Étendre La Sécurité Sociale Aux Travailleurs Dans L'économie Informelle
Étendre La Sécurité Sociale Aux Travailleurs Dans L'économie Informelle
Étendre La Sécurité Sociale Aux Travailleurs Dans L'économie Informelle
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Également disponible en anglais: Extending social security to workers in the informal economy: Lessons from
international experience, ISBN: 978-92-2-034225-1 (imprimé), 978-92-2-034226-8 (pdf Web).
Également disponible en russe: Также издано на английском языке, ISBN: 978-92-2-032270-3 (pdf Web).
Également disponible en portuguais: Estender a segurança social aos trabalhadores da economia informal:
Ensinamentos obtidos a partir da experiência internacional, ISBN: 978-92-2-036523-6 (imprimé), 978-92-2-
036524-3 (pdf Web).
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2.1 Formuler des stratégies fondées sur une approche factuelle et participative 30
4.2.1 Quels sont les enjeux spécifiques de l’inclusion des travailleurs des micro
et petites entreprises dans le cadre de la législation nationale? 82
4.2.2 Comment les travailleurs des micro et petites entreprises peuvent-ils
être inclus dans la législation nationale? 83
4.2.3 Quels autres éléments faut-il prendre en compte pour inclure les travailleurs
des micro et petites entreprises dans les régimes de protection sociale? 86
5 Supprimer les obstacles administratifs: faciliter l’accès et simplifier les procédures 107
5.1 Quels sont les obstacles administratifs rencontrés par les travailleurs
et les employeurs dans l’économie informelle? 108
5.4.1 Réduire le nombre de pièces justificatives et simplifier les autres procédures 126
5.4.2 Faciliter la mobilité sur le marché du travail, assurer la portabilité
et la transférabilité des droits 128
5.4.3 Solutions informatiques coordonnées 129
5.4.4 Mécanismes intégrés de prestation de services (guichet unique) 131
6.1 Quels sont les principaux enjeux liés au recouvrement et au financement 140
6.1.1 Revenus faibles et capacité contributive limitée 140
6.1.2 Revenus irréguliers 141
6.1.3 Le défi de la double contribution 141
6.1.4 Employeurs multiples 141
6.1.5 Solutions envisageables 141
6.4 Subventionnement des cotisations pour les travailleurs dont les capacités
contributives sont insuffisantes 168
Références 215
Encadrés
Encadré 0.1. Comment se retrouver dans ce guide xix
Encadré 1.2. Part de la population couverte par au moins une prestation en espèces
de protection sociale, dernière année disponible (%) 3
Encadré 1.3. Les répercussions du COVID-19 sur les travailleurs dans l’économie informelle
et leurs familles 5
Encadré 1.5. Part de l’emploi informel dans l’emploi total, y compris et hors agriculture,
dernières données disponibles (%) 6
Encadré 1.6. Part de l’emploi informel dans l’emploi total, y compris et hors agriculture,
par sexe, dernières données disponibles 7
X Table des matières ix
Encadré 3.10. Informations en ligne pour les assurés sur l’assurance-maladie en Turquie 67
Encadré 3.12. Comment bâtir une culture de protection sociale, dont en santé ? 69
Encadré 3.13. Connaissances sur le monde des affaires et connaissances sur la sécurité sociale:
la sécurité sociale dans les programmes de formation à l’entrepreneuriat
et aux entreprises et outils connexes [TMP] 70
Encadré 3.15. Principes de bonne gouvernance dans les normes de l’OIT en matière de sécurité
sociale et autres normes internationales du travail 72
Encadré 3.16. Définir et comprendre le rôle des prestations de santé dans le contexte
d’une stratégie d’extension de la couverture à travers la formalisation 73
Encadré 3.17. Amélioration des services publics et renforcement de la confiance dans l’État
de Lagos, Nigéria 74
Encadré 3.20. Participation des représentants des employeurs et des travailleurs aux conseils
d’administration des institutions de sécurité sociale 76
Encadré 3.22. Accords de règlement nationaux pour les ajustements des pensions en Argentine 78
Encadré 4.2. Stratégie de la Jordanie pour étendre la sécurité sociale des travailleurs des petites
entreprises 84
Encadré 4.4. La situation des travailleurs domestiques et leurs droits tels que définis
dans les instruments internationaux 89
X Table des matières xi
Encadré 6.16. Transfert d’argent par téléphone portable du régime de retraite MBao
au Kenya [TI] 160
Encadré 6.17. Colombie: Adapter les niveaux de cotisation pour les travailleurs indépendants 165
Encadré 6.18. Maurice: Maintien des cotisations de retraite des chômeurs 166
Encadré 6.19. Cabo Verde: Suspension temporaire des cotisations 167
Encadré 6.20. Différencier l’étendue de la couverture des travailleurs occasionnels
en Indonésie 168
Encadré 6.21. Philippines: Subventionner les cotisations d'assurance-maladie 170
Encadré 6.22. Viet Nam: Rendre obligatoire la participation à l’assurance-maladie
et subventionner les cotisations à l’assurance-maladie 171
Encadré 6.23. Atteindre progressivement la couverture universelle grâce à une stratégie
de financement différenciée: le NHIS du Ghana 171
Encadré 6.24. Inde: Subventionner entièrement les cotisations d’assurance-maladie
pour les travailleurs domestiques 172
Encadré 6.25. Vers la couverture sanitaire universelle : les limites des programmes basés
uniquement sur le ciblage des pauvres 173
Encadré 6.26. Financements innovants pour la santé 173
Encadré 6.27. Chine: Subventionnement des cotisations d’assurance-retraite
pour les résidents ruraux et les résidents urbains non salariés 174
Encadré 6.28. Évaluation de la capacité contributive et de la volonté de cotiser: exemple
de la Zambie 177
Encadré 6.29. Enquêtes auprès de bénéficiaires de l’assurance-santé : l’ESIS en Inde 178
Encadré 6.30. Éléments clés d’une étude de faisabilité sur le financement d’un régime 180
Encadré 7.1. Orientations fournies par les recommandations nos 202 et 204 concernant
la conformité et les mesures incitatives 185
Encadré 7.2. Uruguay: Amélioration de l'inspection du travail pour
les travailleurs domestiques 190
Encadré 7.3. Costa Rica: Allouer des ressources aux inspections 192
Encadré 7.4. Utiliser des outils numériques pour renforcer l’application en Malaisie
et en Arabie saoudite 192
Encadré 7.5. Chine: Développement d'outils numériques pour promouvoir un mécanisme
efficace d'inspection du travail et de la sécurité sociale à Qingdao 193
Encadré 7.6. Colombie: Formulaire intégré pour le règlement des cotisations et registre
unique des cotisants 193
Encadré 7.7. Argentine: L’inspection intégrée du travail et de la sécurité sociale en tant
qu’élément des stratégies nationales de formalisation de l’emploi 194
Encadré 7.8. Chili: Intégrer l'information et le renforcement des capacités dans le dispositif
de sanctions 196
Encadré 7.9. Costa Rica: Programme de soutien aux petites et moyennes entreprises
- offrir des incitations non financières à la formalisation 198
Encadré 7.10. Avantages fiscaux pour favoriser la couverture sociale des travailleurs
domestiques en France et en Belgique 199
Encadré 7.11. Argentine: Promouvoir la création d'emplois dans l'économie formelle 200
Encadré 8.1. Appel à l’action du Partenariat mondial pour une protection sociale universelle
en vue d’atteindre les objectifs de développement durable (USP2030) 212
xiv X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Tableaux
Tableau 2.1: Aperçu des facteurs potentiels de non-couverture des différentes catégories
de travailleurs 44
Tableau 2.2: Avantages et inconvénients de la couverture obligatoire et volontaire
des régimes contributifs 50
Tableau 2.3: Forces et faiblesses des régimes contributifs et non contributifs
pour l’extension de la couverture de la sécurité sociale aux
travailleurs dans l’économie informelle 53
Tableau 5.1: Obstacles à l’accès à l’enregistrement et aux autres procédures
administratives et solutions envisageables 111
Tableau 5.2: Solutions pour l’extension des points d’accès physiques: avantages
et inconvénients 122
Tableau 6.1: Différentes options pour déterminer le niveau de cotisation: avantages
et inconvénients 143
Tableau 6.2: Catégories de cotisations dans le cadre des régimes de monotaxe
de l’Argentine, du Brésil et de l’Uruguay 150
Tableau 6.3: Approches pour faciliter les procédures de déclaration et de paiement 156
Tableau 6.4: Approches pour l’adaptation des périodes de paiement des cotisations 163
Listes de contrôle
Liste de contrôle 2.1: Assurer la participation de toutes les parties prenantes concernées
au dialogue national 35
Liste de contrôle 2.2: Identifier les lacunes en matière de protection sociale
chez les travailleurs dans l’économie informelle 36
Liste de contrôle 2.3: Matrice d’évaluation élargie pour l’identification des lacunes et des
obstacles à la couverture de la protection sociale des travailleurs dans
l’économie informelle 38
Liste de contrôle 2.4: Répondre aux besoins prioritaires 42
Liste de contrôle 2.5: Le rôle des régimes contributifs 47
Liste de contrôle 2.6: Le rôle des régimes et programmes non contributifs 48
Liste de contrôle 2.7: Réflexions sur l’extension d’un régime d’assurance sociale existant
à des groupes de population précédemment non couverts ou sur
l’introduction d’un nouveau régime d’assurance sociale 51
Liste de contrôle 2.8: Coordination des régimes et programmes de protection sociale,
y compris les régimes contributifs et non contributifs 57
Liste de contrôle 2.9: Refléter les priorités en matière d’extension dans l’examen
et le suivi réguliers du système de protection sociale 58
Liste de contrôle 3.1: Informer les travailleurs et les employeurs de leurs droits
et obligations en matière de protection sociale 67
Liste de contrôle 3.2 Informations individualisées sur les droits à la sécurité sociale 68
Liste de contrôle 3.3: Éduquer les jeunes sur la sécurité sociale et créer une culture
de la sécurité sociale 69
Liste de contrôle 3.4: «L’alphabétisation en matière de sécurité sociale» dans
les programmes d’entrepreneuriat et de développement
des entreprises 71
Liste de contrôle 3.5: Garantir des procédures administratives efficaces et efficientes 77
X Table des matières xv
Liste de contrôle 4.1: Considérations en vue d’inclure des employés des micro et petites
entreprises dans la législation en matière de sécurité sociale 86
Liste de contrôle 4.2: Considérations en vue d’inclure les travailleurs domestiques
dans la législation nationale 92
Liste de contrôle 4.3: Considérations en vue d’inclure les travailleurs agricoles
dans la législation nationale 97
Liste de contrôle 4.4: Éléments à prendre en compte pour inclure les travailleurs
indépendants dans la législation nationale 104
Liste de contrôle 5.1: Atteindre les travailleurs et les employeurs 115
Liste de contrôle 5.2: Extension des points d’accès physiques 122
Liste de contrôle 5.3: Points d’accès mobiles, en ligne et autres points d’accès
à distance 126
Liste de contrôle 5.4: Réduire le nombre de pièces justificatives et simplifier les procédures 128
Liste de contrôle 5.5: Prise en compte de la mobilité sur le marché du travail 129
Liste de contrôle 5.6: Solutions informatiques coordonnées 130
Liste de contrôle 5.7: Mécanismes intégrés de prestation de services 134
Liste de contrôle 5.8: Enregistrement collectif ou conventions d’assurance 137
Liste de contrôle 6.1: Principaux défis concernant les mécanismes de recouvrement
et de financement des cotisations 142
Liste de contrôle 6.2: Redéfinir le revenu de référence 145
Liste de contrôle 6.3: Catégories de cotisation 148
Liste de contrôle 6.4: Mécanismes simplifiés de paiement des cotisations et des impôts 153
Liste de contrôle 6.5: Autres revenus de référence pour déterminer les cotisations 155
Liste de contrôle 6.6: Faciliter le recouvrement des cotisations 161
Liste de contrôle 6.7: Cotisations d’assurance sociale unifiées 162
Liste de contrôle 6.8: Adapter les calendriers de recouvrement des cotisations
à la situation des travailleurs et des employeurs 164
Liste de contrôle 6.9: Adapter les calendriers de recouvrement des cotisations
à l’évolution de la situation du travailleur 166
Liste de contrôle 6.10: Garantir des cotisations continues grâce au soutien
du gouvernement 166
Liste de contrôle 6.11: Maintien des droits acquis pendant la suspension
temporaire de l’affiliation à l’assurance sociale 167
Liste de contrôle 6.12: Permettre de cotiser aux branches prioritaires
de la sécurité sociale 168
Liste de contrôle 6.13: Considérations concernant la viabilité financière
des régimes de protection socialeListe de contrôle 181
Liste de contrôle 7.1: Sensibilisation et développement de partenariats 189
Liste de contrôle 7.2: Cadre juridique de l’inspection du travail et de la sécurité sociale 191
Liste de contrôle 7.3: Garantir l’adéquation des ressources pour assurer le suivi
de la conformité 195
Liste de contrôle 7.4: Appliquer des sanctions constructives et adaptées 196
Liste de contrôle 7.5: Considérations au renforcement des incitations grâce aux liens
avec d’autres domaines politiques 201
xvi X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Objectifs
Pour la plupart des travailleurs dans l’économie informelle, l’absence de protection sociale est un défi non
seulement dans leur lutte quotidienne pour subvenir à leurs besoins, mais aussi dans leurs aspirations
à obtenir un travail décent, bénéficier de droits fondamentaux et vivre dans la dignité. Pour les sociétés
dans lesquelles ils vivent, l’absence de couverture de protection sociale entrave la croissance inclusive,
affaiblit la justice sociale et compromet la réalisation des droits de l’homme.
Les objectifs de développement durable (ODD) adoptés dans le Programme de développement durable
à l’horizon 2030 visent à mettre en œuvre des systèmes et des mesures de protection sociale appro-
priés pour tous, y compris des socles, et d’ici 2030 assurer une couverture substantielle des populations
pauvres et vulnérables (objectif 1.3). Outre son lien avec la réalisation de l’objectif 1 des ODD (pas de
pauvreté), la protection sociale contribue également à la réalisation des objectifs suivants: objectif 2 (faim
«zéro»); objectif 3 (bonne santé et bien-être); objectif 5 (égalité entre les sexes); objectif 8 (travail décent
et croissance économique); objectif 10 (inégalités réduites); et objectif 16 (paix, justice et institutions
efficaces) (BIT 2017e; Nations Unies 2017, 2018).
En outre, étendre la protection aux travailleurs qui ne sont pas encore couverts fait aussi partie des
recommandations de la Commission mondiale sur l’avenir du travail (2019) dans le cadre de l’approche de
l’avenir du travail centrée sur l’humain. Le renforcement des systèmes nationaux de protection sociale,
y compris les socles, pour couvrir les travailleurs dans toutes les formes d’emploi, dont le travail indé-
pendant, est un élément clé pour atteindre une couverture de protection sociale universelle, complète
et adéquate (BIT 2019i).
Plusieurs pays ont identifié l’extension de la protection sociale aux travailleurs non couverts comme l’une
de leurs principales priorités politiques afin de promouvoir le travail décent et faciliter les transitions
de l’économie informelle vers l’économie formelle (BIT 2019i). Certains pays ont accompli des progrès
impressionnants et étendu la couverture à de larges groupes de travailleurs et à la population en général.
Ces expériences, ainsi que de nombreuses recherches récentes, constituent un large socle de connais-
sances utile et inspirant pour d’autres pays. En outre, le cadre normatif international a été enrichi par
l’adoption récente, par l’Organisation internationale du travail (OIT), de deux nouvelles normes interna-
tionales du travail importantes : la recommandation sur les socles de protection sociale (no 202), 2012,
et la recommandation (no 204) sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, 2015
(BIT 2021c; BIT 2019g).
La crise du COVID-19 et son impact socio-économique ont mis en évidence la vulnérabilité des travail-
leuses et travailleurs dans l’économie informelle privés d’une couverture adéquate en matière de pro-
tection sociale (BIT 2020g; BIT 2020f). En l’absence de sécurité du revenu et d’un accès effectif aux soins
de santé, bon nombre de travailleurs dans l’économie informelle rencontrent de profondes difficultés
pour faire vivre et nourrir leur famille. Dans le même temps, ce sont les plus touchés par les mesures de
confinement visant à endiguer le virus, et les secteurs dans lesquels ils évoluent sont gravement affectés
(BIT 2020e). Bon nombre de travailleurs et unités économiques dans l’économie informelle ont perdu
une grosse partie, voire la totalité, de leurs revenus, et de nombreux travailleurs, en particulier ceux qui
opèrent dans l’espace public, sont très exposés aux risques sanitaires.
La crise du COVID-19 met en évidence l’urgence et la nécessité de mettre en place une couverture sociale
adéquate pour les travailleurs dans toutes les formes d’emploi, en fonction de leur situation et conformé-
ment aux normes internationales du travail. Si de nombreux gouvernements entreprennent des mesures
d’urgence et procèdent à l’extension de leurs régimes et programmes de protection sociale (BIT 2020b),
la plupart des mesures liées à la crise portent sur le court terme et, dans bien des cas, sont insuffisantes
pour répondre aux besoins urgents des travailleurs dans l’économie informelle (BIT 2020f). Au sortir de
xviii X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
la crise, ces mesures temporaires devront être transformées en mécanismes durables pour combler les
lacunes en matière de protection sociale et garantir ainsi la protection effective des travailleurs dans
tous les types d’emploi (BIT 2020f; BIT 2020g; BIT 2021a; BIT 2021b). Cela permettra non seulement de
garantir l’application d’une couverture universelle, mais aussi de faire en sorte que toutes les parties
contribuent équitablement au système de sécurité sociale. Ainsi, les pays seront mieux armés pour faire
face à l’impact des crises à l’avenir et pour promouvoir un avenir du travail centré sur l’humain (BIT 2020g;
BIT 2020f; Razavi et al. 2020) 1.
L’objectif principal de ce guide est de fournir aux décideurs politiques, aux organisations de travailleurs
et d’employeurs et à d’autres parties prenantes un outil pratique qui les aidera à développer des options
politiques viables pour relever les nombreux défis liés à l’extension de la protection sociale aux travail-
leurs dans l’économie informelle et faciliter les transitions vers l’économie formelle. Il vise à éliminer les
obstacles qui privent les travailleurs dans certaines formes d’emploi de toute forme de protection et à
encourager les transitions de l’économie informelle vers l’économie formelle. Ce guide sera particuliè-
rement pertinent dans le cadre de dialogues nationaux sur les politiques et les stratégies relatives à la
protection sociale.
Ce guide fournit des preuves sur les pratiques recommandées, les défis et les contraintes et aborde
un large éventail de sujets pertinents, notamment l’analyse des besoins, l’adaptation de la législation
nationale, les mécanismes de conformité et d’application, les procédures administratives, la concep-
tion des prestations, les barèmes de cotisation, la prestation de services et les mécanismes de suivi.
Reconnaissant l’hétérogénéité des réalités des travailleurs, le guide reflète les défis spécifiques et
les bonnes pratiques pour certains secteurs et certaines catégories de travailleurs (domestiques,
agricoles, indépendants, dans les micro et petites entreprises (MPE), etc.) et fournit des liens vers des
documents d’orientation plus spécifiques axés sur ces groupes. Certaines des mesures politiques
élaborées par les pays pour améliorer la couverture des travailleurs dans l’économie informelle et
des travailleurs dans des formes d’emploi atypiques donneront de précieuses indications sur la
manière d’étendre la couverture aux travailleurs dans de nouvelles formes d’emploi. Le guide sou-
ligne la nécessité de combiner des mécanismes contributifs (assurances sociales et autres formes)
avec des mécanismes non contributifs (financés par l’impôt) afin de parvenir à une couverture uni-
verselle de protection sociale.
Ce guide complète d’autres documents et outils élaborés par le BIT et d’autres organisations, tant sur
la protection sociale que sur la facilitation de la transition de l’économie informelle vers l’économie for-
melle. Des renvois aux outils pertinents mis au point par le BIT ou par des organisations partenaires sont
indiqués tout au long du document.
Avec cette première édition du guide, le BIT invite les lecteurs intéressés à faire part de leurs com-
mentaires et des expériences de leurs pays et à partager leurs outils pour compléter les futures
éditions.
Structure
Ce guide est organisé en huit chapitres, qui traitent des différents aspects de l’extension de la couver-
ture de protection sociale aux travailleurs dans l’économie informelle (voir encadré 0.1). Il commence
par une introduction, puis poursuit par l’identification des obstacles à l’extension de la couverture
(chapitre 1). Sont ensuite abordées les questions stratégiques clés de l’extension de la couverture et de
1 D
es informations et outils supplémentaires sur les mesures de protection sociale pour faire face à la crise du COVID-19
sont disponibles à cette adresse: https://www.social-protection.org/gimi/ShowWiki.action?id=62 &lang=FR.
X À propos de ce guide xix
3. Sensibilisation et confiance
4. Législation 8. Extension de la
2. Formuler couverture et mise
1. Introduction:
les stratégies en place de
défis 5. Accès et enregistrement
pour l’extension systèmes universels
et opportunités
de la de protection
6. Recouvrement et financement
couverture des cotisations sociale:
enseignements
7. Conformité et incitations tirés et perspectives
la mise en place de systèmes de protection sociale complets pour tous (chapitre 2). Il aborde ensuite
les obstacles spécifiques à l’extension de la couverture, comme suit: les obstacles liés à un manque
de sensibilisation et de confiance (chapitre 3); les obstacles juridiques (chapitre 4); les obstacles admi-
nistratifs (chapitre 5); les obstacles financiers (chapitre 6); et les obstacles liés aux insuffisances en
matière de conformité et de mesures incitatives (chapitre 7). Le guide se termine par un résumé des
enseignements tirés de l’expérience et une discussion sur les possibilités de renforcement de la pro-
tection sociale pour l’avenir du travail (chapitre 8).
X Des notes de synthèse portant sur des aspects spécifiques et des catégories spécifiques de travailleurs;
et
Un document évolutif
Ce guide est voué à évoluer. Vos commentaires et contributions sont les bienvenus, en particulier les
exemples précis, les retours d’expériences et les ressources spécifiques qui peuvent être utiles à d’autres.
Merci de bien vouloir nous transmettre vos suggestions par courrier électronique.
Contacts: socpro@ilo.org
Remerciements
Ce guide a été élaboré dans le cadre des travaux du BIT sur l’extension de la sécurité sociale et la facilita-
tion des transitions de l’économie informelle vers l’économie formelle sous la supervision de Shahrashoub
Razavi, directrice du Département de la protection sociale du BIT, d’Isabel Ortíz, ancienne directrice, et
de Valérie Schmitt, directrice adjointe. Ce document a été rédigé en collaboration étroite avec l’équipe
chargée des résultats sur la promotion des transitions de l’économie informelle vers l’économie for-
melle sous la direction de Philippe Marcadent, responsable du Service des marchés du travail inclusifs,
des relations professionnelles et des conditions de travail, Département des conditions de travail et de
l’égalité du BIT.
La production de ce guide s’est étalée sur plusieurs années. Il est le fruit d’un travail d’équipe intense.
Christina Behrendt, Quynh Anh Nguyen et Alix Machiels du Département de la protection sociale ont
été responsables de la finalisation du document et se sont appuyées sur les contributions des anciens
membres de l’équipe, Katharina Diekmann, Greta Cartoceti, Benedetta Ottavio, Jahnavi Sen et Ippei
Tsuruga.
Bien d’autres, au sein même du BIT ou à l’extérieur, ont participé à ces travaux grâce à leurs contributions,
leurs commentaires et leurs échanges: Andrés Acuña Ulate, Laura Addati, Laura Alfers, Samuel Asfaha,
Adam Dramane Batchabi, Janine Berg, Fabio Bertranou, Florence Bonnet, Paolo Carlini, Juán Chacaltana,
Luis Cotinguiba, Charles Crevier, Nuno Cunha, Sukti Dasgupta, Coumba Diop, Fabio Durán Valverde, Simel
Esim, Abalo Essodina, Luis Frota, Victoria Giroud-Castiella, Damian Grimshaw, Claire Harasty, Susan Hayter,
Farid Hegazy, Claire Hobden, Frank Hoffer, Aurore Iradukunda, Charles Knox-Vydmanov, Alexandre Kolev,
Frédéric Lapeyre, Dominique La Salle, Sangheon Lee, Vicky Leung, Margherita Licata, Maikel Lieuw-Kie-
Song, Christine Lohse, Mathilde Mailfert, Kroum Markov, Patience Matandiko, Shea McClanahan, Guillermo
Montt, Lisa Morgan, Rachel Moussié, Taneem Muzaffar, Martin Oelz, Ian Orton, Karin Pape, Luca Pellerano,
Céline Peyron-Bista, Marielle Phe Goursat, André Picard, Ariel Pino, Joaquim Pintado Nunes, Betina Ramírez
López, Uma Rani, Caroline O’Reilly, Michael Rose, Costas Stavrakis, Maya Stern Plaza, Lou Tessier, Manuela
Tomei, Stefan Tromel, Mito Tsukamoto, Stefan Urban, Judith van Doorn, Thibault van Langenhove, Sergio
Velasco, Bart Verstraeten, Marieke Wagenhäuser, Veronika Wodsak, Brigitte Zug, ainsi que les participants
aux différents cours organisés par le Centre international de formation de l’OIT.
Nous remercions chaleureusement le gouvernement français pour son soutien à l’élaboration de ce
guide.
X1
Introduction
Défis et possibilités en matière d’extension de la sécurité sociale aux
travailleurs dans l’économie informelle et de promotion de leur transition
vers l’économie formelle
X Key questions
X Questions clés
X Quels sont les obstacles privant les travailleurs dans l’économie informelle d’une couverture de
sécurité sociale?
X Comment l’extension de la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs non couverts peut-elle
améliorer leur situation à court et moyen termes?
X Comment l’extension de la couverture de la protection sociale peut-elle contribuer à faciliter la
transition de l’économie informelle vers l’économie formelle?
X Messages clés
X Dans les pays en développement, l’emploi informel représente pour de nombreuses personnes une
possibilité de subvenir à leurs besoins et de répondre à des besoins essentiels. En fait, l’économie
informelle est une bouée de sauvetage pour les personnes qui ne trouvent pas d’emploi dans
l’économie formelle et sont obligées de recourir à l’emploi salarié informel, au travail indépendant
ou à des activités alternatives pour survivre.
X Cependant, la persistance, voire la croissance de l’économie informelle (souvent liée à une faible
productivité, à des déficits de travail décent persistants, à des travailleurs qui vivent dans la pauvreté
et à des inégalités excessives) exige d’accorder une attention urgente au double défi consistant à
étendre la protection aux travailleurs dans l’économie informelle et à faciliter leur transition vers
l’économie formelle. Une attention particulière doit être accordée aux personnes opérant dans les
segments les plus vulnérables de l’emploi informel.
X Les obstacles à la couverture de la protection sociale des travailleurs dans l’économie informelle
comprennent: l’exclusion de la couverture juridique; les coûts et des modalités de financement
inadéquates; des procédures administratives complexes et lourdes; un manque d’application et de
contrôle; un manque d’information, de sensibilisation et de confiance; un manque de représentation
et d’organisation; et un manque de coordination et d’intégration entre les politiques de protection
sociale et les institutions connexes, mais aussi entre les politiques de protection sociale.
X Il convient de veiller particulièrement à ce que les stratégies d’extension abordent et promeuvent
les questions d’égalité hommes-femmes et d’autonomisation des femmes.
X Pour faciliter la transition vers la formalité, l’OIT a adopté une stratégie intégrée de promotion
du travail décent visant à stimuler l’emploi, à améliorer la couverture de la protection sociale, à
renforcer le dialogue social et à réaliser les droits fondamentaux au travail.
1 L
e droit de l’homme à la sécurité sociale est ancré dans l’article 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et
l’article 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966); cette dernière disposition fait référence
au «droit de chacun à la sécurité sociale, y compris aux assurances sociales» (BIT 2017e; BIT 2021c).
2 I l existe différentes définitions des termes «protection sociale» et «sécurité sociale». L’OIT utilise généralement ces deux
termes de manière interchangeable pour désigner l’ensemble des politiques et programmes conçus pour réduire et
prévenir la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion sociale tout au long du cycle de vie. Les systèmes de protection sociale
couvrent un large éventail de domaines politiques, y compris les prestations familiales, les prestations de maternité, de
chômage, en cas d’accident du travail, de maladie, la protection de la santé (soins médicaux), les prestations en cas d’inva-
lidité, de vieillesse et les pensions de survivants (BIT 2017e, pp. 194-195).
X Chapitre 1: Introduction 3
un énorme défi non seulement pour leur bien-être individuel et leur capacité à bénéficier de droits fon-
damentaux, y compris du droit à la sécurité sociale, mais aussi pour le développement économique et
social de leur pays (BIT 2017e; OCDE et BIT 2019; RNSF 2017).
Encadré 1.2. Part de la population couverte par au moins une prestation en espèces
de protection sociale, dernière année disponible (%)
Moins de 20 % De 60 % à moins de 80 %
De 20 % à moins de 40 % Plus de 80 %
Source: Base de données mondiale sur la protection sociale, d’après des données de l’enquête du BIT sur la sécurité sociale, de l’OCDE et d’ILOSTAT.
4 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Le manque de protection sociale des travailleurs dans l’emploi informel entrave considérablement les
progrès vers la réalisation des ODD d’ici 2030, en particulier: l’objectif 1 sur l’élimination de la pauvreté;
l’objectif 2 sur l’élimination de la faim; l’objectif 3 sur la garantie d’une vie saine et la promotion du bien-
être; l’objectif 5 sur la réalisation de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles;
l’objectif 8 sur la promotion d’une croissance économique soutenue, inclusive et durable, le plein emploi
productif et le travail décent; l’objectif 10 sur la réduction des inégalités; et l’objectif 16 sur la promotion
de la paix, de la justice et des institutions solides (OIT 2017e; 2019i) .
Le manque de protection sociale des travailleurs informels est généralement associé à l’absence de cou-
verture par l’intermédiaire de mécanismes contributifs (assurance sociale et autres régimes contributifs).
En fait, une grande partie (mais pas la totalité) des travailleurs dans l’économie informelle ne disposent
pas d’une capacité contributive suffisante pour verser régulièrement des cotisations. En effet, ils ren-
contrent parfois des difficultés pour répondre aux exigences administratives ou ne sont tout simplement
pas couverts par la législation applicable. En outre, les dispositions financières et administratives des
régimes d’assurance sociale ne sont pas toujours adaptées aux besoins et aux capacités des travailleurs
indépendants et d’autres catégories de travailleurs.
Les travailleurs dans l’économie informelle ont également du mal à accéder aux mécanismes de
protection sociale ciblant les personnes pauvres. Les conditions de ressources peuvent constituer
des facteurs d’exclusion pour certains travailleurs possédant certains biens ou jugés «pas assez
pauvres», de même que des programmes ciblant les ménages avec un potentiel de revenu très limité
ou inexistant. Cependant, des programmes financés par l’impôt plus universels, tels que ceux qui
offrent des prestations familiales, des pensions sociales ou des prestations d’invalidité en tant que
droit individuel, peuvent bénéficier aux travailleurs dans l’économie informelle et à leurs familles,
contribuer au revenu des ménages de manière prévisible et permettre à leurs familles de planifier
leur avenir.
La crise du COVID-19 a révélé les conséquences inquiétantes des lacunes en matière de protec-
tion sociale pour les travailleurs dans l'économie informelle et leurs familles (BIT 2020g; BIT 2020f)
(voir Encadré 1‑3). L'absence de protection sociale pour les travailleurs dans l'économie informelle et
leurs familles les rend particulièrement vulnérables aux chocs, puisqu'ils ne peuvent généralement
compter ni sur la protection fournie par l'assurance sociale ni sur des régimes d'assistance sociale
ciblant les personnes pauvres.
Dans bien des pays, les deux principaux types de régimes de sécurité sociale sont: a) les assurances
sociales et autres dispositions contributives pour les personnes opérant dans l’économie formelle; et
b) l’assistance sociale ciblée sur la pauvreté ou les «programmes de filets de sécurité» pour les per-
sonnes pauvres. Les travailleurs dans l’économie informelle sont généralement exclus des deux types
de couverture, qui sont réservés aux personnes exerçant un emploi formel et aux personnes pauvres.
Ce manque de protection a été qualifié de «maillon manquant» (voir encadré 1.4).
L’exclusion des travailleurs dans l’économie informelle de la protection sociale constitue un véritable
enjeu pour le développement économique et social (voir encadré 1.1 pour les définitions), étant donné
que l’emploi informel dans de nombreux pays représente la majeure partie de la main-d’œuvre (parfois
plus 80 pour cent de l’emploi total). Par exemple, en Inde, 88 pour cent des hommes et 90 pour cent des
femmes qui travaillent ont un emploi informel, tandis que dans la plupart des pays d’Afrique subsaha-
rienne, la grande majorité des travailleurs occupe un emploi informel (plus de 75 pour cent dans des
emplois non agricoles et plus de 90 pour cent occupent dans un emploi informel) (BIT 2019i; voir encadré
1.5 et encadré 1.6).
Alors que certains pays ont réalisé de grands progrès dans la création d’emplois plus formels, dans
d’autres pays l’emploi informel s’est développé en raison de divers facteurs, notamment les modifica-
tions structurelles du marché du travail; l’évolution de l’environnement réglementaire; et les phases de
ralentissement et de reprise économiques BIT 2013c; BIT 2019i).
X Chapitre 1: Introduction 5
X Encadré 1.3. Les répercussions du COVID-19 sur les travailleurs dans l'économie
informelle et leurs familles
Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sont désastreuses pour de nombreux travailleurs dans
l'économie informelle et leurs familles, en particulier les femmes et les personnes déjà vulnérables,
notamment les personnes invalides et les travailleurs migrants. D'après l'OIT, près de 1,6 milliard de
travailleurs informels seraient touchés par les mesures de confinement visant à endiguer la propaga-
tion du virus ou opéreraient dans les secteurs les plus durement touchés.
Plus la crise avance, plus les travailleurs de l'économie informelle sont en première ligne et donc davan-
tage exposés aux risques sanitaires. Sans soutien exceptionnel, la plupart des travailleurs de l'économie
informelle ne peuvent accéder à des prestations de maladie, ce qui augmente le risque de pauvreté,
qui est encore plus marqué dans les pays dont le système de protection sociale ne garantit pas l'accès
universel à des soins de santé adéquats.
En outre, avec les mesures de confinement mises en place pour contenir le virus, de nombreux travail-
leurs ont perdu une grosse partie, voire la totalité de leurs revenus. Les travailleurs des secteurs forte-
ment touchés (commerce de gros et de détail, hébergement, restauration, industrie manufacturière),
ont déjà subi des pertes de revenus importantes ou perdu leur emploi, les femmes étant surreprésen-
tées dans les secteurs les plus durement touchés (BIT 2020c; BIT 2020d; BIT 2020e). En l'absence de
sources de revenus alternatives, un nombre croissant de travailleurs s'enfoncera encore davantage
dans la pauvreté (BIT 2020e).
100
88
85
80
Pourcentage
68
62 88 85
55
47 68 80
55
30
30 20
20
15
15
0
Monde Pays à faible Pays à revenu Pays à revenu Pays à revenu
revenu intermédiaire intermédiaire élevé
Emploi total inférieur supérieur
Plusieurs facteurs qui maintiennent les travailleurs dans l’économie informelle ont été identifiés (voir
ci-après):
X Malgré des taux de croissance élevés et l’industrialisation parfois rapide des économies émergentes,
les marchés du travail ne sont pas en mesure d’absorber le nombre de demandeurs d’emploi dans
des emplois productifs, en particulier là où les secteurs de la manufacture et des services offrent de
mauvaises conditions de travail.
X Une législation du travail inadéquate, des réglementations onéreuses, une bureaucratie inefficace et
des coûts élevés de transition peuvent augmenter les coûts d’exploitation pour les entreprises et les
travailleurs indépendants et décourager leur participation à l’économie formelle.
X Les fortes pressions concurrentielles obligent les entreprises à embaucher des travailleurs au moyen de
contrats temporaires ou occasionnels qui ne garantissent ni la sécurité sociale ni la sécurité du revenu.
6 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Encadré 1.4. Lacunes en matière de couverture pour les personnes opérant dans
l’économie informelle: représentation schématique d’un pays à faible revenu
ou à revenu intermédiaire inférieur
Niveau de protection
Population
Encadré 1.5. Part de l’emploi informel dans l’emploi total, y compris et hors
agriculture, dernières données disponibles (%)
Moins de 20 %
De 20 % à 49 %
De 50 % à 74 %
De 75 % à 89 %
90 % et plus
Moins de 20 %
De 20 % à 49 %
De 50 % à 74 %
De 75 % à 89 %
90 % et plus
Encadré 1.6. Part de l’emploi informel dans l’emploi total, y compris et hors agriculture,
par sexe, dernières données disponibles
Afrique
Amériques
Hommes
Monde
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Afrique
Amériques
Hommes
Monde
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
X La mondialisation ainsi qu’une réduction des coûts et des obstacles dans le domaine du commerce
ont incité les entreprises à réaffecter des parties de leur chaîne d’approvisionnement et de production
dans les pays où les coûts de fabrication et de main-d’œuvre sont plus faibles, mais cette délocalisation
est souvent associée à des conditions de travail précaires et dangereuses (BIT 2016a).
X Les crises économiques réduisent généralement le nombre d’emplois formels et l’emploi informel
reste la seule solution pour les personnes privées d’emploi d’assurer leurs moyens de subsistance,
souvent par le travail indépendant. La reprise économique est rarement associée à une reprise
complète de l’emploi (formel) (BIT 2017e; BIT 2014i).
8 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Employés
Bas Haut Principalement
des hommes
Travailleurs salariés
informels (réguliers)
X Une certaine méfiance à l’égard de l’État et des pouvoirs publics peut dissuader les entreprises et les
travailleurs d’opérer dans l’économie formelle et de s’enregistrer auprès des services fiscaux (Van Elk
et al. 2014).
L’emploi informel est étroitement lié aux modèles d’emploi sexospécifiques et est associé à des disparités
hommes-femmes dans l’accès à l’éducation, à la formation professionnelle, à la propriété, aux actifs et
aux droits et au fait que les responsabilités en matière de soins sont principalement assumées par les
femmes dans la plupart des sociétés (Holmes et Scott 2016). Dans bien des cas, ces inégalités sont liées à
la discrimination et aux stéréotypes de genre. Ces facteurs contribuent au fait que les femmes sont plus
susceptibles de se retrouver dans un emploi informel que les hommes dans la plupart des régions du
monde. En outre, les femmes sont plus susceptibles de se retrouver dans des formes d’emploi informel
plus vulnérables et moins bien rémunérées et d’occuper des postes de travailleuses à domicile et d’aides
familiales non rémunérées, etc. (Lund 2012; voir encadré 1.7).
Compte tenu de la position particulièrement vulnérable des femmes dans l’économie informelle, leur
situation doit être prise en compte de manière spécifique, étant donné qu’elles ont généralement des
revenus inférieurs à ceux des hommes et ont un accès plus limité aux ressources économiques, aux
actifs, aux services et aux technologies.
Encadré 1.8. Quels sont les liens entre la protection sociale et l’emploi?
Le lien le plus significatif entre l’emploi et la protection sociale concerne les prestations liées à un contrat
avec un employeur spécifique, en vertu de la législation nationale du travail ou de la sécurité sociale
ou versées par les employeurs sur la base du volontariat. Citons par exemple la responsabilité des
employeurs pour le congé de maternité rémunéré; le congé maladie ou l’indemnisation en cas d’ac-
cident du travail; l’indemnité de licenciement; l’assurance-maladie ou l’assurance-retraite fournies par
l’employeur. Ces prestations ne peuvent être accordées qu’à la main-d’œuvre permanente d’une entre-
prise et, les droits aux prestations étant liés à un contrat de travail spécifique, ces prestations ne sont
souvent pas transférables. Du fait de ces limitations, les normes de l’OIT relatives à la sécurité sociale
recommandent généralement le recours à d’autres solutions, telles que l’assurance sociale.
La couverture d’assurance sociale n’est pas liée à un contrat de travail spécifique, mais à la participation
à un type d’emploi (couvert) 3. Dans la plupart des pays, l’assurance sociale couvre les travailleurs salariés
(sous réserve de certains seuils minimaux) 4. En outre, de nombreux pays couvrent également les tra-
vailleurs indépendants et d’autres catégories de travailleurs non-salariés dans leurs régimes d’assurance
sociale grâce à des mécanismes adaptés, et élargissent ainsi la couverture au-delà des employés. Cette
couverture de l’assurance sociale élargie aux travailleurs de tous les types d’emploi facilite la mobilité
sur le marché du travail tout en garantissant une couverture continue. La plupart des pays utilisent
la couverture d’assurance sociale pour plusieurs risques et éventualités suivants ou pour l’ensemble
d’entre eux: maternité, maladie, invalidité, accidents du travail, chômage, vieillesse, assurance-maladie et,
dans certains cas, prestations familiales. De nombreux pays garantissent aussi une couverture continue
3 C
ela implique que – contrairement aux formes de protection liées à un employeur spécifique – les travailleurs qui passent d’un
emploi à un autre sont toujours couverts par l’assurance sociale tant qu’ils remplissent les conditions fixées par la législation en
matière de sécurité sociale. Bien que certaines publications sur ce sujet supposent à tort que l’assurance sociale ne couvre que les
travailleurs bénéficiant de «relations de travail typiques», de nombreux travailleurs occupant des formes atypiques d’emploi sont
également couverts. Pour plus de précisions, voir BIT 2016e, pp. 299-307.
4 C
es seuils minimaux concernent généralement le nombre d’heures travaillées, la durée de l’emploi ou le salaire et peuvent conduire
à l’exclusion de certaines catégories de travailleurs temporaires ou à temps partiel, ce qui affecte le plus souvent les travailleurs
occasionnels ou l’emploi marginal à temps partiel (BIT 2016e, pp. 299-307).
10 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
100
Proportion de la population en âge de travailler
90
cotisant à un régime de retraite (%)
80
70
60
50
40
30
20
10
0
0 20 40 60 80 100
pendant les périodes de non-emploi, notamment pendant les périodes de chômage, de prise en charge
d’un membre de la famille ou de participation à des activités de formation.
D’autres mécanismes contributifs sont aussi directement ou indirectement liés à l’emploi. Pratiquement
tous les mécanismes de protection sociale contributifs, y compris les régimes privés d’assurance ou
d’épargne, sont indirectement liés à l’emploi dans le sens où le paiement des cotisations nécessite un
flux régulier de revenus provenant généralement d’une activité économique lucrative quelconque (BIT
2016e; BIT 2017a). Pour certains types de prestations, il existe un lien plus direct, comme dans les régimes
professionnels (par exemple, les pensions professionnelles) ou les régimes d’assurance collective pour
certaines catégories de travailleurs (par exemple, pour les membres d’une coopérative de producteurs
ou de travailleurs).
Dans le cas des régimes non contributifs financés par la fiscalité générale et d’autres sources, il n’y a
généralement pas de lien direct avec l’emploi au niveau individuel (en fait, il peut y avoir un lien négatif
dans le sens où les prestations ne sont accordées qu’aux personnes sans emploi). Cependant, il existe
un lien important au niveau macroéconomique, car l’espace budgétaire nécessaire pour fournir de telles
prestations dépend de recettes publiques suffisantes, en particulier d’une assiette fiscale suffisamment
large.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la couverture de la protection sociale soit plus élevée dans
les pays où la proportion de travailleurs salariés est plus élevée (voir Encadré 1‑9). Pourtant, les pays enre-
gistrant des niveaux similaires d’emploi salarié ont adopté d’autres approches en matière de couverture
de la protection sociale, ce qui suggère que d’autres facteurs politiques jouent également un rôle majeur
dans la définition des résultats.
X Chapitre 1: Introduction 11
Employeurs
Travailleurs domestiques
2000
2013
Total de travailleurs salariés
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Employeurs
Travailleurs domestiques
2000
2013
Total de travailleurs salariés
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Pensions (%)
Source: D’après BIT 2014b.
Dans de nombreux pays en développement, les travailleurs salariés formels ne représentent qu’une
petite partie de la population active. Par conséquent, certaines catégories de travailleurs sont générale-
ment insuffisamment couvertes, voire pas du tout, soit parce qu’elles sont exclues du champ d’applica-
tion de la législation nationale, soit parce que la législation n’est pas pleinement appliquée pour diverses
raisons. Cela concerne notamment les travailleurs domestiques, les travailleurs agricoles et certaines
catégories de travailleurs migrants, ainsi que les travailleurs des MPE dans certains pays (BIT 2013c; BIT
2019i). Les travailleurs indépendants, y compris les travailleurs à leur propre compte qui, dans certains
pays, constituent la majorité de la population active, sont eux aussi généralement peu ou pas couverts.
La couverture de ces catégories de travailleurs nécessite non seulement une extension de la couverture
juridique, mais également la mise en place de mesures supplémentaires pour garantir l’adaptation des
mécanismes de protection sociale à leur situation (voir en particulier chapitres 5 et 6).
12 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Du côté positif, de grands progrès ont été réalisés pour étendre la couverture de la protection sociale aux
travailleurs qui n’étaient jusque-là pas couverts dans de nombreuses régions du monde. Par exemple, en
Amérique latine, la couverture santé et retraite a considérablement augmenté pour diverses catégories
de travailleurs (voir encadré 1.10 et BIT 2018b), y compris pour certaines qui sont notoirement difficiles
à couvrir. Par exemple, entre 2000 et 2013, les taux de couverture des pensions sont passés de 29 pour
cent à 44 pour cent pour les travailleurs des petites entreprises et de 24 pour cent à 39 pour cent pour
les travailleurs domestiques. De même, parmi les travailleurs indépendants, la couverture est passée de
18 à 33 pour cent pour les travailleurs à leur propre compte et les travailleurs familiaux aidants et de 46 à
65 pour cent pour les employeurs. La couverture de la protection de la santé a aussi enregistré une nette
augmentation au cours de cette période.
Cependant, malgré l’avancée considérable de l’extension de la couverture entre 2000 et 2013, la cou-
verture de la protection sociale pour les travailleurs indépendants et les travailleurs familiaux aidants,
les travailleurs domestiques et les travailleurs dans les entreprises comptant jusqu’à 5 travailleurs est
toujours insuffisante comparée à celle des autres catégories de travailleurs.
5 L
es travailleurs sans relation de travail identifiable peuvent inclure les travailleurs indépendants, y compris les travailleurs
à leur propre compte; les membres de la famille de l’entrepreneur ou du propriétaire de l’entreprise (travailleurs familiaux
aidants); les membres de coopératives de producteurs; et, dans certains pays, les personnes exerçant une activité à carac-
tère religieux. La recommandation (no 198) sur la relation de travail, 2006, de l’OIT appelle à la formulation et à l’applica-
tion de politiques nationales «visant à examiner à intervalles appropriés et, si nécessaire, à clarifier et adapter le champ
d’application de la législation pertinente, afin de garantir une protection efficace aux travailleurs qui exercent leur activité
dans le cadre d’une relation de travail» (paragraphe 1), notamment en ce qui concerne l’identification et la lutte contre les
relations de travail déguisées.
X Chapitre 1: Introduction 13
ainsi que sur la santé, l’éducation et les soins. Par exemple, le non-enregistrement des entreprises com-
plique nécessairement la couverture de la protection sociale des travailleurs. Le manque d’intégration et
de cohérence des politiques, tant au sein des institutions de protection sociale qu’entre les institutions
de protection sociale et d’autres domaines politiques, se traduit souvent par des lacunes en matière de
couverture et d’adéquation, des doubles emplois, des inefficacités et des mesures incitatives faussées
(BIT 2019j, pp.35).
la productivité se traduit par de meilleures performances financières, ce qui permet aux entreprises:
de conserver et d’embaucher un plus grand nombre de travailleurs; d’investir dans des machines et
de l’équipement, dans la recherche et le développement de l’innovation et dans le développement des
compétences des travailleurs; d’améliorer les conditions de travail; et d’accroître la production de biens
et de services.
L’assurance sociale est un instrument important de mutualisation des risques financiers des entreprises,
notamment pour couvrir les risques d’accidents du travail (indemnisation des accidents du travail), de
maternité (congé de maternité rémunéré) et de licenciement (indemnités de licenciement). Lorsque les
employeurs peuvent s’appuyer sur des mécanismes d’assurance sociale plutôt que d’assumer individuel-
lement la responsabilité de l’indemnisation des travailleurs (responsabilité de l’employeur), ils peuvent
mieux planifier et gérer les flux financiers et mieux anticiper les risques. Pour cette raison, l’assurance
sociale présente de sérieux avantages pour les employeurs, notamment les prestations de maternité,
l’assurance contre les accidents du travail et l’assurance-chômage (BIT 2017e; Kuddo, Robalino et Weber
2015).
Garantir une couverture complète en matière de protection sociale aux travailleurs est donc judicieux sur
le plan commercial, car elle contribue au renforcement de la productivité et de la compétitivité du travail
et offre davantage de perspectives commerciales. En outre, la conformité améliore l’accès aux services
financiers et aux services d’assurance, aux services aux entreprises, aux marchés publics, à l’exécution
des contrats commerciaux et à la protection des droits de propriété (Van Elk et al. 2014).
Dans bien des pays, l’extension de la couverture aux personnes opérant dans l’économie informelle se
fait grâce à une combinaison de régimes contributifs (assurance sociale) et non contributifs (impôts).
Grâce à l’extension des mécanismes d’assurance sociale à de plus grands groupes de travailleurs qui
n’étaient pas couverts auparavant, il est possible d’obtenir un meilleur financement combiné pour le sys-
tème de protection sociale en mobilisant des sources de financement supplémentaires auprès de catégo-
ries de travailleurs qui appartenaient au secteur informel (à condition qu’ils aient la capacité contributive
nécessaire). Ainsi, les pressions sur les prestations d’aide sociale financées par l’impôt sont réduites.
Cette extension peut également favoriser une répartition plus équitable de la charge du financement
du système de protection sociale par les cotisations et les impôts entre les personnes ayant une capacité
contributive, et garantir que la conformité des cotisations et des impôts avec les capacités contributives
(BIT 2013c). Enfin, cette extension contribuera à la durabilité et l’adéquation du système de protection
sociale à long terme (BIT 2017e).
Plus généralement, des niveaux de formalité plus élevés contribuent également à élargir l’assiette
fiscale disponible pour les investissements publics dans le développement économique et humain. Ils
permettront également d’accroître la capacité à générer des revenus et la compétitivité internationale
des États grâce à une meilleure productivité des travailleurs et des entreprises, d’élargir les perspec-
tives d’emploi, d’améliorer la répartition des revenus et de stimuler la croissance inclusive. L’extension
de la couverture de la protection sociale contribue donc à l’amélioration du fonctionnement des mar-
chés du travail et au renforcement de la capacité économique et de la stabilité macroéconomique à
l’échelle nationale.
