1 - Cours Ars Nova - Trecento - Ars Subtilior
1 - Cours Ars Nova - Trecento - Ars Subtilior
1 - Cours Ars Nova - Trecento - Ars Subtilior
1320 - 1430
- Ars nova : 1320 (rédaction du traité Ars nova, attribué à Philippe de Vitry) – 1377 (mort de
Guillaume de Machaut), France
- Musique du Trecento : 1330 (1es traces de polyphonie écrite) – 1397 (mort de Francesco
Landini), Italie
2 - Contextes :
- Conditions historiques :
- famine, peste (1348), Guerre de Cent ans (oppose les français et les anglais,
emprisonnement du roi de France Jean le Bon, père du Dauphin Charles V au service duquel
Guillaume de Machaut sera employé)
- Conditions sociales :
- les musiciens sont au service de princes-mécènes, ils sont les familiers de leur prince. La
musique qu’ils composent est une représentation sonore du bon gouvernement du prince : la
musique au sens sonore du terme – musica instrumentalis – est la représentation ici-bas de l’ordre du
monde, de l’harmonie du monde, de la musica mundana ; en vertu de son sang et de son rang, le
prince représente Dieu sur terre, et son ou ses musiciens, à travers leurs musiques, doivent rendre
compte de leur bon gouvernement, c’est-à-dire de l’harmonie que les princes font régner sur leur
territoire. Prince-mécène et musicien entretiennent un rapport particulier.
- Ces princes, tout au long du XIVe siècle, réorganisent leur cour et notamment leurs
chapelles privées. Ils y emploient les musiciens contemporains formés à la polyphonie de l’Ars
nova (voir ci-dessous). Les chantres qui chantent la liturgie (le chant grégorien) et ses musiciens
ne sont pas les mêmes, car ils ne sont pas formés aux mêmes musiques ni dans les mêmes
endroits. Entretenir une chapelle capable de chanter la polyphonie de l’Ars nova représente un
coût financier certain (ils faut payer ces musiciens, en plus des chantres). De la part du prince,
cela manifeste le désir de briller. Les différentes cours se mettent en concurrence, chacune
voulant briller plus que les autres. Cette concurrence s’appelle « l’évergétisme ». Ce phénomène
durera jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
- Philippe de Vitry comme tous les musiciens de l’Ars nova et de l’Ars subtilior sont des
« artiens », c’est-à-dire des musiciens formés à la faculté des Arts (libéraux) de Paris ou de Padoue
plus tard. Au plan du chant, ils sont formés aussi dans les grandes cathédrales comme celle
d’Amiens (par exemple). Ces musiciens sont « spécialisés » dans cette musique polyphonique très
savante, très subtile et raffinée, prisée dans les grandes cours. Ces musiciens sont liés aux
philosophes nominalistes, et aux réformateurs. Ils se sentent des hommes « nouveaux », d’où leur
revendication « d’Ars nova » (savoir-faire nouveau).
3 – Quelles musiques sont pratiquées dans cette période (dont on a les traces écrites) ?
Quelle est la fonction de ces musiciens ?
- à l’église (église paroissiale, cathédrale, monastère) : la liturgie est pratiquée par les
chantres qui chantent le chant grégorien (heures de l’office, messe, chants de procession). Ils
peuvent aussi chanter la liturgie selon des pratiques polyphoniques improvisées.
- à la cour :
- Dans quels lieux de la cour :
- à la chapelle privée : cérémonie religieuses privées , pour les divertissements
- dans le palais ou le jardin : divertissements
- dans le palais : pour des occasions domestiques (réception de personnages
importants…).
A – Musique religieuse :
A1 - Si les chantres chantent le chant grégorien traditionnel, les compositeurs de
l’Ars nova composent les premiers exemples de « parties de messe », c’est-à-dire
les sections de l’ordinaire en polyphonie : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus voire
Ite missa est (comme on le fait encore au XIXe voire au XXe s.).
