Enquête Sur Les OVNIS - Voyage Aux Frontières de La Science
Enquête Sur Les OVNIS - Voyage Aux Frontières de La Science
Enquête Sur Les OVNIS - Voyage Aux Frontières de La Science
ENQUÊTE
SUR LES OVNI
VOYAGE AUX FRONTIÈRES
DE LA SCIENCE
Préface de
Jacques Benveniste
Non siamo fatti per vivere comme bruti
ma per seguir la virtù e la cognoscença 1
Dante, L'Enfer.
1 Nous ne sommes pas faits pour vivre comme des imbéciles, mais pour suivre les chemins de la vertu
et de la connaissance.
Préface
Aux marches de la science
La science en marches... cette collection aurait pu s'appeler aussi bien Eppur si
muove , et pourtant elle tourne. Est-ce à dire que les auteurs se prennent, en toute mo-
destie, pour Galilée ? Leur ambition n'est que de chercher et, si possible, de trouver des
réponses à certaines des questions posées à et par la science contemporaine, et, en premier,
l'une des plus angoissantes : pourquoi des chercheurs scientiques, des biologistes, des mé-
decins, dont la fonction implique des sens en éveil et un esprit ouvert, se comportent-ils
dans certaines circonstances comme des aveugles sourds au progrès scientique ? Pourquoi
ces luttes acharnées qui s'apparentent plus à des combats de chefs luttant pour leur terri-
toire qu'à un accueil, rationnel et raisonnable, des interrogations, des interpellations, que
suscite le mouvement même de la science ? Pourquoi les décideurs politiques se laissent-ils
phagocyter les neurones par le complexe scientico-industriel qui pousse vers toujours
plus de la même chose ?
Au cours de ces voyages dans la galaxie Science, on se trouvera face à au moins quatre
paysages :
1o Un chercheur, quel que soit son niveau scientique, quel que soit son degré d'ap-
partenance à l'Establishment, trébuche, au hasard d'un processus expérimental, sur un
résultat étonnant. On verra que, les choses étant ce qu'elles sont, il va presque toujours
l'étouer à la naissance, la lutte pour la survie de ce bébé-résultat risquant de compro-
mettre l'ensemble de son ÷uvre scientique. S'il persiste, il sera immédiatement rejeté par
le Léviathan institutionnel selon un processus de type immunologique, et reconnu comme
non-soi , étranger au corps constitué de la Science.
2o Un chercheur s'aperçoit qu'une théorie existante est erronée ou qu'elle ne recouvre
plus l'ensemble de la connaissance ou ne constitue pas un outil heuristique adapté à
certains problèmes dont la solution devient urgente. S'il est un scientique, et comme tel
ressent profondément l'exigence, consubstantielle à la science, d'un processus constant de
modélisation théorique, il risque de s'engager sur un travail de recherche en confrontation
certaine avec les théories dominantes. Le mécanisme de rejet se met en marche. Ils (le
chercheur, ses résultats, sa théorie nouvelle) seront à coup sûr rejetés, laminés, éliminés.
Rien d'étonnant à cela, dira-t-on, toutes les Églises font de même. Oui, mais il s'agit ici
d'une Église dont le dogme est de n'en avoir pas, dont la règle est de changer constamment
de règle, dont l'idéologie est celle de l'ouverture vers le monde, la nature et ses solutions
dont l'innie variété dée l'imagination. Ces geôles de l'esprit, c'est au nom de la liberté
de chercher qu'elles s'ouvrent et se referment !
v
vi PRÉFACE
vii
Introduction
Une bien curieuse machine
Plat sur le dessous et bombé sur le dessus, l'objet était parfaitement rond. Il devait
mesurer huit ou neuf mètres de diamètre et brillait d'un éclat métallique. J'évaluais son
épaisseur à un mètre et demi, tout au plus. A sa partie la plus haute on distinguait un
large orice de près de deux mètres de diamètre, aux bords arrondis. Au centre émer-
geait une espèce de bulbe, d'ogive métallique, qui dépassait d'une bonne cinquantaine de
centimètres.
Cet engin discoïde était ceinturé par une sorte de jupe annulaire. A la jonction on
distinguait donc une fente circulaire, qui taisait tout le tour et qui devait faire cinq à
sept centimètres de large. Comme il était distant du sol d'une trentaine de centimètres, je
supposais qu'il devait reposer sur des béquilles, ou sur une sorte de train d'atterrissage.
Sur la partie supérieure deux t cockpits transparents faisaient saillie.
Je m'approchai pour le voir de plus près. Le hangar était désert et il semblait n'y avoir
personne aux alentours. A travers une des bulles vitrées on voyait très bien le siège du
pilote. L'autre cockpit était factice et contenait apparemment des instruments de mesure
et des enregistreurs destinés aux essais en vol. Je supposais que sa présence se justiait
pour donner à l'ensemble de la machine une parfaite symétrie au plan aérodynamique.
Après des études à l'École Nationale Supérieure de l'Aéronautique de Paris, j'avais
obtenu en 1961 une bourse pour eectuer un stage aux États-Unis, au James Forrestal
Center, rentre de recherche dépendant de l'université de Princeton. Celui-ci était dirigé
par un certain professeur Bogdano. Ayant eectué les formalités d'accueil à l'université,
j'avais voulu rejoindre sans attendre le laboratoire où j'étais censé travailler et j'étais
arrivé au moment où tout le monde était parti déjeuner. J'avais alors erré dans les lieux,
au hasard. Parcourant des halls déserts, emplis de soueries, de bancs d'essai, j'étais
tombé sur une porte portant la mention Restricted area. Authorized persons only ,
c'est-à-dire Secteur dont l'accès est interdit à toute personne non munie d'un laissez-
passer .
Cette porte n'étant pas fermée, j'avoue que je ne résistai pas à la tentation de faire
une rapide incursion dans ce secteur interdit, pensant, au cas où je serais surpris dans les
lieux, qu'il me serait toujours possible d'invoquer ma connaissance imparfaite de l'anglais.
Dans ces nouveaux halls d'essai, tous aussi déserts que les précédents, les maquettes
ressemblaient à des assiettes accolées. Je ne jetai qu'un coup d'÷il rapide à ces montages.
C'est alors qu'en poussant une dernière porte, je tombai sur un monstre métallique assez
impressionnant.
1
2 INTRODUCTION
5
Chapitre 1
La Saga
Toute ressemblance avec des personnages ou des situations imaginaires serait pure-
ment fortuite.
Après cette visite au James Forrestal Center de Princeton, ces es machines volantes
rondes me sortirent de l'esprit pendant prés de quatorze années. A mon retour des États-
Unis je travaillai d'abord à la mise au point des fusées à poudre destinées aux futurs
missiles des sous-marins nucléaires français. Ces moteurs connurent des débuts diciles
et il y eut de nombreuses explosions, très spectaculaires. Quand un propulseur explosait,
la détonation des dix tonnes de poudre qu'il contenait projetait des débris à plus d'un
kilomètre. Les fusées étaient essayées soit dans une sorte de fosse, auquel cas elles Cra-
chaient leurs ammes à 45 mètres vers le haut avec un bruit dont on peut dicilement
avoir idée, soit à partir d'une sorte de chariot monté sur des roues de chemin de fer, qui
reposait alors sur des rails. Ce dernier montage donna un jour lieu à un incident assez
original pour être rapporté.
Le régime de combustion d'un moteur de fusée à poudre dépend de la pression qui règne
à l'intérieur. La seule façon de stopper un tel moteur est d'y créer une baisse brutale de
pression en ménageant un ou plusieurs orices supplémentaires, outre l'orice naturel de
sortie que constitue le col de tuyère. On se débrouille d'ailleurs pour que cette ouverture se
fasse automatiquement à travers des diaphragmes ayant une limite de résistance donnée,
ce qui provoque en principe l'extinction immédiate du propulseur en cas de surpression
accidentelle.
L'une des fusées essayées sur un tel banc avait un diaphragme de sécurité situé sur
l'avant, juste dans l'axe. Pendant un essai il y eut une surpression et celui-ci, jouant son
rôle de système de sécurité, se brisa. Malheureusement, non seulement cela n'entraîna pas
l'extinction du propulseur, mais la rétro-poussée correspondant à cette éjection de gaz
vers l'avant se trouva être supérieure à celle de la tuyère, dont l'orice de sortie était plus
petit.
Personne n'avait pensé à cela. La fusée s'appuyait sur une culée identique à un butoir
de chemin de fer, capable de résister à des poussées cent fois supérieures, mais rien n'avait
été prévu pour la retenir en cas de départ en marche arrière. Elle quitta donc les quelques
mètres de rail constituant son support et partit en cahotant sur le sol dur et caillouteux de
la Crau, dardant deux magniques jets de ammes de 30 mètres, à plus de 2 000 degrés,
l'un dirigé vers l'avant, l'autre dirigé vers l'arrière. L'ingénieur chargé de l'essai et qui, du
7
8 CHAPITRE 1. LA SAGA
fond de son blockhaus de béton, avait l'÷il rivé sur l'oculaire de son périscope, incapable
de faire quoi que ce soit, se contenta de la regarder passer. Elle partit donc en direction
du poste d'entrée où le gardien se trouvait totalement dépassé par les événements. Le
manquant de quelques mètres elle s'arrêta, ayant consumé sa charge de poudre, non sans
avoir volatilisé la clôture grillagée sur son passage.
Je ne sais si les ingénieurs qui travaillaient sur ce projet, qui devait déboucher sur un
missile mégatonnique anti-cités, se rendaient réellement compte de ce qu'ils faisaient. Ce
problème n'agitait strictement personne en vérité. C'est un peu le drame de cette technique
militaire moderne où chacun n'a en charge qu'une seule pièce du puzzle. Le motoriste
cherche à faire des fusées qui fonctionnent, l'atomiste s'eorce de fournir le meilleur des
plutoniums possibles, chacun de ces hommes travaillant comme un boustrophédon (de
boùs, le boeuf et strophédein, le sillon) sans lever le nez de son ouvrage, construisant, sans
le savoir, la meilleure des guerres nucléaires possibles.
On s'ennuyait quand même ferme dans ce centre. Une fois tous les deux mois on pro-
cédait au tir au banc de ces puissantes fusées. Leur guidage devait être assuré par rotation
de quatre tuyères coudées, mues par des vérins. On peut d'ailleurs voir ce dispositif sur un
modèle exposé au musée de l'Air du Bourget. Les ingénieurs cherchaient donc à s'assurer
que le système de tuyère rotative obéissait bien aux ordres donnés par le vérin.
A l'époque ces tuyères avait été mal dessinées et les gaz brûles, pleins de particules
métalliques, passaient allègrement dans le plan de joints, en attaquant tel un formidable
abrasif les roulements à billes de cette jonction partie xe-partie mobile. Dans les premières
secondes du tir on voyait osciller le jet de ammes et le hurlement des gaz évoquait
l'ahanement d'un formidable dragon tapi au fond de la fosse. Puis le jet devenait xe et
le bruit constant, ce qui signiait que les roulements à billes avaient vécu. Il susait alors
de compter jusqu'à trois pour voir la tuyère, cisaillée au niveau du plan de joints, partir
dans la nature.
Quand le propulseur avait ni de brûler, les pompiers d'astres se précipitaient pour
arroser le propulseur ainsi amputé et le refroidir avec leurs lances. En même temps du
blockhaus voisin, telle une fourmilière, surgissait un certain nombre de personnages, dont
des militaires chamarrés, qui accouraient vers le monstre fumant, enn silencieux, en
discutant à perte de vue des eets et des causes.
Pour gagner du temps les pompiers déroulaient leurs tuyaux avant les essais. Un jour,
alors que les huiles bourdonnaient déjà autour de la bête, un jeune pompier, visiblement
peu expérimenté, ouvrit sa lance alors que ses deux talons étaient précisément en appui
sur l'un des tuyaux. Du fait du recul il tomba sur son séant et perdit pendant plusieurs
secondes le contrôle de sa lance, arrosant copieusement généraux et amiraux dans le style
du premier lm des frères Lumière.
le gaz. Nous passerons sur les Mails de cette technique car cela n'est pas vraiment utile
pour suite.
Au moment où les chercheurs du monde entier se lançaient ans cette nouvelle aven-
ture, lors du congrès de Newcastle en 1964, le professeur Shendlin, chef de la délégation
soviétique, annonça soudain :
J'ai amené avec moi un jeune chercheur. Il n'était pas revu dans ce congrès, mais
je crois qu'il a des choses importantes à nous dire.
Ce chercheur s'appelait Velikhov. C'était un petit bonhomme tout rond, avec les yeux
pétillants d'intelligence. Il expliqua calmement que les générateurs MHD bi-températures
allaient être le siège d'une instabilité qui allait anquer toutes leurs performances par terre.
On ne le crut pas une seconde, mais six mois plus tard cette terrible instabilité qu'il ait
découverte et prévue par ses calculs condamnait tous les forts des chercheurs du monde
entier, y compris au CEA.
C'était le bide scientique complet, comme pour la fusion contrôlée.
Les ingénieurs du CEA, assemblés au chevet de leur machine Typhée décidément bien
malade, multipliaient les colloques. C'est à cette occasion que je s personnellement la
connaissance de Velikhov et de son compagnon Golubev lors d'une réunion à Fontenay.
Les Soviétiques dominaient complètement les Français, scientiquement, lesquels ne s'en
apercevaient pas une seconde. Tous les Occidentaux en général espéraient encore que cette
histoire d'instabilité allait se résoudre d'une manière ou d'une autre. C'était la première
fois que cette bande de jeunes Russes venait à Paris et ils passaient toutes leurs nuits à
Pigalle à faire la fête. Un nommé Popov nous contait chaque matin le dernier spectacle
de femmes nues et emplumées auquel il avait assisté, avec un enthousiasme intarissable.
Si le courant ne passait pas dans la tuyère de Typhée, il ne passait pas non plus entre
les ingénieurs du CEA et la délégation soviétique. Porteurs de si mauvaises nouvelles, ces
Russes étaient perçus quasiment comme les responsables de ce qui arrivait. Et puis ils
étaient si ridicules avec leurs pantalons trop larges, leurs chaussettes qui dégringolaient
et leurs allures de paysans. On n'était guère qu'en 1965 et l'ingénieur moyen du CEA ne
dédaignait pas de lancer la petite pique anticommuniste dès que l'occasion s'en présentait.
Le dernier jour, j'invitai Velikhov et Golubev à dîner chez mes beaux-parents, qui
vivaient à Paris. Ils arrivèrent avec des kilos de caviar et des piles de disques, en guise de
cadeaux.
Mais... c'est beaucoup trop...
Que voulez-vous, répondit le futur vice-président de l'Académie des Sciences d'Union
Soviétique, personne ne nous a invités, sauf vous.
Mais l'excitation liée à cette découverte scientique, présentée lors d'un grand colloque
international, allait passer au second plan à la suite d'un intermède brutal : mai 68.
de 4 000 degrés. Au-delà, cela ne pouvait tout simplement plus marcher. On avait gagné
un peu en divisant la température de fonctionnement de moitié, mais l'obstacle restait
infranchissable. Adieu les rêves de brevets et de royalties sur de fantastiques applications
industrielles. Je leur abandonnai donc un bateau qui était en fait en plein naufrage.
Toujours est-il que dans ces années cinquante-soixante-dix tous les systèmes de pro-
pulsion MHD furent envisagés : en continu, en pulsé, avec ou sans eet Hall, à fort ou
faible nombre de Reynolds magnétique. Le lecteur intéressé trouvera une description de
ces systèmes dans de nombreux ouvrages1.
Mais tous ces accélérateurs étaient internes. Imaginez qu'on ait inventé la turbine,
mais non l'hélice et le rotor et que tout d'un coup quelqu'un se soit dit :
Pourquoi ne pas faire prendre l'air à cet ensemble de pales rotatives en le mettant
tout simplement à l'extérieur ?
En cette journée de 1975 je passai la n de la journée à reprendre chacun de ces sys-
tèmes en les inversant géométriquement. Je mettais les électrodes sur les parois externes,
j'épanouissais le champ magnétique dans l'air ambiant, au lieu de le conner dans les
entrailles du propulseur, je localisais la décharge électrique à l'extérieur de la machine.
Il sortit de cette journée tout un tas de dessins très variés qui recouvraient presque
totalement le carrelage du salon. Il y avait des engins cylindriques, d'autres sphériques.
Mais les aérodynes les plus intéressants énergétiquement avaient une particularité : ils
avaient la forme de disques.
lorsque la pompe eut fait décroître la pression susamment. Ce fut d'abord une lueur
rougeâtre, diuse, très accentuée au niveau des électrodes, ce qui les faisait ressembler à
des hublots. Puis la lueur s'épanouit dans l'environnement de l'objet.
Tu es satisfait ?
Eh non, regarde, ça n'est pas stable. La décharge électrique che le camp loin de la
paroi de l'objet. C'est l'inverse de ce que j'espérais.
Eectivement les jets de courant, au lieu de rester plaqués contre la paroi, ressemblaient
à une fontaine lumineuse et jaillissaient de chaque électrode en gracieuses arabesques.
Esthétiquement c'était très réussi, mais scientiquement, cela ne collait pas du tout avec
mon modèle, avec ce que j'avais publié à l'Académie des Sciences. J'avoue que j'étais un
peu dépité.
Pendant les semaines qui suivirent j'essayai de comprendre ce qui avait pu se pas-
ser. Pourquoi ma décharge électrique ne suivait-elle pas le plus court chemin que je lui
proposais ?
Le calcul me donna l'explication, une fois de plus. Dans les conditions où nous tra-
vaillions, qui sur ce point seraient assez semblables à des expériences menées dans l'atmo-
sphère, le champ magnétique avait tendance à souer la décharge loin de la paroi.
Cela paraissait insoluble. Il fallait un champ magnétique à l'endroit de la décharge
pour que la combinaison courant de décharge-champ magnétique crée le champ de force
adéquat agissant sur le gaz. Mais je ne pouvais apparemment localiser les deux dans la
même région de l'espace. Je voyais mal comment un solénoïde pouvait créer un champ
magnétique qui croîtrait lorsqu'on s'en éloignerait.
Des problèmes de rendement propulsif m'avaient d'emblée orienté vers des machines à eet
Hall fort4, donc discoïdales, et voici que le connement pariétal du plasma nous fournissait,
comme seule solution possible, une géométrie bien singulière pour une machine volante.
4 Lorsque le champ magnétique dépasse une certaine valeur, la direction de l'écoulement du courant
cesse d'être colinéaire à celle du champ électriqueE . Les électrons marchent en crabe vis-à-vis de la di-
rection du champ E . Les vecteurs courant et champ font alors un angle Θ, dit angle de Hall, proportionnel
à la valeur locale de B .
Chapitre 3
Voyage au pays de l'OVNI
Depuis l'aaire Kenneth Arnold (inventeur du mot soucoupe volante) en 1947, les
gens étaient allés de déception en déception. Comme aucun scientique n'avait voulu se
mouiller dans cette histoire, cela avait laissé le champ libre à toutes sortes de spéculations
plus ou moins sérieuses. Avec le temps certains avaient ni par considérer le phénomène
OVNI comme quelque chose de foncièrement incompréhensible. Comment voulez-vous,
disaient-ils, comprendre quoi que ce soit à une science qui a peut-être des millions d'années
d'avance sur nous ?
Il est vrai que les modélisations véhiculaires des pauvres terriens avaient été bien
légères. Un Français nommé Plantier, par exemple, lieutenant de l'armée de l'air, avait
publié un petit opuscule où il développait sa théorie basée sur un champ de force agissait
sur l'ensemble de l'objet et de l'air ambiant. Quel champ de force, créé par quoi ? Mystère...
D'autres ne juraient que par l'antigravitation. C'est simple, disaient-ils, vous prenez
le vecteur pesanteur. Ça c'est la gravitation. Vous le faites alors tourner de 180et vous
obtenez... l'antigravitation. Comment ? Ah ça, ne me le demandez pas. Je ne suis pas
physicien. Je lance une idée, c'est tout.
On se serait cru à l'époque où la peur du vide était censée faire monter le mercure
dans les baromètres. Certains voulaient prouver que les OVNI suivaient des trajets bien
particuliers, le long de failles de l'écorce terrestre, pour mieux exploiter l'énergie tellu-
rique .
Un certain docteur Pagès prétendait, quant à lui, avoir fait des expériences de
dé-gravitation. Il susait, disait-il, de faire tourner un objet très vite sur lui-même et cela
réduisait son poids. Mais ces expériences ne marchaient pas n'importe où et n'importe
comment. De temps en temps, de l'aveu de Pagès, des forces occultes contrariaient le
succès de l'opération, particulièrement lorsque de véritables scientiques étaient présents.
Je crois que j'ai une explication sur ce sujet précis. Si on prend un disque qui présente
une diérence de rugosité sur ses deux faces et qu'on le fait tourner très rapidement avec la
face la plus rugueuse vers le haut, une légère dépression se créera sur celle-ci. Mais il s'agit
là d'un phénomène simplement aérodynamique, qui n'a rien à voir avec une altération de
son poids. Le pauvre Pagès s'était peut-être un jour laissé prendre, en toute bonne foi, aux
pièges de la loi de Bernoulli, et il ne serait pas le premier. Personnellement, plus j'avance
dans la connaissance de l'aérodynamique et plus je me demande si ça n'est pas l'esprit
malin de la physique.
25
26 CHAPITRE 3. VOYAGE AU PAYS DE L'OVNI
Je crois que l'interprétation la plus étonnante que j'aie connue est celle que m'adressa
en 1976 un correspondant : Je sais comment marchent les soucoupes volantes. Au centre
de celles-ci se trouve une table, et autour de cette table douze adolescents pré pubères en
état d'extase lévitatique.
Aux États-Unis apparaissait un courant d'interprétation par le paranormal dont le
maître à penser se voulait être le Français Jacques Vallée, émigré sur la côte ouest. Com-
ment pouvez-vous être sûr, disait en gros Vallée, que ce phénomène que subit le témoin
réside réellement dans notre espace-temps ? Qui vous dit que cela n'est pas la manifesta-
tion d'entités appartenant à d'autres dimensions, inconnues de nous ?
Le phénomène était alors apparenté aux poltergeists, provoqués par les médiums.
Quant aux petits humanoïdes échappés des soucoupes, ils rejoignaient la cohorte des elfes
et des farfadets.
J'aurais pu constituer un dossier assez curieux du courrier en provenance de lieux du
monde parfois assez lointains. Un ancien pilote de l'U.S. Air Force, retraité, qui avait vu
des photographies des expériences que nous avions faites et qui avaient été publiées par
une revue américaine, s'orait pour être le pilote d'essai de notre soucoupe. Je répondis :
OK, si vous mesurez moins de sept centimètres.
Un gosse du Nebraska m'envoya une simple carte : How much do you charge for a
saucer ? (Combien coûte une soucoupe volante ?)
Chaque semaine je parcourais des dossiers, mémoires, qui m'étaient adressés et avaient
parfois transité par le CNRS, qui n'en pouvait mais. Pseudoscience, parascience, patas-
cience, toutes les variantes de la théorie du mouvement perpétuel ou de l'extraction d'éner-
gie à partir du vide y passaient. Je découvrais toute une population de scientiques du
dimanche, parfois attendrissants, transformant leur garage en laboratoire et leur jardinet
en centre d'essai.
Un jour, un septuagénaire m'envoya un rapport. Il avait modié les équations de la
mécanique de manière étonnante1. Ses calculs prédisaient alors l'apparition d'une portance
quand on faisait circuler une chaîne sur trois poulies formant un triangle dans un plan
vertical. Passant carrément à l'acte, il avait construit une machine imposante, mue par un
moteur de quatre chevaux, dont il m'envoya la photo et qu'il essayait chaque dimanche
dans son lotissement.
Je restai un jour vingt-quatre heures en échec devant une fantastique machine à
antigravitation . Elle était constituée d'un bâti solidaire d'un carter de plexiglas trans-
parent. Celui-ci contenait un disque de polystyrène d'une soixantaine de centimètres de
diamètre et de 4 centimètres d'épaisseur, xé à l'aide d'un moyeu d'aluminium sur l'axe
vertical d'un moteur électrique. Un système électronique à impulsions, fort complexe, mis
au point et construit par l'auteur, accélérait ce disque de telle manière que sa vitesse an-
gulaire croisse selon la racine carrée du temps. Cet ensemble, qui pesait 4 kilos, reposait
partiellement sur une balance située en dessous et pendait à une celle xée à un portique
fait de cornières. L'expérimentateur, en jouant sur le déplacement vertical du support
de sa balance, se débrouillait d'abord pour que celle-ci supporte 2 kilos, tandis que le l
encaissait le reste du poids. Il branchait alors le moteur et le disque en polystyrène se
mettait en mouvement en ronronnant. On voyait alors l'aiguille de la balance bouger en
1 Pour le physicien, cet animal avait ajouté un terme supplémentaire au classique, F = mΓ qu'il traitait
alors comme un développement en série. Une véritable physique-ction , très structurée.
27
trapéziste dont les pieds reposeraient sur la balance tandis que ses mains, agrippées à la
barre xe, encaisseraient la moitié de son poids. En remontant légèrement les jambes il
soulageait la balance en reportant une charge supplémentaire sur la barre.
L'inventeur savait d'ailleurs très bien que l'eet de dé-gravitation disparaissait lors-
qu'on supprimait la celle en laissant le bâti reposer totalement sur la balance. Il avait
travaillé dix années sur cet eet, dépensant ses maigres économies, construisant labo-
rieusement des montages de plus en plus compliqués. Il avait par ailleurs élaboré une
pseudo-théorie en assimilant l'espace-temps à un uide incompressible.
Pendant quelques minutes je regardai ce rêve d'un homme dont les yeux brillaient
d'espoir et de erté parce qu'un directeur de recherche au CNRS avait enn consenti à
examiner son travail. Personne n'avait jamais voulu prêter attention `a cet eet qui hantait
ses nuits. Lorsque je lui donnai mon interprétation, j'eus l'impression de pulvériser un vase
de Chine avec un marteau. Mais que pouvais-je faire d'autre ?
On aurait pu faire un livre intitulé La Science en folie avec tous ces dossiers. Mal-
heureusement je réalisais les dégâts que pouvaient faire ces adorables zozos dans l'esprit
des scientiques qu'ils assaillaient et des employés des ministères dont ils faisaient le
siège. Perdu au milieu de cette faune extravagante, j'étais en quelque sorte l'exception qui
conrmait la règle.
Je reçus un jour la visite d'un personnage moustachu, bien connu dans le milieu sou-
coupique, porteur d'une grosse médaille de bronze suspendue à son cou. Avec ses lunettes
d'écaille et son cou particulièrement bref, il avait des allures de coléoptère et me faisait
penser à Jiminy, la petite conscience de Pinocchio. En prenant un air de conspirateur il
me dit :
Ces idées que vous avez eues, croyez-vous que c'est un hasard ? Nous sommes sous
contrôle. Vous recevez des messages télépathiques, c'est tout. Ils nous manipulent.
Ils c'étaient les créatures du subespace, émergeant d'autres dimensions, les puis-
sances occultes.
Nul en télépathie, incapable de tordre la moindre fourchette à distance, rationaliste
aux chaussures de plomb, je me sentais extrêmement mal à l'aise lors de telles rencontres.
3.1 Condon
Dans cette période de l'immédiat après-guerre, la question OVNI n'avait pas laissé
certains gouvernements indiérents, à commencer par le gouvernement américain2. Dans
les années quatre-vingts je pus compulser les mille pages de documents arrachés à la CIA
par des associations ufologiques d'outre-Atlantique à la suite d'un long procès. Vous savez
peut-être que tout ce qui n'est pas ociellement considéré comme secret aux États-Unis
est en principe accessible au contribuable américain, ce qui est loin d'être le cas dans notre
pays.
J'ai conservé la copie de quelques documents. L'un d'eux est tout à fait extraordinaire.
Il y est fait mention de missions de renseignement américaines, eectuées au-delà du rideau
2 L'histoire du phénomène OVNI, principalement vue du côté américain, est agréablement décrite, à
travers une bande dessinée, dans l'ouvrage de Lob et Gigi paru aux éditions Dargaud et intitulé : Les
Apparitions OVNI.
3.1. CONDON 29
de fer, dans le but de chercher à savoir si ces mystérieux objets volants ne pourraient pas
émaner d'une puissance du pacte de Varsovie.
La démarche était tout à fait logique. N'oublions pas qu'en 1945, avec l'explosion de
la première bombe atomique sur Hiroshima, les Américains s'étaient convaincus qu'une
découverte scientique pouvait, convenablement négociée, modier totalement le cours
de l'histoire. Ailleurs, d'autres scientiques auraient très bien pu avoir mis la main sur
quelque chose du même acabit, introduisant ainsi un risque potentiel considérable.
La conclusion de la mission était que les agents américains avaient nalement pris
contact avec leurs homologues soviétiques, dont la réaction avait été, toujours selon ce
rapport de la CIA : Nous pensions que c'était votre pays qui nous envoyait ces mysté-
rieuses choses rondes.
Se non è vero, è bene trovato.
Les deux puissances s'étaient donc rassurées mutuellement.
D'autres documents portent sur cette fameuse commission montée, à la demande du
président des États-Unis, par le professeur Condon, célèbre physicien américain3.
On sait que l'astronome Allen Hynek4, sollicité pour en faire partie, avait démissionné
au vu d'un document introductif distribué par Condon à tous les membres de la commis-
sion et qui indiquait, avant le début de toute enquête, les conclusions négatives auxquelles
ceux-ci devraient parvenir.
Ce que les documents de la CIA révèlent, c'est la teneur des conclusions de la com-
mission, énoncées par Alvarez, le scientique qui avait procédé, à Tinian, au montage du
détonateur de la première bombe A destinée au Japon. L'essentiel était résumé dans l'idée,
présentée avec insistance, que ce phénomène ne semblait pas présenter de danger pour
le territoire des États-Unis. Le second point était que la commission n'avait pas trouvé
là matière à une étude scientique. En revanche, comme on estimait que ce phénomène
risquait d'entraîner un certain désordre et une agitation sociale, on souhaitait vivement
que tout soit mis en ÷uvre pour désintéresser le public américain de ce sujet. Le rapport,
paru en 1969, suggérait entre autres que des scientiques reçoivent une formation qui leur
permette de ramener le contenu des observations à un ensemble de phénomènes naturels.
Six ans plus tard, ignorant totalement tout cela et à la suite d'un hasard scienti-
que, c'est-à-dire cette question d'onde de choc, j'avais construit un modèle qui tombait
réellement comme des cheveux sur la soupe.
Depuis son observation avignonnaise Lucien s'était intéressé aux OVNI. Il connaissait
un certain nombre de personnes. L'une d'elles était un ingénieur du CNES nommé Claude
Lebher. À l'époque, il y exerçait les fonctions de chef du département fusées/sondes. Je
l'avais vu épisodiquement à la télévision, dans de rares émissions consacrées au problème.
Une de ses phrases m'avait frappé. Une journaliste lui avait un jour demandé :
Et si les OVNI sont réellement des machines venues d'autres planètes, pourquoi ces
êtres ne prennent-ils pas contact avec nous ?
Ce à quoi Lebher avait répondu : Trouveriez-vous utile d'adresser la parole à des
3 En date du 6 octobre 1966 : signature du contrat de l'étude dirigée par Condon avec l'université du
Colorado, 9 janvier 1969 : publication du rapport Condon. 17 décembre 1969 : l'Air Force met ociel-
lement n à son enquête sur les OVNI en décidant de dissoudre la commission d'enquête Blue Book
Project , installée à la base de Wright Patterson, à Dayton (Ohio).
4 Voir l'ouvrage d'Allen Hynek, Les Objets volants non identiés, Robert Laont, 1974.
30 CHAPITRE 3. VOYAGE AU PAYS DE L'OVNI
singes ?
J'avais trouvé cela assez amusant.
Début 1976 je reçus donc sa visite. Il m'annonça d'emblée que nos travaux s'inscri-
vaient dans le cadre d'une réexion beaucoup plus vaste correspondant à un rapport qu'il
s'apprêtait à adresser à sa direction générale et qu'il me demandait de cosigner. Il avait
eectivement tenté d'imaginer un modèle d'OVNI assez étonnant. N'ayant pas de réelles
connaissances scientiques, il avait envisagé que des forces électromagnétiques puissent
simplement tasser ou distendre l'air ambiant. Ainsi, au voisinage d'un disque, il pen-
sait que des forces radiales centrifuges, agissant sur la partie supérieure, y créeraient une
masse d'air en quelque sorte distendu. A l'inverse des forces centripètes rassembleraient
les molécules d'air sur le dessous. D'où une portance.
Cela me rappela instantanément le lm Le Voyage en Ballon de Lamorisse, où l'in-
venteur qui pilotait le ballon le propulsait en séparant, à partir de l'air ambiant, deux
composants : l'air surprimé et l'air déprimé.
Lebher avait quand même subodoré quelque diculté. Il était possible, disait-il dans
son rapport, que l'air plus dense accumulé sous la machine tende à gagner la zone raréée
située sur le dessus. C'était pour cela que les soucoupes avaient une forme de disque, pour
contrarier ce contournement. C'était là que j'intervenais. Mon nom était cité et le texte
disait : Monsieur Petit a calculé précisément le diamètre que doit avoir ce disque pour
que cette fuite de gaz comprimé ne se fasse pas.
Il ne manquait plus que cette donnée pour parachever cette théorie ! J'éclatai de rire
et j'inscrivis dans l'espace laissé en blanc inni .
Le visage de Lebher se rembrunit. J'invoquai alors une image :
Voyons, imaginons que nous soyons, vous et moi, dans un bateau dont l'avant et
l'arrière sont plats. Nous avons chacun une pagaie qui représente la force électromagné-
tique. À l'arrière du bateau vous vous eorcez de tasser l'eau contre la poupe tandis qu'à
l'avant, côté proue, je repousse la masse liquide. Dans quelle direction va notre esquif ?
Il avance.
Non, il recule.
Ça ne fait rien, il sut de changer les signes.
Fig. 3.2 Écoulement MHD autour d'un cylindre (1976). Noter l'eet d'aspiration sur la
partie frontale, à gauche, et l'absence de turbulence de sillage, sur la droite.
d'hydraulique. La lourde installation donnant ce champ d'un tesla, à l'aide de deux gros
solénoïdes de cuivre, était disposée dans une salle d'électronique. Aussi les chercheurs et
techniciens présents furent-ils très surpris lorsque nous leur demandâmes de nous aider à
rouler cet appareil en direction de l'évier.
L'heure qui suivit fut assez mémorable. Nous avions peu de temps devant nous. Lucien
et moi remontâmes le banc d'essai et réglâmes le débit d'eau, après avoir calé le tout à
l'aide d'un niveau. La minuscule maquette était coincée dans l'entrefer du solénoïde et
connectée au générateur. Nous l'avions fortement éclairée avec une lampe pour pouvoir
bien observer la surface liquide.
A un moment l'un de nous deux t un faux mouvement et une partie du réservoir
d'eau acidulée se vida sur le carrelage. Les techniciens ouvrirent des yeux ronds en nous
entendant lancer à la cantonade : Quelqu'un aurait-il une serpillière ?
Mais cette expérience fut un succès. Lorsque nous alimentâmes la petite maquette
cylindrique en électricité, le courant qu'elle débitait dans l'eau, conjugué au puissant
champ magnétique, aspira l'eau sur l'amont plus vite qu'elle ne tombait sur elle. En
augmentant progressivement l'intensité nous vîmes la hauteur du front d'eau, sur l'étrave,
descendre jusqu'à ce que la vague ait été totalement supprimée. En accroissant encore le
débit de courant, la surface liquide se creusait, ce qui simulait à merveille la dépression,
le vide partiel, qu'un aérodyne MHD pourrait éventuellement créer sur sa partie frontale.
Nous n'avions pas le moyen de le mesurer mais nous savions à ce moment-là que la
maquette avait une traînée négative, qu'elle se comportait comme un moteur et que la
résultante des forces de pression sur sa surface correspondait non à une traînée mais à
une poussée.
Nous expliquâmes tout ceci au directeur du laboratoire qui décida, séance tenante, de
nous prêter cet électro-aimant et de nous le faire envoyer à Marseille par camion.
Entre-temps, le directeur d'un laboratoire marseillais nous proposa d'héberger nos
sulfureuses activités moyennant une discrétion totale. Nous acceptâmes aussitôt et il mit
à notre disposition un petit local dans un sous-sol sans fenêtre. Il y avait de l'eau, du
courant électrique et quelques appareils de laboratoire. C'était un peu triste, mais au
moins nous avions la paix. Aucun de nous n'enfreignit cet accord de secret pendant les
années que dura cette activité clandestine. Je ne citerai donc pas cette personne à qui
je tiens à témoigner toute mon estime et mon amitié pour cette aide providentielle. Ce
laboratoire sera donc appelé dans la suite du récit le laboratoire marseillais .
