Parole Donnee: Massignon
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MASSIGNON
Parole
donnee
Introduction de Vincent Monteil
PRI~TED IN FRANCE
TOUTE UNE VIE
AVEC UN FRERE P ARTI AU DESERT
FOUCAULD
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mort inspecteur general aux Invalides; puis, de puis Ie seJour
de mon pere la-bas, aupres de son ami Georges Favereau..1{,
du cabinet de Tirman, a des officiers de l'armee d'Afrique,
colonel Henry de Vialar, colonel Henry de Castries (gendre
de La Moriciere, ami des O. Sidi Cheikh et de de Foucauld),
commandant Alfred Le Chatelier, Ie createur d'Ouargla, qui
fit fonder au College de France la Chaire de sociologie musul-
mane ou je lui Buccedai pendant 30 ans, d'ou il organisait
notre penetration au Maroc par des enquetes auxquelles il
m'associa, style «afIaires Indigenes» ameliorees et durcies,
technocratiques; en rivalite avec l'ecole, qui triompha, de
Lyautey, dont je preferais, avec Castries, Ie style, Ie charme,
la sympathie noble envers l'Islam.
Alger des 1901; Maroc 1904, a 20 ans, pour controler de
visu mon etude sur les corporations de Fes au xvI" siecle;
caravane attaquee, trahi par mon interprete arabe, je me jure
d'apprendre l'arabe (je l'apprends toujours), je cesse de boire
du yin. A la verification de mon itineraire prepare a Paris,
la superiorite eclat ante des releves de Ch. de Foucauld
m'apparait. Je l'ecris; et en 1906, quand mon livre est publie
par la S.H.A. a -Alger, je veux remercier Foucauld. Demandant
a H. de Castries: vivant? - oui, mais il a rate S:1 vie,
retire comme pretre libre du cote de Beni-Abbes - je main-
tiens ma demande - (d'un ton change) Lyautey, nomme a
Ain Sefra, dine ici ce soir; il portera votre livre a Foucauld.
A l'introduction mienne tres annexionniste, Foucauld repond
de meme (style de l'epoque) mais ajoute (premiere fois qu'on
l
lui faisait un cadeau sur son cher Maroc), aux eIoges sur ma
documentation, ceci: «j'ofire a Dieu pour vous, mes pauvres
et indignes prieres, Le suppliant de vous henir, de bemr vos
travaux et toute votre vie. »
J'avais perdu toute foi, mais cette aumi'me de paUVl'e fut
acceptee. Puis oubliee. Deux ans plus tard, elle revient sur moi.
Deux annees de travail linguistique arabe et de crise morale :
en Egypte, travail archeologique avec, en marge, escapades
violentes, deguise en fellah, milieux de hors-Ia-Ioi, rage de com-
prendre et de conquerir a tout prix l'Islam. Le Caire, trop
europe en, quitte pour Bagdad; la, chef de mission archeo-
logique officielle, mais vie ascetique, camoufie, sous protection,
« aman» d'une famille arahe de nohles musulmans; en vague
costume d' officier turc permissionnaire, chevauchoo au desert tion
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aveugle d'une compassion percutante, route du Bon Sama-
rita in de Jerusalem it Jericho (refaite Ie 31 janvier dernier
pour Ie 30' fois); appel a representer Ia France Ie J eudi-
Saint 1918 au Saint-Sepulcre durant Ie siege de VeTdun;
enquete de rapporteur de Ia Commission Interministerielle
du Centenaire de I'Algerie en 1929; restauration des CIa-
risses de Nazareth dans ce couvent qu'il avait aime (6 fevrier),
defense de la purete de son cher Nazareth ici, en Sorbonne,
Ie 17 juin 1948, reprenant Ie vreu traditionnel des docteurs
Sorhoniens (avant 1789) de de£endre l'Immaculee Conception;
vi sites des prisons. Tout cela sans grands resultats materiels.
Et tant d'autres coincidences de la grace, humainement
desolantes ou Foucauld m'a rejoint pour m'exhorter, eomme
il me l' avait eerit (30 oewbre 1909) a faire, avec Jesus, it son
Pere, «une declaration d'amour, de pur amour, dans la seehe-
resse, la nuit, l'eloignement, l'apparence du delaissement, Ie
doute en soi-meme, dans toutes les amertumes de l'amour,
sans aucune de ses douceurs ».
II avait espere trouver en moi un moyen de faire survivre
ses reuvres sahariennes - , et je n'aurai ete qu'une passerelle
pour Ie reduire a l'abandon et au detachement spirituel. Marie
Moitessier, M"'· Olivier de Bondy, sa cousine, sa grande arnie,
sa Sreur d'election, m'a affirme que Foucauld avait crn
jusqu'au bout que je viendrais prier aupres de lui au desert,
elle me iii l'aider a Ieguer son calice a nne religieuse que je
lui indiquai 1, a placer les ex-voto que Foucauld lui avait
confies, (je rallumai, avec D. Jourdain, sa lampe it la Made-
leine, a Ia Sainte-Baume).