Les sources conservées nous font connaître :
- la messe de Tournai
- la messe de Toulouse
- la messe de la Sorbonne
- la messe de Barcelone
Il s’agit de cycles de messes (que les pièces de l’ordinaire) factices, c’est-à-dire
composés à différents moments par différents compositeurs mais réunis après
coup en cycles.
Le premier cycle composé par un seul et même compositeur est la Messe de
Guillaume de Machaut.
Les sections de messe utilisent la technique de composition du motet.
La messe polyphonique devient au XVe siècle et après le grand genre musical,
celui à partir duquel se construit la renommée des compositeurs, de la Renaissance
notamment.
B – Le motet :
Comme au XIIIe s., le motet est toujours polyphonique. En France, il reste
construit sur une teneur empruntée (le plus souvent à un chant grégorien) ; en
Italie, la teneur est composée à l’instar des autres voix du motet. Il est toujours
pluritextuel : le mot de la teneur (ou le texte dont il est issu) est commenté par le
texte de chacune des voix supérieures.
La voix de quadruple disparaît.
Apparaît en revanche une nouvelle voix, appelée contreteneur (c’est-à-dire
« contrepoint de la teneur ») : il s’agit d’une voix sans texte, qui vise
essentiellement à compléter la sonorité de la polyphonie.
Thématiques du motet :
- religieux, le plus souvent marial
- courtois : amoureux. Ce thème pouvant s’entendre allégoriquement religieux
- il peut aussi célébrer un personnage important
Dans tous les cas, tous les textes sont en lien au plan sémantique.
Langues du motet :
- latin ou français
- à la fin du XIVe/début XVe siècle, le latin revient en force : les motets français
du manuscrit de Chypre (Torino J.II.9) sont les derniers du genre.
Écriture polyphonique :
- la voix de teneur et celle de contreteneur sont écrites toujours dans des valeurs
plus longues que les voix textées (double et triple)
- les compositeurs, notamment les français, utilisent le principe de l’isorythmie : la
voix de teneur, souvent aussi de contreteneur, et parfois toutes les voix (on parle
alors de « panisorythmie ») utilisent un dessin rythmique long qui se répète et vient
structurer la pièce. Très fréquent chez Guillaume de Machaut. On y retrouve le
goût du nombre.
C – Musique profane :
C1 – En France :
Les chansons ont toujours une thématique amoureuse. L’amour courtois, tel qu’il
a été inventé par la troubadours à la fin du XIe siècle, connaît alors son apogée.
La langue employée est le français, c’est-à-dire l’ancien français, appelée aussi
« langue d’Oïl ».
Avec le compositeur Guillaume de Machaut, la chanson (sauf le lai) va bénéficier
de la polyphonie. Guillaume de Machaut, poète et compositeur, fixe les formes
poétiques de la ballade, du rondeau et du virelai. C’est ce qu’on appelle des
« chansons à forme fixe » :
- Structure de la ballade :
A/A’/B/vers refrain - A/A’/B/vers refrain - A/A’/B/vers refrain -
Donc 3 strophes de forme identique ; même musique sur A et A’, A étant ouvert
(suspensif) et A’ clos (conclusif) ; B revêt une autre mélodie ; le texte du vers
refrain se répète à chaque occurrence.
La ballade est le grand genre courtois. Très mélismatique.
- Structure du rondeau :
ABaAabAB
C’est ce que l’on appelle une « forme close ».
A B = le refrain
A b = le couplet, sur les deux mêmes phrases mélodiques que le refrain.
Mélismatique.
- Structure du virelai :
A B B’ A’ A B B’ A’ A B B’ A’ A
strophe 1 strophe 2 strophe 3
A = refrain
2 phrases mélodiques différentes : A et B
Syllabique
C2 – En Italie :
La langue employée est le toscan (langue parlée à Florence). Les noms et formes
des chansons polyphoniques italiennes sont spécifique :
- Structure du madrigal :
A A’ B
Très en vogue auprès des compositeurs de la première génération italienne, dans
les cours du Nord de l’Italie (Padoue, Vérone, Milan).