X Chapitre 1: Introduction 17
X Encadré 1.11. Comment les travailleurs, les employeurs et les sociétés en général
bénéficient-ils de l’extension de la couverture de protection sociale?
L’extension de la protection sociale aux travailleurs dans l’économie informelle permet de relever de
gros défis et contribue au développement durable. Les vidéos suivantes publiées sur YouTube par le
BIT montrent le point de vue des travailleurs, des employeurs et des gouvernements, chacun étant axé
sur un secteur spécifique de l’économie:
1.5.1
Étendre la couverture de la sécurité sociale et faciliter la
transition vers l’économie formelle: une approche à deux volets
Des exemples concrets d’extension de la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs dans l’éco-
nomie informelle ont mis en avant deux grandes démarches stratégiques.
Dans bien des pays, l’extension de la sécurité sociale à des groupes plus larges de la population a suivi
une méthode qui pourrait être qualifiée «d’extension de la protection sociale par voie de formalisa-
tion», principalement axée sur les mécanismes de protection sociale existants (assurance sociale, voire
mutuelles et autres microassurances communautaires). Dans le cadre de cette approche, la priorité est
accordée à des groupes spécifiques de travailleurs qui sont déjà proches de l’économie formelle, ont une
certaine capacité contributive et pouvant donc être assez facilement couverts par des mécanismes de
protection sociale basés sur l’emploi. Dans bien des cas, la stratégie d’extension comprend non seule-
ment une modification de la législation, mais aussi l’adoption de mesures visant à éliminer les obstacles
administratifs aux cotisations en facilitant les processus administratifs et en adaptant les taux de coti-
sation et les paniers de prestations. Quelques exemples: l’inclusion des travailleurs domestiques dans
l’assurance-maternité et l’assurance-chômage (Afrique du Sud); la création de mutuelles ou mutuelles
sectorielles/professionnelles (Sénégal); la facilitation de l’enregistrement et du recouvrement des impôts
et des cotisations grâce au mécanisme de monotaxe (Argentine, Uruguay); et l’inclusion des travailleurs
indépendants dans les régimes d’assurance sociale (Algérie).
Dans d’autres pays, l’extension de la sécurité sociale à des groupes plus larges de la population s’est
poursuivie par une extension à grande échelle de mécanismes de protection sociale non contributifs
à des groupes précédemment non couverts, indépendamment de leur statut d’emploi et largement
financés par les recettes publiques provenant des impôts, des revenus issus des ressources minières ou
des subventions externes. Cette approche pourrait être qualifiée «d’extension de la protection sociale
18 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Extension
Extension
Population
indépendamment du statut», et part du principe qu’investir dans l’humain avec la protection sociale
favorise l’accès des travailleurs à la santé et à l’éducation, améliore leur sécurité de revenu et leur permet
de prendre de plus grands risques, et ainsi d’accroître la productivité la formalisation de l’emploi à moyen
et à long terme. Quelques exemples: l’introduction et l’élargissement de programmes de transferts en
espèces pour les enfants et les familles (Brésil, Mexique, Mongolie), les personnes handicapées (Afrique
du Sud) et les personnes âgées (pensions sociales – Afrique du Sud, Lesotho, Maurice, Namibie, Népal,
Timor Leste), ainsi que des services nationaux de santé.
Ces deux approches essentielles visant à combler les lacunes en matière de couverture de la protection
sociale peuvent être illustrées de manière schématique. Créé à partir de l’encadré 1.4, l’encadré 1.12
illustre ces deux approches:
X Protéger les travailleurs non couverts grâce aux régimes de protection sociale existants ou mettre en
place de nouveaux régimes, principalement axés sur des mécanismes contributifs (voir flèche bleue
dans l’encadré 1.12).
X Mettre en place un socle de protection sociale défini à l’échelle nationale grâce à une combinaison de
mécanismes non contributifs et contributifs (voir zone bleu clair dans l’encadré 1.12). Un tel socle de
protection sociale garantit un niveau de sécurité sociale essentiel pour tous ainsi que, au minimum,
un accès effectif aux soins de santé et un niveau minimum de sécurité du revenu.
Les deux approches de l’extension de la protection sociale ne sont pas incompatibles, mais sont com-
plémentaires à bien des égards. En fait, de nombreux pays qui ont réussi à étendre leur couverture ont
combiné les deux approches dans des stratégies intégrées de protection sociale à deux volets qui
appliquent le principe de la protection universelle et tiennent compte des capacités contributives des
différents groupes de la population. Il n’y a pas de solution unique: les pays combinent plutôt les deux
approches en vue d’étendre la protection sociale aux travailleurs qui n’étaient pas couverts auparavant,
proposent progressivement des niveaux de protection plus élevés au plus grand nombre de personnes
possible et favorisent ainsi les transitions de l’économie informelle vers l’économie formelle.
Compte tenu de l’évolution actuelle du monde du travail, marquée par la numérisation, le changement
climatique, les migrations, la mondialisation et les inégalités généralisées, les deux approches seront
cruciales pour parvenir à une protection sociale universelle et adéquate et pour étendre la protection
sociale aux travailleurs dans l’économie informelle.
X Chapitre 1: Introduction 19
De nombreux observateurs conviennent que la voie à suivre pour parvenir à la protection sociale uni-
verselle exige d’avoir recours à une combinaison de mécanismes de protection sociale contributifs et
non contributifs (financés par l’impôt). Le rôle des régimes financés par l’impôt est crucial, puisqu’ils
garantissent un niveau de protection de base pour tous, en particulier pour les groupes qui n’ont accès à
aucun autre mécanisme de protection sociale. Les mécanismes contributifs sont essentiels pour fournir
des prestations adéquates, car leur portée est généralement plus large, et leurs niveaux de protection
sont plus élevés. Si les formes existantes de protection sociale sont affaiblies au profit des mécanismes
d’épargne privés ou individuels, dont le potentiel de mutualisation et de redistribution des risques reste
limité, les niveaux de couverture et de prestations vont diminuer. En particulier, des groupes vulnérables
de travailleurs ne pourront pas accumuler suffisamment de droits dans le cadre d’accords privés en
raison de leur travail et de leurs revenus, ce qui risque de renforcer les inégalités, en particulier les iné-
galités hommes-femmes (BIT 2018d).
Pour ces raisons, l’assurance sociale continuera de jouer un rôle prépondérant en offrant des niveaux
de protection plus élevés aux travailleurs, conformément aux principes de mutualisation des risques et
de solidarité. Lorsqu’elle est bien conçue et adaptée à la couverture de groupes plus larges, l’assurance
sociale peut faciliter la transition vers l’économie formelle et renforcer l’inclusion et la cohésion sociale.
Par conséquent, plutôt que de démanteler les formes existantes de protection sociale, les systèmes de
protection sociale devront évoluer et offrir une protection continue aux travailleurs dans tous les types
d’emploi, y compris ceux qui passent d’un emploi salarié à un travail indépendant ou bien qui changent
d’entreprise, de secteur économique ou de pays. Il s’agit d’un élément crucial de l’approche de l’avenir
du travail centrée sur l’humain (Commission mondiale sur l’avenir du travail 2019) qui est au cœur de la
Déclaration du centenaire de l’OIT pour l’avenir du travail adoptée par les gouvernements et les organi-
sations de travailleurs et d’employeurs des 187 États Membres en juin 2019.
Un certain nombre de pays à revenu intermédiaire et à faible revenu ont considérablement élargi la
couverture de la protection sociale aux personnes opérant dans l’économie informelle et ont facilité la
transition de ceux-ci vers l’économie formelle grâce à une approche à deux volets. Citons par exemple
l’extension de la protection de la santé en Thaïlande (régime de couverture sanitaire universelle, ancien-
nement appelé Plan 30 baht, voir encadré 2.6) et l’assurance-maladie nationale du Ghana, subventionnée
pour les groupes vulnérables (voir encadré 6.23). D’autres exemples existent en Argentine (combinaison
de programmes de protection sociale contributifs et non contributifs pour les prestations familiales et
les prestations de maternité); au Brésil (Bolsa Família, régime de pension en milieu rural); à Cabo Verde
et en Afrique du Sud (programmes d’assurance sociale et de subventions importantes), entre autres.
En fait, les deux approches, visant à étendre la protection sociale, ainsi que leur combinaison dans une
approche intégrée à deux volets, figurent à la fois dans la recommandation (no 202) sur les socles de
protection sociale, 2012, et la recommandation (no 204) sur la transition de l’économie informelle vers
l’économie formelle, 2015.
L’encadré 1.13 illustre l’approche à deux volets de l’extension de la couverture de sécurité sociale. Les
deux volets stratégiques peuvent faciliter les transitions de l’économie informelle vers l’économie for-
melle. Le premier volet vise à encourager directement la formalisation et à favoriser des niveaux plus
élevés d’emploi formel, de meilleures performances économiques et un espace budgétaire élargi. Le
deuxième volet porte sur l’extension de la couverture indépendamment du statut d’emploi, ce qui ne
se traduit pas nécessairement par une formalisation immédiate, mais peut favoriser la transition vers
l’économie formelle à long terme en améliorant l’accès à la santé, à l’éducation et à la sécurité du revenu,
avec des effets positifs sur le développement humain et la productivité (BIT 2017e; BIT 2014i, chapitre
6.6). Favoriser les transitions de l’économie informelle vers l’économie formelle est non seulement essen-
tiel pour améliorer l’accès universel à une protection sociale adéquate et durable, mais contribue aussi
à élargir l’assiette fiscale et à créer l’espace budgétaire nécessaire à des politiques publiques équitables
et efficaces (FMI 2017; Gaspar, Gupta et Mulas-Granados 2017).
Lors de la conception de stratégies d’extension de la couverture de la protection sociale, il convient de
mettre en place des mesures incitatives efficaces pour encourager la formalisation et d’éviter les facteurs
dissuasifs susceptibles de décourager la transition vers l’économie formelle. Une bonne coordination
20 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
entre les différents éléments d’un système de protection sociale est essentielle pour garantir une couver-
ture adéquate et maintenir des mesures incitatives efficaces pour encourager la formalisation. En outre,
la coordination avec d’autres politiques, telles que les politiques de l’emploi, les politiques macroécono-
miques et budgétaires, ainsi que les politiques qui soutiennent les entreprises durables, est essentielle
pour favoriser les transitions de l’économie informelle vers l’économie formelle pour les unités écono-
miques et les travailleurs, et garantir des systèmes de protection sociale et des budgets publics durables
et équitables sur le plan financier. Des prestations adaptées et un niveau suffisant de mutualisation des
risques et de redistribution peuvent être obtenus grâce à une approche progressive, dans le cadre de
laquelle des niveaux de cotisation et de formalisation plus élevés correspondent à des prestations de
sécurité sociale de meilleure qualité (prestations plus élevées, plus complètes), tout en garantissant un
niveau essentiel de sécurité sociale pour tous (Phe Goursat et Pellerano 2016).
Il importe de coordonner et d’intégrer les régimes contributifs et non contributifs dans un système national
de protection sociale plus large. Un régime de protection sociale contributif qui fournit des prestations ina-
déquates, de mauvaise qualité et seulement à peine supérieures à celles fournies par le régime de protec-
tion sociale non contributif peut créer des incitations perverses et encourager les travailleurs à rester dans
l’économie informelle ou à la rejoindre. L’extension des régimes d’assurance sociale aux travailleurs dans
l’économie informelle doit garantir des services de haute qualité et tenir compte des besoins prioritaires
des travailleurs et des employeurs dans l’économie informelle pour que la contribution au programme de
l’assurance sociale présente un intérêt pour eux. En outre, si des subventions publiques sont accordées
pour soutenir la participation à l’assurance sociale des travailleurs ayant une capacité contributive limitée,
X Chapitre 1: Introduction 21
Lorsque différents régimes existent pour différentes catégories de la population, l’étendue des services
offerts dans le cadre de régimes séparés pour les plus pauvres et/ou différentes catégories de travail-
leurs peut différer également. En Thaïlande, bien que les quatre régimes principaux (CSMBS, SSS, UCS
et MHIS) offrent essentiellement la même gamme de prestations, les fonctionnaires de l’Etat à travers
leur régime dédié—CSMBS—ont un accès plus large aux prestataires et infrastructures de soins que
les membres des autres régimes. En effet, ceux-ci peuvent choisir n’importe quel prestataire de soins
public ou privé sans enregistrement au préalable. Ceci n’est pas le cas pour les salariés du secteur
privé et le reste de la population Thai qui sont limités à un réseau spécifique de prestataires de soins
publiques sous leur régime dédié—SSS et UCS respectivement. Similairement, les migrants, à travers
leur régime dédié le MHIS ne peuvent bénéficier de soins gratuits que dans l’hôpital où ils sont inscrits,
limitant considérablement leur accès aux soins de santé. Ces différences peuvent entraîner des consé-
quences importantes en ce qui concerne l’équité et l'accessibilité géographique des soins, notamment
pour les travailleurs de l'économie informelle ou les travailleurs migrants qui ont tendance à devoir
s'éloigner fréquemment de leur domicile pour travailler. La création de régimes séparés pour différents
types de population entraine également une faible mutualisation des risques érodant la solidarité et la
redistribution des ressources entre tous les membres de la société.
La couverture sanitaire universelle, basée sur l’équité et la solidarité ne sera atteinte que lorsque tous
seront couverts et auront accès aux mêmes prestations de soins de santé. A cet égard, la mise en œuvre
des socles de protection sociale dans le cadre de stratégies d’extension de la sécurité sociale doit donc
assurer progressivement des niveaux plus élevés de protection au plus grand nombre de personnes
possible pour garantir l’universalité de la couverture, selon les orientations des normes internationales
de sécurité sociale.
il convient de veiller tout particulièrement à ce qu’elles ne subventionnent pas l’informalité en soi, mais
maintiennent et renforcent les incitations à passer de l’économie informelle à l’économie formelle afin de
garantir des systèmes de protection sociale durables et équitables (voir la section 6.4 ci-dessous).
Les orientations figurant dans deux recommandations récemment adoptées (nos 202 et 204) soulignent
l’importance de parvenir à une couverture universelle de protection sociale pour tous. La recommanda-
tion no 202 préconise la mise en place de socles de protection sociale définis au niveau national dans le
cadre de systèmes de sécurité sociale progressivement plus complets (voir encadré 1.15).
La recommandation no 204 fait écho à ce point important dans le cadre de stratégies plus larges visant à
favoriser la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle (voir encadré 1.16).
La recommandation no 204 met particulièrement en avant les liens importants entre les différents
domaines politiques, qui devraient idéalement être combinés dans une approche intégrée (voir encadré
1.17). Une telle approche intégrée facilite la combinaison d’interventions de protection sociale et d’in-
terventions politiques complémentaires afin de surmonter les difficultés liées à l’entrée dans le secteur
formel et soutenir la transition vers l’économie formelle, notamment les politiques de l’emploi et du
marché du travail, la réglementation du marché du travail et les politiques de marchés publics.
L’expérience de nombreux pays montre que des interventions politiques isolées ont peu de chances de
réussir si les obstacles dans d’autres domaines politiques persistent. D’autre part, les stratégies intégrées
de formalisation qui s’attaquent à un large éventail d’obstacles à la formalisation dans plusieurs domaines
politiques conduisent à une véritable transformation des modèles d’emploi et à une extension marquée
de la couverture de sécurité sociale. Par exemple, le Brésil a combiné des politiques visant à élargir la
couverture de la protection sociale en facilitant l’accès aux régimes contributifs pour les travailleurs des
zones rurales (pensions rurales), les travailleurs indépendants et les travailleurs des microentreprises.
22 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
La recommandation (no 204) sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle,
2015, reconnaît l’absence de protection des travailleurs dans l’économie informelle et fournit des
orientations pour améliorer leur protection et faciliter les transitions vers l’économie formelle. Elle
reconnaît aussi que les déficits de travail décent (déni des droits au travail, absence de perspec-
tives d’emploi de qualité, protection sociale inadéquate et absence de dialogue social) sont plus
accentués dans l’économie informelle et que la plupart des travailleurs qui entrent dans l’économie
informelle ne le font pas par choix, mais par manque de perspectives dans l’économie formelle et
du fait de l’inexistence d’autres moyens de subsistance.
X Veiller à ce qu’un cadre de politiques intégrées soit «inclus dans les stratégies ou plans nationaux
de développement ainsi que dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté et les
budgets, afin de faciliter la transition vers l’économie formelle, en tenant compte, s’il y a lieu, du
rôle des différents niveaux de gouvernement» et en assurant une coordination étroite entre les
organes et autorités concernés. Ce cadre politique intégré devrait porter sur la mise en place
de socles de protection sociale lorsqu’ils n’existent pas et l’extension de la couverture de la
sécurité sociale (paragraphes 10, 11 et 12);
X «accorder une attention particulière aux besoins et à la situation des personnes opérant dans
l’économie informelle et de leur famille» pour établir et maintenir des socles nationaux de
protection sociale au sein de leur système de sécurité sociale et favoriser la transition vers
l’économie formelle (paragraphe 19);
X Encourager la mise en place et l’accès à des services abordables et de qualité pour la garde
d’enfants et d’aide à la personne «afin de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes
en matière d’entrepreneuriat et de possibilités d’emploi et de permettre la transition vers
l’économie formelle» (paragraphe 21);
Encadré 1.17. Stratégie intégrée de l’OIT concernant le travail décent en vue de faciliter
la transition vers la formalité
STRATÉGIE INTÉGRÉE
Extension de la protection sociale
Stratégies de croissance et création d’emplois de qualité
TRANSITION
Cadre juridique international et national et conformité
DE L’ÉCONOMIE
Organisation, représentation et dialogue social
INFORMELLE
Égalité et non-discrimination
VERS L’ÉCONOMIE
Promotion des entreprises durables: croissance de la productivité,
FORMELLE entrepreneuriat, finance, accès aux marchés
Stratégies de développement (rural et urbain) local
X Encadré 1.19. L’approche axée sur les soins primaires dans le cadre
de la couverture santé
Les soins de santé primaires sont le premier niveau de contact des individus avec le système de santé
national et traitent donc la majorité des conditions auxquelles une communauté donnée fait face.
Ceux-ci visent à maintenir et améliorer la santé physique et mentale des populations, ainsi que leur
bien-être social à travers des services de santé holistiques, mariant les traitements, la promotion, et
la prévention. La déclaration d’Alma-Ata adoptée à la Conférence internationale sur les soins de santé
primaires le 12 septembre 1978 et réaffirmée par la déclaration d’Astana de 2018, a été la première
à reconnaître l’approche axée sur les soins de santé primaires comme étant une approche efficace
et économiquement rationnelle, vecteur de développement économique et social. En outre, cette
approche reconnaît pleinement la nécessité d’une coordination intersectorielle étroite en vue d’agir
sur les déterminants sociaux de la santé et donc la nécessité de mettre en synergie les investisse-
ments dans la santé et la protection sociale. Il s’agit donc d’une approche favorable à la réalisation
des droits de l’Homme à la santé et à la sécurité sociale qui peut guider l’accès effectif aux soins de
santé essentiels conformément à la recommandation n° 202 de l'OIT.
Les soins de santé primaires sont d’une particulière importance pour les travailleurs de l’économie
informelle, ceux-ci souvent engagés dans des formes de travails précaires qui accroît leur exposi-
tion aux risques de santé au travail. Les crises sanitaires telles Ebola et plus récemment celle de la
COVID-19 ont mis en exergue l’importance de la protection sociale en santé mais également d’une
approche holistique basée sur les déterminants sociaux pour assurer la santé physique et mentale
ainsi que le bien-être des populations. En effet, les travailleurs de l’économie informelle, souvent
sans couverture et ne disposant pas de dispositifs de travail alternatifs et sécuritaires tel le télétravail
ont été ont été particulièrement vulnérables au risque d’infection à la COVID-19. Les soins de santé
primaires basés sur la prévention telles la vaccination et les interventions eau, assainissement et
hygiène (ou WASH) proposent donc des interventions efficaces pour réduire le risque d’épidémie
(OMS 2018). Les soins de santé primaires peuvent également jouer un rôle crucial en assurant la
continuité des services de santé de routine lors des crises sanitaires en permettant de ne pas sur-
charger d’avantage les niveaux de soins secondaires (OMS 2018). A ce jour, l’application de l’approche
axée sur les soins de santé primaires au sein des systèmes de santé nationaux n’est toujours pas une
réalité dans bien des pays. Conformément à la convention n° 102 de l'OIT, cette approche peut être
renforcée en bonifiant les paquets de soins dans ces pays pour y inclure au minimum, un ensemble
de soins de santé primaires accessibles à l’ensemble de la population et répondant aux critères de
disponibilité, d'adaptabilité, d'acceptabilité et de qualité.
L’expérience de nombreux pays montre que des interventions politiques isolées ont peu de chances
de réussir si les obstacles dans d’autres domaines politiques persistent. D’autre part, les stratégies
intégrées de formalisation qui s’attaquent à un large éventail d’obstacles à la formalisation dans plu-
sieurs domaines politiques conduisent à une véritable transformation des modèles d’emploi et à une
extension marquée de la couverture de sécurité sociale. Par exemple, le Brésil a combiné des politiques
visant à élargir la couverture de la protection sociale en facilitant l’accès aux régimes contributifs pour
les travailleurs des zones rurales (pensions rurales), les travailleurs indépendants et les travailleurs
des microentreprises.
Avec la crise du COVID-19, de nombreux gouvernements dans le monde ont été contraints d’étendre
rapidement la protection sociale aux travailleurs de l’économie informelle en appliquant des mesures
d’aide exceptionnelles (voir encadré 1.18). S’il est encore trop tôt pour déterminer si ces mesures
26 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
resteront temporaires ou si elles seront transformées en mécanismes durables pour combler les
lacunes en matière de protection sociale, ces mesures politiques sans précédent qu’ont adoptées de
nombreux gouvernements pour étendre la protection sociale peuvent constituer des points d’entrée
importants en faveur de la mise en place de systèmes de protection sociale complets et intégrés,
notamment de socles.
1.5.2
Principaux enseignements tirés pour l’extension de la couverture
L’extension de la couverture de la protection sociale aux travailleurs dans l’économie informelle
nécessite une stratégie globale pour surmonter les différents obstacles. Dans la plupart des cas,
une combinaison de différentes mesures sera nécessaire pour parvenir à une solution efficace,
équitable et durable. Comme indiqué ci-dessus, il n’y a pas d’approche unique; en effet, les solutions
devront toujours répondre à des enjeux concrets et des réalités particulières. Cependant, certains
enseignements tirés de l’expérience sont présentés ci-dessous et analysés en profondeur dans les
chapitres suivants.
Les informations peuvent être fournies grâce à des campagnes d’information ou des plateformes en
ligne (plus courantes dans les pays développés) qui donneront aux bénéficiaires la possibilité de se
renseigner sur les conditions d’éligibilité, les droits, les devoirs et les aides (voir chapitre 3 pour plus
de détails).
Inclure l’accès à la protection sociale dans une approche intégrée pour faciliter
la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle
L’extension de la couverture de protection sociale est un élément important de stratégies plus larges
visant à faciliter la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle. Le fait de mettre en
relation différents domaines politiques et de renforcer les synergies peut multiplier les impacts posi-
tifs. Par exemple, des programmes de formation et de perfectionnement des compétences qui offrent
une protection sociale peuvent œuvrer en faveur de la productivité des travailleurs et améliorer leur
employabilité. En outre, des politiques d’entreprise qui promeuvent des entreprises durables et un
environnement commercial propice peuvent améliorer la productivité des MPE, faciliter leur transition
vers l’économie formelle et créer des conditions favorables pour la formalisation de leurs travailleurs
(voir chapitre 7 pour plus de détails).
X Holmes et Scott 2016. Extending social insurance to informal workers: A gender analysis.
X BIT 2013c. Économie informelle et travail décent: Guide de ressources sur les politiques:
Soutenir les transitions vers la formalité.
X BIT 2021c. Construire des systèmes de protection sociale: Normes internationales et
instruments relatifs aux droits humains.
X BIT 2017e. Rapport mondial sur la protection sociale 2017-2019: Protection sociale universelle
pour atteindre les objectifs de développement durable.
X BIT 2022b. Rapport mondial sur la protection sociale 2020-2022: La protection sociale à la
croisée des chemins - bâtir un avenir meilleur.
X BIT 2019i. Femmes et hommes dans l’économie informelle: Un panorama statistique –
Troisième édition.
X OCDE et BIT 2019. Tackling Vulnerability in the Informal Economy, voir notamment le
chapitre 4.
X RNSF 2017. Extending coverage: Social protection and the informal economy.
X2
Mettre en place des
stratégies d’extension
de la couverture de
protection sociale
30 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Questions clés
X Comment identifier les lacunes en matière de couverture de la protection sociale et les besoins
prioritaires des travailleurs dans l’économie informelle? Comment identifier les principaux obstacles
à une couverture plus large de la protection sociale?
X Comment parvenir à une couverture universelle grâce à une combinaison de différents mécanismes
de financement, y compris des mécanismes contributifs et non contributifs?
X Comment adapter les régimes contributifs aux besoins et à la situation des travailleurs dans
l’économie informelle? En particulier, comment les concevoir de manière à répondre à leurs
capacités contributives? L’extension de la couverture doit-elle privilégier la couverture obligatoire
ou volontaire?
X Comment formuler des stratégies d’extension de la couverture grâce à un processus de dialogue
national? Quelles sont les règles en matière de suivi et d’examens réguliers? Comment garantir que
les travailleurs dans l’économie informelle peuvent s’exprimer et participer?
X Messages clés
X L’extension de la couverture de la sécurité sociale pour les travailleurs dans l’économie informelle
nécessite une compréhension globale de la situation des différents groupes de travailleurs, des
risques auxquels ils sont exposés et des différents facteurs contribuant à leur vulnérabilité.
X La formulation de stratégies d’extension de la couverture de protection sociale doit se fonder sur
un diagnostic approfondi de la situation et des besoins des travailleurs dans l’économie informelle
et tenir compte de la diversité des contextes et des besoins, qui dépendent, entre autres facteurs,
de leur statut d’emploi et du secteur d’activité.
X Lors de la formulation des stratégies d’extension de la protection sociale aux travailleurs dans
l’économie informelle, certains choix politiques fondamentaux doivent être faits, notamment en
ce qui concerne: la mesure dans laquelle les mécanismes de protection doivent être contributifs ou
non; la possibilité de mettre en place une couverture obligatoire dans des circonstances spécifiques;
et la capacité à assurer la coordination des différents mécanismes de protection au sein du système
plus large de protection sociale.
X La formulation de stratégies d’extension doit reposer sur un dialogue qui inclut la voix et la
participation des travailleurs dans l’économie informelle.
X La mise en œuvre des stratégies d’extension doit faire l’objet d’un suivi régulier, conformément à
la recommandation no 202.
L’expérience internationale montre qu’une approche progressive constitue un cadre propice à la formu-
lation des politiques et à leur mise en œuvre (voir encadré 2.1), notamment:
1. Un diagnostic de la situation des travailleurs et des unités économiques dans l’économie
informelle: identification des lacunes et des obstacles relatifs à la couverture et pour différentes
catégories de travailleurs, femmes et hommes; et situation des unités économiques du secteur
informel (productivité et capacité contributive). Cette évaluation doit reposer sur des données
quantitatives et qualitatives détaillées et complétées par une évaluation plus large du marché du
travail et de la situation macroéconomique aux niveaux national ou local.
2. Un examen des cadres et pratiques réglementaires et politiques: il se concentre en particulier
sur l’identification et l’analyse des obstacles à la couverture et identifie les solutions pour une
réforme éventuelle, en tenant compte des besoins prioritaires et de la diversité des situations des
personnes opérant dans l’économie informelle (voir section 2.2 ci-dessous).
3. La définition des priorités pour identifier et sélectionner les options politiques et convenir d’une
séquence d’actions et de délais pour l’extension de la couverture aux travailleurs dans l’économie
informelle (voir section 2.3 ci-dessous).
4. L'élaboration d’un cadre politique intégré garantissant la cohérence des politiques et un cadre
institutionnel efficace.
5. La mise en œuvre et le suivi, y compris un système de suivi et d’évaluation et une évaluation
de l’impact, qui serviront aussi à produire un examen régulier – voire un ajustement – du cadre
politique (voir section 2.4 ci-dessous).
Il importe que le processus soit participatif et implique à la fois les représentants des travailleurs et des
employeurs et les autres parties prenantes concernées.
Encadré 2.1. Cycle politique pour l’extension de la sécurité sociale aux travailleurs dans
l’économie informelle et l’accompagnement de leur transition vers l’économie formelle
Diagnostic
de la situation
des travailleurs
Mise en ɶuvre
et des unités
et suivi
économiques
dans l’économie
informelle
Examen
Élaboration des cadres
d'un cadre politiques
politique et juridiques
intégré et des pratiques
Définition
des priorités
32 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
La recommandation (no 202) sur les socles de protection sociale, 2012 fournit des orientations pour la formu-
lation de stratégies nationales d’extension de la sécurité sociale, comme suit:
13(1). Les Membres devraient formuler et mettre en œuvre des stratégies nationales d’extension de la
sécurité sociale basées sur des consultations nationales, et ce par le biais d’un dialogue social
effectif et d’une participation sociale.
Les stratégies nationales devraient:
a. Accorder la priorité à la mise en œuvre des socles de protection sociale en tant que point de
départ pour les pays qui n’ont pas un niveau minimal de garanties de sécurité sociale et qu’élément
fondamental de leurs systèmes nationaux de sécurité sociale; et
b. Chercher à assurer des niveaux plus élevés de protection au plus grand nombre possible de
personnes et aussi rapidement que possible, reflétant les capacités économiques et budgétaires des
Membres.
(2). À
cette fin, les membres devraient progressivement édifier et maintenir des systèmes de sécurité
sociale complets et adéquats, cohérents avec les objectifs des politiques nationales et chercher à
articuler les politiques de sécurité sociale avec les autres politiques publiques.
14. L
orsqu’ils formulent et mettent en œuvre les stratégies nationales d’extension de la sécurité sociale, les
Membres devraient:
a. Fixer des objectifs reflétant les priorités nationales;
b. Identifier les lacunes et les obstacles en matière de protection;
c. Chercher à combler ces lacunes par le biais de régimes appropriés et coordonnés de manière
efficace, à caractère contributif, non contributif ou les deux, y compris en étendant les régimes
contributifs existants à toutes les personnes concernées ayant une capacité contributive;
d. Compléter la sécurité sociale par des politiques actives du marché du travail, y compris par la
formation professionnelle ou d’autres mesures, selon qu’il convient;
e. Préciser les besoins financiers et les ressources, ainsi que les délais et les étapes pour la réalisation
progressive des objectifs;
f. Mieux faire connaître leurs socles de protection sociale et leurs stratégies d’extension et lancer des
programmes d’information, y compris dans le cadre du dialogue social.
15. Les stratégies d’extension de la sécurité sociale devraient s’appliquer aux personnes relevant
tant de l’économie formelle que del’économie informelle, soutenir la croissance de l’emploi
formel et la réduction de l’informalité, s’inscrire dans les plans de développement économique, social
et environnemental des Membres et favoriser leur mise en œuvre.
16. L
es stratégies d’extension de la sécurité sociale devraient assurer un appui aux groupes défavorisés et
aux personnes ayant des besoins spécifiques.
17. L
orsqu’ils établissent des systèmes complets de sécurité sociale qui reflètent les objectifs, les priorités
et les capacités économiques et budgétaires au plan national, les Membres devraient viser à assurer
la gamme et le niveau des prestations prévues dans la convention (no 102) concernant la sécurité
sociale (norme minimum), 1952, ou dans d’autres conventions et recommandations de l’OIT relatives à
la sécurité sociale comportant des normes plus avancées.
18. Les Membres devraient envisager de ratifier la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme
minimum), 1952, dès que la situation nationale le permet. Les Membres devraient en outre, envisager,
selon le cas, de ratifier ou de donner effet à d’autres conventions et recommandations de l’OIT relatives
à la sécurité sociale comportant des normes plus avancées. »
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 33
à leur propre compte; b) les travailleurs des MPE; c) les travailleurs agricoles; d) les travailleurs du secteur
de la construction; et e) les travailleurs domestiques.
Lors de la formulation de stratégies d’extension de la protection sociale aux travailleurs dans l’économie
informelle, certains choix politiques fondamentaux doivent être faits. La section 2.3 examine certains
de ces choix, en particulier: la relation entre les régimes contributifs et non contributifs; leurs forces et
leurs faiblesses respectives; leur coordination au sein de systèmes de sécurité sociale complets; et la
question de savoir si les stratégies d’extension de la couverture doivent accorder la priorité à la couver-
ture obligatoire ou volontaire.
L’extension de la protection sociale aux travailleurs dans l’économie informelle étant souvent l’une des
principales priorités des stratégies nationales de protection sociale, il est essentiel de baser ces dialogues
nationaux sur une évaluation approfondie de la situation des travailleurs dans l’économie informelle et
des obstacles existants à l’extension de la couverture. Les sections suivantes présentent des informations
et des outils supplémentaires sur la participation de toutes les parties prenantes, y compris les travail-
leurs dans l’économie informelle (section 2.1.3); l’identification des lacunes en matière de couverture
et des besoins prioritaires (section 2.2); la conception de solutions politiques (section 2.3); ainsi que les
mesures de suivi et les examens réguliers (section 2.4).
X Le suivi des progrès réalisés dans la mise en œuvre des systèmes de protection sociale, y
compris les socles (paragraphe 19).
La recommandation no 204 souligne l’importance de permettre aux acteurs dans l’économie informelle
de jouir de la liberté d’association et du droit de négociation collective (paragraphes 31 à 32); encou-
rage les organisations d’employeurs et de travailleurs à «étendre aux travailleurs et aux unités écono-
miques dans l’économie informelle la possibilité de s’affilier et d’accéder à leurs services» (paragr. 33);
et reconnaît la nécessité de consultation et de participation active des «organisations d’employeurs
et de travailleurs les plus représentatives […] qui devraient compter dans leurs rangs, conformément
à la pratique nationale, les représentants d’organisations représentatives dont les membres sont des
travailleurs et des unités économiques de l’économie informelle» dans la conception, la mise en œuvre
et l’évaluation des politiques et programmes pertinents de l’économie informelle (paragr. 34).
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 35
X Les stratégies nationales de protection sociale sont-elles formulées sur la base d’un dialogue
national comprenant des représentants des travailleurs de différents secteurs dans l’économie
informelle?
X Ces représentants ont-ils les capacités suffisantes pour participer au dialogue et représenter les
travailleurs?
X Quelles mesures pourrait-on prendre pour faciliter l’organisation des travailleurs dans l’économie
informelle et leur participation aux dialogues nationaux?
Leur point de vue et leur participation sont essentiels pour instaurer la confiance et le soutien du public
et garantir un sentiment d’appropriation (BIT 2013c). Conformément aux orientations fournies par les
recommandations no 202 et 204 (voir encadré 2.4), il est donc essentiel de garantir la participation des
travailleurs et des unités économiques dans l’économie informelle (BIT 2020k).
2.2.1
Identifier les lacunes en matière de protection sociale
et les obstacles à la couverture
Afin d’élaborer une stratégie visant à améliorer la couverture de la protection sociale des travailleurs
dans l’économie informelle, il importe de mieux comprendre les obstacles existants à la couverture de
la protection sociale pour des groupes spécifiques de travailleurs dans l’économie informelle.
Afin de procéder à l’identification systématique des lacunes en matière de protection sociale et des
obstacles à la couverture, une matrice d’évaluation élargie (voir liste de contrôle 2.3) peut être utilisée
en complément de la matrice d’évaluation du socle de protection sociale utilisée dans le cadre d’un
processus ABND (BIT 2016h). Cette évaluation peut être réalisée dans le cadre d’un processus de dia-
logue national (voir chapitre 8) ou d’un exercice distinct.
La matrice d’évaluation offre un cadre détaillé pour l’analyse de la situation actuelle, des lacunes en
matière de protection sociale et des obstacles à la couverture. Compte tenu de la diversité des tra-
vailleurs dans l’économie informelle, la matrice d’évaluation doit être conçue pour des groupes spéci-
fiques de travailleurs, tels que les travailleurs indépendants dans un secteur spécifique, les travailleurs
domestiques ou les travailleurs agricoles, aussi précisément que possible. Dans la mesure du possible,
elle doit reposer sur des informations statistiques disponibles aux niveaux national ou international
(BIT 2019i).
36 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Quelles sont les lacunes de protection sociale pour les différentes catégories de travailleurs
dans l’économie informelle?
X Faire la distinction entre les différentes catégories de travailleurs, tels que les salariés,
les travailleurs indépendants et les travailleurs de différents secteurs et professions
(par exemple les travailleurs agricoles, les travailleurs domestiques) afin de refléter les
diverses situations des travailleurs dans l’économie informelle (voir la section 2.2.3 ci-
dessous).
X Tenir compte des différentes situations et expériences des femmes et des hommes,
des différents groupes d’âge, des populations urbaines et rurales, des personnes
handicapées, des travailleurs migrants et d’autres groupes particulièrement vulnérables.
X Les recensements;
X Quelles lacunes de protection sociale ont été identifiées par les travailleurs eux-mêmes?
Quels obstacles à la protection ont-ils identifiés? Quels domaines de protection ont-ils
identifiés comme étant prioritaires? Ces informations peuvent être obtenues par un ou
plusieurs des canaux suivants (voir la section 2.1.3 ci-dessus):
X Situation actuelle: Quelle est la situation politique actuelle, en particulier en ce qui concerne les
régimes et programmes disponibles?
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 37
X Existant: Quels sont les régimes et les programmes qui existent actuellement? Quelles sont
leurs principales caractéristiques (totalement ou partiellement contributifs ou non contributifs/
financés par l’impôt, couverture géographique et personnelle, structures institutionnelles, etc.)?
X Planifié: Quelles sont les réformes déjà envisagées dans un avenir proche? Faut-il réformer les
régimes ou programmes existants ou en introduire de nouveaux?
X Lacunes politiques: Dans quels cas certains groupes de travailleurs dans l’économie informelle
sont-ils privés de couverture par le cadre politique et juridique actuel?
X Obstacles juridiques: Le cadre juridique existant exclut-il totalement des groupes spécifiques
de travailleurs? Certaines dispositions légales (par exemple, seuils minimaux pour la taille
de l’entreprise, temps de travail, salaire, etc.) finissent-elles par exclure les travailleurs de la
couverture juridique? (voir chapitre 4 pour plus de détails).
X Lacunes en matière de mise en œuvre: Quels problèmes entravent la mise en œuvre du cadre
juridique et politique existant et privent des groupes spécifiques de travailleurs d’une couverture
effective?
X Autres obstacles: Quelles autres lacunes en matière de mise en œuvre entravent la couverture
de la protection sociale de groupes spécifiques de travailleurs? Elles peuvent inclure un manque
de sensibilisation ou de confiance, ou d’autres facteurs qui n’ont jamais été pris en compte (voir
chapitre 3 pour plus de détails).
La matrice figurant dans la liste de contrôle 2.3 ci-dessous doit être utilisée à l’appui de l’évaluation de
l’état actuel de la couverture des travailleurs dans l’économie informelle et de l’identification des lacunes
et des obstacles politiques.
X Liste de contrôle 2.3. Matrice d’évaluation élargie pour l’identification des lacunes et des obstacles à la couverture de la protection sociale
des travailleurs dans l’économie informelle
Objectifs Situation actuelle Lacunes politiques Obstacles à la mise en œuvre Recommandations
(options politiques)
Dispositions Planification Lacunes Obstacles Obstacles Obstacles Lacunes dans Autres
existantes (Stratégie) politiques juridiques financiers administratifs l’application obstacles
globales
Santé
Protection
financière
Autres aspects de
l’accès à la santé
Sécurité du revenu
Enfants
Prestations en
espèces et
quasi-espèces
Services de garde
d’enfants
Maternité
Accident du travail
Maladie
Invalidité
Chômage ou perte
de moyens de
subsistance
Autres prestations
Personnes âgées
Pension de
vieillesse
Autres prestations
Source: D’après Bonnet et al. 2012; BIT, 2012a.
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 39
En fonction du contexte et des mécanismes de protection déjà disponibles, il faudra accorder la priorité
à plusieurs domaines de protection sociale en vue de l’extension de la couverture de sécurité sociale,
comme expliqué ci-dessous.
Protection de la santé. Assurer un accès effectif aux soins de santé grâce à une protection adéquate
de la santé est essentiel pour les travailleurs dans l’économie informelle. Les frais engagés pour la santé
restent l’une des principales causes de pauvreté. Ces dernières années, les efforts accrus pour parvenir
à une couverture de santé universelle ont donné lieu à d’importants progrès, notamment grâce à l’exten-
sion de l’assurance-maladie sociale et des mécanismes de subvention pour les groupes à faible revenu,
mais les lacunes subsistent, et de nombreux travailleurs dans l’économie informelle et leurs familles sont
encore privés de protection (BIT 2014i; BIT 2017e; OMS et Banque mondiale 2017).
Risques liés à la maternité. Les risques liés à la grossesse et à l’accouchement représentent une
menace pour la plupart des femmes employées dans l’économie informelle. Les régimes de protec-
tion sociale en santé assurant la couverture des soins médicaux curatifs et préventifs et la sécurité
du revenu en cas de grossesse protègent les femmes et les enfants des difficultés économiques et
des risques sanitaires pendant la maternité. Les mesures de protection de la maternité comprennent
entre autres les congés de maternité, le remplacement du revenu et les soins de santé maternelle et
infantile. A ce jour, plus de 50% des travailleuses au niveau mondial ne bénéficient pas de sécurité de
revenu en cas de grossesse. Beaucoup de celles-ci travaillent dans l’économie informelle et la plupart
d’entre elles vivent dans des pays à faibles et moyens revenus. Garantir un accès efficace aux soins de
maternité est un élément essentiel de toute stratégie visant à améliorer la protection de la maternité
pour les femmes dans l’économie informelle (BIT 2014c; BIT 2017e, chap. 3.2). En effet, la recomman-
dation no 202 souligne l’importance des soins de maternité et préconise des soins médicaux prénatals
et postnatals gratuits pour les plus vulnérables (paragr.8 a)). En outre, les prestations en espèces sont
importantes et favorisent: le repos et la récupération des travailleuses dans l’économie informelle
après l’accouchement; l’allaitement; la prévention des risques pour la santé des femmes et de leurs
enfants; et la sécurité du revenu des femmes et de leurs familles pendant cette période critique (BIT
2016c). Pour la plupart des travailleurs dans l’économie informelle, le congé de maternité n’est pas
pris en charge par des prestations en espèces, ce qui entraîne une perte de revenu pour les femmes
au cours des dernières étapes de leur grossesse ou après l’accouchement. L’absence de garanties de
revenus pendant cette période oblige de nombreuses femmes à retourner au travail prématurément,
mettant en danger leur vie et celle de leurs enfants (BIT 2017e).
Source: D’après BIT 2016 ; BIT 2020j ; BIT 2022b ; Meda et al. 2019 ; Dalinjong et al. 2017.
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 41
Invalidité. De nombreuses personnes souffrant d’une invalidité travaillent dans l’économie informelle,
du fait des difficultés à trouver un emploi formel et à accéder à un travail décent correspondant à
leurs compétences, leur potentiel et leurs qualifications. Les mesures de protection sociale jouent
un rôle clé pour garantir la sécurité du revenu, la protection de la santé et l’inclusion sociale pour ces
personnes et les membres de leur famille. Elles comprennent à la fois des prestations d’invalidité et un
accès aux prestations «ordinaires» qui, ensemble, pourraient constituer des systèmes de protection
sociale inclusifs pour les personnes handicapées (BIT 2017e, chap. 3.5). La déclaration commune sur les
systèmes de protection sociale tenant compte de l’invalidité (BIT et IDA 2019) fournit des orientations
utiles à cet égard.
Sécurité du revenu pour les personnes âgées. La plupart des travailleurs dans l’économie informelle
sont confrontés à l’insécurité du revenu pendant leur vieillesse, et bon nombre sont contraints de
continuer à travailler, souvent dans des conditions difficiles. L’extension de la couverture des pensions
de vieillesse aux travailleurs dans l’économie informelle – qu’elle soit financée par les cotisations, les
impôts ou une combinaison des deux – peut garantir au moins un niveau élémentaire de sécurité du
revenu et ainsi améliorer considérablement la vie des personnes âgées et de leurs familles en ren-
forçant leur autonomie et leur dignité (BIT 2017e, chapitre 4; UNFPA et HelpAge International 2012;
HelpAge International 2015).
Prestations de maladie. Les prestations et les congés de maladie sont essentiels pour lutter contre la
détérioration de la santé, la pauvreté liée à la santé et la perte de productivité. Ils offrent aux travailleurs
une sécurité du revenu en cas de maladie et leur permet de rester chez eux pour récupérer jusqu'à ce
qu'ils soient complètement rétablis, protégeant ainsi leur propre santé et, dans le cas de maladies trans-
missibles—comme mis en exergue par la pandémie de la COVID-19—celle des autres. Les normes inter-
nationales de l’OIT offrent des lignes directrices pour leur conception et leur financement. Les aspects
suivants sont particulièrement importants (BIT 2020i) :
X Délai d’attente: Les normes de sécurité sociale de l'OIT précisent que, lorsqu'elles existent, les
périodes d'attente pour l'accès aux prestations de maladie ne devraient pas dépasser trois jours
et doivent être compensées (C.102, Art.18 ; C.130, Art.26.3).
42
X Compte tenu des lacunes existantes en matière de protection sociale (voir section 2.2.1
ci dessus), quels besoins des travailleurs dans l’économie informelle doivent être traités
en priorité, en fonction de leur impact, des préoccupations des travailleurs et de leur
faisabilité?
X Quels besoins non satisfaits affectent le bien-être des travailleurs de la manière la plus
significative? (Impact).
X Quels sont les besoins que les travailleurs dans l’économie informelle eux-mêmes
considèrent comme étant prioritaires? (Préoccupations des travailleurs).
X Est-il possible de trouver des solutions intégrées qui répondent à plus d’une préoccupation
prioritaire à la fois (par exemple, la protection de la santé et la sécurité du revenu)?
X Proches soignants: Des dispositions appropriées devraient être prises pour aider les personnes
économiquement actives qui doivent s'occuper d'un proche ou d’une personne à charge malade
(R.134, Para.10).
Si ces domaines de protection sociale sont tous importants pour les travailleurs dans l’économie infor-
melle, il est impossible de les traiter tous à la fois. Par conséquent, il convient de trouver des mécanismes
de hiérarchisation et de séquençage. Dans ce processus, il importe d’écouter les priorités et les préoc-
cupations des travailleurs dans l’économie informelle et de veiller à ce qu’ils participent activement (voir
section 2.1.3).
risque élevé d’informalité, mais dont les caractéristiques diffèrent: a) les travailleurs indépendants, y
compris les travailleurs à leur propre compte; b) les travailleurs des MPE; c) les travailleurs agricoles; d)
les travailleurs du secteur de la construction; et e) les travailleurs domestiques.
X Tableau 2.1. Aperçu des facteurs potentiels de non-couverture des différentes catégories de travailleurs
Travailleurs indépendants/ Travailleurs des MPE Travailleurs agricoles Travailleurs du secteur de Travailleurs domestiques
travailleurs à leur propre la construction
compte
Exclusion X La législation du travail et de X La législation du travail et de X La législation du travail et X Prévalence du travail X La législation du travail et de
juridique la sécurité sociale peut ne pas la sécurité sociale peut ne pas de la sécurité sociale peut temporaire, saisonnier et la sécurité sociale peut ne pas
(ou application de s’appliquer aux travailleurs s’appliquer aux entreprises ne pas s’appliquer ou pas occasionnel, qui peut être s’appliquer aux travailleurs
réglementations indépendants. comptant un certain nombre entièrement aux travailleurs exclu de la couverture du domestiques.
spéciales) de salariés sous un certain agricoles. Certaines travail et de la sécurité
X Dans certains cas, les seuil d’affiliation obligatoire. catégories pertinentes de sociale. X Réglementations spéciales
travailleurs indépendants travailleurs (saisonniers, appliquant des heures de
peuvent dépendre temporaires, journaliers, X Incidence élevée de sous- travail minimales ou des seuils
effectivement d’un petits exploitants) sont traitance, ce qui complique de revenu.
«employeur» (relation parfois exclues. la capacité à discerner les
de travail dissimulé). relations de travail. X Le cas échéant, les régimes de
sécurité sociale ont des bases
de cotisation plus faible et une
couverture des risques réduite.
Absence X Capacités d’inspection X Capacités d’inspection X L’administration du travail X Difficultés à localiser les X Le contrôle de l’État est
d’application du travail limitées pour limitées pour les MPE. peut ne pas disposer de travailleurs, à procéder au fragilisé, car l’emploi au
et de contrôle les MPE et les travailleurs ressources suffisantes, suivi de leur affiliation et à service d’un ménage n’est pas
indépendants. X Une atteinte aux droits du humaines et autres, pour garantir la conformité avec considéré comme une activité
travail fréquente consiste à ne informer, assister et inspecter le régime en raison de la commerciale.
pas déclarer les travailleurs les entreprises agricoles dans forte mobilité.
auprès de l’administration des régions isolées.
de sécurité sociale et à ne X Incidence élevée de sous-
X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Procédures et X Effets dissuasifs sur la X Les MPE ont généralement X En l’absence de bureaux X Les contrats de travail X Cumul d’emplois avec plus d’un
services participation par le biais de des capacités administratives locaux, l’enregistrement peut de courte durée (s’ils employeur.
administratifs procédures d’enregistrement limitées et éprouvent donc devenir difficile et coûteux. existent) et la sous-
complexes et et de paiement complexes et plus de difficultés que les traitance compliquent
lourds coûteuses. grandes entreprises. l’enregistrement des
travailleurs.
X Difficultés d’estimation des
revenus réels en raison
d’hypothèses sur le calendrier
de paiement des factures.
