Circoncision Et Théophanie (P. Cyrille Argenti)
Circoncision Et Théophanie (P. Cyrille Argenti)
Circoncision Et Théophanie (P. Cyrille Argenti)
CYRILLE ARGENTI
CIRCONCISION ET
THÉOPHANIE
Ces textes sont adaptés des émissions radiophoniques du Père Cyrille Argenti, diffusées sur
Radio-Dialogue, radio œcuménique marseillaise dont il fut l’un des fondateurs.
Livret n° 19
Copyright : Radio-Dialogue 2007
LA CIRCONCISION DU SEIGNEUR
H uit jours après sa naissance, le Seigneur Jésus est circoncis selon la Loi
de l’Ancienne Alliance. Nous fêtons cet événement le 1 er janvier. Pour l’Église
orthodoxe, c’est une très grande fête qui, dans la vie de l’Église, éclipse le Nouvel
An célébré le même jour par le monde profane.
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L’ascèse : mettre à nu notre désir du Royaume.
Cette circoncision de la chair et du cœur s’exprime dans la vie du chrétien
par ce que nous appelons l’ascèse. Ce mot n’est pas très à la mode, il est pourtant
caractéristique de la vie de toute l’Église orthodoxe, Église de la joie de la
Résurrection mais aussi de l’ascèse. Ascèse vient d’un mot grec askisis, qui veut dire
gymnastique, exercice. C’est cet exercice qui va faire mourir l’homme de péché en
nous. Ce n’est pas magiquement que, lors du baptême, le vieil homme a été enseveli
dans la tombe du Christ et dans l’eau du baptême. Ce qui a été réalisé en germe lors
de notre baptême, la mort du vieil homme – qui, comme disait Luther, sait trop
bien nager –, doit ensuite mourir au jour le jour pendant toute notre vie. Les
instincts que Dieu nous a donnés, déviés de leur fin naturelle, sont devenus des
passions qui asservissent la liberté humaine. Ces passions déchaînées doivent
mourir, ces instincts doivent être contrôlés. Il faut mettre, si je puis dire, le mors
pour contrôler ce cheval emballé qu’est devenu le corps de l’homme. L’esprit de
l’homme doit reprendre contrôle de son corps pour unifier la nature humaine, c’est
pourquoi l’ascèse est nécessaire. C’est pourquoi le carême, le jeûne, le contrôle des
élans déchaînés d’un corps débridé, sont absolument indispensables.
Si nous voulons unifier l’homme, si nous voulons rassembler nos instincts en
un tout cohérent, coordonné par l’esprit libre, il va falloir élaguer la chair
corrompue. D’où cette nécessité de l’ascèse, cette discipline nécessaire de soi-même
qui est un élément essentiel de la vie chrétienne. On ne peut pas goûter à la joie de
la Résurrection sans passer par la Croix. Le vieil homme doit mourir. L’égoïsme ne
peut mourir que lorsque, jour après jour, les passions sont contrôlées, bridées,
mises à mort. La Croix est un passage indispensable dans la vie chrétienne.
Je sais que cela n’est guère à la mode de contrôler ses passions, ses désirs, de
freiner ses impulsions, de faire mourir la cupidité. La cupidité, la soif du plaisir
entraînent l’homme hors de lui-même, le dispersent dans les choses, le projettent au
dehors, font éclater son unité pour le disperser dans la matière. Cette dispersion des
passions doit à tout prix être contrôlée. Il faut se reprendre en main pour se donner
à Dieu. Il faut ensevelir nos passions et notre cupidité dans la tombe du Christ par
une ascèse quotidienne.
Cela s’exprime, se symbolise d’une façon vécue en contrôlant les appétits de
notre ventre, en limitant ce que nous mangeons, ce que nous consommons, en
limitant ce que nous désirons, en luttant contre la recherche du plaisir égoïste, non
pas négativement mais pour mettre à nu le vrai désir, la soif de Dieu, l’ambition du
Royaume.
