Grhu 083 0003

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 18

Perception de la RSE par les salariés : construction et

validation d'une échelle de mesure


Jacques Igalens, Najoua Tahri
Dans Revue de gestion des ressources humaines 2012/1 (N° 83), pages 3 à 19
Éditions ESKA
ISSN 1163-913X
ISBN 9782747218498
DOI 10.3917/grhu.083.0003
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2012-1-page-3.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour ESKA.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page3

© Éditions ESKA, 2012

PERCEPTION DE LA RSE
PAR LES SALARIÉS :
CONSTRUCTION
ET VALIDATION D’UNE
ÉCHELLE DE MESURE
Jacques IGALENSa
Université de Toulouse
TBS (Toulouse Business School)

Najoua TAHRI
CRM CNRS & IAE Université Toulouse I

L
a théorie des parties prenantes place l’en- d’autres contributeurs pour affiner l’analyse de
treprise au centre d’un réseau de l’importance respective des parties prenantes.
« groupes d’individus qui peuvent affec- A cet égard, deux contributions parues dans
ter ou qui peuvent être affectés par la mise en « Academy of Management Review » se déta-
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
œuvre des objectifs de l’organisation » (Free-
chent, la première consiste à classer la « sail-
man, 1984). Cette définition a eu le mérite de
lance » (« salient ») des parties prenantes en
mettre en évidence l’existence de groupes qui
n’étaient auparavant que très peu pris en compte fonction de trois critères, le pouvoir qu’elles dé-
dans l’analyse des relations de l’entreprise avec tiennent, leur légitimité et l’urgence à traiter les
ses environnements: les ONG, les collectivités problèmes qu’elles posent (Mitchell et al.,
territoriales, les riverains des sites sur lesquels 1997). La seconde permet d’appréhender l’im-
l’entreprise est implantée, etc. En attirant l’at- portance relative des parties prenantes à travers
tention sur ces groupes, Freeman ne prétendait le concept de SIC (Stakeholder Influence Capa-
nullement que leur importance pour l’entreprise city) defini comme « la capacité d’une entreprise
était de même intensité et de même nature que à identifier, à influencer et à saisir les opportu-
celle des « parties prenantes » qualifiées de pri- nités qui se présentent à elle en vue d’améliorer
maires que sont les actionnaires, les salariés et les relations des parties prenantes par le biais la
les consommateurs. Il faut attendre cependant RSE » (Barnett, 2007).

a
Jacques IGALENS, Professeur des Universités, Toulouse Business School - 20, bd Lascrosses - BP 7010
31068 Toulouse Cedex 7 - France
j.igalens@esc-toulouse.fr

3
N° 83 - JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page4

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

De ces deux contributions il ressort que les c. Le dialogue avec la société civile (collectivités
salariés « ne sont pas des parties prenantes locales, associations).
comme les autres ». Dans le premier cas (Mit- d. La participation au développement des pays
chell et al., 1997) les salariés apparaissent dans lesquels le Groupe est présent.
comme réunissant les trois composantes qui dé-
finissent la saillance : ils sont légitimes car ils e. La gestion des ressources naturelles non re-
font partie intégrante de l’entreprise, ils détien- nouvelables.
nent un pouvoir dans la mesure où ils sont à f. La préparation du futur énergétique à long
l’origine de la performance et parce qu’ils po- terme.
sent des problémes (de type revendicatif notam- g. Le respect de l’environnement.
ment) il convient que ces problémes soient
traités rapidement sous peine de l’apparition de h. La sécurité des activités industrielles et des
troubles sociaux. Dans le second cas (Barnett, transports.
2007) la capacité d’influencer les salariés peut i. La prise en compte des problèmes de santé.
être mise à profit par l’entreprise à travers des
j. La féminisation du management.
actions de RSE. Les salariés sont, en effet, la
seule des parties prenantes qui puisse figurer à L’analyse des réponses est intéressante car
la fois en amont, au centre et en aval de la RSE. elle permet de mesurer la satisfaction des sala-
Le salarié peut être à l’origine d’une action de riés par rapport aux choix de l’entreprise en ma-
RSE, le plus souvent il en est l’acteur principal tière de RSE. En revanche ces résultats sont
et dans certains cas il en est également le béné- insuffisants pour comprendre le processus de
ficiaire. Ainsi, comme certains syndicats l’ont perception de la RSE par les salariés.
affirmé1 (mais pour d’autres raisons) : le salarié D’autres raisons plaident également en fa-
n’est vraiment pas une partie prenante comme veur de cette question de recherche. Afin d’amé-
les autres. A titre d’exemple, concernant la par- liorer l’efficacité des politiques de Marketing un
ticipation active du salarié à des programmes de courant de recherche dirigé par Bhattacharya
RSE, on peut citer le volontariat, le congé soli- s’interroge sur le rôle et la place de la RSE dans
daire, le bénévolat, le mécénat associé, le mécé- l’acte d’achat du consommateur (Bhattacharya
nat de compétences. De même les politiques et Sen, 2004). Pour lui, la RSE est susceptible
actuelles de parité et plus largement les actions de renforcer l’identification et la loyauté du
en faveur de la diversité sont des exemples de consommateur vis-à-vis de l’entreprise. Mutatis
programmes de RSE dont les salariés constituent mutandis la question peut être posée pour le sa-
la cible. Enfin d’autres exemples sont fournis larié : quelle place et quel rôle peut jouer la RSE
dans les rapports de « développement durable » dans l’explication des comportements du salarié.
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
qui placent les salariés à l’origine d’engage- Quels freins et quels leviers d’action le DRH
ments des entreprises dans de grandes causes, peut-il trouver à travers les programmes de
telles que l’enfance (SFR), la lutte conte la pan- RSE ? Mais pour répondre à cette question il
démie du SIDA (Lafarge), etc. convient de prendre en considération l’écart qui,
Bien que le point de vue du salarié apparaisse dans ce domaine, peut être important entre la
primordial tant pour l’initiative que pour le dé- réalité de la RSE (principes, programmes, résul-
roulement de programme d’action dans le tats) et la perception par le salarié de l’engage-
champ de la RSE, son point de vue est encore ment de son entreprise. En effet nombre
assez mal connu. d’actions ne sont pas visibles par le salarié, soit
Depuis 2007 quelques entreprises ont inclus qu’elles ne concernent que quelques filiales éloi-
des questions relatives aux principes de RSE gnées (dans les pays en voie de développement
dans des « people surveys ». Total interroge ses notamment) soit qu’elles ne s’adressent qu’à des
cadres grâce aux items suivants : catégories limitées de salariés (handicapés, mi-
norités ethniques, etc.). La communication
a. La mise en application de principes d’éthique. concernant la RSE (sous la forme de rapports de
b. Le respect des droits de l’homme. développement durable mais aussi de cam-