X Tableau 2.1. Aperçu des facteurs potentiels de non-couverture des différentes catégories de travailleurs
Travailleurs indépendants/ Travailleurs des MPE Travailleurs agricoles Travailleurs du secteur de Travailleurs domestiques
travailleurs à leur propre la construction
compte
X Coûts et X Dans certains cas, très faible X De nombreuses MPE X Le paiement des cotisations X Les bas salaires, la X Parfois, la cotisation est payée
modalités de capacité contributive en fonctionnent avec une faible est lié à la saisonnalité de fréquence élevée des exclusivement par l’employé
financement raison de revenus faibles et productivité, ce qui se traduit la récolte et soumis à des emplois temporaires et les domestique.
inadéquates instables, en particulier pour par de faibles capacités risques idiosyncrasiques et relations de sous-traitance
les nouveaux entrepreneurs. financières et une capacité covariants. compliquent le paiement X Bas salaire.
contributive limitée. des cotisations. X Une partie du salaire peut être
X Manque de volonté de cotiser X L’éloignement des activités
en raison d’un écart entre les X Faible capacité administrative agricoles empêche les X La mobilité professionnelle versée en nature si le travailleur
types de prestations fournies pour la gestion du paiement systèmes de sécurité sociale peut priver les travailleurs domestique vit dans le foyer de
et les besoins prioritaires. des cotisations. de fournir des services de prestations même s’ils l’employeur.
adéquats, diminuant ainsi ont cotisé.
X La mobilité professionnelle l’intérêt à y contribuer.
peut empêcher les travailleurs
de recevoir des prestations
même s’ils ont cotisé.
X Manque X De nombreux travailleurs X Représentation insuffisante X Moins d’organisation et X Degré d’organisation X Le lieu de travail dans les
d’organisation indépendants ne sont pas des MPE par rapport aux de pouvoir en raison de inégal: élevé pour les ménages privés et une forte
et de organisés et de nombreuses grandes entreprises. l’éloignement des travailleurs. grandes entreprises et les proportion de travailleurs
représentation organisations existantes travailleurs permanents; migrants et vulnérables posent
manquent de capacités. X Peu d’organisations faible pour les petites des défis pour l’organisation
spécifiques de MPE ont des entreprises et les des travailleurs domestiques.
capacités suffisantes. travailleurs temporaires/
occasionnels.
X Manque X Méconnaissance de la sécurité X Manque de connaissances et X Méconnaissance des X Méconnaissance de X Méconnaissance des régimes
d’information sociale. de sensibilisation concernant régimes d’assurance sociale l’importance de la sécurité de sécurité sociale existants, en
ou de les avantages de la protection existants ou des modalités de sociale et des régimes particulier chez les travailleurs
sensibilisation X Les nouveaux entrepreneurs sociale et l’importance de participation. existants, en particulier domestiques migrants.
sous-estiment la capacité de couvrir les travailleurs. chez les travailleurs de la
la sécurité sociale pour les X Difficultés à comprendre les construction occasionnels et
protéger contre les risques règles juridiques en raison migrants.
actuels et futurs. de l’analphabétisme et des
barrières linguistiques.
45 X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale
46 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
2.3.1
Combinaison de régimes contributifs et non contributifs
Le rôle des régimes contributifs
Les régimes contributifs de protection sociale, le plus souvent les assurances sociales, sont un élément
important des systèmes de sécurité sociale. Ces régimes reposent sur le paiement de cotisations par les
personnes protégées ou leurs employeurs, qui donnent lieu à des droits de prestations ou à des droits
acquis.
L’assurance sociale garantit la protection grâce à un mécanisme d’assurance fondé sur les principes de
mutualisation des risques et de solidarité. Cela implique que les cotisations sont généralement propor-
tionnelles aux revenus de l’individu ou définies comme un montant uniforme (par opposition aux primes
de risque calculées individuellement, comme dans l’assurance commerciale) et que les prestations sont
garanties conformément au cadre juridique applicable (BIT 2017e). Dans bien des cas, les régimes d’assu-
rance sociale contiennent certains éléments non contributifs, tels que les transferts du budget de l’État,
pour faciliter la couverture des travailleurs à faible revenu (régimes partiellement contributifs). Le niveau
de protection offert dans les régimes contributifs est généralement plus élevé que celui de nombreux
régimes financés par l’impôt, dont l’objectif est de maintenir un certain niveau de vie en cas de risque ou
d’éventualité et de lisser la consommation tout au long de la vie.
Dans la plupart des pays, les régimes d’assurance sociale obligatoires couvrent les travailleurs exerçant
un emploi rémunéré ou salarié (formel) et couvrent aussi souvent certaines catégories de travailleurs
indépendants. Historiquement, les régimes d’assurance sociale sont conçus en grande partie autour
du concept d’emploi salarié (formel) et supposent une relation de travail définie et basée sur un contrat
(écrit), relativement stable dans le temps, rémunérée par des traitements ou salaires réguliers et avec des
cotisations partagées entre les travailleurs et les employeurs 1. Cependant, de nombreux régimes d’as-
surance sociale incluent aussi d’autres catégories de travailleurs, tels que les travailleurs indépendants,
auxquels des règles spéciales peuvent s’appliquer. Lorsqu’elle est correctement conçue et adaptée aux
travailleurs indépendants et aux autres travailleurs difficiles à couvrir, l’assurance sociale assure non seu-
lement des niveaux de protection plus élevés (fondés sur les principes de solidarité et de mutualisation
des risques), mais facilite aussi les transitions sur le marché du travail.
1 D
ans la pratique, les employeurs transfèrent généralement la cotisation des salariés à l'institution de sécurité sociale au
nom des travailleurs, ainsi que leur propre part de la cotisation.
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 47
Par définition, les travailleurs dans l’économie informelle ne sont généralement pas couverts par l’assu-
rance sociale et d’autres dispositions légales, car la couverture d’assurance sociale est souvent l’un des
critères utilisés pour distinguer l’emploi formel de l’emploi informel (BIT 2019i). Cela implique également
que l’extension de la couverture d’assurance sociale aux travailleurs dans l’économie informelle est un
élément clé de la transition vers l’économie formelle.
L’assurance sociale joue un rôle clé dans le financement du système de sécurité sociale et peut réduire
la charge pesant sur le budget de l’État, puisqu’elle constitue un mécanisme de financement fiable et
stable, à l’abri des pressions budgétaires quotidiennes.
XL
iste de contrôle 2.5. Le rôle des régimes contributifs
X Quels régimes de protection sociale contributifs, tels que les régimes d’assurance sociale, existent
dans le pays?
X Quelles catégories de travailleurs ou de la population sont couvertes par les régimes contributifs?
Quelles sont les principales lacunes en matière de couverture sur le plan juridique et en termes
d’efficacité?
X Quels risques et éventualités les régimes contributifs couvrent-ils? Quels sont les risques et les
éventualités prioritaires qui ne sont pas couverts?
X Des mesures sont-elles en place pour faciliter la couverture des personnes dont les revenus sont
faibles et irréguliers?
80 Azerbaïdjan
Population au-dessus de l’âge légal
Burkina Faso
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
De nombreux pays (Brésil, Cabo Verde, Colombie, Ghana et Thaïlande) ont réussi à étendre la couverture
de la protection sociale grâce à une combinaison de régimes contributifs et non contributifs, notamment
grâce à celle de l’assurance sociale avec des régimes universels ou catégoriels et l’assistance sociale (BIT
2017e). La combinaison de ces approches permet d’assurer un niveau de protection essentiel pour tous,
tout en offrant des niveaux de protection plus élevés aux personnes ayant des capacités contributives.
Cette stratégie a le potentiel de favoriser un contrat social qui inclut un certain degré de mutualisation
des risques et de redistribution entre les différents groupes de la population.
XL
iste de contrôle 2.6. Le rôle des régimes et programmes non contributifs
X Quels sont les régimes de protection sociale non contributifs (financés par l’impôt), tels que les
programmes universels, les régimes d’assistance sociale ou autres programmes pertinents
existants dans le pays?
X Quelles catégories de travailleurs dans l’économie informelle sont couvertes? Quelles sont les
lacunes en matière de couverture?
X Quels sont les besoins couverts par les régimes et programmes non contributifs existants?
Quelles sont les lacunes?
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 49
2.3.2
Couverture obligatoire/couverture volontaire
L’un des choix politiques que les gouvernements doivent faire est de savoir si l’extension de la
couverture doit être obligatoire ou volontaire, c’est-à-dire si les travailleurs couverts doivent avoir le
choix d’adhérer ou non au régime. Ce choix est difficile, en particulier lorsque les informations sur la
capacité contributive des travailleurs sont limitées. Forcer les travailleurs (voire leurs employeurs) à
faible capacité contributive à verser des cotisations trop importantes pour eux peut avoir un impact
très délétère.
C’est l’une des raisons pour lesquelles de nombreux gouvernements décident d’étendre la couverture
sur la base du volontariat. Pourtant, de nombreux exemples montrent que la couverture volontaire
conduit rarement à une extension significative de la couverture effective. Dans de nombreux cas,
moins de 10 pour cent des personnes en mesure de cotiser le font effectivement. Par exemple, en
Namibie, les travailleurs indépendants peuvent adhérer volontairement aux régimes de sécurité
sociale en vertu de la loi de 1994 sur la sécurité sociale, mais le taux de participation reste très faible
à ce jour. Au Viet Nam, les travailleurs qui ne sont pas couverts par le régime d’assurance sociale
obligatoire peuvent adhérer au régime volontaire; or, seulement 200 000 travailleurs environ (soit
1,3 pour cent de tous les travailleurs) l’ont fait (BIT et al. 2017).
De même, les régimes non gouvernementaux, tels que les régimes de microassurance ou
d’assurance-maladie communautaire, rencontrent également des difficultés pour atteindre des
niveaux de couverture suffisants. Par exemple, au Cambodge, le régime d’assurance communautaire
Sokapheap Krousat Yeugn (SKY), lancé en 1998 par une organisation non gouvernementale en tant
qu’assurance-maladie volontaire en faveur des travailleurs dans l’économie informelle, n’a atteint
qu’entre 3 et 14 pour cent de la population cible dans les districts de mise en œuvre (Soors et al.
2010).
Des problèmes de sélection adverse. Par exemple, les régimes d’assurance-maladie attirent surtout
les personnes souffrant de problèmes de santé préexistants, car ce sont elles qui bénéficient le plus
de la couverture d’assurance-maladie à court terme. Une telle sélection adverse peut déclencher une
spirale d’augmentation des taux de cotisation du fait de coûts élevés et réduire ainsi l’attractivité du
régime à mesure que le coût des cotisations augmente.
Une faible mutualisation des risques. Souvent, la couverture volontaire est associée à une faible
mutualisation des risques qui reste insuffisante pour face à certains types de risques et vulnérable à
des chocs importants. Par exemple, si une mutuelle de santé n’est composée que de membres d’une
zone géographique limitée ou d’un certain groupe professionnel, la mutualisation des risques reste
limitée, tout comme l’efficacité de la protection en cas de chocs majeurs affectant un grand nombre
de membres (épidémie ou catastrophe naturelle). Le renforcement de la mutualisation des risques
permet d’absorber des chocs importants, de bien mieux faire face à des risques systémiques et par
conséquent, de fournir une protection stable et durable à tous les membres du régime.
Des incitations dysfonctionnelles. Proposer une couverture volontaire pour certains types
d’emploi peut créer des incitations perverses pour les entreprises cherchant à réduire les coûts
de la main-d’œuvre et embaucher des travailleurs selon ces dispositions, qui offrent moins de
protection aux travailleurs et font peser la charge des risques financiers sur eux. En conséquence, ces
différences de coûts de la main-d’œuvre constituent des incitations dysfonctionnelles qui faussent
le fonctionnement des marchés du travail et affaiblissent la protection sociale.
Compte tenu des limites de la couverture volontaire, de nombreux gouvernements sont passés de
la couverture volontaire à la couverture obligatoire (voir encadré 2.6).
50
XT
ableau 2.2. Avantages et inconvénients de la couverture obligatoire et volontaire
des régimes contributifs
Couverture et adéquation + M inimise les effets de sélection adverse. + P ermet aux personnes ayant une certaine capacité contributive
+ Assure une couverture élargie, voire universelle, à condition de bénéficier d’une protection sociale en l’absence d’autres
que les mesures adéquates soient prises pour subventionner mécanismes.
les cotisations des personnes à faible capacité contributive. – Potentiel de couverture limité pour les individus/ménages à
faible revenu.
– Risque de sélection adverse des individus à haut risque.
Financement et durabilité + P otentiel d’une plus grande mutualisation des risques au sein + P otentiel de mécanismes de protection sociale autofinancés
de la population assurée. pour les acteurs de l’économie informelle.
+ Si les taux de cotisation sont différenciés selon la capacité – Potentiel limité de mutualisation des risques et de solidarité.
contributive des adhérents, il en résulte un plus grand – Lorsqu’il n’est pas possible d’offrir des taux de cotisation réduits
potentiel de solidarité entre les membres et une redistribution aux personnes à faible revenu, les plus vulnérables sont exclus.
plus juste.
+ Potentiel de viabilité financière plus élevé, en particulier si le
gouvernement peut intervenir pour compléter les cotisations
X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Gouvernance et + L e gouvernement peut agir en tant que garant du programme. + P eut constituer une incitation à l’organisation des travailleurs
administration + Les programmes à grande échelle peuvent bénéficier d’écono- dans l’économie informelle.
mies d’échelle. – La gouvernance et l’administration peuvent être plus exi-
geantes dans les petits régimes que dans les grands.
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 51
La couverture volontaire des travailleurs dans l’économie informelle peut améliorer la situation de cer-
tains groupes de la population, en particulier ceux qui ont une certaine capacité contributive. Cependant,
l’expérience des pays montre que, dans de nombreux cas, ces programmes n’atteignent qu’une faible
proportion des personnes opérant dans l’économie informelle. Dans certains cas, face aux faibles taux
de couverture des régimes volontaires, les gouvernements s’efforcent de mettre en place des régimes
à grande échelle avec une couverture obligatoire.
Aux Philippines, trois ans après sa mise en œuvre en 1999, le programme de paiement individuel, qui
visait les travailleurs indépendants, ne couvrait que 8,4 pour cent de la population cible et était endetté,
tandis que le taux d’inscription était instable. Le gouvernement a par la suite mis en place le programme
PhilHealth, qui s’est traduit par une extension significative de la couverture.
En Thaïlande, le programme de carte de santé volontaire a été mis en place entre 1983 et 2002 en vue de
fournir aux travailleurs dans l’économie informelle un accès aux soins de santé. Le programme, qui visait
les ménages non pauvres et non admissibles au régime de protection sociale, couvrait 19 pour cent de la
population cible en 1999. Le régime a ensuite été étendu grâce à un régime obligatoire et subventionné
pour parvenir à une couverture de santé universelle.
Le régime national d’assurance-maladie du Ghana a été mis en œuvre en tant que régime obligatoire
basé sur une stratégie de financement différenciée. Les personnes dans l’emploi formel versent un
pourcentage de leur salaire; les travailleurs dans l’économie informelle paient une cotisation forfaitaire
réduite; et plusieurs autres catégories de la population (enfants, personnes âgées, femmes enceintes,
populations vulnérables) sont partiellement ou totalement exemptées de cotisations. En 2012, 34,4 pour
cent de la population était couverte (voir encadré 6.23 pour plus de détails).
Le Rwanda étend progressivement la couverture de l’assurance-maladie depuis 2000 et garantit une
couverture obligatoire par les mutuelles de santé (Sekabaraga et al. 2013). Aujourd’hui, près de 96 pour
cent de la population totale est couverte selon un barème de cotisations différencié, soutenu par des
transferts substantiels provenant du budget gouvernemental et de financements externes (BIT 2017e;
BIT 2016g; OMS et Banque mondiale 2017).
X Dans quelle mesure un nouveau régime répond-il aux besoins prioritaires? La population est plus
encline à cotiser si elle comprend la valeur de la couverture de sécurité sociale pour répondre à
ses besoins. À cet égard, les régimes de sécurité sociale répondant à des besoins immédiats (soins
de santé) peuvent être plus faciles à «vendre» que les régimes répondant à des besoins survenant
dans un avenir lointain (pensions de vieillesse).
X Dans quelle mesure la population cible a-t-elle la capacité de cotiser au régime d’assurance sociale?
X Les cotisations obligatoires créeraient-elles des difficultés pour une partie de la population
cible?
X Est-il possible d’établir des taux de cotisation différenciés qui reflètent les capacités
contributives des individus ou des ménages?
X Quels mécanismes pourraient être mis en place pour subventionner totalement ou partiellement
les cotisations des ménages à faible revenu?
X Dans quelle mesure les cotisations d’assurance sociale pourraient-elles compenser les autres
dépenses des particuliers et des ménages? Par exemple, les dépenses des ménages au titre des
cotisations d’assurance-maladie devraient être compensées par une réduction des dépenses
personnelles pour les soins de santé.
52 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
2.3.3
Extension progressive de la couverture: séquençage et délais
L’extension de la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs dans l’économie informelle ne peut
se faire du jour au lendemain. Par conséquent, l’extension progressive de la couverture nécessite une
stratégie de séquençage qui définit une approche par étapes, avec des critères de priorisation et des
délais clairs.
X organisation et partenariats: ccommencer par les entreprises ou les travailleurs qui ont déjà un
certain degré d’organisation et pour lesquels des partenaires potentiels, tels que les syndicats, les
coopératives ou les associations professionnelles, pourraient faciliter la stratégie d’extension;
X géographie: commencer dans des zones à forte densité d’entreprises ou de travailleurs à couvrir et
étendre progressivement à d’autres zones;
X groupes d’âge: commencer par des catégories d’âge ou des groupes spécifiques, tels que les
3
X situation/caractéristiques dans l’emploi: commencer par les catégories de travailleurs pour lesquels
l’extension sera relativement facile à réaliser, et étendre progressivement à d’autres catégories.
Lors de la définition du séquençage de l’extension, une attention particulière doit être accordée à la mise
en place d’une stratégie ambitieuse, mais réaliste, avec des délais clairs. Cette stratégie doit également
tenir compte des effets indésirables possibles d’une approche progressive. Par exemple, si l’extension
de la couverture commence par les employés, certains employeurs pourraient pousser les travailleurs à
devenir des travailleurs indépendants afin d’éviter de payer des cotisations (Both et al. 2018).
Dans bien des cas, il faudra adopter une approche par étapes pour parvenir à l’extension progressive
de la couverture, tandis que dans d’autres il conviendra de combiner des mécanismes contributifs et
financés par l’impôt afin de parvenir à une couverture universelle. Quoi qu’il en soit, il faudra certaine-
ment envisager d’accorder la priorité aux groupes à fort potentiel de réussite.
3 Par exemple, au Royaume-Uni tous les jeunes reçoivent une carte d’assurance nationale dès l’âge de 16 ans (Both et al. 2018).
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 53
X BIT 2021c. Construire des systèmes de protection sociale: Normes internationales et instruments
relatifs aux droits humains.
X BIT 2017e. Rapport mondial sur la protection sociale 2017–19: Protection sociale universelle pour
atteindre les objectifs de développement durable.
X RNSF 2017. Extending coverage: Social protection and the informal economy.
X BIT 2022b. Rapport mondial sur la protection sociale 2020-2022 : La protection sociale à la croisée
des chemins - bâtir un avenir meilleur.
ils peuvent être rapidement étendus à de plus grandes parties de la population (BIT 2020g). Il est donc
conseillé d’entreprendre une analyse approfondie des besoins et des options politiques possibles repo-
sant sur un large dialogue national.
2.3.4
Mettre en place des systèmes intégrés de protection sociale
Pour atteindre efficacement la couverture universelle, il faudra mettre en œuvre plusieurs instruments
complémentaires adaptés aux caractéristiques spécifiques des différents groupes. Pour éviter l’exclusion
de certains groupes de travailleurs, en particulier les groupes à faible revenu dans l’économie informelle,
les régimes contributifs doivent généralement être complétés par des régimes non contributifs ciblant
les personnes qui ne sont pas en mesure de payer des cotisations. Le tableau 2.3 résume les forces et les
faiblesses respectives des deux types de régimes.
XT
ableau 2.3. Forces et faiblesses des régimes contributifs et non contributifs pour l’extension
de la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs dans l’économie informelle
Couverture + L’assurance sociale peut couvrir les personnes + L es régimes universels/catégoriels peuvent
ayant des capacités contributives; cependant, couvrir la grande majorité de la population, y
pour celles dont la capacité contributive est compris les personnes dans l’économie
limitée, des mécanismes de subvention sont informelle.
nécessaires. + Les programmes sous condition de ressources
– D'autres mécanismes contributifs (fonds de fournissent un soutien essentiel aux personnes
prévoyance, fonds communs de placement, pauvres ou très vulnérables, mais ne couvrent
assurance privée): offrent peu ou pas de souvent qu’une faible part de l’économie
potentiel de redistribution. informelle.
Adéquation + Peuvent offrir un niveau de protection plus élevé. + Offrent généralement un niveau de protection
+ Les cadres juridiques définissent généralement sociale essentielle.
les formules de calcul des prestations, les + Le cadre juridique peut ne pas exister ou ne pas
conditions d’admission et les règles d’indexation spécifier les niveaux de prestations et les
des prestations. procédures d’indexation.
Financement et + Le financement par des cotisations offre une + H abituellement financés par la fiscalité générale
durabilité certaine protection contre les dynamiques ou d’autres recettes publiques (potentiellement
politiques des processus budgétaires. une large assiette fiscale) dans de nombreux pays
+ La volonté de payer est potentiellement plus en développement, l’assiette fiscale réelle est
élevée pour l’assurance sociale que pour la plutôt faible.
fiscalité générale. – Les programmes sont vulnérables aux décisions
budgétaires annuelles, ce qui a un impact négatif
sur la stabilité financière.
– Lorsque les ressources financières proviennent de
subventions ou de prêts externes, la durabilité
peut être limitée.
Pour ces raisons, la plupart des systèmes de sécurité sociale combinent les régimes contributifs et non
contributifs d’une manière ou d’une autre, ce qui leur permet d’atteindre une couverture universelle,
d’établir un socle de protection sociale défini au niveau national et d’assurer des niveaux de protection
élevés au plus grand nombre de personnes possible.
De nombreux pays, dont le Brésil, Cabo Verde (voir encadré 6.4), la Chine, la Colombie, le Ghana (voir
encadré 6.23) et la Thaïlande (voir encadré 2.7), ont réussi à étendre la couverture de la protection sociale
grâce à une combinaison de régimes contributifs et non contributifs, en combinant l’assurance sociale
avec des régimes universels ou catégoriels et l’assistance sociale (BIT 2017e). La combinaison de ces
approches assure un niveau de protection essentiel pour tous, tout en offrant des niveaux de protection
plus élevés aux personnes ayant des capacités contributives. Cette stratégie a le potentiel de favoriser un
contrat social caractérisé par un degré suffisant de mutualisation des risques et de redistribution entre
les différents groupes de la population.
90
80
70 69,2
60
2001 2003 2005 2007 2009 2011
Années
Source: D’après de la Rosa et Scheil-Adlung 2008; Thaïlande 2012, 40; BIT 2017e; BIT 2016j. Voir aussi la vidéo YouTube du BIT intitulée
“Universal health coverage in Thailand”.
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 55
Par exemple, la Thaïlande a introduit un régime de couverture santé universelle en complément des
deux régimes d’assurance-maladie contributifs existants afin d’atteindre la couverture santé universelle.
La coordination des prestations contributives et non contributives est essentielle pour l’extension durable
de la couverture aux travailleurs dans l’économie informelle. La mobilité de la main-d’œuvre étant cou-
rante parmi ce groupe de travailleurs, ceux-ci sont susceptibles de se déplacer à la fois entre l’emploi
et le travail indépendant et entre le travail formel et informel. Il importe donc de prendre en compte la
Une bonne coordination entre les différents éléments d’un système de sécurité sociale est essentielle
pour assurer un financement équitable et durable et optimiser l’allocation efficace des ressources.
Les systèmes de protection sociale se développent au fil des décennies.Dans la plupart des pays, plu-
sieurs systèmes coexistent, et leur coordination est parfois plus difficile que la gestion de systèmes plus
unifiés. Néanmoins, les systèmes fragmentés permettent aussi d’élargir la couverture de la protection
sociale, même s’ils impliquent davantage d’investissements dans des mécanismes de coordination
efficaces afin de garantir une couverture dans l’ensemble du marché du travail et des transitions de la
vie et des mécanismes de financement équitables et durables.
Malgré la diversité des types de systèmes, la Tunisie et l’Uruguay ont tous deux fait d’énormes progrès
dans l’extension de la couverture aux travailleurs dans l’économie informelle.
L’Uruguay est un exemple de système de protection sociale relativement unifié qui couvre la grande
majorité des travailleurs, y compris les travailleurs indépendants, dans le cadre du régime général. Pour
certaines catégories de travailleurs, des règles spéciales s’appliquent pour faciliter leur couverture,
notamment pour certains travailleurs indépendants et microentreprises.
4 D
ans certains cas, la protection sociale a contribué à accroître l'informalité; cependant, ces effets auraient pu être évités
grâce à une meilleure conception du régime. Par exemple, au Mexique, certains travailleurs formels sont passés au statut
informel pour bénéficier de l'assurance-maladie pour les travailleurs informels (Alderman et Yemtsov 2013). Il est essen-
tiel de concevoir des régimes de sorte que les mécanismes subventionnés ne soient pas liés au statut informel, mais à
d'autres caractéristiques (par exemple, les bas salaires) afin de garantir que la couverture de la protection sociale favorise
la transition de l'économie informelle vers l'économie formelle.
56 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
banque,
mensuel
travailleurs
ménage
fonctionnaires
banque,
mensuel
BPS:
travailleurs
travailleurs
et bimensuel
ménage
fonctionnaires
couverture
BPS:
) )
universitaire)
travailleurs
et bimensuel
* *
couverture
etet
(monotributistas
universitaire)
général
militaires
(monotributistas
dede
général
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etet
(employés
des
rural
(employés
des
rural
Couverture
des
lala
régime
Couverture
des
pour
commerce;
partielle
régime
dede
des
éducatif,
pour
commerce;
personnel
pour
partielle
des
éducatif,
personnel
verticale
pour
spéciaux
spéciaux
Allocations familiales
verticale
public
Microentreprises
privé:
spéciaux
spéciaux
Allocations
spéciales familiales
général
public
Microentreprises
privé:
indépendants
général
spéciales
personnel
policiers
indépendants
Travailleurs
etet
personnel
etet
secteur
secteur
policiers
Extension
Travailleurs
industrie
secteur
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Régimes
Régimes
Prestations
Extension
notaires
Régime
industrie
Régimes
Régimes
Prestations
notaires
de vieillesse,
Régime
de vieillesse,
des
Couverture d’invalidité
dudu
dudu
etet
des
Couverture d’invalidité
et de survivants
minimumet
minimumet et de survivants
et accès
et accès
aux soins Prestations médicales
aux soins
de santé Prestations médicales
de santé
En Tunisie, le système est fragmenté et composé de plusieurs régimes pour différentes catégories
de travailleurs.
(CNSS)
couverture
(CNSS)
couverture
privé
Supplément
pour
privé
des
Supplément
pour
mensuel
régime
des
mensuel
lala
régime
secteur
(CNRPS)
sociale
dede
secteur
(CNRPS)
sociale
partielle
agricoles
verticale
partielle
dudu
agricoles
verticale
(RTNS)
sécurité
sécurité
dudu
(RTNS)
agricoles
public
sécurité
sécurité
(RSAA)
agricoles
public
revenu
travailleurs
besoin
(RSAA)
pour
revenu
travailleurs
besoin
Programme
salariés
pour
Extension
Travailleurs
Travailleurs
familles
secteur
Programme
salariés
Extension
Travailleurs
Travailleurs
familles
dede
dede
amélioré
secteur
national
Salariés
à faible
lele
amélioré
national
Caisse
Caisse
Salariés
à faible
dans
Caisse
Caisse
non
dans
lesles
Protection
lesles
dudu
non
Protection
minimum
minimum
et accès
et
auxaccès
soins Assistance médicale à tarif réduit
auxsanté
de soins Assistance médicale à tarif réduit
de santé
Source: D’après CRES et BAD 2016; BIT 2017f; Bertranou et al. 2005; Bertranou 2007.
X Chaptitre 2: Mettre en place des stratégies d’extension de la couverture de protection sociale 57
X Existe-t-il une stratégie nationale de protection sociale qui fournit un cadre aux régimes de
protection sociale existants?
X Le système de protection sociale dans son ensemble couvre-t-il la totalité de la population dans le
besoin?
X Les niveaux de prestations des programmes existants répondent-ils suffisamment aux besoins
des bénéficiaires?
X Un mécanisme de coordination fonctionne-t-il efficacement entre les institutions et les
programmes?
X Quels mécanismes sont en place pour assurer la coordination des différents éléments du système
de sécurité sociale, notamment pour:
X la coordination de différents régimes contributifs, tels que les régimes d’assurance sociale;
Un suivi systématique des réformes politiques est essentiel pour améliorer leur efficacité. L’introduction de
mécanismes simplifiés pour le paiement des impôts et des cotisations (mécanismes «monotaxe»; voir section
6.2.4) en Argentine et en Uruguay n’a connu qu’un succès mitigé au départ. Cependant, les deux pays ont
procédé au suivi des effets de la réforme au cours des premières années de fonctionnement et ont pu ajuster
le mécanisme, et ainsi considérablement améliorer son efficacité.
La mise en œuvre progressive d’une réforme peut aussi être l’occasion de surveiller ses effets dans un cadre
limité et de faire les ajustements nécessaires pendant l’extension du projet. Par exemple, la République de
Corée a progressivement étendu la couverture de son régime d’assurance sociale en augmentant le nombre
de branches de sécurité sociale couvertes; en incluant davantage de catégories de travailleurs bénéficiant
d’une couverture juridique (en réduisant notamment les seuils minimaux concernant la taille de l’entreprise);
et en procédant à l’extension de la couverture géographique (d’abord dans les zones urbaines puis dans les
zones rurales).
X Existe-t-il un mécanisme régulier de suivi et d’examen qui peut être utilisé pour surveiller
l’extension de la couverture aux travailleurs dans l’économie informelle?
X Sinon, que faudrait-il pour établir un tel cadre de suivi, compte tenu des exigences suivantes?
X une gamme appropriée de données, statistiques et indicateurs de protection sociale qui sont
désagrégés selon des variables pertinentes (par exemple, le sexe, l’âge, le statut d’invalidité);
X une combinaison de différentes sources de données, y compris pour les données
administratives et d’enquête;
X des mécanismes de coordination efficaces entre les différents producteurs de statistiques
(institutions de sécurité sociale, autres organismes administrant les régimes et programmes
de protection sociale et les bureaux de statistiques) et les différents utilisateurs des
statistiques (ministères et commissions de planification);
X des mécanismes efficaces pour la participation des partenaires sociaux et d’autres parties
prenantes, y compris des représentants des travailleurs dans l’économie informelle.
X BIT. 2012c. La sécurité sociale pour tous: Mettre en place des socles de protection sociale et des
systèmes complets de sécurité sociale. La stratégie de l’Organisation internationale du Travail.
X BIT. 2021c. Construire des systèmes de protection sociale: Normes internationales et instruments
relatifs aux droits humains.
X BIT. 2017e. Rapport mondial sur la protection sociale 2017-2019: Protection sociale universelle
pour atteindre les Objectifs de développement durable.
X OCDE. 2019c. Lessons from the EU-SPS Programme: Monitoring and evaluating social protection
systems.
X OCDE et OIT. 2019. Tackling Vulnerability in the Informal Economy (en particulier le chapitre 4).
X RNSF. 2017. Extending coverage: Social protection and the informal economy.
X BIT 2022b. Rapport mondial sur la protection sociale 2020-2022 : La protection sociale à la croisée
des chemins - bâtir un avenir meilleur.
X3
Sensibiliser et instaurer
la confiance
60 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Questions clés
X Messages clés
ne nécessitent pas une réforme complexe du cadre juridique ou une modification des structures de
financement et peuvent être entreprises dans le cadre du budget existant.
Pour ces raisons, ce chapitre constituait à l’origine le premier des cinq chapitres qui résument les expé-
riences et les bonnes pratiques des pays et fournissent des conseils pratiques pour l’adoption de mesures
visant à étendre la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs dans l’économie informelle.
Ce chapitre traite des stratégies efficaces de sensibilisation des travailleurs et des employeurs à la protec-
tion sociale (section 3.2). Il présente des stratégies pour favoriser l’accès des travailleurs à l’information
en général, notamment en ce qui concerne les droits individuels. En outre, il examine l’importance de la
bonne gouvernance et met en évidence les moyens de renforcer la gouvernance des régimes de protec-
tion sociale (section 3.3), y compris des recommandations sur les stratégies pour un meilleur accès aux
procédures de réclamation et d’appel et l’importance de procédures efficaces, efficientes et rentables.
3.2.1
Informer les travailleurs et les employeurs de leurs droits
et obligations
Que doivent savoir les travailleurs et les employeurs?
Les employeurs et les travailleurs doivent connaître leurs droits et obligations en matière de sécurité
sociale. En particulier:
X Quelles sont les obligations des travailleurs et des employeurs en ce qui concerne le paiement des
cotisations? Quelles sont les obligations des employeurs à cet égard? Quelles sont les obligations des
travailleurs à cet égard et comment peuvent-ils s’assurer que les cotisations sont payées en leur nom?
X Où et comment les travailleurs et les employeurs doivent-ils s’inscrire pour le paiement des cotisations
et le versement des prestations?
X Où et comment peuvent-ils faire appel d’une décision ou déposer une plainte s’ils ne sont pas satisfaits
d’une décision ou si les prestations sont jugées insuffisantes?
X Qui est responsable si les prestations ne sont pas versées à temps et quels sont les mécanismes de
recours disponibles?
La mise en œuvre de nouvelles lois et de nouveaux régimes doit toujours s’accompagner de campagnes
d’information à l’intention des travailleurs sur l’importance de la protection sociale en général et du
régime spécifique en particulier. Ces campagnes doivent fournir une explication détaillée: de la loi/du
régime; des prestations disponibles et des conditions d’éligibilité; des exigences en matière de cotisa-
tion, le cas échéant; des procédures administratives; et des droits et obligations des travailleurs et des
employeurs (voir également les chapitres 5, 6 et 7).
Aux Philippines, par exemple, l’extension de la sécurité sociale aux travailleurs domestiques au moyen
de la loi sur les travailleurs domestiques s’est accompagnée d’une vaste campagne d’information (voir
encadré 4.7). Une approche créative a été adoptée au Kenya, où des informations sur le programme
MBao ont été transmises aux artisans lors de bilans auditifs gratuits (AISS 2011c).
Les informations doivent être fournies dans un langage simple, clair et accessible. Elles ne doivent
pas exiger de connaissances préalables sur le sujet, doivent être présentées dans un format court et
doivent être compréhensibles. Les informations doivent être traduites dans toutes les langues par-
lées dans la région/le pays, y compris les langues des minorités et des migrants. Cela est important
pour garantir un processus inclusif de diffusion de l’information et un taux de participation élevé aux
programmes.
La proximité est un facteur décisif de diffusion d’informations utiles pour les populations. Pour cette
raison, il sera utile de multiplier les points d’accès physiques. Il conviendra alors d’ouvrir des bureaux
locaux de sécurité sociale ou des terminaux d’information où les gens pourront obtenir des réponses
à leurs questions ou approfondir leurs connaissances. Le personnel de ces bureaux devra être formé
à la diffusion d’informations de manière interactive et utile (voir encadré 3.1 et section 5.2).
Afin de se rapprocher de ses adhérents, la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) de Madagascar
a décidé d’augmenter le nombre de ses antennes régionales en 2012. Dans certaines régions isolées,
un bureau mobile a été mis en place pour diffuser des informations et sensibiliser la population aux
régimes et prestations de protection sociale. Les populations auparavant exclues ont désormais accès
à des connaissances sur les institutions et programmes de sécurité sociale, ce qui est très utile dans
la mesure où l’équipe des bureaux locaux peut donner des conseils, proposer des services et diffuser
des informations adaptées à leurs besoins spécifiques. L’équipe sensibilise donc les populations sur
les prestations et les perspectives en matière de protection sociale et la réception et le traitement des
demandes. La proximité avec la population assurée implique un accès direct aux informations perti-
nentes.
X Encadré 3.2 Utiliser les médias pour sensibiliser à la sécurité sociale: expérience
du Kirghizistan, de la République de Moldova, de la Thaïlande et du Viet Nam
Pour atteindre les travailleurs et les employeurs, il est important de diffuser les informations par l’inter-
médiaire de canaux adaptés. Le choix de ces canaux dépend du groupe cible et est parfois inhabituel.
Par exemple, en Jamaïque, des brochures sur les droits des travailleurs domestiques ont été distribuées
le long des axes de transport largement empruntés, tandis qu’au Paraguay les employeurs potentiels de
travailleurs domestiques ont reçu des brochures d’information avec leur facture d’électricité (CSI et ONU
Femmes 2013; Both et al. 2018). En Afrique du Sud, la loi sur les conditions essentielles de l’emploi oblige
les employeurs à afficher sur le lieu de travail une déclaration indiquant les droits des employés, que ces
derniers peuvent consulter dans la langue officielle utilisée sur le lieu de travail.
Pour que les campagnes de sensibilisation atteignent leurs objectifs, il importe d’utiliser des messages
qui feront écho chez le public cible. Par exemple, en Zambie, les campagnes de sensibilisation ont été
adaptées à des groupes spécifiques de travailleurs, tels que les travailleurs domestiques et les travail-
leurs des MPE (voir encadré 3.4).
À Cabo Verde, une approche proactive a été utilisée pour mettre en œuvre une campagne intense et
bien planifiée ciblant spécifiquement les travailleurs indépendants dans les zones urbaines et rurales.
Dans le cadre de cette campagne, des activités ont été menées auprès des enfants et des jeunes pour
sensibiliser les futurs cotisants aux prestations de la protection sociale en espérant aussi qu’ils encou-
ragent leurs parents à s’inscrire. Lors d’ateliers avec différents groupes (religieux, organisations de
producteurs et de femmes), des informations directes sur l’assurance sociale ont pu être transmises
aux travailleurs indépendants. Cabo Verde constitue un bel exemple d’une modalité de mise en œuvre
globale pour cette approche (voir encadré 5.3). [TI]
Source: Durán Valverde et al. 2013.
Source: Voir aussi la vidéo Youtube du BIT intitulée «Step out of the shadow! – Mobile theatre against informal employment in Tajikistan».
Dans le cas des travailleurs agricoles, l’éloignement, assorti d’un manque d’éducation, peut déboucher
sur un manque d’informations chez de nombreux travailleurs concernant leurs droits en général et la
législation publique existante, mais aussi les politiques et les régimes pertinents [TA]. Les efforts visant
à intégrer les travailleurs agricoles dans les régimes d’assurance sociale doivent tenir compte de ces
contraintes et adapter les méthodes d’information/de sensibilisation aux besoins et à la situation spéci-
fique de ce groupe. Par exemple, en Tunisie, une campagne publicitaire menée par le gouvernement, les
organisations d’employeurs et de travailleurs a été un élément clé du succès de la réforme du système
de sécurité sociale en 1996 (voir encadré 3.7).
En Tunisie, les réformes du système de sécurité sociale en 1996 ont été accompagnées d’une campagne
publicitaire à grande échelle menée par le gouvernement, en collaboration avec les organisations d’em-
ployeurs et de travailleurs, pour sensibiliser à l’évolution de la législation et expliquer le nouveau cadre
mis en place. La campagne a été un élément crucial du succès de la réforme, qui a incité un grand
nombre d’employeurs et de travailleurs à s’affilier au régime. Les syndicats ont également joué un rôle
éducatif en sensibilisant la population à l’importance de la protection sociale.
Source: D’après Bailey 2004; Olivier 2009.
66 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
En 2014, la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) du Cameroun a mis en place un régime d’as-
surance volontaire pour les travailleurs indépendants et autres travailleurs du secteur informel. Afin
de faire connaître le dispositif aux bénéficiaires potentiels, les «secrétariats sociaux» accrédités par la
CNPS du Cameroun (entité physique ou institution publique) ont pour mission de contacter et de former
les personnes intéressées. La CNPS du Cameroun a fourni aux secrétariats sociaux accrédités des kits
de formation et d’information et a perçu une cotisation pour chaque nouveau membre. Depuis 2015,
137 574 personnes ont adhéré au régime d’assurance volontaire. La couverture de la sécurité sociale
est passée de 10 pour cent en 2014 à 16,34 pour cent en 2016, dont 1,54 pour cent du régime volontaire.
Source: D’après AISS 2017d.
X Comment les travailleurs et les employeurs peuvent-ils être mieux informés de leurs droits et
obligations en matière de protection sociale?
X Comment rendre ces informations plus accessibles?
X Les informations sur la protection sociale sont-elles accessibles dans toutes les langues
parlées dans le pays?
X Les informations sont-elles accessibles à tous, y compris aux personnes analphabètes et aux
personnes souffrant de handicap?
X Les informations sont-elles disponibles sous différentes formes (à la fois des informations
simplifiées et plus complexes, via différentes formes de médias)?
X Les groupes marginalisés ont-ils accès à ces informations?
3.2.2
Informations individualisées sur les droits à la sécurité sociale
Dans bien des pays, les administrations de la sécurité sociale ont intensifié leurs efforts pour informer
activement leurs membres de leurs relevés de cotisations et de leurs droits. Par exemple, en Jordanie, les
assurés reçoivent chaque année une lettre les informant des cotisations versées en leur nom, des détails
de leur période de cotisation et du salaire déductible. Ce système de comptes annuels pour les assurés
fournit une estimation du niveau de pension qu’ils pourront toucher à la retraite (AISS 2009d). L’Institut
mexicain de sécurité sociale (IMSS) a développé un système en ligne pour fournir aux travailleurs parti-
cipants des informations sur le nombre de cotisations hebdomadaires versées par an et les relevés de
cotisation de leurs cinq derniers employeurs (AISS 2009a). En Turquie, les membres assurés peuvent
vérifier leur statut d’assurance en ligne (voir encadré 3.10). En Ouganda, les travailleurs assurés reçoivent
des informations sur les cotisations versées en leur nom par SMS (voir encadré 6.13).
S’ils connaissent leur relevé de cotisation et leurs droits à la sécurité sociale, les travailleurs en auront
davantage le contrôle et pourront également insister pour que leurs employeurs paient les cotisations
correctement et régulièrement en leur nom. La participation des membres à leur système de sécurité
sociale renforce la responsabilité de chacun et améliore ainsi l’efficacité et l’efficience du système.
X Encadré 3.10. Informations en ligne pour les assurés sur l’assurance-maladie en Turquie
En 2012, la Turquie a créé un système d’information unifié combinant les bases de données de trois ins-
titutions de sécurité sociale différentes. En utilisant uniquement leur numéro d’identification et la date
figurant sur leur certificat de citoyenneté, les membres peuvent accéder rapidement aux informations
sur le statut d’inscription et de prime de leur pension et de leur assurance-maladie sans avoir à faire
des déplacements pénibles au bureau de la sécurité sociale le plus proche. Des mises à jour sont effec-
tuées automatiquement dans le système au moindre changement (paiement des cotisations, contrat
d’assurance, paiement des prestations, etc.).
Grâce à cette base de données unifiée, les informations de trois établissements indépendants de
sécurité sociale ont été regroupées dans une seule base de données afin de permettre aux membres
d’accéder plus facilement aux informations sur leurs droits à l’assurance.
Source: D’après AISS, 2013.
68 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Liste de contrôle 3.2. Informations individualisées sur les droits à la sécurité sociale
X Les régimes de sécurité sociale informent-ils activement leurs membres de leurs relevés de
cotisations et de leurs droits?
X Les régimes de sécurité sociale encouragent-ils la participation des travailleurs en fournissant
suffisamment d’informations?
3.2.3
Éduquer les jeunes sur la sécurité sociale et créer une culture
de la sécurité sociale
Afin de mieux faire connaître les droits et responsabilités en matière de sécurité sociale, certains pays ont
mis en place des programmes de sensibilisation à la sécurité sociale dans le cadre du programme d’ensei-
gnement général et de la formation professionnelle. C’est le cas, par exemple, en Argentine, au Belize, au
Ghana et au Pérou. Le programme d’éducation à la sécurité sociale le plus complet existe en Uruguay, où
des unités d’apprentissage adaptées à différents âges sont intégrées dans les programmes scolaires à dif-
férents niveaux, à partir de 5 ans et jusqu’à la formation universitaire et professionnelle (voir encadré 3.11).
Ce programme d’éducation à la protection sociale peut être un élément central de la construction d’une
«culture de la sécurité sociale» garantissant la sensibilisation de la population à ses droits et devoirs et
à la valeur de la couverture de protection sociale (AISS 2008). Il fait partie d’une éducation civique plus
large qui est particulièrement importante pour les enfants et les jeunes et est également une compo-
sante importante des programmes de formation professionnelle (BIT 2017b).
Dans les cas où les programmes éducatifs sont (encore) inexistants, des initiatives ponctuelles peuvent
contribuer à sensibiliser la population dès le plus jeune âge. Par exemple, à Madagascar, des clubs pour
les enfants ont vu le jour, et des activités ont été organisées pendant les fêtes (AISS 2014e). Dans certains
pays, la sensibilisation à la couverture de la sécurité sociale est également liée aux initiatives de renfor-
cement des connaissances financières et des connaissances relatives aux pensions de retraite.
En règle générale, l’éducation à la protection sociale vise à: améliorer la compréhension et la sensibili-
sation des personnes aux différents risques auxquels elles sont confrontées tout au long du cycle de
vie; sensibiliser les populations à leurs droits et responsabilités en matière de sécurité sociale; fournir
des informations sur les régimes et prestations de sécurité sociale disponibles et sur la manière de les
utiliser efficacement; et permettre aux populations de faire des choix éclairés et de prendre des mesures
efficaces pour améliorer leur couverture de sécurité sociale.
X Chapitre 3: Sensibiliser et instaurer la confiance 69
X Encadré 3.12. Comment bâtir une culture de protection sociale, dont en santé ?
La création d'une culture de la protection sociale est un processus propre à chaque pays, en fonction
de son contrat social et de ses idéologies. Cependant, le BIT a identifié trois stratégies promouvant
cette culture, soit
1. L’éducation sur la protection sociale,
2. La sensibilisation et communication sur les droits à la population ; et
3. Le renforcement de capacités du personnel des institutions de protection sociale et des
institutions de santé.
Compréhension du
Connaissances des s droits à la fonctionnement de la protection
protection sociale et les obligations sociale et de ses valeurs
qui en découlent fondatrices
Culture de
protection sociale
En outre, des campagnes d’information adaptées aux besoins et à la situation des travailleurs et des
unités économiques dans des secteurs spécifiques sont un outil très utile pour atteindre des groupes
spécifiques. Elles sont particulièrement utiles pour les MPE, les travailleurs indépendants et les travail-
leurs agricoles, car ces groupes ne se sentent pas vraiment représentés dans les campagnes d’informa-
tion générales. Par exemple, en Zambie, une campagne d’information cible spécifiquement les MPE du
secteur de la construction (voir encadré 3.14).
Source: Site Web de l’OIT, voir aussi la vidéo YouTube du BIT intitulée «Labour laws in Zambia: What are their benefits?»
X BIT à paraître(a). Guide sur l’éducation et la culture en matière de protection sociale (titre provisoire).
X AISS 2014a. Lignes directrices de l’AISS en matière de qualité des services.
X AISS 2016a. Lignes directrices de l’AISS en matière de solutions administratives pour l’extension
de la couverture.
X AISS. 2016b. Lignes directrices de l’AISS en matière de communication des administrations de sécurité sociale.
X AISS. 2016c. Lignes directrices de l’AISS en matière de technologies de l’information et de la communication
X RNSF. 2017d. Extending Coverage: Social Protection And The Informal Economy.
72 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Les travailleurs ont besoin de savoir qu’ils sont effectivement protégés et peuvent accéder aux presta-
tions auxquelles ils ont droit. De même, les employeurs doivent avoir la garantie que leur main d’œuvre
est bien protégée, que les processus administratifs sont efficaces et que la protection sociale les aide à
conserver leur main-d’œuvre et à en améliorer la productivité pour qu’ils respectent leurs obligations,
enregistrent les travailleurs et paient les cotisations d’assurance sociale. Si le système est considéré
comme étant inefficace ou corrompu, les employeurs sont moins susceptibles de s’intéresser activement
à la sécurité sociale de leurs travailleurs. En étant persuadés que l’affiliation des travailleurs et le paie-
ment des cotisations ne sont pas un fardeau, mais un véritable investissement, les employeurs se sentent
plus impliqués dans le système de protection sociale.Comment établir cette confiance? Une bonne gou-
vernance et une administration efficace sont essentielles. Un élément important est le dialogue social
entre le gouvernement et les organisations d’employeurs et de travailleurs afin de créer une compré-
hension commune de la situation et d’améliorer la gouvernance et la qualité des services. Ce dialogue
social doit également inclure les organisations des personnes opérant dans l’économie informelle (BIT
2017d). Les administrations de protection sociale sont une interface importante entre le gouvernement
et ses citoyens. Plus elles sont ouvertes, accessibles, responsables et transparentes, plus elles favorisent
la participation et plus elles sont perçues de manière positive. Cependant, lorsque ces administrations
semblent inaccessibles, technocratiques et incompréhensives à l’égard de leurs clients, elles n’invitent
pas à la participation et ne favorisent pas l’extension de la couverture (RNSF 2017, 61-62). La responsabi-
lité et la transparence, en plus d’être des fins en soi, sont donc essentielles pour construire un système
de protection sociale digne de confiance et faire en sorte que les populations puissent réaliser leurs
droits tout en respectant leur obligations. Cela est essentiel au fonctionnement effectif d’un système
de protection sociale de manière crédible, équitable et durable, ainsi que d’un programme plus large de
création d’institutions, comme le reflète l’objectif 16 des ODD (BIT 2017e).
Des leçons peuvent également être tirées d’une réforme dans l’État de Lagos, au Nigéria, où le
gouvernement local a commencé par des améliorations relativement simples mais très visibles
des services publics, qui se sont traduites par un sentiment de confiance en l’efficacité de l’ad-
ministration publique et le renforcement de la volonté des citoyens à respecter leurs obligations
fiscales (voir encadré 3.17).
X Encadré 3.17. Amélioration des services publics et renforcement de la confiance dans l’État
de Lagos, Nigéria
Dans l’État de Lagos au Nigéria, un ensemble de réformes politiques initiées par le gouverneur au
cours de la période 2007-2015 a amélioré la prestation des services publics: les procédures administra-
tives sont plus efficaces et transparentes, et les investissements dans le réseau routier et l’éducation
ont conduit à une amélioration significative en termes de qualité. Ces réformes ont considérablement
renforcé la confiance dans les pouvoirs publics. Depuis 2007, des conférences régulières réunissant
des parties prenantes dans le domaine fiscal et des représentants du secteur privé, des syndicats, des
groupes de la société civile et des associations du secteur informel ont contribué à renforcer le soutien
du public grâce à des discussions sur les progrès accomplis par le gouvernement et ses attentes.
