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C
haque année, Patrimoine Mondial consacre un numéro spécial aux sites du pays
éditorial
hôte de la session du Comité du patrimoine mondial afin d’examiner leur valeur
exceptionnelle ainsi que tous les efforts mis en œuvre pour assurer leur protection.
Cette édition 2013 est consacrée au Cambodge. Elle nous présente, entre autres choses, une
fascinante étude des sites d’Angkor et du Temple de Preah Vihear.
Angkor est l’un des plus grands sites archéologiques du monde en cours d’exploitation.
L’histoire de ce bien illustre parfaitement le formidable outil que constitue la Convention du
patrimoine mondial pour reconnaître notre patrimoine, encourager la coopération et mobiliser
les compétences et les ressources nécessaires à sa préservation. Couvrant une superficie
de plus de 400 km2, le parc archéologique d’Angkor renferme les vestiges des différentes
Couverture :Magnifique harmonie entre l’art et
la nature à Angkor (le temple de Preah Khan) capitales de l’Empire khmer qui rayonna du IXe au XVe siècle. Suite à la guerre et à divers
bouleversements qui secouèrent le pays dans les années 1970, le site subit d’importantes
dégradations. En 1992, il fut inscrit simultanément sur la Liste du patrimoine mondial et la
Liste du patrimoine mondial en péril.
Grâce à la création du Comité de coordination internationale pour la sauvegarde et le
développement du site historique d’Angkor (ICC-Angkor) et de l’Autorité nationale APSARA
(Autorité pour la protection du site et la gestion de la région d’Angkor et de Siem Reap) et aux
efforts continus de leurs experts internationaux, le site fut retiré, en 2004, de la Liste en péril.
Le Temple de Preah Vihear est, quant à lui, dédié à Çiva. Ce site remarquablement bien
conservé date du IXe siècle. Véritable chef-d’œuvre de l’architecture khmère, il fut inscrit en
2008 sur la Liste du patrimoine mondial.
Ce numéro exclusif se penche sur la préservation de ces sites exceptionnels ainsi que sur
divers enjeux clés comme la gestion de l’eau, la préservation d’anciens ouvrages hydrauliques
et l’essor du tourisme. Les experts chargés de la conservation des peintures murales de Wat
Bakong, des structures d’Angkor Thom, de Banteay Kdei et du Bayon, nous livrent également
de précieuses informations à leurs sujets.
D’autres aspects de la culture cambodgienne, comme le Ballet royal et le Sbek Thom, un
théâtre d’ombres khmer, les archives du Musée du génocide de Tuol Sleng, du Mémoire du
monde au Cambodge, ainsi que la réserve de biosphère Tonlé Sap sont aussi traités afin
d’offrir une vue complète de ce fascinant patrimoine.
Je tiens à remercier le Gouvernement cambodgien pour sa précieuse contribution à la mise
en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, notamment durant son mandat actuel en
tant que membre du Comité, ainsi que pour son accueil et sa présidence de la 37e session du
Comité du patrimoine mondial qui se tiendra cette année à Phnom Penh.
Kishore Rao
Directeur du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO
S o mmaire
Magazine trimestriel publié en français, anglais
et espagnol conjointement par l’Organisation des
Nations Unies pour l’éducation, la science et la
culture (UNESCO), Paris, France, et par Publishing
for Development Ltd., Londres, Royaume-Uni.
Directeur éditorial
Numéro spécial
Kishore Rao
Directeur du Centre du patrimoine Patrimoine mondial
18
mondial de l’UNESCO
Éditeur
au Cambodge
Publishing for Development
Chef de rédaction
Vesna Vujicic-Lugassy
Rédacteurs
Helen Aprile, Gina Doubleday, Michael Gibson
Coordinateur de production
Richard Forster
Éditeur de production
Caroline Fort
Message de Madame Irina Bokova,
Correction de copie Directrice générale de l’UNESCO 5
Caroline Lawrence (anglais), Brigitte Strauss
(français), Luisa Futoransky (espagnol)
Message de bienvenue du Premier ministre
Conseil éditorial du Royaume du Cambodge, Samdech Akka
ICCROM : Joseph King, ICOMOS : Regina Durighello,
UICN : Tim Badman, Centre du patrimoine mondial Moha Sena Padei Techo Hun Sen 7
de l’UNESCO : Giovanni Boccardi, Véronique
22 32
Dauge, Guy Debonnet, Lazare Eloundou-Assomo, Entretien avec S.E. le docteur Sok An,
Feng Jing, Mechtild Rössler, Nuria Sanz, Petya
Totcharova, Éditions UNESCO : Ian Denison Président du Comité du
patrimoine mondial 8
Assistante de rédaction
Barbara Blanchard
Carte des sites archéologiques et
Publicité monuments du Cambodge 12–13
Fernando Ortiz, Peter Warren
Couverture Angkor 16
37 39
Photo : Ross Huggett l Monuments et conservation 18
Design : Recto Verso l Le système hydraulique angkorien
47 48
l Le temple du Bayon : quand sculpture
Publishing for Development
5 St. John’s Lane - Londres EC1V 4PY - RU et architecture riment avec pouvoir 44
Tél : +44 2032 866610 - Fax :+44 2075 262173 l Le Baphuon à Angkor – Histoire
E-mail : info@pfdmedia.com
d’une renaissance 48
Abonnements l Le précieux patrimoine du temple de
Les idées et opinions exprimées dans les articles sont celles des auteurs et
54 56 l Acquisition d’images LiDAR 2012 des sites
d’Angkor, du Phnom Kulen et de Koh Ker 60
66 71
Preah Vihear 66
l Aperçu du temple de Preah Vihear 68
l Le système hydraulique du temple de Preah Vihear 74
l Preah Vihear – La symbolique cosmographique
du site 80
l Çiva-Bhadreçvara – L’union de Preah Vihear, Vat
81 85
mondial de l’UNESCO 84
Liste indicative 90
l Koh Ker – Le Prasat Chen et sa statuaire 92
l Groupe archéologique de Sambor Prei Kuk – un
93 96
l Le Sbek Thom – théâtre d’ombres khmer 106
IA
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PUBLISHING
Organisation Patrimoine du
Convention FOR DEVELOPMENT
des Nations Unies patrimoine
mondial mondial
pour l’éducation,
Éditions UNESCO la science et la culture
Message de Madame
Message
Irina Bokova,
Directrice générale
L
Organisation
de l’UNESCO
des Nations Unies
pour l’éducation,
la sience et la culture
L
Samdech Akka Moha Sena Padei Techo HUN Sen
e Royaume du Cambodge considère comme un Non loin d’Angkor, un des joyaux de la Liste du patrimoine
privilège l’accueil à Phnom Penh et à Siem Reap/ mondial de l’UNESCO, et à quelques heures du temple de Preah
Angkor, en juin 2013, de la 37e session du Comité Vihear, magnifique piton qui assurait à Çiva, selon ses volontés, une
du patrimoine mondial. position dominante, nos hôtes seront assurément bien inspirés et
Le Gouvernement royal a pris, en conséquence, toutes les feront aboutir leurs efforts en vue de faire avancer au mieux la mise
dispositions pour assurer à nos hôtes distingués un séjour non en œuvre de la Convention.
seulement fructueux et instructif, mais aussi agréable. Je leur souhaite un séjour mémorable parmi nous. Puissent leurs
Les membres du Comité et les représentants des États parties de travaux renforcer la solidarité culturelle internationale au service
la Convention de 1972 seront accueillis pour leurs travaux au Palais du dialogue et de la compréhension mutuelle des valeurs des
de la Paix, le siège même de la Présidence du Conseil des ministres, civilisations !
où se sont tenues de nombreuses conférences internationales dont, Universellement connu et respecté, le patrimoine mondial peut,
tout récemment, le Sommet de l’ASEAN, honoré par la présence de à n’en pas douter, constituer un puissant levier pour le maintien de
grands Chefs d’État de la planète. la paix dans le monde.
Angkor Vat.
© Ross Huggett
Azedine Beschaouch : Si, pour ce qui distingue la monuments, les ensembles (c’est-à-dire les groupes de constructions
Convention de 1972, on vous priait de privilégier une idée historiques) et les sites (que ces derniers soient l’œuvre de l’être humain
centrale, quel serait, pour l’essentiel, votre point de vue ? ou de la nature ou bien l’œuvre conjuguée de l’être humain et de la
nature). Mais l’essentiel, me semble-t-il, est ailleurs. La Convention, en
Sok An : D’emblée, je dirais que ce qui distingue, avant tout, la effet, apporte, à travers sa philosophie et dans sa formulation juridique,
Convention de 1972, c’est le fait que, en reconnaissant l’importance une nouvelle approche patrimoniale. Elle est parvenue à dépasser les
de la diversité des cultures, elle constitue la face culturelle de la tensions anciennes et si vives entre deux forces de représentation :
mondialisation. - d’une part, les liens indéfectibles (et si chers aux peuples et aux
À ce propos, permettez-moi, d’abord, un rappel. nations, en particulier dans le Tiers monde !), les liens entre les biens
On a vécu la fin des antagonismes qui furent souvent implacables, culturels et l’identité culturelle,
– des deux côtés de l’ancien « Rideau de fer » – entre les blocs de - d’autre part, l’universalité progressive des biens culturels, due
l’Est et de l’Ouest. Peu à peu se sont renforcées, à travers le monde, au fait que l’humanité, dans l’éthique de l’UNESCO, se définissait,
les voies du dialogue et la recherche de la concertation. Malgré les et se définit de plus en plus comme un assemblage dynamique des
déséquilibres économiques et les fractures sociales, une grande part cultures.
de l’humanité s’attache, de nouveau, à penser aux voies et moyens Une chose est bien évidente : en ce temps-là, vers la fin des
de « bâtir la paix dans l’esprit des hommes », comme le déclare années 60 et au début des années 70, l’UNESCO était décidément
l’Acte constitutif de l’UNESCO. C’est dans ce contexte que le rôle en avance sur son temps. C’est ainsi que la Convention de 1972,
de l’UNESCO s’est également renforcé, grâce aux efforts conjugués dans ses principes mêmes, tenait le plus grand compte de la
et soutenus des États membres et par la volonté des remarquables diversité des cultures, avant même qu’une Convention spécifique
Directeurs généraux qui s’y sont succédé, ne vienne, en 2005, donner une légitimité institutionnelle, sur le
Ainsi que l’ont bien mis en évidence les analyses et les bilans plan international, à cette notion.
présentés lors de la célébration du 65e anniversaire de la fondation
de l’UNESCO, notre Organisation internationale est devenue AB : Dans votre discours liminaire à Kyoto (6-8 novembre
réellement planétaire. Mais, surtout, elle est vraiment devenue le lieu 2012), à l’occasion des festivités pour le 40e anniversaire de la
par excellence où exprimer des visions, proposer des innovations, Convention, vous avez, pour caractériser cette Convention,
prôner l’échange, sinon le partage, des savoirs et des savoir-faire. insisté également sur l’importance des conditions de sa
Si je rappelle d’abord la vocation universelle de l’UNESCO, c’est mise en œuvre. Les lecteurs de Patrimoine Mondial seraient
pour mieux faire apparaître l’idéal d’universalité qui a inspiré les intéressés par le rappel des grandes lignes de votre approche
rédacteurs de la Convention de 1972. personnelle.
On le sait bien : avant l’adoption de cette Convention par la
Conférence générale de l’UNESCO, lors de sa 17e session, le 16 SA : Il est une autre caractéristique de notre Convention sur laquelle
novembre 1972, l’intérêt se focalisait, pour l’essentiel, sur les on n’insistera jamais assez. Sa mise en œuvre a permis, en effet, à un
monuments et les œuvres d’art. Et, à la suite des traumatismes grand nombre de pays de se réapproprier l’ensemble du parcours
consécutifs à la Seconde Guerre mondiale, l’insistance se portait sur historique qu’a suivi leur territoire et d’intégrer la diversité culturelle
la nécessité de la protection de ces monuments et de ces œuvres au sein même de leur liste nationale de biens.
d’art en cas de conflit armé (c’est évidemment la portée de la Prenons, par exemple, le cas de la Tunisie, comme je l’ai mentionné
Convention de la Haye, adoptée le 14 mai 1954). à Kyoto, et que je connais mieux grâce à vous, depuis que vous
En 1972, notre Convention du patrimoine mondial innove : d’abord, contribuez avec nous à la conservation et à la valorisation d’Angkor.
pour la thématique. Désormais, le patrimoine culturel comprend les Tout le monde sait que la Tunisie est aujourd’hui un pays relevant de
c. Établissement de limites permanentes basées sur le projet après 20 années d’efforts ininterrompus, Angkor est en pleine
du PNUD (document du ZEMP – Zoning environmental management renaissance et, grâce aux succès remportés par la lutte continuelle
plan) ; contre le trafic illicite et le pillage organisé, le site a cessé d’être le
d. Définition de zones tampons significatives ; terrain privilégié des trafiquants d’objets d’art.
e. Établissement de la surveillance et de la coordination de Ainsi, 23 pays et institutions scientifiques représentants quatre
l’effort international de conservation. continents ont mis en œuvre près de 70 projets, pour un budget
Ces conditions ont été bien remplies et nous nous en félicitations d’ensemble qui dépasse 250 millions de dollars américains.
à distance. De fait, lors de sa 28e session à Assurément, il s’impose de révéler à tous, qu’aux
Suzhou, en Chine, le 7 juillet 2004, le Comité côtés des travaux spectaculaires de consolidation
a, en définitive, décidé de retirer le site et restauration, nous avons enregistré des
d’Angkor de la Liste du Patrimoine mondial résultats considérables dans le domaine des
en péril. recherches archéologiques. Le public mérite de
Aujourd’hui, il nous appartient de penser savoir que ces recherches ont, parfois, renouvelé
à l’historique de notre action, depuis 20 ans, notre connaissance de l’histoire d’Angkor, sa
tant au plan national qu’au plan international. chronologie et son organisation spatiale. Ainsi,
Nous le savons bien : les monuments les historiens placent désormais les débuts
d’Angkor constituent, à jamais, un symbole d’Angkor au moins au VIIIe siècle et non plus au
national du Cambodge et de son peuple. IXe siècle.
Par ailleurs, largement représentée au sein À Angkor Thom, des fouilles remarquables ont
du Comité du patrimoine mondial dans révélé sous la dense végétation tropicale une
le système de l’UNESCO, la communauté cité cadastrée, structurée selon un quadrillage
internationale a définitivement considéré que orthogonal en trames régulières. Ce modèle
le site d’Angkor et ses monuments historiques d’urbanisme réalisé avec génie sur un plan carré
constituent également l’un des patrimoines de 3 km de côté (soit une cité dont les murailles
culturels les plus importants en Asie et de par Dr Sok An au Bayon. délimitent un espace de 9 millions de m2) a fait
le monde. © Office of the Council of Minister
dire à certains qu’Angkor était le New York de
Ainsi, vingt ans après l’inscription d’Angkor, l’époque médiévale. Du reste, des études parues
personne ne doute que la coopération internationale ne revête une en 2009 dans la revue National Geographic sous le titre « Pourquoi
importance particulière et ce tant pour la sauvegarde que pour le la plus grande cité médiévale du monde s’est effondrée ? » évaluent
développement du site d’Angkor et son complément, la ville de la population d’Angkor, à son apogée, jusqu’à un million d’habitants
Siem Reap, qui s’accroît d’année en année. (un chiffre énorme pour l’époque !).
Aussi, suis-je particulièrement heureux et honoré d’exprimer au De même, des travaux de prospection sur le terrain et des
nom de Son Excellence le Premier ministre, Samdech Akka Moha sondages de contrôle, confortés et élargis par le recours aux toutes
Sena Padei Techo HUN Sen, et de la part du Gouvernement royal du nouvelles technologies de photo-interprétation par images aériennes
Cambodge, notre entière reconnaissance pour l’action conduite à ont permis, pour la première fois, une étude morphologique de
ce jour par l’UNESCO, et notre gratitude profonde à l’égard des pays l’occupation du territoire angkorien. Il s’avère que ce territoire
et des organisations gouvernementales et non gouvernementales constituait une vaste aire de plus de 2 000 km2.
qui continuent de coopérer avec l’Autorité nationale APSARA ainsi Mais surtout, je voudrais insister sur l’importance des recherches,
qu’avec les institutions et services de la province de Siem Reap, en menées depuis cinq ans, sur le système hydraulique de la capitale
vue de mettre en œuvre les programmes et projets de conservation, de l’Empire khmer. Notre ingénieur hydraulicien, le Dr. Hang Peou a
de valorisation et de développement durable. démontré que les barays (immenses réservoirs), les bassins, les douves
et les canaux constituaient un réseau considérable et cohérent de
AB : Monsieur le Président, vous venez de rappeler captage, circulation et conservation de l’eau pour l’irrigation et les
qu’en décembre 1993 s’est tenue la 1e session du Comité usages domestiques. Il s’agit là d’une grande découverte !
international de coordination pour Angkor (le CIC). En En dernier lieu, j’attire l’attention sur un autre aspect de nos
décembre prochain 2013, doit se tenir la 20e session de ce réalisations. Il ne faut pas négliger l’importance de tous les
Comité. Vingt ans déjà ! Il s’agit, de toute évidence, d’un travaux qui ont changé, en vingt ans, le visage d’Angkor : à savoir
parcours remarquable et d’un fait unique dans les annales l’aménagement des abords des monuments, l’amélioration des voies
du patrimoine mondial. Quelles réalisations à mettre en d’accès touristiques, la sécurité des lieux.
évidence pour cette commémoration solennelle ? Pour toutes ces raisons, et en considération non seulement des
résultats mais aussi de l’harmonie qui règne entre les équipes
SA : Je tiens, tout d’abord, à noter que nous avons toute légitimité angkoriennes, la campagne d’Angkor est unanimement considérée
d’être fiers de l’œuvre accomplie, qui est une grande œuvre, de l’avis comme un modèle. Du reste, l’Esprit d’Angkor a conduit la
unanime. Nous voulons montrer, par des expositions et à travers communauté internationale à adopter récemment une « Charte
les médias, le long chemin parcouru depuis 1993, quand le site de d’Angkor » fixant des orientations qui peuvent être utiles pour
40 000 ha était encore miné et les monuments en péril. Aujourd’hui, d’autres sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial.
République
démocratique
populaire lao
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Légende
Chef-lieu de province
Frontières nternationales
Routes nationales
Limites des province
Fleuves, rivières, canaux
Rizières
Villages
Forêts
Groupes monumentaux
Sanctuaires et temples
Anciennes chaussées
Octobre 2006
www.ourplaceworldheritage.com
Angkor
Monuments et conservation
Ros Borath
Architecte DPLG
Président du Comité national du patrimoine mondial
Directeur général adjoint de l’APSARA
(Département de la conservation des monuments
dans le parc d’Angkor et de l’archéologie préventive)
Monuments
uite aux Accord de Paris en des devatas étaient en très mauvais état et
1991, le territoire patrimonial C’est le plus grand et le plus sublime des présentaient des dégradations provoquées
d’Angkor a connu une véritable temples khmers (Vat), construit au centre par l’érosion, les micro-organismes et les
mutation depuis l’inscription sur d’une ville (Angkor), pendant la première mauvaises restaurations antérieures altérant
la Liste du patrimoine mondial, moitié du XIIe siècle, sous le règne du roi profondément les sculptures. Le GACP, en
en décembre 1992 à Santa Fé (États-Unis Sûryavarman II. L’ensemble constitue, douve effectuant ce travail délicat et sensible, a
d’Amérique), de l’ensemble du site couvrant comprise (190 m de large), un majestueux mis au point des techniques spécifiques,
40 000 ha, avec 91 monuments classés. rectangle de 1 500 x 1 300 m, s’étendant de diagnostic, de prélèvement, et de
Depuis sa création lors de la Conférence sur 9 ha. Il comprend, pour l’essentiel, traitement… qui permettent de répondre
de Tokyo (octobre 1993), suivie de la une pyramide, des galeries concentriques aux défis du temps.