Un des derniers. appels de Foucauld, c'est en 1950 quand il
m'a fallu aUer a Tamanrasset completer, avec ma Femme,
notre voyage de noces interrompu en 1914 a Touggourt. Par
l'avion militaire du ravitai1lement des postes fortifies du
Sahara Oriental, Ie Grand Erg, Fort Flatters, Fort Polignac,
Ghat (ou je parIai avec Madani ag Soda, Ie dernier survivant
des meurtriers de Foucauld), Djanet, Bir el Gharama, Taman-
rasset. La, dans la nuit du 19-20 octobre 1950 de II heures
du soir a 4 heures du matin, j'ai eu ma nuit d'adoration avec
Foucauld, dans son Borj; nuit noire, plus noire que notre
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I la parole de Dieu sous une forme adequate (Ie Coran est une
recitation «increee », ses consonnes isoIees signifient des idees
,\
divines). Le croyant doit .!Ion£. arriver a ...!. interj oriser », a
realiser sa priere arahe . ... L'Islam est avant tout temoignage -
(s a ada) formulant adoration du Dieu unique d'Ahraham, du
Misericordieux; Hallaj entrevit de honne heure que Ie Tawhid,
la formule de cette adoration n'est reelle que quand c'est celIe
que Dieu prononce Lui-meme ( « Laih min al-azal », d'Ansari),
celIe du Temoin Eternel (shahid al-qidam = I'Esprit). II Ie dira
, hientot: pour Ie croyant, l'invocation « au Nom de Dieu » doit
devenir «fiat» (= kun); «l'amour c'est se tenir dehout tout
pres du Bien-aime, en se renongant en entier et en se transfor-
mant en Sa configuration ». II semhle donc qu'en priant en
arahe, il ait deja ressenti une premiere touche d'unification per-
sonnalisatrice, et ressenti, pour en soufIrir sourdement, la jalou-
sie desirante de Dieu. «?ersonne n'est Ius °aloux que la
Verite Creatrice », dit uU:- hadith (la shakhs aghy ar min aI-
Haqq-Bokharj')':-« C'est l'archer qui, de suite, tend son are,
en vis ant Dieu, sans plus devier qu'il ne L'ait atteint (de ses
r fleches) ». «Celui qui considere ses reuvres perd de vue
Celui-Ia pour qui il les reuvrait; et celui qui considere Celui-
la pour qui il les reuvrait perd de vue ses reuvres ».
Apres avoir hrusquement 'choisi et ecoute, puis quitte Sahl,
de Tustar, son premier maitre en mystique, Halliij, a vingt
ans, e'en vient a Basra, on les Hiirithiya etaient lies avec les
B. Muhallah azdites, pour recevoir l'hahit monastique de sufi,
de la main de 'Amr Makki. La communaute musulmane pri-
mitive a ete fondee a Medine sous forme d'une fraternite spi-
rituelle de croyants supplantant Ie clan et la famille. Etre sufi,
~~ retrouver ceUe vie commune de comeagnonnage dont Ie
hien commun, la riere collective fait acceder ensemhle it
!!ieu, ear Imitation de u ammad, et aussi des autres pro-
phetes (ten dance universaliste). En meme temps qu'il regoit
I'hahit, Halliij contracte mariage avec Umm-al-Husayn, fille
d'Ahu Ya'qiih Aqta' Basri, mariage monogame, foyer uni
jusqu'au hout, d'au moins quatre enfants, trois fils et une fille.
dont Haliaj, durant ses ahsences, assurera la suhsistance grace
a son heau-frere, un Karnaba'i. Ce mariage, dont 'Amr Makki
fut jaloux, etahlit Hallaj it Basra, dans Ie quartier Tamim, clan
B. Mujashi', dont les Karnaba'iya, B. al'Amm, du Nahr Tira,
etaient «clients» (mawali); politiquement rallies a la rehel-
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criant Ie terrible verset coranique XV, 70, des gens de Sodome
a Lot: «ne t'avions-nous pas interdit d'accueillir aUCUIl
hote ? »); car la Loi islamique maintient que la Deite r este
inaccessible. Des lors, 'AmI' Makki rompt avec son ancien
disciple. De son cote Hallaj s'astreint it une rude discipline
d'observance rituelle, choisissant entre les rites Ie plus dur
(as'ab; par talfiq); des disciples viennent it lui, qu'il designe
en son poeme «ashitbi wakhillani »; c'est peut-etre pour eux
qu'il ecrit ses XXVII Riwiiyat, destinees it un public restreint
d'ascetes, contenant des hadith qudsi.
Revenu de la Mekke en Ahwiiz, il commence sa premiere '
predication publique, au grand scandale des sUfis; il rejette
alors l'habit sufi pour parler librement aux «gens du siecle »,
specialement aux scribes et publicains, public lettre, mais
blase et sceptique. Quelques-uns, des sunnites d'origine ara-
meenne et iranienne, ex-chretiens sortis des ecoles nestoriennes
de DeiI' Qunna, et promus viz irs it Bagdad (Qunna'iya:
B. Wahb et B. J arrith) deviennent et resteront pro-hallagiens;
d'autres, mu'tazilites et shi'ites, ces derniers gros fonction-
naires flscaux (B. aI-Fur itt, B. Nawbakht), ameutent la foulc
contre Hallaj, l'accusent de truquages, de faux miracles (dis-
tributions de vivres, de numeraire aux pauvres). Ce debut
de l'apostolat hallagien auquel il devra son nom (Halla' a1-
a.!iJ;jr = cardeur du plua.. intime secret dans les consciences )
est Jlne methode d'introspection mystigue universaliste; il \
cherche et veut fairc trouver Dieu par chacun au fond de son
arne, entrant en otage dans la necessite confessionnelle d'au- II
trui; il s'abstient de critiquer Ies denominations differen-
ciant les groupes cultuels monotheistes, par anti-qadarisme (ce
serait, dit-il, supposer que l'on se les choisit; Akhb. 45); il
faut remonter it nne Base, source des idees supremes, et de
toute comprehension (preface «sayhilr»); les formes des rites
ne sont qu'intermediaires, il faut passer outre pour en gouter
la realite divine. II use sans hesiter de la terminologie de ses
adversaires, mu' tazilites (shukr, 'adl) comme shi'ites selma-
niyens Cayn, mim, sin), pour la redresser et sublimer.
