partant de ces mêmes noyaux du pont, et venant se terminer


dans l’écorce cérébelleuse. Ajoutons que ces fibres cérébello-protubérantielles
ou ponto-cérébelleuses, sont, en partie directes, en partie croisées.
y) Les pédoncules cérébelleux supérieurs, situés dans le plan supérieur de
l’isthme, se dirigent obliquement en haut, en avant et un peu en dedans.
Arrivés aux tubercules quadrijumeaux, ils s’engagent au-dessous d’eux,
s’y entrecroisent (mais en partie seulement) sur la ligne médiane, pénètrent
alors dans la calotte du pédoncule cérébral et se. terminent, chacun de son côté,
dans le noyau rouge. Les libres qui les constituent sont, comme pour les
autres pédoncules, de deux ordres : 1e fibres descendantes, allant du cervelet
au noyau rouge de la calotte ; 2° fibres ascendantes, allant du noyau rouge
au cervelet.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

1° Fonctions du cervelet. — Le cervelet a été considéré tour à tour par


les auteurs anciens comme le siège de l’ame, le centre du sensorium com¬
mun, le régulateur des fonctions organiques, le réservoir général du poten¬
tiel énergétique dépensé par le système nerveux, le centre spécialisé des pas¬
sions génésiques.
Les recherches de Flourens et de ses successeurs, Cyon, André-Thomas,

etc., ont démontré qu’il ne sert ni à l’intelligence, ni à la sensibilité, ni


à la motilité volontaire, ni à la distribution de l’énergie neurale, qu’il n’estt
ni le centre de la vie organique, ni le siège des passions génitales. C’est, un
appareil de perfectionnement annexé chez tous les vertébrés au système céré¬
bro-spinal pour présider aux fonctions de Vorientation et de l’équilibration.
Relié au cerveau, à la protubérance et à la moelle épinière par ses trois
pédoncules supérieur, moyen et inférieur, il est également en connexion
étroite avec les noyaux de Deiters et de Bechterew et, par leur intermé¬
diaire, avec le nerf vestib'ulaire qui innerve, comme nous l’avons vu plus
haut (voy. p. 183) les canaux demi-circulaires, dont l’extirpation chez les ani¬
maux et chez l’homme détermine des troubles de la statique de la tête* du
tronc et des membres, avec vertiges, nystagmus, impossibilité de se tenir
debout en équilibre, de marcher et d’une façon générale d’exécuter aucun
mouvement complexe, bien que l’énergie des contractions musculaires ne
soit pas sensiblement affaiblie et que les mouvements volontaires simples
puissent être correctement accomplis.
568 CENTRES NERVEUX

2° Données expérimentales. — Los expériences pratiquées sur le cervelet


des animaux vivants donnent lieu à des phénomènes différents, selon qu’on
étudie les effets de l’excitation ou des destructions de cet organe.
Les excitations électriques provoquent des contractions incoordonnées des
muscles de la vie de relation : leur irrégularité en rend l’interprétation très
difficile.
Les extirpations totales ne sont suivies d’aucun déficit sensoriel, sensitif ou
psychique, mais elles déterminent des perturbations de l’équilibre et de
l’incoordination des mouvements volontaires. Les animaux écérebellés mar¬
chent en zig zag, tombent fréquemment d’un côté ou de l’autre. Les mou¬
vements volontaires manquent de mesure ; ils sont trop amples ou trop
réduits pour atteindre les buts visés. Si l’extirpation a porté sur un seul
hémisphère, l’incoordination motrice est unilatérale. Ces phénomènes per¬
sistent pendant quelque temps, puis ils s’atténuent lentement et disparais¬
sent à la longue.
Il ressort de ces expériences que le cervelet est un organe de coordination
des mouvements, un centre des associations réflexes automatiques dont le
jeu normal assure l’équilibre du corps dans ses attitudes statiques et ses
déplacements.
Des phénomènes de même nature s’observent en clinique humaine lorsque
des abcès, des tumeurs, des foyers d’hémorrhagie ou de ramollissement,
ou bien des lésions traumatiques ont détruit partiellement ou totalement le
cervelet.

3° Le syndrome cérébelleux. — On appelle syndrome cérébelleux l’en¬


semble des symptômes qui traduisent les lésions du cervelet. Ces symptômes
peuvent être divisés en trois groupes, suivant qu’ils sont négatifs, positifs ou
accessoires.

a) Symptômes négatifs. — Les symptômes négatifs sont : l’absence de


troubles de l’intelligence, de la sensibilité générale, de paralysie motrice
vraie, de contracture musculaire, d’atrophie dégénératrice avec R D des
muscles, de troubles de la réflectivité cutanée et tendineuse.
b) Symptômes positifs.— Les symptômes positifs, bien étudiés par Du-
chenne de Boulogne, et plus tard par Babinski, se manifestent : 1° par des
troubles des associations synergiques dans l’exécution des mouvements
volontaires ; 2° par des troubles de la statique musculaire.
a) Troubles des associations synergiques datis l'exécution des mouvements
volontaires, ’— On peut les mettre en énidence par les épreuves suivantes :
CEEVELET 569

a) Epreuves de Vhypermétrie des mouvements : On demande au malade


de porter l’index sur le bout du nez : il fait décrire à sa main un arc de cercle
plus large qu'il ne serait nécessaire, et pose son index sur les joues, les lèvres
ou le front. Le mouvement exécuté est exagéré par rapport au but à atteindre
et inadapté rigoureusement à ce but. Même résultat, lorsqu’on prie le malade
de placer son talon sur le genou du côté opposé, etc.
(3) Epreuves de Vasynergie : On place le sujet à examiner debout, les talons
rapprochés, et on lui ordonne de pencher le tronc en arrière : il n’y réussit
que très imparfaifement, parce qu’il perd rapidement l’équilibre, et tombe¬
rait si on ne le retenait. Même résultat, lorsqu’on lui demande de porter
un pied sur le bord d’une chaise un peu élevée.
y) Epreuve de l’adiadococinésie : Ce mot de consonnance bizarre signifie
que les mouvements associés des deux membres symétriques ne peuvent
plus être exécutés rapidement et correctement. Tels sont les mouvements de
pronation et de supination rapides que font les enfants jouant aux petites
marionnettes, ou ceux qu’accomplissent les membres inférieurs des cyclistes
qui pédalent sur les routes.
8) Epreuve de la marche : Le cérébelleux peut, se tenir longtemps immo¬
bile dans la position verticale ; si on le prie de marcher droit devant soi, il
ne talonne pas comme l’ataxique vrai, mais son équilibre devient instable,
et il progresse en zig-zagant.
b) Troubles de la statique musculaire. — Les plus caractéristiques sont la
catatonie cérébelleuse et les tremblements.
T) La catatonie cérébelleuse se révèle par la facilité avec laquelle les mala¬
des conservent les attitudes incommodes qu’on donne à leurs membres ; par
exemple un cérébrellcux restera plus longtemps qu’un sujet normal, surtout
qu’un ataxique, dans le décubitus dorsal, les jambes en l’air ; de même, il
conservera plus longtemps immobiles ses membres supérieurs étendus en
croix.
(3) Les tremblements cérébelleux, comme ceux de la sclérose en plaque
surviennent à l'occasion des mouvements intentionnels. Ils sont facilement
mis en évidence dans les actes de parler ou d'écrire : la parole est scandée,
explosive, l’écriture irrégulière, inégale, désordonnée par manque d’asso¬
ciation et de mesure dans les contractions musculaires qui doivent entrer en
jeu dans l’exécution de ces actes.

c) Symptômes accessoires. — Les symptômes accessoires qui accompagnent


souvent le syndrome cérébelleux, mais in’en font pas partie intégrante parce
qu’ils ne dépendent pas directement des lésions du cervelet sont les phéno-
570 CENTRES NERVEUX

mènes banals d’hypertension intra-cranienne qui surviennent indifférem¬


ment dans la plupart des maladies des organes contenus dans la cavité du
crâne ; la céphalée, les vomissements et la névrite optique. 11 convient de
ranger dans le même groupe les vertiges et le nystagmus qui coexistent
fréquemment avec les affections du cervelet, mais résultent des altérations
concomitantes de l’appareil labyrinthique.
Les troubles caractéristiques du syndrome cérébelleux peuvent, suivant
l’étendue des lésions provocatrices avoir une distribution quadriplégique,
hémiplégique, paraplégique ou monoplégique. Cette particularité soulève
le problème non encore résolu des localisations fonctionnelles du cervelet,
problème difficile qui a fait l’objet dans ces dernières années de nombreux
travaux dont on trouvera l’exposé et la critique dans l’ouvrage de MM. André

Thomas et Durupt sur les localisations cérébelleuses (Paris, 1914).

. ARTICLE V

CIRCONVOLUTIONS
ET LOCALISATIONS CÉRÉBRALES
[Planche XXXIV].

Nous avons indiqué dans la planche XXXIV (fig. 1 et 2) la topographie des


aires motrices et sensitives de l’écorce cérébrale, telles que les recherches
anatomo-cliniques permettent, à l’heure actuelle, d'en fixer les limites sur le
cerveau de l’homme. Avant d’aborder cette étude des localisations cérébrales,
nous croyons devoir rappeler, mais d’une façon sommaire, quelle est, sur le
cerveau humain, le mode de segmentation de l’écorce.

§ 1. - ANATOMIE

La surface des hémisphères, que l’on désigne sous le nom d’écorce (cortex)
ou de manteau (pallium), nous présente, comme on le sait, un système de
saillies fort irrégulières, que circonscrivent des dépressions plus ou moins
profondes et plus ou moins anfractueuses. Nous désignerons sous le nom
de lobes les divisions primaires des hémisphères cérébraux et appellerons
circonvolution (gyri), les saillies plus ou moins flexueuses qui entrent dans
la constitution des lobes. En ce qui concerne les anfractuosités, elles sont de
A. PITRES et L. TESTUT.
LES NERFS EN SCHEMAS.

Fig. 1 - Hémisphère gauche, vue externe

Fig. 2 - Hémisphère gauche, vue interne

PLANCHE XXXIV

LES CENTRES CORTICAUX

S. DUPRET del.
G. DOIN éditeur.
CIRCONVOLUTIONS ET LOCALISATIONS CEREBRALES 571

deux ordres : les unes séparent les lobes, ce sont les scissures interlobaires
ou, tout simplement, scissures ; les autres séparent les circonvolutions, ce
sont les scissures intergyraires ou sillons. Ceci posé, étudions successivement,
sur les trois faces des hémisphères, les scissures et les lobes, les sillons et les
circonvolutions.

§ 2. — CIRCONVOLUTIONS DE LA FACE EXTERNE DES HÉMISPHÈRES

1° Scissures interlobaires. — La face externe des hémisphères (fig. 149)


nous présente trois scissures de premier ordre : la scissure de Sylvius, la scis¬
sure de Rolando et la scissure perpendiculaire externe.
a) Scissure de Sylvius. — La scissure de Sylvius naît sur la face inférieure
du cerveau à la partie externe de l'espace perforé antérieur. De là, elle se
dirige en dehors, atteint le bord externe de l’hémisphère, le contourne et
passe sur la face externe. Changeant alors de direction, elle se porte en
arrière et un peu en haut, et se termine, soit en pointe, soit par une petite
bifurcation, après avoir effectué sur la face externe de l’hémisphère un par¬
cours de 8 ou 9 centimètres.
La scissure de Sylvius comprend donc deux portions : une portion infé¬
rieure, reposant sur la base du crâne, fort large, mais relativement superfi¬
cielle ; une portion supérieure, répondant à la face externe de l’hémisphère,
plus étroite, mais beaucoup plus profonde, constituant la scissure sylvienne
proprement dite. Entre les deux portions, et les délimitant, se voit une
saillie arrondie, le pli falciforme, allant du lobe temporal au lobe orbitaire.
En arrivant sur la face externe de l’hémisphère, la scissure sylvienne
envoie en haut et en avant, en plein lobe frontal, deux petits prolongements :
l’un antérieur ou horizontal ; l’autre postérieur ou ascendant. Nous y revien¬
drons tout à l’heure.
b) Scissure de Rolando. — La scissure de Rolando commence, en bas, dans
l’angle que forme la scissure précédente avec son prolongement ascendant.
De là, elle se porte obliquement en haut et en arrière et vient se terminer
sur le bord supérieur de l’hémisphère par une encoche plus ou moins pro¬
fonde, qui empiète légèrement sur la face interne. Sa longueur totale est de
9 à 11 centimètres. Au point de vue de sa forme, la scissure rolandique est
rarement rectiligne. Le plus souvent, elle s’infléchit trois fois sur elle-même
(présentant ainsi trois genoux)de telle façon qu’elle est concave en arrière
à sa partie supérieure, concave en avant à sa partie moyenne et, de nouveau,
concave en arrière à sa partie inférieure.
572 'CENTRES NERVEUX

c) Scissure perpendiculaire externe. — Celte scissure existe inettement chez


les singes, où elle est appelée fente simienne. Située à la partie postérieure
du cerveau, elle se détache du bord supérieur de l’hémisphère, sur lequel elle
tombe perpendiculairement (d’où son nom). De là, elle se porte oblique¬
ment en bas et en avant, pour venir se terminer un peu au-dessus du bord
externe de l’hémisphère.
Chez l’homme, cette scissure n’existe pas ou, plus exactement, elle est
réduite à son extrémité supérieure, formant comme une sorte d’encoche sur
le bord supérieur de l’hémisphère. I,e reste est masqué par des plis de passage
à direction transversale ou légèrement oblique.

Fig. 149.
L'hémisphère gauche, ui par sa face externe avec ses différentes divisions
(schématique').

Pour la retracer de nouveau sur notre face externe, il suffit de prolonger


en bas et en avant l’cncoclie en question, en suivant, sur les plis de pas¬
sage précités, un trajet exactement parallèle à la scissure perpendiculaire in¬
terne, qui se trouve située sur la face interne de 1 hémisphère et qui, celle-là,
est toujours nettement visible. La scissure perpendiculaire externe (toujours
plus ou moins masquée) devient ainsi la projection de. la scissure perpendi¬
culaire interne (toujours bien visible) sur la face externe de l’hémisphère.

2° Lobes et circonvolutions. — Les trois scissures sylvienne, rolandique


et perpendiculaire externe divisent la face externe de l’hémisphère en quatre
lobes : lobe frontal, lobe occipital, lobe pariétal et lobe temporal. A ces
CIRCONVOLUTIONS ET LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 573

quatre lobes, tous superficiels, s’en ajoute un cinquième, celui-ci profond,


le lobe de l'insula. Examinons-les séparément :

a) Lobe frontal. — Le lobe frontal comprend toute la partie de la face


externe de l'hémisphère qui se trouve située en avant de la scissure de Rolan-
do. Il nous présente deux sillons longitudinaux, parallèles l’un et l’autre
au bord supérieur de l’hémisphérique, parallèles entre eux par conséquent :
-ce sont le sillon frontal supérieur et le sillon frontal inférieur. Leur extrémité
antérieure se dirige vers le pôle frontal. A leur extrémité postérieure, cha¬
cun de ces sillons se bifurque en une branche ascendante et une branche
descendante. Ces branches ascendantes et descendantes, en s'unissant plus
ou moins entre elles, forment par leur ensemble un troisième sillon (com¬
plet ou plus ou moins interrompu) qui, en raison de sa situation en avant de
la scissure de Rolando, a reçu le nom de sillon prérolandique. Ces trois sil¬
lons, dont deux sont longitudinaux, le troisième transversal, délimitent
dans le lobe frontal quatre circonvolutions, dites frontales : 1° trois circon¬
volutions longiludinales ou antéro-postérieures, que l’on désigne, en allant
de haut en bas, sous les noms de première, deuxième et troisième ; 2° une
circonvolution transversale ou ascendante, c’est la quatrième frontale, plus
connue sous le nom de frontale ascendante (fig. 149).
a) Première frontale. — Elle est comprise entre le bord supérieur de l’hé¬
misphère et le sillon frontal supérieur. Elle nous présente trois portions :
1° une extrémité antérieure ou tête ; 2° une portion moyenne ou corps ;
3° une extrémité postérieure ou pied, qui répond à la frontale ascendante.
b) Deuxième frontale. — Elle est comprise entre le sillon frontal supé¬
rieur et le sillon frontal inférieur. On lui décrit, comme à la précédente, une
tête, une partie moyenne ou corps et un pied.
c) Troisième frontale. — La troisième frontale, encore appelée circonvolu¬
tion de Broca est nettement délimitée : en haut, par le sillon frontal infé
rieur ; en bas, par le bord externe de l’hémisphère d’abord, puis par la
scissure de Sylvius. Sa longueur est de 4 ou 5 centimètres ; sa hauteur, de
2 centimètres à 2 centimètres et demi.
On lui considère trois portions (fig. 150) : 1° une portion antérieure ou tête,
comprenant toute la partie de la circonvolution qui se trouve située en avant
du prolongement antérieur de la scissure de Sylvius ; 2° une portion moyenne
ou corps ; c’est dans cette portion moyenne que se trouvent les deux pro¬
longements ascendant et horizontal de la scissure svlvienne, dont il a été
question plus haut ; la portion de la circonvolutin coniprise entre ces deux
prolongements, de forme triangulaire à base supérieure, a reçu le nom de
o/4 CÉMfiES NEftVElIX

cap ; 3° une portion postérieure ou pied, de forme quadrilatère, limitée en


avant par le prolongement ascendant de la scissure de Sylvius (qui la sépare
du cap), limitée en arrière par le sillon prérolandique (qui la sépare de la
frontale ascendante).
Ajoutons que le pied de la troisième frontale est souvent divisé en deux
moitiés par un sillon oblique, le sillon diagonal.
d) Frontale ascendante. — La frontale ascendante, encore appelée quatriè¬
me frontale ou circonvolution prérolandique, est comprise entre la scissure
de Rolando et le sillon prérolandique. Son extrémité inférieure ou pied,
répond à la lèvre supérieure de la scissure de Sylvius : elle s’unit, à ce niveau,
à la pariétale ascendante à
l'aide d’un pli de passage
transversale, le pli de pas¬
sage fronto-pariétal infé¬
rieur ou opercule rolandi-
quc. Son extrémité supé¬
rieure ou tête s’unit de mê¬
me, un peu au delà du bord
supérieur de l’hémisphère
(sur la face interne par
I,a troisième circonvolution frontale gaucho conséquent), avec la parié¬
(schématique).
tale ascendante à l’aide d’un
deuxième pli de passage
qui ferme la scissure de Rolando à sa partie supérieure, c’est le pli de passage
fronto-pariétal supérieur : il est placé dans le lobule paracentral (vov. plus
loin (lig. 153 et p. 578).

b) Lobe occipital. — Le lobe occipital, situé à la partie postérieure de


l’hémisphère, comprend toute la portion de la face externe de l’hémisphère,
qui se trouve placée en arrière de la scissure perpendiculaire externe.
11 nous présente deux sillons longitudinaux, que l’on distingue, d’après
leur situation, en sillon occipital supérieur et sillon occipital Inférieur.
Ces deux sillons divisent le lobe occipital en trois circonvolutions super¬
posées : 1° la première occipitale, située entre le bord supérieure de l’hémis¬
phère et le sillon occipital supérieur ; 2° la deuxième occipitale, comprise
entre les deux sillons occipitaux ; 3° la troisième occipitale, située entre le
sillon occipital inférieur et le bord externe de l’hémisphère.

c) Lobe temporal. — Le lobe temporal, situé à la partie moyenne et infé¬


rieure de l'hémisphère, est limité : en arrière, par la ligne fictive représen-
Ci KCON V OLUTlON S ET LOCALISATIONS CEREBRALES 575

tant la scissure perpendiculaire externe disparue ; en avant et en huai, pai


la scissure de Sylvius ; en bas, par le bord externe de 1 hemisphcie.
, Il nous présente deux sillons longitudinaux, que l’on distingue, d’après
leur situation, en sillon temporal supérieur et sillon temporal inférieur. Tous
les deux se dirigent d’une extrémité a 1 autre du lobe, parallèlement à la
scissure de Sylvius. Le sillon supérieur, toujours nettement visible, porte
encore le nom de sillon parallèle.
T
Ces deux sillons circonscrivent, dans
le lobe temporal, trois circonvolutions,
qui se superposent de haut en bas : 1°
la première temporale, qui longe la scis¬
sure de Sylvius, limitée en haut par cette
scissure et, en bas, par le sillon parallè¬
le ; 2° la deuxième temporale, parallè¬
le à la précédente, comprise entre le sil¬
lon temporal supérieur ou parallèle et
le sillon temporal inférieur ; 3° la troi¬
sième temporale, située au-dessous du
sillon temporal inférieur et répondant
au bord externe de l’hémisphère. Fig. 151.
Le pli courbe.
d) Lobe pariétal. — Le lobe pariétal
1, scissure de Sylvius. — 2, sillon paral¬
occupe la partie moyenne et supérieure lèle. — 3, sillon interpariétal. — 4, pre¬
mière temporale. — 5, deuxième tempora¬
le. — 6, troisième temporale, avec 6’, son
de 1 hémisphère. Il est nettement déli¬ anastomose avec la deuxième occipitale.
— 7, pli courbe (partie hachurée) avec :
mité : en arrière, par la scissure perpen¬ 7’, sa branche supérieure ; 7”, sa branche
inférieure. — 8, son prolongement posté¬
diculaire externe ; en avant, par la scis¬ rieur pour la deuxième occipitale 9. —
10, première occipitale. — 11, troisième
sure de Rolando ; en bas, par la scissure occipitale. — 12, scissure perpendiculaire
externe, représentée par une simple enco¬
de Sylvius ; en haut, par le bord supé¬ che. — 13, incisure préoccipitale.

rieur de l’hémisphère.
Il est parcouru dans toute son étendue par un long sillon disposé en dia¬
gonale, le sillon interpariétal. Ce sillon commence, en avant, dans l’angle
que forment les deux scissures sylvienne et rolandique ; de là, il se porte
d’abord en haut ; puis, s’infléchissant en arrière, il se dirige vers la scissure
perpendiculaire externe. A noter que, au moment où il change de direction,
le sillon interpariétal laisse échapper on haut un prolongement ascendant,
qui se porte vers le bord supérieur de l’hémisphère.
Le sillon interpariétal et son prolongement ascendant décomposent le lobe
pariétal en trois circonvolutions, dites pariétales : 1° la pariétale ascendante
ou rétro-roi a indique, qui borde en arrière la scissure de Rolando et qui,
576 CENTRES NERVEUX

comme nous l’avon^déjà vu, s'unit, à l’une et à l'autre de ses deux extrémi¬
tés avec la frontale ascendante ; 2° la pariétale supérieure (ou lobule parié¬
tal supérieur), comprise entre la portion horizontale du sillon interpariétal
et le bord supérieur del’hémisphère ; 3° la pariétale inférieure (ou lobule
pariétal inférieur ou encore lobule du pli courbe), nettement délimitée, en
bas par la scissure de Sylvius, en avant par la portion ascendante du sillon
interpariétal, en haut par la portion horizontale de ce même sillon.
On donne le nom de pli courbe ffig. 151), à une circonvolution qui, par¬
lant. de l’extrémité postérieure du lobule pariétal inférieur, contourne en U
s l’extrémité postérieure du sillon parallè¬
le, pour venir se continuer avec la deuxiè¬
me temporale. De sa partie moyenne
s’échappe en arrière un prolongement
postérieur, qui vient se perdre dans le lobe
occipital. Il en résulte que le pli courbe,
avec son prolongement postérieur, est un
trait d’union entre les trois lobes pariétal,
occipital et temporal.

e) Lobe de l’insula. — Le lobule de


Schéma indiquant te mode de cons¬ l’insula est situé dans le fond de la scissu¬
titution du lobe de l’insula.
re de Sylvius. On le voit nettement quand
1, rigole antérieure. — 2, rigole supé¬
rieure. — 3, rigole postéro-inférieure. on écarte l’une de l’autre les deux lèvres
— 4, grand sillon de l’insula. — 5, lo¬
bule antérieur, avec : a, a’, ses deux de celte scissure.
sillons : Ai, A2, A3, ses trois circon¬
volutions. — 6, lobule postérieur,
avec : b, son sillon unique : Bi, B3,
Vu par sa face externe (lig. 152), il revêt
ses deux circonvolutions. — 7, point
où l’insula antérieur se confond avec l’aspect d’une saillie triangulaire, dont la
la troisième frontale F3. -— 8, point
où le lobe postérieur se continue avec base, située en haut, répond aux deux lo¬
la première temporale T1. — 9. pôle
de l’insula. bes frontal et pariétal et dont le sommet
dirigé en bas surplombe ce relief blanchâ¬
tre que nous avons déjà signalé dans la partie inférieure de la scissure syl-
vienne sous le nom de pli falciforme. 11 est nettement délimité sur presque
tout son pourtour par des sillons ou rigoles, que l’on distingue en antérieure,
supérieure et postéro-inférieure. Ce n’est, qu’au voisinage de son sommet que
l’on voit le lobe insulaire s’unir à la fois au lobe frontal et au lobe temporal
à l’aide de deux plis de passage, Lun antérieur ou fronto-insulaire, 1 autre
postérieur ou temporo-insulaire.
Un sillon oblique en bas et en avant divise l’insula en deux lobules, 1 un
antérieur, l’autre postérieur. Le lobule antérieur, de forme triangulaire
comme l’insula lui-même, se trouve subdivisé par deux sillons secondaires
LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 577

en trois circonvolutions, que l’on distingue en antérieure, moyenne et posté¬


rieure : ces trois circonvolutions, dont la base est en haut, se fusionnent en
bas sur un sommet commun, qui est le pôle de l’insula. Le lobule postérieur,
à son tour, se divise en deux circonvolutions, l'une antérieure, l’autre posté¬
rieure. Au total, le lobe de l’insula se divise toujours en un certain nombre
de circonvolutions dites circonvolutions insulaires. Ce nombre, du reste, est
ti'ès variable : il est ordinairement de quatre à six.

§ 2. - CIRCONVOLUTIONS DE LA FACE INTERNE DES HÉMISPHÈRES

1° Scissures interlobaires. —- La face interne de l’hémisphère nous pré¬


sente trois scissures de premier ordre : la scissure calloso-marginale, la
scissure calcarine et la scissure perpendiculaire interne.

Fig. 153.
L'hémisphère gauche, vu par sa face interne, avec ses différentes divisions (schématique).

a) Scissure calloso-marginale. — La scissure calloso-marginale commence


au-dessous du genou du corps calleux, contourne successivement ce genou
et la face supérieure de cet organe et, arrivée au-dessus du bourrelet, s’inflé¬
chit on haut pour venir se terminer sur le bord supérieur de l’hémisphère.
Tout à fait en arrière, au point où elle s’infléchit pour gagner le bord supé¬
rieur de l’hémisphère, la scissure callosso-marginale envoie en arrière un
prolongement, le prolongement postérieur, qui continue sa direction.
b) Scissure calcarine. — Située à la partie la plus reculée de la face interne,
LES NERFS EN SCHÉMAS 37
o78 CKM liKS NERVEUX

la scissure calcarine, se porte horizontalement de l’extrémité postérieure, de


i’hémisphère vers le bourrelet du corps calleux : elle longe d’arrière en avant
le bord interne de l’hémisphère. Légèrement ascendante dans la plus grande
partie de sou étendue, la scissure calcarine est, à son extrémité antérieure,
légèrement descendante. Elle se compose donc de deux portions rectilignes,
se réunissant l une à l’autre un peu en arrière du bourrelet du corps calleux,
en formant un angle obtus ouvert en bas.
c) Scissure perpendiculaire interne. — La scissure perpendiculaire interne
prend naissance au sommet de l’angle précité de la calcarine. De là, elle se
porte en haut et en arrière, et vient se terminer sur le bord supérieur de
l’hémisphère par une encoche, qui se confond avec celle de la scissure per¬
pendiculaire externe. A noter que les deux scissures calcarine et perpen¬
diculaire interne forment, dams leur ensemble, une sorte d'Y couché (>-).

2° Lobes et circonvolutions. — Les trois scissures que nous venons de


décrire décomposent notre face interne en deux circonvolutions et deux
lobules : 1° la circonvolution frontale, interne ; 2° la circonvolution du corps
calleux ; 3° le coin ; 4° le lobe quadrilatère.
a) Circonvolution frontale interne. — La circonvolution frontale
interne est exactement comprise entre le bord supérieur de l’hémisphère et
la scissure calloso-marginalc. Sa partie moyenne n’est autre que la partie
interne de la première frontale, que nous avons déjà étudiée sur la face
externe de l’hémisphère. La partie toule postérieure de la frontale interne
constitue ce qu’on appelle le lobule paracenlral : il est séparé du reste de la
circonvolution par un petit sillon qui descend du bord supérieur de l'hémis¬
phère, le sillon paracenlral. Rappelons ici que c’est dans le lobule paracen¬
lral que se termine la scissure de Rolando cl que s'unissent réciproquement
les deux chconvolutions frontale ascendante et pariétale ascendante.

b) Circonvolution du corps calleux. — La circonvolution du corps


calleux surmonte le corps calleux. Elle est nettement délimitée : 1° le long
de son bord concave, par le sinus du corps calleux, qui la sépare du corps
calleux ; 2° le long de son bord convexe, par la scissure calloso-marginale
et son prolongement postérieur, qui la séparent de la frontale interne et
du lobe quadrilatère.

c) Coin. — Le coin ou cunéus est un petit lobe de forme triangulaire,


situé entre la scissure perpendiculaire interne et la portion ascendante de
la scissure calcarine En arrière et en haut, il est délimité par le bord supé¬
rieur de l’hémisphère, qui le sépare du lobe occipital.
localisations (;iïuëhhalës 57?»

u) Lobe quadrilatère. — Le lobe quadrilatère est placé en avant du


cunéus, en arrière de lu frontale interne, il est délimité : en avant, par la por¬
tion terminale de la scissure calloso-marginale ; en arrière, par la scissure per¬
pendiculaire interne ; en haut, par le bord supérieur de l’hémisphère ; en
has, par le prolongement postérieur de la scissure calloso-marginale, qui le
sépare de la circonvolution du corps calleux. I! est à remarquer, cependant,
que ce sillon est presque toujours interrompu par deux plis de passage verti¬
caux, l’un antérieur, l’autre postérieur. Ces deux plis de passage, appelés
plis parieto-limbiques, interrompent, à ses deux extrémités, le sillon en ques¬
tion et, de ce fait, unissent notre lobule quadrilatère à la circonvolution sous-
jacente.

$ 1. - CIRCONVOLUTIONS DE LA FACE INFÉRIEURE DES HÉMISPHÈRES

1° Scissure interlobaire. — La face inférieure de l'hémisphère cérébral


ne nous présente qu’une seule scissure : c’est la portion initiale de la scissure
de Sylvius. Elle commence, on le sait, à 1 angle externe de l’espace quadri¬
latère perforé et s’étend de là, en décrivant une courbe à concavité posté¬
rieure, jusqu'au bord externe de l’hémisphère.

2° Lobes et circonvolutions. — Cette scissure partage la face infé¬


rieure de l’hémisphère cérébral en deux lobes : l’un antérieur, c’est le lohe
orbitaire ; 1 autre postérieur, c’est le lobe temporo-occipitat.

a) Lobe orbitaire. — Le lobe orbitaire a la forme d’un triangle, dont la


base, située en arrière, répond à la scissure sylvienne, dont le sommet,
dirigé en avant, se confond avec le pôle frontal.
11 nous présente trois sillons : 1° le sillon orbitaire interne ou olfactif, situé
en dedans et à direction antéro-postérieure ; 2° le sillon orbitaire externe,
situé en dehors, également à direction antéro-postérieure ; 3° le sillon en H,
improprement appelé sillon cruciforme, situé entre les deux précédents, de
forme essentiellement variable.
Ces différents sillons délimitent, dans le lobe orbitaire, les circonvolutions
suivantes : 1° la circonvolution olfactive interne ou gyrus rectus, située
entre le sillon olfactif et la scissure interhémisphérique ; 2° la circonvolution
olfactive externe, située en dehors du sillon olfactif, ayant la même direc¬
tion et la même étendue que la précédente ; 3° la circonvolution orbitaire
externe, située en dehors du sillon orbitaire externe, longeant le bord externe
de l’hémisphère (elle n’est autre que la face inférieure de la troisième fron-
58Ô céntrès NerVeuX

talc ; i° les circonvolutions orbitaires moyennes, comprenant toutes les


circonvolutions, quels que soient leur nombre et leurs variétés, qui se dis¬
posent tout autour du sillon en H

b) Lobe temporo-occipital. —- Le lobe temporo-occipital s’étend de la


scissure de Sylvius à l’extrémité postérieure de l’hémisphère cérébral. Deux
sillons longitudinaux, l’un externe, l’autre interne, le sillon tePxporo-occi-

Le cerveau, vu par sa face inférieure avec ses différentes divisions (schématique).

pilai externe et le silloxi temporo-occipital interne, découpent dans ce lobe


deux circonvolutions à direction antéro-postérieure : ce sont les circonvo¬
lutions temporo-occipilales, que l’on distingue, en allant de dehors en dedans,
en première et deuxième :
a) Première temporo-occipitale. — La première tcmporo-occipitale est
comprise entre les deux sillons temporo-occipitaux. Plus large à sa partie
moyenne qu’à ses deux extrémités, elle a été comparée à un fuseau, d’où le
üom de lobule fusiforme que lui donnent certains auteurs.
LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 581

b) Deuxième temporu-occipitale. ■— Elle est située en dedans de la précé¬


dente, entre le sillon temporo-occipital interne et le bord interne de l’hémis¬
phère. Sa partie postérieure ou lobule lingual, commençant au-dessous de
la scissure calcarine, empiète légèrement sur la face interne de l’hémisphère.
Sa partie antérieure, plus connue sous le nom de circonvolution de l'hippo¬
campe, se recourbe à son extrémité antérieure en formant une sorte de
crochet, le crochet ou uncus de l'hippocampe.
A son extrémité postérieure, en arrière du bourrelet du corps calleux, la
circonvolution de l’hippocatnpe se continue, à l’aide d’un pli de passage
ascendant, le pli de passage temporo-limbique, avec l’extrémité postérieure
de la circonvolution du corps calleux. Grâce à cette union, les deux circon¬
volutions de l’hippocampe et du corps calleux n’en forment pour ainsi dire
qu’une seule, de forme semi-annulaire, entourant à la manière d’un limbe
le hile de l’hémisphère, c’est la grande circonvolution limbique de*BnocA.

§ 5. - PHYSIOPATHOLOGIE

1° Le cerveau n’est pas un organe fonctionnellemènt homogène. — Les


expériences des physiologistes du commencement du siècle dernier ten¬
daient à faire considérer le cerveau comme un organe inexcitable et fonc¬
tionnellement homogène. Flourens qui s’était tout particulièrement attaché
à l’étude de la physiologie des centres nerveux enseignait que lés lobes
cérébraux sont le siège des facultés intellectuelles, des perceptions et des
voûtions. Si on les enlève à un animal vivant, celui-ci ne perd pas la faculté
de se mouvoir ; le chien reste capable de marcher ; le pigeon, de voler ; la
grenouille, de nager. Si on en retranche des portions de plus en plus éten¬
dues, les fonctions perceptives et intellectuelles s’affaiblissent graduelle¬
ment, et lorsque la mutilation a atteint un certain degré, elles disparaissent
complètement, toutes ensemble. « 11 n’y a donc point, disait-il, de sièges
divers pour les diverses facultés, ni pour les diverses perceptions. La faculté
de percevoir, de juger, de vouloir une chose réside dans le même lieu (pie
la faculté d’en percevoir, d’en juger, d’en vouloir une autre, et conséquem¬
ment cette faculté, essentiellement une, réside essentiellement dans un seul
organe. »
A ces affirmations formelles des physiologistes quelques médecins oppo¬
saient les résultats des observations (pie leur fournissait quotidiennement la
clinique humaine, notamment les cas très fréquents d’hémiplégies provo¬
quées par de petits foyers d’hémorragie ou de ramollissement siégeant à la
582 CENTRES NERVEUX

surface ou dans la profondeur d'un hémisphère cérébral, el ceux, par con¬


tre, où de grosses lésions du cerveau rencontrées à l’autopsie de sujets
n’ayant présenté de leur vivant aucune perturbation marquée des facultés
intellectuelles. Mais la plupart de leurs confrères, déconcertés par les résul¬
tats des expériences pratiquées sur les animaux n’osaient pas tirer de leurs
constatations les conclusions qui auraient dû en être logiquement déduites,
et l’idée que le cerveau pourrait être formé par l’assemblage d’appareils dis¬
tincts, servant chacun à des fonctions différentes, leur paraissait une-hypo¬
thèse ingénieuse mais fantaisiste, ou tout au moins manquant de preuves
convaincantes.
Ces preuves s’accumulèrent rapidement à partir de 1870. L’élan fut donné
par un mémoire de Fkitsoh et Hitzig. En étudiant sur un chien les effets de
l’électrisation de la surface du cerveau, ces observateurs remarquèrent que
lorsque le courant était lancé sur le gyrus sigmoïde, c’est-à-dire sur la cir¬
convolution enveloppant le sillon crucial (analogue au sillon de Roi.ando

sur le cerveau des singes anthropoïdes et de l’homme) des mouvements se


produisaient dans les membres du côté opposé du corps de l’animal, tandis
(pie la même excitation appliquée sur les autres régions de l’écorce cérébrale
restait inefficace. Ils constatèrent, en outre, que l’ablation du gyrus sigmoïde
était suivie de parésie et de troubles légers de la sensibilité dans les mêmes
membres du côté opposé du corps, et que si on laissait vivre l’animal après
cette ablation, il devenait souvent sujet à des crises convulsives épileptifor¬
mes du type Jacksonnien, avec aura motrice débutant par les muscles des
membres parésiés.
Contrôlées aussitôt par une foule de physiologistes qui tous les reconnu¬
rent exactes, reproduites sur des singes chez lesquels elles donnèrent des
résultats encore plus nets que chez les chiens, pratiquées même avec succès
chez l'homme par quelques chirurgiens dans le cours d’opérations sur l’en¬
céphale, les expériences de Fritscii et Hitzig eurent une répercussion immé¬
diate et une influence très heureuse .sur l’orientation des recherches qui les
suivirent. En démontrant que le cerveau ne répondait aux excitations électri¬
ques que dans certaines régions étroitement limitées, elles rendaient compte
des surprises d’autopsie dans lesquelles de grosses lésions n’avaient
donné lien à aucun symptôme précis. 11 ne s’agissait plus que de déterminer
par des observations rigoureuses quelles sont les parties du cerveau dont la
destruction donne nécessairement lieu à des signes spécifiques, et quelles
sont les régions indifférentes dont les altérations destructives restent toujours
latentes. Charcot fixa avec une grande sûreté de jugement les règles de la
méthode anatomo-clinique applicables à ce genre de recherches, et grâce
LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 583

aux efforts combinés des médecins de tous les pays, la doctrine des localisa¬
tions cérébrales s’imposa, non pas seulement comme une hypothèse accep¬
table, mais comme une vérité démontrée.
Ce n’est pas que tous les problèmes relatifs au fonctionnement du cerveau
soient d’ores et déjà résolus. Nous ne savons encore rien des mécanismes
par lesquels s’opèrent les phénomèmes psychiques. Comment se forment les
représentations mentales ? Quel est le substratum organique de la conserva¬
tion et de la reviviscence des souvenirs, de l’association des idées, du juge¬
ment, de la conscience ? Nous l’ignorons. Ce que nous connaissons sur la
structure des centres nerveux et la physiopathologie des neurones permet
de penser que les lobes cérébraux reçoivent de la périphérie, par l’intermé¬
diaire de conducteurs à courant centripète, des impressions ; que ces impres¬
sions, après avoir pénétré dans le réseau très complexe des chaînes neuro¬
nales intra-cérébrales, se transforment en perceptions conscientes, suscep¬
tibles de reviviscence mnésique, et pouvant aboutir à des incitations motrices
volontaires projetées à l’extérieur par l’intermédiaire d’autres conducteurs
périphériques à courant centrifuge. En d’autres termes, nous connaissons
la porte par laquelle les matières premières entrent dans l’usine, et la porte
par laquelle en sortent les produits manufacturés ; mais les détails de la
fabrication de ces produits ont échappé jusqu’à ce jour à toutes les investi¬
gations. On remarquera, en effet, que ce qu’on appelle improprement
aujourd'hui les centres sensitifs et moteurs corticaux ne sont pas de vérita¬
bles centres d’activité autonome ; ce sont tout simplement les points où les
appareils périphériques de la sensibilité entrent en communication avec les
chaînes neuronales intra-cérébrales, et ceux où les chaînes neuronales intra¬
cérébrales s’articulent avec les appareils périphériques de la motricité. Aussi
les aires fonctionnellement différenciées de l’écorce cérébrale n’occupent-elles
que des portions relativement limitées des circonvolutions. De même que sur
les anciennes cartes géographiques étaient figurés, à côté des régions con¬
nues du globe terrestre, d’immenses territoires inexplorés, ainsi, sur la carte
topographique des localisations cérébrales existent encore de vastes nappes
dont les fonctions restent pour le moment indéterminées.
Ceci dit, voyons quels sont le siège et l’étendue des aires dites motrices et
des aires sensitives du cerveau humain.

2° Les aires motrices de l’écorce cérébrale chez l’homme. — La zone


motrice corticale, colorée en rose sur la planche XXXIV, occupe la totalité de
la circonvolution frontale ascendante, et les plis de passage qui la relient
584 CENTRES NERVEUX

à la (pariétale ascendante, à savoir : le lobule paracentral en haut et en


dedans, l’opercule rolandique en bas et en dehors.
Les excitations électriques diffuses de la totalité de cette zone provoquent
des contractions désordonnées dans les muscles volontaires du côté opposé
du corps. Limitées aux segments supérieur moyen ou inférieur de la La,
elles déterminent des mouvements siégeant respectivement dans le membre
inférieur seul, le membre supérieur seul ou la musculature de la face et de
la langue. Si elles sont circonscrites à un tout petit point de ces mêmes
segments, on obtient des contractions isolées de quelques-uns des muscles
de la cuisse ou de la jambe, du bras ou de l'avant-bras, de la face ou de la
langue.
Lorsque l’excitation est très énergique, ou trop fréquemment répétée 6ur
un point quelconque de la zone motrice, ou des portions contiguës des cir¬
convolutions, des convulsions épileptiformes du type jacksonien se produi¬
sent ; elles débutent par les muscles primitivement stimulés, s’étendent
rapidement aux muscles voisins, et ne tardent pas à se généraliser.
Les effets de l’excitation localisée et modérée des lobes cérébraux tendent
donc à démontrer que dans chacun des deux hémisphères, la circonvolution
frontale ascendante contient des groupes distincts de neurones dont la stimu¬
lation entraîne la contraction de groupes correspondants parmi les muscles
volontaires du côté opposé du corps.
Les résultats de la destruction totale ou partielle de cette circonvolution
conduisent a contrario à la même conclusion. Un nombre aujourd’hui consi¬
dérable d’observations prouve que les lésions traumatiques ou spontanées
de la Fa ou de ses libres de projection dans le centre ovale et la capsule
interne, s’accompagnent toujours de paralysies motrices, dont la distribu¬
tion est en rapport constant avec le siège et l’étendue des lésions qui leur
ont donné naissance. Une large nappe de ramollissement occupant toute
l’aire de la Fa donne fatalement lieu à une hémiplégie complète du côté
opposé du corps ; des foyers de ramolissement du volume d'une amande sié¬
geant sur le quart supérieur, les deux quarts moyens ou le quart inférieur de
cette circonvolution déterminent nécessairement des monoplégies crurales
brachiales ou glosso-faciales ; de tout petits foyers lacunaires, du volume d’un
pois, provoquent des paralysies dissociées de quelques muscles du membre
inférieur, du membre supérieur, de la face ou de là langue, selon qu’ils
siègent en haut, au milieu, ou en bas de la zone motrice. Enfin, toute lésion
irritative, d’un point quelconque de la Fa, ou de son voisinage immédiat,
pourra être la cause d’accès d’épilepsie Jacksoniemne dont l’aura sera repré-
sentée par des secousses convulsives débutant dans le groupe des muscles
LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 585

en rapport.avec la région de l'écorce, qui aura été la première impressionnée


par les effets de l’irritation pathologique.
La zone motrice corticale correspond à la région des centres nerveux, où
les chaînes neuronales intra-cérébrales, dans lesquelles se forment les
concepts de la volition, s’articulent avec les neurones cortico-médullaires de
l’appareil d’exécution de la motricité. Le nom de zone psycho-motrice que
lui avait donné Hitzig paraît plus adéquat à son rôle, puisqu’elle est le lieu
où le phénomène psychique par quoi est conçu le mouvement voulu, entre
en rapport avec les organes dont la fonction physiologique consiste à assurer
la réalisation des mouvements volontaires.