1
Cf, en France, l’analyse de la RSE par la CGT-FO notamment dans sa réponse au livre vert de 2001.

4
REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page5

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

pagnes de communication interne) jouera, à cet l’entreprise dans la RSE » et les construits habi-
égard un rôle essentiel. La connaissance et la tuels du champ de la GRH, satisfaction au
mesure de la perception de la RSE par les sala- travail, implication organisationnelle, identifica-
riés constituent donc la première étape de toute tion, motivation, esprit d’équipe, loyauté, enga-
politique visant à prendre en compte l’impact de gement, etc.
la RSE dans les politiques de gestion des res- Nous assumons que ces recherches doivent
sources humaines (GRH). reposer sur une mesure correcte de la perception
Enfin une dernière raison plaide en faveur de par le salarié de l’engagement de l’entreprise
notre question de recherche. Les théoriciens des dans la RSE car la nature attitudinale de nombre
parties prenantes ont mis en évidence les risques des concepts précédents appelle une mesure de
des dissensions entre parties prenantes et ont la perception comme antécédent de préférence
plaidé pour la « (re)conciliation des parties pre- à d’autres. Nous ne sous-estimons pas, par
nantes » (Igalens et Point, 2008). Pour passer du exemple, l’intérêt de la mesure des résultats de
dissensus au compromis sinon au consensus, la la RSE, notamment dans une perspective de red-
compréhension du point de vue de la partie pre- dition de comptes, mais pour pouvoir alimenter
nante des salariés apparaît essentielle. de futures recherches de type corrélationnel en
GRH il nous semble qu’une mesure de la per-
Pour ces raisons, théoriques et pratiques, la ception de l’engagement dans la RSE est plus
connaissance et la compréhension de la percep- adaptée. Nous proposons pour cela de détailler
tion de la RSE par les salariés devient une ques- notre méthodologie de construction d’échelle
tion de recherche urgente. Notre objectif est de (I), nous présentons les échelles existantes en
proposer la construction d’une échelle autorisant matière de RSE (II) puis nous proposons nos ré-
une mesure de cette perception. Dans l’hypo- sultats pour servir de base à de nouvelles re-
thèse où cette échelle, construite sur des bases cherches (III).
théoriques solides, posséderait les qualités mé-
triques suffisantes, son utilisation permettrait des
recherches de type corrélationnel entre la RSE
et les construits habituels des théories et des po- I. MÉTHODOLOGIE SUIVIE DANS
litiques de GRH que sont la satisfaction, l’im- LA CONSTRUCTION DE L’ÉCHELLE
plication, la motivation, l’engagement, etc. DE MESURE DE LA PERCEPTION
Face à ce besoin, force est de constater que DE LA RSE PAR LES SALARIÉS
la DRH, en tant que fonction de direction d’en-
treprise, et la GRH en tant que discipline scien- La construction de l’échelle de mesure de la
tifique n’ont pas été jusqu’ici « moteur » du
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
perception de la RSE par les salariés a suivi la
mouvement général qui, depuis dix ans, se des- méthodologie de Churchill (1979). Cette dé-
sine en faveur de la responsabilité sociale de marche s’inscrit dans la théorie de la mesure qui
l’entreprise (Rosé et al., 2006 ; Allouche et al., se base sur le principe de la vraie valeur (Evrard
2004, Aggeri et al., 2005, Cazal, 2008). Le plus et al. 2000), selon lequel, la mesure élaborée
souvent ce sont les directions générales qui ont doit être très proche de la réalité.
donné l’impulsion générale. Ni les DRH, ni les
chercheurs en GRH ne produisent encore de ré-
ponse à cette question simple mais impor- Paradigme de Churchill : définition et principe
tante : « Quels changements, quels enjeux
managériaux, quelles conséquences un salarié L’objectif du paradigme de Churchill, exposé
peut il attendre de l’engagement de son entre- dans la figure 1, est de présenter une procédure
prise dans la RSE ». systématique visant à construire avec rigueur des
Or une partie de la nouvelle GRH repose, instruments de mesure de type questionnaires à
selon nous, sur la réponse à cette question. L’en- échelles multiples tels que les échelles d’attitude
treprise aux responsabilités élargies (Imbs, (Benraiss, 2001). Les phases constituant ce pa-
2005) peut-elle traiter ses salariés comme une radigme cherchent à réduire deux types d’erreur
simple « partie prenante » ? Nous pensons qu’il de mesure :
faut que de nombreuses recherches s’attachent ➣ La phase exploratoire essaie de diminuer
à produire de la connaissance sur ce sujet et no- l’erreur aléatoire (erreur dépendant des cir-
tamment sur les relations entre « engagement de constances de mesure) c’est-à-dire l’exposi-

5
N° 83 - JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page6

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

Figure 1 : Synthèse du paradigme de Churchill (1979)

Etape 1 :
Définition du domaine conceptuel
Réflexion théorique sur le sujet et définition précise de ce que l’on cherche.

Etape 2 :
Phase exploratoire
Génération d’items et purification de la mesure (Alpha de Cronbach, analyse factorielle exploratoire)

Etape 3 :
Phase de validation
Etude de la validité, de la fiabilité, liaisons avec d’autres mesures.

tion de l’instrument aux « aléas tels que les quelquefois s’opposent dans le cadre d’ap-
circonstances, l’humeur des personnes inter- proches qui reposent sur des logiques écono-
rogées…» (Evrard et al. 2000). miques et sociales différentes. Par contre, la
➣ La phase de validation vise à réduire simul- paternité du concept RSE est généralement at-
tanément l’erreur aléatoire et l’erreur systé- tribuée à H. R. Bowen (1953) qui en a fait l’un
matique (erreur dépendant de l’instrument de des concepts fondamentaux des recherches en
mesure) concernant les biais de conception Business Ethics et en Business and Society (Car-
roll, 1999). Pour Bowen, la Corporate Social
de l’instrument.
Responsibility (CSR) « renvoie à l’obligation
Nous nous attachons donc à suivre ces étapes pour les hommes d’affaires, de mettre en œuvre
dans notre travail de construction de l’échelle de les politiques, de prendre les décisions et de sui-
mesure de la perception de la RSE par les sala- vre les lignes de conduite qui répondent aux ob-
riés en les précisant. jectifs et aux valeurs considérées comme
désirables par notre société ». Il ouvre la ré-
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
flexion sur la Responsabilité Sociale de l’Entre-
Spécification du cadre conceptuel prise, en tant que conséquence de l’intégration
du construit de la RSE de valeurs recherchées globalement par les com-
posantes de la société, au-delà des objectifs éco-
Avant de procéder à la construction de nomiques poursuivis par les actionnaires et des
l’échelle de mesure de la perception de la RSE obligations légales qui contraignent leurs déci-
par les salariés, nous précisons le positionne- sions: les intérêts de l’entreprise et les intérêts
ment conceptuel de cette dernière. Dans cette de la société convergent à terme. Mais c’est à
perspective, la responsabilité sociale de l’entre- partir des années soixante-dix que ce concept
prise perçue est appréhendée comme un semble s’imposer à travers les travaux de Carroll
construit multidimensionnel latent, non appa- (1979).
rent, exigeant d’analyser les facteurs et définir Le modèle de Carroll (1979, 1991) - selon le-
les pratiques qui contribuent à son développe- quel les entreprises ont des obligations écono-
ment. miques, légales, éthiques et philanthropiques
envers leurs environnements - est l’un des plus
acceptés et utilisés pour (Wartick & Cochran,
Définition et spécification de la RSE 1985 ; Burton & al, 2000). Une autre perspective
de la RSE vise la théorie des parties prenantes
Dans la littérature académique, Gond et Mul- (Freeman, 1984) qui, sans se centrer sur le
lenbach-Servayre (2003) soulignent que, depuis contenu d’un comportement social d’entreprise,
1953, les définitions de la RSE se multiplient et définit son champ d’application en maintenant