Rejeter Ie froc, dechirer Ie manteau rapiece, c'est rompre, /
la discipline de l'arcane, c'est se liVl'cr nu en spectacle au
soup~on et aux haines. «Quand Dieu prend un creur, II Ie
vide de ce qui n'cst pas Lui; quand II aime un serviteur, II
incite les autres a Ie persecuter, pour que ce serviteur vienne
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\l-
on lui fera reciter en croix Ie verset coranique XLII, 17:
«lIs crient qu'eUe se hate, ceux qui ne croient pas en l'Heure;
mais ceux qui y croient l'attendent, avec une crainte amou·
reuse, car ils savent qu' eUe est la Verite»).
II revient alors a la Mekke, pour son troisieme et dernier
pelerinage. L'essentiel du hajj, c'est 'Arafat, et, la, l'offrande
du sacrifice d'Abraham. A son pelerinage d'adieu, au moment
de l'ikmal, Ie prophete Muhammad n'a pas epuise en cette
unique fete la signification salvatrice du hajj, qui doit debor-
der de pardon sanctifiant, au dela de l'Islam, sur tous. Les
shi'ites, qui l'ont pressenti, placent apres, au dela de
l'ikmal, Ia ceremonie du Ghadir, OU Muhammad aurait trans-
fere Ie symbole d'intercession de la Ka'ba, cette Pierre Noire
et muette, a une Pierre vivante, l'mam. HaUaj comprend
que notre de sir de Dieu doit detruire mentalement en nous
l'image du Temple, pour trouver Celui qui l'a fonde, et
detruire Ie temple de notre corps, pour rejoindre Celui qui
y est venu parler aux hommes. Durant ce dernier pelerinage,
it 'Arafat (vers l'an 290/ 902), au moment de Ia Waqfa, OU
l'on crie les noms de tous ceux qu'on aime, pour qu'ils soient
pardonnes, HaUaj, reprenant lecri ritue! de la fouIe, «lab-
bayk (a Tes ordres) », demande aDieu qu'II l'appauvrisse
encore davantage, Ie fasse connaitre et exclure; afin que ce
soit Dieu seul qui Se remercie Lui-meme a travers ses levres.
On sait l'importance de la Waqfa, et de ses deux rak'a pour
les pelerins; selon Ie proverbe maghreb in, ces deux breves
oraisons sont «ces deux colombes jumeUes qui hoivent une
fois l'an et restent assoiffees toute l'annee », car eUes sont la
priere d'offrande du sacrifice (ta'rif) pour tous les chers
absents dont on prononce alors Ie nom. «On mene les vic-
times (= les agneaux) au sacrifice, mais moi, j'apporte Ie sacri-
fice de mes veines et de mon sang» (Diw. 51).
Revenu de Ia Mekke a Bagdad, Hallaj va exprimer Ie de sir
etonnant ,.de mourir :matheme, frapl!e par la Loi de I'Islam,
pour tous ( << malamati qui devient «fata»). II instaUe chez
lui une ka'ba en reduction, il prie de nuit pres des tombeaux
(Ibn Hanbal), de jour, il commence, en pleine rue, dans la
capitaIe, une serie de discours inoui's: «0 musulmans, crie- -
toil dans les sonks, durant une sorte d'extase jubilante, mais
\ lucide, sauvez-moi de Dieu... II ne me reprend pas a moi-
meme, et il ne me rend pas non plus mon ame; quelle coquet-
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de mon ame, Toi qui Te fais si tenu que Tu echappes it la
prise de toute imagination pour tout etre... » Et voici un
fragment d'oraison: «Ie parfum de Ton a roche suffit it
l'
me faire mepriser toute a creation, et l'enfer n'est rien au
• 1 e uan Tu me esertes, pardonne aux crea·
tures et non as it moi, je ne conteste Jas avec oi our moi.
meme, et ne Te rec ame pas mon du» (Akhb. 44).
Hallaj, par sa vehemence paradoxale, ravivait en bien des
creurs Ie desir d'une reforme morale de la Communaute
musulmane, dans son chef et dans ses membres; et persuadait
beaucoup de croyants de l'efficacite sociale des prieres et
conseils des saints, des Ahdfll (piliers spirituels du monde) et
de leur chef invisible du moment, Ie Temoin actuel, Ie Pole.
Nombre de hautes personnalites, selon Istakhri, virent alors
en Hallaj ce chef invisible et inspire; des secretaires d'Etat,
parents ou allies de 'Ali Ibn 'Isa et de Hamd Qunna'i (comme
Nu'man, Dawlahi, Ibn Ahi'l Baghl, M. Ibn 'Abdalhamid), des
emirs (Hy. Ibn Hamdan, Nasr Qushuri), des walis, des amsar
(comme AB. Madhara'yi, qui installera une petite Ka'ba au
Qarafa du Caire en 303), Nujh Tuluni; et des samanides,
(Akh Su'luk, Simjur, Hy. Marrudhi, Bal'ami Qaratekin), des
« mulUk » (= dahaqin : Sawi, Mada'ini), et des ashraf hache·
mites (AB. Rab'i, Haykal, Ahmad.b.'Abbas, Zaynabi). lIs
entretenaient avec lui une correspondance de direction spiri.
tuelle lui menageant sur la politi que generale une incidence;
c'est alors que Hallaj dut dedier it Hy. Ibn Hamdan, Nasr,
et Ibn 'Isa ses opuscules sur la politi que et les devoirs des
vizirs. II y avait alors, meme parmi les ulemas, un desir gene·
ral d'assainissement des rouages administratifs; on demandait
un gouvernement sin cerement musulman : un vizirat rendant
la justice, surtout en matiere fisc ale (contre les abus pervers
de fermiers generaux shi'ites, antidynastiques) ; et un khalifat
conscient des responsabilites de sa charge devant Dieu; qui
fasse agreer par Dieu les actes liturgiques de la Communaute
muhmmadiyenne (priere, hajj, jihad). On esperait que Hallaj
s'y emploierait, alors que Hallaj, pressentant une confiscation,
amie ou ennemie, de sa liberte, aspirait it s' aller cacher au
pays natal.