3° Les aires sensitives. — Les aires sensitives, représentées en bleu sur les
schémas de la planche XXXIV, ne sont pas groupées comme les motrices sur
une seule circonvolution. Leur répartition sur le cerveau a été plus difficile à

reconnaître que celle des aires motrices parce que leur excitation électrique
ne donne pas lieu à îles réactions musculaires simples objectivement appré¬
ciables. Ce sont surtout les observations anatomo-cliniques qui ont permis
d’en fixer la topographie en démontrant que la destruction de certaines ré¬
gions limitées de l’écorce cérébrale est invariablement suivie de la perte isolée
de certaines perceptions sensitives ou sensorielles, toujours les mêmes pour
des lésions de même siège et de même étendue. Ainsi, les impressions pro¬
venant des nerfs centripètes périphériques, tout au moins les impressions
tactiles et kinesthésiques, paraissent avoir pour aboutissant commun l’écor¬
ce de la circonvolution pariétale ascendante et celle des portions contiguës
des lobules pariétaux supérieur et inférieur.
Les centres corticaux des organes des sens : odorat, goût, vue et ouie, décrits
plus haut à propos de chacun des nerfs correspondants, semblent siéger :
le premier dans le tiers antérieur et le second dans le tiers moyen des cir¬
convolutions de l’hippocampe et du corps calleux (voy. p. 79 et 208) ; le cen¬
tre visuel occupe, dans le Lobe occipital le fond et les lèvres de la scissure cal-
carine (voy. p. 92 et 99) ; enfin le centre de l’audition se trouve dans le lobe
temporal au niveau de la circonvolution temporale transverse et du tiers
moyen des circonvolutions T1 et TJ (voy. p. 187).
Tous ces centres correspondent aux points où les fibres nerveuses centri¬
pètes provenant des organes sensibles périphériques entrent en relation avec
les chaînes neuronales intra-cérébrales où les impressions se transforment
par un mécanisme qui nous est inconnu, en perceptions conscientes.

4° L’aphasie et ses variétés cliniques. — A l’étude des localisations céré¬


brales se rattache étroitement celle de l’aphasie ou mieux des syndromes
aphasiques.
586 CENTRES NERVEUX

a) Définition de l’aphasie. — Le mot aphasie n'a plus aujourd’hui dans le


langage scientifique la signification limitée que lui assigne son étymologie :
a privatif et ®wi:, parole. On comprend maintenant sous ce nom, la perle
totale ou partielle de l'usage des signes conventionnels par lesquels les hom¬
mes traduisent et communiquent leurs pensées, à la condition toutefois que
cetlè perte ne dépende de la carence ni des organes de la motilité volontaire

qui doivent nécessairement entrer en action pour émettre les signes, ni de


la sensibilité générale qui doit les percevoir ni de l’intellect qui doit en
comprendre la signification.
Il résulte de cette définition que les sourdis qui n’entendent pas la voix
de leurs interlocuteurs, les aveugles qui ne voient pas les caractères écrits, les
paralysés des muscles phonateurs qui ne peuvent articuler aucun son, les
hémiplégiques qui sont incapables de tenir et de diriger une plume, les
idiots et les déments qui n’ont pas de -pensées, ne sont pas des aphasiques.
Par contre, un malade dont l’intelligence n’est pas globalement très dimi¬
nuée sera dit. aphasique, si, tout en entendant distinctement les bruits qui
frappent ses oreilles, il ne comprend plus le sens des paroles qu’on lui
adresse ; ou si, ayant conservé la vision nette des objets il ne reconnaît plus
la signification des mots écrits ; ou si, tout en étant capable de mouvoir ses
membres, sa langue et ses lèvres, et sachant fort bien ce qu’il voudrait
exprimer, il a perdu le pouvoir d’écrire ou de prononcer une phrase corres¬
pondant à sa pensée.
Le langage parlé étant de beaucoup le plus répandu, ses perturbations
ont tout d’abord attiré l’attention des observateurs. Mais il faut bien savoir
que l'aphasie peut porter sur tous les autres modes de représentation sym¬
bolique des idées. On a déjà décrit des aphasies musicales, numérales, dacty-
lophasiques, dans lesquelles des musiciens, des mathématiciens, des sourds-
muets ont perdu le pouvoir de comprendre les notations de la musique, la
valeur des chiffres, ou la signification des gestes servant au langage digital
vulgarisé par l’abbé de i.’Lpée. On connaît aussi des exemples d’aphasie
systématique des polyglottes, dans laquelle des sujets perdent la faculté de
se servir d’une ou de plusieurs des langues qui leur étaient auparavant fami¬
lières ; et bien qu’on n’ait pas encore observé — à notre connaissance tout
au moins — des cas de perte isolée de la compréhension des signaux séma-
phoriques ou des empreintes servant à l’impression des livres destinés aux
aveugles, ou des combinaisons de traits et de points en usage dans les
communications télégraphiques par le système Morse, il n’est pas douteux
qu’on en recontrera un jour ou l’autre des exemples.
Il faut savoir aussi que dans tout langage l’un des interlocuteurs est passif
LOCALISATIONS CÉRÉBRALES 587

et, l’autre actif, ou pour mieux dire, chacun d'eux est alternativement passif
et actif : passif quand il reçoit les signes, actif lorsqu'il les émet. A chacune
de ces deux phases, correspond une forme élémentaire d’aphasie : l'une dite
sensorielle, de réception ou de Wernicke, dans laquelle le sujet a perdu le
pouvoir de reconnaître les signes conventionnels qu'on lui adresse, l’autre
motrice, d’émission ou de Broca, dans laquelle il est incapable d’émettre les
mots ou les signes susceptibles d’exprimer ses pensées. Dams la première, le
malade ne saisit .plus ce qu’on cherche à lui communiquer, mais il peut
parler librement ; dans la seconde, il a perdu la faculté de parler, mais il
comprend ce qu’on lui dit.
b) La fonction du langage est à la fois psychologique et physiologi¬
que. — L’étude des syndromes aphasiques a été poursuivie sans relâche depuis
un siècle par les médecins et les psychologues, car elle intéresse autant les
uns que les autres. L’émission et la réception des signes servant à la trans¬
mission des pensées impliquent nécessairement, en effet, la participation de
phénomènes d’ordre physiologique et d’ordre psychique. Le langage inté-
rieur est par essence une fonction intellectuelle utilisant les souvenirs des
objets auxquels nous pensons et des signes qui sont leurs substituts repré¬
sentatifs ; elle se passe toute entière dans les profondeurs de l’esprit. Mais le
lamgage extérieur est une fonction à la fois physiologique et psychologique :
elle est physiologique par les opérations sensorielles, qui nous permettent
de percevoir les signes émis par nos semblables, et par les actes de motricité
volontaire qui nous mettent en mesure d’exécuter les signes phonétiques
graphiques ou autres susceptibles d’être perçus par nos interlocuteurs ou
nos correspondants ; elle est aussi psychologique,.parce que l’usage d’un si¬
gne conventionnel suppose que le sujet qui l’émet en connaît la valeur, et que
le sujet qui le reçoit en comprend la signification. Or, connaître et com¬
prendre sont des phénomènes psychiques. Si jamais on arrive à saisir claire¬
ment le mécanisme des rapports existant entre le corps cl l’esprit, c’est vrai¬
semblablement dans l’analyse de la fonction du langage et de ses péri in ha¬
lions qu’on en trouvera la clé.
Avant d’envisager les perturbations de cette fonction, voyons le rôle qu’v
jouent respectivement, à l’état normal, l’intelligence, la mémoire et les appa¬
reils sensorio-moteurs.
La transmission d’une pensée par l’intermédiaire de signes symboliques
n’est pas une opération simple ; elle est l’aboutissant de plusieurs actes de
nature différente. Elle exige tout d’abord que le sujet émetteur A et le sujet
réce,pleur B aient assez d’intelligence : le premier pour concevoir l’idée à
transmettre, le second pour la comprendre. Elle exige, en outre, que A et B
588 CENTRES NERVEUX

aient préalablement appris la signification conventionnelle des signes ulili-


ses dans la transmission, et que l’ayant, apprise ils ne l’aient pas oubliée.
Ces conditions préliminaires étant remplies, l’idée émise par A n’arrivera
à être saisie par B qu’après avoir passé par trois phases successives évoluant
en sens inverse chez les deux interlocuteurs : une phase intellectuelle, une
phase mnésique et une phase physiologique. 11 faut en effet : 1° que A ait
présente à l’esprit l’idée qu’il veut communiquer à B (phase intellectuelle) ;
2° qu’il évoque au moment voulu le souvenir des signes aptes à être substi¬
tués à eetle idée (phase mnésique) ; 3" qu'il possède des appareils neuro-mus¬
culaires en état d’objectiver ces signes (phase physiologique). De son côté, B
doit : 1° avoir des organes sensoriels en état de percevoir les signes émis par
A (phase physiologique) ; 2° reconnaître la valeur conventionnelle de chacun
de ces signes (phase mnésique) ; 3° dégager de leur ensemble l’idée qu’ils
représentent, c’est-à-dire comprendre ce que, par leur intermédiaire, a voulu
lui communiquer son interlocuteur (phase intellectuelleb
Il ressort de cette sommaire analyse que les actes en quelque sorte spécifi¬
ques de la fonction du langage sont ceux qui se passent dans la phase mnési¬
que durant laquelle A évoque le souvenir des signes adéquats à sa pensée et
B en reconnaît la signification. Sans ces phénomènes essentiels d’évocation
et de reconnaissance des signes, le langage extérieur serait impossible, même
si l’intelligence des deux interlocuteurs était intégralement conservée et leurs
appareils moteurs et sensoriels intacts, car en l’absence d’évocation efficace,
A sei'ait incapable d’émettre les signes aptes à revêtir sa pensée, et en l’absen¬
ce de reconnaissance B pourrait bien percevoir les signes émis par A, mais il
n’en saisirait pas la signification.
c) Évolution historique de l'étude des aphasies. — Il est intéressant de
noter à ce propos que l’étude de l’aphasie a fourni un argument solide à la
doctrine des localisations cérébrales près d’un demi-siècle avant que l’expé¬
rience de Fritsch et Httzig eut démontré l’existence de centres psycho¬
moteurs distincts dans l'écorce des hémisphères cérébraux.
Dès 1825, en effet, Bouiixaud a cherché à établir que la faculté du langage
articulé siégeait dans les lobes antérieurs du cerveau ; Marc Dax, en 1836,
fit la remarque que la perte de la parole était surtout commune chez les hémi¬
plégiques du côté droit, porteurs, par conséquent, de lésions de l’hémis¬
phère gauche ; enfin, Broca publia entre 1861 et 1865 la série d’observa¬
tions dont il se crut autorisé à conclure, que l’aphémie — on dirait aujour¬
d’hui l’aphasie motrice, mais c’est tout comme — était le résultat de lésions
destructives du tiers postérieur de la troisième circonvolution frontale
gauche.
LOCALISATIONS CLRÊBRALËS &8Ï)

Durant cette période de 40 années (de 1825 à 1805), qui sépare la publi¬
cation du premier travail de Bouillaud de celle des derniers mémoires de
Broca, la perte de la parole qu’on appelait alors l'aphémie ou l’alalie, était
seule envisagée. Bouillaud l’expliquait par la destruction d’un centre
coordinateur des mouvements de Varticulation ; Loiujat, qui avait une
autorité toute particulière pour donner son avis sur cette question, car il
avait été frappé à la suite d’un petit ictus apoplectique d’alalie temporaire,
l’attribuait à l’amnésie verbale. Il racontait, après sa guérison, que pendant
sa maladie il avait conservé le langage intérieur ; il pouvait coordonner ses
pensées, tracer par exemple dans son esprit le plan d’une leçon, mais il était
incapable, lorsqu’il voulait parler, d’évoquer le souvenir des mots aptes à
exprimer ce qu’il avait l’intention de dire. Broca pensait que, théoriquement,
l’aphémie pouvait être la conséquence ou bien d’un phénomène purement
intellectuel, la perte de la mémoire des mots, ou bien d’un phénomène phy¬
siologique, la perte du pouvoir d’exciter les mouvements coordonnés néces¬
saires à leur prononciation ; mais il n’osait pas prendre parti en faveur de
l’une ou l’autre de ces deux hypothèses.
A partir de 1865, le champ de l’aphasie s'élargit. Les belles leçons de
Trousseau mirent en relief la multiplicité de ses variétés cliniques ; on y
trouve des descriptions succinctes mais précises de la cécité et de la surdité
verbales, des paraphasses, de l’agraphie, des troubles concomitants de l’intelli¬
gence et de la mémoire d’évocation et de fixation ; elles contiennent le germe
de la plupart des idées qu’allaieint bientôt introduire dans la science les
recherchés de Bastian, Kussmaul, Baterxan, Broadbent, 11. Jackson, Boss,
Wernicke, Charcot, Lichteim, Dejerine, etc...
d) Théorie des quatre centres cérébraux du langage. — Sous l’influence
des travaux de ces auteurs l’hypothèse d’après laquelle le langage serait une
faculté indivisible, ayant un centre unique de coordination et de mémoire,
fut abandonnée. Le mot cessa d’être considéré comme une entité irréducti¬
ble. Il peut être prononcé et entendu, ou écrit et lu. L’entendre et le lire sont
fonctions de centres sensoriels adjoints aux centres sensoriels auditif et
visuel communs, mais non confondus avec eux, puisque les malades atteints
de surdité ou de cécité verbales entendent les bruits et voient le tracé des
lettres, mais ne comprennent plus la signification des mots parlés ou écrits.
Pareillement, les actes de parler et d’écrire sont fonctions de centres moteurs
adjoints aux centres communs de la motilité volontaire, mais non confondus
avec eux, puisque les malades atteints d’aphémie ou d’agrapliie pures n’ont
pas de paralysie des muscles des membres, ni de ceux du larynx et de la
langue. Oin en vint ainsi à distinguer dans les aphasies sensorielles ou de
5!)0 CENTRES NERVEUX
U
réception, deux variétés susceptibles de survenir isolément : la surdité et
la cécité verbales, et, dans les aphasies motrices ou d émission, deux autres
variétés cliniquement distinctes : l'aphémie et 1 ’agraphie ; et chacun de
ces quatre syndromes aphasiques parut avoir une localisation spéciale :
l’aphémie dans le pied de la 3e circonvolution frontale gauche, l’agraphic
dans le pied de la 2e circonvolution frontale gauche, la surdité verbale dans
la portion moyenne des ire et 2^ circonvolutions temporales gauches, la
cécité verbale dans le pli courbe gauche ou la région du lobe temporal située
un peu en avant de ce pli.
Mais les lésions strictement limitées à un seul de ces centres sont excep¬
tionnelles ; aussi les cas d'aphémie, d’agraphie, de surdité ou de cécité ver¬
bale pures, sont-ils très rares. Ordinairement plusieurs d’entre eux sont at¬
teints à la fois, le plus souvent à des degrés différents, et les multiples combi¬
naisons de leurs altérations rendent compte des formes complexes des syndro¬
mes aphasiques qu’on rencontre très fréquemment en clinique.
Aussitôt après que la fragmentation de la fonction du langage eut été
démontrée par des observations suffisamment précises pour ne laisser
aucun doute sur sa réalité, les médecins et les psychologues s’ingénièrent
à en trouver une théorie explicative. Celle qui parut la plus plausible est basée
sur l’hypothèse que les centres dont la destruction provoque la cécité et la
surdité verbale contiennent un groupe d appareils organiques affectés à l’en¬
registrement, la conservation, la réviviscence mnésique et la reconnaissance
des images sensorielles des mots, tandis que les centres dont les adultérations
déterminent l’aphémie ou l’agraphie renferment les images motrices suscep¬
tibles de déclancher les mouvements des muscles qui doivent se contracter
synergiquement pour articuler les mots ou les écrire. Cette théorie psycho-
physiologique qui semble de prime abord très conjecturale a bénéficié
largement de l’analyse faite par Wekmcke de la façon dont l'enfant apprend
à parler. A force d’entendre émettre autour de lui un même son verbal pour
désigner un même objet, il ne tarde pas à associer la perception de ce son à
l idée de l’objet visé. Plus tard la vue ou le simple souvenir de cet objet rap¬
pelle à son esprit le souvenir du son verbal qui en est le substitut. 11 com¬
mence alors à balbutier les mots représentatifs des objets qui lui sont fami¬
liers ; et peu à peu, par l’effet, d’expériences incessamment renouvelées, la
liaison entre l’objet ou son souvenir et le mot adéquat devient si étroite que
l’audition du mot évoque automatiquement le souvenir de l’objet, et la vue
de l’objet, le souvenir du mot correspondant et des incitations motrices né¬
cessaires à son émission phonétique.
LOCALISATIONS CÈKÊBKALES 591

e) I flaques dirigées contre les luises mêmes de la doctrine des quatre cen¬
tres: — La conception de la pluralité des centres corticaux du langage, exposée
par Charcot, en 1884, et vulgarisée par •plusieurs de ses disciples (Bernard,
1885, Ballet, 1888, etc.,) a été généralement acceptée dans ses grandes
lignes, sinon dans tous ses détails. Le centre verbo-graphique, par exemple,
a toujours été contestée, pour des raisons qui ne nous paraissent pas péremp¬
toires, par Wernicke, Dejerine, etc. De même, Wernicke, von Monakow,
etc., n’ont jamais admis la division de l’aphasie sensorielle en auditive et
visuelle ; pour ces auteurs, la surdité verbale serait toujours associée à un
certain degré de cécité verbale. Mais le fond même de la doctrine, c’est-à-dire
l’existence de deux formes élémentaires d’aphasies, l'une motrice, l'autre sen¬
sorielle, résultant : la première de la destruction du pied de la 3e circonvolu
lion frontale gauebe, la seconde des lésions des 1er et 2e circonvolutions tem¬
porales gauches était à peu près universellement lenue pour exacte.
Elle a été violemment attaquée, en 190fi, par l’un des neurologistes les plus
distingués de notre époque, le Professeur Pierre Marie, et soin élève Mou-
TIER.
L’aphasie, dit Pierre Marie, n’a rien à voir avec les fonctions sensorielles
ou motrices. Les images verbales n’existent pas ; on les a inventées par
hypothèse pour les besoins de la cause mais rien ne démontre leur réalité.
Il in’y a pas d’aphasie sans déficit global de l’intelligence. Ce déficit est plus
marqué dans le syndrome de Wernicke que dans celui de Broca, mais
il ne manque pas dans ce dernier. Les circonvolutions cérébrales ne pren¬
nent aucune part à la genèse des perturbations aphasiques du langage.
L’aphasie sensorielle de Wernicke résulte de lésions siégeant non dans les
circonvolutions temporales, mais dans la région lenticulo-striée de l’hémis¬
phère gauche ; l’aphémie de Broca dépend non de lésions corticales du pied
de la 3e circonvolution frontale gauche, mais de l’interruption d’un faisceau
rétro-capsulaire par lequel passent les libres se rendant aux noyaux des
muscles phonateurs (faisceau de l’anarthrie) ; s’il est respecté par les lésions
du quadrilatère lenticulo-strié qui provoquent les syndromes de l’aphasie
dite sensorielle, les malades présentent les troubles intellectuels de l’aphasie
de Wernicke, mais ils peuvent parler librement ; s’il est atteint, l’émission
de la parole est impossible. De là, la formule dans laquelle Pierre Marie
résume sa conception : Aphasie de Wernicke — anarthrie aphasie de Broca.
La Société de neurologie de Paris a consacré trois de ses séances de 1908
à la discussion de ces idées. Pierre Marie, Moutier, Souques, les ont expo¬
sées et soutenues ; Dejerine, Mme Dejerine, André-Thomas, Dupré1, etc., les
ont combattues.
592 CENTRES NERVEUX

Ce qu'il y a de plus imprévu dans l’argumentation des partisans de la doc¬


trine nouvelle, c’est la négation de l’existence des images verbales, la néga¬
tion de la localisation de l’aphémie dans le pied de la 3e circonvolution fron¬
tale, et 1 affirmation formelle que 1 aphasie est toujours liée à une perturba¬
tion globale de 1 intelligence de même nature dans les syndromes de Wernicke
et de Broca. Sur ces trois points, il est bien difficile de se rallier aux opinions
émises par l’éminent neurologiste de la Salpétrière. La négation des images
verbales ne paraît pas justifiée. Ce qu’on appelle par métaphore une image
psychologique ce n’est pas une reproduction figurée analogue à un cliché
photographique, c’est l’empreinte susceptible de reviviscence qui laisse dans
notre cerveau une sensation précédemment perçue. Or, cette reviviscence
n’est pas une hypothèse ; elle est à la base de tous les actes de comparaison, de
jugement, de raisonnement, de tout perfectionnement par l'éducation ; sans
elle la fonction du langage resterait absolument incompréhensible.
La contestation du rôle de la 3e circonvolution frontale gauche dans la
genèse de l'aphasie de Broca est une question de fait qui doit être résolue
par la méthode anatomo-clinique. Or, il résulte de l’analyse des observations
réunies dans lia thèse de Moutier, que cette circonvolution est atteinte de
lésions destructives dans 50 % des cas d’aphémie, et Mme Dejerine a mon¬
tré que dans la plupart des autres, le faisceau de projection des fibres partant
du pied de F3 pour se rendre vers les masses centrales du cerveau traverse
une région comprise dans le quadrilatère lenticulo-strié de Pierre Marie. On
peut donc logiquement admettre que l’interruption de ce faisceau équivaut
physiologiquement à la destruction du centre cortical où il prend naissance.
Quant à l'affirmation que les perturbations de la fonction du langage dans
les syndromes aphasiques sonL produites par un déficit intellectuel primordial
de même nature dans l’aphasie de Wernicke, et dans celle de Broca, elle pa¬
raît en opposition avec l’observation clinique. Que les aphasiques présentent
tous un certain degré d’affaissement psychique, cela est naturel, puisqu’ils
ont tous des lésions cérébrales plus ou moins étendues. Mais les troubles de
l’intelligence ne sont pas proportionnels aux troubles de la parole. Beaucoup
d’aphasiques qui ne peuvent ni parler ni écrire sont capable^ de réflexion,
de jugement, de volonté ; ils jouent fort bien aux dames, aux cartes, aux
échecs et dirigent correctement leurs affaires d’intérêt.
Pour ces raisons les discussions de la Société de neurologie n’ont pas rallié
un grand nombre d’adeptes aux opinions de Pierre Marie. La grande ma¬
jorité des médecins a continué à admettre l’existence de quatre syndromes
aphasiques cliniquement différenciés, correspondant à quatre centres, deux
moteurs et deux sensoriels anatomiquement distincts.
LOCALISATIONS CÉRÉBFiALËS 593

Les deux centres verbo-moteurs siègent immédiatement en avant du bord


antérieur de la Fa, le verbo-phasique sur le pied de la F3, le verbo-gra-
phique sur le pied de la F2. La destruction du premier, ou du faisceau de
projection qui en part, donne lieu à l’aphémie de Broca ; la destruction
du second, ou du faisceau qui en part, à l’agrapbie motrice pure.
On remarquera que ces deux centres, quoique tout voisins de la zone motri¬
ce commune, ne se confondent cependant pas avec elle. Les lésions des
tructives de la zone motrice commune déterminent des paralysies vé¬
ritables et permanentes des muscles des membres, de la face, de la
langue ou du larynx, selon la hauteur où elles siègent ; celles des
centres moteurs du langage ne provoquent que des pertes de la trans¬
mission des incitations volontaires aux muscles prenant part à une
fonction déterminée : l’émission des signes phonétiques ou graphiques.
11 s’agit là d’une sorte d’apraxie partielle systématisée portant exclu¬
sivement sur des groupes musculaires habitués à se contracter synergique¬
ment en vue d’actes fonctionnels strictement définis, tout en restant capa¬
bles d'entrer isolément ou simultanément en jeu dans l'accomplissement
d’autres actes. On connaît en neurologie un bon inombre d'impotences systé¬
matisées analogues — nous ne disons pas identiques, — par exemple, les
crampes fonctionnelles des écrivains, des pianistes, des violonistes, des télé¬
graphistes, des dactylographes, etc., dont le mécanisme est autre, mais où
le fait de l’électivité de l’impotence se montre très nettement.
Le fonctionnement et la topographie des centres sensoriels du langage
ont été étudiés par un grand nombre d’auteurs dont les plus connus sont
Kussmaul, Munck, Wermcke, von Monakow, Dejerine, Henschen, Vialet,

etc. De même qu’à côté de la zone motrice commune se trouvent des centres
spécialisés d’où partent les incitations commandant les mouvements néces¬
saires à l’émission des signes verbaux, ainsi à côté des centres optiques et
acoustiques où sont perçues les impressions provenant de la rétine et de
l’organe de Corti, il existe des centres spécialisés où sont reconnus et iden¬
tifiés les signes servant à la réception du langage.
Le centre visuel de ces signes est localisé dans la région temporale au niveau
du pli courbe, et de la portion contiguë des circonvolutions temporales de
l’hémisphère gauche. Sa destruction donne lieu au syndrome de la cécité
verbale dans lequel les malades voient le contour des lettres et des mots,
mais n’en comprennent plus la signification. Par suite, ils perdent la faculté
de lire mentalement ou à haute voix, mais ils restent capables de compren¬
dre ce qu’on leur dit et de parler, et même d’écrire spontanément.
Le centre primaire acoustique se trouve, d’après les recherches de Fj.e-
LES NERFS EN SCHÉMAS
38
594 centres nerveux

chsig, et les travaux récents de Henschen dans la circonvolution temporale


transverse, qui s’étend de la digitation postérieure de l'insula de Reil, à la
première circonvolution temporale. La destruction bilatérale de cette circon¬
volution temporale détermine la surdité dite corticale, ou agnoscie acous¬
tique. Le sujet perçoit les bruits, mais ne les identifie pas : il peut cependant,
parler librement.
Le centre spécialisé de Laudition du langage est situé dans le tiers moyen
de la première circonvolution temporale. Sa destruction dans l'hémisphère
gauche détermine la surdité verbale ; le malade entend et discerne les bruits,
il ne comprend plus le langage articulé, il reste néanmoins capable de
parler.
f) Critique de la doctrine des quatre centres. — La doctrine des quatre
centres n'est cependant pas intangible. Séduisante par sa simplicité elle est,
à la réflexion, passible de plusieurs critiques. La première c’est qu’elle vise
uniquement les phénomènes physiologiques d’émission et de réception des
signes phonétiques et graphiques utilisés dans le langage parlé ou écrit,
sans tenir compte des phénomènes psychologiques qui jouent pourtant un
rôle essentiel dans la transmission normale des pensées d’un sujet à l’au¬
tre, et dont les perturbations peuvent sans aucun doute déterminer par
elles-mêmes des troubles du langage. A la vérité les partisans de la théorie
tétra-cenlristc répondent à cette objection par l’hypothèse que chacun des
centres du langage jouit de la propriété de fixer, conserver et faire revi¬
vre au commandement et par ses propres moyens, les images motri¬
ces ou sensorielles des mots dont il est le dépositaire ; hypothèse diffici¬
lement acceptable car elle est en opposition avec ce que nous savons de la
structure et de la mise en action de tous les appareils à fonctions spécialisées
inclus dans le cerveau, la protubérance ou la moelle épinière, et qu’on
appelle indûment les centres de la déglutition de la respiration, des réactions
vaso-motrices, etc., etc. ; ils sont tous constitués par des-nœuds de raccorde¬
ment dans lesquels des neurones à polarisation dynamique différente s’arti¬
culent entre eux, et n’entrent en activité que sous l'influence d’excitations
extérieures céllulipètes passant par les voies reflexes dans les neurones cellu-
lifuges où se manifeste leur réaction. 11 serait bien surprenant que les centres
du langage ne fussent pas soumis à cette loi générale ; car loin d’être isolés du
reste de l’encéphale ils sont reliés par de nombreuses chaînes neuronales aux
diverses régions du cerveau dans lesquelles s’élaborent les opérations psychi¬
ques et mnésiques qui prennent indispensablement part à la transmission
des pensées par des signes conventionnels.
L’observalion clinique démontre d’ailleurs que les quatre centres ne sont
LOCALISATIONS CÉKÉBJIALÉS 595

pas les seuls organes aiï'ectés à la fonction du langage et directemenl infères


sés à la pathogénie de ses perturbations. Beaucoup d’aphasiques se trouvent
dans la situation décrite par Loruat ils sont empêchés de parler quoiqu’ils
sachent très bien ce qu’ils voudraient dire, parce qu’ils ne trouvent pas, au
moment opportun, les mots aptes à revêtir leurs pensées. Ce n’est pas le pou¬
voir d’articuler les mots qui leur manque, c’est l’impossibilité d’en évoquer
le souvenir. Plusieurs d’entre eux peuvent arriver à les faire émerger dans
leur esprit en employant des artifices de nature à les leur remettre en mé¬
moire. Exemples : des malades qui sont incapables de prononcer dans le
cours de la conversation courante les mots d'enfants, patrie, gloire, ci¬
toyens, canons, etc., peuvent chanter très correctement le premier couplet
de la « Marseillaise » ou du « Chant du Départ ». Un blessé de la dernière
guerre, trépané pour une plaie pénétrante du crâne par éclat d’obus et hospi-
talisé au Centre de neurologie de la XVIIIe Bégion, était pansé par une
infirmière nommée Lucie ; il la voyait plusieurs fois par jour et reconnaissait
parfaitement ses traits, mais il ne pouvait prononcer son nom qu’après avoir
fredonné les premières notes de la romance de Lucie de Lamermoor : O bet
ange, ô ma Lucie ; il s’arrêtait alors et répétait sans le secours du chant
le mot Lucie, qu’il oubliait du reste quelques instants après. Un autre, égale¬
ment blessé à la tête était né à Toulouse ; si on lui demandait de dire le lieu
de sa naissance, il réfléchissait un moment avant de répondre, puis, tout à
coup, il chantait à demi-voix le début de la cantate des Toulousains : O moun
pais, ô Toulouso... ; arrivé à ce mot il s’arrêtait et disait : Voilà, Toulouse,
je suis né à Toulouse. Une malade que nous avons longtemps observée, ne
pouvait pas prononcer isolément les mots père, deux, règne, Marie, grâces,
seigneur, etc., cependant elle récitait correctement sans la moindre défail¬
lance l’oraison dominicale et l’invocation à la Vierge ; si on l’arrêtait au
milieu de sa récitation, elle était incapable d’en reprendre ensuite le
cours au point où elle avait été interrompue ; il fallait qu elle la recommen¬
çât depuis le premier mot. Chez tous ces sujets le déficit de l’évocation spon
tanée des mots disparaissait lorsque le rappel de leur souvenir était stimulé
par le rythme musical ou par des associations de paroles préalablement,
apprises par cœur et s’appelant en quelque sorte automatiquement à la suite
les unes des autres, parce que leur série formait un bloc indivisible dont la
signification était fortement gravée dans l’esprit.
Les faits de ce genre ne sont pas exceptionnels ; tous les auteurs qui se
sont occupé de l’aphasie en ont observé et décrit de semblables. Ils prouvent
clairement, ce nous semble, que les organes où se fait l’évocation des signes
du langage ne sont pas les mêmes que ceux d’où partent les incitations motri-
5Ô6 CENTRES NERVEUX

ces destinées à déclancher leur émission. Sur ce point la doctrine des quatre
centres est positivement en défaut. Aux syndromes d’aphasie motrice et sen¬
sorielle il convient donc d’ajouter les syndromes d’aphasie amnésique d’évo¬
cation dont nous allons maintenant passer en revue les principales variétés
cliniques (1).
g) Les aphasies amnésiques d’évocation : dysmnésies et paramnésies ver¬
bales. — 11 faut entendre sous le nom générique d’aphasies amnésiques
d’évocation, les troubles du langage résultant (le la perte ou de la pertur ¬
bation de l'évocation mnésique des signes utilisés dans la transmission des
pensées. On en distingue deux variétés bien distinctes, qui sont : 1° la
dysmnésie verbale ; 2° la pai amnésie verbale.
«) Les sujets atteints de dymnésie verbale peuvent parler et écrire ; mais
dans le cours d’une phrase bien commencée ils sont subitement arrêtés par
l’oubli d’un mot. Ils creusent leur mémoire pour en retrouver le souvenir ;
s’ils n’y réussissent pas ils emploient des périphrases pour exprimer leurs
pensées. A l’un d’eux nous montrons un chapeau : je sais bien ce que c’est,
dit-il, c’est pour se couvrir la tête ; nous lui soufflons les premières syllabes
du mot cherché : c’est un cha..., un chap... Ah oui, s’écrie-t-il brusquement,
c’est un chapeau.
Chez quelques-uns de ces malades la dysmnésie porte uniquement ou d’une
façon très prédominante sur un groupe de souvenirs spéciaux, les substantifs
par exemple ; chez d’autres, sur les formes grammaticales qui réunissent
logiquement les termes des propositions ; ils parlent nègre : moi pas content:
moi souffrir tête (agrammatisme). Certains ont perdu le souvenir d’une ou
de plusieurs des langues qu’ils connaissaient précédemment ; ils parlent et
écrivent encore assez correctement celle qui leur est le plus familière — c’est
habituellement mais pas toujours leur langue maternelle — ils ont oublié
les autres (aphasie systématique des polygoltes).
P) Les sujets atteints de paramnésie verbale parlent avec volubilité en arti¬
culant les mots ; mais les paroles qu’ils prononcent sont inadéquates à leurs
pensées ; elles n’ont aucun sens ; elles n'appartiennent à aucun idiome con¬

tl) Ges syndromes ont été depuis longtemps signalés par de nombreux cliniciens, sous
les noms de paralaUc ou de paramnésie par Lordat, d'héiérophrasie par Moore, d’errru
nésie incoordonnée par Ch. Bastian, d’aphasie incohérente ou de jargonaphasie par divers
autres auteurs, et plus communément sous celui de paraphasie créé, en 1865, par A. de
Fleury pour désigner « une anomalie du langage, caractérisée par la perte du rapport
des mots à l’idée et résultant d'une erreur dans l’acte de la transmission de la parole
intérieure à -l’appareil d’articulation -des mots ». La nécessité d’adjoindre maintenant
aux troubles de la parole — seuls visés dans la définition de de Fleury — les déficits de
la mémoire et les troubles de l’écriture et de la lecture nous obligera à employer sou¬
vent par la suite, les termes de dysmnésie, paramnésie, paraphémie, paragraphie et pa-
ralexie dont la signification limitée ne prête pas à équivoque.
LOCALISATIONS CLKËlUiALES 597

nu. A l’un d’eux nous présentons une clef de porte : Ça, dit-il, c’est une
isabe, une hissé, une jrichi. Nous le prions de lire sur un journal les mots
Sociétés savantes : il articule sadorski sodarski. On comprend quelquefois ce
qu’ils veulent dire par la mimique et les gestes très expressifs dont ils accom¬
pagnent leurs discours ; mais par eux-mêmes ces discours constituent un
jargon absolument incompréhensible. C’est la jargonaphasie de certains
auteurs. La même incohérence se manifeste dans l’écriture spontanée qui est
formée par un assemblage confus de lettres et de syllabes dénuées de sens et
qu’on ne peut souvent même pas prononcer ; c’est la jargonagraphie des
mêmes auteurs.
A un degré moins avancé les malades articulent ou écrivent au milieu de
phrases correctes des mots corrects eux aussi mais inadéquats à la pensée que
le sujet veut exprimer ; on dit alors qu’il a de la paraphémie, de la paralexie
ou de la paragraphie suivant que ces désordres se produisent dans la conver¬
sation, la lecture ou récriture.
A l’autopsie des malades qui présentaient ces phénomènes on trouve géné¬
ralement de petits foyers de ramollissement siégeant dans ou sous l’écorce
du lobule pariétal inférieur ou du lobule de l’insula, lésions qui ont pour
effet d’interrompre plus ou moins complètement les voies de communication
entre les centres de Broca et de Wernicke demeurés intacts et les autres
régions du cerveau.
Sans contester l’exactitude des observations sur quoi repose la conception
des aphasies amnésiques d’évocation, plusieurs neurologistes les expliquent
autrement que par des troubles primaires de la fonction de la mémoire.
Ballet, Dejerine et d’autres n’y veulent voir que des formes frustes ou des
sequelles des aphasies motrices ou sensorielles. Nous ne pouvons nous rallier
à cette opinion, d’abord parce que la symptomatologie des aphasies par
défaut d’évocation des signes du langage diffère essentiellement de celle qui
caractérise les syndromes de Broca et de Wernicke, ensuite parce que les
lésions des premières ne siègent pas sur les mêmes points du cerveau que les
lésions provocatrices des aphasies d’émission ou de réception.
D’autres observateurs, comme le Dr Saint-Paul, partant de considérations
psychologiques très subtiles, font intervenir dans la pathogénie des para-
mnésies et des dysmnésies verbales, des perturbations du langage intérieur ;
mais alors même que les prémisses de leur théorie seraient bien fondées, il
n’en resterait pas moins que les phénomènes de dysphémie et de paraphémie,
de dyslexie et de paralexie, de dysgraphie et de paragraphie forment un grou¬
pe cohérent de perturbations du langage qui mérite de figurer dans la
nomenclature nosologique des aphasies sous le nom de syndromes amné-
598 CENTRES NERVEUX

siques d’évocation, à côte' ou au-dessous des syndromes d’émission et de


réception des signes phonétiques et graphiques utilisés par les hommes en
vue de la transmission de leurs pensées.
Le tableau ci-dessous nous dispensera de résumer les notions exposées
dans le cours des pages précédentes ; il permettra d’en saisir d’un coup d’œil
les données essentielles.

LES SYNDROMES APHASIQUES ET LEURS LOCALISATIONS

i° Aphasies sensorielles on de réception

a) Acoustique = Surdité verbale.( Tiers moyen de lai™ cire. temp. gauche.


b) Visuelle = - Cécité verbale. | Région du pli courbe gauche.

2° Aphasies motrices ou d’émission

a) Phonétique -•= Aphémie. ( Pied de la S1' circonv. frontale gauche.


b) Graphique = Agraphie.[ Pied de la 2e circonv. frontale gauche.

3° Aphasies amnésiques d’évocation

Lésions peu étendues mais souvent


a) Par défaut d’évocation des mots
multiples des faisceaux d’association
aptes à revêtir la pensée présente =
réunissant les centres de réception et
Dysmnésie verbale.
d’émission des signes conventionnels
b) Par évocation incohérente de
du langage aux régions du cerveau
mots inadéquats à la pensée = Param-
dans lesquelles s’opèrent les élabora¬
nésic verbale causant les paraphémies,
tions phychiques aboutissant à leur
les paralexies et les paragraphes.
reconnaissance symbolique.

ARTICLE VI

LIGNES-REPÈRES DE LA. SCISSURE DE ROLANDO


{ Planche XXX T],

Les rapports de la scissure de Rolando avec la paroi crânienne présentent


un intérêt tout particulier, parce que c’est autour de cette scissure, sur ta
circonvolution frontale ascendante, la circonvolution pariétale ascendante,
et le lobule paracenlral, que se groupent les centres moteurs corticaux. De
nombreux procédés ont été proposés pour tracer sur la face latérale de la tête
la ligne de projection de cette scissure. Nous représentons dans notre plan¬
che NWYÎ, celui de Rroca, adopté par Lucas Ghamimonnikhe, qui est relative¬
ment simple et qui présente, dans la plupart des cas, une exactitude bien
suffisante.
PLANCHE XXXV
LA SCISSURE DE ROLANDO
ET SON REPERAGE SUR LA CALOTTE CRANIENNE
LIGNES-REPÈRES DE LA SCISSURE DE ROLANDO 599

Pour projeter sur le crâne la scissure de Rolando, il faut marquer succes¬


sivement par deux points, son extrémité inférieure et son extrémité supé¬
rieure. IT suffira, alors, de réunir ces deux points par une ligne droite.
a) L’extrémité inférieure de la scissure externe s’obtient par le procédé
suivant : Marquez au crayon l’angle que fait le bord postérieur de l’apophyse
orbitaire externe avec la crête temporale du frontal. Par ce point, menez une
ligne horizontale parallèlement à l’arcade zygomatique et arrêtez-la à 7 cen¬
timètres de son point de départ chez l’homme, à 6 centimètres et demi chez
la femme. Sur l’extrémité postérieure de cette ligne horizontale, élevez une
perpendiculaire de 3 centimètres de hauteur. L’extrémité supérieure de celte
perpendiculaire répond à l’extrémité inférieure de la scissure de Rolando :
c’est le point rolandique inférieur. D’après les recherches de Poirier, ce
point rolandique supérieur se repérerait encore en marquant au crayon le
bord supérieur de l’arcade zygomatique et en élevant, sur celle dernière,
une perpendiculaire qui mesure 7 cenlimètres de longueur et qui passe en
avant du tragus.
p) L'extrémité supérieure de la scissure se trouve située à 5 centimètres en
arrière du bregma. Reste à déterminer, sur le sujet vivant, le point où se
trouve le bregma. Pour cela, mettez le sujet debout, les yeux regardant
directement en avant, de façon à ce que le plan passant par le point alvéo¬
laire et les condyles occipitaux (plan horizontal de la. tête) soit bien hori¬
zontal. Réunissez alors, à l’aide du ruban métrique ou d’un simple cordon,
le conduit auditif externe d’un côté à celui du côté opposé (plan bi-auricu-
laire), de façon que le cordon soit disposé suivant un plan vertical : le point
où le cordon croise la ligne médiane correspond au bregma (point bregmali-
que). Marquez ce point et prenez, en arrière de lui, une longueur de 5 centi¬
mètres : l’extrémité postérieure de cette ligne repérera l’extrémité supérieure
de la scissure de Rolando : c’est le point rolandique supérieur. Ce point ro¬
landique supérieur s’obtient encore, dans le procédé de Poirier, en mesu¬
rant la distance qui, sur la ligne médio-sagittale, sépare le fond du sillon
naso-frontal de la protubérance occipitale externe ou inion et en prenant la
moitié plus 2 centimètres de cette distance à partir du point nasal : soit,
par exemple, un sujet dont la distance naso-iniaque est de 32 centimètres ;
32cent-
chez ce sujet, l’extrémité supérieure de la scissure sera à —-— 4- 2, cest-

à-dire (16 + 2) à 18 centimètres du point nasal.


Les deux extrémités de la scissure rolandique étant maintenant connues,
réunissez-les par une ligne droite : celte ligne (ligne rolandique) vous indi¬
quera la direction de la scissure. Fui avant d’elle, se trouveront la circonvo-
600 CENTRES NERVEUX

iution frontale ascendante et; en avant de cette circonvolution, les pieds des
trois circonvolutions frontales. En arrière, se trouveront la circonvolution
pariétale ascendante et, au-delà de cette circonvolution, les deux lobules
pariétal supérieur et pariétal inférieur. Quant à la scissure de Sylvius, elle
sera située (ligne sylvienne) un peu au-dessous de l’extrémité inférieure de
la scissure de Rolando.

ARTICLE VII

NOYAUX OPTO-STRIÉS ET CAPSULE INTERNE


[Planche XXXVI].

Les hémisphères cérébraux ont été comparés par Gratiolet à deux bour¬
ses de substance grise, ouvertes seulement à leur partie inférieure et interne.
C’est par cette ouverture, appelée hile de l’hémisphère, que s'engage le
pédoncule cérébral, amenant au cerveau les fibres nerveuses de la moelle,
du bulbe, du cervelet et de l’isthme. De ces libres, les unes, fibres directes,
se portent directement vers la substance grise de l’écorce ; les autres, fibres
ganglionnaires, se jettent préalablement dans des noyaux de substance grise,
qui sont situés au voisinage du hile sur le trajet même du pédoncule. Ces
masses grises, qui jouent à l’égard des fibres ganglionnaires le rôle de
noyaux d’interruption, sont désignées en bloc sous le nom de noyaux cen¬
traux des hémisphères.

§ 1. — ANATOMIE

Les noyaux centraux des hémisphères sont encore désignés sous le nom de
noyaux opto-striés. Ils se distinguent, en effet, en couche optique et corps
strié. Ils sont traversés de bas en haut par une lame très importante de
substance blanche qui provient du pédoncule cérébral, et qui constitue la
capsule interne. Etudions successivement :
1° La couche optique ;
2° Le corps strié ;
3° La capsule interne.

1° Couche optique ou thalamus. — Les couches optiques sont deux


noyaux volumineux de substance grise placés tout à côté du hile, de chaque
NOYAUX OPTO-STRIËS ET CAPSULE INTERNE 601

côté du ventricule moyen. D’une coloration blanc grisâtre, elles mesurent


40 millimètres de longueur sur 20 millimètres de largeur et 22 millimètres
de hauteur.
a) Conformation extérieure. — Chacune d’elles a la forme d'un ovoïde
à grosse extrémité postérieure, à grand axe obliquement dirigé d’arrière en
avant, et de dehors en dedans. On lui décrit ordinairement : 1° une face
supérieure, recouverte par la toile choroïdienne, le trigone et 'le corps
calleux ; 2° une face inférieure, reposant sur le pédoncule cérébral, dont elle

Ventricule latéral-

Noyau eau dé

Sillon o]>lo-strie ---

Couche opticj

Tub ((uacl

Olande pinéale

Fig. 155.
Les noyaux opto-striés mis d’en haut, de chaque côté du ventricule moyen
et du septum lucidum.

est séparée par une région spéciale, la région sous-tUalamique ; 3° une


face interne, fusionnée en arrière avec l’isthme de l’encéphale, formant en
avant la paroi latérale du ventricule moyen ; 4° une face externe, fusionnée
avec la capsule interne ; 5° une extrémité antérieure, se logeant dans la
concavité que lui offre la tête du noyau caudé ; 6° une extrémité postérieure,
libre, faisant saillie dans le carrefour du ventricule latéral ; rappelons que,
à la partie toute inférieure de celle face, se voient deux petites masses grisâ¬
tres. le corps genouillé interne et le corps genouilté externe.
b) Constitution anatomique. — Vue sur une coupe frontale, la couche
optique nous présente une masse grise, que deux lamelles de substance
blanche, la lame médullaire interne et la lame médullaire externe (la pre¬
mière bifurquée en haut, la seconde appliquée contre la capsule interne),
602 CENTRES NERVEUX

divisent en trois noyaux : un noyau externe, un noyau interne, et un noyau


antérieu r.
c) Connexions. — Lu couche optique est en relation :
a) Avec le pédoncule cérébral : fibres thalamo-pédonculaines. Nous les
étudierons plus loin (voy. Capsule interne).
P) Avec la bandelette optique et les tubercules quadrijumeaux (voy. Nerf
optique).
y) Avec le corps strié, par de très nombreuses fibres qui, de la face externe
de la couche optique, se rendent, les unes au noyau caudé (fibres thalamo-
slriées), les autres au noyau lenticulaire (fibres thalamo-lenliculaires).
o) Avec l'écorce cérébrale, par des fibres qui se disposent en trois fais¬
ceaux, que l’on distingue, d’après leur situation et leur direction, en :
pédoncule antérieur, qui se porte vers le lobe frontal ; pédoncule postérieur,
qui se rend au lobe occipital ; pédoncule inférieur, qui aboutit au lobe tem¬
poral, en contournant par en bas le noyau lenticulaire.