Un faux érotisme doit mourir pour que naisse ce que les Pères appellent
« l’éros », le désir, l’amour véritable de l’infini. Oui, l’érotisme n’est que la
déviation, l’ersatz, le faux produit de l’éros véritable, de l’amour profond qui nous
porte vers le Créateur. Cet amour véritable qui désire ardemment le seul vrai Bien,
la Source de tous les biens, l’Esprit de Dieu, pour être mis à nu doit d’abord voir le
retranchement de ce voile de nos passions. Il faut couper et circoncire la chair pour
arracher le voile où s’enveloppent nos passions. La circoncision de la chair, à
laquelle se soumet le Seigneur Jésus le huitième jour après Noël, symbolise la
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circoncision de nos passions, de nos déviations, et va mettre à nu l’amour profond
qui se cache au fond de notre être, le désir ardent non pas des choses
périssables, mais du Dieu d’Amour. Il faut que le vrai amour éclate à travers notre
chair voilée par les faux désirs. Le vrai désir, l’amour de Dieu nous portera
aussi vers l’amour du frère, non pas le désir de le posséder mais celui de l’aimer
pour lui-même, de l’aimer parce qu’il est à l’image de Dieu. C’est ce désir-là qui doit
naître.
Le premier de l’an, la circoncision du Christ est ainsi la fête de notre
naissance à l’amour vrai, à la soif vraie, à l’éros authentique, à l’amour sans fin, à la
passion profonde, à l’amour de Dieu qui remplira, qui submergera notre cœur tout
entier pour transporter tout notre être vers notre Créateur et vers la vision éternelle
de la beauté infinie du Dieu d’Amour !
NOTES
1. Gn 17, 1-14.
2. Col 2, 9-12.
J ésus est l’homme véritable et lorsqu’Il entre dans l’eau, Lui, le Fils unique
de Dieu, le Logos, vrai Dieu de vrai Dieu, c’est avec ce corps d’homme, cette
nature d’homme qu’Il vient purifier, laver dans l’eau du Jourdain. Lui le seul sans
péché prend notre nature d’homme et vient la laver, la recréer, la restaurer pour en
faire une créature nouvelle par une nouvelle création à laquelle procède le Saint
Esprit.
les témoins de Jésus depuis son baptême jusqu’à sa Résurrection. Il était normal –
c’est ce que font Marc et Jean dans leurs Évangiles – de commencer par la fête du
baptême, de la Théophanie. Ce n’est qu’ultérieurement, vers la fin du III siècle et
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particulièrement en Occident mais aussi très tôt adoptée en Orient. Saint Jean
Chrysostome témoignage qu’à son époque on fêtait déjà Noël. La Théophanie
gardera cependant, dans la conscience de l’Église, cet éclat extraordinaire des
grandes fêtes de l’antiquité chrétienne. De même que Pâques a toujours été fêtée
par l’Église, de même je pense aussi la Théophanie. C’est vraiment l’une des fêtes
centrales de l’Église.
prophète Isaïe, qui permettra de reconnaître le Christ de Dieu, ce sera que l’Esprit
descend et repose sur Lui. Saint Matthieu insiste peu sur cette idée, c’est saint Jean
qui précise que l’Esprit repose sur Lui au moment du baptême, l’Esprit qui procède
du Père descend sur le Fils. Le Christ est Celui sur lequel l’Esprit demeure, Celui
qui de toute éternité est le siège de l’Esprit Saint et qui pourra donc Le donner aux
hommes.
Pourquoi l’homme a-t-il été créé à l’image de Dieu ? Parce que Dieu lui
insuffla son Esprit. C’est avec le souffle de Dieu que l’image de Dieu fut projetée
dans l’homme. Voici que ce souffle, se posant et reposant sur Jésus, recrée dans le
vieil homme cette image de Dieu. Le Fils de Dieu entrant dans sa création la recrée,
c’est vraiment le monde nouveau, le monde du Royaume qui commence dans l’eau,
c’est pourquoi nous célébrons le 6 janvier la bénédiction des eaux.
« Théophanie » signifie « manifestation divine ». La forme la plus extrême de
l’hérésie nestorienne, au V siècle, prétendait que ce jour-là Jésus avait reçu l’Esprit
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Dieu est Trinité
Le baptême de Jésus manifeste également le secret caché pendant tous les
précédents millénaires : Dieu est Trinité. Rappelons-nous le tropaire de la
Théophanie : « Lors de ton baptême dans le Jourdain, Seigneur, fut manifestée
l’adoration due à la Trinité. Car la voix du Père se fit entendre, T’appelant Fils bien-
aimé, et l’Esprit Saint en forme de colombe confirma la vérité de cette parole. Ô
Christ Dieu qui nous es apparu et qui a illuminé le monde, gloire à Toi ! »
Voilà donc qu’au moment du baptême de Jésus, Dieu, pour la première fois
dans l’histoire de l’humanité, se fait connaître comme trois, Père, Fils, Saint Esprit,
et c’est cela la connaissance de Dieu. Le privilège des chrétiens est de savoir que
Dieu est Amour, c’est-à-dire un mais trois, trois unis par l’amour en un seul Être.