En 296/908, la conspiration reformiste des suunites «bien
pensants» eclate, avec l'essai, pendant un seul jour, du
khalifat «hanbalite barbahflrite » d'Ibn al·Mu'tazz; et echoue,
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2. N'y voulant pas etre Ie troisiimle, alors que rAmour n'est pas deux,
mais trois en un: «je suis l'amou!', j e suis l'amant, je suis l'aime» (Ibn
abi'l KhaYi', quatrain n° 17, ei!. Ethe).
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des canonistes et des qurra; Ibn Mukram y gagnera la riche
judicature in partibus du Caire.
Les deux jours suivants, Ie grand chambellan Nasr et Ia
Reine Mere reagissent aupres du khalife, qui, pris de fievre,
contremande l'execution; Hamid agite alors devant Muqtadir
Ie spectre d'une revolution sociale hallagienne, puis va s'en·
tendre avec Ie generalissime Mu'nis pour perdre Ies deux
proteges de son vieil ami NasI' : Akh Su'luk et Hallaj.
Le Iendemain, au sortir d'un grand festin offert it ses com·
mellsaux en l'honneur de Mu'nis et de NasI', Ie khalife Muq-
tadir signe, it. la fois, la mise it. mort de Hallaj, et la grace de
l'emir Yf. Ibn Abi'l Saj, designe (pour remplacer Akh
Su'luk,revoque) comme wali de Rayy. A la l'equete de Mu'nis,
qui s'acquitte ainsi, envers Ibn Abi'l Saj, de la meme dette
d'honneur militaire qui tenait Nasr engage (depuis 18 ans)
envers Akh Su'luk; envers deux rebelles qui, vainqueurs
magnanimes, les avaient reI aches l'un NasI', l'autre Mu'nis,
apres les avoir captures. Akh Su'luk vaincu et tue en 311,
Ibn Abil Saj enverra sa tete au khalife, par l'intermediaire
de Muflih, et it l'insu de NasI', «pour ne pas contrister NasI' ».
Le 23 dhu'lqa'da, des sonneries de trompettes annoncent que
Ie vizir procede it une execution capitale (dispositif aggrave
sous une influence shi'ite) : . il va remettre la personne de
HalIaj au preret de police 11m 'Abdalsamad; des mesures
policieres sont concertees pour parer it l'emeute. Le soil',
dans sa cellule, Hallaj s'exhorte au martyre, et prevoit sa
resurrection glorieuse (priere notee 4 par Ibr. Ibn Fatik, et
transmise l'annee suivante au cadi Ibn aI-Haddad) ":
Le 24, it. Bab Khurasan, sur Ie seuil de Ia prefecture de
police de la rive ouest, «devant une foule innombrable,»
Hallaj coiffe d'une tiare, est flagelle, intercis, exhibe, encore
vivant, sur un gibet. Amis et ennemis ont Ie temps de l'y
interpeller, tan dis que des emeutiers incendient quelques
boutiques. Ce n'est qu'it la venue de la nuit que l'autorisa-
tion khalifale (de regIe) arriva, pour Ie coup de grace; on
remit Ia decapitation au Iendemain matin afin que Ie VlZll'
assiste de jour it. Ia lecture de la sentence. Hamid, pour
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leur commune foi en l'union mystique directe avec Dieu,
source de toute charisme; brutalise alors par les gardes du
vizir irrite de ses reproches, Ibn 'Ata meurt des suites des
coups rec<us, quinze jours avant Hallaj, ayant ainsi preci-
pite, et peut-etre aggrave son supplice.
De Shibli, noble turc, ex-chambellan adjoint de Muwaffaq,
nous savons que sa conversion a la regie de vie sufie l' avait
amene (avec une crise politique en Egypte) a renoncer non
- seulement a son fief de Demawend, mais a ses etudes de droit
malikite commencees dans sa jeunesse a Alexandrie; -
Iorsque Hallaj lui apparut, a la grande mosquee d~ Bagdad,
sous la «coupole des poetes» comme Ie heraut de la splen-
cleur divine, qui transfigure Ie visage et la voix. Des lors, il
s'etait attache a lui, non sans s'adonner a des comportements
publics volontairement excentriques (<< folie» clairvoyante,
mais chronique, tan dis que celle d'Ibn 'Ata, momentanee,
avait ete inconsciente) qui lui permirent de ne pas etre
inculpe avec Hallaj; il Ie renia a demi aux deux proci~s,
puis vint, Ie oreur bouleverse, assister a son suplice, entraine
par ceux qui Ie lapidaient (il lui auraii jete une rose en
signe de defi jaloux); cherchant a Ie comprendre au dela de
la mort, OU il n'osait pas Ie rejoindre, il medita Ie mystere
du sacrifice amoureux, et y initia desormais les novices sufis,
a sa maniere : leur confiant Ie martyre de Hallaj comme un
joyau de beaute interdite - a cacher - , noncomme un
viatique d'immortalite a distribuer a tous.
D'Ibn Khafif, encore un converti, d'une famille tres en
vue a Shiraz, on sait qu'il ne vit Hallaj qu'une fois, tout
it Ia fin, dans sa prison, dans un etat d'adhesion si pleniere
a Ia volonte divine qu'il revint, convaincu pour toujours,
en depit des objections theo]ogiques de ses confreres
ash'arites (Bundar), d'avoir vu Ia un «homme de Dieu ».
