Tropi - Cale: L'Agronomie
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TROPI.CALE
INTRODUCTION
La mesure du drainage vertical, in situ, peut être très précieuse tant pour des études théoriques
approfondies (pédogenèse actuelle) que pour des recherches pratiques (bilan hydrique, lixiviation des élé-
ments fertilisants). .
Jusqu'ici, la méthode généralement utilisée pour mesurer le drainage vertical est celle des Ilysi-
mètres classiques : ceux-ci consistent en une cuve drainante à l'intérieur de laquelle on a reconstitué
soigneusement le type de sol à étudier.
Cependant, de nombreux auteurs (FEODOROFF, 1965; POUR RUT, 1968; AUDRY, 1967; ROOSE
et GODEFROY, 1967) ont constaté qu'il existe deux types d'infiltration simultanée dans les sols durant une
pluie : une infiltration rapide par les macropor.es (eau libre) et une infiltration beaucoup plus lente par
les micropores de l'eau liée (sous tension) qui est redistribuée à l'intérieur des agrégats. -
En d'autres termes, la dynamique de l'eau à basse tension est étroitement liée à la macrostructurè
(Mc INTYRE, LODEVAY, 1968 ; SHARMA, UEHARA, 1968) tandis que sa cap~cité de rétention est fonction,
principalement, de la microporosité.
Donc, ~i on détruit l'organisation verticale de la macroporosité en reconstituant le sol dans la cuve
lysimétrique, la circulation rapide des eaux s'en trouve ralentie (circulation par les microporosités) et les
échanges colloïdaux et cationiques bouleversés (eaux troubles et plus riches en cations)*.
On peut évidemment espérer qu'un sol, soigneusement reconstitué, va reformer sa structure mais
personne n'a démontré qu'elle est en tout point semblable à celle du sol voisin en place ni mesuré combien
de temps nécessite cette restructuration verticale. .
Certains auteurs russes et américains (HARROLD, DREIBELBIS, Mc GUINES S, BRAKENSIEK, AMER-
MAN, etc.), bénéficiant de moyens techniques et financiers exceptionnels, ont pu isoler des blocs de terre
de 5 m 3 à 20 m 3 et y mesurer la dynamique de l'eau dans des conditions naturelles: malgré ces moyens
exceptionels, ils ont eu l'occasion de constater les limites de la méthode.
. Nous décrirons ici deux méthodes faciles à réaliser et peu onéreuses, permettant les nombreuses
répétitions nécessitées par l'hétérogénéité des sols. Ces méthodes ont été testées au Centre ORSTOM
d'Adiopodoumé, sur sols sablo-argileux profonds, par des irrigations contrôlées successives.
* CHARREAU et JACQUINOT (1967) ont montré que, dans des conditions de lysimètre dont le sol est reconstitué, les eaux de
drainage jouent un « effet piston. sur les solutions du sol et les cations stockés préalablement.
FEOOOROFF et YARON (1967) ont trouvé des résultats semblables en laboratoire (expériences sur tubes remplis de terre saturée).
D'autres auteurs ont prouvé à l'aide de l'iode radioactif qu'il n'en était pas ainsi dans les sols en \llace.
1080 - L'AGRON9MIE TROPICALE
Fosse de visite
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B) REALISATION *
Cliché: HUTTEL
Fig. 2 et 3. - Casier drainant rectangulaire double.
C) VARIANTES ET DISCUSSION
Par une série d'irrigations contrôlées d'une centaine de millimètres d'eau par jour, pendant trois
semaines, nous avons testé des casiers drainants de forme rectangulaire ou ronde (moins d'effet de
bordure) à un, deux ou trois casiers concentriques (évaluation d'un éventuel gradient horizontal du flux)
dont les surfaces drainantes sont à pente faihle (10 %) ou forte (20-30 %) (influence sur la vitesse du
drainage), à bordure latérale courte ou élevée.
eau drainée
Il en résulte que les rendements obtenus (rapport - - - - - - , le sol étant au-delà de la
eau apportée
capacité de rétention) varient entre 10 % et 120 %, avec une nette majorité de moins de 50 % et une
très grande variation d'une répétition à l'autre. Les rendements les plus élevés (50 % à 80 %) ont géné-
ralement été obtenus dans le casier central des drains à trois casiers concentriques (rectangulaires ou ronds)
à forte pente du plancher.
Le fait que le drainage recueilli soit inférieur à l'irrigation est étonnant, à première vue, puisque
la vitesse d'évacuation du drain est certainement supérieure à la perméabilité du sol au même niveau:
il semble donc qu'il se passe des phénomènes (lissage et ménisques) liés aux plans de discontinuité sol-
sable - tôle du drain, malgré le fort tassement du sable. Sur le plan quantitatif, cette méthode est donc
trop incertaine.