3.5 Piégé
Depuis le début de cette histoire, pour la première fois, en tant que scientique, j'étais
troublé. Je savais que cette modeste expérience de simulation apportait une indication très
forte sur la présomption d'annihilation des ondes de choc autour de machines volantes
en évolution supersonique. Il était donc possible que tout ce que j'avais élucubré tienne
debout, même si le chemin à parcourir semblait encore bien long et semé d'embûches.
Je me sentais piégé par ce problème et me connaissant, je savais qu'il me faudrait aller
jusqu'au bout de cette irritante question, quel qu'en soit le prix.
Je voyais mal comment des témoins incultes, dans toutes les parties du monde, auraient
3.5. PIÉGÉ 35
pu sortir l'intégralité de leur récit, ni vent précis et complexe, de leur imagination ou de ce
que Jung appelait l'inconscient collectif. La forme et le comportement de ces objets était
absurde même (et je dirais surtout) pour des scientiques. La première absurdité, c'était
leur silence. Certains scientiques, comme l'astrophysicien Evry Schatzman, président
de l'Union rationaliste, laquelle tirait à boulets rouges sur ces maudites choses rondes, se
servaient d'ailleurs de cette particularité pour démontrer scientiquement l'inexistence
des OVNI en tant qu'objets matériels.
Certains témoins prétendaient en eet avoir vu passer l'OVNI entre, disons, le clocher
de leur village et la colline située sur l'arrière-plan. Compte tenu de la vitesse angulaire
ceci fournissait une fourchette de vitesse les situant très nettement dans le domaine su-
personique. Et Schatzman de conclure : Le témoin a nécessairement fabulé, car à une
telle allure l'objet aurait dû créer une onde de choc, c'est à dire un Bang très intense. Or
ceci est impossible.
Avec l'expérience de simulation nous montrions que ceci devait être reconsidéré. Quelques
semaines plus tôt nous avions montré, en outre, que la turbulence, également génératrice
de bruit, pouvait aussi être supprimée. L'idée d'une évolution supersonique, et même
éventuellement hypersonique, en basse altitude, sans le moindre bruit, cessait de relever
de la science-ction.
Mais, dans l'histoire, combien d'idées folles ne se sont-elles pas, un jour, muées en
science (et vice versa d'ailleurs). On pourrait citer un nombre inni d'exemples de ce
genre. Il y a un siècle encore, les scientiques devenaient totalement fous de rage lorsqu'on
leur parlait de météorites et, pire encore, de pierres de lune, prétendument originaires de
l'astre sélène. L'Académie des Sciences luttait de son mieux contre cette idée de pierres
tombées du ciel, qui lui semblait être un mythe absurde. Les pierres ne pouvaient pas
tomber du ciel. On recommandait donc aux gens d'apporter à l'Académie ces objets pour
qu'ils y soient détruits, en tant que véhicules d'assertions mensongères.
Quand on y regarde de plus près, une telle attitude, digne d'un docteur Zaïus5, dérivait
directement des croyances aristotéliciennes.
Rappelons ces dernières : les choses lourdes ayant tendance à descendre et les choses
légères à monter, les astres du ciel étaient nécessairement, selon Aristote, des objets légers,
ténus. Point de roches dans le ciel, donc. Par ailleurs le monde des astres étant par
dénition parfait (la circularité de ses formes en témoignait6), on voyait mal comment la
mécanique céleste eût pu à ce point perdre ses boulons.
Nous savons aujourd'hui que la Terre continue de drainer quotidiennement une masse
importante de grains de sable, graviers et cailloux divers. Le heurt de la Lune par une
météorite importante a pu également provoquer le rejet dans l'espace interplanétaire de
débris lunaires, éventuellement capturés par l'attraction terrestre. D'où l'existence sur
Terre de pierres de lune .
Cette évocation des météorites me rappelle deux anecdotes assez savoureuses. La pre-
mière se réfère au témoignage d'un paysan des Alpes maritimes qui, lorsqu'il était juché
sur son tracteur, avait vu un OVNI piquer droit sur lui. Il nous avait raconté qu'il s'était
5 Voir La Planète des singes, de Pierre Boule.
6 Selon Aristote les objets périssables vont en ligne droite, car une telle histoire a nécessairement un
début et une n, alors que les objets parfaits, divins, cheminent selon des cercles. Car seul le cercle, à
l'instar de la divinité na ni commencement ni n. CQFD.
36 CHAPITRE 3. VOYAGE AU PAYS DE L'OVNI
alors jeté sous sa machine et que l'OVNI, avant de disparaître, lui avait jeté des pierres .
J'ai gardé l'une d'elles, qui est une belle météorite ferreuse de trois centimètres.
L'autre se réfère à un voyage au Texas en 1979. On m'avait emmené voir un paysan
noir qui avait vu, un jour, tomber une assez grosse météorite dans son champ. Il existe des
météorites de toutes sortes. La plupart ont l'aspect de petites pommes de terre de couleur
fer. Mais il en existe avec de plus jolies couleurs, voire des petites paillettes métalliques.
Lorsque le FBI et la CIA eurent vent de cette chute de l'objet céleste ils vinrent le
réclamer sans ménagement au vieux Noir. Tout ce qui tombait du ciel devait passer entre
les mains du gouvernement. En eet, ceci pouvait tout aussi bien être un fragment de
satellite soviétique alimenté par un mini-réacteur nucléaire, et l'analyse d'inmes débris
pouvait apporter des informations sur le type de radio-isotopes alimentant le réacteur.
La requête brutale des policiers déplut au vieux Noir qui refusa et cacha soigneusement
l'objet. La CIA et le FBI revinrent à la charge, alternant menaces et propositions d'argent.
Mais rien n'y t, au contraire. Des années après, le vieil homme avait toujours refusé de
livrer l'objet. Lorsque je le rencontrai il dit simplement : Voyez-vous, monsieur. Si Dieu
a placé cet objet dans mon champ, c'est qu'il avait ses raisons.
Chapitre 4
Des données scientiques rarissimes
Parti d'un problème de mécanique des uides je me rendais compte que c'était bien
sur le phénomène OVNI que je travaillais, que je le veuille ou non. Dans ces conditions je
commençai à m'intéresser aux données disponibles.
Ce n'était pas chose facile. Celles-ci, essentiellement testimoniales, n'oraient aucune
abilité. Il m'apparut que la seule attitude possible, qui est toujours la mienne actuelle-
ment, était d'adopter la position d'un juge d'instruction qui tente des reconstitutions se
référant aux diérentes hypothèses possibles et non celle d'avocats acharnés à défendre
une cause ou l'autre. En clair, au lieu d'avancer des conclusions hâtives comme C'est
vrai ou c'est faux, ceci est authentique ou ceci ne l'est pas , il fallait repousser le juge-
ment à plus tard en remplaçant la question de la véracité et de l'authenticité par d'autres
comme : Est-ce possible ? Que puis-je faire de cela ? Il faut juger l'arbre aux fruits,
disait un de mes amis, mathématicien.
Dans le considérable dossier OVNI il y avait, par exemple, cette curieuse aaire du
RB-47 (appareil quadriréacteur de l'Air Force américaine). Les informations qui vont
suivre sont extraites de la revue mensuelle Astronautics and Aeronautics, plus précisément
du numéro de juillet 1971. Cette revue est éditée par l'AIAA (American Institute for
Astronautics and Aeronautics). Le commandant de bord de l'USAF, le lieutenant-colonel
en retraite Lewis D. Chase, un des témoins, a conrmé l'exactitude du rapport publié
par une lettre adressée à l'UFO Subcommittee de l'AIAA. Le rapport sur la mission fut
rédigé par le pilote, le major Chase.
Très tôt, le matin du 17 juillet 1957, un RB-47 décollait de la base aérienne de Forbes,
près de Topeka, dans le Kansas, pour une mission de routine au-dessus du golfe du
Mexique. Il avait un équipage de six ociers. Trois d'entre eux étaient des spécialistes de
l'électronique et manipulaient l'appareillage radar spécialisé dans la détection des sous-
marins soviétiques en maraude au voisinage des côtes américaines. L'appareil emportait
trois moniteurs radars passifs, de recherche d'azimut et de mesure des caractéristiques
impulsionnelles de radars ennemis. L'une des antennes, situées sous le ventre de l'avion,
tournait à dix tours secondes et pouvait capter des fréquences allant de 1 000 à 7 500
mégahertz. Le récepteur radar correspondant était couplé à un analyseur de signaux de
type ALA-5. Le second récepteur était du type APD4-DF et était couplé à deux antennes
xes situées à l'extrémité de chaque aile. Sa plage de détection de fréquence était encore
plus étendue. Le moniteur numéro trois n'enregistra pas le signal émis par l'OVNI, car sa
37
38 CHAPITRE 4. DES DONNÉES SCIENTIFIQUES RARISSIMES
bande passante ne cadrait pas avec le signal que celui-ci émettait (2 900 mégahertz).
En n de mission, l'appareil volait à 34 500 pieds (10 500 mètres) et se dirigeait vers
la vallée du Mississippi. Il volait à 850 km/h. Le temps était totalement dégagé et beau.
Il n'y avait ni averse ni orage à des centaines de miles à la ronde.
Peu après que l'avion eut survolé la côte sud des États-Unis, l'ocier Mac Clure,
servant du moniteur numéro deux, détecta un signal radar à cinq heures , c'est-à-dire
dans le secteur arrière droit. La façon dont ce signal évolua sur l'écran lui permit d'exclure
tout eet de mirage ou d'écho parasite. Le signal se présentait sous la forme d'impulsions
de 2 900 mégahertz, d'une durée de 2 microsecondes et avec une fréquence de récurrence
de ces bips de 600 hertz. D'après l'évolution de ce signal radar, la source commença donc
par doubler l'appareil.
Un peu plus tard intervint le premier contact visuel. Le jour se levait (il était 4 h 40,
heure locale) et le pilote, Chase, vit ce qu'il crut d'abord être les phares d'atterrissage
d'un jet en approche rapide. C'était une lueur blanche assez intense, avec une coloration
bleutée. Il t remarquer à son copilote que l'objet, qui était à onze heures , c'est-à-dire
presque droit devant, n'avait pas de feux de signalisation, puis avertit par l'interphone
l'ensemble de l'équipage d'avoir à se préparer à une man÷uvre soudaine d'évitement.
Au moment où Chase se préparait à virer, la lueur passa brutalement de la position
onze heures à la position deux heures , c'est-à-dire en coupant leur route par l'avant,
de gauche à droite, avec une vitesse angulaire fantastique. Aussitôt après la lueur faiblit
en clignotant, puis s'éteignit.
Mac Clure se souvint alors du signal en 2 900 mégahertz, reçu au voisinage de la côte.
L'équipage régla ses récepteurs sur cette fréquence et eectua des tests en dirigeant les
antennes vers des sources connues, situées au sol, pour vérier le bon fonctionnement du
matériel. Aucune anomalie ne fut détectée.
En revanche, la source inconnue était bien présente à l'azimut deux heures , sur
les écrans, c'est-à-dire sur la partie avant droite de l'appareil. Chase continua le vol sans
changer de cap, volant toujours à 850 km/h. S'il s'était agi d'un radar situé au sol, d'une
installation xe, la source aurait progressivement dérivé vers la droite, sur les écrans.
Chase, qui volait alors en direction de l'ouest, poussa ses moteurs à fond, rien n'y t. Sur
les deux moniteurs concernés la source conservait cet azimut xe, ce qui évoquait un vol
de conserve, celle-ci gardant une position xe par rapport à l'appareil, en volant à une
vitesse identique. Ils traversèrent ainsi l'État de Louisiane de part en part sans la moindre
modication de cet azimut.
Une demi-heure après le premier contact visuel, c'est-à-dire à 5 h 10, heure locale,
le commandant de bord observa une énorme lumière, toujours à deux heures , qu'il
estima se situer à une altitude inférieure de 1 500 mètres par rapport à l'avion.
L'opérateur radar du second moniteur signala alors qu'il détectait deux nouveaux
objets dans les azimuts relatifs 040 et 070 (toujours dans le secteur avant droit). Le
commandant de bord aperçut ces deux nouvelles lumières, qui étaient de couleur rouge.
Il avertit alors ses contacts sol et demanda toute l'assistance possible. En même temps il
obtint l'autorisation d'interrompre le cours normal de la mission pour se concentrer sur
l'OVNI. Chase fut alors informé qu'un de ses contacts sol, au nom de code Utah, avait
également détecté les objets.
Le contact sol, de nom de code ADC, demanda à l'équipage de se mettre en mode
39
transpondeur III pour permettre une opération d'identication. Ces mesures précises
permirent de déterminer, à partir du système de bord et à partir du sol, les positions
de l'avion et de l'objet, ou des objets. L'OVNI se trouvait apparemment à dix miles de
l'avion. Les installations sol ADC et Utah conrmèrent ce point.
À 5 h 20 l'OVNI parut s'immobiliser. Le RB-47 le dépassa, et aussitôt après la lumière
s'éteignit. Simultanément le contact fut interrompu, à la fois sur les radars du bord et sur
les radars du sol, exactement au même instant. Chase mit alors son appareil en virage
sur la gauche. L'appareil survolait l'État du Texas. L'OVNI réapparut avec la même
simultanéité sur les écrans radar du bord et du sol, tandis que le contact visuel était
rétabli. La distance de l'OVNI vis-à-vis du Boeing n'était plus que de 8 kilomètres.
L'objet commença alors à descendre vers l'altitude de 5 000 mètres. Chase obtint de la
station sol Utah l'autorisation de piquer pour tenter de se rapprocher de lui. L'autorisation
fut donnée par Utah et le RB-47 perdit ainsi 5 000 mètres d'altitude. L'objet lui échappa
en clignotant et en disparaissant de nouveau, à la fois visuellement et sur les écrans radars.
Le copilote attira l'attention de Chase sur l'épuisement des réserves en carburant,
consécutif à ces man÷uvres eectuées pleins gaz. Chase décida de mettre le cap sur
Forbes, plein nord. Ceci plaça l'OVNI dans la queue de l'appareil, où il fut de nouveau
détecté visuellement et par radar pendant un moment, avant de s'éteindre brutalement.
Il existe de nombreux témoignages et comptes rendus de ce type, issus de tous les pays
du monde. Mais celui-ci avait une originalité. Vrai ou faux, il donnait des informations
relativement précises sur la fréquence de l'émission radar issue de l'OVNI. Le rapport pré-
cisait que celui-ci émettait des impulsions, des trains d'ondes haute fréquence, d'une durée
d'une microseconde toutes les demi-millisecondes. Ces impulsions électromagnétiques cor-
respondaient à une fréquence de 2 900 mégahertz, soit 2,9 milliards de cycles par seconde,
ce qui situait la longueur d'onde dans la gamme décimétrique, tout à fait courante pour
les radars. Un de nos standards correspond d'ailleurs à une fréquence de 2 450 mégahertz.
Sans chercher à contrôler l'authenticité du document, ce qui me paraissait impossible,
mais raisonnant des eets et des causes, je me demandai à quoi pouvait bien servir cette
émission de micro-ondes, quelle pouvait en être, comme eût dit maître Pangloss, la raison
susante.
L'OVNI émettait, disait le rapport, une lumière très vive. Cette émission de lumière
semblait être une constante pour les observations, de jour ou de nuit. Elle apportait de
l'eau au moulin d'une interprétation véhiculaire en termes d'aérodyne MHD. En eet, ce
mode de propulsion impliquant de faire passer une décharge importante dans l'air ambiant,
l'excitation des molécules d'air par la décharge s'accompagnait automatiquement d'une
émission de lumière.
L'air atmosphérique est un très mauvais conducteur de l'électricité. C'est même un
assez bon isolant, sinon il ne serait pas possible de faire circuler du courant en haute
tension dans des lignes. Pour obtenir un passage de courant il faut ioniser l'air, au moment
où il arrive sur l'aérodyne, c'est-à-dire arracher des électrons liés aux atomes pour en
faire des électrons libres1. Un excellent moyen de créer cette population d'électrons libres
consiste à utiliser des micro-ondes, de la HF (haute fréquence). Dans un gaz sous une
pression donnée, il existe une fréquence optimale vis-à-vis de l'ionisation. Or, dans l'air
1 C'est inutile dans le cas d'un métal, dont les atomes baignent à l'état naturel dans un nuage dense
d'électrons libres.
40 CHAPITRE 4. DES DONNÉES SCIENTIFIQUES RARISSIMES
sa température, etc.
De nos jours par exemple, des faisceaux radar de grande puissance sont utilisés pour
analyser, par rétrodiusion, la pollution de l'air au-dessus de sites comme les centrales
nucléaires. On les appelle alors des LIDAR.
On ne peut guère continuer, malheureusement, l'inventaire des tous ces possibles que
la science contemporaine nous ore, sous peine de transformer cet ouvrage en cours de
physique de haut niveau. Disons simplement que beaucoup de phénomènes liés aux ob-
servations d'OVNI ne surprennent pas un scientique réellement compétent et de bonne
foi.
mos, c'était une aaire entendue. Ceci dit, pas question d'envisager des promenades ou
des visites avec des temps de voyage inférieurs au demi-siècle, et au prix d'une dépense
énergétique prohibitive, les vaisseaux de l'espace imaginés à l'époque, les seuls envisa-
geables, emportant vers la plus proche étoile un minuscule deux-pièces-cuisine, avaient la
taille et le poids d'un porte-avions nucléaire.
Corollaire : les OVNI, c'était donc de la foutaise. Ces objets étaient en contradiction
évidente avec des lois éprouvées de la physique, puisqu'ils étaient censés croiser à vitesse
supersonique dans l'air... sans faire de Bang.
Le président de cette association fut donc rapidement pris à partie par des gens qui
brandissaient ma note aux comptes rendus de l'Académie des sciences de 19754. Il réagit
alors de manière extrêmement brutale et nous eûmes un compte rendu détaillé de ses
propos par des gens qui avaient assisté à ses conférences et enregistré le débat qui avait
suivi au magnétophone. Il disait en substance :
La théorie de Jean-Pierre Petit ? Elle ne tient pas debout, dès le départ. Je vois bien
un champ électrique et un champ magnétique, mais je ne vois pas comment cette machine
peut simplement se sustenter dans l'air, si c'est elle qui produit ces deux champs. Il y a
des théorèmes qui s'y opposent. Je vais citer à cet eet une histoire extraite des Aventures
du Baron de Münchhausen (le Tartarin allemand). Un jour l'honorable baron s'embourba
avec sa jument dans un marécage. Il raconte qu'alors il réussit l'exploit de sortir sa jument
de ce mauvais pas en la tirant par sa crinière, tout en restant juchée sur elle. L'aérodyne
de Jean-Pierre Petit, c'est la jument de Münchhausen.
Je lui écrivis plusieurs fois en lui signalant son erreur. Étant astrophysicien, il avait
appliqué brutalement des concepts empruntés à sa spécialité : la structure stellaire. Il
existe bien une circulation de courant électrique dans des étoiles comme le soleil. Celle-ci
va de pair avec une certaine activité magnétique et une émission de gaz ionisé. Ceci dit,
en conjuguant le tout, le soleil n'en tirait aucune force propulsive. Nul risque de le voir
un jour quitter le système solaire sans crier gare, à l'aide d'une propulsion MHD.
Dans l'aérodyne, il en allait tout à fait diéremment. Celui-ci s'appuyait d'abord impé-
rativement sur l'air ambiant. Dans le vide interplanétaire il était parfaitement inopérant.
En outre, le champ magnétique était créé par un courant de nature totalement diérente
du courant de décharge, qui était, lui, externe. Le champ magnétique pouvait être créé,
par exemple, par un enroulement supraconducteur intérieur à la machine, formant un
système totalement fermé.
La meilleure façon d'illustrer un tel découplage était les manipulations hydrauliques,
où on créait ce champ à l'aide d'aimants permanents, visiblement étrangers au courant
électrique créé dans le uide ambiant : l'eau.
J'essayai de lui expliquer cela dans des lettres, sans succès. Pendant ce temps, il pour-
suivait sa tâche militante, qui semblait totalement disjointe de toute réexion scientique.
On a vu qu'aux États-Unis j'étais tombé sur d'honnêtes professionnels de la science qui,
à travers la question OVNI, exprimaient un penchant personnel pour l'irrationnel. Certains
scientiques semblent avoir ainsi une double vie. En tant qu'astrophysicien, Lambert
se comportait comme un scientique rationnel et notoirement brillant. Mais dès qu'il
revêtait sa toge de président de sa fameuse association, ce n'était plus le même homme. Il
4 Convertisseurs MHD d'un genre nouveau , voir références plus haut.
4.6. LA BATAILLE D'ANNECY 47
devenait semblable à un inquisiteur médiéval comme celui qui gure dans Le Nom de la
Rose, le roman d'Umberto Eco : inexible et inaccessible au moindre raisonnement, parce
qu'obnubilé par la nalité de sa tâche : éradiquer toute mauvaise science .
J'en vins donc à lui demander un droit de réponse, à exercer dans les lieux mêmes
où il avait jeté ce discrédit sur mes travaux. Il se trouvait que, quelques mois plus tard,
l'association qu'il présidait si activement devait tenir ses assises. Je demandai à exercer
ce droit, imprescriptible dans notre milieu, lors de cette réunion. Il me répondit :
Dicile, c'est réservé aux membres.
Très bien, alors j'adhère.
Et c'est ainsi que je devins membre de son association, ce qui me parut être une chose
tout à fait naturelle, beaucoup plus qu'aux gens qui reçurent cette demande d'inscription.
Entre-temps, j'avais eu cet accident de travail et j'étais contraint de rester couché
en permanence. Lorsque l'occasion d'exercer un droit de réponse nous fut donnée, nous
jugeâmes l'aaire susamment importante pour donner suite en dépit de mes problèmes
de santé. Il fallait absolument stopper net cette campagne de discrédit permanent. Mon
transport là-haut s'eectua en ambulance et c'est sur une civière que j'entrai dans la salle
de conférence où mon adversaire venait, une fois de plus, de faire cette conférence sur la
vie extraterrestre et sur l'impossibilité du contact direct.
Lucien avait préparé quelque chose de tout à fait extraordinaire pour la circonstance,
à laquelle Lambert ne s'attendait évidemment pas. Théoricien, il s'était préparé à une
joute hermétique à coup d'équations, qui aurait immanquablement ni en eau de boudin.
Mais Lucien avait préparé une expérience. Il y avait une petit jument en plastique en-
foncée jusqu'au cou dans un petit bassin d'eau salée. Un balancier permettait de réduire
son poids à une fraction de gramme. A l'intérieur du corps de la jument se trouvait un
aimant permanent de forme cylindrique tandis que ses ancs portaient deux électrodes, à
l'emplacement où on trouve ordinairement les éperons.
Lucien expliqua qu'un solénoïde enserrant le corps de l'animal aurait tout aussi bien
fait l'aaire, ce qui aurait rendu ce désembourbeur de jument électromagnétique plus
réaliste. Au moment où il connecta les ls alimentant les électrodes à la source, une
simple pile qui aurait tout aussi bien pu être chargée sur l'animal, celui-ci sortit de l'onde
prestement.
Cette expérience se passait de tout commentaire et le président de l'association dut
faire marche arrière, devant ses ouailles sidérées, en disant : J'avoue que j'ai été léger
dans les déclarations faites lors de mes précédentes conférences.
Depuis, aucun scientique n'osa plus lancer d'attaques en terrain découvert, sur aucun
de nos travaux. La défaite avait été trop cuisante.
Ce qui nous surprit, en revanche, ce fut la réaction de la salle. L'ambiance devint
houleuse. Les spectateurs se scindèrent en deux camps qui se mirent à s'aronter avec
une grande violence verbale. Il y avait ceux pour qui le souci de la vérité scientique
semblait passer avant toute chose et ceux qui déploraient qu'une telle manifestation ait été
simplement autorisée. Dans les faits, la population des seconds était largement majoritaire
et des quolibets excessifs, émanant de gens qui n'avaient visiblement plus tous leurs esprits,
fusaient des quatre coins de la salle. Au Moyen-âge, me dit Lucien, ils nous auraient
enduits de poix, mis sur des croix et brûlés.
Quand nous rentrâmes, je vis par la fenêtre de l'ambulance Lambert qui rentrait d'un
48 CHAPITRE 4. DES DONNÉES SCIENTIFIQUES RARISSIMES
pas vif à son hôtel, tout de gris vêtu. Il y avait quelque chose de dur dans son regard, qui
me frappa.
nisait pas dans la veine. Il y avait bien une lueur bleuâtre à la sortie du guide d'onde,
contre la fenêtre de téon, mais c'était tout.
Le brillant physicien qui avait conçu la manip se précipita au laboratoire de
micro-ondes.
Que se passe-t-il ? L'air ne s'ionise pas. Il y a juste un petit eet d'ionisation en sortie
de guide d'onde, mais cela ne dépasse pas quelques millimètres, même à pleine puissance2.
Or vous m'aviez parlé d'une boule de plasma de 30 centimètres de diamètre, il y a deux
mois.
Attendez donc... ah oui. Dans la boule, je me souviens, il y avait un radôme en
plastique.
En clair, dans l'expérience évoquée par le directeur du laboratoire de micro-ondes, une
antenne disposée à l'intérieur d'un dôme en plastique stratié rayonnait ses ondes radar,
ses micro-ondes. Celles-ci ionisaient l'air, mais comme dans l'expérience du groupe d'étude,
cette ionisation ne se propageait pas au-delà de quelques millimètres. C'était insoluble. Au
moment de cette aaire, le groupe jouissait encore d'une incroyable autonomie. Comme
on ne savait pas dans quel département pouvait s'intégrer une telle étude, on avait donné
a cet ensemble un statut de département. Le chef du groupe d'étude n'était nalement
tenu qu'à rendre périodiquement compte de ses entreprises devant son conseil scientique.
Comme il ne se passait pas grand-chose, les physiciens du conseil se mirent très vite à
sécher les réunions annuelles ou bi annuelles en pensant que tout se passait comme
prévu . Et c'est cette absence de contrôle qui permit ce qui fut considéré, ultérieurement,
comme une dérive des activités du groupe.
La nouvelle de l'échec cuisant des ingénieurs du groupe d'étude se propagea rapidement
dans la maison. Le directeur général convoqua un physicien des plasmas, pour une exper-
tise. Ce fut bien évidemment l'expert physicien du conseil scientique du groupe, Quellat,
qui était en outre mon directeur de recherche, qui fut sollicité. Celui-ci explosa de colère
devant l'inimaginable gabegie représentée par ces recherches. Mais, plus encore, le bras
séculier de la direction générale abattit sur le groupe d'étude, qui fut pulvérisé, atomisé.
Les trois ingénieurs qui le composaient furent dispersés dans diérents services. Le chef,
Lemerle, bénécia d'une promotion, principe de Peter exige, tandis que les subalternes
partirent dans divers placards et oubliettes.
Le statut du groupe fut changé, il perdit toute autonomie et lut placé sous la houlette
d'un service destiné à la surveillance de l'environnement aérospatial.
Je me souviens d'un cri du c÷ur d'un haut fonctionnaire ministériel qui, découvrant
l'ampleur des recherches de MHD tentées par le groupe d'étude, m'avait dit : Mais... ce
n'est pas du tout pour cela que ce service avait été créé ! Ils devaient montrer que c'était
un phénomène naturel...
2 Dans le rapport nal concernant ces recherches on peut lire : Nous pensions, par cette méthode
assez simple, pouvoir pour une pression assez basse obtenir une boule de plasma de dimensions susantes.
Eectivement, nous avons obtenu un plasma, mais celui-ci était conné à la sortie du guide d'onde et en
aucun cas il n'entourait la maquette. L'augmentation de la puissance du générateur HF ne résolvait pas
le problème, car on débouchait rapidement sur un régime d'arc électrique.
5.4. LE LABORATOIRE SAUVAGE 57
5.4 Le laboratoire sauvage
Il était inutile d'épiloguer.
Pendant cette période assez confuse le laboratoire de Toulouse qui nous avait prêté
le gros électro-aimant, clef de nos recherches, changea de directeur. Le nouveau voyait
notre eort d'un très mauvais ÷il et un beau jour, lorsque j'étais absent (je faisais en
l'occurrence une énième rechute consécutive à mon accident de travail de 1976) , son
équipe vint remettre la main sur la machine. Sans ce précieux outil, le travail dans la cave
du laboratoire de Marseille devenait sans objet et je décidai d'acheter un local attenant
à mon appartement aixois pour y installer mon laboratoire. J'y transférai discrètement
tout ce que j'avais pu amasser depuis des années comme condensateurs, instruments de
mesure, groupes de pompage. Pendant quelques années ce fut le seul appartement de la
ville d'Aix-en-Provence équipé en 30 000 volts. Le syndic de l'immeuble ne se douta jamais
de ce qui se passait dans ce studio. Seul un voisin, qui était séparé du local-laboratoire
par une mince cloison en brique, subissait lors des essais un intense parasitage de son
téléviseur, dont il ne comprit jamais l'origine.
L'encombrement était une source d'insécurité car il n'était pas toujours facile de cô-
toyer d'aussi près des sources de haute tension. Je me souvenais, en particulier, d'une
décharge en 5 000 volts qui avait jeté Lucien au sol et d'un autre incident du même genre
qui m'avait laissé deux jolis trous fumants, l'un sur le pouce et l'autre sur l'index. Nous
manquions de moyens d'atelier, en particulier d'un, tour et d'une fraiseuse. Une visite
inopinée nous permit alors d'en acquérir. Je reçus un jour un appel d'un homme nommé
Dupont (son véritable nom reste assez voisin de ce pseudonyme) : Dupont, de la DST.
Je suis venu vous voir parce que votre situation m'intrigue. Il y a quelques mois une note
a circulé dans nos services où on nous demandait de décourager tout contact entre cher-
cheurs français et soviétiques en matière de MHD. Je me suis souvenu de l'eort MHD
international des années soixante, et aussi que cet eort avait été brutalement interrompu,
en particulier dans notre pays, dans le début des années soixante-dix. Je me suis demandé
alors qui pouvait taire de la MHD-gaz en France et j'ai découvert qu'il n'y avait que vous,
dans votre minuscule local. Je voudrais comprendre...
Il ajouta qu'avant de se décider à franchir ma porte il avait vu une quarantaine de
personnes de la région, d'horizons divers, dont beaucoup de scientiques. Il m'ont tous
dit la même chose sur vous, à très peu près : "Petit, c'est un type qui a beaucoup d'idées.
Il a fait des choses intéressantes, mais..."
La phrase restait alors en suspens.
Mais quoi ? disait Dupont.
Jamais il n'obtenait la précision demandée et il avait voulu en particulier savoir ce qui
se cachait derrière ces étranges points de suspension.
J'expliquai à Dupont quels étaient les buts poursuivis, les tenants et aboutissants,
les eets et les causes. Il se proposa de m'aider et, quelques mois plus tard, le Conseil
régional m'accorda une subvention de 40 000 F qui me permit d'acheter un minitour et
une mini-fraiseuse, à l'échelle des recherches que je menais.
Dupont revint plusieurs fois me voir. Jeune et élégant, il parlait couramment le russe
et son sport favori consistait à traquer les espions soviétiques dans la région de Marseille.
En fait, tout chercheur soviétique qui séjournait à l'étranger devenait aussitôt un
58 CHAPITRE 5. LE COMPLOT
abracadabrante selon laquelle il aurait rencontré un pilote cubain, lequel aurait vu de bien
étranges installations en pleine jungle. Passionnant, lui câble-t-on en code. Procurez-
vous es croquis de ces installations.
Le voilà pris dans un engrenage. Contraint de poursuivre, cherche désespérément à
imaginer à quoi pourraient ressembler des installations secrètes et, par manque d'imagi-
nation, nit par dessiner ce qu'il a sous les yeux : un aspirateur et un séchoir à cheveux.
À Londres les spécialistes décrètent séance tenante, après avoir analysé les croquis,
que les Soviétiques sont en train d'installer un accélérateur de particules dans la jungle
cubaine. Je vous laisse le soin de lire la suite, mais, à Austin, dans ma chambre d'hôtel
décorée avec de splendides portraits bovins, je suivais la même démarche. Je faisais de
chaque incident de journée quelque chose d'insolite.
5.7 Gordon
À mon retour j'appelai Maillan qui me coupa immédiate-rut. Non, non, appelez-moi
sur un autre téléphone. N'utilisez pas le vôtre...
Je lui dis exactement ce qu'il avait envie d'entendre :
Eh bien, vous avez raison. Cela s'est passé exactement mine vous l'aviez prévu.
Il avala tout : l'hameçon, la ligne, la canne et le moulinet. Dupont vint, dans les jours
qui suivirent, enregistrer mon témoignage. J'avais inventé de toutes pièces un personnage
que j'avais appelé Gordon : sportif, tenue de tennisman, taches rousseur, visiblement
scientique de haut niveau, celui-ci n'aurait dit : Mais pourquoi ne venez-vous pas chez
nous, au lieu de perdre votre temps dans ce tout petit labo ?
Diable, dit l'autre, comment sait-il que votre laboratoire est tout petit ?
Ah oui, c'est vrai, au fait...
Et qu'est-ce qu'il a dit d'autre ?
En me quittant il m'a dit : Si vous changez d'avis, call me collect Mais je n'ai
pas compris ce qu'il voulait dire.
Ca veut dire appelez moi en PCV.
C'était le détail qui faisait vrai.
Hélas cette man÷uvre complexe n'apporta pas l'aide souhaitée. Mais quelques mois
plus tard, alors que je déjeunais avec Maillan, celui-ci me dit, à voix basse, sur un ton de
condence : Vous savez, votre homme, Gordon, eh bien ils l'ont identié.
L'aaire trouva un épilogue, six mois plus tard, lors d'un dernier déjeuner avec Dupont.
Il était clair que l'aide ne viendrait plus et après un repas assez arrosé je nis par lui
raconter toute l'histoire. Non, ça n'est pas vrai, s'esclaa-t-il. Je ne peux pas croire
qu'un chercheur du CNRS puisse monter un coup pareil !
Il m'expliqua que, de toute façon, au point où en étaient les choses, maintenant,
personne n'accepterait de me croire. Il y a un dossier haut comme ça sur ce Gordon,
chez nous !
Je ne le revis plus jamais. Cette histoire est assez croustillante, mais conservez-la en
mémoire, elle vous éclairera sur les suites de ce récit, beaucoup plus loin.
5.8. NOUVELLES DÉCOUVERTES 61
5.8 Nouvelles découvertes
Je remontai des expériences dans les gaz. Un jour, au moment de mettre en ÷uvre un
dispositif de connement magnétique, j'eus un cri de surprise. De manière totalement in-
attendue l'instabilité de Velikhov (déjà rencontrée dans les expériences sur les générateurs
MHD) se trouvait annihilée.
En l'absence de ce système de connement, la décharge électrique avait la forme strati-
ée très caractéristique de cette instabilité. Lorsqu'il était appliqué, la décharge redevenait
homogène. La solution que nous avions cherchée pendant des années, dans tous les labo-
ratoires du monde, était donc là.
Je ne peux pas ici donner de détails sur ce phénomène relativement sophistiqué. Tou-
jours est-il que cette expérience, très simple, débouchait sur des masses d'applications
possibles. Elle donna d'ailleurs lieu à une communication que je s en 1983 au huitième
colloque international de MHD, à Moscou.
Peu importe la nature de ce travail. Après un pénible et long parcours je me retrou-
vais avec cette idée, qui aurait pu déboucher sur nombre d'études fondamentales très
intéressantes, conné dans cette chambre d'immeuble et pratiquement incapable d'en rien
faire.
Un peu plus tard, un calcul me montra pourquoi les manips faites dans la cave du
laboratoire marseillais n'avaient pas marché. J'avais sous-estimé le chauage du gaz
dans le corps de la pompe et cette chaleur qui n'arrivait pas à s'évacuer assez vite dans le
gaz se comportait comme un véritable bouchon, contrariant son passage dans la tuyère.
C'est ce qu'on appelle un blocage thermique. C'est un phénomène peu présent dans les
laboratoires, car il faut, pour y être confronté, des conditions très particulières, comme
celles que nous avions. En revanche, le blocage thermique est un phénomène naturel
extrêmement fréquent, puisque nous lui donnons un autre nom en l'appelant le tonnerre.
Quand la foudre éclate, elle dégage une énorme quantité de chaleur par eet Joule, qui
n'arrive pas non plus à s'évacuer d'elle-même. Il se crée alors une onde de choc thermique,
une sorte de Bang dû à la chaleur.
