La Décolonisation de L - Asie - Cairn - Info
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La décolonisation de l'Asie
Bernard Phan
Dans Colonisation et décolonisation (2017), pages 139 à 151
Chapitre
La décolonisation britannique
Mais en 1945, les forces politiques, comme l'opinion publique, comprirent que la 3
décolonisation était un phénomène inéluctable. Elles prirent conscience qu'une
décolonisation sans violence était encore le meilleur moyen de conserver une in luence
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dans les pays qui voulaient accéder à l'indépendance et aussi la seule garantie d'y
préserver les intérêts matériels britanniques. Les Britanniques n'avaient par ailleurs pas
de problèmes de conscience s'agissant de la Seconde Guerre mondiale. Ils l'avaient faite
de bout en bout, avaient la fierté d'avoir été un moment le seul État adversaire du
totalitarisme. Leur appartenance au camp des vainqueurs ne faisait aucun doute et était
indiscutable. La décolonisation n'était pas perçue par l'Angleterre comme une
potentielle humiliation supplémentaire. Les Britanniques, enfin, eurent l'habileté de
penser que l'adversaire le plus résolu pourrait être le partenaire le plus sûr pour les
relations à venir. Ils ne cherchèrent donc pas à opposer aux leaders nationalistes
reconnus des pantins complaisants.
En Inde, les aspirations à l'indépendance étaient très fortes et, en 1942, les Britanniques 5
avaient plus ou moins promis l'indépendance pour la fin de la guerre. C'était du moins
ce que les indigènes avaient compris. Le statut de dominion était dépassé et ne pouvait
pas constituer une réponse au « Quit India ! » de Gandhi.
Dès 1945, la situation devint très di ficile : il fallait faire quelque chose. Les discussions 6
commencèrent aussitôt après la défaite japonaise. Devant les di ficultés, Londres
proposa, lors de la conférence de Simla, de faire élire une assemblée constituante et de
mettre en place un gouvernement intérimaire. Jinnah, lors de cette conférence, exprima
le refus musulman d'un gouvernement provisoire et a ficha clairement la volonté de la
Ligue musulmane d'obtenir une partition de l'Inde. La Ligue prétendait représenter tous
les musulmans, ce que ne pouvait pas accepter le parti du Congrès qui comptait des
musulmans dans ses rangs. En janvier 1946, Londres donna son accord pour une
indépendance dans des délais courts et prépara la passation des pouvoirs.
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Tout restait à faire. Au Pendjab, les sikhs refusaient la domination des musulmans. Le 12
Pakistan était coupé en deux par l'espace indien dans le sens est-ouest. Au Bengale, les
musulmans étaient majoritaires à l'est, mais minoritaires à Calcutta.
Au Cachemire, château d'eau d'une partie du Pakistan, le maharadjah était hindou, les 14
trois quarts de ses sujets musulmans. Une lutte éclata avant le règlement de
l'indépendance. En décembre 1947, l'Inde en appela au Conseil de sécurité qui, en
janvier 1949, fit accepter une trêve sur une ligne de démarcation, en principe provisoire.
Ce di férend n'est toujours pas réglé et la ligne de démarcation tend à devenir une
frontière contestée. Haïderabad était un autre problème en suspens. Le souverain
(Nizam) était musulman et 80 % des sujets hindous. Entièrement enclavés dans l'espace
indien, les « secours » pakistanais étaient impossibles. En août 1947, il proclama son
indépendance et entama des négociations avec l'Inde qui aboutirent le 29 novembre 1947
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Certes, il y eut des violences mortelles, mais l'armée britannique ne livra aucun combat 15
qui aurait ressemblé à une guerre coloniale. Du point de vue anglais, ce fut une réussite
et la responsabilité des troubles internes ne peut guère être imputée aux Anglais.
En avril 1947, une constituante fut élue et un comité exécutif, associé au gouverneur, 18
devint un quasi-gouvernement, traité par Londres « avec la même considération » que
celui d'un dominion. Le 17 octobre 1947, un traité reconnaissait l'indépendance totale de
la Birmanie, qui décida de ne pas entrer dans le Commonwealth. En janvier 1948, un
accord militaire aboutissait au retrait des troupes britanniques, au maintien de
l'instruction des troupes birmanes par les Britanniques et à des facilités pour les forces
britanniques.
En Malaisie, Londres tenta d'organiser ses protectorats en 1946 en une Union malaise 19
autonome. Elle ne fonctionna guère et les Anglais reprirent les négociations pour
aboutir, en juillet 1948 à un État fédéral de Malaisie. La présence d'une puissante guérilla
communiste, la volonté de conserver le contrôle de l'étain et du caoutchouc naturel
conduisit le gouvernement de Londres, en 1948, à reporter son départ, en invoquant le
danger des divisions et son souci de la sécurité des populations, tout en veillant à
respecter l'évolution institutionnelle dans le sens d'une responsabilité croissante des
Malais. En 1957, la Malaisie était indépendante. En 1958, c'était au tour de Singapour.
