Extrait Salina 1
Extrait Salina 1
Extrait Salina 1
Salina
Les trois exils
Notes et dossier
rédigés par Florence Renner
3e-Lycée
I. La caravane. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
L’atelier de lecture
Aborder par la BD. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
© ACTES SUD, 2022 Questionner au fil du texte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
ISBN 978-2-330-16614-4 Synthétiser. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Résonances et rebonds
La réserve de textes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Héroïnes exilées (groupement 1).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
172
172
Sur le seuil
Tombeaux littéraires maternels (groupement 2). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
Salina, c’est l’histoire du cri ininterrompu d’une femme, d’un cri qui
Le coin des arts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
résonne dans le silence des hommes et des dunes. C’est l’histoire d’une
Femmes exilées.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
Frères ennemis : le mythe d’Abel et Caïn dans les arts. . . . . . . . . . . . . . . . . 186 « femme salée par les pleurs », d’une tragédie hors du temps et des lieux,
Atelier libre : imaginer une exposition virtuelle.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 qui ne trouve son dénouement que par la grâce d’un don exceptionnel.
Dans ce roman paru en 2018, Laurent Gaudé reprend le thème d’une de
ses pièces de théâtre, créée quinze ans plus tôt. Entre Grèce antique et
désert africain, mêlant les voix et les récits, sa fable retrace l’épopée
d’une femme à qui on a volé sa vie, aussi courageuse que meurtrie.
Trois fois exilée, Salina, qui incarne le rejet de l’étrangère comme l’hu-
miliation faite aux femmes trop libres, n’a d’autre choix que de se venger.
Au lendemain de la mort de cette héroïne, son dernier fils raconte son
existence : réussira-t‑il à faire s’ouvrir les portes du cimetière pour que
sa mère trouve enfin le repos ?
Pour aborder cette œuvre, laissez- vous porter par les dessins de
Benoît Guillaume, l’artiste invité de cette édition. L’histoire de Salina lui a
inspiré les planches qui suivent. Elles vous permettront de construire des
hypothèses sur le récit.
Approfondissez ensuite votre lecture grâce aux commentaires et acti-
vités proposés en fin de volume.
Moi Malaka, fils élevé dans le désert par une mère Je vais dire ma mère qui gît là, au fond de la barque,
qui parlait aux pierres, je vais raconter Salina. et le monde qui apparaîtra sera fait de poussière et de cris.
Le jour des origines
1. Bannissements : actions par lesquelles on condamne des personnes à quitter leur pays.
42 n’y a pas de telle maroquinerie. Il doit venir de plus loin que Chez les Djimba, personne ne bouge. L’enfant est posé sur
43 les terres connues. Il est couvert de poussière. Son corps fait 72 le sol, sous le soleil, et pleure. Il faut attendre que Sissoko
44 si peu de mouvements qu’on pourrait le croire scellé à son 73 prenne une décision. L’enfant crie encore, emplit tout de sa
45 cheval, condamné peut-être depuis des mois à errer ainsi, 74 présence de petit bout de vie. Les hommes restent assis. Le
46 allant où sa monture décide de le mener. Quel âge a-t‑il ? Nul 75 temps passe et Sissoko ne prononce pas un mot. Tous com-
47 ne peut le dire. L’homme avance. Les Djimba pensent un 76 prennent qu’il a fait le choix de ne pas recevoir l’enfant. Il ne
48 temps qu’il va traverser leur groupe sans rien dire, sans rien 77 faut pas prendre le risque d’accepter un enfant dont on ne
49 faire, comme si leur présence n’avait aucune importance, 78 sait s’il n’apportera pas quelque malédiction. Ne pas agir. Ne
50 mais ce n’est pas ce qu’il fait. À dix pas de Sissoko Djimba, 79 rien faire. Rester là jusqu’à ce que l’enfant s’épuise, sombre
1. Bandés : contractés. 1. Langes : pièces de tissu servant à envelopper le corps des nourrissons, de la taille aux
2. D’apparat : de cérémonie. pieds.
de Laurent Gaudé
Mozambique, 2007), et le personnage de Salina est d’abord créé pour une
pièce de théâtre en 2003, avant que l’auteur développe son histoire dans
son roman Salina, les trois exils, publié en 2018.
La fabrique
des lycéens couronne l’année suivante son roman La Mort du roi Tsongor cule », comme l’écrivain le nomme, qui met les personnages aux prises
du texte
et, en 2004, l’écrivain est le lauréat du prix Goncourt pour Le Soleil des avec leur destin, les oblige à choisir de rester hommes ou sombrer.