Cette constatation était pour moi extrêmement importante et il fallait absolument
regarder cela de très près. En eet je ne pouvais pas savoir a priori si cet eet de création
de Bang par la chaleur ne risquerait pas de venir prendre le relais, dans le fonctionnement
de l'aérodyne tel que je l'avais imaginé en 1975. Seule une étude complète sur ordinateur
devait permettre de trancher.
tement, en court-circuitant le conseil doctoral qui nous avait éconduits. Son directeur de
département, Combarnous, nous dit simplement :
Les labos de mécanique des uides de votre coin, qui son regroupés dans ce chu
conseil doctoral, sont en ébullition. Essayez d'inscrire Lebrun dans une autre spécialité,
par exemple les mathématiques appliquées.
Mais c'est de la mécanique des uides à cent pour cent.
Je sais, mais si on ne veut pas déboucher sur une crise grave, il faut lâcher un peu
de lest. Commencez cette thèse dans ce cadre, publiez, et quand vous aurez des résultats
verra comment faire en sorte que tout rentre dans l'ordre.
Ainsi fut fait et les esprits se calmèrent. Le CNRS nous octroya des crédits avec lesquels
nous pûmes acheter des ordinateurs et nous jeter dans cette voie théorique aussi neuve
que passionnante.
neuve de la mécanique des uides, à laquelle il fallait donner suite, sans se préoccuper du
contexte.
Une nuit mon téléphone sonna. C'était Lebrun. C'est fantastique. J'obtiens les cartes
d'écoulements, et toutes les ondes de choc sont annihilées. On a gagné !
Nous rédigeâmes une communication contenant ce résultat totalement original pour
le neuvième colloque international de MHD, qui devait se tenir, cette fois, au Japon, en
octobre 1986. Celle-ci fut acceptée4.
Anticipant sur les expériences en tube à choc, notre équipe avait entièrement recons-
titué celles-ci dans ce qu'on appelle des simulations numériques sur ordinateur, ou des
expériences de calcul , et le résultat était totalement positif. Les simulations mon-
traient que les ondes de choc pouvaient être totalement annihilées, gommées , autour
d'un objet immergé dans un courant gazeux supersonique, en créant dans l'environnement
un champ de forces électromagnétiques tout à fait réaliste.
5 Cf. quatre articles parus dans L'Humanité en 1983 et concernant l'Hiver nucléaire.
Chapitre 6
Rencontre avec le Diable
En France beaucoup de laboratoires reçoivent de l'armée des subventions importantes
sous forme de contrats DRET1.Dans certains labos de physique ces contrats peuvent
représenter de vingt à trente pour cent du budget. Tous les laboratoires de mécanique
des uides français ont au moins un contrat de ce type. C'est évidemment, en ces temps
de pénurie, un moyen de pression considérable. Le laboratoire rouennais ne faisait pas
exception et nous savions tous que le problème venait de là.
L'armée a toujours manifesté une grande nervosité vis-à-vis de tout ce qui touchait
aux OVNI. Lorsque j'avais fait cette tentative de collaboration avec le groupe d'étude,
Maillan, l'ancienne relation de Lebher, un pied dans la grande industrie et une oreille à
l'écoute des militaires, par qui nous avions eu ce contrat sur la pompe à vide , avait
dit un jour à mon ami l'astronome Pierre Guérin : Tôt ou tard Petit devra être écarté
de ces recherches, à cause de son intérêt pour le contexte .
Maillan m'a toujours rappelé un des personnages de la Rue de la Sardine, de John
Steinbeck, un boutiquier qui consacrait trop de temps à essayer d'être malin pour parvenir
à être intelligent. Cet homme était partout. Il avait été le conseiller occulte du groupe
de Toulouse et, hélas pour nous, c'était lui qui avait été chargé du montage du contrat
Rouen. L'aaire toulousaine se rééditait.
Les Rouennais tentèrent une négociation. La bourse de Lebrun arrivait rapidement à
son terme et rien n'était prévu pour assurer sa matérielle. On me demanda : Accepteriez-
vous que Lebrun puisse tourner avec une bourse de l'armée ?
Encore une fois, c'était cela ou rien. Nous décidâmes d'accepter. Le message était
évident : la MHD, en France comme dans les autres pays, ne pourrait être que militaire.
Cela n'était. pas un hasard si le patron de la guerre des étoiles soviétique n'était autre
que Velikhov lui-même. Nous savions déjà, depuis des années, que les Russes avaient mis
au point un générateur électrique MHD de très haute puissance. La version lourde, au sol,
s'appelait le générateur de Pavlovski, et alimentait les canons à électrons et les lasers de
puissance. Mais il existait une version légère, imaginée par Velikhov, déjà expérimentée
avec succès en tant qu'arme orbitale. Celle-ci alimentait les canons à électrons comme
ceux qui défrayèrent la chronique en 1979.
L'application de la MHD à des ns militaires datait, pour l'Union soviétique, des
1 Direction de la recherche et des études techniques. Organisme qui gère les recherches à caractère
militaire.
69
70 CHAPITRE 6. RENCONTRE AVEC LE DIABLE
années soixante, et le père de cette MHD orientée vers les armements n'était autre que le
brillant académicien Andréi Sakharov lui-même.On trouve une évocation de ces techniques
dans l'ouvrage de Marceau Felden intitulé La Guerre dans l'Espace 2.
Les États-Unis, après avoir accusé un retard considérable, s'y mettaient à leur tour au
célèbre LLL californien (Lawrence Livermore Laboratory). N'ayant jamais perdu contact
avec la MHD depuis 1965, à la diérence de beaucoup d'autres, et ayant parfois eu l'oc-
casion de traîner mes guêtres à proximité de laboratoires américains spécialisés dans les
armements, je pense que j'étais un de ceux qui connaissaient le mieux ces questions.
L'état-major français, de son côté, avait ni par prendre conscience de l'importance
potentielle de ce domaine de recherche, d'où ce patronage évident des recherches rouen-
naises.
La réunion avec les représentants de la DRET eut lieu à Rouen en novembre 1986.
C'était vraiment l'entrevue de la dernière chance. Felden, conseiller des militaires, qui
avait créé et dirigé un important laboratoire de physique des plasmas à Nancy, y avait été
commis comme expert par le CNRS. Il se montra très enthousiaste pour l'aérodyne MHD,
capable, disait-il, de pénétrer les lignes ennemies à vitesse hypersonique, en basse altitude.
C'était, selon ses propres termes, le missile de croisière du futur . En entendant cette
phrase j'avoue n'avoir jamais été aussi mal à l'aise de ma vie.
L'accent fut porté en outre sur les retombées possibles côté guerre des étoiles, comme
les générateurs impulsionnels de Sakharov, capables de délivrer des puissances supérieures
à un térawatt (un million de millions de watts). Les experts militaires écoutèrent. L'un
d'eux t la synthèse : Résumons. Ou nous appuyons et nous donnerons un contrat
pour Rouen, de 700 KF et une bourse pour Lebrun, ou nous n'appuyons pas et nous ne
donnerons rien. Réponse dans un mois .
Malgré ces fortes paroles, la réponse ne vint jamais. Les experts mandés à Rouen rent
un rapport technique très positif qui fut annulé par une décision émanant de la direction
scientique de la DRET. Il nous fallut trois mois pour reconstituer ce refus, bribes par
bribes, face à la gêne évidente de nos partenaires rouennais pour qui nous étions soudain
devenus d'encombrants pestiférés.
Dès lors, nous savions que nous étions condamnés, rejetés dans le no researchs land. Il
n'était évidemment plus question de créer une équipe de théoriciens, Aucun laboratoire
de France ne nous aiderait désormais. Autour de nous se créerait un véritable mur du
silence. Nous savions que même ceux qui nous avaient appuyés ne tarderaient pas à nous
lâcher.
Un peu plus tard je rencontrai un de mes amis, Jean Coirier. I était président du
conseil doctoral de l'université de Poitiers et cette situation de rejet le choqua, en vertu
de l'éthique de la recherche. Grâce à lui le dossier Lebrun fut transféré dans une université
et la soutenance de la thèse put s'exercer dans un contexte normal, celui de la mécanique
des uides.
Mais Jean, qui pourtant a un talent très apprécié de prestidigitateur, ne pouvait évi-
demment pas sortir un poste comme un lapin de son chapeau, et cette aide morale ne
modiait en rien le constat d'échec nal.
mat à moins de vingt mètres du témoin. Prudent, celui-ci t retraite derrière un petit local
lui appartenant et continua son observation. Mais l'engin ne resta que quelques dizaines
de secondes et décolla soudain verticalement, toujours sans bruit, en disparaissant dans
l'azur.
Nicolaï fut interloqué. Il alla à l'endroit où l'engin s'était posé et découvrit une trace
de ripage, sur le sol dur.
Le soir même il raconta l'histoire à sa femme, qui refusa de le croire. Il lui montra alors
la trace, sur la restanque. Le lendemain celle-ci s'en alla conter l'histoire à une voisine.
Mais le mari de la voisine était gendarme et se rendit immédiatement chez Nicolaï pour
recueillir son témoignage. Dès sa prise de fonction, Lebher avait fait en sorte que toutes
les gendarmeries de France aient des consignes pour faire face à de telles situations. Le
gendarme se rendit donc sur les lieux, recueillit le témoignage, t ses constatations et
préleva des luzernes dans et à l'extérieur de la trace. Et là, fait essentiel, il eut l'excel-
lente idée de prélever également le support terreux, en plaçant le tout dans une boîte à
chaussures.
Sur ordre du groupe d'étude les échantillons furent acheminés vers un Laboratoire
susceptible de faire une analyse biochimique des échantillons, en l'occurrence celui d'un
directeur de recherche au CNRS, Michel Bounias, de l'INRA5 d'Avignon, qui les récupéra
quatre jours après le prélèvement. Il se trouvait par ailleurs que celui-ci avait fait sa thèse
au CEA sur les traumatismes subis par les végétaux soumis à des irradiations. Il entreprit
aussitôt une analyse très complète des échantillons qui, du fait de la présence d'esprit du
gendarme, arrivèrent en bon état.
Très vite, Bounias nota avec étonnement une diérence signicative entre les équipe-
ments pigmentaires des luzernes prélevées dans et en dehors de la trace. Là où l'engin était
censé s'être posé ces plantes accusaient un décit important en phéophytine, en carotène
et en chlorophylle A et B. Il adressa un rapport à Toulouse en recommandant une nouvelle
prise d'échantillons, à distance croissante du centre de la trace, tous les mètres. Ceux-ci
lui parvinrent dix jours plus tard.
Le groupe d'étude se déplaça alors. Le successeur de Lebher avait en eet établi les
règles d'une méthodologie . Le groupe ne devait pas se déplacer lorsqu'il n'y avait qu'un
unique témoin ou lorsqu'il avait plu, ce qui était le cas à Trans où on trouvait un témoin
unique et où une abondante rincée (lait produite le lendemain de l'atterrissage .
Bounias récupéra une dizaine d'échantillons, pris à distance croissante le long de la
restanque, et se mit au travail. Il trouva que les dosages eectués sur les composants
pigmentaires de la plante variaient extrêmement régulièrement du centre de la trace jus-
qu'à une distance d'une dizaine de mètres où la plante retrouvait pratiquement son état
normal. Le coecient de corrélation calculé atteignait 0,996, ce qui est très élevé.
Il s'agissait bien d'un phénomène de grande ampleur, bien propre, parfaitement cerné,
et non d'une vague tendance comme on en rencontre le plus souvent dans les expériences
sur le paranormal. L'eet était important puisque la phéophytine, par exemple, était
détruite à quatre-vingt pour cent au centre de la trace6.
Institut national de recherche en agronomie.
5
Un suivi systématique du site pendant l'année qui suivit l'événement montra un retour progressif à
6
la normale, en quelques mois, débouchant sur une constance des taux d'un bout à l'autre de la restanque.
6.4. L'AFFAIRE DE TRANS-EN-PROVENCE 77
Les calculs de Bounias7 montrèrent par ailleurs que l'eet sur les plantes décroissait
comme l'inverse du carré de la distance au centre de la trace. En clair : ceci avait donc été
produit par un phénomène de nature radiative. Au cas où cette aaire aurait correspondu
à une mystication, il aurait fallu au farceur des moyens techniques très importants,
par exemple une puissante radiosource nucléaire8.
L'aaire de Trans montrait une chose : le phénomène OVNI n'était pas aussi discret
qu'on l'avait cru. Il ne laissait ni radioactivité, ni magnétisme résiduel, en revanche, dès
qu'un témoin faisait état d'un prétendu atterrissage, celui-ci laissait une trace apparem-
ment durable dans la végétation, qui ne craignait ni la pluie ni les pieds des badauds. Cela
semblait inespéré.
La chose fut connue à travers une note technique émanant du groupe d'étude9, la
première qui contenait enn quelque chose, parce qu'elle témoignait du travail eectué
par un vert table professionnel. Cette note fut également pratiquement dernière éditée par
ce groupe. À l'époque celui-ci tombait sous les coups de la direction générale, à la suite
de l'échec de la manip MHD et des risques de scandale qui s'y rattachaient.
Il faut ajouter ici un mot sur la abilité de cette aaire de Trans. Étant donné le
contenu précis du témoignage, ce cas peut déboucher que sur deux possibilités : ou le
témoin a dit vrai, ou il a monté cette aaire de toutes pièces. Cette seconde hypothèse
nous paraît dicilement crédible, pour plusieurs raisons :
Au moment du témoignage les altérations biochimiques détectées par la suite par
Bounias n'étaient absolument pas apparentes. Les luzernes étaient semblables à n'importe
7Extrait du rapport d'analyse de M. Bounias :
Discussion et Conclusions
Les feuilles provenant de plants récoltés au voisinage le plus immédiat du phénomène présentent
certaines particularités communes aux deux séries d'extractions, donc encore perceptibles 40 jours après
l'événement : l'équipement pigmentaire chlorophyllien et caroténoïdien est aaibli de 30 à 50 % en formes
actives et enrichi en formes inactives ou dégradées. Les jeunes feuilles subissent la perte la plus importante
au niveau du a carotène (-57 %) et de la violaxanthine (-80 % !) Dans tous les échantillons de la 2 série
les chlorophylles sont partiellement décomposées en formes oxydées, mais les modications sont plus
prononcées au voisinage immédiat du phénomène .
Dans la plupart des cas, il existe des corrélations quantitatives entre les perturbations observées et la
distance des prélèvements au centre du phénomène : les paramètres de régression varient en fonction
des diérences d'enthalpie libre associées aux transformations.
Dans le cas des glucides et des amino-acides, il apparaît également certaines modications quantitatives
du spectre des divers composants. Les plus importantes tendent à faire évoluer le contenu des très jeunes
feuilles vers une composition plus caractéristique feuilles âgées.
Les perturbations observées au niveau des pigments photosynthétiques peuvent être examinées par
comparaison avec celles produites dans les feuilles cotylédonaires d'Arabidopsis thaliana (crucifère) après
exposition des graines à une irradiation Y (BOUNIAS, 1973, Arabidopsis inf. serv., 10, 26-27). Les données
numériques suivantes montrent qu'il est nécessaire d'appliquer une dose très importante de rayons Y :
106 rads, pour obtenir des altérations tout au plus équivalentes ou inférieures à celles observées par les
feuilles de Medicago : Chlorophylle A : - 30 %, Violaxanthine : - 40 %, Chlorophylle B : - 46 %, Lutéine :
- 30 %, β carotène : - 20 %.
8 Bounias, quant à lui, ne voit pas quel produit chimique aurait pu rendu responsable d'une telle per-
turbation des pigments. Quelques années après l'aaire, un ufologue émit l'hypothèse que des projections
de ciment auraient pu faire l'aaire. Bounias poussa la conscience professionnelle jusqu'à faire le test, qui
se révéla négatif.
9 Enquête 81/01, Analyse d'une trace. Note technique GEPAN numéro 1 du 1 mars 1983.
6.4. L'AFFAIRE DE TRANS-EN-PROVENCE 79
quelles luzernes du voisinage. Pourquoi le témoin aurait-alors situé le lieu d'atterrissage
en un point précis où existait un traumatisme végétal dont il ne pouvait pas connaître
l'existence ?
Le témoin ne se livra à aucune exploitation de cette aaire. Il ne chercha d'ailleurs
pas à se mettre en avant auprès de son voisinage, au contraire, puisqu'il fallut la démarche
d'un gendarme à son domicile pour qu'il se décide à parler. Son prol n'est pas celui d'un
mythomane.
Bounias connaissait comme moi les travaux réalisés sur les eets des micro-ondes
modulées sur le vivant. Au point où en étaient les choses, la suite logique de l'aaire de
Trans était de tenter de simuler le phénomène. Cela pouvait être tenté en soumettant
des luzernes à un bombardement de micro-ondes ondulées, qui pouvaient émaner d'une
petite source de table, débitant à travers un guide d'onde gros comme le petit doigt et
où tant quelques dizaines de milliers de francs. Une paille pour le groupe toulousain qui
avait dilapidé des millions de francs pour rien.
Le professeur Bounias, en dépit de demandes réitérées, ne reçut jamais la moindre
réponse et les choses en restèrent là.
Il ne pouvait en être autrement. En eet les micro-ondes n'existent pas dans la na-
ture. Si ces expériences (qui restent toujours faisables à tout moment) avaient donné un
résultat positif, ceci aurait donné à l'hypothèse véhiculaire donc extra-terrestre, une force
considérable. Comme disent les Anglo-Saxons, le chat se serait retrouvé hors du sac et il
eût été bien dicile de l'y faire rentrer.
Après cet épisode de Trans-en-Provence, quelle eût été la conduite logique à tenir ? Un
chef responsable (et surtout décidé à trouver la clef du mystère) aurait donné des consignes
selon lesquelles tout aurait été mis en ÷uvre, lors de tout atterrissage signalé, pour que
le laboratoire de Bounias puisse disposer au plus vite d'échantillons dans les meilleures
conditions. Ce dernier avait d'ailleurs donné des précisions sur la meilleure manière de
conserver les échantillons : en les congelant à la neige carbonique.
Il y eut au moins un autre cas comme celui de Trans10 pour lequel le groupe d'étude
se garda bien de solliciter l'INRA d'Avignon. Les échantillons furent prélevés dans les
pires conditions, tiges coupées, enfermés dans des sacs plastiques. Ils arrivèrent dans un
laboratoire d'analyse de l'université de Toulouse, compte tenu de la lenteur administrative,
dans un état de décomposition avancée qui rendit toute analyse impossible. Mais le but
n'était-il pas cette fois atteint ?
Il existe un témoignage direct d'une rencontre avec un des responsables de la création
du groupe d'étude : le mien. En juillet 1987 je me trouvais au Québec pour une rencontre
internationale sur la vulgarisation scientique. À cette occasion je fus mis en présence
d'un barbichu, grand amateur de cigares. Je me rappelai soudain avoir vu son nom sur
une lettre ocielle détenue par Lebher, en 1977, et faisant état de la création du groupe
d'étude spécialisé dans l'étude du phénomène OVNI.
Il ne me reconnaissait visiblement pas. Endossant alors le personnage d'un scientique
conservateur, je le questionnai.
N'étiez-vous pas dans l'administration dont dépendait le groupe d'étude des OVNI,
lors de la création de celui-ci ?
10 Le cas dit de l'Amarante .
80 CHAPITRE 6. RENCONTRE AVEC LE DIABLE
eu à traiter.
Le 21 septembre 1988 Perrin de Brichambaut revenait à la charge en rappelant, dans
une nouvelle correspondance, les principales questions débattues et les conclusions rete-
nues lors des dernières réunions du Conseil Scientique du GEPAN, il y avait alors près de
quatre ans, et pour lesquelles aucune information n'a été communiquée quant aux suites
qui leur auraient éventuellement été données depuis lors. Il récapitulait :
1o Moyens CNES aectés au GEPAN :
Personnel actuellement aecté : secrétariat, personnel technique ?
Crédits de fonctionnement et d'étude : sous-traitances en cours ?
Équipement d'enquête et véhicules d'intervention disponibles ?
2o Activités récentes et actuelles du GEPAN :
Mise à jour du chier central (tri des cas, informatisation).
Méthodologie de classement actuellement utilisée ?
Méthodes d'enquête systématiquement employées ?
Observations intéressantes et cas étudiés depuis 1984 ?
Enquêtes menées sur place depuis 1984 ?
Missions, prélèvements, analyses de traces ?
Liaisons avec la gendarmerie et les laboratoires spécialisés ?
Publications, notes techniques et d'information depuis 1984 ?
3o Rôle coordonnateur du CNES pour diverses actions de recherche :
CNRS : Suppression des ondes de choc.
Travail initié et présenté au GEPAN par J.P. Petit, d'un intérêt certain en
matière d'aérodynamique : état de la question ? Études théoriques et essais en
cours ?
INRA : Micro-ondes et physiologie végétale.
Analyses originales eectuées par monsieur Bounias, nécessitant des tra-
vaux expérimentaux susceptibles de nombreuses applications. État actuel de ce
problème (action des micro-ondes sur les physiologies végétales et animales) ?
Organismes divers : Observation en continu des phénomènes lumineux.
Surveillance étendue des phénomènes lumineux nocturnes, couvrant le ter-
ritoire et en liaison éventuelle avec des réseaux européens déjà existants (mé-
téorites). État de la question ?
D'autres études avaient également été entreprises ou envisagées :
Fondement psychophysiologique du témoignage.
Analyse du phénomène sociologique de la rumeur.
Décharge des accumulateurs et actions physiques des micro-ondes.
...
Une revue générale de ces sujets divers et variés, dans leur évolution depuis
quatre ans, serait extrêmement utile à tous.
4o Rôle du Conseil scientique.
Ce-Conseil, constitué de représentants de plusieurs organismes (dont la
Météorologie nationale) et susceptible de faire appel à des experts extérieurs,
avait pour mandat de suivre toutes les activités du GEPAN et de proposer à
la direction du CNES les orientations souhaitables pour les travaux eectués
ou sous-traités par le groupe d'étude.
6.5. UNE AFFAIRE CONDON À LA FRANÇAISE 83
Dans ce double but, des réunions régulières, au moins annuelles, permet-
taient aux membres du conseil d'être tenus au courant des décisions prises par
le CNES et des résultats obtenus par le GEPAN, en vue d'eectuer des propo-
sitions raisonnables et de dénir des priorités en tenant compte des ressources
disponibles et de l'avancement des problèmes.
Depuis 1984, aucune réunion du Conseil n'a été tenue, aucun document
n'a été envoyé à ses membres et le GEPAN semble avoir disparu : qu'en est-il
exactement et quels sont les projets du CNES en la matière ?
Je souhaiterais, comme tous les membres du Conseil convaincus de l'intérêt
de tels travaux scientiques interdisciplinaires, initiés à l'époque par monsieur
Curien, recevoir une brève mise au point répondant à ces diverses questions et
indiquant en particulier le rôle actuellement réservé au Conseil par la Direction
du CNES.
Toute décision modiant la composition du Conseil est bien entendu du
ressort du CNES. Je souhaite seulement recevoir dès que possible tous éléments
utiles me permettant de clarier ma situation tant à l'égard du GEPAN que
du CNES.
Selon votre décision et à votre demande, je reste naturellement prêt à vous
exposer de vive voix mon point de vue comme à participer à toute réunion
prochaine du Conseil, de même que je serais tout disposé à traiter ce délicat
problème dans le cadre d'une réunion avec M. Curien lui-même, si vous le
jugez souhaitable.
Dans l'attente de votre réponse, je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur
Général, l'assurance de ma respectueuse considération.
Ces documents me furent communiqués par Perrin de Brichambaut le 14 décembre
1989. Dans une lettre d'accompagnement personnelle, il me précisait sa position en ces
termes :
J'ai eectivement appartenu au conseil scientique du GEPAN depuis 1977 et jusqu'à
sa dissolution. Antérieurement j'avais appartenu à la commission qui rédigea le rapport
sur les phénomènes aériens non identiés pour le compte de l'Institut des hautes études
de Défense nationale.
Pour ma part j'avais réellement cru au GEPAN durant ses premières années de fonc-
tionnement. Nous avions approuvé la méthodologie proposée par ce groupe pour mener à
bien les enquêtes et recommandé, lors des réunions du conseil scientique, que soient ef-
fectuées des modélisations n'excluant a priori aucune hypothèse interprétative, y compris
véhiculaire.
Nous avons pu apprécier plusieurs des notes de travail présentées par le groupe, et
très particulièrement la note n 16, relative au cas de Trans-en-Provence, assortie d'une
excellente et originale analyse de prélèvements réalisée par le professeur M. Bounias, de
l'INRA d'Avignon. Nous avions alors conrmé tout notre intérêt pour ce type d'analyse
des traces, en souhaitant le voir systématisé et associé à diérentes recherches facilitant
l'exploitation des données recueillies.
Aussi, les modications apportées peu après à l'organisation et aux moyens du GEPAN
nous ont fâcheusement surpris : elles impliquaient en eet l'abandon progressif de toute
opération de simulation, le groupe étant pratiquement prive de toute autonomie en matière
84 CHAPITRE 6. RENCONTRE AVEC LE DIABLE
de recherche. Par ailleurs les réunions du Conseil, de plus en plus espacées ont totalement
cessé à partir de 1985.
Souhaitant voir ociellement précisé le sort réservé au conseil et à ses membres, j'ai
d'abord pris contact, sans succès, avec l'ingénieur général responsable, puis j'ai été conduit
à adresser deux courriers successifs (dont je vous joins copie) à la Direction générale du
CNES, en rappelant les orientations et les engagements pris lors des précédentes réunions
et en souhaitant connaître la suite donnée à plusieurs actions de recherche dont nous
avions recommandé la poursuite, en particulier vos propres travaux et ceux du professeur
Bounias.
Ces lettres sont restées sans réponse, et c'est seulement n 1988 que j'ai indirectement
appris la suppression du GEPAN, associée à la disparition simultanée de son conseil
scientique.
Je considère personnellement cette attitude comme inélégante et manquant pour le
moins de transparence, sinon d'honnêteté, vis-à-vis de tous les membres du conseil, et je
regrette surtout la véritable trahison intellectuelle ainsi commise, occultant les eorts et
les travaux réalisés ainsi que les résultats obtenus.
Le CNES se trouva nalement dans une position assez inconfortable vis-à-vis de ces
courriers répétés, émanant de ce membre du conseil scientique qui, en adoptant une
position rationnelle, se refusait à devenir... raisonnable. En répondant ociellement à
Perrin de Brichambaut, il ne pouvait en eet passer sous silence les propositions que nous
avions faites, Bounias et moi, en 1983, parmi lesquelles se trouvait simplement celle d'être
entendus devant les membres du conseil, en ayant la possibilité de présenter nos travaux
et suggestions.
Le CNES était ainsi dans une situation comparable à celle de gens qui auraient ins-
tallé des cannes à pêche sur le bord d'un lac et qui, bien décidés à ne rien attraper, du
moins dans le cadre d'un organisme civil, auraient posé des lignes dépourvues d'appâts
et d'hameçons. Mais, à cause de deux idiots de chercheurs, voici que ces lignes étaient
tendues à tout rompre et, pour aggraver le tout, un membre du Conseil scientique, d'une
intégrité intempestive, au lieu de comprendre spontanément ce pour quoi ils avaient été
commis, demandait avec insistance que ces lignes fussent relevées, pour savoir ce qu'il y
avait au bout.
La réponse vint cependant. En décembre 1988 le CNES prononça la dissolution du
CEPAN. Dans le même temps, il créa un nouvel organisme appelé SEPRA (Service d'ex-
pertise des phénomènes de rentrée atmosphérique). Même personnel, même locaux et
même fonction. Mais, détail qui avait désormais son importance, ce SEPRA n'avait, de
par son statut, plus à rendre compte devant un conseil scientique, donc il n'était plus
nécessaire de répondre à Perrin de Brichambaut et le tour était joué. Tout ceci s'eectua
évidemment dans l'indiérence la plus générale.
Il existe enn une explication rationnelle à tout cet ensemble de comportements com-
plètement aberrants et de volte-face : qu'en haut lieu on sache déjà parfaitement à quoi
s'en tenir au sujet du phénomène OVNI.
La désinformation a toujours existé lorsqu'il s'agissait de préserver un secret durant
une longue période. Le black-out total peut sure pendant une courte durée, comme ce
fut le cas par exemple pour le projet Manhattan. Quand il s'agit d'un maintien de secret
à plus long terme, la seule solution consiste à pratiquer une désinformation active. Je suis
convaincu que nous en sommes actuellement les témoins.
Les Français ne seraient d'ailleurs pas les seuls à pratiquer cette technique vieille
comme le monde. Les Américains, qui ont des structures de secret beaucoup moins
étanches que les nôtres (dans ce pays 200 000 individus ont accès aux documents classés
condentiel défense), semblent y recourir avec beaucoup d'ecacité13.
6.7 Épilogue
Pendant dix années je m'étais donc trouvé dans une situation un peu délicate. Mon
ancienne direction générale m'avait dit par la bouche de Combarnous, oralement hélas,
que le fait de travailler dans le domaine de la MHD, c'est-à-dire de la physique des gaz
ionisés, tout en restant aecté à l'observatoire de Marseille, ne posait aucun problème.
On a vu que le changement de 1986 avait entraîné un remplacement de cette équipe
dirigeante, les nouveaux venus n'ayant pas manifesté pour ce type d'étude l'enthousiasme
de leurs prédécesseurs.
Fin 1986, après l'issue de cette réunion de la dernière chance à Rouen, face aux experts
militaires j'éprouvai soudain un sentiment de vulnérabilité. La direction de l'observatoire
avait également changé. J'étais resté très lié d'amitié avec les deux directeurs précédents,
Monnet et Georgelin, mais je savais que le nouveau directeur en place ne l'entendrait pas
de cette oreille. J'avais, de plus, été amplement prévenu par des collègues sur ce point.
Je me sentais dans la situation du passager d'une capsule en orbite autour de la
planète, contraint de préparer impérativement sa rentrée. Heureusement mon travail de
cosmologie, dont il sera question dans la partie scientique, aboutit providentiellement
durant l'été 1987. J'en s aussitôt une copie que j'adressai à mon directeur de laboratoire
en proposant la tenue d'une série de séminaires et en lui demandant son avis sur ce travail.
Il ne répondit pas et expédia à la direction générale une lettre dans laquelle il écrivit
les activités de monsieur Petit n'intéressent en rien l'observatoire de Marseille , lettre
dont je n'eus pas communication, pas plus que les autres personnels de l'observatoire.
En mars 1988, je reçus une lettre émanant de la direction générale mettant n sans
préavis à mon aectation à l'observatoire où j'étais depuis 14 ans, et faisant de moi un
chercheur isolé . Les personnels et conseils de l'observatoire n'avaient pas été avertis de
cette décision, prise par ailleurs par un directeur de département dont je ne dépendais pas
13 Ce qui semble être l'interprétation de l'aaire dite du Majestic 12, évoquant la présence dans des
repaires souterrains, installés dans des bases militaires américaines avec l'accord des propriétaires, d'in-
quiétants locataires, les petits gris , extraterrestres de petite taille, grands amateurs de tissus humains.
Le point de départ de cette aaire n'a jamais été qu'un paquet de photocopies de prétendus documents
ociels, jetés dans une boite aux lettres et renforcés par des témoignages de énième main émanant...
d'anciens membres des services secrets.
6.8. UN VÉRITABLE TABOU SCIENTIFIQUE 87
administrativement. En principe en eet une décision aussi grave, concernant un chercheur
ayant le grade de directeur de recherche, ne se prend pas sans questionner préalablement
l'intéressé, et sans soumettre le problème aux commissions concernées.
Pour nir, une telle mesure pouvait apparaître singulière à une époque où le mot
d'ordre, pour la direction générale, était au contraire de faire la chasse aux chercheurs
isolés pour tenter de les intégrer dans des formations existantes.
Ma seule défense était mon travail scientique dans la spécialité. Or un travail scien-
tique n'a de valeur que s'il est publié dans une revue à referee, d'un bon niveau. Le
système fonctionne de la manière suivante. Le directeur de la publication reçoit l'article
et l'envoie aussitôt à un expert, français ou étranger, qui lui paraît capable de réaliser
une évaluation de ce travail. Si ce referee donne son accord, le travail est publié aussitôt,
mais en général cette publication n'intervient que lorsque l'auteur a apporté un certain
nombre d'éclaircissements sur son papier. Ces échanges, ponctués de nouvelles rédactions
et de nouvelles lectures, sont longs et l'aaire traîne bien souvent sur plus d'une année.
Par chance cette aaire de publication, enclenchée déjà depuis plusieurs mois, se
dénoua pour moi deux jours après réception de cette lettre. Fortement appuyé par les
membres de l'observatoire, je demandai alors aussitôt ma réintégration.
Un mois plus tard je plaçais un second papier dans la même revue de haut niveau,
en l'occurrence Modern Physics Letters A. En août, la direction générale prononça ma
réintégration. Je revenais de loin.
On a vu plus haut comment mon ami Lucien (ce n'est pas son vrai nom, vous vous en
doutez) avait été contraint d'abandonner les recherches de MHD. Tous les chercheurs qui,
de près ou de loin, ont voulu toucher à la question OVNI, ont éprouvé de sérieuses dicul-
tés sur le plan professionnel. Aujourd'hui ils subissent des pressions très vives de la part
de leurs directions de tutelle. À l'un, on reprochera sans ambages ses prises de position,
sa participation à des réunions, des colloques non reconnus . À l'autre, on demandera
sans ménagements d'être plus circonspect dans le choix de ses sujets de recherche et dans
sa manière de publier ses résultats.
Pour subir à coup sûr les foudres de la sacro-sainte communauté scientique il sut
de prononcer le mot tabou, le mot OVNI.
89
Chapitre 7
OVNI soit qui mal y pense
Avant de tenter de comprendre le pourquoi d'un tel blocage, taisons une petite pro-
menade au pays de l'OVNI, en évoquant une partie de ses nombreuses et déconcertantes
facettes.
Le problème OVNI est un des plus mal étudiés qui soient. Au l des années des groupes
bénévoles ont tenté d'assurer, sans aucun moyen, la dicile collecte de l'information.
Récolter un témoignage n'est pas une chose évidente. Le témoin peut appartenir à
n'importe quelle couche sociale et avoir un niveau culturel extrêmement varié. De plus,
l'expérience qu'il a vécue peut avoir induit chez lui un état traumatique plus ou moins
prononcé.
La perception passe par une comparaison automatique et inconsciente avec des élé-
ments culturels déjà présents dans la tête du témoin. Donnons un exemple qui correspond
à un cas datant du 2 novembre 1968. Dans une localité du midi de la France, cette nuit-là,
à 3 h 55, le témoin fut réveillé par des exclamations de son jeune ls qui avait perçu des
lueurs intermittentes à travers la fenêtre de sa chambre. Il sortit sur sa terrasse et aperçut
deux objets, volant apparemment de conserve, qu'il situa en milieu de vallée.
Il s'agissait de deux objets lenticulaires, munis d'antennes . Le dôme supérieur était
d'un blanc argenté, tandis que le dôme inférieur était de couleur rouge. Ces deux objets
semblaient projeter sur le sol, verticalement, un puissant pin-t eau de lumière émanant
de la partie inférieure, à la manière d un projecteur.
Le point de la vallée situé à la verticale des machines, là où les faisceaux des projecteurs
frappaient le sol, fournissait une estimation de l'envergure des deux machines : 65 mètres.
Il se produisit alors un phénomène étonnant. Au fur et à mesure que les deux machines
se rapprochaient, elles semblèrent se fondre littéralement l'une dans l'autre, pour n'en
former qu'une seule, dont le témoin distingua les détails. L'engin bascula alors en braquant
son faisceau de lumière sur le témoin qui s'abrita le visage, erayé.
Sans chercher à savoir si ce récit est véridique ou non, ce qui reste strictement improu-
vable, voyons ce que pourrait donner une analyse plus ne des faits rapportés.
Imaginez que vous voyiez un éléphant semblant marcher sur un mur distant d'une
vingtaine de mètres et situé à la hauteur de votre regard. Apparemment c'est un éléphant
minuscule, d'une dizaine de centimètres de haut. Vous savez qu'il n'existe pas d'éléphants
de cette taille, donc vous en déduisez que vous êtes en train d'observer la démarche d'un
éléphant sur la route cachée par le mur, distante de plusieurs centaines de mètres, et qu'un
91
92 CHAPITRE 7. OVNI SOIT QUI MAL Y PENSE
simple eet de perspective vous le fait apparaître marchant sur le mur de l'avant-plan.