Conférence de Paris (novembre 2003), le CIC et 5 tours en quinconce. Les travaux
(Comité international de coor- La statue de
dination) a encadré vingt an- Ta Reach
nées d’action internationale en L’une des statues les plus
faveur de la sauvegarde et de significatives d’Angkor Vat
la valorisation d’Angkor, sous est celle de Ta Reach, image
la coprésidence de la France de Vishnu à huit bras, si-
et du Japon et avec l’UNESCO tuée dans la partie sud de la
assurant le secrétariat perma- porte occidentale du temple.
nent. La troisième conférence Certainement installée au
du CIC est prévue à Phnom XVI e siècle lors d’une restau-
Penh en décembre 2013. ration du monument, elle a
Généralement construits pris une grande importance
en latérite, grès ou brique, les pour l’ancien culte animiste,
monuments d’Angkor se dis- appelé Neak Ta. Elle est le
tinguent par une architecture cœur de la vie spirituelle et
spécifique marquée par la sociale des communautés qui
cohérence et l’homogénéité. vivent autour de ce temple et
Matière noble par excellence, même au-delà.
le grès a été privilégié par les Les mauvaises restaurations
bâtisseurs pour la sculpture et surtout la tête qui fut rem-
et l’ornementation architec- placée par une copie, et les
turale. mains manquantes recons-
Des travaux d’envergure truites avec des copies gros-
ont permis d’assurer la sauve- sières en ciment, ont porté un
garde du site et le sauvetage grand préjudice à l’image.
de certains monuments. Ils Ainsi après avoir reçu l’aval
ont été, pour l’essentiel, mis des communautés locales
en œuvre par l’École fran- pour cette opération de res-
çaise d’Extrême-Orient (EFEO) tauration et notamment pour
entre 1907 et 1973. Mais, le retour de la tête originelle
dans une période délicate et (qui était au Musée national),
non complètement sécurisée, un compromis fut trouvé sur
l’ASI (Archaeological Survey La statue de Ta Reach restaurée. les méthodes, les matériaux
© Simon Warrack
of India) a pu aussi interve- de restauration et les moda-
nir pour des restaurations lités des travaux, sans inter-
dans le temple d’Angkor Vat, entre 1981 de restauration et consolidation sont rompre la pratique du culte.
et 1992. Sous l’égide de l’UNESCO, l’action menés dans le cadre d’un vaste chantier La laque de la statue a été renforcée et
internationale voit la participation d’équipes international avec des équipes allemande, les bras manquants furent remplacés.
pluridisciplinaires provenant de vingt pays américaine, française, italienne et japonaise.
et travaillant en partenariat avec l’Autorité Depuis 1997, le GACP (German Apsara Bayon
nationale APSARA (Autorité pour la protec- Conservation Project) travaille à la Monument central au cœur de la cité
tion du site et l’aménagement de la région sauvegarde des apsaras (danseuses célestes) d’Angkor Thom, ses diverses étapes de
d’Angkor), maître d’ouvrage. et des devatas (personnages féminins faisant construction (autour de l’année 1200
Voici quelques exemples de travaux partie du milieu divin) ainsi que d’autres sous Jayavarman VII), de transformation
menés sur le site : éléments ornant le temple. Environ 20 % et d’extension lui ont donné un
Phnom Bakheng.
© Allie Caulfield
d’Extrême-Orient]) assisté par l’architecte Preah Kô vaux de conservation font face à des défis
Jacques Dumarçay, que des travaux Élégant temple en brique, avec 6 tours importants en raison des conditions environ-
d’anastylose ont pour la première fois groupées sur une seule terrasse et une nementales du site. Une approche multidis-
été mis en œuvre au Baphuon. L’objectif grande douve (500 x 400 m), il fut construit ciplinaire a été adoptée pour la conservation
de ces travaux visait à stabiliser le remblai dans le dernier quart du IXe siècle par le roi et la restauration de l’ensemble. L’ASI a ras-
massif du monument, puis à restaurer le Indravarman Ier. semblé une documentation détaillée sur la
parement en grès des fondations d’origine. Les premières restaurations ont été effec- pierre et les divers éléments naturels (arbres
En raison de ce parti pris de restauration, tuées par une équipe germano-hongroise. principalement) qui constituent l’ensemble
il était logique de continuer sur la même À l’heure actuelle, les travaux sont pla- du monument. Des traitements adaptés des
voie en consolidant l’ouvrage avec la cés sous la responsabilité de deux experts sous-sols et des remblais de fondation ont
restauration des maçonneries à leur cambodgiens et des ouvriers spécialisés de été mis en œuvre, avant le remontage des
niveau originel de construction. Ce travail l’APSARA. Les parties supérieures de cet en- assises et la repose des pavages en pierre.
a été mené pendant plus de seize ans par semble en brique présentaient des risques Quatre emplacements sur les cinq concer-
l’architecte de l’EFEO, Pascal Royère, et importants de déversement et menaçaient nés par les travaux de restauration et de
a abouti à assurer l’équilibre statique du de s’écrouler, notamment en raison de l’im- conservation sont déjà terminés. Les arbres
monument et à préserver les deux grandes pact des graves actions combinées de la na- qui entrelacent les pierres de leurs racines
étapes de l’histoire du monument : la ture et de l’homme. contribuent depuis longtemps à donner
période hindouiste (avec en particulier une atmosphère particulière à ce temple.
des bas-reliefs inspirés du Rāmāyana) et Ta Prohm Cela explique que les consolidations et res-
la période bouddhiste (avec un immense L’un des temples majeurs du grand roi taurations accomplies, ou en cours, laissent
Bouddha couché). Jayavarman VII (fin XIe-début XIIe siècle), Ta largement ce monument dans son « état
Prohm est un temple-monastère. Les tra- naturel », produit de la ruine des siècles.
Le système hydraulique
angkorien
Hang Peou
Directeur général adjoint chargé du Département de gestion des eaux
Autorité nationale APSARA
Système hydraulique
a maîtrise des ingénieurs
des eaux khmers dans les
temps anciens est confirmée
par diverses structures
hydrauliques à Angkor, telles
que des barays (réservoirs artificiels), des
douves, des digues en latérite, des ponts,
des bassins, des canaux et des fossés.
En raison de la croissance du nombre de
touristes chaque année et de la population
de l’ensemble de la région, la demande
en eau augmente de façon spectaculaire,
faisant de la gestion des eaux pour la région
de Siem Reap/Angkor le problème le plus
critique pour la préservation des monuments
et le développement durable. Le défi
consiste à satisfaire les besoins quotidiens
en eau, tout en veillant à la stabilité, liée aux Neak Pean et ses bassins d’eau.
© Hang Peou
nappes phréatiques, des temples d’Angkor
construits sur la couche de sable.
Le Département de gestion des eaux Le défi consiste à satisfaire les besoins quotidiens en eau,
de l’Autorité nationale APSARA a réalisé tout en veillant à la stabilité, liée aux nappes phréatiques,
les travaux préparatoires théoriques et des temples d’Angkor construits sur la couche de sable.
pratiques, nécessaires à la réhabilitation de
l’ancien système hydraulique angkorien, afin
de permettre de rétablir le rôle essentiel de
préservation des monuments que jouent le de gestion des eaux sur l’ancien système travaux de restauration, depuis 2010, la
paysage culturel restauré et l’environnement hydraulique, certaines structures construites douve sud-est (3 000 m) est remplie d’eau
en général. Ce programme, long et difficile, pendant l’Empire khmer d’Angkor par tout au long de l’année (aussi bien pendant
a été mis en œuvre grâce aux ressources les ingénieurs hydrauliques ont pu être la saison sèche que pendant la saison des
techniques et financières de l’Autorité restaurées. pluies) et, en 2012, la douve complète de
nationale APSARA. Il s’est concentré tout 12 000 m de long était à nouveau remplie.
particulièrement sur la comparaison entre Srah Srang
les analyses et conclusions préliminaires et Le bain royal était alimenté par les eaux Douve d’Angkor Vat
les données exceptionnelles fournies par les de pluie et les nappes phréatiques reliées Avant 2010, le système de remplissage de la
inondations de 2009, 2010 et 2011. au baray oriental, provenant du sous-sol douve d’Angkor Vat était composé d’un canal
et des nappes phréatiques qui entourent construit entre la douve sud-ouest d’Angkor
La réhabilitation des anciennes le bassin proprement dit. Toutefois, avec Thom jusqu’à Tropeang Ses, passant derrière
structures hydrauliques l’assèchement du baray oriental et la baisse la station de montgolfières des temps
La tâche principale à réaliser avant de du niveau de la nappe phréatique, Srah Srang modernes. Nous avons maintenant réhabilité
pouvoir entreprendre la réhabilitation est a aussi commencé à s’assécher à la saison l’ancien système, raccordant directement la
l’analyse du débit depuis la limite amont sèche, pour atteindre l’assèchement total en douve d’Angkor Thom au sud-est à la douve
de la sortie du bassin-versant à partir du avril 2004. En mars 2005, le Département de d’Angkor Vat au nord-ouest, en passant par
plateau de Kulen jusqu’à ce que l’eau se la gestion des eaux a mis en place un nouveau la douve de Phnom Bakheng et le canal de
déverse dans le Tonlé Sap (Grand Lac), en système complémentaire pour remplir le Srah Sampov Loun. Ce système a permis au niveau
passant par trois bassins-versants : de la Srang, en prenant de l’eau dans le réservoir de l’eau de gagner un mètre par rapport à
Pourk à l’ouest, de la Siem Reap au centre de Phnom Bauk, sur la Roluos. son niveau antérieur.
et de la Roluos à l’est. Il semble que la Pourk
et la Roluos soient des cours d’eau naturels, Douve d’Angkor Thom Baray septentrional (Jayatataka)
alors que la Siem Reap est un cours d’eau Ce grand réservoir d’eau, capable de Ce baray mesure 3 600 m sur 930 m,
artificiel, recevant l’eau de la montagne de contenir près de 2 millions de m3 d’eau, avec une capacité de stockage initiale de
Kulen, par Bampenh Reach, un déversoir s’étend sur 12 km autour des murs de la 5 millions de m3. Il n’était pas utilisé à des
en latérite d’une largeur de 60 m et d’une ville. Récemment, seuls 3 000 m de la douve fins d’irrigation comme d’autres barays de
longueur de 300 m, construit au IXe siècle. sud-ouest étaient remplis d’eau, alors que la région, mais servait à alimenter la ville
Grâce à plus de huit années de recherche la douve sud-est n’en contenait plus que d’Angkor Thom, la ville de Preah Khan et
appliquée, réalisée par le Département pendant la saison des pluies. Suite à nos Neak Pean (l’hôpital). Il s’est asséché il y a
Preah Khan.
© Tushar Dayal
plus de 500 ans, et certains chercheurs ne qu’il existe une connexion d’eau souterraine région d’Angkor. Le peuple khmer n’a pas
pensaient pas que le remplissage du baray entre le baray septentrional et Preah Khan, non plus transmis d’une génération à l’autre
septentrional soit à nouveau possible. Mais, mais aussi que ce remplissage est le résultat par des légendes la mémoire d’une catas-
en 2007, des chercheurs cambodgiens ont de la montée de la nappe phréatique grâce trophe. Il semblerait donc que ces problèmes
restauré son système d’alimentation des au rechargement du baray septentrional. ne soient pas survenus par le passé, indiquant
fossés, découvert en 2005, et, en 2008, que le système de gestion des eaux dans les
l’eau recommençait à couler vers ce baray. Baray occidental temps anciens était capable d’optimiser les
Le remplissage du baray septentrional s’est Dans les années soixante, pour remplir le ressources en eau. Toutefois, comme le sys-
effectué de la façon suivante : 700 000 m3 en baray occidental, l’eau de la rivière Siem Reap tème ancien n’avait pas fonctionné depuis
2008, 3 000 000 m3 en 2009, 3 678 000 m3 a été détournée au coin nord-est d’Angkor tellement longtemps, en 2004 nous avons
en 2010 et 5 000 000 m3 en 2011 et 2012. Thom, via un canal construit à l’intérieur de la connu la sécheresse dans les douves d’Angkor
douve d’Angkor Thom (douve nord et nord- Vat et l’assèchement de Srah Srang, suivis des
Neak Pean ouest) d’une longueur de 4 500 m, raccordé à crues de 2009, 2010 et 2011.
Il s’agit d’un temple-île au milieu du baray un canal parallèle à la route d’accès passant par Il est possible de comprendre à partir de
septentrional, comme le Mébon des autres la porte Ta Keo, la porte occidentale d’Angkor l’identification sur le terrain du débit d’eau,
barays, mais dans les temps anciens, il avait Thom. Ces canaux avaient pour effet de priver définissant les canaux et leurs connexions,
une autre fonction, celle d’un hôpital qui d’eau cette partie de la douve et la partie l’organisation globale du système hydrau-
utilisait des plantes médicinales. Le temple orientale du baray occidental, alors qu’on lique angkorien : rivières, barays, douves,
possède cinq bassins qui, dans des temps pensait généralement jusque-là que cette canaux, bassins et fossés. Cette étude de
plus récents, étaient à sec toute l’année, à pénurie était le résultat de la sédimentation. terrain a révélé que la partie nord-est du
l’exception du bassin central, qui était rempli En 2010, le Département de gestion des baray septentrional comportait des fossés
d’eau pendant quelques mois seulement, à eaux a découvert le système d’alimentation orientés d’est en ouest et un ancien pont
la saison des pluies. Toutefois, depuis que le d’origine du baray occidental, dans lequel en latérite formé de plusieurs arches sur la
baray septentrional est à nouveau alimenté, un ancien bassin (de sédimentation) et un rivière Siem Reap, pouvant être utilisés pour
ces cinq bassins se sont remplis et sont canal s’étendent au coin nord-ouest de la contrôler le débit et l’écoulement. Grâce à
pleins en toute saison. Ces bassins reliés douve d’Angkor Thom. En 2011, APSARA ce nœud de distribution et aux canaux de
au baray septentrional sont la meilleure a rouvert le canal d’alimentation initial du connexion, nous sommes parvenus à dis-
illustration du système hydraulique dans le baray occidental pour permettre l’évacuation tribuer l’eau vers l’ouest (le baray septentri-
site d’Angkor, inscrit au patrimoine mondial. des crues et protéger la population locale. onal, le baray occidental et la rivière Stung),
En 2012, APSARA a réhabilité la totalité du vers l’est (la rivière Roluos) et vers le sud (les
Preah Khan système d’alimentation et aujourd’hui, le douves d’Angkor Thom et d’Angkor Vat et
Dans les temps anciens, comme Srah baray occidental peut être complètement la rivière Siem Reap).
Srang, la douve de Preah Khan n’était rempli, jouant ainsi son rôle dans la gestion En 2012, la partie principale de ce sys-
pas dotée d’un système de remplissage. des crues. tème a été réhabilitée, permettant à Angkor
À l’époque moderne, elle n’avait de l’eau et à la ville de Siem Reap d’éviter les inonda-
qu’une partie de l’année, mais depuis que le Prévention de la sécheresse et tions pendant la saison des pluies. Sans ces
baray septentrional est à nouveau alimenté, des crues travaux, la ville de Siem Reap aurait subi au
la douve de Preah Khan est aussi désormais Aucune inscription de l’Empire khmer ne moins quatre crues successives. Ce résultat
remplie d’eau toute l’année. Cela montre mentionne de crue ni de sécheresse dans la confirme que l’ancien système hydraulique
Patrimoine et population
dans le site d’Angkor
Khuon Khun-Neay
Architecte et urbaniste
Directeur général adjoint
Autorité APSARA
Patrimoine et population
ite archéologique majeur et
imposant ensemble monumental,
site paysager et milieu naturel,
territoire d’activités paysannes et
établissement humain à caractère
rural, espace touristique de portée
internationale vivant en symbiose avec une
ville, lieu de séjour des touristes, Angkor
connaît une situation unique en son genre.
Le parc d’Angkor, d’une superficie de
40 100 ha, est pris en tenailles entre un
établissement humain endogène (112
villages répartis dans les limites mêmes
du site inscrit et existant avant même
l’inscription) et un établissement humain
exogène (une ville, Siem Reap, en grande
partie de développement récent, au sud Cérémonies et processions religieuses ont encore lieu aujourd’hui à Angkor Vat.
© Khuon Khun-Neay
d’Angkor, avec un aéroport international,
plus de 100 hôtels et maisons d’hôtes,
d’innombrables restaurants et cafés, des Caractéristiques de la population La majorité des familles, soit 60 %, est
marchés et des boutiques, sans compter Le nombre d’habitants vivant dans pauvre. Selon une étude datée de 2007,
les établissements administratifs de Siem les zones protégées augmente de façon les revenus mensuels moyens par habitant
Reap, en tant que chef-lieu de province). exponentielle. En effet, depuis le retour de étaient de 24 à 30 dollars américains.
Le Gouvernement royal a la ferme intention la paix et de la stabilité dans le Royaume,
de garder cette population (estimée à nombre de villageois sont venus de provinces Écovillage de Run Ta-Èk
120 000 personnes en 2010) dans son moins riches afin de s’implanter dans le parc Afin de réduire les pressions internes sur
milieu, car elle constitue en elle-même d’Angkor et d’y vivre du tourisme. Alors que le parc d’Angkor et de protéger l’intégrité
l’héritage d’Angkor avec ses us et coutumes le taux de naissance moyen du pays était de de ce parc, et de ses paysages culturels, le
millénaires. Cependant, ce fait représente seulement 3,10 % durant la période 1992- Gouvernement royal tente de maintenir la
un défi énorme pour la préservation du parc. 2009, l’augmentation due à la migration, population vivant dans le parc au nombre
L’objectif est donc d’obtenir la participation combinée à la natalité, est de 9,50 %. actuel d’habitants ou, tout au moins, de
active de cette population dans la gestion. Voici les principales données sur minimiser leur croissance, par la prohibition
Cette participation doit être étendue à la l’accroissement de la population dans le de la vente des terrains aux gens venus
distribution équitable des profits dérivés parc d’Angkor : de l’extérieur du parc et l’interdiction de
du tourisme. De fait, la collaboration réelle - Recensement de la Mission des Nations construire de nouvelles maisons. Mais
et efficace des communautés locales se Unies en 1992 : 22 000 habitants comment faire avec les enfants des villageois
fonde sur le principe de Community-based - Recensement national en 1998 : 84 000 actuels qui grandissent, se marient et ont
Development qui consiste à associer les habitants besoin de nouvelles maisons pour les jeunes
communautés dans toutes les phases de - Recensement APSARA en 2005 : ménages ? La solution préconisée consiste
préparation du plan de gestion jusqu’à la 100 000 habitants (18 500 familles) à inviter ces jeunes ménages à s’installer en
gestion même du parc. - Estimation en 2010 : 120 000 habitants dehors des limites des zones protégées, sur
Il y a quelques années, une restructuration (21 500 familles). la base du volontariat. L’Autorité APSARA
de l’Autorité nationale APSARA, gestionnaire Chaque habitant dispose en moyenne a acquis un terrain de 1 012 ha situé sur la
du parc d’Angkor, a permis de créer trois d’un hectare de terre agricole. Toutefois, commune de Run Ta-Èk, à l’est du parc, à
nouveaux départements ayant pour mission la production annuelle de riz est encore une demi-heure de voiture de la ville de Siem
de s’occuper de la population, à savoir : insuffisante pour la consommation familiale, Reap, par des routes nationale et provinciale.