Un Dieu qui ne serait qu’une personne, comment serait-Il Dieu d’amour ? Ce serait
une sorte de monstre d’orgueil et d’égoïsme. Un Dieu qui est trois et cependant est
Un parce que les trois Personnes s’aiment d’un amour si parfait qu’Elles sont un
seul Être, c’est un Dieu Amour. Voilà la révélation faite aux enfants de Dieu, c’est-
à-dire à ceux qui, en s’unissant au Fils unique de Dieu, deviennent fils par adoption
et entrent, si l’on peut dire, dans le secret de la famille. Par le baptême, nous
sommes introduis dans le secret de l’intimité de la famille divine, nous découvrons
que Dieu est Père et Fils et Saint Esprit. Voici que le mystère préfiguré en filigrane
dans l’Ancien Testament, éclate clairement au moment du baptême de Jésus : on
entend la voix du Père, on voit dans l’eau le Fils, on voit sous forme de colombe le
Saint Esprit. Voilà vraiment l’adoration de la Trinité qui est manifestée en même
temps que Jésus est montré comme Christ. « Celui sur qui tu verras l’Esprit
descendre et se reposer, Celui-là sera mon Élu » avait reçu comme signe Jean . 3
Cela m’afflige toujours de voir que les gens ont pris l’habitude de dire
machinalement : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Dans la vie du
chrétien moyen, quelle place occupe la Trinité ? Nous entendons dire cinquante
fois au cours de la divine Liturgie « Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit »,
mais dans notre vie personnelle, de prière, dans notre vie de tous les jours, en quoi
différons-nous d’un juif ou d’un musulman pieux, qui adore le Dieu unique ?
Le rôle de Jean-Baptiste
Jean est réticent à baptiser Jésus, il Lui dit dans Matthieu : « C’est moi qui ai
besoin d’être baptisé par Toi et c’est Toi qui viens à moi ! » . Cela implique que Jean
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connaissait Jésus – et pour cause puisque la mère de Jean est Élisabeth, la cousine
de la Vierge Marie, la mère de Jésus. Il connaissait donc au moins Jésus comme son
cousin, je pense. Jean, lui, nous dit cependant : « Je ne Le connaissais pas » , c’est-à-
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dire qu’il ne savait pas qui Il était. Il savait que c’était son cousin, mais il ne savait
pas que c’était l’Élu de Dieu, le Messie. Lorsqu’il voit la colombe descendre sur Lui,
alors il assiste à l’accomplissement du signe qui lui avait été donné. Il voit Jésus
recevoir non plus une onction d’huile, comme David, mais l’onction du Saint
Esprit. Il comprend que c’est vraiment Lui le Christ, l’oint de Dieu. Jean explique
alors à la foule la chose suivante : « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte les péchés du
monde » . Il leur transmet la première signification de l’événement. Le Christ est
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désigné et reconnu par Jean Baptiste comme le Messie attendu.
Au moment où le prophète Samuel déverse sur David, le plus petit des fils
de Jessé, sa corne d’huile, l’Esprit de Dieu pénètre en David, lui conférant toutes
les qualités requises pour être un bon roi : esprit de sagesse, d’intelligence, de force,
de fermeté. En d’autres mots, l’huile est désormais le signe de la visitation du Saint
Esprit. David est oint avec de l’huile qui est le signe visible que l’Esprit de Dieu
repose sur lui et David devient le second christ de Dieu, puisque Saül l’avait été
avant lui. Le prophète Nathan lui promettra que de sa descendance naîtra un roi qui
règnera pour toujours. Le peuple juif attendra donc de génération en génération le
Christ de Dieu, fils de David qui – le prophète Michée nous l’a dit – doit naître à
Bethléem. Jésus sera donc fils de David, né dans la ville de David à Bethléem. C’est
pourquoi l’aveugle, quand il veut être guéri par Jésus, Lui dit : « Fils de David, aie
pitié de moi ! » Jésus est l’héritier de la promesse faite à David, le roi d’Israël, son
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Messie, l’Élu de Dieu, Celui sur qui l’Esprit de Dieu repose de toute éternité. Par
conséquent – et cela est capital – parce que l’Esprit Saint repose sur le Fils de toute
éternité, lorsque le Fils se fait homme, Il va pouvoir nous Le donner.