6
REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page7

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

l’idée que les entreprises n’ont pas des respon- afin de préserver l’environnement naturel, de
sabilités envers la société en général, mais doi- minimiser les pollutions, de lutter contre le ré-
vent plutôt être concernées par les individus ou chauffement climatique et la diminution de la
les groupes d’individus pouvant être directement biodiversité.
ou indirectement affectés par leurs activités Les bonnes pratiques sociales: elles englo-
(Clarkson, 1995 ; Donaldson & Preston, 1995). bent toutes les répercussions de l’activité de
Spécifiquement, les salariés, les actionnaires ou l’entreprise sur l’ensemble de ses parties pre-
les investisseurs, les clients, les fournisseurs, le nantes; fournisseurs, clients (sécurité et impacts
gouvernement et la communauté dans laquelle des produits), communautés locales (nuisances,
l’entreprise opère sont inclus dans le groupe des respect des cultures) ; employés (conditions de
parties prenantes primaires, tandis que les mé- travail, niveau de rémunération, non-discrimina-
dias et les groupes d’intérêt sont considérés tion etc.), et la société civile en général. A ce ni-
comme des parties prenantes secondaires, veau, on fait explicitement référence aux
puisqu’elles ne constituent pas l’élément essen- pratiques RH de la RSE. Une direction des RH
tiel pour la survie de l’entreprise (Clarkson,
et un management socialement responsable se
1995).
reflètent dans plusieurs pratiques telles que :
Wood (1991) en s’inspirant des approches l’amélioration de l’information dans l’entre-
issues des travaux du mouvement pour la qua- prise, la prise en compte de la capacité d’inser-
lité, a représenté la RSE comme un ensemble de tion professionnelle, la responsabilisation du
pratiques et de process qui génèrent des résul- personnel, l’application du principe d’égalité
tats. Principes, pratiques et résultats constituent pour les rémunérations entre hommes femmes,
désormais un triptyque de référence pour décrire la mobilité, le souci de l’employabilité des sala-
le monde de la RSE. Concernant les principes, riés et donc leur formation permanente, la parti-
ils peuvent émaner de textes fondamentaux en cipation aux bénéfices et les formules
provenance des institutions internationales, no- d’actionnariat, la diversité des ressources hu-
tamment l’ONU, l’organisation internationale maines, l’intégration des handicapés et la paren-
du travail (OIT) et l’organisation de coopération talité.
et de développement économiques (OCDE). Ils
peuvent également s’inscrire dans les origines En tant que « partie prenante », les salariés
de l’entreprise et apparaitre dans des codes, des sont susceptibles d’évaluer les principes de la
chartes ou autres textes fondateurs. Concernant responsabilité sociale de leur entreprise, les pro-
les bonnes pratiques, elles sont souvent décli- cédures et les implications qui en résultent. Les
nées par fonction. jugements qu’ils vont porter sur le résultat de
l’évaluation de ces trois dimensions peuvent
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
Les bonnes pratiques économiques : elles avoir une influence sur leur manière de se
concernent la performance financière. Mais cer- conduire envers leur organisation. Collier et Es-
taines pratiques socialement responsables sem- teban soutiennent que l’engagement des em-
blent caractériser l’atteinte de cet objectif, il ployés dans la RSE est un phénomène complexe
s’agit du respect des principes de saine concur- et à facettes multiples qui sera influencé tant par
rence, de lutte contre la corruption, de l’inté- des facteurs contextuels de l’entreprise que par
gration de l’éthique dans les actions commer- les perceptions des salariés (Collier & Esteban,
ciales…. Mais aussi la capacité de l’entreprise à 2007). Donc, il est évident que les salariés vont
contribuer au développement économique de sa seulement réagir à ce qu’ils perçoivent comme
zone d’implantation et à l’amélioration de la si- comportements responsables ou irresponsables
tuation de ses parties prenantes2. de leur organisation. Nous supposons alors que
Les bonnes pratiques environnementales : seule la RSE perçue par les salariés pourra af-
elles correspondent notamment aux pratiques fecter les attitudes et les comportements de ces

2
Selon les points de vue des organisations ADEME, EPE, ORSE ; Guide Ademe Editions, Paris 2001. Cité in: Igalens J
& Joras M. (2002).

7
N° 83 - JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page8

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

derniers. En effet, cette perception de RSE peut Ainsi, une entreprise ayant obtenu une évalua-
être différente de la manière dont le management tion élevée de sa PSE est considérée comme
ou les entreprises externes l’envisagent. Cette ayant correctement exercé sa RSE. Pour cette
perception peut également être différente selon raison, nous présentons dans le tableau ci-après
les catégories d’employés. trois exemples, parmi les plus cités de la perfor-
mance sociale de l’entreprise (PSE).
Toutefois, ces modèles n’ont pas connu un
grand succès dans les travaux empiriques portant
II. APPORT CONCEPTUEL sur la mesure de la RSE. Igalens et Gond (2008)
DES DIFFÉRENTES ÉCHELLES DE LA RSE3 expliquent que « l’opérationnalisation de la RSE
s’est le plus souvent limitée à mobiliser des me-
Dans le monde académique, l’opérationnali- sures déjà existantes, en suivant une logique
sation du concept de la RSE a souvent reposé plus pragmatique que scientifique, ce qui a
sur la mesure de sa performance sociale (PSE). conduit des auteurs du champ à comparer les

Tableau 1 : Les mesures académiques de la PSE (Igalens et Gond, 2008)

Dimensions de la PSE
Auteur Définition de la PSE
présentées dans le modèle
Carroll (1979) L’articulation et l’interaction entre différentes ca- • Catégories de responsabilité sociale : écono-
tégories de responsabilités sociétales (RSE), des mique, juridique, éthique et discrétionnaire.
problèmes pour lesquels s’exercent de RSE (pro- • Domaines sociaux où surviennent des pro-
blèmes sociétaux) et des philosophies de réponse blèmes : consumérisme, environnement, discri-
à ces problèmes (processus de sensibilité socié- mination, sécurité des produits, sécurité au
tale) ; travail, actionnariat.
• Philosophie de réponse : réactive, défensive,
d’accommodation, proactive.
Wood (1991) « Une configuration organisationnelle de prin- • Principes de responsabilité sociale : qui se dé-
cipes de responsabilité sociale, de processus de clinent aux niveaux : institutionnel, organisation-
sensibilité sociale et de programmes, de poli- nel et managérial.
tiques et de résultats observables qui sont liés aux • Processus de sensibilité sociale : l’évaluation
relations sociétales de l’entreprise ». et l’analyse de l’environnement, la gestion des
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
parties prenantes et la gestion des problèmes so-
ciaux.
• Résultats du comportement social de l’entre-
prise : impacts sociétaux, programmes sociétaux
et politiques sociétales.

Clarkson (1995) La PSE est la capacité à satisfaire ses parties pre- • Le modèle propose une typologie de pro-
nantes et à les gérer de manière proactive. blèmes spécifiques pour chacune des parties
prenantes qu’il distingue : employés, proprié-
taires/ actionnaires, consommateurs, fournis-
seurs, pouvoirs publics (ex. administrations,
agences de régulation), concurrents.
• Le niveau de réactivité par rapport à chaque
partie prenante est évalué sur une échelle com-
prenant quatre positions : réactive, défensive,
d’accommodation, proactive.

3
Pour la rédaction de ce paragraphe, nous nous sommes largement appuyés sur : Igalens J. et Gond J.-P. 2003, « La
mesure de la performance sociale de l’entreprise : une analyse critique et empirique des données ARESE », Revue de
Gestion des Ressources Humaines, vol. 50, p. 111-130. Ainsi que: Igalens, J. and J.-P. Gond (2008). La responsabilité
sociale d’entreprise, Paris, puf, (collection “Que sais-je ?”).