Par conséquent, certaines personnes sont davantage disposées à payer des impôts (y compris une
nouvelle taxe à la consommation dans les restaurants), et le respect des obligations en la matière a
enregistré une nette augmentation. Les recettes fiscales de l’État de Lagos sont passées de moins
de 40 milliards de nairas en 2000 à plus de 180 milliards de nairas en 2011 aux prix de 2012 (Gaspar,
Jaramillo et Wingender 2017, pp. 264).
En commençant par des réformes relativement simples, mais très visibles, telles que le nettoyage et
l’amélioration des espaces publics comme les parcs et les bords de route, les réformes ont contribué à
renforcer la légitimité du gouvernement, y compris chez les groupes marginalisés, et à réduire l’infor-
malité. Cette expérience démontre que la priorisation des services tangibles aux yeux de la population
et la sensibilisation aux droits et responsabilités peuvent être vecteurs de changement positif.
Source: D’après Gaspar, Jaramillo, et Wingender 2017; IIG 2011; IIG 2013.
X Chapitre 3: Sensibiliser et instaurer la confiance 75
3.3.2
Renforcer la transparence et la responsabilité dans les systèmes
de protection sociale
La transparence et la responsabilité sont au cœur de la bonne gouvernance et sont essentielles dans les
systèmes de protection sociale, tout en offrant des garanties contre la corruption et les pertes.
Les informations clés sur les institutions de protection sociale doivent être mises à la disposition des par-
ties prenantes en temps opportun et doivent être fiables, pertinentes et précises. Les décisionnaires dans
les institutions de sécurité sociale sont aussi juridiquement responsables de leurs décisions et de leurs
actes. Sans mise en place de systèmes adéquats de transparence et de responsabilité, les fonds alloués à
la protection sociale risquent d’être mal utilisés ou mal gérés. Les populations seront plus favorables à de
plus gros investissements dans la protection sociale si elles ont la garantie que ce sont bien les groupes
ciblés qui en bénéficient et, dans le cas contraire, qu’il est possible d’avoir recours à des mécanismes de
responsabilité contre les personnes ou institutions responsables (voir encadré 3.18).
Lorsque la gestion des institutions de sécurité sociale implique la participation active des représentants
des employeurs et des travailleurs dans le conseil d’administration, le rôle de ces représentants est cru-
cial pour garantir la bonne gouvernance de ces régimes (voir encadré 3.20).
Pour que la transparence fasse véritablement partie des programmes de protection sociale, elle ne doit
pas se limiter à la gestion et à l’administration financières. Différentes composantes des programmes
doivent disposer de mécanismes de transparence, tels que les mécanismes de ciblage, les critères
d’éligibilité, les niveaux de prestations et les mécanismes de réclamation et de recours. Les citoyens
auront alors accès à des informations sur la manière dont les autorités exécutent leurs obligations. Les
programmes de suivi et d’évaluation internes et externes peuvent également être rendus publics pour
accroître la transparence (Sepúlveda et Nyst 2012). Par exemple, en Inde, la transparence et la responsa-
bilité ont été renforcées grâce à la loi sur le droit à l’information.
3.3.3
Procédures efficaces et efficientes («rapport qualité-prix»)
Des procédures administratives efficaces et efficientes sont une condition préalable au bon fonction-
nement des systèmes de sécurité sociale. Des procédures administratives complexes, inaccessibles ou
inefficaces peuvent considérablement entraver l’accès aux prestations de protection sociale et le verse-
ment de cotisations à l’assurance sociale. Les travailleurs et les unités économiques en marge dans l’éco-
nomie informelle ont tendance à être plus touchés par les obstacles administratifs que ceux établis dans
l’économie formelle, car ils ont des capacités administratives limitées et ne peuvent pas se permettre de
s’absenter du travail pour s’occuper des procédures administratives.
X Chapitre 3: Sensibiliser et instaurer la confiance 77
Le sentiment d’inefficacité d’un système de protection sociale peut même restreindre la confiance et
l’appui à l’égard du système de protection sociale et donner l’impression que le système est un réseau
de procédures bureaucratiques plutôt qu’un processus ouvert et attrayant. Il est donc extrêmement
important d’améliorer l’administration de la sécurité sociale et de rendre les procédures administratives
plus accessibles et efficaces.
Dans ce scénario, le «rapport qualité-prix» ne signifie pas simplement que les coûts doivent être mini-
misés, mais que l’impact de l’argent dépensé doit être maximisé pour atteindre autant que possible les
objectifs des programmes de sécurité sociale. Au lieu de chercher à réduire les coûts, cette approche
prend en charge une analyse des coûts et bénéfices complète à toutes les étapes d’un programme:
conception et diagnostic, mise en œuvre et évaluation. L’idée est de s’assurer que tout ce qui est dépensé
pour les programmes de sécurité sociale est rentable en termes d’extrants (ce qui est proposé aux béné-
ficiaires) et d’impact (réalisation de l’objectif initial du projet). En créant un système dans lequel le «rap-
port qualité-prix» des programmes de protection sociale peut être calculé et évalué, il devient plus facile
d’obtenir un soutien plus large pour ces programmes, d’augmenter les investissements et de renforcer
la confiance des citoyens (White, Hodges et Greenslade 2013).
X Les procédures administratives sont-elles suffisamment accessibles et efficaces pour que les
travailleurs soient inscrits et contribuent aux programmes?
X L’impact des programmes de protection sociale est-il maximisé par rapport à l’argent dépensé?
X Quels ajustements administratifs faudrait-il faire pour faciliter l’accès aux personnes opérant dans
l’économie informelle?
X BIT 2005a. La gouvernance des institutions de sécurité sociale: Guide pratique à l'intention des
administrateurs d'Europe centrale et orientale.
X Site Web sur la protection sociale et les droits de l’homme, www.socialprotection-humanrights.
org.
X CIF-OIT 2010. La gouvernance des systèmes de sécurité sociale: Un guide pour les membres des
conseils d’administration en Afrique.
X AISS 2019. Lignes directrices de l’AISS en matière de bonne gouvernance.
3.3.4
Accès aux procédures de réclamation et de recours
L’accès aux procédures de réclamation et d’appel fait partie intégrante d’un système de sécurité sociale
fondé sur l’État de droit et dans lequel les droits à la sécurité sociale sont ancrés dans les cadres juri-
diques nationaux. Conformément à la convention no 102 et à la recommandation no 202, la législation
nationale doit offrir la possibilité de contester les décisions de l’administration concernant les presta-
tions de sécurité sociale au moyen de procédures de réclamation et de recours accessibles, efficaces et
gratuites pour le requérant (voir encadré 3.21). Ce mécanisme est primordial pour garantir la réalisation
effective du droit à la sécurité sociale, y compris les garanties essentielles de sécurité sociale du socle de
protection sociale défini au niveau national (BIT 2021c; Behrendt et al. 2017).
78 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Lorsque les décisions prises par l’administration sont inadaptées, il convient de trouver des solutions
efficaces pour rétablir les droits des bénéficiaires, ce qui est notamment le cas en Argentine. En effet,
les cas y sont examinés et les accords de règlements mis en œuvre grâce à une procédure efficace qui
réduit considérablement le temps d’attente pour les retraités (voir encadré 3.22).
Encadré 3.22. Accords de règlement nationaux pour les ajustements des pensions
X
en Argentine
En raison du grand nombre d’erreurs commises dans le versement des pensions par l’Administration
nationale de la sécurité sociale (ANSES) au cours des vingt-cinq dernières années, des centaines de mil-
liers de plaintes ont été déposées contre l’État, générant ainsi un niveau insoutenable de contentieux.
Afin de répondre à ce problème, l’ANSES a mis en place le Programme national de réparation historique
– un mécanisme volontaire d’accord de règlement des dettes dues aux bénéficiaires répondant aux cri-
tères de la loi no 27.260. Parallèlement, un programme de transmissions des données fiscales a été mis en
place pour faire face aux dépenses engagées, conformément aux paramètres définis par l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Groupe d’action financière.
En conséquence, plus d’un million de retraités ont bénéficié d’ajustements dans un délai de neuf mois,
comparés à une moyenne de huit ans d’attente avant la mise en œuvre du Programme national de
réparation historique.
Source: D’après AISS 2017b.
X4
Extension de la couverture
juridique: intégrer
les travailleurs
précédemment non
couverts aux législations
nationales
80 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Questions clés
X Quels sont les obstacles juridiques auxquels sont confrontés les travailleurs et les employeurs
dans l’économie informelle? Quels groupes de travailleurs sont exclus du champ d’application de la
législation en matière de sécurité sociale et de travail et quelles sont les lacunes concernant la mise
en œuvre et l’application de la loi?
X Comment les travailleurs dans l’économie informelle peuvent-ils être soumis à la législation d’une
manière efficace et adaptée à leurs besoins et à leur situation?
X Comment les cadres juridiques peuvent-ils être adaptés pour couvrir les travailleurs précédemment
non couverts et quelles autres mesures sont nécessaires pour assurer une protection efficace?
X Messages clés
X Afin d’étendre la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs dans l’économie informelle,
les cadres juridiques doivent être adaptés de manière à couvrir et protéger efficacement ces
travailleurs – pas seulement en théorie, mais en réalité.
X Les normes internationales du travail en général – et les normes de la sécurité sociale en particulier –
fournissent des orientations importantes pour établir des cadres juridiques nationaux plus efficaces
et adaptés aux réalités des travailleurs et des employeurs.
X L’extension de la couverture juridique n’est pas suffisante pour atteindre une couverture effective
et faciliter la transition vers l’économie formelle. Des actions supplémentaires sont nécessaires
pour garantir que les cadres juridiques sont effectivement mis en œuvre et appliqués, notamment
sensibiliser et instaurer la confiance; supprimer les obstacles administratifs et financiers à la
couverture; et veiller à ce que ces mesures tiennent compte et soient adaptées aux besoins et aux
circonstances spécifiques des travailleurs et de leurs employeurs.
Le cadre normatif de l’OIT défini au niveau international fournit des orientations détaillées pour
l’extension de la sécurité sociale aux travailleurs dans l’économie informelle. Élaborées et adop-
tées par les mandants tripartites de l’OIT, les gouvernements, les représentants des employeurs
et des travailleurs de tous les États Membres de l’OIT, les conventions et recommandations éta-
blissent des normes que les États se fixent, en s’appuyant sur les bonnes pratiques et les moyens
innovants pour assurer une protection sociale renforcée et étendue dans les pays de toutes les
régions du monde. Les conventions et recommandations de l’OIT reposent sur l’idée qu’il n’existe
pas de modèle unique parfait de sécurité sociale; au contraire, il appartient à chaque société de
développer les meilleurs moyens de garantir la protection requise. En conséquence, elles offrent
une gamme d’options et de dispositifs souples pour leur application qui peuvent être obtenus
grâce à une combinaison de prestations contributives et non contributives, de régimes généraux
et professionnels, d’assurance obligatoire et volontaire et de différentes méthodes de gestion des
prestations, toutes destinées à assurer un niveau global de protection qui réponde au mieux aux
besoins de chaque pays.
La convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952 prévoit des normes de
couverture minimale pour chacune des neuf éventualités classiques de sécurité sociale (soins médi-
caux, maladie, chômage, vieillesse, accidents du travail, famille, maternité, invalidité, survivants).
Visant à combler les lacunes en matière de couverture de sécurité sociale et à parvenir à une cou-
verture universelle, la recommandation (no 202) sur les socles de protection sociale, 2012, invite
les États à garantir au moins des niveaux de protection minimum à tous et à garantir progressi-
vement des niveaux de protection plus élevés. Les socles nationaux de protection sociale doivent
comprendre des garanties de sécurité sociale de base qui permettent un accès effectif aux soins
essentiels de santé et une sécurité du revenu minimale permettant aux personnes de vivre dans la
dignité tout au long du cycle de vie, y compris au minimum:
X la sécurité du revenu de base pour les personnes en âge de travailler qui ne sont pas en
mesure de gagner un revenu suffisant, en particulier en cas de maladie, de chômage,
de maternité et d’invalidité;
La recommandation no 202 prévoit que les stratégies d’extension de la sécurité sociale s’appliquent
aux personnes dans l’économie formelle et informelle et soutiennent «la croissance de l’emploi
formel et la réduction de l’informalité» (paragr. 15).
La recommandation (no 204) sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle,
2015, précise en outre qu’en établissant et en maintenant des socles de protection sociale au sein
de leurs systèmes de sécurité sociale, les pays «devraient accorder une attention particulière aux
besoins et à la situation des personnes opérant dans l’économie informelle et de leurs familles»
(paragr. 19). Elle souligne aussi le rôle important de l’extension de «la couverture de l’assurance
sociale aux personnes opérant dans l’économie informelle» (paragr. 20), ce qui peut nécessiter
l’adaptation des procédures administratives, des prestations et des cotisations, en fonction de leur
capacité contributive.
Note: La convention no 102 a été ratifiée à ce jour par 59 pays, plus récemment par l’Argentine (2016), le Bénin (2019), le Brésil (2009), l
a Bulgarie (2008), Cabo Verde (2020), la Fédération de Russie (2019), le Honduras (2012), la Jordanie (2014), le Maroc (2019), la République
dominicaine (2016), la Roumanie (2009), Saint-Vincent-et-les Grenadines (2015), le Tchad (2015), l’Ukraine (2016) et l’Uruguay (2010),
et fournit des orientations pour les 187 États Membres de l’OIT. Les recommandations de l’OIT ne sont pas ouvertes à ratification.
Troisièmement, la législation peut avoir été mise en œuvre, mais peut ne pas être appliquée, ou pas entiè-
rement. Dans bien des cas, un tel manque d’application peut être associé à un manque de capacité d’ins-
pection, en particulier dans les secteurs de l’économie qui nécessitent un niveau de ressources plus élevé
que d’autres en raison de leur éloignement géographique ou de la structure de leurs unités économiques.
Cependant, outre le fait de priver de nombreux travailleurs de protection, l’application incomplète de la
législation entraîne également un traitement inégal des travailleurs et des entreprises (voir chapitre 7).
Afin d’étendre la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs dans l’économie informelle, les cadres
juridiques doivent être adaptés de manière à couvrir et protéger efficacement ces travailleurs – pas seule-
ment en théorie, mais en réalité.
Les normes internationales du travail en général – et les normes de la sécurité sociale en particulier
– fournissent des orientations importantes pour établir des cadres juridiques nationaux plus effi-
caces et adaptés aux réalités des travailleurs et des employeurs. Pour les travailleurs, le respect des
normes internationales de sécurité sociale va généralement de pair avec une certitude accrue, une
sécurité du revenu plus élevée, une meilleure protection sociale et un meilleur accès à la santé et à
l’éducation, qui impactent positivement l’économie et la société (BIT 2013c). Pour les employeurs, la
conformité implique des travailleurs plus sains et mieux formés, une productivité plus élevée, moins
d’absentéisme et de rotation des travailleurs, de meilleures relations sur le lieu de travail, une struc-
ture de coûts plus prévisible et un environnement concurrentiel plus équitable pour les entreprises.
Si, à titre d’exemple, la concurrence fondée sur les salaires et le coût minimum de l’emploi était
éliminée, une concurrence basée sur la productivité, sur une meilleure gestion, sur l’efficacité du
travail et sur la compétence des travailleurs pourrait alors émerger et faire disparaître les entreprises
inefficaces, et se traduire par une économie plus efficace dans son ensemble (BIT 2013c).
Ce chapitre traite de l’extension de la couverture d’un point de vue juridique, en se concentrant sur le
placement des travailleurs précédemment non couverts dans le champ d’application de la législation
en matière de sécurité sociale et de travail. Le chapitre examine les enjeux spécifiques et les options
politiques en fonction des normes internationales de sécurité sociale et des bonnes pratiques. Il est
principalement axé sur quatre des cinq catégories de travailleurs identifiées au chapitre 2, qui sont
souvent totalement ou partiellement exclues de la couverture de la sécurité sociale: les travailleurs
de MPE (section 4.2); les travailleurs domestiques (section 4.3); les travailleurs agricoles (section 4.4);
et les travailleurs indépendants, y compris les travailleurs à leur propre compte (section 4.5).
1 I l n’y a pas de définition unique des MPE, et les définitions sont généralement fondées sur le nombre d’employés, le chiffre
d’affaires annuel ou la valeur des entreprises. Certaines définitions incluent les travailleurs indépendants dans la caté-
gorie des microentreprises; d’autres, non. Dans ce document, nous utilisons la définition suivante: les microentreprises
sont définies comme les entreprises de 2 à 9 employés; et les petites entreprises, comme celles de 10 à 49 employés (BIT
2019f, p. 1). Les travailleurs indépendants sont traités dans une section distincte (voir section 4.4).
2 L
es estimations présentées ici sont basées sur une nouvelle base de données du BIT qui s'appuie sur les enquêtes natio-
nales sur les ménages et la population active (par opposition aux enquêtes auprès des entreprises) de 99 pays dans toutes
les régions du monde, à l'exception de l'Amérique du Nord.
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 83
non couverts aux législations nationales
Cependant, pour diverses raisons, les travailleurs des MPE sont généralement moins couverts par la
sécurité sociale que les travailleurs des grandes entreprises. En conséquence, bon nombre d’entre eux
figurent parmi les 71 pour cent de la population mondiale privés d’une couverture de protection sociale
ou bénéficiant d’une couverture insuffisante (BIT 2017a). Le niveau de productivité de nombreuses MPE
est souvent faible, et leur fonctionnement s’inscrit dans une perspective à court terme. Elles rencontrent
aussi des difficultés pour se conformer aux réglementations sur le salaire minimum et les législations
en matière de sécurité sociale en raison de leurs capacités administratives et financières limitées. De
nombreuses MPE sont informelles, ce qui signifie qu’elles ne sont pas couvertes ou sont insuffisamment
couvertes par la législation ou d’autres accords formels. Par exemple, il est possible qu’elles ne soient
pas toutes dûment enregistrées. Le manque de formalisation des petites unités économiques entraîne
également un manque de couverture de protection sociale pour leurs travailleurs (BIT 2017d; BIT 2019b).
Cependant, de nombreux employés des MPE formelles ne sont pas non plus protégés. Cela peut s’expli-
quer par les lacunes dans la législation en matière de sécurité sociale ou le non-respect de la législation
applicable et, dans de nombreux cas, par leur capacité administrative et financière limitée. Dans certains
cas, les cadres juridiques ne s’appliquent pas aux employés des MPE en dessous d’une certaine taille, ce
qui prive la main-d’œuvre des MPE de la protection de l’assurance sociale légale (Mesa-Lago 2008a, pp.
82; BIT 2013c, pp. 410). Par exemple, au Viet Nam, les travailleurs des entreprises de moins de 10 salariés
n’étaient pas couverts par la législation en matière de sécurité sociale jusqu’en 2005 et étaient donc
privés de l’assurance sociale jusque-là.
Dans certains pays, la législation en matière de sécurité sociale peut spécifier que les entreprises infé-
rieures à une certaine taille minimale soient exemptées d’obligations en matière de couverture de sécu-
rité sociale, ce qui laisse les travailleurs de ces MPE non protégés par l’assurance sociale obligatoire. Dans
certains cas, l’introduction de mécanismes d’assurance sociale a favorisé les travailleurs des grandes
entreprises, tandis que l’extension aux petites entreprises n’a pas encore commencé, parfois en raison
de préoccupations concernant la capacité administrative limitée des petites entreprises. Cette exclusion
de la législation des MPE contribue au faible taux de couverture de leurs travailleurs. Par exemple, en
Amérique latine, le niveau de couverture d’assurance sociale dans les microentreprises est près de deux
fois inférieur au niveau de couverture dans les grandes entreprises (BIT 2014d).
Outre leur exclusion de la législation en matière de sécurité sociale et de travail, une application incom-
plète peut encore davantage freiner la couverture de sécurité sociale des travailleurs des MPE (Pena,
Durán Valverde et Castillo Rivas 2012). Une autre complication vient du fait que, dans certains cas, la
relation de travail peut ne pas être facilement identifiable, ou peut être ambiguë ou dissimulée, ce qui
est souvent le cas dans les MPE (BIT 2013c).
4.2.2
Comment les travailleurs des micro et petites entreprises
peuvent-ils être inclus dans la législation nationale?
L’inclusion des employés de toutes les entreprises dans la législation en matière de sécurité sociale peut
être réalisée par:
a. l’abaissement ou la suppression des seuils minimaux concernant la taille des entreprises dans la
législation en matière de sécurité sociale ou de travail;
b. l’inclusion des catégories supplémentaires de travailleurs dans cette législation pour tenir compte
de la diversité des situations d’emploi.
ou plus en 2002 (Thailand Development Research Institute sans date) 3. En 2017, la Caisse nationale de
sécurité sociale au Cambodge a étendu la couverture en réduisant le seuil minimum des entreprises de 8
employés ou plus à celles de 1 employé ou plus (Both et al. 2018). En République de Corée, la couverture
santé et retraite a aussi été progressivement étendue aux travailleurs des petites entreprises. Le régime
d’assurance-maladie obligatoire a été initialement mis en place en 1977 pour les travailleurs des entre-
prises de plus de 500 employés, mais a été étendu en 1979 aux entreprises de plus de 300 employés, en
1981 à celles de plus de 100 employés, en 1983 à celles de plus de 16 employés et en 1988 aux entreprises
de plus de 5 employés. La couverture obligatoire des pensions a commencé en 1988 pour les entreprises
de plus de 10 employés et a été étendue à celles de plus de 5 employés en 1992 (Kwon 2009)
En Jordanie, la loi de 2010 sur la sécurité sociale temporaire a étendu la couverture aux travailleurs des
entreprises de moins de 5 employés, qui étaient auparavant exclus de l’assurance sociale, ainsi qu’aux
Jordaniens travaillant à l’étranger. Afin de faciliter cette extension de la couverture, la stratégie du gou-
vernement favorisant la sensibilisation de toute la population comprenait une campagne d’information
et de sensibilisation qui a ciblé par la suite les entreprises de travailleurs de toutes les régions (voir
encadré 4.2 et profil de pays).
Au Viet Nam, l, le Code du travail (loi du 23 juin 1994, article 138) dispose que l’État doit établir des
politiques visant à étendre progressivement la sécurité sociale et à protéger les travailleurs et leurs
familles en cas de maladie, de maternité, de retraite, de décès, d’accidents du travail et de maladies
professionnelles, de perte de travail, d’accidents et autres difficultés pour chaque catégorie de béné-
ficiaires des entreprises (article 140, paragraphe 1). Alors que la couverture obligatoire était à l’origine
limitée aux entreprises de 10 employés ou plus (article 141), elle a été étendue en 2005 à toutes les
entreprises pour les employés ayant un contrat de travail de trois mois ou plus (Castel 2009; Daza
2005). En vertu de la révision de 2014 de la loi sur l’assurance sociale, la couverture a été étendue à
tous les employés ayant un contrat de travail d’un mois ou plus en 2018. Ainsi, en théorie, tous les
employés ayant des contrats d’au moins un mois doivent être couverts par la sécurité sociale. Alors que
la couverture d’assurance sociale a augmenté au cours des dix dernières années, en 2015, moins de
60 pour cent de tous les salariés étaient couverts par la Caisse de sécurité sociale du Viet Nam (OCDE
2018). Le faible taux de conformité est en partie attribué à des connaissances réglementaires limitées
et à des mécanismes d’application faibles, ce qui empêche le gouvernement de garantir l’application
de la législation pertinente (Lee et Torm 2017).
3 C
ette extension de la couverture s'est également accompagnée d'une extension des prestations en 1998, avec l’ajout
de la pension de vieillesse et des allocations familiales aux prestations de maladie, de maternité, d'invalidité et de décès
existantes.
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 85
non couverts aux législations nationales
X BIT 2022b. Rapport mondial sur la protection sociale 2020-2022 : La protection sociale à la croisée
des chemins - bâtir un avenir meilleur.
X BIT 2021c. Construire des systèmes de protection sociale: Normes internationales et instruments
relatifs aux droits humains.
X BIT. 2017e. Rapport mondial sur la protection sociale 2017-2019
X BIT. À paraître (b). How-to guide to drafting social security law in line with international social
security standards (titre provisoire).
X AISS. 2016a. Lignes directrices de l’AISS: Solutions administratives pour l’extension de la couverture
X RNSF. 2017. Extending coverage: Social protection and the informal economy.
86 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
4.2.3
Quels autres éléments faut-il prendre en compte pour inclure
les travailleurs des micro et petites entreprises dans les régimes
de protection sociale?
Associer les travailleurs des MPE à la sécurité sociale et à la législation du travail est évidemment une
étape cruciale pour étendre la couverture de ces groupes, mais dans de nombreux cas cela ne sera pas
suffisant pour garantir efficacement leur couverture. Des mesures supplémentaires sont nécessaires
pour garantir que les processus administratifs ne représentent pas une charge trop élevée pour les
petites entreprises (voir chapitre 5); que les taux de cotisation ne font pas peser une charge excessive sur
les petites entreprises (voir chapitre 6); que les mécanismes de sécurité sociale et d’inspection du travail
sont efficaces et adéquats et que la conformité est encouragée (voir chapitre 7); et que les travailleurs
et les employeurs sont informés de la réglementation en vigueur et sont conscients de l’importance de
la couverture de la sécurité sociale (voir chapitre 3). Étant donné que la faible productivité et la faible
capacité financière sont parmi les principales contraintes auxquelles sont confrontées les MPE, il est
important de compléter ces mesures par une stratégie cohérente et globale pour améliorer la croissance
de la productivité des MPE et assurer un environnement commercial propice afin que leur transition vers
l’économie formelle soit facilitée.
X Liste de contrôle 4.1. Considérations en vue d’inclure des employés des micro
et petites entreprises dans la législation en matière de sécurité sociale
X Quels sont les principaux obstacles à l’extension de la couverture juridique aux travailleurs des
petites entreprises? Existe-t-il un seuil légal qui définit une taille minimale d’entreprise pour la
couverture des salariés? La définition du terme «employé» est-elle trop restrictive? Existe-t-il
d’autres dispositions pertinentes?
X S’il existe un seuil légal concernant la taille minimale des entreprises couvertes, pourrait-il être
supprimé ou réduit progressivement? Quelles mesures supplémentaires seraient nécessaires pour
alléger la charge administrative des MPE et faciliter l’enregistrement de leurs employés?
(voir chapitre 5 pour plus de détails).
X Si la définition de «salarié» dans la législation existante exclut de nombreux travailleurs des MPE,
y a-t-il une possibilité de réviser cette définition? Quelles mesures supplémentaires seraient
nécessaires pour faciliter la couverture de la sécurité sociale d’un groupe plus large de travailleurs?
X BIT 2013c. L’économie informelle et le travail décent: Un guide de ressources politiques: soutenir
les transitions vers la formalité.
X BIT 2015j. Les petites et moyennes entreprises et la création d’emplois décents et productifs,
Rapport IV, Conférence internationale du Travail, 104e session, Genève.
X BIT 2019b. Small matters: Global evidence on the contribution to employment by the self-
employed, micro-enterprises and SMEs.
X Van Elk et al 2014. Enterprise formalization: Fact or fiction? A quest for case studies.
X AISS. 2016. Lignes directrices de l’AISS en matière de Solutions administratives pour l’extension
de la couverture.
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 87
non couverts aux législations nationales
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Le faible niveau de couverture effective peut s’expliquer par l’exclusion des travailleurs domestiques du
champ d’application de la législation en matière de travail et de sécurité sociale. Les estimations montrent
que seulement 10 pour cent de tous les travailleurs domestiques sont couverts par la législation générale
du travail au même titre que les autres travailleurs, tandis que 47,8 pour cent sont partiellement couverts
et 29,9 pour cent ne le sont pas du tout (BIT 2013a, p. 50).
Les travailleurs domestiques peuvent être explicitement exclus de la législation en tant que catégorie ou
implicitement exclus, car ils sont moins susceptibles de respecter les critères d’éligibilité énoncés dans
la législation, tels que les heures de travail minimales ou les seuils de salaire. Par exemple, en Belgique,
les travailleurs domestiques sont exclus de la sécurité sociale s’ils travaillent moins de 24 heures par
semaine. Au Panama, les travailleurs domestiques travaillant moins de 3 jours par semaine pour le même
employeur sont exclus de la couverture médicale et de la pension de retraite. Au Brésil, les travailleurs
domestiques qui travaillent 2 jours ou moins pour un ménage ne sont pas couverts par le régime d’assu-
rance sociale (IPEA 2015). En Argentine, la couverture médicale n’est fournie que si un travailleur domes-
tique travaille au moins 6 heures pour le même employeur, ce qui exclut un grand nombre de travailleurs
dont les heures sont très réduites ou qui sont employés par plusieurs employeurs (AISS 2012, p. 52).
En outre, ils ne bénéficient pas toujours de conditions d’emploi claires ou de contrats de travail formel
(Mesa-Lago 2008a) et peuvent être exclus en raison de leur nationalité, car certaines lois ne couvrent que
les travailleurs nationaux et excluent effectivement les travailleurs domestiques migrants.
Même lorsqu’une législation existe, certains travailleurs sont parfois exclus de la couverture de la sécu-
rité sociale dans la pratique, car la législation n’est pas appliquée. Cela peut être dû au fait que le tra-
vail domestique est effectué dans des maisons privées, ce qui rend les travailleurs domestiques moins
visibles, plus exposés à l’informalité et vulnérables aux pratiques abusives (BIT 2013c). L’affiliation à la
sécurité sociale est également difficile à contrôler et à appliquer en raison de la difficulté pour les ins-
pections du travail à accéder aux ménages sur les plans juridique, financier et pratique (BIT 2016l). Les
inspections sont parfois impossibles lorsque les inspecteurs ne sont pas légalement autorisés à entrer
dans les maisons privées et, même s’ils le font, la dispersion des lieux de travail rend les inspections plus
coûteuses et plus longues que l’inspection d’autres types lieux de travail (Daza 2005) (voir aussi chapitre
7). En outre, les travailleurs domestiques ont souvent peu d’options pour accéder aux mécanismes de
réclamation et exprimer leurs préoccupations, ce qui est lié, entre autres facteurs, à la dispersion de leurs
lieux de travail (AISS 2012) (voir aussi chapitre 7).
Alors que la législation du travail et les réglementations associées excluent toujours la majorité des
travailleurs domestiques dans le monde, de nombreux pays ont réformé leurs lois relatives au travail
et à la sécurité sociale pour y inclure les travailleurs domestiques, notamment en Afrique du Sud, en
Argentine, en Bolivie (État plurinational de), au Brésil, au Chili, en France, en Espagne, en Suisse et en
Uruguay. L’extension de la protection du travail à ces travailleurs est une première étape vers l’extension
de la sécurité sociale à ce groupe et à la mise en conformité de la législation nationale avec les normes
internationales pertinentes en matière de droits de l’homme et de travail (voir encadré 4.4) (BIT 2013b;
BIT 2012b; CSI et ONU-Femmes 2013).
X Encadré 4.4: La situation des travailleurs domestiques et leurs droits tels que définis
dans les instruments internationaux
Comptant au moins 67 millions de travailleurs domestiques âgés de plus de 14 ans, ce secteur repré-
sente 4 pour cent de la main-d’œuvre mondiale (BIT 2016i). Le travail domestique occupe 1 femme
sur 25 dans le monde et 1 femme sur 4 en Amérique latine. L’OIT estime que près de 75 pour cent du
secteur évolue dans l’économie informelle et représente donc une part importante de l’emploi informel
chez les femmes, en particulier dans les zones urbaines (BIT 2016b). Les changements démographiques
et la privatisation des soins suggèrent que le secteur continuera de croître (CSI et ONU Femmes 2013).
De nombreux travailleurs domestiques (en moyenne 17 pour cent dans le monde) sont des travailleurs
migrants internationaux, ce qui affecte également leur couverture de sécurité sociale (BIT 2013c).
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 89
non couverts aux législations nationales
X Encadré 4.4. La situation des travailleurs domestiques et leurs droits tels que définis
dans les instruments internationaux (Final)
Les travailleurs domestiques ne sont pas un groupe homogène; ainsi, leurs profils démographiques
(âge, sexe et statut migratoire) varient, tout comme la nature de leurs emplois (à temps plein ou à temps
partiel, logés ou non) et les tâches qu’ils accomplissent (nettoyage, soins aux personnes âgées ou aux
enfants, gardiennage de maisons, conduite des enfants à l’école, jardinage ou cuisine, etc.). Cela signifie
que la définition du terme «travailleur domestique» ne doit pas reposer sur une liste de tâches ou de
services spécifiques, mais qu’il convient plutôt de trouver une formulation générale s’appuyant sur la
caractéristique commune des travailleurs domestiques, à savoir qu’ils travaillent «dans ou pour un ou
plusieurs ménages privés».
La convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, repose sur les définitions
suivantes (article 1):
«a. l’expression travail domestique désigne le travail effectué au sein de ou pour un ou plusieurs
ménages;
b. l’expression travailleur domestique désigne toute personne de genre féminin ou masculin
exécutant un travail domestique dans le cadre d’une relation de travail;
c. une personne qui effectue un travail domestique seulement de manière occasionnelle ou
sporadique sans en faire sa profession n’est pas un travailleur domestique.»
Ces définitions sont utilisées à l’échelle internationale et, conformément à la convention no 189, diverses
normes sur le travail domestique ont récemment été adoptées, telles que la recommandation (no 201)
sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011. La convention appelle les États Membres à
étendre aux travailleurs domestiques des protections égales à celles dont bénéficient généralement
les travailleurs et qui concernent leurs conditions d’emploi, les principes et droits fondamentaux au
travail et la sécurité sociale, entre autres.
Les droits des travailleurs domestiques sont également énoncés dans la convention sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et dans la recommandation générale no 26
concernant les travailleuses migrantes (y compris les travailleuses domestiques), adoptée par le Comité
pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) en 2008. Le
Comité pour la protection des droits de tous les migrants et des membres de leur famille a adopté une
observation générale sur les travailleurs domestiques migrants en 2010.
4.3.2
Comment inclure les travailleurs domestiques dans la législation
nationale?
L’inclusion des travailleurs domestiques dans la législation du travail et de la sécurité sociale est une
première étape importante vers une meilleure protection (BIT 2019d). Elle peut se faire par l’extension
de la couverture de la législation existante aux travailleurs domestiques ou la création d’une législation
spécifique à leur égard 4. Cette législation doit tenir compte de la nature spécifique du travail domestique,
notamment du fait que de nombreux travailleurs domestiques travaillent pour plus d’un employeur.
Ces dernières années, plusieurs pays ont élaboré et mis en œuvre une législation du travail et de la
sécurité sociale pour les travailleurs domestiques. L’Afrique du Sud a étendu la couverture juridique
de l’assurance-chômage, maternité et maladie aux travailleurs domestiques au moyen de la loi portant
une modification à l’assurance-chômage adoptée en 2003, ce qui a permis d’améliorer sensiblement
la protection des travailleurs domestiques (voir encadré 4.5). Au Brésil, l’assurance obligatoire contre
le chômage et contre les accidents du travail a été étendue aux travailleurs domestiques en 2013 (voir
encadré 4.6). Aux Philippines, la loi de 2013 sur les travailleurs domestiques a rendu les prestations de
sécurité sociale légalement accessibles aux travailleurs domestiques (voir encadré 4.7). Dans l’État pluri-
national de Bolivie, la législation protégeant les travailleurs domestiques existe depuis 2003, mais n’a été
4 D
es exemples de pays dotés d’une législation spécifique sur le travail domestique sont l’État plurinational de Bolivie
(loi no 2450, loi réglementant le travail domestique); les Philippines (loi no 10361/2013 sur les travailleurs domestiques);
le Mozambique (décret no 40/2008 sur les travailleurs domestiques); l’Uruguay (loi no 18.063 sur le travail domestique)
et le Brésil (amendement constitutionnel no 72/2013 sur le travail domestique).
90 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Encadré 4.7. Philippines: loi sur les travailleurs domestiques (Batas Kasambahay)
aux Philipinnes)
La loi sur les travailleurs domestiques no 10361, 2013 (Batas Kasambahay) étend les droits à la sécu-
rité sociale, y compris l’assurance-maladie, à environ 1,9 million de travailleurs domestiques, sur la
base de la convention no 189. Les travailleurs qui ont effectué au moins un mois de service sont éli-
gibles et seront couverts par le système de sécurité sociale (SSS), la Commission d’indemnisation des
employés, la Compagnie nationale d’assurance-maladie (PhilHealth) et le Fonds commun de développe-
ment (Pag-IBIG Fund). Les cotisations sont entièrement payées par les employeurs pour les travailleurs
domestiques qui gagnent moins de 5 000 pesos par mois et sont partagées entre les employeurs et les
travailleurs lorsque les salaires sont plus élevés, comme l’exige la loi.
La loi prévoit également des mécanismes permettant de réagir rapidement en cas de violations et des
moyens accessibles pour les plaintes. Pour mettre en œuvre la loi, les organisations de la société civile
ont mené une campagne dans le but de changer les attitudes envers les travailleurs domestiques, qui
a notamment établi le terme officiel philippin pour «travailleur domestique», à savoir: «kasambahay»
(aide à domicile). Le gouvernement a déclaré la Journée nationale des travailleurs domestiques, qui
se tiendra tous les 30 avril. Des contacts avec les médias sont également établis régulièrement, et un
Sommet national des travailleurs domestiques est organisé périodiquement.
Ces outils de sensibilisation, associés à un fort engagement politique aux niveaux national et local, ont
contribué de manière significative à la bonne application de la législation.
Source: BIT 2013c, p. 33.
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 91
non couverts aux législations nationales
appliquée qu’en 2008; cela a changé avec l’introduction d’une nouvelle législation, un engagement ferme
du gouvernement et un solide plaidoyer dirigé par les femmes (voir encadré 4.8). En Arabie saoudite,
les travailleurs domestiques étaient couverts pour les soins médicaux et les congés de maladie en 2013.
L’inclusion des travailleurs domestiques dans la législation en matière de sécurité sociale et de travail non
seulement offre une meilleure protection sociale aux travailleurs domestiques, mais contribue aussi à
valoriser le travail domestique comme un travail plutôt que comme une activité volontaire et sans valeur.
Ainsi, dans divers cas, l’application de nouvelles lois s’est accompagnée de campagnes visant à changer
les mentalités pour que le travail domestique soit considéré comme un travail précieux et nécessaire qui
doit être respecté et rémunéré de manière adéquate. En Afrique du Sud, les travailleurs domestiques
sont décrits comme des professionnels ayant des compétences. Aux Philippines, le gouvernement a
institué une journée nationale qui leur spécialement dédiée. Au Mozambique, la loi précise que le travail
domestique est une «contribution sociale sans laquelle le système économique ne peut fonctionner».
Tous les pays susmentionnés ayant procédé à l’extension de la couverture de la sécurité sociale aux
travailleurs domestiques ont pu compter sur un engagement politique fort et sur le soutien des orga-
nisations de la société civile. En Afrique du Sud, «la volonté politique, la détermination des politiques et
la sensibilisation du public, soutenues par un certain degré d’appui international, ont été au cœur du
succès relatif de l’extension de la protection aux travailleurs domestiques» (Olivier 2009). Dans l’État
plurinational de Bolivie, l’engagement d’un plaidoyer dirigé par des femmes a été crucial pour la mise en
œuvre de la loi sur le travail domestique en 2009.
Par conséquent, un engagement ferme à différents niveaux du gouvernement sera essentiel lors de la
conception et de la mise en œuvre de la législation et des programmes pour les travailleurs domestiques,
qui devront s’accompagner d’une collaboration avec la société civile et les organisations de travailleurs
domestiques, voire d’un appui international. Les législateurs doivent également être impliqués dans la
phase de développement.
92 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
4.3.3
Quels autres éléments faut-il prendre en compte pour inclure
les travailleurs domestiques dans la législation nationale?
Si l’extension de la couverture juridique est essentielle, la législation elle-même ne garantit pas l’inclusion
des travailleurs domestiques dans les régimes de protection sociale. Par conséquent, la législation doit
être accompagnée de mécanismes garantissant l’application des lois dans la pratique. Ces mécanismes
peuvent inclure: la création de mesures incitatives pour l’enregistrement (voir chapitre 5); le paiement
facilité des cotisations et le développement de mécanismes de financement adéquats (voir chapitre 6);
l’adaptation des mécanismes d’inspection du travail à la situation des travailleurs domestiques (voir cha-
pitre 7); la mise en place de mécanismes de réclamation efficaces (voir chapitre 7); et la sensibilisation
aux lois et régimes existants (voir chapitre 2).
La négociation collective
Bien qu’elles ne soient pas directement liées à la protection sociale, la négociation collective et la liberté
d’association peuvent jouer un rôle important dans l’avancement de la législation incluant les travailleurs
domestiques dans les régimes de protection sociale ou les instruments de mise en œuvre garantissant
X Quels sont les principaux obstacles à l’extension de la couverture juridique aux travailleurs
domestiques? Sont-ils totalement exclus de la couverture? Les critères utilisés pour définir un
«employé» sont-ils trop restrictifs?
X La législation oblige-t-elle les ménages privés employant des travailleurs domestiques à les
enregistrer auprès de l’institut de sécurité sociale?
X S’il existe des seuils légaux concernant la durée minimale de travail par jour, semaine ou
mois, pourraient-ils être réduits? Des mesures pourraient-elles être prises pour permettre la
reconnaissance du total des heures de travail effectuées pour plus d’un employeur?
X Si la définition d’«employé» dans la législation exclut de nombreux travailleurs domestiques
dans la pratique, comment pourrait-elle être adaptée pour les couvrir plus efficacement? Quelles
mesures supplémentaires seraient nécessaires pour faciliter la couverture de la sécurité sociale
d’un plus grand groupe de travailleurs domestiques?
X Si la législation exclut les travailleurs migrants, quelles mesures faudrait-il prendre pour éliminer la
discrimination et garantir l’égalité de traitement?
X Quelles mesures supplémentaires seraient nécessaires pour alléger la charge administrative
pesant sur les employeurs de travailleurs domestiques? (voir chapitre 5)
X Quelles mesures supplémentaires seraient nécessaires pour alléger la charge financière des
employeurs et des travailleurs domestiques? (voir chapitre 6)
X Quelles mesures supplémentaires peuvent être prises pour garantir que les mécanismes
d’application et d’inspection sont adaptés à la nature spécifique du travail domestique? (voir
chapitre 7)
X Quelles mesures supplémentaires pourraient être prises pour s’assurer que les travailleurs
domestiques et leurs employeurs sont au courant de la législation qui les concerne et qu’ils
peuvent effectivement accéder aux mécanismes de réclamation appropriés? (voir chapitre 2)
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 93
non couverts aux législations nationales
leur accès effectif. En raison de la nature généralement personnalisée, privée et individualisée du travail
domestique, ainsi que de sa dispersion géographique et de son isolement, les travailleurs domestiques
sont généralement moins organisés ou n’ont pas de droit de négociation. Cependant, lorsqu’ils sont
organisés, les groupes de travailleurs domestiques jouent un rôle de premier plan dans l’amélioration de
la situation des travailleurs domestiques, comme dans l’État plurinational de Bolivie. Il est donc essentiel
de soutenir l’organisation des travailleurs domestiques.
XL
ectures supplémentaires sur l’extension de la couverture juridique
aux travailleurs domestiques
X BIT 2012a. Effective protection for domestic Workers: A guide to designing labour laws.
X BIT 2016l. Inspection du travail et autres mécanismes de conformité dans le secteur du travail
domestique: Guide d’introduction.
X BIT 2016i. Social protection for domestic workers: Key policy trends and statistics.
X WIEGO et FITD 2018. «Votre trousse d’outils sur la C189 de l’OIT ‒ La Convention sur les
travailleuses et travailleurs domestiques».
du statut de propriété, et de la nature de la production agricole. Compte tenu de cette diversité, les
facteurs potentiels à l’origine de la non couverture diffèrent et, par conséquent, l’analyse de la situation
actuelle, les lacunes en matière de protection sociale et les obstacles à la couverture doivent être aussi
précis et spécifiques que possible.
Les travailleurs agricoles sont souvent exclus d’un point de vue juridique ou pratique de la couverture
de la protection sociale. C’est particulièrement le cas pour les paysans indépendants, les métayers et
les exploitants illégaux. Les estimations pour l’Amérique latine montrent que le niveau de couverture
de la sécurité sociale pour les populations rurales se situe entre un tiers et un sixième du niveau de cou-
verture pour les populations urbaines (Mesa-Lago 2008b). En ce qui concerne la couverture sanitaire,
de nombreuses catégories de travailleurs ruraux sont souvent exclues sur le plan juridique, tandis que
les populations rurales en général rencontrent des difficultés d’accès aux services de santé bien plus
importantes que les populations urbaines (Mesa-Lago 2008b; Scheil-Adlung 2015).
En outre, de nombreux travailleurs agricoles n’ont pas de relation de travail identifiable et sont donc
parfois exclus de la législation qui couvre uniquement les employés. De plus, les revenus faibles et
fluctuants dus à la saisonnalité, l’éloignement du lieu de travail et de vie, la forte mobilité de la main
d’œuvre et le manque d’organisation contribuent également à exclure de nombreux travailleurs agri-
coles de la couverture juridique ou effective.
4.4.2
Comment inclure les travailleurs agricoles dans la législation
nationale?
Les mesures visant à inclure les travailleurs agricoles dans la législation en matière de sécurité sociale
et de travail doivent reconnaître les conditions spécifiques de travail dans le secteur agricole, y compris
la saisonnalité et l’éloignement du domicile et du lieu de travail (BIT 2019c; BIT et FAO 2021).
Pour étendre la protection juridique aux travailleurs agricoles, certains pays ont mis en œuvre une
législation spécifique ou ont étendu leur législation générale en matière de sécurité sociale. L’Équateur
couvre les travailleurs agricoles grâce au régime d’assurance sociale des paysans, qui est régi par la loi
générale de sécurité sociale et administré par la principale institution de sécurité sociale (voir encadré
4.9). La Tunisie a unifié les régimes des travailleurs indépendants non agricoles et des travailleurs
agricoles indépendants en 1995, dans le but d’élargir la couverture des travailleurs agricoles (voir
encadré 4.10).
L’extension de la couverture juridique aux travailleurs agricoles peut non seulement nécessiter des
ajustements de la législation, mais également des ajustements des réglementations qui l’accom-
pagnent. Par exemple, de nombreux travailleurs agricoles n’ont pas de revenus stables tout au long
de l’année – leur revenu varie en fonction des cycles saisonniers et productifs. En raison des caracté-
ristiques structurelles de leur activité économique, ils sont souvent confrontés à des situations éco-
nomiques difficiles qui peuvent entraîner une réduction de leurs revenus et, par conséquent, de leur
capacité contributive. L’adaptation du cadre réglementaire pour tenir compte de ces caractéristiques
peut faciliter leur couverture et se traduire par une meilleure protection.
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 95
non couverts aux législations nationales
Réglementée dans le cadre de la loi générale sur la sécurité sociale, la Sécurité sociale des paysans
(Seguridad Social Campesino (SSC)) couvre les travailleurs indépendants dans le domaine agricole. La
SSC comprend une couverture santé et maternité pour toute la famille et une couverture en cas de
vieillesse, d’invalidité et de décès de la personne assurée.
La SSC est gérée par l’Institut de sécurité sociale (Instituto Ecuatoriano de Seguridad Social (IESS)), qui
gère également le régime général de sécurité sociale. Les travailleurs agricoles peuvent s’inscrire indi-
viduellement ou par l’intermédiaire d’une organisation paysanne, chargée de percevoir les cotisations
et de les transférer. L’accès au régime est facilité par une infrastructure de services opérationnelle et
fiable dans toutes les provinces. Sur la base du principe de solidarité, le régime est financé par une
combinaison de cotisations des assurés, de subventions croisées par les employeurs et les employés
inscrits au régime général d’assurance, de cotisations des organismes d’assurance publics et privés et
d’une subvention de l’État.
Grâce à la SSC, la population rurale équatorienne bénéficie d’une assurance sociale basée sur le principe
de solidarité. Il s’agit du principal mécanisme de sécurité sociale pour les travailleurs ruraux, couverts à
hauteur de 73 pour cent par ce régime (23 pour cent sont couverts par l’IESS). En 2017, la SSC a couvert
1,2 million de personnes et fourni des pensions à 74 000 personnes.
Transfert de fonds
Institut équatorien Organisations
de sécurité sociale paysannes
Conseil et contrôle
Cotisations
Contrôle
Prestations de santé,
pensions et autres
Familles
Source: D’après Durán Valverde et al. 2013; Équateur 2016; BIT 2018b.
Par exemple, en Colombie, divers décrets ont été promulgués pour mieux adapter le cadre réglemen-
taire à la situation des travailleurs agricoles, notamment en ce qui concerne l’évaluation des revenus
et la possibilité de se retirer temporairement de l’assurance-retraite en cas de manque de capacité
contributive (voir encadré 4.11).
96 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Encadré 4.10. Tunisie: Unification des régimes de protection sociale pour les travailleurs
non agricoles et les travailleurs indépendants agricoles
La Tunisie a introduit une nouvelle législation en 1995 qui a mis en place un régime d’assurance sociale
unifié pour les travailleurs indépendants et fusionné les régimes distincts existants pour les travailleurs
indépendants dans les secteurs non agricole et agricole. Ainsi, les règles et les prestations ont été uni-
fiées et le nombre d’assurés a augmenté de façon significative.
En outre, un régime d’assistance médicale gratuite a été mis en place pour les groupes de la popula-
tion à faible revenu et non couverts par d’autres systèmes d’assurance sociale. Les personnes éligibles
comprennent les travailleurs agricoles saisonniers sous un certain seuil de revenu.
Ces changements, ainsi que la création de différentes catégories de revenus (voir chapitre 6), ont
contribué à une amélioration considérable de la couverture de la sécurité sociale pour les soins de
santé, la pension de vieillesse, la maternité et les accidents du travail. En dix ans, la couverture des
travailleurs et de leurs familles est passée de 60 à 84 pour cent. Cependant, bien que presque tous les
Tunisiens qui travaillent dans les secteurs public et privé non agricoles soient couverts aujourd’hui, la
couverture des travailleurs agricoles et des travailleurs indépendants reste inférieure à 50 pour cent.
Les travailleurs encore juridiquement exclus sont principalement les travailleurs agricoles occasionnels
et saisonniers (qui travaillent moins de 45 jours par trimestre pour le même employeur).