A la limite vous ne vous posez même pas la question. Dans votre témoignage il n'y
aura pas deux possibles, c'est-à-dire l'éléphant de taille normale marchant sur la route et
l'éléphant minuscule marchant sur le mur. La première éventualité aura été éliminée au
niveau même de la perception inconsciente.
Revenons au cas précédent. Supposons que l'objet vu par le sujet ait été de petite
taille, donc assez proche pour faire l'objet d'une perception binoculaire. Tout se passe en
une fraction de seconde, dans l'inconscient du sujet. L'objet crée un pinceau de lumière
vertical qui apparemment touche le sol. L'évaluation de la distance est alors eectuée de
manière totalement réexe. Le cerveau conscient n'intervient même pas à ce niveau, le
calcul étant eectué au niveau de la partie inconsciente qui conclut l'objet est loin, donc
gardons les axes optiques parallèles .
Résultat : le sujet verra non pas un objet, mais deux, à la manière d'un ivrogne
(l'alcool, grâce auquel on voit double altère tout simplement cette faculté de focaliser
sur l'objet perçu).
Lorsqu'un objet pénètre rapidement dans votre champ visuel, croyez-vous que votre
cerveau conscient a le temps d'entrer en action pour donner les ordres de focalisation adé-
quats ? Bien évidemment non, sinon tous les chasseurs de grives reviendraient bredouilles.
Il se produit un aller et retour, un feed-back permanent entre ce qui est vu et ce à quoi
on s'attend1. L'inconscient travaille à toute vitesse. Dans le cas du témoin on pourrait
reproduire comme suit ce mécanisme de réexion inconsciente : Est-ce que ces objets
sont près ou loin ? C'est bizarre, quelque chose me dit qu'ils sont près, ou qu'il peut s'agir
d'un objet unique. Mais non, c'est absurde, car dans ce cas cet objet discoïde porterait
en dessous de lui un rayon lumineux tronqué, n'aboutissant nulle part. Or, je sais que de
tels rayons sont impossibles à produire, n'existent pas. Donc conservons les axes optiques
parallèles.
Le conit intérieur subsiste pendant le rapprochement de l'objet. Lorsque celui-ci est
assez près, la thèse (inconsciente) des deux objets ne tient plus et l'ordre de focalisation
est donné, qui se trouve immédiatement renforcé par l'accroissement de la netteté.
Si vous xez un objet tenu à bout de bras, portant une inscription quelconque et que
vous vous forcez à défocaliser, c'est-à-dire à voir double , vous pourrez constater que
la qualité de votre perception tombe. L'÷il a naturellement tendance à s'orienter de telle
manière que l'image tombe sur la tache fovéale , partie centrale de la rétine qui est
beaucoup plus riche en cellules réceptrices. Quand vous regardez cet objet tenu à bout de
bras, les images tombent à côté des taches fovéales, pour chaque ÷il, donc la vision est
moins bonne.
Je ne dis pas que ce témoignage soit indiscutable, ni que les choses se soient réellement
passées ainsi, selon l'une ou l'autre des versions, mais ceci montre que, même si le récit
est produit en toute bonne foi, un certain travail de décodage peut être à faire à partir
du témoignage brut.
Notons au passage que le Bang entendu par le témoin n'est pas incompatible avec une
propulsion MHD. En eet, si c'était le cas, au moment où le pilote mettrait la gomme,
l'air serait brutalement chassé vers l'arrière, avec possibilité de départ d'une onde de
1 En anglais, expected signal : le signal auquel on s'attend.
7.1. ACTION SUR LE PSYCHISME DU TÉMOIN 93
choc. Un tel phénomène a été parfaitement reconstitué par des simulations hydrauliques.
L'hydrodyne, au banc, pouvait naviguer en régime de croisière sans ondes, mais pouvait
aussi créer une vague unique, d'amorçage, si son démarrage était brutal.
qui traitaient les photos reçues de l'espace et prises par satellite, ou plus simplement celles
fournies par les télescopes basés au sol, ce qu'on appelait un micro photomètre digitalisé.
Disons que cet appareil était un mélange de microscope et d'ordinateur et permettait de
saisir toute l'information présente sur un cliché, en allant jusqu'au niveau du grain.
On pouvait ainsi, par exemple, pour des photos de mauvaise qualité, les nettoyer plus
ou moins, accentuer un contour en débarrassant un cliché de sa neige . On pouvait
détecter une celle ayant servi à suspendre une maquette utilisée dans une mystication,
comme le t Lebher en 1978.
En principe cette technique d'analyse pouvait permettre, pensait-on, de déterminer
l'éloignement d'un objet si on disposait de plusieurs photographies prises à des distances
diérentes. Il existait par exemple quelques cas assez rares, comme le célèbre cas de Mac
Minville, aux Etats-Unis, où le témoin prétendait avoir pris trois clichés d'une soucoupe
qui s'éloignait, sans toucher au réglage de son appareil.
La turbulence naturelle de l'air interdit d'avoir des images parfaitement nettes, même
avec un appareil parfaitement mis au point (avec évidemment un réglage sur l'inni s'il
s'agit d'un objet de grande taille). Elle se comporte à un instant donné comme un verre
dépoli. Imaginez que vous placiez un objet, par exemple un dessin, sur une feuille de papier,
et que vous l'observiez en le plaquant derrière une vitre en verre dépoli. Le dessin sera
peut-être lisible. Interposez ensuite deux, puis trois épaisseurs de ce matériau. La qualité
de l'image se dégradera. Si vous connaissez le niveau de qualité de l'image correspondant
à une seule épaisseur, vous pourrez déterminer, en utilisant un modèle mathématique de
la diusion de la lumière et en analysant un cliché pris du dessin derrière n épaisseurs de
verre dépoli, combien il y avait de vitres interposées.
Quelque chose du même genre pouvait a priori permettre de déterminer, à partir de
deux ou trois clichés et en utilisant un modèle de diusion de la lumière, s'il s'agissait
de photos prises à l'aide d'une maquette située à un mètre, deux mètres, trois mètres, ou
au contraire d'un objet important situé à un mille mètres, deux mille mètres, trois mille
mètres.
Les gens s'attaquèrent donc au problème dans cette optique.
Malheureusement la méthode ne pourrait marcher que si I `objet était totalement
inerte, en particulier froid. Or, si les OVNI sont des machines volantes, sustentées par
exemple par la MHD, ils perturbent a priori fortement leur environnement gazeux. La
décharge électrique diuse qui les entoure, même si elle reste invisible de jour, chaue
l'air environnant, d'autant plus que la puissance mise en ÷uvre est forte. C'est la raison
pour laquelle je pense qu'on ne peut malheureusement pas tirer grand-chose de ce type
d'analyse des clichés, qui ne peut rien prouver ni inrmer.
Il n'existe aucun moyen de déterminer si un cliché est authentique ou non. Des photos
très suggestives peuvent être réalisées avec des moyens modestes : une cloche à vide, en
verre, un générateur électrique. En mettant des maquettes en plastique munies d'élec-
trodes, sous une tension de l'ordre de mille volts, dans de l'air sous quelques dixièmes de
millimètre de mercure, on créera de très belles photos d'OVNI , dont aucun expert
ne pourra armer si elles sont authentiques ou non. Si on alimente un objet discoïde à
bord mince avec une simple Bobine de Ruhmkor, qui donne des impulsions en 30 000
volts, sous un mégahertz, on pourra même reconstituer les fameux rayons tronqués ,
qui ne seront que des arcs hyperfréquences , comme nous l'avons fait en 1985.
7.5. LA COSMOTROUILLE 97
7.5 La Cosmotrouille
Revenons sur le thème du tabou et tournons-nous vers la dénition du Petit Larousse :
Tabou : Caractère d'un objet, d'un être, ou d'un acte dont il faut se détourner en raison
de sa nature sacrée. La violation d'un tabou entraîne un châtiment céleste.
Cette dénition évoque aussitôt, pour moi, la réponse qu'avait faite un jour un célèbre
astronome français à un journaliste qui lui avait demandé : Que feriez-vous si vous voyiez
soudain un OVNI par la fenêtre de votre bureau ?
L'autre avait répondu : Je me tournerais et je regarderais le mur.
Autre souvenir, celui d'une conversation avec mon directeur de recherche, en 1983, au
cours de laquelle j'avais une dernière fois tenté de lui démontrer l'intérêt scientique du
phénomène. Il avait clos brutalement l'échange par : Écoute, tu t'occupes de ce qui est
en bas, tu ne t'occupes pas de ce qui est en haut.
En 1978 il m'avait fait une condence assez savoureuse. Je vous ai dit que le conseil
du groupe d'étude contenait deux scientiques, lui et un certain Omnès5, spécialiste de
la cosmologie, qui était à l'époque doyen de la faculté d'Orsay. Ce dernier, excédé par
l'intérêt porté au phénomène OVNI, avait lancé lors d'une réunion : Eh bien moi je vais
prendre toutes ces prétendues observations, et je montrerai scientiquement que ça ne
tient pas debout.
Il avait décidé, en premier chef, de s'occuper de ces prétendus rayons tronqués. Je
rencontrai mon directeur de recherche quelques mois après et l'interrogeai sur les résultats
de la démarche de son collègue, et il me répondit : Il n'a pas pu montrer que c'était idiot,
au contraire, il a montré que c'était tout à fait possible , et c'est là le drame. Il faut bien
comprendre que, pour un scientique conservateur comme le sont quatre-vingt-dix-neuf
pour cent d'entre eux, le problème OVNI est vécu intérieurement comme un véritable
drame.
Le ruban bleu de la frousse est détenu par le président d'une commission institution-
nelle de vulgarisation scientique, qui m'écrivit un jour : Que tu utilises la bande dessinée
pour diuser tes idées, cela te regarde. Mais je juge cela non conforme à la déontologie
scientique : on ne met pas sur le marché des idées en contournant le jugement des pairs.
Qui vivra verra.
Après réception de cette lettre étonnante, qui semblait plus émaner d'un membre
de l'Inquisition que d'un astrophysicien connu, je lui téléphonai en lui demandant quel
passage du Mur du Silence l'avait choqué. Il ne pouvait s'agir que de cet album où je
présentais un panorama de mes idées MHD, à travers des simulations hydrauliques. Notre
brillant censeur me répondit : Non, cet album-là, je ne l'ai pas lu...
C'était un beau mensonge, mais, au dernier moment, il se dégonait, sachant perti-
nemment que tout ce qui était présenté dans cet album était vrai, correspondait à des
expériences authentiques et avait été publié lors d'un colloque scientique international
de haut niveau6.
J'eus l'occasion de le rencontrer lors d'un débat portant sur un tout autre sujet. Je
5 Lors d'une réunion du groupe d'étude en 1977, Omnès avait menacé de démissionner du Conseil
scientique si sa composition devait être révélée à l'extérieur.
6 Huitième colloque international de MHD, Moscou, 1983.
98 CHAPITRE 7. OVNI SOIT QUI MAL Y PENSE
l'interrogeai sur cette lettre qui faisait de moi un charlatan, une espèce de docteur Doxey
de la physique. Mais soudain, devant des tiers, l'autre ne se souvenait plus de la lettre. Il
ne voyait pas non plus de quel album il pouvait s'agir. Ce docte académicien nit par nous
avouer qu'il avait ces temps-ci des problèmes de mémoire. Et il nous planta la comme un
poulpe ayant lâché son nuage d'encre.
Il existe en France un certain nombre de revues de bonne tenue qui font de la diusion
scientique et qui sont La Recherche, Pour la Science, Science et Vie, Science et Avenir.
Inutile de dire que ces revues participent du même blocage et de la même censure. Tout
article, même convenablement construit, ou l'on évite soigneusement de conclure hâti-
vement (et avec juste raison), et qui porte le mot OVNI, est immédiatement envoyé au
panier, le courrier restant sans réponse.
Il y a quelques années la revue La Recherche avait publié un long article sur la question
qui était d'un niveau étonnamment bas7. La discussion était du niveau du café de la gare.
Il ne s'y trouvait aucun argument de nature scientique, ni pour ni contre. On évoquait
simplement des méprises de témoins. Un policier américain avait, par exemple, appelé ses
collègues à la rescousse, par radio, en leur disant : Venez vite. Je vois l'OVNI, il est
énorme et de couleur métallique. Il est posé sur le haut de la colline. Il s'agissait d'une
citerne chromée qui avait été posée la veille.
C'était drôle, mais ce n'était quand même pas très sérieux. Et le tout était à l'avenant.
Cet article permettait cependant à la revue de dire : Vous voyez, nous en avons parlé.
Oui, mais comment...
Je proposai à cette revue, dans le début des années quatre-vingt, un article collectif
qui serait réalisé par plusieurs scientiques, du niveau par exemple d'un Hubert Reeves,
astronome à Saclay, ou d'un Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien théoricien de Nice. Je
suggérai que la revue patronne d'abord une sorte de colloque informel entre nous, puis
rende compte du résultat de cette discussion en quelques pages. Il n'y eut jamais de
réponse, mais la proposition tient toujours.
En 1984, un journaliste de France Inter, Jean-Yves Casgha, organisa une conférence
de presse sur le sujet OVNI. Je demandai alors que les orateurs ne soient que des gens
qui puissent eectivement tenir un discours scientique de qualité, ce qui excluait toute
intervention de groupes privés (sinon la chose aurait viré à la confusion la plus totale).
Le thème de la rencontre était Le phénomène OVNI est-il intéressant sur le plan scien-
tique ? .
Aucun scientique ne répondit à l'invitation et nous nous retrouvâmes seuls, le pro-
fesseur Bounias et moi-même. Le chef du groupe d'étude présenta sa méthodologie ,
expliquant, trois ans après Trans-en-Provence, que son équipe ne se déplaçait pas
quand il avait plu, preuve que la leçon n'avait eu aucun eet (les prises d'échantillons de
Trans avaient en eet été faites après une forte rincée). En face, ce ne fut pas très brillant.
Un psychiatre, professeur dans une faculté, déclara : Moi j'ai un client, il est fou, et il
dit qu'il voit des OVNI. Alors...
Nous avions souhaité un débat scientique de qualité et on nous servait des remarques
de cette nature !
Le rédacteur en chef de la revue Pour la Science, Philippe Boulanger, nous apprit
7 Article de Michel Granger. La Recherche, n 124, juillet-août 1981.
7.5. LA COSMOTROUILLE 99
qu'il avait jadis rencontré Condon, l'auteur du célèbre rapport américain, et que celui-ci
lui avait dit qu'il ne s'était personnellement jamais intéressé au phénomène OVNI.
Mais que se passe-t-il donc dans la tête de nos scientiques ? Un des buts de ce livre
est de tenter de le comprendre.
Je me trouvais un jour dans le bureau du rédacteur en chef d'une des grandes revues
citées plus haut. Disons que c'est un homme grand avec des lunettes et des cheveux blancs
un peu frisés. Il me tint ce discours étonnant : Tu vois, je vais te dire une bonne fois
pourquoi le problème OVNI ne m'intéresse absolument pas. Il y a une dizaine d'années
j'étais un fervent joueur d'échecs. J'appartenais à un club, j'étais classé et je disputais
fréquemment des championnats. Un jour, un maître aux échecs vint séjourner dans notre
club, un étranger. Il donna donc toute une suite de conférences très intéressantes. Cer-
tains d'entre nous souhaitèrent se mesurer à lui, mais il éluda à chaque fois poliment ces
demandes. Il existe des cafés dans Paris où les joueurs ont l'habitude de se retrouver, en
particulier à proximité des clubs. Un jour je tombai sur lui entre midi et 14 heures et je lui
suggérai de faire une petite partie rapide. Il accepta en souriant et en posant lentement
son journal. Vingt minutes après j'étais aussi mal parti que possible. J'avais perdu une
tour, ma reine était coincée. Je fus contraint à l'abandon. Depuis ce jour-là je n'ai jamais
plus rejoué aux échecs...
J'écoutai tout ceci avec des yeux ronds. Il ne faut pas être un expert psychologue
pour pouvoir décoder ce discours. Il signiait en clair : Tu comprends, ici, j'ai une
position sociale assez en vue. Je dirige l'une des plus prestigieuses revues consacrées
à la science dans ce pays, ce qui me donne un pouvoir certain, en particulier sur les
scientiques eux-mêmes, qui doivent me faire la cour pour que je parle de leurs travaux.
Si les extraterrestres débarquaient, ils me diraient : Ah c'est vous qui dirigez ce petit
torchon plein de sottises ! , et mon univers basculerait aussitôt. Je ne serais plus rien...
Le grand public a une image totalement idéalisée du scientique. On les croit modestes,
objectifs, rationnels, courageux, honnêtes. J'aurais de plus en plus tendance à les voir
comme des moines un peu froussards.
Chapitre 8
Les chrysorchides
Chrysorchide : combinaison de deux mots grecs, chrysos, l'or et orchideis, les couilles.
Se dit de gens qui se font les couilles en or. Comme dirait le regretté Fernand Raynaud :
l'OVNI, ça eut payé, mais ça ne paye plus . Pour certains ce fut un joli pactole.
Prenons-en un, au hasard, dans cette cour des miracles . L'histoire a au moins le
mérite d'être drôle.
Un jour de 1979 j'eus un appel téléphonique de l'aventurier plongeur Jacques Mayol.
Allô, Jean-Pierre, qu'est-ce que tu dirais de participer à une expédition dans le
triangle des Bermudes, tous frais payés ?
Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
J'ai un ami milliardaire, Marco Bonelli. Il a un fantastique bateau qui est déjà en
route vers le lieu des recherches. Si lu veux, toi et moi, avec un autre plongeur, on irait
préparer I opération, à Fort Lauderdale, en Floride. Puis Bonelli nous rejoindrait et on
mettrait le cap sur l'endroit.
Mais, quel endroit ? Quelle recherche ?
Tu connais le livre de Charles Berlitz, le Triangle des Bermudes ? Il y parle d'une
pyramide engloutie, détectée à l'aide d'un écho sondeur. Eh bien je sais où elle est et si
tu marches avec nous, on va aller plonger dessus.
Dicile de refuser. Quinze jours plus tard Mayol et moi débarquions à Fort Lauderdale,
qui est une espèce de Nice américain, de maison de retraite hébergeant des centaines de
milliers de pensionnaires. Le bateau de Bonelli était à vous souper le soue. En gros c'était
un o shore de trente-neuf mètres de long. L'Italien avait d'ailleurs été à l'origine de ce
sport de milliardaire. On voyait sa photo sur des livres retraçant l'épopée des premières
cigarettes , vedettes ultra-rapides, capables d'échapper aux bateaux de la douane, et
qui faisaient le trac de cigarettes dans l'après-guerre méditerranéen.
Riche à milliards, il avait fait construire le bateau de ses rêves. Trois étages, de fantas-
tiques moteurs, un luxe tapageur. Le salon était entièrement tendu de daim bleu marine.
Il y avait des objets d'art dans toutes les cabines. La passerelle du commandant, un An-
glais très distingué, comportait tous les gadgets imaginables. Il y avait, déjà, une antenne
sous un radôme qui permettait au propriétaire de cette vedette géante de discuter télé-
phoniquement avec n'importe quel correspondant, aux quatre coins de la Terre, celle-ci
étant relayée par satellite. À l'avant, le bateau possédait une salle de plongée très équipée
avec une chambre de recompression capable d'accueillir deux plongeurs, car Marco était
101
102 CHAPITRE 8. LES CHRYSORCHIDES
8.4 L'Isocélie
Voilà encore une histoire assez folle. Il y a une vingtaine d'années, un ex-technicien de
l'ORTF, le sympathique Aimé Michel, auteur d'un des premiers ouvrages sur les OVNI,
porta sur une carte de France les observations d'OVNI faites le 14 octobre 1954. Il fut
surpris par la régularité de la disposition des points, qui évoquait des alignements, et il
émit l'hypothèse que ces observations étaient liées à des trajectoires d'engins. Il se mit
donc à recenser les alignements de trois, quatre, cinq points, sur la carte, qui apparut ainsi
sillonnée par des vols d'OVNI et donna un nom à sa théorie : l'orthothénie, de orthos qui,
en grec, veut dire droit. Hélas, quelques années plus tard l'informaticien Jacques Vallée,
sur la côte ouest américaine, réduisit cette théorie à néant.
C'est très simple : chaque observation ne correspondait pas à un lieu ponctuel mais à
une petite zone délimitée par un certain cercle d'erreur, de quelques kilomètres de diamètre
en général. Vallée demanda alors à son ordinateur de jeter un nombre équivalent de points
sur la carte de France, assortis à des cercles d'erreur, et de calculer combien de droites
pouvaient couper trois, quatre, cinq de ces cercles, ou éventuellement plus.
Imaginez que vous ayez une carte sous vos pieds, de quelques mètres de large, et que
vous jetiez une poignée de petits confettis ronds du haut d'une échelle, en eectuant
ensuite cette recherche d'alignements. Un ordinateur peut le faire pour vous, et il a l'im-
mense avantage de pouvoir le faire cent, mille fois de suite, ce qui peut alors fournir des
valeurs moyennes très ables, très signicatives.
Les lois de la statistique pouvaient alors permettre de déterminer si les alignements
détectés par Aimé dépassaient ou ne dépassaient pas le simple eet du hasard. Vallée
montra, de manière imparable, que l'analyse d'Aimé, faite en toute bonne foi par un non-
statisticien, se situait parfaitement dans la fourchette d'un pur phénomène aléatoire et
que les alignements trouvés n'avaient aucune signication réelle.
Cela ne voulait pas dire que les quelque soixante-dix observations faites ce jour-là
étaient des faux. Cela signiait simplement qu'on ne pouvait absolument pas se servir de
ces pseudo-trajectoires pour apporter une caution quelconque à ces témoignages.
Cette histoire eut un rebondissement dans les années soixante-dix. Cette fois-ci, un
autre ufologue analysa ce même échantillon et prétendit y trouver un nombre tout à fait
108 CHAPITRE 8. LES CHRYSORCHIDES
anormal de... triangles isocèles (c'est-à-dire de triangles dont deux des côtés sont égaux).
Un physicien nommé Jean-François Milles se mit de la partie. Utilisant également un
ordinateur, il prétendit avoir montré que cette signature en triangle isocèle était cette fois
très signiante et que la chance que cette géométrie soit due au hasard était extrêmement
faible.
Ces gens donnèrent une conférence de presse dans un grand salon parisien en annonçant
qu'une découverte de première grandeur venait d'être faite, concernant les OVNI. Nous
avions enn un premier message d'extraterrestres. Ils nous parlaient en utilisant des
triangles isocèles. Un éditeur proposa immédiatement de publier un livre sur cette très
intéressante théorie.
Mais un ingénieur du groupe d'étude dégona la baudruche. La soi-disant signiante
détectée par Milles était ce qu'on appelle un artefact. Elle était due à une représentation
polygonale trop schématique du contour de la France, qui modiait ainsi légèrement sa
surface. En repartant d'un on tour plus précis le message disparaissait dans un simple
eet du hasard.
Des gens honnêtes, avertis, auraient annulé la sortie de I ouvrage. Mais l'auteur se
contenta d'écrire : Bien que les conclusions du groupe d'étude dièrent des nôtres, nous
notons l'intérêt porté par ce groupe à nos travaux.
C'était du Berlitz caractérisé. Milles disparut une fois de `dus dans la nature. Étrange
garçon, aecté depuis de nombreuses années d'une paranoïa sans équivoque, alternant
publications scientiques et séjours en hôpitaux psychiatriques. À son sujet le professeur
Lichnerowicz me dit un jour : Vous savez, toutes les administrations ont au moins un fou
dans leurs rangs. Nous avons le nôtre.
Bahamas étaient alors une grosse table calcaire émergeant globalement, en moyenne, de
plusieurs dizaines de mètres au-dessus du niveau des eaux. Le ruissellement y a alors créé
des grottes extrêmement importantes en nombre et en volume, les débris étant drainés
vers l'océan par des rivières souterraines. D'où un réseau, style grottes de Han en Belgique.
Quand le calcaire est ainsi attaqué de l'intérieur par le ruissellement il se produit un
phénomène d'aven (dans les catacombes parisiennes, c'est le puits de Fontis ). Dans
une partie particulièrement friable, l'érosion s'eectue du bas vers le haut. Des éléments
de plafond s'eondrent et sont entraînés par la rivière souterraine, en bas. C'est ainsi que
se sont créées les grandes salles des grottes calcaires.
Parfois cette érosion fait carrément s'eondrer ce qui reste du plafond. Cela donne
alors une cheminée assez régulière, comme l'aven de Padirac. Dans les catacombes de
Paris ceci a pu provoquer l'engloutissement d'immeubles entiers.
Il existe des avens dans le plateau bahamien, ce sont les célèbres trous bleus . Celui
de Caicos ne fait rien de moins que 100 mètres de profondeur et 400 mètres de diamètre. Il
est maintenant totalement immergé et son orice aeure sous une dizaine de mètres d'eau.
Ses parois sont totalement verticales et il est extrêmement impressionnant de s'aventurer
dans de tels lieux, peuplés d'une faune active.
Si les trous bleus correspondent à des salles dont le plafond s'est eondré, il est haute-
ment probable qu'il existe d'autres salles de dimensions équivalentes, formant un véritable
réseau, qui seraient restées intactes et présentement emplies d'eau de mer. Ce réseau est un
des plus grands mystères de la planète. Sa cartographie systématique pourrait être abor-
dée par le biais de la sismographie, mais ceci reste à faire. Les explorations en scaphandre
ont permis de détecter directement l'amorce de nombreux conduits, mais l'autonomie des
appareils ne permet pas d'aller bien loin et ce type d'exploration reste très dangereux.
On a vu plus haut que l'université de Miami répugnait un peu à opérer des recherches
dans cette région. Précisons au passage que les Bahamas ne sont pas territoire américain
et que les universités américaines ne s'y sentent pas totalement à leur aise. Mais il y a
maintenant le phénomène Berlitz (plus tous ceux qui lui ont succédé). Ils ont fait un tel
battage de mauvais aloi autour du problème que les chercheurs hésitent à s'y aventurer,
coincés entre leur intérêt scientique et la peur d'un sensationnalisme scandaleux (malheur
à celui par qui le scandale arrive).
Ce dossier Bahamas ressemble, sur ce point, au dossier OVNI. Depuis trente ans, ce
sujet a donné lieu à une telle oraison de sottises que le scientique a, bien naturellement,
quelque réticence à s'y aventurer, de peur de se faire le complice d'une nouvelle ambée
d'irrationalité et de malhonnêteté.
Ceci dit, ce n'est pas parce qu'un sujet a été pollué par des gens à l'honnêteté et
aux compétences discutables qu'il doit être dénitivement rejeté.
De nombreux sujets de recherche sont restés ainsi bloqués pendant de longues périodes.
Pour que l'aaire se débloque, il faut qu'apparaisse une donnée objective indiscutable.
Tant que celle-ci manque, les chercheurs qui manifestent de l'intérêt pour le thème sont
suspectés, voire traités en parias.
Les exemples abondent. Jusqu'à ce que les premières mesures par satellite montrent
que l'Amérique était eectivement en train de s'éloigner de l'Europe à raison d'un mètre
par an, es géologues ont continué mordicus à rejeter la théorie de la dérive des continents,
due au météorologue Wegener.
8.6. LES CATACOMBES DE LA MER 111
Étant lycéen, j'ai subi de mémorables leçons de géologie où l'on expliquait le plus
sérieusement du monde comment les océans pouvaient spontanément se transformer en
montagnes. Ces ouvrages scolaires, qui ne sont pas si vieux, constituent des pièces de
collection au rayon des absurdités scientiques. Or à l'époque, la théorie de Wegener
était déjà très avancée. Celui-ci ne s'était pas contenté de remarquer une simple parenté
entre les découpes des côtes africaines et sud-américaines, il avait établi une solution de
continuité géologique entre les massifs des deux continents et les populations animales, qui
avaient continué leur évolution après séparation, il y a des centaines de millions d'années.
En dépit de cet ensemble d'éléments tous les géologues rejetaient cette thèse en disant :
Allons, les continents ne peuvent pas ainsi dériver sur la Terre !
Les mesures par satellite produisirent un basculement immédiat, une catastrophe,
dirait le mathématicien René Thom4. Tous les manuels scolaires et les enseignements
d'université durent être révisés séance tenante.
Les épistémologues se sont trop peu penchés sur cette aaire Wegener et sur ce fan-
tastique retournement de veste scientique. C'est que la science n'aime pas avouer son
manque de abilité. De nos jours, elle se sent investie de la mission de rassurer. Les scien-
tiques sont les mentors de notre monde moderne. Pontifes d'une nouvelle religion, ils
font de leur mieux pour paraître infaillibles.
Nous avons évoqué le problème des météorites. Là aussi, pendant des siècles, les savants
refusèrent cette idée que des pierres puissent tomber du ciel. La thèse du calmar géant,
hôte des profondeurs marines, fut également traitée de pure ction, jusqu'à ce que les
ots rejettent sur la côte un cadavre d'une taille tout à fait impressionnante. Le calmar
géant acquit alors droit de cité dans les ouvrages de zoologie, sous le nom d' Architheutis
Giganteus. On pourrait continuer à l'inni, en citant des masses de dossiers non élucidés.
Le problème est que lorsqu'un dossier n'est pas élucidé, les spéculations à son endroit se
déchaînent.
Puisque nous avons parlé plus en détail de la région des Bahamas, revenons à cette
question. Existe-t-il une possibilité pour que ce plateau bahamien ait abrité une civilisation
inconnue dans le passé ? Non, répondent des universitaires américains. Ils auraient laissé
des traces, comme des poteries ou des sculptures. La poterie et la sculpture des roches
sont des traces bien commodes, car elles résistent au temps. Dans la Vallée des Merveilles,
en France, nous avons ainsi la trace du séjour de bergers néolithiques qui ont inscrit leurs
dessins naïfs il y a dix mille ans en martelant la roche.
Mais toutes les civilisations laissent-elles des traces ? Il y a des peuples qui ne font pas
de poteries ou de gravures, qui ignorent tout travail de la terre ou de la pierre. Les Pascuans
ont gravé leur histoire, hélas pour nous indéchirable, sur des tablettes de bois. À quelques
milliers d'années près, s'ils n'avaient pas pratiqué ce rite spectaculaire des statues géantes,
nous aurions peut-être ignoré totalement leur existence. Des précolombiens utilisèrent
pendant des siècles, à la place de poteries, des vanneries recouvertes d'enduit, beaucoup
moins résistantes.
Un biologiste de mes amis, le professeur David, me disait un jour : Nous n'avons
qu'une vision très partielle de l'évolution du vivant. Il y a sans doute eu un très grand
nombre d'espèces de mollusques que nous ne connaîtrons jamais, faute de pouvoir contem-
4 Du grec strophedein, le sillon et de cata, à côté.
112 CHAPITRE 8. LES CHRYSORCHIDES
pler leur trace fossilisée. Nous n'avons d'ailleurs qu'un petit nombre d'exemplaires du
célèbre archéoptéryx. Si nous n'avions pas ces fossiles montrant une possible liation entre
le reptile et l'oiseau nous en serions peut-être toujours à nous demander comment la nature
a pu donner naissance à ces animaux emplumés.
On n'a pas toujours la chance de tomber sur le fossile complet d'une civilisation .
Dans de nombreux cas on est face à une seule pièce du puzzle, qui évoque une civilisa-
tion relativement riche (comme celle qui créa les célèbres gures de Nazca ou le site de
Stonehenge). En dehors d'assemblages de roches ou de martelages du sol, rien. On ignore
tout de la structure sociale de ces gens, de la façon dont ils s'habillaient, de leur origine,
de leurs croyances, de leur souche ethnique. Nous pouvons logiquement penser qu'une
portion non négligeable de l'histoire humaine nous échappe encore, dont nous n'avons pas
la moindre idée.
La connaissance ressemble à une tache de lumière créée par un lampadaire, dans un
parc obscur. Les scientiques campent frileusement au centre de la tache. On connaît la
blague classique, quelqu'un faisant remarquer à l'un d'eux :
Dites, c'est un peu rebattu, là où vous cherchez, non ?
Oui, mais là au moins il y a de la lumière...
A l'extérieur de cet îlot de rationalité, de faits reconnus, de connaissances assises règne
l'obscurité des spéculations les plus diverses.
Faut-il spéculer ?
La spéculation fait partie de la démarche du chercheur. C'est elle qui lui permet parfois
de progresser de manière spectaculaire, hors du carcan des modèles et du l conducteur
expérimental ou observationnel. Interdire toute spéculation reviendrait à stériliser grave-
ment la science.
Mais alors, n'y-a-t-il aucune limite ? Est-on libre de dire, d'écrire et de supposer n'im-
porte quoi ?
La solution pourrait venir d'un codage des publications. Celui-ci donnerait un indice
de abilité, qui conserverait bien évidemment une part de subjectivité. Il est impossible
de proférer un jugement absolu sur un fait, une idée, que l'on observera toujours à travers
les lunettes de son bagage culturel et conceptuel.
qualité était le prix à payer pour conserver cette fenêtre ouverte vers les nouveautés les
plus débridées. En fait les CRAS, nantis d'un système de referee particulièrement étroit
se voulant un modèle de rigueur , devinrent un modèle de conformisme.
Mais comment exercer la rigueur sans tomber dans l'arbitraire ? Comment adopter
une politique plus libérale sans sombrer dans le conformisme le plus étroit ?
Ces dernières années, nombre de chercheurs montrèrent, en tentant l'expérience, que
des travaux très importants, représentant une contribution scientique majeure dix ans
plus tôt, n'avaient pu franchir la barrière de l'actuel système de referee, ce qui était un
bel exemple d'absurdité.
Une solution serait en eet d'introduire un codage du travail, chose qui nécessiterait
une large concertation chez les scientiques.
On peut suggérer cependant quelque chose. Le ou les auteurs pourraient fournir avec
leur texte un court résumé, ou abstract, de quelques lignes, rappelant brièvement la di-
rection suivie et les résultats obtenus. On pourrait adjoindre à cet abstract un texte
également bref où l'auteur donnerait son propre jugement sur ce travail (ou, s'il ne le fait
pas, le referee s'en chargerait). Cette autocritique devrait en tout cas gurer dans l'envoi
fait à la revue.
Ce système ne plairait pas à tout le monde. En eet nombre de travaux devraient
porter la mention :
Simple calcul utilisant un modèle parfaitement connu, sans aménagement particulier,
et apportant une contribution assez mineure à cet ensemble théorique.
ou :
Simple mesure faite avec des dispositifs classiques. Apporte une précision supplé-
mentaire dans un ensemble de mesures déjà important. Pas d'applications suggérées, ni
dans e domaine fondamental, ni dans le domaine appliqué.
Inversement ce label laisserait passer des travaux méritant l'appréciation :
Spéculation théorique pure. En attente de la prévision d'un phénomène confrontable
avec une observation, ou expérimentable.
L'essentiel étant de ne pas tromper le client sur la marchandise.
Une autre idée consisterait à créer une marque dans la marge, selon les passages. Si
la marque est absente il ne s'agit Gl ue d'un commentaire sur des travaux déjà existants
ou d'une simple présentation du problème abordé, d'un rappel bibliographique. Un trait
continu indiquerait que, dans le passage concerné, l'auteur a utilisé un modèle déjà existant
pour explorer quelque zone de la connaissance encore vierge, que cela soit au plan théorique
ou au plan expérimental. Un trait continu double signalerait l'innovation forte, solidement
confortée par l'expérience ou l'observation. Grâce à ce codage l'inventeur pourrait signaler
ce qu'on appelle en matière de brevet un claim , une revendication d'innovation.
Inversement, un trait pointillé signalerait l'existence de quelque spéculation dans l'es-
sai. C'est ce qui peut se produire quand on bricole par exemple un modèle théorique,
pour rendre compte de quelque observation ou expérience. Deux traits pointillés situe-
raient le travail dans le domaine de la complète spéculation. Grâce à ce codage simple
l'auteur aurait la possibilité de signaler la distance prise vis-à-vis de la chose prouvée.
En 1977 j'ai publié aux CRAS, quand le système de referee n'était pas encore en
8.8. LA VISION DU MONDE 115
place, deux travaux de cosmologie sur un modèle gémellaire d'univers5 (que j'aurais selon
ce codage marqués de deux traits pointillés). Dès l'année suivante, quand ce système fut
instauré, il ne fut absolument plus possible de passer le moindre article de ce genre. Or,
il se trouve que mon travail est le seul équivalent européen de la construction théorique
d'Andreï Sakharov, qui se base également sur des feuillets d'univers à èches du temps
en opposition.
Il n'est pas prouvé que l'univers ait un frère jumeau , mais en tout état de cause
cette spéculation, d'ailleurs mathématiquement assez élaborée, avait sa raison d'être.
Le système des referees est réellement le lieu où s'exercent avec le plus de vigueur les
résistances du monde scientique face aux nouveautés.