Par contre, elle peut donner de bons résultats pour l'étude qualitative des eaux de drainage aux
différents horizons (JORDAN, 1968) : les eaux sont aussi claires que celles obtenues par la méthode des
monolithes et nous avons pu suivre ainsi la lixiviation d'un engrais potassique par les eaux de drainage.
Cependant, les concentrations peuvent être légèrement modifiées puisque l'eau recueillie ne représente pas
la totalité de l'eau de drainage vertical réel.
L'avantage de la méthode réside dans la faible perturbation du terrain (trois côtés du drain sont
parfaitement en place) et du système racinaire (important surtout sous forêt). Les inconvénients majeurs
sont l'origine mal définie des eaux recueillies et la variabilité des résultats quantitatifs .
• M. HUTI1!L, écologiste de l'ORSTOM,a été le premier à tenter d'utiliser celle méthode au Centre ORSTOM d'Adiopodoumé,
*.
dans le cadre d'un bilan hydrique et chimique sous forêt.
Le toit du tunnel doit être horizontal.
1082 - L'AGRONOMIE TROPICALE
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aileron profilé en
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Fig. 5 et 6 - Mise en place d'une case de drainage sur monolithe.
B) REALISATION
Sur une face d'une tranchée, et à profondeur désirée, on creuse une fente horizontale capable
de contenir un « entonnoir» de 85 cm de diamètre et de 10 cm de profondeur (soit une pente d'environ
25 %) muni en son point bas d'un orifice de drainage protégé par une toile de nylon (mailles de 3 mm
à 5 mm). Une fois placé, ce drain conique est bourré de sable grossier lavé, ainsi que la fente. Un tuyau
relie l'orifice de drainage à une fosse de visite où l'on peut mesurer et enregistrer les eaux de drainage.
Après avoir soigneusement repéré à la surface du sol le point situé à la verticale du centre du drain
conique, on y pose une épaisse plaque de bois circulaire qui servira de guide à un cylindre en tôle galva-
nisée (2 m X l m X 10/10 mm). Pour enfoncer ce cylindre jusqu'au drain, on dégage une couronne
de sol autour du futur monolithe sur 10 cm d'épaisseur au maximum; puis on enfonce, en force, le
cylindre en frappant simultanément sur deux des huit ailerons (voir figures) opposés par couples et soudés
à 10 cm du bord inférieur du cylindre. On vérifie avec beaucoup de soin (surtout au début des opérations)
la verticalité du cylindre à l'aide d'un niveau.
Lorsque le cylindre vient buter contre le drain conique, on contrôle que celui-ci déborde bien d'au
moins 5 cm tout autour du cylindre, puis on les rend solidaires par un joint de goudron de route ordi·
naire (40/80) * coulé à chaud (épaisseur: 3 cm à 5 cm; largeur: 5 cm à 10 cm).
Si on constate un espace vide entre le cylindre et le monolithe de terre, on peut y couler du goudron
bouillant qui assurera un excellent contact tôle/terre .
• Le goudron reste souple et collant sous le climat d'Adiopodoumé : t O variant entre 20° C et 33° C.
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c) VARIANTE ET DISCUSSION
Le lysimètre cylindrique a une surface de 0,310 m 2 et un diamètre de 63 cm déterminé par la
dimension des tôles du commerce (et des soudures) : il permet l'usage d'un humidimètre à neutrons.
Des essais préliminaires ont montré qu'on ne peut envisager d'utiliser des diamètres plus petits
(45 cm et 30 cm) sans risque d'éboulement de la colonne monolithique et donc d'un certain remaniement.
De même, il est malaisé de mettre en place des cylindres de plus grande taille à cause de la difficulté
de creuser des fentes de taille suffisante pour loger le drain: d'ailleurs le prix de revient augmenterait
considérablement (soudure des tôles du commerce).
Sur sol sablo-argileux et en saison sèche, on a installé des lysimètres monolithiques à des profon-
deurs comprises entre 30 cm et 150 cm, mais nous croyons qu'on pourrait atteindre 2 m et 2,5 m dans
des sols plus argileux, donc plus cohérents.
Dans un premier stade, nous pensions pouvoir laisser libre la partie du sol soumise aux travaux
culturaux (les 20 cm à 30 cm supérieurs), quitte à poser sur le sol une colerette empêchant une accu-
mulation artificielle des eaux de ruissellement. L'hétérogénéité de la macroporosité du sol dans cet horizon
est malheureusement trop forte. Si l'on veut travailler en condition naturelle de grande culture, il faut donc
revenir après les travaux culturaux et ajouter une colerette qui rejoint le cylindre de drainage (soudure
éventuelle ou goudron chaud), car on ne peut espérer équilibrer parfaitement le bilan hydrique sans isoler
complètement le monolithe.