- le Département de l’aménagement du surtout vers les mois de septembre et Le nouveau village est planifié de telle façon
territoire et de la gestion de l’habitat ; d’octobre. que les futurs résidents retrouvent leur cadre
- le Département des eaux et forêts qui, La population du parc exerce divers de vie d’origine avec les mêmes activités
depuis 2008, a été scindé en deux entités métiers, principalement : la collecte du bois économiques. Des infrastructures routières,
distinctes : le Département de la gestion de (27 %) ; la culture du riz (20 %) ; d’autres économiques (champs de culture, réseaux
l’eau, d’une part, et le Département de la activités (36 %) telles que des emplois d’irrigation, microcrédit…) et sociales
gestion des forêts et de l’environnement, au sein de l’Autorité nationale APSARA : (école, centre de formation professionnelle,
d’autre part ; gardiens des monuments, manœuvres, monastère bouddhique) existent déjà
- le Département de la démographie et ouvriers d’entretien, etc. ; des emplois non ou verront le jour prochainement. La
de l’agriculture. qualifiés (17 %). planification s’est faite sur des bases
Gestion de l’habitat
L’un des aspects caractéristiques de la Projets de participation le projet doit s’achever en août 2014,
vie de cette population est l’architecture communautaire dans 30 villages de la périphérie de Siem
vernaculaire de leur habitat. Il est donc Plusieurs projets de participation Reap, dont 20 se situent dans la zone de
important de préserver cette architecture communautaire ont été mis en place pour protection du parc d’Angkor. On en attend
authentique dans le parc d’Angkor. renforcer la capacité de la population essentiellement une amélioration des
L’Autorité APSARA établit, via son à prendre part activement dans le conditions de vie des familles pauvres, en
Département de l’aménagement du territoire développement durable pour améliorer leur particulier pour l’alimentation et l’emploi.
et de la gestion de l’habitat, une sorte niveau de vie, tout en préservant le parc. Enfin, l’Autorité APSARA collabore
d’atelier de consultation en architecture Tout d’abord, un projet, appelé « Gestion avec The National Federation of UNESCO
pour aider la population et le clergé dans la participative des ressources naturelles Associations in Japan (Fédération nationale
réparation, la rénovation et la construction d’Angkor et Économie familiale » (Angkor des associations UNESCO au Japon – NFUAJ)
des maisons et des édifices communaux et Participatory Natural Resources and pour établir des Community Learning
religieux. Ce service est offert gratuitement Livelihoods-APNRM&L) a été créé en Centres / Centres d’apprentissage pour les
à la population depuis 2004. partenariat avec la Nouvelle-Zélande. Il vise communautés en vue de développer et de
De plus, une étude détaillée sur les à assurer une distribution plus équitable des renforcer les capacités des communautés
techniques de construction traditionnelle revenus. Il a aussi pour but de valoriser les villageoises à travers l’éducation non
a été élaborée servant de guide aux ressources locales et la diversité économique. formelle et la formation professionnelle.
villageois. Quatre dépliants sur l’habitat ont Un programme de formation aux emplois Gérer un parc aussi immense que celui
été élaborés et largement diffusés dans les indirects du tourisme culturel est dispensé d’Angkor constitue un défi colossal, surtout
zones de protection 1 et 2. aux habitants : artisanat, agriculture, etc. pour le Royaume du Cambodge, un petit
La construction d’un Centre d’interpré- La réduction du nombre d’intermédiaires pays qui a connu un régime génocidaire
tation sur l’habitat khmer a visé deux objectifs entre producteurs et consommateurs (1975-1979) et des crises politico-militaires
concomitants. Premièrement, implanté dans permettra d’orienter une partie des recettes régionales, voire internationales, pendant
le village de Rohal, au carrefour des accès touristiques vers la population. un quart de siècle. Les destructions causées
des principaux temples, le centre constitue Ensuite, l’Autorité nationale APSARA s’est par ces événements ne concernent pas
un lieu privilégié permettant aux touristes associée avec l’organisation Agricultural simplement les infrastructures physiques
venus du monde entier de s’informer sur les Development Denmark Asia (ADDA) dans la et économiques du pays, mais ont touché
communautés vivant dans le parc d’Angkor et réalisation du projet Innovative approaches également les ressources humaines et les
sur leur vie quotidienne ainsi que de découvrir to Food security for urban and peri-urban structures sociales de l’ensemble de la
l’habitat traditionnel khmer qui représente poor in Siem Reap, Cambodia/ « Approches population.
un élément majeur du paysage culturel innovantes pour une sécurité alimentaire Le fait que le parc d’Angkor soit adjacent
d’Angkor. Deuxièmement, le centre et son pour les démunis de la zone urbaine et à la limite nord de Siem Reap, ville en
aménagement informent la population locale périurbaine de Siem Reap » (INFOSE), plein essor, est à l’origine de sérieux
sur les différentes manières d’exploiter leur financé principalement par la Communauté problèmes additionnels de gestion sociale
terrain pour améliorer leur vie quotidienne. européenne. Commencé en mars 2011, et démographique.
Wat Bakong est situé près du Prasat Bakong datant du IXe siècle.
© Chau Sun Kérya
Le rêve de Maya
Le père et la mère du Bouddha étaient le
roi Suddhodhana et la reine Maya. Le roi était
un souverain guerrier de la modeste tribu
des Sakya, qui vivait à Kapilavastu, dans le
Népal actuel. Le couple voulait un enfant et,
une nuit, la reine Maya rêva qu’un éléphant
blanc avait pénétré son flanc. Le lendemain,
soixante-quatre brahmanes assurèrent au
couple royal qu’un garçon avait été conçu
et qu’il deviendrait un Monarque universel
(Cakravartin) ou un Bouddha.
La préparation à l’Éveil,
le don de l’herbe
Laissé seul après un jour de repos dans
la forêt, Siddhartha se dirigea vers un
arbre de bodhi (pipal ou Ficus religiosa). Panneau montrant une bataille aérienne de la Seconde Guerre mondiale.
© Chau Sun Kérya
Le roi naga Mahakala entendit ses pas et
lui dit qu’il deviendrait sans aucun doute
le Bouddha. Puis il rencontra un brahmane précautions spéciales avant et pendant la plafonds ont subi le même traitement, mais
qui coupait de l’herbe destinée à un rituel restauration, en effectuant notamment in situ.
védique. Le brahmane donna l’herbe à des travaux d’iconographie, d’archéologie Les efforts conjugués de l’APSARA et
Siddhartha. Celui-ci posa l’herbe sous préventive, de recherche et des fouilles. Il d’Holcim Ltd visaient non seulement à sauver
un arbre de bodhi, et s’assit en tailleur, était également essentiel d’observer et de le monument de la destruction et à redonner
une position idéale pour garder le corps respecter les croyances religieuses khmères vie aux peintures murales, mais également
immobile. Il se tourna vers l’est et décida traditionnelles. Aussi, une cérémonie a à rendre sa fonction à Wat Bakong pour la
de rester assis sur son « trône » d’herbe été organisée avec les moines locaux et la communauté locale, pour les moines et les
sans bouger jusqu’à ce qu’il ait atteint son communauté, afin d’obtenir l’autorisation générations futures.
objectif : l’Éveil. Certains récits précisent des esprits qui protègent la terre sacrée sur Cet exemple de coopération et de
qu’il était assis sur un trône qui s’était laquelle se trouve le wat. compréhension entre les autochtones et une
miraculeusement matérialisé en sortant La majorité du toit, des fondations, des organisation internationale est une vitrine
de la terre. Indra, Brahma et de nombreux murs et des piliers de Wat Bakong ont dû être pour les futurs visiteurs et les amoureux de
autres dieux vinrent faire des offrandes et reconstruits en raison de leur état délabré, l’art et l’architecture anciens, les personnes
lui rendre hommage. Ils l’adorèrent au son menaçant la survie même des précieuses intéressées par les travaux de restauration
d’une musique céleste. peintures murales, qui ont dû être démontées sur un lieu vivant du patrimoine ou celles qui
et traitées. Chaque panneau a nécessité un souhaitent voir la restitution d’un lieu sacré
La restauration de Wat Bakong examen et un nettoyage minutieux, en les de culte et de méditation à une communauté,
et de ses peintures murales consolidant et les retouchant si possible, qui bien souvent partage son espace spirituel
Les travaux de restauration ont été avant de les remonter sur les murs. Les avec des touristes en promenade.
généreusement financés par Holcim Ltd et
supervisés par une équipe de Restaurateurs
sans frontières, en association avec
l’APSARA, l’Université royale des Beaux-Arts
et un moine de Wat Bakong. Les principaux
travaux d’architecture et d’ingénierie se sont
achevés en 2010, alors que la restauration
des peintures murales se poursuit
actuellement. Le wat a rouvert en 2011 lors
d’une cérémonie d’inauguration présidée
par le vice-Premier ministre, le Dr Sok An, en
tant que président d’APSARA.
Compte tenu du fait que le wat se
situe dans la zone archéologique 1 du
parc d’Angkor, inscrit sur la Liste du
patrimoine mondial, il a fallu prendre des Panneau de la réunion de bodhisattvas (à gauche) et du rêve de Maya (à droite) avant et après restauration.
© Chau Sun Kérya
Pour en savoir plus et participer à cet événement, Atelier des maires • Session des participants • Forum de la jeunesse • Atelier presse
rendez-vous sur ocpmoaxaca2013.org
Numéro spécial Ta Prohm
Le temple de Ta Prohm
D.S. Sood
Ingénieur-surintendant archéologue adjoint de l’Archaeological Survey of India (ASI)
Chef d’équipe du projet de Ta Prohm
Ta Prohm.
© Lin Mei
La chaussée avant les travaux de restauration. La chaussée après les travaux de restauration.
© D.S.Sood Dy.SAE, Team Leader, Archaeological Survey of India © D.S.Sood Dy.SAE, Team Leader, Archaeological Survey of India
météorologiques, ainsi que des dispositifs La chaussée située entre la Le gopura de la 5e enceinte ouest
de mesure de l’inclinaison des murs et 3e et la 4e galerie ouest Le gopura fit l’objet d’une documentation
de la largeur des fissures furent installés La chaussée cruciforme, reliant le pavillon détaillée réalisée sur place. Toutes les pierres
à l’intérieur du temple pour étudier les d’entrée situé entre les 3e et 4e enceintes dangereusement perchées à l’intérieur et à
mouvements de la structure. Des escaliers du côté ouest, fit l’objet d’un important l’extérieur de la tour furent réparées une à une
et des passerelles en bois furent construits traitement de conservation. Cette chaussée avant d’être replacées sur leur emplacement
pour favoriser le passage des visiteurs sans de 43,60 m de long sur 4,60 m de large d’origine afin de prévenir tout effondrement.
nuire aux anciennes racines des arbres. Des et 0,90 m de haut était dans un très Chaque pierre fut fixée aux autres pour plus
ateliers furent organisés chaque année, grand état de délabrement. Les pierres qui de sécurité. Des supports en acier réversibles
avec le soutien du FRI, pour former le composaient ses fondations furent retirées furent installés à l’intérieur du gopura pour
personnel d’APSARA dans le traitement une à une et soigneusement assemblées empêcher tout mouvement latéral. Le sol
des arbres pourris et des certificats furent pour être réutilisées. La balustrade de Naga de latérite fut également réorganisé pour lui
remis aux participants par le représentant fut également restaurée, à l’aide des pierres rendre sa forme originale.
de l’UNESCO. D’autres programmes de originales, dans la mesure du possible.
formation furent également proposés aux Le mur d’enceinte extérieur
archéologues et aux dessinateurs du site. Le gopura de la 4e enceinte ouest Les bases du mur de latérite incliné furent
Quatre des cinq sites faisant l’objet de Le gopura (pavillon d’entrée) de la 4 e soigneusement exposées puis renforcées à
travaux de conservation et de restauration enceinte était particulièrement délabré. l’aide d’un mélange de chaux et de sable
sont désormais terminés. Il s’agit de : La voûte des galeries nord et sud et les compacté afin d’augmenter la résistance
allées des porches est et ouest s’était ef- du sous-sol. D’anciens blocs de latérite et
Le côté est de l’aile sud de la fondrées tandis que les voûtes de l’axe est- d’autres plus récents furent disposés à la
galerie de la 3e enceinte ouest menaçaient à leur tour de s’écrouler, place des éléments disparus en respectant
Cette galerie rectangulaire de 41,15 m suite au déplacement de leurs blocs de l’alignement et la hauteur initiale du mur de
de long sur 4,85 m de large, ainsi que les maçonnerie. Toutes les pierres des piliers, l’enceinte.
pavillons qui se dressent à chaque coin, et poutres, voûtes, demi-voûtes et du sol fu-
son toit, était totalement détruite. Après rent déposées avec précaution et réparées. La salle des danseurs
avoir consolidé et renforcé ses bases, elle Une fois ces bases consolidées, le gopura Les travaux de conservation entrepris
fut restaurée à l’aide de ses pierres d’origine fut restauré et les pierres originelles furent dans la salle des danseurs sont actuellement
et, le cas échéant, de nouvelles pierres. replacées à leur emplacement initial. en cours.
Les arbres majestueux de Ta Prohm ajoutent du mystère mais ils menacent également le temple.
© Yeowtzup
Restauration et renforcement
des tours de brique du
temple de Prè Rup
Valter Maria Santoro
Université de Rome
Responsable de la mission technique italienne
pour la consolidation des pierres d’Angkor Vat
es grandes tours du temple de Le temple de Prè Rup fut construit en 961, sous le règne
Prè Rup firent l’objet d’études du roi pacifique Rajendravarman, afin d’accueillir la
approfondies d’octobre 1995 capitale de l’Empire khmer, alors en pleine expansion.
jusqu’en décembre 2004,
grâce au soutien de l’UNESCO
et du fonds en dépôt italien, dans le cadre
du projet de Préservation du patrimoine sur des monuments semblables à travers la notion typique de la première période de
mondial. Ces recherches débutèrent par région d’Angkor. construction du temple khmer. À l’intérieur
des relevés géométriques, des analyses de Le temple de Prè Rup se situe à l’extrémité de l’enceinte, le temple comporte cinq
dégâts, un suivi du mouvement des éléments sud du réservoir du baray oriental, à 15 km au tours de brique, dressées sur le niveau
architecturaux et une évaluation de l’état nord de la ville de Siem Reap, dans ce que la supérieur du côté est. Comme l’indiquent
des matériaux. Les informations recueillies littérature française appelle communément plusieurs sculptures de grès inachevées sur
permirent d’élaborer un plan d’intervention le « Grand circuit d’Angkor ». Le site fut les linteaux des portes, leur construction
comprenant un renforcement de la structure construit en 961, sous le règne du roi ne fut jamais terminée. Pendant plus d’un
générale (rassemblant les murs en élévation pacifique Rajendravarman, afin d’accueillir millénaire, la pluie s’infiltra dans le sol puis
et élargissant les fondations) ainsi que la capitale de l’Empire khmer, alors en remonta à la surface, au gré des saisons
diverses mesures de conservation déployées pleine expansion. Le complexe présente sèches et humides du climat tropical de la
sur le plan local. Ces études préparatoires une forme relativement carrée, avec des région, entraînant d’importantes variations
furent suivies par des travaux pratiques sur côtés de 120 m environ. Sa conception cycliques du niveau de l’eau dans le sol. À
le site dès janvier 1999. Ces derniers visaient répond aux principes architecturaux l’instar de la majorité des temples datant
à ouvrir la voie aux interventions réalisées religieux du « temple-montagne », une de la période classique des Khmers, ces
La cour de Prè Rup vue de la tour centrale. Barres stabilisatrices des tours.
© Christian Haugen © Valter Maria Santoro
tours présentent aujourd’hui d’importants Comprenant que les techniques des premiers
dommages résultant d’actions mécaniques, bâtisseurs ne résisteraient pas au passage du
physiques et chimiques. Les dégâts temps, de nombreux temples d’Angkor firent
sont clairement visibles et très étendus l’objet d’interventions et d’améliorations
(inclinaisons, fissures, parties manquantes, permanentes tout au long de l’histoire khmère.
usure des matériaux de construction, etc.).
Comprenant que les techniques des
premiers bâtisseurs ne résisteraient pas
au passage du temps, de nombreux davantage leur usure. Particulièrement Les travaux réalisés sur les tours visaient
temples de la région d’Angkor firent affectée par le mouvement des murs du à rendre aux fondations leur ancienne
l’objet d’interventions et d’améliorations temple, la voûte d’encorbellement khmère stabilité en élargissant leur base et en
permanentes tout au long de l’histoire accéléra le détachement des linteaux, ces reliant efficacement les différentes parties
khmère. Le temple de Prè Rup fut derniers n’étant plus alignés avec les murs de maçonnerie des tours. La plupart des
néanmoins abandonné assez rapidement de la tour ni correctement ancrés. tours endommagées (situées dans la
puis délaissé pendant plusieurs siècles. Quelques études préparatoires partie sud-est) bénéficièrent d’injections
Les principaux dégâts causés au fil du furent réalisées avant la conception internes de béton afin de relier les murs
temps concernent d’importantes variations finale des interventions de stabilisation de maçonnerie en brique. Les autres
au niveau de la composition du sol et afin d’identifier toutes les conditions tours (situées sur le sommet et dans la
de l’affaissement des fondations, suite géologiques et géotechniques du site ainsi partie nord-est) furent reliées au moyen
aux fluctuations du niveau des eaux que le comportement de la structure dans de techniques innovantes et de matériaux
souterraines. La brique, endommagée son ensemble. Ces travaux comprenaient de pointe, comme des tiges synthétiques
et affaiblie sous l’action de processus un examen des caractéristiques que l’on inséra dans des trous de tout
chimiques et mécaniques, favorisa la stratigraphiques et géotechniques du site, petit diamètre. Ces nouvelles techniques
décomposition du site. La nature reprit peu un suivi géométrique et structurel des permirent au concepteur de réduire l’impact
à peu le dessus et d’énormes racines de tours endommagées, un suivi du modèle des mesures de restauration du monument
mauvaises herbes et d’arbres repoussèrent structurel des tours ainsi qu’une analyse tout en garantissant une compatibilité
les murs. Des animaux vinrent nicher des fondations et une modélisation par physique, chimique et mécanique avec les
dans les cavités des briques, accélérant éléments finis. matériaux d’origine.
Le temple du Bayon
Quand sculpture et
architecture riment
avec pouvoir
Takeshi Nakagawa
Université de Waseda
Directeur local du projet Japan-APSARA Safeguarding Angkor (JASA)
Les visages envoûtants du Bayon ont regardé le monde pendant mille ans.
© Benjamin Vander Steen
e temple du Bayon se la structure toute entière du Bayon (toits galerie extérieure, une galerie cruciforme,
caractérise par une multitude et murs de maçonnerie) menace de une galerie intérieure construite quelques
de gigantesques visages s’écrouler, illustrant le caractère éphémère années plus tard, et des galeries angulaires.
divins constituant à la fois des de matériaux pourtant réputés solides, La tour centrale, de 43 m de haut et de forme
sculptures et des éléments comme la pierre. Mais, étonnamment, le ovale, est reliée par de nombreux halls et
architecturaux. Ce complexe en trois site dégage aussi un puissant sentiment de tours juchés sur une terrasse à trois niveaux
dimensions présente une extraordinaire sécurité. C’est ce paradoxe qui motiva notre richement structurée. Certaines de ces tours
densité dans un espace relativement projet de conservation et de restauration du font face aux quatre points cardinaux, tandis
compact, donnant au visiteur l’étrange Bayon. Nos études, menées en collaboration que d’autres sont disposées de manière plus
impression que chaque visage cherche à avec de nombreux experts, visaient aléatoire. Cette caractéristique se retrouve
s’échapper de la pierre. Les frises des bas- également à percer ses fascinants mystères, également dans les 173 visages des divinités
reliefs retracent d’innombrables scènes dont beaucoup demeurent toujours sans Deva, Devata et Asura taillés sur 52 tours
de la vie courante ainsi que de grands réponse. (le site comptait initialement plus de 181
événements historiques, nous offrant ainsi visages au moment de sa construction).
une fascinante fenêtre sur le passé de la Présentation et vocation Chaque visage se distingue des autres
région. Une atmosphère profondément du temple du Bayon par sa taille, sa position, sa hauteur, son
mystérieuse, évoquant à la fois un Le temple du Bayon est le temple central apparence, et, désormais, par son état de
sentiment de destruction et de quiétude, du site d’Angkor Thom. Sa structure délabrement. Cette extraordinaire diversité
règne au sein du site. Bien qu’à moitié principale se dresse sur un plan rectangulaire donne au visiteur l’impression de plonger
effondrée, la maçonnerie de la tour centrale d’environ 130 m de large et 140 m de long dans un espace infini. Le site présente aussi
continue vaillamment à s’élever vers les et possède une grande terrasse sur sa une grande originalité pour la période
cieux, dominant le panorama. Aujourd’hui, partie est avant. Le temple comporte une Bayon.
