La Culture Intensive Du Moringa Au Nord Du Sénégal
La Culture Intensive Du Moringa Au Nord Du Sénégal
La Culture Intensive Du Moringa Au Nord Du Sénégal
SOMMAIRE
1. Choix de l’emplacement de la plantation
2. Densité
3. Mise en place de la parcelle
4. Le séchoir
5. Fertilisation, irrigation, attaques et récolte
6. Rendement vs coût
7. Production, personnel et utilisation de la poudre
8. Fiche technique
RÉFÉRENCES
Suite au succès d’une expérience démontrant les effets positifs de la poudre de Moringa sur la
malnutrition des enfants et des femmes enceintes ou allaitantes en Casamance (Fuglie, 2001),
un programme plus élaboré de lutte contre la malnutrition a été mis en place (mai 2003) entre
le gouvernement de la Gambie et l’ONG Church World Service. Pour satisfaire les besoins en
poudre de Moringa du projet, une grande quantité de cette poudre devait être disponible. Au
Sénégal, celle produite en Casamance s’est avérée insuffisante et d’une qualité peu homogène
– arbres dispersés, récolte, nettoyage et entreposage sans normes. Il a donc été nécessaire de
la produire de manière intensive.
C’est à 300 km au Nord de Dakar qu’une parcelle de culture de Moringa oleifera est
présentement cultivée, depuis septembre 2001 – région de Louga, sous-préfecture de Keur
Momar Sarr, village de Ndimb. Cet endroit a été choisi, car CWS y oeuvre depuis presque 20
ans et les liens solides créés avec les populations et l’ONG ASRÉAD (Association
sénégalaise de recherche d’études et d’appui au développement) facilitent le travail. Une
parcelle de terre située à 200 mètres d’un canal d’irrigation – alimenté par le lac de Guiers –
nous a été octroyée par les populations villageoises de Ndimb (village situé à 4 km de la fin
du canal d’irrigation, qui est long de 4 km). L’analyse du sol a démontré qu’il n’y avait pas de
présence de sel et que le pH était adéquat (entre 7 et 8).
2. Densité
Pour choisir la densité optimale du Moringa, afin d’obtenir un maximum de matière végétale,
nous avons analysé une étude comprenant de nombreux essais menés au Nicaragua en 1999
par le chercheur autrichien Nikolas Foidl (M. Lowell J. Fuglie a visité le site de travail de M.
Foidl, au Nicaragua, en 2000). Selon ses expérimentations, les espacements étaient compris
entre 1 m x 1 m ou 10 000 plants/ha et 2,5 cm x 2,5 cm ou 16 millions de plants/ha. Ayant
pris en compte un certain nombre de facteurs jouant sur les résultats d’ensemble, comme le
coût des semences, la perte de plants lors des premières coupes (sélection par manque de
lumière) ou le coût de préparation du sol, il a été constaté que la densité optimale dans un
sol sableux, fertile et bien drainé était de 10 cm x 10 cm ou 1 million de plants/ha.
La seule mécanisation de toute l’installation a été l’utilisation d’un tracteur pour le labour.
Tout le reste a été réalisé manuellement: creusage des canaux d’amenée d’eau, essouchement,
pose de fumier, installation du système d’irrigation, semi, désherbage, arrosage de produits
phytosanitaires, etc.
4. Le séchoir
Un bâtiment de séchage de 216 m2 a été construit, avec à l’extérieur un abri dallé couvert de
140 m2 comme aire de travail protégé pour les manoeuvres ainsi que des chambres de
rangement pour les outils et le petit matériel. Le bâtiment de séchage est en fait une grande
pièce fermée et dallée - choisie pour la facilité de l’entretien. Quatre fenêtres permettent à
l’air de circuler, mais elles restent la plupart du temps à moitié fermées, car la lumière
détruit la vitamine A.
La construction des séchoirs est assez simple pour que les manoeuvres puissent les assembler
avec un marteau, des clous et des punaises. Une grande base faite de poutres de bois (2 m de
hauteur x 1 m de largeur x 4 m de longueur) permet d’y déposer 16 plateaux – 2 par étages,
donc 8 étages – où sont déposées les feuilles. Les séchoirs comme tels sont faits de bois et de
moustiquaires – pour laisser passer l’air à travers les plateaux. Chaque plateau de forme carrée
est composé de 4 tiges en bois (1 m x 1m) clouées et la moustiquaire est fixée à l’aide
d’environ 50 punaises. Le tout ressemble à une grande étagère de 8 étages contenant chacune
deux plateaux/moustiquaires à séchage, faciles à manipuler
5. Fertilisation, irrigation, attaques et récolte
Durant la période des pluies de l’été 2002, plusieurs attaques de chenilles défoliatrices (non
identifiées) ont dévasté complètement la parcelle, qui a été traitée avec l’insecticide de contact
DECIS. Nous avons dû couper totalement la parcelle et heureusement, la repousse a été
vigoureuse, car la croissance et la résistance de cet arbre sont exceptionnelles. Pour la
période des pluies de 2003, nous traitons de manière systématique, les attaques étant
réellement très fréquentes. Cette année, aucune perte importante n’a encore été enregistrée.