Lors de l’adaptation des régimes à la situation des travailleurs agricoles, il convient également de tenir
compte du fait que différents groupes de travailleurs agricoles peuvent être exclus pour différentes
raisons, notamment leur statut d’emploi, leur niveau de revenu, la superficie de leurs terres, leur statut
de propriété et la nature de leur production agricole. Bien que la majorité des travailleurs agricoles
soient des travailleurs indépendants à faible revenu ou des travailleurs temporaires sans terre (ou avec
très peu de terres), certains travailleurs agricoles sont employés à titre permanent et certains sont des
employeurs, possédant généralement de grandes parcelles.
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 97
non couverts aux législations nationales
Afin d’assurer une couverture efficace des travailleurs agricoles, les régimes doivent être conçus en
respectant aussi précisément que possible leurs besoins et leurs capacités financières. Cela nécessite
généralement une évaluation détaillée des différents groupes de travailleurs agricoles afin de mieux
comprendre leur situation spécifique, comme leur capacité contributive et les infrastructures dispo-
nibles (Chaabane 2003). Ces évaluations doivent être menées, si possible, avec la participation des par-
tenaires sociaux et d’autres parties prenantes. Par exemple, en Argentine, le programme Convenios de
Corresponsabilidad Gremial résulte de la participation active d’entités syndicales. En Tunisie, une partie du
succès de la mise en œuvre de la protection sociale est attribuable au fait que, bien que le gouvernement
ait lancé le régime, il a toujours consulté les représentants des groupes auxquels la couverture était
étendue, ainsi que les représentants des employeurs et des travailleurs.
4.4.3
Quels autres éléments faut-il prendre en compte pour inclure
les travailleurs agricoles dans la législation nationale?
Outre l’extension de la couverture juridique, d’autres mesures sont nécessaires pour garantir l’application
de la législation dans la pratique se traduisant par la couverture effective des travailleurs agricoles. Ces
mesures peuvent inclure: la flexibilité concernant le délai et le montant des cotisations (voir chapitre 6);
la facilitation de l’enregistrement et de l’administration (voir chapitre 5); l’adaptation des mécanismes
d’inspection du travail à la situation des travailleurs agricoles (voir chapitre 7); des mécanismes de récla-
mation efficaces (voir chapitre 7); et l’information des travailleurs agricoles sur les régimes existants et
les modalités d’accès (voir chapitre 3).
X Quels sont les principaux obstacles à l’extension de la couverture juridique aux travailleurs agricoles?
Sont-ils totalement exclus de la couverture? Les critères utilisés pour définir un «employé» sont-ils trop
restrictifs?
X S’il existe des seuils légaux concernant la durée minimale d’emploi, pourraient-ils être réduits pour
tenir compte de l’emploi temporaire (saisonnier)?
X Si la législation exclut de nombreux travailleurs agricoles dans la pratique, est-il possible d’élargir la
définition des travailleurs couverts? Quelles mesures supplémentaires seraient nécessaires pour
faciliter la couverture de la sécurité sociale d’un groupe plus large de travailleurs agricoles?
X Si la législation exclut les travailleurs migrants, quelles mesures pourraient être prises pour éliminer la
discrimination et garantir l’égalité de traitement?
X Quelles mesures supplmentaires seraient nécessaires pour alléger la charge administrative qui pèse
sur les employeurs de travailleurs agricoles? (Voir chapitre 5.)
X Quelles mesures supplémentaires seraient nécessaires pour alléger la charge financière qui pèse sur
les employeurs et les travailleurs? (Voir chapitre 6.)
X Quelles mesures supplémentaires peuvent être prises pour garantir que les mécanismes d’application
et d’inspection sont adaptés à la nature spécifique du secteur agricole? (Voir chapitre 7.)
X Quelles mesures supplémentaires pourraient être prises pour s’assurer que les travailleurs agricoles
et leurs employeurs sont au courant de la législation qui les concerne et qu’ils peuvent effectivement
accéder aux mécanismes de réclamation appropriés? (Voir chapitre 3.)
98 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X le «défi de la double cotisation» – l’exigence selon laquelle les travailleurs indépendants doivent
assumer la totalité des cotisations (patronales et salariales) à moins que des mesures spécifiques ne
soient en place pour réduire le taux de cotisation;
5 D
es exemples pour ces trois catégories pourraient être: 1) un graphiste travaillant exclusivement pour une entreprise; 2)
un travailleur à domicile en sous-traitance pour fournir des travaux d’assemblage et dont le matériel de production est
fourni par le commerçant; et 3) un chauffeur travaillant via une plateforme numérique.
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 99
non couverts aux législations nationales
La prévention d’une classification erronée est essentielle pour garantir que les employeurs ne trans-
fèrent pas indûment les risques économiques aux travailleurs et évitent les responsabilités associées
aux contrats de travail formels, y compris la protection professionnelle et la protection sociale. Il se peut
X Encadré 4.12. Prise en compte de la diversité des situations dans l’emploi lucratif
et indépendant
Le travail indépendant est traditionnellement compris comme un emploi non salarié qui génère des
bénéfices plutôt qu’une rémunération par un salaire. Cependant, cette classification ne tient pas
compte du fait que les travailleurs concernés exercent différents degrés d’autorité et de contrôle sur
l’organisation de leur travail. La révision de la Classification internationale du statut dans la profession
(ICSE-18), adoptée par la Conférence internationale des statisticiens du travail en 2018, introduit une
classification des emplois selon deux dimensions:
D’après cette classification, on distingue plusieurs catégories de travailleurs selon ces deux
dimensions.
Risque économique
Travailleurs rémunérés par un salaire Travailleurs dont la rémunération dépend
d’un profit
Propriétaires-gérants de sociétés Entrepreneurs individuels
indépendants
à durée limitée
Salariés occupant un emploi à court
terme ou occasionnel
Apprentis, stagiaires et autres
travailleurs en formation rémunérés
Cette section s’intéresse en particulier aux différents types de travailleurs en emploi lucratif, sachant
qu’il existe des défis particuliers pour les travailleurs dépendants de cette catégorie, à savoir les entre-
preneurs dépendants et les travailleurs familiaux aidants. Dans certains contextes, les travailleurs indé-
pendants salariés contre rémunération peuvent se trouver dans des situations comparables à celles
des travailleurs salariés ayant un emploi à but lucratif dans le cadre de leur couverture sociale et seront
donc également pris en compte dans ce guide.
également que, dans certains cas, les travailleurs puissent se déclarer indépendants afin d’éviter des
obligations strictes en matière de fiscalité et de cotisations, sans tenir compte des conséquences néga-
tives de l’absence de protection sociale. La clarification de la relation de travail 6 est particulièrement
pertinente dans l’économie numérique, dans laquelle le travail indépendant est de plus en plus courant
(Berg et al. 2019; Behrendt et Nguyen 2018; Behrendt, Nguyen et Rani 2019).
Les cotisations sont subventionnées pour les travailleurs indépendants à faible revenu – plus le revenu
de l’assuré est faible, plus la cotisation est faible (voir encadré 5.18). La stratégie s’est accompagnée
d’actions visant à contrôler les délais de paiement des employeurs participants et des travailleurs indé-
pendants. À cette fin, de nouveaux inspecteurs ont été embauchés pour se concentrer sur les activités
économiques, les zones rurales et les horaires de travail qui sont généralement plus propices aux
fraudes (voir chapitre 7).
À Cabo Verde, la couverture des travailleurs indépendants a été promulguée en 2003 (décret-loi no 28).
Cependant, dans la pratique, cette loi n’a commencé à être mise en œuvre que lors d’une réforme ulté-
rieure (décret-loi no 49/2009) en 2009, accompagnée d’un plan d’action étendant la sécurité sociale aux
travailleurs indépendants et domestiques (Plano Operacional para a Extensão da Segurança Social aos
Trabalhadores Independentes e Domésticos) en 2010. Entre autres, l’enregistrement des travailleurs
indépendants a été rendu obligatoire, et les taux de cotisation ont été établis en fonction des catégories
de revenus.
L’année suivant la mise en œuvre, les taux de couverture pour les travailleurs indépendants sont passés
de 0 à 9 pour cent. La couverture devrait continuer de s’améliorer à court et à moyen terme.
Pour les travailleurs indépendants à faible revenu, les cotisations sont subventionnées par le gou-
vernement, y compris par une taxe sur le tabac. Avec la fusion des trois principaux régimes, des
mécanismes de solidarité ont été créés grâce une mutualisation des risques plus importante, ce qui a
permis de réduire les cotisations gouvernementales au fil du temps. Les frais administratifs sont égale-
ment passés de 4,8 à 3,8 pour cent en 2008 pour les fonctionnaires et les écoles, et à 9,5 pour cent pour
le régime des travailleurs indépendants.
La couverture des travailleurs indépendants est passée de 83,6 pour cent à 92,7 pour cent entre 1989 et
1999. En 2007, la couverture totale de l’assurance-maladie représentait 96,3 pour cent de la population.
L’exemple du Cabo Verde (voir encadré 4.15) montre que la réforme législative à elle seule ne suffira pro-
bablement pas et que des mesures supplémentaires doivent être prises pour garantir la mise en œuvre
de la législation en matière de protection sociale.
En République de Corée, l’assurance-maladie obligatoire a été progressivement étendue: des grandes
aux petites entreprises, elle atteint finalement les travailleurs indépendants grâce à trois régimes d’as-
surance sociale. Une fois que tout le monde a été couvert par l’un des trois régimes, ils ont été fusionnés
(voir encadré 4.16).
Bien que de nombreux pays, comme le Ghana et la Namibie, aient ouvert l’assurance-retraite aux travail-
leurs indépendants sur la base du volontariat, la couverture n’a pas enregistré d’élargissement significatif.
Dans le cas du Ghana, alors que le recours à la couverture sur la base du volontariat reste très faible, le
Régime national d’assurance-maladie (NHIS) du Ghana a pu étendre la couverture obligatoire aux travail-
leurs indépendants grâce à des cotisations forfaitaires et des exonérations (BIT 2015d, voir encadré 6.23).
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 103
non couverts aux législations nationales
X Encadré 4.17. Algérie: régime d’assurance sociale des travailleurs non salariés (CASNOS)
La Caisse nationale algérienne de sécurité sociale des non-salariés (CASNOS) a été créée en 1992 pour
consolider et améliorer la protection sociale des différentes catégories de travailleurs indépendants
et autres non-salariés, y compris les propriétaires d’entreprises, les artisans, les agriculteurs et les
membres des professions libérales.
La CASNOS assure une couverture obligatoire de tous les non-salariés sur la base des principes de
solidarité et de mutualisation des risques. Le fonds couvre la protection de la santé (soins médicaux),
la maternité, l’invalidité, les survivants, les pensions de vieillesse. En 2017, elle comptait 1,7 million de
membres affiliés.
1 200 000
1 000 000
800 000
600 000
400 000
200 000
0
2013 2014 2015 2016 2017
Années
La CASNOS adopte une stratégie combinant la simplification des procédures et la facilitation de l’accès,
de l’information et de la sensibilisation pour assurer l’extension effective de la couverture et promou-
voir la formalisation de l’emploi.
Source: D’après une présentation du Dr Acheuk Youcef Chawki lors d’une réunion à Turin, Italie, en novembre 2018.
Ces régimes distincts ne couvrent pas nécessairement la même gamme et le même niveau de pres-
tations que les régimes des travailleurs salariés. Dans bien des pays, la protection contre le chômage
n’est pas incluse dans ces régimes, et les prestations de maladie en espèces sont inexistantes ou
facultatives (OCDE 2015: 181). Par exemple, en Colombie, la couverture des pensions de vieillesse
et de santé est obligatoire, tandis que la couverture des accidents du travail se fait sur la base du
volontariat (AISS 2012).
104 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
La création de régimes d’assurance sociale distincts pour des groupes spécifiques comporte toujours
le risque de créer des obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre, en particulier si ces groupes ne sont
pas gérés par la même institution. Ces obstacles peuvent survenir si les travailleurs se déplacent entre
différents emplois ou entre un emploi rémunéré et un travail indépendant, ou s’ils combinent emploi
rémunéré (à temps partiel) et emploi indépendant (BIT 2016e). Il convient de mettre en place des méca-
nismes appropriés qui tiennent compte de ces situations de manière à minimiser les effets négatifs
sur la mobilité de la main-d’œuvre et à protéger les droits des travailleurs. Ces mécanismes peuvent
inclure, par exemple, un numéro de sécurité sociale unifié qui facilite la transférabilité des droits à la
sécurité sociale entre les institutions en cas de changement de statut dans l’emploi (AISS 2016a; BIT
2018d). L’absence de tels mécanismes peut constituer un obstacle à la mobilité de la main-d’œuvre et
favoriser l’informalisation de l’emploi.
La Thaïlande offre un bel exemple de régime d’assurance sociale volontaire pour les travailleurs indé-
pendants: il fournit des prestations de maladie, d’invalidité, de décès, des prestations pour enfants
et des prestations forfaitaires de vieillesse. Ce régime est partiellement subventionné et repose sur
des cotisations forfaitaires, ce qui facilite son administration. Les membres du régime peuvent choisir
entre trois niveaux de cotisations différents qui donnent lieu à trois paniers de prestations différents.
En général, les membres choisissent automatiquement la catégorie correspondant à leur capacité
contributive ou à leurs besoins. Au Kenya, le régime de retraite MBao est un compte d’épargne indi-
viduel volontaire destiné aux travailleurs indépendants affiliés à différentes associations jua kali (voir
encadré 6.16). Cependant, comme indiqué à la section 2.1.2, les régimes volontaires ne se traduisent
généralement pas par une extension substantielle de la couverture.
X Quels sont les principaux obstacles à l’extension de la couverture juridique aux travailleurs
indépendants? Sont-ils totalement exclus de la couverture? Les critères utilisés pour définir les
catégories de travailleurs couverts sont-ils trop restrictifs?
X Si la législation couvre les travailleurs indépendants, fournit-elle une approche suffisamment
différenciée qui prend en compte les capacités contributives, les circonstances et les besoins des
différents groupes de travailleurs indépendants?
X Quelles mesures supplémentaires faudrait-il prendre pour faciliter la couverture de la sécurité sociale
pour un plus grand groupe de travailleurs domestiques?
X Quelles mesures supplémentaires faudrait-il prendre pour alléger la charge administrative des
travailleurs indépendants? (Voir chapitre 5 pour plus d’informations)
X Quelles mesures supplémentaires faudrait-il prendre pour alléger la charge financière des travailleurs
indépendants ayant des capacités contributives limitées? (Voir chapitre 6 pour plus d’informations)
X Quelles mesures supplémentaires peuvent être prises pour garantir que les mécanismes d’application
et d’inspection sont adaptés aux différentes catégories de travailleurs indépendants? (Voir chapitre 7
pour plus d’informations).
X Quelles mesures supplémentaires pourraient être prises pour garantir que les travailleurs
indépendants comprennent l’importance de la protection sociale, connaissent la législation qui leur
est applicable et puissent effectivement accéder aux mécanismes de réclamation appropriés? (Voir
chapitre 3 pour plus d’informations).
X Chapitre 4: Extension de la couverture juridique: intégrer les travailleurs précédemment 105
non couverts aux législations nationales
X BIT 2021c. Construire des systèmes de protection sociale: Normes internationales et instruments
relatifs aux droits humains.
X AISS 2012. Handbook on the extension of social security coverage to the self-employed.
X AISS 2016a. Lignes directrices de l’AISS en matière de solutions administratives pour l’extension
de la couverture.
X Spasova et al. 2017.Access to social protection for people working on non-standard contracts and
as self-employed in Europe: A study of national policies.
106 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X5
Supprimer les obstacles
administratifs: faciliter
l’accès et simplifier
les procédures
108 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Questions clés
X Quels sont les obstacles administratifs auxquels sont confrontés les travailleurs et les employeurs
dans l’économie informelle, en particulier en ce qui concerne l’enregistrement, l’accès aux
prestations sociales et d’autres procédures administratives?
X Comment faciliter l’accès et l’enregistrement aux systèmes de protection sociale pour les
employeurs et les travailleurs dans l’économie informelle?
X Comment adapter les procédures administratives aux besoins et à la situation des travailleurs et
des employeurs dans l’économie informelle, par exemple en facilitant l’accès et en simplifiant les
procédures?
X Messages clés
X L’élimination des obstacles administratifs est essentielle pour améliorer la couverture des
travailleurs et des employeurs dans l’économie informelle.
X De nombreuses actions peuvent être entreprises dans les cadres juridiques et budgétaires actuels,
mais certaines mesures peuvent nécessiter des efforts supplémentaires pour adapter la législation
et la réglementation et renforcer les capacités administratives.
X Tendre la main aux travailleurs dans l’économie informelle et faciliter l’accès à l’enregistrement et
à d’autres procédures administratives peut contribuer à améliorer la couverture de la protection
sociale. Les expériences internationales démontrent que l’extension des points d’accès physiques
(grâce à la technologie mobile, aux services numériques ainsi qu’aux solutions informatiques) et
des mécanismes de livraison coordonnés offre un large éventail de possibilités propice à l’extension
de la couverture.
X La simplification des procédures peut également contribuer à l’extension de la couverture en
rendant les informations plus accessibles, en réduisant le besoin de pièces justificatives, en facilitant
l’enregistrement par l’intermédiaire de conventions collectives d’enregistrement et en tenant
compte de la mobilité sur le marché du travail. Cela facilite la transition vers l’économie formelle.
X Les procédures administratives doivent, autant que possible, être accessibles, compréhensibles,
simples et efficaces afin de limiter les difficultés d’accès potentielles pour les membres. Les
campagnes de sensibilisation et d’enregistrement permettront de sensibiliser les populations et
de faciliter l’accès aux programmes, mais elles doivent s’accompagner d’un ensemble plus large
de mesures visant à supprimer les obstacles administratifs pour les travailleurs et les employeurs
dans l’économie informelle.
Pour les travailleurs domestiques, les employeurs sont des ménages privés qui ont souvent une capa-
cité limitée à gérer des procédures d’enregistrement complexes. En conséquence, même lorsque les
travailleurs domestiques sont inclus dans la législation et que l’assurance est obligatoire, de nombreux
employeurs ne respectent pas l’obligation d’enregistrer leurs travailleurs auprès de la caisse d’assurance
sociale. Par exemple, en Namibie, les employeurs sont tenus d’enregistrer les travailleurs domestiques
qui travaillent au moins un jour par semaine auprès de la Commission de la sécurité sociale, mais moins
de 20 pour cent de tous les travailleurs domestiques sont enregistrés (BIT 2013c) [TD].
En outre, bon nombre des travailleurs engagés dans une relation de travail dépendante dans une entre-
prise sont rarement enregistrés et couverts.
X Certains employeurs (en particulier dans les MPE) n’ont pas les capacités administratives ou ne
disposent pas des connaissances/informations nécessaires pour inscrire les travailleurs auprès de
l’institution de sécurité sociale ou sont réticents à le faire [TMP].
X Certains employeurs hésitent à inscrire les travailleurs employés pour une courte période, en
particulier les travailleurs à court terme, saisonniers ou occasionnels, ainsi que ceux dont les horaires
de travail varient (heures de travail non spécifiées) [TA] [TD].
Étant donné que de nombreux régimes de sécurité sociale ont été conçus pour les employés de l’éco-
nomie formelle, l’extension aux travailleurs dans l’économie informelle nécessite généralement de
moduler l’administration du régime afin de réduire sa complexité et les coûts directs et indirects d’en-
registrement et d’accès aux prestations (AISS 2016a). Il sera également essentiel de s’assurer que tous
les travailleurs et employeurs sont bien informés sur les régimes existants, en particulier sur la manière
de s’inscrire, de cotiser et d’accéder aux prestations (AISS 2016b). Dans bien des cas, la révision des pro-
cédures administratives et l’adaptation de ces procédures seront non seulement bénéfiques pour ceux
qui peuvent adhérer au régime, mais simplifieront aussi l’accès aux procédures administratives pour les
membres déjà existants.
Le coût lié aux exigences administratives crée des obstacles importants en matière de couverture pour
différentes catégories de travailleurs dans l’économie informelle, à savoir:
X les travailleurs sans employeur (indépendants, y compris les travailleurs à leur propre compte);
X les travailleurs dont les employeurs ont une capacité administrative limitée (travailleurs des MPE,
travailleurs domestiques employés par des ménages privés);
X les travailleurs dont la situation est particulièrement complexe en raison de fréquents changements
d’employeur et de situation dans l’emploi (travailleurs sous contrat temporaire, travailleurs saisonniers);
qui travaillent pour plusieurs employeurs (travailleurs domestiques); ou qui ont des revenus instables
(travailleurs indépendants, travailleurs agricoles).
Souvent, les travailleurs dans l’économie informelle appartiennent à plusieurs de ces catégories.
Les sections suivantes traitent des obstacles spécifiques auxquels tous les groupes (ou certains groupes)
de travailleurs dans l’économie informelle peuvent être confrontés, à savoir: les obstacles géographiques;
les obstacles liés à des procédures complexes et au manque d’information; ainsi que les obstacles finan-
ciers et le coût de la conformité.
De plus, certains groupes de travailleurs peuvent être confrontés à des obstacles supplémentaires. Par
exemple, les personnes handicapées ont parfois du mal à accéder à un bureau ou à lire des informations
à moins qu’elles ne soient fournies dans un format accessible. Afin d’assurer un système de protection
sociale inclusif, l’accessibilité doit être la priorité des administrations de sécurité sociale.
5.1.4 Coûts de conformité
Les obstacles financiers comprennent non seulement les frais généraux liés au paiement des cotisations
(voir chapitre 6), mais également les coûts associés au respect des exigences administratives, y compris
le transport vers les bureaux de l’institution de sécurité sociale, ainsi que les coûts indirects tels que le
manque à gagner (coûts d’opportunité) que représente le temps consacré aux procédures administratives.
Les MPE ont généralement des capacités administratives limitées pour faire face aux exigences adminis-
tratives, contrairement aux grandes entreprises qui emploient normalement du personnel spécialisé pour
gérer les questions de sécurité sociale pour leurs nombreux salariés [TMP].
D’autres catégories de travailleurs et d’employeurs dans l’économie informelle sont confrontées à des
obstacles financiers encore plus importants. En particulier, les travailleurs indépendants pour qui les coûts
d’opportunité sont plus élevés, puisque leur entreprise reste fermée lorsqu’ils doivent se rendre dans un
bureau de sécurité sociale.
Le principal point d’entrée pour contenir les coûts de mise en conformité est la facilitation de l’accès et la
simplification des procédures administratives (voir sections 5.3 et 5.4).
Obstacle
Campagnes d’information
et d’inscription (section 5.2) + (+) (+)
Augmenter le nombre de
points d’accès (physiques)
(bureaux mobiles et agents), + + +
et les bornes d’information
(section 5.3.1)
Meilleure utilisation de la
technologie, comme
l’enregistrement électronique + (+) +
(section 5.3.2)
Accords d’enregistrement
collectif (section 5.4.4) + + + +
Les efforts visant à faciliter l’enregistrement et les autres procédures administratives, ainsi que l’accès
aux prestations, devraient tenir compte des circonstances spécifiques et adapter les mécanismes exis-
tants si besoin. Il peut être nécessaire de combiner plusieurs des stratégies décrites ci dessous.
Ces informations doivent être accessibles, correctes, adéquates et faciles à comprendre. Ainsi, il convient
d’identifier des canaux adéquats pour atteindre les personnes ciblées, tandis que le personnel doit être
bien informé et que les informations (matériel) doivent être aussi interactives que possible. Étant donné
X Chapitre 5: Supprimer les obstacles administratifs: faciliter l’accès et simplifier les procédures 113
que les individus ne sont souvent pas au courant de la législation en vigueur et des régimes et prestations
disponibles, il convient de trouver des voies appropriées pour contacter activement les travailleurs et les
employeurs dans l’économie informelle. Ces approches actives peuvent inclure des campagnes d’infor-
mation qui répondent aux besoins du groupe cible ou des activités de sensibilisation directe auprès des
travailleurs comprenant des informations sur les prestations disponibles et les critères d’éligibilité, ainsi
que sur leurs droits et obligations (Daza 2005; AISS 2012; RNSF 2017).
Les activités de sensibilisation peuvent utiliser divers canaux (spots télévisés et radiophoniques, jour-
naux, brochures ou informations en ligne) et être combinées avec une interaction directe avec l’adminis-
tration de sécurité sociale (participation d’agents de sécurité sociale mobiles) (voir chapitre 3 et section
5.3).
Les campagnes médiatiques sont un instrument utile à l’appui des efforts visant à atteindre et sensibiliser
les travailleurs non couverts. Si des canaux adéquats sont choisis, les campagnes médiatiques peuvent
aussi permettre d’atteindre des groupes ciblés et doivent combiner différents canaux bien conçus.
L’expérience de plusieurs pays (voir encadré 5.1) montre que les campagnes médiatiques peuvent large-
ment contribuer aux campagnes d’enregistrement.
Les autorités locales peuvent également jouer un rôle important dans la collaboration avec les travail-
leurs informels, ce qui peut faciliter les activités de sensibilisation. Par exemple, la municipalité de Belo
Horizonte (Brésil) a alloué des espaces de garderie aux ramasseurs de déchets (RNSF 2017, p. 66).
Pour toute campagne, il sera important de trouver les canaux qui permettront d’atteindre les travailleurs
et les employeurs dans l’économie informelle. Outre les éléments susmentionnés (organisations de tra-
vailleurs, associations professionnelles, médias, autorités locales, dirigeants communautaires, agents
de sécurité sociale mobiles), il existe d’autres moyens d’établir des contacts avec les travailleurs et les
employeurs non couverts, notamment au Kenya: pour atteindre et sensibiliser les membres de diffé-
rentes associations jua kali 1 sur l’importance d’épargner pour la retraite et la mise en place du plan de
retraite MBao, des bilans auditifs gratuits ont été proposés aux artisans dans le cadre du Programme de
conservation de l’audition Operation Ear Drop Kenya «Operation Ear Drop Kenya Hearing Conservation
Programme», qui a aussi permis de diffuser des informations pertinentes (Musonye Kwena et Turner
2013).
X Quels canaux pourraient être utilisés pour sensibiliser et diffuser des informations sur
l’enregistrement?
X Quels mécanismes pourraient être utilisés pour identifier les préoccupations exprimées par les
travailleurs et les employeurs et recevoir leurs commentaires? Des mécanismes de dialogue social,
des discussions de groupe ou une boîte aux lettres dédiée (réelle ou électronique)?
X Comment la campagne d’enregistrement peut-elle atteindre activement les travailleurs, les
employeurs et les communautés? Quels mécanismes innovants pourraient être utilisés à cet égard?
X Comment les organisations d’employeurs et de travailleurs peuvent-elles être activement
impliquées dans la campagne?
1 Le terme jua kali est dérivé de deux mots Kiswahili, jua qui signifie «soleil» et kali qui signifie «chaud», et fait référence
aux travailleurs qui gagnent leur vie en fabriquant des produits ou en fournissant des services en plein air sous le soleil
tropical; le terme est également synonyme d’«artisan qualifié exploitant sa petite entreprise» (Maundu 1997).
116 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Encadré 5.4. Obstacles à l’accès aux services de santé en Inde, en Afrique du Sud
et en Thaïlande
Même dans les pays qui offrent une couverture sanitaire universelle, les travailleurs dans l’économie
informelle accèdent difficilement aux services de santé. Une étude menée par WIEGO en collaboration
avec des partenaires en Afrique du Sud, en Inde et en Thaïlande a révélé que les travailleurs dans l’éco-
nomie informelle rencontrent des difficultés spécifiques lors de l’accès aux services publics de santé,
ce qui les oblige souvent à y renoncer et à privilégier les services de santé privés, au détriment de leur
santé et de leur sécurité du revenu.
Le temps de trajet vers l’établissement de santé, le temps d’attente, le temps de consultation et le temps
de traitement constituent l’un des enjeux spécifiques qui éloigne les travailleurs de leur activité écono-
mique. Or, le temps c’est de l’argent. Un autre défi concerne les restrictions selon lesquelles il convient
de fréquenter uniquement des établissements de santé spécifiques à proximité du domicile plutôt que
du lieu de travail. De telles restrictions empêchent effectivement de nombreux travailleurs dans l’éco-
nomie informelle, qui sont nombreux à travailler de longues heures, d’accéder aux services de santé.
Pour surmonter ces obstacles à l’accès aux services de santé, il faut avoir une bonne compréhension
des contraintes auxquelles sont confrontés les travailleurs dans l’économie informelle et procéder à des
ajustements dans les modalités de prestation des services pour garantir son efficacité auprès des popu-
lations. Les plateformes de concertation politique peuvent être utiles pour identifier les contraintes et
trouver des moyens innovants de relever ces défis. En outre, les services mobiles peuvent être utilisés
pour diffuser des messages de prévention sanitaire et informer les travailleurs dans l’économie infor-
melle de la disponibilité des services de santé.
Source: D’après des informations de Alfers, Lund et Moussié 2018; voir aussi la vidéo YouTube de WIEGO intitulée «Informal workers’ access
to health care».
dans des zones très fréquentées (centres commerciaux) pour faciliter l’inscription des travailleurs dans
l’économie informelle, qui peuvent s’inscrire, recevoir leurs numéros d’identification et leurs cartes
PhilHealth, accéder à leurs dossiers de cotisations et verser des cotisations dans ces bureaux plus acces-
sibles (Results for development 2015a).
Lorsque l’on envisage une telle approche, il faut tenir compte du fait que la création de bureaux locaux
supplémentaires entraîne des coûts considérables pour les institutions de sécurité sociale, qui résultent
de la nécessité de créer de nouvelles infrastructures ainsi que des besoins supplémentaires en matière de
personnel et de formation. Il convient de calculer précisément l’emplacement des bureaux permanents
en fonction de la fréquentation des lieux. L’expérience montre que la mise en place de nouveaux bureaux
est particulièrement réussie lorsqu’ils se trouvent à proximité de membres potentiels (AISS 2012).
Les décisions concernant le nombre et l’emplacement des bureaux supplémentaires devront équilibrer
l’objectif visant à rapprocher les services des populations et à garantir l’accès sans engendrer de coûts
excessifs pour les bureaux qui ne desservent qu’un petit nombre de personnes. Dans le cas des régions
éloignées, le coût de la création de bureaux peut être disproportionnellement élevé. Cependant, il ne
faut en aucun cas négliger les personnes vivant dans des zones reculées. Si les bureaux permanents ne
sont pas réalisables, il convient d’envisager des solutions alternatives, comme des bureaux mobiles (voir
ci-dessous) ou des services à guichet unique (voir section 5.4.4).
Au Brésil, des agences mobiles (agencias móveis) installées dans des bus et des bateaux sont utilisées
pour atteindre les bénéficiaires potentiels du régime de pension en milieu rural (Prêvidencia Rural) qui
vivent dans des zones très reculées. Ils sont principalement utilisés dans le nord (Amazonas, Pará,
Rondonia) et fournissent les mêmes services que les bureaux permanents.
Selon l’équipement et les horaires, les bureaux mobiles sont réservés uniquement aux services d’infor-
mation et d’inscription ou aux services plus réguliers, tels que le recouvrement des cotisations, le paie-
ment de (certaines) prestations et autres. Les bureaux mobiles exigent un niveau de technologie plus
élevé que les bureaux fixes et le personnel doit bénéficier d’une formation spécifique, ce qui se traduit
par des coûts d’investissement élevés. Cependant, ces coûts sont susceptibles d’être rentables puisqu’un
plus grand nombre de personnes est atteint.
Agents de proximité
Les administrations de protection sociale peuvent également déployer des agents de proximité dans les
zones reculées ou les zones où la couverture de sécurité sociale est généralement faible [TA]. Leur mission
consiste à expliquer les coûts et les prestations des régimes de protection sociale, les conditions d’éligi-
bilité et les procédures administratives et à soutenir directement le processus d’enregistrement, idéale-
ment grâce à des installations informatiques mobiles (tablettes, ordinateurs portables, smartphones).
Les visites peuvent être chronométrées pour qu’un nombre maximum d’employés soit effectivement
atteint et coïncider, par exemple, avec les réunions du personnel ou les jours de paie. Les opérations des
bureaux mobiles peuvent également être organisées en partenariat avec les organisations d’employeurs
et de travailleurs, ce qui participera au renforcement de la collaboration et de la confiance.
Par exemple, au Brésil, des agents de proximité sont employés dans le cadre des campagnes de
recherche (campanhas de busca). Dans le cadre du programme Plan Brasil sem miséria, cette approche
vise à atteindre les personnes extrêmement pauvres qui ne sont pas encore inscrites au programme
Bolsa Família (Brésil 2014b). Au Népal, les personnes qui fournissent une assistance dans le cadre de
l’inscription jouent un rôle crucial et permettent d’améliorer le taux d’affiliation des travailleurs de l’éco-
nomie informelle (voir encadré 5.8).
120 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
La mise en place d’un réseau d’agents de proximité nécessite des ressources humaines et financières
adéquates, mais peut aussi être moins coûteuse que la mise en place de bureaux locaux fixes, tout en
augmentant le nombre de personnes ciblées (AISS 2012). Cependant, bien que les agents de proximité
puissent informer les bénéficiaires potentiels et soutenir leur inscription, ils ne sont généralement pas
en mesure de fournir la gamme complète des services disponibles dans les bureaux.
Terminaux en libre-service
Des terminaux en libre-service peuvent être utilisés pour fournir des informations et – selon les fonctions
– pour l’enregistrement et d’autres procédures administratives. S’ils sont correctement équipés et sécu-
risés, ils peuvent aussi servir à fournir des données personnelles, par exemple concernant le paiement
des cotisations. Cependant, ces terminaux offrent un nombre limité de services et sont moins accessibles
pour certaines catégories de la population, en particulier les personnes analphabètes. En revanche, ils
peuvent réduire les coûts de personnel. Dans tous les cas, il est essentiel que l’interface utilisateur soit
conçue de manière explicite et que les indications soient claires. Les terminaux en libre-service doivent
être très robustes et fréquemment contrôlés.
Aux Philippines, des terminaux en libre-service ont été utilisés pour faciliter les procédures administra-
tives dans les bureaux de sécurité sociale (voir Encadré 5.9).
Le SSS des Philippines a introduit trois innovations pour accroître l’efficience, l’efficacité et la qualité de
l’information. Premièrement, le SSS a distribué des cartes à puce aux personnes inscrites et aux béné-
ficiaires du programme; deuxièmement, il a installé des terminaux d’information en libre-service (TILS);
et troisièmement, il a mis en place une plateforme Web dont l’accès est gratuit pour les membres.
À partir de 1999, des TILS ont été placés dans différentes parties du pays. Ils consistent en des machines
à écran tactile, conçues avec une interface intuitive. L’utilisation de la carte SSS dans les terminaux
permet aux personnes inscrites d’obtenir des informations sur les paiements et les soldes des cotisa-
tions et d’autres informations sur les prêts existants, ainsi que d’effectuer d’autres opérations. Tout en
fournissant ce service aux membres, les machines ont également une visée publicitaire, car il est pos-
sible de diffuser des affiches et des alertes électroniques. Les terminaux sont également utilisés pour
effectuer des recherches sur différents thèmes liés aux services fournis, car ils permettent de collecter
des informations sur les personnes inscrites à faible coût.
Source: D’après AISS, 2009d.
X Chapitre 5: Supprimer les obstacles administratifs: faciliter l’accès et simplifier les procédures 121
Augmenter le nombre de points d’accès grâce à des accords avec d’autres agences,
organisations ou entreprises du secteur privé
Une autre façon d’élargir les points d’accès sans augmenter considérablement les coûts consiste à
conclure des accords avec d’autres agences, organisations ou entreprises qui sont déjà présentes dans
la région et peuvent assumer une partie des services fournis par les organismes de sécurité sociale, tels
que les services postaux, les banques commerciales, les organisations communautaires, les coopéra-
tives ou les petits commerces/kiosques locaux. Ces partenariats peuvent grandement faciliter l’accès en
densifiant le réseau des points de contact, notamment dans les zones reculées, et en assouplissant les
horaires d’ouverture.
L’expérience montre que ces partenariats fonctionnent particulièrement bien pour des procédures
simples, telles que la fourniture d’informations simples, la sensibilisation et le paiement des cotisations, à
condition que le personnel soit suffisamment formé (AISS 2012). Cependant, ces points d’accès externes
offrent une capacité limitée d’information et de prise de décision, car le personnel n’a souvent pas les
connaissances spécialisées requises. Confier davantage de responsabilités à des partenaires externes
exige de former leur personnel respectif. En Inde, les bureaux de poste, les banques et autres agences
sont autorisés à effectuer des opérations pour le compte du Régime national de retraite. Aux Philippines,
les coopératives soutiennent l’inscription des membres ainsi que le recouvrement des cotisations, ce qui
a réduit les coûts et amélioré les niveaux de couverture (AISS 2012). En Indonésie, des membres de la
communauté sont recrutés pour remplir certaines fonctions de protection sociale au nom de l’Agence
de la sécurité sociale BPJS (voir encadré 5.10).
En 2017, l’agence de la santé et de la sécurité sociale BPJS (Badan Penyelenggara Jaminan Sosial) a
créé le programme Kader JKN en tant que nouvelle approche pour faciliter l’accès des travailleurs du
secteur informel et d’autres personnes à l’assurance-maladie grâce à des membres sélectionnés parmi
les communautés les plus proches. Les agents remplissent principalement quatre fonctions: la sensi-
bilisation et la communication; l’inscription de nouveaux membres; le recouvrement des cotisations
et leur transfert au régime; et le traitement des plaintes. Pour devenir agent pour le compte de Kader
JKN, les candidats doivent remplir certains critères: a) être enregistrés comme point de paiement pour
les services bancaires en ligne afin de faciliter les paiements en ligne par les travailleurs du secteur
informel ou d’autres qui ont du mal à accéder aux moyens de paiement traditionnels; b) vivre à proxi-
mité des membres visés; c) avoir un diplôme d’études secondaires; d) avoir de préférence une expé-
rience professionnelle dans une organisation sociale. La sélection des agents passe généralement par
un processus complet en cinq étapes, y compris la sélection par les communautés locales, le dépôt
du dossier de candidature à la BPJS et l’entretien. Une fois sélectionnés, les agents doivent suivre une
formation obligatoire pour obtenir les qualifications et acquérir les compétences minimales exigées.
Même si la BPJS reconnaît l’existence de risques potentiels dans la mise en œuvre d’un tel programme
et la garantie de mécanismes de responsabilisation et de contrôle appropriés, le programme a aug-
menté le taux de recouvrement des cotisations d’environ 14 pour cent de 2017 à 2018, grâce à un total
de 2 000 agents actifs qui ont géré 2 millions de membres.
Source: D’après AISS, 2018c.
XT
ableau 5.2. Solutions pour l’extension des points d’accès physiques:
avantages et inconvénients
Bureaux mobiles + p euvent atteindre efficacement les popula- – c oûts d’investissement élevés;
tions des zones rurales et cibler directement – peuvent être utilisé pour information et
celles qui ne sont pas encore couvertes; inscription si les bureaux mobiles sont
+ le personnel peut expliquer la configuration, moins bien équipés.
les coûts et les prestations;
+ possibilité de fournir des services complets
(selon l’équipement et les horaires).
Une combinaison d’un nombre plus élevé de points d’accès physiques et de services électroniques (voir
section 5.3.2 ci-dessous) peut offrir une solution viable dans de nombreux contextes.
X Les institutions de sécurité sociale ont-elles suffisamment de points d’accès physiques, y compris
dans les zones rurales et isolées?
X Les services sont-ils disponibles en quantité et qualité suffisantes? Quels sont les retours des
utilisateurs?
X Les services pourraient-ils être améliorés pour faciliter l’extension de la couverture aux travailleurs
dans l’économie informelle? Une augmentation du nombre de bureaux, l’utilisation de bureaux
mobiles, d’agents mobiles ou de terminaux en libre-service ou des partenariats éventuels avec
d’autres agences ou organisations pourraient-ils constituer une solution rentable pour faciliter
l’accès des travailleurs dans l’économie informelle et de leurs employeurs?
X Les services pourraient-ils être combinés par des points d’accès mobiles, en ligne ou à distance
(voir section 5.3.2) ou intégrés dans des services à guichet unique (section 5.4.4)?
X Chapitre 5: Supprimer les obstacles administratifs: faciliter l’accès et simplifier les procédures 123
Dans la mesure du possible, les informations et l’enregistrement doivent être accessibles en ligne, car
cela réduit les coûts, le temps et les erreurs pour les demandeurs et les administrations de sécurité
sociale (AISS 2016c). Il est cependant important de s’assurer que les données personnelles sont acces-
sibles, traitées et stockées dans le respect de la confidentialité et de la protection des données person-
nelles (Sepúlveda Carmona 2018).
Assistance téléphonique
Des lignes d’assistance téléphonique peuvent être utilisées pour fournir des informations ou faciliter
l’accès à l’enregistrement et à d’autres procédures administratives. Si elles sont gratuites pour le deman-
deur, le temps et le coût de l’inscription seront considérablement réduits. Si elles sont gérées par des
agents de sécurité sociale (bien formés), les informations seront complètes et individualisées, mais les
coûts administratifs de fonctionnement seront plus élevés. Cependant, si elles sont exploitées par des
services automatisés, les coûts administratifs seront inférieurs, mais les informations et les services
fournis seront plus limités et moins individualisés. Les lignes d’assistance téléphonique peuvent être
particulièrement utiles lorsque l’accès à Internet n’est pas fiable, notamment dans les zones rurales [TA]
[TI] [TMP].
Les gouvernements et les institutions de sécurité sociale veilleront à ce que leurs sites Web soient
adaptés aux écrans de téléphones mobiles. Il conviendra aussi de développer des applications spéci-
fiques pour permettre aux employeurs et aux travailleurs assurés de consulter leurs informations per-
sonnelles, leurs cotisations et leurs paiements, à condition que des mécanismes adéquats de sécurité
des données soient en place pour protéger les informations personnelles et garantir la confidentialité.
Les applications de paiement mobile faciliteront aussi le paiement des cotisations ou des prestations
(voir section 6.3 pour plus d’informations).
En Hongrie, l’enregistrement d’un nouveau travailleur domestique peut être effectué par SMS à l’ins-
titution de sécurité sociale compétente (BIT 2015 f, p. 23). Au Mexique, l’IMSS propose aux assurés
d’accéder facilement aux informations pertinentes et aux procédures administratives au moyen d’une
application populaire sur les smartphones et les tablettes (voir encadré 5.11). En Indonésie, le concept
de guichet unique décliné en application mobile permet aux assurés d’obtenir des informations et
d’accéder à divers services administratifs (voir encadré 5.12).
Durant la pandémie de COVID-19, de nombreux gouvernements ont appliqué des mesures inno-
vantes qui ont permis de mettre en œuvre une aide au revenu efficace pour les travailleurs dans
l'économie informelle grâce à des mécanismes rapides et sûrs d'identification et de prestation (voir
encadré 5.13).
124 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
L’application mobile JKN en Indonésie est un guichet unique basé sur les TIC, développé par le pro-
gramme national d’assurance-maladie en 2016. Les participants reçoivent des informations en temps
réel et n’ont plus besoin de se rendre dans un bureau local. L’application est adaptée aux besoins des
membres de l’assurance-maladie et leur permet de s’inscrire, de mettre à jour leurs données per-
sonnelles, d’accéder à la carte de participation numérique et de déposer des réclamations. Depuis la
mise en œuvre de cette application, les participants sont satisfaits et le nombre moyen de visites dans
les bureaux locaux a diminué de 68,5 pour cent, ce qui contribue à une plus grande efficacité opéra-
tionnelle.
Source: AIS 2018d.
X Encadré 5.13. Viser les travailleurs dans l’économie informelle pendant la crise du COVID-19
Pendant la crise du COVID-19, il a fallu mettre en place des modalités d'enregistrement rapides et
sûres pour garantir la distanciation sociale et éviter la propagation de la maladie. Lorsque cela a été
possible, l'utilisation des mécanismes existants d'identification, d'enregistrement et de prestation pour
le versement rapide des prestations a facilité une réponse anticipée (bases de données de la sécurité
sociale, registres uniques, cartes de santé et registres fiscaux des municipalités). Par exemple, au Brésil,
le programme de transfert en espèces d'urgence a recoupé les informations des demandeurs avec
d'autres bases de données gouvernementales et versé les paiements aux bénéficiaires éligibles sur
leurs comptes bancaires. Ce programme a aussi permis d'ouvrir des comptes et de distribuer des cartes
de crédit aux personnes qui n'en bénéficiaient pas jusque-là.
Des modalités d'enregistrement appropriées et accessibles sont nécessaires pour garantir la distancia-
tion sociale et éviter la propagation de la maladie. Une mesure innovante visant à faciliter l'identification
des bénéficiaires et leur enregistrement consiste à s'enregistrer en ligne ou sur son téléphone, ainsi
qu'à recevoir des transferts sur son téléphone portable (Colombie, Costa Rica, Inde, Malawi, Maroc,
Thaïlande).
Source: BIT, 2020a.
X Chapitre 5: Supprimer les obstacles administratifs: faciliter l’accès et simplifier les procédures 125
X l’enregistrement;
X l’estimation des droits aux prestations (par exemple, le montant des retraites).
En plus de faciliter l’accès des travailleurs et des employeurs, les TIC peuvent également réduire les
erreurs et les coûts pour les administrations de sécurité sociale, car les données sont directement enre-
gistrées dans une banque de données en ligne. Il s’agit donc d’un outil très puissant qui se traduit géné-
ralement par le renforcement de l’efficience, de l’efficacité et de la qualité des informations, à condition
que l’accès aux infrastructures de TIC soit disponible et qu’il existe d’autres solutions pour les personnes
qui n’ont pas accès aux services en ligne (AISS 2012). Par exemple, dans le système MEI du Brésil, l’en-
registrement des microentrepreneurs est gratuit et peut se faire sur un portail en ligne (voir encadré
4.13). Il n’est pas nécessaire de présenter de documents et les entrepreneurs peuvent bénéficier des
conseils gratuits d’un cabinet d’expertise comptable pour une première consultation. Au Mexique, un
projet pilote comprend la conception d’un système d’enregistrement électronique pour promouvoir la
formalisation des travailleurs domestiques [TD] (voir encadré 5.14).
X Encadré 5.14. Mexique et Uruguay: Inscription électronique et mobile pour les travailleurs
domestiques
Au Mexique, dans le cadre d’un projet pilote, un système d’enregistrement électronique a été développé
pour faciliter la formalisation des travailleurs domestiques. Le système permet aux employeurs d’en-
registrer et de payer les cotisations d’assurance sociale rapidement et facilement pour leurs employés
de maison. En outre, le paiement des cotisations a été facilité puisqu’elles doivent être versées chaque
année, et non plus chaque mois. Le succès de cette mesure est mis en évidence par le nombre d’enre-
gistrements de travailleurs domestiques: en deux mois, il a quadruplé.
En Uruguay, l’Institution de sécurité sociale a lancé une application mobile gratuite pour les employeurs
afin de faciliter l’enregistrement et le respect des droits des travailleurs domestiques. Pour que les tra-
vailleurs domestiques aient accès à leurs droits et prestations, la seule condition est qu’ils doivent être
enregistrés auprès de la BPS, qui centralise les inscriptions auprès d’autres institutions. L’application
mobile permet aux employeurs de travailleurs domestiques d’enregistrer et d’annuler l’enregistre-
ment des travailleurs, de modifier les informations sur les travailleurs et de payer les cotisations de
retraite. Elle fournit également des informations sur la facturation, les dates d’échéance et les derniers
paiements. Pour faciliter le paiement des cotisations pour les employeurs, différentes méthodes de
paiement sont proposées, comme le paiement en ligne, le prélèvement et le paiement via des agents
de recouvrement décentralisés. Associées à des activités de sensibilisation et à une campagne de dif-
fusion, ces mesures ont permis de réduire la fraude aux cotisations et de la faire passer de 60 pour cent
en 2006 à 24 pour cent en 2017.
Source: D’après des informations fournies par le bureau de l’OIT au Mexique; BIT 2019d.
126 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Liste de contrôle 5.3. Points d’accès mobiles, en ligne et autres points d’accès à distance
X Les institutions de sécurité sociale utilisent-elles déjà des services mobiles et en ligne pour faciliter
l’accès des travailleurs et des employeurs?
X Ces services sont-ils disponibles en qualité et en quantité suffisantes? Quels sont les retours des
utilisateurs de ces services?
X Ces services pourraient-ils être améliorés pour faciliter l’extension de la couverture aux travailleurs
dans l’économie informelle?
employé et possédant des terres d’une taille déterminée («spécialement assurés») devaient fournir,
jusqu’en 2010, des documents prouvant qu’ils exercent depuis quinze ans dans une activité familiale
agricole (factures; contrats d’achat, de location ou de crédit-bail du terrain utilisé; ou licence profes-
sionnelle délivrée par le syndicat rural de l’Institut national de colonisation et réforme agraire (Instituto
Nacional de Colonizacao e Reforma Agrária) (INCRA)). Depuis l’introduction du Registre national d’in-
formation sociale rurale (Cadastro Nacional de Informações Sociais Rurais (CNIS-Rural)) en 2010, ces
documents ne sont cependant plus nécessaires. L’inscription nécessite uniquement un questionnaire
qui peut être rempli en ligne ou lors d’un entretien avec les agents de la sécurité sociale. Pour atteindre
les personnes vivant dans des zones reculées, les agents de la sécurité sociale utilisent des bureaux
mobiles (voir ci-dessus). Une fois inscrite, la personne reçoit un numéro et accède aux données enre-
gistrées la concernant. Lorsqu’ils deviennent éligibles au paiement de la pension, les assurés peuvent
en demander le versement grâce à leur numéro personnel et une pièce d’identité.
L’inscription au programme de transfert conditionnel en espèces du Brésil Bolsa Família est effectuée
au niveau municipal. Le personnel local procède à un entretien avec la famille candidate, au cours
duquel la famille présente une estimation de ses revenus. L’entretien est réalisé selon un questionnaire
standardisé (registre unique) fondé sur l’indice multidimensionnel pour la mesure de la pauvreté et des
conditions de vie (indice de développement familial). Outre les informations concernant la composition
et le revenu des ménages, d’autres indicateurs du niveau de vulnérabilité sont également déterminés,
tels que l’accès aux connaissances, le développement des enfants et les conditions de vie. Si les entre-
tiens ne sont pas menés au domicile du demandeur, les municipalités doivent ensuite effectuer des
visites aléatoires avec au moins 10 pour cent des demandeurs pour valider les informations recueillies.
Source: D’après Lindert et al. 2007; Brésil 2014b; Receita Federal do Brasil 2015.
X Chapitre 5: Supprimer les obstacles administratifs: faciliter l’accès et simplifier les procédures 127
Au Cameroun, la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) a revu les procédures administratives et
a sensiblement amélioré la procédure de traitement des demandes (voir encadré 5.16).