Scorta, traduit depuis dans trente-quatre pays. Plongés au cœur des combats, que restitue le souffle épique de l’auteur,
les hommes sont engloutis par l’histoire, écrasés par des éléments et des
Le foisonnement des genres forces qui les dépassent.
Peu à peu son écriture investit et entrelace tous les genres. Son premier Laurent Gaudé fait aussi entendre la voix des morts, jusqu’à les faire
récit, Cris, constitué de monologues de soldats pris dans la tourmente de revivre dans ses récits, qu’il s’agisse du roi Tsongor, d’Alexandre le Grand
la Grande Guerre, se situait déjà à la croisée du roman et du théâtre, et s’adressant à la mort pour lui raconter ce que fut sa vie dans Le Tigre bleu
l’auteur reconnaît lui-même : « De plus en plus, je mets du récit dans mon de l’Euphrate (2002), ou encore des morts que Jules entend dans Cris. C’est
théâtre et du langage direct dans mes romans 1. » On retrouve ce mélange en ces mots que l’auteur justifie l’omniprésence de la prosopopée 2 dans
des genres dans Nous, l’Europe. Banquet des peuples (2019), long poème en ses textes : « La littérature et la voix des morts [sont liées]. […] une partie
vers libres qui est aussi un récit et un discours adressé aux Européens. de mon désir d’écrire [se situe] à cet endroit-là, [consiste à] dire : on va
« Naviguant entre l’ode, le romanesque et le pamphlet 2 », Laurent Gaudé prêter sa voix à des gens, à des destins qui ont été trop vite oubliés, trop
y compose une épopée invitant à la réalisation d’une Europe des diffé- vite engloutis 3… »
rences, de la solidarité et de la liberté.
De même que les genres se contaminent, les thèmes et les personnages
se répondent ou se poursuivent parfois d’une œuvre à l’autre. Ripoll, 1. Marie-Pierre Genecand, art. cit.
2. Prosopopée : figure de style qui consiste à faire parler des morts, des animaux ou des
objets.
1. Marie-Pierre Genecand, « Entretien avec Laurent Gaudé », Le Temps, 27 septembre 2015. 3. Interview réalisée par Jérôme Colin pour l’émission Hep Taxi ! diffusée sur La Deux, chaîne
2. Oriane Jeancourt, Transfuge, mai 2019. de la RTBF, le 1er mars 2015.
de lecture
graphe.
du bas ? Quels indices permettent de comprendre que le bébé de la
L’atelier
La dédicace permet à l’auteur de dédier son texte à une ou plusieurs per-
planche 2 et la femme dans la barque sont un même personnage ?
sonnes auxquelles il rend hommage. Certaines dédicaces sont demeu-
Temporalités et récit rées célèbres, comme celle du Petit Prince d’Antoine de Saint-E xupéry.
4. Quel type de récit le procédé consistant à introduire une histoire dans L’épigraphe est une citation qui inscrit un texte dans la lignée d’une pensée
un cadre narratif déjà posé peut-il annoncer ? Identifiez les deux types
qui l’a précédé.
de texte présents dans les planches.
Comme l’épigraphe, la dédicace peut donner des indices sur l’œuvre,
5. Quels thèmes développent les avant même la lecture. Quels sont ceux que contient la dédicace de
Bulle : dans une case, espace qui
planches 3 et 4 ? Quel récit vous contient les paroles ou les pensées Salina ? Si vous deviez écrire un texte, à qui le dédieriez-vous ou quelle
attendez-vous à lire ? du personnage rapportées au style
citation placeriez-vous à son début ? Pourquoi ?
Lexique
direct.
6. En quoi la bulle de la dernière Case (ou vignette) : zone de dessin
planche éclaire-t‑elle le carac- délimitée par un cadre (qu’il soit ÉTUDE D’ENSEMBLE
matérialisé par un trait ou un espace
tère paradoxal du texte de la
« vide »). Une case a parfois la Le prologue
première planche ? Quel enjeu dimension d’une planche, on parle de
de la parole est mis en lumière « case-planche ». 1. Identifiez les indications de lieux, les noms de personnages, les objets
par les planches 5 et 6 ? Planche : page entière d’une bande qui renvoient d’emblée le lecteur à un univers lointain, relevant d’un
dessinée.
imaginaire lié à l’Afrique.
Récitatif : texte pris en charge par le
narrateur. 2. Quelles indications temporelles sont données ? En quoi renvoient-elles
aux codes des contes traditionnels ?