L’hectare de production a été divisé en 8 petites parcelles, pour faciliter les déplacements,
l’irrigation, la récolte et l’entretien. Des arbres fruitiers ont été plantés entre les parcelles
(citronniers et manguiers). Entre les parcelles, les manoeuvres cultivent de l’oignon, du
piment, du manioc, mais pas de tomates, culture beaucoup trop sensible. La récolte d’oignon
est excellente.
La récolte de Moringa de chacune des 8 parcelles se fait présentement à tour de rôle, environ
tous les deux mois sur toute l’année (alors qu’au Nicaragua, 9 coupes sont possibles, et ce,
durant 4 ans). Nous attendons que la hauteur des arbres atteigne 1m 20. Les manoeuvres
utilisent de petites faucilles pour couper les tiges à 20 cm du sol. Au début, nous attendions
que l’arbre atteigne presque deux mètres, mais les pertes étaient trop grandes : la base de
l’arbre perdait beaucoup de feuilles et la récolte devenait plus pénible, vu le diamètre de la
tige. Après la coupe, 5 jours plus tard, la repousse est de nouveau visible. On peut donc
prévoir 6 récoltes par an.
5. Nettoyage, entreposage des feuilles humides, broyage des feuilles séchées et ensachage
Une fois les arbres coupés, les feuilles sont lavées à l’eau propre pour être débarrassées de la
poussière et du sable – nous n’utilisons pas l’eau du Lac de Guiers, qui est infestée de
multiples microbes, dont la bilharziose. Les besoins journaliers sont d’environ 400 litres.
Nous exigeons du personnel une propreté exemplaire. Ainsi, lorsqu’ils reviennent de la
plantation pour nettoyer les feuilles, le lavage des mains avec savon est systématique et toute
personne qui pénètre dans le séchoir doit retirer souliers ou bottes. Une analyse réalisée aux
États-Unis a démontré que la poudre était propre et exempte de coliformes fécaux.
Puis, les tiges sont débarrassées manuellement des feuilles humides et elles sont déposées
dans des paniers, qui sont par la suite dirigés vers les séchoirs. Les feuilles humides sont
réparties sur les plateaux/moustiquaires – une mince couche, pour que le séchage se fasse
rapidement. Le bâtiment servant à faire sécher les feuilles contient actuellement 250 plateaux-
séchoirs. Le temps de séchage dépend de l’humidité atmosphérique. En temps de pluie, il
faut 4 jours, en temps sec, 2 jours suffisent.
Une fois séchées, les feuilles sont broyées avec un moulin à moteur – moulin d’arachide avec
un tamis plus fin, couplé à un moteur diesel. Le moulin est situé sous l’abri extérieur, à
quelques pas du bâtiment de séchoir. La poudre est alors déposée dans des seaux de 4 kg.
L’ensachage se fait à 21 km de distance, à Keur Momar Sarr avec une soudeuse électrique à
plastique - le lieu de la parcelle n’étant pas alimenté en électricité. Nous emballons des
sachets de 200gr, 1 kg et 4 kg.
Les tiges restantes sont données en pâture aux moutons, qui engraissent plus rapidement que
les autres.
6. Rendement vs coût
Tout ceci ne comprend pas les problèmes de motopompes, le curage du canal, l‘entretien du
véhicule 4X4 et les réparations du matériel, qui peuvent s’avérer fort onéreux.
Si nous calculons à la fois l’investissement et le coût de roulement du projet, un kg de
Moringa (poudre sèche) coûte environ 3$US. Ce coût est calculé en fonction du potentiel
théorique de production de la plantation, soit 20 tonnes/an. Nous n’avons pas encore
atteint cette production puisque nous produisons pour l’instant 5 tonnes/ha/an.
Comme mentionné précédemment, nous arrivons actuellement à produire un peu plus de 100
kg de poudre par semaine. Le personnel sur le terrain est composé de 4 manoeuvres hommes
permanents. De temps en temps, nous embauchons 3 femmes pour appuyer les manoeuvres,
surtout lors de grosses récoltes. Avec plus de personnel, nous pourrions atteindre entre
300 et 400 kg de poudre par semaine – production annuelle de 20 tonnes/ha -, mais les
coûts de toutes les opérations étant déjà élevés, nous avons décidé de ne pas augmenter à
ce niveau.
Toute la production est destinée à des projets de développement dans la sous-région d’Afrique
de l’Ouest : projets pour les enfants souffrant de malnutrition, femmes enceintes et qui
allaitent, fourrage d’animaux (expérimental). Ces projets sont situés en Mauritanie, en
Gambie, au Sénégal, en Guinée-Bissau, au Mali et au Burkina Faso.
8. FICHE TECHNIQUE
RÉFÉRENCES :
FUGLIE, Lowell J., 2001. Combattre la malnutrition avec le Moringa in L’arbre de la vie, Les
multiples usages du Moringa. CTA et CWS, Dakar, pp.119 à 139.
FOIDL, N., HARINDER, P. S. et K. BECKER, 2001. Potentiel du Moringa oleifera pour les
besoins agricoles et industriels in L’arbre de la vie, Les multiples usages du Moringa. CTA et
CWS, Dakar, pp.45 à 78.
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Il me fera plaisir de répondre à vos questions:
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Caroline Olivier, Ing.F. M.Sc.
CWS, Bureau régional d'Afrique de l'Ouest
B.P. 5338, Dakar, Sénégal
Tél. bureau: 221.864.12.04
Fax.: 221.864.14.11
e.mail: olivcaro@sentoo.sn
Site web: www.moringatrees.org
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