Au Cameroun, les membres de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) se heurtent à des délais
d’attente très longs, car leurs dossiers doivent être revus par plusieurs services (accueil, prestations
et comptabilité). Afin de remédier à cette défaillance du système, la CNPS a développé et mis en place
un processus unifié de traitement et de validation des dossiers – le Bureau total. Tous les formulaires
de demande de prestations des clients sont désormais traités dans un seul établissement et tous les
services impliqués dans le traitement sont hébergés au même endroit. La mise en œuvre de ce sys-
tème aurait réduit le délai de traitement des dossiers de vieillesse, d’invalidité et de survivants, qui
serait passé de 30 jours à 48 heures maximum. Pour les prestations familiales, ce délai est passé d’une
semaine à moins d’une heure.
La Caisse nationale d’assurance sociale (IPS-CNPS) ivoirienne a facilité la déclaration des travailleurs par
les employeurs grâce à l’introduction d’un outil électronique en 2013. En 2016, il avait été utilisé pour
près de 65 pour cent des déclarations.
Le Bureau de la sécurité sociale (SSO) de Thaïlande a amorcé une importante réforme des services
numériques en 2017 pour inciter les employeurs à payer leurs cotisations en ligne et par téléphone
portable et pour permettre aux assurés d’accéder aux informations pertinentes (hôpitaux enregistrés,
registre de cotisations et de réclamations, épargne-retraite) via l’application mobile SSO. Ces deux
objectifs ont été atteints fin 2017: le nombre d’entreprises payant des cotisations en ligne a augmenté
de près de 50 pour cent, et 20 pour cent de l’ensemble des assurés ont téléchargé l’application.
Le Fonds national de prévoyance fidjien a créé en 2016 un portail en ligne pour que les employeurs
enregistrent leurs déclarations de sécurité sociale. En conséquence, la conformité des cotisations a
considérablement augmenté et atteint 98 pour cent des paiements exigibles en 2017. En outre, tandis
que la productivité du personnel et l’intégrité des données ont été renforcées, les erreurs dans la
comptabilisation des cotisations ont considérablement diminué.
Avec le développement de meilleurs systèmes de TIC, une meilleure coordination des informations entre
les différentes autorités publiques (base de données unifiée ou liens entre plusieurs bases de données)
peut réduire la nécessité pour les travailleurs et les employeurs de fournir des pièces justificatives selon le
principe de «donner une bonne fois pour toutes». Par exemple, si un autre ministère dispose déjà de cer-
taines données (date de naissance, situation familiale), la validation de ces informations peut être facilitée
par un échange direct d’informations entre l’administration de sécurité sociale et d’autres unités gouver-
nementales. Ces bases de données centralisées ou l’échange de données entre les autorités publiques
contribuent à l’amélioration des procédures administratives, à condition qu’elles se déroulent dans un
cadre juridique garantissant la protection effective des informations personnelles et de la vie privée
(Sepúlveda Carmona 2018).
128 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Encadré 5.18. Costa Rica: Couverture d’assurance sociale pour les travailleurs indépendants
Le système de sécurité sociale du Costa Rica est public et universel et fondé sur les principes de solida-
rité, d’équité contributive et de subsidiarité de l’État. En conséquence, l’assurance sociale est obligatoire
pour tous les travailleurs – y compris les travailleurs indépendants, qui représentent près d’un tiers des
travailleurs actifs – et tous ceux qui combinent un emploi salarié et un travail indépendant.
La loi définit les travailleurs indépendants comme «toute personne qui exploite pour son propre compte
tout type d’activité générant des revenus». Les personnes dont le revenu est supérieur au salaire
minimum cotisent à l’assurance sociale, couvrant les prestations d’invalidité, de maternité, de vieillesse et
de survivant, avec des subventions gouvernementales pour les personnes à faible capacité contributive.
Actuellement, 6 travailleurs indépendants sur 10 contribuent au système d’assurance-maladie, et 4 sur
10 contribuent au système d’assurance-retraite.
Source: D’après Durán Valverde et Pacheco 2014; BIT 2014f.
X Chapitre 5: Supprimer les obstacles administratifs: faciliter l’accès et simplifier les procédures 129
Troisièmement, des mécanismes doivent être mis en place pour faciliter la couverture de la sécurité
sociale et l’accès à la sécurité sociale pour les travailleurs migrants, dont bon nombre se retrouvent dans
un emploi informel en raison d’une combinaison de facteurs. Dans certains pays, la législation ne prévoit
pas l’égalité de traitement des non-ressortissants en matière de couverture de sécurité sociale. En outre,
les travailleurs migrants opèrent généralement dans des secteurs ou des types d’emploi non couverts
ou insuffisamment couverts par la législation en matière de sécurité sociale et rencontrent ainsi des
difficultés pratiques de couverture.
X Comment faciliter le transfert des droits à la sécurité sociale entre les régimes afin de garantir que
les travailleurs restent assurés s’ils changent de statut d’emploi ou de secteur économique ou se
déplacent? Cet objectif peut être atteint grâce à une meilleure coordination, voire à la fusion de
régimes distincts.
X Que peut-on faire pour faciliter la couverture et l’accès à la sécurité sociale pour les travailleurs
migrants? Que peut-on faire pour éviter la discrimination et garantir l’égalité de traitement? Est-il
nécessaire d’améliorer les cadres juridiques ou leur application? Des mesures spécifiques de
sensibilisation pourraient-elles contribuer à améliorer la conformité et à garantir la protection
sociale des travailleurs migrants?
X Encadré 5.19. Philippines: Utiliser des cartes d'identification unique à usages multiples
Depuis 2005, les principales institutions de sécurité sociale des Philippines ont mis en place une carte
d’identification unique à usage multiple (Unified MultiPurpose ID (UMID)), qui stocke des informations
permettant aux utilisateurs d’effectuer des transactions dans plusieurs institutions, notamment le SSS,
le système d’assurance du gouvernement, le Fonds commun de développement et PhilHealth. Tous les
assurés et bénéficiaires de ces programmes ont la même carte, qui vise à identifier les participants à
la protection sociale, à faciliter la mise en œuvre des procédures et à contrôler et combattre la fraude.
Ce système de carte unique peut faciliter l’accès à la sécurité sociale, en particulier pour les travailleurs
indépendants et les travailleurs temporaires.
La carte UMID repose sur le système de carte SSS introduit en 1998, qui a facilité la gestion des procé-
dures administratives et le respect des cotisations et a amélioré la transparence de la gestion.
Source: D’après Durán Valverde et al. 2013; AISS 2009d.
130 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
L’Argentine a mis en place un système d’enregistrement en ligne simplifié pour les travailleurs domes-
tiques qui est lié à tous les organismes de sécurité sociale, y compris l’Administration nationale de
la sécurité sociale, le système d’assurance-maladie et les compagnies d’assurance contre les risques
professionnels, qui reçoivent des cotisations au nom des travailleurs. Ce système d’enregistrement
facilite la couverture de la sécurité sociale des travailleurs domestiques et leur garantit le plein exercice
de leurs droits.
Les employeurs de travailleurs domestiques sont chargés de mettre à jour électroniquement les infor-
mations pertinentes, en utilisant leur numéro d’identification fiscale, y compris les relations de tra-
vail domestique actuelles et les informations relatives à l’embauche et au licenciement du personnel.
L’inscription peut se faire de trois manières différentes: sur la page Web de l’Administration fédérale
des recettes publiques (Administración Federal de Ingresos Públicos (AFIP)), via les services bancaires en
ligne ou via une ligne téléphonique gratuite, ce qui facilite la conformité des employeurs et garantit
l’inscription en temps réel dans les bases de données de l’AFIP. L’application informatique génère des
certificats d’emploi, des fiches de paie et des reçus de paiement électronique des cotisations via la
banque en ligne.
Source: D’après AISS 2015e.
En 2003, le Service national des pensions de la République de Corée a mis sur pied le Centre d’informa-
tion sur l’assurance sociale, qui permet aux citoyens d’accéder aux quatre régimes de sécurité sociale
(pensions de retraite, santé, emploi et indemnisation des travailleurs) s’ils se rendent dans l’une des
trois organisations chargées de l’administration, en personne ou par voie électronique. L’intégration
des systèmes d’information facilite les procédures administratives, car les assurés peuvent plus faci-
lement demander des renseignements, faire des modifications, déposer des demandes ou soumettre
des réclamations. Dans le même temps, l’administration devient largement plus efficace, puisque les
formulaires et documents sont simplifiés et rationalisés. Ce traitement unique des réclamations ou
des demandes et la délivrance d’une déclaration intégrée sur les antécédents en matière d’assurance
permettraient d’économiser une quantité importante d’heures de travail et d’argent pour les assurés,
les employeurs et l’administration elle-même.
Source: D’après AISS, 2018e.
Source: D’après BIT 2016d; voir aussi la vidéo YouTube du BIT intitulée «The one-stop shop: The Mongolian experience for delivering social
protection and employment services».
132 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
publics grâce à un réseau d’agents d’engagement communautaire avec un accès électronique simplifié,
ce qui a facilité l’accès, en particulier dans les communautés rurales (AISS 2015b. Au Cambodge, un ser-
vice à guichet unique a été mis en place dans le cadre d’un programme pilote dans deux provinces (voir
encadré 5.23). Au Brésil et en Afrique du Sud, les bureaux mobiles de protection sociale remplissent une
fonction similaire (voir encadré 5.7). Le Registre du commerce des Philippines Business Registry (PBR)) est
un guichet unique en ligne destiné à simplifier le processus d’enregistrement des entreprises et à faciliter
l’enregistrement des projets. Il intègre plusieurs agences impliquées dans le processus d’enregistrement
des entreprises: le ministère du Commerce et de l’Industrie; la Direction des impôts; le SSS; le Fonds
commun de développement (Pag-IBIG); PhilHealth; et les unités gouvernementales locales (Bhattarai
2018). D’autres pays ont adopté des solutions intégrées similaires pour faciliter l’accès aux prestations et
aux services (voir encadré 5.24).
Les principaux avantages d’un SSDM intégré sont la possibilité pour les familles ou les individus de
s’inscrire dans un seul bureau au niveau infranational et d’accéder au soutien du «chargé de dossier»
désigné pour évaluer leur situation, élaborer un plan personnalisé couvrant le développement des
compétences, la création d’entreprises ou le placement professionnel et recevoir des informations sur
tous les services sociaux dont ils peuvent bénéficier; de bénéficier d’une aide pour l’inscription aux
régimes; de recevoir des cartes d’identité de protection sociale; d’accéder aux prestations en espèces
ou en nature; et de cotiser (le cas échéant).
Une grande variété de mécanismes intégrés de prestation de services sont utilisés dans le monde
entier, sous différentes formes. Par exemple, au Chili, les prestations de protection sociale, les services
sociaux et autres services publics sont fournis grâce à un portail intégré (ChileAtiende), accessible par
l’intermédiaire des centres administratifs locaux ou des bureaux mobiles, par Internet ou par télé-
phone. Au Brésil, les centres de référence de l’assistance sociale (CRAS) et les centres de référence
spécialisés dans l’assistance sociale (CREAS) canalisent les services de protection sociale vers la popula-
tion en utilisant l’élément fondamental de la prestation de services: le Registre unique (Cadastro Único).
En Mongolie, les guichets uniques offrent un accès aux assurances sociales, à l’assistance sociale et à
d’autres services à un seul endroit au niveau local de l’administration.
Tadjikistan: Cambodge:
District Task Forces Social Services
Delivery Mechanism
Brésil:
Pakistan:
CRAS & CREAS
District Model
Pour proposer efficacement des services intégrés à la population locale, une bonne coordination est
de rigueur. Cette coordination est nécessaire à plusieurs niveaux. D’une part, la prestation de services
intégrés nécessite une coordination horizontale entre différents régimes et programmes, qui peut être
facilitée par un registre unique ou des bases de données coordonnées (BIT 2015f; Van Elk et al 2014).
D’autre part, ces mécanismes de prestation intégrés nécessitent également un degré suffisant de coordi-
nation verticale entre les différents niveaux du gouvernement, du niveau national/central au niveau local,
afin de garantir que l’élaboration des politiques, la planification et la prestation de services, ainsi que le
suivi et l’évaluation, sont correctement alignés pour garantir l’efficacité et l’efficience des prestations et
des services à la population.
Des guichets uniques ont également été créés pour faciliter l’accès aux services publics pour les MPE et
pour promouvoir l’enregistrement des entreprises en vue de faciliter la formalisation (voir encadré 5.25)
[TMP].
134 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Encadré 5.25. Guichets uniques pour faciliter l’enregistrement des micro et petites
entreprises et promouvoir la formalisation en Colombie, au Mexique et au Pérou
Les guichets uniques pourraient ajouter des services liés à la protection sociale aux services aux entreprises.
À cet égard, il convient d’analyser des exemples d’utilisation de services à guichet unique pour promouvoir
l’enregistrement et la formalisation des entreprises. Ces services ont été utilisés pour réduire les obstacles
administratifs à l’enregistrement des entreprises et faciliter les transitions vers l’économie formelle (Bruhn et
McKenzie 2014). Cependant, les résultats diffèrent selon le contexte. La réduction du coût et de la complexité de
l’enregistrement est une étape nécessaire, mais il convient aussi de combiner des procédures administratives
simplifiées avec d’autres mesures pour renforcer les incitations et assurer l’application de règles simplifiées.
X Au Mexique, une réforme lancée en 2002 combinant les procédures d’enregistrement des
entreprises municipales, étatiques et fédérales a réduit le délai de création d’une entreprise de
30,1 jours à 1,4 jour, ce qui s’est traduit par une hausse du nombre de propriétaires d’entreprise
enregistrés de 5 pour cent (Bruhn 2011) et du nombre de nouvelles inscriptions d’entreprises auprès
de l’Institut mexicain de la sécurité sociale de 5 pour cent. La réforme a également permis de créer
des emplois (Kaplan, Piedra et Seira 2007). L’augmentation du nombre d’entreprises enregistrées
est principalement due à l’ouverture de nouvelles entreprises par les salariés précédents. Alors
que certains propriétaires d’entreprises informelles sont devenus des travailleurs en raison de la
réforme et que d’autres ont enregistré leur entreprise, ces effets restent faibles, et la plupart des
propriétaires d’entreprises informelles continuent d’opérer dans l’informalité (Bruhn 2011; Bruhn
2013; Kaplan, Piedra et Seira 2007).
X En Colombie, l’introduction d’un guichet unique a réduit le délai d’enregistrement d’une entreprise
de 55 jours à moins de 9 jours et les frais d’enregistrement de 20 pour cent, ce qui a entraîné
une augmentation de 5 pour cent des enregistrements d’entreprises dans 6 grandes villes où les
données administratives ont été analysées (Cárdenas et Rozo 2007).
X Au Pérou, une réforme des licences municipales à Lima a imposé l’affectation d’une seule personne
de contact à chaque propriétaire d’entreprise et la réduction des frais d’enregistrement, ce qui
a fait passer le nombre d’enregistrements d’entreprises de 1 758 l’année précédant la réforme
à 8 517 l’année suivante, dont 75 pour cent étaient auparavant informelles; et 25 pour cent,
nouvellement créées. Cependant, la majorité des nouvelles licences délivrées étaient provisoires,
et de nombreuses entreprises ne les ont pas renouvelées après leur expiration au bout d’un an.
Le nombre d’inscriptions a de nouveau chuté, pour atteindre 3 500 deux ans après la réforme
(Mullainathan et Schnabl 2010).
X Les mécanismes intégrés de prestation de services, tels que les guichets uniques ou les guichets
uniques pour les services publics, sont-ils déjà efficaces dans le pays? Comprennent-ils l’accès à la
protection sociale? Sinon, pourraient-ils être ajoutés aux mécanismes de prestation de services
existants ou nouvellement créés?
X Comment faudrait-il organiser les mécanismes de coordination et de suivi des services à guichets
uniques pour garantir la prestation efficace et efficiente des services?
X Chapitre 5: Supprimer les obstacles administratifs: faciliter l’accès et simplifier les procédures 135
XL
ectures supplémentaires sur les mécanismes intégrés de prestation de services
X BIT 2021e. Extending Social Protection to Migrant Workers, Refugees and Their Families: A Guide
for Policymakers and Practitioners.
X BIT et GNUD, 2016. UNDG social protection coordination toolkit: coordinating the design and
implementation of nationally defined social protection floors.
X AISS 2016b Lignes directrices de l’AISS en matière de communication des administrations de
sécurité sociale.
X AISS 2016a. Lignes directrices de l’AISS en matière de solutions administratives pour l’extension
de la couverture.
X RNSF 2017. Extending coverage: Social protection and the informal economy.
En République dominicaine, la loi no 87-01 prévoit que les travailleurs indépendants doivent être cou-
verts par un régime subventionné au titre du Système dominicain de sécurité sociale (SDSS), mais le
régime n’a pas encore été mis en œuvre. Afin de faciliter la couverture de ces travailleurs, l’AMUSSOL
a été fondée en 2005 à l’initiative de la Confederatión Autónoma Sindacal Clasista, qui travaille en col-
laboration avec 129 organisations de travailleurs informels (syndicats, coopératives ou associations).
En tant qu'«employeur virtuel», l’AMUSSOL fonctionne comme un intermédiaire pour les travailleurs
éligibles au régime contributif subventionné, mais qui en sont exclus en pratique, et collecte les coti-
sations de sécurité sociale de ses membres (moyennant une cotisation de 1 pour cent pour le service
rendu) et les transfère vers le SDSS. Les membres de l’AMUSSOL ont ainsi accès à la couverture de
sécurité sociale de l’assurance-maladie pour eux-mêmes et leur famille, ainsi qu’à la couverture des
accidents du travail, aux pensions de vieillesse, d’invalidité et de survivant et à l’assurance en cas
d’accidents sur le lieu de travail, tout en ayant accès à un fonds de retraite. L’AMUSSOL couvre près de
60 000 personnes aujourd’hui.
70 000
Nombre de membres affiliés à l’AMUSSOL
60 000
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
0
2010 2011 2012 2013 2014 2015
Années
Total d’affilliés
Affilliés
Lorsque les régimes publics d’assurance sociale ne sont pas disponibles, l’assurance collective avec un
régime privé est une autre solution pour assurer la protection des travailleurs non couverts, comme
l’assurance collective par l’intermédiaire d’une coopérative de ramasseurs de déchets (Kagad Kach
Patra Kashtakari Panchayat) parrainée par la municipalité de la ville de Pune, en Inde, en reconnaissance
de la valeur des services des ramasseurs de déchets pour les citoyens (Chikarmane et Narayan 2005).
X Chapitre 5: Supprimer les obstacles administratifs: faciliter l’accès et simplifier les procédures 137
X Encadré 5.27. Costa Rica: Conventions collectives d'assurance avec les agriculteurs
Au Costa Rica, les travailleurs à leur propre compte, y compris les agriculteurs, peuvent adhérer à des
organisations et conclure des conventions collectives d’assurance avec le système d’assurance sociale
depuis 1984.
Pour s’inscrire, l’organisation dépose une demande auprès du système d’assurance sociale, accompa-
gnée d’une documentation attestant sa personnalité juridique et son numéro d’associé. Une fois l’orga-
nisation accréditée, la procédure de négociation commence. Seuls les travailleurs à leur propre compte
et ceux exerçant des activités conformes à la nature de l’organisation peuvent participer. L’organisation
négocie également des cotisations de groupe avec le conseil d’administration. Elle est chargée de per-
cevoir les cotisations préalablement négociées auprès des assurés et de les transférer, avec un rapport
mensuel, à l’institution d’assurance sociale (Caisse costaricienne de sécurité sociale (CCSS)). Le conseil
d’administration de la CCSS est responsable de l’établissement des directives générales, de l’appro-
bation des augmentations des barèmes de cotisation et du règlement des conflits de force majeure.
Les personnes affiliées à une convention collective ont les mêmes droits que les travailleurs salariés.
L’accord peut être résilié avec un préavis de trois mois par l’une des parties y souscrivant dans le délai
d’un an.
Les niveaux de cotisation sont fixés en fonction de l’activité productive spécifique exercée par les
travailleurs de l’organisation inscrits et en fonction de la capacité contributive du groupe enregistré.
Ils sont établis sur la base de revenus de référence spécifiques et réguliers pour certains membres,
plutôt que selon des catégories de revenus comme dans le cas de l’inscription individuelle. Au sein
d’une même organisation, différents barèmes de cotisation sont établis pour les membres individuels.
L’organisation décide elle-même du barème le plus adapté au revenu de la personne. Ces barèmes sont
périodiquement vérifiés par des inspecteurs.
Ce mécanisme a eu un impact favorable sur le développement rural au Costa Rica, en particulier pour
les travailleurs à leur propre compte organisés dans le secteur agricole et les agricultrices. En plus
d’améliorer l’accès aux régimes d’assurance sociale, il constitue un outil de renforcement de la cohésion
sociale et des capacités organisationnelles et politiques des agriculteurs organisés en coopératives et
en associations.
Source: D’après Durán Valverde et al 2013.
X Questions clés
X Comment déterminer les cotisations d’une manière mieux adaptée aux besoins des travailleurs
dans l’économie informelle afin de tenir compte de leurs revenus souvent faibles et irréguliers?
X Comment faciliter le paiement des cotisations pour les travailleurs et les employeurs, ainsi que pour
l’administration de la sécurité sociale?
X Comment des catégories de revenus différenciées peuvent-elles faciliter l’établissement et le calcul
des cotisations? Comment les établir?
X Comment la subvention des cotisations grâce aux fonds publics pour certaines catégories de
travailleurs peut-elle faciliter l’extension de la couverture?
X Messages clés
X Les revenus faibles et irréguliers constituent des obstacles importants à l’extension de la couverture
aux travailleurs dans l’économie informelle. Les politiques visant à étendre la couverture de la
sécurité sociale devront relever ces défis: a) en adaptant le mode de détermination des cotisations;
b) en facilitant les mécanismes de paiement des cotisations; ou c) en combinant des mécanismes
de financement non contributifs et contributifs.
X Adapter le mode de détermination des cotisations peut faciliter la couverture des travailleurs dans
l’économie informelle, notamment: en redéfinissant les revenus de référence pour le calcul des
cotisations; en utilisant les catégories de cotisation pour déterminer le revenu perçu; en utilisant des
mécanismes simplifiés de cotisation et de paiement des impôts («monotaxe»); ou en envisageant
des revenus de référence autres que les salaires.
X Faciliter le paiement des cotisations favorise l’extension de la couverture, notamment grâce
à: l’extension des points d’accès pour le paiement des cotisations; la fourniture d’un soutien
individualisé pour déclarer les cotisations; la mise en place de cotisations d’assurance sociale
unifiées; ou l’adaptation des calendriers de délai de recouvrement des cotisations.
X Pour les travailleurs dont les capacités contributives sont limitées, il peut être nécessaire de
combiner des mécanismes de financement non contributifs et contributifs pour assurer une
couverture universelle et une viabilité financière.
6.1.1
Revenus faibles et capacité contributive limitée
De nombreux travailleurs et employeurs dans l’économie informelle génèrent de faibles revenus qui leur
permettent tout juste de joindre les deux bouts. De nombreuses personnes actuellement non couvertes
par la protection sociale vivent dans la pauvreté ou risquent de basculer dans la pauvreté et ont une
capacité contributive limitée.
Les personnes occupant un emploi temporaire (en particulier les journaliers), en situation de sous emploi
ainsi que les travailleurs indépendants qui exercent une activité de subsistance sont particulièrement
vulnérables. Parmi les travailleurs indépendants (souvent à leur propre compte et travailleurs familiaux
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 141
aidants), les risques de pauvreté sont élevés: près de 70 pour cent des travailleurs indépendants dans le
monde vivent dans des ménages pauvres, et ce pourcentage dépasse 80 pour cent en Afrique subsaha-
rienne (Cho, Robalino et Watson 2014; Gindling et Newhouse 2014).
6.1.2
Revenus irréguliers
Un autre enjeu de l’extension de la couverture aux travailleurs dans l’économie informelle réside dans
le fait que de nombreux régimes d’assurance sociale sont construits autour de la notion de travailleur
dans une relation de travail claire et stable, bénéficiant de salaires réguliers et d’un contrat à long terme.
Cependant, de nombreux travailleurs dans l’économie informelle ont des revenus irréguliers, associés à
des formes d’emploi à forte insécurité d’emploi (comme le travail occasionnel), à la saisonnalité (en parti-
culier dans le cas des travailleurs agricoles) ou au travail indépendant. Les travailleurs et les entreprises
dans l’économie informelle peuvent également être plus fortement touchés par des chocs imprévus
qui peuvent entraîner une perte (complète) de revenus, comme des catastrophes naturelles. En outre,
l’emploi informel est souvent caractérisé par un niveau élevé de mobilité en termes de statut d’emploi
(entre emploi dépendant et indépendant), secteur d’emploi (par exemple entre construction et agricul-
ture), voire entre emploi formel et informel. La variabilité du revenu vient parfois du décalage entre le
moment où le travail est effectué et celui où le paiement est reçu. Pour ces raisons, les travailleurs et les
entreprises dans l’économie informelle ne sont pas toujours en mesure de s’acquitter d’une cotisation
de même montant en même temps (AISS 2012, p. 33).
6.1.3
Le défi de la double contribution
Un troisième défi pour l’extension de la couverture est le fait que de nombreux travailleurs dans l’éco-
nomie informelle, en particulier ceux qui travaillent à leur propre compte, ne peuvent pas compter sur le
soutien d’un employeur pour le paiement des cotisations.
Dans le cas des travailleurs indépendants, les régimes d’assurance sociale peuvent prévoir une couver-
ture obligatoire ou volontaire, mais dans bien des cas, ils ne sont pas toujours en mesure de payer le
montant total des cotisations, qui dans de tels cas, ne peuvent pas être partagées entre les travailleurs
et les employeurs (AISS 2012).
Outre une capacité financière limitée, de nombreux travailleurs indépendants ne disposent pas non plus
de capacités suffisantes pour gérer le paiement régulier des cotisations. Des procédures de déclaration
et de paiement complexes, longues et coûteuses peuvent constituer un autre obstacle à la formalisation
et à la participation aux régimes de sécurité sociale. Des défis similaires découlant de capacités finan-
cières et administratives limitées s’appliquent également à certaines MPE.
6.1.4
Employeurs multiples
Si un travailleur a des relations de travail avec plusieurs employeurs, il sera difficile d’identifier les obliga-
tions respectives de chaque employeur, ou l’administration d’assurance sociale ne sera peut-être pas en
mesure de gérer plusieurs employeurs. Cette situation peut affecter les travailleurs à temps partiel ayant
plus d’un emploi, les travailleurs occasionnels, les travailleurs temporaires ou les travailleurs intérimaires
(BIT 2016e). Dans bien des cas, les travailleurs ayant plus d’un employeur ne sont pas du tout couverts ou
sont partiellement couverts par un employeur principal, mais sous déclarent leurs revenus totaux et, par
conséquent, ne bénéficient pas du niveau de prestations auquel ils devraient avoir droit.
6.1.5
Solutions envisageables
Bien que les trois défis susmentionnés entravent l’extension de la couverture aux travailleurs dans l’éco-
nomie informelle, de nombreux pays ont trouvé des solutions, et leurs expériences sont décrites dans
ce chapitre.
142 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Les travailleurs et les employeurs ne peuvent pas toujours verser des cotisations mensuelles régulières,
mais suivent d’autres calendriers de paiement des cotisations (voir section 6.3.4). Il est possible de cal-
culer les cotisations non pas sur la base des revenus mensuels, mais sur d’autres valeurs de référence
(voir section 6.2.1). S’il est parfois difficile d’avoir recours à des mécanismes réguliers de recouvrement
des cotisations, il convient d’envisager des mécanismes simplifiés (voir section 6.2.4). Cependant, dans
certains cas, une capacité contributive limitée nécessite de trouver d’autres ressources pour garantir la
couverture de ces groupes, comme l’utilisation des ressources publiques pour financer entièrement ou
partiellement la couverture des personnes à faible revenu (voir section 6.4).
X Quels sont les principaux défis concernant les mécanismes de collecte et de financement des
cotisations?
X Dans quelle mesure les faibles revenus et la capacité contributive limitée affectent-ils négativement
la couverture de sécurité sociale? Quels groupes sont particulièrement touchés? Des études
spécifiques ont-elles été menées pour évaluer leur capacité contributive?
X Dans quelle mesure les écarts de protection sociale sont-ils liés à la volatilité des revenus? Existe-t-il
des mécanismes spécifiques pour faciliter le recouvrement des cotisations pour les travailleurs dont
les revenus sont irréguliers?
X Existe-t-il des mécanismes pour garantir la couverture de sécurité sociale des travailleurs à leur
propre compte et d’autres catégories de travailleurs indépendants? Existe-t-il des mécanismes en
place pour assurer la sécurité sociale des travailleurs qui ont plusieurs employeurs?
X Le mécanisme de recouvrement des cotisations est-il suffisamment simple pour les travailleurs
informels et les MPE?
Diverses approches ont été développées pour répondre aux enjeux de la fluctuation des revenus et de
l’estimation des revenus aux fins du calcul des taux de cotisation. Ces approches visent à réduire les
informations qui doivent être fournies par la personne assurée ou l’employeur et ainsi à faciliter ou éli-
miner la préparation des déclarations tout en facilitant le calcul et l’enregistrement des cotisations pour
les administrations de sécurité sociale (AISS 2012).
Le tableau 6.1 résume les avantages et les inconvénients de chaque approche qui peut être utilisée seule
ou en association avec d'autres.
X Tableau 6.1. Différentes options pour déterminer les niveaux de cotisations: avantages
et inconvénients
En tenant compte + p eut faciliter la couverture des personnes – s i un réajustement doit être effectué à la fin
des revenus dont les revenus sont irréguliers; de l’année, un personnel bien formé sera
trimestriels ou + limite le nombre de déclarations devant être essentiel, ce qui augmentera les coûts
annuels plutôt préparées par la personne assurée; administratifs du système.
que mensuels + facilite la tenue des registres des institutions
de sécurité sociale.
6.2.1
Redéfinir le revenu de référence
Le mode de détermination des cotisations de sécurité sociale selon les revenus mensuels n’est pas adapté
à tous les travailleurs dans l’économie informelle qui sont confrontés à une forte volatilité des revenus
sur une base quotidienne ou saisonnière. Il conviendra d’adapter les revenus de référence à la situation
du groupe cible.
Pour certaines catégories d’employeurs et de travailleurs, la détermination des cotisations sur une base
annuelle ou trimestrielle peut faciliter la couverture pour les employeurs, les travailleurs et l’adminis-
tration de la sécurité sociale. Par exemple, le régime fiscal brésilien Simples Nacional, qui couvre les
microentreprises, n’exige qu’un seul paiement par an (voir encadré 6.1).
144 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Encadré 6.1. Faciliter la couverture des micro et petites entreprises et des travailleurs
indépendants au Brésil (Simples Nacional et Microemprendedor Individual)
La réglementation fiscale simplifiée pour les MPE a été introduite au Brésil par la loi fédérale Simples
no 9317 en 1996 et réformée par l’introduction de Simples Nacional en 2007. Ce régime fiscal permet
aux entreprises éligibles de déposer une seule déclaration fiscale annuelle simplifiée, au lieu de décla-
rations fiscales mensuelles pour 8 taxes différentes. Les MPE dont le revenu annuel brut est inférieur
à 3,6 millions de reais peuvent utiliser cette option. Les microentrepreneurs comptant au maximum 1
employé peuvent utiliser le mécanisme MEI (voir encadré 4.13), qui autorise le paiement forfaitaire de
7 taxes et cotisations de sécurité sociale différentes.
Concernant la préparation des déclarations, les cabinets comptables accompagnent gratuitement
le microentrepreneur pour la première déclaration fiscale. Les paiements peuvent être effectués en
ligne, par l’intermédiaire des casas lotéricas (unités qui concluent des contrats avec la banque fédérale
Caixa et dispensent ses services à l’échelle municipale) ou des banques. Elles peuvent être effectuées
mensuellement ou trimestriellement en fonction de la situation des travailleurs (revenus fluctuants ou
saisonniers).
Entre 2009 et 2018, le nombre de MPE enregistrées est passé de près de 3 millions à 5 millions. Le
régime de «monotaxe» a également facilité la formalisation des travailleurs; les entités enregistrées
sous ce régime auraient employé 10,6 millions de travailleurs en 2017, soit un quart de tous les employés
au Brésil. La principale motivation pour participer à ce régime est d’accéder à la sécurité sociale.
Pour d’autres catégories de travailleurs, à savoir ceux du secteur agricole, les cotisations saisonnières,
notamment dans le régime de pension en milieu rural du Brésil (voir encadré 6.5) sont plus appropriées.
Pour d’autres catégories de travailleurs, tels que les commerçants indépendants ou les chauffeurs, un
calendrier de collecte des cotisations hebdomadaire ou quotidienne est plus adapté. Des mécanismes
permettant le dépôt et le transfert de très petites quantités peuvent faciliter leur couverture. Par
exemple, les boîtes de collecte des cotisations utilisées dans le programme AlkanSSSya aux Philippines
(voir encadré 6.2) permettent aux travailleurs de cotiser sur une base hebdomadaire, voire quotidienne.
De même, les mécanismes de paiement numérique qui permettent de transférer de petites sommes par
téléphone mobile comme dans le programme Mbao du Kenya (voir encadré 6.16) facilitent la couverture
de certaines catégories de travailleurs.
Le programme AlkanSSSya des Philippines a introduit un mécanisme innovant pour faciliter le recouvre-
ment des cotisations pour les travailleurs ayant des revenus irréguliers en 2011. Avec l’appui des asso-
ciations de travailleurs informels (groupes du secteur informel), des boîtes de collecte de cotisations
individuelles ont été introduites pour permettre aux travailleurs d’économiser de petites sommes
quand ils ont de l’argent disponible, et pour déposer quotidiennement ou hebdomadairement de petits
montants. Ces sommes sont ensuite comptabilisées et relevées sur une base mensuelle, à l’aide de
rapports de transactions de paiement générés par ordinateur. Les boîtes de collecte sont installées sur
les lieux de travail ou à proximité des travailleurs, comme dans les terminaux de taxis locaux. À la fin du
mois d’avril 2015, 107 091 travailleurs étaient couverts.
6.2.2
Cotisations uniformes (paiements par capitation)
Lorsque des paiements par capitation sont utilisés, la même cotisation uniforme forfaitaire est fixée pour
tous les travailleurs d’une certaine catégorie. Les cotisations n’étant pas calculées en pourcentage du
revenu, il n’est pas nécessaire de prouver les revenus exacts (AISS 2016a; AISS 2012). Les paiements par
capitation peuvent être basés sur un revenu théorique moyen pour une certaine activité ou région. Par
exemple, en Chine, le revenu moyen est fixé pour chaque région et utilisé pour calculer les cotisations
(AISS 2012). Aux Philippines, PhilHealth offre la possibilité aux personnes non couvertes par une autre
catégorie de cotiser en tant que «membres autonomes» et offre deux catégories de cotisations basées
sur le revenu mensuel moyen 1, tout en laissant la possibilité de cotiser sur une base mensuelle, trimes-
trielle, semestrielle ou annuelle.
Dans les régimes fondés sur le volontariat, il est courant d’établir un ou plusieurs niveaux de cotisations.
Par exemple, en vertu de l’article 40 de la loi sur la sécurité sociale en Thaïlande, les travailleurs indé-
pendants peuvent choisir entre trois catégories de cotisations avec différents niveaux de cotisations et
différents régimes de prestations pour la maladie, les allocations familiales, les prestations de handicap,
les prestations d’invalidité et de décès et une prestation de vieillesse forfaitaire (CESAP 2011; AISS 2012).
Bien que cette approche simplifie les procédures administratives, le niveau de cotisation doit être soi-
gneusement fixé. Il doit être suffisamment faible pour permettre la couverture des personnes dont les
capacités contributives sont limitées, mais suffisamment élevé pour garantir au moins un niveau de
prestations de base sans compromettre la viabilité financière du régime, à moins que le gouvernement
concerné ne s’engage à ce que les ressources nécessaires soient disponibles pour assurer une large
couverture.
6.2.3
Catégories de cotisations
De nombreux pays utilisent aussi de larges catégories de cotisations pour les catégories de travailleurs
dont le suivi des revenus exacts est impossible. Cette approche permet une différenciation en fonction
de la capacité contributive du travailleur, mais ne nécessite pas de preuve exacte du niveau de revenu
(Durán Valverde et al. 2013, p. 17). Elle est particulièrement adaptée à l’extension de la couverture aux
travailleurs indépendants. Les catégories de cotisations peuvent être définies en fonction du revenu
perçu ou de mesures indirectes pour le revenu perçu (voir ci-dessous).
Le revenu de la personne assurée est évidemment pertinent pour décider du niveau et du taux de cotisa-
tion (et d’éventuelles subventions pour les groupes à faible revenu). Au Costa Rica, des taux de cotisation
différents sont appliqués pour les différentes catégories de revenus (voir encadré 6.3), tandis qu’à Cabo
Verde les mêmes taux sont appliqués pour tous les groupes de revenus (voir encadré 6.4).
1 L
es personnes qui gagnent jusqu’à 25 000 pesos philippins cotisent 200 pesos par mois, soit 2 400 pesos par an.
Les personnes qui gagnent 25 000 pesos et plus versent 300 pesos par mois ou 3 600 pesos par an.
146 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Encadré 6.3. Costa Rica: Catégories de cotisations pour les travailleurs indépendants
– taux de subvention inversement proportionnels à la capacité contributive
Au Costa Rica, l’assurance sociale obligatoire pour les travailleurs indépendants utilise des catégories
contributives. En fonction des revenus du travailleur indépendant, l’État subventionne une partie de sa
cotisation pour atteindre un total de 11 pour cent du revenu mensuel pour la santé et de 7,75 pour cent
pour l’assurance-retraite. Pour faciliter le calcul du revenu, les travailleurs indépendants sont regroupés
en différentes catégories de revenu sur la base du salaire minimum national. Afin de déterminer le
revenu de référence, ils sont tenus de présenter une preuve de leurs revenus et dépenses des six
derniers mois, ainsi qu’une déclaration de revenus et d’autres formulaires et certificats administratifs.
Jusqu’à 110 000 CRC 3,75 7,25 11,00 4,25 3,50 7,75
Note: SM est le salaire minimum pour les travailleurs non qualifiés, fixé à 206 045 colons costariciens (CRC) (368,80 dollars É.-U.)
en janvier 2010.
Ce mécanisme de financement tient compte du fait que les travailleurs indépendants constituent un
groupe très hétérogène, ce qui permet à l’État de subventionner les personnes à faible revenu.
Entre 2005 et 2009, la proportion de travailleurs indépendants contribuant à l’assurance-maladie ou
à la pension sociale est passée de 30,5 à 59,9 pour cent dans le cas de l’assurance-maladie et de 15,9 à
44,8 pour cent dans le cas de l’assurance-retraite.
Source: Durán Valverde et al. 2013; site Web de la Caja Costarricense de Seguro Social.
Le principal inconvénient est que l’augmentation progressive du niveau des cotisations, qui n’est pas
strictement proportionnelle au niveau des revenus, peut avoir des effets dysfonctionnels. Ainsi, une
personne dont les revenus augmentent peut passer d’une catégorie à une autre et voir ses cotisations
de sécurité sociale augmenter, et sa situation serait bien moins favorable qu’avant l’augmentation des
revenus, ce qui pourrait avoir comme effet de dissuader les travailleurs de gagner plus ou celui d’encou-
rager la sous-déclaration de revenus.
Certains pays utilisent des mesures indirectes pour estimer les revenus perçus et déterminer la capacité
contributive du travailleur, lorsqu’il est difficile de l’établir directement. L’utilisation de mesures indirectes
peut faciliter le calcul des cotisations et réduire la nécessité de préparer des déclarations pour la per-
sonne assurée. Ces mesures indirectes peuvent par exemple concerner la taille du terrain ou de l’entre-
prise, le nombre d’employés, la valeur d’un bien immobilier ou le type d’activité exercée. Habituellement,
plusieurs de ces mesures sont combinées.
Dans le régime de pension en milieu rural du Brésil, les catégories de cotisations pour les agriculteurs
indépendants sont établies en fonction de la superficie des terres et du nombre d’employés, tandis que
les catégories de cotisation des travailleurs salariés sont basées sur leur salaire (voir encadré 6.5).
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 147
X Encadré 6.4. Cabo Verde: Libre choix de la catégorie de cotisation pour les indépendants
Dans le régime obligatoire de sécurité sociale du Cabo Verde pour les travailleurs indépendants, le taux de
cotisation est fixe et s’élève à 19,5 pour cent du revenu de référence qui correspond au salaire minimum
pour les travailleurs du secteur public. Le taux de cotisation de 19,5 pour cent du revenu est inférieur au
taux de cotisation total de 25 pour cent du salaire des travailleurs salariés, mais supérieur au taux de
cotisation des salariés de 8 pour cent, qui complète le taux de cotisation patronale de 17 pour cent (2013).
Base de cotisation des travailleurs indépendants: montants des cotisations pour le calcul de la catégorie 2009
(pour le revenu de référence de 13 986 escudos)
Les prestations accordées aux travailleurs indépendants correspondent à celles octroyées aux travail-
leurs salariés pour les événements suivants: invalidité, vieillesse, survivants, maternité, paternité et
maladie. Pour recevoir des prestations de vieillesse, le travailleur doit avoir cotisé pendant au moins
quinze ans, tandis que, pour les prestations d’invalidité et de survivants, le travailleur doit avoir cotisé
pendant au moins cinq ans.
Source: Durán Valverde et al. 2013; Durán Valverde, Pacheco et Borges Henriques 2012.
Au Niger, les taux de cotisation des chauffeurs de taxi au principal régime d’assurance sociale (couverture
volontaire) sont basés sur une évaluation des revenus typiques pour différents profils d’activité (BIT 2016k).
En Tunisie, les catégories dépendent de l’activité exercée et de la taille de l’entreprise ou des terres (voir
encadré 6.6). En Argentine, la loi visant à promouvoir le travail déclaré et à prévenir la fraude au travail pré-
voit des subventions pour une période définie pour les MPE, qui varient en fonction du nombre d’employés
de l’entreprise (voir section 6.4). En République de Corée, le véhicule, le loyer ou la valeur de la maison d’une
personne, entre autres facteurs, peuvent être utilisés pour déterminer la classe de revenu (AISS 2012).
X Encadré 6.6. Tunisie: Établissement des catégories de cotisations pour les travailleurs
indépendants
En Tunisie, les travailleurs indépendants sont regroupés en 10 tranches de revenu concernant le groupe
professionnel (médecin, commerçant, architecte, artisan) et la taille de l’entreprise ou de l’exploitation.
L’échelle est basée sur les revenus moyens pour chaque profession, et les tranches de revenu varient
de 1 à 18 fois le salaire minimum interprofessionnel ou le salaire agricole minimum. Les assurés doivent
cotiser selon la tranche de revenu de cette échelle. Ils sont libres de cotiser sur la base d’une tranche de
revenu plus élevée et peuvent demander à être regroupés dans une tranche inférieure, s’ils peuvent
prouver que le revenu réel est inférieur au revenu fixé pour leur catégorie.
Les prestations fournies sont les mêmes que pour les travailleurs salariés et comprennent les presta-
tions de vieillesse, d’invalidité, de survivants, de maladie et de maternité.
Alors qu’en 2009 presque tous les Tunisiens qui travaillent dans les secteurs public et privé non agri-
coles étaient couverts par des régimes de sécurité sociale, dans le secteur informel – en particulier
parmi les travailleurs agricoles ou indépendants – la couverture était encore inférieure à 50 pour cent.
Les travailleurs encore exclus sont principalement les travailleurs agricoles occasionnels et saisonniers
(travaillant moins de 45 jours par trimestre pour le même employeur), les travailleurs domestiques et
les pêcheurs des zones rurales.
Source: D’après Ben Cheikh 2013; Chaabane 2003; Olivier 2009.
6.2.4
Mécanismes simplifiés de cotisation et de paiement
des taxes (mécanismes de «monotaxe») [TMP] [TI]
Les mécanismes de «monotaxe» offrent la possibilité à certaines catégories de MPE et de travailleurs à
leur propre compte de verser un paiement forfaitaire (mensuel) plutôt que diverses cotisations fiscales
et sociales. Le niveau des cotisations diffère généralement selon les catégories de revenus. Si la partici-
pation aux mécanismes de «monotaxe» est généralement volontaire, des procédures plus simples et,
dans certains cas, des taux de cotisation plus bas rendent également ces mécanismes attractifs pour
les catégories éligibles de travailleurs indépendants et de microentreprises. Le subventionnement des
régimes de «monotaxe» vise à fournir des incitations à la formalisation des entreprises, en partant du
principe que, au fur et à mesure de la croissance de ces entreprises, elles pourront par la suite assumer
les cotisations fiscales et sociales à un niveau normal.
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 149
L’un des principaux avantages de ces mécanismes est qu’ils facilitent le paiement des cotisations de
sécurité sociale et des impôts, compte tenu des capacités administratives limitées des microentrepre-
neurs et des MPE, qui peuvent constituer un obstacle considérable à la formalisation. Les mécanismes
de «monotaxe» réduisent la nécessité de tenir des registres comptables et facilitent la déclaration des
revenus et les paiements aux différents sous systèmes de sécurité sociale et sous-systèmes fiscaux.
L’exemple de l’Uruguay montre que les mécanismes de «monotaxe» peuvent conduire à une nette aug-
mentation de la couverture de sécurité sociale des travailleurs indépendants et des microentreprises
(voir encadré 6.8).
Au Brésil, le mécanisme Simples National a contribué à une augmentation de l’enregistrement et à un
recouvrement plus efficace des impôts (voir encadrés 6.1 et 6.7). Entre son lancement en 2007 et 2012,
le nombre de MPE enregistrées a presque doublé, passant de 2,5 millions à 4,4 millions. Des études
confirment également que 32 pour cent des entrepreneurs déclarent que Simples National a réduit leur
charge fiscale totale. Les recettes fiscales ont considérablement augmenté, passant de 8,3 milliards à
46,5 milliards de reais au cours de la même période alors que de nombreuses petites entreprises ont
rejoint le secteur formel (BIT 2014e).
Alors que les exemples les plus importants de mécanismes de «monotaxe» ont été mis en œuvre en
Argentine, en Uruguay et au Brésil en 1998, 2001 et 2006, respectivement (voir encadré 6.7), d’autres
pays ont également mis en œuvre ce type de mécanismes ou envisagent de le faire, notamment la
Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Maroc, la République de Moldova, le Sénégal et la Serbie.
De plus, l’établissement d’un montant de cotisation fixe pour un petit nombre de catégories de coti-
sants réduit la nécessité de fournir régulièrement des déclarations de revenus détaillées. Au lieu de
cela, une estimation du revenu et la classification dans le groupe contributif adéquat sont suffisantes.
150 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Taxes et cotisations Impôt sur le revenu, TVA et 8 (7 jusqu’en 2014) impôts Tous les impôts et
remplacées cotisations de sécurité différents (5 fédéraux, cotisations de sécurité
sociale au système de santé 1 étatique et 1 taxe sociale
et de retraite municipale) et 1 cotisation
de sécurité sociale
Prestations offertes Soins de santé (régime Mêmes prestations Toutes les prestations
général), pension minimum d’assurance sociale de sécurité sociale,
que les salariés à l’exception de la
protection contre
le chômage; l’affiliation
à l’assurance-maladie
est volontaire; couverture
volontaire pour le conjoint
et les enfants
Source: Amarante et Perazzo 2013; BIT 2014e; BIT 2014h; Van Elk et al. 2014; et sources nationales
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 151
Les trois pays ont mis en place des régimes spéciaux pour les travailleurs indépendants ou les
microentreprises les plus modestes. L’Argentine et l’Uruguay ont mis en œuvre le régime social de
«monotaxe», et le Brésil a établi le régime MEI, grâce auxquels les cotisants bénéficient de réductions
supplémentaires de cotisations.
Les mécanismes de «monotaxe» peuvent remplacer un large éventail de différents impôts et cotisations
de sécurité sociale. Plus les taxes et cotisations sont incluses, plus l’effet de facilitation des procédures de
paiement sera important pour le cotisant et plus l’incitation à participer sera forte. Cependant, il ne faut
pas perdre de vue que le système doit être coordonné entre les différentes institutions.
Quelle capacité administrative est nécessaire pour mettre en œuvre des mécanismes
de «monotaxe»?
Les mécanismes de «monotaxe» exigent la coordination entre les différentes institutions de sécu-
rité sociale et l’administration fiscale, voire différents niveaux de gouvernement (municipal, étatique,
fédéral). Une entité est généralement responsable de la collecte du paiement, puis du transfert de la
part convenue aux différentes institutions et autorités. En Uruguay, par exemple, les cotisations sont
collectées par la BPS, qui transfère ensuite la part correspondant aux paiements des impôts à l’adminis-
tration fiscale (voir encadré 6.8).
La combinaison des cotisations de sécurité sociale et des impôts nécessite une coordination entre
les institutions de sécurité sociale et les administrations fiscales et les différents niveaux de gou-
vernement (municipal, régional, étatique). Par exemple, l’introduction des Simples Nacional au Brésil
a nécessité une coopération plus étroite entre les États et les municipalités, y compris l’adaptation
de la législation au niveau de l’État et des accords signés avec le Secrétariat fédéral des recettes
publiques 2. Au niveau municipal, la même procédure était requise en matière de taxes sur les ser-
vices.
Cette meilleure coordination entre les administrations fiscales et les institutions de sécurité sociale
joue un rôle important dans la mise en place de régimes de recouvrement simplifiés et unifiés pour
les petits cotisants et l’extension de la couverture aux travailleurs indépendants et aux travailleurs des
MPE. Elle encourage ainsi la formalisation et améliore la couverture de sécurité sociale.
2 A
u Brésil, avant l’introduction du Simples Nacional, les États et les municipalités prélevaient les impôts directement,
entre autres sur la circulation des marchandises et des services de transport et de communication inter-États
et intercommunaux.
152 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Co
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qui bénéficient
L’introduction etdul’expansion
régime des mécanismes de «monotaxe» ontsociale uruguayen
conduit à une extension signi-
ficativeInstitut
de lauruguayen
couverturede sécurité
«monotaxe» de lasociale: enregistrement
sécurité des entreprises
sociale parmi «monotaxe» et des membres
les microentreprises. Alors que moins de
assurés
3 000 microentreprises étaient assurées endes2009,
Statut leur
entreprises nombre avait presque triplé en 2013,
formelles
Institut uruguayen de sécurité sociale: enregistrement des entreprises «monotaxe» et des membres
20 000
assurés
30 000
15 000
25 000
10 000
Nombre d’enregistrements
20 000
5 000
15 000
0
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
10 000
Années
5 000
Entreprises «monotaxe» Membres assurés
0
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Années
X Liste de contrôle 6.4. Mécanismes simplifiés de paiement des cotisations et des impôts
X Des mécanismes simplifiés de paiement des cotisations et des impôts pourraient-ils permettre
de dépasser les contraintes auxquelles sont confrontés les travailleurs indépendants et les
microentreprises?