Les trois divinités gardiennes Les bas-reliefs qui ornent les murs des galeries
Le célèbre bas-relief de la galerie d’Angkor intérieures et extérieures et caractérisent le
Vat intitulé « Barattage de la mer de lait » Bayon ont également un sens important.
représente la création d’un nouveau monde,
à travers l’utilisation de différents éléments,
selon la tradition indienne khmère. Au Bayon,
toutefois, les trois divinités gardiennes Deva, Une autorité royale légitimée prennent toutefois en compte les trois
Devata et Asura, symbolisant cette même Les bas-reliefs qui ornent les murs principales traditions qui existaient dans la
tradition, furent ingénieusement disposées à des galeries intérieures et extérieures et dynastie d’Angkor de l’époque. On trouve
l’intérieur et à l’entrée du temple pour jouer caractérisent le Bayon ont également un notamment dans la galerie extérieure
un rôle distinct et produire un nouveau style sens important. Représentant les croyances des scènes de la vie courante, rarement
structural. Devata protège ainsi la principale de Jayavarman VII (qui régna de 1181 à présentes dans les temples, remplies de
divinité que renferme la tour centrale du 1219) et de la famille royale, ces sculptures force, d’amour et d’humour. Le déroulement
Bayon, tandis qu’Asura protège le périmètre illustrent en effet la succession des rois du inattendu de ces histoires, la sélection et la
du temple et Deva est une divinité neutre. Bayon et la légitimité de leur règne. Les murs représentation des thèmes individuels, alliés
Le temple du Bayon représente ainsi un nord et ouest comportent respectivement à l’originalité des compositions graphiques,
monde composé de plusieurs couches, mais des motifs retraçant les légendes de Çiva et contribuent à la fascination qu’exerce
protégé dans son intégralité par ces trois Vishnu, tandis que le mur sud est dédié au aujourd’hui le temple du Bayon sur ses
divinités. bouddhisme. Ces déclarations audacieuses visiteurs.
L’ambition d’un en construisant notamment des routes le bouddhisme, seule croyance asiatique
empire mondial royales reliant les différents domaines de à s’être transformée en religion mondiale.
On pense aujourd’hui que la structure la dynastie à Angkor Thom. De grands Le site nous montre par exemple que
et la nature du temple du Bayon étaient temples furent également construits Jayavarman VII recherchait une nouvelle
toutefois moins marquées à ses débuts. dans les principales villes régionales universalité tout en respectant les
Selon les travaux du Pr Claude Jacques et divers établissements tels que des anciennes traditions. Peut-être voulut-il
portant sur l’évolution historique du Bayon hospices pour les pauvres, des auberges harmoniser ces deux concepts pour
et reposant sur plusieurs années d’étude ou d’autres installations de ce type, affirmer son règne sur Angkor ? Cette
des inscriptions khmères, le site aurait en furent ouverts dans 102 sites à travers volonté se manifeste certainement par
effet été bâti en quatre parties. Les traces le royaume. Ces évolutions indiquent l’excentricité de l’emplacement du Bayon
découvertes autour de la tour centrale que la dynastie d’Angkor ambitionnait et l’ambiguïté qui est y exprimée entre
indiquent par exemple que le Bayon un empire mondial, chose rare dans l’ordre et le chaos. Suite aux travaux de
était à l’origine un temple hindou, avant l’histoire des puissances d’Asie du Sud- Jayavarman et au passage du temps, les
d’être converti à la religion bouddhiste, Est. Grâce aux diverses relations qu’avait diverses installations du temple firent
puis reconverti à l’hindouisme. On sait ainsi tissées la dynastie à travers son l’objet de modifications audacieuses,
aussi que la dynastie d’Angkor élargit empire, on pense aujourd’hui que la ville comme des réductions, agrandissements
son territoire sous la période Bayon pour royale d’Angkor Thom (avec son temple et délocalisations, conduisant finalement
englober près de la moitié de la région qui central du Bayon et son Bouddha assis) à la diversité et à la fascination que
constitue aujourd’hui l’Asie du Sud-Est, revêtait une importance particulière dans présente aujourd’hui encore le site.
Le Baphuon à Angkor
Histoire d’une renaissance
Pascal Royere
Directeur des études
École française d’Extrême-Orient
u cours des premiers jours Le Baphuon est constitué par une impressionnante
du mois de juillet 2011, Sa structure pyramidale qui, aujourd’hui, s’impose dans
Majesté le roi Norodom le paysage monumental de la cité d’Angkor Thom.
Sihamoni et le Premier
ministre de la France,
M. François Fillon, présidaient la cérémonie
de fin des travaux de restauration du Un projet inscrit dans la durée parfois des éboulements. Ces défaillances
Baphuon et la réouverture du monument aux Dès le début du XX siècle les travaux
e
structurelles ont été aggravées par les
publics de visiteurs, mettant ainsi un terme de dégagement révèlent un monument infiltrations d’eau de pluie, mais aussi par
au plus long programme de restauration dont les principales lignes architecturales les modifications de l’édifice imposées
entrepris à Angkor, depuis la création de sont sans commune mesure avec ses au cours de l’histoire. Le grand temple
la Conservation d’Angkor au début du caractéristiques morphologiques originales. çivaïte, au sommet duquel le souverain
XXe siècle. Le Baphuon est un temple çivaïte La structure pyramidale à trois étages, Udayadityavarman II fit installer un linga
de première importance datant du XIe siècle. les galeries, les tours d’angle, les gopuras d’or, a été transformé au XVIe siècle par
Il est constitué par une impressionnante et, enfin, le sanctuaire principal érigé au la construction d’une statue colossale
structure pyramidale qui, aujourd’hui, sommet (et donc au centre du dispositif) représentant le Bouddha Parinirvana gisant
s’impose dans le paysage monumental de la subsistent dans un très mauvais état de sur la façade ouest du second étage.
cité d’Angkor Thom. Il est désormais sauvé conservation. Lorsque J. Commaille, alors conservateur
des périls auxquels le temps, le climat et les Les causes de la ruine sont vite d’Angkor, entreprend les premiers
hommes l’avaient soumis. compréhensibles. Le Baphuon a été, de dégagements du Baphuon en 1908,
Faisant suite à vingt-quatre années toute évidence, mal construit. Les hauts ses travaux révèlent un édifice dont les
d’interruption (1971-1995), la reprise des soubassements de grès contenant le remblai structures portent les profonds stigmates
travaux en 1995, sous la haute présidence de sable nécessaire à la constitution des des contraintes mécaniques et des phases
de feu S. M. le roi père Norodom Sihanouk, trois étages sont trop mal proportionnés de réappropriation qui ont marqué son
n’allait pas sans les contingences et les pour assurer une stabilité de l’édifice dans histoire. La tour centrale a disparu, le
difficultés d’une telle entreprise. Pour les la durée. Il en a résulté d’importantes troisième étage est amputé de sa galerie, ses
comprendre, il convient de rappeler le contraintes qui, très tôt, ont entraîné soubassements sont affaissés et il en va de
contexte de ce projet, dès ses origines. des déformations, des dévers de murs et même pour une grande partie des édifices
du second étage. Quant aux structures Le grand temple çivaïte a été transformé au XVIe siècle par la
du premier étage, hormis le gopura est, construction d’une statue colossale représentant le Bouddha
marquant l’accès principal au premier étage Parinirvana gisant sur la façade ouest du second étage.
du temple, tout n’est que ruine…
Les efforts fournis par J. Commaille pour
dégager et conserver cet ensemble vont
donner le ton de l’engagement de ses fera la synthèse des observations de ses chacune des pierres constituant l’ensemble.
successeurs. À la suite de ce pionnier décédé prédécesseurs et organisera ainsi le plus En 1970, le projet a bien progressé, mais la
brutalement en 1916, les conservateurs grand chantier de restauration entrepris à guerre qui s’étend à la région des temples va
auront tous à cœur, non sans difficultés, Angkor. Les moyens mis en œuvre sont à lui être fatale. De manière brutale, le chantier
de ralentir les processus de dégradation la mesure des problématiques évoquées : est interrompu une première fois puis, après
si inquiétants du Baphuon. Les incidents le renforcement de l’équipe technique et une reprise éphémère, sa fermeture sera
seront hélas nombreux et prendront parfois scientifique de l’École française d’Extrême- effective en 1971.
la tournure de vraies catastrophes. Ainsi le Orient, complétée par des centaines d’artisans
gigantesque effondrement de la face nord qualifiés, le tout soutenu par des équipements La reprise d’un projet
survenu en 1943, qui emporte en une nuit adaptés, permettent de mettre en branle la impossible ?
le quart de la surface du monument, ou tentative ultime de sauvetage. Il est envisagé En 1995 enfin, la volonté conjointe
encore les éboulements de la face est en de renforcer les soubassements affaiblis de l’EFEO, du Ministère des affaires
1949. Malgré les efforts fournis, le Baphuon par les poussées des remblais au moyen de étrangères et du Ministère de la culture du
reste un ouvrage exposé aux pires dangers, dispositifs de frettage (des voiles en béton Gouvernement français, associée aux vœux
insinuant parfois le doute dans les rapports armé) placés à l’arrière des maçonneries. Pour des autorités du Gouvernement royal du
d’activités des conservateurs. réaliser une telle prouesse, il faut déposer Cambodge, permet à ce projet complexe
À la faveur d’une réorganisation de la temporairement les quatre façades du de reprendre vie.
Conservation des monuments d’Angkor monument, en établissant préalablement un Certes, les modalités ne sont pas simples :
en 1960, l’archéologue B. P. Groslier protocole d’enregistrement de la position de la documentation du chantier accumulée
Le précieux patrimoine du
temple de Banteay Kdei
Yoshiaki Ishizawa
Chef de la mission internationale d’Angkor
de l’Université de Sophia, Tokyo, Japon
Banteay Kdei
anteay Kdei, un temple
bouddhique mahayana cons-
truit à la fin du XIIe siècle, se
trouve à quelque 6 km au nord-
est d’Angkor Vat. Des fouilles
récentes sur le site de ce temple, réalisées
par l’Université de Sophia, ont permis de
découvrir des statues et des images de
Bouddha, les premières de ce genre à être
découvertes au Cambodge. Cette précieuse
collection de statues illustre l’évolution
religieuse du Xe au XIIIe siècle, à travers les
changements de dynasties et de dirigeants.
Le plan orthogonal
d’Angkor Thom
Jacques Gaucher
Maître de conférences à l’École française d’Extrême-Orient
Chef de la Mission archéologique française à Angkor Thom
mi-chemin entre les monts Kulen La plaine d’Angkor a connu entre le IXe siècle
au nord et le lac Tonlé Sap au sud, et le XIIIe siècle une phase d’urbanisation
la plaine d’Angkor a connu entre d’un type totalement nouveau.
le IXe siècle et le XIIIe siècle une
phase d’urbanisation d’un type
totalement nouveau. La centralisation et
la stabilité du royaume khmer y ont permis qu’elle se présente aujourd’hui aux yeux réalisés sous le règne du roi Jayavarman VII.
le développement d’une agglomération des visiteurs. La cité murée présente un Angkor Thom apparaît alors comme la
urbaine qui, par son étendue, sa syntaxe plan carré de 3 km de côté, cerné par une création de ce grand roi et, au regard de la
géométrique, la monumentalité de ses douve parementée de 100 m de largeur que dramaturgie que communiquent les hautes
composantes architecturales et leur unité franchissent cinq chaussées-digues donnant tours flanquées de visages monumentaux
de composition dans la durée, revêt dans accès à cinq portes urbaines monumentales. de la ville, ses dieux et démons qui rejouent
l’histoire de l’urbanisme des sociétés À l’intérieur, ce plan s’organise à partir d’une éternellement la création du monde, elle
préindustrielles un caractère exceptionnel. double centralité. D’une part, au centre fut l’instrument capital de la refondation du
Entourée d’un vaste hinterland composé géométrique, le temple bouddhique du royaume khmer à la fin du XIIe siècle.
d’un semis de villages typiques de riches Bayon fixe la structure urbaine cruciforme
régions rizicoles, cette agglomération de la ville et sa division par quatre avenues Une nouvelle
d’Angkor est centrée sur la plus grande en quatre quadrants. D’autre part, du configuration urbaine
forme construite et habitée du site : Angkor quadrant nord-ouest où il se situe, le Palais Si cette configuration symbolique,
Thom, la « Grande ville ». royal, associé à l’avenue qui le relie hors que seule la parole révélée des mythes
les murs au baray oriental, commande une cosmologiques indiens explicite, régnait
Réalisation d’un grand roi seconde composition urbaine symétrique à jusqu’aux confins du royaume assimilés
Dès 1909, les travaux des archéologues l’origine d’une vaste esplanade centrale qui à ceux de l’univers, elle réglait également
de l’École française d’Extrême-Orient règle l’ordonnance des édifices principaux un espace intramuros de plus de
avaient permis une première restitution de de la ville. Si le palais peut être daté de la fin 9 000 000 m², aujourd’hui recouvert par la
l’agencement des grandes composantes du Xe siècle, en revanche, la douve, le mur forêt et demeuré jusqu’à ces jours inconnu.
de cette agglomération. Angkor Thom y d’enceinte et ses portes, le temple central, Quelles formes d’organisations matérielle
apparaît sensiblement de la même manière constructions urbaines majeures, furent et immatérielle, morphologique et sociale,
la structure si particulière et la clôture moyenne. Parallèles et orthogonales, à cet endroit, hypothèse que la mise au jour
d’Angkor Thom soustrayaient-elles ainsi à orientées globalement selon les cardinaux, d’une structure hydraulique enfouie à 3 m
l’agglomération d’Angkor et à sa région ? ces structures se prolongent, d’un quadrant de profondeur sur l’un des axes théoriques
Quelles modalités de fonctionnement les à l’autre, sur un même alignement. de cette striation vient renforcer. Le second
rendaient habitables ? découpage du sol d’Angkor
Dans quelle mesure Thom a été pratiqué selon
l’histoire de ce site relève- une partition orientée
t-elle de la fondation nord/sud. Les tracés y sont
d’une ville neuve, celle nettement moins nombreux
du roi Jayavarman VII, et en apparence irréguliers,
ou d’une construction cependant certains d’entre
urbaine établie sur une eux forment une figure de
longue durée ? Ces régularité qui correspond
questions, pour lesquelles à un module, multiple du
les sources textuelles sont précédent, de 360 m. Au
extrêmement ténues, sont total, à l’intérieur des quatre
au cœur d’un programme quadrants, le quadrillage
d’archéologie urbaine que orthogonal mis au jour à la
conduit, dans le cadre de surface d’Angkor Thom est
l’EFEO et en collaboration composé de 71 structures
avec l’Autorité nationale (24 nord/sud, 47 est/
APSARA, la Mission ouest) aujourd’hui établies
archéologique française avec certitude, auxquelles
à Angkor Thom (MAEE). s’ajoutent six autres
Une première étude unités est/ouest enfouies
systématique pratiquée suggérées, soit au total un
sur le dépôt archéologique linéaire de plus de 100 km
que constitue le sol de la qui délimite plus de 300
ville dans son épaisseur et îlots résidentiels.
dans toute son étendue
a permis de restituer un Systèmes de
nouveau plan d’Angkor voies d’eau
Thom. Réalisé au 1/2000, Le plan octogonal d’Angkor Thom, établi sous la direction de Jacques Gaucher. Les premières études
© Jacques Gaucher
ce plan est assimilable à archéologiques pratiquées
un cadastre fossile, auquel sur quelques-uns de ces
s’ajoutent les informations Au centre géométrique, le temple tracés résiduels permettent
archéologiques et sédi- bouddhique du Bayon fixe la structure d’identifier deux types de
mentologiques de 300 urbaine cruciforme de la ville et sa division structures urbaines, viaire
coupes issues du sol urbain. par quatre avenues en quatre quadrants. et hydraulique : rues,
Hormis l’espace de la parfois longées de fossés,
citadelle intérieure, un et voies d’eau plus ou moins
îlot de 90 ha à l’intérieur larges, interdisant toute
duquel le palais royal est associé à un 300 îlots résidentiels circulation par bateau. Cette distinction
gigantesque complexe hydraulique, ce La structuration d’Angkor Thom fonctionnelle est opérationnelle. Certains
nouveau plan représente une série de obéit alors essentiellement à un double tracés présentent une identité stable au
tracés visibles à la surface du sol des quatre découpage. Le premier concerne une cours de leur existence. Pour d’autres,
quadrants de la ville sous la forme de striation de l’espace urbain orientée est/ cependant, il convient de préciser que la
dépressions. Ces dépressions, rectilignes, ouest. Elle est globalement homogène, connaissance archéologique précise de leur
sont des formes résiduelles ; dans le régulière et fondée sur un module de 90 m. histoire est rendue complexe en raison de
plan, elles apparaissent le plus souvent Cette striation est absente de la surface du leur matérialité, de leurs altérations dans
fragmentées, en coupe, elles figurent le sol dans la partie orientale de la ville qui fait le temps, de leurs changements possibles
profil superficiel de structures enfouies ou face à la citadelle royale où elle laisse place de fonction dans la durée, voire de leurs
comblées. Leur largeur est comprise entre 7 à une structuration, réduite en nombre variations de fonction éventuellement
et 20 m. Restituée, la longueur de chacune d’unités, associée au Baphuon. Cependant, à une même période et sur un même
d’entre elles correspond aux dimensions les premières recherches suggèrent linéaire. Ces tracés ont été implantés dans
d’un quadrant, soit environ 1 400 m en fortement que cette striation a bien existé un substrat sableux fragile, naturellement
Roland Fletcher
Professeur d’archéologie théorique et mondiale
Université de Sydney
Directeur du Greater Angkor Project
L’effet
AngkordeWat.
relief de la topographie a révélé la structure de la ville angkorienne à l’intérieur et à l’extérieur des douves d’Angkor Vat.