2° Corps strié. — Le corps strié se divise en deux portions : l’une faisant


saillie dans le ventricule latéral, c’est la portion intra-ventriculaire ou noyau
caudé ; l’autre, située en dehors du ventricule, c’est la portion cxtra-ventri-
culaire ou noyau lenticulaire.

a) Noyau caudé. — Le noyau caudé fait saillie dans la portion frontale du

ventricule latéral. Il a une coloration gris rougeâtre, tranchant nettement


sur la teinte plus claire de la couche optique.
a) Conformation extérieure. — Vu d’en haut, le noyau caudé a la forme
d’une virgule, dont la grosse extrémité ou tête est dirigée en avant, la petite
extrémité ou queue est dirigée en arrière. On lui considère : 1° une face
supérieure, convexe, contribuant à former le plancher de la portion fron¬
tale du ventricule latéral ; 2° une face inférieure, se fusionnant avec la
partie correspondante de la capsule interne ; 3° un bord externe, à peu près
rectiligne, mais cependant un peu concave en dehors, formant la limite
externe du ventricule ; 4° un bord interne, concave en dedans, répondant à
la couche optique, dont il est séparé par un sillon toujours très marqué, le
sillon opto-strié ; 5° une extrémité (Ultérieure ou tête, régulièrement arrondie,
reposant sur l’espace perforé antérieur ; 0° une extrémité postérieure ou
queue, qui s’eflile graduellement jusqu’au carrefour ventriculaire et là, s’in-
lléchil en bas et en avant pour venir s’accoler à la voûte de la portion sphé¬
noïdale du ventricule latéral.
b) Constitution anatomique. — Le noyau caudé est constitué dans toute
NOYAUX OPTO-STRIËS ET CAPSULE INTERNE 603

son étendue par de la substance grise, revêtant partout sur les coupes un
aspect uniforme.
c) Connexions. — Le noyau caudé est en relation :
a) Avec le pédoncule cérébral, par des fibres (elles sont peu nombreuses,)
qui partent de sa face inférieure et traversent successivement la capsule
interne et le noyau lenticulaire ;
[j) Avec le noyau lenticulaire, par des fibres qui se portent obliquement
d’un noyau à l’autre (fibres lenticulo-siriées), en traversant la capsule in¬
terne.
y) Avec la couche optique (voy. Couche optique).
S) Avec l’écorce cérébrale par
des fibres, dites cortico-striées,
qui s’échappent du bord externe
de l’organe et, de là, rayonnent
les unes vers le lobe pariétal, les
autres vers le lobe frontal.

b) Noyau lenticulaire. — Le
noyau lenticulaire du corps strié
est situé au-dessous et un peu
en dehors du noyau caudé, en
plein centre ovale. 11 est allongé
d’arrière en avant, parallèlement
à la couche optique. Sa longueur
est de 5 centimètres.
a) Confirmation extérieure.
— Vu en coupe frontale, fil a
une forme nettement triangulaire.
Fig. 156.
Nous pouvons donc, en le consi¬
Figure schématique représentant les noyaux
dérant comme un prisme trian¬ oplo-striés et la capsule interne du côté
gulaire, lui décrire trois faces gauche, vus par en haut.
1, couche optique, vue par sa face supérieure.
(inférieure, interne et externe), — 2, noyau caudé. — 2’, sa queue, avec 2”, sa
portion réfléchie. — 3. noyau lenticulaire. — 4,
deux extrémités (antérieure et sa fusion avec la tête du noyau caudé. — 5,
pédoncule cérébral, avec ses fibres se dirigeant
postérieure) et trois bords. — La vers la capsule interne et la traversant. — 6, cap¬
sule interne. — 7, 7, 7, ses irradiations dans le
centre ovale, formant la couronne rayonnante.
face inférieure, repose, dans la
plus grande partie de son éten¬
due, sur le centre ovale du lobe temporo-occipital. Rappelons qu’elle est croi¬
sée obliquement, par la commissure blanche antérieure, qui s'v creuse
urne gouttière, le canal de la commissure grise. — La face interne ou mieux
supéto-interne, répond a la capsule interne, qui la recouvre en se fusionnant
604 CENTRES NERVEUX

avec elle. —La face externe est recouverte, de même, par une deuxième lame
blanche, qui est appelée capsule externe. Elle sépare le noyau lenticulaire
de l’avant-mur et de l’insula de Reil. — L’extrémité postérieure s’amincit
graduellement et se résout peu à peu en un certain nombre de prolonge¬
ments longitudinaux régulièrement superposés dans le sens vertical. —
L’extrémité antérieure, plus volumineuse, irrégulièrement arrondie, se
fusionne peu à peu, mais d’une façon très nette avec la tête du noyau caudé,
de telle sorte que les deux noyaux, ainsi réunis en un seul, forment dans
leur ensemble une sorte d’U couché (cr), dont les deux branches sont repré¬
sentées par l’un et l’autre noyaux, et la partie moyenne par la masse grise
qui les réunit à leur extrémité antérieure. — Quant aux trois bords, ils se
distinguent en supérieur, inférieur et interne. Ils ne présentent aucune
particularité intéressante.
b) Constitution anatomique. — Le inoyau lenticulaire, vu en coupe soit
frontale soit horizontale, nous présente une masse grise fondamentale, que
traversent de haut en bas deux lames blanches : l'une interne, la lame
médullaire interne ; l’autre externe, la lame médullaire externe. Ces deux
lames médullaires décomposent la masse grise du noyau lenticulaire en trois
segments nettement distincts : 1° un segment externe ou putamen, c’est le
plus foncé des trois, il a tous les caractères du noyau caudé ; 2° un segment
interne, c’est le moins teinté des trois, il est d’un gris pâle ; 3° un segment
moyen, dont la coloration tient le milieu entre celle du segment interne, et
celle du putamen. Ajoutons que le segment interne et le segment moyen
ont reçu, ensemble, le nom de globus palUdus. Au total, le noyau lenticu¬
laire se compose de deux portions, morphologiquement très différentes : une
portion externe de coloration relativement foncée, le putamen ; une portion
interne, beaucoup plus claire, le globus pallidus, ce dernier se subdivisant
lui-même en deux segments plus ou moins distincts.
c) Connexions. — Le noyau lenticulaire est en relation :
a) Avec le pédoncule cérébral, par des fibres qui le pénètrent au niveau de
sa face inférieure ;
f5) Avec le noyau caudé (voy. Noyau caudé, p. 602) :
Y) Avec la couche optique (voy. Couche optique, p. 600) ;
S) Avec l’écorce cérébrale, par des fibres dites cortiéo-lenticulaires ; ces
fibres se répartissent en deux groupes : les unes, formant le faisceau ascen¬
dant, s’échappent de la face supéro-interne du noyau pour se rendre au lobe
frontal et au lobe pariétal ; les autres, constituant le faisceau descendant,
partent du globus pallidus pour se porter dans les circonvolutions temporo-
occipitales.
NOYAUX ÔPTO-STRTÊS ET CAPSULE INTERNE 605

3n Capsule interne. — On donne le nom de capsule interne à cette lame


de substance blanche qui, partant du pédoncule cérébral, traverse de bas
en haut les noyaux opto-striés, pour aboutir, au-dela de ces noyaux, au
centre ovale d’abord, puis à l’écorce cérébrale. La capsule interne recouvre
le noyau lenticulaire en dedans, comme la capsule externe le recouvre en
dehors, de là son nom.

a) Mode de conformation et rapports. — La capsule interne n’est pas


une formation isolable, intimement fusionnée qu'elle est avec les formations
avoisinantes. Pour prendre une notion exacte de sa situation, de sa forme,
et de ses rapports, il importe de l’examiner successivement sur deux coupes,
l’une frontale (c’est la coupe, de Charcot), l’autre horizontale (c’est la coupe
de Flechsig) :
a) Coupe de Charcot. — Sur cette coupe, qui passe par les tubercules
mamillaires (pi. XXXVI, fig. 1), la capsule interne nous apparaît très nette¬
ment et dans toute sa hauteur : c’est une lame de substance blanche, se por¬
tant obliquement en haut et en dehors, entre le noyau lenticulaire, qui est en
dehors, la couche optique et le noyau caudé, qui sont en dedans.
A son extrémité inférieure, elle se continue avec le pédoncule cérébral,
qui lui fournit la plus grande partie de ses éléments.
A son extrémité supérieure, elle se confond de même avec la substance
blanche du centre ovale. A ce niveau, les fibres qui la constituent, jusque-
là enserrées dans l'étroit passage que leur ménage les noyaux opto-striés,
se déploient en un vaste éventail et divergent alors dans tous les sens, pour
se porter vers la substance corticale, où elles se terminent. C’est la couronne
rayonnante de Reil, et nous pouvons la définir : l’ensemble des fibres de la
capsule interne, dégagées des noyaux opto-striés et rayonnant, en plein
centre ovale, vers le manteau des hémisphères. On donne quelquefois le
nom de pied de ta couronne rayonnante à la partie toute supérieure de la
capsule interne, au moment où elle va former la couronne (voy. fig. 157).
b) Coupe de Flechsig. — Si, maintenant, nous examinons notre capsule
interne sur une coupe horizontale de l’hémisphère passant un peu au-dessus
de la scissure de Sylvius, par la partie supérieure des noyaux opto-striés
(pi. XXXVI, fig. 2), nous constatons tout d’abord que la lame en question, au
lieu de s’étaler suivant un plan unique, comme on pourrait le croire par la
seule inspection des coupes frontales, s’infléchit sur elle-même, de façon à
se développer suivant deux plans différents et à former ainsi dans son ensem¬
ble un angle dièdre ouvert en dehors. Cet espace est comblé par le noyau
lenticulaire, qui s’avance vers la capsule à la manière d’un coin. Ainsi dis-
606 CENTRES NERVEUX

posée, la capsule interne nous présente . 1° deux segments principaux, l’un


antérieur, l’autre postérieur ; 2° une portion intermédiaire, appelée genou.
a) Le segment antérieur, connue nous le montre nettement la fig. 2 de
la planche XXXVI, se dirige obliquement d’arrière en avant et de dedans en
dehors. Il est compris entre le noyau lenticulaire, qui est en dehors, et le
noyau caudé, qui est en dedans : de ce l'ail, il a reçu le nom de portion lenii-
culo-striée de la capsule interne. Sa longueur est environ de 2 centimètres.
(b) Le segment postérieur se dirige obliquement d’avant en arrière, et de
dedans en dehors. Il se trouve compris entre le noyau lenticulaire, qui est
en dehors, et la cou¬
che optique, qui est
en dedans : de ce fait,
il a reçu le nom
de portion-lenticulo-
optique de la capsule
interne. Cette portion
lenticulo - optique est
plus étendue que la
portion 1 enticulo-
striée : sa longueur
mesure, environ, 3 ou
4 centimètres. A noter
que le segment posté¬
rieur de la capsule in¬
Schéma indiquant, sur une coupe frontale des noyaux
centraux, le mode de constitution de la capsule interne. terne déborde en ar¬
La ligne ponctuée ijij indique la limite séparative du pédon¬
cule cérébral et de la capsule interne ; la ligne ponctuée xx,
rière, de 10 à 12 milli¬
la limite séparative de la capsule interne et de la couronne
rayonnante. mètres, l’extrémité
aa, fibres directes, se rendant directement, à travers la cap¬ postérieure du noyau
sule et le centre ovale, à l’écorce cérébrale. — l>b, fibres gan-
glio-pédonculaires, allant du pédoncule cérébral aux noyaux lenticulaire : Dejerine
centraux. — cc, fibres cortico-ganglionnaires, allant des no¬
yaux centraux à l'écorce.
a donné à cette portion
toute postérieure de la
capsule le nom de portion rétno-lenticulaire, appellation parfaitement justifiée.
y) Le genou, portion moyenne de la capsule interne, se trouve à l’union
du segment antérieur et du segment postérieur. Ces deux segments, tous les
deux obliques, mais en sens inverse, se rencontrent et se confondent en un
point qui correspond au sommet de l'angle dièdre formé par la couche
optique et le noyau caudé : c’est à celte portion de la capsule, saillant forte¬
ment en dedans, que l’on donne le nom de genou. Topographiquement, le
genou répond exactement, sur la coupe de Flechsig, d’un^ part au sommet
NOYAUX OPTO-STRIÉS ET CÀPStJLE INTERNE 607

du noyau lenticulaire, d’autre part à l’espace angulaire précité qui sépare


la couche optique du noyau caudé.

b) Constitution anatomique. — La capsule interne, lieu de passage entre


l’écorce cérébrale et les portions sous-jacentes du névraxe, renferme des
fibres très différentes par leur origine, par leur direction, leur terminaison,
et leur valeur anatomo-physiologique. Nous pouvons, au point de vue anato¬
mique, les répartir en quatre groupes, savoir :
al Fibres unissant entre eux les noyaux opto-striés ou fibres internuclé-
aires : ce sont les fibres llialamo-striées et lenliculo-striées. irrégulièrement
disséminées dans les différents segments de la capsule interne ;
(3) Fibres unissant les noyaux opto-striés à l’écorce cérébrale ou fibres
cortico-nucléaires : ce groupe comprend toutes les libres qui se rendent des
noyaux opto-striés à 1 écorce cérébrale, en empruntant la capsule interne
dans une partie plus ou moins grande de leur parcours ; elles sont, natu¬
rellement. de trois ordres : 1° libres émanant du noyau eaudé ou fibres
cortico striées ; 2° libres émanant du noyau lenticulaire ou fibres cortico-
lenticulaires ; 3° fibres provenant du thalamus ou fibres cortico-thalamiques.
A noter que ces dernières fibres forment le pédoncule antérieur et le pédoncule
postérieur de la couche optique, qui se rendent, le premier au lobe frontal, le
second au lobe occipital (en constituant les radiations optiques de Gratiolet).
y) Fibi'es allant du pédoncule cérébral aux noyaux opto-striés ou fibres
pédonculo-nucléaires : parties de différents points du pédoncule, ces fibres se
rendent les unes à la couche optique, les autres au noyau eaudé et au noyau
lenticulaire.
6) Fibres allant directement du pédoncule à l'écorce cérébrale ou fibres
cortico-pédonculaires : ces fibres, qui du pédoncule vont directement à
l’écorce sans s’interrompre dans les noyaux opto-striés, constituent les fibres
directes de la capsule interne. Font partie de ce groupe : 1° le faisceau pyra¬
midal et le faisceau géniculé (fibres motrices) ; 2° les fibres directes du ruban
de Reil (fibres sensitives). — Voy. plus loin, p. G25, les Voies de conduction
cortico-spinales.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

1° Considérations générales. — On désigne en bloc sous le nom de


masse centrale du cerveau, le groupe que forment dans chacun des hémis¬
phères cérébraux les deux noyaux du corps strié, la couche optique et la
capsule interne qui passe entre eux.
608 CENTRES NERVEUX

Les connexions de la capsule interne avec la région rolandique de l’écorce


cérébrale, d’une part, et les noyaux d’origine des inerfs moteurs crâniens
et rachidiens, d'autre part, sont bien connues depuis les recherches de
Ludwig Türck, de Charcot et Bouchard, et de îa pléiade d expérimentateuis
et de cliniciens qui se sont attachés, depuis 1870, à l’étude des localisations
cérébrales.
11 n’en est pas de même pour ce qui concerne les noyaux centraux. On a
supposé, à cause de leurs rapports avec les autres parties des centres ner¬
veux, que le corps strié était affecté à la motricité, et la couche optique à la
sensibilité ; mais ces présomptions ne ressortaient nettement ni des observa¬
tions anatomo-cliniques, ni des expériences pratiquées sur les animaux.
Ces dernières, portant sur des organes profondément inclus au centre de
l’encéphale, exigent d’ailleurs des mutilations préalables tellement graves
qu’il est rarement possible de conserver longtemps vivants les chiens ou
les singes qui les ont subies. De plus, la contiguïté des noyaux centraux
et de la capsule interne, étroitement accolés les uns à l’autre, empêche le
plus souvent de discerner dans les réactions provoquées, ce qui dépend des
irritations des noyaux gris ou des faisceaux capsulaires. L’expérimentation
a ainsi conduit à de grosses erreurs d’interprétation. On a cru, par exemple,
jusqu’en 1884, que le corps strié et la couche optique étaient extrêmement
excitables aux courants électriques. Or, en prenant les précautions néces¬
saires pour éviter la diffusion des courants sur la capsule interne, Franck
et Pitres ont démontré que ni le corps strié, ni la couche optique n’étaient
excitables par l’électricité. La capsule interne réagit seule par des contrac¬
tions énergiques des muscles du côté opposé du corps à l’excitant électrique.
Tout ce que nous savons de précis sur les fonctions des noyaux centraux
a été acquis par la méthode anatomo-clinique. Mais les lésions exactement
limitées aux aires de ces noyaux sont rares. La plupart du temps elles inté¬
ressent en même temps la capsule interne, et donnent lieu à des paralysies
capsulaires qui masquent les symptômes spécifiques des lésions nucléaires
coexistantes.
Dans ces dernières années on est pourtant arrivé à reconnaître que certai¬
nes maladies aiguës ou chroniques des centres nerveux qu’on rangeait
naguère dans le groupe des névroses sine materia, étaient sous la dépendance
d’altérations des noyaux centraux. Telles sont la chorée de Huntington,
l’athétose congénitale ou maladie de Céciuf. Vogt, la maladie de Ivinnier
Wilson, la maladie de Ramsay Hunt, le tremblement sénile, la chorée de
Sydenham, l’encéphalite léthargique catatonique, dont il sera question plus loin.
Nous indiquerons successivement les notions aujourd’hui acquises sur la
NOYAUX OPTO-STRIÈS ET CAPSULE INTERNE 609

physiologie pathologique : 1° de la capsule interne ; 2° du corps strié ; 3° de


la couche optique.

2° La capsule interne, les syndromes capsulaires. — D’après l’en¬


semble des résultats fournis par la pathologie humaine, la capsule interne
doit être divisée en quatre segments fonctionnellement distincts : 1° un
segment antérieur ou lenticulo strié ; 2° un segment correspondant au
sommet de l’angle qu’elle forme sur les coupes horizontales : segment géni-
culé ; 3° un segment postérieur ou lenticulo-optique, et 4° un segment rétro-
thalamique.
a) Segment antérieur. — Le segment antérieur, inexcitable chez les ani¬
maux, l’est vraisemblablement aussi chez l’homme, car ses lésions ne
donnent lieu à aucun symptôme permettant de les diagnostiquer autrement
que sur la table d’autopsie.
Brissaud avait, naguère, émis l’opinion qu’il renfermait le faisceau de
projection des fibres partant du pied de la troisième circonvolution
frontale, et se rendant dans le noyau bulbaire des muscles de la phonation,
faisceau qu’il avait proposé de nommer faisceau de l’aphasie. Des observa¬
tions plus précises ont démontré que cette hypothèse était mal fondée. Il
paraît bien acquis aujourd’hui que les lésions limitées au pied de cette cir¬
convolution ne sont pas suivies de dégénération secondaire dans la capsule ;
elles passent au-dessous de l'opercule rolandique, et vont se terminer dans
la région de l’insula (Dejerine).
b) Genou. — Le genou de la capsule interne contient les fibres de projec¬
tion qui font communiquer les cellules corticales des nerfs moteurs destinés
aux muscles de la face de la langue et du larynx avec les noyaux bulbaires
du facial, de l’hypoglosse et du spinal. Elles forment le faisceau géniculé
qui s’étend, sans relai intermédiaire, de la partie inférieure de la circonvo¬
lution frontale ascendante d’un côté aux noyaux bulbaire des nerfs sus-indi¬
qués après s’être entrecroisées dans la protubérance (voy. fi g. 144, pi. 555).
Leur interruption dans le cours de leur trajet provoque l’hémi-paralysie de la
face, de la langue et des cordes vocales du côté opposé. Elle s’accompagne de
dysarthrie et non d’aphasie vraie.
c) Segment postérieur. — Le segment postérieur ou lenticulo-optique de la
capsule interne livre passage aux fibres de projection parties des parties
moyenne et supérieure de la circonvolution frontale ascendante. Le fais¬
ceau qu’elles forment porte le nom de faisceau pyramidal. Après avoir tra¬
versé la région capsulaire, il gagne le pédoncule cérébral, passe sous le
pont de Varole se prolonge dans la pyramide antérieure du côté corres-
LES NERFS EN SCHÉMAS 39
610 CENTRES NERVEUX

pondant du bulbe, s’entrecroise avec son congénère, au niveau du collet


bulbo-médullaire, pénètre dans le cordon latéral du côté opposé, et va se ter¬
miner dans les cornes antérieures des différents métamères de la moelle, où
il s’articule avec les dendrites des proloneurones moteurs périphériques (voy.
la Planche XXXVIII). Quelques-unes seulement de ses fibres, échappant à
l'entre-croisement bulbaire, se prolongent directement dans le cordon de
Türk du même côté.
Dans leur trajet intra-capsulaire, les fibres du faisceau pyramidal forment
un faisceau compact d’apparence homogène, dont les lésions destructives
sont habituellement suivies d’hémisplégies totales du côté opposé du corps.
On a cru longtemps qu’elles étaient mélangées d’une façon inextricable, et
que, par suite, toute lésion capsulaire était nécessairement suivie d’hémi¬
plégie portant à la fois sur les deux membres du côté opposé. Les recherches
expérimentales de Franck et Pitres ont piouvé que, contrairement a
l’opinion courante, l’excitation électrique très limitée de la surface de sec¬
tion de la capsule interne chez le chien, pouvait déterminer des mouve¬
ments localisés dans les groupes musculaires du membre antérieur ou du
membre postérieur de l’animal. Les observations anatomo-cliniques réunies
plus tard dans la thèse de J. Abadie, de Bordeaux, ont également établi
que chez l’homme la capsule interne était formée par l’accolement de faisceaux
fonctionnellement différenciés. Il est certain aujourd’hui qu’il existe des
monoplégies d’origine capsulaire, dépendant de petites lésions très limitées
(îlots hémorrhagiques ou foyers de ramolissement lacunaires) de la portion
lenticulo-optique de la capsule interne. Le faisceau pyramidal est donc le
siège d’une fasciculation physiologique analogue à celle qui existe dans les
gros nerfs périphériques. Non seulement chaque fibre conserve son indivi¬
dualité propre dans toute son étendue, mais les fibres destinées à des mus¬
cles associés dans des actions communes restent groupées en fascicules cohé¬
rents dans tout leur trajet intra-encéphalique.
d) Segment rétro-capsulaire. — Le segment rétro-capsulaire de la capsule
interne donne passage aux fibres sensitives qui des pédoncules cérébraux
se rendent dans la couche optique. Charcot avait cru que sa destruction
donnait lieu à une hémi-anesthésie sensitivo-sensorielle totale du côté
opposé du corps. Cette opinion ne paraît pas correspondre exactement à ta
réalité. On pense maintenant que les conducteurs de la sensibilité générale
traversent seuls la région thalamique et la capsule interne, et que ceux
des sens spéciaux passent chacun par des voies distinctes, pour aboutir aux
points de l’écorce où sont perçues les sensations spéciales de l’ouïe, de la
vue, du goût et de l'odorat. Les lésions destructives de cette région donnent
NOYAUX OPTO-STRIÉS ET CAPSULE INTERNE 611

lieu seulement à de l’hémi-anesthésie croisée de la face, du tronc et des mem¬


bres, mais elles laissent intactes les sensibilités olfactive, oculaire, auditive
et gustative.

3° Le corps strié et ses syndromes. —- L’étude anatomo-clinique du corps


strié est toute récente. Elle n’a été réellement entreprise, ou pour mieux dire
eiile n’a donné de résultats utiles qu’à partir de 1911. Les recherches qu’elle
a suscitées, recherches auxquelles ont surtout pris part Mrae Vogt, Kinnier-
Wilson, Ramsay-Hunt, Pierre-Marie, Liiermitte, Anglade, Tritianoff,

Souques, etc., ont mis hors de doute qu’il existe a côté et en dehors de

l’appareil cortico-médullaire, incitateur des mouvements volontaires, et de


l’appareil cérébello-médullaire, coordinateur de ces mouvements, un troi¬
sième appareil, régulateur du tonus musculaire, qui a pour organes spéciaux
les noyaux centraux, particulièrement les corps striés, et le locus niger,
dont les lésions provoquent des dyskinésies à allures cliniques nettement
différenciées. Il semble même d’après un travail récent de Lhermitte,
qu’on soit d’ores et déjà en mesure de localiser le siège des altérations orga¬
niques susceptibles de déterminer quelques-unes de ces dyskinésies et que,
notamment, pour ce qui concerne le corps strié, on puisse reconnaître dans
la phénoménologie résultant de ses lésions trois syndromes distincts : le
syndrome du striatum, le syndrome du pallidum, et le syndrome strio-palli-
dal.
Ces dénominations exigent quelques mots d’explication.
Macroscopiquement, comme nous l’avons vu plus haut (p. 602), le corps
strié se compose de deux portions, l’une externe, en forme de lentille, appelée
le noyau lenticulaire, l’autre interne en forme de virgule appelée le noyau
caudé.
Le noyau caudé a une coloration brunâtre homogène. Le noyau lenticu¬
laire est traversé par deux lamelles de substance blanche, qui le divisent en
trois segments. L’externe, auquel on donne souvent le nom de putamen,
est le plus volumineux : il a la même coloration brunâtre que le noyau caudé
dont il est séparé par la capsule interne sur la coupe de Flechsig, mais
auquel il s’unit sans ligne de démarcation sur des coupes sous-jacentes. Les
segments moyen et interne sont d’une coloration moins foncée que le puta-
mien. On les appelle ensemble le globus pallidus.
Le putamen et le noyau caudé n’ont pas seulement la même coloration ;
ils ont aussi la même structure histologique. Le globus pallidus renferme
des cellules d’une structure et probablement aussi d’une fonction différente.
Aussi certains anatomo-pathologistes décrivent-ils en bloc le putamen
612 CENTRES NERVEUX

et le noyau caudé sous le nom de striatum, et les deux segments pâles du


globus pallidus sous celui de pallidum (fig. 158).
Ceci dit, arrivons à l’exposé des syndromes provoqués par les lésions
partielles ou totales du corps strié :
a) Le syndrome du striatum est représenté par deux maladies : la chorée
héréditaire et familiale ou chorée de Huntington, et l’athétose congénitale
ou maladie de Cécile Vogt.
«) La chorée de Huntington est connue depuis 1872. C'est, une variété de
chorée chronique qui débute in¬
STRIATUM
noyau caudé sidieusement chez des adultes
dont quelques ascendants ont
été atteints de la même affec¬
tion. Lannois a rapporté l’his¬
toire d’une famille dont dix-sept
noyau
lenticulaire membres en avaient été frappés.
Elle est caractérisée par des
mouvements choréiformes, ou
PulamerL Gtobus pallidus
pour mieux dire choréo-athéto-
RÂLLIDÜM siques, involontaires, désordon¬
Fig. 158. nés, arythmiques, d’assez large
Figure schématique représentant sur une cou¬ amplitude, survenant aussi bien
pe frontale de l’hémisphère, la constitution
anatomique des noyaux centraux : te striatum
au repos que dans les mouve¬
et le pallidum. ments intentionnels, se produi¬
sant également dans les muscles
des membres, du visage, de la langue et du larynx. La force musculaire est
conservée, la sensibilité intacte ; le caractère devient irritable ; l’intelligence
s’affaiblit graduellement. L’évolution de la maladie est très lente. Elle abou¬
tit généralement à la démence. Ses lésions portent surtout sur les noyaux
centraux, et plus particulièrement sur le système du striatum dont les cel¬
lules sont en état de désintégration et la névroglie épaissie. Il existe aussi des
altérations des éléments cellulaires et névrologiques de l’écorce cérébrale,
mais elles sont moins accentuées que celles du corps strié.
fi) La maladie de Cécile Vogt, ou athélose congénitale, est caractérisée par
une rigidité musculaire permanente, prédominant dans les membres infé¬
rieurs, s’étendant progressivement aux membres supérieurs et à la face, et
accompagnée de secousses athétosiques qui s’exagèrent sous l’influence des
émotions et des mouvements volontaires. Pas de paralysie vraie ; pas de
troubles de la sensibilité ni de la réflectivité tendineuse. Les lésions trouvées
dans les rares autopsies suivies d’examen histologique, pratiquées jusqu’à ce
NOYAUX OPTO-STRIÉS ET CAPSULE INTERNE 613

jour, sont sensiblement identiques à celles qu’on a rencontrées dans les cas
plus communs de chorée d’Huntington.
b) Le syndrome du pallidum a été surtout étudié par Ramsay-Hunt.

11 est caractérisé : 1° cliniquement, par un groupement de phénomènes rap¬


pelant d’assez près ceux de la paralysie agitante : rigidité musculaire sans pa¬
ralysie vraie des membres, du tronc et de la face ; masque facial figé, immo¬
bile, inexpressif ; lenteur des mouvements associés ; 2° anatomiquement, par
la destruction systématique et progressive des grandes cellules du globus pal-
lidus et de quelques-unes des cellules du même type clairsemées dans le pu-
tamen.
c) Le syndrome strio-pallidal se révèle avec toute sa netteté dans la mala¬
die de Kinnier-Wilson, dont les principaux caractères sont : la lenteur
et la difficulté des mouvements volontaires, paraissant résulter d’une
‘exagération permanente du tonus musculaire et de la contraction intempes¬
tive des antagonistes, donnant lieu à des secousses involontaires qui dévient
les membres du but à atteindre (hypermétrie) et mettent obstacle à l’exécu¬
tion régulière des mouvements bilatéraux (adiadococinésie.) Ces phénomè-
mes sont souvent accompagnés de tremblement lent, à renflements, sembla¬
ble au tremblement parkinsonnien, et de pleurer et de rire spasmodiques. La
maladie débute par les membres inférieurs ; elle gagne plus tard les supé¬
rieurs puis la face qui devient inexpressive, et la musculature de la langue,
du larynx et du pharynx, ce qui provoque des troubles de la phonation et
de la déglutition. Scs lésions sont de nature dégénérative et atrophique ; elles
siègent, d'une façon sinon exclusive du moins très prédominante, sur les
deux noyaux du corps strié.
Les foyers multiples d’hémorrhagie ou de ramollissement portant sur les
noyaux striés des deux côtés, déterminent une forme de paralysie pseudo¬
bulbaire dont la symptomatologie ressemble beaucoup à celle de la maladie
de Wilson. 11 en est de même de la variété sénile de la paralysie bulbaire
liée à la production de nombreux petits foyers lacunaires des corps striés,
dans laquelle les malades présentent de la dysarthrie, de la dysbasie, de la
marche à petits pas, du rire et du pleurer spasmodiques, sans paralysie vraie,
sans contracture, sans troubles des réflexes, à moins que quelques-uns des
îlots nécrobiotiques n’aient intéressé la capsule interne.
d) En somme, le corps strié paraît bien avoir pour fonction de main¬
tenir et de régulariser le tonus musculaire. Ses lésions destructives déter¬
minent des syndromes dans lesquels la motilité volontaire n’est pas
abolie, mais simplement perturbée par un certain degré de rigidité hyperto¬
nique et par des tremblements ou des secousses choréo-athétosiques. Ajou-
614 CENTRES NERVEUX

tons qu’il n’est pas seul chargé de ces fonctions. La paralysie agitante dont
les symptômes essentiels sont la rigidité des muscles et le tremblement,
s'accompagne souvent de lésions dégénératives, du noyau rouge de Stilling et
du locus niger de Soëmmering. Ces noyaux font donc probablement partie,
eux aussi, de l’appareil régulateur du tonus des muscles de la vie de rela¬
tion avec des attributions un peu différentes de celle du corps strié lui-même.

4° La couche optique et le syndrome thalamique. — L’étude des fonc¬


tions et des réactions pathologiques du thalamus est beaucoup moins avan¬
cé que celle du corps strié. A vrai dire on les ignore presque complètement.
La couche optique, chez les animaux, est inexcitable aux courants électriques.
Elle peut être le siège, chez l’homme, de grosses lésions destructives sans
qu’aucun symptôme spécifique permette d’en diagnostiquer le siège. Il
n’est possible, à l’heure actuelle, de reconnaîlre en clinique l’existence
d'une lésion du thalamus que lorsqu’elle se trouve à l’extrémité posté¬
rieure de la couche optique, dans le point ou passent les fibres centripètes
et centrifuges qui font communiquer cet organe avec les pédoncules céré¬
braux c'est-à-dire en dehors du corps même du noyau du thalamus.
Les lésions destructives de cette région donnent lieu au syndrome thala¬
mique, dont l’étude commencée par Charcot et Raymond a été complète¬
ment mise au point par Dejertne et Roussy. Ce syndrome est caractérisé
d’après la dernière description qu’en a donnée Dejerine par :
1° Une hémi-anesthésie plus ,ou nloins marquée pour les Sensibilités
superficielles (tact, douleur, température), mais toujours très prononcée
pour les sensibilités profondes, avec réaction exagérée aux excitations dou¬
loureuses et thermiques, nettement disproportionnée à l’intensité de l’exci¬
tation ; enfin, il existe souvent une astéréognosie complète ;
2° Une hémiplégie très légère, habituellement sans contracture, à régres¬
sion rapide, et dans laquelle le signe de Rabinski fait ordinairement défaut ;
3° Un certain degré d’hémi-ataxie, et des mouvements choréo-athétosi-
ques dans les membres du côté anesthésié ;
4° Enfin, des douleurs très vives du côté anesthésié ; ces douleurs sont
persistantes, à type central, profondes, lancinantes, paroxystiques et rebelles
à toute médication analgésique.
Mais on remarquera que ce syndrome, dont l’existence clinique n’est
contestée par aucun neurologiste, n’est pas, en réalité, thalamique ; il serait
plus justement nommé parathalmique, car il ne dépend pas de lésions du
thalamus lui-même, mais de la région où le thalamus reçoit les faisceaux de
fibres sensitives provenant du ruban de Reil. Quant aux foyers siégeant dans
ARTÈRES DU CERVEAU 615

la substance même de la couche optique, ils ne donnent lieu à aucun phéno¬


mène caractéristique ; leur diagnostic reste pour le moment impossible.

ARTICLE VIII

ARTÈRES DU CERVEAU
[Planche XXXVII}.

Le mode de distribution des vaisseaux sanguins dans la masse encépha-


bique, et en particulier dans l’écorce cérébrale, a été bien étudié en 1872 par
Duret et par IIeubner, dont les descriptions sont encore classiques. Nous re¬
présentons dans notre planche XXXVII : 1° à gauche, le mode de distribution
schématique, sur chacune des faces de l’hémisphère droit, des trois artères
cérébrales antérieure, moyenne et postérieure ; 2° à droite, les territoires
corticaux de ces trois artères, chacun avec une teinte spéciale : teinte bleue,
pour la cérébrale antérieure ; teinte jaune, pour la cérébrale postérieure ;
teinte rose, pour la cérébrale moyenne ou sylvienne. Tout en bas de la plan¬
che, nous avons figuré l’heptagone de Villis, avec l’origine des trois artères
cérébrales.

§ 1. — ANATOMIE

Quatre gros troncs artériels pénètrent dans le crâne pour se distribuer à


la masse encéphalique. Ce sont : en avant, les deux carotides internes ; en
arrière, les deux vertébrales.
Les deux vertébrales, marchant à la rencontre l’une de l’autre, contour¬
nent lie bulbe et se réunissent sur la ligne médiane en un tronc commun,
le tronc basilaire. Celui-ci chemine d’arrière en avant au-dessous de la protu¬
bérance et se partage, au niveau du bord antérieur de ce dernier organe, en
deux branches terminales et fortement divergentes, les artères cérébrales
postérieures.
De leur côté, les deux carotides internes, après avoir fourni Tophthalmi-
que, se résolvent chacune en un bouquet de quatre branches divergentes : la
cérébrale antérieure, la cérébrale moyenne, la choroïdienne antérieure et
la communicante postérieure. — La cérébrale antérieure se dirige en avant et
616 CENTRES NERVEUX

en dedans et, peu après son origine, s’unit avec son homonyme du côté
opposé à l’aide d’une anastomose transversale, de 1 à 3 millimètres de lon¬
gueur seulement, la communicante antérieure. — La cérébrale moyenne
ou sylvienne, se porte en dehors et disparaît bientôt dans la scissure de
Sylvius. — La choroïdienne antérieure, oblique en arrière et dehors, se
porte dans les plexus choroïdes des ventricules latéraux. — La communi¬
cante postérieure, enfin, se dirige en arrière et un peu en dedans, pour se
réunir à l’artère cérébrale postérieure et relier ainsi l’un à l’autre le système
carotidien et le système vertébral.
Il résulte de ces différentes anastomoses la formation, à la base du cerveau,
d'un circuit artériel entièrement fermé : c’est Yhexagone de Villis, ou plus
exactement Vheptagone de Villis, car le circuit en question possède, en
réalité, sept côtés. Il est constitué comme suit (PL XXXVII) : en avant,
par les deux cérébrales antérieures, unies l’une à l’autre par la communi¬
cante antérieure ; en arrière, par les deux cérébrales postérieures ; sur les
côtés, par les deux communicantes postérieures ou latérales.
Les différentes branches (et elles sont nombreuses), qui émanent du poly¬
gone de Villis constituent deux systèmes principaux destinés, le premier
aux circonvolutions cérébrales, le second aux noyaux centraux.

A) ARTÈRES DES CIRCONVOLUTIONS

L’irrigation sanguine des circonvolutions cérébrales est assurée, de chaque


côté, par les trois artères cérébrale antérieure, cérébrale postérieure et céré¬
brale moyenne, toutes les trois naissant du polygone de Villis. Nous allons
décrire successivement, pour chacune d’elles :
1° Son mode de distribution sur les circonvolutions ;
2° Son territoire sur l’écorce cérébrale.

1° Cérébrale antérieure. — L’artère cérébrale antérieure se détache de


la partie antérieure de la carotide interne et se porte en avant et en haut vers
la scissure inter-hémisphérique.

a) Son mode de distribution. — Immédiatement après son origine, l’artère


cérébrale antérieure jette quelques fins rameaux sur la partie du lobe orbi¬
taire qui est comprise entre le gyrus reclus et le sillon cruciforme et se divise
ensuite, au niveau du genou du corps calleux, en trois branches que l’on
distingue en antérieure, moyerine et postérieure :
a) La branche antérieure (artère frontale interne et antérieure de Duret),
A. PITRES el L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

DISTRIBUTION DES ARTERES TERRITOIRES ARTERIELS


Cérébrale Cérébrale

CL ) Les artères cérébrales CL J Territoires artériels


vues sur la face externe de l'hémisphère ; sur la face externe de l’hémisphère

Cérébrale Cérébrale
postérieure antérieure

b'j Territoires artériels


: sur la face interne de rhémisphèrt

Cérébrale
antérieure f{„ Communie10
antérieure
A l/l V i L
\ë \ v
)\ ^ Cérébrale
i
fl i ■ Cérébrale
yij YnX
il
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moyenne Jp
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antérieure

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/1\ Carotide ' 1 JE. Communie"
s—V / \ interne ■ f postérieure
*nV 11 \ kl \ cx>'
JA/ J1 \ #[ \
Je tÿd
'^.Cérébrale
postérieure

\i Hexagone de W illis

-Cérébrale PLANCHE XXXVII Cérébrale


postérieure postérieure
ARTERES
Cj Territoires artériels
Cj Les artères cérébrales DES vus sur la face infco
vues sur la face infr#
de l'hémisphère
CIRCONVOLUTIONS CEREBRALES de l'hèmisphèrs

S. DUPRET del. G. DOTN éditeur


ARTÈRES DU CERVEAU 617

le plus souvent double ou même triple, se ramifie principalement dans la


portion antérieure de la circonvolution frontale interne.
p) La branche moyenne (artère frontale interne et moyenne de Duret)

se dirige obliquement en haut et en arrière, abandonne quelques rameaux


à la circonvolution du corps calleux et se ramifie ensuite sur la partie pos¬
térieure de la circonvolution frontale interne, non compris le lobule para-
central, lequel est le plus souvent irrigué par la branche suivante.
y) La branche postérieure (artère frontale interne et postérieure de Duret)

chemine tout d’abord sur la circonvolution du corps calleux et abandonne


à cette circonvolution, ainsi qu’au corps calleux lui-même, un certain nom¬
bre de rameaux le plus souvent très grêles ; l’un de ces rameaux, plus long
que les autres, longe le sinus du corps calleux et s’étend jusqu’à la glande
pinéale. Après avoir fourni ces différents rameaux, la branche postérieure
de la cérébrale antérieure croise obliquement la scissure calloso-marginale
et vient s’épuiser dans le lobule paracentral et dans le lobe quadrilatère.
Ajoutons que les trois branches de la cérébrale antérieure ne se contentent
pas d’irriguer la face interne de l’hémisphère cérébral. Leurs ramifications,
arrivées au bord supérieur de l’hémisphère, contournent ce bord et descen¬
dent alors sur la face externe du cerveau, où elles se terminent sur les
parties -suivantes : sur la première circonvolution frontale tout entière, sur
l’extrémité antérieure de la seconde, sur l’extrémité toute supérieure des
deux circonvolutions frontale ascendante et pariétale ascendante et, enfin,
sur la partie du lobule pariétal supérieur qui borde la scissure interhémis¬
phérique.

b) Son territoire cortical. — Le territoire cortical de la cérébrale anté¬


rieure (teinte bleue) occupe : 1° tout d’abord, la moitié interne du lobe orbi¬
taire ; 2° toute la partie de la face interne de l’hémisphère qui est située en
avant du cunéu-s ; 3° sur la face externe de l’hémisphère, la première
circonvolution frontale, la partie antérieure de la seconde, l’extrémité
supérieure des deux circonvolutions frontale ascendante et pariétale ascen¬
dante et, enfin, la portion du lobule pariétal supérieur qui avoisine la grande
scissure interhémisphérique.

2° Cérébrale moyenne. — L’artère cérébrale moyenne, plus connue


sous le nom d artère sylvienne, naît sur le côté externe de la carotide interne,
au même niveau que la précédente.

a) Son mode de distribution. — Se portant obliquement en haut et en


dehors, elle s’engage dans la scissure de Sylvius, qu’elle pan ouït dans toute
618 CENTRES NERVEUX

son étendue. Chemin faisant, elle fournit trois ordres de branches : 1° des
branches ascendantes ; 2° des branches descendantes ; 3° une branche ter¬
minale.
a) Branches ascendantes. — Elles sont au nombre de quatre, savoir :
1° l'artère frontale inférieure, qui se détache de l'a sylvienne au niveau du
pôle de l’insula et qui se distribue, par trois ou quatre rameaux, à la troi¬
sième circonvolution frontale et à la partie moyenne de la deuxième fron¬
tale ; 2° l'artère frontale ascendante, qui se ramifie sur les deux tiers ou les
trois quarts inférieurs de la circonvolution frontale ascendante, ainsi que sur
le pied de la deuxième circonvolution frontale ; 3° l’artère pariétale ascen¬
dante, qui se ramifie de même sur les trois quarts inférieurs de la circon¬
volution pariétale ascendante ; 4° l’artère pai'iétale inférieure (souvent
confondue avec la précédente), qui ise distribue au lobule pariétal inférieur
et à la partie du lobule pariétal supérieur qui avoisine le sillon interpa¬
riétal. Ajoutons que ces quatre branches, dans le fond même de la scissure
de Sylvius, jettent un grand nombre de rameaux et de ramuscules sur les
circonvolutions de l’insula.
b) Branches descendantes. — Au nombre de trois, quelquefois quatre,
elles descendent sur le lobe temporal, pour se ramifier sur la première tempo¬
rale, sur la deuxième et sur une partie de la troisième. A noter que ses rami¬
fications les plus antérieures gagnent la face inférieure de l'hémisphère et
se terminent sur la pointe du lobe temporo-occipital.
c) Branche terminale. — Elle sort de la scissure de Sylvius au niveau de
son extrémité postérieure et se ramifie aussitôt sur le pli courbe (c’est l'artère
du pli courbe), à la partie la plus reculée du lobe temporal et à la partie
antérieure du lobe occipital.

b) Son territoire cortical. — Le territoire de la cérébrale moyenne ou


sylvienne (teinte rose) occupe la plus grande partie de la deuxième frontale,
la troisième frontale tout entière (y compris la moitié externe du lobe orbi¬
taire), les deux tiers ou les trois quarts inférieurs des deux circonvolutions
frontale ascendante et pariétale ascendante, la partie du lobule pariétal
supérieur qui avoisine le sillon interpariétal, le lobule pariétal inférieur
tout entier, le pli courbe, la partie antérieure des circonvolutions occipitales,
les deux premières temporales, la pointe du lobe temporo-occipital et, enfin,
dans la profondeur de la scissure de Sylvius, les circonvolutions de l’insula
et la région rétro-insulaire. A noter qu’il englobe dans ses limites la plus
grande partie de cette région du manteau de l’hémisphère, où la pathologie
ARTÈRES DU CERVEAU 619

humaine a pu établir et localiser un certain nombre de centres d’innervation


motrice, sensitive ou sensorielle (voy. pl. XXXIV).