X Quels mécanismes pourraient être utilisés pour évaluer les obligations de paiement?
X Quelles branches de la sécurité sociale pourraient être incluses dans ces mécanismes?
X Quelle capacité administrative est nécessaire pour mettre en œuvre des mécanismes
de «monotaxe»?
X Si le subventionnement des cotisations et des impôts pour les revenus faibles est prévu, comment
pourrait-il être financé? (voir section 6.4)
6.2.5
Prendre en compte d’autres valeurs de référence (autres
que les revenus) pour déterminer les cotisations
Il est parfois impossible de calculer les cotisations en fonction des revenus. Par exemple, dans les sec-
teurs où de nombreux travailleurs sont généralement employés occasionnellement pendant une courte
période (souvent une seule journée) et où le taux de rotation des travailleurs est très élevé, des approches
plus souples peuvent faciliter la couverture des travailleurs les plus vulnérables. D’autres facteurs, tels
que des relations de travail peu claires, peuvent entraver davantage la couverture des travailleurs.
Un exemple de cette situation est le secteur de la construction, dans lequel bon nombre de travailleurs
sont embauchés par des sous-traitants et des recruteurs pour des jours ou des semaines seulement.
L’une des approches employées pour assurer un niveau essentiel de couverture de sécurité sociale pour
les travailleurs de la construction a été de fixer les cotisations non pas sur la masse salariale, mais plutôt
sur la valeur globale du projet de construction afin d’assurer la couverture de tous les travailleurs impli-
qués dans ce projet (BIT 2015h). En Inde, en vertu de la loi de 1996 pour la protection des travailleurs du
bâtiment et de la construction, 1 à 2 pour cent de la valeur des projets de construction est acheminée
vers les fonds de protection sociale des travailleurs de la construction, qui couvrent les travailleurs qui
cotisent pour les accidents du travail, l’accès aux soins de santé (par l’intermédiaire du régime Rashtriya
Swasthya Bima Yojana (RSBY)) et les pensions (voir encadré 6.9).
Une situation similaire existe dans d’autres secteurs où le travail à court terme et occasionnel est
répandu, comme les professions artistiques (arts du spectacle). En Uruguay, les travailleurs de ce secteur
peuvent s’inscrire au Registre national des artistes et accéder à la sécurité sociale grâce au mécanisme
de «monotaxe» (voir section 6.2.4) (Ortiz 2016).
En Allemagne, un modèle adapté de financement de l’assurance sociale a été trouvé pour couvrir les
artistes indépendants et les publicistes grâce à la couverture obligatoire de la Künstlersozialkasse (KSK),
la sécurité sociale des artistes et des publicistes (voir encadré 6.10). En reconnaissance de la valeur de l’art
et de l’édition pour la société, le modèle oblige les entreprises qui passent des contrats avec des artistes
indépendants et des publicistes à payer une cotisation globale d’un certain pourcentage de la valeur totale
des contrats à la KSK pour compléter la cotisation des travailleurs et une subvention gouvernementale.
L’exemple allemand est une solution intéressante pour un secteur à forte prévalence de «contractants
dépendants» (voir encadré 6.11). La méthode pour calculer la cotisation globale en pourcentage de la
valeur totale des contrats reconnaît la responsabilité des entreprises contractantes en tant qu’«em-
ployeur», tout en facilitant le paiement des cotisations au moyen d’une cotisation globale, plutôt que
des cotisations individualisées. Cependant, cette solution ne peut être appliquée que dans des secteurs
et des contextes où la conformité des entreprises contractantes peut être effectivement assurée.
154 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Liste de contrôle 6.5. Autres revenus de référence pour déterminer les cotisations
X Dans les secteurs à forte prévalence de travail occasionnel et à taux de roulement élevé, des formes
alternatives de revenus de référence pourraient-elles être envisagées?
X Quelles sont les options de revenus de référence, autres que les gains? Elles pourraient inclure la
valeur totale des contrats dans un certain secteur.
X Les régimes d’assurance sociale existants pourraient-ils intégrer d’autres revenus de référence dans
leurs opérations? Si oui, comment?
X Comment assurer l’équité entre les différentes catégories de travailleurs dans un tel contexte?
X Les employeurs, en particulier dans les MPE, n’ont pas toujours la capacité administrative ou les
connaissances nécessaires pour préparer des déclarations et effectuer des paiements. [TMP]
X Pour les personnes vivant dans des régions éloignées – souvent des travailleurs agricoles – les
procédures de paiement peuvent exiger du temps et des coûts supplémentaires pour les déplacements,
car elles sont souvent privées d’un accès aux lieux de paiements [TA].
156 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Sur le plan administratif, le fait de devoir déclarer des revenus et effectuer des paiements à différents
sous-systèmes de sécurité sociale (et sous-systèmes fiscaux) peut être difficile et coûteux pour de nom-
breux microentrepreneurs et MPE. Il est donc pertinent de réduire la charge et les coûts du règlement
des cotisations. Il existe différentes approches et technologies pour y parvenir (voir tableau 6.3).
Extension du X fait gagner du temps et des frais X coûts d’investissement élevés pour
nombre de de déplacement aux assurés; l’administration de la sécurité sociale;
bureaux de X fournit un soutien individuel dans X coûts de fonctionnement élevés pour
sécurité sociale la préparation des déclarations. l’administration de la sécurité sociale.
Services en ligne X peuvent fournir une large gamme X peuvent ne pas être la méthode
de services; adéquate pour tous les groupes;
X réduisent les coûts et le temps X pas de support direct;
de préparation de la déclaration et X peuvent nécessiter des coûts
des paiements (il n’est pas nécessaire d’investissement élevés.
de se rendre dans un bureau);
X facilitent l’administration
des cotisations de sécurité sociale;
X faibles coûts de fonctionnement pour
les administrations de sécurité sociale.
Accords X font gagner du temps et des frais X services limités, par exemple aucun
des banques de déplacement aux assurés; accompagnement individuel dans
ou d’autres X faibles coûts de fonctionnement pour la préparation des déclarations
institutions l’administration de la sécurité sociale; (exception: si les banques sont
X faibles coûts d’investissement pour impliquées et jouent un rôle actif dans
l’administration de la sécurité sociale. le recouvrement des cotisations).
Plateformes en ligne
Les procédures de déclaration et de paiement peuvent être considérablement facilitées par l’utilisa-
tion de services en ligne, tels que les relevés électroniques, les transferts d’argent en ligne et les plate-
formes en ligne qui fournissent une large gamme de services. Par exemple, le fait de pouvoir effectuer
des paiements en ligne permet d’économiser du temps et des frais de déplacement. Certains pays ont
mis en place des services en ligne plus complets, notamment pour le traitement des déclarations et
des paiements, qui peuvent être calculés et effectués en ligne sans avoir à se rendre physiquement au
bureau, comme en Ouganda (voir Encadré 6.13). PREVIRED au Chili est une plateforme en ligne qui vise à
158 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
simplifier la déclaration et le paiement des cotisations d’assurance sociale pour les MPE et les travailleurs
indépendants (voir encadré 6.12). L’utilisation d’une plateforme en ligne exige une interface explicite et
facile à comprendre.
De toute évidence, ces approches ne sont applicables que lorsqu’un accès à Internet est disponible et
que les personnes concernées savent travailler avec des ordinateurs et sur Internet. Ce n’est pas tou-
jours le cas, notamment dans les zones rurales et chez les personnes âgées. Cette approche doit donc
être accompagnée d’autres moyens d’effectuer des paiements qui correspondent mieux à ces groupes,
comme c’est le cas en Colombie (voir encadré 6.14).
Aux Philippines, les accords sur le niveau de service avec les banques ont facilité le paiement des coti-
sations (voir encadré 6.15).
Les services en ligne permettent aux assurés et au système de sécurité sociale de réaliser de grandes
économies en matière de coûts et de temps. Cependant, ils doivent être faciles à utiliser et ne seront
accessibles qu’à certaines personnes. Par conséquent, il convient de proposer d’autres solutions.
X Encadré 6.15: Faciliter les paiements grâce au système bancaire aux Philippines
Afin de faciliter le paiement des cotisations pour les travailleurs et les employeurs et réduire ainsi les
coûts de transaction, le Système de sécurité sociale des Philippines (SSS) a conclu des accords avec des
banques locales. Les contributeurs règlent leurs paiements sur la plateforme de services des banques.
Ainsi, la gestion du recouvrement est transférée aux banques, ce qui permet au SSS de rester efficace
et de réduire ses coûts administratifs.
Le SSS a également développé un système d’accord de débit automatique (ADA), qui permet aux affiliés
de s’inscrire volontairement afin d’effectuer des paiements automatiques de cotisations et d’autres
engagements avec l’institution, tels que le paiement de dettes sur des prêts (Ortega 2006). Les affiliés
peuvent s’inscrire volontairement dans n’importe quelle banque qui offre ce service, ce qui permet à
la banque d’effectuer des débits mensuels automatiques sur leur compte d’épargne ou leur compte
chèque et de transférer les fonds au SSS pour payer leurs cotisations de sécurité sociale. L’inscription
au système peut être effectuée en ligne dans la plupart des banques. Grâce à cette mesure, le SSS vise
à réduire les frais de non-paiement ou de retard, puisque le débit bancaire a lieu le jour du paiement.
En outre, le développement du système ADA réduit les coûts de transaction que les travailleurs doivent
autrement prendre en charge pour effectuer le paiement mensuel de leurs cotisations à la sécurité
sociale.
Source: Durán Valverde et al. 2013.
160 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Encadré 6.16. Transfert d’argent par téléphone portable du régime de retraite MBao
au Kenya [TI]
Le régime de retraite de MBao a été lancé fin juin 2011 après qu’une étude a montré que seulement
15 pour cent de la main-d’œuvre totale étaient couverts par un régime de retraite enregistré. Il s’agit
d’un plan d’épargne sur compte individuel volontaire destiné aux travailleurs membres de différentes
associations jua kali (artisans exploitant leur propre petite entreprise en plein air). Malgré son nom,
le régime ne prévoit pas de pensions périodiques, mais des paiements forfaitaires qui peuvent être
retirés avant que les personnes n’atteignent l’âge de la retraite. En 2018, la subvention Inua Jamii a
été introduite et offre une pension universelle aux personnes âgées de 70 ans et plus.
La principale innovation du régime est la possibilité d’apporter une cotisation quotidienne minimale
de 20 shillings kenyans grâce à un transfert par téléphone mobile (M-Pesa ou Airtel) permettant
d’effectuer le paiement facilement, peu importent le lieu et l’heure, même dans les zones rurales
reculées. Les membres doivent régler des frais d’inscription de 100 shillings kenyans et peuvent
ensuite économiser au moins 20 shillings kenyans par jour, 100 par semaine ou 500 par mois, soit un
total de 4 800 shillings kenyans (environ 47 dollars É.-U.) par an. Les frais de transaction représentent
10 pour cent de la valeur du montant transféré jusqu’à 25 shillings kenyans par transaction. En 2018,
près de 100 000 personnes (soit près de 8 pour cent des 12 millions de membres des associations jua
kali) étaient membres du plan.
Source: D’après AISS, 2011a; Kabare, 2018; Kwena et Turner, 2013.
Les services de téléphonie mobile peuvent être accessibles à un plus grand nombre de personnes, y
compris dans les zones rurales, et peuvent donc constituer une bonne alternative ou un complément
aux services en ligne. Cependant, ils sont généralement limités.
Il est essentiel de réduire les coûts afin de donner accès à ces services au plus grand nombre de membres
possible et de fournir des instructions claires sur leur mode d’utilisation.
Les conventions collectives d’enregistrement (voir section 5.5) peuvent également faciliter les procédures
de paiement tant pour la personne assurée que pour l’administration de la sécurité sociale, car l’organi-
sation joue un rôle d’intermédiaire en collectant les cotisations de ses membres et en les transférant à
l’entité responsable de la sécurité sociale. Cela signifie que les membres n’ont pas à préparer de décla-
rations ou se déplacer pour régler leurs cotisations, mais sont contactés directement par l’organisation.
Cependant, cela nécessite qu’une telle organisation existe et soit capable d’assumer les tâches liées au
recouvrement des cotisations [TA].
X Comment augmenter le nombre de points d’accès physiques pour le paiement des cotisations,
en particulier dans les zones rurales?
X Les bureaux de poste ou les banques publiques pourraient-ils être chargés de cette fonction?
X Les virements bancaires pourraient-ils être facilités et garantis sans ou avec peu de frais
supplémentaires?
X Comment les services en ligne et mobiles pourraient-ils être utilisés pour faciliter la collecte
des cotisations, en tenant compte de leur déploiement dans le pays?
X Des mécanismes pourraient-ils être mis en place pour permettre aux assurés et aux
employeurs de payer les cotisations grâce à des services en ligne et mobiles?
X Quelles mesures peuvent être prises pour empêcher l’exclusion des personnes privées
d’un accès aux services en ligne et mobiles et pour faciliter leur accès?
X Des cadres juridiques et des mécanismes d’application adéquats sont-ils en place pour garantir
la protection des données personnelles et de la vie privée?
162 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Une plus grande flexibilité dans la programmation du recouvrement des cotisations peut aider à sur-
monter les obstacles à la couverture pour certaines catégories de travailleurs. Autoriser le paiement des
cotisations selon des modèles saisonniers peut faciliter la couverture de l’assurance sociale, en particulier
pour les travailleurs agricoles. Dans d’autres cas, des paiements hebdomadaires ou quotidiens peuvent
être plus appropriés. Une plus grande flexibilité en ce qui concerne la réduction ou l’interruption tempo-
raire des obligations en matière de cotisation peut faciliter la couverture des travailleurs dans l’économie
informelle (voir tableau 6.4).
En établissant les calendriers de paiement des cotisations en fonction des revenus fluctuants et du tra-
vail non continu, il convient de toujours prendre en compte les difficultés administratives et financières
que rencontre le système de sécurité sociale. Ainsi, les cotisations non continues représentent un coût
pour les programmes et les systèmes et peuvent donc en compromettre la durabilité et nécessiter des
transferts ou des subventions provenant d’autres sources (voir section 6.4).
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 163
XTableau 6.4. Approches pour l’adaptation des périodes de paiement des cotisations
Permettre une plus X à la saisonnalité [TA] [TC]; X Les cotisations doivent être bien
grande flexibilité en X aux revenus irréguliers enregistrées (un système informatique
ce qui concerne le [TI] [TMP]. peut être nécessaire).
calendrier des paiements X Si une modalité de paiement différente
des cotisations (trimes- (trimestrielle, annuelle) est convenue
triels ou saisonniers; à l’avance, les institutions de sécurité
cotisations forfaitaires sociale peuvent mieux anticiper.
occasionnelles X Le fait de prévoir des montants
forfaitaires occasionnels ajoute à la
complexité de l’enregistrement des
cotisations et du calcul des droits.
X Les cotisations doivent être bien
enregistrées (un système informatique
peut être nécessaire).
X Les mécanismes de financement et de
planification financière devront sans
doute être adaptés à tout changement du
niveau des cotisations.
Permettre que X à la précarité [TA] [TC] X Les cotisations doivent être bien
les niveaux de cotisation [TD]; enregistrées (un système informatique
changent en fonction X à la mobilité de la main peut être nécessaire).
de la situation d’œuvre [TA] [TC] [TI]; X Les mécanismes de financement
du travailleur, y compris X aux paiements différés et de planification financière devront
la baisse des revenus pour le travail effectué sans doute être adaptés à tout
[TI]. changement du niveau des cotisations.
X Comment les mécanismes d’application existants devraient-ils être adaptés pour tenir compte de
calendriers de recouvrement des cotisations plus flexibles?
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 165
Pour certaines catégories de travailleurs informels, le paiement quotidien des cotisations est utile. Par
exemple, au Kenya, les travailleurs peuvent cotiser quotidiennement au régime de retraite de MBao
avec leur téléphone portable (voir encadré 6.16). Aux Philippines, le programme AlkanSSSya utilise des
boîtes individuelles pour que les travailleurs accumulent les cotisations nécessaires pour participer au
programme (Damerau 2015).
La flexibilité des niveaux de cotisation peut également passer par la possibilité de modifier le revenu de
référence sur lequel les cotisations sont calculées. Cela est particulièrement pertinent pour les travail-
leurs indépendants, qui ne savent peut-être pas, au début de l’année, combien ils gagneront chaque
mois. En Colombie par exemple, ils peuvent donc modifier leur revenu de base tout au long de l’année
(voir encadré 6.14).
Une plus grande flexibilité peut également passer par le report des cotisations sans perte d’accès aux
prestations sociales ou par la suspension temporaire de l’adhésion pendant les phases difficiles avec des
procédures de réintégration facilitées. Il conviendra alors de veiller à ce que les droits aux prestations
ne dépendent pas d’une durée minimale de service ininterrompu et que les périodes de cotisation mini-
males puissent être espacées sur une plus longue durée (Durán Valverde et al. 2013). Par exemple, plutôt
que d’exiger une période de cotisation ininterrompue au cours des cinq dernières années, un régime
pourrait exiger l’équivalent de cinq années de cotisation au cours des dix dernières années.
166 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Cette approche représente également un défi: celui de la difficulté de planifier la réduction des coti-
sations, qui se traduira par une baisse des recettes du régime. Ainsi, des mécanismes de financement
alternatifs flexibles et des réserves de ressources seront nécessaires.
X À quelle vitesse les régimes d’assurance sociale existants adaptent-ils le niveau des cotisations à un
changement du niveau des revenus?
X Y a-t-il des limites à la fréquence à laquelle les revenus déclarés peuvent changer au cours
d’une année?
X Le processus de notification est-il facile ou implique-t-il de lourdes formalités administratives
et beaucoup de temps?
X Le gouvernement fournit-il un appui suffisant pour garantir que les travailleurs informels cotisent
continuellement?
X Existe-t-il un système flexible permettant aux travailleurs informels de suspendre temporairement
leur affiliation pendant une période de revenus réduits?
X Des mécanismes sont-ils en place pour permettre la poursuite du paiement des cotisations
financées par le gouvernement, par exemple pendant les périodes de chômage, pendant le congé
de maternité, de paternité ou parental, ou pendant un congé de maladie?
X Sinon, la mise en place de tels mécanismes pourrait-elle favoriser le maintien de la sécurité sociale
des travailleurs pendant ces périodes de chômage ou pendant les périodes de baisse des revenus?
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 167
X Existe-t-il des mécanismes pour garantir le maintien des droits acquis pendant la suspension
temporaire de l’affiliation à l’assurance sociale?
X L’introduction de tels mécanismes pourrait-elle faciliter la couverture de l’assurance sociale pour les
catégories de travailleurs qui connaissent des interruptions d’emploi et des revenus irréguliers?
X Des mécanismes alternatifs, tels que la garantie de cotisations continues grâce au soutien du
gouvernement (voir liste de contrôle 6.9), pourraient-ils être envisagés?
Prise en compte des cotisations dans certaines branches (prioritaires) de sécurité sociale
Pour les personnes à faible revenu, il n’est pas toujours possible de cotiser à toutes les branches de la
sécurité sociale. Si d’autres solutions ne sont pas disponibles (comme le subventionnement des cotisa-
tions; voir section 6.4), les pays peuvent proposer de choisir entre l’affiliation à toutes les branches ou à
certaines seulement, en fonction des besoins, des prestations prioritaires et de la capacité contributive.
168 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Par exemple, en Colombie, les travailleurs à leur propre compte peuvent décider de cotiser aux systèmes
de santé et de retraite ou seulement au système d’assurance-maladie (Durán Valverde et al. 2013). Leur
capacité contributive aux deux systèmes d’assurance est prise en compte: au lieu de les exclure com-
plètement, cela leur permet au moins de cotiser à un régime prioritaire. Dans le régime «monotaxe» de
l’Uruguay, c’est l’inverse qui se produit: l’affiliation au régime de retraite est obligatoire pour les MPE,
tandis que l’affiliation au régime d’assurance-maladie est volontaire. L’entrepreneur peut également
choisir de verser des cotisations volontaires pour protéger ses enfants et son conjoint. En Indonésie, un
régime pour les travailleurs occasionnels différencie l’étendue de la couverture, en fonction de la durée
de l’emploi, et couvre les accidents du travail et l’assurance-vie pour tous les travailleurs et la santé et la
vieillesse uniquement pour ceux qui travaillent au moins 20 jours par mois (voir encadré 6.20).
X Des mécanismes ont-ils été mis en place pour assurer la couverture, par l’intermédiaire
de mécanismes contributifs ou non contributifs, pour les besoins prioritaires de protection sociale?
X la couverture par des régimes partiellement contributifs qui complètent le financement par des
subventions provenant de la fiscalité générale ou d’autres sources pour garantir la couverture des
travailleurs à capacité contributive limitée. Les gouvernements peuvent décider de subventionner les
prestations, par exemple en garantissant un niveau minimum de prestations, en subventionnant les
cotisations (voir ci-dessous) ou une combinaison des deux.
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 169
santé combinant les cotisations et les impôts peut conduire à une extension rapide de la couverture et à
un accès universel à la protection de la santé pour la population (BIT 2017e, chapitre 5). Aux Philippines,
le régime national d’assurance-maladie, connu sous le nom de PhilHealth, couvre 93 pour cent de la
population et repose sur un barème de cotisations différencié en fonction de la capacité contributive
(PhilHealth 2017) (voir encadré 6.21). Dans les trois pays, des subventions publiques à grande échelle ont
permis d’atteindre une couverture des soins de santé pratiquement universelle.
2%
8%
3%
9%
Indigents
Économie formelle
Économie informelle
46 %
Membres parrainés
Personnes âgées
Membres à vie
31 %
PhilHealth n’a cessé d’élargir sa couverture depuis 1995. En 2017, 93 millions de personnes – soit 93 pour
cent de la population – étaient couvertes. Les membres subventionnés représentent près de la moitié
de tous les membres de PhilHealth.
Parmi les pays africains, le Ghana (voir encadré 6.23) couvre près d’un tiers de la population grâce à un
mécanisme innovant de financement de la santé qui implique une combinaison de cotisations d’assu-
rance sociale et de taxes spéciales (TVA sur tous les biens et services fournis ou importés au Ghana) et
d’autres sources gouvernementales. Le Rwanda a presque atteint la couverture sanitaire universelle
grâce à une stratégie intégrée de protection de la santé basée sur une combinaison de cotisations, de
taxes et de subventions externes adaptées (BIT 2017e, chapitre 5).
D’autres pays ont pris des mesures pour subventionner les cotisations d’assurance-maladie pour des
groupes spécifiques de travailleurs vulnérables dont les capacités contributives sont limitées.
Par exemple, en Inde, les cotisations à l’assurance-maladie des travailleurs domestiques sont entière-
ment subventionnées par le gouvernement (voir encadré 6.24) [TD]. Étant donné que leur couverture
d’assurance-maladie est financée par le gouvernement de l’État et le gouvernement central, l’employeur
et l’employé ne prennent en charge aucun coût, mais les travailleurs domestiques ont accès à l’assu-
rance-maladie tout en étant enregistrés et donc légalement «visibles».
X E
ncadré 6.24. Inde: Subventionner entièrement les cotisations d’assurance-maladie
pour les travailleurs domestiques
X E
ncadré 6.25. Vers la couverture sanitaire universelle : les limites des programmes basés
uniquement sur le ciblage des pauvres
L’extension de la protection sociale aux populations les plus pauvres et les plus vulnérables doit
être considérée comme une priorité dans le cadre de systèmes à la portée universelle. Certains
pays ont fait le choix de mettre en place des programmes de protection sociale en santé (assurance
sociale subventionnée, exemption de copaiement dans les structures sanitaires publiques, etc.)
accessibles uniquement sur conditions de ressources. Si aucune autre solution de couverture n’est
offerte pour le reste de la population, il n’est pas possible d’atteindre l’universalité. Par ailleurs, ce
type de stratégie entraîne une faible mutualisation, érodant la solidarité par manque de mutuali-
sation des risques entre les riches et les moins riches. De plus, la création de systèmes de mutua-
lisation entre les catégories les plus pauvres et vulnérables peut créer une stigmatisation des ces
populations et une tendance à recevoir des services de moindre qualité par exemple.
L'identification des personnes vivant sous le seuil de pauvreté à travers les méthodes de ciblage
reste difficile, particulièrement dans les contextes où la pauvreté est répandue. S'il est vrai que les
personnes sans capacité de contribuer doivent être prises en charge par l’Etat, dans la pratique,
dans les pays ou la pauvreté est quasi-universelle, ce ciblage ne peut réellement se faire. De plus,
les erreurs d'exclusion ou d’inclusion qui en résultent ont tendance à priver les ménages et indi-
vidus en situation de « quasi-pauvreté » de tout soutien. Au Cambodge, par exemple, une grande
partie des personnes ayant reçu une carte du Fonds d'équité en matière de santé ne se situent
pas réellement en dessous du seuil de pauvreté, tandis que de nombreuses personnes pauvres
n'ont pas accès à une couverture. Cela est d’autant plus lourd de conséquence qu’aucune solution
de couverture (contributive ou non) n’est proposée pour les travailleurs de l’économie informelle
au-dessus du seuil de pauvreté établi et leurs familles.
Source: D’après BIT 2021d.
174 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
1000
900
Nombre de membres du régime
800
de retraite en (millions)
700
600
500
400
300
200
100
0
1986 1991 1996 2001 2006 2011 2016
Années
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 175
Il n’est pas toujours évident de comprendre dans quelle mesure le déficit de financement est comblé
par la mutualisation des risques au sein du régime d’assurance sociale ou par des transferts du budget
général.
En plus de subventionner directement les cotisations, certains pays offrent également des garanties de
prestations minimales aux assurés ayant cotisé un nombre minimum d’années à leurs régimes d’assu-
rance sociale. Ces dispositions bénéficient aux travailleurs dont les cotisations accumulées tout au long
de la vie ne sont pas suffisantes pour atteindre un seuil minimal de cotisations.
Incitations fiscales
Une autre méthode de subvention indirecte de la couverture de l’assurance sociale consiste à offrir des
incitations fiscales aux employeurs pour enregistrer leurs travailleurs. Par exemple, en Argentine, les
employeurs peuvent déduire les cotisations de sécurité sociale des travailleurs domestiques de leur
revenu imposable (voir section 7.3.4).
Afin de garantir que l’extension de la couverture à des groupes de travailleurs qui n’étaient pas cou-
verts auparavant ne met pas en péril la viabilité financière des régimes d’assurance sociale existants,
il convient d’effectuer une évaluation minutieuse des options politiques envisagées et de leurs impli-
cations financières à court, moyen et long terme. Cette évaluation actuarielle doit estimer les implica-
tions financières de la réforme prévue (en envisageant idéalement plusieurs scénarios de réforme), y
compris les recettes attendues provenant des cotisations, des allocations du budget général et d’autres
sources, ainsi que les dépenses prévues pour les prestations et l’administration du régime.
Bien qu’il existe une grande variété de configurations de systèmes de protection sociale dans le monde,
de nombreux pays optent pour une combinaison de sources de financement (cotisations d’assurance
sociale, recettes générales de l’État et autres sources) en tenant compte des capacités contributives
des différents groupes de la population (BIT 2019g).
176 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Les estimations de la capacité contributive des travailleurs doivent reposer sur une évaluation détaillée
de l’étendue et du niveau de couverture, en identifiant les personnes couvertes et les personnes
exclues des régimes de protection sociale existants, ventilées par sexe, groupes d’âge et situation
géographique. Des données fiables sur les salaires des travailleurs et les niveaux de consommation
et de dépenses, ventilées par sexe et par âge, sont nécessaires pour évaluer la capacité contributive.
Pour évaluer la capacité contributive des non-assurés, il est possible de comparer leurs revenus au
salaire minimum national ou régional, aux seuils de pauvreté nationaux ou à des critères de référence
similaires. De plus, il importe d’analyser la régularité de leurs revenus dans le temps afin de développer
des mécanismes de paiement des cotisations adaptés à leur situation (cotisations mensuelles, hebdo-
madaires ou trimestrielles; voir section 6.3.4).
Il convient d’accorder une attention particulière aux catégories de travailleurs qui vivent en dessous ou
près du seuil de pauvreté et qui sont probablement incapables de contribuer (entièrement) à la sécu-
rité sociale. Les informations sur les taux de pauvreté parmi les différentes catégories de travailleurs
à couvrir doivent idéalement être complétées par des données sur les revenus et la dynamique de la
pauvreté. La pauvreté est un concept dynamique, et de nombreuses personnes, en particulier dans les
pays en développement, entrent dans la pauvreté et en sortent et montent et descendent sur l’échelle
de répartition des revenus.
Les données provenant d’enquêtes sur la population active, d’enquêtes sur le revenu et le budget des
ménages ou d’enquêtes similaires peuvent fournir un profil statistique détaillé des caractéristiques
des travailleurs et guider l’élaboration des politiques (BIT 2019i). Lorsque les informations provenant
des données d’enquête existantes ne fournissent pas de données suffisamment détaillées et fiables
pour les travailleurs indépendants et les travailleurs dans l’économie informelle, ces données devront
être complétées par des enquêtes ou estimations supplémentaires et sur mesure. Par exemple, afin de
déterminer la base de cotisation pour des catégories spécifiques de travailleurs, leurs revenus peuvent
être estimés sur la base des salaires moyens de secteurs ou professions spécifiques.
En fin de compte, les taux de cotisation doivent être déterminés sur la base d’une évaluation actuarielle
et doivent garantir la viabilité financière du régime, tout en tenant compte de la capacité contributive
des travailleurs. Si certaines catégories de travailleurs ont une capacité contributive limitée, il sera
nécessaire de subventionner les cotisations, au moins à titre temporaire, avec le budget général de
l’État. L’évaluation des besoins de financement doit donc également inclure une évaluation des besoins
financiers et de la durabilité de ces subventions.
En Zambie, le gouvernement a collaboré avec l’OIT, avec le soutien d’Irish Aid, pour mener une
étude sur la capacité contributive et la volonté de contribuer à la sécurité sociale de trois catégo-
ries de travailleurs informels: les travailleurs domestiques, les petits agriculteurs et les travailleurs
occasionnels des scieries. Une enquête a été menée auprès de ces catégories de travailleurs pour
étudier leur volonté de payer un niveau hypothétique de cotisations basé sur les revenus moyens
dans les secteurs respectifs et les taux de cotisation applicables. Les taux de cotisations suivants
ont été retenus:
X Pour les travailleurs domestiques: cotisation à l’assurance-maladie sociale de 2,5 pour cent
du salaire, avec une cotisation équivalente de l’employeur; indemnisation des accidents du
travail (employeur seulement: 3,
X Pour les travailleurs des scieries: assurance-maladie sociale (2,5 pour cent) et retraite (5 pour
cent) avec cotisation équivalente de l’employeur; indemnisation des accidents du travail
(taux applicables);
X Pour les petits agriculteurs: assurance-maladie sociale (5 pour cent des agriculteurs
uniquement, car il n’y a pas d’employeur).
Plus de 85 pour cent des travailleurs domestiques, des petits exploitants agricoles et des travailleurs
occasionnels des scieries interrogés seraient disposés à cotiser à la sécurité sociale selon les mon-
tants proposés. Parmi les employeurs, la volonté de payer était moins prononcée, mais, en dépit
d’un manque de reconnaissance des droits à la sécurité sociale et des défis liés à la conformité, 65
pour cent des employeurs de travailleurs domestiques et 62 pour cent des scieries seraient prêts à
cotiser au nom de leurs travailleurs à la Caisse d’indemnisation des accidents du travail et au Régime
national de retraite.
100 2%
12 % 14 %
Pourcentage des répondants
80
60
Oui
98 %
88 % Non
40 86 %
20
0
Travailleurs domestiques Petits agriculteurs Travailleurs des scieries
Dans le cadre d’une stratégie d’extension de la couverture de protection sociale en santé, les enquêtes
auprès des bénéficiaires potentiels représentent un outil clé pour guider les gouvernements dans la
conception d’options politiques viables et acceptables par les populations ciblées, facilitant donc leur
adoption et leur taux de réussite (voir encadré 6.29). De telles enquêtes devraient permettre :
X D’identifier les besoins de protection financière en santé au regard des pratiques existantes, ce qui
peut en retour informer la formulation du panier de soins couverts, ainsi que le niveau de couverture
des coûts des soins, et du réseau de prestataires couverts.
X De comprendre la perception des différents services de santé, et d’informer ainsi les décisions
concernant le réseau de prestataires de soins à inclure.
X D’estimer la capacité et la propension à contribuer, ce qui permet d’informer les choix autour du
financement (pertinence ou non d’un système contributif, niveau de subventionnement nécessaire).
Ce processus est particulièrement important dans les contextes où l’introduction d’un régime de
protection sociale en santé contributif de type assurance sociale est envisagé. Trop souvent ce genre
de politique est introduite en estimant uniquement la capacité à contribuer et pas la volonté à le faire.
X De comprendre les caractéristiques spécifiques et différents profils d’emploi afin de proposer des
solutions d’affiliation (et de contribution, le cas échéant) efficaces et adaptées. De ce fait, une meilleure
connaissance des bénéficiaires potentiels permet la mise en place d’options politiques pouvant réduire
le risque d’incitations perverses encourageant les employés et employeurs à opter pour le statut
informel afin d’éviter de payer des cotisations.
La conduite d’enquêtes auprès des bénéficiaires potentiels est un processus propre à chaque pays,
en fonction du régime proposé, des données déjà disponibles sur les bénéficiaires potentiels et des
données manquantes, mais en principe elles doivent au minimum capturer:
X Leur niveau de satisfaction envers les services de l’ESIS ainsi que des prestataires de soins.
Les constats de l’étude ont permis de dériver des solutions visant à augmenter l’utilisation des services
de santé et à améliorer la performance de l’ESIS, en vue d’étendre la couverture du régime.
Source: D’après BIT 2022a.
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 179
X Leur volonté de contribuer à un régime de protection sociale en santé, c’est-à-dire, leur connaissance
de la protection sociale en santé et de ses valeurs fondatrices telle la solidarité, le niveau d’importance
donné à la protection sociale en santé, leur confiance envers le gouvernement et/ou l’organisation en
charge de la mise en œuvre du régime proposé, la perception des services et infrastructures de santé
publiques et privés ;
X Leurs affiliations à toute association professionnelle, caritative et/ou communautaire qui pourrait
faciliter leur affiliation à un régime de protection sociale donné et la collecte de leurs cotisations, le
cas échéant.
Bien que non-exhaustive, cette liste peut servir de point de départ dans le processus de conception
d'enquêtes sur les bénéficiaires potentiels permettant de concevoir des systèmes et régimes de pro-
tection sociale en santé qui répondent aux besoins de ses bénéficiaires.
X une couverture d’assurance sociale étendue pour un nombre maximum de travailleurs, qui permet
une plus large mutualisation des risques et facilite la portabilité et la transférabilité des droits
tout au long de la vie assurant ainsi une couverture continue et facilitant la mobilité de la main-
d’œuvre;
X les régimes d’assurance sociale offrent généralement des niveaux de prestations plus élevés que les
régimes non contributifs;
X une fragmentation réduite et de plus grandes économies d’échelle dans la gestion et l’administration
du régime;
X les régimes de sécurité sociale qui couvrent à la fois les salariés et les travailleurs indépendants sur une
base obligatoire par l’intermédiaire de mécanismes adaptés tendent à générer moins de distorsions
sur le marché du travail que les régimes plus fragmentés.
Il est nécessaire d’examiner attentivement les modalités de subvention pour s’assurer que les moda-
lités de financement sont fiscalement saines et n’ont pas d’effet négatif sur les incitations. Les gouver-
nements peuvent envisager une ou plusieurs des options suivantes:
X des taux de subvention fixes, lorsqu’il existe des catégories de cotisations (voir section 6.2.3);
X des taux de subvention échelonnés qui sont inversement proportionnels à la capacité contributive du
travailleur;
X des cotisations de contrepartie pour compléter les cotisations versées par les employeurs et
les employés afin de renforcer les incitations à la conformité. Les pays plafonnent souvent la
contribution de l’État; cependant, une conception soignée est nécessaire pour éviter d’allouer
davantage de ressources aux travailleurs relativement aisés et de fournir un soutien réduit à ceux
qui ont le moins de capacités;
X la couverture du déficit, par laquelle le gouvernement s’engage à couvrir les déficits futurs du régime
d’assurance sociale.
180 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X E
ncadré 6.30. Éléments clés d’une étude de faisabilité
sur le financement d’un régime
X une évaluation du système de protection sociale existant en vue d’identifier les lacunes
en matière de couverture, y compris une évaluation du nombre de cotisants, de membres
affiliés et de bénéficiaires (dont les membres volontaires); un examen de la gamme et des
types de prestations et leurs niveaux, ainsi qu’une évaluation des recettes et des dépenses
du régime actuel, y compris des projections financières;
X un profil socio-économique des catégories de travailleurs à couvrir, par sexe et par tranche
d’âge et par secteur/catégorie professionnelle et région, y compris une évaluation de leur
situation professionnelle (relation de travail, ancienneté, etc.), de leurs revenus (revenus
moyens, structure, régularité) et de leur capacité contributive;
X une estimation et une projection des besoins de financement actuels et futurs pour une
extension de la couverture (prestations et dépenses administratives), sur la base d’un
modèle actuariel selon différents scénarios de réforme;
X les options de financement possibles, telles que les recettes attendues des cotisations et les
besoins de financement provenant d’autres sources, y compris le budget général de l’État;
X une évaluation des mesures possibles pour faciliter le paiement des cotisations, telles que
des barèmes de cotisations adaptés, des mécanismes de recouvrement des cotisations
décentralisés ou numériques, ou des liens possibles avec le système fiscal (par exemple,
mécanismes de «monotaxe», incitations fiscales);
Le suivi régulier de la viabilité financière des régimes de sécurité sociale doit inclure des rapports annuels
sur les principaux indicateurs de performance du régime, y compris le nombre et la structure des coti-
sants et des bénéficiaires, ainsi que le niveau et la composition des recettes et dépenses du régime (BIT
2017e). En outre, il convient de réaliser des évaluations actuarielles périodiques, selon les exigences
légales nationales, tous les trois à cinq ans.
Outre les évaluations financières et actuarielles régulières de chaque régime, un budget social peut
constituer un outil précieux pour les décideurs politiques, car il offre une comptabilité systématique
des dépenses de protection sociale et du financement de l’ensemble du système de protection sociale
(Cichon et al. 2004). Ce budget social, complété par une analyse complète de la performance des sys-
tèmes de protection sociale en termes de couverture, d’adéquation, de dépenses et de financement, peut
servir de base analytique solide pour l’amélioration continue des systèmes de protection sociale (Scholz,
Cichon et Hagemejer 2000).
X Chapitre 6: Faciliter le recouvrement des cotisations et les mécanismes de financement 181
X Le financement du régime de protection sociale est-il équitable et fondé sur les principes de
solidarité? Y a-t-il un équilibre entre les responsabilités et les intérêts des personnes qui financent et
bénéficient des régimes de sécurité sociale? Les mécanismes de financement sont-ils conformes aux
capacités contributives des différents groupes de population?
X Les différents mécanismes de financement ont-ils été dûment pris en considération,
individuellement ou en combinaison, y compris les cotisations d'assurance sociale, les recettes
générales de l'État et d'autres sources?
X La gestion et l’administration financières du programme sont-elles transparentes, responsables et
saines?
X Les allocations et dépenses budgétaires reflètent-elles les objectifs et les priorités politiques?
X BIT 2017e. Rapport mondial sur la protection sociale 2017-2019: Protection sociale universelle pour
atteindre les objectifs de développement durable.
X BIT 2022b. Rapport mondial sur la protection sociale 2020-2022 : La protection sociale à la croisée des
chemins - bâtir un avenir meilleur.
X AISS 2012. Handbook on the extension of social security coverage to the self-employed.
X AISS 2019b. Lignes directrices de l’AISS en matière de recouvrement des cotisations et conformité.
X AISS 2016d. Lignes directrices en matière de travail actuariel pour la sécurité sociale.
182 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X7
Conformité et incitations:
adapter les mécanismes
d’inspection et renforcer
les incitations à la
formalisation
184 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Questions clés
X Comment les inspections du travail et de la sécurité sociale peuvent-elles être mieux adaptées pour
promouvoir la couverture de la sécurité sociale des travailleurs dans l’économie informelle?
X Quels sont les défis concernant les inspections du travail et de la sécurité sociale dans l’économie
informelle?
X Comment les mécanismes d’inspection du travail et de la sécurité sociale peuvent-ils être introduits
ou appliqués pour atteindre les travailleurs dans l’économie informelle?
X Messages clés
X La conformité et les incitations ont un rôle important à jouer dans la promotion de l’extension de
la sécurité sociale aux travailleurs dans l’économie informelle. Garantir l’application uniforme et
l’exécution de la législation non seulement favorise la protection des travailleurs, mais contribue
également à créer un environnement favorable pour les employeurs, en particulier en ce qui
concerne la création d’un environnement concurrentiel équitable dans lequel toutes les entreprises
respectent les règles applicables.
X Il convient d’adapter les approches d’inspection du travail et de la sécurité sociale pour tenir compte
des circonstances et des besoins spécifiques des employeurs et des travailleurs, en particulier
dans les secteurs à fort taux d’emploi informel. Afin de répondre à ces besoins, il sera nécessaire
d’adapter le cadre juridique applicable pour améliorer les ressources humaines et financières
disponibles pour l’inspection, ainsi qu’adapter les modalités d’inspection.
X L’extension des inspections du travail et de la sécurité sociale au-delà des grandes entreprises
nécessite souvent des ressources humaines et financières supplémentaires pour pouvoir atteindre
toutes les entreprises et tous les travailleurs, y compris les microentreprises, les travailleurs
indépendants et les travailleurs domestiques et les travailleurs des zones rurales et des régions
éloignées. En ce qui concerne les ressources humaines, l’extension des services d’inspection
nécessite des investissements à la fois en termes de personnel et d’équipement, ainsi qu’en termes
de qualification.
X Les informations sur la sécurité sociale sont essentielles pour garantir la conformité. Il importe
de mettre en place des mécanismes adéquats pour diffuser les informations et sensibiliser les
travailleurs et les employeurs à l’importance de la sécurité sociale et à leurs obligations respectives
en la matière.
X Des solutions informatiques et une bonne coordination entre les différentes institutions,
organisations et agences impliquées (à différents niveaux du gouvernement) peuvent soutenir la
mise en œuvre de mécanismes efficaces d’inspection du travail.
X Un équilibre adéquat doit être trouvé entre les sanctions et les incitations afin de promouvoir une
approche durable et équitable pour garantir le respect et l’application uniforme de la législation.
X Des liens bien conçus avec d’autres domaines politiques tels que les politiques de passation des
marchés publics et l’accès au crédit public et aux services aux entreprises doivent être mis à profit
pour encourager la conformité et l’extension de la couverture de sécurité sociale.
la protection des travailleurs, mais contribue également à créer un environnement favorable pour les
employeurs, en particulier un environnement concurrentiel équitable dans lequel toutes les entreprises
respectent les règles applicables (Daza 2005; RNSF 2017). Des services efficaces d’inspection du travail
et de sécurité sociale sont un mécanisme à la disposition des gouvernements pour garantir le bon fonc-
tionnement de systèmes de protection sociale financés de manière équitable et durable (BIT 2017e; BIT
2016l). Ces questions sont abordées dans la section 7.2 ci dessous.
La conformité peut être favorisée par un cadre politique cohérent fournissant des incitations appropriées
pour susciter des comportements souhaitables. Des liens pertinents entre le système de protection
sociale et d’autres domaines politiques peuvent potentiellement renforcer les mesures incitatives encou-
rageant le respect de la sécurité sociale et faciliter la transition vers l’économie formelle. Par exemple, les
politiques de passation des marchés publics, l’accès au crédit public et aux services aux entreprises, les
politiques fiscales et les politiques de l’emploi peuvent jouer un rôle clé à cet égard (voir la section 7.3).
L’importance d’un cadre politique favorable à la conformité et prévoyant des mesures incitatives est
soulignée dans la recommandation no 204 (voir encadré 7.1).
La recommandation no 202 stipule dans la section II, «Socles nationaux de protection sociale», que:
«7. Les garanties élémentaires de sécurité sociale devraient être instaurées par la loi. La législation
nationale devrait définir la gamme, les conditions d’attribution et le niveau des prestations
qui donnent effet à ces garanties. Des procédures de réclamation et de recours impartiales,
transparentes, efficaces, simples, rapides, accessibles et peu coûteuses devraient aussi être
définies. L’accès aux procédures de réclamation et de recours devrait être sans frais pour le
demandeur. Des systèmes permettant d’améliorer le respect des cadres juridiques nationaux
devraient être en place.
[…]
11.
1) L es Membres devraient envisager de recourir à un ensemble varié de méthodes pour mobiliser
les ressources nécessaires afin d’assurer la viabilité financière, budgétaire et économique des
socles nationaux de protection sociale, en tenant compte des capacités contributives des
différents groupes de la population. Ces méthodes, appliquées séparément ou conjointement,
pourront consister à veiller au respect effectif des obligations en matière fiscale et de
cotisations sociales, à redéfinir les priorités de dépenses ou à mettre en place une assiette de
prélèvements plus large et suffisamment progressive.
2) A
ux fins de l’application de ces méthodes, les Membres devraient examiner la nécessité
d’adopter des mesures pour prévenir la fraude ainsi que l’évasion fiscale et le non-paiement
des cotisations sociales.»
La recommandation no 204 stipule dans la section VI, «Mesures incitatives, conformité et mise en
application», que:
186 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
23. Les Membres devraient réduire, lorsqu’il y a lieu, les obstacles à la transition vers l’économie
formelle et prendre des mesures pour promouvoir la bonne gouvernance et la lutte contre
la corruption.
24. Les Membres devraient fournir des incitations et promouvoir les avantages qu’offre la
transition effective vers l’économie formelle, y compris un accès amélioré aux services
aux entreprises, au financement, aux infrastructures, aux marchés, aux technologies, aux
programmes d’éducation et d’acquisition de compétences, ainsi qu’aux droits de propriété.
25. En ce qui concerne la formalisation des micro et petites unités économiques, les Membres
devraient:
[…]
b) réduire les coûts de mise en conformité en mettant en place des dispositifs simplifiés de
calcul et de paiement de l’impôt et des contributions;
[…]
f) améliorer l’accès à la sécurité sociale.
26. Les Membres devraient mettre en place des mécanismes appropriés ou réviser les mécanismes
existants pour assurer l’application de la législation nationale, et notamment garantir la
reconnaissance et le respect des relations de travail de manière à faciliter la transition vers
l’économie formelle.
27. Les Membres devraient disposer d’un système d’inspection adéquat et approprié, étendre
la couverture de l’inspection du travail à tous les lieux de travail dans l’économie informelle
afin de protéger les travailleurs, et fournir des orientations aux organes chargés d’assurer
l’application des lois, y compris sur la façon de traiter les conditions de travail dans l’économie
informelle.
28. L es Membres devraient prendre des mesures assurant la mise à disposition effective
d’informations, une assistance à la mise en conformité avec la législation applicable et le
renforcement des capacités des acteurs concernés.
29. Les Membres devraient instituer des procédures efficaces et accessibles de plainte et de
recours.
30. Les Membres devraient prévoir des mesures préventives et correctives appropriées pour
faciliter la transition vers l’économie formelle et veiller à ce que les sanctions administratives,
civiles ou pénales prévues par la législation nationale en cas de non-respect soient adéquates
et strictement appliquées.»
encourager les entreprises à adopter des pratiques d’emploi informel si elles pensent que la probabilité
d’être détectées et inspectées est très faible (BIT 2015i, 20) 1. . Il importe donc de veiller à ce que les
employeurs prennent leurs responsabilités au sérieux, notamment en ce qui concerne la couverture de
la protection sociale (BIT 2013c; Alfers, Lund et Moussié 2018).
L’inscription correcte des travailleurs auprès des institutions de sécurité sociale et le paiement intégral
des cotisations de sécurité sociale (AISS 2019b) comptent parmi les domaines d’inspection pertinents. Il
existe également des liens importants concernant l’inspection des heures de travail, des salaires, de la
santé et la sécurité au travail et de la protection de la maternité. Dans certains pays, ces domaines sont
contrôlés par des inspections intégrées; dans d’autres, les inspections du travail et de la sécurité sociale
fonctionnent séparément.
Il conviendra d’examiner plusieurs points pour améliorer les mécanismes d’inspection du travail et de la
sécurité sociale pour les travailleurs dans l’économie informelle, notamment les dispositions réglemen-
taires des inspections, les ressources allouées à l’emploi et à la formation des inspecteurs et l’efficacité
de l’administration des inspections, qui pourrait être améliorée grâce à des solutions informatiques. Des
mécanismes efficaces d’alerte et de sanction sont également pertinents, mais devraient être combinés
avec des activités de sensibilisation et d’éducation concernant la législation existante.
Les facteurs suivants sont particulièrement pertinents pour déterminer les défis et stratégies spécifiques
pour étendre l’inspection du travail et de la sécurité sociale aux personnes opérant dans l’économie
informelle:
X les caractéristiques des unités économiques, avec un nombre élevé de MPE, de travailleurs à leur
propre compte et de ménages privés en tant qu’employeurs de travailleurs domestiques;
X les caractéristiques du lieu de travail, telles que les maisons privées comme lieux de travail pour les
travailleurs à domicile et les travailleurs domestiques, ou les espaces publics comme lieux de travail
pour les vendeurs de rue, les ramasseurs de déchets, etc.;
X la dispersion géographique des unités économiques et des lieux de travail, notamment en ce qui
concerne la couverture des zones rurales;
X les caractéristiques de la relation de travail, avec la forte prépondérance des différentes formes de
travail indépendant, y compris le travail indépendant, les travailleurs familiaux aidants et les membres
des coopératives;
X les caractéristiques du travail lui-même, telles que les horaires de travail longs et irréguliers, l’emploi
à court terme ou saisonnier et les revenus irréguliers.