© Damian Evans and Kasper Hanus
LiDAR
n avril 2012, le projet d’acquisition aérienne nécessitait une dispense spéciale le cœur urbain rigoureusement structuré et
d’images LiDAR (Light Detection pour survoler la zone d’exclusion aérienne planifié du centre d’Angkor s’étend au nord
and Ranging), réalisées sur une su- au-dessus du parc archéologique d’Angkor. de Preah Khan, au sud vers Angkor Vat et
perficie de 300 km, est arrivé à son Elle a été confiée par contrat à PT à l’est au-delà de Ta Prohm. Les travaux
terme. Il visait à relever des données McElhanney, la division indonésienne d’une précédents réalisés par une équipe franco-
topographiques haute résolution et haute société canadienne, en collaboration avec khmère, dirigée par le Pr Jacques Gaucher,
précision du centre d’Angkor, parc inscrit au Cambodia Air Traffic Services, la Société avaient identifié un agencement urbain
patrimoine mondial, de Koh Ker et d’une concessionnaire d’aéroport et le Secrétariat orthogonal de rues et de canaux, formant des
partie du parc national de Phnom Kulen. Il d’État de l’aviation civile. Les vols en blocs qui contenaient des groupes de petits
s’agit du premier relevé archéologique LiDAR hélicoptère étaient exécutés par la société bassins dans Angkor Thom. En revanche, les
en Asie et du plus grand en son genre jamais cambodgienne locale, Helistar Cambodia. nouvelles données révèlent que cet espace
réalisé. La technologie LiDAR a produit des Le projet LiDAR a été une révélation to- urbain bien structuré et densément peuplé
résultats remarquables pour plusieurs grands tale. Il a redéfini le centre d’Angkor, identifié s’étend très loin, au-delà de l’« enceinte »
sites archéologiques dans le monde entier, une érosion importante pendant la période d’Angkor Thom. Dans certains cas, la grille
notamment sur les sites mayas, dans les angkorienne, révélé d’énormes agrandisse- urbaine à l’extérieur de l’enceinte d’Angkor
basses terres fortement boisées du Belize. Son ments d’Angkor Vat, démontré que le Kulen Thom ne correspond pas précisément à
usage s’est généralisé en sylviculture, dans les est recouvert de nombreuses structures et la grille à l’intérieur de l’enceinte. Il est
études d’occupation des sols et la gestion des talus, et a exposé la topographie agricole et également démontré que le réseau de
ressources en eau. Pour la première fois, un de génie civil de Koh Ker. Dans ces trois blocs la grille existait avant la construction des
dispositif de télédétection aéroporté permet d’acquisition, un grand nombre de sites ar- murs d’enceinte de Ta Prohm et Banteay
aux chercheurs de créer des cartes très pré- chéologiques qui n’avaient pas encore été Kdei. Cette grille antérieure n’a pas de mur
cises et détaillées du paysage, des structures documentés, notamment des temples, des d’enceinte et se fond dans le tissu du paysage
qui s’y trouvent et, également, de créer des carrières et des structures urbaines, ont été urbain élargi, à faible densité de population,
modèles en 3D de la végétation, comme le identifiés grâce aux nouvelles données. des tertres d’occupation, des trapeang
triple couvert forestier tropical qui dissimule le (bassins), prasat (monuments) et des
centre d’Angkor d’une vue aérienne. Période antérieure à champs, qu’on retrouve autour de Prè Rup et
l’agencement de Jayavarman VII qui s’étend sur une grande partie du Grand
La redéfinition d’Angkor Dans le bloc d’acquisition d’Angkor, l’un Angkor. Il semble, par conséquent, que
Le LiDAR utilise un faisceau laser, transmis des principaux résultats est la révélation que l’agencement de Jayavarman VII d’Angkor
par un dispositif transporté par un avion ou
un hélicoptère. Pendant le vol, les faisceaux
laser sont envoyés jusqu’au sol, puis ren- KALC équipes internationales de recherche dans le projet LiDAR
voyés au dispositif. Le délai nécessaire pour • Authority for the Protection and Management of Angkor and the Region of Siem Reap
couvrir la distance aller-retour sert à calculer (APSARA)
la distance entre la plate-forme de vol et la • École française d’Extrême-Orient, Siem Reap Centre (EFEO)
surface. À partir de l’énorme volume de ces • University of Sydney, Robert Christie Research Centre, Siem Reap (USYD)
mesures de distance, il est possible d’établir • Société concessionnaire de l’aéroport (SCA)
une carte en 3D du paysage et de la végéta- • Hungarian Indochina Company (HUNINCO)
tion qui y pousse. Afin d’obtenir la précision • Archaeology & Development Foundation Phnom Kulen Program (ADF)
requise pour cartographier les sites archéo- • Japan-APSARA Safeguarding Angkor (JASA)
logiques, il faut des systèmes de localisation • Fonds mondial pour les monuments (WMF)
par satellite, tels que le GPS, ainsi que des
trajectoires très précises et des points de Le projet LiDAR en chiffres
contrôle au sol relevés avec précision. • Durée des opérations de vol : du 16 au 22 avril 2012
En 2012, huit équipes internationales, la plus • Superficie couverte totale : 300 km2
grande coopération de recherche technique • Nombre total d’heures de vol : 20
jamais réunie à Angkor, représentant sept • Distance totale de vol : 1 165 km linéaires
pays, a formé le Khmer Archaeology Lidar • Altitude moyenne de vol : 800 m au-dessus du sol
Consortium (KALC), afin de financer et de • Instrument : Leica ALS60 avec laser de classe 4. Paramètres de sécurité, dont une
réaliser le projet LiDAR (voir encadré). Le sécurité oculaire
programme a été conçu et exécuté sous • Nombre total de points : 4 milliards
la direction technique de Damian Evans • Précision : > 15 cm horizontal + vertical
de l’Université de Sydney (Australie), avec • Nombre de photos aériennes : 5 000
le soutien gouvernemental d’une équipe • Résolution spatiale des photos aériennes : 10 cm
de l’Autorité nationale APSARA, sous la • Livraison de l’ensemble complet des données originales : 11 juin 2012 au bureau
direction de M. Tan Boun Suy. L’acquisition d’APSARA à Phnom Penh
Thom soit superposé à un agencement en La révélation du lieu sacré confirmant les indications que Koh Ker
grille préexistant du centre d’Angkor. Les de Mahendraparvata n’était pas un centre transitoire, mais une
images du LiDAR fournissent également Au nord sur le Kulen, un relevé test de la implantation urbaine de grande importance
d’importantes données topographiques. Par zone autour de Rong Chen montre que la et permanente. À Koh Ker, nous pouvons
exemple, la zone immédiatement à l’ouest de topographie du plateau a été modifiée par désormais définir clairement des travaux
Ta Nei présente aussi des signes perturbants la gestion importante des eaux, une grille de génie hydraulique à une échelle qui fait
de forte érosion par l’eau à une époque où urbaine de talus, par de nombreuses rangées concurrence à Angkor proprement dit.
la rivière Siem Reap (alors un canal) coulait à de petits tertres et par une multitude de La mission LiDAR d’Angkor en 2012 a fer-
son niveau d’eau initial élevé. sanctuaires jusqu’alors inconnus, de taille mement établi la valeur de la détection la-
considérable. La vérification des résultats ser aéroportée comme méthode vitale de
Nouvelles données du LiDAR se poursuit au sommet de Phnom prospection archéologique au Cambodge
topographiques radicales Kulen, sous la direction de l’Archaeology and et, plus largement, en Asie du Sud-Est conti-
La redéfinition complète du contexte Development Foundation. Il est déjà clair nentale. Elle fournit la preuve flagrante de
archéologique d’Angkor Vat est un autre cependant qu’une ville qui n’était pas encore la capacité de la technologie à illuminer des
résultat essentiel. Au lieu d’une seule documentée (en relation avec le lieu sacré de vestiges archéologiques dans divers milieux
enceinte, il s’agit en fait d’un ensemble Mahendraparvata souvent mentionné dans tropicaux, de la forêt dense d’Angkor Thom
constitué de trois enceintes adjacentes. On les inscriptions) a été révélée en haut du massif aux rizières à ciel ouvert. Il semblerait que des
a pu démontrer que l’enceinte principale à en grès. Le plateau de Phnom Kulen est un monuments bien connus, comme Angkor
douves, dont on savait qu’elle comportait site majeur du patrimoine urbain, possédant Vat, soient redéfinis. Des paysages entiers
des bassins et des rues, possède un réseau de plein droit une importance mondiale. du Kulen et autour de Koh Ker fournissent
routier complet et des rangées de bassins. Autour de Koh Ker, les données du de nouvelles informations et réservent des
Une enceinte se situe à l’est, composée d’une LiDAR montrent que le paysage naturel surprises. Cette mission a ouvert la porte à
grille et de rangées de bassins. Au sud des a été considérablement remodelé dans le de nombreuses années d’opportunités de re-
douves d’Angkor Vat se trouve un vestige à cadre de très gros investissements à long cherche dans l’archéologie angkorienne. Tout
la fonction inconnue, une forme rectiligne terme dans l’urbanisme, dans la région particulièrement, compte tenu de la richesse
en « spirale » ou « enroulée », jusque-là qui est aujourd’hui la province de Preah des données maintenant disponibles, il est
encore jamais vue dans l’archéologie ou Vihear. Par exemple, le LiDAR permet de urgent d’affiner les cartes archéologiques
l’iconographie angkorienne. Ce vestige révéler la topographie de l’énorme barrage existantes du Grand Angkor, au-delà du parc
est composé de groupes rectangulaires qui se situe entre la rivière au nord et le classé au patrimoine mondial, à Phnom Kulen
de talus de plus de 10 m de large, séparés centre de Koh Ker, prouvant l’existence et autour de Koh Ker, à des fins de recherche
par des canaux continus, organisés autour de multiples périodes de construction. Il et aussi de gestion du patrimoine, afin de
de petits bassins. À l’origine, il y en avait montre également un réseau important préserver les traces remarquables et pourtant
trois rangées, mais celle du milieu a été de murs entourant des champs, jusqu’à fragiles de la civilisation d’Angkor qui persis-
détruite par l’immense canal est-ouest qui, présent dissimulés par le couvert forestier, tent encore dans le paysage.
à une époque, était considéré comme étant
la douve du Yasodharapura de la fin du
IXe siècle. Le LiDAR a livré une autre surprise, Blocs couverts par la mission LiDAR 2012.
à savoir que les données topographiques
détaillées fournissent de nouvelles preuves
radicales pour la datation. La grande douve
à angle droit s’avère donc être un élément
postérieur en date à Angkor Vat, qui fait
probablement partie du réaménagement
d’Angkor Thom. D’autre part, on peut
également constater que la grille des routes
et l’agencement des bassins ont été en
premier lieu associés à Angkor Vat et se
trouvaient aussi à Beng Mealea, précédant
Angkor Thom de plus d’un demi-siècle. En
outre, des zones résidentielles de tertres et
de bassins bordent Angkor Vat au nord et à
l’ouest, entourées de plusieurs autres petits
sanctuaires, dont certains n’étaient pas
encore documentés. La nature d’Angkor Vat
et ses environs devra donc être entièrement
réévaluée. © Damian Evans
LiDAR
dans la zone centrale du temple grande échelle du paysage autour du
temple de Rong Chen, sur Phnom Kulen
© Damian Evans and Kasper Hanus © Damian Evans and Kasper Hanus
Preah Vihear
Aperçu du temple
de Preah Vihear
Chuch Phoeurn
Archéologue
Président de l’Autorité national de Preah Vihear (ANPV)
Secrétaire d’État à la culture
Preah Vihear
difié sur le bord d’un
plateau dominant la plaine
du Cambodge, le temple
de Preah Vihear est dédié
au dieu hindou Çiva. Il est
perché sur la crête d’une immense falaise,
à environ 625 m au-dessus du niveau
de la mer. Bâti dans un paysage des plus
attrayants, légèrement à l’est de la partie
centrale des monts Dangrêk, il se situe
dans le nord-ouest de la province de Preah
Vihear, dans la commune de Kantuot et le
district de Choam Ksan, à quelque 414 km
de la capitale cambodgienne, Phnom Penh.
Avant d’en venir aux recherches et travaux
entrepris dans le temple récemment,
rappelons quelques données historiques et
archéologiques.
Évolution historique
Prasat Preah Vihear (qui signifie le Temple
de la montagne sacrée) est considéré comme
un véritable joyau culturel du Cambodge,
dont l’histoire a traversé le millénaire de
l’empire khmer. Durant près de 1 200
Piliers le long de Preah Vihear.
ans, Preah Vihear a dominé les plateaux
© ChrisSteph LewisBoegeman
environnants. Son histoire remonte au IXe
siècle, lorsque le prince Indrâyadha, fils du roi
Jayavarman II, lança les travaux du sanctuaire Prasat Preah Vihear est considéré comme un
d’origine, dédié au dieu hindou Çiva en tant véritable joyau culturel du Cambodge, dont l’histoire
que Çikhareçvara (seigneur du sommet). a traversé le millénaire de l’empire khmer.
Il y installe une partie de l’immense linga
(symbole phallique du dieu Çiva) provenant
de Vat Phou, temple aujourd’hui situé en
République démocratique populaire lao. De d’agrandissement durèrent plus de 300 ans, ajouts au temple. Cette intensification des
fait, l’inscription K58 (trouvée à Angkor) nous avec de nombreux réaménagements sous le travaux transforma tout naturellement le
apprend qu’au début du IXe siècle, Indrâyadha règne des rois Sûryavarman Ier (1002-1050) et petit sanctuaire d’origine en l’un des plus
reçut du dieu Çiva l’ordre d’apporter sur le site de son fils Udayadityavarman II (1050-1068). grands temples khmers de tous les temps.
de Preah Vihear un linga, extrait de la pierre Quatre inscriptions khmères et sanscrites Ainsi, à la différence de nombreux
du grand linga de la montagne de Vat Phou provenant du site constituent de précieux autres temples khmers abandonnés avec la
(Indrapura). C’est ce linga qui reçut le nom de éléments de datation, puisqu’elles disparition du roi qui les édifia, le temple de
Çikhareçvara, « le Seigneur du sommet ». De confirment le lien étroit existant entre le Preah Vihear a bénéficié d’un intérêt royal
son côté, l’inscription K380 précise que « Çri roi Sûryavarman Ier et la construction du ininterrompu durant plus de quatre siècles
Bhadreçvara de Lingapura (Vat Pohu) est venu complexe actuel. De fait, le roi érigea des (IXe-XIIe), comme le montrent les différentes
renaître à Çri Çikhareçvara (Preah Vihear)… colonnes gravées en divers endroits de son phases de sa construction et de son évolution
pour manifester sa puissance de façon visible, vaste domaine, avec son nom et son titre, architecturale. Cela illustre l’importance
pour que le monde entier puisse le voir ». Sûryavarmeshvara (dieu Sûryavarman). L’une particulière du site en tant que sanctuaire
Les origines de Preah Vihear remontent d’elles fut dressée à Preah Vihear au début spirituel de premier plan dans l’empire.
probablement à l’installation antérieure d’un du XIe siècle, là encore en l’honneur de En outre, contrairement à de nombreux
ermitage sur le site montagneux ; l’édifice Çiva. Elle se trouvait à proximité du temple temples d’Angkor élaborés de manière
d’Indrâyadha pouvant être une structure précédent, qui fut rapidement reconstruit en concentrique, le plan de Preah Vihear,
modeste en bois. Cette œuvre se tradui- grès dans le cadre d’un programme global tenant compte du relief naturel, suit une
sit par une avancée spirituelle, un prestige d’extension et de rénovation du temple. progression de niveau linéaire. De la sorte,
politique accru, ainsi que la croissance éco- Les rois Jayavarman VI (1080-1107), le temple possède quatre niveaux et quatre
nomique de l’empire khmer. Cependant Dharanindravarman Ier (1107-1112) et cours constituées de cinq gopuras (pavillons
les travaux de construction, de réfection et Sûryavarman II (1113-1150) apportèrent des d’entrée). À mesure que l’on progresse vers le
Gopura IV.
© Fabien Billaud
25 m de longueur, flanquée d’énormes naga Les décors les plus achevés figurent sur les
(serpents) rampants. De là, trois marches per- gopuras et sont restés bien visibles.
mettent d’atteindre le premier des gopuras,
c’est-à-dire le gopura V. Arborant un tracé
cruciforme, il présentait à l’origine un toit en
bois à forte pente soutenu par des colonnes. La qualité de l’architecture, le remarquable et de danse bien distinctes, telles que la
Deux chemins s’y rejoignent, l’escalier venant rendu des décors et le symbolisme du danse des guerriers, ainsi que des arts et des
du nord et celui venant de l’est, partant depuis paysage ont valu au Temple de Preah Vihear traditions architecturales vernaculaires. Les
la plaine cambodgienne. Ce dernier, en partie d’être inscrit sur la Liste du patrimoine de Kuy sont également connus pour les relations
taillé dans la roche et en partie construit en l’UNESCO. La décision d’inscription indique particulières qu’ils entretenaient avec la cour
grès, large de 10 m et long de 1 400 m, des- que sa valeur universelle exceptionnelle khmère en tant que forgerons produisant
cend à pic les quelque 400 m du flanc oriental réside dans le fait qu’« il est un remarquable armes et armures, et pour la capture et le
du promontoire. Il vient d’être complètement chef-d’œuvre de l’architecture khmère. Il dressage des éléphants sauvages.
restauré, en majeure partie en bois. est très ‘‘pur’’ dans sa configuration comme
dans la finesse de ses décors ». Un écomusée à Preah Vihear
Décors architecturaux Au sein du Royaume du Cambodge, la
Les décors les plus achevés figurent sur les Autres valeurs de la région de région du temple de Preah Vihear, foyer
gopuras. Généralement en excellent état de Preah Vihear culturel, se distingue par sa faune et sa flore
conservation, ils sont restés bien visibles. La Les alentours du temple sont peuplés et par une longue histoire naturelle. Un
composition des sculptures, notamment sur par la minorité ethnique locale des Kuy musée à caractère global – où les découvertes
les linteaux, colonnes et pilastres, est variée, qui possèdent un mode de vie bien archéologiques et les objets ethnographiques
complexe et minutieuse, et représente les caractéristique et se distinguent par leur vont côtoyer une présentation novatrice
grands dieux hindous Çiva et Vishnu, une savoir traditionnel et leur savoir-faire, y de cette histoire naturelle – est en cours
vieille divinité du ciel Indra et l’avatar le plus compris technique. Outre une langue propre, d’achèvement. Il a profité, en particulier, de
fameux de Vishnu, Krishna. ils perpétuent des traditions de musique la contribution de l’UNESCO.
Le système hydraulique du
temple de Preah Vihear
Hang Peou
Directeur général adjoint chargé du Département de gestion des eaux
Autorité nationale APSARA
Système hydraulique
e temple de Preah Vihear se
situe au sommet de la chaîne
de montagnes Dangrêk, dans
le nord du Cambodge. Dédié à
Çiva, il a été construit du IXe au
XII e siècle, principalement pendant le règne
des rois khmers Sûryavarman Ier (1002-1050)
et Sûryavarman II (1113-1150). Ce temple a
été inscrit au patrimoine mondial en 2008
et il est géré par l’Autorité nationale pour la
protection de Preah Vihear (ANPV). Preah
Vihear a été construit directement sur la
couche rocheuse, contrairement aux autres
temples khmers de la région d’Angkor ou
ailleurs dans les plaines, qui étaient bâtis
sur une couche de sable, les rendant très
sensibles aux changements du niveau de la
nappe phréatique ou au degré de saturation
du sable. Néanmoins, le problème de l’eau
est encore un défi majeur pour la gestion de
ce site, tout comme ailleurs dans le monde.
Dans cet article, nous nous concentrons sur
le système de gestion des eaux, y compris
la consommation de l’eau et le drainage. Érosion entre le premier bassin et le gopura II.
© Hang Peou
Comment dans les temps anciens, les
Khmers considéraient-ils l’eau par rapport
au patrimoine et comment la géraient-ils ? Les deux principaux systèmes hydrauliques ont
Les deux principaux systèmes hydrauliques été établis pour le site dans les temps anciens,
ont été établis pour le site dans les temps un au sommet de la colline (autour du temple) et
anciens, un au sommet de la colline (autour l’autre au pied de la colline (dans la plaine).
du temple) et l’autre au pied de la colline
(dans la plaine).