Au Palais, Ie grand chambellan Nasr Qushuri, Grec converti
devenu hanbalite, loyal et courageux serviteur de la famille
imperiale, etait devenu hallagien avec toute sa maison; il
Ie resta apres la mort, osa prendre Ie deuil de ce supplicie,
ohtint du vizir, contre les consequences legales d'une mise
hors la loi, Ie maintien en lem" qualite de musulmans et la
mise en liberte de ses disciples, de son fils et de sa fille (qui
put se marier). Et au fond du harem imperial, prenant jour
sur les colonnades des dattiers dont elle avait fait incruster
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PAROLE DONNEE
d'Alep, suivi en cela par Nasir Tnsi, a admirablement
montre qu'en Ie criant, Halliij donnait volontairement 11
autrui «dispense pleniere de verser son sang»; et que ce
~
cri attestait que Dieu avait exauce sa fameuse pnere:
«entre moi et Toi, il traine un «c'est moi» qui me tour-
mente, - ah, enleve, par Ton «c'est Moi », mon «c'est moi »,
(,inniyi) hors d'entre nous deux »_
Nous savons, par Bernni, qu'il y eut des .musulmans pour
qui Ie jour de la mort de HalIiij se projeta de suite en ere
sm Ie cycle liturgique; ils noterent 1a duree de sa prison
(8 ans, 7 mois, 8 joms), la valeur alphabetique (Maryam =
Fiitir) de l'annee 290/ 902 qui marqua sa vocation definitive;
et la valeur (Ta sin) 5 de l'annee 309/ 922 qui marqua sa mort,
et qui est Ie nombre coranique du sommeil extatique des
II Sept Dormants. Mais s'il est vrai qu'un homme saint (<< tel
qu'en lui-meme enfin l'eternite Ie change ») n'acquiert E'on
visage definitif que posthume, nous devons essayer mainte-
nant de resumer les eta pes lentes et difficiles de la reincor-
poration graduelIe, dans la conscience religieuse de la Com:
. munaute musUlmane, de cet homme assionne de l'Unique,
qui ..!l~o u mourir anatheme pour que l'Islam se ~
SO"mme dans 1'Uiiite adoratrice ' de tous les hommes; reincor-
-p~'ation moins avancee que celle de leanne- d'Arc 11 la
France; reincorporation plus avancee que celIe du Fils de
Marie en Israel; dont elle est, toutes proportions gardees, la
prefigure.
Les musulmans n'attribuent de validite qu'au temoignage
oral, et ils se representent precisement l'histoire vraie de leUl'
Communaute commc un tiSflU, ou les chaines par alleles et
separees des generations succedant aux Compagnons du pro-
phete, 60nt traversees par des trames continues et perdurables,
Jes lignes de transmission (isniid) de la Tradition prophe-
tique, dont ses temoins transmetteurs constituent de genera-
tion en generation, les n<puds numerotes (depuis Muham-
mad). En particulier, la vie islamique d'une ville est caracte-
risee par la succession chronologique des temoins de la Tra-
dition qui y enseignerent. Nous pouvons donc figurer la
« reincorporation» graduelle de HalIaj dans la conscience
que les cites de la Communaute islamique ont prise de son
5. Sur eet alphabet «philosophique» (JAFR), cf. IbnSina (nawruziya)
ap. notre «Essai... », 2' ed., 1954, pp. 98 a 101.
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PAROLE DONNEE
Dne troisieme ligne, formee a Bagdad, est celle des sufis,
am is secrets de Hallaj; ils n'avouaient Ie venerer qu'a des
inities, car ils Ie consideraient comme un saint damne par
amour (damne sine die, selon les reves d'Abbasa Tusi et
d'Azaz; et dont la damnation durait encore, apres trois cents
ans, quand Ibn Arabi, et Shadhili s'aviseront de prier pour
son pardon), et consideraient que «Ia Loi muhammadiyenne
met it mort les saints », que Ia victime et Ie bourreau sont
musulmans a egalite. Apres Shibli, Nasrabadhi, Ibn Abi-
lkhayr et Shaydhala, AT. Silafi s'enhardit, publie Ia
«Hikaya» de Sharwimi (ou Shihab Tusi relevera Ie miracle
du sang) ; Khaje Abdallah Ansari it Herat, Yf. Hamadhani et
Hakim Sana'i preparent l'eclosion de l'epopee hallagienne du
grand poete iranien 'Attar.
Attar, dans sa grande epopee hallagienne, donne sa forme
definitive a Ia saintete musulmane de Hallaj, consommee dans
un sacrifice guerrier, militant et maJe; Ibn Abi'lkhayr avait
deja dit «mourir sur Ie gibet de Hallaj est Ie privilege des
heros»; Attar montre avec queUe vehemence passionnee cet
amant audacieux a «joue ' sa tete» pour conquerir" Ie joyau
de Ia Beaute divine de haute Iutte; ce combattant herolque
que Dieu finit par tuer en combat singulier, a Ia guerre
sainte, s'enduit Ie visage avec Ie sang qui goutte de ses mem-
hres mutiles, pour ne pas sembler palir. Et Ie cri supreme « je
suis Ia Verite », qu'il avait profere, se repand hors de lui avee
son sang qui couIe, ruisselle sur Ie monde ou tous Ies elements
liheres se dechainent et cntrent en tumulte, dechire Ie voile
I des idees, ressuscite Ies morts, et «carde l'univers » comme a
Ia venue du J ugement dernier (ef. Coran, CI, 4).