3° Cérébrale postérieure. —- L’artère cérébrale postérieure, qui forme


le côté postérieur du polygone de Willis, tire son origine de la vertébrale,
les deux artères cérébrales postéi’ieures n’étant que les deux branches de
bifurcation du tronc basilaire.
a) Son mode de distribution. — L’artère cérébrale postérieure, suivant à
partir de son origine un trajet récurrent, contourne la face inférieure des
pédoncules cérébraux, ein suivant d’avant en arrière les parties latérales
de Ha fente cérébrale de Bichat. En atteignant l’hémisphère, elle se partage
en trois branches terminales, que l’on désigne d’après leur direction en
antérieure, moyenne et postérieur le :
a) La branche antérieure se distribue à la partie antérieure du lobe tem-
poro-occipital, moins la pointe, qui est irriguée, comme nous venons de le
voir, par la sylvienne.
(ï) La branche moyenne se ramifie à la partie moyenne de ce même lobe
et jette en dehors, sur la face externe de l’hémisphère, quelques rameaux
ascendants, qui se perdent sur la troisième circonvolution temporale, la
première et la seconde étant toujours irriguées, comme nous l’avons déjà
dit, par l’artère sylvienne.
y) La branche postérieure est destinée au lobe occipital. Elle se ramifie
sur les trois faces de ce lobe : en dehors, sur la partie postérieure des trois
circonvolutions occipitales ; en dedans, sur le cunéus ; en bas, sur la partie
la plus reculée des deux circonvolutions tempo,ro-occipitales.

b) Son territoire cortical. — Le territoire cortical de l’artère cérébrale


postérieure (teinte jaune) s’étend sur toute la surface du lobe temporo-
occipital, moins la pointe, qui est irriguée par la sylvienne. Il comprend, en
outre, le cunéus, la partie postérieure des trois circonvolutions occipitales
et la troisième temporale ou une portion seulement de cette dernière circon¬
volution.

B) ARTÈRES des noyaux centraux

Les artères des noyaux centraux, comme celles des circonvolutions, pro
viennent des trois artères cérébrales antérieure, moyenne et postérieure.
Elles se détachent tout près de l’origine de ces troncs, au voisinage du
polygone de Villis par conséquent.
620 CENTRES NERVEUX

1° Branches fournies par la cérébrale antérieure. — La cérébrale anté¬


rieure émet, tout près de son origine, plusieurs ramuscules, qui traversent
de bas en haut l’espace perforé antérieur et viennent se perdre dams la tête
du noyau caudé : ce sont les artères striées antérieures.

2° Branches fournies par la cérébrale moyenne. — La cérébrale


moyenne ou sylvienne abandonne de même, presque immédiatement après
son origine, un gros bouquet d’artérioles, destinées principalement aux
deux noyaux du corps strié.
Elles s’engagent, comme les précédentes, dans les trous de l’espace
perforé antérieur, arrivent
sous le noyau lenticulaire
et se partagent alors en
deux groupées : les artères
striées internes et les ar¬
tères striées externes, les
premières traversant de
bas en haut le globus pal-
lidus, les secondes traver¬
sant le pfutamen ou le con¬
tournant en passant sur
sa face externe.
Les unes et les autres,
L’artère cérébrale moyenne, vue sur une coupe
au sortir du globus palli-
frontale de l'hémisphère gauche, passant par les
noyaux centraux (schématique). dus ou du putamen, arri¬
vent à la capsule interne,
la traversent obliquement de bas en haut et de dehors en dedans et, finale¬
ment, viennent se terminer, ou bien dans le noyau caudé (ce sont les artères
lenticulo-striées), ou bien dans la couche optique (ce sont les artères lenticu-
lo-optiques.) A noter, parmi le groupe lenticulo-strié, une artère plus volu¬
mineuse que les autres, qui remonte sur la face externe du noyau lenticulai¬
re, c’est l’artère de l’hémorragie cérébrale de Charcot.

3° Branches fournies par la cérébrale postérieure. — La cérébrale


postérieure, dans sa portion initiale, abandonne à la couche optique les
branches suivantes : 1° les artères optiques inférieures, en nombre variable,
s’engageant dans les trous de l’espace perforé postérieur, pour vernir se
terminer à la face interne de la couche optique ; 2° Yartère optique postéro-
interne, destinée à la partie postéro-interne de la couche optique ; 3° Yartère
ARTÈRES DU CERVEAU 621

optique postéro-externe, abordant la couche optique entre les deux corps


genouillés et se distribuant à sa
Cérébrale anterieure
partie postérieure.

4° Résumé. — Au total :
a) Le noyau caudé reçoit : 1° des
artères striées antérieures (pour
la tête), provenant de la cérébrale
antérieure ; 2° des artères striées
postérieures (pour la tête et la
queue), provenant, par les striées
internes et les striées externes, de
la cérébrale moyenne ou sylvienne ;
fi) Le noyau lenticulaire reçoit,
de la sylvienne, les artères striées
internes et les artères striées
externes, les premières pour le
globus pallidus, les secondes
pour le putamen.
v) La couche optique, enfin, re¬
Fig. 160.
çoit : 1° les artères optiques exter¬ Les artères des noyaux centraux, examinées
nes ou lenticulo-optiques, prove¬ sur une coupe de Flechsig (schématique).
a, a, noyau caudé ; b, noyau lenticulaire ; c. cou¬
nant (par les striées internes et che optique. 1, 1, artères striées antérieures. — 2,
artères lenticulo-striées. — 3, artères lenticulo-opti¬
les striées externes) de la céré¬ ques. — 4. artère optique inférieure ou interne. —■
5, artère optique postéro-interne. — 6, artère opti¬
brale moyenne : 2° les artères que postéro-externe.

optiques inférieures et les artères


optiques postérieures, provenant de la cérébrale postérieure.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

La plupart des lésions circonscrites du cerveau — à l’exception de celles


qui résultent de traumatismes ou de néoplasmes — sont des foyers d’hé¬
morragie ou des ilôts de ramollissement dépendant de la rupture ou de
l’oblitération des artères cérébrales. Ce fait justifie le grand intérêt que pré¬
sente l’étude de la circulation artérielle des hémisphères cérébraux.
Les artères de l’encéphale émergent de deux sources : les carotides internes
et les vertébrales, qui communiquent largement entre elles par les artères
communicantes antérieures et postérieures dans l'hexagone de Wiilis ; si
bien qu’on peut, chez presque tous les vertébrés, lier les deux carotides ou
6?â CENTRES NERVEUX

les deux vertébrales sans compromettre gravement les fonctions du cerveau.


Chez l’homme la ligature d’une carotide n’est habituellement suivie d’aucun
trouble grave du système nerveux, et quoique la ligature des deux détermine
parfois des accidents redoutables, il m’est pas rare de voir guérir les opérés
sans infirmité persistante.
Avant de pénétrer dans les circonvolutions, les trois troncs artériels qui, de
chaque côté partent du segment antérieur de l’hexagone, cheminent dans la
pie-mère, et s’y divisent en branches, rameaux et arborisations d’où nais¬
sent perpendiculairement au plan de cette membrane un chevelu d’arté¬
rioles qui plongent en droite ligne dans la substance des circonvolutions
dont elles sont les artères nourricières.
Dans le lacis que forment au sein de la pie-mère les divisions des artères
cérébrales antérieures moyennes et postérieures, il n’existe que fort peu de
branches anastomotiques. On attribue souvent à Dtjret l’opinion qu’il n’en
existe pas du tout. C’est là une erreur ; il a nié la réalité des riches réseaux
anastomotiques décrits par ses prédécesseurs, mais aussitôt après a ajouté :
« Est-ce à dire qu’il n’existe pas du tout d’anastomoses entre les artères de
la pie-mère ? Ce serait tomber dans l’excès contraire que d’admettre une
absence complète de rameaux anastomotiques entre les artères du cerveau.
Il y a des faits positifs qui démontrent leur existence ; » et parmi ces faits il
cite les résultats de ses injections prouvant que : « Si, après avoir posé une
ligature des deux côtés sur les trois artères des hémisphères à leur sortie du
cercle de Willis, on pousse dans une des sylviennes une solution de gélatine
colorée au carmin, on la voit pénétrer peu à peu dans les artères cérébrale
antérieure et cérébrale postérieure du même côté. Cette pénétration des
artères voisines se fait de la périphérie au centre, c’est-à-dire des branches
les plus petites vers les plus grosses. » Il existe donc des anastomoses qui,
sur les confins de leurs territoires de distribution respectifs, font communi¬
quer le domaine de chaque artère avec ceux de ses voisines. Toutefois, ces
anastomoses ne doivent pas être très importantes, car lès liquides injectés
dans l’une pénètrent assez lentement dans les autres, du moins dans la
majorité des cas. Ajoutons qu’elles ne sont pas assez larges pour rétablir la
circulation dans le territoire des artères cérébrales obturées par un thrombus
ou une embolie, et que, par suite, l’oblitération du tronc d’une des artères
cérébrales au voisinage immédiate de son émergence de l’hexagone, déter¬
mine un ramollissement étendu à la totalité du domaine physiologique de
1 artère oblitérée, tel qu'il est représenté sur les figures de la pl. XXXVIf.
Mais poursuivons l’étude de la distribution des artères dans le cerveau.
ARTÈRES DU CERVEAU 623

En émergeant du lacis pie-mérien, les artérioles qui s’en détachent s’enfon¬


cent directement dans les circonvolutions. Les unes, courtes, se distribuent
dans la substance grise des plis cérébraux, et ne tardent pas à s’y perdre
dans les réseaux capillaires qui enveloppent les cellules nerveuses ; on les
appelle pour cela corticales ; les autres, plus longues (elles mesurent de 3 à 4
centimètres de longueur), traversent la couche grise sans s’y diviser, et vont
former entre les faisceaux de fibres du centre ovale des mailles, généralement
.allongées, dans le sens de l’axe de ces faisceaux : on les appelle médullaires.
Ces deux espèces d’artérioles sont terminales au sens donné à cette épithète
par Coniieim, c’est-à-dire qu’elles ne se divisent pas et ne communiquent
jamais entre elles que par l'es capillaires qui leur font suite.
Ces dispositions expliquent plusieurs faits pathologiques dont voici les
principaux :
1° Puisque toutes les artérioles corticales naissent des artères cérébrales
qui cheminent dans la pie-mère, la circulation de l’écorce des circonvolu¬
tions se trouve étroitement tributaire de l’irrigation pie-mériemne. En d’au¬
tres termes, il ne peut pas exister de méningite sans un certain degré d’en¬
céphalite corticale concomitante.
2° Les artérioles médullaires naissant de la même façon et dans le même
point du lacis pie-mérien que les corticales, il in’y a pas d’altérations vascu¬
laires de l’écorce qui ne se répercute plus ou moins sur l'a substance blanche
sous-jacente.
3° Toute oblitération complète d’une artère cérébrale dans un point quel¬
conque de son trajet déterminera fatalement un foyer de ramollissement
nécrobiotique de la portion du cerveau où la circulation artérielle sera
interrompue ; et cet îlot de nécrobiose sera d’autant plus étendu en surface
et en profondeur, que l’artère aura été obturée plus près de son origine. Un
embolus du volume d’un grain de poudre de lycopode pénétrant dans une
artériole terminale, donnera lieu à un tout petit ramollissement miliaire ; un
embolus du volume d un grain de chanvre ou d’un pois, arrêté à l’origine
d une des branches des artères principales du cerveau, déterminera un
ramollissement de la grosseur d'une olive ou d’une amande intéressant à
la fois l’écorce et la substance blanche sous-jacente ; une oblitération sié¬
geant sur le tronc même de l’artère, au voisinage immédiat de son point de
départ sur l’hexagone, entraînera le ramollissement de la presque totalité
des régions du cerveau irriguées par ses branches collatérales et terminales.
Des trois artères cérébrales, la .sylvienne est de beaucoup celle qui joue
en pathologie le rôle le plus important. Elle fournit, en effet, de sang rouge
la plus grande partie des régions du cerveau à fonctions nettement diffé-
624 CENTRES NERVEUX

renciées, dont les lésions destructives provoquent des symptômes clinique¬


ment reconnaissables : 1° par les rameaux qui se détachent de son tronc et
traversent l’espace perforé pour se rendre dans les masses centrales, elle
commande la vitalité du corps strié, de la couche optique et de la capsule
interne, dont les altérations organiques provoquent l’hémiplégie capsulaire
commune ; 2° par ses branches ascendantes qui se distribuent à la frontale
et à la pariétale ascendante, aux pieds des deux premières frontales, au lo¬
bule pariétal supérieur, elle irrigue les centres moteurs corticaux des mem¬
bres supérieurs de la face, de la langue, du larynx Fa), les centres de
l’aphasie motrice et de l’agraphie (pieds de F3 et de F2), les centres de percep¬
tion tactile et kynesthésiques (Pa), et lobule pariétal supérieur) ; 3° par ses
branches descendantes et terminales, le centre des perceptions acoustiques
(Ttr) (1), le centre de l’audition et de la vision verbale (Ttr, T1 et T2) ; 4° en¬
fin, par les rameaux qu’elle fournit au pli courbe, aux circonvolutions de
l’insula et au lobule pariétal inférieur, les centres de la mémoire verbale. Les
seuls centres spécialisés qui lui échappent complètement sont : en avant et en
dedans, le lobule paracentral, centre de la motilité volontaire du membre
inférieur, qui est irrigué par des branches de l’artère cérébrale antérieure,
et en arrière le centre primaire des perceptions visuelles (scissure calcarine),
et les centres des perceptions gustatives et olfactives, dont les artérioles
nourricières sont fournies par des branches de la cérébrale postérieure.
Par les ramollissements que causent ses oblitérations emboliques ou
ihrombosiques, et les foyers . hémorragiques que déterminent ses ruptu¬
res spontanées, l’artère sylvienne se trouve être responsable de plus des deux
tiers des cas d’affections organiques limitées du cerveau. Elle est l’artère des
hémiplégies capsulaires, des monoplégies pures ou associées, de l’épilepsie
jacksonnienne, des aphasies. En outre, son domaine n’est pas à l’abri des
affections diffuses ou sans localisation précise, qui peuvent porter indistinc¬
tement sur toutes les régions de l’encéphale, tels que les abcès, les tumeurs,
les lésions traumatiques et les complications cérébrales des méningites infec¬
tieuses.

(1) Ttr, Temporale transverse, petite circonvolution qui réunit, flans le fond de la
scissure sylvienne, la lre temporale à l'insula de Reil.
CHAPITRE VI

VOIES DE CONDUCTION CORTICO-SPINALES

Nous comprendons sous ce titre les différents faisceaux de fibres nerveuses


qui, de la moelle, du bulbe, du cervelet et de l’isthme, remontent vers
l’écorce cérébrale (voie ascendante ou sensitive) ou, vice-versa, descendent
de l’écorce cérébrale vers l’isthme, le cervelet, le bulbe et la moelle (voie
descendante ou motrice). Le trajet de ces libres, ou le sait, est fort com¬
plexe. Nous le résumons schématiquement dans les quatre planches XXXVIII
à XLI, les deux premières étant consacrées à la voie sensitive, les deux autres
représentant la voie motrice.

ARTICLE PREMIER

VOIE ASCENDANTE OU SENSITIVE


[Planches XXXVIII et XXXIX J.

§ 1. — ANATOMIE

Les diverses impressions recueillies à la surface des téguments ou dans la


profondeur dos organes par les nerfs sensitifs (neurones sensitifs périphéri¬
ques) sont transmises par ces derniers aux cellules sensitives du névraxe
(neurones sensitifs des centres.) Ces cellules, nous le savons, occupent la
colonne grise centrale de la moelle et du bulbe, où elles sont, tantôt éparses,
tantôt réunies ein groupes : quelle que soit leur disposition, elles constituent
toujours morphologiquement, pour les nerfs précités, de véritables noyaux
de terminaisons. Ces noyaux terminaux des nerfs sensitifs, auxquels abou¬
tissent les cÿlindraxes des neurones périphériques, émettent d’autres cylin-
LES NERFS EN SCHÉMAS 40
626 VOIES DE CONDUCTION COETICO-SPINALËS

draxes, qui remontent vers le cerveau et transportent jusqu’à l’écorce les


impressions reçues par les cellules dont ils émanent. Or, ces cylindraxes
ascendants, pour gagner l’écorce cérébrale, suivent une double voie : les
uns s'y rendent directement par la protubérance, le pédoncule, la capsule
interne et le centre ovale ; les autres, suivant un chemin détourné, passent
par le cervelet. De ces deux voies, la première constitue la voie sensitive
principale ou spino-corticale ; la seconde, la voie sensitive accessoire ou céré¬
belleuse. Nous les examinerons séparément.

1° Voie sensitive principale. — La voie sensitive principale (PI. XXXVIII),


est l’ensemble des fibres nerveuses qui, des noyaux terminaux (soit spinaux,
soit bulbo-protubéranliels) des nerfs sensitifs, remontent directement vers
l’écorce cérébrale.
Ces fibres nous les connaissons :
a) Les unes, provenant des cornes postérieures de la moelle épinière
(rendez-vous des fibres courtes des racines postérieures des nerfs rachidiens),
se dirigent obliquement vers la commissure antérieure, traversent la ligne
médiane au niveau de cette commissure et viennent former, dans la partie
antérieure et superficielle du cordon latéral du côté opposé, un faisceau
compact, le faisceau de Cowers, lequel remonte ensuite, en conservant tou¬
jours sa situation latérale et superficielle, jusqu’à la partie inférieure du
bulbe, où nous allons le retrouver tout à l’heure.
P) Les autres naissent dans le bulbe, en partie des noyaux de Goll et de
Burdach (rendez-vous des fibres longues des racines postérieures des nerfs
rachidiens), en partie des noyaux terminaux des nerfs glosso-pharyngien,
pneumogastrique, vestibulaire et trijumeau (nous n’en représentons qu’une
seule dans notre planche XXXVIII). Ces fibres, de provenance bulbaire, se
dirigent en avant et en dedans, s’entrecroisent sur la ligne médiane avec
celles du côté opposé, atteignent la face postérieure du faisceau pyramidal
et là, se redressant pour devenir longitudinales et ascendantes, elles se por¬
tent. vers la protubérance : leur ensemble constitue le ruban de Reil.
Peu après son entrecroisement, le ruban de Reil reçoit sur son côté
externe le faisceau de Gowers correspondant (remontant de la moelle), qui
s’incorpore à lui et ne le quitte plus. Cette fusion du faisceau sensitif médul¬
laire avec le faisceau sensitif bulbaire, une fois effectuée, notre ruban de
Reil comprend tous les conducteurs sensitifs qui, des neurones périphéri¬
ques, remontent vers le cerveau. Remarquons que tous ces conducteurs sont
croisés : ceux qui forment le faisceau de Gowers se sont entrecroisés succes¬
sivement dans toute la hauteur de la moelle épinière ; les autres, ceux qui
A. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Ecorce cérébrale_ ^.Scissure interhémispliérique

PLANCHE XXXVIII

VOIE SENSITIVE PRINCIPALE


(,Spino-bulbo-corticale)
“3. DUPRET del. G. DOIN éditeur
voie ascendante ou sensitive 627

forment le ruban de Reil proprement dit, se sont entrecroisés en bloc dans


le tiers inférieur du bulbe.
Ainsi constitué, le ruban de Reil, qui représente la voie sensitive centrale,
traverse successivement le bulbe, la protubérance, le pédoncule cérébral
(voir, dans les Traités d’Anatomie, la forme et la situation qu’il présente dans
ces trois segments du névraxe) et, au sortir du pédoncule, arrive à la région
sous-optique. Là, il se partage en deux groupes de fibres, autrement dit en
deux faisceaux : le faisceau direct ou cortical, et le faisceau thalamique. ■—
Les fibres du faisceau cortical (fibres directes ou corticales) passent dans la
capsule interne, où elles occupent le tiers postérieur du segment lenticulo-
optique, s’engagent ensuite dans le centre ovale et, finalement, aboutissent
à l’écorce au niveau des circonvolutions pré- et rétro-rolandiques. — Les fibres
du faisceau thalamique (fibres interrompues ou thalamiques) pénètrent
dans la couche optique ou thalamus et s’y terminent par des extrémités
libres autour des cellules de cet organe. Ces cellules de la couche optique
émettent d’autres fibres, qui continuent pour ainsi dire les premières et qui,
à leur tour, traversent successivement la capsule interne et le centre ovale
pour aboutir à l’écorce.
En résumé, toutes les fibres, dont l’ensemble constitue la voie sensitive
principale ou voie sensitive centrale, qu’elles soient directes ou interrom¬
pues, se rendent à la zone sensitivo-motrice de l’écorce et, d’autre part, elles
sont croisées, c’est-à-dire que chaque hémisphère tient sous sa dépendance
la sensibilité de la moitié opposée du corps.

2° Voie sensitive secondaire ou cérébelleuse. — La voie sensitive céré¬


belleuse (planche XXXIX) est constituée par des fibres à trajet ascendant qui,
des noyaux terminaux des nerfs sensitifs périphériques, se rendent au cer¬
velet et, de là, à l’écorce cérébrale.
A la moelle, ces fibres prennent naissance dans les cellules de la colonne
vésiculaire de Clarke (noyaux terminaux des fibres moyennes des racines
postérieures des nerfs rachidiens.) Suivant tout d’abord un trajet horizontal,
(fig. 137, p. 516), elles se portent vers la partie postérieure et superficielle
du cordon latéral où elles forment, en se redressant vers le haut, le faisceau
cérébelleux direct. Ce faisceau, arrivé au bulbe, gagne la face latérale de ce
dernier organe, passe dans le pédoncule cérébelleux inférieur et, finalement,
vient se terminer dans 1 ecorce du vermis supérieur. Comme son nom l’indi¬
que (faisceau cérébelleux direct), il ne change pas de côté.
Dans sa traversée bulbaire, le faisceau cérébelleux direct est rejoint par
des fibres de même valeur, les unes directes, les autres croisées, qui éma-
628 VOIES DE CONDUCTION COlîTiCO-SlTNALËS

ncnt des deux noyaux de Goll et de Burdach (noyaux terminaux des fibres
longues des racines postérieures des nerfs rachidiens). Il reçoit probable¬
ment encore un certain nombre de fibres additionnelles, qui ont leur ori¬
gine dans les divers noyaux terminaux des nerfs sensitifs bulbaires (pneu¬
mogastrique, glosso-pharyngien, vestibulaire et trijumeau) ; mais l’existence
de ces dernières fibres in'a pas encore été nettement constatée.
L’écorce cérébelleuse et les noyaux dentelés émettent à leur tour des fibres,
à trajet ascendant par rapport au cerveau, qui se jettent dans les pédoncules
cérébelleux supérieurs, s’entrecroisent sur la ligne médiane avec celles du
côté opposé et vont jusqu’à la zone sensitivo-motrice de l’écorce cérébrale,
soit directement, soit plutôt après interruption dans le noyau rouge de la
calotte et dans le thalamus. Cette voie cérébello-cérébrale est donc formée
par une série de neurones disposés en chaîne, qui réunissent, avec différents
relais, le cervelet au noyau rouge, le noyau rouge au thalamus et celui-ci
à l’écorce cérébrale. Quelle que soit la complexité de cette voie, van Gehucii-

ten n’hésite pas à la considérer comme la continuation vers le cerveau de


la voie ascendante spino-cérébelleuse, formée par le faisceau cérébelleux
direct et par les faisceaux de même valeur, qui naissent du bulbe : « Elle
ne sert pas uniquement, dit-il, à transmettre les excitations périphériques à
l’écorce cérébrale. Nous la croyons principalement destinée à transmettre
ces excitations périphériques à diverses parties importantes du névraxe
(écorce cérébelleuse, couche optique), d’où partent alors des fibres descen¬
dantes ou motrices, par lesquelles l’organisme peut répondre, par voie
réflexe, à ces excitations du dehors. Cette voie sensitive cérébelleuse servi¬
rait donc avant tout aux mouvements réflexes. »

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

Malgré les nombreux travaux qu’a suscités son étude, le problème de la


marche des excitations sensitives dans le inévraxe n’est, pas encore complète¬
ment résolu, il semble, cependant, bien démontré par les expériences physio¬
logiques et par les observations anatomo-cliniques que les impressions tactiles
suivent le chemin direct figuré sur la planche XXX1\. Colligées par les cor¬
puscules encapsulés de Meissner (corpuscules du tact), et probablement aussi
par les terminaisons en pointes libres des fibres nerveuses dans l’épiderme,
elles pénètrent dans la moelle par les racines postérieures, s’entrecroisent
aussitôt, fibre à fibre, dans les cornes postérieures, et remontent en majeure
partie vers le bulbe, par le faisceau de Gowers.
A. PITRES L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Ecorce cérébrale_ .Scissure interhémisphérique

Noyau roule
Noyau lenticulaire.T de la calotte

Ecorce cérébelleuse... Pédoncule cérébelleux


supérieur

Noyau dentelé .. J Pédoncule cérébelleux


DU CERVELET inférieur

Noyau de Burdach

Bulbe
Noyau de Goll

. Faisceau cérébelleux
Moelle, vue posl DIRECT

PLANCHE XXXIX

VOIE SENSITIVE SECONDAIRE OU CEREBELLEUSE


(,Spino-cérébello-corticale)

S. DUPRET del. G. DOIN éditeur.


VOIE ASCENDANTE OU SENSITIVE 629

Mais les impressions dolorifiques et thermiques suivent vraisemblable¬


ment, chez l’homme tout au moins, une autre voie. Elles paraissent che¬
miner dans la substance grise du col des cornes postérieures. Cette opinion
est fondée sur la constatation de la dissociation sensitive maintes fois observée
sur des sujets atteints de syringomyélie. Les cavités gliomateuses qui se
produisent dans cette maladie désorganisent souvent le col des cornes
postérieures sans atteindre les cordons latéraux. Dans ces cas les malades
conservent intégralement la sensibilité tactile, mais ils n’éprouvent aucune
sensation douloureuse quand on pique ou brûle profondément les extrémités
de leurs membres correspondant aux régions de la moelle où siège la cavité
pathologique. Il est donc logique de conclure que les impressions dolori¬
fiques et thermiques passent par des conducteurs contenus dans la substance
grise de la région postérieure de la moelle, et non pas, comme les impres¬
sions tactiles par les fibres longues des cordons latéraux, groupées dans le
faisceau de Gowers.
La sensibilité musculaire ou kimesthésie, qui joue un rôle capital dans les
associations synergiques et réflexes d’où dérivent les fondions de l’orien¬
tation et de l'équilibre, a pour organe principal le système médullo-céré-
bello-cortical représenté sur la planche XXXIX.
Les impressions d’origine musculaire sont colligées par des terminaisons
sensitives spéciales : les fuseaux neuro-musculaires dans les muscles, les
reseaux de Golgi dans les tendons, les corpuscules de Water et de Pacini dans
les aponévroses ; elles nous donnent les sensations spécifiques correspondant
au degré de raccourcissement, de traction ou de compression de ceux de nos
muscles que nous faisons contracter volontairement, et provoque en même
temps, indépendamment de notre volonté, les modifications du tonus des
autxes muscles qui doivent entrer synergiquement en action pour assurer
l’équilibre harmonique de nos membres et de notre tronc.
Le cervelet est le grand centre où aboutissent les excitations kinesthési
ques et où elles se transforment en incitations centrifuges réflexes, dont les
voies sont indiquées dans la planche XXXIX.
Il a pour annexe dans ses fonctions les fibres d’association intra-médullain
groupées dans les laisceaux de Goll, fibres qui relient les uns aux autres les
divers étages de la substance grise de la moelle, et constituent un organe
de perfectionnement destiné à assurer l’harmonisation synergique des mou¬
vements. Mais on remarquera que le cervelet et les faisceaux de Goll ne sont
indispensables ni à la perception des sensations, ni à l’exécution des mouve¬
ments volontaires simples. Un malade, dont le cervelet est profondément
altéré par une hémorragie ou un ramolissement n’a perdu ni la sensibilité
630 VOIES UE CONDUCTION COHTICO-SPINALES

ni la motricité volontaire ; il sent les contacts, les piqûres, les brûlures ; il


peut fléchir et étendre ses membres ; ses mouvements sont simplement
asynergiques et mal coordonnés. De même, un tabétique dont les faisceaux
de Goll sont sclérosés dans toute leur étendue n’est ni anesthésique, ni para¬
lytique • il a simplement de l’incoordination motrice, et s’il éprouve des
douleurs fulgurantes ou des troubles viscéraux, ces phénomènes tiennent à
d’autres causes qu’à la sclérose de ses cordons de Goll, particulièrement aux
lésions de radiculites de la région lombo-sacrée.

ARTICLE II

VOIE DESCENDANTE OU MOTRICE


[Planches XL et XLI],

§ 1. - ANATOMIE

Les incitations motrices cérébrales, parties de l’écorce, se rendent aux


noyaux d’origine des nerfs moteurs, soit crâniens, soit rachidiens, lesquels,
dans un deuxième temps, les transmettent aux muscles par les nerfs moteurs
périphériques. Ces incitations, descendantes ou centrifuges, suivent elles
aussi une double voie : les unes se portent directement, à travers le pédoncule
cérébral ët la protubérance, vers les noyaux d’origine des nerfs moteurs,
c’est la voie motrice principale ; les autres, suivant un chemin détourné,
un chemin à la fois plus long et plus complexe, passent par le cervelet,
c’est la voie motrice secondaire ou cérébelleuse. Comme nous l’avons fait
pour la voie sensitive, nous les examinerons séparément.

1° Voie motrice principale. — La voie motrice principale (planche XL)


est constituée par des fibres qui proviennent des cellules pyramidales de
1 écorce cérébrale (zone pré- et rétro-rolandique). Ces libres, après un trajet
plus ou moins long, viennent se terminer par des arborisations libres : les
une dans les noyaux d’origine des nerfs moteurs bulbo-protubérantiels ; les
autres dans les cornes antérieures de la moelle, qui sont les véritables noyaux
d’origine des fibres motrices des nerfs rachidiens. Les cellules nerveuses,
autour desquelles se terminent les fihres précitées, émettent des cylindraxes
qui, sortant de la moelle ou du bulbe, se portent vers les muscles et s’y
terminent, comme on le sait, par des plaques motrices. La voie motrice,
\. PITRES et L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Centre moteur du
Scissure interliémisphérique._ MEMBRE INFÉRIEUR CENTRE MOTEUR DD
MEMBRE SUPÉRIEUR

Ecorce cérébrale

Zone
d’origine
DU
FAISCEAU
GÉN1CULÉ

Faisceau pyramidal Faisceau pyramidal

Un nerf bulbaire../ / __ Entrecroisement


avec son noyau d’origine..j DES PYRAMIDES

Faisceau pyramidal Faisceau pyramidal


direct DIRECT

Faisceau pyramidal . Faisceau pyramidal


croisé croisé

Moelle
Corps musculaires

C#

PLANCHE XL

VOIE MOTRICE PRINCIPALE


(Curtico-bulbu-ÿpinaU-•

S. DUPRET fiel. G. DOIN éditeur.


VOIE DESCENDANTE OU MOTRICE 631

envisagée dans son ensemble, comprend donc deux ordres de neurones : des
neurones centraux, qui relient l’écorce cérébrale aux noyaux d’origine des
nerfs moteurs ; des neurones périphériques, qui vont de ces noyaux aux
corps musculaires. Constatons, en passant, que les neurones périphériques,
en dépit du nom qu’ils portent, ont leur corps cellulaire, et même une partie
de leur cylindraxe, situés dans les centres nerveux. Bien que les fibres de la
voie motrice principale aient
toutes la même valeur morpho¬
logique, on les groupe d’ordi¬
naire en deux faisceaux : lu un
faisceau relativement petit, qui
se termine au bulbe, et qui est
le faisceau géniculé ; 2° un fais¬
ceau beaucoup plus volumi¬ N. masticateur.

neux, qui se rend à la moelle, Mot. oc. externe.

et qui est le faisceau pyramidal.


Facial.

a) Faisceau géniculé. — Le
Glosso pharyngien
faisceau géniculé, ainsi appelé
Pneumogastrique.
parce qu'il occupe, dans la cap¬
Grand hypoglosse.
sule interne, la région désignée
Spinal.
sous le nom de genou, est l’en¬
semble des fibres nerveuses
auxquelles est dévolue la fonc¬
tion de transmettre les incita-
lions motrices cérébrales aux
noyaux d’origine des nerfs mo¬ Mode de terminaison du faisceau géniculé
Ligne médiane. — limite du bulbe et de la
teurs bulbo-protubérantiels. moelle. — 1, 1, faisceaux moteurs gauche et droit,
avec : 2, 2’, faisceau pyramidal descendant dans la
Ces fibres proviennent de !a moelle. — 3, 3’, faisceau géniculé se terminant,
après entrecroisement sur la ligne médiane, dans
partie inférieure de la zone les noyaux moteurs bulbo-protubérantiels.

sensitivo-motrice de l’écorce,
c’est-à-dire du quart inférieur des deux circonvolutions frontale
et pariétale ascendantes et de l’opercule rolandique. De là, elles se portent
en dedans, puis en bas et en arrière pour gagner le bulbe.- Elles traversent
successivement pour se rendre à destination, le centre ovale, la capsule
interne, le pédoncule cérébral et la prolubérance annulaire. 11 est probable
que tout en haut, avant d’atteindre le bulbe, il envoie des fibres aux noyaux
de l’oculo-moteur commun et du pathétique.
Arrivé dans le bulbe (et peut-être même plus haut) le faisceau géniculé,
jusque-là plus ou moins compact, se partage en quatre faisceaux secondaires,
632 VOIES DE CONDUCTION CORTICO-SPINALES

qui sont le faisceau mastic#'eur, le faisceau oculo-moteur externe, le faisceau


facial et le faisceau du grand hypoglosse. Ces quatre faisceaux, s’infléchissant
en dedans, s’cnlre-eroisent sur la ligne médiane avec les faisceaux homolo¬
gues du côté opposé, et viennent se terminer : le premier, dans le noyau
moteur du trijumeau ou noyau masticateur ; le second, dans le noyau oculo-
moteur externe ; le troisième, dans le noyau du facial ; le quatrième, dans
les noyaux de l’hypoglosse. Il est, probable, il est certain même, que le fais¬
ceau géniculé envoie également des libres au noyau ambigu, d’où s’échap¬
pent, comme on le sait, le spinal bulbaire et les faisceaux moteurs des nerfs
mixtes. Ces dernières fibres sont, comme les précédentes, des fibres croisées.
Au total, toutes les fibres du faisceau géniculé traversent la ligne médiane
à la partie inférieure de la protubérance ou à la partie supérieure du bulbe,
avant de se rendre aux noyaux moteurs auxquels elles sonl destinées. Chaque
hémisphère cérébral exerce donc son influence, en ce qui concerne les groupes
musculaires innervés par les noyaux précités, sur les muscles du côté opposé.
b) Faisceau pyramidal. — Le faisceau pyramidal, ainsi dénommé parce qu’il
forme, au niveau du bulbe, ces deux gros cordons que l’on désigne sous le
nom de pyramides antérieures, comprend toutes les fibres de la voie motrice
centrale, qui vont de la zone motrice du cerveau à la moelle épinière : elles
ont pour fonction de transmettre les incitations motrices cérébrales aux
noyaux d’origine des racines antérieures des nerfs rachidiens. Ces fibres
ont leur origine dans la partie moyenne et la partie supérieure de la zone
sensitivo-motrice de l’écorce et, pour spécifier, dans les trois quarts supé¬
rieurs des deux circonvolutions frontale ascendante et pariétale ascendante,
dans le lobule paracentral et probablement aussi (Flechsig) dans la portion
de la circonvolution frontale interne qui avoisine ce dernier lobule.
Suivies dans leur trajet descendant, les fibres constitutives du faisceau
pyramidal traversent successivement le centre ovale, la capsule interne, le
pédoncule célébrai, la protubérance annulaire, le bulbe, et arrivent à la moel¬
le. Jusqu’au bulbe c’est un faisceau compact. A la partie inférieure du bulbe,
au niveau de cet entrecroisement médian connu sous le nom de décussation
des pyramides, il se partage en deux paquets de fibres nettement distinctes :
1° l’un, plus petit, descend directement dans le cordon antérieur de la moelle
du côté correspondant, c’est le faisceau pyramidal direct ou faisceau de
Türck ; 2° l’autre, beaucoup plus important, s’entre-croise sur la ligne,
médiane avec celui du côté opposé ; puis, s’infléchissant en dehors et en
arrière, il décapite les cornes antérieures et, sous le nom de faisceau pyra¬
midal croisé, vient se placer à la partie postérieure du cordon latéral. Le
mode de terminaison de ces deux faisceaux est le suivant : les fibres consti-
VOIE DESCENDANTE OD MOTRICE 633

tutives du faisceau pyramidal croisé, arrivées à la région où elles doivent


se terminer, s’inclinent en avant et en dedans, pénètrent dans la corne anté¬
rieure et s’y résolvent chacune en une arborisation terminale dont les fibres,
entièrement libres, enlacent les cellules radiculaires de cette corne ; les
fibres du faisceau pyramidal direct franchissent la ligne médiane successi¬
vement, paquets par paquets, en s’v en
:.nv
Fa 1 sc. pvrarn icLal Faisc. pyramidal
Décroisant avec celles du côté opposé, anoit g-auche

et viennent alors se terminer, à des hau¬


teurs diverses, autour des cellules mo¬
trices de la corne antérieure ; du reste,
leur mode de terminaison autour des
cellules motrices des cornes antérieu¬
res est exactement le même que celui
des fibres du faisceau pyramidal croisé.
En résumé, toutes les fibres c< nstitu-
tives de la voie motrice centrale, qu’el¬
les suivent le faisceau direct ou le fais¬
ceau croisé, se rendent, après entrecroi¬
sement sur la ligne médiane, dans les
cornes antérieures de la moelle épinière
et, là, se terminent par des arborisations
libres autour des cellules motrices ou
radiculaires. Comme, d’autre part, ces
cellules donnent naissance aux racines
antérieures ou racines motrices des
nerfs rachidiens, c’est aux racines an¬
térieures et aux muscles innervés par Schéma montrant la manière dont se
comporte le faisceau pyramidal en
elles qu’aboutissent, en dernière ana¬ passant doi bulbe à la moelle.
lyse, les deux faisceaux pyramidaux : •x'.r, ligne médiane
1, un tronpon de moelle cervicale, vue
celui du côté gauche, aux muscles du antérieure. — 2, 2, faisceau pyramidal
droit et faisceau pyramidal gauche. — 3,
côté droit ; celui du côté droit, aux 3, faisceau pyramidal croisé. — 4, 4, fais¬
ceau pyramidal direct. — 5, 5, faisceau de
muscles du côté gauche. Nom pouvons fibres homolatérales, se rendant, sans
changer de côté, au faisceau pyramidal
donc appliquer au faisceau pyramidal croisé.

la formule énoncée tout à l'heure à pro-


pos du faisceau géniculé, à savoir que chaque hémisphère cérébral tient
sous sa dépendance la motilité de la moitié opposée du tronc et des membres.
Tl convient d’ajouter, en se basant sur des observations anatomo-patholo¬
giques nombreuses, que le faisceau pyramidal croisé, tout en envoyant la
plus grosse partie do ses fibres dans le cordon latéral du côté opposé (après
634 VOIES DE CONDUCTION COHTICO-SPINALES

entrecroisement), en envoie un certain nombre (sans entrecroisement) dans


le cordon latéral du côté correspondant : ces fibres sont les fibres homolaté¬
rales du faisceau pyramidal croisé.
Nous pouvons donc résumer comme suit le trajet sous-bulbaire des fibres
pyramidales. Chaque pyramide antérieure du bulbe se partage, à la partie
inférieure de cet organe en trois faisceaux, savoir (fig. 162, p. 633) : 1° le
faisceau pyramidal direct ou antérieur (faisceau de Türck) qui, sans changer
de côté, vient occuper dans la moelle la partie interne du cordon antérieur ;
2° le faisceau pyramidal croisé ou latéral qui, après entrecroisement sur la li¬
gne médiane; se porte à la partie postérieure du cordon latéral du côté oppo¬
sé ; 3° le faisceau de fibres homolatérales, qui vient grossir le faisceau pyra¬
midal latéral du même côté, lequel renferme en réalité deux ordres de fibres,
des fibres croisées (ce sont les plus nombreuses) et des fibres directes.

2° Voie motrice secondaire ou cérébelleuse. — La voie motrice secon¬


daire ou cérébelleuse (planche XLI) est constituée par des fibres qui, comme
celles de la voie principale, proviennent de la zone sensitivo-motrice de
l’écorce cérébrale et ne sont que les prolongements cylindraxiles des
cellules pyramidales. Suivant un trajet descendant, elles traversent succes¬
sivement le centre ovale, la capsule interne et le pédoncule cérébral, intime¬
ment mélangées aux fibres des deux faisceaux pyramidal et géniculé. En
quittant le pédoncule, elles passent dans la protubérance et s’y terminent,
chacune par une arborisation libre, autour des noyaux du pont.
Jusque-là la voie est directe.
Les cellules des noyaux du pont donnent naissance à de nouvelles fibres,
lesquelles, s’inclinant en dédains, gagnent la ligne médiane, s’y entrecrois¬
sent avec celles du côté opposé, passent alors dans le pédoncule cérébelleux
moyen correspondant, pénètrent avec lui dans le cervelet et, finalement,
viennent se terminer, toujours par des arborisations libres, dans l'écorce de
cet organe.
A son tour, l’écorce cérébelleuse émet des fibres descendantes (fibres de
Marchi) qui, par le pédoncule cérébelleux inférieur, se rendent au bulbe
et à la moelle, où elles se disséminent dans les différents faisceaux du cordon
antéro-latéral. Après un parcours, qui est naturellement variable pour cha¬
cune d’elles, elle s’infléchissent vers lia corne antérieure, pénètrent dans
cette corne et s’y résolvent en des arborisations terminales, lesquelles, se
comportant exactement comme les arborisations terminales des fibres du fais¬
ceau pyramidal, enlacent les cellules motrices d’où émergent les racines anté¬
rieures des nerfs rachidiens. Ces fibres cérébello-spinales sont, pour la
A. PITRES el L. TESTUT. LES NERFS EN SCHEMAS.

Ecorce cérébrale_, Scissure interhémisphériquc

PLANCHE XLI

VOIE MOTRICE ACCESSOIRE


(Cort ico-cérébcllo-spMnnl)

S. DUPRET (lel. G. DOIN éditeur


VOli: DESCENDANTE OU MOTRICE 635

plupart, directes ; un petit nombre seulement franchissent la ligne médiane


et, par conséquent, sont croisées.
Comme on le voit, la voie motrice cérébro-cérébello-spinale est constituée
par une chaîne deux fois interrompue, autrement dit par trois neurones :
1° une premier neurone cérébro-protubérantiel ou cérébro-pontique, dont
le corps cellulaire n’est autre que la cellule pyramidale de l’écorce cérébrale,
et dont le cylindraxe se rend aux noyaux du pont ; 2° un deuxième neurone
ponto-cérébfilleux, qui relie les noyaux du pont à l’écorce cérébelleuse ; 3° un
troisième neurone, dit cérébello-spinal ou' cérébello-médullaii'e. qui, de
l’écorce cérébelleuse, descend vers les noyaux moteurs du bulbe et dans les
cornes antérieures de la moelle.
La voie motrice cérébelleuse est, comme la voie motrice principale, une
voie croisée. Elle paraît avoir pour fonction, moins de transmettre aux
muscles les incitations motrices volontaires, que d’associer et de coordonner
les mouvements.