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La décolonisation néerlandaise
La décolonisation française
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La guerre d'Indochine
Depuis 1940, le Japon occupait l'Indochine, que l'administration française, restée aux 23
ordres du régime de Vichy, continuait à administrer en essayant de préserver au mieux
les intérêts français. Le 9 mars 1945, les forces japonaises rompirent ce fragile équilibre,
désarmèrent les troupes françaises, éliminèrent l'administration et o frirent
l'indépendance aux trois États composant l'Indochine française, en échange du
maintien d'une collaboration économique dans le cadre de la Grande Asie. Pour les
nationalistes indochinois, c'était un cadeau empoisonné. Le 11 mars, l'empereur Bao-Daï
dénonça unilatéralement les accords de protectorat et décréta l'indépendance du
Vietnam. Le lendemain, Hô-chi-Minh, plus habile, lança un appel à la résistance contre
les Japonais, suivi du mot d'ordre d'insurrection générale le 10 août 1945. Ayant réussi à
pénétrer à Hanoï, il y proclama l'indépendance de la République démocratique du
Vietnam le 2 septembre, Bao-Daï, qui avait abdiqué quelques jours plus tôt, se
contentant d'être son conseiller. Pendant que se déroulaient ces événements, les alliés
avaient décidé que les Japonais seraient désarmés par les forces chinoises, au nord du
16e parallèle, et par les troupes britanniques, au sud. Roosevelt avait pensé, excluant tout
retour des Français en Indochine, que celle-ci serait dans la zone d'in luence chinoise.
C'est ce qu'il exprime dans une note à son secrétaire d'État, en 1944 :
Chaque cas doit, bien sûr, être réglé séparément, mais celui de l'Indochine est 24
parfaitement clair. Il y a cent ans que la France saigne ce pays. Le peuple d'Indochine
mérite un sort plus enviable.
Bao Daï
En 1925, la France empêcha le nouvel empereur d'Annam, Bao Daï, de mener à bien
les réformes qu'il envisageait et lui imposa comme collaborateur Pham Quynh, qui
le surveillait pour le compte de Paris, au moins autant qu'il l'aidait. Cela entraîna la
démission d'un jeune mandarin, Ngô Dinh Diêm, ulcéré par la politique française.
L'Empereur, pour occuper ses loisirs, céda à son goût pour la grande chasse et
découvrit les charmes de la Côte d'Azur. Il fut donc pour le moins maladroit de
choisir, en spéculant sur le maintien de sa docilité, cet homme qu'on avait
méthodiquement a faibli, pour l'opposer à Hô-chi-Minh, en 1947. Pendant la guerre
d'Indochine, Ngô Dinh Diêm, très hostile à la France, noua de solides liens avec les
États-Unis, grâce à son frère, qui fut évêque de Saïgon et avait été au séminaire le
condisciple de Monseigneur Spellman, archevêque de New York. Les deux hommes
partageaient un anticommunisme viscéral. Persuadés que la France n'avait pas su
s'y prendre, les États-Unis attendaient, dès avant 1954, son échec pour conserver
l'Indochine dans le camp occidental.
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19 décembre 1946, à 20 h 04, le Viet-Minh tenta un coup de main sur Hanoï, qui marque
le début de la guerre. Le renvoi des ministres communistes du gouvernement, le
glissement vers la guerre froide réduisirent rapidement la force des partisans de la
négociation. Le gouvernement français se trouva en charge d'une guerre qu'il n'avait ni
voulue, ni été capable d'empêcher et qu'il ne sut pas davantage conduire. Seul, ou
presque, avec une grande lucidité, Pierre Mendès France ne cessa de dénoncer cette
guerre ingagnable et inutile. Le MRP s'engagea résolument dans l'approbation de cette
guerre et la SFIO s'en fit la complice consentante.
N'ayant pas compris que l'on ne s'appuie que sur ce qui résiste, au lieu de négocier avec 27
Hô-chi-Minh, Paris chercha à lui opposer un adversaire plus complaisant pour les
intérêts français. La France choisit Bao Daï, qu'elle avait pourtant largement démonétisé
durant l'entre-deux-guerres. Lors de négociations assez longues, elle lui accorda, sous la
pression des États-Unis, bien plus que ne demandait Hô-chi-Minh. Les accords de la
baie d'Along permirent ainsi au Vietnam d'obtenir son indépendance sans « autres
limites que celles que lui imposait son appartenance à l'Union française ». Trois limites
existaient : le Vietnam restait dans la zone franc et la France conservait des droits dans
les champs diplomatique et militaire. Les clauses de ces accords furent étendues au
Cambodge et au Laos. La guerre d'Indochine était devenue la lutte du Vietnam de Bao
Daï, allié à la France, contre la rébellion communiste du Viet-Minh. Sur le terrain, la
majorité des troupes engagées était vietnamienne. Les États-Unis fournirent à la France
une assistance qui revint à prendre en charge près de la moitié de la guerre. Le Viet-
Minh, de son côté, bénéficia d'une aide chinoise dès 1949, qui s'accrut après l'armistice
en Corée, en 1953.