La raison d’être même de l’Incarnation, c’est que le Fils vient dans le monde
pour y donner Dieu en la présence du Saint Esprit. Le don de Dieu dont il est
question dans le dialogue de Jésus avec la Samaritaine, ce n’est pas seulement Dieu
qui donne, mais c’est Dieu qui est donné au monde par la puissance du Saint
Esprit, par le Fils qui, en se faisant homme, vient donner à ses frères l’Esprit qui
repose sur Lui de toute éternité. C’est pourquoi dans un magnifique cantique que
nous chantons à la Pentecôte, nous disons que l’Esprit qui procède du Père repose
sur le Fils et c’est pourquoi le Fils Le donne au monde.
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Liturgie : « Tu n’as eu de cesse que Tu nous aies fait don de ton Royaume à venir. »
Cette nature humaine mortelle, corrompue, qu’Il reçoit de la Vierge Marie, le Christ
va la ressusciter et la faire monter à la droite du Père. C’est toute notre destinée qui
est assumée par le Fils de Dieu et c’est pourquoi déjà au moment de la nativité, la
crèche a la forme d’un cercueil. Tout ce long processus de la réhabilitation de
l’homme que le Christ a accompli, chacun doit ensuite se l’approprier, le faire sien
par son propre baptême, sa foi, sa vie en Christ.
Combien de baptisés deviennent chrétiens ? À combien nous retrouvons-
nous le dimanche dans nos églises ? Où sont-ils, tous ces baptisés, qu’ont-ils fait de
leur baptême ? Le jour de notre baptême, notre nature humaine à été restaurée,
nous avons été baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, nous sommes
entrés dans la famille trinitaire, dans l’intimité de Dieu. À partir de ce jour, nous
avons eu le droit d’appeler le Dieu du ciel « Père » et de Lui dire « notre Père ».
Nous avons été unis au Fils de Dieu, greffés sur Lui par le baptême. Nous avons,
par la chrismation, reçu comme Lui l’Esprit Saint, nous sommes devenus, par la
chrismation, des « christs », des oints, des enfants de Dieu, des fils de Dieu. Quel
honneur ! Alors à nous auquel il a été beaucoup donné, il sera beaucoup demandé.
C’est à toi et c’est à moi que Dieu demandera des comptes de ce que nous avons
fait de notre baptême, pas au petit musulman ou au petit juif qui s’entendra peut-
être dire : « J’ai eu faim et tu ne m’as pas donné à manger »… Avec nous, Dieu sera
encore plus exigeant, Il nous demandera : « Qu’as-tu fait de ton baptême ? » Saint
Paul a dit : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » . Depuis notre
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baptême, le Christ vit en moi. « Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous
avez revêtu le Christ » chantons-nous le jour du baptême. Le Christ nous
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NOTES
1. Ac 1, 22.
2. Is 61, 1.
3. Jn 1, 33.
4. Mt 3, 14.
5. Jn 1, 31.
6. Jn 1, 29.
7. Lc 18, 38.
8. Ga 2, 20.
9. Ga 3, 27.
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LA CÉLÉBRATION DE LA THÉOPHANIE
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Nous demandons que, par l’action du Saint Esprit, cette eau soit identifiée
avec l’eau du Jourdain, l’eau de notre baptême, et devienne porteuse de
l’Esprit Saint qui nous accordera le pardon des péchés et le don du Saint Esprit.
C’est tout le sens et l’efficacité de l’eau à travers l’Ancien Testament, mais aussi à
travers l’événement central du baptême de Jésus et du Saint Esprit qui descend du
ciel pour se poser sur le Fils. Cette action de l’eau à travers la Bible devient actuelle
et efficace par la descente du Saint Esprit qui est demandée aujourd’hui.
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présent. Puissent nos fautes ne pas empêcher la venue de ton Saint Esprit ! »
Voilà une prière bien caractéristique du rôle du prêtre dans l’Église
orthodoxe : il demande et il supplie que ses fautes personnelles n’empêchent pas la
venue du Saint Esprit.