§ 2. - PHYSIOPATHOLOGIE

Il a été expliqué plus haut comment, dans le long trajet que suivent les
incitations motrices volontaires pour se rendre de la région rolandique des
hémisphères cérébraux, d’où part l’ordre d’exécution du mouvement voulu,
jusqu'au muscle qui doit réaliser ce mouvement, deux neurones superposés
entrent en jeu (voir p. 526).
Les cellules mères du neurone central sont incluses dans la couche grise
des circonvolutions pré-rolandiques. Par leurs prolongements denditriques,
elles se trouvent en relation avec les terminaisons cylindraxiles des cellules
psycho-sensorielles, des régions voisines de l’écorce. Leurs axones démesu¬
rément allongés sont dirigés vers les parties centrales de la masse cérébrale.
Après s’être recouverts d’une gaine de myéline, ils forment les cylindraxes
des fibres nerveuses dont l’ensemble constitue les faiscaux pyramidaux, qui
se terminent dans les noyaux d’origine des nerfs moteurs bulbaires et rachi¬
diens.
Les cellules mères du neurone périphérique sont situées dans ces noyaux.
Par leurs dendrites elles s’articulent avec les terminaisons cylindraxiles des
neurones moteurs centraux. Leurs axones forment les cylindraxes des fibres
nerveuses qui sortent des noyaux d’origine des nerfs moteurs périphériques,
et s étendent sans nouveau relai jusqu’aux plaques motrices des muscles
qu’elles sont destinées à innerver.
636 VOIES DE CONDUCTION CORTICO-SPINALES

Ces dispositions anatomiques expliquent plusieurs particularités de la


physiopathologie du système neuro-musculaire. Rappelons les plus impor¬
tantes :
1° Bien qu’ils soient fonctionnellement associés, le neurone cortico-spinal
et le neurone spino-musculaire, sont organiquement indépendants. Dès lors,
chacun d’eux peut être isolément le siège de dégénérations secondaires.
Lorsqu'une lésion destructive a désorganisé la région motrice de l’écorce
pré-rolandique, le faisceau pyramidal sous-jacent dégénère en masse dans
toute son étendue. Quant au neurone périphérique, spino-musculaire, dont
les cellules n’ont pas été atteintes par les lésions, il conserve toute sa vitalité.
Le malade est hémiplégique, parce que la voie motrice étant interrompue
entre le cerveau et la moelle celle-ci ne reçoit plus les ordres d’exécution.
Mais les nerfs et les muscles des membres paralysés n’ont perdu ni leur
structure normale ni leurs propriétés biologiques ; ils répondent fort bien
aux excitations mécaniques ou électriques ; leur réflectivité est plutôt exa¬
gérée. 11 en est tout autrement lorsque les noyaux d’origine des nerfs moteurs
sont détruits. Dans ce cas, les nerfs partant des cellules contenues dans ces
noyaux dégénèrent, les muscles qui leur font suite s’atrophient, les réac¬
tions réflexes sont supprimées. C’est ce qui se passe dans les poliomyélites
aiguës, subaiguës ou chroniques, et aussi dans les paralysies succédant aux
sections des nerfs moteurs périphériques.
2° L’entrecroisement de la majeure partie des fibres des faisceaux pyrami¬
daux rend compte du fait que les paralysies d’origine cérébrale sont croisées,
c’est-à-dire siègent du côté du corps opposé à l’hémisphère lésé. Mais nous
avons vu qu’un certain nombre des fibres de ces faisceaux, échappant à
l’entrecroisement, se rendent directement : chez certains sujets dans le
faisceau de Tiirck, chez d’autres dans le cordon latéral du côté correspon¬
dant. Leur existence constante explique que dans l’hémiplégie vulgaire tous
les muscles du côté paralysé ne sont pas également frappés d’inertie. Il est
d’observation courante que ceux des masses sacro-lombaires, de la nuque,
du cou, des globes oculaires sont beaucoup moins atteints que ceux des
membres, sans doute parce qu’ils reçoivent à la fois leur innervation en
partie des fibres entrecroisées et en partie des fibres directes.
3° Les rapports de contiguïté du faisceau pyramidal avec les noyaux des
nerfs moteurs du bulbe et de la protubérance expliquent aussi comment des
lésions en foyer de la région bulbo-protubérantielle peuvent donner lieu à
des paralysies alternes, proAroquées par la lésion simultanée d’un ou de
plusieurs des noyaux d’origine de ces nerfs, déterminant leur paralysie
homolatérale, et du faisceau pyramidal sous-jacent amenant, par suite de
Vol K DESCENDANTE OLJ MoTKiCE 637

l’entrecroisement de ce faisceau à la partie inférieure du bulbe, une para¬


lysie des membres du côté opposé. (Voy. iig. 144, p. 555) pour la description
des diveises variétés de ces paralysies alternes).
4° A l’appareil de la motilité volontaire, est adjoint un appareil beaucoup
plus compliqué de la motilité synergique et réflexe. Sa fonction consiste
à assurer automatiquement l'harmonie des mouvements voulus et à main¬
tenir, sans intervention immédiate de notre volonté, l’équilibre général de
notre corps. Son organe central est le cervelet. Celui-ci reçoit, par les voies
étudiées plus haut, les impressions kinesthésiques et les transforme en inci¬
tations motrices coordonnées qui se réfléchissent et parviennent aux muscles
qu’elles doivent actionner par les voies figurées sur le schéma de la plan¬
che XL).
Pour si simple que paraisse un mouvement volontaire, son exécution
régulière et adéquate à son but implique une série fort complexe de synergies
musculaires. Nous voulons nous protéger contre une agression menaçante :
nous plaçons aussitôt notre poing fermé au devant de notre visage, dans
la position de la garde des boxeurs. Les fléchisseurs de nos doigts se sont
contractés les premiers ; mais, dans ce mouvement voulu, ils ne sont pas
seuls entrés en jeu ; les longs extenseurs du poignet se sont contractés eux
aussi, sans quoi la flexion énergique des doigts aurait fatalement entraîné
celle du poignet, et celui-ci serait présenté à l’adversaire en une position
aussi désavantageuse pour l’attaque que pour la défense ; en même temps les
muscles du tronc et des membres inférieurs se sont instinctivement raidis,
de façon à stabiliser le corps, dans un équilibre solide.
Toutes ces associations synergiques tendant à un but que nous voulons
atteindre, mais dont notre conscience ignore absolument les moyens d’exé¬
cution, sont, dirigées et harmonisées par le cervelet. Sans lui les mouvements
élémentaires de flexion et d’extension des membres sont possibles ; mais
les mouvements d’ensemble, qui doivent être étroitement adaptés à un but
déterminé, sont exécutés maladroitement ; ils sont trop amples et dépassent
le but, ou trop limités et ne l’atteignent pas ; ils sont asynergiques. Ainsi
se produisent les phénomènes de trémulation, de titubation, d’adiadococî-
nésie qui caractérisent en clinique les affections organiques du cervelet.
En définiIive, les appareils nerveux centraux qui président à l’exécution
des mouvements sont le cerveau et le cervelet, munis chacun de deux voies
de conduction : l’une centrifuge ou motrice, l’autre centripète ou sensitive,
qui les tiennent constamment en rapport avec la moelle épinière et, par l’in¬
termédiaire de celle-ci, avec les nerfs et les muscles périphériques.
Le cerveau est l’organe où s’élaborent les opérations psychiques. Tout acte
638 Voies de conduction cortîco-spînalës

volontaire est conçu, délibéré et commandé par lui. S’il s’agit d’un mouve¬
ment très simple, comme par exemple la flexion d’un avant-bras sur le bras,
le cerveau envoie à la moelle par le faisceau pyramidal (voie centrifuge) l’or¬
dre de faire exécuter cette flexion avec une vitesse et une énergie détermi¬
nées. U ignore les muscles qui doivent entrer en action pour- cela ; c’est à la
moelle qu’il appartient de transmettre l’incitation voulue en la répartissant
comme i! convient aux fléchisseurs de 1 avant-bras et à leurs antagonistes. !1
surveille cependant la façon dont son ordre est accompli, et peut à tout ins¬
tant stimuler, modérer ou arrêter le mouvement en cours, car il est perpé¬
tuellement renseigné sur le degré de déplacement segmentaire des mem¬
bres et de tension tonique de leurs muscles par les impressions partant des
fuseaux neuro-musculaires et des terminaisons nerveuses contenues dans les
tendons et les aponévroses péri-articulaires, impressions qui remontent vers
la moelle par les voies de conduction centripète et parviennent dans le cer¬
veau où elles donnent lieu aux perceptions kynesthésiques.
Le cervelet est l’organe central de l’équilibration. A ce titre il joue un rôle
de tout premier ordre dans les mouvements complexes coordonnés comme
ceux de la marche, la course, le saut, la natation, etc. C’est aussi le cerveau
qui les déclanche et les surveille ; mais leur exécution régulière exige une
série d’actes réflexes, dont l’association harmonique est sous la dépendance
immédiate de l'appareil cérébelleux. Il faut, en effet, que dans tous ces mou¬
vements l’équilibre de la tête et du tronc soit incessamment maintenu, mal¬
gré le déplacement du centre de-gravité des corps. C’est au cervele,t qu’est
dévolue la fonction d’assurer cet équilibre : il dispose, à cet effet, de voies de
conduction cérébello-spinalcs et spino-cérébelleuses incluses dans les cordons
latéraux de la moelle et des innombrables centres de réflexion contenus dans
la colonne grise centrale.
CHAPITRE VII

VOIES REFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

On désigne sous le nom de réflexes les réactions motrices, vasculaires,


sécrétoires ou autres qui succèdent automatiquement au passage de l’exci¬
tation d’un neurone ou d’une chaîne neuronale à conduction cellulipète,
dans un neurone ou une chaîne neuronale à conduction cellulifuge. Les
deux neurones ou chaînes neuronales intéressés dans la production d’un
réflexe donné peuvent d’ailleurs appartenir au système neuro-musculaire
de la vie animale ou à celui de la vie organique, ou bien l’un au premier
et l’autre au second de ces systèmes. Leur nœud de réfléchissement, c’est-à-
dire le lieu où s’opère leur conjonction, se trouve, selon les cas, dans l’axe
cérébro-médullaire (cerveau, protubérance, bulbe ou moelle épinière) ou
bien dans les ganglions ou les plexus nerveux munis de cellules neurales
du grand sympathique.

§ 1. — NOMENCLATURE DES RÉFLEXES

La nomenclature en usage pour désigner les divers réflexes physiologiques


et pathologiques est très défectueuse. Les dénominations qu’on leur applique
sont en effet tirées : tantôt de la partie du névraxe où s’opère leur réfléchisse-
menit (réflexes corticaux, bulbaires, médullaires, etc.), tantôt de l’organe
d’où part l’excitation qui leur donne naissance (réflexes cutanés, tendineux,
cornéens, etc.), tantôt du siège de la réaction résultant de cette excitation
(réflexes pupillaire, cardiaque, sphinctérien, etc.), tantôt de la nature même
de la réaction (réflexes nauséeux, inspiratoire, vaso-moteur, etc.), tantôt,
enfin, et il sérail désirable qu’il en fut toujours ainsi, par le point de départ
de 1 excitation provocatrice et le lieu de la réaction (réflexes oculo-cardiaque,
œsophago-salivaire, etc.).
Longet en a donné une classification basée sur la physiologie ; il les a
640 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

divisés en deux groupes : 1° mouvements réflexes des muscles de la vie


animale, provoqués par l’excitation : a) de nerfs de la vie animale ; b) de
nerfs de la vie organique ; 2’ mouvements réflexes des muscles de la vie
organique, provoqués par l’excitation : a) de nerfs de la vie animale ; b) de
nerfs de la vie végétative.
Cette classification, à laquelle on peut surtout reprocher de ne pas tenir
compte des réflexes déclenchés par des excitations psycho-émotionnelles,
n’est pas entrée dans le langage médical courant.
Shérrington en a proposé ultérieurement une autre, qui a été accueillie
avec plus de faveur par les médecins. Il divise les réflexes en trois groupes :
1° les réflexes externoceptifs ; 2° les réflexes internoceptifs ; 3° les réflexes
proprioceptifs.
a) Les réflexes externoceptifs sont provoqués par des excitations extérieures
à l’organisme du sujet qui les subit et les perçoit. Leurs réactions sont des
mouvements simples, brusques, ayant pour effet de soustraire le point irrité
à la cause d’irritation qui l’offense. Ils oni peu de tendance à diffuser au delà
des muscles qui réalisent le mouvement consécutif à l’excitation. Leurs centres
de réfléchissement se trouvent dans les divers métamères de la moelle où
pénètrent les filets sensitifs et d’où partent les filets moteurs intéressés à la
production du réflexe en jeu. Dans ce groupe figurent les réflexes cutanés,
les réflexes protecteurs des organes des sens, les réflexes tendineux et les
réflexes ostéo-périostiques.
b) Les réflexes internoceplifs sont déclanchés par des excitations, générale¬
ment non perçues, des organes internes : viscères abdominaux et thoraci¬
ques, muqueuses de l’appareil digestif, etc. Leurs réactions sont d’ordre
sécrétoire, vasculaire ou moteur. Leur réflexion s’opère habituellement dans
les ganglions agglomérés ou plexiformes du système sympathique. Ce sont
eux qui président à la sécrétion des glandes digestives, aux modification vaso¬
motrices splanchno-cardiaques, aux mouvements péristaltiques de l’inlestin,
à l’occlusion des sphincters de la vessie et du rectum, etc.
c) Les réflexes proprioceptifs peuvent être éveillés, comme les externoceptifs
par des excitations extérieures à l’organisme du sujet, ou comme les interno¬
ceptifs, par des excitations provenant des organes internes ; mais ils s’en dis¬
tinguent par le fait qu’une fois déclenchée leur réaction primaire est suivie,
même après l’écartement du stimulus interne ou externe qui l’a déterminée,
par une série de réactions consécutives, en cascades, se commandant Jes unes
les autres et évoluant avec un rythme régulier de façon à donner lieu à des
mouvements complexes, coordonnés, adaptés à des buts définis, tels que la
marche, le saut, la natation, le vol, etc.
APERÇU HISTORIQUE 641

Nous aurons à étudier plus loin le mécanisme de leur production quand


nous nous occuperons de l’interprétation physiologique des réflexes d’auto¬
matisme médullaire (voy. p. 693).

S 2. - APERÇU HISTORIQUE

Les premières recherches expérimentales relatives aux phénomènes réflexes


ont été faites entre le dernier quart du xviii0 et le milieu du xixe siècle, par
Robert Whytt (1777), Prochaska (1800), Mi ller (1833), Marshall-Hall

(1833 à 1841), Longet (1842), Pflüger (1853), presque toutes sur des ani¬
maux à sang froid, préalablement décapités ou dont la moelle épinière
était transsectionnée au niveau de la région cervicale, de façon à éliminer
toute ingérence de la volonté et de la conscience de nature à compliquer
ou obscurcir l’interprétation des résultats obtenus.
Elles ont établi un certain nombre de faits d’une importance capitale
dont les principaux sont les suivants :
1° Lorsqu’on irrite mécaniquement par la piqûre ou le pincement entre,
les mors d’une pince, ou bien chimiquement par l’application d’une goutte
de liquide acide ou caustique sur l une des pattes postérieures d’une grenouille
spinale — c'est-à-dire écérébrée par décapitation ou exérèse de l’encéphale —
cette patte exécute aussitôt un mouvement de retrait semblable à celui qui
se produirait sur un animal de même espèce dont les centres nerveux n’au¬
raient subi aucune mutilation. Si l’irritation est brusque, le mouvement die
recul quila suit est rapide et limité à la pâlie irritée ; si elle est forte et sou¬
tenue, la patte postérieure du côté opposé entre à son tour en action en se
portant vers le point excité, comme si l’animal voulait écarter de lui une
sensation pénible ; si elle est très intense et prolongée, les quatre membres
deviennent le siège de mouvements désordonnés ; enfin, si l’on plonge la
grenouille écérébrée dans un vase rempli d’eau, elle y exécute des mouve¬
ments coordonnés de natation jusqu’à ce qu’elle soit arrêtée par un obstacle
infranchissable.
2° Lorsque sur d’autres grenouilles on coupe les nerfs sensitifs ou les nerfs
moteurs des membres, à leur sortie des trous de conjugaison, les excitations
portant sur les téguments de ces membres ne sont plus suivies de réactions
motrices ; il en est de même si on désorganise la moelle épinière en la dila¬
cérant, avec une tige rigide introduite dans le canal rachidien.
Ces constatations expérimentales servirent de base à la célèbre définition
des réflexes donnée par Prochaska : impressionum sensorianun in motorias
reflexio, aux lois de Pflüger sur la localisation primaire, la bilatéralisation
LES NERFS EN SCHÉMAS 41
642 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

secondaire et la généralisation ultérieure des mouvements obtenus par voie


réflexe, et a la notion restée classique de l’arc diastaltique réflexe, compre¬
nant : a) un segment réceptif centripète, par lequel l’excitation provocatrice
pénètre dans le système nerveux ; 6) un segment central où s’opère le chan¬
gement de direction du courant nerveux, et, s’il y a lieu, la coordination des
incitations motrices nécessaires à l’exécution des mouvements complexes
paraissant adaptés à des buts définis ; c) un segment émissif par lequel
l'excitation aiguillée vers les nerfs moteurs arrive aux muscles dont elle
détermine la contraction.
De plus, Prochaska comprit que certains mouvements qui se produisent
chez les animaux supérieurs et chez l’homme, sans l’intervention et parfois
même à l’encontre de la volonté devaient être, quoique conscients, assimilés
aux réflexes des grenouilles décapitées, car, dit-il « notandum est quod ista
reflexio vel anima inscia, vel vero anima conscia fiat », et il signale notam¬
ment parmi eux le clignement des paupières, l’éternuement provoqué par
la titillation des narines, la toux, les nausées et les vomissements consécu
tifs à l’irritation des muqueuses du larynx, du pharynx et de l’estomac.
Marshall-Hall y ajouta par la suite l’occlusion automatique du larynx pen
dant la déglutition des aliments et son ouverture durant l’inspiration, la
turgescence du pénis et l’éjaculation ; les contractions de l’utérus dans l’ac¬
couchement, le jeu des sphincters de la vessie et de l’anus, le tonus muscu¬
laire.
A partir de 1850, les recherches de Ludwig, Claude Bernard, Brown-
Séquap.d, Sciitff, Vuldian, Dastre et Morat, Joi.yet, François-Franck, etc.,
etc., sur le mécanisme des réactions vaso-motrices et la régulation des circu¬
lations locales ; celles de Weber, Cyon, Heidenhain, Pawlow, sur les mou¬
vements du cœur, de l’estomac, de l’intestin, et les sécrétions des glandes
de l’appareil digestif ; celles plus récentes de Langley, IIead et Sherrington,
André-Thomas, sur le hérissement des poils tactiles et le phénomène de la
chair de poule ont singulièrement agrandi le domaine des actions réflexes.
A l’heure présente, la réflectivité est considérée comme une propriété
générale du système nerveux. C’est grâce à elle que s’accomplissent sans que
nous ayons à les surveiller toutes les fonctions de la vie organique et que
beaucoup des actes de la vie animale, primitivement commandés et dirigés
par la volonté, s’exécutent ensuite comme des réflexes, la même sensation
initiale éveillant par la mise en jeu d’associations devenues automatiques à
force d’avoir été répétées, la même série de réactions motrices. C’est vraisem¬
blablement par un mécanisme analogue que s’exécutent les opérations psy¬
chiques par lesquelles les impressions sensitivo-sensorielles se transforment
NOTIONS GENERALES SUR LA RÉFLECTIVITÉ 643

en perceptions, les perceptions en idées et les idées en incitations motrices


adéquates. « L’élude de l’action réflexe, dit très justement Cli. Richet dans
ses leçons sur la physiologie des muscles et des nerfs, c’est pour ainsi dire la
physiologie de tout le système nerveux central. »

§ 3. - NOTIONS GÉNÉRALES SUR LA RÉFLECTIVITÉ

Les réllexes sont régis par des lois dont les principales sont formulées dans
les propositions suivantes :
1° Tout acte réllexe a pour organe un arc à trois segments, l'un centripète,
l’autre central, le troisième centrifuge, que l’excitation réllectogène doit
parcourir dans toute son étendue pour que la réaction finale ait lieu. Dès
lors l’interruption matérielle ou l’inertie fonctionnelle, soit du nerf centri¬
pète par lequel l’excitation pénètre dans l’arc, .soit du centre dans lequel elle
change de direction, soit du nerf centrifuge qui la conduit au point où doit
se manifester la réaction empêche nécessairement cette dernière de se pro¬
duire.
2U La nature du phénomène par quoi s’extériorise un acte réflexe dépend
des attributs fonctionnels du dernier neurone de l'arc centrifuge ; mais sa
qualité peut être de l’ordre dynamogénique ou inhibitoire, c’est-à-dire qu’un
réflexe moteur peut se manifester par une contraction ou un relâchement
musculaire, un réllexe vaso-moteur par une çonstriçtion ou une dilatation
des vaisseaux sanguins, un réllexe glandulaire par une exagération ou une
suppression de la sécrétion, etc...
3° Les réflexes ont avec la conscience et la volonté des relations différen¬
tes suivant la composition de leur arc diastaltique :
a) D’une façon générale, les réflexes dont l’arc est entièrement compris
dans les appareils neuro-musculaires de la vie animale sont conscients, en ce
sens que leur excitation initiale et leur réaction finale sont nettement per¬
çues. Ils sont aussi involontaires. Ils peuvent néanmoins être, dans une cer¬
taine mesure, réfrénés ou inhibés par un effort voulu d’attention expectante.
Un homme normal peut, par exemple, s’opposer au réflexe d’occlusion des
paupières succédant d’ordinaire à la titillation de leur rebord ciliaire ou au
passage rapide d'un corps étranger devant les yeux ; pour que l’occlusion
palpébrale ait sûrement lieu, il faut que l’excitation soit subite et imprévue.
C’est pour cela qu’on ne peut pas se chatouiller soi-même ; c’est pour la
même raison que la répétition monotone à intervalles rapprochés d’excita¬
tions identiques, par conséquent prévues, devient bientôt inapte à provo-
644 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

quel- les réactions auxquelles donnaient lieu les premières excitations qui,
elles, étaient imprévues.
6) Les réflexes viscéraux dont l’arc appartient exclusivement au système
sympathique sont toujours involontaires et la plupart du temps inconscients;
tels sont : les mouvements péristaltiques de l’estomac et de l’intestin, les
battements du coeur, les réflexes régulateurs de la pression sanguine, les
réflexes vaso-moteurs et sécrétoires. Cependant certains d’entre eux peuvent
être influencés par des excitations psychiques ou émotionnelles, exemples
la pâleur ou la rougeur du visage provoquées par la crainte ou la colère ; les
vomissements, les lipotymies, la diarrhée, la polyurie, l’horripilation, les
frissons et les tremblements émotifs, l’écoulement des larmes déclenché par
la nouvelle ou le souvenir d’événements douloureux, la sécrétion de la salive
ou du suc gastrique dans le repas fictif de Pavi.ow, etc.
c) Les réflexes qui participent à des fonctions mixtes, à la fois animales
et végétatives, telles que la respiration, et ceux auxquels prennent part des
muscles striés et des muscles lisses, comme les réflexes sphinctériens, sont
partiellement soumis et partiellement soustraits à l’action de la volonté. Ainsi
les mouvements respiratoires sont régis automatiquement par des actes
réflexes qui s’accomplissent régulièrement pendant le sommeil ou les états
comateux, alors que la conscience et les voletions font complètement défaut ;
pourtant nous pouvons, dans l’état de veille, ralentir ou accélérer à notre
gré le rythme de notre respiration. De même les sphincters anal et vésical
qui sont composés de muscles lisses, innervés par des filets du sympathi-
abdominal, et de muscles striés, innervés par des rameaux des nerfs rachi¬
diens provenant du plexus sacré, sont tenus habituellement fermés par la
contraction tonique, involontaire et inconsciente des premiers, mais peu¬
vent être ouverts par la contraction volontaire et consciente des seconds
lorsque nous éprouvons le besoin de déféquer ou d’uriner.
4° Le déclanchement d’un réflexe donné dépend beaucoup plus de la mo¬
dalité de l’excitation provocatrice que de son intensité ; exemples : les
réflexes cutanés sont plus facilement éveillés par l’effleurement ou le gratta¬
ge léger de la peau que par sa pression énergique sur de larges surfaces ; les
réflexes tendineux répondent plus particulièrement aux chocs ; les réflexes
pilomoteurs au froid ; les réflexes salivaires, au contact des corps sapides avec
la portion gustative de la muqueuse linguale, etc...
5° La vivacité et l’amplitude des réactions réflexes physiologiques sont
subordonnées à l’âge et dans une moindre mesure au degré de potentiel
énergétique des sujets au moment où on les explore ; ainsi les réflexes tendi¬
neux et cutanés très vifs chez les enfants s’atténuent généralement chez les
NOTIONS GENERALES SLR LA RÉFLECTIVITÉ 645

adultes et cessent de se produire chez les vieillards. Elles varient aussi chez
un même sujet en bonne santé, selon qu’il est reposé ou fatigué, après un
repas réconfortant ou une période de jeûne prolongé, excité par des impres¬
sions psycho-sensorielles agréables ou déprimé par des émotions morales
attristantes.
6° Certaines substances toxiques ou médicamenteuses agissent sur les
fibres sensitives ou motrices des nerfs, de façon à abolir temporairement
leur conductibilité, et, par suite, leur aptitude à participer à la production
d’acles réflexes. Ainsi, les solutions de cocaïne ou de ses dérivés, l’eucaïne, la
novocaïne, etc., injectées dans un cordon nerveux, y suspendent la transmis¬
sion des impressions dolorifiques ; d’où analgésie et consécutivement aré-
flexie de tout le domaine de distribution périphérique du nerf cocaïnisé. Le
curare provoque également l’aréflexie. car, en paralysant les plaques motrices
des muscles striés, il empêche les excitations réfïectogènes de se transmettre
aux agents contractiles qui devraient normalement réaliser la réaction réllexe.
D’autres substances introduites dans la circulation générale ont une
influence excitatrice ou modératrice sur la réflectivité des centres nerveux.
La strychnine, la toxine tétanique, le virus rabique, la brucine, la picro-
toxine, le venin de la salamandre terrestre, etc..., sont des stimulants des
centres réflexes médullaires, dont la morphine, le chloral, les bromures, les
stupéfiants, etc..., sont au contraire des modérateurs.
7° L’ischémie de la moel'e, qu’elle soit produite par la ligature de l’aorte
abdominale (expérience de Sténon), par des endarlévites oblitérantes, des
embolies capillaires ou toute autre cause, est suivie d’une perte complète et
presque immédiate de tous les réflexes dont les centres de réflexion se trou¬
vent dans les segments médullaires totalement anémiés.
8° Chez l'homme comme chez tous les animaux a sang chaud soumis à
l’anesthésie générale par les inhalations de chloroforme ou d’éther, les
réflexes cutanés disparaissent les premiers, puis les réflexes tendineux ; les
réflexes cardiaques et respiratoires ne s’éteignent qu’avec la vie ; les réflexes
intestinaux persistent quelque temps après la mort et peuvent se maintenir
plus longtemps encore en activité, si l’on entretient la circulation en pra¬
tiquant la respiration artificielle.
9° Quelle que soit la cause de la mort des vertébrés à sang chaud, les réfle¬
xes cutanés et tendineux sont abolis aussitôt que le sujet a rendu le dernier sou¬
pir ; or, à ce moment, les nerfs périphériques n’ont pas encore perdu leur
conductibilité, ni les muscles leur excitabilité à la percussion ou l’électrisa¬
tion. La perte immédiate post modem des réflexes cutanés et tendineux
646 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

dépend donc de l'inertie de leurs centres de réflexion, causée par la suspen¬


sion de la respiration cl l'arrêt de la circulation médullaire.
10° A l’état physiologique les réflexes donl le centre dé réflexion se trouve
dans la moelle épinière et dont les arcs centripètes et centrifuges appartien¬
nent au système de la vie de relation, obéissent tous à la loi de symétrie
formulée par Babinski dans les termes suivants : « L'intensité d’un même
réflexe est égale des deux côtés chez un même sujet », à la condition, bien
entendu, que l’excitation provocatrice soil elle-même égale. Toute inégalité
d’un côté à l’autre doit être tenue pour pathologique.
11° Dans le cours des maladies générales, les réllexes à point de départ
cutané ou tendineux peuvent être exagérés ou abolis lorsque l’excitabilité
de la moelle est augmentée ou affaiblie par suite des altérations de la crase
sanguine. Leurs modifications sont alors bilatérales et égaies des deux côtés.
12° Dans les affections organiques du système nerveux, les réflexes peu¬
vent être modifiés en plus ou en moins selon la nature et le siège des lésions
portant sur le névraxe. Leurs modifications sont parfois électivement loca¬
lisées sur un groupe de réllexes de même espèce à l’exclusion des autres.
11 est fréquent par exemple de constater une véritable discordance entre les
réflexes tendineux et cutanés, ceux-ci étant neltemenl exagérés tandis que
ceux-là sont franchement affaiblis, ou inversement.

§ 4. - VOIES RÉFLEXES ET CENTRES DE RÉFLEXION

Le problème consistant à savoir si les excitations réllectogènes passent par


les conducteurs communs de la sensibilité et de la motilité, ou si elles sui¬
vent des voies spéciales uniquement affectées à la réflectivité a vivement
sollicité Tatlention des physiologistes. Marshall-Hall s’est le premier posé
cette question. L’ensemble de ses recherches l’a conduit à conclure qu’indé-
pendammenl des fibres sensitives par lesquelles la vis nervosu remonte vers
le cerveau, et des fibres motrices par lesquelles elle en descend, il doit exister
un système particulier de fibres dites excito-motrices qui passent horizon¬
talement d’un point à l’autre des divers segments du névraxe et ont pour
fonction spéciale d’assurer l’exécution automatique des actes réflexes ; mais
il ne put fournir de preuves objectives démontrant péremptoirement l’exis¬
tence de ce système excito-moteur.
L’hypothèse de Marshall-Hall reçut cependant un semblant de confir¬
mation le jour où Gerlach décrivit le réseau intramédullaire qui porte son
nom, D’après cet auteur, les fibres sensitives pénétrant dans la moelle par
VOIES REFLEXES ET CENTRES DE RÉFLEXION 647

les racines postérieures se diviseraient en arrivant dans la corne postérieure


correspondante en un lacés inextricable de librilles élémentaires dont les
unes gagneraient, après avoir traversé la commissure grise, la corne anté¬
rieure du côté opposé. Au voisinage de cette corne, les fibrilles dissociées se
regrouperaient en faisceaux cohérents pour former les fibres motrices qui se
prolongeraient dans les racines antérieures et les nerfs moteurs périphéri¬
ques. Ainsi seraient établies, par l’intermédiaire du réseau de Gerlach, des
voies directes et continues, par lesquelles les excitations réflexogènes passe¬
raient des appareils ner¬
veux centripètes dans les
appareils centrifuges de la
moelle.
Bien* qu’elle fut passible
de nombreuses objections,
la théorie de Gehlacii ser¬
vit pendant près d’un demi-
siècle à expliquer la pro¬
duction des réflexes médul¬
laires ; mais malgré les ten¬
tatives faites récemment par
Apathy, Bethe et quelques-
1. surface sensible. — 2, fibre musculaire striée. — 3, fi¬
uns de leurs disciples pour bre sensible (centripète), se terminant par une arborisa¬
tion autour d’une cellule motrice et de ses dendrites. — 4,
la rajeunir, elle a été re¬ fibre motrice (centrifuge), se terminant sur la fibre mus¬
culaire par une arborisation (plaque terminale). — 5, cel¬
poussée par les histologistes lule du ganglion spinal, constituant avec ses deux prolon¬
gements le neurone sensitif périphérique. — 6, cellule de
modernes, Golgi, Wal- la corne antérieure, constituant, avec ses prolongements
protoplasmiques et la fibre nerveuse, le neurone moteur pé¬
riphérique.
DEYER, RaMON Y CAJAE, VAN

Gehuchten, etc., dont les


recherches concordantes ont abouti à la conception de l’individualité
organique du neurone (voy. p. 34), conception d’après laquelle, lorsque
deux cellules neuronales entrent en communication leurs rapports s’éta¬
blissent non par continuité substantielle mais par un simple contact des
prolongements dendritiques de l'une avec les prolongements cylindraxiles
de l’autre, les ramifications terminales des dendrites du neurone à conduc¬
tion cellulipète s’articulant avec les terminaisons des faisceaux neurofibril-
laires de l’axone du neurone à conduction cellulifuge. Mais toutes les neuro-
iibrilles du premier ne rejoignent pas toutes celles du second ; de chacun
des faisceaux primitifs se détachent des collatérales qui vont se mettre en
rapport avec des faisceaux fibrillaires issus des neurones voisins ou même
de neurones plus ou moins éloignés.
648 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

Il résulte de ces dispositions qu’une


excitation réflectogène pénétrant
dans un segment de la moelle par
les racines et les cornes postérieures
peut, selon sa qualité et son inten¬
sité, aboutir aux cornes et aux ra¬
cines antérieures du même seg¬
ment : ou bien en passant par les
voies courtes, les chemins d’intérêt
local, comme les appelle Bechte-
rew, ou bien en suivant les routes
longues de grande communication
qui remontent, non sans faire plu¬
sieurs relais dans le cours de leur
trajet, jusqu’à l’écorce cérébrale où
elles passent des zones sensitives
dans lesquelles se font les percep¬
tions conscientes, dans les zones
motrices d’où partent les incitations
volontaires et descendent vers la
moelle par les faisceaux pyrami¬
daux ou la voie cérébello-rubro-
spinale ; ou bien enfin en se divi¬
sant dès leur entrée dans la moelle
en deux courants dont l’un s’en¬
gage dans les voies courtes et l’autre
dans les voies longues.
Ainsi s’explique le fait que cer¬
tains réflexes exclusivement médul¬
laires s’accomplissent à l’insu et
même à l’encontre de la volonté,
tandis que d’autres, cérébro-médul¬
laires, sont accompagnés de per¬
Les principaux centres réflexes vus sur une ceptions conscientes et peuvent, tout
coupe médiane de la moelle (moitié droite).
A gauche de la figure, se trouvent indiqués les
en étant involontaires, être réfrénés
divers segments médullaires, chacun avec les ra¬
cines rachidiennes qui en émanent. A droite, sont par la volition ou provoqués par
figurés sur la coupe de la moelle, sous forme de
rectangles noirs, les principaux centres réflexes. des excitations psycho-émotionnel¬
les.

Pour ce qui concerne les centres réflexes du mésencéphale et de la


VOIES RÉFLEXES ET CENTRES DE RÉFLEXION 649

moelle : centre respiratoire, cilio-spinal, vésico-spinal, génito-spinal, etc...,


les expériences sur lesquelles est établie la notion de leur existence sont
péremptoires. Mais par ce mot centre il ne faut pas entendre, comme autre¬
fois, une agglomération d’éléments nerveux formant un organe anatomi¬
quement distinct, doué d’une activité autonome et affecté uniquement à
l’exécution d’une fonction spécialisée. Un centre réflexe est tout simplement
la région du névraxe ou le ganglion du sympathique dans lequel les neuro¬
nes à polarisation dynamique différente servant à la production d'un
réflexe donné s’articulent entre eux ; c’est le nœud de raccordement dans
lequel les excitations réllectogènes passent du segment centripète dans le
segment centrifuge de l’arc diastaltique, rien de plus. Et puisque ces excita¬
tions peuvent prendre tantôt les grandes routes des voies longues et tantôt
les chemins de traverse des voies courtes, il apparaît vraisemblable qu’elles
doivent avoir plusieurs centres de réflexion.
Quelques auteurs ont cependant soutenu que les réflexes cutanés et tendi¬
neux se réfléchissent non dans la moelle mais dans le cerveau. D’après eux,
les excitations donnant naissance aux réflexes cutanés remonteraient jus¬
qu’aux zones corticales des perceptions sensitives et, passant de là dans les
zones psychomotrices, elles descendraient par les faiscaux pyramidaux jus¬
qu’au métamère de la moelle, d’où partent les nerfs moteurs animant les
muscles chargés de réaliser la réaction réflexe (voie contico-spinale). Les
excitations provocatrices des réflexes tendineux remonteraient également
vers les centres perceptifs de l’écorce cérébrale ; mais, au lieu de gagner les
zones psycho-motrices, elles se rendraient dans les noyaux du mésencéphale
qui président à la régulation du tonus musculaire, noyau rouge et locus niger
de Scemimering, et descendraient ensuite par les fibres du cordon latéral
issues de ces noyaux, pour aboutir en fin de compte dans les muscles corres¬
pondant aux tendons excités (voie rubro-spinale).
Dans les deux cas, la moelle serait dépourvue du rôle actif que lui attri¬
buaient précédemment les physiologistes et les cliniciens ; elle ne contien¬
drait plus un chapelet de nœuds de réflexion superposés dans ses divers mé-
tamères, elle serait un simple lieu de passage des excitations réllectogènes.
Cette théorie, proposée par Jendrassik en 1894, développée par van

Gehuchten, défendue par Crocq, et acceptée pendant quelque temps par


beaucoup de médecins, était fondée sur deux arguments principaux cpii pa¬
raissaient de nature à l’étayer. Le premier était tiré de l’affirmation for¬
mulée par Bastian que, chez l’homme frappé de paraplégie par transsection
complète de la moelle dorsale, tous les réflexes étaient abolis dans les mem¬
bres inférieurs devenus paralysés et anesthésiques par l’interruption des voies
650 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

longues de conduction médullo-cérébrale et cérébro-médullaire. Le second


était dérivé des recherches de Brissaud, sur l’exagération du réflexe tendi¬
neux chez les hémiplégiques, exagération qui était toujours, d’après cet
auteur, associée à deux autres phénomènes révélateurs de l’hyperlonie mus¬
culaire, la contracture permanente et la trépidation épileptoïde, donc à une
perturbation au moins fonctionnelle des centres régularisateurs du tonus.
Mais, depuis lors, il a été démontré : d’une part, que si plusieurs des
réflexes cutanés et tendineux sont en effet abolis dans les premières semai¬
nes qui suivent les sections traumatiques de la moelle, ils reparaissent plus
tard et s’accompagnent même de réactions plus amples et plus vives que cel¬
les qui se produisent à l’état normal, bien que le segment de la moelle sous-
jacent à la section soit resté privé de toutes ses connexions avec le cerveau
(v. p. G89 les faits relatifs à l’étude des réflexes d’automatisme médullaire) :
d’autre pari, que si l’exagération des réflexes tendineux dans les lésions
organiques du système pyramidal est souvent associée à la contracture per¬
manente et à la trépidation épileptoïde, ces trois phénomènes ne sont pas,
comme l’avait écrit Brissaud, en 1880, dans sa thèse de doctorat, v de même
espèce, indissolublement liés par leur nature, identiques par leur significa¬
tion ». Les recherches faites entre 1884 et 1886 par l’un de nous et ses élèves,
Maurice de Fleury et Dei om-Sorbé, confirmées plus tard par celles de van
Gehuciiten, d’AxGELA, Beaujeu, Wilrer Tileston, Babinski, Betchov,
Pieron, etc., ont surabondamment établi que la coexistence des trois phéno¬
mènes sus-visés n'est pas constante. La trépidation épileptoïde peut exister
seule dans des cas où la contracture fait défaut et où les réflexes tendineux
sont normaux, affaiblis et même totalement abolis ; cette dissociation s’obser¬
ve souvent chez des malades atteints de rhumatisme chronique, d arthrite
tarsienne, de lésions chirurgicales du genou, de fièvre typhoïde, de tubercu¬
lose, etc. Chez les sujets qui présentent à la fois les trois phénomènes aux
membres inférieurs, l’ischémie locale provoquée par l’application de la ban¬
de d’Lsmurch sur la jambe, fait disparaître le elonus du pied plusieurs minu¬
tes avant d'abolir le réflexe achilléen. Enfin, tandis que les réflexes cutanés
et tendineux s’épuisent rapidement après la répétition monotone à interval¬
les rapprochés d’excitations identiques, le elonus du pied persiste fort long¬
temps sans atténuation et sans modification appréciable de son rythme (6 à
7 secousses à la seconde), lorsqu’il est entretenu par un poids relevant le
pied du sujet avec une force invariable ; dans l’une de nos expériences de ce
genre, faite sur un vieil hémiplégique, le poids (2 kilog.) fut laissé en place
pendant une heure ; la trépidation avait, lorsqu’il fut enlevé, les mêmes
caractères graphiques qu’au début de son application, bien que les muscles
TONUS MUSCULAIRE 651

lléch sseurs du pied eussent fourni dans l’intervalle plus de 2.000 contrac¬
tions successives. Donc la trépidation épileptoïde, la contracture permanente
et les réflexes tendineux ne sont pas des phénomènes de même nature et de
signification identique. Quoique leur association soit fréquente, ils ne relè¬
vent certainement pas de conditions pathogéniques identiques. Dans tous
les cas, l'argument tiré de leur subordination à l’hypertonie musculaire pour
affirmer ou nier l’intervention de la moelle dans leur production est inopérant.
Pour les mêmes raisons et pour d’autres encore on doit repousser l’opinion
des auteurs qui refusent d’admettre la nature réflexe des réactions muscu¬
laires provoquées par la percussion des tendons. Les muscles volontaires,
disent ces auteurs, sont excitables par la percussion directe ou l’élongation
brusque de leurs fibres. En percutant leur tendon on ébranle les fibres mus¬
culaires qui prennent insertion sur lui ; le muscle répond alors par une
contraction, sans qu’il soit nécessaire de supposer une intervention de la
moelle épinière. Mais en raisonnant ainsi on oublie que les réflexes tendineux
cessent de se produire après l’ischémie de la moelle (expér. de Sténon) et
immédiatement après la mort, alors que les réactions myo-mécaniques ont
encore conservé toute leur intensité ; que le temps perdu après l’excitation
directe du muscle est trois fois moins long qu’après la percussion de son
tendon ; que chez un grand nombre de malades, les ataxiques par exemple,
les réflexes rotuliens et achilléens sont abolis quoique les chocs frappés
directement sur le quadriceps crural ou le gaslro-cnéonien provoquent la
contraction de ces muscles.
Enfin, de très nombreuses observations anatomo cliniques démontrent que
la perte de tel ou tel réflexe donné, cutané, musculaire ou autre, peut être
la conséquence de lésions destructives très limitées siégeant dans le méta-
mère de la moelle dans lequel s’opère la conjonction des nerfs sensitifs et
moteurs intéressés à la production du réflexe envisagé, sans qu aucune
altération concomitante des faisceaux de conduction cérébro-spinale puisse
être invoquée pour expliquer sa perte. Tl faut donc admettre que la moelle
épinière est sinon le seul au moins le principal lieu de réflexion par lequel
les excitations passent des appareils sensitifs centripètes dans les appareils
moteurs centrifuges.

§ 5 - TONUS MUSCULAIRE

Avant d’entreprendre l’étude pratique de la sémiologie des réflexes, qui


sera faite dans le prochain paragraphe, il nous paraît utile d’exposer avec
652 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

quelques détails l’état actuel de nos connaissances sur l’un des réllexcs les
plus communs et les plus intéressants, le réflexe du tonus musculaire, dont
le rôle est aussi important en physiologie qu’en pathologie. Nous envisage¬
rons, tout d'aLord, le tonus musculaire dans les conditions physiologiques.
Nous étudierons, ensuite, les perturbations diverses qu’il peut présenter
dans les conditions morbides.

A) LE TONUS MUSCULAIRE PHYSIOLOGIQUE

On désigne sous le nom de tonus 1 ■’'at de demi-tension dans lequel se trou¬


vent les muscles lorsque les organes qu’ils ont mission de mouvoir sont au
repos. Quoique le tonus existe aussi bien sur les muscles de la vie végétative
que sur ceux de la vie de relation, c’est surtout sur ccs derniers qu’ont porté
les recherches des expérimentateurs et des cliniciens. C’est de lui seul que
nous allons nous occuper.

1° Le tonus est un phénomène réflexe. — Il est provoqué et en¬


tretenu par des excitations minimales, mais continues, partant des extrémi¬
tés des libres nerveuses centripètes incluses dans les muscles eux-mêmes
(fuseaux neuro-musculaire de Sachs et de Tschirtew) ou étalées sur les ten¬
dons (réseaux de GolgO, les ligaments et les aponévroses périarticulaires (cor¬
puscules encapsulés de Vater et de Rufim).
Sa nature réflexe est démontrée par des expériences convaincantes. Lors-
qu’après avoir sectionné la moelle épinière d’une grenouille dans la région
dorsale on maintient le corps de l’animal soulevé en l’air, ses membres pos¬
térieurs paralysés pendent inertes au-dessous du bassin, leurs trois segments
légèrement infléchis les uns sur les autres. Les muscles qui les maintiennent
dans cette position ne sont donc pas complètement relâchés ; la preuve, c’est
que si l’on vient à dilacérer le tronçon de moelle sous-jacent à la section en
introduisant une tige rigide dans le canal rachidien, les membres qui se
tenaient auparavant en demi-flexion tombent aussitôt, flasques et ballants,
en direction verticale. Si sur d’autres grenouilles ou sur des animaux à sang
chaud dont la moelle n’a préalablement subi aucune offense, on coupe d’un
seul côté, soit le nerf sciatique, soit les racines antérieures ou les racines pos¬
térieures du plexus lombo-sacré, le membre pelvien du côté correspondant,
n’obéissant plus qu’aux lois de la pesanteur .tombe passivement en exten¬
sion et pend au-dessous de l’articulation coxo-fémorale, comme le ferait un
chiffon mouillé accroché à l’ischion, tandis que celui du côté opposé, dont les
TONUS MUSCULAIRE 653

relations avec le névraxe n’ont pas été interrompues, conserve son attitude
normale. La persistance du tonus étant subordonnée à la conservation de la
conduction dans les fibres nerveuses centripètes, dans les fibres nerveuses
centrifuges et à l’intégrité du tronçon de la moelle épinière dans lequel
s’opère la conjonction de l’appareil sensitif avec l’appareil de la motricité, il
n’est pas douteux que le tonus soit un phénomène réflexe.
Les expériences de sections multiples de la moelle à différentes hauteurs
démontrent, en outre, que la réflexion des excitations qui déterminent le to¬
nus peut se faire dans les divers métamères de cet organe. Cela ne veut pas
dire que les centres métamériques du névraxe soient absolument isolés et
indépendants les uns des autres • Nous verrons plus loin qu’ils sont reliés
entre eux par des faisceaux de libres infra-médullaires qui peuvent, à l’état
physiologique, associer plusieurs réflexes particuliers cri vue de l’accomplis¬
sement d’actes complexes adaptés à des buts définis, tels que ceux de la mar¬
che, de la natation, du vol, etc. Ils peuvent aussi être influencés par des exci¬
tations dynamogéniques ou inhibitoires partant du cerveau, du cervelet, de
la moelle ou des noyaux mésencéphaliques.