8
REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page9

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

études empiriques sur la RSE à des « données (Igalens et Roussel, 1998, p. 110-111). De
en quête de théorie »4. Cinq modes de mesure5 plus, le modèle de Carroll (1979) est plutôt fait
ont été identifiés par Gond et Igalens (2003) pour conceptualiser la RSE, mais pas pour
dont les mesures d’attitudes ou de valeurs issues l’opérationnaliser.
d’enquête par questionnaire. Ces mesures per- • Pour la seconde typologie, les chercheurs ont
ceptuelles permettent d’opérationnaliser le essayé de mobiliser une autre catégorie
concept de RSE à travers une échelle de mesure d’échelle de mesure de perception de la RSE
mesurant les dimensions théoriques du construit plutôt orientée vers les stakeholders. Ces
concerné. échelles se basent sur l’approche de parties
Ainsi, dans la littérature académique nous prenantes de Freeman (1984), et s’efforcent de
avons repéré trois catégories d’échelles percep- mesurer la perception des activités socialement
tuelles, la première est orientée vers le modèle responsables de l’entreprise qui sont orientées
de Carroll (1979), la seconde plutôt vers une ap- vers les parties prenantes. Dans cette catégorie,
proche de parties prenantes (Freeman, 1984), et on trouve essentiellement l’échelle de Gond &
la troisième se base sur les domaines du déve- al. (2009) ; Swaen & Chumpitaz (2008); et
loppement durable. Turker (2009). Ce type d’échelle prend en
• Dans la première, beaucoup de chercheurs ont considération toutes les parties prenantes, ce
repris la classification des quatre dimensions qui ne facilite pas la mesure des réactions des
de la RSE de Carroll (1979) : économique, salariés en particulier par rapport aux autres
légal, éthique et discrétionnaire, et les ont opé- stakeholders.
rationnalisées dans des échelles. Parmi celles • Concernant les échelles de mesure de la RSE
qui ont été développées dans ce sens, on qui se fondent sur le concept de développe-
trouve l’échelle d’Aupperle, Carroll et Hatfield ment durable, elles sont constituées de cer-
(1985) ; Zahra & Latour (1987) ; Maignan, taines dimensions qui opérationnalisent le
Ferrell & Hult (1999) ; Maignan & Ferrell contenu des trois piliers du développement du-
(2000) ; Salmones, Crespo & del Bosque rable. Dans cette perspective, il y a l’échelle
(2005); et Peterson (2004). Ces instruments de d’Alvarado Herrara (2007) et celle de Durate
mesure s’intéressent à la mesure des percep- & das Neves (2009). Ces échelles restent ina-
tions des actions mises en place par l’entreprise daptées à ce que nous voulons mesurer car
dans le domaine de responsabilité sociale. Ce- elles s’intéressent essentiellement aux pro-
pendant, selon Igalens et Gond (2008), ces grammes de développement durable perçus par
échelles peuvent refléter le désir des dirigeants des parties prenantes extérieures à l’entreprise,
par exemple de faire passer leurs entreprises notamment les clients.
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
comme celles qui s’engagent de manière active
et continue dans la défense des causes d’intérêt Aucune de ces trois échelles n’a été consa-
général de leur environnement. Cela représente crée aux salariés comme principale partie pre-
un grand inconvénient, car ces échelles peu- nante, face à cette absence, nous avons décidé
vent se trouver sujettes à un biais de désirabi- de créer une échelle de mesure de la RSE adap-
lité sociale. Ce dernier peut être décrit comme tée à la perception des salariés.
étant « le biais introduit quand le participant Dans les points qui suivent, nous exposons
donne une réponse à une question qui ne cor- successivement le processus de sélection des
respond pas à une situation vécue, mais à une items, la phase de collecte des données ainsi que
situation idéalisée, ou bien qui est conforme, la purification et la validation de l’échelle de me-
soit aux attentes d’un entourage pris comme sure crée suite aux analyses factorielles explo-
point de référence, soit à des normes sociales » ratoires et confirmatoires.

4
Cette métaphore pirandellienne a été utilisée par Ullmann, A. 1985. « Data in search for a theory: a critical examination
of the relationship among social performance, economic disclosure and economic performance of US firms », Academy
of Management Review, Vol. 10, p. 540-557. Pour une synthèse actualisée sur les problèmes liés à la mesure de la
PSE, voir Gond, J.-P. et Crane, A. 2008. “Corporate social performance disoriented: Saving the lost paradigm ?” Busi-
ness and Society. Cité in: Igalens et Gond (2008), op.cit.
5
Ces cinq grandes catégories sont: les mesures de discours qui s’appuient sur l’analyse de contenu des rapports annuels,
les indicateurs de pollution, les mesures d’attitudes ou de valeurs issues d’enquête par questionnaire, les mesures de
réputation et les mesures comportementales ou d’audits produites par les organismes de mesure.

9
N° 83 - JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page10

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

de la politique de RSE suivie par les entre-


III. RÉSULTATS prises.
Tout d’abord, nous allons présenter le pro- 3. La troisième phase concerne les perceptions
cessus de génération des items qui nous ont servi du répondant, et celles des salariés des pra-
dans la construction de notre questionnaire. tiques socialement responsables engagées par
Cette phase s’inscrit dans l’étape exploratoire leur entreprise (Quelle est le degré de percep-
proposée par le paradigme de Churchill (1979). tion par les salariés des actions socialement
Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur les responsables ? Et comment pourriez-vous me-
mesures développées par des cabinets de nota- surer cette perception ? Quelle est la portée
tion sociale principalement l’agence Vigeo, et de ces pratiques ? quelles conséquences, no-
les verbatims issus de 20 entretiens qualitatifs tamment pour les salariés ? Quelle est votre
semi-directifs menés auprès de directeurs des perception personnelle de la RSE engagée par
ressources humaines, et directeurs de déve- votre groupe?). Cette phase a pour objet la
loppement durable d’entreprises françaises en- compréhension de l’implication du répondant
gagées dans des démarches socialement respon- dans la stratégie socialement responsable, et
sables. l’impact de celle-ci sur ses comportements et
ses attitudes au travail (Tahri, 2010).
Le référentiel développé par Vigeo est consti-
tué d’un ensemble d’indicateurs ayant pour ob- Ces entretiens semi-directifs ont été menés
jectif de mesurer le niveau d’engagement des auprès de DRH et de directeurs de développe-
organisations à partir de 6 domaines d’évalua- ment durable de 20 entreprises en France enga-
tion. Il s’agit du domaine des droits humains, gées à différents degrés dans la RSE. Nous
ressources humaines, environnement, compor- avons sélectionné des entreprises de multiples
tement sur les marchés, gouvernement d’entre- secteurs d’activité (énergie, aéronautique, télé-
prise, et engagement sociétal6 (tableau 2). phonie, informatique), pratiquant des activités
Chacun de ces domaines est évalué sous trois di- de production et/ou de service et de tailles dif-
mensions nommés « angles d’approches », et férentes (multinationales, PME/PMI, associa-
qui portent sur le discours, la mise en œuvre et tion). Ces 20 sociétés de taille et de secteur
les résultats obtenus en matière de RSE, selon d’activité volontairement différents, nous ont
un référentiel inspiré des méthodes de gestion permis de cerner les similarités et les différences
de la qualité. de perceptions. La durée moyenne de chaque en-
tretien a été de 45 minutes.
Concernant les entretiens semi-directifs,
nous avons suivi le déroulement suivant : Le traitement de l’ensemble des entretiens a
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
été effectué par le moyen d’une analyse théma-
1. Une phase introductive sur la politique de res- tique de contenu. Le croisement de l’analyse
ponsabilité sociale et son organisation au sein verticale (entretien par entretien) et de l’analyse
de l’entreprise a pour objet de prendre horizontale (thème par thème) nous a permis
connaissance des principes et des engage- d’obtenir des résultats qui nous ont aidé à établir
ments de l’entreprise en matière de dévelop- une première liste d’items. Nous avons recensé
pement durable et de RSE. un ensemble de principes et de pratiques socia-
2. Les entretiens sont par la suite orientés vers lement responsables d’ordre économique, envi-
les pratiques socialement responsables mises ronnemental, social et sociétal. Nous avons
en œuvre par l’entreprise concernée (Quelle procédé par la suite à un croisement de cette liste
est la nature des pratiques socialement res- préliminaire d’items avec les dispositifs d’éva-
ponsables que le groupe met en œuvre ? luation utilisés par l’agence de notation sociale
Quels domaines doivent, à votre avis, être Vigeo. Ce rapprochement a pour objectif d’avoir
couverts par ces pratiques de RSE ? Le re- un modèle de mesure de la perception de la RSE
cours à ces pratiques de la RSE vous parait-il par les salariés qui allie théorie et pratique.
souhaitable ? pourquoi ?). Ces questions vi- Jusqu’ici la théorie nous a fourni un ensemble
sent à comprendre le stade de développement, de définitions de la RSE associées à des dimen-
le degré de formalisation et le positionnement sions, en pratique, nous avons aussi un pano-

6
http://www.vigeo.com/csr-rating-agency/fr/blogcategory/criteres-d-audit-rse.html

10
REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

Tableau 2 : Les domaines d’évaluation de l’engagement socialement responsable des entreprises selon Vigeo