Tel est Ie type de saintete qu'exalterent alors, dans Ie
peuple ture nouvellement converti, Ies poemes de Yesewi,
puis de Nesimi, et Ia ritualisation symholique du «gihet de
Mansur Hallaj» dans l'initiation a l'ordre des Bektashis, dif-
fusee chez Ies janissaires ottomans. En poesie turque, Hallaj
reste Ie «saint par excellence », Ie crucifie (ou pendu) au
visage incline «comme Ia rose qui se penche» (qU51da de
Lami'i, dediee a Soliman Ie Grand) . Attar est aussi avec 'AQ
Hamadhani, a l'origine de Ia devotion des poetes de l'lran, et
des mystiques de l'Inde, pour Hallaj; du sultan Hy. Bayqara?
de Herat, qui fit peindre toute sa vie par Ie celehre Behzad,
et du sultan Husayn Shah, du Bengale, qui autorisa Ie culte
92
PAROLE DONNEE
Quelques aunees apres sa mort, des philosophes mU8ulmims
independants, A. Z. Balkhi, A. S. Mantiqi, et Abu . Hayyan
Tawhidi degagerent de la mystique hallagienne des p ercees
metaphysiques val abIes ; et A. H. Daylami publia ses grands
t
textes sur I'Essentiel Desir (qui est Dieu), signala l'originalite
de cette notion d"Isitq, voisine, dit-il, de la philosophie pre-
socratique (Empedocle, Heraclite) , qui «lui valut un grand
nombre de disciples ». Apres Ibn Sina, qui utilisa aussi la
notion d"Ishq, deux autres philosophes mU8ulmans, Suhra·
wardi d'Alep, et Ibn Sab'in de Murcie (suivi par A. H. Shush·
tari) virent dans Hallaj un saint intercesseur, non contradic·
toire, du monotheisme primitif et universel, supra.musulman;
it leur suite, meditant ses prieres d'offrande pour ses ennemis,
pour to us les hommes, plusieurs vi rent en Hallaj un Pole
spirituel attirant I'Islam vel'S l'unite finale: Najm Razi,
N. Kishi (professeur it la Nizamiya), J alaI Rumi, Ie philosophe
Nasir Tusi, Ie vizir Rashid al.Din; tous contemporains de la
desastreuse invasion mongole, et du sac de Bagdad. Le sac
de Bagdad, pressenti par les shi'ites Ismaeliens (cf. Lettre de
Hasan Sabbah) comme une double vengeance divine, contre
les Abbassides, persecuteurs des Alides et bourreaux de Hallaj
(un muqtada, lui, un temoin «donne », predicateur du secret
de l'annee 290, ou les Fatimites avaient fonde leur Refuge it
Ikjan, pres de Setif, sous Ie signe des VII Dormants d'Ephese :
les VII piliers y sont encore en place; - et mis it mort en
l'annee 309, celle de la «sortie de la Caverne d'Ephese pour
Ie Mahdi Fatimite instaure it Mahdiya), amena aussi les
shi'ites Duodecimains it associer Hallaj comme un annoncia·
teur du Mahdi avec leurs Imams, rejoignant ainsi leurs phi.
losophes (Ishkaveri, Beha 'Amili, Nul' Shushtari, Sadr Shi·
razi, Amir Damad); E. Cerulli (avec Arcadi Hannibal) a
recueiUi it Recht un «ta'ziye» moderne sur Hallaj, cet
Husayn substitue it Husayn, it la « grande victime » offerte 'p ar
Abraham sous la figure du belier.
Enfin, il y eut it chaque epoque, de fa<,;on isolee et spora·
dique, des musulmans convaincus que Ie supplice de Hallaj
avait consomme sa saintete par une grace de salut, applicable
it toute la Communaute et qu'il leur fallait la precher aux
autres : Shakir·b·Ahmad, auteur probable des Akhbar al Hal.
laj, Faris, Ibn Aqil, 'AQ. Kilani, Ie saint patron hanbalite de
Bagdad, Ruzbehan Baqli, Ie fervent commentateur de I'reuvre
94
PAROLE DONNEE
la dont Ie emur vit de de sir ». La survie posthume de Hallaj
en Islam temoigne assez que, de fa«on positive, l'amour cru-
cifie est vie et resurrection. HalIaj professait qu'un seul coup
d'.ceil amoureux de Dieu vel'S cette terre, et il en aurait «trois
par vingt minutes », attire plus pres de Lui l'esprit d'un ami
d'entre Ses amis; que par cela meme, II eleve a la place ainsi
devenue vacante, un de Ses intimes, et fait misericorde It
70.000 de ceux qui professent de l'amitie pour l'ami qu'll a
regarde en premier (Riw. 27). Sans insister sur l'aspect «apo-
tropeen» de cet enchainement d'assomptions, redisons-Ie, c'est
par l'amitie sainte nouee entre des personnes determinees,
predestinees, que se construit l'eternelle Communaute: pour
qu'y apparaissent, modalisees en toute beaute et verite, pro-
jetees des lignes de nos vies sur Ie cyle liturgique fonda-
mental, les diverses formes d'intimite divinatrice realisees
dans Ie «grand derangement» de nos souffrances et de nos
reuvres, - en union avec la volonte creatrice.
II y aura une apparition divine axiale autour de laquelle
cliver a l'humanite comme un cristal selon ses axes : celIe du
Guide des croyants militants, celIe du Juge du dernier juge-
ment (en termes d'Islam, du Qayim, du Malik yawm aI-din);
'\ suivant Ie hadith de Basri et Shafi'i ( « pas de Mahdi, si ce n'est
Jesus »), Hallaj professe que Jesus sera aussi ce Juge 8, souve-
rainement, qu'il edictera la Loi definitive en une irradiation
divine, avec double intronisation, terrestre et celeste (Riw. 23).