Il fallut attendre le début de ce siècle pour que cette nouvelle thèse devienne la vision
ocielle de la physique. Jusqu'aux expériences du Néo-Zélandais Rutherford la majorité
des savants, le chimiste français Berthelot en tête, ne croyait pas aux atomes .
On voit que l'intelligence d'un phénomène est liée à une modélisation complète de la
nature qu'on appelle paradigme. Quoi que nous fassions, nous sommes prisonniers d'un
système optique conceptuel qui tend à nous faire rejeter toute idée neuve dès qu'elle
sort du cadre conceptuel de l'époque.
grosses comme un poing et tenaient leur ÷il unique, gros et noir, à bout de bras. Ils m'ont
fait des signes, et sont repartis, toujours dans leur torche brûlant la amme en bas.
Vous imaginez la somme de contradictions agrantes avec la physique sélénienne. Une
torche, tout le monde le sait, ne fait pas de bruit et brûle la amme en haut. De plus les
torches ne volent pas !
On sait que les astronautes qui foulèrent le sol de notre satellite avaient leurs casques
enduits d'un revêtement d'or semi-transparent, pour les protéger du soleil très vif. À
travers ces visières auriées le Sélène n'aurait donc pas vu les traits des astronautes,
mais les siens propres, rééchis par ce miroir convexe. C'est la raison pour laquelle il ne
voyait qu'une tête minuscule. Quant à l'÷il noir, c'était la caméra brandie par chacun des
passagers de la torche pour xer l'événement.
Nul doute qu'aucune personne sensée, au village, n'aurait prêté foi à de telles sornettes.
des yeux ronds. Pourtant ces calorifères existent : ce sont les poêles à catalyse.
Je crois qu'on peut raisonnablement imaginer que le siècle à venir (ou peut être même
les cinquante années que nous avons devant nous) donnera naissance à des générateurs
électriques compacts et légers, entrant dans le cahier des charges de l'aérodyne MHD. Le
pays qui détiendra ce véhicule aura du même coup un missile capable de débouler sur les
lignes ennemies au ras des collines à des milliers de kilomètres à l'heure.
Perspective équivalente dans le domaine de la propulsion sous-marine, dans un avenir
bien plus rapproché.
Pour qu'un sous-marin MHD, comme il en est décrit dans on album Le Mur du
Silence , puisse disposer d'un rendement acceptable, il faut développer un champ ma-
gnétique atteignant vingt teslas. On sait déjà réaliser de telles installations en supra-
conduction. Les problèmes du poids et de l'encombrement ne se posent alors plus. Je
suis intimement convaincu qu'une nation pourrait mettre en chantier, dans le peu d'an-
nées à venir, un sous-marin de chasse capable de croiser à des centaines de kilomètres
à l'heure sous l'eau. Le contrôle total de l'écoulement autour de la machine permettrait
de contourner l'obstacle lié à l'évolution sous-marine à grande vitesse : la cavitation,
c'est-à-dire l'ébullition de l'eau de mer dans les régions à forte dépression.
Les militaires français savent toutes ces choses. Indépendamment des aspects de pro-
pulsion, la MHD a pris énormément d'importance dans l'ensemble de la guerre des étoiles,
tant en URSS qu'au États-Unis.
Le groupe d'étude était donc là pour ramasser d'éventuelles retombées intéressantes.
C'est ce qu'il tenta de faire, avec maladresse et une incompétence remarquables.
Cette politique était ambiguë. Tout se passait comme si on avait souhaité, dans la
même démarche, exploiter l'intérêt scientique du phénomène OVNI, tout en aectant de
nier son existence.
Chapitre 9
Et si les OVNI n'existaient pas ?
une distinction valable entre une photo authentique ou une photo truquée, absolument
rien, et l'avis de soi-disant experts n'est qu'une imposture. On pourra en eet simuler les
photographies de nuit avec toutes les géométries possibles de décharges électriques (voir
nos expériences sur les décharges HF). Même incertitude sur les photos prises de jour.
Rien ne diérencierait une photo d'un aérodyne de trente mètres de diamètre et celle
d'un enjoliveur de voiture convenablement lancé.
On ne peut donc strictement rien tirer du matériel photographique, si ce n'est des
informations de forme et de comportement données sans la moindre garantie.
Il existe quelques rares enregistrements de détection d'OVNI accompagnés d'un suivi
radar, avec mesure de vitesse. Dès les années cinquante on a suspecté le fonctionnement
même de l'appareil et sa capacité à donner de faux échos, de nature atmosphérique.
Dans certaines conditions météorologiques des inversions de températures peuvent en
eet produire une réexion partielle des signaux radar qui amènent l'appareil à voir
en l'air des objets qui sont en fait au sol. C'est typiquement un phénomène de mirage.
Dans le mirage optique on voit des fragments de ciel, bleutés, sur une route surchauée.
Dans le mirage radar on voit des fragments du sol... dans les nuages.
Mais ces faux échos ont des contours ous. Un objet en dur, comme un avion conven-
tionnel en vol, donne sur l'écran vidéo, un signal aux contours nets. Quand il arrive
qu'un radar détecte un signal aux contours nets, animé d'une vitesse de plusieurs milliers
de kilomètres à l'heure, en basse altitude, il s'agit alors d'une détection à haut niveau
d'étrangeté.
Le raisonnement inverse ne peut être proposé. En eet, d'ici quelques années ou di-
zaines d'années, les grandes puissances auront résolu le problème de la discrétion radar.
On connaît déjà les avions stealth , dont la signature est considérablement atténuée.
130 CHAPITRE 9. ET SI LES OVNI N'EXISTAIENT PAS ?
Il est théoriquement possible d'annuler tout retour du signal radar, qui est une onde
électromagnétique. Vous pouvez la comparer à une oscillation se propageant sur une corde
attachée à un objet xe. Lorsque vous envoyez une impulsion en secouant la corde, celle-ci
vous revient en main un instant après s'être rééchie sur l'obstacle.
Si vous avez mesuré la vitesse de propagation de l'oscillation le long de la corde vous
serez alors tout à fait à même d'évaluer, après une expérience eectuée dans l'obscurité,
la longueur libre de votre corde.
Supposez maintenant qu'en bout de corde se trouve quelqu'un qui réagit, en tenant
l'autre extrémité en main et en absorbant cette énergie. Vous ne percevrez aucun retour
et vous en déduirez que cette corde est, sinon innie, du moins attachée à un obstacle très
distant, ce qui sera faux.
On peut ainsi concevoir un système pariétal capable d'annuler tout retour radar (sys-
tème anti-écho). Ce n'est donc pas parce qu'une observation visuelle n'a pas été doublée
d'une observation radar qu'un cas d'OVNI devra être systématiquement éliminé.
On voit que la situation est assez inextricable.
9.5 Le reste
Au-delà des observations analysables, simulables, des photos, des mesures, subsiste
un lot important de témoignages complètement exotiques qui ne semblent réductibles
à aucun artefact ou phénomène naturel. Il est certain que lorsqu'un témoin vous dit :
J'ai été enlevé par plusieurs humanoïdes revêtus de scaphandres, qui m'ont traîné dans
leur étrange machine , la question qui se pose est tout simplement : Le témoin dit-il
ou non la vérité ? Il ne peut plus s'agir d'un mirage ou d'une mauvaise interprétation
d'un phénomène. Il s'agit d'une rencontre rapprochée caractérisée et la conclusion ne peut
être formulée qu'en termes de vrai ou de faux, de vérité ou de mensonge, de réalité ou
d'hallucination.
Un examen approfondi de la personnalité du témoin, de son prol psychologique, de ses
motivations, est toujours indispensable. Certaines aaires, qui défrayèrent la chronique en
leur temps, eurent une base manifestement lucrative, comme l'aaire de Cergy-Pontoise3.
Lorsque, derrière un témoignage, se prole toute une organisation comprenant un
éditeur, un réalisateur de lms, des organisateurs de conférences, quand ce n'est pas le
montage complet, ex nihilo, d'une nouvelle secte, ceci incite à la prudence.
Le psychosociologue cherchant à traquer la mystication ou la fabulation, consciente
ou inconsciente, devra chercher quel prot le témoin peut éventuellement tirer de cette
situation. Le premier de tous est évidemment qu'on va s'intéresser à lui. Les aaires de
sorcellerie médiévales sont pleines de llettes impubères qui produisaient du témoignage à
tout va, envoyant au bûcher des tas de braves gens qui n'y étaient strictement pour rien.
Il arrive que des gens astucieux poussent des personnes avant subi une aventure fort
banale (je pense en particulier à cet inrmier qui avait réchappé d'un accident automo-
bile avec (des nombreuses fractures) à créer toute une réinterprétation des faits, avec
3 Dans une localité de la région parisienne un jeune homme nommé Franck Fontaine avait prétendu,
avec la complicité d'un camarade, avoir été enlevé quelques heures dans un OVNI. En fait, toute cette
aaire se révéla être un coup monté.
9.6. QUELLE ATTITUDE AVOIR ? 131
au besoin l'aide de l'hypnotiseur de service qui induira adroitement la résurgence de
pseudo-souvenirs. Le résultat est la publication d'un livre, la tenue de conférences et la
délivrance d'un message . Cela dure ce que cela dure, mais l'opération permet, pendant
toute sa durée, de gagner facilement et agréablement de l'argent tout en jouissant d'une
notoriété récoltée à peu de frais. Je n'étais rien, se dit l'acteur de cette pantomime,
et maintenant je suis quelqu'un . La méthode Coué aidant, l'individu nit par devenir
totalement convaincu de ses propres propos. Tout cela est bien humain.
Pour la petite histoire, j'ai eu l'occasion de participer à un face à face radiophonique
avec ce fameux cobaye, qui ne valait pas la corde pour le pendre. Ces gens ont volontiers
une attitude messianique. Ils ont des choses très importantes à dire. On les a choisis !
Celui-ci se trouvait vigoureusement pris à partie par un enquêteur privé qui prétendait
avoir trouvé des contradictions dans les faits qu'il alléguait. L'autre s'emporta et, à bout
d'arguments, proposa carrément une explication virile dans le bois voisin.
J'avoue que, sur le moment, j'imaginais le Christ répondant à un sceptique, sur le
mont des oliviers : Écoute, si tu n'es pas content, on se retrouve tout à l'heure et je te
fais la grosse tête. Décidément les prophètes ne sont plus ce qu'ils étaient.
Ledit cobaye des extraterrestres prétendait qu'il avait été reconguré , ce qui lui
avait permis de récupérer miraculeusement la santé après un accident qui l'avait laissé
pour mort. Il se servait de cette récupération miraculeuse de ses facultés comme preuve
irréfutable. Personnellement, j'ai été le voisin de chambre d'un motard qui, ayant pris une
bretelle d'autoroute à l'envers, avait récolté quarante-huit fractures. Quand je l'ai connu,
le pauvre homme était entièrement pris dans un plâtre qui allait du bout de son menton à
ses doigts de pieds. Or, aussi incroyable que cela paraisse, trois ans plus tard cet homme,
à la volonté de fer, marchait tout à fait normalement, sans même boiter.
L'inrmier-cobaye n'est qu'un de tous ceux qui utilisèrent à fond le phénomène OVNI
à leur prot. À cette époque, la technique était tout à fait remarquable. Ce type d'indi-
vidu rencontrait le maximum de personnalités scientiques, en allant frapper à leur huis,
anqué d'un photographe. Dès que le scientique ouvrait la porte, la photo était prise.
Quelques mois plus tard elle gurait dans un nouvel ouvrage avec une mention du genre :
Une rencontre entre le prix Nobel Alfred Kastler et Machin, preuve de l'intérêt que les
scientiques portent à son aventure.
On imagine le sentiment de colère impuissante qui a pu saisir les gens qui sont tombés
dans de tels pièges.
ce qui ne laisse guère de temps pour décider. On est loin du scénario de Folamour où
les bombardiers nucléaires subsoniques mettaient plusieurs heures à gagner leur objectif,
permettant la naissance d'un véritable suspense.
Ce scénario démentiel, dit de réponse sur attaque , est dû à l'Américain Garwin. Il
implique une modélisation complète de la détection et de la prise de décision par ordina-
teur.
Quand on connaît soi-même les âneries qu'un ordinateur, aussi perfectionné soit-il, est
capable d'engendrer, cela fait froid dans le dos. C'est le danger considérable que ferait
courir à l'humanité un tel rêve technologique, qui est un des arguments qui a amené les
grandes puissances dans la voie d'un désarmement.
En fait cette détection est un mythe. Côté soviétique il sut de se rappeler cette odys-
sée mémorable de ce jeune Allemand de l'Ouest qui parvint à poser son petit monomoteur
directement sur la place Rouge. Et les Américains ne sont pas mieux lotis. On ne compte
plus les énormes satellites, grands comme dés automobiles, perdus dans l'espace pendant
des heures, ou les fausses détections qui mirent n fois le Pentagone dans tous ses états.
Pourtant ces systèmes de détection savent exactement ce qu'il leur faut rechercher
et identier. On dira qu'ils connaissent les compositions des diérentes urnes . Ainsi,
constatant un eet, les ordinateurs ont a priori le moyen d'aecter à chaque cause possible
une probabilité.
Dans le phénomène OVNI on ne connaît pas a priori la composition des urnes. On ne
sait pas de quoi la nature est capable, dans tous les sens du terme. Ce qui veut dire qu'on
ignore si l'atmosphère peut engendrer spontanément des plasmoïdes capables d'évoluer à
vitesse supersonique sans onde de choc, pas plus qu'on ne sait si une nouvelle théorie ne
risque pas un jour de proposer un moyen de transcender la barrière de la vitesse de la
lumière, rendant les visites d'extraterrestres plus probables.
En conclusion la seule chose valable que peuvent faire les scientiques, c'est de tenter
de mieux dénir les urnes existantes, ou de nouvelles urnes, en améliorant l'évaluation de
la fourchette des possibles. C'est mon unique revendication : une instruction correcte du
dossier, en faisant valoir que celle-ci se révèle riche de retombées au plan de la connaissance.
Sinon nous mènerons ce procès de manière médiévale, c'est-à-dire nulle.
137
Chapitre 10
La planète des singes
Le lecteur trouvera peut-être étrange le changement de ton qui va suivre. Que viennent
faire maintenant ces considérations sur la biochimie, l'embryologie, l'évolution ?
Tout dépend de ce que l'on recherche. Si c'est un catalogue de faits et d'anecdotes,
les pages précédentes en sont remplies ut la conclusion en est claire : les scientiques, les
politiques, les militaires ont peur du problème OVNI. La cosmotrouille sévit dans tous les
pays et la désinformation va bon train.
Les scientiques ont peur, à telle enseigne qu'il s'est avéré impossible d'instaurer un
débat ayant un minimum de tenue dans leurs cénacles, y compris dans la docte Académie
des Sciences. La peur du discrédit est invoquée, mais il semble qu'elle ait, dans ce cas,
bon dos.
Les militaires cherchent désespérément à tirer de ce dossier de quoi faire une arme
supplémentaire, réaction bien infantile.
Ce possible survol, en toute impunité, de leur territoire national les stresse, mais ils
ont appris à vivre avec, en développant une palette variée de comportements.
Quant aux politiques, maîtres en désinformation, nous leur (levons la création d'un
groupe d'étude qui a coûté fort cher au contribuable depuis treize années, en jouant assez
maladroitement son rôle de leurre.
Prendre conscience d'un phénomène est bien, trouver des explications s'insérant dans
un tout cohérent serait mieux. Pourquoi la communauté scientique se comporte-t-elle de
manière aussi irrationnelle face à ce dossier ? Quel est l'enjeu ?
Si nous prenons pour hypothèse de travail que le phénomène OVNI correspond à un
début de contact entre deux planètes deux questions surgissent aussitôt :
Pourquoi dans l'hypothèse d'un tel contact les visités manifesteraient-ils un tel
rejet des témoignages et des faits ?
Pourquoi nos visiteurs refuseraient-ils le contact à ce point ?
Dans les pages qui vont suivre nous allons nous concentrer sur les tenants et aboutis-
sants de cette hypothèse. Nous commencerons par évoquer l'éventualité d'une vie extra-
terrestre en concluant, comme la majorité des scientiques le font actuellement, que cette
hypothèse semble la plus probable et en suggérant, ce que certains commencent également
à croire, que la biologie à base de carbone est peut-être la seule possible.
Puis nous essaierons de comprendre le mécanisme du phénomène que nous appelons
la vie, qui engendre à la surface de la planète des structures de plus en plus complexes et
139
140 CHAPITRE 10. LA PLANÈTE DES SINGES
Que faut-il penser de tels projets ? Comme le faisait remarquer l'astronome Pierre
Guérin dans une mise au point publiée dans la revue grand public Ciel et Espace : pour
que nous puissions détecter un message il faudrait que celui-ci ait précisément été dirigé
vers nous. Nous ne serions absolument pas en mesure de détecter une émission radio or-
dinaire, de puissance moyenne, émanant du système planétaire gravitant autour d'une
étoile, même proche (notre capacité de détection se limite à 2 années-lumière). Donc,
l'insuccès de ces écoutes ne signie pas grand-chose en soi. L'absence de preuve n'est pas
la preuve de l'absence. De plus, comme il a été dit bien souvent, le mode de communi-
cation par radio, limité essentiellement à la vitesse de la lumière, n'est peut-être qu'une
étape relativement brève dans une évolution technologique planétaire. Si des civilisations
avaient trouvé un moyen de contourner la barrière luminique, on ne voit réellement pas
pourquoi elles communiqueraient à grande distance par radio, dans la mesure où ces ondes
électromagnétiques vont à la vitesse de la lumière.
Quoi qu'il en soit la position des scientiques est très nette sur ce sujet : oui aux
écoutes radioélectriques, non aux OVNI !
Il y a là matière à paradoxe. Ils sont prêts à spéculer à l'inni, à voter des crédits
importants, à organiser rencontres et colloques au sujet de quelque chose qui ne se produira
peut-être jamais, alors qu'ils refusent de considérer, ne serait-ce qu'une simple seconde,
l'éventualité de visites d'extraterrestres, avec contact direct.
Refusant a priori toute possibilité d'un contact direct, les scientiques se fondent
sur l'impossibilité d'une navigation à une vitesse plus grande que 300 000 kilomètres par
seconde dans notre espace physique, en vertu des lois de la relativité restreinte. Cette bar-
rière luminique arrive à point nommé pour protéger la communauté scientique de toute
spéculation gênante et évacuer ainsi le problème. Le lecteur trouvera, dans la dernière
partie de cet ouvrage, une discussion concernant cette épineuse question.
Or, nous savons qu'il n'en est rien. Les chaînes de montagnes sont l'eet de la collision de
deux plaques tectoniques. C'est ainsi que l'Himalaya résulte de la collision de l'Inde avec
le Tibet.
On peut se demander si cette obsession de la dégradation, de l'éboulement général, ne
traduit pas une survivance inconsciente de la pensée aristotélicienne, laquelle plaçait les
choses divines, ordonnées, en haut et le désordre en bas , pensée qui confortait la
vision sociale de l'époque
Globalement, l'Univers tend vers un niveau d'entropie maximal que nous assimilons
un peu trop rapidement à un état de désordre maximal, mais il utilise pour ce faire des
chemins déconcertants, il engendre des structures éphémères, qui ne sont là en fait que
pour lui faciliter la tâche.
Prenons un exemple simple. Vous préparez une paëlla dans une poêle. L'eau s'évapore
doucement. A la n de la cuisson vous notez la présence de petits trous régulièrement
espacés, dans votre riz. Ils ne sont que la trace de tourbillons, dits de Bénard, qui ont
accompagné ce phénomène d'ébullition. Ces tourbillons se distribuent de manière assez
régulière à la surface de la poêle, selon un maillage hexagonal.
Ce phénomène d'ébullition a donc donné naissance à une structure géométriquement
organisée. Vous avez donc créé de l'ordre, mais pour mieux créer le désordre. En eet,
la raison susante de ces tourbillons est de faciliter le transfert de chaleur du fond de
la casserole vers sa surface, et donc d'accélérer le processus d'évaporation. Un simple
transfert par conduction, dans un liquide immobile, de proche en proche, serait beaucoup
plus lent.
Ilya Prigogine, prix Nobel, a donné à ces formations le nom de structures dissipatives.
La vie est-elle une structure dissipative ? La vie végétale accroît, par exemple, la réceptivité
de la surface terrestre vis-à-vis du rayonnement solaire. On sait que sans ce rayonnement,
la vie n'existerait pas. C'est la lumière du Soleil qui alimente cette noria énergétique
complexe qu'est la vie. Le résultat est encore un accroissement global de l'entropie du
cosmos.
Les êtres humains fouissent, extraient les réserves énergétiques du globe, dissipent leur
énergie, consomment ce qui a été mis en réserve il y a des centaines de millions d'années
par les végétaux. Les prédateurs font de même en consommant les protéines synthétisées
par les végétaux se nourrissant d'énergie solaire. Jamais la loi générale n'est violée.
laires qui ne tardent pas à se refermer en constituant des enveloppes closes, dites vésicules
membranaires, prégurant les proto-cytoplasmes cellulaires.
Voilà le sac protecteur créé. Celui-ci n'est pas parfaitement étanche et va au contraire
se comporter comme une sorte de nasse à ltration sélective. Imaginez une nasse immergée
dans une mer très poissonneuse où pullulent deux espèces de poissons, des sortes d'an-
guilles et des poissons très plats, comme des limandes. Les anguilles font 5 centimètres de
diamètre et les limandes 10 centimètres de large et un centimètre d'épaisseur.
Si on ménage dans la nasse deux types d'ouvertures correspondant aux sections droites
des deux types de poissons il est clair que les anguilles ne pourront pas passer par les trous
destinés aux limandes, et vice versa. Ces ouvertures seront des portes d'entrée et de sortie
très spéciques.
Vous savez que dans une nasse on dispose des petites lamelles souples, en bois ou en
métal, qui autorisent le passage des poissons dans un sens, mais pas dans un autre.
Imaginons, pour simplier, qu'il y ait dans cet océan imaginaire 50 % d'anguilles et 50
% de limandes. Immergeons une telle nasse dans ce milieu très poissonneux et refermons-la
sur un volume liquide quelconque, qui contiendra moitié d'anguilles et moitié de limandes.
On peut très bien se débrouiller pour que des portes ménagées dans la nasse favorisent
l'entrée des limandes et la sortie des anguilles. Au bout d'un certain temps cette nasse ne
contiendra plus que des limandes. Nous avons ici modélisé la ltration sélective à l'÷uvre
dans nos vésicules membranaires, nos proto-cytoplasmes.
On les appelle des coacervats. Ils laissent en fait pénétrer des substances réactives
qui, en se combinant, produiront de l'énergie, et ils élimineront les déchets, automati-
quement. On verra donc apparaître l'amorce d'un métabolisme cellulaire. Les membranes
laissent également entrer des molécules très importantes qui sont les catalyseurs. Ceux-ci
accélèrent les réactions chimiques dans des proportions considérables.
Qu'est-ce qui guide cette évolution ? La sélection naturelle. Si tel coacervat sait créer en
son sein force réactions chimiques intéressantes, mais est incapable d'éliminer ses déchets,
il ne survivra pas. Si un individu possède une membrane très perméable, mais insusam-
ment résistante, ou très résistante, mais pas assez perméable, il ne réussira pas à s'imposer.
Tel autre gagnera en vitesse grâce à l'acquisition progressive de catalyseurs spéciques à
haut rendement. Bref, s'imposeront à la longue les coacervats les plus performants, les
plus dynamiques.
On voit donc que la sélection naturelle existe déjà au niveau de colonies moléculaires.
10.7. COLLABORER POUR DEVENIR PLUS PERFORMANTS 147
Les coacervats sont des individus, des colonies de molécules, qui naissent et meurent, c'est
tout. Cependant certains font déjà montre d'une velléité de reproduction, d'autoréplica-
tion, en ce sens que lorsqu'ils atteignent une certaine taille ils ont tendance à se scinder
en deux individus, de tailles égales ou diérentes, ce qui constitue un certain avantage
sélectif. Le gain de temps est alors évident, par rapport à la situation où la microsphère
doit partir de rien, de l'inorganisé complet.
Mais ce schéma d'autoréplication se manifestera au niveau de la molécule, à travers
des proto-molécules d'ADN, qui ont vraisemblablement commencé leur existence à l'état
libre dans le milieu, peut-être sous forme d'ARN primitif. La molécule autoreproductrice
possède déjà, en elle-même, le plan de construction, à l'identique, d'une autre molécule.
Elle va proliférer de manière plus sophistiquée. Mais comme c'est un être complexe, elle
restera fragile.
Le hasard des rencontres va donc mettre en présence un jour un proto-cytoplasme et
une molécule autoreproductrice douée de plus de capacités catalytiques. Le premier est
capable d'orir une bonne protection, et la seconde ore la première capacité de mémo-
risation moléculaire : une association pleine d'avenir. Le cytoplasme ltrera les éléments
nécessaires et permettra à ce proto-ADN de faire son double travail, bien à l'abri à l'inté-
rieur de cette enveloppe, c'est-à-dire piloter, dynamiser des synthèses de protéines utiles
et assurer la pérennité par création d'une descendance.
L'adaptation symbiotique optimale de ces deux ensembles moléculaires sera réalisée
précisément lorsque le proto-ADN dynamisera la synthèse des protéines identiques à celles
de l'ensemble hôte.
On assistera à la naissance de la première bactérie. La solution sera évidemment in-
niment plus performante, plus intelligente que celle du bête coacervat.
A ce stade, les cellules ont diérentes capacités correspondant à leur contenu molécu-
laire. Elles captent l'énergie du milieu ambiant, que cette énergie soit de nature chimique
ou émane de la lumière solaire (photosynthèse)8. Dans certains individus, cette énergie
donne lieu à des phénomènes contractiles, générateurs d'une locomotion (bactéries spiro-
chètes).
soudant les autres aux cellules voisines. Elles pouvaient également mettre leurs organes
de locomotion en commun, comme c'est le cas pour la volvocale, petite sphère poilue, qui
résulte de l'association de cellules ciliées.
On remarquera que c'est le même mécanisme qui sera à l'÷uvre plus tard chez les
insectes collectifs9 chez qui on trouve des individus chargés de la capture des aliments,
d'autres chargés de la défense, d'autres de l'élevage des jeunes et un très petit nombre de
la procréation, ces eectifs ultra spécialisés étant obtenus par des hormones distribuées à
des êtres au départ indiérenciés10.
On obtint alors les premiers êtres pluricellulaires et on remarquera que se rééditait
le même schéma qui avait permis, à partir de molécules isolées, de créer le cytoplasme,
l'enveloppe primitive des cellules.
Qu'est-ce qu'une colonie ? C'est un ensemble d'individus, peu diérenciés qui, au dé-
part, se regroupent simplement pour assurer leur survie. La suite logique conduit à leur
spécialisation dans le but d'améliorer la performance globale.
Les éponges inventèrent le prolétariat, agrégats de cellules à tout faire, indiérenciées
(le mésenchyme) pouvant à volonté se transformer en gamètes (cellules sexuelles), en
cellules ciliées (pompage des aliments et des déchets), et assurer la cicatrisation d'une
région lésée. Cette nalité grégaire est remarquable : si on disperse mécaniquement les
cellules d'une éponge, celles-ci tendent à se regrouper spontanément pour reconstituer
l'animal !
Le jeu de la sélection naturelle aidant, l'évolution cellulaire explosa littéralement. Cette
collaboration permit de spécialiser des cellules dans la protection passive, la protection
active, la perception sensorielle, la photosynthèse, la captation de l'oxygène, le trans-
port d'énergie sous forme d'aliments cellulaires, les régulations diverses (concentration
des substances, régulation thermique), la motricité, le stockage d'aliments, le transport
d'information, la production d'ordres de nature chimique (glandes endocrines).
On peut comparer cela à la naissance d'une foule de corps de métier et de services de
plus en plus spécialisés, poste, banques, usines, police, service régulier de diligences, silos,
magasins, coopératives, etc.
mémoire vive, une RAM (random access memory 12),très primitive, qui fournit quelques
possibilités de dressage , par apprentissage pavlovien.
En termes d'informatique, on dirait que les bactéries étaient pilotées presque exclusi-
vement par des ROM, par des unités de mémoire au contenu invariable, alors que les êtres
multicellulaires développèrent le système de la RAM, mémoire au contenu variable, se prê-
tant à des opérations d'écriture et d'eaçage). Cette mémoire vive était évidemment
basée sur un nouveau type de cellules spécialisées dans l'engrangement de données.
L'organisme vivant put alors acquérir une expérience vécue et s'en servir à bon escient.
Il possédait une faculté d'apprentissage, d'adaptation au milieu, pouvait naître à l'état
d'ébauche, croître en puisant sa substance de l'ambiant et acquérir des programmations
diérentes selon les exigences de son biotope, toujours en perpétuelle mouvance. Le soft
était né.
On notera, au passage, que les ordinateurs suivirent le même schéma évolutif. L'ancêtre
de l'ordinateur fut le processeur, dont le programme était invariable et qui pouvait être
comparé à la bactérie. Les premiers micro-ordinateurs programmables possédaient un
secteur ROM contenant le langage (BASIC) et un secteur RAM, pour engranger données
et surtout programmes. Ils étaient ainsi comparables à des êtres pluricellulaires.
Un nouveau progrès important fut réalisé lorsque ces machines purent être édu-
quées , c'est-à-dire lorsque le langage lui-même put être logé dans une RAM, ce qui
permit à celles-ci de fonctionner indiéremment en BASIC, PASCAL, LOGO, etc. En in-
formatique, on tend à développer au maximum le secteur RAM, pour acquérir le plus de
souplesse et de faculté d'adaptation possible, mais le secteur ROM demeure indispensable
12 Dans ces éléments de la mémoire l'utilisateur peut consigner lui-même des informations. Cette mé-
moire est aussi eaçable. On dit qu'elle est volatile.
154 CHAPITRE 10. LA PLANÈTE DES SINGES
Cette diérenciation eut une autre conséquence. Lorsqu'une espèce s'emparait d'un
nouvel espace, les diérentes familles le partageaient aussitôt en territoires. Les individus
des familles étaient astreints à résidence à l'intérieur de périmètres en principe bien
délimités. Des mécanismes homéostatiques se mirent en place et limitèrent les eectifs
à l'intérieur de ces périmètres. Ils furent de natures extrêmement variées. Le premier
mécanisme, le plus simple, était la limitation due au milieu, le plafonnement des ressources.
10.15 L'épistémosphère
Les systèmes vivants stockent leur patrimoine culturel, religieux, philosophique et
scientique dans un système complexe de représentations, dans des systèmes logiques
et linguistiques qui possèdent leurs propres mécanismes homéostatiques. Les représenta-
tions religieuses ont, par exemple, une pérennité remarquable, qui se chire en milliers
d'années.
Jusqu'à une date très récente, les mots recherche ou chercheur n'existaient pas. Les
hommes de connaissance n'étaient pas des créateurs d'idées nouvelles, des révolutionnaires,
mais de simples gardiens, de simples courroies de transmission du savoir et c'est pour cela
qu'on les appelait des savants. Science et religion étaient fondues dans le même moule
et se conjuguaient avec les mêmes mots. Les connaissances étaient consignées dans des
textes sacrés et la tâche de l'homme de savoir consistait soit à transmettre le message tel
quel, soit à découvrir de nouvelles interprétations de ces textes pour les faire cadrer avec
l'observation et l'expérience, de manière que tout restât pour le mieux dans le meilleur
des univers scientiques possibles.
La discordance était parfois si criante que l'épistémosphère rejetait tout simplement
l'information, comme on recrache un aliment jugé indigeste. Rappelons quelle était, à
une date relativement récente, l'attitude de notre docte Académie des Sciences face aux
météorites, à ces pierres tombées du ciel . Dans un passé plus lointain, où la science
et la religion ne formaient qu'un, saint Augustin n'y allait pas de main morte, qui disait
qu'il valait mieux prier Dieu que d'interroger l'Univers . Ne parlons pas des déboires
de ce pauvre Galilée qui, en voyant des taches sur la surface du Soleil, s'en prenait aux
arcanes d'une pensée aristotéliciennes qui liait les astres au divin et le divin aux objets
impeccablement sphériques.
Dans un tel schéma, au début du siècle, avec le perfectionnement des moyens d'ob-
servation et d'expérimentation, la connaissance se retrouva soudain très à l'étroit. La
machine dut se remettre en marche. On pourrait interpréter cette situation en termes de
pression évolutive.
Nous savons que les équipements génétiques sont stables et que l'organisme vivant ne se
décide à muter que lorsqu'il ne peut plus faire autrement. Il existe donc, fort logiquement,
par similitude, une homéostasie des idées, que l'on nomme conservatisme. Dans tous les
domaines scientiques, toute innovation a commencé par être perçue comme une véritable
agression du système.
10.16. ÉPISTÉMOSPHÈRE ET IMMUNOLOGIE 159
10.16 Épistémosphère et immunologie
L'homme de la rue a une vision totalement fausse du monde scientique, illusion entre-
tenue par les scientiques eux-mêmes, soucieux de conserver leur statut de grands prêtres
du monde contemporain. On retrouve dans l'épistémosphère les mêmes tensions que dans
la sphère économique ou politique. Les courants d'idées, les systèmes de représentations
s'arontent comme de véritables êtres vivants collectifs. L'objectivité est un mythe de
plus, qui doit être resituée à l'intérieur de sa sphère paradigmatique.
Comment dénir ce que l'on appelle un paradigme ? Imaginez que vous aviez un lexique
comportant un nombre limité de mots. À partir de ce lego linguistique, vous ne pourrez for-
mer qu'un nombre limité de phrases, donc de propositions et d'idées. Aussi riche que puisse
sembler être un lexique, il impose implicitement ses propres limites. Lorsque l'homme at-
teint cette frontière, dans une direction ou dans une autre, le langage se comporte comme
un corset étouant. La seule manière alors d'en sortir est de créer tout simplement... de
nouveaux mots décrivant de nouveaux concepts.
Citons deux exemples empruntés au monde des sciences. Supprimez les mots inertie
et masse du vocabulaire scientique et vous verrez notre vision mécanicienne, notre
conception du mouvement des corps, se réduire à la vision aristotélicienne, prétendant
que le mouvement ne pouvait s'eectuer que sous la pression constante d'une force.
Dans un autre ordre d'idées, un objet aussi important que le ruban de Möbius16
n'accéda à l'existence mathématique qu'au dix-neuvième siècle, lorsque Möbius lui donna
précisément son nom, ce qui était alors... la seule solution.
Transposé dans le monde du vivant, le paradigme serait l'ensemble des séquences
génétiques formulables par un génome, à partir des divers réarrangements du code.
On peut s'attendre logiquement à ce que les réactions immunologiques puissent tolérer
une certaine dispersion dans les êtres issus d'une même souche. En transposant dans
l'épistémosphère on dira qu'on peut créer des propositions scientiques tant que cela reste
en deçà de certaines frontières. Cette pseudo-innovation, résolument non révolutionnaire,
bénécie alors de la synergie de l'ensemble du corps scientique.
Mais si le concept se situe hors paradigme, si son développement s'accompagne d'un
réel danger pour le système de pensée, alors cette idée, fréquemment qualiée de mons-
trueuse , déclenchera des réactions tout à fait comparables à (les mécanismes immuno-
logiques.
Je dis et je soutiens que l'ensemble du monde scientique présente, vis-à-vis du phé-
nomène OVNI, des réactions de type immunologique. Toute information exotique, ou
perçue comme telle, est vigoureusement combattue, parce qu'elle est perçue, consciem-
ment ou inconsciemment, comme potentiellement très déstabilisante. Cette réaction est
parfaitement normale17. Nous avons vu qu'un système vivant ne devait sa survie qu'à des
16 On peut confectionner un ruban de Möbius en refermant sur elle-même une bande de papier après lui
avoir donné une demi-torsion. Elle devient alors unilatère, c'est-à-dire qu'il est impossible de la peindre
de deux couleurs diérentes, puisqu'elle n'a plus... qu'une seule face !
17 Cette réaction me semble, certes, particulièrement violente vis-à-vis du phénomène OVNI, mais elle
s'exerce en fait automatiquement contre tout apport extérieur, vis-à-vis d'un système quelconque. Citons,
à titre d'exemple, les propos tenus en 1987 par le ministre de la Recherche, Hubert Curien, ex-directeur
du CNES, lors du colloque sur l'Europe 1992, à propos du proje t Eurêka : Une idée nationale proposée
160 CHAPITRE 10. LA PLANÈTE DES SINGES
cette Terre sont génétiquement identiques, à très peu près, ils présentent des écarts consi-
dérables sur les plans culturel, linguistique et technique, qui traduisent des déphasages
chronologiques pouvant aller jusqu'à des dizaines de milliers d'années.