Chacun de ces défis peut rendre les inspections plus exigeantes et plus coûteuses. Étant donné que les
inspections du travail et de la sécurité sociale sont déjà confrontées à de graves contraintes en matière
de ressources dans de nombreux pays, l’extension du champ d’application de l’inspection du travail et de
la sécurité sociale à de nouveaux domaines est parfois problématique. En conséquence, dans de nom-
breux pays, les inspections sont effectivement concentrées sur les grandes entreprises et souvent sur
les activités dans les zones urbaines, puisqu’un plus grand nombre de personnes peuvent être atteintes
dans un rayon plus limité, ce qui fait que les contrôles sont plus rentables (Mesa-Lago 2008a).
1 D
es études ont montré que les visites d’inspection dans 577 entreprises réparties de manière aléatoire se sont traduites
par l’enregistrement de 22 à 27 pour cent des entreprises (de Andrade, Bruhn et McKenzie 2013; Bruhn et McKenzie 2014).
188 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Pour les travailleurs domestiques, l’enjeu est le suivant: le travail est généralement effectué dans la
maison privée de l’employeur, ce qui rend les inspections plus complexes et nécessite des mécanismes
juridiques et pratiques pour autoriser les inspections à domicile, tout en garantissant la vie privée de
l’employeur [TD].
X Les inspections dans les zones rurales sont parfois difficiles en raison des longues distances,
de la nature souvent saisonnière du travail dans le secteur agricole et, dans certains cas, de défis
supplémentaires, tels que des niveaux plus élevés d’analphabétisme [TA].
Pour ces raisons, il est nécessaire que les inspections du travail et de la sécurité sociale qui visent à améliorer
l’accès à la protection sociale utilisent des mécanismes adaptés, le cas échéant, y compris des approches
participatives (BIT 2018a). À cet égard, il est essentiel que les inspecteurs du travail et de la sécurité sociale
et leurs directions connaissent les stratégies spécifiques visant à améliorer les conditions de travail et l’accès
à la sécurité sociale et à favoriser la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle.
7.2.1
Sensibilisation et développement de partenariats
La sensibilisation à la nécessité d’une protection sociale et aux droits et obligations connexes est essen-
tielle pour l’extension de la protection sociale aux personnes opérant dans l’économie informelle.
Il convient de noter que la recommandation no 202 exige que les procédures de plainte et d’appel soient
«impartiales, transparentes, efficaces, simples, rapides, accessibles et peu coûteuses», qu’elles soient
gratuites pour le requérant et que des systèmes soient mis en place pour améliorer le respect des cadres
juridiques nationaux (voir paragraphe 7).
X La possibilité de mettre en place des partenariats pourrait-elle être davantage explorée pour
soutenir le partage d’informations et le suivi, comme avec les syndicats et d’autres organisations
de travailleurs, en particulier les organisations de groupes de travailleurs vulnérables (travailleurs
domestiques ou agricoles), les organisations d’employeurs ou autres?
X Comment les connaissances des employeurs et des travailleurs sur leurs droits et obligations
pourraient-elles être renforcées? Comment les sensibiliser à l’importance de la protection sociale?
X Envisager d’organiser des campagnes d’information et de sensibilisation, des partenariats (voir
ci-dessus) et la mise en relation des inspections du travail avec des séances d’éducation et de
sensibilisation.
X Les travailleurs ont-ils accès à des mécanismes de plainte et de recours accessibles et efficaces? (voir
chapitre 3)
7.2.2
Assurer des cadres juridiques adéquats pour l’inspection
du travail et de la sécurité sociale
Afin de garantir que le cadre juridique de l’inspection du travail et de la sécurité sociale s’applique aux sec-
teurs à haut niveau d’informalité, il convient d’adapter certains aspects de ce cadre et de veiller à ce que
le mandat des services d’inspection du travail et de la sécurité sociale, ainsi que les ressources qui leur
sont attribuées, soient conformes au champ d’application de la couverture juridique de la sécurité sociale.
190 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Le cadre juridique existant est-il propice à l’inspection des MPE, des indépendants et des
ménages? Assure-t-il un mandat adéquat aux inspections du travail et de la sécurité sociale,
conformément aux dispositions légales relatives à la couverture de la sécurité sociale (voir
chapitre 4)? Si non, faudrait-il l’ajuster, et comment?
X Le cadre juridique et institutionnel prévoit-il des dispositions adéquates pour respecter la vie
privée des ménages lors des inspections du travail et de la sécurité sociale?
7.2.3
Assurer des ressources adéquates pour contrôler la conformité
L’un des obstacles à un suivi efficace de la conformité réside dans les ressources limitées allouées aux
services d’inspection. Compte tenu des exigences spécifiques de l’extension des services d’inspection
à l’économie informelle, il est essentiel d’allouer des ressources humaines et financières adéquates aux
services d’inspection et d’améliorer leur efficacité afin d’atteindre les résultats souhaités.
Assurer un financement adéquat est l’un des piliers des inspections du travail et de la sécurité sociale, car
les niveaux de financement déterminent la capacité des inspections à résoudre les problèmes liés à l’em-
ploi dans l’économie informelle. Surtout dans les pays où l’économie informelle est la principale source
d’emploi, les ressources disponibles sont souvent très limitées. Néanmoins, même dans ces contextes, il
est possible d’adopter des mesures pour organiser les services d’inspection plus efficacement et mieux
exploiter les synergies (BIT 2015i).
Par exemple, une meilleure coordination de l’inspection du travail et de la sécurité sociale ou même
l’intégration de certains éléments de leur travail peuvent aider à créer des synergies et permettre une
allocation plus efficace des ressources (voir également section 7.3 ci-dessous). Par exemple, en Amérique
latine, des services d’inspection intégrés existent en Argentine, en Bolivie (État plurinational de) , en
Colombie, à Cuba, au Chili, au Paraguay et au Pérou, tandis que des inspections spécifiques de la sécurité
sociale existent au Honduras et au Salvador (Vega Ruiz 2009).
192 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Divers pays ont augmenté le nombre d’inspecteurs afin d’assurer des inspections efficaces. Par exemple,
le nombre d’inspecteurs a doublé au Guatemala et au Salvador, tandis qu’il a triplé en République domi-
nicaine et au Honduras. Au Costa Rica, des ressources supplémentaires ont été allouées aux inspections
(voir encadré 7.3).
X Encadré 7.4. Utiliser des outils numériques pour renforcer l’application en Malaisie
et en Arabie Saoudite
En Malaisie, l’introduction d’une application mobile pour vérifier l’enregistrement des entreprises et
celle d’une application mobile qui localise les entreprises non enregistrées avec un GPS via Google ont
considérablement réduit le temps nécessaire pour détecter et vérifier les entreprises non enregistrées.
Entre 2015 et 2016, le nombre total d’entreprises ayant fait l’objet d’une visite a augmenté de 14 pour
cent, tandis que le nombre d’entreprises non enregistrées ayant fait l’objet d’une visite a augmenté de
23 pour cent.
En Arabie saoudite, l’Organisation générale des assurances sociales a mis en place un nouveau système
pour consolider toutes les données d’inspection (sur papier et électroniques) et réduire la durée des
processus d’inspection en organisant des inspections sur le terrain en fonction de la situation géogra-
phique et de l’expertise de l’inspecteur. Ce système de renseignements utilise les données d’inspection
sur le terrain en temps réel et est capable de calculer des informations en quelques secondes; il permet
ainsi d’augmenter significativement le nombre de visites sur le terrain.
À Qingdao, en Chine, l’inspection a développé un système informatique intégré pour mettre en place
un mécanisme d’inspection du travail et de la sécurité sociale plus efficace et étendre la couverture (voir
encadré 7.5).
La Colombie utilise un registre intégré des cotisants pour gérer les dossiers administratifs des travail-
leurs assurés dans ses différents régimes de sécurité sociale (voir encadré 7.6).
En Inde, une initiative de l’État du Maharashtra visant à étendre l’inspection du travail à l’économie infor-
melle utilise un système informatisé de gestion du travail qui permet aux employeurs d’accéder en ligne
à tous les formulaires nécessaires pour obtenir et renouveler les licences et fournit aux travailleurs des
cartes et des comptes bancaires pour le paiement de leur salaire. En plus d’éliminer les obstacles bureau-
cratiques, l’initiative permet également aux inspecteurs du travail de détecter les irrégularités grâce à un
système d’alerte automatisé (BIT 2013c, p. 224).
En termes d’efficacité, il est également pertinent de garantir une bonne coordination entre les différentes
institutions concernées en matière d’échange d’informations. Par exemple, en République dominicaine,
la coordination et la collaboration entre le Secrétariat d’État au travail, la Direction des impôts intérieurs
et d’autres organismes publics et privés susceptibles de fournir des informations pertinentes ont été
établies par la loi no 87-01 afin d’assurer l’enregistrement et le contrôle (Daza 2005).
Des exigences d’enregistrement spécifiques peuvent également renforcer l’efficacité de l’inspection du
travail et de la sécurité sociale, en particulier pour les travailleurs indépendants ou les employés de
maison. Par exemple, au Mali, une copie de tout contrat de travail d’une durée supérieure à trois mois ou
à durée indéterminée doit être déposée auprès de l’inspection du travail. Aux Philippines, les employeurs
sont tenus d’enregistrer leurs employés de maison auprès du barangay (district local). Si l’emploi est faci-
lité par une agence d’emploi privée, l’agence doit conserver une copie de tous les contrats des travailleurs
domestiques qui doivent être disponibles pour inspection par le ministère du Travail et de l’Emploi.
194 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Les campagnes de régularisation peuvent également améliorer la conformité. En Espagne, une date
limite pour l’enregistrement des travailleurs domestiques déjà employés a été fixée (1er juillet 2012), après
laquelle les employeurs risquaient d’être sanctionnés. En avril 2012, le taux d’inscription à la sécurité sociale
était passé à 47 pour cent du nombre total estimé de travailleurs domestiques dans le pays (BIT 2013d).
Les échanges automatiques d’informations sont cependant difficiles à établir dans des contextes où il
n’existe aucun registre établi pouvant être utilisé à cette fin. Par exemple, dans de nombreux pays, il n’existe
aucun registre des travailleurs domestiques et des ménages dans lesquels ils sont employés (BIT 2016l, p.
22). L’absence d’enregistrement et de contrats de travail écrits rend le travail domestique invisible et donc
difficile à détecter et à réglementer [TD].
Pour relever ces défis en matière de conformité, il convient de mettre en place un mécanisme d’inscription
automatique pour certaines catégories d’employeurs. Par exemple, en Argentine, où l’emploi de travail-
leurs domestiques est très courant dans les ménages aisés, on suppose que – sauf preuve contraire – les
ménages dont le revenu dépasse un certain niveau emploient un travailleur domestique. Non seulement
ce mécanisme est efficace pour améliorer le respect de la législation, mais cela signifie également que la
conformité peut être vérifiée au moyen d’une base de données centrale de sécurité sociale sans nécessiter
de visites à domicile [TD].
X Des stratégies intégrées pour les mécanismes d’inspection du travail et de la sécurité sociale
pourraient-elles contribuer à l’amélioration de la conformité et la protection des travailleurs?
7.2.4
Application de sanctions constructives et adaptées
La conception et l’application de mécanismes de sanction constructifs et adaptés sont particuliè-
rement importantes pour l’inspection du travail et de la sécurité sociale dans les secteurs exposés
à une forte incidence de l’emploi informel. Les sanctions éventuelles doivent être précautionneu-
sement appliquées, étant donné que, pour de nombreuses personnes dans l’économie informelle,
le non respect des règles n’est pas un choix, mais le résultat des divers obstacles décrits dans les
chapitres précédents. Puisque les sanctions inefficaces constituent un obstacle majeur à l’application
de la législation, les amendes et autres formes de sanctions doivent dissuader efficacement la non
conformité et encourager la conformité à l’avenir.
Pour promouvoir un changement durable, il convient d’envisager de mettre en place des sanctions
financières (amendes) conjointement avec des activités d’information et de sensibilisation. Il importe
toutefois d’appliquer d’autres mesures que les amendes dans le dispositif de sanctions. Un système
de sanctions progressives sera utile, puisqu’il permettrait d’éviter que les personnes présentant un
degré élevé de vulnérabilité ne soient affectées.
Par exemple, au Chili, le montant des amendes dépend de la taille de l’entreprise et du nombre
de travailleurs concernés (BIT 2013c, section 4.c2). Le dispositif de sanctions prévoit également la
possibilité pour les petites entreprises de se dégager des sanctions en régularisant les travailleurs
et en assistant à des séances de formation (voir encadré 7.8). Étant donné que le temps des cadres
supérieurs est généralement une ressource rare pour les petites entreprises, la participation à une
telle formation constitue autant une pénalité (manque à gagner) qu’un avantage en matière de
sensibilisation.
196 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
Enfin, tenir compte de la mise en place de mesures incitatives adéquates pour la conformité contribuera
à faciliter la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle (voir chapitre 8).
X Les sanctions appliquées sont-elles adaptées? Réfléchir à l’introduction d’un système de sanctions
progressives garantissant des sanctions constructives, efficaces et adaptées.
X Les sanctions pourraient-elles être combinées à des mesures promotionnelles de sensibilisation et
de renforcement des capacités, le cas échéant?
X BIT 2013c. Économie informelle et travail décent: Guide de ressources sur les politiques. Soutenir les
transitions vers la formalité ((voir section 4.c2 (en anglais)).
X BIT 2015b. «Extending labour inspection to the informal economy: A trainer’s handbook».
X BIT 2018a. Guide d’intervention de l’Inspection du travail dans l’économie informelle - Une méthode
participative
X AISS 2019b. Lignes directrices de l’AISS en matière de recouvrement des cotisations et conformité
(voir en particulier sections D, E et F).
Plus précisément sur les travailleurs domestiques:
X BIT 2012a. Effective protection for domestic workers: A guide to designing labour laws.
X BIT 2016l. Inspection du travail et autres mécanismes de conformité dans le secteur du travail
domestique: Guide d’introduction.
De même, des innovations dans d’autres domaines politiques peuvent être mises à profit pour fournir
des incitations à l’extension de la couverture de la sécurité sociale et à la formalisation de l’emploi. Ces
mesures encouragent les entreprises à honorer leurs obligations en matière de sécurité sociale et récom-
pensent le respect de la conformité moyennant peu ou pas de frais supplémentaires pour le gouver-
nement. Ces politiques créent un environnement concurrentiel plus équitable entre les entreprises et
garantissent une concurrence plus juste.
Il convient cependant de veiller à ce que les politiques n’excluent pas formellement ou de facto les
microentreprises, en particulier celles qui ont récemment été créées. Il conviendra de mettre en place
des mesures spécifiques pour garantir que les microentreprises bénéficient aussi de ces mesures afin
que leur potentiel de développement et de croissance puisse être favorisé de manière à assurer en même
temps la protection sociale de leurs travailleurs.
7.3.1
Politiques d’entreprise
Les politiques qui favorisent les entreprises durables, en particulier les conditions d’un environnement
propice, peuvent améliorer la productivité des entreprises, favoriser leur développement et ainsi per-
mettre la transition vers l’économie formelle 2. Les mesures peuvent inclure la fourniture d’un soutien
et de services de développement des entreprises ciblés pour les MPE et le renforcement de l’inclusion
financière grâce à un meilleur accès au financement des prêts aux petites entreprises (BIT 2017a).
7.3.2
Marchés publics et politiques d’investissement
Les politiques de passation des marchés publics et d’investissement peuvent soutenir la formalisation
de l’emploi et l’extension de la couverture de la sécurité sociale en garantissant que les entreprises par-
ticipant aux appels d’offres et aux projets d’investissement financés par l’État respectent la législation
applicable. Ces politiques doivent s’accompagner d’un suivi efficace pour garantir que la promotion de
la conformité est efficace et durable.
Par exemple, en Afrique du Sud, les entreprises qui ont l’intention de soumettre un appel d’offres public
doivent déposer une «Attestation en bonne et due forme» du ministère du Travail, qui confirme que
l’entreprise a dûment versé ses cotisations au Fonds d’indemnisation qui assure la couverture des tra-
vailleurs en cas d’accident du travail.
Au niveau international, les directives en matière de protection environnementale et sociale de la
Banque mondiale (Banque mondiale 2012; Banque mondiale 2018) et d’autres banques de dévelop-
pement fournissent un cadre d’orientation qui comprend des sections dédiées aux droits des travail-
leurs, y compris en ce qui concerne la sécurité sociale, qui s’applique aux travailleurs directement ou
indirectement employés dans des projets financés par ces banques. Les gouvernements et autres
parties prenantes peuvent se référer à ces cadres pour promouvoir la conformité avec ces directives
ou avec la législation nationale.
7.3.3
Accès au crédit gouvernemental et aux services aux entreprises
Certains pays ont également mis en place des politiques d’accès au crédit public et aux services aux
entreprises, qui soutiennent positivement l’extension de la sécurité sociale et la formalisation de l’emploi.
Des services rationalisés pour l’enregistrement des nouvelles entreprises, y compris l’enregistrement
à la sécurité sociale, peuvent réduire considérablement les charges administratives pour les nouveaux
entrepreneurs. Par exemple, au Portugal, les entreprises peuvent être créées en quelques heures et les
documents nécessaires sont immédiatement disponibles BIT 2013d, p. 36).
2 V
oir BIT: Conclusions concerning the promotion of sustainable enterprises. Conférence internationale
du Travail, 96e session, Genève, 2007. La version française paraît dans: Rapport de la Commission des
entreprises durables, Compte rendu provisoire no 15, Conférence internationale du Travail, 96e session,
Genève, 2007 (paragr. des conclusions, page 101-114).
198 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Encadré 7.9. Costa Rica: Programme de soutien aux petites et moyennes entreprises
- offrir des incitations non financières à la formalisation
Le Programme de soutien aux petites et moyennes entreprises (Programa de Apoyo a la Pequena y
Mediana Empresa) a été mis en œuvre en 2002 (loi no 8 262). Il cofinance des projets de micro, petites et
moyennes entreprises dans les domaines du développement technologique et de l’innovation (jusqu’à
80 pour cent de la valeur du projet). Il introduit également des mécanismes pour accroître leur parti-
cipation aux marchés publics, aux programmes de promotion du commerce intérieur, à la formation
sectorielle et aux programmes d’assistance technique. Pour être éligibles, les MPE doivent respecter
les cotisations de sécurité sociale, la réglementation fiscale et les normes du travail. Elles doivent éga-
lement être à jour dans leurs cotisations au système national de sécurité sociale (Caja Costarricense
de Seguro Social) et au Fonds de protection de la famille (Fondo de Desarrollo Social y Asignaciones
Familiares). Le financement provient du budget national et du ministère des Finances. Bien que la loi ait
été mise en œuvre en 2002, sa promotion et sa mise en œuvre ont effectivement commencé en 2010
avec le lancement du Programme d’entrepreneuriat du Costa Rica (Costa Rica Emprende). À ce jour, les
bénéficiaires du programme sont principalement des MPE d’une certaine taille, et la participation des
microentreprises est limitée.
Source: D’après BIT 2014f.
Au Costa Rica, le système d’information sur les entreprises du ministère de l’Économie, de l’Industrie
et du Commerce ne délivre pas de certificats MPE aux entreprises qui sont en retard dans le paiement
de leurs taxes ou leurs cotisations de sécurité sociale (BIT 2014f). Ces certificats sont nécessaires, entre
autres, pour exempter les MPE du paiement de certains types de taxes, comme la taxe pour les per-
sonnes morales3. En plus de bénéficier d’incitations financières, les entreprises sont encouragées à for-
maliser et à contribuer aux systèmes fiscaux et de sécurité sociale en accédant au crédit, à la formation
ou à la technologie, comme dans le Programme de soutien aux petites et moyennes entreprises du Costa
Rica (voir encadré 7.9).
7.3.4
Politiques fiscales
Mécanismes de de «monotaxe»
Les mécanismes de «monotaxe» simplifient les mécanismes de paiement des cotisations et des impôts
en offrant à certaines catégories de MPE et de travailleurs indépendants la possibilité de payer un forfait
(mensuel) plutôt que diverses cotisations fiscales et de sécurité sociale, comme c’est le cas en Argentine
et en Uruguay. Ces mécanismes réduisent la nécessité de tenir des registres comptables et facilitent la
déclaration des revenus et les paiements aux différents sous-systèmes de sécurité sociale et fiscaux (voir
section 6.2.3).
3 Cette taxe est basée sur la loi sur l’impôt des personnes morales (Ley de impuesto a las personas jurídicas),(loi no 9 024
3/12/2011), qui établit un impôt annuel équivalent à 50 pour cent du salaire minimum mensuel à payer par toutes les sociétés
et les entreprises à responsabilité limitée. La même loi exempte les petites et microentreprises du paiement de cette taxe à
condition d’être enregistrées auprès du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Commerce et du service des recettes inté-
rieures et qu’elles ne soient pas en retard dans le paiement de leurs impôts ou des cotisations de la sécurité sociale.
X Chapitre 7: Conformité et incitations: adapter les mécanismes d’inspection 199
et renforcer les incitations à la formalisation
En France, la couverture d’assurance sociale des travailleurs domestiques est facilitée par un système
de chèques emploi service qui a contribué de manière significative à la formalisation du secteur depuis
2006. Grâce au mécanisme Chèque emploi service universel (Cesu), les employeurs de travailleurs
domestiques peuvent facilement enregistrer leurs travailleurs et payer les cotisations. Les employeurs
peuvent déduire la moitié des cotisations d’assurance sociale des travailleurs domestiques de leur
impôt sur le revenu dans la limite de 6 000 euros par an. En outre, les ménages de personnes handica-
pées (degré d’invalidité évalué à au moins 80 pour cent) et d’autres catégories ont droit à une exonéra-
tion totale. Des études ont démontré que les deux tiers des utilisateurs du Cesu ont déclaré un employé
auparavant non déclaré (Farvaque et al. 2013).
En Belgique, les avantages fiscaux sont accordés au moyen d’un système de titres-services introduit
en 2004 à l’initiative du gouvernement. Contrairement au modèle français, les travailleurs domes-
tiques sont employés par une agence d’intérim (c’est-à-dire l’employeur formel) et les ménages sont
considérés comme des utilisateurs de leurs services. Le système de titres-services est géré par la firme
Sodexo. Du point de vue fiscal, les utilisateurs peuvent bénéficier d’un double avantage: une réduction
de 30 pour cent sur les achats de bons (jusqu’à une franchise annuelle de 1400 euros) et une nouvelle
réduction nominale de 0,9 euro sur chaque bon pour les 156 premiers bons. Entre 2008 et 2011, le
nombre d’utilisateurs de titres-services est passé de 557 482 à 834 959 et le nombre d’employés au
titre du régime est passé de 103 437 à 149 827. Au cours de la même période, près de 17 pour cent des
ménages belges ont utilisé des titres-services.
Ceci est particulièrement important pour les jeunes travailleurs. Les jeunes étant davantage exposés
au risque d’évoluer dans l’économie informelle sans pouvoir en sortir, il importe de veiller à ce que
les politiques d’emploi des jeunes incluent également des mesures pour assurer la couverture de
la sécurité sociale et faciliter leur transition vers un emploi formel. Par exemple, si les programmes
pour l’emploi des jeunes assurent leur couverture de sécurité sociale, les jeunes travailleurs bénéfi-
cieront d’une meilleure couverture, connaîtront mieux le système de sécurité sociale et seront plus
disposés à poursuivre leur carrière dans l’économie formelle. Cette couverture est non seulement
un mécanisme important pour promouvoir l’emploi des jeunes travailleurs dans l’économie formelle,
mais a également un effet positif sur la sensibilisation de ces derniers à l’importance de la protection
sociale et la construction d’une culture de la sécurité sociale (voir chapitre 3).
X Les mesures innovantes dans d’autres domaines politiques peuvent-elles être exploitées pour
fournir des incitations à l’extension de la couverture de sécurité sociale et à la formalisation de
l’emploi?
X Les politiques de marchés publics et d’investissement incorporent-elles des conditions pour
le respect des obligations en matière de sécurité sociale? Ces conditions pourraient-elles être
introduites ou renforcées?
X Les politiques fiscales comprennent-elles des dispositions facilitant l’accès à la sécurité sociale, telles
que des mécanismes simplifiés de recouvrement de l’impôt et des cotisations (monotaxe) ou des
allégements fiscaux pour l’emploi de travailleurs domestiques? Ces mécanismes pourraient-ils être
introduits ou renforcés?
X Les politiques du marché du travail et de l’emploi contiennent-elles des dispositions pour faciliter
l’accès à la couverture sociale? De tels mécanismes pourraient-ils être mis en place, notamment
pour les jeunes travailleurs?
X Van Elk et al. 2014. «Enterprise formalization: fact or fiction? A quest for case studies».
X BIT 2013c. Économie informelle et travail décent: Guide de ressources sur les politiques pour soutenir
les transitions vers la formalité (voir sections 7.1 et 7.2).
X BIT 2016b. Formalizing domestic work.
X AISS 2019b. Lignes directrices de l’AISS en matière de recouvrement des cotisations et conformité.
202 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X8
Étendre la couverture de la
protection sociale et mettre
en place des systèmes
universels de protection
sociale: enseignements tirés
de l’expérience et voie à suivre
204 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Questions clés
X Comment assurer une couverture adéquate aux travailleurs dans toutes les formes d’emploi, y
compris dans les «nouvelles» formes d’emploi?
X Comment étendre la couverture de la protection sociale aux travailleurs dans l’économie informelle
et faciliter leur transition vers l’économie formelle?
X Comment empêcher la non-formalisation de l’emploi formel et faire en sorte que les travailleurs des
«nouvelles» formes d’emploi informel réussissent leur transition vers l’économie formelle?
X Comment garantir un environnement concurrentiel équitable et juste entre les entreprises de
«l’ancienne» et de la «nouvelle» économie?
X Comment garantir un dispositif de financement de qualité pour les systèmes de protection sociale,
fondé sur une combinaison de cotisations et d’impôts? Comment les régimes d’assurance sociale
et d’autres régimes de protection sociale contributifs peuvent-ils être mieux adaptés et renforcés
en fonction de l’évolution du monde du travail, et comment peuvent-ils être complétés par des
mécanismes de protection sociale non contributifs (principalement financés par l’impôt)?
X Messages clés
X L’extension de la protection sociale aux travailleurs dans l’économie informelle exige d’adopter
une approche globale qui tient compte des différents obstacles à la couverture de la protection
sociale, propose des solutions de couverture adaptées à leurs besoins et facilite leur transition vers
l’économie formelle.
X Pour garantir une protection sociale efficace pour tous, il est essentiel de combler les lacunes en
matière de couverture et d’adapter les systèmes de protection sociale en fonction de l’évolution de
la demande dans le monde du travail. En particulier, les systèmes de protection sociale doivent être
adaptés aux situations et besoins spécifiques des travailleurs, y compris dans les nouvelles formes
d’emploi. L’assurance sociale continuera de jouer un rôle clé pour garantir l’élargissement du champ
d’application et l’augmentation des niveaux de protection.
X Certaines des mesures politiques mises en place par les pays pour faciliter la couverture des
travailleurs dans l’économie informelle contiennent de précieuses indications sur la manière
d’étendre la couverture aux travailleurs dans de nouvelles formes d’emploi. Cependant, il convient
d’envisager de mettre en place des mesures supplémentaires et de poursuivre les efforts en vue
de réaliser le droit à la sécurité sociale pour tous.
X Le renforcement et l’adaptation des systèmes de protection sociale pour l’avenir du travail
nécessitent une combinaison de plusieurs mécanismes de protection sociale, avec des mécanismes
de financement appropriés provenant des cotisations ou des impôts. Les régimes non contributifs
de protection sociale sont essentiels pour garantir le socle de protection sociale pour tous,
conformément à la recommandation (no 202) sur les socles de protection sociale, 2012.
8.1 E
nseignements tirés de l’expérience sur l’extension
de la couverture de la protection sociale aux
travailleurs dans l’économie informelle
L’extension de la couverture de la protection sociale aux travailleurs dans l’économie informelle nécessite
d’adopter une stratégie globale et intégrée. Dans la plupart des cas, une combinaison de différentes
mesures sera nécessaire pour surmonter les différents obstacles et offrir une solution efficace, équitable
et durable. Comme indiqué ci-dessus, il n’existe pas d’approche unique – les solutions doivent toujours
répondre à des défis et des réalités concrètes. Cependant, un certain nombre d’enseignements généraux
peuvent être tirés des expériences des différents pays décrits dans le présent document (voir ci-après).
X Chapitre 8: Étendre la couverture de la protection sociale et mettre 205
en place des systèmes universels de protection sociale: enseignements tirés de l’expérience et voie à suivre
cible. À cet égard, il est essentiel de: faciliter l’accès à l’administration (notamment grâce à des points
d’accès physiques, en ligne ou mobiles); simplifier les procédures et réduire le nombre de documents
requis; mettre en commun différents services administratifs dans des services à guichet unique; et sim-
plifier les mécanismes de paiement de l’impôt et des cotisations (voir chapitre 5 pour plus de détails).
8.2 C
omment assurer une protection sociale universelle
et adéquate pour l’avenir du travail?
Le monde du travail connaît une transformation profonde, façonnée par les tendances mondiales telles
que la numérisation, l’automatisation et la mondialisation. Alors que certaines des formes d’emploi les
plus traditionnelles disparaissent ou se transforment, de nouvelles formes d’emploi apparaissent, y com-
pris dans de nouveaux secteurs, comme l’économie dite de «plateforme» (BIT 2017c; OCDE 2019b). Les
mutations du monde du travail offrent sans aucun doute de nouvelles perspectives, mais sont aussi
X Chapitre 8: Étendre la couverture de la protection sociale et mettre 207
en place des systèmes universels de protection sociale: enseignements tirés de l’expérience et voie à suivre
sources de difficultés pour les systèmes de protection sociale visant à garantir la couverture complète et
efficace des travailleurs dans toutes les formes d’emploi, y compris dans les nouvelles formes d’emploi.
Les systèmes de protection sociale s’adaptent remarquablement bien aux circonstances changeantes et
fournissent de précieuses suggestions stratégiques pour faciliter la couverture de la protection sociale,
y compris pour les travailleurs dans de nouvelles formes d’emploi. Le renforcement et l’adaptation des
régimes d’assurance sociale seront essentiels pour protéger les travailleurs dans de nouvelles formes
d’emploi afin d’élargir le champ d’application et augmenter les niveaux de la protection.
X Développer des mécanismes pour faire face aux situations de relations de travail complexes
ou peu claires, notamment par l’intermédiaire d’autres modes de financement. Ces mécanismes
peuvent s’inspirer de l’expérience de l’Inde et de l’Allemagne (voir section 6.2.5). Par exemple, les
fonds de protection sociale des travailleurs en Inde offrent un mécanisme pour assurer la couverture
de la protection sociale des travailleurs des secteurs de la construction et exigent que les principales
entreprises contractantes cotisent à hauteur de 1 à 2 pour cent de la valeur des projets de construction
au fonds pour financer les prestations de protection sociale pour tous les travailleurs de la construction
impliqués dans le projet.
X Renforcer le rôle des organisations de travailleurs. Les syndicats peuvent faciliter la protection
sociale des travailleurs des plateformes. Par exemple, le syndicat 3F a négocié la première convention
collective de l’économie des plateformes pour la plateforme en ligne danoise Hilfr, qui propose des
services de nettoyage. Les travailleurs indépendants des plateformes sont reclassés dans la catégorie
des «employés» une fois qu’ils ont effectué au moins 100 heures de travail. Ils bénéficient ainsi de
meilleurs salaires et de la protection sociale (Vandaele 2018). Grâce aux efforts de plaidoyer du
syndicat IG Metall, le gouvernement allemand a récemment fixé l’objectif politique suivant: inclure
tous les travailleurs indépendants dans le régime de retraite obligatoire, y compris les travailleurs dans
de nouvelles formes d’emploi (Berg et al. 2019).
protection adéquate aux travailleurs dans tous les types d’emploi, y compris les travailleurs indépendants,
par l’intermédiaire de mécanismes appropriés sont donc adaptées pour faire face aux défis futurs (BIT
2018d; OCDE 2019b; Behrendt, Nguyen et Rani 2019). En revanche, l’affaiblissement de l’assurance sociale
en faveur de l’assurance privée et des dispositifs d’épargne individuelle risque d’aggraver la pauvreté et
d’exacerber les inégalités, y compris l’inégalité hommes-femmes, de déplacer les risques financiers et
économiques vers les travailleurs et de réduire les responsabilités fondamentales des employeurs envers
leurs travailleurs (Alfers, Lund et Moussié 2017; BIT 2016e). Les propositions visant à dissocier la protection
sociale de l’emploi limiteraient gravement la mutualisation des risques et la redistribution. La réduction
des cotisations d’assurance sociale des employeurs, l’introduction de plafonds très bas pour les revenus
assurables ou le recours à une assurance ou à une épargne privée nuiraient gravement à la capacité des
systèmes de protection sociale à garantir des niveaux de protection adéquats en limitant leur afflux de
ressources et contribueraient à une hausse de la pauvreté et des inégalités. Les dispositifs d’épargne
individuelle ne doivent être proposés que sur la base du volontariat, en complément de services publics
adaptés de prestations d’assurance sociale obligatoires stables, équitables et adéquates et de prestations
financées par l’impôt (Commission mondiale sur l’avenir du travail 2019).
X L’adéquation: faire en sorte que les systèmes de protection sociale luttent efficacement contre la
pauvreté, mais garantissent également un remplacement du revenu approprié de manière équitable
et durable.
2 C
es principes sont dérivés des principes fondamentaux de la sécurité sociale et reflètent les principes ancrés dans les
cadres des droits de l’homme (CESCR 2008; Sepúlveda et Nyst 2012) et les normes de l’OIT en matière de sécurité sociale, y
compris la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, et la recommandation (no 202) sur les
socles de protection sociale, 2012 (BIT 2021c; BIT 2017b; BIT 2017a). Commission européenne 2018. Voir aussi Behrendt et
Nguyen 2019; Behrendt et al. 2017.
X Chapitre 8: Étendre la couverture de la protection sociale et mettre 211
en place des systèmes universels de protection sociale: enseignements tirés de l’expérience et voie à suivre
X Encadré 8.1. Appel à l’action du Partenariat mondial pour une protection sociale
universelle en vue d’atteindre les objectifs de développement durable (USP2030)
Les membres de l'USP2030 appellent tous les pays à respecter leurs engagements, à savoir de mettre
en place des systèmes nationaux de protection sociale pour tous, y compris des socles, conformément
au Programme de développement durable à l’horizon 2030, en particulier l’objectif 1.3 des ODD. Les
pays et les partenaires au développement doivent prendre les cinq mesures suivantes pour soutenir
l’engagement mondial en matière de protection sociale universelle:
X ACTION 1. Protection tout au long de la vie: mettre en place des systèmes de protection
sociale universelle s’appuyant sur des socles de protection sociale, offrant une protection
adéquate à tous les stades de la vie et s’appuyant sur une combinaison d’assurance sociale,
d’assistance sociale et d’autres mécanismes, dans le cadre de stratégies et de législations
nationales.
X ACTION 2. Couverture universelle: offrir un accès universel à la protection sociale et
veiller à ce que les systèmes de protection sociale soient fondés sur les droits, soucieux des
considérations de genre et inclusifs, sans que nul ne soit laissé de côté.
X ACTION 3. Appropriation par les pays: élaborer des stratégies et des politiques de
protection sociale fondées sur les priorités et situations nationales, en étroite collaboration
avec tous les acteurs concernés.
X ACTION 5. Financement durable et équitable: assurer la pérennité et l’équité des systèmes
de protection sociale en privilégiant des modalités sûres et équitables de financement
national et, le cas échéant, en faisant appel à la coopération et l’assistance internationales.
X ACTION 5. Participation et dialogue social: renforcer la gouvernance des systèmes
de protection sociale par l’ancrage institutionnel, la coordination multisectorielle
et la participation des partenaires sociaux et d’autres organisations pertinentes et
représentatives afin de susciter un large soutien et de promouvoir l’efficacité des services.
L’USP2030 rassemble un certain nombre de gouvernements, de partenaires au développement et d’or-
ganisations de la société civile sous la direction conjointe de la Banque mondiale et de l’OIT pour aug-
menter le nombre de pays offrant une protection sociale universelle et les soutenir dans la conception
et la mise en œuvre de systèmes de protection sociale universels et durables. Les actions comprennent
la coordination du soutien des pays pour renforcer les systèmes nationaux de protection sociale; la
promotion du développement des connaissances pour documenter les expériences des pays et fournir
des preuves sur les solutions de financement; et le plaidoyer en faveur de l’intégration de la protection
sociale universelle.
Source: Site Web de l’USP 2030.
et à un risque accru de pauvreté en raison des conséquences financières de l'accès aux soins de santé
essentiels et invite instamment à envisager la gratuité des soins médicaux prénatals et postnatals pour
les plus vulnérables (paragraphe 8).
X Responsabilité globale et primaire de l'État: Ce principe renvoie à l'obligation de l'État en tant que
garant global de la protection sociale en général et de la protection sociale en santé en particulier.
Conformément à la recommandation n° 202 de l’OIT, ce principe implique que l’Etat doit prendre les
mesures nécessaires pour assurer l’application des normes et principes de sécurité sociale établis
internationalement pour assurer la conception, mise en œuvre et la bonne gestion de systèmes de
protection sociale en santé pérennes, justes et adéquats. Dans le cadre des stratégies d’extension de
la couverture, il est donc impératif pour les gouvernements de mobiliser davantage de ressources
domestiques stables afin de transférer la charge de la protection sociale en santé couramment portée
par les ménages et les individus œuvrant dans l’économie informelle vers le gouvernement. Lorsque
financés par les financements externes, les régimes et/ou subventions pour les populations vulnérables
et difficile à atteindre tels les travailleurs de l’économie informelle devraient être progressivement
financés par des ressources domestiques stables pour garantir leur pérennité et pour éviter que ces
populations ne deviennent plus vulnérables lorsque les financements externes se tariront.
X Intégration dans les systèmes globaux de protection sociale: La pauvreté demeure un des
déterminants de la santé les plus importants. Il est donc important de considérer la protection
sociale en santé comme faisant partie intégrante des systèmes de protection sociale universelle et
coordonnée avec les politiques de l’emploi mais aussi de santé au travail de manière à maximiser son
impact sur la réduction de la pauvreté et des inégalités ainsi que sur la promotion du travail décent. Il
est donc également particulièrement crucial de tenir compte du rôle de la protection sociale en santé
pour favoriser la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle.
X Behrendt et Nguyen. 2018. Innovative approaches for ensuring universal social protection for
the future of work.
X Commission mondiale sur l’avenir du travail. 2019. Travailler pour bâtir un avenir meilleur.
X BIT 2018c. Approches innovantes pour garantir une protection sociale universelle pour l’avenir
du travail.
X BIT 2019h. Universal social protection: Key concepts and international framework.
X OCDE 2019b. L’avenir du travail: Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2019. L’avenir du travail.
X OCDE et BIT 2019. Tackling vulnerability in the informal economy. (voir en particulier le chapitre 4).
214 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
X Références
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X Annexe: Glossaire
Ce glossaire porte sur les concepts fondamentaux, les définitions et la méthodologie orientant les travaux
d’analyse du BIT en matière de sécurité sociale ou de protection sociale. 1 L’objectif n’est pas d’arrêter une
définition universelle, mais simplement de clarifier les termes et les concepts, tels qu’ils sont utilisés au
sein du BIT.
Économie informelle. Toutes les activités qui, en droit ou en pratique, sont insuffisamment, voire pas du
tout, couvertes par des dispositions formelles (voir encadré A.1).
1 Le glossaire est largement inspiré du Rapport mondial sur la protection sociale 2014-15 du BIT: Bâtir la reprise
économique, le développement inclusif et la justice sociale ( (BIT 2014i, pp. 161-170).
230 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
2 Au sens strict, ce terme désigne tous les transferts sociaux en espèces, y compris les transferts totalement ou partielle-
ment contributifs, même s’il est généralement employé dans son acception limitée aux transferts non contributifs.
X Annexe: Glossaire 231
rémunérés ou salariés, les cotisations sont généralement versées par les travailleurs et les employeurs
(même si les régimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles sont souvent entièrement
financés par les employeurs). Les régimes contributifs peuvent être intégralement financés par les co-
tisations. Toutefois, ils sont souvent financés en partie par l’impôt ou par d’autres sources, moyennant
par exemple une subvention visant à combler le déficit, une subvention générale venant entièrement se
substituer aux cotisations, ou encore une subvention destinée exclusivement à certaines catégories de
cotisants ou de bénéficiaires (par exemple les personnes qui ne cotisent pas, comme les parents avec
enfants à charge, les étudiants, les militaires ou les chômeurs, ou qui ne cotisent pas à taux plein en raison
de leur faible revenu, ou encore qui perçoivent des prestations en deçà d’un certain seuil faute d’avoir
suffisamment cotisé dans le passé).
Régime/programme ciblé. Voir Régime/programme d’assistance sociale.
Régime/programme d’assistance sociale. Régime offrant des prestations aux groupes vulnérables de
la population, en particulier aux ménages en situation de pauvreté. La plupart des régimes d’assistance
sociale sont soumis à conditions de ressources.
Régime d’assurance sociale. Régime contributif de protection sociale garantissant une protection au
moyen d’un mécanisme d’assurance, fondé sur: 1) le paiement préalable de cotisations, c’est-à-dire avant
la survenance de l’éventualité prise en charge; 2) le «partage» ou la «mutualisation» des risques; et 3) la
notion de garantie. Les cotisations versées par (ou pour) les personnes assurées sont mises en commun,
et le fonds ainsi constitué est utilisé pour financer les dépenses supportées exclusivement par les per-
sonnes touchées par l’éventualité ou les éventualités prises en charge (lesquelles sont clairement définies).
Contrairement au principe de l’assurance commerciale, selon lequel les primes de risque sont calculées
individuellement, la mutualisation des risques opérée dans le cadre de l’assurance sociale est fondée sur
le principe de solidarité.
Bon nombre de régimes contributifs de sécurité sociale sont présentés et décrits comme étant des ré-
gimes «d’assurance» (généralement des «régimes d’assurance sociale»), bien qu’il s’agisse en réalité de
régimes mixtes dans le cadre desquels le droit à prestations intègre des éléments non contributifs. Cela
permet de procéder à une répartition plus équitable des prestations, en particulier pour les personnes
ayant de faibles revenus ou dont la carrière professionnelle a été courte ou discontinue. Ces éléments non
contributifs existent sous des formes diverses et sont financés par d’autres cotisants (redistribution au sein
du régime) ou par l’État.
Régime de garantie d’emploi. Programme public d’emploi garantissant à des ménages pauvres un
nombre déterminé de journées de travail par an, pour un niveau de rémunération relativement faible (en
général, le salaire minimum, s’il est adéquat).
Régime non contributif. Régime, sous conditions de ressources ou non, qui ne subordonne générale-
ment pas la fourniture des prestations au versement de cotisations par les bénéficiaires ou leurs em-
ployeurs. Ce terme recouvre un large éventail de régimes, notamment les régimes universels pour tous les
résidents (tels que les services nationaux de soins de santé), les régimes catégoriels en faveur de certains
segments de la population (les enfants ou les personnes âgées satisfaisant à une condition d’âge) et les
régimes soumis à conditions de ressources (régimes d’assistance sociale). Les régimes non contributifs
sont généralement financés par l’impôt ou d’autres recettes publiques ou, parfois, par des subventions ou
prêts externes.
Régime soumis à conditions de ressources. Régime dont les bénéficiaires doivent apporter la preuve
qu’ils sont dans le besoin. Ce type de régime, souvent qualifié de régime d’assistance sociale, est destiné à
certaines catégories de personnes ou de ménages dont le niveau de ressources est inférieur à un plafond
donné. Un examen des ressources est réalisé pour déterminer si les ressources (revenus ou biens) de
la personne ou du ménage qui fait la demande d’affiliation sont inférieures au plafond défini, si le
demandeur a droit à des prestations et, le cas échéant, le montant des prestations accordées. Dans cer-
tains pays, cet examen est effectué sur la base d’une estimation des ressources (proxy means tests), ce qui
signifie que l’éligibilité du demandeur est déterminée au moyen non pas d’une évaluation effective de
232 X Étendre la sécurité sociale aux travailleurs dans l'économie informelle
c. sécurité élémentaire de revenu pour les personnes d’âge actif qui sont dans l’incapacité de gagner
un revenu suffisant, en particulier en cas de maladie, de chômage, de maternité et d’invalidité; et
3 Ces deux dimensions principales sont également désignées dans la recommandation (no 67) sur la garantie des moyens
d’existence, 1944, et la recommandation (no 69) sur les soins médicaux, 1944, comme étant des «élément[s] essentiel[s] de
la sécurité sociale». Ces recommandations prévoient premièrement que les régimes de garantie des moyens d’existence
soulagent «le besoin et [préviennent] l’indigence, en rétablissant jusqu’à un niveau raisonnable les moyens d’existence
perdus en raison de l’incapacité de travailler (y compris la vieillesse) ou d’obtenir un emploi rémunérateur ou en raison
du décès du soutien de famille» (recommandation no 67, paragraphe 1); et deuxièmement que «[t]out service de soins
médicaux [assure] à l’individu les soins que peuvent fournir les membres de la profession médicale et des professions
connexes» et «[englobe] tous les membres de la communauté» (recommandation no 69, paragraphes 1 et 8). La recom-
mandation no 202 tient également compte de ces deux éléments dans les garanties élémentaires de protection sociale qui
devraient faire partie des socles nationaux de protection sociale (pour plus de détails, voir encadré 1.13).
X Annexe: Glossaire 233
fonctionnement des régimes de retraite professionnelle, qui complètent et peuvent largement remplacer
des éléments des régimes publics de sécurité sociale. Les droits à la sécurité sociale sont subordonnés
soit au paiement de cotisations de sécurité sociale pour des périodes prescrites (régimes contributifs, le
plus souvent structurés comme des régimes d’assurance sociale), soit à une exigence, parfois qualifiée
de «résidence plus», en vertu de laquelle des prestations sont accordées à tous les résidents du pays qui
remplissent également certains autres critères (régimes non contributifs). Ces critères peuvent subordon-
ner le droit aux prestations à l’âge; à la santé; à la participation au marché du travail; au revenu; à d’autres
déterminants du statut social ou économique; ou dans certains cas même à la conformité à certaines
exigences comportementales.
Deux caractéristiques principales distinguent la sécurité sociale des autres dispositions sociales. Premiè-
rement, les prestations sont accordées aux bénéficiaires sans obligation réciproque simultanée (elles ne
représentent pas, par exemple, la rémunération du travail ou d’autres services fournis). Deuxièmement,
elle n’est pas basée sur un accord individuel entre la personne protégée et le prestataire (tel qu’un contrat
d’assurance-vie); l’accord s’applique à un groupe plus large de personnes et a donc un caractère collectif.
Selon la catégorie de conditions applicables, une distinction est également établie entre les régimes non
soumis à conditions de ressources (lorsque les conditions d’octroi des prestations ne sont pas liées au
niveau total de revenu ou de richesse des bénéficiaires et de leurs familles) et les régimes soumis à condi-
tions de ressources (lorsque le droit n’est accordé qu’à ceux dont le revenu ou le patrimoine est inférieur à
un seuil prescrit) Une catégorie spéciale de régimes «conditionnels» comprend ceux qui, en plus d’autres
conditions, obligent les bénéficiaires (ou leurs proches, ou leurs familles) à participer à des programmes
publics prescrits (par exemple des programmes de santé ou d’éducation spécifiés).
Socle de protection sociale. La recommandation (no 202) sur les socles de protection sociale, 2012, pré-
voit que les États Membres devraient établir ou maintenir des socles nationaux de protection sociale en
tant qu’«ensembles de garanties élémentaires de sécurité sociale définis à l’échelle nationale qui assurent
une protection visant à prévenir ou à réduire la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion sociale» (BIT 2012a).
Ces garanties devraient assurer au minimum à toute personne dans le besoin, tout au long de la vie, l’accès
à des soins de santé essentiels et une sécurité élémentaire de revenu, qui ensemble garantissent un accès
effectif aux biens et services définis comme nécessaires à l’échelle nationale. Plus précisément, les socles
de protection sociale devraient comporter au moins les quatre garanties de sécurité sociale suivantes,
telles que définies à l’échelle nationale:
e. accès à «des soins de santé essentiels, y compris les soins de maternité»;
g. sécurité élémentaire de revenu […] pour les personnes d’âge actif qui sont dans l’incapacité de
gagner un revenu suffisant, en particulier dans les cas de maladie, de chômage, de maternité et
d’invalidité»; et
Les socles de protection sociale correspondent, à bien des égards, à la notion d’«obligations fondamen-
tales» visant à assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits inscrits dans les traités
relatifs aux droits de l’homme (Nations Unies 2012).
Système de sécurité sociale/système de protection sociale. Ensemble de régimes et de programmes
de sécurité/protection sociale d’un pays. Il est à noter que «programme» est souvent utilisé dans un sens
plus large que «régime».
Tous les régimes et toutes les institutions de sécurité sociale d’un pays sont inévitablement interdépen-
dants et complémentaires du point de vue de leurs objectifs, de leurs fonctions et de leur financement et
ils forment en cela un système national de sécurité sociale. Pour des raisons d’efficacité et d’efficience, une
coordination étroite au sein du système est essentielle. En outre, à des fins de coordination et de planifi-
cation, il importe que les comptes de recettes et de dépenses de tous les régimes soient consolidés pour
former un seul et même budget de sécurité sociale au niveau national, en vue d’une planification intégrée
des dépenses et du financement à venir des régimes constituant le système de sécurité sociale.
Transfert social. Toutes les prestations de sécurité sociale comprennent des transferts, en espèces ou en
nature, c’est-à-dire qu’elles constituent un transfert de revenu, de biens ou de services (par exemple de
services de soins de santé). Ce transfert peut être effectué des personnes actives vers les personnes âgées,
des personnes en bonne santé vers les personnes malades, ou des personnes aisées vers les personnes
pauvres, entre autres. Les bénéficiaires de ces transferts peuvent recevoir ceux-ci par l’intermédiaire d’un
régime spécifique de sécurité sociale, parce qu’ils y ont cotisé (régime contributif), parce qu’ils sont rési-
dents (régimes universels pour tous les résidents), parce qu’ils remplissent des conditions spécifiques liées
à l’âge (régimes catégoriels) ou aux ressources (régimes d’assistance sociale), ou parce qu’ils satisfont à
plusieurs de ces conditions à la fois. De plus, certains régimes (régimes de garantie d’emploi, programmes
publics d’emploi) font obligation aux bénéficiaires de réaliser des tâches déterminées ou d’adopter des
comportements spécifiques (programmes de transferts conditionnels en espèces). Dans un pays donné,
plusieurs régimes de différents types coexistent généralement et peuvent offrir des prestations à des
groupes de population différents pour des éventualités similaires.
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