De telles ames amoureuses, qui ont re«u vocation de prier
et souffrir pour tous (cf. la priere musulmane des Abdal, du'a
bi'l salah, inspiree par Khadir-Elias), continuent de grandir,
et de faire grandiI', en intercedant, apres leur mort. Ni l'echec,
ni la mort ne fletrissent pour toujours Ie bon vouloir inacheve
d'ames immortelles et l'avortement pretendu de leur passe
detleuri ne les prive pas de pouvoir refleurir et fructifier enfin,
chez les autres comme chez nous-memes Notre finalite est
plus que notre origine, Hallaj l'avait deja remarque (Sh. 177 :
«quoi de meilleur, l'origine, ou la fin ? puisqu'elles ne con-
fluent point, comment choisir entre eUes deux? La fin n'est
pas saveur, de preference, mais realisation»; Sh. 175: «0
mon Dieu, s'il me vient de la tristesse It considerer la preeter-
nite, combien me console Ie Temoin de la Fin» =l'Esprit de
96
'Ir
97
L'EXEMPLARITE SINGULIERE
DE LA VIE DE GANDHI
J 'AI sous les yeux une photo de Gandhi, re~ue de New Delhi
it l'instant; prise les 26-27 janvier 1948, lorsqn'il quittait la
tomhe de Qutbaddin Bakhtyar, it Mehrauli; il y etait venu
en peIerinage d'action de graces it la tete d'un groupe de
femmes musulmanes qui avaient jeuue avec lui son dernier
jeune (12-18 janvier), jeune qui avait obtenu nne treve dans
les sanglantes represailles antimusnlmanes ou cette tombe
musulmane avait ete profanee. Derriere lui, la coupole it
jour; il redresse son grand corps emacie de vieillard de soi-
xante-dix-neuf ans, pieds nus, jambes nues jusqu'au genou,
Ie torse enveloppe avec une grande decence, tete nue; il doit
s'appuyer it gauche contre une Hindoue de son ashram; it sa
droite, tres droit, Ie gardien musnlman de la mosquee-tombe
de Qutbaddin, Hilal Qutbi, dont Ie fils Niyazi me racontera la
scene sur place, Ie 6 janvier 1953. Gandhi vena it de prier
quelques versets coraniques avec ses hotes et de renouveler
avec eux son vreu de non-violence (ahimsa) , it tout prix. II
va etre tue, Ie 30 jan:vier, par un Hindou exaspere par cette
derniere demarche, jugee provocatrice, de Gandhi: pour la
defense de la minorite musulmane de Delhi, capitale de l'lnde
une et indivisible.
Et me voici remontant dans mes souvenirs de Gandhi:
juin 1945, ou je ne pus Ie joindre a New Delhi, quand il par-
tait pour Simla; decembre ]931, quand je pus l'approcher et
recouter, deux fois, it Paris; mai 1921, quand la delegation
musulmane pour Ie Khalifat me remit it Paris Ie texte de son
« engagement» de Satyagraha, ou ,~defense de la verite»
par un vreu, nne parole donnee.
Ce texte, vieux alors de deux ans (28 fevrier 1919) me
130
GEOGRAPHIE SPIRITUELLE DES INTERCESSIONS
131
PAROLE DONNEE
durant les troubles politiques (et c'est pour cela qu'en 1947
Gandhi alIa jusqu'a Noakhali, en Bengale oriental), il main-
tint intact son appel a l'heroisme et au vreu; il dit, avec sa
foi dure : potillS mori quam foedari; une femme absolument
fidele a sa pm'ete, un homme absolument fideIe a sa parole
ne peuvent etre souilles par un impur assaillant, tant que
J'une et l'autre sont decides a mourir, plutot que de tuer
l'assaillant, ou de renier Ia verite. On insista: il concedait
alors que des volontes de femmes mal affermies pouvaient
. recourir au suicide (langue retournee ou empoisonnement)
au moment on elles se verraient assaillies. Mais Gandhi
\S.l~oyait a l'~nviola~ilite. du point vierg~ qui est au fond de
I'ame humame, DIeu, ou est notre sen ASI e contre Ie peche
et l'ordure : Ie -Feu,
On peut ricaner ' ou hausser les epaules devant Ia «nai-
vete » de Gandhi maintenallt ce cas-limite. On peut parler de
'\ suhjeetivite allorlllale; je vois, la, Ia force spirituelle du vreu,
dont Gandhi a dit magnifiquemellt «Dieu est l'essence du
vreu » ; Dieu, qui est immortel, rend incorruptible Ie corps
hagile, la parole timide de qui croit en Lui seuI.
Pour moi, qui avais deja, en 1921, experimente dans des
negociations confielelltielles, militaires, diplomatiques ou reli-
gieuses, de la part des notres, helas ! des tentatives de con'up-
tion de ma parole envers «nos» adversaires, me val ant de~
epithetes de «Don Quichotte» ou de «traitre », illtraitable
et bon a tuer, j'avais la joie de decouvrir, dans Gandhi, un
homme qui, loin d'etre decourage par ces epithetes, faisait
vreu de verite Ie ..urincipe d'une action sociale de pUl'ifi~~
~ollective autant que personnelle. Certes, l'indifferenciation
hindoue entre les categories spirituelle et temporelle que nous
introduisons, helas! dans Ia vie ascetique, evite a l'ascete
hindou de mener de front, comme certains Occidentaux, un
vreu de pauvrete personne'ile COllcurremment avec un vreu de
rapacite collective. Mais Gandhi audacieusement me prou-
vail, par ses victoires morales deja eclat antes, que Ie v.reu de
Satyagraha ctait viable, et que la non-violence etait Ia vertu
nOll des laches, mais des heros.
La est son exemplarite d'Hilldou, qui a reveIe au monde ce
secret de l'Inde, qui ll'est ni dans les tours des fakirs, ni dans
les rodomontades des yogis ' - cette humilite vierge, incons-
ciente de sa gloire, de la veuve se b1'111ant en «sati », au
132
GEOGRAPHIE SPIRITUELLE DES INTERCESSIONS
133
A LA LIMITE
Noel 1956
284
LE LINCEUL DE FEU D'ABRAHAM
285
LE LINCEUL DE FEU D'ABRAHAM
295
I~DEX DES PHI~CIPAUX NO:\IS
ET MOIS TYPIQUES
Abderrazik (M.), 24. Ibn Arabi, 279, 597. Pandya (V. H.), 404.
Abu Muslim, 366. Ibn al·Fiirid, 385. Pecaut (E.), 13.
Acadie, 250. Ibn Sina, 339. PeUiot, 423.
Aehad Ha'am, 224. Ibn Surayj, 396. Philby, 289.