Domaines Sous-domaines Exemples de critères d’évaluation


Droits Humains Respect des droits humains fondamentaux dans la société - Respect des droits fondamentaux et prévention des atteintes à ces droits
Respect des droits humains fondamentaux sur les lieux de travail - Respect de la liberté syndicale et promotion du droit de négociation collective
- Elimination des formes de travail proscrites (travail des enfants ; travail forcé)
Ressources Amélioration continue des relations sociales - Promotion du dialogue social
Humaines - Promotion de la participation des salariés
Valorisations des emplois et des compétences - Promotion des choix individuels de carrière et de l’employabilité
Amélioration continue des conditions générales de travail - Qualité des systèmes de rémunération
- Respect et aménagement du temps de travail

N° 83 - JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012


3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page11

Environnement Prise en compte stratégique de l’environnement - Définition de la stratégie environnementale


- Prise en compte des risques de pollution accidentelle
- Prévention des risques d’atteinte à la biodiversité
Prise en compte de l’environnement dans la fabrication et la distribu- - Maîtrise des impacts sur l’eau/ Maitrise des impacts sur l’air
tion du produit - Maîtrise des niveaux de pollutions locales
- Maîtrise des impacts liés à la distribution/transport
Prise en compte de l’environnement dans l’utilisation et l’élimination -Maîtrise des impacts liés à l’utilisation et à l’élimination du produit ou du service
du produit
Relations clients/ Respect des droits et attentes des clients - Information clients/ -Orientation des contrats
fournisseurs/
sous-traitants Engagement avec les fournisseurs, sous et co-traitants (sélection et - Intégration des facteurs environnementaux dans la chaine d’approvisionnement
liens durables) - Intégration des facteurs sociaux dans la chaine d’approvisionnement
Respect des règles du marché -Prévention de la corruption/ -Prévention des pratiques concurrentielles

Engagement Impact de l’activité de l’entreprise sur le territoire d’implantation - Engagement en faveur du développement économique et social du territoire d’im-
Sociétal plantation.
Comportement sociétal de l’entreprise - Prise en compte de l’impact sociétal attaché aux produits/services développés par
l’entreprise
Gouvernement Conseil d’Administration (CA) - Equilibre des pouvoirs et efficacité du CA
d’entreprise
Audit et mécanismes de contrôle - Audit et mécanismes de contrôle
Droits des actionnaires - Engagement avec les actionnaires et structures de l’actionnariat
Rémunération - Détermination des rémunérations des principaux dirigeants

11
Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page12

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

rama de définitions associé à des mesures de la minimale, cet échantillon respecte largement les
RSE. Toutefois, la validité scientifique de ces recommandations préconisées par les chercheurs
dernières reste à confirmer. dans la mesure où, selon ces derniers, « la taille
Afin de tester la validité faciale ou de de l’échantillon doit réunir de 5 à 10 fois plus
contenu de l’échelle (Evrard et al., 1997; Rous- d’individus qu’il n’a d’items soumis à une ana-
sel, 2005), nous avons fait appel à quelques ex- lyse factorielle » (Roussel et al., 2005 ; p.255).
perts professionnels de la RSE, et à quatre Nous avons pu récupérer 1370 réponses. L’en-
chercheurs en sciences de gestion pour donner treprise a adressé à ses salariés un courrier élec-
leurs avis sur le contenu de cette échelle. Ceci tronique les invitant à répondre aux
nous a conduit à revoir notre liste d’items pour questionnaires en indiquant le lien du site web
qu’elle soit bien adaptée au contexte organisa- de notre enquête. Deux relances ont été faites
tionnel. Nous avons ainsi abouti à la génération par email, la première au bout d’un mois, et la
de 30 items, qui doivent être vérifiés, après l’ad- seconde pour prévenir les répondants qu’il ne
ministration du questionnaire, pour s’assurer restait plus que 15 jours pour répondre à l’en-
de la fiabilité et la validité de cette échelle de quête. Au total, le temps de recueil des données
mesure. dans l’entreprise était de 2 mois environ.

La phase de collecte des données Purification et validation de l’échelle

L’échelle de mesure de la perception de la Afin de valider l’échelle construite et établir


RSE par les salariés a été testée auprès de deux sa dimensionnalité, les questionnaires recueillis
échantillons indépendants: un échantillon de ont fait l’objet d’analyses exploratoires à deux
contrôle composé de 150 répondants, ensuite niveaux. Dans un premier temps, nous avons
l’échantillon final, constitué de 1370 répondants. mené une analyse factorielle en composantes
Les questions ont été administrées sous la forme principales (ACP) avec le logiciel SPSS version
d’une échelle de Likert à sept niveaux pour 17 pour tester la validité de l’échelle créée, ainsi
l’échantillon de contrôle: 1. Pas du tout d’accord, que sa dimensionnalité, et puis nous avons cal-
2. Assez peu d’accord, 3. Ni d’accord ni pas culé l’alpha de Cronbach pour vérifier la fiabilité
d’accord, 4. Assez d’accord, 5. Tout à fait d’ac- des dimensions. Ensuite, nous avons procédé à
cord, 6. Je ne sais pas, 7. Question non perti- une analyse factorielle confirmatoire en utilisant
nente. Et à six positions pour l’échantillon final : la version 6.1 du logiciel EQS et en créant un
1. Pas du tout d’accord, 2. Assez peu d’accord, modèle d’équations structurelles afin de tester
l’ajustement de l’échelle aux données collectées.
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
3. Ni d’accord, ni pas d’accord, 4. Assez d’ac-
cord, 5. Tout à fait d’accord, 6. Je ne sais pas. Pour valider l’échelle de la perception de la
➣ Le pré-test: RSE par les salariés, nous avons réalisé des ana-
lyses en composantes principales dites ACP avec
La première version du questionnaire portant
une rotation varimax. 21 items ont été rejetés,
sur la perception de la RSE par les salariés a été
administrée sous format papier et format élec- tout en respectant dans cette étape les normes et
tronique auprès de 200 salariés opérant dans dif- les règles statistiques. Nous avons supprimé
férentes entreprises françaises engagées dans la tous les items ayant un poids factoriel inférieur
RSE, principalement dans la région parisienne à 0.5 ; les items isolés ; et les items exposant un
et la région Midi-Pyrénées et aussi auprès d’étu- score factoriel élevé sur plusieurs facteurs.
diants en formation continue. Cependant, nous Le tableau 3 présente les items qui ont consti-
n’avons pu recueillir que 150 réponses. La par- tué l’échelle de départ de la perception de la
ticipation à cette enquête était volontaire, confi- RSE par les salariés. Suite aux analyses facto-
dentielle et anonyme. rielles effectuées, 21 items ont été rejetés, 3 ont
➣ Le test final : été simplement améliorés, le reste n’a pas
changé.
Dans cette phase, les questionnaires ont été
tous administrés sous une version en ligne, le Analyse descriptive de l’échelle finale de
terrain de recherche est composé d’un échan- la variable « RSE perçue par les salariés » :
tillon de 6 000 salariés qui œuvrent dans une Le tableau 4 présente la moyenne des ré-
grande mutuelle en France. En matière de taille ponses par item. Selon ces analyses, on constate

12
REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page13

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

Tableau 3 : Echelle de départ de la perception de la RSE par les salariés

A votre avis, votre entreprise :

Dimension 1 : Principes et pratiques de la RSE d’ordre économique


1. N’a pour objectif que l’amélioration de ses résultats financiers. (R)
2. Prend en considération les valeurs éthiques. (R)
3. Agit contre la corruption sous toutes ses formes. (R)
4. Respecte les règles de la concurrence.
5. Coopère durablement avec ses fournisseurs.
6. Garantit à ses clients la sécurité des produits ou des services.
7. S’efforce de concilier rentabilité économique et responsabilité sociale. (R)

Dimension 2 : Principes et pratiques de la RSE d’ordre environnemental


8. Se préoccupe de la protection de l’environnement. (R)
9. Va au-delà des obligations légales concernant la protection de l’environnement. (R)
10. Offre des produits « verts ». (R)
11. Prend en compte les risques de pollution accidentelle. (R)
12. Maîtrise la gestion de ses déchets. (R)
13. Gère ses consommations d’énergie.
14. Réduit ses émissions polluantes. (A)
15. Donne la priorité aux énergies renouvelables.