Les réservoirs et le à n’importe quel endroit, pour utiliser l’eau. Le temple de Preah Vihear possède cinq
système hydraulique L’infiltration verticale peut être considérée gopuras (pavillons d’entrée), également
Le temple de Preah Vihear n’avait pas comme inexistante, parce que ces bassins nommés depuis le point le plus élevé (au
besoin d’eau pour assurer sa stabilité ou sa ont été construits à même la roche. La sud) jusqu’au point le plus bas (au nord).
décoration, mais pour la gestion du site et de perte d’eau dans le bassin provient donc Dans le premier gopura, la tour centrale
ses visiteurs. Puisque ce temple est construit essentiellement de l’infiltration horizontale, s’est effondrée et la galerie sud-est a été
sur le point culminant de la montagne, car les parois n’ont pas été entretenues détruite parce que l’ancien système de
aucune autre source d’eau ne pouvait depuis de nombreuses années, en raison drainage est bloqué et que les eaux de pluie
fournir de l’eau pour la consommation des guerres au fil des siècles et parce que ne peuvent s’évacuer que par infiltration ou
quotidienne. le système de drainage n’a jamais été ni par évaporation. Certaines parties du canal
Afin de résoudre ce problème, six bassins restauré ni entretenu. de drainage sont encore visibles, mais il est
ont été construits pour recueillir l’eau Outre leur fonction de satisfaire les en majorité rempli de terre. L’ANPV œuvre
pendant la saison des pluies, nommés en besoins quotidiens en eau, ces bassins pour résoudre ce problème.
fonction du sens d’écoulement de l’eau du servent à réduire les eaux de ruissellement Le premier bassin, à l’ouest du deuxième
plus élevé (au sud) au plus bas (au nord). Tous du temple, afin d’empêcher que l’érosion gopura, sert à recueillir les eaux de pluie et
les bassins avaient la même topologie : la n’ait un impact sur sa stabilité. Toutefois, de ruissellement de la zone au sud et d’une
partie inférieure est découpée directement en raison de l’effondrement du système grande partie du premier gopura. Il semble
dans la roche, les parois sont formées de drainage, les eaux de ruissellement avoir été construit plus tard que le temple. Il
à partir du sol compacté et les bassins s’écoulent de manière incontrôlée. Ainsi, est possible que le bassin ait été reconstruit en
sont doublés de blocs de grès, pour les certaines parties du temple se sont déjà rehaussant ses parois, afin d’en augmenter la
protéger de l’érosion des sols et permettre effondrées et d’autres parties se sont capacité de stockage et satisfaire la demande
également aux usagers d’évaluer le niveau inclinées et finiront par s’écrouler si le en eau pour la gestion du site. Un remblai
d’eau dans le bassin et d’atteindre la surface problème n’est pas résolu rapidement. a été ensuite ajouté pour créer une pente
douce entre le bassin et le temple. Mais cette Récemment, deux barays (réservoirs artificiels)
solution n’était pas suffisante pour drainer ont été découverts à proximité du site du temple
complètement l’eau de pluie, et la contrainte de Preah Vihear, au pied de la colline.
hydraulique sur les fondations a décalé le
sous-sol de plusieurs centimètres, causant
l’effondrement de la partie supérieure.
Le deuxième bassin, au nord du premier, ruissellement provenant du troisième bassin pour recueillir les eaux de ruissellement
sert à recueillir les eaux de pluie et le trop- au nord et les pluies directes peuvent du côté sud-ouest du temple. Le sens de
plein du premier bassin, ainsi qu’à réduire remplir le quatrième bassin. l’écoulement dans ce bassin est illustré dans
le débit vers les bibliothèques du troisième Le sixième bassin, au nord-ouest du la figure (voir encadré). Ce bassin-versant,
gopura. Comme il n’y a pas eu de travaux de cinquième gopura, est le plus grand du recouvert par la végétation, coule plus
restauration ou d’entretien depuis un temps temple de Preah Vihear. Il sert à recueillir les longtemps que d’autres dans cette région.
considérable, les sédiments libérés en amont eaux de ruissellement de la partie occidentale
ont bloqué une quantité d’eau devant les entre le quatrième et le cinquième gopura. Le réseau des barays
bibliothèques occidentale et orientale. Cette Afin de recueillir ces eaux de ruissellement, Récemment, deux barays (réservoirs
eau stagnante s’est infiltrée dans le sous-sol les ingénieurs khmers des temps anciens artificiels) ont été découverts à proximité du
et a causé l’inclinaison des bibliothèques. ont construit un fossé en grès, associé à site du temple de Preah Vihear, au pied de la
Le troisième bassin sert à recueillir les un petit canal, pour modifier le sens du colline. L’un se trouve à l’ouest et l’autre à l’est
eaux de pluie et de ruissellement du côté flux, orientant l’eau passant par ce fossé de l’axe du temple, respectivement appelés le
oriental du troisième gopura. Les eaux de vers le sixième bassin. Le canal le long de baray occidental et le baray oriental. Les deux
ruissellement provenant du côté occidental ce fossé est doté de découpes pour ralentir barays sont alimentés par de petits ruisseaux
du troisième gopura s’écoulaient auparavant la vitesse du débit, capter les sédiments qui descendent de la colline. Cette découverte
le long de la chaussée principale et de la libérés en amont et ainsi protéger le sixième nous permet de conclure que le temple de
parcelle en herbe, mais cet écoulement a été bassin de la sédimentation et permettre Preah Vihear devait accueillir de nombreux
obstrué par la construction d’un héliport. Il l’accès pour l’éliminer. Le fossé est aussi visiteurs de tout le pays, principalement des
est maintenant dévié et traverse la chaussée appelé l’ancienne route car il servait de voie pèlerins qui venaient prier ou manifester leur
principale près du quatrième gopura, pour d’accès au temple depuis l’ouest. Dans les respect pour ce temple.
remplir le cinquième bassin. Pour cette années quatre-vingt, comme un volume Le baray occidental se trouve à proximité
raison, ce bassin contient davantage d’eau important d’eau s’écoulait jusqu’à ce point, de la voie d’accès au sommet de la colline,
que les autres à la saison des pluies, bien les populations locales qui y habitaient ont à l’ouest du cinquième gopura. L’arrivée
qu’il ne puisse pas la stocker très longtemps construit un barrage en béton, prolongeant initiale de l’eau se situe au coin nord-est,
parce qu’il fuit. le sixième bassin de quelques mètres vers comme l’indique une pierre en latérite que
La majorité des eaux de ruissellement l’aval pour stocker davantage d’eau, au lieu les archéologues de l’ANPV ont trouvée.
du côté oriental atteint le troisième bassin de restaurer l’ancien bassin. Comme toujours dans les temps anciens,
et le reste s’écoule le long de la chaussée Un nouveau réservoir, près de la pagode l’arrivée d’eau était placée au point le plus
principale jusqu’au cinquième bassin. Keo Seka Kiri Svarak, a été construit haut du baray, pour optimiser le recueil et le
Seulement une petite partie des eaux de récemment par les populations locales stockage de l’eau.
L’ANPV a réhabilité le baray occidental réelle et des conditions environnementales, intégrée des ressources en eau pour le
en mars 2011 en y draguant les sédiments la quantité d’eau stockée est inférieure site du Temple de Preah Vihear, en tenant
déposés en son fond et en créant un fossé pour au volume perdu par évaporation et par compte de quelques recommandations
y dévier l’eau. Pour remplir complètement infiltration. générales :
le baray occidental, il devrait être possible Le baray occidental a été construit pour • Il faudrait installer des stations
d’utiliser l’eau de nombreux ruisseaux stocker de l’eau destinée à être consommée météorologiques sur le site ;
au nord-est du baray. Afin de réaliser un toute l’année. Autrement dit, il devait • Il faudrait réaliser des études de
tel système hydraulique, il faut observer avoir une alimentation permanente en l’écoulement et de l’arrivée d’eau de tous
pendant plusieurs années au moins les pluies eau provenant de la nappe phréatique les bassins et barays à la saison des pluies ;
et le flux (niveau d’eau et écoulement) afin environnante et d’une ou plusieurs autres • Pour veiller à ce que les sources
de mettre en place une banque de données sources (l’eau des thalwegs s’écoulant encore d’eau remplissent les barays, il est nécessaire
des mesures hydrologiques. Les visites de à la saison sèche). Tous ces facteurs auraient de protéger la forêt et de reboiser la région
terrain ont permis de conclure que ces petits dépendu d’un couvert forestier dans la région dans son intégralité. La forêt peut jouer un
ruisseaux ne coulent qu’à la saison des pluies. produisant davantage d’humidité et réduisant rôle non seulement pour rétablir les sources
Actuellement, l’ANPV utilise deux thalwegs l’évaporation et l’infiltration de la zone d’eau de la région, mais également pour
(points les plus bas de la pente) où de petits environnante, ainsi que du baray proprement contribuer au développement durable de
ruisseaux s’écoulent sous des ponts sur la dit. La forêt a contribué à l’infiltration de l’écotourisme.
route d’accès au temple en bitume. Comme davantage d’eaux de ruissellement dans le Cette étude du système hydraulique du
nous ne possédons pas encore de données sol, entraînant des niveaux élevés des nappes temple de Preah Vihear montre que les
hydrologiques et météorologiques sur le phréatiques près de la surface et réduisant la ancêtres khmers comprenaient parfaitement
site, il est très difficile de décrire la réaction perte d’eau du baray. l’importance de l’eau et comment la gérer.
physique des petits bassins-versants de ces Le baray oriental est situé près de l’escalier Les bassins et les barays n’étaient conçus
deux thalwegs, dont le flux ou l’écoulement oriental utilisé dans les temps anciens, à côté ni pour l’aménagement du paysage, ni
varient en fonction de l’intensité des pluies. du centre d’accueil récemment construit par pour décorer le temple. Ils ne visaient pas
Une étude topographique indique que l’ANPV. Ce baray pourrait éventuellement non plus à permettre la stabilisation du
le baray occidental n’est pas suffisamment être rempli à nouveau d’eau depuis un temple, comme à Angkor ou ailleurs dans
profond pour contenir de l’eau pendant thalweg proche, en passant par l’arrivée la plaine. En revanche, ils étaient construits
toute l’année. Après l’étude archéologique, d’eau initiale au coin nord-ouest. pour satisfaire les besoins quotidiens des
il est encore difficile de déterminer la période habitants du site (encadrement et visiteurs).
à laquelle le baray s’est asséché et comment Recommandations pour Nous espérons qu’ils pourront être restaurés
il était rempli. Sa profondeur actuelle le développement afin qu’ils jouent à nouveau ce rôle dans
varie d’environ 2 m entre le coin nord-est En raison des changements climatiques ce site inscrit au patrimoine mondial, qui
le plus élevé et le plus bas, au sud-ouest. et de l’aménagement des terres, il est commence à attirer un nombre croissant de
Par conséquent, en fonction de la situation impératif de développer une gestion visiteurs.
Preah Vihear
La symbolique
cosmographique du site
Nouth Narang
Historien et anthropologue
Ambassadeur du Royaume du Cambodge auprès de l’UNESCO
Symbolique cosmographique
n forme de S, la région
de Preah Vihear dans son
ensemble est constituée
de deux espaces, les
plaines basses du Sud et
les plateaux montagneux au nord, qui
s’imbriquent intimement autour de vallées
et de fleuves longitudinaux formant des
couloirs parallèles nord-sud, favorables à la
pénétration humaine depuis la plus haute
antiquité. Ces fleuves et vallées partent tous
en forme de patte d’oie de la région chinoise
du Yunnan et se répartissent ensuite en
plusieurs fleuves : le fleuve Rouge à l’est, le
Mékong au centre, la Ménam, la Salouen et
l’Irrawaddy à l’ouest. Les espaces intercalés
entre ces fleuves sont constitués de plaines
et de plateaux en déclivité formant des
sortes de petits golfes ouverts vers le sud.
À l’est, se trouve la cordillère annamitique
qui borde le littoral pour disparaître en
pente douce dans la plaine du Sud-Vietnam
constituant ainsi, avec les débouchés du
Mékong, une zone deltaïque propice à
l’agriculture aquatique, à la circulation des
hommes et des produits.
Le climat des moussons en Asie du Sud-
Est se caractérise par son rythme annuel
binaire. Les vents changent de direction
tous les six mois et apportent avec eux
soit un air sec de novembre à avril, soit
l’humidité de la saison des pluies durant
l’autre moitié de l’année. Originaire
de l’océan Indien, la mousson balaie
l’ensemble de l’espace péninsulaire qu’elle Vue plongeante depuis l’escalier nord.
© Philippe Bierny
contribue à façonner pour perpétuer un
système social caractéristique, celui de la
civilisation austro-asiatique. Originaire de l’océan Indien, la mousson balaie l’ensemble
Au sein des systèmes austro-asiatiques, de l’espace péninsulaire qu’elle contribue à façonner
des spécificités géographiques apportent pour perpétuer un système social caractéristique.
des nuances aux caractéristiques sociales
qu’elles sous-tendent et ont donné
naissance à plusieurs civilisations anciennes
majeures, les civilisations des moussons. dilate et se rétracte au gré de cette alternance Le mariage de l’eau et de la terre régit
climatique en symbiose avec les crues et ainsi les mentalités, les coutumes et les
La géographie cosmique décrues du Tonlé Sap, le « Grand Lac », qui croyances khmères depuis la dimension
Les cycles annuels du Cambodge font agit en tant que déversoir du fleuve. cosmique du pouvoir royal jusqu’aux
alterner deux périodes disparates. L’une Le Cambodge est ainsi conditionné par moindres détails de la vie quotidienne
est marquée par la présence de l’eau. La le rythme binaire des saisons et s’organise couvrant aussi bien les sphères publiques
mousson arrose le pays, le gorge d’eau et autour d’un principe inspiré par le dualisme que privées. L’union du Mé et du Ba se
le mue en une vaste étendue lacustre. La cosmique. Le Cambodge et la société khmère trouve immortalisée à travers le reptile
pluie cesse ensuite pour céder la place à reposent, en effet, sur la complémentarité totémique qu’est le Naga. Reptile à la fois
une période sèche pendant laquelle l’eau se entre les éléments féminins (Mé) et mâle et femelle, vivant sur la terre et dans
retire et laisse apparaître de vastes étendues masculins (Ba), respectivement assimilés à l’eau, ses mues cycliques lui confèrent un
de terre ferme. Symptomatique de cet état l’eau et à la terre, principe de base qui reste caractère d’immortalité.
de fait, le Mékong, la « Mère des Eaux », se vivace jusqu’à nos jours.
Une histoire guidée par les flux d’aujourd’hui. La partie septentrionale Angkor, continuation du Chen La, a
Le Cambodge est né tout au sud de est formée de plateaux en pente douce été l’apogée de la civilisation khmère à
la péninsule indochinoise au sein d’un descendant vers le nord jusqu’au fleuve tout point de vue, économique, politique,
ancien golfe dont le rivage était constitué Ménam et vers l’ouest vers la Salouen. idéologique, et qui repose sur une structure
par la chaîne des Dangrêk. Le territoire Ces deux régions sont complémentaires particulièrement efficace fondée sur le
cambodgien actuel fut donc une étendue et liées à la manière d’un homme et Devaraja (dieu roi). Cette structure est
d’eau salée, avant que son assèchement d’une femme depuis les origines de son matérialisée par des temples en pierres aux
progressif ne laissât place à un territoire peuplement humain. L’homme, la famille décors parfaitement agencés, d’une beauté
dont les caractéristiques exposées plus haut et la société khmers s’y sont constitués unique et sculptés suivant des thèmes
ont conditionné la vie de la société khmère en symbiose avec l’eau (le Mé) et la terre iconographiques représentant le paradis
au premier chef. L’indianisation qui vint (le Ba), pour aboutir à un pays reposant terrestre. Ces temples-montagnes sont les
plus récemment fut marquante dans tous sur des normes précises et disposant sièges de monarques au pouvoir magique
les aspects de cette société, sans toutefois d’un génie propre qui a déterminé son et répondent à la représentation du mont
affecter les traits fondamentaux résultant évolution. Au Cambodge, ces éléments Méru, axe du monde et centre de la cité
de ces réalités géographiques. constitutifs se retrouvent dans les Neak Ta, sacrée khmère entourée de douves carrées,
Ancien rivage, le massif des Dangrêk, qui ancêtres du pays qui conditionnent l’édifice dans le respect du principe du Mé-Ba.
forme une falaise abrupte et continue sur social, guident l’organisation de l’espace,
des centaines de kilomètres, a départagé déterminent les mentalités et assurent la Lien entre le nord et le sud
la région en deux entités géographiques pérennité des générations de Khmers qui Le temple de Preah Vihear a été édifié sur
principales et complémentaires. La partie ont été capables de bâtir une grande et un temple çivaïte ancien portant le nom de
méridionale d’où la mer s’était retirée puissante civilisation à partir du IXe siècle. Sri Çikhareçvara (le dieu des Sommets). La
constitue le domaine des terres basses, L’héritage de cette puissance est devenu de construction de ce temple sacré fut réalisée
une plaine dominée par le Tonlé Sap et nos jours une partie du patrimoine mondial sous l’ordre du roi Yaçovarman en l’an 900,
sur laquelle s’est édifié le Cambodge de l’humanité. mais ce fut sous Sûryavarman Ier (1002-
1050) qu’elle prit sa forme actuelle et sous
Le Cambodge est né tout au sud de la péninsule le roi Sûryavarman II (1113-1150) que cette
indochinoise au sein d’un ancien golfe dont le dernière fut parachevée. Les travaux ont
rivage était constitué par la chaîne des Dangrêk. été conduits sous la direction d’un gourou
célèbre vivant jusqu’à 80 ans depuis le règne
xxx
Temple de Preah Vihear, Gopura III.
© C. Frank Starmer
Çiva-Bhadreçvara
L’union de Preah Vihear, Vat
Phou et Mi-sön, trois temples
classés au patrimoine mondial
Sachchidanand Sahai
Conseiller, Preah Vihear Autorité nationale
plonger dans un précipice mystérieux, de offrant ainsi une exception à la pratique khmère, comme Le Seigneur qui danse, une
sombres nuages se rassemblent au-dessus générale des Khmers de l’adoration de image dorée plutôt que par le nom sanskrit
du temple délabré. L’infinie canopée du ciel Çiva sous sa forme pacifique ou paisible. de Nataraja. Cette ancienne danse cosmique
noir provoque une étrange hallucination : Cette caractéristique est étroitement liée de la civilisation angkorienne (Rabam Kailas
la silhouette de Çiva semble se mouvoir, au rôle particulier que joue Çiva dans ou les danses du mont Kailash) pourrait
ses mains jointes se lèvent alors vers le ciel. la région des Dangrêk pour faire face à aujourd’hui renaître pour être intégrée
L’atmosphère tout entière semble vibrer l’opposition de la domination établie par la au paysage de Preah Vihear, tandis que la
au rythme des puissants battements de civilisation khmère. La rébellion Pas Khmau falaise pourrait accueillir un théâtre en plein
tambour joué par son fidèle compagnon, explique d’ailleurs l’aspect féroce de Çiva. air où les visiteurs de ce site sacré pourraient
Nandin. Le Seigneur danse sur son double Bhadreçvara est le Seigneur bon, un dieu contempler la danse cosmique de Çiva.
piédestal composé d’une tête d’éléphant et qui offre sa bénédiction à ses fidèles et Les visiteurs pourraient également admirer
d’une tête de la Kala. À travers sa danse, il inflige des châtiments divins aux forces du les magnifiques pavillons du temple de
incarne à la fois le Seigneur du temps éternel mal. Preah Vihear, les nombreux rochers du site
et le Destructeur des forces du mal. Dans le qui rappellent des sculptures vivantes, ses
dernier battement du tambour, le maître L’ermite grottes qui symbolisent la quête humaine
danseur termine son cycle d’anéantissement. Le pied de la colline des Dangrêk est dédié à de la force et de la paix intérieures ainsi que
Puis, adressant un sourire à son unique la méditation. L’ermite est d’ailleurs un motif les spectaculaires chutes d’eau offrant une
spectateur, il invite du doigt celui-ci à lire les très fréquent dans les bas-reliefs de Preah douce musique de fond à la danse cosmique
inscriptions des murs de Preah Vihear pour Vihear. Le roi Sûryavarman Ier déclare que de Çiva. En effet, la simple présentation de
percer le mystère de Çikhareçvara. c’est par la force de son ascétisme (tapovirya) Preah Vihear comme un site archéologique
Preah Vihear est un lieu où la présence que le dieu Bhadreçvara de Lingapura vint ou architectural ne répond pas à la vision de
de Çiva est particulièrement marquée à régner à Çri Çikhareçvara. À l’époque la civilisation angkorienne. Comme nous le
travers ses quatre formes phalliques : le d’Angkor, les Dangrêk étaient parsemés proposons ici, le rétablissement, par le biais
descendant d’un linga Nishkala, le Seigneur d’ermitages et de sites de méditation. de programmes de collaboration, des liens
de Sûryavarman (Sûryavarmeçvara), Le grand prêtre du roi Sûryavarman II, anciens qui unissaient jadis les sites de Mi-
Bhadreçvara et Çikhareçvara. Ce site sacré Divakarapandita, installa une image dorée sön, Vat Phou et Preah Vihear, permettrait
célébrait également l’aspect féroce de Çiva de la danse de Çiva à Preah Vihear. Cette de perpétuer les traditions et les croyances
comme le Destructeur des forces du mal, image est décrite par une paraphrase de nos ancêtres.