Une planète qui n'aurait pas connu une telle fragmentation aurait, au contraire, connu
une évolution inniment plus homogène, moins contrastée. Cette idée relève-t-elle de la
Science Fiction ? Pas du tout. Parmi les planètes du système solaire dites telluriques, faites
de roches solidiées, la Terre (la seule à avoir connu une fragmentation continentale. Mars,
Vénus et Mercure en sont exemptes. Mais comment parler de continents sur une planète
comme Mars et Mercure (lui ne possèdent que des atmosphères raréées et comme Vénus
qui n'est qu'une insupportable étuve ?
Si la Terre ne possédait pas d'eau, ses continents et ses océans resteraient parfaite-
ment détectables, à cause de la présence de ces lignes de fracture intercontinentales appe-
lées dorsales médio-océaniques . Certains atlas présentent d'ailleurs ces fonds marins,
barrés par ces fameuses dorsales qui signent infailliblement ce phénomène de tectonique
des plaques. C'est précisément parce que ces dorsales sont absentes des trois autres pla-
nètes que les scientiques en ont déduit que la dérive des continents ne s'était pas produite
sur elles.
Pourquoi la Terre a-t-elle connu cette fracturation de son écorce, de sa Pangée ?
Tout simplement parce que son magma était plus chaud, plus actif, plus turbulent. Ce
sont les puissants courants convectifs qui en résultent qui, créant des tensions tangentielles
très fortes dans la croûte solidiée, mirent le continent primitif en lambeaux.
Il est donc tout à fait justié d'imaginer que l'évolution ait pu se jouer sur une planète
possédant un magma moins chaud, sur un continent monobloc. C'est un sujet de spécu-
lations passionnant pour les biologistes et les... historiens et nous vivons peut-être, dans
cette région du cosmos, sur une planète qui a beaucoup de mal à s'accoucher d'elle-même,
à cause de disparités d'origine congénitale.
formule venue d'ailleurs n'est pas forcément une chose possible, et je doute même très
fort qu'elle le soit.
Ce qui pourrait se passer, c'est que des mitochondries terrestres, des usines ou
entreprises ou secteurs de notre planète se mettent à fonctionner avec ces plans non-
terrestres. Autrement dit, l'OVNI pourrait jouer un rôle de virus susceptible éventuelle-
ment de provoquer l'eondrement de la société terrienne, suite à cette infection virale
venue d'ailleurs 21.
Comparons la Terre à une usine fabriquant des automobiles. Imaginons que l'on injecte
dans les circuits de production de plans de pièces détachées de soucoupes volantes. Ce
serait le chaos complet.
Nous avons atteint un certain seuil de connaissance, dans des domaines divers. Il a fallu
des siècles et des millénaires. Il est déjà évident que les quatre cinquièmes de la planète sont
totalement incapables d'assimiler l'état actuel de la technologie, même s'ils s'en servent
activement pour se taper dessus. Les pays développés et sous-développés subissent les
terribles contrecoups des progrès récents : diminution de la mortalité infantile, et son
contrecoup ; la surpopulation, allongements de l'âge de la vie ; pollution ; gâchis en tous
genres (destruction d'aliments) ; risques infernaux encourus du fait des progrès des
armements ; réduction du voile protecteur d'ozone ; sécheresses qui pourraient être dues à
l'accumulation du gaz carbonique dans l'atmosphère, liée à l'activité industrielle ; risque
potentiel lié à l'engineering génétique (et aux armes biologiques).
L'accroissement des communications et des mouvements de capitaux, en importance
et en rapidité, font ressembler la planète à un camion dont les freins auraient lâché et
dont la cargaison se serait désarrimée et glisserait de plus en plus librement de la droite
vers la gauche, sur le plateau du véhicule.
Les Terriens tentent, de façon méritoire, de mettre en ÷uvre des mécanismes stabili-
sateurs. L'ONU a, à son acquis, la n du conit Iran-Irak. Il est possible que la tension
puisse un jour baisser au Moyen-Orient. On parle enn de désarmement planétaire.
Dans une société planétaire aussi convulsive, aussi déstabilisée, quel serait l'eet d'un
contact brutal avec une tout autre culture ? Pour quelqu'un d'un peu conscient, on voit
que cela n'a vraiment rien d'évident.
Les Blancs étaient accompagnés de 90 porteurs issus de tribus côtières. Ceux-ci avaient
été identiés immédiatement comme leurs semblables par les aborigènes et ne leur posaient
pas de problème particulier. Il avait été convenu de les tuer également, comme il était de
coutume pour tout intrus issus d'une tribu extérieure.
L'attaque fut menée comme prévu, mais se termina en véritable massacre. L'un des
frères Leahy t immédiatement feu et le chef fut stoppé net dans sa course. Immédiatement
les quinze fusils crachèrent la mort autour d'eux. Ce fut une magnique boucherie qui
n'épargna ni les femmes ni les enfants. Les Blancs découvrirent du même coup les risques
qu'ils encouraient en s'aventurant ainsi dans ces villages. Ils ne se gênèrent pas par la
suite pour tuer systématiquement des indigènes pour les intimider. Parfois il susait de
tuer un cochon devant eux.
Une scène étonnante représente l'atterrissage d'un avion léger sur le territoire de la
tribu. Les Blancs ne parlaient pas les dialectes locaux mais comme les indigènes étaient
prêts à se mettre en quatre pour ces esprits blancs, il leur susait de peu de chose pour
être compris. Quand ils voulaient un cochon ils imitaient le grognement de l'animal. Au
l des mois le bagage linguistique des expéditionnaires s'étant accru tant bien que mal,
ils parvinrent à expliquer aux habitants d'un village qu'un grand oiseau allait venir dans
trois nuits et trois jours et que, pour l'appeler, il fallait aplanir le sol.
Toute la tribu se mit donc à niveler le sol, à arracher les racines et à danser en sautant
sur ce terrain, ravie de participer à un nouveau rituel. Le jour dit l'appareil arriva. Les
Blancs le virent les premiers car ils disposaient de jumelles, autre gadget qui avait de quoi
intriguer les autochtones.
Lorsque l'appareil se posa en se dandinant les indigènes furent totalement stupéés
et éprouvèrent une peur intense. Des témoins racontèrent qu'ils se souillèrent avec urine
et excréments, séance tenante. Si certains avaient un instant mis en doute le caractère
divin des humanoïdes blancs, cette manifestation sous forme d'un oiseau fabuleux dont
le ventre contenait des hommes les conforta dans leur attitude cultiste. N'oublions pas
que ces gens ne connaissaient pas le métal, qui ne pouvait être pour eux qu'une substance
totalement magique.
Les expéditionnaires ne rent rien pour contrarier ces croyances et au contraire en
rajoutèrent. Pour museler les ambitions guerrières de leurs hôtes ils amenèrent grâce à
l'avion tous les gadgets permettant de parfaire cette mystication et de pouvoir ainsi
exercer leur industrie sans être inquiétés. L'un amena un phonographe, dont on imagine
l'eet, l'autre un appareil photographique, le troisième un bébé en celluloïd tout rose, qui
plongea les dames du village dans un abîme de perplexité.
Il fallait bien cela pour entretenir l'illusion de la déité car entre-temps les explorateurs
s'étaient mis à nouer avec les jeunes femmes du lieu des relations des plus intimes. Celles-
ci avaient été échangées contre une hache ou une poignée de coquillages, sans la moindre
diculté. On dispose ici encore des témoignages de première main de ces personnes du
sexe, séduites puis abandonnées sans la moindre vergogne par les explorateurs après avoir
été engrossées. Elles aussi se demandaient si ceux-ci possédaient un sexe et avaient des
pratiques sexuelles mais furent immédiatement rassurées sur ce point par leurs étranges
et nouveaux partenaires.
Les explorateurs nirent par trouver des sables aurifères dans la région des monts
Hagen et y installèrent leur industrie. Les indigènes ne perçurent pas au début qu'on les
10.21. LE PHÉNOMÈNE DU REJET ET DE LA FOLKLORISATION 169
faisait travailler. Les activités des blancs étant par essence incompréhensibles pour eux,
ils crurent longtemps participer à une sorte de rituel.
Aujourd'hui la culture de ces aborigènes est en train d'achever de se décomposer. Un
second lm des mêmes auteurs, intitulé Les Voisins de Leahy, qui a reçu en 1983 le grand
prix du festival de cinéma réel, montre cette n catastrophique. On y voit les membres
d'une tribu progressivement asservis par un métis qui n'est autre qu'un des ls d'un
des frères Leahy, éduqué par des missionnaires. Sous son inuence le village a donc été
transformé. Ayant racheté leurs terres pour une bouchée de pain et contre des promesses
fallacieuses à des gens qui auparavant ignoraient le sens du mot propriété, il y a implanté
des cultures de café, très protables. En maintenant les villageois dans un état proche du
servage médiéval il a pu se construire une habitation spacieuse dotée de tout le confort
moderne. Grâce à une antenne parabolique il reçoit les émissions de télévision du monde
entier et c'est dans une somptueuse Mercédès blanche qu'il inspecte ses terres.
La condition de ses employés est pitoyable. Ils ont bien conscience que leur em-
ployeur leur a volé quelque chose, mais n'arrivent pas à le conceptualiser. Beaucoup
sombrent progressivement dans la civilisation de consommation. Le lm montre avec quelle
perversité et quel mépris Leahy, véritable virus , joue sur sa soi-disant appartenance
aux deux cultures pour transformer aux yeux des villageois en prétendue élévation de leur
niveau de vie ce qui n'est de fait qu'une exploitation éhontée. Dans les faits le métis Leahy
est simplement porteur d'une information technico-culturelle qui s'impose vis-à-vis de la
culture locale en entraînant la désagrégation totale de celle-ci.
Ce lm n'est qu'un exemple parmi tant d'autres des eets pervers des contacts entre
civilisés et primitifs , l'opération s'eectuant invariablement au détriment des se-
conds.
Quoi qu'il en soit ces anecdotes montrent la perception aberrante que peuvent avoir les
membres d'une ethnie, au contact avec des expéditionnaires manipulant une technologie
très en avance sur leur temps. Rappelons l'exemple des Aztèques qui crurent, en voyant
les premiers Espagnols, que l'homme et le cheval ne formaient qu'un.
Si le phénomène des rencontres rapprochées traduit contact avec des populations ex-
traterrestres, sommes-nous à l'abri de telles dérives et illusions aberrantes ? La mince
épaisseur de science et de technique qui est censée nous séparer de l'homme primitif
est-elle un rempart susant ? Rien n'est moins sûr. Certains témoignages et discours
d'ufologues semblent présenter une composante fantasmatique et religieuse. ,
Ceux qui suivent l'actualité connaissent l'aaire John Lear. Simple rumeur dénuée de
fondement testimonial able, cette aaire est décrite comme telle dans le récent ouvrage de
Jean Sider, paru aux éditions Axis Mundi et intitulé Ces OVNI qui font peur. Ce que nous
retiendrons dans cette aaire c'est la dérive vis-à-vis du schéma corporel humain, dans
la description d'une soi-disant population d'extraterrestres. Dans ces témoignages assez
douteux on voit donc apparaître des humanoïdes possédant une bouche dont la fonction
ne serait pas la nutrition. Ils n'auraient pas d'organes sexuels, étant censés se reproduire
autrement . Celui qui colporte ces rumeurs ajoute que ces êtres se nourriraient par
osmose, en s'immergeant périodiquement dans des bacs emplis de substances organiques
d'origine terrestre, voire humaine. Leur reproduction procéderait par bouturage, comme
dans le célèbre lm La Chose d'un Autre Monde. Et tout à l'avenant.
Ces extraterrestres ne seraient d'ailleurs pas les bons , les vrais , mais de simples
170 CHAPITRE 10. LA PLANÈTE DES SINGES
bricolages ressemblant aux êtres humains, des êtres issus de manipulations génétiques ou
des robots, dus à des entités extra dimensionnelles mal dénies, le monstre bricolé, tel
qu'il apparaît dans les dessins animés japonais, mi-organique, mi-machine, servant ainsi
d'interface à une nouvelle race d'esprits.
Fin 89, nous participâmes à une émission de télévision Ciel mon mardi , conduite par
le journaliste Dechavanne. Notons au passage que c'est la première à laquelle nous ayons
participé depuis quinze ans où l'animateur ait laissé les diérents participants s'exprimer
en toute liberté, sans chercher à orienter les débats dans un sens ou dans un autre. Nous
lui rendons cette justice.
Lorsque la parole fut donnée à Jacques Vallée, auteur de nombreux ouvrages sur le
sujet OVNI, il déclara :
Je serais personnellement assez déçu si derrière le phénomène OVNI il n'y avait que
des extraterrestres.
Que contient ce propos ? Est-ce celui d'un scientique ou celui d'un aspirant au statut
de sorcier, rêvant de jouer le rôle très valorisant d'interprète d'entités issues d'une autre
dimension ? Autre dimension est d'ailleurs le titre d'un de ses derniers livres. Anté-
rieurement il s'était fait connaître pour s'être eorcé de démontrer dans ses ouvrages la
connivence existant entre les religions terrestres et le phénomène OVNI, en mettant au
passage dans le même sac les apparitions de soucoupes volantes et celles de la Vierge.
Dans ces conditions on peut se demander s'il n'est pas lui-même victime de sa propre
théorie. En règle générale Vallée ne s'intéresse guère à l'aspect hard nuts and bolt 22 de
l'OVNI, comme disent les Anglo-Saxons. L'hypothèse extraterrestre, la modélisation MHD
tiennent peu de place dans les articles qu'il écrit, qui se veulent une synthèse de ce que
l'on croit connaître du phénomène. S'il admet qu'il existe des traces physiques réelles, il
n'y voit que des phénomènes de second ordre, de simples leurres destinés à mieux nous
abuser et nous manipuler. En ramenant l'ensemble du phénomène dans le fourre-tout
indénissable du paranormal il envisage alors que ces traces soient tout simplement
créées par le témoin, par psychokinèse, et de même essence que les poltergeists des
médiums.
C'est une approche, mais j'ai peur qu'elle ne soit ni très objective, ni surtout très
opératoire.
22 Boulons et écrous.
Chapitre 11
Des OVNI et des hommes
Le sujet OVNI a, depuis trente ans, suscité toute la palette des comportements humains
possibles. Nous avons vu comment s'étaient comportés les politiques, les scientiques et
les militaires. Il a bien fallu pourtant que se constitue l'énorme dossier qui est à notre
disposition. Pendant tout ce temps les enquêtes sur les OVNI ont été faites en France
principalement par la gendarmerie et par des groupes privés. Les gendarmes, profession-
nels du recueil de témoignages, ont certainement eectué leur travail avec beaucoup de
conscience. Ils l'ont prouvé dans le cas de Trans-en-Provence. Mais comme ils ont des
instructions pour adresser leurs comptes rendus d'enquêtes au CNES, nous n'avons pas
un accès libre à ces informations. Le ministère de la Défense nationale a, par ailleurs, la
possibilité à tout moment d'imposer un black-out sur n'importe quelle aaire ou dossier.'
Des groupes d'enquêteurs privés bénévoles, passionnés par le sujet, ont donc, depuis
trente ans, accumulé la majeure partie des informations dont nous disposons. Privés des
directives des scientiques et de tout moyen d'investigation et d'analyse valable, ils ont fait
de leur mieux en réalisant un véritable travail de fourmis, mais les informations collectées
sur le terrain restent, hélas, assez pauvres. La création du GEPAN fut, pour ces gens, un
immense espoir, vite déçu.
dont il adopte volontiers la vêture, se prétend chef de le des nouveaux ufologues
et psychosociologue , alors qu'il n'a jamais fait la moindre étude dans ce domaine ni
publié le moindre article dans une revue spécialisée.
Dans des mini-congrès de soucoupologie s'arontent, en joutes verbales dérisoires, un
ufologue-facteur, un ufologue-tenancier de sex-shop et un ufologue-gardien de nuit. Ce qui
est condamnable n'est pas d'être facteur, gardien de nuit ou tenancier de sex-shop, c'est
de prétendre être ce qu'on n'est pas et cette gesticulation a merveilleusement joué son
rôle de repoussoir pour les rares scientiques des sciences dures ou des sciences humaines
qui auraient eu, un moment, des velléités de s'intéresser au dossier.
Si certains se lancent dans un amalgame tous azimuts, mélangeant le phénomène
OVNI, les farfadets et les apparitions de la Vierge et, pour faire plus sérieux, manient des
dimensions supplémentaires comme on agite des fétiches, d'autres tentent des descriptions
statistiques sans avoir hélas jamais su ce qu'était un test de signiance, qui permettrait
de chirer la validité de leur étude. On trouve de tout dans cette cour des miracles
ufologique. Certains expliquent même l'insuccès de leur démarche par une sorte de zor-
glonde1 engendrée par le phénomène, qui paralyserait toute recherche, alors que leur
incompétence et leur peur conjuguées y suraient largement.
Jacques Vallée et Pierre Guérin pensent que le phénomène OVNI ne fuit nullement
le contact mais, au contraire, le recherche. L'OVNI se montrerait délibérément. Vallée
parle alors de manipulation des témoins et d'un plan à long terme, impénétrable pour nos
intellects primitifs. D'où une recherche de messages gravés dans le mental des témoins à
leur insu, eectuée à travers des régressions hypnotiques, dont le contenu ne s'est jamais
révélé très parlant, hormis le fait de retrouver quelques souvenirs oubliés par le témoin,
comme par exemple dans le cas Betty et Barney Hill.
En vérité quoi de plus normal que d'essayer d'eacer eectivement ces souvenirs dans
l'esprit des témoins, ne serait-ce que pour les protéger contre un risque de déstabilisation ?
Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Vallée parle de message, d'action sur notre
société terrienne à travers ces contacts revêtant un aspect fondamentalement déconcertant,
insaisissable (elusiveness). Il en tire pour preuve l'apparente absurdité des propos tenus
par les visiteurs d'outre-espace. Un jour, raconte-t-il dans un de ses livres, un brave paysan
demande à un passager d'OVNI :
Dites, vos machines, ça marche comment ?
Par électromagnétisme inverse, répond l'autre.
Vous voyez, dit Vallée. Cela n'a pas de sens, c'est absurde !
Celui qui lira de bout en bout l'annexe scientique verra en eet que cette réponse
pourrait être moins absurde qu'il n'y paraît. A la n de ce texte se trouve développé, dans
un petit moment de science-ction au sens fort du terme, une idée de voyage à travers
l'espace-temps gémellaire, voisin du nôtre (selon la théorie des univers jumeaux élaborée
par Sakharov et votre serviteur). Si cela était vrai, la machine évoluerait eectivement
dans un monde où les lois de l'électromagnétisme seraient inversées, puisque celui-ci serait
peuplé d'antimatière.
Je ne crois pas qu'un non-scientique, ou un scientique qui ne soit pas au fait des
derniers gadgets technologiques et élucubrations théoriques du moment, puisse disserter
1 Dans une bande dessinée de Franquin le personnage de Zorglud fabrique un émetteur de zorglonde
qui agit sur le mental des gens.
11.1. LES CHARLATANS 173
valablement sur le contenu de tels contacts.
Imaginons que l'équipage d'un sous-marin nucléaire aborde sur une île peuplée de gens
qui n'aient jamais connu la civilisation . Au cours d'une conversation, le chef du village
s'enhardit à demander au capitaine de cette étrange pirogue quelle est sa manière de
naviguer.
Elle navigue sous l'eau , répond l'autre avant de prendre congé.
Ramer sous l'eau ? Absurde, conclut l'autochtone. Il a dû vouloir me dire autre chose.
C'est une manipulation, un signe que nous devons interpréter.
Il ne faut pas exclure, de la part de visiteurs issus d'autres systèmes, quelque action
systématique de désinformation. Nous avons même évoqué cette possibilité plus haut. Mais
il ne faut quand même pas systématiser, adopter une attitude digne des Shadocks, sinon
cette position misérabiliste, qui a toujours été celle d'un Vallée, deviendrait démobilisant.
Quand on ne dispose pas d'une tête susamment équipée pour aborder un problème,
plutôt que d'avouer son incompétence, il est assez logique de chercher à dissuader les
autres de se pencher sur la question.
Au demeurant, toutes ces attitudes ont un point commun : elles tournent résolument
le dos à tout contenu physique possible. Pourquoi analyser laborieusement des traces,
chercher des modèles véhiculaires ou météorologiques, si on a décidé une bonne fois pour
toutes que le phénomène OVNI était de nature transcendante, résolument hors de portée
de nos intellects primitifs, ou que tout se passait dans la tête du sujet ?
Certaines manifestations ufologiques, comme les deux congrès internationaux qui se
sont tenus à Rio de Janeiro et à Bruxelles et qui regroupaient quelques dizaines de spé-
cialistes , donnèrent lieu à des événements singuliers, témoin cet extrait d'une joint
proclamation signée par tous les participants :
V. Nous nous déclarons d'accord pour partager nos informations au sujet des OVNI
avec l'armée et les services de renseignements de nos pays respectifs, pour le bien
commun.
VI. Pour le bien-être psychologique de tous les peuples de la Terre, nous acceptons de
délivrer les informations sur les OVNI sous une forme telle qu'elle permette d'éviter
la panique dans le public et les manipulations par la presse.
Qui avait rédigé cette proclamation ? la CIA ?
Mais qui mérite alors le titre de scientique ?
La science contemporaine a atteint un haut niveau de sophistication. La maîtrise d'un
seul domaine ne peut s'acquérir qu'au prix de longues études. On pourrait, pour xer les
idées, avancer le chire minimal de quinze années après l'obtention d'un baccalauréat.
Un temps aussi long est nécessaire pour faire le tour d'une discipline et devenir un
praticien, théoricien ou expérimentaliste. On ne peut pas, de nos jours, prétendre être
un scientique, un expert capable de formuler des avis, sans avoir été un chercheur en
activité, sans avoir fait des travaux de recherche, avoir publié dans des revues à referee,
sans s'être longuement colleté avec le domaine en question et avoir acquis un minimum
d'expérience.
Un scientique est également quelqu'un qui connaît exactement ses limites de com-
pétence. Je sais qu'il m'a fallu personnellement trente années pour pouvoir m'intituler
mécanicien des uides, physicien des plasmas et spécialiste de la Relativité générale. Ma
174 CHAPITRE 11. DES OVNI ET DES HOMMES
curiosité naturelle m'a fait me familiariser avec d'autres domaines assez variés, mais où
je ne saurais me situer comme spécialiste.
En résumé, la science est tout simplement un métier, qui s'apprend, comme tous les
métiers, mais où l'apprentissage est fort long.
Ajoutons pour nir que s'il est une impression que j'aimerais que le lecteur retire de
la lecture de cet ouvrage, et de son annexe scientique, s'il possède le niveau de compré-
hension requis, c'est bien que le dossier OVNI fait appel à des compétences scientiques
à la pointe de nos connaissances, dans tous les domaines.
177
Annexe A
Le générateur MHD
On produit de l'énergie électrique en déplaçant un conducteur dans un champ ma-
gnétique, celui-ci pouvant être sous forme solide (bobinage) ou uide. Dans cette seconde
éventualité on parle alors de générateur magnétohydrodynamique, en abrégé générateur
MHD.
Le principe est extrêmement simple. Imaginez que nous fassions s'écouler du mercure,
que l'on sait être un très bon conducteur de l'électricité, dans un canal porteur d'élec-
trodes comme indiqué ci-après, cette section baignant dans un champ magnétique vertical
engendré par un aimant, ou un électroaimant, à la partie inférieure. Si V est la vitesse
d'écoulement du mercure et B l'intensité du champ magnétique qui lui est perpendiculaire
il se créera dans le uide une force électromotrice VB. La section du uide située dans le
champ magnétique se comportera comme un générateur électrique et un courant pourra
être collecté à l'aide d'électrodes disposées à la paroi.
La production d'électricité par procédé MHD fut envisagée pour la première fois par
le physicien anglais Michael Faraday (1791-1861). Celui-ci n'eut pas recours au mercure
mais à l'eau salée, en l'occurrence celle de l'embouchure de la Tamise. Il utilisa alors la
composante verticale du champ terrestre, qui est de 0,2 gauss. Sous nos latitudes le champ
magnétique créé par la Terre n'est pas tangent à la surface. La composante tangentielle
est de 0,4 gauss.
En combinant cette vitesse d'écoulement des eaux saumâtres et ce minuscule champ
magnétique et en disposant des électrodes sur les berges du euve il put eectivement
recueillir un courant, très faible, issu de cette force électromotrice VB.
Faraday envisageait-il à cette époque l'exploitation de l'énergie marémotrice des eaux
de la Tamise ? L'histoire ne le dit pas. Si cela avait été le cas il aurait été évidemment
assez déçu.
Un siècle et demi plus tard de nombreux pays du monde envisagèrent de convertir la
force vive des gaz issus de la combustion d'hydrocarbures ou du c÷ur des réacteurs
nucléaires comme uide de travail en les faisant circuler dans une tuyère MHD .
Les champs magnétiques étaient évidemment beaucoup plus importants, et se situaient
entre 10 000 et 40 000 gauss. Les vitesses étaient aussi bien supérieures : tous les conver-
tisseurs fonctionnaient avec des vitesses supersoniques, de l'ordre de mille mètres par
seconde. Le calcul indiquait alors que des rendements de l'ordre de 45 voire de 50 %
n'étaient pas inenvisageables (les systèmes classiques de centrales thermiques ont des ren-
179
180 ANNEXE A. LE GÉNÉRATEUR MHD
dements qui plafonnent aux alentours de 40%). Mais le point noir sur lequel on buta fut
celui de la faible conductivité électrique des gaz, même à haute température, due à leur
pauvreté en électrons libres. On envisagea donc d'ensemencer ces gaz avec du césium ou
du sodium, substances qui ont la propriété de libérer beaucoup d'électrons libres à haute
température. Seuls les Soviétiques parvinrent à des résultats exploitables au prix d'eorts
considérables sur le plan des matériaux (céramique pour les parois, électrodes en zircone).
Une centrale MHD de 500 MW, fonctionnant par combustion de combustible fossile et
travaillant à une température de l'ordre de 1 800, existe aujourd'hui en URSS.
La seconde formule était basée sur la circulation, en cycle fermé, d'un gaz rare ense-
mencé (hélium) dans le c÷ur d'un réacteur nucléaire. Pour que le procédé devienne ren-
table il eût fallu que l'on réussisse à faire fonctionner un tel dispositif en bi-température1
de manière stable, puis que l'on disposât de réacteurs à gaz dit HTR, à haute température.
Nous avons sans doute eu de la chance que cette seconde formule ne voie pas le jour.
Habiter à proximité de réacteurs refroidis à l'aide de gaz portés à une température de
1 500 degrés aurait été une chose que je n'aurais souhaitée à personne.
1 Voir l'album paru aux Éditions Belin, dans la série des Aventures d'Anselme Lanturlu et intitulé
Pour quelques ampères de plus.
181
183
184 ANNEXE B. LE VOL SUPERSONIQUE SANS ONDES DE CHOC
Un autobus pénètre sur cette place et tente de se frayer un chemin. Les hommes aux
yeux bandés ne peuvent avoir conscience de la présence de cet objet qu'au contact avec
celui-ci. Projetés par le pare-choc du véhicule, ils vont répercuter cette information, cette
pression qu'ils subissent, à leur voisins les plus proches, et ainsi de suite. De cette façon
ceux qui ne sont pas en contact direct avec l'objet seront informés de son mouvement de
pénétration, et pourront lui laisser place.
À quelle vitesse un autobus peut-il traverser une place aussi encombrée ? La réponse
intuitive semble être : à une vitesse inférieure à la vitesse de déambulation des personnes,
pour que cette information puisse remonter vers l'amont. Si la progression du bus est
assez lente la densité des gens par mètre carré restera constante. Ce uide restera
incompressible .
Inversement si la vitesse de l'autobus devient supérieure à cette vitesse de déambula-
tion, jamais les gens ne pourront prendre leurs dispositions pour lui faire place, puisque
l'information, cheminant à une vitesse qui est de l'ordre de leur vitesse de déambulation,
ne pourra remonter vers l'amont. Ces gens aux yeux bandés seront tassés les uns contre
les autres. Il y aura compressibilité.
Il en sera de même pour les molécules d'air. Tant qu'un objet pénétrera dans le uide à
vitesse nettement subsonique, à une vitesse nettement inférieure à la vitesse d'agitation des
molécules (ces deux vitesses sont pratiquement équivalentes), celles-ci pourront répercuter
l'information vers l'amont par collisions, de proche en proche. Le gaz commencera ainsi à
s'écarter bien avant que l'objet ne soit sur lui et sa densité restera constante.
Mais si cette vitesse de pénétration devient supérieure à la vitesse du son, les molécules
seront prises par surprise . Elles subiront un phénomène de compression devant l'objet,
se retrouveront tassées les unes contre les autres et la densité, localement, subira un
accroissement brutal sur une très courte distance. Il se créera ce qu'on appelle une onde
de choc.
Il existe une autre analogie que vous pourrez pratiquer dans votre baignoire, l'analogie
hydraulique. Pourquoi une surface liquide est-elle plane ? Prenons la question à l'envers :
pourquoi, lorsque nous versons un verré d'eau dans la baignoire, la surface reprend-t-elle
aussi vite que possible sa planéité ?
Si vous faites l'expérience vous verrez que ce déversement liquide crée des ondes centri-
fuges circulaires, qui se propagent radialement à une dizaine de centimètres par seconde.
Elles sont les analogues dèles des ondes sonores. Bien sûr, la vitesse de propagation de
ces ondes n'a alors plus rien à voir avec la vitesse d'agitation des molécules dans l'eau de
la baignoire (il existe aussi une vitesse du son dans les liquides, mais qui est de l'ordre de
plusieurs kilomètres par seconde).
L'analogie ondes sonores-ondes de surface dans les liquides est ce qu'on appelle une
analogie formelle : Il se trouve que les équations mathématiques qui décrivent les deux
phénomènes sont quasiment identiques. Donc il faut s'attendre à une grande similitude
entre les phénomènes qui en découleront.
Si cette vitesse devient supérieure à la vitesse de propagation des ondes de surface,
vous créerez immédiatement un bourrelet liquide qui se prolongera sur les côtés, vers l'aval
et qui présentera vis-à-vis d'une onde de choc une relation de similitude.
cinétique moyenne des molécules 1/2mV 2 . C'est donc une mesure de la moyenne du carré de la vitesse
d'agitation thermique.
185
Fig. B.2 Ondes de choc apparaissant autour d'un prol d'aile biconvexe ou des vagues
d'étrave et de poupe d'un navire.
186 ANNEXE B. LE VOL SUPERSONIQUE SANS ONDES DE CHOC
Il y a cinquante ans, quand les ordinateurs n'existaient pas, les mécaniciens des uides
se servaient couramment de cuves à analogie hydraulique pour déterminer, du moins
qualitativement ; la géométrie des ondes de choc autour d'un objet se déplaçant dans
un uide à vitesse supersonique. Cet usage se prolongea dans les laboratoires jusqu'en
1965. On notera, bien sûr, que les vagues d'étrave et de poupe d'un navire sont elles aussi
semblables au système d'onde de choc frontale et d'onde dite de culot se développant
autour d'un prol biconvexe, par exemple une aile.
La gure B.3 se réfère à un autre type d'objet : un cylindre. L'onde de choc frontale
ne part plus directement du bord d'attaque, puisqu'il n'y en a pas. C'est alors une onde
détachée . L'onde de choc de culot, quant à elle, permet de remettre le uide dans l'état
où on l'avait trouvé en entrant. Si cette onde n'existait pas, l'objet laisserait derrière lui
un uide avec une densité plus faible (ou une hauteur d'eau plus faible). Tous ces concepts
sont abondamment développés et illustrés dans mon album Le Mur du Silence auquel le
lecteur pourra se référer s'il désire de plus amples explications.
Derrière le cylindre naît un sillage fortement turbulent, qui vient du fait que le uide
n'arrive pas à se refermer en douceur derrière l'objet. Ces deux phénomènes : onde de choc
et turbulence, sont générateurs de bruit pour une machine volante. Vous pouvez aisément
les recréer en utilisant un fouet. Le claquement sec du fouet vient du fait que la vitesse
de déplacement de sa mèche, après son accélération, dépasse la vitesse du son !
sonique brise les vitres dès qu'il dépasse Mach 1. A Mach 5 les toitures s'eondreraient.
En reprenant l'analogie hydraulique, imaginez un navire conventionnel qui croiserait au
voisinage d'une côte à 100 kilomètres à l'heure. Sa formidable vague d'étrave provoque-
rait des dégâts considérables. Il existe bien des racers o shore qui dépassent ces vitesses,
mais ils ne naviguent pas dans l'eau et se contentent de rebondir de vague en vague en se
déplaçant hors de l'eau.
Au point de vue conceptuel les expériences d'analogie hydraulique avaient quand même
suggéré que le déplacement supersonique d'un objet dans l'air, de manière silencieuse,
n'était pas comme on l'avait cru jusqu'ici une totale absurdité. Le but était donc atteint.
Nous ne trouvâmes aucune étude de ce genre dans la bibliographie, que cela soit
en France ou à l'étranger. Ceci nous sembla tout à fait étonnant, étant donné le coût
très modique et la rusticité du dispositif à mettre en ÷uvre. Dans la première partie
du livre nous avons évoqué les dicultés que nous avions rencontrées pour tenter de
poursuivre ces recherches, à la fois très simples et fructueuses. Mais en vérité, dès que
les structures institutionnelles concernées réalisaient ce qu'il y avait derrière, subitement,
personne n'était plus intéressé.
Il y a quelques années j'avais eu l'occasion de faire évoluer dans un petit plan d'eau sa-
lée une petite maquette de navire MHD, pour une chaîne de télévision. La vitesse atteinte
était de quelques centimètres par seconde, avec une poussée de l'ordre du gramme. Mais
ce navire consommait un demi-kilowatt, ce qui correspondait à un rendement propulsif
d'un cent millième !
En fait cet esquif révolutionnaire chauait surtout l'eau où il évoluait, tout simplement
parce que son champ magnétique était inférieur à 1 000 gauss.
Dans ce type de propulsion, si on eectuait une comparaison avec une hélice, J serait
l'équivalent du nombre de tours et B l'angle de calage des pales. Tel quel, mon navire
MHD équivaudrait à un moteur hors bord dont les pales seraient calées à un dixième ou
à un centième de degré. Il y aurait bien une poussée, mais à quel prix !
Les systèmes de propulsion MHD sont connus depuis Faraday. Classiquement on faisait
circuler le uide dans une conduite munie d'électrodes en appliquant un champ magnétique
perpendiculaire. L'inventeur de ce sous-marin MHD se contenta de reconduire naïvement
cette formule en plaçant un accélérateur de Faraday, agissant sur l'eau de mer, à l'intérieur
du submersible. Ce faisant, il conservait les inconvénients majeurs du sous-marin classique,
liés à la présence d'une importante surface mouillée, externe, totalement passive (d'où
frottement, cavitation, bruit, etc.).
Si le lecteur scientique consulte un ouvrage spécialisé sur cette propulsion MHD9, il
retrouvera toutes les géométries que j'avais envisagées entre 1975 et 1977, simplement en
mettant à l'extérieur, en inversant, tous les accélérateurs internes décrits, avec faible ou
fort paramètre de Hall, avec électrodes, à induction, etc.
La première note aux comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris que j'avais
publiée10 portait sur une géométrie discoïde correspondant à un fonctionnement avec un
fort paramètre de Hall. Sans entrer dans les détails, ce qui nous mènerait beaucoup trop
loin et nous contraindrait à développer dans cet ouvrage un véritable cours de physique des
plasmas, disons que ce paramètre β est proportionnel à l'intensité du champ magnétique
régnant dans la région accélératrice.
Lorsque β devient supérieur à l'unité les vecteurs champ électrique E et densité de
courant J cessent d'être colinéaires. Vis-à-vis du champ électrique, électromoteur, les élec-
trons se mettent à marcher en crabe . On trouve alors que la géométrie de l'accélérateur
MHD doit être discoïde, de même que celle du générateur MHD.
Depuis une vingtaine d'années, à chaque fois que les chercheurs (Louis, à l'AVCO, ou
Rietjens, en Hollande) voulurent travailler avec un meilleur rendement, c'est-à-dire avec
un B fort, ils durent s'orienter automatiquement vers des convertisseurs construits autour
d'une tuyère-disque . Tous les gens qui sont un tant soit peu au courant des questions
de MHD le savent.