Dimension 3 : Principes et pratiques de la RSE d’ordre social et sociétal


16. Mène des actions socialement responsables cohérentes avec ses valeurs. (R)
17. Vous informe des actions socialement responsables mises en œuvre. (R)
18. Garantit des rémunérations reconnaissant de façon équitable et satisfaisante votre contribution. (R)
19. Améliore régulièrement les conditions de travail en matière de santé-sécurité. (R)
20. Maîtrise sa gestion des restructurations. (R)
21. Aide ses salariés à mieux concilier leur vie privée et leur vie professionnelle. (R)
22. Vous implique dans l’établissement des programmes RSE. (R)
23. Garantit la non-discrimination à l’embauche. (R)
24. Met en œuvre une politique de diversité (des sexes et d’origines ethniques). (A)
25. Encourage la promotion du dialogue social. (R)
26. Intègre des jeunes issus des quartiers dits « sensibles ».
27. S’engage dans l’aide aux plus démunis (pauvreté, analphabétisme). (A)
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
28. Agit pour faire reculer les grands problèmes de la santé dans le monde (sida, cancer,…). (R)
29. Fait des dons à des associations caritatives œuvrant sur les territoires où se déroulent ses activités. (R)
30. Contribue à l’amélioration de la qualité de la vie dans les régions où elle est implantée. (R)

(A) : Items améliorés suite aux analyses factorielles exploratoires réalisées sur l’échantillon de contrôle
(R) : Items rejetés suite aux analyses factorielles exploratoires réalisées sur l’échantillon de contrôle.

Tableau 4 : Moyenne des réponses par item

Priorité Jeunes
Respecte Coopère Garantit Gère ses
aux Réduit ses des quar- Politique Aide
la avec ses la sécurité consomma-
énergies émissions tiers de aux plus
concur- fournis- des tions
renouve- polluantes « sensi- diversité démunis
rence seurs produits d'énergie
lables bles »
Valide 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370
Manquante 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Moyenne 4,73 4,81 4,76 3,69 3,54 3,78 4,00 3,99 4,16

13
N° 83 - JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page14

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

que les moyennes les plus élevées (4,73 ; 4,81 ; Ensuite, nous avons procédé à l’étude de la
4,76)) sont celles des trois premiers items « Res- dimensionnalité de l’échelle suivie par l’étude
pecte les règles de la concurrence », « Coopère de sa fiabilité. L’analyse factorielle en compo-
durablement avec ses fournisseurs », « Garantit santes principales menée sur l’échantillon de
la sécurité des produits ». En effet, les salariés contrôle a fait apparaitre après purification et éli-
de la mutuelle perçoivent largement la dimen- mination de tous les items ayant un poids facto-
sion économique de la RSE par rapport aux au- riels inférieur à 0.5 et ceux figurant sur plusieurs
tres dimensions environnementales et sociales. composantes trois facteurs qui expliquent plus
Résultats de l’analyse factorielle explora- de 67 % de la variance totale, et un alpha de
toire et interprétations: Cronbach de 0,73 (Tableau 7). Les items retenus
Tout d’abord, et afin de vérifier si les données sont au nombre de 9 constituant les trois fac-
que nous avons recueillies sont factorisables, teurs, il s’agit de la dimension économique de la
nous avons fait les tests de Kaiser, Meyer et RSE (Facteur 3), la dimension environnementale
Olkin (KMO)7 et de sphéricité de Bartlett8. Les de la RSE (Facteur 1), et la dimension sociale
résultats demeurent satisfaisants pour notre de la RSE (Facteur 2).
échelle.
L’échantillon final a fait aussi apparaitre les
Tableau 5 : Résultats du test de Kaiser, Meyer trois facteurs qui correspondent bien à ce que
et Olkin (KMO) et du test de Bartlett
nous avons pu identifier comme dimensions de
(échantillon de contrôle, n = 150)
la RSE dans la littérature académique. Nous
KMO 0, 68 avons donc gardé les neuf items, les trois pre-
Bartlett 404,398 miers représentent les pratiques socialement res-
(p) ,000 ponsables engagées par l’entreprise dans le
domaine économique, les trois qui suivent sont
Tableau 6 : Résultats du test de Kaiser, plutôt orientés vers l’aspect environnemental, et
Meyer et Olkin (KMO) et du test de Bartlett enfin, les trois derniers items représentent les
(échantillon final, n = 1370) pratiques de la RSE mises en place par l’organi-
KMO 0,796 sation dans le domaine social. Ces trois facteurs
expliquent plus de 69 % de la variance totale, et
Bartlett 3823,511
un coefficient alpha de Cronbach de 0,78 (Ta-
(p) ,000 bleau 8).

Tableau 7 : Structure factorielle et fiabilité de l’échelle (échantillon de contrôle, n = 150)


© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
Facteur
Communalité 1 2 3
Item 1 ,628 ,774
Item 2 ,684 ,823
Item 3 ,660 ,801
Item 4 ,703 ,831
Item 5 ,694 ,799
Item 6 ,664 ,767
Item 7 ,826 ,899
Item 8 ,419 ,527
Item 9 ,795 ,870
Variance totale expliquée (%) 67,47
Alpha de Cronbach par dimension 0,75 0,74 0,72
Alpha de Cronbach de l’échelle 0,73

7
Le coefficient KMO teste si les corrélations entre les items sont satisfaisantes pour y rechercher des dimensions com-
munes.
8
Le test de Bartlett teste l’hypothèse nulle de corrélation des variables. Si le résultat du test est élevé et que le seuil de
risque est proche de 0, l’hypothèse des corrélations nulles est rejetée. Les données sont ainsi corrélées et donc facto-
risables (Benraiss, 2004).

14
REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page15

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

Tableau 8 : Structure factorielle et fiabilité de l’échelle (échantillon final, n = 1370)


Facteur
Communalité 1 2 3
Item 1 ,606 ,830
Item 2 ,511 ,787
Item 3 ,540 ,800
Item 4 ,716 ,828
Item 5 ,756 ,847
Item 6 ,707 ,770
Item 7 ,628 ,760
Item 8 ,731 ,830
Item 9 ,679 ,793
Variance totale expliquée (%) 69,12
Alpha de Cronbach par dimension 0,80 0,73 0,74
Alpha de Cronbach de l’échelle 0,78

L’ensemble des résultats obtenus par l’ana- Le calcul des indices donne un chi-deux (χ2)
lyse exploratoire demeure satisfaisant. Une ana- de 106.221, le rapport χ2/ddl est de 4,425 infé-
lyse factorielle confirmatoire a été ensuite rieur à 5. Le GFI est d’une valeur de 0.981,
effectuée par le logiciel EQS. Cette analyse ré- quant à l’AGFI, il est de 0.964. Le RMSEA est
pond à la dernière étape du paradigme de Chur- de 0.047, cela correspond aux critères d’accep-
chill présentées dans la figure 1 et se base sur les tation de cet indice, le SRMR (0.034). L’indice
modèles d’équations structurelles. NFI est de (0.961), cette valeur est supérieur au
Résultats de l’analyse factorielle confirma- minimum fixé (0.9), le NNFI (0.954) et le CFI
toire et interprétations: de Bentler (1990) est de 0.969, il dépasse la va-
Afin de valider notre échelle de mesure de la leur minimale recommandée (0.9).
perception de la RSE par les salariés, nous avons Nos résultats respectent les normes recom-
mené des analyses factorielles confirmatoires mandées par Bentler et Benett (1980), Pedhazur
avec le logiciel EQS version 6.1. Grâce à la bat- et Pedhazur Schmelkin (1991), Roussel et al.
terie d’indices qu’elle fournit, la méthode des (2005). L’analyse des valeurs des indices ainsi
équations structurelles nous a permis de vérifier que la faible valeur des résidus nous a permis de
le bon ajustement de notre modèle de mesure confirmer la structure générale du modèle et
avec les données collectées. l’existence d’un lien fort entre les données et le
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
➣ Indices d’ajustement modèle de recherche.
Les résultats que nous avons obtenus font ap- ➣ Fiabilité du modèle :
paraitre un bon ajustement de notre modèle de La fiabilité se présente comme la « qualité
mesure. Le tableau 9 présente les principaux in- d’un instrument de mesure qui, appliqué plu-
dices obtenus : sieurs fois à un même phénomène, doit donner