Altamura, 131. icone, 38. Pleiades, 414.
Alussy, 22. ikhlas, 30. Pokrov, 16, 41.
Antsirabe. 40, 170. instant, 320. Pordic, 16.
Anwa, 352. Iqbiil 1M.), 97. Pyarelal, 404.
'Ara/at, 45. Ivanow (VI.) , 104.
Arnaldez (R.), 57. qumr, 426.
Attiir (F. D.), 92. Qutbuddin Bakhtyar, 32.
Jiibir, 346.
d'Anbigne Agrippa, 383. jardins, 315.
Roche (Pierre), 13, 413.
Rumi (Jaliil D.) 283.
Baye (eh.), 387. Ka/arbarik, 388.
Berseba, 265. Kalelkar, 408.
Benares, 418. sati, 132.
Kerbela, 128. satyagraha, 130.
Binic,20. Kierkegaard, 50.
Bloy (L.), 257. serment, 199.
Kula, 105. Shiifi'i, 386.
Boris (G.), 57. Kraus (P.), 57. Shushtari, 57.
Snouek.Hurgronje, 397.
calligraphie, 317. Labbeville, 39. Susman (V.), 411.
Canope, 426. Labrousse, 437. Sykes (M.), 286.
Castries (H. de), 372. Le Chatelier, 66. syneisaktisme, 279.
Levi (Sylvain), 408. tadmin, 339.
Deir Qonnii, 362. Levi della Vida, 435. Taha Hussayn, 24.
Desaguliers, 13, 197. Livinhac (L.), 69. Tamim Dan, 33, 435.
Dhulnun, 383. Loke,<vara, 280. Tankalushii, 435.
Deny, 425. Lounis (Mahfoud), 33. topologie, 58.
Djedda,. 287. traduction, 318.
Ma'arri, 335. Trappistes, 257.
Tusi (N), 41.
Emmerick (A. K.), 39. mat;onnerie, 196.
Madawaska, 250.
mahdi, 379. upanishads, 407.
Fakhr Farisi, 79. Magnes (Judah L.), 15. Ur, 50.
Faysal, 288. Mambre, 262. Urfe (d'), 56.
litra, 277. Marco Polo-, 432. usure, 270.
Grethe, 411, 420. Maritain (J.), 131.
Goldziher (I.), 23. Maspero (H.), 58. Vieux Marche, 33
Medine, 379. vocalisation, 336.
Melamiler, 372.
HasanBasri, 361. Mercanton (J.). VOB (Fr.) 420,
Hearn (L.), 420. Mubarae (Y), 55.
Hohenwart (M. de), 215.
Muhammad, 8'! Waarddenburg (J.), 55.
lwspitalite, 263. Muhasibi, 129.
Hourani, 421. waql, 248.
Mukteshwar, 404. Wiet (G.), 386.
Hubble, 60.
Hudhayfa, 31.
Humboldt, 436. Nedjran, 155. Yezidis, 370.
442
TABLE
443
PAROLE DONNEE
A. - Arabe
L'arithmologie dans la pensee islamique primitive .... " 299
(Extra it d'« Archeion », Rome, 1932.)
444
PAROLE DONNEE
Comment ramener it une base commune l'etude textuelle
de deux cultures: l'arabe et la greco-Iatine. . . .. . . . .. 301
(Extrait de «Lettres d'humanite» Guillaume Bude, tome II,
1943.)
Le temps dans la pensee islamique. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 319
(Extrait de «Eranos Jahrbuch XX» Rhein-Verlag, Zurich,
1952.)
Refiexions sur la structure primitive de l'analyse gram-
maticale en arabe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 327
(Extrait d' «Arabica », tome 1" , fascicule 1, janvier 1954, Brill
editeurs, Leyde.)
Voyelles semitiques et semantique musicale. . . . . . . . . . .. 342
(Extrait de l'« Encyclopedie de la Musique Fasquelle », publiee
sous la direction de Fran~ois Michel, tome I, 1958.)
L'art de I'Egypte et l'art de l'Irak. .. . . . . . . .. . . . . . . ... 347
(Extra it de la revue «lshtO.r », Paris, 1958.)
B. - H istoire
La «Futuwwa », ou «Pacte d'honneur artisanal» entre
les travailleurs musulmans au Moyen age. . . . . . . . . ... 349
(Extra it de «la Nouvelle Clio », Bruxelles, 1952 nOs 5-8.)
La Cite des Morts au- Caire.......................... 375
(Extrait des Mard,:s de «Dar-el-Salam» 1958.)
C. - «Percees »
Sortes claudelianre 389
(Extra it de «la Nouvelle Revue Fran~aise», dec. 1936.)
Preface aux lettres javanaises de Raden Adjeng Kartini,
«lava en 1900 ».. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 391
(Choisies et traduites par Louis Charles Damais avec une
introduction et des notes de Jeanne Cuisinier (Mouton
and Co, Paris, La Haye, 1960.)
La tentation de l'ascete (.uka par l'apsara Rambha:
sublimation du theme dans la devotion populaire. . .. 403
(Extra it de «Dauer im Wandel », Festschrift zum 70, 1959,
Geburtstag von Carl J. Burckhardt, Verlag Callwey, Munich.)
Meditations d'un passant aux bois sacres d'Ise. . . . . . . . .. 411
(Extra it de «France·Asie », nO 164, nov.-dec. 1960.)
Les nuages de Magellan: remarques sur leur utilisation
par les pilotes arabes dans l'ocean Indien: sous Ie
signe des VII Dormants.......................... 421
(Extrait de la «Revue des Etudes islamiques» 1961.)
445
ACHBVB D'IIIIPRIMBR SUR LBS PRBSSBS
DE L'UNION TYPOGRAPHIQUB
A VILLBNBUVB-SAINT-GBORGBS
LB 17 NOVBMBRB 1962
c::