« Accorde-moi plutôt de pouvoir, sans être condamné, Te crier et Te dire
aussi maintenant, suprême Bonté : nous Te glorifions, Seigneur, ami des hommes,
Tout-Puissant, Roi d’avant les siècles ; nous Te glorifions, Auteur de l’entière
création ; nous Te glorifions, Fils unique de Dieu que sans père une mère a conçu
et qui sans mère du Père est issu. »
C’est là une allusion à une phrase de saint Cyrille d’Alexandrie, quand il
condamnait le nestorianisme et qu’il soulignait que le Fils unique de Dieu a été
conçu dans la chair par une mère sans père, lui qui est issu de toute éternité du
Père, sans mère, Fils de Dieu devenu fils de la Vierge, fils de l’homme, même et
unique
Personne en deux natures.
« Au cours de la fête passée [allusion à Noël, douze jours avant], c’est comme
enfant que nous T’avons vu, en la présente fête nous contemplons ta perfection,
comme le Parfait né du Parfait, se manifestant comme notre Dieu. Car ce jour est
pour nous celui de la fête. Le chœur des saints est assemblé avec nous. [Toute
l’Église, celle du passé, du présent et de l’avenir, est réunie.] Les anges s’unissent à
l’humaine festivité. En ce jour, la grâce du Saint Esprit sous forme de colombe est
descendue sur les eaux. En ce jour, le Soleil sans déclin s’est levé, le monde est
éclairé par la Lumière du Seigneur. En ce jour la lune éclaire aussi le monde par la
clarté de ses rayons. En ce jour les astres lumineux embellissent l’univers en
rayonnant de tous leurs feux. En ce jour, les nuées distillent
depuis le ciel une rosée de justice pour l’humanité. [C’est toute la création
renouvelée qui chante la louange de son Créateur.] En ce jour, l’Incréé veut que Sa
propre créature Lui impose la main. [Le Fils de Dieu va recevoir le baptême de
Jean.] En ce jour, le Prophète et Précurseur vient au devant du Maître, mais il
approche en tremblant, voyant Dieu s’abaisser jusqu’à nous. En ce jour, les flots du
Jourdain acquièrent la vertu de guérir par la puissance du Seigneur. En ce jour un
courant mystique abreuve l’entière création. En ce jour, les fautes des humains sont
lavées par les eaux du Jourdain. En ce jour, le Paradis s’est ouvert pour les hommes
et le Soleil de Justice répand sur nous sa clarté. En ce jour, l’eau amère, comme au
temps de Moïse, pour le peuple est changée en eau douce par la présence du
Seigneur. En ce jour, nous mettons fin à l’antique lamentation et nous sommes
sauvés en nouvel Israël. En ce jour nous sommes délivrés des ténèbres pour
resplendir clairement de la connaissance de Dieu. En ce jour, la grisaille du monde
est dissipée par l’épiphanie de notre Dieu. En ce jour, la création toute entière brille
comme une lampe allumée dans le ciel. En ce jour, l’erreur est abolie, l’avènement
du Maître nous traçant la voie du salut. Ce jour est un jour de fête, en haut comme
ici-bas, les êtres de ce bas monde se rencontrent avec ceux des hauteurs. En ce
jour, les vrais croyants élèvent leurs voix joyeuses en une sainte festivité. En ce jour,
le Maître se hâte vers le baptême pour relever l’humanité. En ce jour, l’Immuable
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s’incline vers son propre serviteur pour nous libérer de la servitude. En ce jour,
nous avons acquis le Royaume des cieux, ce règne du Seigneur qui n’aura pas de fin.
En ce jour, la terre et la mer ont partagé la joie du monde, un monde que
l’allégresse a rempli. »
Puis une allusion à la traversée du Jourdain par Josué : « Les eaux Te virent,
Ô Dieu, les eaux Te virent et elles furent en émoi. Le Jourdain retourna en arrière,
voyant le feu de la Divinité descendre corporellement et venir jusqu’à lui. » Lorsque
Josué traverse le Jourdain et que les eaux s’arrêtent, c’est que le fleuve déjà voit le
Fils de Dieu, Jésus Fils de Marie, entrant à son tour dans le Jourdain.