« Un patrimoine commun,
une gestion commune »
La Finlande se concentre sur le patrimoine mondial Une boîte à outil intitulée « Mise en valeur de notre patrimoine » a été
conçue pour les Plans de gestion des sites du patrimoine mondial, afin que la
La Finlande formule actuellement une stratégie nationale pour le patrimoine gestion des sites soit plus méthodique, plus axée sur les objectifs et afin d’en
mondial, qui sera achevée d’ici 2015. Cette stratégie intégrera les objectifs de évaluer les résultats. La boîte à outils vise aussi à promouvoir et à favoriser la
la politique finlandaise sur le patrimoine mondial et les mesures à prendre pour gestion des sites du patrimoine culturel et naturel au niveau national.
développer une administration et une gestion durables et responsables des sites
du patrimoine. Les objectifs de la stratégie sont notamment la prise de conscience Initialement, cette boîte à outils a été conçue pour la gestion des sites du
du patrimoine mondial à tous les niveaux de la société, l’intégration des questions patrimoine naturel. Toutefois, la Finlande voulait également ouvrir la voie pour
de patrimoine mondial à l’éducation et le développement d’une approche l’application de la boîte à outils « Mise en valeur de notre patrimoine » à une
pédagogique intégrée, où différentes disciplines collaborent pour utiliser les sites gestion plus efficace et plus systématique des sites du patrimoine mondial.
comme des environnements d’apprentissage.
En 2009, des représentants du Conseil national finlandais des antiquités ont
Les travaux finlandais de protection du patrimoine mondial sont fondés sur participé à un atelier organisé par la Fondation nordique du patrimoine mondial.
trois objectifs principaux : 1) renforcer la protection et la gestion des sites du Cet atelier a été persuadé du potentiel de la boîte à outils à soutenir la gestion
patrimoine mondial, 2) promouvoir l’équilibrage de la Liste du patrimoine mondial des sites nordiques du patrimoine mondial. En 2010, à l’initiative du Conseil
et 3) contribuer à une plus grande prise de conscience du patrimoine mondial. des antiquités et de l’Organe de direction de Suomenlinna, une procédure de
préparation de plans d’exploitation et de gestion d’une durée de deux ans a
Il sera également important de reconnaître les sites d’intérêt national. En 2009, été lancée en coopération avec tous les sites finlandais. La première étape a
le gouvernement a approuvé un inventaire des sites culturels d’intérêt national, consisté à traduire la boîte à outils en finlandais, afin de permettre aux sites
dressé par le Conseil national des antiquités de Finlande. Actuellement, le Ministère nationaux du patrimoine culturel et naturel d’en faire usage.
de l’éducation et de la culture a confié au Conseil national des antiquités la mission
de réaliser un inventaire des sites d’intérêt national conformément à la Convention Les travaux de planification de l’introduction de la boîte à outils ont débuté
de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé de 1954. à l’automne 2010, par une formation sur la gestion des sites du patrimoine
La Finlande a également signé récemment la Convention 2003 de l’UNESCO pour mondial. Elle représentait la méthode finlandaise pour trouver des techniques
la Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Diverses coopérations portant de gestion appropriées et contrôlées, par lesquelles il était facile de fournir
sur le patrimoine culturel soutiennent également les travaux associés aux sites des directives et d’établir diverses coopérations. Que l’on sache, aucun autre
du patrimoine mondial. La reconnaissance et l’appréciation des sites d’intérêt effort commun de planification de la procédure de gestion n’a été entrepris par
national permettront aux citoyens de mieux comprendre l’importance et la valeur d’autres pays. Après une année de formation, les participants étaient prêts à
du patrimoine culturel et naturel comme ressource et responsabilité qui unissent passer à l’action.
les hommes, d’autant plus dans le contexte international.
Dans la planification de la gestion des sites, une attention toute particulière
La formation en gestion enseigne des méthodes appropriées se porte sur la prévention des risques qui pèsent sur notre patrimoine culturel
et naturel. À ce titre, les risques causés aussi bien par les humains que par la
Conformément aux directives publiées sur la gestion des sites du patrimoine nature sont pris en compte. Le changement climatique est un danger constant
mondial de l’UNESCO, les sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial doivent pour plusieurs sites du patrimoine mondial. Il est aussi important de trouver des
disposer d’un plan d’exploitation et de gestion, mis à jour à intervalles réguliers. solutions durables dans les discussions internationales sur le climat pour lutter
La stratégie finlandaise pour le patrimoine mondial partage cet objectif. contre ces menaces.
L’archipel de Kvarken, le phare de Strömmingsbåda, Maalahti.
Photo : Finland’s National Board of Antiquities / Harri Nyman
Un plus grand impact par la gestion Il revient à chacun d’entre nous de s’occuper du patrimoine culturel
Bien que tous les biens du patrimoine mondial soient différents, ils sont confron- La Constitution de la Finlande déclare que « la nature et sa biodiversité,
tés aux mêmes problèmes. Les sept sites classés au patrimoine mondial en Finlande l’environnement et le patrimoine culturel sont la responsabilité de chacun ».
comprennent une vieille ville en bois, une église en bois de la fin du XVIIIe siècle, une Cette obligation prévue par la Constitution guide les actions de la Finlande visant
usine de traitement du bois et du carton du XIXe siècle, un site funéraire de l’âge de à protéger le patrimoine mondial. La prise en charge du patrimoine culturel n’est
bronze, une forteresse remontant aux XVIIIe et XIXe siècles et un site du patrimoine pas uniquement la responsabilité des autorités. L’implication des habitants dans
naturel. On trouve également en Finlande six points de l’arc géodésique de Struve, ces travaux renforce l’esprit de communauté et l’identité locale.
qui comprend des postes de triangulation sur le territoire de dix États.
Il est impératif que les autochtones soient soutenus pour qu’ils puissent
Des sites de types différents nécessitent des techniques de gestion différentes. contribuer à la protection des sites et en tirer des avantages durables. La
Il n’existe aucune solution unique parfaite, car chaque bien possède ses propres coopération orientée sur la gestion est un moyen d’y parvenir. La prise de
caractéristiques, son contexte juridique et ses accords de propriété. De nombreux conscience et la fierté des habitants pour leur propre patrimoine culturel et son
biens représentent des valeurs à la fois culturelles et naturelles, qui doivent être intérêt au plan mondial forment un élément clé de la protection des biens. Gérer
prises en compte pour préparer leur gestion. La boîte à outils est considérée ensemble les sites favorisera une compréhension de leur valeur et mettra en
comme une occasion de poser les bonnes questions et de trouver les réponses valeur l’identité locale. Il convient donc d’encourager ce genre de coopération et
communes et générales nécessaires pour réaliser les objectifs de gestion. Une de la soutenir à l’échelle mondiale.
gestion méthodique présente aussi des opportunités d’apprentissage et améliore
l’efficacité du patrimoine culturel sur des sites naturels, et respectivement, des La formation en gestion mise en œuvre en Finlande et les expériences
valeurs naturelles sur des sites culturels. d’utilisation de la boîte à outils pourraient servir de bon exemple pour une
gestion appropriée des sites du patrimoine mondial dans d’autres pays. Il est
Les participants ont constaté que la boîte à outils était un outil perfectionné et vital que les plans de gestion soient élaborés en collaboration avec les acteurs
facile d’emploi, associé à une méthode étape par étape. À l’initiative du Conseil locaux, engendrant un esprit de communauté qui permet aux autochtones
national des antiquités et de l’Organe de direction de Suomenlinna, un plan de de comprendre l’importance de leur patrimoine naturel et culturel. En outre,
gestion conforme au programme de travail commun sera élaboré pour tous les les biens du patrimoine mondial et les sites nationaux seront perçus, non pas
sites. L’objectif initial de réaliser les plans de gestion pour tous les sites dès 2011 a seulement comme des attractions touristiques, mais comme des blocs d’identité
été atteint haut la main. Un plan de gestion pour la forteresse de Suomenlinna a été d’importance locale et nationale.
terminé récemment et les plans pour les autres biens sont en cours de finalisation
ou leur préparation est bien entamée. Un plan de gestion pour l’archipel de PhD. Juhani Kostet, Directeur général
Kvarken a été achevé très tôt dans la démarche. Alors que les plans d’exploitation
et de gestion se concentrent actuellement sur les sites du patrimoine mondial, il
serait utile d’élaborer des plans semblables pour tous les sites protégés.
National Board of Antiquities
P.O.Box 913, FI-00101 Helsinki, Finland
La mise en place d’un réseau, de groupes de travail nationaux ou nordiques et le
Tel. +358 9 40 501
renforcement des groupes d’intérêt seront les prochaines étapes. Le fonctionnement
des systèmes administratifs sera déterminé et la responsabilité de la gestion des sites
sera clairement attribuée. Des efforts seront également mis en œuvre pour identifier http://www.nba.fi
les risques auxquels sont exposés les sites.
Numéro spécial Liste indicative
Liste indicative
Koh Ker
Prasat Chen and its sculptures
Éric Bourdonneau
Maître de conférences
École Française d’Extrême-Orient, Paris
de Duryodhana s’élançant dans les airs. le pillage « contemporain », puisqu’il est, doute possible, d’identifier et de localiser
Nulle part ailleurs la statuaire angkorienne ici, postérieur à 1970) ne semble avoir les statues disparues. Bhīma se trouve à
ne paraît avoir été aussi proche de ce qui lui été aussi systématique et bien renseigné. présent au musée Norton Simon à Pasadena
fut peut-être un modèle – le théâtre ! On le Aucune des statues composant le groupe en Californie. Duryodhana est actuellement
voit dans ce petit pas en arrière, cette prise sculpté de Bhīma et Duryodhana n’a été détenue par Sotheby’s (New York) pour le
d’appui de la jambe du Pāndava qui donne retrouvée in situ (c’est également le cas des compte d’un collectionneur privé et est le
la mesure de la violence du coup qui se images qui entouraient la lutte de Vālin et sujet d’une plainte déposée par le bureau
prépare : dans ces quelques centimètres où Sugrīva). Seuls subsistent aujourd’hui les du procureur de New York afin qu’il soit
les orteils de Bhīma dépassent de la surface piédestaux décapités par les pilleurs, bien restitué au Cambodge. Deux Pāndavas sont
du piédestal, se résume et se condense tout tristes vestiges de ce qui fut assurément au Metropolitan Museum of Art de New
le dynamisme de la scène. l’un des grands chefs-d’œuvre légués par York et d’autres sculptures se trouvent dans
Nulle part ailleurs, pourrait-on enfin le Cambodge ancien au patrimoine de divers musées, dont Cleveland et Denver
ajouter, le pillage « moderne » de la l’humanité. Ces vestiges sont néanmoins ainsi que dans des collections privées.
statuaire angkorienne (ou, plus précisément, précieux, car ils permettent, sans aucun
Informations
Le 3 mai 2013, le Metropolitan Museum of Art de New York a annoncé qu’il rapatriera deux sculptures des frêres Pāndava de
l’ensemble Prasat Chen qui se trouvaient dans leur collection depuis les années 1990.
Le directeur du musée, M. Thomas P. Campbell a déclaré : « il s’agit d’un cas où des informations complémentaires concernant les
‘serviteurs à genoux’ ont amené le musée à considérer des faits qui n’étaient pas connus à l’époque de l’acquisition et de prendre
action… ».
Le Gouvernement cambodgien a exprimé sa plus profonde reconnaissance pour ce geste et fait appel aux autres musées et
collectionneurs d’art qui détiennent les sculptures restantes afin qu’ils suivent cet exemple et rendent, dans le cadre de la campagne
mondiale pour la protection du patrimoine culturel, ces trésors volés à leurs propriétaires légitimes.
Groupe archéologique
de Sambor Prei Kuk
Un complexe urbain
de temples
Ministère de la culture et des
beaux-arts du Cambodge
Échanges culturels
indiens et chinois
Le site représente une source
fondamentale d’informations sur l’histoire
de l’Asie du Sud-Est pendant la dernière
moitié du premier millénaire de notre
ère. Les inscriptions et les vestiges
archéologiques fournissent des données
sur la période importante qui a précédé
l’essor de l’empire khmer. Sambor Prei Kuk
fusionne la religion, l’art et l’architecture
indiens et l’aménagement urbain chinois
pour former un complexe urbain khmer,
qui a posé les fondations des villes khmères
ultérieures. Le site signale la naissance d’un
complexe unique et sophistiqué conjuguant
une cité hydraulique, l’État et la religion,
précurseur de l’empire khmer d’Angkor.
Sambor Prei Kuk s’est imposé sous
le règne du roi Isanavarman Ier, qui a
constitué un territoire de grande ampleur.
C’est sous son règne qu’ont été construits
les principaux complexes du Groupe
archéologique de Sambor Prei Kuk.
Ces monuments contiennent les chefs-
d’œuvre les plus remarquables des débuts
de l’art khmer, notamment des bas-reliefs
uniques en brique sculptée, des édifices
octogonaux, des décors sur stuc et un
motif d’art martial sur certains médaillons
ornementaux. La taille, le nombre et la
qualité de ces temples attestent de la
dominance d’Isanapura et des énormes
ressources dont disposait Isanavarman Ier. La tour T1, le Palais volant.
© General Department of Heritage, Ministry of Culture and Fine Arts
Protection postconflit
d’un actif précieux La tour S1.
© General Department of Heritage, Ministry of Culture and Fine Arts
Pendant la période de conflit en Asie du
Sud-Est, le Groupe archéologique de Sambor
Prei Kuk a subi des dommages, causés par les Le site constitue un témoignage vital des
nombreuses forces hostiles engagées dans développements historiques, culturels et religieux qui
le combat. À cette époque, la recherche, ont culminé dans l’épanouissement de l’empire khmer.
l’entretien et la protection des monuments,
ainsi que des objets pouvant être enlevés,
ont gravement souffert. Ce n’est qu’en 1992
que le Gouvernement royal du Cambodge en définitive, les résultats sont significatifs. l’épanouissement de l’empire khmer, ouvrant
a rétabli son contrôle sur la région. Le Les monuments restants, les paysages et une fenêtre unique sur ce pan d’histoire,
Ministre de la culture et des beaux-arts, les espaces ouverts que les touristes et les couvrant les périodes pré-angkorienne et
ainsi que d’autres ministères ont entamé la spécialistes peuvent visiter témoignent des angkorienne. Les inscriptions, les objets
tâche difficile d’identification des actions ambitions du gouvernement de préserver et les édifices représentent les archives
nécessaires pour protéger ce patrimoine et protéger le Groupe archéologique de les plus importantes de la vie khmère à
précieux. Manquant de subventions et de Sambor Prei Kuk. cette période. La recherche archéologique
professionnels formés à la conservation, la Le site constitue un témoignage se poursuit, permettant de découvrir de
restauration et la gestion, les efforts réalisés vital des développements historiques, nouvelles facettes de ce site fascinant du
ont été de faible envergure, progressifs, mais, culturels et religieux qui ont culminé dans patrimoine.
La wilaya de Bahla est considérée comme l’une des régions historiques les plus importantes du gouvernorat de Dakhiliyah, qui possédait déjà de nombreux châteaux et forts,
dont le plus imposant est le fort de Bahla. L’histoire de sa construction remonte à l’ère préislamique. En 1987, en raison de son intérêt historique, de son extraordinaire valeur
PUBLIREPORTAGE
internationale et de sa valeur culturelle, l’UNESCO l’a inscrit sur la Liste du patrimoine mondial.
Sa façade méridionale s’étend sur environ 112,5 m, alors que sa façade orientale mesure approximativement 114 m. Sa muraille sculptée au nord-ouest a une longueur de
135 m. Le fort comporte également trois bâtiments, Bait al-Jabal, Bait al-hadith et Bait al-Qaed. Il possède six tours réparties le long des murs pour en assurer la défense et
la protection, auxquelles s’ajoute un certain nombre de puits et de mosquées. La citadelle (qasaba) est la partie la plus ancienne du fort. Il s’agit d’un édifice de cinq étages
comportant des salles intégrées, qui forment ensemble une seule unité, avec une entrée privée séparée du reste du fort. La citadelle comprend trois tours.
L’historique mosquée du Vendredi adjacente, à 30 m du fort, remonte au début de l’ère islamique. On y a trouvé, sur un disque à l’intérieur de la mosquée, les plus anciennes
chroniques manuscrites découvertes jusqu’à présent dans le Sultanat d’Oman, datant de l’année 528 A.H. Ont également été découverts : le mur, les écoles coraniques, les
anciennes mosquées, l’aflaj (ancien système d’irrigation), ainsi que de vieilles poteries du Sultanat, caractérisées par leur style unique, connues par les archéologues sous le
nom de poterie de style Bahla.
Le fort a fait l’objet de diverses périodes de rénovation et de conservation, la dernière menée par le Ministère du patrimoine et de la culture lors de l’inscription du site sur la
Liste du patrimoine mondial en 1987, sous la surveillance du Centre du patrimoine mondial et conformément aux normes de rénovation reconnues à l’échelle internationale.
Tous les travaux de restauration ont été achevés fin mai 2012 et le site a été ouvert au public.
Dans le cadre de notre programme d’initiatives mondiales, Panasonic vise à devenir l’entreprise numéro un de l’industrie
électronique d’ici 2018, l’année de notre centenaire. À cette fin, nous avons développé un certain nombre d’initiatives
et activités multi-facettes à l’échelle de l’entreprise. Notre partenariat stratégique, conclu en mai 2011 avec le Centre
du patrimoine mondial de l’UNESCO, en est une des plus significatives. Reconnus par le Comité du patrimoine mondial
pour leur valeur universelle exceptionnelle, ces sites naturels et culturels représentent notre patrimoine irremplaçable, et
doivent impérativement être préservés. Tirant parti des technologies visuelles et de la dimension mondiale de Panasonic,
ce partenariat stratégique a pour but d’accroître la sensibilisation sur l’importance de préserver notre patrimoine culturel
et l’environnement, en particulier auprès des jeunes dans le monde.
http://www.panasonic.net/promotion/worldheritage/ http://www.panasonic.net/promotion/worldheritage/program/
NIO MUN
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Panasonic soutient
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le développement durable
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à travers l’éducation et la conservation
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du patrimoine mondial de l’UNESCO
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Organisation Patrimoine
des Nations Unies mondial
pour l’éducation,
la science et la culture
Patrimoine culturel
immatériel
Photographies gracieusement fournies par Anders Jiras
Le Sbek Thom.
© Anders Jiras
Le Sbek Thom
théâtre d’ombres khmer
Ministère de la culture et des beaux-arts du Cambodge
Le succès de la
réserve de biosphère
Tonlé Sap
Paul Everingham
Centre for Wildlife and Environment, Koh Kong
(Avec nos remerciements au Ministère
cambodgien de l’environnement)
T
La forêt inondée du Tonlé Sap.
© C. Frank Starmer
onlé Sap (Grand Lac) est le caractéristiques uniques en réponse aux septentrionales du Cambodge, des chaînes
plus grand lac d’Asie du Sud- fluctuations saisonnières et hydrologiques de montagnes avoisinantes et du Mékong
Est et l’un des plus importants extrêmes. proprement dit, avec sa toile d’affluents et
écosystèmes des zones son immense delta.
humides au monde, en raison Une rivière qui inverse sa marche Deux millions de Cambodgiens
de ses qualités environnementales uniques Chaque année, à la saison des pluies, le dépendent directement de la richesse de la
et de son exceptionnelle biodiversité. niveau d’eau du Mékong monte et déborde pêche du lac Tonlé Sap pour vivre. En outre,
La diversité extraordinaire de la vie du dans la rivière Tonlé Sap qui, au lieu de une bonne moitié des besoins en protéines
lac Tonlé Sap a été documentée dès le drainer le lac comme elle le fait à la saison du Cambodge provient de la pêche annuelle
XIII e siècle par l’émissaire érudit chinois sèche, est forcée de changer de sens et de plus de 250 000 tonnes.