Tableau 9 : Indices d’ajustement de l’échelle de la perception de la RSE par les salariés

Nom de l’Indice d’Ajustement Modèle Normes Reconnues

χ2 106.221 -
degrés de liberté (ddl) 24 -
Rapport χ2/ddl 4.425 < 5, si possible < 3 (Pedhazur et Pedhazur Schmelkin, 1991)
GFI 0.981 ≥ 0.9 (Bentler et Benett, 1980 ; Pedhazur et Pedhazur
Schmelkin, 1991)
AGFI 0.964 ≥ 0.9 (Bentler et Benett, 1980)
RMSEA 0.050 < 0.08, si possible à 0.05 (Roussel, 2005)
SRMR 0.034 ≤ 0.05 Acceptable jusqu’à 0.10
NFI 0.961 ≥ 0.9 (Bentler et Benett, 1980)
NNFI 0.954 ≥ 0.9 (Bentler et Benett, 1980)
CFI 0.969 ≥ 0.9 (Bentler et Benett, 1980)

15
N° 83 - JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page16

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

les mêmes résultats » (Evrard, Pras et Roux,


1993, p. 586). Pour vérifier la fiabilité de
DISCUSSION DES RÉSULTATS
l’échelle construite, les analyses factorielles ET CONCLUSION
confirmatoires permettent de tester la fiabilité
Le premier résultat concerne la structure tri-
interne à travers l’examen du rhô de Jöreskog
dimensionnelle de l’échelle qui correspond par-
(Jöreskog, 1971). Dans notre modèle, il corres- faitement à la représentation emblématique du
pond à 0.86 pour l’échelle globale, ce qui est développement durable sous la forme des trois
jugé très satisfaisant et permet de conclure à la cercles ou des trois piliers. A contrario, ce résul-
fiabilité de notre échelle de mesure. L’avantage tat contredit d’autres représentations de la RSE
du rhô de Jöreskog est qu’il est moins sensible ou du développement durable qui ajoutent un
au nombre d’items par facteur et plus adapté aux quatrième cercle/pilier tel que, par exemple, la
méthodes d’équations structurelles. gouvernance. Autre résultat intéressant la vali-
dation de la conception largo sensu du « so-
Les rhô de Jöreskog des trois dimensions
cial », c’est-à-dire la conception du sociétal car
économique, environnementale et sociale sont l’un des deux items de la dimension sociale fait
supérieurs à 0.7, seuil indiquant la bonne fiabi- référence aux « quartiers sensibles » et à l’inté-
lité de l’échelle. Ils représentent successivement gration des jeunes de ces quartiers.
une valeur de 0.75 ; 0.80 et 0.75. Ces résultats
La dimension économique mérite d’être com-
ont révélé une très bonne fiabilité de l’échelle de
mentée : elle intègre à la fois la chaîne d’appro-
perception de la RSE par les salariés. visionnement (item 2 de l’annexe 1) et la chaîne
➣ Validité du modèle : de valeur par les clients (item 3). D’un autre côté,
concernant la dimension environnementale, la
Selon Bagozzi (1981); Evrard, Pras et Roux
présence d’un item tel que le 4 ou le 5 (référence
(1993), la validité détermine le degré suivant le-
aux énergies) peu en rapport avec l’activité de la
quel une échelle de mesure arrive à mesurer le Mutuelle permet de considérer qu’il existe, au-
construit auquel elle renvoie. La validité de cette delà des facteurs de contingences, une concep-
échelle est examinée à travers la validité conver- tion assez universelle des thèmes de la RSE et du
gente et la validité discriminante. développement durable. Enfin le respect des rè-
La première permet de vérifier si « différents gles de la concurrence, que nous rattachons au
indicateurs qui sont censés mesurer le même volet économique de la RSE, pourrait également
phénomène sont corrélés » (Evrard, Pras et être interprété comme représentatif d’une
conception éthique de la RSE.
Roux, 1993, p. 284). Dans notre étude, le rhô de
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
la validité convergente de la dimension écono- Notre apport d’une échelle, en conformité
mique est de 0.50, celui de la dimension envi- avec la définition généralement acceptée de la
ronnementale est de 0.57, et enfin la dimension RSE, validée sur un grand échantillon et présen-
tant de remarquables qualités psychométriques
sociale présente un rhô de 0.51. Ces valeurs sont
ouvre la voie à de nombreuses recherches en
supérieures ou égales à 0.5. Au vu de ces résul- GRH sur le thème des relations entre l’engage-
tats, nous pouvons donc conclure que la validité ment d’une entreprise dans la RSE et la mobili-
convergente est satisfaite. sation de ses RH.
La validité discriminante indique que deux Il devrait désormais être possible d’étudier
construits différents théoriquement sont aussi les conséquences de la perception de la RSE sur
distincts dans la pratique. D’après Hulland l’implication et l’engagement des salariés. De
(1999), une validité discriminante est satisfaite même une analyse de la perception de la RSE en
seulement si la racine carrée du rhô de la validité lien avec l’identification, la fierté d’apparte-
convergente de chaque dimension est supérieure nance, la loyauté organisationnelle ou les com-
aux corrélations qu’il partage avec les autres di- portements extra-rôle devrait être facilitée par
mensions. L’échelle construite satisfait pleine- l’utilisation de notre échelle.
ment cette condition d’où la validité
discriminante de l’échelle de mesure de la per- BIBLIOGRAPHIE
ception de la RSE par les salariés est donc attes- AGGERI, F., E. PEZET, C. ABRASSART and A. AC-
tée. QUIER (2005), Organiser le développement durable,

16
REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page17

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

expériences des entreprises pionnières et formation CARROLL, A. B. (1979), “A three-dimensional