Ainsi, dans la logique des choses, si nous avions réussi à faire fonctionner dans les gaz
des maquettes d'aérodynes en forme de cylindre, puis de sphère, nous aurions dû ensuite
évoluer vers des formes discoïdales. Simple remarque.
fusée n'est capable de délivrer des gaz aussi véloce (les vitesses d'éjection des meilleurs
moteurs plafonnent 2 500 mètres par seconde).
Bien sûr les problèmes technologiques interdisaient de faire fonctionner cette machine
plus d'une fraction de millième d seconde. Aucun matériau n'aurait été capable de résister
à une température aussi élevée.
Ne pouvait-on pas alors baisser cette température ? Hélas non, sinon la conductivité
électrique aurait immédiatement chuté (en dessous de 6 000 ou 7 000 degrés elle serait
devenu presque inexistante).
Les accélérateurs étudiés aux USA et en URSS étaient diérents et pouvaient fonc-
tionner en continu. Certains utilisaient de la vapeur de sodium, ou de césium, substances
dotées d'un bas potentiel d'ionisation, qui autorisaient un fonctionnement à 2 500 degrés.
Le but était in ne d'adapter ces accélérateurs sur les moteurs d'engins à fusées, dopés
au césium, an d'en accroître les performances.
S'agissant de propulsion par fusée on serait tenté de penser que plus la vitesse d'éjection
V est élevée, mieux cela vaut. En eet si on dispose une masse M de propulsif (combustible
plus comburant), comme la poussée est F = qV , où q est le débit-masse et V la vitesse
d'éjection, on a tendance à penser que plus la vitesse V sera grande et mieux on tirera
prot de chaque précieux gramme de propulsif. En fait une analyse théorique complète du
problème montra qu'il existait pour une mission donnée un optimum de vitesse d'éjection.
Plus la mission était longue, plus cette vitesse devait être grande.
Les études sur les propulseurs MHD existaient donc à l'époque où on envisageait des
vols propulsés de longue durée, par exemple en direction de Mars. Elles disparurent dès
que ces projets furent abandonnés. Mais si on en croit le professeur Kunkle, responsable du
194 ANNEXE B. LE VOL SUPERSONIQUE SANS ONDES DE CHOC
département de physique des plasmas de Berkeley, elles auraient été reprises au Lawrence
Livermore Laboratory dans un tout autre contexte (guerre des étoiles) et seraient couvertes
par le secret le plus absolu.
gure B.10 ainsi que les trajectoires empruntées par le courant. Les courbes orthogonales
représentent les nappes équipotentielles, à potentiel électrique constant.
Ce fut le premier travail réalisé par Lebrun en 1985. Il fut eectué sur un micro-
ordinateur Macintosh, ce qui constitue en soi une performance étant donné la relative
lenteur de cet appareil, par rapport à ceux qui sont ordinairement utilisés dans les si-
mulations de mécanique des uides. Lebrun n'obtint pas le résultat souhaité du premier
coup et dut eectuer de nombreux essais, ce qui prit beaucoup de temps. Néanmoins en
s'aidant d'un critère théorique qu'il avait inventé, il parvint à régulariser totalement cet
ensemble de caractéristiques.
Le résultat de ce travail, qui a fait l'objet de publications dans des colloques inter-
nationaux et dans des revues a referee au top niveau de la spécialité12, est visible sur la
gure B.11.
À notre immense surprise, après une recherche bibliographique eectuée sur ordina-
teur, nous constatâmes que ceci n'avait jamais été fait ! Or cela correspondait à un attirail
théorique datant des années 50, donc nalement assez ancien. Autrement dit : comment
faire du neuf avec de l'ancien ?
Il restait à savoir si l'opération pouvait être réalisée dans le cas d'un écoulement
externe où la situation était un peu diérente. Imaginons une sorte de prol lenticulaire
de référence constitué par six arcs de cercle. Le long de ce prol la direction de la tangente
à la paroi évolue ainsi continûment. Dans la première section (A), la forme de la paroi
correspond à un écoulement dans un convergent. Les caractéristiques sont tassées les unes
contre les autres et se télescopent. Dans la seconde section (B) ceci correspond à un
divergent et les caractéristiques s'épanouissent. Enn la troisième section est de nouveau
convergente (C).
12 B. Lebrun & J.-P. Petit, Shock wave cancellation in gas by Lorentz force action, 9th International
Conference on MHD Electrical Power Generation, Tsukuba, Japan ; Shock wave annihilation by MHD
action in supersonic ows. Quasi one-dimensional steady-state analysis and thermal blockage , European
Journal of Mechanics, B/Fluids, Volume 8, p. 163-178, 1989 ; Shock wave annihilation by MHD action in
supersonic ows. Two dimensional steady non-isentropic analysis. "Anti-shock" criterion and shock-tube
simulations for isentropic ows , European Journal of Mechanics, B/Fluids, Volume 8, no 4, p. 307-326,
1989.
198 ANNEXE B. LE VOL SUPERSONIQUE SANS ONDES DE CHOC
Fig. B.10 Distribution du courant électrique dans la veine. Champ magnétique perpen-
diculaire au plan de gure.
Les lieux de recoupement des caractéristiques signalent les lieux de naissance des
ondes de choc frontales et de culot. En appliquant le principe déni précédemment on peut
maintenir le parallélisme des caractéristiques en accélérant le gaz dans la partie (A). Pour
lisser complètement cet écoulement il apparut de toute évidence nécessaire de ralentir
le gaz dans la partie intermédiaire (B), puis de le ré accélérer en (C). Ceci conrma les
résultats déjà obtenus empiriquement à l'aide de l'analogie hydraulique.
En adaptant un champ de force adéquat, créé par un système de magnétisation et par
un système d'électrodes pariétales, Lebrun put assez rapidement lisser toutes ces carac-
téristiques. Ce résultat a également été publié dans les références citées plus haut. Il est
résumé sur la gure B.13. On voit qu'il est physiquement possible de supprimer toute onde
de choc autour d'un prol lenticulaire immergé dans un courant uide supersonique (ici à
Mach 1,6), ce qui est totalement inenvisageable en mécanique des uides conventionnelle.
Fig. B.13 Annihilation des ondes de choc autour d'un prol mince. Nombre de Mach :
1,6.
Mach 2, développer 200 mégawatts, soit la puissance d'une petite centrale nucléaire). À
plus haut nombre de Mach, grâce à la suppression systématique de l'onde de choc, l'intérêt
de l'aérodyne s'armait.
pouvait raccorder l'écoulement calculé à l'écoulement dans les conditions amont (c'est-à-
dire satisfaire les conditions aux limites), la question s'en trouvait réglée. Ainsi la phrase
de notre académicien tient plus de l'exorcisme que du discours scientique.
Je reste toujours étonné et choqué de constater que l'on puisse se prononcer dans un
domaine où on n'a aucune compétence et sur la base de raisonnements aussi inconsistants.
Annexe C
Cosmologie
Nous arrivons maintenant à la dernière partie de ce livre, la plus délicate. Le discours
sur la MHD n'avait qu'une valeur conceptuelle. Il n'intervenait que pour montrer que
certaines absurdités pouvaient être des cohérences qui nous avaient échappé. Dans la
première partie du livre nous avons évoqué cette étrange découverte liée aux rayons
tronqués , assimilés pour l'occasion à des arcs hyperfréquences.
Ces faits de théorie ou d'expérience ont simplement montré que les discours entendus
ici et là sur les OVNI n'étaient bien souvent que des propos inconsidérés.
Mais il subsiste, intacts, de formidables problèmes testimoniaux, aliments de tous les
scepticismes. Les observations d'OVNI sont pleines de faits extrêmement déconcertants,
comme des apparitions ou disparitions sur place, des arrêts brutaux en pleine vitesse ou
des virages à angle droit.
La MHD n'explique d'ailleurs nullement la croisière interstellaire. Elle serait parfaite-
ment inopérante dans le vide. Par ailleurs comment ces machines, si ce sont des machines,
feraient-elles pour couvrir ces formidables distances à vitesse subluminique ? Leurs passa-
gers humanoïdes accepteraient-ils de rester enfermés comme des sardines dans leur boîte,
ou des produits surgelés, pendant les dizaines ou même centaines d'années que dureraient
les voyages, à l'aller comme au retour ? Tout ceci laisse perplexe. On ne peut évidemment
pas se limiter, dans les témoignages, à ce qui peut être expliqué, et négliger le reste. Cela
serait aussi malhonnête que de négliger le tout.
Donnons, avant d'entreprendre cette reconnaissance aux frontières de la science, le
plan général de cette dernière partie.
Comme ce sont des arguments empruntés à la Relativité générale qui rendent diciles,
voire impossibles, les voyages interstellaires, nous serons contraints d'aller visiter les fon-
dations du bâtiment. Au cours de cette plongée dans les arcanes de la physique théorique
nous découvrirons au passage sinon la fragilité, du moins la mobilité de certaines parties
de l'édice. Nous constaterons que certains axiomes, considérés comme des fondements
de la Relativité Générale (comme la constance de c au cours du Big Bang) ne reposent
sur aucune réelle base observationnelle. Nous examinerons les implications de certaines
théories cosmologiques, comme celles d'Andreï Sakharov et de Misner, nous nous aperce-
vrons que la description générale de la structure géométrique de l'univers, loin d'être en
voie d'achèvement, pourrait dans l'avenir réserver bien des surprises.
203
204 ANNEXE C. COSMOLOGIE
susceptible d'introduire le moindre doute dans l'esprit du public est considéré comme
suspect, et immédiatement accusé de vouloir saper l'édice du savoir.
Il s'agit typiquement d'une attitude religieuse. La science est devenue une église qui
craint les inuences néfastes et les faits dérangeants. Jamais les mécanismes de rejet n'ont
été si forts, comme si on avait à faire face à un danger particulièrement important.
Lorsque j'ai commencé à m'intéresser au phénomène OVNI, ma motivation initiale
était la curiosité scientique. Mais j'avoue que celle-ci s'est trouvée très aiguillonnée
lorsque j'ai perçu les énormes dicultés que l'on créait à quiconque faisait mine de s'ap-
procher du tabou.
une particule au repos, en négligeant cet eet relativiste. Lorsqu'on eectue la correction
relativiste on trouve alors cet allongement apparent de leur durée de vie.
Dans le modèle du Cosmic Park, le déplacement des objets est en fait angulaire. La
vitesse est une vitesse angulaire. L'observateur au repos aura une première perception de
cette vitesse, par exemple en observant les bulles émises par un plongeur sous-marin.
En divisant sa perception de la distance parcourue par sa perception du temps écoulé il
en déduira une certaine valeur V0.
Dans le sous-marin, dans le mobile, les passagers pourront à leur tour eectuer une
mesure de vitesse en partant de la mesure de la distance parcourue, à l'aide d'un loch de
bord, et de leur perception du temps écoulé, à l'aide de la clepsydre du bord.
La distance parcourue sera plus faible, puisqu'à une telle profondeur , c'est-à-dire à
une telle vitesse, le périmètre du Cosmic Park parait plus petit. Mais la durée du voyage
sera également plus brève. L'un compensant l'autre, l'observateur resté immobile et le
passager de l'objet mobile trouveront exactement la même valeur à cette vitesse. C'est la
modélisation du résultat trouvé par Michelson et Morley.
Il est clair que ce modèle de Cosmic Park présenté dans l'album Tout est relatif, décrit
des mouvements en deux dimensions, et non trois. Ces deux dimensions étant la longitude
et la latitude des coordonnées sphériques. La troisième dimension est utilisée pour coder la
vitesse. Le temps n'apparaît pas explicitement. Si on tient compte de ce que l'on voit, de
ce qui est explicite, nous trouvons des coordonnées de position, la direction et l'intensité
de la vitesse. Autrement dit le Cosmic Park est un espace position-vitesse (que l'on
nomme en physique théorique un espace des phases). On peut formuler indiéremment
la relativité dans un espace-temps ou dans un espace des phases5. Nous avons choisi la
seconde représentation car elle parle plus à l'intuition.
Revenant à cette mesure du temps propre (c'est-à-dire du temps vécu par un obser-
vateur en mouvement) on peut imaginer qu'il existe une vitesse, donc dans ce modèle du
Cosmic Park une profondeur, où la pression extérieure compense la pression du réservoir
de chronol, c'est-à-dire où notre chronomètre s'arrête. Pour coller avec la théorie de la
relativité il faudra que ceci corresponde à la vitesse c et d'autre part que cette profondeur
situe le sous-marin au centre de la sphère !
Une particule cheminant à la vitesse de la lumière, un photon, se situera donc au
voisinage immédiat du centre de la sphère position-vitesse. Le temps propre d'un photon
n'est qu'une velléité de temps. Entre la naissance et la mort du photon, l'intervalle de
temps écoulé, mesuré par sa clepsydre de bord est nul. Son acte de décès est simplement
collé au verso de son extrait de naissance, l'épaisseur de la feuille étant zéro !
Si on pouvait accrocher un loch sur un photon, mesurant son déplacement, celui-ci
vaudrait également zéro. Mais la vitesse mesurée à bord du photon, considérée comme
rapport de ces deux inniment petits, serait toujours égale à c.
Tout ceci est évidemment assez pénible à imaginer, mais on conçoit que l'impossibilité
de dépasser la vitesse de la lumière soit en fait de nature géométrique. Si quelqu'un voulait
creuser un puits dans la Terre et s'il pouvait résister à la forte température des entrailles
de la planète, la profondeur maximale qu'il pourrait atteindre serait 6 400 km. On ne peut
pas aller plus profond que le centre d'une sphère.
5 Le lecteur pourra trouver cette expression de la Relativité restreinte dans l'espace des phases dans ma
bande dessinée le Chronologicon, parue aux Éditions Présence, Saint Vincent-sur-Jabron, 04200 Sisteron.
C.5. LES TACHYONS 209
Formulée diéremment cette impossibilité découle de considérations énergétiques. Si
m0 est la masse au repos d'une particule, son énergie est tout simplement :
m0 c2
E=q
2
1 − vc2
On voit que si v tend vers c le dénominateur va tendre vers zéro et l'énergie vers
l'inni. En conséquence, pour amener un ensemble de masses à la vitesse de la lumière il
faut théoriquement leur fournir une énergie innie.
Si on considère la masse mT comme une quantité réelle, alors l'énergie devient ima-
ginaire. Si l'on veut conserver une énergie réelle, alors la masse doit être imaginaire et
6 Le Message du photon baladeur, chez Belfond-Science.
210 ANNEXE C. COSMOLOGIE
on est conduit à écrire la masse au repos du tachyon sous la forme mT = im0 . Dans ces
conditions on obtient :
m 0 c2
E= q
v2
c2
−1
On voit que cette énergie a la propriété de décroître quand la vitesse augmente, ce
qui est l'inverse des particules ordinaires. Le tachyon semble vraiment être une particule
extraordinaire au sens fort du terme.
Faisons une courte parenthèse sur le monde des nombres imaginaires. Considérons
l'équation :
X2 = a
et cherchons ses solutions pour les diérentes valeurs de a. Cet énoncé est incomplet.
Pour être précis il faudrait dénir l'ensemble auquel ces solutions sont censées appartenir.
Supposons par exemple que nous prenions l'ensemble des nombres entiers positifs, à la
fois pour a et pour X . L'équation n'aura de solution que si c'est un carré parfait, c'est à
dire 4, 9, 16, 25 etc.
Si on situe cette fois le problème dans l'ensemble des nombres positifs il y aura toujours
une solution, quelle que soit la valeur donnée à a, positive.
Si on situe maintenant le problème dans l'ensemble des nombres algébriques, positifs
ou négatifs, trois cas se présenteront.
Si a est positif, il y aura deux solutions. Prenons par exemple la valeur a = 9.
L'équation aura, en fonction des règles de la multiplication algébrique, deux solu-
tions :
X = +3 et X = −3,
Si a est nul la solution unique sera X = 0,
Si a est négatif on considérera qu'il n'y a pas de solution.
Dans une phase ultérieure les mathématiciens s'intéressèrent à cette classe de solutions
où a était négatif et appelèrent les valeurs de X qui satisfaisaient l'équation dans ces
conditions des valeurs imaginaires.
Nous n'allons pas développer ici la théorie des imaginaires, mais nous noterons que
ces nouvelles solutions, un peu exotiques , nécessitèrent une extension du cadre, de
l'ensemble où on situait le problème. Ainsi des nombres plus généraux appelés nombres
complexes purent-ils être décomposés en deux composantes : une partie réelle et une partie
imaginaire. Les mathématiciens, en ne considérant que les nombres réels, n'avaient perçu
que la moitié de cette étrange réalité mathématique.
Revenons aux particules. Lorsque Dirac t émerger les antiparticules de l'équation de
champ, il se trouva que celles-ci pouvaient eectivement faire partie de notre monde de
tous les jours, de notre monde sensible, parce qu'elles avaient des masses réelles. On en
conclut qu'elles pouvaient exister , ce que conrma l'expérience.
Il n'est pas du tout dit que les tachyons puissent exister dans ce simple espace-
temps quadri-dimensionnel et qu'ils puissent comme l'antimatière se prêter à des mesures,
à des observations et à des expériences, au sens où nous l'entendons classiquement.
C.6. LE MYTHE DU POINT DE VUE ABSOLU SUR LES CHOSES 211
Le fait d'avoir une masse imaginaire les rend suspects d'appartenir à quelque réalité
orthogonale à la nôtre (les nombres imaginaires sont en quelque sorte orthogonaux
aux nombres réels). Leur situation vis-à-vis du temps est tout aussi problématique et on
ne sait même pas quelle est à vrai dire le signe de leur masse imaginaire.
La physique actuelle va vers un élargissement du cadre dimensionnel. Les tachyons
pourraient alors être liés à un autre volet de la réalité, que nous ignorons. Tout cela évoque
le mythe de la caverne de Platon. Lorsque les électriciens se servent des nombres complexes
pour faire des calculs relatifs au courant alternatif, ils ne produisent pas des valeurs
imaginaires de l'intensité et de la tension. Les valeurs qui émanent de leurs calculs sont
bien réelles. Mais ils trouvent commode de considérer que ces courants et ces tensions bien
réels ne sont que les ombres de valeurs mathématiques complexes, sur lesquelles il se trouve
qu'ils savent opérer7. Disons que le modèle des valeurs complexes est mathématiquement
plus performant qu'un modèle exclusivement basé sur des valeurs réelles.
Les tachyons sont peut-être une sorte d'intermédiaire de calcul dont nous aurons peut-
être un jour besoin pour rendre compte de certains phénomènes, à moins qu'ils ne soient
tout simplement une vue de l'esprit.
Toujours est-il que chercher des tachyons dans notre espace-temps ou tenter de les uti-
liser comme solution véhiculaire superluminique est peut-être tout aussi vain et superciel
que de feuilleter désespérément une table de nombres algébriques en espérant y découvrir
au détour d'une page un nombre imaginaire.
avait profondément changé au début de ce siècle. Antérieurement nous avions une vision
macroscopique des choses. La réalité particulaire était ignorée. Depuis le début du XIXe
siècle Navier et Stockes avaient construit un modèle théorique permettant de décrire
les mouvements des uides. La mécanique des solides était également connue, à travers
le concept de contrainte mécanique. Les équations de Maxwell donnaient une prise sur
l'électromagnétisme. Les lois de l'optique étaient connues depuis Newton. Tout ce qui était
mouvement d'objets matériels dans des champs de force était connu, à travers l'astronomie
et la balistique. On croyait que le vide absolu, l'absence totale de matière, avait une réalité
physique.
Ces équations fonctionnaient avec un certain nombre de constantes physiques, en
nombre extrêmement réduit. On n'en était guère à s'interroger sur la pérennité et l'unifor-
mité de ces constantes à travers l'univers de ces constantes puisque personne ne pouvait
penser en termes de milliards d'années ou de milliards d'années-lumière. La question ne
se posait tout simplement pas.
matérielles peut tomber à une par kilomètre cube, n'est-il qu'un grouillement de photons9.
Cette nouvelle physique , née avec le siècle, repose sur un nouveau jeu d'axiomes.
Citons les principaux.
1. L'univers est un continuum. Conceptuellement parlant on suppose qu'il est pos-
sible de séparer deux régions de l'espace-temps indéniment. Il n'existe nulle limite
inférieure aux intervalles de temps et d'espace.
2. L'univers a quatre dimensions et peut être considéré comme une variété rieman-
nienne orientable. Localement, à petite distance d'espace et de temps, la métrique
tend vers une métrique de Minkowski. Le passé est diérent du futur et on peut
orienter la èche du temps. On suppose qu'il n'existe pas d'objets rétrochrones,
capables de se déplacer à rebrousse-temps.
3. La microphysique obéit à l'équation de Schrödinger.
4. La macrophysique obéit aux équations de champ. La géométrie de l'univers est
déterminée par son contenu en énergie-matière.
5. Les constantes de la physique c, h, G, α, me, mp, mn, etc. sont des constantes abso-
lues.
où A, B, C, D sont des constantes. Notons au passage une chose. Un changement d'unité permet toujours
de passer à une forme :
ds2 = c2 dt2 − dx2 − dy 2 − dz 2 ,
ou même à la forme :
ds2 = dt2 − dx2 − dy 2 − dz 2 .
Par conséquent l'hypothèse minkowskienne, clef de la Relativité restreinte, est entièrement comprise dans
la donnée des signes des quatre termes : (+ − −−). On appelle cette suite de signes, qui est un invariant
absolu, la signature de la métrique.
216 ANNEXE C. COSMOLOGIE
G = χT
Cette équation se présentait comme un ensemble de deux boîtes . Dans la boîte
située à gauche, la boîte G (un tenseur de courbure), on pouvait mettre tout ce qui était
aspects géométriques de l'univers. Dans la boîte de droite, la boîte T (le tenseur énergie),
on pouvait mettre tout ce qui était énergie, en fait tout le contenu de l'univers, incluant
matière, chargée ou non et toutes les espèces possibles de rayonnements (électromagné-
tique, gravitationnel).
Entre les deux devait se situer une constante χ qui ne pouvait a priori varier ni dans
le temps ni dans l'espace, par simple souci de coller à la réalité de tous les jours. En
eet cette équation de champ, lorsqu'on se limitait à des échelles d'espace et de durée
très faibles, à l'échelle de nos expériences de laboratoire, devait se réduire aux équations
connues, éprouvées, ce qui n'était possible que si χ était une constante absolue.
A ce stade nulle hypothèse n'était réellement nécessaire, concernant le nombre de
dimensions de l'univers. Mais, quand ce travail débuta, personne ne doutait que l'univers
ait quatre dimensions. Or ce nombre de dimensions de l'univers est précisément un élément
clef du paradigme scientique.
Supposons alors que v/c = ε soit petit devant l'unité. Nous pouvons alors eectuer un développement
limité et il vient : r
v2 1 1
1− 2
= (1 − ε2 ) 2 = 1 − ε2 + etc.
c 2
L'énergie cinétique apparaît comme second terme du développement de l'énergie relativiste.
C.11. LE MODE DE TRAITEMENT DE L'ÉQUATION DE CHAMP 219
a également l'interaction forte. Mais ces deux aspects traduisant l'existence d'une matière
éventuellement chargée électriquement représentent l'essentiel du contenu macrophysique
de l'univers.
Le physicien théoricien qu'était Einstein, ainsi que tous ceux qui à cette époque étaient
dans la mouvance de ces idées, emplirent ce tenseur T avec toutes ces énergies.
Ceci étant fait, il fallait particulariser le tenseur G, c'est-à-dire opter pour tel ou tel
type de géométrie. La première idée qu'eut Einstein fut de supposer que l'univers était
uniforme, identique à lui-même en tout point de l'univers et au repos, stationnaire.
Dans cette théorie des champs on partait eectivement de la donnée d'un champ de
force présent dans l'univers, gravitation ou électromagnétisme, ou mélange des deux. Ce
champ allait avec un ou plusieurs objets conceptuels, comme la masse et la charge. La
résolution du problème était de dénir parfaitement la géométrie de cet objet univers en
obtenant ses géodésiques, lesquelles devenaient les trajectoires de particules individuelles
dans ce champ de force et les trajets suivis par des perturbations de nature ondulatoire.
J'ai fait un album intitulé Le Trou noir, qui explicite bien toute cette aaire-là en
matière de gravitation. Le lecteur qui voudra en savoir plus sur les géodésiques pourra s'y
référer. Disons simplement que si vous collez une bande de scotch sur une carrosserie de
voiture, en évitant de faire des plis, celle-ci suivra naturellement une géodésique de cette
carrosserie. Si vous faites la même chose sur un mur, cette trajectoire vous apparaîtra
rectiligne. Les droites sont donc les géodésiques du plan.
Si vous faites la même chose avec une sphère votre scotch décrira un grand cercle .
L'équateur de la Terre, ses méridiens, sont des grands cercles .
Einstein avait pris un univers hypersphérique, à courbure uniforme constante. Il cher-
cha alors à déterminer les géodésiques de cette hypersurface. Nous allons reconstituer cette
démarche comme des enquêteurs car vous verrez que les choses ne se sont pas exactement
passées comme prévu.
En toute logique l'univers aurait dû être structuré géométriquement par un champ
gravito-électromagnétique (c'est-à-dire l'ensemble du champ gravitationnel et du champ
électromagnétique, couplés ou non). L'objet conceptuel aurait alors été la masse ponc-
tuelle chargée (c'est-à-dire dotée d'une charge électrique positive, négative ou nulle). Les
220 ANNEXE C. COSMOLOGIE
géodésiques auraient été les trajectoires de ces particules chargées ainsi que le chemin
suivi par des ondes gravito-électromagnétiques.
Il n'apparut pas possible de traiter d'emblée le problème général et il fallut donc
séparer les deux aspects : gravitation et électromagnétisme.
on se contente de faire remarquer que ces vitesses sont faibles devant la vitesse de la
lumière . Dans ces conditions des manipulations sur ce système d'équations conduisent
à:
ρR3 = Q = constante,
2R00 8πGρ
+ = 0.
R 3
Qest une constante, ce qui signie que la fraction de l'énergie-matière qui est sous
forme de masse se conserve. On sait maintenant que cette équation recèle alors trois
types de solutions dont deux se traduisent par une expansion indénie et une où R évolue
cycliquement dans le temps. A titre de passe-temps le lecteur familiarisé avec les puissances
fractionnaires et les dérivées pourra introduire dans cette équation une équation de la
forme
R = αtµ
et trouvera sans diculté que l'exposant solution est
2
µ= .
3
Historiquement Friedman ne découvrit que la solution de type elliptique. Einstein fut
extrêmement dépité de se voir ainsi ravir le succès de cette démarche par un inconnu et
il se détourna de la relativité générale jusqu'à la mort de Friedman. Entre-temps il ne t
strictement rien pour promouvoir la théorie de l'outsider, qui ne bénécia d'aucun prix
pour cette trouvaille.
À la mort de Friedman Einstein reprit les travaux de Friedman avec son collègue de
Sitter (celui-là même qui avait chu son modèle stationnaire par terre quelques années
plus tôt) et tous deux découvrirent cette solution en t2/3(qui porte désormais leur nom).
Notons au passage que celui-là même qui avait postulé le lien direct entre la courbure et
la masse associait ainsi son nom à un modèle d'univers où la matière était présente, alors
qu'il était résolument euclidien, plat , exempt de courbure.
Nous n'allons pas décrire ici toute l'histoire et la petite histoire de la Relativité géné-
rale, ni produire un exposé complet de cosmologie16. Toujours est-il que le monde scien-
tique dut se faire à l'idée que l'univers évoluait. Le modèle, ou plutôt les modèles, de
Friedman, puisqu'il y en avait trois, faisaient état d'un mouvement isotrope d'expan-
sion, qui devait s'accompagner d'un glissement vers le rouge des signaux lumineux (le red
shift ). Comme Hubble et Humason conrmèrent cette prédiction par leurs observations,
un large consensus nit par s'établir en faveur de cette nouvelle vision cosmique.
Seul le scientique et philosophe Milne protesta vigoureusement en disant : Vous
concluez trop vite, vous étendez à l'ensemble du cosmos des lois que vous avez établies
16 Le lecteur scientique intéressé trouvera son bonheur dans deux excellents ouvrages français : H.
Andrillat : Introduction à l'étude des cosmologies, Collection Interscience, Armand Colin, et J. Heidmann :
Introduction à la cosmologie, P.U.F.
C.13. LES AVATARS DE LA THÉORIE DES CHAMPS UNIFIÉS 223
localement. Gardez bien en tête que tout ce que vous imaginez à si grande distance n'est
qu'une simple construction mentale .
Mais personne ne l'écouta. Personne ne s'interrogeait plus sur les fondements de cette
théorie et tout le monde se précipitait pour en cueillir les fruits.
armes, des bombes, des missiles et de l'argent. Nous avons vécu à ce rythme pendant
un demi-siècle. Entre l'invention du neutron par l'Anglais Chadwick, clef de la ssion,
et nous, un nom : Hiroshima. Par la suite, les développements majeurs de la physique
théorique ne portèrent que sur des aménagements des fantastiques percées conceptuelles
de l'avant-guerre.
Cela ne veut pas dire que la science n'a pas progressé. Avant la seconde guerre mondiale
la biologie était balbutiante. Les découvertes aujourd'hui s'enchaînent dans ce domaine
à une vitesse folle. Mais les scientiques semblent avoir perdu cette faculté de remise en
question, comme si la science était devenue une religion avec un dogme et un rituel, des
sacrements, et non une quête inlassable du vrai.
8πG
χ=− .
c2
Autrement dit χ, à un facteur numérique près, était égal à G/c2. Pour déterminer cette
constante, Einstein s'était basé sur une solution stationnaire de l'équation de champ. Le
résultat indiqué ci-dessus restait parfaitement valable, en injectant les valeurs actuelles de
G et de c, mais en toute rigueur ceci n'impliquait nullement les constances séparées de G
et de c dans le temps et l'espace, comme on le posa immédiatement, de manière purement
arbitraire.
Par contre, si on admettait que G et c puissent varier, par exemple selon le temps
cosmologique, alors cette variation devrait obéir à :
= constante.
G(t)
(c(t))2
Depuis une cinquantaine d'années les chercheurs ont tenté de faire varier certaines
constantes, et principalement la constante de gravitation G. Mais tous opérèrent à c
constant. Ce faisant, ils développèrent ipso facto des solutions qui impliquaient que le
contenu de l'univers en énergie-matière pouvait varier, ce qui ôtait pas mal de crédibilité
à leurs tentatives.
C.16 La Super-Relativité18
Supposons que nous rendions leur liberté à toutes les constantes de la physique, par
exemple G, constante de la gravitation, h, constante de Planck, m, masse du proton ou
du neutron et bien sûr c, vitesse de la lumière.
1) La constance absolue de χ, constante d'Einstein, nous donne :
= constante ⇒ G ≈ c2
8πG
χ=−
c2
2) Dans les modèles classiques d'univers la masse se conserve, mais non l'énergie. En
eet dans ces modèles la longueur d'onde des photons suit les variations de la dimension
caractéristique R(t). L'énergie des photons obéit donc à :
hc 1
E = hν = ≈
λ R
Si l'énergie mc2 des particules dotées d'une masse est supposée se conserver, ainsi
que leur énergie cinétique 1/2mv2 (ce qui revient à dire que leur énergie relativiste se
conserve), l'énergie des photons diminue. Le contenu en énergie de l'univers n'est donc
pas constant.
Nous allons supposer que ces énergies se conservent au l du temps. Concrètement :
18 Voir J.P. Petit : Modem Physics Letters A, Vol. 3, no 16, An interpretation of cosmological model
with variable light velocity. The interpretation of red shifts , déc. 1988, p. 1733-1744.
J.P. Petit et M. Viton : Gauge cosmological model with variable light velocity : III. Comparizon with
QSO observational data , Modem Physics Letters A, vol. 4, no 23 (1989), p. 2201-2210.
226 ANNEXE C. COSMOLOGIE
h
λC = ≈ R ⇒ h ≈ R3/2 .
mc
Qu'est-ce au juste que R(t) ? Nous avons une façon simple de dénir cette longueur
caractéristique cosmique. Supposons qu'à un instant donné nous ayons une distribution
homogène de particules à raison de n par unité de volume. R sera le côté d'un cube
contenant une seule particule, ce qui correspond à :
1
R= √
3
n
Nous voyons donc qu'à ce stade nous avons purement et simplement éliminé le pro-
blème de l'expansion, puisque tout se dilate avec l'univers lui-même. Un géant qui mesure-
rait un grand bout d'univers avec un mètre à ruban ne pourrait constater cette expansion,
puisque son mètre se dilaterait au même rythme que son support.
Mais alors, ceci serait-il incompatible avec l'observation du red shift, du glissement
vers le rouge des objets lointains ?
Pas du tout. Nous avons supposé que hν restait constant, que l'énergie des photons
se conservait pendant leur voyage jusqu'à nos instruments de mesure. Comme h croît au
cours du temps, ν diminue. Ce modèle possède un red shift mais cette fois l'interprétation
que l'on en donne est diérente. On se moque éperdument de savoir si l'univers est ou
non en expansion en disant simplement que c'est un faux problème et en se contentant de
sauver les apparences. Si ce modèle possède un red shift, alors il sera tout aussi convenable
que le modèle classique, si ce nouveau décodage du red shift cadre avec les diérents
aspects des observations.
5) À ce stade le temps n'apparaît pas. Pour aller plus loin il est nécessaire de préciser
la métrique choisie. Le modèle cosmologique classique se basait sur une métrique rieman-
nienne et on montrait que dans le cas d'un univers homogène cette métrique prenait la
forme de la métrique de Robertson-Walker. Faisons de même.
Tout se passe à merveille sur le plan de la mécanique calculatoire. Car cette métrique
n'implique nullement la constance absolue de c.
Le calcul classique conduisait à un système de deux équation diérentielles du second
ordre en R, avec pour variable le temps t, que nous avons déjà vu plus haut. Ici nous
obtenons :
2R00 2R0 2 kc2
+ 2 + = χp,
R R R
2
1 (R0 2 + kc2 ) = −χ ρc .
R2 3
Ce système ressemble à s'y méprendre au système classique, mais le lecteur attentif
verra qu'un coecient 2 aecte maintenant le second terme de la première équation. Nous
allons alors nous donner a priori une équation d'état du type :
ρβ 2 c2
p=
3
228 ANNEXE C. COSMOLOGIE
puisque la vitesse de la lumière varie dans le temps (en t−1/3). On trouve alors un résultat
remarquable : L(t) ≡ R(t). L'horizon cosmologique suit les variations de R(t). Autrement
dit l'univers est à toute époque collisionnel et son homogénéité se trouve justiée.
Corollaire : Si l'univers est une hypersphère à courbure négative (un univers à courbure
négative peut parfaitement être fermé) le temps mis pour en faire le tour est toujours égal
à l'âge de cet univers. En d'autres termes quelles que soient la longévité et la vitesse d'un
voyageur, celui-ci ne pourrait jamais en faire le tour.
7) Une autre surprise nous attend si nous calculons cette fois l'entropie (relativiste).
Un autre paradoxe des modèles cosmologiques classiques est qu'ils sont désespérément
isentropiques. On se demande alors, sur la base du second principe de la thermodynamique
(qui dit que l'entropie doit croître en fonction du temps), comment l'univers fait pour
parcourir de telles étendues de temps à entropie constante.
Dans le présent modèle on trouve que l'entropie varie comme Log t. Le modèle n'est
plus isentropique et cet autre paradoxe tombe. Mais on est alors en droit de se poser une
question : et si on remplaçait dans le contexte géométrique le temps par l'entropie ?
Sitôt dit, sitôt fait, et la métrique de Robertson rend alors une forme mathématique-
ment élégante : elle devient conformally at. À un coecient près, c'est une métrique
euclidienne.
Mais alors, le temps aurait-il été un mauvais choix ? N'aurions-nous pas dû nous orien-
ter vers cette nouvelle variable que J.M. Lévy-Leblond nomme, sans pouvoir l'identier à
l'entropie, temps conforme ?
Notons au passage que cette révision du contexte géométrique (un espace-entropie, au
lieu d'un espace-temps) conduit à l'élimination de la singularité du Big Bang. En eet
celle-ci correspond alors à une valeur de cette nouvelle variable chronologique égale à
moins l'inni. Exit la singularité...
La dénition du temps au voisinage de la valeur t = 0 est eectivement spécieuse dans
l'approche classique. En principe lorsqu'on remonte ce temps et qu'on se rapproche de la
singularité, de l'instant initial, la température du uide cosmologique s'envole vers l'inni,
c'est-à-dire que les vitesses d'agitation des particules qui composent ce uide tendent vers
la vitesse de la lumière. C'est ce qui faisait dire à S. Weinberg dans Les Trois Premières
Minutes (Éditions du Seuil), confondant quasiment les particules dotées d'une masse
inertielle et celles qui n'en ont pas (les photons), qu'antérieurement à t = 10−2 seconde
l'univers était empli de rayonnements .