Zhou Daguan, qui a noté l’abondance de de « remonter » dans le lac. C’est ainsi la
poissons, grenouilles, tortues de terre et seule grande rivière au monde qui coule La protection des oiseaux
d’eau, lézards, crocodiles et mollusques dans les deux sens à différentes périodes La réserve abrite le plus grand fragment
dans le lac et dans ses environs. Les bas- de l’année. Cette crue annuelle fait monter encore existant d’une mégafaune aviaire qui
reliefs du temple angkorien du Bayon le niveau du lac de 1 à 1,5 m jusqu’à 8 à était autrefois répandue dans une grande
représentent plusieurs espèces de la faune 10 m et multiplie par cinq sa superficie, en partie de l’Asie du Sud-Est. À certaines
du grand lac, en particulier des poissons, recouvrant la plaine inondable. époques de l’année, la réserve foisonne
des crocodiles, des tortues et de grands Il est reconnu que le lac Tonlé Sap fait de dizaines de milliers de magnifiques
oiseaux aquatiques. partie des plus grands secteurs de pêche en cigognes, grues, ibis et pélicans. Elle
L’immense diversité de sa flore et de sa eau douce au monde. Les mouvements de héberge dix-sept espèces d’oiseaux en voie
faune comprend un nombre exceptionnel crues annuelles entraînent une migration d’extinction, dont le nombre est significatif
d’animaux, oiseaux et reptiles en voie importante et complexe, entrante et sortante, au plan international, et de nombreuses
d’extinction sur le plan mondial. De d’œufs, alevins, jeunes poissons et poissons autres espèces qui revêtent une importance
nombreuses espèces de ses plantes adultes. Ils migrent des rivières et des ruisseaux régionale. L’augmentation du nombre de
et types forestiers ont développé des de toutes les grandes plaines occidentales et ces oiseaux depuis que les efforts intensifs
de surveillance et de protection ont débuté innovantes permettant de réconcilier le dé- ronnements de zones humides complexes,
en 1999 est l’une des plus belles réussites veloppement durable et la diversité biolo- riches en espèces, qui sont particulière-
au monde pour un projet de protection. gique et culturelle. L’accent est mis sur une ment susceptibles à la surexploitation de
Le lac Tonlé Sap et sa plaine d’inondation gestion complète, cherchant à développer leur grande productivité naturelle et éco-
ont été classés en octobre 1997 avec la et coordonner de bonnes politiques, une nomique. Cependant, en dépit de cette
mention Réserve de biosphère Tonlé Sap gestion efficace, la participation citoyenne tendance, l’écosystème de Tonlé Sap a fait
dans le cadre du Programme sur l’homme et et des méthodes scientifiques saines. preuve d’une résistance surprenante.
la biosphère de l’UNESCO, pour ensuite être Cette désignation hautement respectée La production de poissons a commencé
garantis par une loi cambodgienne en 2001. de l’UNESCO a permis d’attirer des à baisser en raison du niveau insoutenable
La réserve de biosphère comprend trois contributions utiles de la part d’ONG inter- des prises de pêche, mais pas à un degré
zones principales (chacune représentant nationales, d’institutions scientifiques et de subi ailleurs par d’autres zones de pêche
des écosystèmes uniques désignés pour la donateurs. La coordination cruciale entre les intensive. Certaines populations de
protection et la conservation à long terme), ministères pertinents et entre les instruments mammifères sont encore en déclin mais
six sanctuaires de poissons, quatre zones de gouvernementaux et les organismes d’autres espèces, notamment les oiseaux
protection de la biodiversité et neuf zones extérieurs a été fortement renforcée dans le aquatiques, prospèrent. De grandes zones
importantes pour la conservation des oiseaux cadre des réserves de biosphère. Elle a permis forestières et d’autres types d’habitat
(IBA) reconnues à l’échelle internationale. d’intensifier la gestion et la capacité de mise survivent dans un état relativement bon.
Ils se situent tous dans des zones étendues en œuvre à l’échelle locale et a garanti un Le Réseau mondial des réserves de bios-
dites tampons et de transition. degré élevé de participation citoyenne à tous phère de l’UNESCO, avec son accent sur
les niveaux décisionnels. la participation citoyenne, la science et la
Le cadre des réserves Partout, le monde naturel est soumis à gestion efficace, procure un cadre précieux
de biosphère d’intenses pressions exercées par l’expan- pour permettre au Cambodge de continuer
Les réserves de biosphère sont des sion rapide de la population humaine et à satisfaire les besoins de sa population tout
sites établis par des pays et reconnus par de ses besoins de consommation. Cet état en protégeant l’un des plus grands trésors
l’UNESCO pour promouvoir des méthodes de fait est spécialement vrai pour des envi- naturels au monde.
Mémoire du Monde
au Cambodge
Helen Jarvis
Conseillère du Gouvernement royal du Cambodge
Membre du Comité consultatif international du
Programme mémoire du monde de l’UNESCO
L
Exposition de photos.
© Bureau de l’ UNESCO de Phnom Penh
‘objectif premier du et autres matériaux, dont l’écorce de de caractères khmers furent fabriquées en
Programme de mémoire du mûrier utilisée durant la période d’Angkor) France en 1877 et les premières œuvres
monde de l’UNESCO consiste parvenus jusqu’à nous datent seulement littéraires firent leur apparition à Phnom
à reconnaître, protéger et de la deuxième moitié du XIXe siècle, bien Penh au cours des deux premières décennies
offrir un accès au patrimoine que certains contenus, constamment du XXe siècle.
documentaire de l’humanité. Créé en recopiés et parfois remaniés, pourraient Au XXe siècle, de nouvelles technologies
1992, cet important programme complète remonter au XII e siècle. Ces documents de l’information furent introduites dans le
deux grandes conventions de l’UNESCO servaient principalement à communiquer pays, sous forme de microfilms, cassettes
consacrées au patrimoine : la Convention les décrets, règlements ou exploits des audio, cassettes vidéo, films, programmes
du patrimoine mondial et la Convention rois et à transmettre et conserver les textes télévisés et bandes dessinées. Au cours
du patrimoine culturel immatériel de religieux. des années 1950 et 1960, le roi Norodom
l’humanité. Si l’écriture khmère trouve sans doute Sihanouk encouragea la production
La tradition de l’écriture est parti- son origine dans l’alphabet brahmi de cinématographique, la radio nationale et,
culièrement ancienne au Cambodge. Si le l’Inde du Sud (à l’instar des anciens mon, par la suite, la télévision du Kampuchéa
pays possède de nombreuses inscriptions java, cham, thaï, lao, dérivés également de connut également un essor.
sur pierre datant du VIe siècle (rédigées l’écriture khmère, mais aussi le myanmar La guerre décima le secteur de l’édition
en sanskrit et en khmer ancien), on pense dérivé de l’écriture mon et de l’écriture de de Phnom Penh ainsi que bien d’autres
toutefois que ses premiers textes (écrits sur nombreuses autres langues indiennes), activités. Durant la période des Khmers
des peaux d’animaux et aujourd’hui, hélas, elle possède néanmoins sa propre histoire rouges (1975 à 1979), la grande majorité des
disparus) remonteraient à la période Fou- depuis plus de 1 100 ans. publications fut remplacée par des journaux
nan (IVe siècle). On pense aujourd’hui que des documents officiels contenant des chansons, des
Même si l’on sait qu’ils avaient cours sur papier, écrits à l’encre, auraient été créés poèmes ou des nouvelles. Seules quelques
durant l’époque angkorienne, les plus dès le début du XIXe siècle pour traiter les âmes courageuses osèrent défier l’autorité
anciens manuscrits (sur feuilles de palmier affaires du palais. Les premières polices en continuant à écrire en cachette.
Archives. Négatifs.
© Bureau de l’ UNESCO de Phnom Penh © Bureau de l’ UNESCO de Phnom Penh
Suite à la chute des Khmers rouges le permettant de mieux comprendre le rôle Chambres extraordinaires au sein des
7 janvier 1979, l’on entreprit de reconstruire qu’a joué S21 (principale prison et centre tribunaux cambodgiens pour le génocide,
la société cambodgienne et ses infrastruc- d’interrogatoire du régime des Khmers les crimes contre l’humanité et les crimes
tures et de reconstituer le patrimoine docu- rouges). On estime aujourd’hui que plus de guerre. Ils attestent de l’inhumanité
mentaire du pays. de 15 000 prisonniers furent détenus avec laquelle l’homme peut traiter ses
dans cet ancien lycée et que seule une semblables et constituent un exemple
Les archives du Musée de poignée d’entre eux survécut. Ces archives parmi les plus extrêmes de crimes contre
Tuol Sleng sur le Registre contiennent également des photographies l’humanité commis au XXe siècle dont
de la mémoire du monde de plus de 5 000 prisonniers, ainsi que des l’impact sur l’histoire du monde a été
Le Comité national du Cambodge pour « confessions », souvent arrachées sous la considérable.
la mémoire du monde est encore en cours torture, et diverses données biographiques Les archives du Musée du génocide
d’élaboration, mais le pays participe déjà concernant les prisonniers, leurs gardiens de Tuol Sleng apportent un témoignage
à de nombreuses activités connexes aux et les fonctionnaires chargés de la sécurité unique au niveau international, des
niveaux national, régional et international. du site à cette époque. crimes qui se déroulèrent au Cambodge
En juillet 2009, les archives du Musée du Les archives de Tuol Sleng nous offrent de 1975 à 1979 et de la tragédie que
génocide de Tuol Sleng furent inscrites sur aujourd’hui un témoignage exceptionnel vécut ce pays. De nombreux documents
le Registre international de la mémoire, suite du système pénitentiaire du Kampuchéa qui y sont conservés figurent désormais
à l’inscription du musée au Registre de la démocratique au sein duquel 2 à sur des couvertures de livres et de DVD,
mémoire du monde de l’Asie et Pacifique 3 millions de personnes (soit 25 à 30 % des affiches de films, des brochures
en 2008. Cette inscription constituait la pre- de la population) perdirent la vie au cours touristiques et des catalogues d’exposition.
mière (et à ce jour l’unique) inscription cam- d’une période de trois ans, huit mois et Les archives et le musée proprement dit
bodgienne de ce registre. vingt jours. Ces importants documents sont gérés par le Département des musées
Les archives de Tuol Sleng réunissent des feront désormais office de preuves dans du ministère de la culture et des beaux-arts
photographies ainsi que divers documents les procès des responsables jugés par les du Gouvernement royal du Cambodge.
contact immédiat avec l’Empire romain. En outre, grâce à cette situation, la Slovaquie moderne, imprégnée d’un esprit de diversité culturelle et naturelle,
vous permet de rencontrer par exemple l’autel en bois gothique le plus haut du monde (dans l’église St Jacques de Levoča, d’une hauteur de 18,6 m), l’Hôtel
de la monnaie de Kremnica en fonctionnement continu depuis 1328 ou le geyser d’eau froide d’Herľany, de visiter la plus grande zone karstique d’Europe
centrale (environ 1100 grottes et failles), la seule grotte d’aragonite en Europe à Ochtiná, de faire l’expérience de la tradition préservée du rafting sur des
radeaux en bois, voire d’escalader le sommet le plus élevé des Carpates (Gerlach 2 655 m) et bien d’autres choses encore. Des promenades dans des villes
historiques, des villages pittoresques, des parcs nationaux et des zones protégées peuvent s’associer à des visites de nombreux musées et galeries d’art,
où parmi d’autres objets, vous pourrez admirer la précieuse sculpture de la Vénus de Moravany, une statuette d’une femme remontant à environ 22 800 ans
avant notre ère.
© Monuments Board of the Slovak Republic © Monuments Board of the Slovak Republic
La ville de Banská Štiavnica et les monuments techniques uniques des Vlkolínec est une commune médiévale, remarquablement préservée au fil
mines de ses environs représentent un complexe urbain exceptionnel et des âges, avec des maisons en rondins, à l’architecture typique des zones
complet, formé depuis le Moyen Âge. montagneuses dans le parc national Veľká Fatra.
Forêts primaires de hêtres des Carpates et forêts anciennes de hêtres Grottes du karst d’Aggtelek et du karst de Slovaquie La grotte de glace
d’Allemagne Ces forêts tempérées complexes non perturbées présentent Dobšinská est l’une des grottes les plus magnifiques de Slovaquie et l’une
les modèles écologiques les plus complets et détaillés et les processus de des premières grottes au monde éclairées électriquement. Le caractère de sa
peuplement des hêtres européens. glaciation la place parmi les grottes de glace les plus importantes au monde.
Slovak Commission
for UNESCO
Slovenská komisia
United Nations
Educational, Scientific and pre UNESCO
Slovak Commission
Cultural Organization for UNESCO
Organizácia Slovenská komisia
United Nations
spojených národov pre
Educational, Scientific and pre UNESCO
výchovuCultural
a vzdelávanie,
Organization
vedu a kultúru
Organizácia
spojených národov pre
Commission slovaque
výchovu a vzdelávanie,
vedu a kultúru pour l’UNESCO
Hlboká cesta 2
833 36 Bratislava –Slovaquie
Tel : +421 2 5978 3614, 3615
Fax : +421 2 5978 3659
e-mail : unesco@mzv.sk
© Miroslav Buraľ © Michal Rengevič (Archive of the Slovak Caves Administration, Liptovský Mikuláš)
website : www.mzv.sk
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mondial mondial
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publiée quatre fois par an en anglais, français et espagnol. Un point sur l’actualité et des dossiers offrent aux
lecteurs une information détaillée sur la préservation des sites naturels et culturels les plus importants au
monde. La publication est conçue pour diffuser et mettre en valeur l’action et l’engagement de l’UNESCO en
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Paysage culturel de la province de Bali : le
système des subak en tant que manifestation de la
philosophie du Tri Hita Karana (Indonésia).
© Johan Wieland
Situé au cœur du continent eurasien, le Kazakhstan est à la croisée 000 monuments historiques et archéologiques ont été enregistrés sur le
des chemins des civilisations anciennes, à l’intersection d’axes routiers territoire du Kazakhstan ; 218 d’entre eux ont été inclus dans le registre de
majeurs, de religions mondiales et de relations économiques, culturelles et l’État sur les monuments historiques et culturels d’importance nationale ;
idéologiques entre l’Est et l’Ouest. De nombreux états ont vu le jour sur les fonds du musée et les expositions comportent plus de 2,56 millions
le territoire du Kazakhstan avec chacun une histoire et un développement d’artefacts culturels. Une vue d’ensemble de Madeni Mura est consultable
bien distincts ; en témoignent les riches trésors de monuments historiques, sur la base de données en ligne lancée par le Ministère de la culture et de
d’artefacts culturels, de manuscrits anciens contenant un legs profond et l’information du Kazakhstan en versions kazakh, russe et anglaise (www.
spirituel du Kazakhstan moderne. madenimura.kz) où l’on trouve des photographies illustrées, des vidéos, du
matériel d’archives, des travaux de recherche ainsi que des informations sur
Depuis son accès à l’indépendance en 1991, le gouvernement du les travaux de restauration et des travaux archéologiques.
Kazakhstan a commencé à élaborer des actes législatifs et des politiques
nationales sur la sensibilisation et la préservation du patrimoine culturel Dans le cadre du programme national et de la coopération entre le
et à adhérer aux instruments internationaux pertinents. Le renouveau Kazakhstan et l’UNESCO, trois sites parmi les plus prééminents du
de l’héritage culturel profond et diversifié a débuté avec l’adoption de patrimoine culturel et naturel du Kazakhstan ont été inscrits sur la Liste
la Convention relative à la protection du patrimoine culturel et naturel du patrimoine mondial : le Mausolée de Khoja Akhmed Yasawi (2003), les
mondial (1972) par la République du Kazakhstan en 1994. Depuis lors, le Pétroglyphes du paysage archéologique de Tamgaly (2004), les steppes de
Ministère de la culture et de l’information du Kazakhstan, de concert la Saryarka ainsi que les lacs du Kazakhstan septentrional (2008).
avec les institutions nationales, les organisations affiliées, les grands
spécialistes, les chercheurs et les communautés impliquées ont entamé Le Mausolée de Khoja Akhmed Yasawi constitue un chef-d’œuvre de
une étroite collaboration avec l’UNESCO, l’ICOMOS et l’ICOM. créativité humaine, un prototype inspiré de l’architecture traditionnelle
d’Asie centrale datant de la période timouride. Le Mausolée et les restes
Le Président du Kazakhstan, Nursultan Nazarbayev, a initié entre 2004- alentours de l’ancienne cité du Turkestan (Yasy) ont pour but de célébrer
2011 une étape révolutionnaire avec le lancement du Programme National l’héritage historique du développement interconnecté des civilisations
Madeni Mura (Patrimoine Culturel). Dans le cadre de ce programme, de d’Asie centrale, l’avancée de l’islam et du soufisme dans la région et le
nombreux travaux de recherche et de restauration, des études scientifiques caractère majestueux de la Grande route de la Soie.
sur le terrain ainsi que des expéditions archéologiques ont été organisés au
niveau des sites historiques, des monuments, des musées et des archives Les pétroglyphes du paysage de Tamgaly constituent un paysage
du Kazakhstan et des États étrangers. À la lumière des travaux menés, un archéologique unique comportant un groupe de 5 000 pétroglyphes – ce
nombre considérable de volumes littéraires et de collections musicales ont sont des images de haute qualité du début de l’âge du bronze qui datent
été publiés et de nombreux documentaires ainsi que des programmes de de près de 1400-1300 avant J.-C. Ce vaste répertoire d’images est composé
télévision et de radio ont été diffusés par le biais des médias nationaux et d’un nombre important, de formes uniques, d’éléments de mode de vie
internationaux. Au cours de la mise en œuvre du programme, plus de 25 pastoral traditionnel, de divinités solaires ainsi que de thèmes animaliers
Patrimoine mondial
au Kazakhstan
le pays du feu
Bakou,
Atashgah
Depuis l’Antiquité, le feu est considéré comme sacré et le culte du feu a toujours été protégé en Azerbaïdjan. Le nom « Azerbaïdjan »
est composé de deux mots : « azer », qui signifie feu, et « baïdjan », qui signifie protecteur. Ainsi l’Azerbaïdjan, est le pays de la
protection du feu. L’un des symboles anciens qui désigne l’Azerbaïdjan comme le pays du feu est le temple « Atashgah ». Les origines
historiques du monument nous ramènent à l’époque de la création de l’État initial d’Azerbaïdjan, alors que la religion prédominante
était le zoroastrisme. Le temple « Atashgah », qui s’est développé en premier lieu aux IIe et IIIe siècles dans la ville de Surakhani,
sur la péninsule Absheron, à 30 kilomètres du centre de Bakou, a été construit par des croyants de la religion zoroastrienne, où
le gaz naturel brûlait sur place avec des flammes éternelles inextinguibles. Les zoroastriens estimaient que le feu était sacré et lui
adressaient leurs prières afin d’être protégés des catastrophes et de la tyrannie, pour vivre heureux, dans la paix.
La deuxième période du développement du temple s’est déroulée du XVIe au XVIIe siècle. L’Azerbaïdjan se trouvant sur la Grande
route de la soie, d’importantes relations commerciales et culturelles se sont établies avec d’autres pays à cette époque. De nombreux
pèlerins y sont venus et avec l’augmentation du nombre de zoroastriens et d’adorateurs du feu, le temple a été restauré. L’édifice
dans son ensemble, qui rappelle un caravansérail, est en forme de pentagone fermé, comportant 24 cellules et un autel central. L’un
des symboles du Bakou contemporain, les « Flame Towers », trois tours en forme de langues de feu, rappellent à tous que cette
contrée est le Pays du feu, où habitent des gens colériques et accueillants.
Dans les photos sont représentés « Icharisheher » (site du patrimoine mondial de l’UNESCO), les Flame Towers, la promenade de la mer de Bakou, ainsi que le
temple du feu « Atashgah ». Auteur : Farid Khayrulin.