2° Extinction expérimentale du tonus. — Le tonus étant un phénomène


de réflectivité est nécessairement aboli par l’interruption matérielle ou l’inac¬
tivité fonctionnelle de i’un quelconque des trois segments de l'arc que doit
parcourir l’excitation provocatrice avant de se manifester à l’extérieur par
une réaction motrice.
Cette interruption peut être réalisée expérimentalement : 1° ainsi qu'il a
été indiqué plus haut, en sectionnant les nerfs sensitifs ou leurs racines,
les nerfs moteurs ou leurs racines, ou bien en dilacérant le tronçon de moelle
dans lequel les fibres nerveuses afférentes et les fibres nerveuses efférentes
opèrent leur conjonction ; 2° en supprimant la circulation sanguine dans
nn membre ou une portion de membre, par l’enroulement, pendant une
dizaine de minutes, d’une bande élastique suffisamment serrée ; 3° en sus¬
pendant l’excitabilité des plaques motrices des nerfs moteurs par des injec¬
tions de curare ou la conductibilité des fibres sensitives par des injections
de cocaïne ; 4° en inactivant les centres bulbo-médullaires par des inhala¬
tions de. chloroforme, d éther, ou d autres agents d’anesthésie générale ; 5°
en inactivant la totalité des centres nerveux par des commotions céphaliques
ou par 1 adminstration de poisons susceptibles de provoquer des états coma¬
teux.
Ces divers modes de suppression artificielle du tonus dans la musculature
de certaines parties du corps ou dans la totalité des muscles de la vie de rcla-
654 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

lion chez les animaux, interviennent avec les mêmes effets dans la pathogé¬
nie des aréllexies locales ou générales observées en clinique humaine. Et,
comme l’application d’une bande d’Esmarch, l’injection de quelques centi¬
grammes de cocaïne, cl même les inhalations de quelques bouffées de chlo¬
roforme ou d'éther ne mettent pas en péril la vie des malades, on doit
avoir recours à ces moyens lorsqu’on peut espérer établir, grâce à eux,
certains diagnostics difficiles.

3° Phénomènes biologiques accompagnant le tonus. — Tant qu’il est vi¬


vant le muscle est le siège d’actes physico-chimiques : il élabore des subs¬
tances nutritives, absorbe de l’oxygène, exhale de l’acide carbonique, con¬
somme du glycogène et fabrique de l’acide lactique ; il développe de la cha¬
leur, il produit un bruit vibratoire de roulement perceptible à l’ausculta¬
tion, il engendre de l’énergie. L’intensité de ces phénomènes varie avec le
degré actuel de l’activité musculaire ; elle est au maximum lorsque le mus¬
cle exécute en se contractant un travail mécanique, au minimum lorsqu’il
est en état de repos tonique, nulle lorsqu’il est mort.
Uu muscle privé de tonus ne perd pas pour cela ses propriétés physiolo¬
giques spécifiques, c’est-à-dire son irritabilité et sa conlractabilité ; il ne se
contracte plus par voie réflexe puisqu’il est séparé du névrace, mais il répond
fort bien, tant que ses fibres ne sont pas dégénérées, aux excitations mécani¬
ques, chimiques et électriques qui l’atteignent directement.

4° Rapports-du tonus avec la contraction active des muscles. — Un muscle


à l’état de repos diffère d’un muscle contracté non seulement parce qu’il est
moins raccourci, moins ferme, qu’il élabore moins de substances nutritives,
développe moins de chaleur, fournit moins de travail mécanique, mais aussi
et surtout parce que le tonus du premier est permanent et infatigable, tandis
que la contraction du second est intermittente et s’épuise rapidement par la
fatigue.
Pour expliquer cette persistance en quelque sorte indéfinie du tonus, sans
fatigue corrélative, on a proposé plusieurs théories. Certains physiologistes
ont assimilé le tonus à l’élasticité musculaire ; mais l'élasticité est une pro¬
priété physique qui se manifeste aussi bien sur les muscles séparés de leurs
connexions avec le névraxe que sur ceux qui ont conservé leurs rapports
avec la moelle, tandis que le tonus est un phénomène physiologique, un
acte réflexe, qui cesse fatalement de se produire aussitôt que son arc est in-
tci rompu.
Onimus a émis jadis l’opinion que la persistance du tonus n’était qu’appa-
TONUS MUSCULAIRE 655

rente, parce que, disait-il, dans l’état tonique toutes les fibres musculaires
ne se contractent pas simultanément ; la plupart se reposent pendant que les
autres, en pelil nombre, se contractent ; c’est pour cela que le tonus dépense
moins de force vive et peut persister plus longtemps que la contraction.
Pure hypothèse qui ne s’appuie sur aucune observation de fait.
D’autres auteurs, considérant que le tonus est provoqué et entretenu par
dis excitations minimales qui maintiennent le muscle en un état de contrac¬
tion incomplète, estiment que le peu d’intensité de sa cause et la faible dé¬
pense d’énergie qu’elle occasionne suffisent à rendre compte de l'infatigabi¬
lité de la réaction tonique. Le raisonnement paraît logique mais ce n’est
qu’un raisonnement ; avant d’en accepter la conclusion on souhaiterait
qu’elles fussent étayées par des expériences démonstratives qui n’existent pas
encore.
On tend dep\uis quelques années à expliquer le tonus et la contraction ac¬
tive des muscles par la différence histologique et fonctionnelle des éléments
contractiles contenus dans le tissu musculaire. Introduite dans la science en
1896 par Botazzi, cette théorie dualiste a été soutenue et brillamment déve¬
loppée par M"e Joteyko, chef du laboratoire de psychophysiologie de l’Uni¬
versité de Bruxelles, dans plusieurs travaux originaux et dans un volume sur
la fonction musculaire, édité par O. Doin en 1909. Les arguments et les faits
expérimentaux sur quoi elle repose peuvent être résumés en quelques lignes.
Les muscles de la vie de relations sont essentiellement composés de faisceaux
de fibrilles striées, mais ils contiennent aussi des lames de protoplasma non
différencié, ou sarcoplasma, qui enveloppent les faisceaux musculaires et
s’insinuent entre les fibrilles élémentaires où elles fournissent à l’examen mi¬
croscopique, sur des coupes convenablement fixées et colorées, des images
connues sous le nom de champs de Conheim. Les fibrilles striées sont évi¬
demment douées de contractilité, mais elles ne jouissent pas seules de cette
propriété. Sans parler des masses protoplasmiques amorphes de syncinium
qui forment les amibes, des leucocytes, des cils vibratiles, etc., les muscles
lisses de la vie végétative des vertébrés, qui ne renferment pas de fibrilles
slnées, sont cependant contractiles, mais leur contraction est plus lente, plus
soutenue que celle des muscles striés. On peut donc se demander si la fibrillj
striée des muscles de la vie de relation n’est pas un organe de perfectionne¬
ment lié à une modalité particulière de la contraction, la contraction à se¬
cousse brève et puissante, et si la fibre musculaire lisse n’est pas un organe
rudimentaire affecté à une autre modalité de la contraction, la contraction
1er te et soutenue.
Paitanl de celte idée directrice, on peut aussi présumer que des excita-
656 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

tions différentes sont susceptibles de provoquer dans les muscles striés volon¬
taires soit des contractions lentes d’origine sarcoplasmique, soit des contrac¬
tions brusques d’origine fibrillaire, et aussi qu’une même excitation peut dé
terminer à la fois les deux espèces de contraction.
Ceci dit, indiquons les principales observations de fait qui paraissent de
nature à confirmer la théorie nouvelle :
1’ Durant la phase embryonnaire de leur développement, les muscles des¬
tinés à devenir plus tard des muscles volontaires ne renferment pias encore
de fibrilles striées ; ils se contractent néanmoins sous l’influence d’excita¬
tions directes, mais leur contraction est lente comme celle des muscles lisses
chez l'adulte ;
2° Ranvjer a découvert que certains muscles des membres du lapin ont
une coloration blanchâtre pâle, tandis que d’autres sont franchement rouges.
Ceux-ci sont plus riches en protoplasma, aussi répondent-ils aux excitations
par des contractions plus lentes que les muscles blancs ;
3° D’une façon générale, le courant galvanique excite plus fortement le
sarcoplasma que les fibres striées ; c’est tout le contraire pour les courants
faradiques ;
4 Certaines substances toxiques, dont la vératrine est le type, agissent
électivement sur la contractibilité du protoplasma ; elles ont pour effet d’al¬
longer considérablement la durée de la phase de déconcentration de la se¬
cousse musculaire, sans modifier ni la rapidité ni l’amplitude des contrac¬
tions d’origine fibrillaire, comme si le poisson avait augmenté l’excitabi¬
lité de l’élément sarcoplasmique sans rien changer à celle de l’élément fibril¬
laire.
Les conclusions qui se dégagent de ces constatations n’ajoutent rien à ce
que nous avaient enseigné depuis longtemps les recherches de Helmholtz, de
5Tarey, de Ranvier, etc., sur la contraction volontaire des muscles de la vie
de relation. Il reste acquis que le tétanos physiologique est le résultat de la
fusion des secousses brèves des fibrilles striées, fusion qui détermine un rac¬
courcissement brusque et puissant, mais rapidement épuisable, par la fati¬
gue du muscle contracté. Par contre, elles jettent un jour imprévu sur la
nature intime du tonus qid serait dû, non pas comme on le supposait naguè
re, à la contraction incomplète des fibrilles striées, mais à la contraction lente
cl pratiquement infatigable du sarcoplasma.
Ajoutons que, d’après Langelaan, la première serait sous la dépendance
du système nerveux de la vie animale, la seconde sous celle du système sym¬
pathique.
TONUS MUSCULAIRE 657

5U Rôle du tonus dans la statique des membres au repos. — Le tonus


étant permanent et infatigable, la traction modérée mais continue qu’il exer¬
ce sur les muscles des membres, a pour effet de stabiliser automatiquement
ces derniers dans les positions les plus favorables à leur fonctionnement. S il
est aboli à la fois dans tous les muscles d’un membre, celui-ci est ballant et
flottant dans tous les sens, au gré de la pesanteur, comme les membres d’un
polichinelle ; s’il manque seulement dans le groupe des extenseurs ou des flé¬
chisseurs, les antagonistes du groupe atonique qui, eux, ont conservé leur
tonus, entraînent le membre dans des positions souvent très gênantes pour
leur utilisation fonctionnelle. La chute permanente du poignet et de la pre¬
mière phalange des doigt-s chez les paralysés du radial, la chute de la pointe
du pied et des orteils chez les paralysés du sciatique poplité externe sont des
exemples typiques des impotences résultant du déséquilibre tonique dans les
segments distaux des membres partiellement paralysés par les lésions de
leurs nerfs périphériques.

6° Rôle du tonus pendant l’exécution des mouvements volontaires. —


Ce rôle doit être étudié séparément : 1° dans les mouvements simples et peü
énergiques des membres ; 2° dans les mouvements simples mais énergiques
des mêmes membres ; 3° dans les mouvements complexes, coordonnés, im
pliquant la contraction harmonique d’un grand nombre de muscles du tronc
et des membres.
a. Dans l’exécution des mouvements simples et peu énergiques. — Le
rôle du tonus, dans ce cas, consiste à modérer, en l’assouplissant par une
résistance élastique, le déplacement des leviers osseux sur lesquels les mus¬
cles prennent leur insertion mobile. Lorsque nous fléchissons rapidement,
mais sans efforts violents, l’avant-bras sur le bras, le biceps et le brachial
antérieur attirent le radius et le cubitus vers l’humérus ; la contraction
brusque de ces deux muscles déterminerait un mouvement saccadé de l’avant-
bras qui risquerait de dépasser le but si le tonus de leur antagoniste, le tri¬
ceps brachial, n’en modérait l’amplitude.
b. Dans Vexécution des mouvements simples, mais énergiques. — Dans
ce cas, la résistance tonique des antagonistes serait insuffisante pour main¬
tenir le membre mobilisé dans la position voulue, si la force tendant à le
déplacer, n’était compensée par une force agissant en sens contraire ne
limitait son déplacement. Cette force auxiliaire est la contraction des anta¬
gonistes régie par la loi des associations musculaires modératrices de Du-
chexne, d’après laquelle toute contraction active d’un muscle volontaire
est accompagnée d’une contraction proportionnelle de ses antagonistes.
Exemple : quand nous fléchissons énergiquement les doigts dans la paume
LES NERFS EN SCHÉMAS 42
658 VOIES RÉFLEXES El RÉFLECTIVITÉ

de la main, le poignet serait attiré en flexion forcée si ses extenseurs ne se


contractaient pas, eux aussi, avec une énergie suffisante pour le maintenir
dans le prolongement direct de l’axe de l'avant-bras.
c. Dans l’exécution des mouvements complexes, coordonnés. — Dans l’exé¬
cution des mouvements coordonnés, comme ceux de la locomotion, le rôle
du tonus est plus compliqué.
Le premier physiologiste qui ail porté son attention sur les mouvements
coordonnés adaptés aux actes de la translation : marche, saut, natation,
voi, est, Flourenr. « J’appelle -mouvements coordonnés, écrivait-il en 1842,
dans la 2” édition de ses recherches expérimentales sur les propriétés et les
fonctions du système nerveux, tout mouvement qui résulte du concours de
l’enchaînement, du groupement, si l’on peut ainsi dire, de plusieurs mou¬
vements tous distincts, tous isolés les uns des autres et qui, groupés autre¬
ment, auraient donné lieu à un autre résultat. Ainsi le saut, la marche,
la course, la station, le vol etc., sont des mouvements coordonnés, des
mouvements résultant du concours de plusieurs parties distinctes, séparées,
isolées, dont chacune peut agir seule ou séparément, ou réunies à deux, à
trois, à toutes les autres et produire divers effets, selon ces diverses com¬
binaisons ». (p. 184). Cette définition étant donnée, il établit à l’aide de
nombreuses expériences pratiquées sur des grenouilles, des pigeons, des la¬
pins, des chiens, etc., que l’accomplissement des mouvements coordonnés
implique nécessairement la participation « du cervelet qui en règle la
coordination, de la moelle épinière qui en est l’organe d’exécution, el de
la moelle allongée qui est le lieu commun, le point central de jonction entre
la moelle épinière et le cervelet » (p. 192).
Les faits expérimentaux sur lesquels est fondée cette conclusion sont
très précis. Après l’ablation de leurs lobes cérébraux, qui sont les organes
exclusifs des perceptions conscientes, des voûtions et de l’intelligence, les
batraciens, les oiseaux, les mammifères restent inertes, comme endormis,
indifférents à ce qui se passe autour d’eux, incapables de toute initiative.
11 faut les nourrir artificiellement, sans quoi ils se laisseraient mourir d’ina¬
nition, même en ayant à leur portée des provisions de leurs aliments pré¬
férés. Ils se tiennent cependant en équilibre sur leurs pattes et peuvent,
lorsqu’ils y sont sollicités par des excitations extérieures, accomplir des
mouvements coordonnés de translation : ainsi, une grenouille privée de
cerveau qu’on retourne sur le dos se remet aussitôt sur le ventre ; si elle
reçoit un choc, elle saute ; si on la plonge dans un réservoir d’eau, elle
nage correctement jusqu’à ce qu’elle rencontre un obstacle infranchissable.
De même, un pigeon décérébré lancé en l’air, déploie ses ailes et vole ; un
tonus Musculaire 659

lapin, un chien dont les lobes cérébraux ont été enlevés, fait quelques pas
lorsqu’on le tire de son inertie en le poussant en avant.
Après l’ablation des lobes cérébelleux, les animaux peuvent encore exé¬
cuter des mouvements volontaires, mais ces mouvements sont imprécis,
irréguliers, mal adaptés au but visé, dépassant ou n’alteignant pas exacte¬
ment le point voulu. Leur locomotion est mal coordonnée. Ils sont cepen¬
dant capables de se tenir debout et marcher.
La section de la moelle allongée dans la région pedoncuilo-protubéran-
tielle abolit tous les mouvements coordonnés de locomotion : le lapin ne peut
plus marcher, la grenouille ne peut plus nager, le pigeon ne peut plus voler.
Si le bulbe rachidien est coupé au niveau de l’émergence des nerfs de
la VIIIe paire, les mouvements respiratoires et les actes qui en dérivent :
cris, toux, etc., sont suspendus ; les animaux à sang chaud soumis à cette
mutilation succombent immédiatement à moins qu’on n’entretienne leur
vie par la respiration artificielle.
Enfin, après la transsection de la moelle épinière, toutes les parties du
corps dont les nerfs prennent leur origine au-dessous de la section, sont
complètement paralysés de la mobilité volontaire et de la sensibilité ; elles
restent néanmoins aptes à répondre aux excitations localisées par des réac¬
tions réflexes.
Tout n’est pas original dans l’œuvre de Flourens. Les médecins savaient
depuis Hippocrate que les lobes cérébraux sont les organes de l’intelligence
et de la volonté, et depuis Galien que la moelle épinière est le lieu de pas¬
sage des impressions sensitives et des incitations motrices ; Robert Wytt,
en 1777, Prochaska, en 1800, avaient commencé l’étude des réflexes médul¬
laires ; Legallois avait même constaté que les mouvements respiratoires
étaient régis, chez les mammifères, par un centre spécial situé dans le
bulbe, au voisinage de l’émergence des racines de la VIIIe paire ; mais on
ne savait rien de précis sur les fonctions du cervelet et l’on ignorait qu’il
existât, dans la moelle allongée, des centres d’associations présidant à l’exé¬
cution des mouvements coordonnés de la locomotion. Sur ces points, Flou¬
rens fut véritablement un initiateur. Ses successeurs immédiats : Longet,
Vulpian, et autres, répétèrent ses expériences sans y rien ajouter de nou¬
veau. Plus d’un demi-siècle s’écoula avant que Shérrington, reprenant la
question lui fit faire des progrès décisifs.
Flourens avait, en effet, démontré l’existence dans la moelle allongée de
centres coordinateurs des mouvements de locomotion, mais il n’avait pas
analysé leur mode de fonctionnement ; il n’avait pas recherché les causes
de leurs alternances et de leur rythme. C’est cette tâche que s’est imposée
(560 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

l’éminent professeur de physiologie de Liverpool et qu’à force de patience


et d’ingéniosité il a réussi, entre 1906 et 1915, à mener à bonne lin. En
ce qui concerne les actes complexes de la translation, il a mis en relief,
par une série d’expériences délicates pratiquées surtout sur des chiens,
quelquefois aussi sur des chats, la part respective qu’v prennent les noyaux du
mésencéphale et la moelle épinière. Ceux-là entretiennent un réflexe slabile
de posture que Shérrinoton appelle le standing réflex (de to stand, se tenir
debout, rester debout) ; celle-ci contient, échelonnés dans scs divers méta-
mères, des centres cinétiques où se produisent, sous l’influence d’excitations
volontaires ou expérimentales, d’autres réflexes qui donnent lieu aux mou¬
vements coordonnés des membres, adaptés aux actes de la locomotion. Nous
décrirons ces derniers dans les pages de cet ouvrage où seront étudiés les
phénomènes d’automatisme médullaire (voy. p. 689) ; bornons-nous, en
ce moment, à envisager le standing réflex. 11 se manifeste nettement chez
les animaux déseneéphalés, c’est-à-dire dont le cerveau et le cervelet ont été
séparés du névraxe par un trait de section portant sur la région pédonculo-
protubérantielle, à la hauteur du bord antérieur du Pont de Varole. Le
chien ainsi opéré présente un phénomène qui ne s’observe, ni après l’abla¬
tion isolée des lobes cérébraux, ni après celle des lobes cérébelleux ; tous
les muscles de son corps, servant au maintien de l’équilibre squelettal de la
tête, du tronc et des membres, les extenseurs des quatre pattes, du dos, de la
nuque, les rétracteurs de la tête et de la queue sont en état d’hypertonie,
sans doute par suite de l’irritation résultant de la plaie opératoire. Cette
hypertonie n’existe pas à l’état physiologique où le tonus, plus souple,
laisse aux membres toute facilité de déplacement ; mais on peut déduire
de son exagération, dans les circonstances sus-visées, que son foyer de pro¬
duction se trouve dans les noyaux de l’isthme. D’autre part, il ne parait
guère douteux que le standing réflex soit une condition préliminaire indis¬
pensable à l’exécution normale des mouvements de locomotion incités dans
les membres par les réflexes médullaires, car il est évident qu’un animal
dont les muscles de la tête et du tronc seraient atones, se trouverait, par ce
fait même, incapable de se tenir debout, et à plus forte raison, de marcher
et de courir.
La perte des réflexes de stabilisation donne lieu en pathologie humaine
aux syndromes connus sous les noms d’astasie et d’abasie (Bloch, Charcot,
Grasset, etc.) dans lesquels les malades couchés dans un lit ou assis sur une
chaise ne présentent aucun trouble de la motilité. Leur demande-t-on de se
lever, les astasiques n’ont plus le pouvoir de se tenir verticalement en équb
libre ; leur tête et leur tronc oscillent dans tous les sens, leurs jambes se
TONUS MUSCULAIRE 661

dérobent sous eux. Les abasiques peuvent bien se tenir debout ; ils peuvent
même progresser par petits bonds ou en se plaçant à quatre pattes en posi¬
tion genu-pectorale ; mais la marche normale leur est interdite. Ces faits dé¬
montrent à la fois l’importance et l’extrême complexité des appareils neuro¬
musculaires qui entrent en jeu dans les mouvements coordonnés de la loco¬
motion.

£;les perturbations du tonus en neuropathologie

Le tonus musculaire subit dans quelques maladies du système nerveux :


1° des modifications en moins, atonies ; 2° des modifications en plus, hyper¬
tonies ; 3° des perversions diverses, paratonies, dont l’étude, relativement
récente et encore très incomplète, a cependant déjà fourni quelques résul¬
tats forts intéressants.

1° Atonies. — Elles résultent, comme il a été expliqué plus haut, de l’in¬


terruption en un point quelconque de leur trajet, des voies que parcourt
l’excitation initiale pour se rendre de la périphérie à la moelle où elle se
réfléchit, ou de la moelle aux muscles dans lesquels doit se produir; la
réaction tonique. C’est dire que les sections traumatiques des nerfs, les
névrites dégénératives, les radiculités antérieures ou postérieures, les attri-
¥

tions de la moelle, les myélites centrales, aiguës ou chroniques, avec fo¬


yers de désintégration limités ou diffus, sont nécessairement suivies de
l’atonie des muscles dont le tonus était sous la dépendance de l’arc réflexe
interrompu. Nous savons aussi que l’atonie se traduit cliniquement par la
mollesse, l’aréflexie et l’asynergie des muscles atones, dont la contractilité
active, fibrillaire, peut, néanmoins, être mise en jeu par la percussion di¬
recte ou l’électrisation.
La perte du tonus est habituellement associée à la perte de la motilité vo¬
lontaire ; mais celte association n’est pas fatale ; elle fait défaut lorsque les
lésions provocatrices de l’atonie sont peu profondes ou ont une évolution
lentement progessive. Les tabétiques, par exemple, dont les racines posté¬
rieures de la région lombo-sacrée sont atrophiées par un processus torpide
de sclérose qui détruit peu à peu la plupart de leurs libres, et dont les mus¬
cles des membres inférieurs sont fortement hypotoniques et aréflexiques,
restent cependant capables d’exécuter des mouvements volontaires qui,
quoique mal coordonnés, sont suffisamment énergiques pour permettre aux
malades de se tenir debout et de marcher avec ou sans le secours de cannes.

2° Hypertonies. — Sous le nom générique d’hypertonies, on doit com-


662 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

prendre toutes les modifications permanentes en plus de l’intensité du tonus


musculaire. Confondues, jusqu’en ces derniers temps, avec les contractu¬
res vraies qui impliqueraient — théoriquement tout au moins -— la con¬
traction active des fibrilles striées, elles s’en distinguent autant par leurs
pathogénie que par leurs caractères cliniques. Il en existe deux formes dif¬
férentes dépendant, l'une des altérations organiques ou fonctionnelles de la
voie cortico-pyramidale, l’autre des lésions de la voie céréhello-rubro-spinale.

a) Hypertonies du type cortico-pyramidal. — Les variétés les plus con¬


nues de ce type, sont la contracture tardive des hémiplégiques et les con¬
tracta res hystériques.
a) Hypertonie tardive des hémiplégiques. — La contracture ou pour
mieux dire V hypertonie tardive des hémiplégiques, fort bien étudiée par
Bris3aud, en 1880, s’établit insidieusement dans les membres du côté opposé
à la lésion cérébrale, durant les premières semaines qui suivent, l’ictus ini¬
tial, en même temps que se développe la sclérose secondaire du faisceau
pyramidal. Elle prédomine aux extrémités distales des membres paralysés,
qu’elle tend à fixer en des positions toujours identiques ; aux membres su¬
périeurs, elle entraîne habituellement l’avant-bras en demi-flexion sur le
bras, le poignet en pronation, les doigts en flexion dans la paume de la
main ; les membres inférieurs restent ordinairement en extension ; les
muscles du tronc et du cou sont le plus souvent épargnés.
La raideur hypertonique coexiste souvent avec l’exagération des réflexes
tendineux et ostéo-périostiques, l’amplitude anormale des mouvements syn-
cinésiques et des phénomènes de clonus du pied, de la rotule et de la main.
Si l’on fait effort pour mobiliser passivement les membres hypertoniques,
on éprouve une égale résistance en les portant dans le sens de l’extension ou
de la llexion. Cette résistance s’accroît à mesure que le déplacement devient
plus ample. Elle ne s’assouplit pas par la répétition à courts intervalles de
mouvements alternatifs de va et vient.
Elle est légèrement influencée par la température des membres ; si ceux-
ci sont refroidis, leur raideur est plus marquée que s’ils sont réchauffés.
C’est sans doute pour cette raison que les hémiplégiques trouvent habituel¬
lement leur bras et leur jambe paralysés plus raides le soir, avant de se cou¬
cher, que lorsqu’ils se réveillent le matin après avoir passé la nuit sous des
couvertures chaudes.
Une fois établie, la rigidité persiste indéfiniment, sans rémission. Elle se
complique parfois à la longue de lésions articulaires qui peuvent aboutir à
de véritables ankylosés. Tant que cette complication ne s’est pas produite,
TONUS MUSCULAIRE 663

on peut faire disparaître momentanément la raideur par l’application de la


bande d’Esmarch. Elle disparaît aussi dans la phase de résolution du som¬
meil anesthésique et dans le courant des états comateux urémiques, dia¬
bétiques ou autres. Lorsque, par exemple, un hémiplégique ancien vient à
être frappé d’un nouvel ictus apoplectique accompagné de coma, ceux de ses
membres qui étaient précédemment contracturés deviennent souples et flas¬
ques comme ceux du côté opposé, tant que dure la perte de connaissance,
à moins qu’ils ne soient enraidis par des lésions articulaires.
Etant donné sa symptomatologie, il semble bien que la contracture tar¬
dive des hémiplégiques soit, comme le tonus physiologique, le résul¬
tat de la contraction réflexe et infatigable du sarcoplasme et non pas de la
contraction active mais peu persistante des fibrilles striées. La conserva¬
tion de la contractilité propre de ces dernières se manifeste d’ailleurs net¬
tement par les réactions brusques des muscles qui répondent vivement,
soit au excitations électriques, soit à la percussion de leurs niasses charnues
ou de leurs tendons.
b. Contractures hystériques. — Comme la contracture tardive des hémi¬
plégiques, les contractures hystériques paraissent être de nature sarcoplas-
mique. Elles ont été minutieusement étudiées entre 1880 et 1885, dans le
service de Charcot, à la Salpêtrière, et décrites par l’un des disciples les
plus distingués de cet incomparable maître, Paul Pocher, d’abord en 1885,
dans son bel ouvrage sur la grande hystérie, puis, avec plus de détails, en 1892,
dans son livre sur les paralysies et les contractures hystériques.
Leurs principaux caractères cliniques sont : 1° la permanence et l’infa¬
tigabilité. Elles persistent pendant des semaines, des mois, parfois même
des années, sans rémission le jour, sans atténuation la nuit, sans donner
lieu, à aucun moment, à des sensations de fatigue ; 2° quelle que soit l'at¬
titude du membre contracturé, la rigidité qui l’immobilise existe à un égal
degré dans le groupe des muscles protagonistes aptes à le maintenir dans
la position anormale et dans le groupe des antagonistes ; si, par exemple,
Je ppignet est fixé en flexion forcée sur l’avant-bras, les muscles extenseurs
du carpe innervés par le radial, sont aussi durs et tendus que les fléchisseurs
innervés par le médian et le cubital ; 3° les muscles contracturés ne sont pas
raccourcis au maximum ; ils peuvent toujours se rétracter davantage sous
l’influence de contractions provoquées par la faradisation ; 4° la contrac¬
ture disparaît pendant la phase de résolution du sommeil chloroformique,
mais elle reparaît après que les effets des inhalations anesthésiantes se sont
dissipés ; elle s’éclipse également sous la bande d’Esmarch et se rétablit
aussitôt aptiès la reprise de la circulation sanguine.
664 VOIES REFLEXES ET REFLECTIVITE

Le chapitre consacré par P. Richer à la physiologie pathologique de ces


contractures est tout à fait remarquable. On le croirait écrit d’hier, par un
médecin très au courant des idées nouvelles sur la dualité fonctionnelle des
éléments contractiles du tissus musculaire, bien qu’il ait été publié quatre
ans avant les premiers travaux de Bottazzi sur ce sujet.
La contracture hystérique, dit Richer, est un phénomène différent de la
contraction musculaire ; il n’est qu’une exagération du tonus physiologique.
Comme le tonus, la contracture est permanente et infatigable ; comme le
tonus, elle est un stade intermédiaire entre Létal passif de relâchement et
l’état de raccourcissement actif des muscles ; comme le tonus, elle s’accom¬
pagne de phénomènes physico-chimiques moins intenses que la contrac¬
tion • le bruit musculaire est moins fort, et moins régulier, la production
de chaleur moindre ; enfin, et c’est là le point le plus intéressant et le plus
original des observations de P. Riciieb. la comparaison des tracés mvo-
graphiques pris sur des sujets normaux et sur des malades en imminence
de contracture, ou déjà atteints de contracture, soumis les uns et les autres
à des excitations faradiques, montrent que la contraction des muscles des
premiers, est le résultat de la fusion de secousses rapprochées, aboutissant
au plateau caractéristique du tétanos physiologique, tandis que la contrac¬
ture des seconds est produite par l’allongement démesurément prolongé de
la phase de descente d'une seule secousse. Or, le fait de l’allongement du
temps de décontraction de la secousse musculaire, constaté plus tard piar
Bottazzi, sur les muscles des animaux vératrinisés, a été le point de départ
des recherches de cet auteur, concernant la contractilité du sarcoplasma
dans les muscles de la vie de relation (1).

(') Dans une récente communication à la Société de biologie (séance du 13 octobre


1923, T. 89, p. 733 des C. R.) MM. Foix, Thévenard et Dupasquier ont indiqué briève¬
ment les premiers résultats que leur a fournis l’étude comparée, faite avec les appareils
microphoniques et myographiques îles plus perfectionnés, la contraction cinétique et la
contraction statique des muscles. Il paraît résulter de leurs recherches : d’abord, que
le muscle à l’état de relâchement complet ne donne naissance à aucun bruit,
mais les auteurs ne spécifient pas si par les mots de relâchement complet ils entendent
le muscle au repos ayant conservé son tonus physiologique, ou le muscle atonique ;
ensuite que la contraction cinétique volontaire et la contraction statique ou posturale
donnent lieu l’une et l’autre à une courbe myographique révélant de 45 à 50 oscillations
doubles par seconde ; cette fréquence reste constante quel que soient le muscle exploré
et l’intensité de la contraction ; seule l’amplitude des oscillations s’accroît proportionnel¬
lement au degré d’énergie de la contraction, elle est plus grande dans les contractions
cinétiques que dans les contractions posturales. Ces deux modes de l’activité muscu¬
laire ne semblent donc pas correspondre à « une différence absolue dans la nature
intime des deux phénomènes ». Ces observations sont fort intéressantes, mais elles
visent uniquement des actes physiologiques et l’on ne saurait en étendre d’emblée les
conclusions à l’interprétation des contractures pathologiques permanentes comme celles
des hémiplégiques ou des hystériques.
TONUS MUSCULAIRE R65

En somme, d'après Richer, la contracture hystérique est une simple


exagération du tonus musculaire, lequel est lui-même un réflexe médullaire
continu, indépendant de la contraction active du muscle ; elle est vraisem¬
blablement conditionnée par une hyperexcitabilité dynamique de la moelle
épinière ; mais comment se produit cette hyperexcitabilité ; de quelle façon
et dans quelle mesure est-elle influencée par le cerveau ? Sur ce point,
Richer n’ose pas se prononcer et nous ne sommes pas plus en mesure aujour¬
d’hui de répondre à ces questions, qu’il ne l’était en 1992.

b) Hypertonies du type cérébelco-rubro-spinal. — Comme celles du


type cérébro-médullaire, les hypertonies du type cérébrello-rubro-spinal, pré¬
sentent plusieurs variétés, dont les plus connues sont : 1° la rigidité pai-
kinsonienne ; 2° les syndromes catatonique et cataleptoïde.
a) La rigidité parkinsonienne diffère notablement de la contracture tar¬
dive des hémiplégiques. Contrairement à cette dernière, elle prédomine
dans la musculature de la face, du cou, du tronc et de la racine des mem¬
bres. C’est d’elle que dépendent l’attitude penchée en avant des malades
atteints de paralysie agitante lorsqu’ils sont debout, et la position dite
« en nacelle », lorsqu’ils sont couchés sur le dos, position dans laquelle le
rachis et le bassin reposant sur le lit, la tête et les cuisses se maintiennent
relevées au-dessus du plan du lit.
Elle ne s’accompagne, ni d’exagération constante des réflexes tendineux,
ni de mouvements syncinésiques, mais elle est souvent associée à des trem¬
blements à renflements, à de l’hypermétrie des mouvements volontaires et
à de l’adiadococinésie, c’est-à-dire à des phénomènes dépendant de lésions
du système cérébelleux et des noyaux de la calotte pédonculaire (locus niger
et noyau rouge).
Elle ne donne pas lieu à des sensations de fatigue, mais les malades éprou¬
vent fréquemment des besoins agaçants de déplacements actifs ou passifs
des membres. Les parkinsoniens ne peuvent pas rester longtemps en repos.
Durant les phases initiales de leur maladie ils se plaisent à changer de posi¬
tion, à étirer leurs membres, à soulever des objets pesants. Par la suite,
quand la rigidité les empêche de se lever seuls de leur fauteil ou de leur
lit, ils tourmentent les personnes de leur entourage en leur demandant de
les aider à se relever ou à se retourner, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre.
Elle gêne l’exécution des mouvements volontaires qui restent tous pos¬
sibles et même énergiques, mais sont lents, manquent de souplesse et d’agi¬
lité. Elle met aussi un obstacle, très appréciable, aux déplacements passifs
des membres. Lorsqu’on demande aux malades de faire effort pour s’opposer
666 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

à ces déplacements, on peut constater un phénomène curieux, décrit par Sou¬


ques, Babinski et Jarkowski, André-Thomas, etc., connu sous le nom de phé¬
nomène des antagonistes. Voici en quoi il consiste : » Si on invite le malade à
résister à une traction qu’on exerce sur un segment de membre, soit dans
le sens de l’extension, soit dans le sens de la flexion, on constate alors un
relâchement des muscles antagonistes. Ce relâchement persiste pendant un
certain temps, même lorsque le malade a cessé son effort et (pie l’on main¬
tient simplement le segment sans le laisser se déplacer. Si maintenant pen¬
dant l’épreuve en question, on diminue l’intensité de la traction et qu’on
laisse le segment de membre se déplacer quelque peu, on voit immédiate¬
ment apparaître une contracture des muscles antagonistes, brusque, pareille
à une contraction réflexe, à la suite de laquelle se réinstalle la rigidité habi¬
tuelle (Babinski et Jarkowski).
La rigidité parkinsonienne n’est pas un signe pathognomonique de la pa¬
ralysie agitante ; elle se rencontre, à des degrés divers, dans toutes les affec¬
tions organiques des noyaux propres de l’isthme de l'encéphale, et, d’une
façon plus générale, de l’appareil cérébello-i ubro-spinal. Sa durée indéfinie et
ses qualités symptomatiques justifient son classement dans le groupe des hy¬
pertonies.
b. La catatonie et la plasticité cataleptoïde. — La catatonie et la plasticité
cataleptoïde, qui s’observent très fréquemment dans la démence précoce,
la confusion mentale, certaines phases des états hypnotiques et, à un moin¬
dre degré, dans quelques affections organiques de l’appareil cérébelleux,
sont des phénomènes de même nature, caractérisés tous les deux par la con¬
servation anormalement prolongée des attitudes passivement imprimées
aux membres des malades. Quelques auteurs n’y voient que l’exagéiation
morbide d’un réflexe normal que Foix et Thévenard ont décrit en 1923, sous
le nom de réflexe tonique de posture. D’après ces observateurs, tout dépla¬
cement passif d'un membre chez un sujet sain détermine une exagération
du tonus dans les muscles qui, de par leurs insertions, seraient aptes à pro¬
voquer, en se contractant, le même déplacement ; exemple : un sujet nor¬
mal étant étendu sur le dos, on porte l’un de ses pieds en flexion dorsale
avec rotation en dehors, c’est-à-dire dans la position qui serait produite par
la contraction volontaire ou électrique du jambier antérieur ; ce muscle de¬
vrait donc, semble-t-il, rester mou et relâché, or, c’est l’opposé qui arrive,
son tendon se dessine saillant sous la peau de la région externe du cou-de-
pied et demeure rigide et tendu pendant quelques instants, après qu’on a
cessé de maintenir le pied relevé. Ce réflexe tonique de posture qui rap¬
pelle le phénomène des antagonistes signalé par Babinski et Jarkowski, se
TONUS MUSCULAIRE 667

manifeste avec plus ou moins de netteté chez tous les sujets normaux ; il
est aboli chez les tabétiques et dans les membres paralysés des hémiplégi¬
ques et des paraplégiques, et, au contraire, exagéré chez. les parkinsonniens
et les athétosiques. Son exagération pure et simple suffît-elle à expliquer les
syndromes catatoniques et cataleptoïdes dans lesquels la position artificiel¬
lement donnée aux membres, persiste sans changement pendant plusieurs
minutes, parfois même, durant des heures entières ? nous ne le croyons
pas. A la vérité, le fait que ces singuliers phénomènes surviennent après
le déplacement passif des membres, permet de supposer que le réflexe toni¬
que de posture n’est pas étranger à la fixation initiale de ces derniers ; mais
la prolongation inusitée de l’attitude provoquée doit avoir d’autres causes :
et, si l’on considère que la plupart des malades, chez qui se produisent ces
syndromes, présentent des perturbations mentales, on est amené à penser
qu’une part de volonté ou plutôt d’aboulie, s’adjoint au réflexe postural
provocateur, pour déterminer la longue conservation d’attitudes souvent
incommodes et toujours inutiles.

3° Paratonies. — Les paratonies comprennent plusieurs formes ou varié¬


tés de perversions du tonus dont la phénoménologie est très vai’iée et la
pathogénie souvent fort complexe. Parmi elles, figurent la contracture pré¬
coce des hémiplégiques, les contractures spasmodiques d'origine toxique,
les mouvements athétosiques ou alhélosiformes, les contractures antalgiques
et réflexes, la bradycinésie de la maladie de Thomsen.
a) La contracture précoce des hémiplégiques. — C’est un des symptômes
des lésions cérébrales qui, par leur nature ou leur siège, irritent les ménin¬
ges ou l’épendyme ventriculaire. Lorsque ces lésions déterminent des ictus
apoplectiques, la contracture apparaît aussitôt après l’étourdissement ini¬
tial ; elle persiste pendant la période comateuse et après le retour de la con¬
naissance. Elle est rarement étendue à la totalité des muscles du côté para¬
lysé ; d’ordinaire, elle reste limitée à quelques muscles de la tète, du cou
ou d’un membre. Les réflexes tendineux du côté correspondant, sont pres¬
que toujours exagérés et assez souvent accompagnés de clonus. On la dit
à tort permanente ; elle peut changer de place d’un jour à l’autre et même
lorsqu’elle reste fixée sur un même point, elle présente fréquemment des
exacerbations et des atténuations périodiques ; cette particularité lui a fait
donner par Pavidetvkoi* le nom de syndrome hormétonique (de ôpjrr,, pous
sée, accès). On voit par ce court exposé de ses caractères cliniques, combien
elle diffère de la contracture tardive ou secondaire des hémiplégiques qui est
continue, fixe, immuable. Ses variations d’intensité d’un moment à l’autre,
668 VOIES REFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

la rapprochent plutôt des contractions lentes des muscles lisses de la vie


végétative innervés par le grand sympathique, et, de fait, il ne serait pas
impossible que les fibres nerveuses du système sympathique, dont sont abon¬
damment pourvues les méninges et les houppes vasculaires des plexus cho¬
roïdes, jouassent un rôle important dans sa pathogénie.
b) Les contractures spasmodiques toxiques. — La strychnine, la pilocar-
pine, la toxine tétanique, les poisons d’origine gastrique qui déterminent la
tétanie, et, d’une façon générale, toutes les substances dites convulsivan-
les, paraissent agir sur le système nerveux en provoquant une hyperexcita¬
bilité des centres réflexes du mésencéphale du bulbe et de la moelle qui se
déchargent violemment à l’occasion des moindres provocations extérieures
par des convulsions spasmodiques localisées ou généralisées durant lesquel¬
les le rôle du tonus est nul, submergé qu’il est par la contraction puissante
et désordonnée des muscles volontaires de la face, du tronc et des membres.
Dans les intervalles des accès convulsifs, l’exagération du tonus se ma¬
nifeste par des contractures plus ou moins systématisées, selon la nature de
l’agent toxique qui en est cause ; elle siègent principalement aux mains dans
la tétanie gastrique, aux mâchoires ou au tronc (trismus opisthotonos) dans
le tétanos bacillaire, etc.
c) Les mouvements athétosiques ou alhétosiformes. — Les mouvements
qui se produisent spontanément dans l’alhétose héréditaire ou acquise et
dans la chorée d’Huntington, paraissent être l’effet de contractions périodi¬
ques involontaires dont la lenteur et la forme reptatoire rappellent tellement
le mode de contraction des muscles lisses de l’intestin, qu’il paraît légitime
de les ranger dans le groupe des paratonies de nature sarcoplasmiquc. Cer¬
taines myotonies et beaucoup de crampes ont probablement une semblable
origine.
d) Les contractures dites antalgiques ou réflexes. — Elles sont en grande
partie volontaires. Les malades atteints d’une arthrite douloureuse, d’une
tumeur blanche du genou, par exemple, maintiennent instinctivement leur
membre endolori dans la position où ils en souffrent le moins, dans l’espèce
en demi-flexion sur la cuisse, et s’opposent farouchement à toute tentative
de déplacement actif ou passif qu’ils savent par expérience devoir leur cau¬
ser un redoublement de douleur ; quand un médecin veut les examiner, ils
contractent volontairement les muscles du membre menacé de mobilisa¬
tion ; on croit ces muscles contracturés, c’est une erreur, ils se détendent
aussitôt que le médecin ayant tourné les talons, le malade se sent en sécurité.
11 existe pourtant des contractures réflexes qui persistent pendant la phase
de résolution du sommeil anesthésique ; Babinski et Froment, en ont fait
SÉMIOLOGIE DES RÉFLEXES 069

!a démonstration,'en chloroformant des blessés de guerre suspectés de simu¬


lation ou d’exagération, mais elles sont moins fréquentes qu’on ne le sup¬
posait autrefois.
c) La bradycinésie de la maladie de Thomsen. — Elle est caractérisée
par une raideur très marquée des membres survenant seulement au début
de l’exécution des mouvements volontaires et disparaissant par la répétition
de ces mouvements. Le malade au repos ne ressent aucun malaise ; ses
membres sont souples, on peut les mobiliser sans éprouver de résistance
anormale ; sa musculature est puissante, ses réflexes tendineux sont nor¬
maux. Mais lorsqu’il veut se déplacer, il en est empêché par une rigidité
qui s’oppose à l’accomplissement du mouvement voulu. A-t-il résolu de
marcher, ses premiers pas sont lents comme si ses jambes étaient de plomb ,
puis, peu à peu, elles s’assouplissent et, une fois lancé, il peut faire sans
peine une étape de plusieurs kilomètres, à la condition toutefois de ne pas
s’arrêter en route, car s’il fait une halte, il éprouve pour se remettre en mar¬
che, la même difficulté que lors du premier départ.
La maladie de Thomsen est une myopathie organique. Ses lésions sont
connues ; elles consistent en une production surabondante de sarcoplasma
musculaire sans modifications appréciables des fibrilles striées. Dans toutes
les autopsies pratiquées jusqu’à ce jour, les nerfs périphériques et le névraxe
ont été trouvés intacts. Ces constatations anatomo-pathologiques sont inté¬
ressantes, mais il faut convenir qu’elles ne rendent pas clairement compte
du phénomène essentiel de la maladie, le bradycinésie Thomsenienne. L’hy¬
pertrophie du sarcoplasma devrait, semble-t-il, provoquer une hypertonie
permanente ; au lieu de celà, le tonus normal au repos s’exagère seulement
au début des mouvements volontaires. Il y a là un paradoxe physiologique
dont il est difficile de concilier les antinomies.