Il existe d'excellentes histoires de la guerre d'Indochine, que l'on n'envisagera donc pas 28
dans le détail. Guerre de guérilla, avec un partage de l'autorité entre le jour et la nuit, la
ville et la campagne, elle débuta par des revers français qui, fin 1950, laissèrent penser
que la France allait évacuer le Tonkin. Jean de Lattre de Tassigny réussit à rétablir la
situation en 1951, obtint un accroissement de l'aide américaine et essaya de mobiliser la
jeunesse vietnamienne pour qu'elle montre plus de résolution dans son combat contre le
Viet-Minh. Gravement malade, le « roi Jean » rentra en France au bout d'un an en
laissant sa succession au général Salan. La guerre s'étendit, géographiquement parlant,
et la France se trouva à nouveau sur la défensive. C'est alors que pour empêcher
l'extension des combats au Laos le commandement français sous l'autorité de Navarre
décida l'opération de Diên Biên Phu. Le camp retranché devait barrer au Viet-Minh la
route du Laos et permettre aux Français, dans une bataille dans laquelle l'aviation leur
donnait une supériorité indiscutable, de briser le corps de bataille adverse. Avec une
certaine su fisance, les responsables avaient sous-estimé les capacités adverses. Les
forces françaises se retrouvèrent prisonnières d'une cuvette de laquelle elles étaient
incapables de s'échapper. L'héroïsme du colonel Bigeard, de Geneviève de Galard et des
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autres, restés dans l'anonymat, n'y changea rien. Outre les morts, 15 000 hommes
durent se rendre aux troupes de Vo Nguyen Giap. Les Français blancs subirent de très
dures conditions de détention, tandis que ceux qui étaient originaires des colonies
d'Afrique reçurent un rapide endoctrinement sur la nécessité de combattre la métropole
s'ils voulaient voir leurs pays accéder à l'indépendance. Enfin, quelques o ficiers,
souvent brillants, crurent avoir compris ce qu'était la guerre révolutionnaire et
comment organiser l'action psychologique si l'occasion s'en présentait dans d'autres
combats.
Certes, la France n'était pas écrasée et elle aurait pu poursuivre le combat. Mais, pour 29
l'opinion, ce fut un réveil brutal vis-à-vis de cette guerre menée par des troupes
professionnelles et considérée comme une lutte contre le communisme. Ce choc
psychologique ressenti par le pays permit à Mendès France d'obtenir l'investiture. Il
arriva à la conférence de Genève avec une vraie volonté de mettre un terme à la guerre.
Ce qu'il put faire en s'appuyant sur le travail de son prédécesseur. Les accords de Genève
furent conclus les 20 et 21 juillet et ratifiés à Paris le 23. Trois accords mettaient fin aux
combats dans les trois États de l'ex-Indochine française. Une commission internationale
devait surveiller le retrait des combattants de part et d'autre du 17e parallèle, ainsi que
les échanges de prisonniers. Les puissances reconnaissaient l'indépendance, la
souveraineté et l'intégrité territoriale des trois nouveaux États indépendants. Dans un
délai de deux ans, des élections libres devaient être organisées au Vietnam sous contrôle
international et le pouvoir ainsi installé opérerait la réunification. Ces élections ne
furent bien évidemment jamais organisées. Cette violation des accords permit aux
États-Unis de justifier leur appui au Vietnam du Sud pour tenter de réaliser l'unité du
pays.
Pierre Mendès France, qui avait joué le rôle d'un syndic de faillite, se vit presque aussitôt 30
reprocher d'être un bradeur de la grandeur française à travers une poussée
d'antisémitisme qui a fecta une partie de la presse nationale. Un peu moins de huit ans
de guerre avaient fait perdre à la France la totalité des intérêts que ces combats étaient
censés protéger en Indochine. Jusqu'à aujourd'hui la France n'a jamais retrouvé, au
Vietnam, l'in luence que le passé lui permettrait d'exercer. Par contre, mesure de la
puissance, après quinze ans de guerre contre les États-Unis, on e fectue ses achats au
Vietnam en dollars.
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La Conférence de Bandung
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Plan
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La décolonisation néerlandaise
La décolonisation française
La guerre d'Indochine
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