Or on sait que lorsqu'un objet tangente la vitesse de la lumière en son temps propre
gèle . Or la variable chronologique t se réfère à une horloge dont les éléments sont
censés avoir des vitesses faibles devant c. A proximité de t = 0 ces éléments ne peuvent
précisément pas exister. Alors de quoi parle-t-on ? Comment utiliser un temps qui devient
impossible à mesurer physiquement ?
230 ANNEXE C. COSMOLOGIE
Il se passe pourtant des masses de choses dans cette époque primitive, mais le temps
ne se présente plus comme un bon l conducteur pour relier ces événements entre eux.
Si on comparait l'univers à un livre d'épaisseur nie, celui qui voudrait remonter à la
première page (ne serait-ce que pour lire la préface de l'auteur) n'y parviendrait jamais,
car les pages du livre deviendraient de plus en plus nes. Au voisinage de la page zéro il
y aurait une innité de pages d'épaisseur nulle.
Le passage à la variable chronologique entropie fait disparaître cet aspect singulier.
8) Incidemment toutes les relations présentées dans ce modèle, liant les diérentes
constantes ainsi que R et t, constituent un ensemble de transformations de jauge et on
trouve que toutes les équations de la physique : équation de Schrödinger (mécanique quan-
tique), de Maxwell (électromagnétisme), de Boltzmann ou de Navier-Stockes (mécanique
des uides) obéissent à ces relations de jauge fondamentales.
9) On avait trouvé plus haut que la constante de Planck h variait comme R3/2. Cela
signie maintenant qu'elle croît simplement comme t et nous avons notre red shift et notre
loi de Hubble. Le glissement vers le rouge n'est alors plus imputé à l'eet Doppler, à une
vitesse d'expansion, mais à un eet de la dérive séculaire de la constante de Planck. En
eet, l'énergie des particules se conservant, hν = constante. Comme h croît comme t, ν
décroît en 1/t.
L'univers n'est plus en expansion. Ce fantasme de l'expansion cosmique doit être
remplacé par un phénomène de jauge. Comment illustrer cela ? Très simple. Vous allez
vous transformer en magicien et claquer dans vos mains. Lorsque vous frapperez vos
mains l'une contre l'autre vous vous direz que vous allez multiplier toutes les dimensions
de l'univers par deux. Toutes, c'est-à-dire le périmètre du cosmos lui-même, le diamètre
C.16. LA SUPER-RELATIVITÉ 231
de notre galaxie, votre taille à vous ainsi que celle des atomes qui vous constituent.
Faites l'expérience. Personne ne peut prouver qu'elle n'a pas été un succès total. À titre
indicatif vous pouvez faire la même chose avec le temps, par exemple en décidant qu'en
claquant dans vos mains vous allez inverser tous les temps : le temps propre des particules
élémentaires, le temps de votre horloge biologique, votre propre temps, subjectif.
Mais le modèle n'a d'intérêt que s'il peut rendre compte des observations disponibles.
Pour ce faire il faut introduire de nouvelles relations de jauge issues des équations de
Maxwell (voir les articles cités). On trouve alors que tant que le red shift reste modéré la
vitesse de la lumière se confond avec la valeur qu'elle a actuellement et les prédictions du
modèle sont pratiquement identiques à celles fournies par la cosmologie classique. Mêmes
indications de distance, de luminosité. La diérence s'accuse pour les objets à z fort,
essentiellement les quasars. La comparaison est actuellement en faveur de notre modèle
(compte tenu de l'incertitude des mesures eectuées à de telles distances). La cosmologie
classique prévoit en eet que le diamètre apparent d'un astre, qui est une donnée directe-
ment accessible localement, doit varier de façon extrêmement paradoxale. Cette grandeur
doit passer par un minimum pour z = 1, 25, puis se mettre à croître... jusqu'à l'inni. Ceci
doit être considéré comme un pur eet de Relativité générale. Lorsque nous observons des
sources lumineuses dans le cosmos, nous les voyons telles qu'elles étaient dans un passé
lointain. Revenons à notre modèle du ballon. Dans le modèle cosmologique classique les
objets sont des confettis collés sur le caoutchouc. Lorsqu'on observe un objet extrêmement
lointain, on le perçoit dans un passé également lointain, lorsque le ballon était tout petit
et que les confettis étaient serrés les uns contre les autres. C'est la raison pour laquelle on
s'attend à ce que ces confettis-quasars présentent des diamètres apparents d'autant plus
importants qu'ils sont distants de l'observateur. La planche de la gure C.4 est extraite
de notre dernière publication dans Modern Physics Letters.
La courbe pointillée indique cette croissance théorique du diamètre apparent des qua-
sars en fonction du red shift, du rapport des fréquences z . Comme apparemment cette
croissance ne correspond pas aux données observationnelles, modulo leur imprécision, les
cosmologistes classiques concluent que plus les quasars sont loin, plus ils sont petits .
Exact, disons-nous. Cette observation du diamètre apparent nous met directement en
contact avec le phénomène de jauge. Nous voyons en direct cette dilatation des objets du
cosmos.
L'aaire n'en est qu'à ses débuts, mais dans les décennies à venir les données obser-
vationnelles, qui fourniront des informations sur les objets à très fort z , permettront de
trancher.
10) La cosmologie classique s'arrête lorsque la longueur d'onde des photons et des
particules composant l'univers devient égale à la longueur de Planck, qui vaut 10−33 cm.
A quoi correspond cette grandeur ? Il existe en cosmologie une grandeur caractéristique
dite rayon de Schwarzschild, qui vaut 2Gm/c2. Lorsqu'une masse m se trouve contenue
dans une sphère ayant un rayon inférieur à cette valeur, aucun rayonnement, aucune
particule matérielle ne peut en sortir. L'objet est alors classiquement appelé trou noir19.
19 Le lecteur scientique pourra retrouver en quelques lignes, à un facteur 2 près, cette valeur du rayon
de Schwarzschild.
Recette : prendre une masse m homogène de rayon R. Imaginer qu'un photon d'énergie hν quitte la
surface de cet astre. Il est justié de lui attribuer une masse équivalente telle que mc2 = hν . Calculer
232 ANNEXE C. COSMOLOGIE
Dans les deux cas rien ne peut plus se passer dans un tel univers, puisqu'aucune
information ne peut plus circuler. C'est l'autisme généralisé. C'est aussi la limite absolue
de notre physique actuelle, imposée par la mécanique quantique. Ces conditions de Planck
correspondent à t = 10−43 seconde et à une température de rayonnement T = 1032 degrés.
La masse de Planck valant 10−5 gramme on en conclut qu'il ne saurait exister de particule
plus massive.
Selon le modèle que nous venons de présenter il est évidemment intéressant de voir
comment varie cette longueur de Planck. On trouve qu'elle varie comme... R(t), tandis
que le temps de Planck varie comme t. La barrière quantique s'eace.
Pour compléter ce modèle il serait nécessaire d'adjoindre de nouvelles relations de
jauge liant à R les deux dernières constantes liées à l'interaction forte et à l'interaction
faible, ce qui est a priori faisable, le serpent des constantes, comme le faisait remarquer
Jean-Claude Pecker, se mordant la queue.
alors le travail d'extraction d'une telle masse contre la force de gravité créée par l'astre, selon :
Z ∞
GM m GM m
W = − dr = .
R r2 R
très violent dégagement d'énergie. Comme il n'existe plus de photons assez énergétiques
pour remplacer ces paires matière-antimatière annihilées, ces rencontres devraient faire
disparaître petit à petit ces deux conjoints. À la limite nous ne devrions pas exister.
Dans le tout début de l'univers s'est produite cette sorte de Saint-Barthélemy cos-
mologique, aux alentours de t = 1/100e seconde. On ne sait pas nalement pourquoi il
a subsisté une particule sur un milliard. Logiquement ces annihilations auraient dû se
poursuivre. Il faut donc en conclure qu'à un certain moment ces deux conjoints se sont
séparés et sont allés vivre leur vie chacun de son côté.
Cette séparation aurait-elle pu s'opérer au niveau des galaxies ? Non. L'observation
révèle qu'il existe des collisions de galaxies. S'il existait des galaxies de matière et des
galaxies d'antimatière une seule collision s'accompagnerait d'une émission d'énergie telle
qu'elle ne pourrait passer inaperçue.
L'absence d'antimatière dans notre univers reste un problème fondamental non résolu,
sur lequel on ne saurait passer à la légère. Le physicien soviétique Andreï Sakharov (Cf.
l'÷uvre scientique d'Andreï Sakharov, Éditions Anthropos, rue Lacépède, Paris.) proposa
en 1967 une vision gémellaire de l'univers. Selon cette théorie il n'y aurait pas un univers
mais deux, qui se seraient séparés au moment du Big Bang, chacun partant vivre sa vie
selon un versant diérent. Il suggéra que les èches du temps pourraient être opposées
dans ces deux univers, le futur d'un de ces mondes étant en quelque sorte situé dans le
passé de l'autre.
Au moment de la séparation une dissymétrie serait apparue entre ces deux hyper-
hémisphères cosmiques , créant des violations du principe de parité inverse dans les
deux feuillets. Comme la matière est censée être née de l'union de quarks et l'antimatière
d'antiquarks, Sakharov suggéra que dans notre versant d'univers la synthèse de la matière
à partir des quarks aurait été légèrement plus rapide que la synthèse d'antimatière à
partir des antiquarks, avec une situation opposée dans l'autre versant. L'expansion de
ces univers aurait brutalement gé les réactions de synthèse à partir des quarks et des
antiquarks. Dans notre versant on se serait donc retrouvé avec un excès de matière et
un excès correspondant d'antiquarks à l'état libre. L'antimatière présente se serait alors
rapidement annihilée avec la matière et il n'aurait subsisté que cette faible diérence.
Au stade actuel l'univers serait donc constitué de photons issus de ces annihilations,
dont la température de radiation est descendue jusqu'à 3K du fait de l'expansion23. Il
y aurait en outre de la matière, constituant les galaxies et... nous, et d'autre part une
quantité équivalente d'antiquarks.
La situation serait totalement symétrique dans l'autre versant d'univers, avec un excès
de quarks à l'état libre et un excès d'antimatière.
La théorie de Sakharov est la seule qui propose une explication de l'absence d'anti-
matière. En dehors de celle-ci il n'y a rien, sauf des recours à une intervention divine,
c'est-à-dire en concluant que Dieu aurait mis, pour une raison inconnue, un peu plus de
matière que d'antimatière dans l'Univers .
Corollaire : si cette violation du principe de parité n'avait pas existé, il n'y aurait eu
ni matière, ni antimatière dans cette paire d'univers, mais seulement des photons, et le
23 Ou du phénomène de jauge proposé plus haut, cet accroissement de la longueur d'onde du rayonne-
ment cosmologique primordial étant alors dû à la dérive séculaire de la constante de Planck.
C.21. LE DIACHRONE ET LE RÉTROCHRONE. INVARIANCE CPT 237
temps serait resté gelé comme une sauce. Cette violation du principe de parité serait en
quelque sorte le prix à payer pour que le temps s'écoule.
En dehors de cette problématique liée à ce couple matière-antimatière, la thèse de
Sakharov fait éclater le contexte géométrique de l'espace-temps. Ces deux feuillets seraient
reliés par la singularité nommée Big Bang, étranglement comparable à celui d'un sablier.
Ce qui reste éminemment singulier c'est cette inversion de la èche du temps au passage
de la singularité.
miroir . Dans cet optique la singularité nommée Big Bang (cette hypersurface singulière
d'étendue nulle, comme l'appelait Feynman) est une sorte de miroir spatio-temporel .
Avec un miroir courbe on peut créer des images dites réelles, projetables sur un écran.
Imaginons que nous formions l'image d'un lament chaué au rouge. Si cette image est
virtuelle, on ne pourra pas en faire grand-chose. Mais avec l'image réelle d'un lament,
obtenue à l'aide d'un miroir concave, on peut brûler une feuille de papier. Cette image
peut donc avoir une manifestation énergétique, une réelle présence 25 dans l'espace-objet.
L'antimatière qui se manifeste dans notre feuillet d'espace-temps et l'antimatière cos-
mologique qui habite dans le feuillet rétrochrone ne seraient que deux types d'images
particulières. Ajoutons que la matière peut être aussi considérée à son tour comme une
image, dans une optique platonicienne, à laquelle j'adhère totalement. Tout est illusion, la
mécanique quantique est là pour nous le rappeler. En conséquence nous ne sommes plus
à une illusion près.
L'univers ressemble ainsi à ces ensembles de miroirs que l'on trouve dans les foires, où
on se sait jamais qui est où et qui est quoi.
Dans mes papiers j'avais introduit un plus par rapport à la théorie de Sakharov (que
j'ignorais) et qui était l'idée d'énantiomorphie, absente dans son modèle. J'envisageais
également que les trous noirs puissent être des passages naturels liant l'univers et son
jumeau. Tout simplement parce que le trou noir est, comme tous les objets de l'univers,
CPT invariant .
Mais qu'est-ce qu'un espace-temps rétrochrone
Il existe certains niveaux de réexion où le cerveau humain aurait besoin d'un fusible.
Nous ne sommes pas du tout équipés mentalement (et linguistiquement) pour concevoir
ce temps à l'envers. Nous ne pouvons que clignoter lamentablement d'une èche de temps
à l'autre. Seul un escargot peut contempler à son aise simultanément les deux faces d'un
objet plan. Nous ne pouvons que voir ces faces en alternance.
encore plus étonnante. Dans un des modèles de Friedman l'univers est cyclique. Après
avoir connu une phase d'extension maximale, il se recontacte et le phénomène du Big
Bang devrait être complété par un phénomène de Big Crush , où tout ce qui avait été
laborieusement construit par l'univers se trouverait concassé, réduit de nouveau à l'état
de chaleur et lumière . Puis l'univers rebondirait une nouvelle fois sur lui-même, etc.
Hawking suggéra qu'au passage de cette situation où le rayon de courbure de l'univers
R(t) serait maximal, le temps s'inverserait. Disons que c'est le pendant du modèle de Sa-
kharov, mais concernant l'autre bout de l'univers . Hawking soulève alors un problème
lié à l'entropie qui fait que le cosmos aurait quelque diculté à rebrousser chemin et à
retourner sur ses pas en quelque sorte à rebrousse-temps.
Une solution du problème serait alors de prendre un cosmos globalement non orien-
table. Ceux qui habitent Paris pourront se rendre dans la salle de mathématiques du
Palais de la Découverte où se trouve depuis une dizaine d'années un modèle de la surface
inventée en 1902 par le mathématicien Werner Boy, élève de Hilbert, que j'ai décrite par
un ensemble maillé et fait fabriquer.
Si le visiteur situe le Big Bang sur son unique pôle et assimile cette surface à un
espace-temps bidimensionnel où les méridiens seraient les lignes partant du pôle et les
parallèles des courbes fermées coupant ces méridiens, il pourra suivre un des méridiens,
dont la tangente gurerait la èche du temps . Il y aura passage d'un état de cet
univers à deux dimensions, fermé sur l'espace et sur le temps, où le périmètre cosmique
est maximal. Puis le visiteur aura la grande surprise de voir que le trajet s'accompagne
alors d'une apparente inversion de la èche du temps, puisqu'il va retourner insidieusement
vers cette singularité polaire, vers ce Big Bang de la surface27. Mais on constatera que
ce retour ne se fait pas en parcourant à l'envers les mêmes événements, mais constitue le
lm à l'envers des situations vécues par l'antipode de cet univers28.
Voici un nouveau conte à travers lequel nous allons tenter de faire passer ce nouveau
message concernant la géométrie de l'espace-temps :
27 Mon album Le Topologicon, op. cit. est pratiquement consacré à la surface de Boy. On y trouvera une
maquette à construire, des animations, et une présentation le plus didactique possible de cet espace-temps
quelque peu déconcertant.
28 Mathématiquement parlant ceci signie que l'univers serait une variété non orientable.
C.23. LA FORÊT DE CRISTAL 241
Il était une fois deux jeunes enfant, deux jumeaux, qui habitaient sur le même palier.
L'un était brun et l'autre était blond. Le premier s'appelait Pierre et l'autre Antipierre.
Ils ne possédaient rien qu'un tire-bouchon. Celui de Pierre était droit, tandis que celui
d'Antipierre était gauche.
Un jour ils voulurent connaître le vaste monde.
C'est simple, dit l'un. Nous n'avons qu'à partir dans deux directions opposées, l'un
vers l'est, l'autre vers l'ouest, et nous marcherons droit devant nous. Lorsque nous arri-
verons à l'autre bout de la planète, nos routes se croiseront.
Le brun partit vers l'est et le blond vers l'ouest. Le brun marcha pendant des années
et des années. Durant son voyage il ne se passa rien de bien notable. Un jour seulement
il perdit son tire-bouchon, bêtement, sur un geste d'humeur. Il avait mis sa main dans la
poche et s'était piqué le doigt. Agacé, il jeta le tire-bouchon dans un puits, où il disparut.
Pendant ce très long voyage il vieillit considérablement. Il perdit ses cheveux et dut
porter des lunettes. Finalement il parvint au point où il aurait dû normalement croiser
son compagnon, mais l'autre manquait à l'appel. Il attendit quelque temps, en vain, et
pensa que celui-ci avait dû périr dans un accident. Il se sentait très faible presque mourant
mais décida de tenter de terminer son périple et de revenir au point de départ. Le voyage
dura le même temps qu'à l'aller.
Arriverai-je à bon port ? se demandait-il sans cesse. Mais ses forces, au lieu de
décliner, semblaient lui revenir.
Il se sentait plus gaillard. Sa vision elle-même s'améliorait. Il nit par se débarrasser
de ses lunettes.
Un jour il passa à côté d'un puits. L'un de ses doigts saignait. Le puits semblait très
profond. Soudain un tire-bouchon en jaillit. Il l'attrapa au vol, remarqua qu'il était gauche,
ce qui le surprit grandement.
Un tire-bouchon droit sert à déboucher les bouteilles, mais un tire-bouchon gauche
doit avoir des propriétés magiques, se dit-il.
Il le mit dans sa poche et constata aussitôt que son doigt ne saignait plus. Il arriva
enn en vue de leur immeuble. Il ne marchait plus, il courait. Tout lui semblait incom-
préhensible. Ses cheveux avaient poussé et... ils étaient devenus couleur de paille. Il lui
semblait maintenant qu'il rapetissait et que sa voix changeait, devenait plus uette.
Il monta quatre à quatre un des deux escaliers conduisant sur le palier du logement
familial. Ce faisant il entendit des pas autres que les siens.
Quelqu'un monte aussi, se dit-il.
Il déboucha sur le palier et se retrouva face à un jeune garçon brun...
Ce type de modèle, qui intègre les idées de Sakharov et d'Hawking, montre à quel point
nous sommes désarmés, faute de ce double cerveau, de cette pensée et de ce discours bi
synchroniques, pour avoir prise sur de tels événements. Le puits évoque le phénomène
d'inversion droite-gauche (énantiomorphie) accompagnant le transfert d'un élément d'un
feuillet d'univers à l'autre.
242 ANNEXE C. COSMOLOGIE
et plus vite elle consommait son carburant-hydrogène. Des gens comme Fritz Zwicky
montrèrent dès 1937 que ces grosses étoiles pouvaient connaître des épisodes explosifs
et se transformer en supernovae en dispersant aux quatre vents de l'espace une part
importante de leur masse. Notons au passage que c'était une façon pour l'étoile d'éviter
un eondrement total. En rejetant cette chape de matière, elle s'allégeait et réduisait du
même coup sa pression interne.
Chandrasekhar et d'autres construisirent des modèles où, quand l'étoile avait épuisé
tout le carburant disponible, la formidable contrainte gravitationnelle pouvait être contre-
balancée par des forces de répulsion, d'abord entre atomes, puis entre neutrons.
Ainsi naquit la naine blanche de Chandrasekhar, sorte de braise faite d'atomes
serrés les uns contre les autres et dont la masse est limitée à 1,3 masse solaire.
L'étoile à neutrons ressemblait au noyau d'un fantastique atome. On pourrait la com-
parer à un empilement d'ampoules électriques dans un puits de mine où celles-ci seraient,
comme les neutrons dans l'étoile, tassées les unes contre les autres. L'épaisseur d'ampoules
que l'on pourrait entasser dans un puits serait nécessairement limitée par la résistance des
sphères de verre à la pression. Au-delà, le verre casserait et on n'aurait plus qu'un nuage
de verre brisé tombant en pluie vers le fond.
Il en est de même pour les neutrons. Le calcul indiqua que si une étoile de ce type
faisait plus de 2,5 masses solaires, les neutrons ne pourraient plus équilibrer la formidable
pression qui s'exercerait sur eux et l'objet imploserait sur lui-même.
Qu'à cela ne tienne, diront certains, la Nature se débrouille peut-être pour ne laisser
comme résidu, après une explosion de supernova, qu'un objet d'une masse inférieure.
Hélas, même si cela était le cas, la moitié des étoiles de notre galaxie vont par couples. Si
l'une s'était muée, sur la n de sa vie, en étoile à neutrons rien ne pourrait empêcher sa
voisine d'évoluer à son tour. Si elle est de masse importante, elle évoluera à son tour vers
l'état de supernova et, ce faisant, passera par un stade de super géante où elle exhalera sous
forme de vent solaire (ou plutôt stellaire) des quantités importantes de matière dont une
partie sera immanquablement capturée par sa voisine, l'étoile à neutrons. Cette dernière
verra donc sa masse s'accroître et atteindre cette limite fatidique de 2,5 masses solaires.
Donc il existe un problème réel, incontournable : que se passe-t-il lorsqu'une étoile à
neutrons acquiert une masse supérieure à sa masse critique ? L'explosion n'est plus alors
possible et l'implosion se présente comme la seule éventualité envisageable.
Les gens revinrent alors à cette solution extérieure et étudièrent le temps de chute
libre d'une masse témoin, par exemple d'un astronef, en direction du centre géométrique
de cet objet mystérieux baptisé corps de Schwarzschild . Ils trouvèrent que celui-ci,
mesuré selon son temps propre (c'est-à-dire selon le chronomètre de bord) était de l'ordre
de 1/10 000e de seconde.
Par contre en mesurant ce temps à l'aide d'une horloge située à grande distance du
phénomène, ils trouvèrent que ce temps devenait inni. Cet artice permit alors aux
théoriciens de lier cette description métrique au phénomène d'implosion stellaire en disant :
oui, l'étoile implosera et sa masse deviendra au bout du compte quasi ponctuel, mais pour
nous, observateurs extérieurs au phénomène, cela semblera durer un temps inni. Or, ce
qui nous importe, c'est de rendre compte des apparences, donc pour nous, observateurs
extérieurs, ce phénomène apparaîtra pratiquement stationnaire. Nous percevrons le lm de
cette implosion ultra-brève de l'étoile pratiquement en arrêt sur image . Donc utilisons
C.24. TROUS NOIRS ET TROUS DE VER 247
la vision stationnaire découlant de la solution de Schwarzschild pour décrire ce phénomène.
Si ce qui se passe à l'intérieur de la sphère-horizon, de la sphère de Schwarzschild de rayon
RS , n'a pas l'air très clair physiquement, peu importe : comme les informations ne peuvent
pas circuler de l'intérieur vers l'extérieur, on ne saura de toute façon jamais ce qu'il en
est exactement. Alors ne nous en soucions pas.
Il était quand même souhaitable, ne serait-ce que conceptuellement, de chercher à
savoir ce qui arrivait lorsqu'on franchissait la sphère limite. Concentrons-nous sur les
trajectoires radiales, c'est-à-dire posons dθ = dϕ = 0. Les signes de coecients de la
métrique d'un espace-temps sont censés être invariants. Le temps propre s est supposé
être une quantité réelle. À l'extérieur de la sphère ceci impose une limite au module de la
vitesse radiale dr/dt :
dr RS
<c 1−
dt r
Cette vitesse limite est celle des photons, qui correspondent par dénition à ds = 0.
Notons que dans cette description la vitesse de la lumière varie selon le rayon.
Lorsqu'on pénètre à l'intérieur de cette sphère de Schwarzschild, de cet horizon du
trou noir, la situation devient pire encore : si l'on veut que le temps propre reste une
quantité réelle, c'est-à-dire que ds2 soit positif, il faut que l'on ait :
dr RS
>c −1
dt r
Il faut donc que les particules aient une vitesse supérieure à la vitesse des photons,
autrement dit que celles-ci deviennent des tachyons !
Le cosmologiste A. Wheeler proposa une autre solution. Qu'à cela ne tienne, dit-il,
pour que tout rentre dans l'ordre il sut de considérer qu'au franchissement de la sphère
de Schwarzschild r devient un temps et t un rayon. Cette hypothèse monstrueuse servit
de base à sa théorie des wormholes , des trous de ver . Wheeler écrivit donc le plus
sérieusement du monde :
dr2
− 1 c2 dt2 + termes en θ et ϕ,
2 RS
ds = RS =
r
−1 r
en décidant que le temps s'appelait désormais r tandis que la coordonnée radiale s'appelait
t. Conséquence : comme les coecients de la métrique dépendaient de ce temps r, la
métrique devenait alors instationnaire. Wheeler se fonda sur cet argument pour armer
que les wormholes étaient instables (...).
On utilisa alors une nouvelle formulation de la géométrie de Schwarzschild, liée à un
nouveau choix de coordonnées à symétrie axiale, dû au mathématicien Kerr. Le modèle
se compliqua un peu plus et on parla alors de trou noir tournant . Il donna lieu à
des masses de thèses et de publications. L'un prétendit avoir percé le secret de leurs
entrailles, le second démontra qu'ils devaient être lisses et s'évaporer en 105 ans, le
troisième étudia avec grand luxe de détails la forme de la singularité centrale. Demain on
nous servira de nouvelles découvertes sur ce sujet très in , très à la mode, qui est
aujourd'hui la recette infaillible pour gurer au top 50 de la science, alors que l'existence
de tels objets n'a jamais été établie de façon sûre.
248 ANNEXE C. COSMOLOGIE
Autant les constructions théoriques qui permirent de percer les secrets de l'évolution
stellaire sont remarquables, autant cette description de l'intérieur des trous noirs ,
tournants ou non, donne une impression déplaisante de quelque chose d'inachevé ou de
mal conçu. Pourtant le scientique se doit bien de prendre en charge l'issue du collapse
stellaire. Mais qu'en est-il exactement ? Y a-t-il formation de trous noirs et dans ce cas la
topologie spatio-temporelle utilisée est-elle adéquate ? Cette vision doit-elle laisser place
à quelque chose d'autre ? Il surait par exemple que l'altération des constantes de la
physique dans ces milieux à haute densité change le scénario, produise des temps de
chute libre nis pour que la masse en implosion disparaisse totalement de notre feuillet
d'univers pour être transférée dans un autre feuillet d'espace-temps.
C.25 Science-ction.
Dans le cours de cet ouvrage nous avions suggéré un codage des discours scientiques.
La Relativité Restreinte mériterait alors le qualicatif suivant :
Théorie très charpentée mathématiquement, sans point d'ombre, remarquablement
vériée par l'expérience, dans une plage de vitesse considérable.
Par contre l'appréciation de la Relativité générale devrait être : Chimère mathé-
matique qui rend cependant compte de certains phénomènes locaux importants, permet
d'interpréter le red shift et le rayonnement fossile à 3K. A permis de concevoir l'Univers
comme une entité en évolution. N'intègre pas les phénomènes électromagnétiques et mi-
crophysiques. Vision de la réalité cosmique très incomplète et peut-être sur certains points
erronée, qui aurait besoin d'une sérieuse révision.
Ainsi on ne peut pas se baser sur cette conception de l'univers pour rejeter dénitive-
ment la possibilité de voyages interstellaires par des procédés que nous ne serions pas à
même de théoriser aujourd'hui.
Comme il n'est pas question de tromper le lecteur sur la marchandise, nous devrons
considérer ce qui va suivre comme de la Science-ction .
257
258 ANNEXE D. LA VAGUE BELGE
pilotes constatèrent que les OVNI signalés n'étaient que des taches de lumière projetées
sur les nuages par les lasers d'une boîte de nuit. Cette fois la presse s'empara de l'aaire
et en t des gorges chaudes, tandis que l'opposition sauta sur l'occasion pour attaquer le
ministre de la Défense belge en le taxant de crédulité.
Aussi, dans la nuit du 30 au 31 mars 1990, lorsque le capitaine de gendarmerie Pinson
appela le QG, ce dernier se montra extrêmement prudent. Des vérications furent eec-
tuées pendant 50 minutes, mais les positions données simultanément par les radars de
Glons (au sud-est de Bruxelles, dispositif militaire intégré à l'OTAN) et de Semmerzake
(station radar située à l'ouest de Bruxelles gérant à la fois le trac civil et militaire) concor-
daient. La Défense belge ne pouvait pas laisser cet objet grand comme un avion et
dénué de tout signal d'identication survoler tranquillement cette grande banlieue bruxel-
loise, parfois à contrevent, à quelques milliers de mètres d'altitude et à la vitesse de 40
km/h.
Le Centre de coordination de Glons dirigea donc les chasseurs vers l'objet. Ceux-ci
rent neuf passages successifs et il y eut trois interceptions réussies. Le vendredi 22 juin,
le secrétaire général de la SOBEPS, Lucien Clairebault, nous avait obtenu un entretien
avec le colonel de Brouwer, responsable du service des opérations combinées gérant ce type
de mission. Etaient également présents une journaliste et un photographe de Paris-Match.
Ancien ingénieur de l'aéronautique, ancien ocier dans l'armée de l'air, ayant dirigé en
tant que chef contrôleur radar des opérations d'interception, je m'eorçai d'obtenir des
informations allant au-delà du rapport qui avait été remis à la SOBEPS. Soudain notre
hôte nous dit : Ecoutez, je vais prendre cela sur moi. Bien que je n'aie pas l'accord du
ministre de la Défense je vais vous montrer des extraits des enregistrements des radars
des F-16.
Nous pûmes donc vérier très exactement ce que les pilotes avaient vu sur leurs radars
pendant leur mission. Le radar du F-16 est assez sophistiqué et peut fonctionner sur de
D.1. PREMIÈRE INTERCEPTION (CONNUE) D'UN OVNI 259
trois hommes il ne subsistait que des taches pâlottes et minuscules sur les clichés.
Cela n'est pas étonnant, dirait l'informaticien Jacques Vallée, l'OVNI est un phéno-
mène paranormal, de même nature que les fées et les elfes (voir son ouvrage : Autres
Dimensions, paru en 1990 chez Laont).
Meessen étudia avec soin les publications se référant aux émulsions photographiques
et aux réactions chimiques qui s'y déroulaient et il retrouva un phénomène connu depuis
d'ailleurs assez longtemps sous le nom d'eet Herschel (mais oublié vu qu'on n'en avait
trouvé aucun usage industriel précis). Lorsqu'un rayonnement infrarouge se superpose
à un signal se situant dans le visible, l'infrarouge empêche la xation de cette image
sur la pellicule. Meessen, pour sa gouverne personnelle, remonta donc la manip dans
son laboratoire avec des moyens très simples. Sur le cliché ci-joint on voit un spectre
produit par la décomposition de lumière blanche par un simple prisme et projeté sur une
pellicule sensible. Dans la moitié supérieure le spectre est parfaitement net. Dans la moitié
inférieure on a superposé de l'infrarouge : l'image est pratiquement noire.
planète bleue, tournant autour d'une petite étoile jaune. Conscients des désordres qu'un
contact trop franc pourrait causer au fragile tissu social terrestre , en ethnologues
consciencieux ils auraient simplement joué quelque temps avec nos machines volantes,
puis, en prenant garde de ne pas rater le dernier métro , s'en seraient retournés chez
eux en utilisant le même tunnel hypersphérique .
Dans ce cas pourquoi la Belgique ? On peut hasarder une hypothèse. Mettons-nous
à la place du commandant de ces vaisseaux, dont les instruments de bord examinent,
à distance, les traces d'une éventuelle technologie. La carte ci-après représente un pla-
nisphère terrestre. Elle correspond à un montage eectué récemment par l'université de
Washington à partir de vues nocturnes de la Terre.
par le jet. Celui-ci est aspiré à la partie supérieure du disque et rejeté radialement, à
l'horizontale. Il en résulte un eet de portance, tout à fait normal et parfaitement conrmé
par l'expérience.
Transposons à un dispositif MHD. Un aérodyne MHD peut très bien créer un tel écou-
lement, laminaire, à l'aide de forces de Laplace, et de là une sustentation. L'observateur
situé au sol n'aura pas conscience de ce puissant brassage de l'air situé au-dessus de la
machine. Tout ceci pourrait et devra être un jour reconstitué expérimentalement.
Fig. D.7 Écoulement MHD produit par un aérodyne MHD discoïde au voisinage du sol,
puis loin du sol.
D.7. EN FRANCE C'EST TOUJOURS LE MUR DU SILENCE. 269
sans chercher à lui associer une longueur quelconque en suggérant que cette cinquième
dimension n'ait pour fonction que d'organiser topologiquement l'espace-temps.
Il existe un théorème dit de conjugaison de charge qui montre que lorsqu'on change
q en −q , la fonction d'onde ψ se change en sa conjuguée ψ ∗ , c'est-à-dire que la matière
se change en antimatière. Mon interprétation : la dimension q de Kaluza, orthogonale
aux quatre dimensions de l'espace-temps, permet de séparer deux feuillets jumeaux
(théorie de Sakharov-Petit), qui constituent, stricto sensu, des univers parallèles. De part
et d'autre de ce vecteur normal sur lequel court la coordonnée q se trouvent les mondes
de matière et d'antimatière6.
Le mathématicien français Alain Connes, médaille Field de mathématiques, vient de
publier un livre très hermétique intitulé Géométrie non commutative. Depuis des années
Connes tente de géométriser la mécanique quantique. L'idée force de sa construction
mathématique est évoquée à la page 211 de son ouvrage. Citons-le :
Le résultat est une image qualitativement diérente de l'espace-temps
standard, dans laquelle l'espace-temps euclidien est dédoublé en deux feuillets...
Nous avons donc aaire au modèle de Kaluza-Klein le plus simple possible où
la bre est l'espace à deux points.
On voit que l'idée gémellaire progresse7.
Préface v
Avertissement vii
Introduction 1
I Première partie 5
1 La Saga 7
1.1 Teslas et mégawatts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2 La bataille de la MHD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.3 Première découverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.4 Le meilleur des laboratoires possibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.5 Mon labo à l'heure des barricades . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.6 L'anche de clarinette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.7 Enn la paix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2 Ondes de choc 17
2.1 La troisième façon de voler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.2 La propulsion MHD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.3 Convertisseurs MHD d'un genre nouveau . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.4 Premières manipulations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.5 Une recherche féconde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.6 Le comportement de l'aérodyne MHD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3 Voyage au pays de l'OVNI 25
3.1 Condon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
3.2 Le CUFOS, printemps 1976 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.3 En France on n'a pas de pétrole, mais on a des éviers . . . . . . . . . . . . 32
3.4 Ou on passe enn des gauss aux teslas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.5 Piégé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4 Des données scientiques rarissimes 37
4.1 Une étrange découverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
4.2 Le possible et l'impossible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
273
274 TABLE DES MATIÈRES
II Deuxième partie 89
7 OVNI soit qui mal y pense 91
7.1 Action sur le psychisme du témoin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
7.2 Un champ d'investigation inexploré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
7.3 Le comportement du témoin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
7.4 Les photos d'OVNI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
7.5 La Cosmotrouille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
8 Les chrysorchides 101
8.1 La vérité n'est pas dans les livres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
8.2 Du Triangle des Bermudes à la loge P2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
8.3 Disparitions dans le triangle des Bermudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
8.4 L'Isocélie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
TABLE DES MATIÈRES 275
8.5 Les dangers de l'amalgame . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
8.6 Les catacombes de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
8.7 Le système de referee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
8.8 La vision du monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
8.9 L'époque où la Terre ne pouvait pas bouger . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
8.10 La torche qui brûlait la amme en bas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
8.11 Est-ce que tu mourras un jour ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
8.12 Quand la science-ction devient de la science . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
8.13 Le rapport de l'IHEDN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
8.14 Les retombées technico-scientiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
9 Et si les OVNI n'existaient pas ? 125
9.1 Des phénomènes d'illusion perceptive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
9.2 La foudre en boule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127
9.3 Les nuages lenticulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
9.4 Les artefacts et les trucages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
9.5 Le reste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
9.6 Quelle attitude avoir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
9.7 Quelle méthodologie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
9.8 L'état embryonnaire de l'instruction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134