§ 6. — SÉMIOLOGIE DES RÉFLEXES

Les réflexes jouent en pathologie un rôle aussi important qu’en physio¬


logie. Ils figurent à titre principal ou accessoire parmi les symptômes de
presque toutes les maladies. Il n’est pas d’affections du système nerveux
central ou périphérique où leur exploration ne fournisse de précieuses indi¬
cations diagnostiques et pronostiques, à tel point qu’une observation clini¬
que dans laquelle ne serait pas relevé l’état précis des réflexes serait aussi
défectueuse que si l’examen de la mobilité ou de la sensibilité y était passé
sous silence.
6/0 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

Les réflexes protecteurs des organes des sens, les réflexes cardiaques, vaso¬
moteurs, pilo-moteurs, glandulaires et sphinctériens ayant été décrits dans
les précédents chapitres de cet ouvrage, nous étudierons seulement dans les
pages suivantes : 1° les réflexes cutanés ; 2° les réflexes tendineux , 3* les
réflexes ostéo-périostiques ; 4° les réflexes d’automatisme médullaire.

A) RÉFLEXES CUTANÉS

Les réflexes cutanés le plus souvent explorés en clinique sont les réflexes
plantaire, abdominal, crémasterien, fessier, bulbo-caverneux, anal, spinal,
scrotal, mamillo-aréolaire et quelques réflexes vaso-moteurs localisés aux
points d’excitation de la peau.

1° Réflexe cutané plantaire. — C’est de beaucoup le mieux étudié et le


plus important de tous les réflexes cutanés. Signalé par Schwartz en 1882,
il n’est entré dans la pratique que quatorze ans plus tard, grâce aux recher¬
ches de Babinski et de Brissaud, suivies de celles d’une foule d’autres obser¬
vateurs qui ont successivement révélé des détails intéressants relatifs à sa
pathogénie et à sa valeur sémiologique.
a) Technique de sa recherche. — Le sujet à examiner étant couché sur un
lit ou assis sur une chaise, le médecin soulèvera avec sa main gauche l’un
des pieds du patient et tout en maintenant ce pied à angle droit sur la jambe
il passera légèrement, de bas en haut, sur le milieu, ou, mieux, sur le côté
externe de la région plantaire la pointe émoussée d’un corps dur tenu dans
sa main droite ; cette excitation provoquera sur la grande majorité des sujets
normaux une triple réaction sensiblement simultanée : la pointe du pied se
relèvera, les orteils se fléchiront el le tenseur du fascia lata se contractera (1).
Il importe que l’excitation ne soit pas assez énergique pour déterminer une
vive douleur, sans quoi elle serait suivie d'un mouvement antalgique volon¬
taire de recul du pied, avec flexion de la jambe sur la cuisse et de la cuisse
sur le bassin.

(1) Le frôlement du bord interne du pied donne quelquefois lieu à un réflexe différent
appelé réflexe d'adduction du pied. Décrit en 1903 et 1904 par FIirsberg et Rose. Négligé
par leurs successeurs il a été de nouveau étudié en 1910 par P. Marie et H. Meige, qui
l’ont observé chez un grand nombre de soldats porteurs de blessures de la tête, avec ou
sans fracture du crâne, et souvent sans lésions grossières du cerveau. La réaction qui le
caractérise est une contraction du muscle jambier postérieur dont l’effet est de porter le
pied en adduction et h le renverser en dedans en élevant son bord interne.
SÉMIOLOGIE DES RÉFLEXES (i/1

b) Ses variations de forme suivant les âges. — Le réflexe cutané plantaire


présente une particularité qui n’a été observée sur aucun autre réflexe : il
change plusieurs fois de forme pendant la vie. Ivrabbe, Bersot, Minkowski

l’ont étudié sur des fœtus humains de 2 à 5 mois, expulsés avant terme ou
extraits de l’utérus maternel par des opérations césariennes ; ils ont tous les
trois constaté qu’il se faisait généralement en flexion, le gros orteil se fléchis¬
sant comme les autres ou restant immobile. Muggia, André Léri l’ont exa¬
miné chez des nourrissons de. 1 à 6 mois et chez des enfants de moins de 3
ans ; ils ont observé que pendant les six premiers mois qui suivent la nais¬
sance le gros orteil répond à l'excitation plantaire par un mouvement
d’extension. A partir de la fin du sixième mois et jusqu’à la fin de la troi¬
sième année il se modifie graduellement ; l’extension du gros orteil se trans¬
forme en flexion. Après la troisième année et pour le reste de la vie la flexion
simultanée des cinq orteils est la règle générale ; l’extension réflexe des
orteils ou seulement du gros orteil ne se produit plus que sous l’influence de
causes pathologiques.
c) Ses voies conductrices et ses centres de réflexion. — La voie centripète
du réflexe plantaire est fournie par les fibres sensitives des nerfs plantaires
interne et externe provenant du plexus sacré par le grand sciatique, le scia¬
tique poplité interne et le tibial postérieur.
La voie centrifuge emprunte, pour la réaction des orteils : les fibres motri¬
ces des mêmes nerfs qui animent les longs et courts fléchisseurs des orteils, et
pour la réaction du tenseur du fascia lata, le rameau inférieur du nerf fessier
qui se rend à ce muscle.
Les centres de réflexion médullaire se trouvent au niveau des IV et V seg¬
ments lombaires et des I et II segments sacrés.
d) Ses modifications pathologiques. — Le réflexe cutané plantaire peut
être affaibli, exagéré, croisé, bilatéralisé, dissocié ou inversé :
a) Il est affaibli dans les maladies générales entraînant une dépression de
l’excitabilité de la moelle. Il arrive assez souvent qu’il paraisse affaibli sans
l’être en réalité. Cela se produit notamment lorsque le pied des sujets exami¬
nés est très froid ou suant. Il sera facile d’éviter cette cause d’erreur en
réchauffant le pied refroidi ou en essuyant le pied couvert de sueur.
[}) Il est aboli dans les radiculites sacro-lombaires, les sections du tibial
postérieur, du sciatique poplité interne ou du tronc du nerf sciatique, les
polynévrites toxi-infeetieuses ou dyscrasiques intéressant le nerf sciatique ou
ses branches, les myélites, les compressions ou les néoplasmes du renflement
sacro-lombaire de la moelle épinière.
y) Il est exagéré des deux côtés lorsque la réflectivité médullaire est aug-
672 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

mentée par des intoxications ou des infections générales (empoisonnements


par la strychnine, la picrotoxine ; tétanos, rage, etc.) et d’un seul côté
lorsqu’il existe des lésions inflammatoires ou traumatiques locales de nature
à rendre hypersensibles les téguments ou les tissus profonds de l’un des deux
pieds (phlegmons, arthrites tuberculeuses ou gonococciques, etc.).
Son exagération coexiste généralement avec une extension anormale de la
zone réflectogène ; si bien que l’on peut alors provoquer le réllexe plantaire
par des manœuvres qui ne déterminent normalement aucune réaction des
orteils, par exemple par le pincement du tendon d’Achille (Schoeffer), la
percussion de ce tendon (Villaret et Faure-Beaulieu), la compression de
la masse musculaire du mollet (Gordon), la friction de haut en bas de la face
antéro-externe de la jambe (Oppenheim).
S) Il est dit croisé lorsque l’excitation portée sur la plante du pied d’un
côté n’est pas suivie de réaction des orteils de ce côté, mais en détermine une
dans ceux du côté opposé. Celte anomalie d’ailleurs assez rare parait démon¬
trer que la voie centripète du réflexe est conservée du côté excité puisque
l’excitation se transmet à la moelle, mais que sa voie centrifuge est interrom¬
pue, tandis qu’elle est intacte du côté opposé (Kidd).
z) 11 est bilatéralisé lorsque l’excitation d’un côté est suivie d'une réaction
du type normal ou anormal des deux côtés à la fois. Ce mode de perversion
est fréquent chez les hémiplégiques (Marinesco, Fairbanks, Castex, Cordon,
etc.).
Ç) Il est dissocié quand le frottement de la plante du pied au lieu
d’élection provoque une réaction motrice dans les orteils, sans contraction du
fascia lata ou inversement. Cette anomalie est un des signes qui peuvent
servir à distinguer les névralgies sciatiques radiculaires supérieures dont les
lésions siègent sur les racines des IVe et V" paires lombaires, des sciatiques
radiculaires inférieures qui sont la conséquence de lésion des premières pai¬
res sacrées, et des névrites sciatiques tronculaires. Dans le premier cas lu
réaction du fascia lata est seule défaillante, dans le deuxième la réaction des
orteils fait seule défaut, dans le troisième le réflexe plantaire est totalement
aboli.
y)) Enfin, il est inversé quand après l’excitation plantaire, les orteils ou
tout au moins le gros, au lieu de se fléchir comme à l’état normal chez les
sujets âgés de plus de trois ans, se mettent en extension. C’est là la modalité
la plus commune de ses perversions. Elle constitue le signe universellement
connu sous le nom de signe de Babinski, dont l’élément essentiel est l’exten¬
sion du gros orteil.
11 coïncide souvent avec l’hyperexeitabilité de la région plantaire et l’exa-
SÉMIOLOGIE DES RÉFLEXES 673

gération de l'étendue de la zone rélleclogène. On le voit alors se produire


après les contacts les plus légers de la plante, se manifester à la suite du
grattage ou du pincement de la peau de la face dorsale du pied, de la jambe,
dé la cuisse, de l’abdomen. Guillain et Gui non ont publié les observations de
deux malades atteints de paralysie infantile chez qui l’excitation d’un point
quelconque du tégument externe était suivie de l’extension du gros orteil.
Emile Weil a constaté le même phénomène pendant l’effort fait par les
malades pour relever le tronc dans la recherche du signe de Kernig ; de

Souza et de Castro l’ont vu se produire à la suite de la contraction volon¬


taire de n’importe quel groupe musculaire des membres supérieurs ou infé¬
rieurs
Par contre, Babinski, Ivrumbahar et d’autres ont remarqué que la zone
réflectogène était parfois anormalement rétrécie et à double effet : le frotte¬
ment de son bord interne déterminant la llexion des petits orteils et le frot¬
tement de son bord externe P extension isolée du gros orteil.
D’autre part Barré et Morin ont noté que chez certains malades le degré
de l’excitation plantaire n’était pas sans influence sur le sens de la réaction :
le frottement léger provoquait chez eux un réflexe en flexion ; le frottement
plus énergique, un réflexe en extension.
Enfin, chez les malades qui présentent nettement le signe de Babinski,
l’extension du gros orteil peut être inhibée par le refroidissement du pied
(Babinski et Froment, Noïca et Badovici), par l’ischémie consécutive à
l’application de la bande d’Esmarch IBabinski, Ozorio de Alméida et Esporel)

et par de simples changements de position des membres inférieurs


(Guillain, Boveri).

e) Signification diagnosiique du signe de Babinski. — L’extension réflexe


du gros orteil est un signe précieux des lésions organiques de la voie pyra¬
midale. Il existe dans la plupart des cas d’hémiplégie d’origine corticale
centrovalaire ou capsulaire, dès les premières heures qui suivent l’ictus ini¬
tial, longtemps, par conséquent, avant le développement de la dégénération
secondaire des cordons latéraux. Potts et Weissemburg ont fait remarquer
qu’une des conditions nécessaires de son apparition était que la lésion céré¬
brale atteignit les fibres nerveuses qui se rendent du cerveau aux segments
inférieurs de la moelle et président à la motricité des muscles de la jambe.
Ils ont rapporté à ce sujet une observation très démonstrative. Un malade
atteint d’un sarcome de 2 c/m de diamètre, siégeant dans la zone motrice de
1 hémisphère gauche, ainsi que le démontra l’autopsie, présenta entre autres
symptômes une hémiplégie lentement progressive qui, après avoir débuté
par le membre supérieur droit, gagna le côté droit, de la face et s’étendit
LES NERFS EN SCHÉMAS
43
674 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

finalement au membre inférieur. Tant que la paralysie fut limitée au mem¬


bre supérieur et à la face, le réflexe achillien resta normal ; aussitôt qu’elle
atteignit le membre inférieur, l’extension du gros orteil apparut.
Le signe de Babinski existe dans toutes les affections de la moelle qui
s’accompagnent d’altérations primitives ou secondaires des cordons latéraux.
On le trouve notamment, dans le tabès spasmodique, la sclérose latérale
amyotrophique, la maladie de Friedreich, les myélites transverses, les com¬
pressions médullaires par lésions tuberculeuses, cancéreuses ou autres des
vertèbres, la syringomyélie, etc.
On l’observe aussi dans le cours des maladies générales qui se compliquent
de poussées congestives ou d’altérations toxi-infectieuses des éléments consti¬
tutifs de la moelle, particulièrement dans la fièvre typhoïde où Léopold
Lévy a constaté sa présence dans 50 p. 100 des cas ; dans les diphtéries gra¬
ves (Rolleston), la gonococcie, le rhumatisme chronique primitif (André
I.éri), la pellagre, les anémies pernicieuses, etc.
f) Interprétation théorique de sa genèse. — La pathogénie de, l’inversion
du réflexe cutané plantaire a donné lieu à de nombreuses controverses.
Tandis que Babinski se cantonnant sur le domaine des faits cliniques se bor¬
ne à constater la condition essentielle de sa production : une adultération
organique des faisceaux pyramidaux, Kalïsciier, jNoïca, Pierre Marie et
Foix y voient la première esquisse des phénomènes d’automatisme médul¬
laire adapté à la fonctiori de la marche ; van Voerkom l’explique par une
régression de la réflectivité vers l’état fœtal ou tout au moins juvénile, dans
lequel le système pyramidal n’a pas encore acquis son complet développe¬
ment. Les rapports constants avec des lésions qui mettent ce faisceau en état
d’infériorité physiologique concordent bien avec cette manière de voir. 11
nous paraît inutile de discuter ici les raisons invoquées en faveur de l’une ou
de l’autre de ces opinions dont aucune n’est encore acceptée par la majorité
des médecins.

2° Réflexe abdominal. — Le réflexe abdominal a été introduit dans la


sémiologie par Rosenbach en 1879. On le divise en supérieur ou épigastrique,
moyen ou hypogastrique, et inférieur ou inguinal.
Pour le provoquer il suffit de passer un corps dur sur les divers étages des
parois de l’abdomen.
Ses voies centripètes et centrifuges sont fournies par les fibres sensitives et
motrices des six dernières paires de nerfs intercostaux ; ses centres de réflexion
se trouvent : pour le réflexe supérieur entre les VIe et IXe métamères dorsaux,
SÉMIOLOGIE DES RÊFLEXËS 675

pour le moyen entre les VIIIe et X9, pour l’inférieur entre le IX6 dorsal et le
1er saci’é (Gottiiard, Suderberch).

Les réflexes abdominaux sont très souvent affaiblis ou abolis du côté para¬
lysé chez les hémiplégiques, dans les sections traumatiques ou spontanées
de la moelle et, dans les myélites transverses ou les compressions siégeant au-
dessus de la partie moyenne de la région dorsale du névraxe. Il manque aussi
assez souvent chez les diabétiques. Sa carence peut servir à déterminer le
siège en hauteur des lésions médullaires. Si les trois réflexes sont défaillants
la lésion se trouve au-dessus de la VIe paire dorsale, si le supérieur est aboli
et les deux autres conservés elle est située au-dessous de la VIIe paire dorsale,
si l’inférieur est seul aboli elle siège au niveau de la VIIIe ou de la IXe paire.

3° Réflexe crémastérien. — Le réflexe crémastérien ou testiculaire, décrit

dès 1875 par Jastrowjtz et bien étudié en 1902 par Tozzi est caractérisé par

l’élévation rapide du testicule résultant de la contraction du muscle crémas-

ter, provoquée elle-même par le frottement de la peau de la partie supéro-

interne de la cuisse.

Très vif chez les enfants et les adolescents, plus faible et plus lent chez les
adultes, il fait défaut chez la plupart des vieillards.
Son centre de réflexion se trouve à la hauteur de la lre paire lombaire.
Aboli dans les lésions médullaires siégeant au niveau du renflement lom¬
baire, il est souvent affaibli du côté paralysé chez les hémiplégiques, chez les
impuissants génitaux et chez un bon nombre de diabétiques. Il est au con¬
traire exagéré dans la majorité des cas de névralgies sciatiques (Gibson).

Chez les femmes, le réflexe crémastérien est remplacé par la contraction


du faisceau inférieur du petit oblique qui se produit aussi chez l’homme en
même temps que celle du crémaster. C’est pourquoi plusieurs auteurs lui
donnent-ils le nom de réflexe inguinal qui a l’avantage de s’appliquer aussi
bien à un sexe qu’à l’autre.

4° Réflexe fessier. — Le réflexe fessier ou glutéal, étudié en 1918 par


Lhermitte, et en 1919 par Vidoxi, est la contraction du muscle grand fessier
succédant au passage d’un corps dur sur la partie moyenne de la fesse ou la
marge du sillon interfessier.
Son centre de réflexion se trouve au niveau des IVe et Ve segments lom¬
baires et du Ie* segment sacré. Il est souvent exagéré dans les névralgies
sciatiques et les lésions traumatiques du nerf sciatique.

5° Réflexe bulbo-caverneux. — Le réflexe bulbo-caverneux décrit par


Onanoff en 1890 et par Hughes en 1891 est la contraction du muscle bulbo-
076 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

caverneux provoquée pai la pression brusque du gland- entre le pouce et


l’index.
Son centre de réflexion paraît être dans le IIIe segment sacré.
D'après Bloch et Onanoff il serait aboli dans les cas d’impuissance géni¬

tale d’origine organique, notamment chez beaucoup de tabétiques.

6° Réflexe anal. — Le réflexe anal est la contraction du sphincter externe


de l’anus qui suit le contact d’un corps étranger piquant ou mousse avec la
peau de l’orifice anal
Son centre de réflexion se trouve entre la IVe et la VIe paire sacrée, parti¬
culièrement dans la Y0.
Il est aboli après la section de la moelle au-dessus du rendement sacré ou
la désorganisation de ce renflement par des lésions destructives.
Chez la femme, la contraction de l’anus est accompagnée d’un resserre¬
ment de l’orifice externe du vagin. L’occlusion simultanée de ces deux orifi¬
ces est due à l’unité anatomique de leurs deux sphincters (Rossolimo).

7° Réflexe spinal. — Le réflexe spinal ou réflexe cutané du dos est le


mouvement brusque du cou et du tronc qui se produit automatiquement
chez les sujets dont on frotte à l’improviste la colonne vertébrale avec un
corps dur. Galant qui l’a exploré sur des nourrissons a constaté que lors¬
qu'on passe le manche d’un marteau à réflexe sur l'un des côtés de la colonne
vertébrale, les bébés réagissent toujours par un mouvement en arc de cercle
très rapide qui incline leur tronc vers le côté irrité. Noïca l’avait précédem¬
ment recherché sur des adolescents et l’avait trouvé inconstant et d’intensité
très variable d’un côté à l’autre. Personne, à notre connaissance, n’a soumis
ce réflexe à une étude systématique régulière chez l’adulte sain ou malade.

8° R ’flexe scrotal ou dartoique. — Il se manifeste par la rétraction et le


plissement de la peau des bourses provoqués par le froid ou l’application pur
le scrotum ou la partie interne des cuisses, de certains liquides auxquels les
téguments de cette région sont particulièrement sensibles, comme l’essence
de térébenthine ou le chloroforme.
La peau du scrotum reçoit sa sensibilité de rameaux provenant des bran¬
ches du nerf génito-crural (plexus lombaire) et des nerfs honteux internes
(plexus sacré). Les fibres musculaires du dartos sont innervées par des filetp
du grand sympathique qui leur parviennent par les nerfs précédents. Le
centre médullaire du réflexe scrotal se trouve entre la IVe paire lombaire et
la Ire sacrée.
SÉMIOLOGIE DES REFLEXES 677

Très vif chez les adolescents et les jeunes adultes le réflexe dartoïque s’atté¬
nue avec l’âge et disparaît chez la plupart des vieillards.
Il est aboli dans les lésions destructives du segment lombo-sacré de la
moelle.

9° Réflexe mamillo-aréolaire- — Il est caractérisé par la turgescence du


mamelon et le gonflement des glandes de l’aréole à la suite de la friction ou
du chatouillement du sein. — Très accentué chez la femme, surtout pendant
la grossesse et l’allaitement, il s’atténue et disparait après la période active
de la vie génitale.

10° Réflexes vaso-moteurs localisés de la peau. — Ils se manifestent par


des modifications de la coloration des téguments consécutives au passage
d’un corps dur sur l’épiderme. Chez les sujets normaux ce mode d’excitation
détermine une raie blanche à son centre et limitée sur ses deux bords par
une bande rosée qui se dissipent en quelques minutes. Dans certaines condi¬
tions pathologiques il provoque des réactions vaso-motrices beaucoup plus
accentuées et plus persistantes, dont les plus connues des cliniciens sont la
raie rouge méningitique de Trousseau, la raie blanche de Sergent et le der¬
mographisme.
La raie rouge de Trousseau n’est pas, comme le croyait ce grand observa¬
teur, un signe caractéristique de la méningite tuberculeuse. On la rencontre
aussi dans un bon nombre de cas de fièvres éruptives et d’autres maladies
fébriles. La raie blanche de Sergent n’est pas non plus absolument patho¬
gnomonique de l’insuffisance de la sécrétion des glandes surrénales bien
qu’elle soit plus marquée dans les cas où l’adrénaline ne se trouve pas en
quantité normale dans le sang. Le dermographisme se produit surtout chez
les sujets très émotifs et les grands neuropathes.
Sont-ce là de véritables réflexes ou des phénomènes d’excitation mécanique
des fibres lisses de la peau ? La question n’est pas encore complètement réso¬
lue. Quelques auteurs soutiennent la théorie myo-mécanique parce que,
disent-ils, les réactions réflexes ordinaires sont moins persistantes. D’autres
y voient des effets d’actes réflexes modifiés dans leurs manifestations par des
altérations toxi-infectieuses de la crase sanguine.

B\ REFLEXES TENDINEUX

Bien qu’ils soient doués d’une sensibilité générale très faible, les tendons
des muscles volontaires sont entourés d’un riche réseau de fibres et de cor-
678 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

puscules terminaux dépendant en majeure partie du système nerveux de la


vie organique, dont les éléments sont aptes à colliger et à transmettre au
névraxe des excitations susceptibles de donner lieu à des contractions réflexes
des muscles correspondants.
Les réflexes tendineux ont pris place dans la sémiologie à partir de 1875,
à la suite de la publication dans le même fascicule des Archïb fiir Psychiatrie
urtd Nervenkrankheiten de deux mémoires, l’un de Erb, l'autre de Westphal

relatifs au mouvement d’extension brusque de la jambe, provoqué chez les


sujets normaux par la percussion du tendon rotulien. Westphal voyant-là
une réaction dont il ne saisissait pas le mécanisme physiologique, décrivit
cette réaction sous le nom de phénomène du genou (Kniephœnomen) qui ne
préjugeait rien sur sa nature. Erb y reconnut d'emblée un acte de réflectivité
et lui donna le nom de rélleve du tendon patellaire (Patellar sehnen reflexe).
Les recherches de Tschirjew, entreprises à la sollicitation de Westphal,

aboutirent, contrairement aux espérances de ce dernier, à confirmer l’opi¬


nion de Erb. Mais Westphal prit une éclatante revanche en 1878, en
démontrant que le réflexe patellaire était généralement aboli chez les tabé¬
tiques. Le signe de Westphal prit alors une grande importance en neuro¬
pathologie ; il figure depuis lors à côté du signe de Romberg et du signe
d’Argill-Robertson dans la symptomatologie de l’ataxie locomotrice progres¬
sive. Les autres réflexes tendineux ne furent utilisés en clinique que près de
vingt ans après le rotulien.
Les réflexes tendineux qui sont le plus souvent explorés en clinique sont :
1° le réflexe rotulien ; 2° le réflexe achilléen ; 3° le réflexe tibio-fémoral pos¬
térieur ; 4° le réflexe péronéo-fémoral ; 5° le réflexe du triceps-brachial ; 6° le
réflexe du biceps brachial ; 7° le réflexe massétérin.

1° Réflexe rotulien. — Le réflexe rotulien ou patellaire est le mouvement


d’extension brusque de la jambe sur la cuisse qui se produit automatique¬
ment après la percussion du ligament rotulien, étendu, comme on le sait,
entre la tubérosité antérieure du tibia et l’extrémité inférieure de la rotule.
C’est un réflexe physiologique. Il est fort rare qu’il fasse défaut chez les
sujets normaux, enfants, adolescents ou adultes. Chez 56 vieillards réputés
sains, ayant dépassé 80 ans, Moebius fa trouvé affaibli 7 fois et aboli 9 fois :
mais qui peut affirmer l’intégrité du névraxe chez des personnes d’un âge
aussi avancé P
a) Technique de sa recherche. — Si le sujet à examiner est alité dans le
décubitus dorsal, le médecin passant son bras gauche sous le jarret du
patient relèvera la cuisse de ce dernier jusqu’à ce qu’elle forme avec la jam~
SÉMIOLOGIE DES RÉFLEXES 679

be un angle de 125 à 130 degrés ; puis après avoir repéré avec l'index de la
main droite la dépression existant entre la tubérosité du tibia et le bord! infé¬
rieur de la rotule il frappera un coup sec sur le milieu de cette dépression,
soit avec le bord cubital de sa main droite, soit, de préférence, avec un mar¬
teau à percussion.
Si le sujet n’est pas alité, on le fera asseoir sur une chaise, on le priera de
porter la cuisse d'un côté sur le genou de l’autre, et après avoir repéré la
place du tendon on frappera sur elle le coup destiné à déclencher le réflexe.
Cette position a l’inconvénient d’obliger le malade à changer la position de
ses membres inférieurs lorsque, après avoir exploré un coté, le médecin veut
explorer l’autre. Aussi sera-t-il préférable, toutes les fois qu'on le pourra, de
faire asseoir le patient sur le bord d’une table, ses deux jambes pendantes,
sans que les pieds touchent le sol, et de percuter successivement avec une
égale force le côté droit et le côté gauche.
11 importe de ne pas oublier que le réllexe rotulien peut, comme beaucoup
d’autres, être réfréné ou inhibé par la volonté ou par l’effet de l'attention
expectante. Pour se mettre à l’abri de cette cause d’erreur on devra avoir-
recours à des artifices. Le plus simple est celui de Jendrassik. : on demande
au sujet de joindre les doigts de ses deux mains fléchis en crochet et d’atten¬
dre pour essayer de vaincre la résistance du crampon formé par ce mode de
crochetage des doigts qu’on le lui commande ; l'ordre lui en sera donné à
l’improviste, au moment précis où l’on percutera le tendon. Kornig préfère
détourner l'attention du patient en lui disant de respirer profondément, les
yeux fixés sur le plafond ; Rosenbacju lui fait lire à haute voix quelques
lignes d’un livre ou d’un journal.
Son centre de réflexion se trouve dans le troisième segment lombaire.
b) Ses variations quantitatives dans l'état physiologique. — Elles ont été
minutieusement étudiées par Lombard, dont les recherches contrôlées ulté¬
rieurement par d’autres auteurs ont établi les faits suivants : Les réflexes
rotuliens sont plus vifs et plus amples le matin que le soir, après les repas
que dans les périodes d’abstinence. Les excitations sensorielles intenses,
comme l’audition d’une musique bruyante*à rythme entraînant, l’exagèrent ;
l’exercice musculaire modéré le rend plus fort, poussé jusqu’à la fatigue, d
l’affaiblit (Orchanski, Monrad Krohn) ; les émotions gaies augmentent son
intensité, les émotions tristes l’affaiblissent et peuvent même aller jusqu’à
l’abolir (Vogt). Neumann a constaté que pendant la grossesse et après les
couches les réflexes rotuliens étaient exagérés.
Toutes ces variations physiologiques sont bilatérales et égales des deux
côtés.
680 VOIES REFLEXES ET REFLECTIVITE

c) Ses modifications qualitatives. -— Ses modifications qualitatives, tou-


jours liées à des états pathologiques sont la contralatéralisatiori et l'inversion
a) La contralatéralisation est caractérisée par le fait que la percussion du
tendon rotulien d'un côté provoque, soit en même temps que la réaction
habituelle du quadriceps correspondant, soit isolément, une contraction des
muscles adducteurs de la cuisse du côté opposé. Bien étudiée par Pierre
Marie, par son élève Ganault, et plus tard par Myerson, cette anomalie
s’observe assez fréquemment chez les hémiplégiques.'
p) L'inversion du réflexe rotulien est rare. Elle se manifeste par la con
traction des muscles fléchisseurs de la jambe au lieu de celle des extenseurs
Dejerine et Jumentie ont rencontré cette inversion dans un cas de tabes,
Guillain et Barré l’ont constatée à la suite d’une lésion traumatique du nerf

sciatique poplité externe.


d) Ses modifications dans les maladies générales. — Toute variation en
plus ou en moins de l’excitabilité médullaire se traduit par des modifications
corrélatives et bilatérales des réflexes rotuliens. Us sont, notamment, exagé¬
rés dans le cours des fièvres infectieuses de moyenne gravité, dans la fièvre
typhoïde (50 pour 100 des cas d’après Léopold Lé'vy), dans la diathèse cancé¬
reuse (de Bock et Vanderlinden), le rhumatisme chronique primitif, les
néphrites albumineuses (Léon Alexander), les intoxications par la strychine,
les anémies pernicieuses, la pellagre, etc
Ils sont au contraire affaiblis ou abolis dans les formes graves des fièvres
palustres, de la diphtérie, des pneumonies, dans la période algide du cholé¬
ra, toutes maladies dans lesquelles leur carence est d’un pronostic très sévère,
Ils sont, aussi assez souvent abolis dans le diabète.
e) Sa valeur sémiologique dans les affections du système nei'veux. — Le
réflexe rotulien est exagéré du côté paralysé et parfois aussi de l’autre, dans
toutes les hémiplégies causées par des lésions en foyer de la zone motrice
corticale ou de ses faisceaux de projection et dans toutes les affections de la
moelle épinière intéressant directement ou indirectement les cordons laté>-
raux. Son exagération coïncide très souvent avec la contracture permanente
et le clonus de la rotule, mais il a été expliqué plus haut que l’association de
ces trois phénomènes n’est pas constante et nécessaire (v. p. 650). Elle
coexiste plus souvent encore avec l’inversion du réflexe cutané plantaire qui
caractérise le signe de Babinski et a la même signification clinique.
L’abolition du réflexe rotulien s’observe dans l’ataxie locomotrice progres¬
sive où elle précède fréquemment l’incoordination motrice et même les dou¬
leurs fulgurantes ; dans la méningite cérébro-spinale, dans les poliobulbites
et les poliomyélites, dans les radiculites du segment lombo-sacré, dans les
SÉMIOLOGIE DES RÉFLEXES 681

paralysies radiculaires du plexus sacré, dans les paralysies polynévritiques


toxi-infectieuses ou dyscrasiques des membres inférieurs, alcooliques, tuber¬
culeuses, typhoïdiques, diabétiques, etc. ; dans les sections du nerf sciatique
et dans un certain nombre de névralgies sciatiques tronculaires ou radi¬
culaires.
Le réflexe rotulien est également aboli dans les transsections traumatiques
de la moelle dorsale ou cervicale, mais seulement pendant les premières
semaines qui suivent l’interruption de continuité de la moelle.

2° Réflexe achilléen. — Le réflexe achilléen est le mouvement de flexion


plantaire du pied qui succède automatiquement à la percussion du tendon
d’Achille.
Il existe chez toutes les personnes normales. Charpentier qui l’a recher¬
ché sur 1.200 soldats ne l’a pas trouvé une seule fois défaillant.
Signalé dès 1879 par Gowers et par O. Bercer, à un moment où l’atten¬
tion des médecins était vivement attirée par les recherches dont le réflexe
rotulien était le sujet, il n'entra dans la pratique neurologique qu’après la
publication des travaux de Ziehen (1887-1889), qui, l’ayant exploré sur 1.900
sujets atteints de diverses maladies, constata son abolition chez deux tiers des
paralytiques généraux (102 fois sur 158 cas), avant même que le réflexe rotu¬
lien fut affaibli ou aboli, et démontra que sa carence sur des adultes appa¬
remment sains devait d’autant plus faire soupçonner une infection syphili¬
tique antérieure que des cures mercurielles intensives pouvaient parfois le
faire reparaître.
A partir de 1890 il n’a pas cessé de tenir en éveil la curiosité des neurolo¬
gistes et de donner lieu à une énorme floraison de notes et de mémoires au
nombre desquels il est juste de signaler en première ligne ceux de Babtnskt.
a) Technique de sa recherche. — Si le sujet à examiner est alité, le méde¬
cin passera son bras gauche sous la cuisse du malade, la soulèvera, et main¬
tenant avec sa main le pied de ce dernier à angle droit sur la jambe demi-
fléebie, il percutera avec le marteau à percussion tenu de sa main droite le
tendon d’Achille à explorer, immédiatement au-dessus du point où il s’insère
sur le calcanéum.
Si le sujet n'est pas alité, on le fera mettre à genoux sur une chaise ou un
fauteuil, ses pieds dépassant le rebord du siège, et, après s’être assuré que
les muscles de ses mollets sont dans le relâchement, on procédera alternati¬
vement à la percussion du tendon de l’un et de l’autre côté au lieu d’élection.
Lorsque la réflectivité est normale, la réaction-du choc frappé sur le ten-
682 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

don achilléen est une contraction brusque du gastro-cnémien, qui a pour


effet de fléchir le pied sur la jambe.
La voie centripète de ce réllexe est fournie par les libres sensitives du nerf
sciatique dont les filets terminaux se distribuent dans le tendon percuté ; sa
voie motrice, par les fibres motrices du même nerf qui animent les muscles
du mollet ; son centre de réflexion se trouve dans le Ier segment sacré.
Il est exagéré ou aboli dans les mêmes circonstances physiologiques ou
pathologiques qui modifient en plus ou en moins l’excitabilité de la moelle
et ont été indiquées à propos du réllexe rotulien.
Babinski a constaté son abolition précoce dans le tabes où elle précède sou¬

vent la peide du réflexe rotulien, et sa carence dans certains cas de névralgie

sciatique. Il manque toujours dans les sections traumatiques ou les névrites

dégénératives du sciatique, du sciatique poplité interne ou du tibial posté¬

rieur.

Sa bilatéralisittion, caractérisée par l'extension des deux pieds après la


percussion du tendon achilléen d’un seul côté est un phénomène rare.
Elle est dite symétrique lorsqu’elle se traduit des deux côtés par la flexion
plantaire des pieds, et asymétrique quand elle provoque la flexion du pied du
côté percuté et son extension de l’autre (Dejerine, Giannelli).

Son inversion, caractérisée par l’extension au lieu de la flexion, a été


observée par Babinski et Moricand dans deux cas de spina bifida occulte, ét
par Guillain et Barré, à la suite d’une lésion traumatique du nerf sciatique
poplité externe.

3° Réflexe tibio-fémoral postérieur. — Le réllexe tibio-fémoral postérieur


de Guillain et Barré ou réflexe tendineux des muscles demi-tendineux et

demi-membraneux est la contraction de ces deux muscles provoquée par la


percussion de leurs tendons un peu au-dessus de leur insertion sur les tubé¬
rosités antérieure et interne du tibia.
Pour le rechercher, le sujet étant couché sur le dos, la cuisse en abduction
et rotation externe reposant sur le lit et la jambe demi-fléchie sur la cuisse,
on frappe avec le marteau à réflexe les deux tendons, après avoir repéré avec
un doigt le point exact de leur insertion.
Centre de réflexion : IVe et Y° segments lombaires.

4° Réflexe péronéo-fémoral. — Le réflexe péronéo-fémoral de Guillain

et Barré ou réflexe du biceps crural est la contraction de ce muscle pn>

voquée par la percussion de son tendon au-dessus de son insertion sur la tête
du péroné.
SÉMIOLOGIE DES RÉFLEXES 683

Pour sa recherche, il faut faire coucher le malade sur le côté opposé où


l'on veut explorer le réflexe, la cuisse légèrement fléchie sur le bassin et la
jambe sur la cuisse ; le tendon est alors visible sous la peau.
Centre de réflexion : Ier segment sacré.
Ces deux réflexes sont habituellement exagérés ou abolis dans les mêmes
circonstances pathologiques que le réflexe rotulien.

5° Réflexe tricipital. — Le réflexe tricipital est la contraction brusque du


muscle triceps brachial provoquée par la percussion de l’extrémité inférieure
où il s’insère sur l’olécrâne.
Pour le rechercher, il faut tenir l’avant-bras du sujet à demi-fléchi sur le
bras et avoir soin de frapper le tendon au-dessus de son insertion et non pas
l’olécrâne même, car dans ce dernier cas on déclencherait un réflexe ostéo-
périostique ne différant pas cliniquement du réflexe tendineux, mais s’en
distinguant par sa pathogénie et qu’on désigne d’ordinaire sous le nom de
réflexe olécranien. Dans les deux cas la réaction se traduit par l’extension de
l’avant-bras sur le bras.
Le réflexe tricipital n’est pas constant , il manque, d’après Mohr, chez
33 p. 100 des sujets normaux.
Son centre de réflexion se trouve au niveau des VIe et YIP segments cervi¬
caux,
A l’état pathologique il peut être exagéré, aboli ou inverti.
Il est exagéré dans les cas de lésion du système pyramidal siégeant au-
dessus du renflement cervical de la moelle. Il est particulièrement vif et
ample du côté paralysé chez les hémiplégiques par lésions en foyers du cer¬
veau ; il est aboli dans un certain nombre de cas de tabes, dans les paralysies
radiculaires du plexus brachial et après les sections traumatiques ou les
névrites sus-trochléennes du nerf radial. Il a été trouvé inverti (flexion au
lieu d’extension de l’avant-bras) par Laignel-Lavastine et Courbon chez un
blessé atteint par une balle qui s’était logée contre la VIIe racine cervicale,
par Faure-Beaulieu dans un cas d’attrition par projectile d’arme à feu du
VIe segment cervical de la moelle, et par Souques, dans quelques cas d’hémi¬
plégie survenue dans le cours du tabes.

6° Réflexe bicipital. -— Le réflexe bicipital est la contraction du biceps


brachial succédant à la percussion du tendon inférieur de ce muscle au
niveau de la face antérieure de l’avant-bras dans le point où il s’insère sur la
tubérosité bicipitale du radius. La réaction est un mouvement de flexion de
l’avant-bras.
684 VOIES REFLEXES ET REFLECTIVITE

Centre de réflexion : I\e, Ve et VIe segments cervicaux.


1res peu marqué à l’état normal, il ne së manifeste nelleinent que dans les
cas où par suite de lésions du cerveau ou de la partie supérieure de la moelle
intéressant le système pyramidal, il est exagéré. D’après Moser Beiirenu, il
manquerait dans les deux tiers des cas de tabes avéré.

7° Réflexe massétérin. — Le réflexe massétérin est la contraction des


muscles masticateurs, particulièrement du masséter, provoquée par l’abais¬
sement brusque du maxillaire inférieur.

Technique de sa recherche. — Pour le révéler on fait entrouvrir la bouclie


du malade, on applique sur les dents de la mâchoire inférieure un corps
résistant, tel que le manche d’une fourchette ou la lame d’un couteau à
papier et on frappe avec un marteau percuteur un petit coup sec sur ce corps.
A l’état normal, cetle manœuvre détermine un mouvement peu intense de
relèvement de la mâchoire ; quand le réflexe est exagéré, le mouvement est
plus ample et plus brusque.
Voie centripète, libres sensitives de la branche maxillaire inférieure du
trijumeau. Voie centrifuge, fibres motrices du même nerf. Centre de
réflexion : noyaux masticateurs du bulbe .
Le réflexe massétérien est exagéré dans les lésions en foyer portant sur les
origines corticales du faisceau géniculé, et aboli dans les névrites du triju¬
meau et le syndrome gassérien.

C) RÉFLEXES OSTÉO-PÉRIOSTIQUES

De même que les tendons, les aponévroses, les ligaments périarticulaires


et les os eux-mêmes sont munis de réseaux nerveux et de corpuscules en¬
capsulés dont l’excitation est apte à déterminer des réactions musculaires
réflexes. Ces réactions se manifestent surtout à la suite de percussions prati¬
quées au niveau des points où des nappes fibreuses appliquées contre des
plans osseux résistants ne peuvent échapper aux chocs frappés sur la peau
qui les recouvre.
Les réflexes ostéo-périostiques ont beaucoup moins d’importance clinique
que les cutanés ou les tendineux. Plusieurs font défaut où sont très difficiles
à provoquer sur les sujets normaux. Leur zone réflectogène, très circonscrite
à l’état physiologique, s’étend démesurément dans certaines circonstances
pathologiques. Contrairement à ce qui se passe pour les réflexes tendineux
dont les réactions sont habituellement limitées au muscle correspondant au
SÉMIOLOGIE DES RÉFLEXES 68a

tendon percuté, les réflexes ostéo-périostiques donnent souvent lieu à la


contraction de groupes musculaires très éloignés du point de départ de
l’excitation provocatrice. Pour ces raisons leur signification sémiologique
manque de ,rigueur ; il esfi fort rare qu ils puissent à eux seuls fournir des
éléments précis à des diagnostics incertains par ailleurs, mais ils peuvent
servir à en étayer quelques-uns.
En règle générale ils sont toujours exagérés ou abolis par les mêmes cau¬
ses que celles qui déterminent l’exagération ou I abolition des réflexes ten¬
dineux.

1° Réflexes ostéo-périostiques du tronc. — Les plus connus sont : 1° le


réflexe scapulo-huméral ; 2° le réflexe acromial ; 3° le réflexe lombo-sacré (1).
a) Réflexe scapulo-huméral. — Le réflexe scapulo-huméral, décrit par
Bechterew en 1900, bien étudié l’année suivante par Steinhaüsen, existe
chez la plupart des personnes normales, mais il est peu marqué et ne peut
être mis en évidence que lorsqu'on prend soin de pratiquer la percussion à
l’extrémité inférieure du bord interne de l’omoplate, le sujet ayant le corps
penché en avant et les bras pendants. 11 se traduit par la contraction des
faisceaux postérieur et moyen du deltoïde, accompagnée, quand la réflec¬
tivité est exagérée, par la contraction du biceps brachial.
Son centre de réflexionvse trouve dans le quatrième segment cervical.
b) Réflexe acromial. — Provoqué par la percussion de l acromion au
niveau de l’insertion de la longue portion du biceps, il se manifeste par un
mouvement de flexion de l’avant-bras sur le bras, avec, parfois, lorsqu’il est
exagéré, un peu de pronation de la main et de flexion des doigts (Beciite-

rew).

Centre de réflexion : l€r segment dorsal.


c) Réflexe lombo-sacral. — Si l’on percute la région lombaire inférieure
ou la crête du sacrum de certains malades penchés en avant et les genoux
demi-fléchis on constate une contraction des muscles extenseurs de la colon¬
ne vertébrale et de ceux de la face postérieure des cuisses (Beciiterew).

Centres de réflexion : dernières paires lombaires ef première sacrée.

(1) On pourra être surpris de ne pas trouver ici la description du prétendu réflexe
du sous épineux dont l’exagération chez les tuberculeux constitue le signe de Collin.
La raison en est qu’il ne s'agit pas là d’un véritable réflexe mais d’une réaction myo-
mécanique du muscle sous-épineux devenu hypcrexcitable à la percussion directe comme
la plupart des autres muscles du thorax et des membres chez les phtisiques fébricitants
en voie de cachectisation. Cela n’ôte rien à la valeur clinique du signe de Collin ; cela
modifie simplement l’interprétation do sa pàthogénie.
686 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

Ce réflexe est très net dans les paraplégies avec contractures par lésions
organiques de la région dorsale et dans les myélites chroniques diffuses, sur¬
tout syphilitiques, atteignant les régions dorso-lombaire et sacrée de la
moelle.