Style littéraire dit « épigrammatique », souvent obscur, qui montre le lien intime
entre le prince et son musicien. Il s’agit souvent de chanter les mérites du prince-
mécène ou d’un personnage important.
- Structure de la ballata :
A B B’ A’ A
Chant amoureux. Amour courtois, souvent amour malheureux, douloureux.
Surtout en vogue auprès de la 2e génération de musiciens, à Florence notamment.
- Quelles musiques :
Musiques qui participent aux fêtes municipales, aux processions civiles, aux
commémorations d’événements importants. Ces musiques instrumentales ne sont pas
écrites. Elles se transmettent, comme l’apprentissage des instruments et sans doute leur
fabrication, de maître à élève.
A – Ars nova :
- 1316-1318 : le Roman de Fauvel, rédigé par Gervais du Bus puis augmenté par Raoul Chaillou de
Pesstain et interpolé de 160 pièces musicales. Certaines (la plupart) de ces pièces musicales sont
plus anciennes, elles datent du XIIIe siècle (on y retrouve des motets du manuscrit de Montpellier
H 196 entre autres) ou même d’avant, mais d’autres sont contemporaines du roman, composées
pour l’occasion : il s’agit notamment des 4 motets de Philippe de Vitry.
Il s’agit d’un roman satirique qui, sous couvert d’humour, est une violente critique de la société
contemporaine. Ce texte a été écrit dans le milieu de la chancellerie française, c’est-à-dire un
milieu très proche du pouvoir royal. L’auteur y dénonce les vices et méfaits de la société profane
et ecclésiastique, parmi lesquels certains des ministres du roi Philippe IV le Bel, notamment son
ministre des finances Enguerrand de Marigny. Le héros allégorique est un âne de robe fauve
(rousse, couleur de la traitrise) appelé FAUVEL, acrostiche des vices (flatterie, avarice, vilainie,
variété, envie, lâcheté). Il veut épouser Fortune (grâce à laquelle il est arrivé au sommet du
pouvoir) mais, elle décline l’offre et le marie à Vaine Gloire : de cette union naissent des tas de
petits fauvins qui répandent les vices tout autour de la terre.
- 1322 : décrétale du pape Jean XXII, s’insurgeant contre certaines techniques musicales (hoquet,
rythmes, pluritextualité) qui dénaturent le chant liturgique et vont à l’encontre de sa fonction
d’enseignement.
- 1324, Philippe de Vitry, traité Ars nova : le compositeur et théoricien expose notamment les
principes de la notation mesurée du XIVe s.
15 des motets de Philippe de Vitry (1291-1361) nous sont parvenus.
- Jean de Murs (1290 – 1350) : théoricien de la musique, lié au philosophe Guillaume d’Ockham.
Deuxième génération :
Elle se situe à Florence au milieu et la fin du XIVe siècle : 1350-1390.
Un compositeur principal (et organiste) : Francesco Landini (ca 1335-1397) dont l’œuvre
représente le tiers de l’œuvre totale (conservée) du Trecento.
Œuvres : ballate surtout, quelques madrigaux, motets, parties de messe (Gloria-Credo).
Sources manuscrites :
Codex Chantilly (Musée Condé)
Codex Reina (BNF)
Codex Modena ou Modena B (Biblioteca Estense e Universitaria, Modène)
Manuscrit de Chypre (Turin, Biblioteca Nazionale Universitaria, J.II.9)
Codex Faenza (Biblioteca Communale, Faenza)
Manuscrit Mancini (Archivo dello Stato, Lucques (Toscane)
Manuscrit de Londres (British Library, Londres)
Manuscrit d'Apt (Bibliothèque Municipale d'Apt)
Manuscrit de Séville (Biblioteca Colombina, Séville)
il s’agit d’un cadeau diplomatique réalisé à la demande des Bourbon de France pour le roi de
Chypre Janus de Lusignan