A Adiopodoumé, les essais d'irrigation sur sol au-delà de la capacité de rétention ont montré que les
eaux commencent à drainer vers l,50 m de profondeur trois heures après le début des essais et que les
eaux recueillies sont pratiquement limpides *. Un rendement de 80 % est atteint généralement au bout
de vingt-quatre heures mais il n'atteint 100 % que dix à quinze jours plus tard, le débit étant alors
extrêmement réduit.
Il semble donc qu'ici la barrière des interfaces sol-sable-drain soit levée car le monolithe pèse de
tout son poids (700 kg) sur le drain.
La méthode convient aussi bien pour les études quantitatives que qualitatives. De plus, elle est
facile à réaliser et à contrôler. L'inconvénient vient de ce qu'on a dû isoler complètement un monolithe de
volume relativement réduit et donc qu'on a détruit le système racinaire en place. Si cet inconvénient est
mineur pour les graminées et les plantes de petite taille, à racines fasciculées ou pivotantes, il n'en est pas
de même pour les arbres à racines traçantes.
D) APPLICATIONS
1) BILAN HYDRIQUE
La méthode des cases de drainage monolithiques permet de mesurer avec précision les eaux libres
de drainage à chaque horizon du sol. De plus, on peut évaluer l'évapotranspiration réelle, en saison sèche,
à l'aide d'un humidimètre à neutrons dont le tube d'accès est posé au centre du monolithe et, en saison des
pluies, par différenre entre la pluie et le drainage plus le ruissellement. En irrigant chaque jour, on
pourrait aussi établir l'ETP.
2) BILAN CHIMIQUE
L'analyse des eaux de drainage, à chaque niveau, permet d'établir un bilan chimique des pertes
en éléments solubles, en particulier en éléments fertilisants : on peut suivre la progression des engrais
dans le sol et sa lixiviation.
3) BILAN COLLOIDAL
Les eaux de drainage charrient, en suspension et en pseudo-solution, des colloïdes dont il est aisé de
mesurer l'importance à chaque niveau : on peut contrôler ainsi l'appauvrissement actuel, le lessivage
ou l'accumulation d'argile dans chaque horizon.
* Lorsque le sol a été reconstitué, le front d'eau atteint l,50 m au bout de cinq à six heures: les eaux sont troubles et jaunes
tandis qu'à cette profondeur elles sont légèrement blanches et opalescentes si le sol n'a pas été dérangé.
L'AGRONOMIE TROPICALE - 1085
% cumulé du volume
irrigué
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CONCLUSIONS
Les méthodes de mesure du drainage vertical décrites dans cette note ont pour principau~ avan-
tages de conserver la.macroporosité du sol en place et d'être peu dispensieuses (± 10.000 F CFA) et
faciles à réaliser.
La mise en place des· cases de drainage sur .monolithe a été réalisée non seulement. sur des sols
sablo-argileux (Adiopodoumé) mais aussi sur des sols graveleux à arène ferruginisée extrêmement dure
(Bouaké). .
Ces méthodes permettent une approche sérieuse des problèmes posés par l'évolution des sols sous
l'effet des eaux de drainage vertical sous les aspects quantitatifs et/ou qualitatifs.
Elles ont aussi leurs limites: ce sont de petites unités (mais ne vaut-il pas mieux de nombreuses
répétitions que de grandes unités puisque le sol est un matériau si hétérogène ?) et, comme tous les
lysimètres, elles n'échappent pas aux phénomènes peu connus qui se passent au niveau des plans de
discontinuités sol/lysimètre.
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S. Sei. Soc. Amer. Proe., Madison:' 32 : 1. p. 765-70 ;" n. p. 770-4•
. ' .. ·:ANNEXE .
RESUME. - Les auteurs décrivent deux méthodes peu onéreuses et faisant appel à des dispositifs
d'installation faciles pour mesurer le drainage vertical dans le sol en place. L'une consiste à installer un
casier drainant et l'autre à isoler un gros monolithe cylindrique (0 = 63 cm, hauteur 30 cm à 250 cm)
de sol en place par un cylindre en tôle mince rendu solidaire d'un cône drainant par un joint en goudron
coulé à chaud. D'une discussion sur les résultats obtenus sous irrigation se dégagent les avantages, les
inconvénients et certaines des applications de ces méthodes.