2° Réflexes ostéo-périostiques des membres supérieurs. — Les plus


connus sont : 1° les réflexes du cubital ; 2° le réflexe du radial ; i° le réflexe
carpo-méiacarpien ; 4° le réflexe métacarpo-phalangien.
a) Réflexes du cubitus : Réflexe cubito-pronateur et réflexe cubito-fléchis-
seur des doigts. — Après la percussion de la face postérieure de l’apophyse
styloïde du cubitus, l’avant-bras étant fléchi à angle droit sur les bras et en
demi-pronation, la main tombante et le poignet soutenu par l’index de
l’observateur, il se produit habituellement un mouvement net de pronation
de la main, auquel s’ajoute parfois un léger mouvement de flexion ou, plus
rarement, d’extension de l’avant-bras : C’est le réflexe cubito-pronateur.
Centre de réflexion : VI0 segment cervical.
Chez certains malades, la percussion du même point, l’avant-bras étant
vertical et la main soulevée par l’observateur, est suivie d’une flexion brus¬
que des quatre derniers doigts : c’est le réflexe fléchisseur des doigts de
Pierre Marie et Barré'.

Centre de réflexion : YIIP métamère cervical.


Rodrigues a observé quelques anomalies de ce réflexe : Chez un malade
atteint de paralysie du plexus brachial, le mouvement de pronation de
l’avant-bras n’existait pas et l’annulaire seul se fléchissait ; dans un cas de
tabes et dans un cas de compression médullaire, il était totalement aboli.

b) Réflexes du radius : réflexe radio-pronateur et réflexe radio-fléchisseur


des doigts. — Selon quelle est pratiquée sur l’extrémité supérieure ou infé¬
rieure du radius, la percussion donne lieu à des réactions réflexes diffé¬
rentes :
a) Le réflexe radio-pronateur décrit par Landau est l’effet de la percussion
de l’extrémité supérieure du radius à la face postérieure du coude. Il se
manifeste par un mouvement brusque de pronation de l’avant-bras. Il existe
chez tous les sujets normaux. Lorsqu’il est exagéré sa zone réflectogène
s’étend en bas jusqu’au milieu de l’avant-bras, et à la réaction simple des
muscles pronateurs s’ajoute un mouvement de flexion de l’avant-bras sur le
bras, accompagné parfois d’une esquisse de supination et d'un faible soulè¬
vement du bras.
Il n’est aboli ni par la section du nerf radial ni par celle du nerf cubital,
SÉMIOLOGIE DES RÉFLEXES 687

mais il l’est par celle du nerf médian. Sa carence esl habituelle dans les para¬
lysies radiculaires supérieures du plexus brachial.
Son centre de réflexion se trouve à la hauteur des VIe et VIIe paires cervi¬
cales.
Tinel a observé son inversion unilatérale chez un sujet atteint de pachy-

méningite bacillaire avec enchâssement d’un tubercule caséeux un peu au-

dessous de la VIIe paire cervicale du côté correspondant.

pj Le réflexe radio^fléchisseur ou réflexe radio-bicipital de Francotte

résulte de la percussion de l’extrémité inférieure du bord externe du radius,


qui déclenche une contraction du biceps brachial, susceptible de déterminer
un mouvement de flexion de l’avant-bras sur le bras, parfois accompagnée
de flexion des doigts ; mais jamais en dehors de circonstances pathologiques,
les doigts ne se fléchissent seuls sous l’influence de la percussion de l’extré¬
mité inférieure du radius. Cette localisation de la réaction constitue l’inver¬
sion du réflexe radial inférieur, décrite pour la première fois par Babinski

chez quelques malades atteints de lésion de la moelle cervicale et constatée


ultérieurement par Klippel et Monier-Vinard dans un cas de plaie pénétran¬
te par balle de revolver qui s’était logée (d’après la radiographie), au point
d’émergence de la Ve paire cervicale, par Souques et Barré dans un cas de
lésion ancienne de vertèbres cervicales, par Ricca dans un cas de fracture de
la colonne vertébrale au cou, par Pastine dans un cas d’ostéo-arthrite
chronique du rachis avec compression radiculo-médullaire de la région cer¬
vicale et par Momz dans un cas de syringomyélie.
Le centre de réflexion du réflexe radio-fléchisseur paraît siéger dans les Ve
et VIe segments cervicaux de la moelle.
c) Réflexe carpo-métacaipien. — Le réflexe carpo-métacarpien, décrit par
Bechterew en 1903, est la flexion brusque des phalanges des quatre derniers
doigts qui suit la percussion de la face dorsale des régions carpienne et méta¬
carpienne. Il ne se produit pas chez les sujets normaux, mais on le rencontre
souvent dans les affections du système nerveux où la réflectivité est exagérée.
d) Réflexe métacarpo-phalangien. — Le réflexe métacarpo-phalangien de
Bechterew ou réflexe des interosseux de la main, de Niculesco, n’existe
pas non plus chez les sujets normaux. Il est produit par la percus¬
sion de la face dorsale du 3e métacarpien qui détermine, chez les malades
dont la réflectivité est exagérée, une flexion palmaire de la première phalan¬
ge des 4 derniers doigts, accompagnée d’un mouvement de latéralité de ces
doigts vers le bord cubital de la main et d’adduction du pouce. Si l’on per¬
cute l’extrémité supérieure du 2e ou du 5° métacarpien, la réaction se limite
au groupe des muscles thénariens ou à celui des hypothénariens.
688 Voies réflexes et réflectivité

3° Réflexes ostéopériostiques des membres inférieurs. — Les plus connus


sont : les réflexes condylo-fémoral, péronéo-tibial, pédo-dorsal, pédo-plan¬
taire et le réflexe du talon.
a) Réflexe condylo-fémoral. — Le réflexe condylo-fémoral ou réflexe des
adducteurs de la cuisse est la contraction brusque du groupe des muscles
adducteurs de la cuisse, provoquée par la percussion du condyle interne du
fémur ou de la face interne du tibia.
Centre de réflexion : IIe segment lombaire.
b) Réflexes tibio-fémoral postérieur et péronéo-fémoral. -— Les réflexes
tibio-fémoral postérieur et péronéo-fémoral qui figurent plus haut parmi
les réflexes tendineux sont doublés l’un et l’autre par des réflexes ostéo¬
périostiques de mêmes noms, car la percussion des os pratiquée immédiate¬
ment au-dessous des points d’insertion des tendons des muscles demi-tendi¬
neux et demi-membraneux d'une part, et biceps crural d’autre part, donne
lieu à des réactions cliniquement identiques de ces muscles. Elles en diffè¬
rent seulement par quelques-uns de leurs caractères graphiques mis en relief
par les tracés recueillis par Guillaïn, Barré' et Stbohl.
11 suffit de les signaler ici pour mémoire.
Leur centre de réflexion se trouve dans le 11e segment lombaire.
c) Réflexes pédieux. — Les réflexes pédieux comprennent le réflexe pédio-
dorsal et le réflexe pédio-plantaire.
a) Le réflexe pédio-dorsal ou de Mendel-Bechterew est le résultat de la
percussion du dos du pied au niveau de la région cuboïdienne, qui provoque
à la fois l’extension des quatre derniers orteils et l’extension du pied. On
remarquera que la percussion sur le point sus-indiqué atteint à la fois le
muscle pédieux, les tendons de l’extenseur commun des orteils ét le périoste
des os sous-jacents. Il est donc possible que la réaction soit un complexe
formé par l’excitation mécanique du muscle pédieux, des tendons de l’ex¬
tenseur commun et du périoste et non pas un réflexe ostéo-périostique pur.
p) Le réflexe pédio-plantaire, étudié par Guillain et Barré, Sicard et
Cantaloube, etc., est déclenché par la percussion de la plante du pied entre
l’extrémité antérieure du calcanéum et la région métatarsienne ; percussion
qui est suivie de l’extension du pied sur la jambe et de l’extension des qua¬
tre derniers orteils. Ici encore le résultat est un complexe ; il y a tout lieu de
penser que la flexion des orteils est la conséquence de l’excitation myo-méca-
nique du muscle plantaire, et l’extension du pied sur la jambe, un véritable
réflexe.
Au dire des auteurs qui les ont étudiés, les réflexes pédieux existeraient
chez la plupart des sujets normaux. Ils seraient abolis dans le tabes, les radi-
RÉFLEXES D’AUTOMATISME MÉDULLAIRE 689

culites sacrées et les polynévrites ; exagérés dans les paralysies spasmodiques


d’origine cérébrale ou médullaire ; le réflexe pédo-dorsal serait même inverti
dans un certain nombre de cas de ces paralysies ; (au lieu de s’étendre, les
quatre derniers orteils se fléchiraient).
d) Réflexe pé.riost'é du talon. — Ce réflexe qui n’existe pas chez les sujets
normaux a été décrit par deux auteurs : par Toby Cohn, en 1911, et par
Gino Rava, en 1921. Tous les deux l’obtiennent par la percussion de l’angle

postéro-inférieur du calcanéum, le malade étant étendu sur le dos, la jambe


à demi-fléchie sur la cuisse, le pied maintenu par la main de l’observateur.
Mais ils ne s’entendent pas du tout sur la nature des réactions provoquées
par cette percussion. Le médecin allemand prétend avoir constaté la contrac¬
tion des muscles de la partie postérieure de la cuisse, demi-tendineux, demi-
membraneux et biceps crural, par conséquent la flexion de la jambe sur la
cuisse ; l'Italien, la contraction du quadriceps crural avec extension de la
jambe sur la cuisse. Le premier l’aurait observé sur des malades atteints de
sclérose en plaques, de myélite syphilitique, de compression médullaire, de
paralysie infantile, d’hydrocéphalie ou d’artério-sclérose ; pour le second il
serait lié aux lésions du système pyramidal et à certains états névropathiques.
Tous les deux conviennent, d’ailleurs, qu’il faut attendre de nouvelles
recherches pour préciser sa valeur sémiologique.

§ 7. - RÉFLEXES D’AUTOMATISME MÉDULLAIRE

On désigne sous ce nom, ou sous celui de réflexe de défense, certaines


réactions motrices d’une forme spéciale, plus lentes et plus amples que les
réactions des réflexes ordinaires qui se produisent à la suite d’excitations
externes chez les malades atteints de paralysie consécutive à des transsections
totales ou de lésions destructives partielles de la moelle épinière.

1» Aperçu historique. — Les opinions des médecins sur l’origine et la


signification des réflexes de défense a beaucoup varié suivant les époques.
Pendant longtemps ils n’ont pas été distingués des réflexes physiologiques.
Jusqu’en 1890 il était admis par tous les cliniciens que les réflexes obéissent
chez l’homme paraplégique aux mêmes lois que chez la grenouille spinale.
Le cerveau, disait-on, exerce une influence modératrice sur la réflectivité des
portions sous-jacentes du névraxe ; lorsque la moelle est divisée en deux
tronçons, l’un adhérent à l’encéphale, et l'autre soustrait à l’action modé¬
ratrice du cerveau, les l’éflexes dont les nœuds de réflexion se trouvent dans
LES NERFS EN SCHÉMAS 44
690 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

le premier ne subissent aucune modification, ceux qui se réfléchissent dans


le second sont exagérés.
En 1890, Bastian s’éleva contre cette opinion, déduite sans contrôle suffi¬
sant des expériences pratiquées sur les animaux à sang froid, et, s’appuyant
sur quelques observations cliniques, il soutint que chez l’homme l'interrup¬
tion de continuité de la moelle dans la région dorsale était suivie d’une para¬
plégie llasque, atonique, avec anesthésie et aréflexie dans toutes les parties
inférieures du corps dont l’innervation est assurée par les nerfs naissant
dans le segment de la moelle séparé des centres nerveux supérieurs.
On reprit alors l’étude de la réflectivité chez les paraplégiques. Divers
cliniciens publièrent des observations conformes ou opposées à l’opinion de
Bastian.
La question, soumise au Congrès des médecins aliénistes et neurologistes
de Limoges, en 1891, fit l'objet d’un rapport très documenté de J. Cjrocq,
concluant qu’en effet, après les transsections totales de la moelle chez l’hom¬
me les réflexes sont réellement abolis au-dessous du point d’interruption. A
partir de ce moment la « loi de Bastian » devint et resta classique pendant
une vingtaine d'années.
La guerre mondiale de 1914-1918 fournit l’occasion d’étudier plus minu¬
tieusement qu’on ne l’avait fait jusqu’alors, sur un nombre malheureuse¬
ment trop considérable de blessés, les effets immédiats et tardifs des grands
traumatifs médullaires. Dé'.terine et Motjzon, André Thomas et Jumentié,
Claude et Lhermitte, Guillain et Barré, Pierre Marie et Foix, en France ;
YVaesciie, IIead et Riddock, Shérrtnoton, en Angleterre, accumulèrent des
documents cliniques et expérimentaux susceptibles de résoudre le problème ;
Lhermitte les réunit dans une monographie très soignée, publiée en 1921,
et Babinski fit l'année suivante, à la Société royale de Londres, un exposé
critique magistral de l’état actuel de nos connaissances sur les réflexes de
défense.
Il résulte de l’ensemble de ces travaux, que Bastian n’avait pas tout à fait
raison de nier l’existence de réflexes dans les membres inférieurs des para¬
plégiques par transsection totale de la moelle, mais que ses prédécesseurs
n’étaient pas complètement dans l’erreur en affirmant qu’ils étaient exagérés
comme chez la grenouille spinale. En réalité, ils sont abolis pendant les
premières semaines qui suivent le traumatisme ; mais ils sont bientôt rem¬
placés par des réflexes de défense, dont nous allons indiquer les caractères.

2° Évolution clinique des réflexes après les transsections totales de la


moelle épinière. — Supposons, pour la clarté de l’exposition, le cas le plus
RÉFLEXES D’AUTOMATISME MÉDULLAIRE 691

simple : une section traumatique de la moelle dans la région dorsale, et


voyons comment se comportent les réflexes aux différentes étapes de la
maladie, c’est-à-dire durant la phase initiale, la période d’état et la période de
cachexie.

a) Phase initiale. — Dans la phase initiale, dont la durée est de six semai¬
nes environ, la motilité volontaire et la sensibilité sont complètement abolies
dans toute la portion sous-ombilicale du corps. Les muscles sont mous, flas¬
ques, atones. Les réflexes tendineux et cutanés des membres inférieurs sont
abolis, hormis le crémastérieij qui est conservé dans un tiers des cas environ
et le cutané plantaire qui Lest beaucoup plus souvent (15 fois sur 16 d’après
Guillain et Barré). Ce dernier se fait tantôt en flexion, tantôt en extension
des orteils ; il paraît plus paresseux, plus lent qu’à l’état normal.
Du côté des réservoirs on note une rétention complète d'urines ; aucune
émission spontanée n’a lieu, même par regorgement : il faut absolument
sonder le blessé. Contrairement à ce qui se passe pour la vessie, il y a une
incontinence complète des matières fécales.
Les réflexes commandés par le grand sympathique sont en majeure partie
conservés : la régulation vaso-motrice s’effectue assez régulièrement,
bien qu'il se produise quelquefois de l'oedème des membres inférieurs dont
l’apparition n’est attribuable ni à l’état du cœur ni à celui des reins, et que
des eschares précoces se développent souvent au sacrum. La sécrétion sudo-
ralc est abolie ; les réactions pilo-motrices persistent.

b) Période d’éTat. — Durant la période d’état la perte de la motilité volon¬


taire et de la sensibilité des membres inférieurs demeure sans changements.
Il n’est plus nécessaire de sonder les malades; leur vessie expulse automati¬
quement son contenu par petits jets involontaires qui ne la vident jamais
complètement, mais empêchent qu’elle se distende outre-mesure. Le sphinc¬
ter anal relâché laisse passer les matières qui s’accumulent dans le rectum et
sont repoussées de temps en temps par les mouvements péristaltiques de
l’intestin.
Des érections fréquentes mais de courte durée se produisent spontanément
ou à la suite des excitations de la région périnéale, provoquées par le nettoya¬
ge des organes génitaux ou le pansement des eschares.
Lorsqu’arrive la 8° ou la 10e semaine, des modifications importantes sur¬
viennent dans les muscles des membres inférieurs. Leur tonus renaît pro¬
gressivement ; à la flaccidité complète qui existait précédemment se substi¬
tue une hypertonie manifeste qui ne tarde pas à se transformer en contrac¬
ture permanente. Ce passage de l’inertie flasque à la rigidité débute par les
692 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

muscles fléchisseurs des pieds et des jambes ; il s’étend ensuite aux adduc¬
teurs de la cuisse et aux extenseurs des pieds.
En même temps que s’opèrent ces changements dans la tonicité des mus¬
cles, les réflexes cutanés et tendineux qui étaient jusqu’alors abolis, renais¬
sent et les réflexes dits de défense font sournoisement leur apparition. Ils sc
manifestent par le double phénomène de la triple flexion du membre sur
lequel est appliquée l’excitation provocatrice, et de la triple extension des
segments du membre du côté opposé.
Analysons leurs caractères :

a) Phénomène du raccourcissement direct. — Lorsqu'on pince fortement


la peau de la face dorsale du pied du malade ou qu’on fléchit énergiquement
ses orteils on voit successivement le pied se fléchir lentement sur la jambe,
la jambe sur la cuisse et la cuisse sur le bassin, et si quand le membre s’est
ainsi raccourci au maximum on suspend l’excitation on le voit revenir plus
lentement encore à sa position de repos sur le plan du lit. Ce phénomène est
à lui seul caractéristique des réflexes d’automatisme médullaire. Il ne se
produit jamais involontairement à l’état normal, à moins qu'il ne soit pro¬
voqué par un chatouillement désagréable ou une excitation douloureuse de
la plante du pied.
b) Phénomène de l’allongement croisé. — Il succède au précédent lors¬
que persiste l’excitation qui a déclenché ce dernier. Pour l’observer aisément
il faut porter le membre en demi-flexion et en abduction en maintenant son
pied en extension. Cela fait, on pratique l’excitation du membre du côté
opposé. Celui-ci réalise la I ri pie flexion de ses segments ; puis, quand la
cuisse du côté excité s’est fléchie au maximum, la cuisse de l’autre côté, qui
était jusque-là maintenue en flexion, exécute un mouvement lent d’extension
qui gagne la jambe et le pied. Le membre s’allonge en repoussant énergi¬
quement la main qui le soutenait.
Quelques semaines après qu’ils, ont commencé à se montrer, les deux
phénomènes du raccourcissement direct et de l’allongement croisé se pro¬
duisent avec une grande netteté à la suite de toute espèce d’excitations super¬
ficielles ou profondes partant d’un point quelconque de l’un ou l’autre des
membres paralysés et anesthésiques du paraplégique par transsection totale
de la moelle, et cela aussi longtemps que dure la deuxième période de la
maladie.

c) Période de cachexie. — La troisième période commence avec les


redoutables complications infectieuses déterminées par la suppuration des
RÉFLEXES D’AUTOMATISME MÉDULLAIRE 693

eschares ou la pyélonéphrite, qui entraînent après elles une cachexie progres¬


sive avec extinction complète de la réflectivité, prélude de la mort prochaine.

d) Conclusions. — En somme, c’est uniquement dans la période d’état


que se montrent les .réflexes de défense. Ils se distinguent des réflexes cuta¬
nés, tendineux et ostéo-périostiques physiologiques :
1° Parce qu’ils peuvent être indifféremment provoqués par des excitations
superlicielles ou profondes, localisées ou ubiquitaires, tandis que les réflexes
physiologiques sont déclenchés seulement par des excitations de nature
spéciale pour chacun d’eux (frottement pour les uns, percussion pour les
autres) portant habituellement sur des points lixes très circonscrits ;
2° Pai ee que les réactions des réflexes physiologiques se manifestent par
la contraction brusque d’un muscle ou d’un petit groupe de muscles associés
en vue de la production d’un mouvement des plus simples, extension, flexion
ou rotation d’un segment de membre, tandis que les réflexes de défense se
réalisent sous la forme de mouvements lents, progressifs, poly-segmentaires,
impliquant la contraction successive et coordonnée d’un grand nombre de
muscles, coïncidant avec le relâchement synergique de leurs antagonistes et
s'opérant en des sens diamétralement différents dans le membre excité (triple
flexion) et dans le membre du côté opposé (triple extension) ;
3° Parce que ces mouvements amples et coordonnés se produisent sur des
membres totalement privés de motilité volontaire et de sensibilité, en dehors
par conséquent de toute participation de la conscience et de la volition, tan¬
dis (jue les réflexes physiologiques sont le plus souvent accompagnés de
perceptions conscientes et dans une certaine mesure réfrénables par la
volonté.
Les réflexes d’automatisme médullaire forment donc une classe à part
dans le groupe des phénomènes de réflectivité. Leur connaissance a déjà
fourni aux médecins un certain nombre de symptômes objectifs, facilement
constatables, de nature à éclairer le diagnostic et le pronostic de plusieurs
affections de la moelle. Elle a, en outre, vivement intéressé les physiolo¬
gistes, auxquels elle a permis de saisir le mécanisme des réflexes propriocep-
tifs qui entrent en jeu, ainsi que nous allons le voir, dans les actes coordon¬
nés de la locomotion.

3° Analyse expérimentale et interprétation physiologique des réflexes


d’automatisme médullaire. — Les réflexes dits de défense constatés chez
l’homme paraplégique, particulièrement les phénomènes de triple flexion
directe et de triple extension croisée, se produisent aussi chez les quadrupè-
694 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

des après les Iranssections de la moelle épinière. Ils ont été minutieusement
étudiés sur les chiens par Shérrington dont les recherches ont abouti à la
conclusion qu’ils sont le résultat de la mise en jeu par voie réflexe des appa¬
reils d association intra-médullaire préposés à l’exécution automatique des
mouvements coordonnés de la locomotion. 11 convient de donner ici un ré¬
sumé des faits expérimentaux qui justifient cette opinion.
Lorsque sur un chien spinal, c’est-à-dire rendu paraplégique par une sec¬
tion transversale de la moelle dans les régions cervicale ou dorsale de la
moelle et rétabli des complications perturbatrices dépendant du choc opéra¬
toire, on irrite par le pincement ou la piqûre un point quelconque de la peau
de l’un des membres postérieurs, spécialement celle du pied, ou si l’on com¬
prime fortement les masses musculaires ou les os de ce membre, on constate
tout d'abord une flexion progressive du pied sur la jambe ; puis, une demi-
seconde environ plus tard, la jambe se fléchit sur la cuisse ; enfin, après un
intervalle de temps d’égale durée, la cuisse se fléchit sur le bassin. C’est là ce
que Shérringtomx appelle le stepping reflex (de to step, faire un pas). Si l’ex¬
citation est maintenue plus longtemps, les-trois segments du membre du
côté opposé se mettent successivement en extension ; c'est Je crossecl exten¬
sion reflex (de cros, croix, croisement). Ces deux réflexes représentent les
stades élémentaires des mouvements alternatifs de la marche durant lesquels
les trois segments d’un membre se fléchissent pour élever le pied au-dessus
du sol, tandis que les trois segments de l’autre membre s’étendent afin de sou -
tenir le poids du corps.
Comment ces mouvements se succèdent-ils régulièrement lorsque la
moelle épinière libérée de l’influence des centres encéphaliques est livrée
à ses seuls moyens d’action ? Voici l’explication qu’en donne l’éminent phy¬
siologiste anglais. L’excitation initiale provoque la flexion du pied correspon¬
dant par l’effel d’un réflexe ’externoceptif banal. Le déplacement du pied qui en
résulte déclanche alors, par lui-même, toute une série de réflexes proprio-
ceptifs en cascades, se commandant les uns les autres et déterminant succes¬
sivement, en passant par des voies d’association préétablies, la flexion de la
jambe sur la cuisse, de la cuisse sur le bassin, et l'extension des trois seg¬
ments du membre du côté opposé. Le stimulus initial traverse ainsi, en se
régénérant en quelque sorte à chaque étape, par un nouveau phénomène de
réflectivité, le cycle complet des chaînes neuronales affectées dans la moelle
à la coordination des mouvements de locomotion.
La succession et l’alternance de ces mouvements sont régies par la loi de
l’inexcitabilité périodique, d’après laquelle les muscles qui se contractent
rythmiquement cessent d’être excitables durant quelques dixièmes de secon-
REFLEXES D’AUTOMATISME MÉDULLAIRE 095

des, après leur phase de raccourcissement actif. Quant à la rapidité de leur


contraction, elle est en rapport direct avec le degré de l’excitation provoca¬
trice ; si celle-ci est modérée, les mouvements sont lents, comme dans la
marche représentée expérimentalement sur le chien spinal par le walking
reflex (de to walk, marcherl ; si elle est intense, ils sont rapides, comme dans
la course, dont le runniag reflex (de to run, courir) est l’image.
Appliquées à la physiologie humaine, ces notions permettent de compren¬
dre comment, dans les conditions normales de la vie, tant que notre moelle
épinière conserve ses connexions avec l’encéphale, il nous est possible d’inci¬
ter, modérer ou arrêter à notre gré les mouvements de locomotion. Elles ex¬
pliquent aussi pourquoi, après nous être mis volontairement en marche, nous
pouvons, si nous ne rencontrons pas d’obstacles sur un'chemin bien connu
de nous, parcourir de longues distances en pensant à tout autre chose qu’à
surveiller les mouvements de nos jambes. Déclanchés au début par la volon¬
té, ces mouvements s’effectuent, en effet, automatiquement par la suite,
grâce au jeu des réflexes proprioceptifs qui règlent dans la moelle, sans l'in¬
gérence du cerveau, la contraction et le relâchement alternatifs de chacun
des groupes musculaires participant aux actes complexes mais strictement
coordonnés de la locomotion.

4° Valeur diagnostique et pronostique des réflexes d’automatisme


médullaire. — On vient de voir que chez l’homme, à partir de la huitième
ou de la dixième semaine qui suit le traumatisme initial, les réflexes de
défense, y compris les troubles sphinctériens spéciaux de miction spontanée
pas petits jets et de fausse incontinence des matières fécales, dominent toute
la symptomatologie des transsections complètes de la moelle épinière. Ils
apparaissent progressivement dans les membres inférieurs totalement privés
de motilité volontaire et de sensibilité, comme des préludes d’un retour
prochain des fonctions de ces membres. Les malades suivent leurs progrès
avec une curiosité mêlée d’espérance ; mais les médecins ne partagent pas
cette illusion, car ils savent que les plaies de la moelle ne se restaurent pas
comme celles des nerfs périphériques et que le développement des réflexes de
défense est plutôt un présage d’incurabilité.
Les réflexes d automatisme médullaire ne se produisent pas seulement
dans les cas de transsection complète ; ils existent aussi sous des formes
plus ou moins atténuées dans toutes les paraplégies causées par des lésions
susceptibles de mettre partiellement obstacle aux communications entre les
centres supérieurs et les régions inférieures du névraxe, notamment dans les
paraplégies par compression, les myélites transverses, les destructions en
696 VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

îlots de la substance grise ou des cordons blancs. Dans tous ces cas, les
réllexes défensifs se manifestent d’abord par des modifications qualitatives
de quelques réflexes physiologiques dont les réactions deviennent plus lentes
qu’à l’état normal en même temps que leur zone réflectogène s’étend au delà
de leurs limites habituelles et qu’au lieu de répondre uniquement aux exci¬
tations électives qui les éveillent chez les sujets normaux, ils se produisent
indifféremment sous l’influence de n’importe quel mode de sollicitation ; on
voit alors les réflexes tendineux déclenchés par le simple effleurement de la
peau, les cutanés après la compression des muscles des tendons ou des os.
Enfin, au fur et à mesure que les lésions s’accroissent les phénomènes de
triple flexion et de triple extension se manifestent, d’abord sous la forme
d’esquisse mono-segmentaire à peine appréciable, puis sous celle de mouve¬
ments amples, plurisegmentaires, nettement coordonnés, aboutissant au
crossed extension reflex.
Envisagés de ce point de vue, les réflexes défensifs expliquent la plupart
des anomalie-s de la réflectivité qui s’obsei’vent dans le cours des paraplégies
incomplètes causées par des lésions circonscrites de la moelle. Ces lésions
déterminent fatalement des interruptions dans les voies d’association servant
à la production des actes réflexes physiologiques ; elles soustraient partielle¬
ment les centres de réflexion qui se trouvent au-dessous d’elles à l’influence
régulatrice du cerveau et les laissent livrés au seul automatisme médullaire.
Aussi peut-on dire qu’en thèse générale le pronostic des paraplégies dépen¬
dant de lésions organiques de la moelle est d’autant plus sévère que les
réflexes de défense y sont plus nombreux et plus accentués.
TABLE DES PLANCHES

Planche I. —- Vue d’ensemble des origines apparentes des nerfs crâ¬


niens. 60
— II. — Nerf olfactif et voie olfactive. 74
III. — Nerf optique et voie optique... 84
IV. — Nerf trijumeau. 102
V. — Territoires sensitifs du trijumeau. 104
— VI. — Nerfs moteurs de l’œil. 138
VII. — Nerf facial.>. 162
— VIII. — Nerf auditif et voie acoustique. 182
IX. — Nerf glosso-pliaryngien. 206
X. — Nerfs pneumogastrique et spinal. 222
— XI. — Nerf grand hypoglosse. 258
XII. — Vue d’ensemble des origines apparentes des nerfs rachi¬
diens et des plexus. 268
XIII. — Branches postérieures des nerfs rachidiens.... 310
— XIV. — Plexus cervical. 318
XV. — Plexus brachial. 328
— XVI. — Nerf médian, avec sorr-territoire sensitif. 382
— XVII. — Nerfs radial et circonflexe, avec leurs territoires sensitifs. 340
— XVIII. — Nerf cubital, avec son territoire sensitif. 362
XIX. — Nerf musculo-cutané, avec son territoire sensitif. 402
XX.. —- Nerf brachial cutané interne et son accessoire, avec leurs
territoires sensitifs. 404
— XXI. — Territoires sensitifs du membre supérieur. . 406
— XXII. -— Nerfs de la main, avec leurs territoires sensitifs. 408
— XXIII. — Nerfs intercostaux. 410
— XXIV. — Plexus lombaire. 412
— XXV. — Plexus sacré et coccygien. 424
— XXVI. — Nerfs du membre inférieur. 426
— XXVII. — Territoires sensitifs du membre inférieur. 428
— XXVIII. — Nerfs du pied, avec leurs territoires sensitifs. 430
— XXIX. — Topographie radiculaire. 454
— XXX. — Nerf grand sympathique, portion sus-diaphragmatique. 464
— XXXI. — Nerf grand sympathique, portion sous-diaphragmatique 468
— XXXII. — Moelle épinière, vue sur une coupe transversale, avec
ses différents faisceaux et ses artères. 500
698 TABLE DES PLANCHES

Planche XXXIII. Isthme de l’encéphale (vue dorsale), noyaux bulbo-



protubérantiels. 538
— XXXIV. — Circonvolutions cérébrales, centres corticaux. 570
— XXXV. —- La scissure de Rolando et son repérage sur la calotte
crânienne. 598
— XXXVI. — Noyaux opto-striés et capsule interne. 600
•— XXXVIT. —- Les artères de l’écorce cérébrate. 616
— XXXVIII. — Voie sensitive principale. 626
— XXXT'X . — Voie sensitive secondaire ou cérébelleuse. 628
— XL. —- Voie motrice principale. 630
— XLI. — Voie motrice accessoire. 634
TABLE DES MATIÈRES

Préface... .. I-VI

CHAPITRE PREMIER

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES NERFS

Article Ier. — Anatomie. 2


§ J. Nerfs proprement dits. 2
§ 2. Ganglions.- 13
S 3. Terminaison des nerfs . .... 20
§ L\. Application de la doctrine du neurone à la constitution anato¬
mique des nerfs. 22

Article II. — Physiopathologie. 27


§ 1. Propriétés biologiques des diverses parties du neurone. 27
§ 2. Attributs fonctionnels du neurone vivant. 33
ai) Loi de l’indépendance organique des neurones, les uns par rap¬
port aux autres..*. 34
b) Loi de la polarisation dynamique. 35
g) Lois de la trophicité du neurone. 37
§ 3. Attributs physiologiques et réactions pathologiques des fibres
nerveuses . 51

CHAPITRE II

NERFS CRANIENS

Article Iur. — Nerfs crâniens en général. 59


§ 1. Anatomie . 61
§ 2. Physiopathologie . 61
a) Importance sémiologique des syndromes d’association polyneu-
ropatliique . 61
b) Les principaux syndromes d’association dans les nerfs crâ¬
niens . 62
c) Résumé . 71
Article IL — Nerf olfactif... .. 73
§ 1. Anatomie . 73
§ 2. Physiopathologie . 81
700 TABLE DES MATIÈRES

Article III. — Nerf optique. 84


§ 1. Anatomie . 84
§ 2. Physiopathologie . 94

Article IV. — Nerf trijumeau... 101


§ I. Anatomie . 101
a) Nerf ophthalmique . 106
5) Nerf maxillaire supérieur. 110
c) Nerf maxillaire inférieur. 115
d) Territoire sensitif du trijumeau. 119
§ 2. Physiopathologie . 120
ai) Fonctions du trijumeau. 121
b) Pathologie du trijumeau. 132

Article V. —- Nerfs moteurs de l’œil. 138


§ 1. Anatomie .. ... 138
a) Nerf moteur oculaire commun. 139
b) Nerf pathétique .. ... 142
c) Nerf moteur oculaire externe. 144
§ 2. Physiopathologie . 145
ai) Musculature extrinsèque de l’œil. 146
b) Musculature intrinsèque de î’œil. 161
c) Les réflexes oculaires . 164

Article VI. — Nerf facial. 161


§ I. Anatomie. 161
§ 2. Physiopathologie . 170
a) Fonction du nerf facial. 170
l») Paralysies du nerf facial. 174
c) Le zona facial et le syndrome du ganglion géniculé. 179
d) Les hémispasmes faciaux. 180

Article VIL — Nerf auditif. 181


§ 1. Anatomie . 181
§ 2. Physiopathologie . 188
ai) Fonctions et réactions pathologiques du limaçon et du nerf
cochléaire . 189
b) Fonctions et réactions pathologiques des canaux demi-circu¬
laires et du nerf vestibulaire. 196

Article VIII. — Nerf glosso-pharyngien. 206


§ 1. Anatomie . 207
§ 2. Physiopathologie . 211
ai) Fonctions du nerf glosso-pharyngien. 211
b) Réactions pathologiques du nerf glosso-pharyngien. 219

Article IX. — Nerf pneumogastrique. 221


§ 1. Anatomie . 221
TABLE DES MATIÈRES 701

§ 2. Physiopathologie . 227
a) Le pneumogastrique de la vie de relation. 227
b) Le pneumogastrique de la vie organique. 232
c) Réactions pathologiques du pneumogastrique. 243

Article X. — Nerf spinal. 248


§ 1. Anatomie . 249
§ 2. Physiopathologie . 251
a) Fonctions du nerf spinal. 251
b) Réactions pathologiques du spinal. 254

Article XI. — Nerf grand hypoglosse. 257


§ 1. Anatomie .. .. ;. -57
§ 2. Physiopathologie . 261
aï) Fonctions de l’hypoglosse. 261
b) Pathologie de l’hypoglosse. 263

CHAPITRE III

NERFS RACHIDIENS

Article Ier. — Nerfs rachidiens en général. 267


§ 1. Anatomie . 267
§ 2. Physiopathologie . 275
a) Le syndrome d’interruption de la conduction nerveuse. 275
1. Syndrome d’interruption totale. 275
2. Syndrome d'interruption partielle. 285
b) Le syndrome d’irritation. 287
c) Le syndrome de compression. 288
d) Le syndrome de régénération. 290
e) Les syndromes polynévritiques. 301

Article IL — Branches postérieures des nerfs rachidiens. 310


§ i. Anatomie.*. 310
§ 2. Physiopathologie . 313

Article III. — Plexus cervical. 318


§ 1. Anatomie . 318
§ 2. Physiopathologie . 322

Article IV. — Plexus brachial. 327


A) Plexus brachial proprement dit. 327
§ 1. Anatomie . 327
§ 2. Physiopathologie . 329
B) Branches collatérales du plexus brachial. 336
§ 1. Anatomie . 336
§ 2. Physiopathologie . 338
C) Branches terminales du plexus brachiai. 340
702 TABLE DES MATIÈRES

i) Nerf circonflexe. 340


§ 1. Anatomie . 340
§ 2. Physiopathologie, les paralysies du circonflexe.. 341
n) Nerf radial. 343
§ 1. Anatomie . 343
§ 2. Physiopathologie, les paralysies radiales. 345
a) Les variétés des paralysies radiales.. 345
b) Symptômes des paralysies radiales de la variété brachiale
inférieure ou trachélienne... 347
c) Symptômes de la variété brachiale haute. 356
d) Symptômes des variétés antibrachiales. 356
e) Diagnostic de la paralysie radiale et de ses variétés. 358
/) Signes de la récupération fonctionnelle. 359
iii) Nerf cubital. 362
§ 1. Anatomie . 362
§ 2. Physiopathologie, les paralysies cubitales. 364
a) Symptômes des paralysies du cubital. 364
b) Utilisation fonctionnelle de la main. 379
c) Signes critères, tests de guérison et de sincérité. 381
iv) Nerf médian. 382
§ 1. Anatomie . 382
§ 2. Physiopathologie, les paralysies du médian. 384
a) Syndromes des paralysies du médian. 385
b) Pronostic, diagnostic, tests de guérison et de sincérité. 399
c) Paralysie inédio-cubitales. 400
v) Nerf mmsculo-cutané. 401
§ 1. Anatomie . 401
§ 2. Physiopathologie, les paralysies au musculo-cutané. 403
vi) Nerf brachial cutané interne.. ... 404
§ 1. Anatomie . 404
§ 2. Physiopathologie, paralysie du brachial cutané interne. 405
Article V. — Nerfs intercostaux.406
§ 1. Anatomie . 406
§ 2. Physiopathologie . 409
Article VI. — Plexus lombaire. 412'
§ 1. Anatomie . 413
a) Branches collatérales. 414
b) Branches terminales . 416
§ 2. Physiopathologie . 419
a:) Paralysies des branches collatérales. 419
b) Paralysies des branches terminales. 420
c) Névralgies des branches terminales. 423
Article VII. — Plexus sacré . . 423
§ 1. Anatomie. 424
a) Branches collatérales 425
TABLE DES MATIÈRES 7l

b) Branche terminale, le nerf grand sciatique. 428


1° Tronc du grand sciatique. 428
2° Sciatique poplité externe. 429
3° Sciatique poplité interne. 431
§ 2. Physiopathologie . 433
a) Paralysie des branches collatérales. 434
b) Paralysies du nerf grand sciatique et de ses branches. 435
c) Névralgie sciatique . 444

Article VIII. — Plexus sacro-coccygien. 452


§ 1. Anatomie . 453
§ 2. Physiopathologie . 453

Article IX. — Topographie vertébro-médullaire. 454


§ 1. Topographie vertébro-médullaire proprement dite. 454
§ 2. Topographie vertébro-radiculaire . 455

CHAPITRE IV

GRAND SYMPATHIQUE

Article Ier. — Anatomie. 463


§ 1. Constitution anatomique générale du grand sympathique. 463
§ 2. Sympathique cervical . 469
§ 3. Sympathique thoracique. 472
§ /). Sympathique lombaire .. 474
§ 5. Sympathique sacré . 475

Article II. — Physiopathologie. 476


§ 1. Le système sympathique, d’après Bichat. 477
§ 2. Nerfs vaso-moteurs . 480
§ 3. Nerfs pilo-mofeurs... 490
§ 4. Nerfs trophiques . 493
§ 5. Rôle du grand sympathique en pathologie. 495

CHAPITRE V

CENTRES NERVEUX

Article Ier.—Moelle épinière. 499


§ 1. Anatomie . 500
a.) Substance grise. 502
b) Substance blanche . 508
§ 2. Physiopathologie . 518
a) Texture fasciculaire et métamérique de la moelle épinière.... 518
b) Effets précoces et tardifs des transsections complètes de la
moelle épinière. 519
TABLE DES MATIÈRES

c) Les affections systématiques, pseudo-systématiques et non


systématiques . 525
d) Les compressions lentes de la moelle. 531

Article IL — Artères de la moelle épinière. . 533


§ 1, Anatomie . 533
§ 2. Physiopathologie. 535

Article III. — Isthme de l’encéphale et noyaux bulbo-protubérantiels.. 537


§ 1. Anatomie .. . 538
a) Disposition générale de l’isthme de l’encéphale. 538
b) Constitution générale de l’isthme. 542
1° Bulbe . 542
2° Protubérance . 544
3° Pédoncules cérébraux . 546
4° Tubercules quadrijumeaux. 548
c) Les noyaux bulbo-protubérantiels, leur origine, leur signifi¬
cation . 548
§ 2. Physiopathologie . 552
a) Syndromes polynucléaires, les polioencéphalites. 553
b) Syndromes nucléo-fasciculaires, les hémiplégies alternes. 554
c) Physiopathologie des noyaux propres de l’isthme de l’encé¬
phale . 559

Article IV. — Cervelet. 562


§ 1. Anatomie . 562
§ 2. Physiopathologie . 567
a) Fonction du cervelet. 567
b) Données expérimentales . 568
c) Le syndrome cérébelleux . 569

Article V. — Circonvolutions et localisations cérébrales. 570


§ 1. Anatomie . 570
a) Circonvolutions de la face externe des hémisphères. 571
1° Scissures interlobaires. 571
2° Lobes et circonvolutions. 572
b) Circonvolution de la face interne des hémisphères. 577
1° Scissures interlobaires. 577
2° Lobes et circonvolutions . 578
c) Circonvolutions de la face inférieure des hémisphères. 579
1° Scissures interlobaires . 579
2° Lobes et circonvolutions . 579
§ 2. Physiopathologie . 581
et) Le cerveau n’est pas un organe fonctionnellement homogène... 581
b) Les aires motrices de l’écorce cérébrale de l’homme. 583
c) Les aires sensitives. 585
d) L’aphasie et ses variétés cliniques. 585

Article VI. — Lignes repères de la scissure de Rolando. 598


TABLE DES MATIERES

Article VII. — Noyaux opto-striés et capsule interne.


§ 1. Anatomie .*.. «.
a) Couche optique ou thalamus. 60ü
b) Corps strié . . .. 602
c) Capsule interne . 604
§ 2. Physiopathologie .. . 607
a) Considérations générales . 607
b) La capsule interne et les syndromes capsulaires. 609
c) Le corps strié et ses syndromes.. 611
d) La couche optique et le syndrome thalamique. 614

Article YIII. — Artères du cerveau. 615


§ 1. Anatomie . 615
a) Artères des circonvolutions . 616
10 Artère cérébrale antérieure . 616
2° Artère cérébrale moyenne . 617
3° Artère cérébrale postérieure . 619
b) Artères des noyaux centraux. 619
1° Branches fournies par la cérébrale antérieure. 620
2° Branches fournies par la cérébrale moyenne. 620
3° Branches fournies par la cérébrale postérieure. 621
4° Résumé . 621
§ 2. Physiopathologie . 621

CHAPITRE VI

VOIES DE CONDUCTION CORTICO-SPINALES

Article Ier. — Voie de conduction ascendante ou sensitive. 625


§ 1. Anatomie . 625
a) Voie siensitive principale . 626
b) Voie sensitive secondaire eu cérébelleuse. 627
§ 2. Physiopathologie . 628

Article IL — Voie descendante ou motrice. 630


§ 1. Anatomie . 630
ai) Voie motrice principale . 630
b) Voie motrice secondaire ou cérébelleuse. 634
§ 2. Physiopathologie . 635

CHAPITRE VII

VOIES RÉFLEXES ET RÉFLECTIVITÉ

§ 1. Nomenclature des réflexes . 639


$ 2. Aperçu historique . 641
§ 3. Notions générales sur la réflectivité. 643
LES NERFS EN SCHÉMAS 45
'

TABLE DES MATIERES

_i. Voies réflexes et centres de réflexion. 646


§ 5. Tonus musculaire . 651
a) Le tonus musculaire physiologique. 652
1° Le tonus est un phénomène réflexe. 652
2° Extinction expérimentale du tonus. 653
3° Phénomènes biologiques accompagnant le tonus. 654
4° Rapports du tonus avec la contraction active des muscles.. 654
5° Rôle du tonus dans la statique des membres au repos. 657
6° Rôle du tonus pendant l’exécution des mouvements volon¬
taires. 657
b) Les perturbations du tonus en neuropathologie. 661
1° Atonies . 661
2° Hypertonies . 661
3° Paratonies . 667
§ 6. Sémiologie des réflexes . 669
d) Réflexes cutanés. 670
1° Réflexe cutané plantaire. 670
2° Réflexe abdominal . 674
3° Réflexe crémastérien . 675
4° Réflexe fessier . 675
5° Réflexe bulbo-caverneux .. 675
6° Réflexe anal . 676
7° Réflexe spinal . 676
8° Réflexe scrotal ou dartoïque . 676
9° Réflexe mamillo-aréolaire . 677
10° Réflexes vaso-moteurs localisés à la peau. 677
b) Réflexes tendineux . 677
c) Réflexes ostéo-périostiques . 684
§ 7. Réflexes d’automatisme médullaire . 689

Paris. — lmp. Guillemot et de Lamothe, 35, rue des Petits-Champs


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