« Le Jourdain retourna en arrière, lorsqu’il vit l’Esprit Saint descendre sous
forme de colombe et voler autour de Toi. Le Jourdain retourna en arrière, voyant
l’Invisible se laisser voir, le Créateur ayant pris chair, le Maître sous la forme de
serviteur. Le Jourdain retourna en arrière, les montagnes bondissaient, voyant Dieu
dans la chair. Les nuées firent entendre leurs voix, s’émerveillant que soit venu,
Lumière de Lumière, le vrai Dieu né du vrai Dieu. En ce jour de fête, nous voyons
au Jourdain le Seigneur y engloutir les chaînes de l’Enfer, l’aiguillon de l’erreur, la
mort que la désobéissance nous valut, et donner au monde le
baptême du Salut. »
Jésus, en entrant dans le Jourdain, va noyer dans les eaux du fleuve le corps
de l’homme marqué par la mort et le péché. C’est tout l’Ancien Testament qui
prend son sens. Nous comprenons maintenant pourquoi l’eau du Jourdain
retournait en arrière pour laisser passer Jésus de Navé entrant en Terre Promise.
Tout le passé devient éternité.
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tendresse de ton cœur de voir le genre humain sous la tyrannie du démon, mais Tu
es venu et Tu nous as sauvés. Nous reconnaissons ta grâce, nous proclamons ton
amour, sans cacher tes bienfaits. Tu as libéré notre nature à son germe, par ta
naissance Tu as sanctifié un sein virginal : toute la création Te chanta lorsque Tu es
apparu. Car c’est Toi notre Dieu qui T’es montré sur terre et qui as conversé avec
les hommes. C’est Toi qui sanctifias les eaux du Jourdain, envoyant du haut du ciel
ton Saint Esprit et qui as écrasé la tête des dragons qui s’y cachaient. »
Nous avons là une double action de grâce : la glorification à la fois de la
création et de l’œuvre de la rédemption.
L’aspersion
Alors, le prêtre, plongeant le bois de la croix dans l’eau comme Moïse jetant
le bâton dans l’étang de Mara, va entonner le grand chant de la Théophanie :
« Dans le Jourdain Seigneur, lorsque Tu fus baptisé, à l’univers fut révélée
l’adoration de la Trinité. Car la voix du Père se fit entendre, te portant témoignage
et T’appelant Fils bien-aimé. Et l’Esprit, sous forme de colombe, confirma la vérité
de cette parole. Ô Christ Dieu, qui T’es manifesté et nous est apparu,
Illuminateur du monde gloire à Toi. »
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Tout le peuple reprend ce cantique de la Théophanie à la gloire de la Trinité,
du Fils qui sort de l’eau, à la gloire de l’Esprit qui descend sur le Fils et sur l’eau en
forme de colombe, à la gloire de la divine Trinité.
Le prêtre, plongeant dans l’eau la croix avec le basilic, qui avait poussé à
l’emplacement de la Croix et grâce auquel la bienheureuse Hélène l’avait
découverte, asperge tout le peuple de l’eau sainte.
Tandis que le peuple s’approche pour puiser de l’eau vivifiante, pleine du
Saint Esprit, l’eau du baptême, pour renouveler son propre baptême, on chante :
« Le Christ est baptisé, Il remonte des eaux. Avec Lui, c’est le monde qu’Il fait
sortir. C’est tout le monde déchu qui a été enseveli sous les eaux du baptême et qui
en ressort avec le Christ. Il voit s’ouvrir les cieux que jadis Adam ferma pour lui et
ses descendants. De sa divinité l’Esprit est le témoin car Il accourt vers son égal. Et
la voix du Père descend du Ciel car c’est de là que provient l’objet du témoignage,
le Sauveur de nos âmes. Les eaux Te virent, Seigneur, les eaux Te virent et prirent
peur. En ce jour, le Créateur du ciel et de la terre vient corporellement au Jourdain,
demandant le baptême, Lui le seul sans péché, afin de purifier le monde de l’erreur
de l’ennemi, et le Maître de l’univers est baptisé par son serviteur, mais Il confère
au genre humain par cette eau même sa pureté. Aussi chantons-Lui : Dieu qui Te
manifestas, Seigneur, gloire à Toi ! »
On reprend ensuite le Tropaire, le cantique du baptême. Ainsi se clôt la
célébration de cette grande fête de la Théophanie.
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