de règles d’action collective, Paris, Vuibert. conceptual model of corporate performance”. Acad-
ALLOUCHE, J., M. CHARPENTIER and C. GUILLOT- emy of Management Review vol. 4 (4), pp. 497-505.
SOULEZ (2004), “Un panorama des études acadé- CARROLL, A. B. (1991), “The pyramid of corpo-
miques sur l’interaction performances rate social responsibility : Toward the moral manage-
sociales/performances économiques et financières”, ment of organizational stakeholders”. Business
paper presented at the Congrès de l’AGRH. Horizons, vol. 34, July-August, pp. 39-48.
ALLOUCHE, J. and P. LAROCHE (2005), “Respon- CARROLL, A. B. (1999), “Corporate social respon-
sabilité sociale et performance financière des entre- sibility”. Business & Society, vol. 38, no. 3, p. 268.
prises”, paper presented at the actes du colloque RSE CAZAL, D. (2008), “Parties prenantes et rse : Des
du GREFIGE-CEREMO. enjeux sociopolitiques au-delà des contrats”. Revue
ALVARADO, H. A. (2007), Responsabilidad social de l’organisation responsable, vol. 3, no. 1, pp. 12-
empresarial percibida desde una perspectiva soste- 23.
nicéntrica, y su influencia en la reputación de la em- CHARBONNIER, A. (2009), “Création et validation”
presa y en el comportamiento del turista. . Universitat Revue de l’organisation responsable, vol. 3, no. 1,
de València, España (Tesis doctoral). pp. 12-23.
Argyris, C. and D. Schön (1978), Organizational CHARBONNIER, A. (2009), “Création et validation
learning: A theory of action perspective, reading, d’une échelle de mesure de l’agilité organisation-
mass: Addison wesley. nelle: Étude exploratoire et confirmatoire”, paper pre-
AUPPERLE, K. E., A. B. CARROLL and J. D. HAT- sented at the 20e Congrès de l’AGRH, City.
FIELD (1985), “An empirical examination of the rela- CHURCHILL, G. A. (1979), “A paradigm for devel-
tionship between corporate social responsibility and oping better measures of marketing constructs”.
profitability”. Academy of Management Journal, Journal of Marketing Research, vol. vol. 16, no. Feb,
vol. 28, no. 2, pp. 446-463. pp. 64–73.
BAGOZZI, R. P. (1981), “An examination of the va- CLARKSON, M. E. (1995), “A stakeholder frame-
lidity of two models of attitude”. Multivariate Behav- work for analyzing and evaluating corporate social
ioral Research vol. 16, no. July, pp. 323-359. performance”. Academy of Management Review,
vol. 20, no. 1, pp. 92-117.
BARNETT, M. L. (2007), “Stakeholder influence
capacity and the variability of financial returns to cor- COLLIER, J. and R. ESTEBAN (2007), “Corporate
porate social responsibility”. Academy of Manage- social responsibility and employee commitment”.
ment Review, vol. 32, no. 3, pp. 794-816. Business Ethics: A European Review, vol. Vol 16,
pp. 19-33.
BENRAISS, L. (2004), “Méthodologie de construc-
tion d’une échelle de mesure: Application du para- De LOS SALMONES, M. D. M. G., A. H. CRESPO
digme de churchill”, paper presented at the and I. R. G. DEL BOSQUE (2005), “Influence of cor-
15e Congrès de l’AGRH. porate social responsibility on loyalty and valuation
of services”’. Journal of Business Ethics, vol. 61, no.
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
Bentler, P. M. (1990), ‘Comparative fit indexes in 4, pp. 369-385.
structural models’. Psychological Bulletin vol. 107,
DESBARATS, I. (2003), “Codes de conduite et
pp. 238–246. chartes éthiques des entreprises privées. Regard sur
BENTLER, P. M. and D. G. BENNET (1980), “Sig- une pratique en expansion”. La Semaine Juridique,
nificance tests and goodness of fit in the analysis of Edition Générale, vol. n° 9, pp. 337-343.
covariance structures”. Psychological Bulletin, vol. DONALDSON, T. and L. E. PRESTON (1995), “The
88, pp. 588-606. stakeholder theory of the corporation: Concepts,
BHATTACHARYA, C. B. and S. SEn (2004), “Doing evidence and implications”. Academy of Manage-
better at doing good: When, why, and how consumers ment Review, vol. vol.20, n° 1.
respond to corporate social initiatives”. California EVRARD, Y., B. PRAS and (2000), Market, études
Management Review, vol. 47, no. 1, pp. 9-24. et recherches en marketing, Dunod.
BLAU, P. (1964), Exchange and power in social FREEMAN R.E. (1984), Strategic management: A
life. New York: Wiley. stakeholder approach,, Pitman, Boston.
BOWEN, H. R. (1953), Social responsibilities of GAVIN, J. F. and W. S. MAYNARD (1975), “Percep-
the business man, New York ; Harper & Row. tions of corporate social responsibility”. Personnel
BURTON, B., J. FARH and H. HEGARTY (2000), “A Psychology, vol. 28, no. 3, pp. 377-387.
cross cultural comparison of corporate social respon- GOND, J.-P. and A. MULLENBACH-SERVAYRE
sibility orientation: Hong kong vs. United states stu- (2003), “Les fondements théoriques de la responsa-
dents”. Teaching Business Ethics vol. 4, pp. 151-167 bilité sociétale de l’entreprise”. Revue des Sciences
CAPRON, M. and F. Q.-. LANOIZELÉE (2007), La de Gestion, vol. n° 205, pp. pp 93-116
responsabilité sociale d’entreprise, Collection Re- GOND, J.-P. and Al (2009), “Corporate activities
père, Éditions la Découverte, Paris. and effects thereof that are oriented towards one or

17
N° 83 - JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page18

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

more stakholder groups”, paper presented at the PEDHAZUR, E. J. and L. P. SCHMELKIN (1991),
Academy of management City. Measurement, design, and analysis: An integrated
HAIR, J., W. BLACK, B. BABIN, R. Anderson and approach, Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associ-
R. TATHAM (2005), Multivariate data analysis: Pren- ates.
tice Hall, New Jersey. PETERSON, D. K. (2004), “The relationship be-
HULLAND, J. S. (1999), “Use of partial least tween perceptions of corporate citizenship and orga-
squares (pls) in strategic management research: A re- nizational commitment”. Business & Society, vol. 43,
view of four recent studies”. Strategic Management no. 3, pp. 296-319.
Journal, vol. 20, pp. 195-204. ROSÉ, J.-J. (2006), Responsabilité sociale de l’en-
IGALENS, J. and J.-P. GOND (2003), “La mesure de treprise : Pour un nouveau contrat social, De Boeck:
la performance sociale de l’entreprise : Une analyse Bruxelles.
critique et empirique des données arese”. Revue de ROUSSEL, P. (2005), “Méthodes de développe-
Gestion des Ressources Humaines, vol. 50, pp. 111- ment d’échelles pour questionnaires d’enquête”, in
130. P. Roussel & F.Wacheux (eds), Management des res-
IGALENS, J. (2008), La responsabilité sociale sources humaines : Méthodes de recherche en
d’entreprise, Paris, puf, (collection “Que sais-je ?”). sciences humaines et sociales, Bruxelles : De Boeck.
IGALENS, J. and P. ROUSSEL (1998), Méthodes de ROUSSEL, P., F. DURRIEU, E. CAMPOY and A. E.
recherche en gestion des ressources humaines, Eco- Akremi (2002), Méthodes d’équations structurelles :
nomica. Recherches et applications en gestion, Paris : Econo-
mica
IGALENS, J. and S. POINT (2009), Vers une nou-
velle gouvernance des organisations: L’entreprise SWAEN, V. R. and R. CHUMPITAZ C (2008), “L’im-
face à ses parties prenantes, Dunod, Paris. pact de la responsabilité sociétale de l’entreprise sur
IMBS, P. (2005), “Conclusion génrale”, in P. Imbs la confiance des consommateurs. (french)”. Re-
(ed), L’entreprise exposée à des responsabilités élar- cherche et Applications en Marketing, vol. 23, no. 4,
gies, éd.EMS Paris. pp. 7-35.
JÖRESKOG, K. G. (1971), “Statistical analysis of a TAHRI, N. (2010), “Les effets psychosociolo-
set of congeneric tests”. Psychometrica, vol. 36, giques des pratiques socialement responsables sur les
pp. 109-133. comportements des salariés au travail, étude explo-
ratoire”. Revue Internationale de Psychosociologie,
Livre Vert (2001), Promouvoir un cadre européen vol. Volume XVI no. n° 38, printemps, pp. 209-225.
pour la responsabilité sociale des entreprises, com-
mission de la communauté européenne, Bruxelles. TAJFEL, H. and J. C. TURNER (1986), “The social
identity theory of intergroup behavior”, in S. Worchel
MAIGNAN, I. and O. C. FERRELL (2000), “Measur- & W. G. Austin (eds), The psychology of intergroup
ing corporate citizenship in two countries: The case relations, Chicago: Nelson-Hall.
of the united states and france”. Journal of Business
Ethics, vol. 23, no. 3, pp. 283-297. TURKER, D. (2009), “Measuring corporate social
responsibility: A scale development study”. Journal
MAIGNAN, I., O. C. FERRELL and G. T. M. HULT of Business Ethics, vol. 85, no. 4, pp. 411-427.
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)
(1999), ‘Corporate citizenship: Cultural antecedents
and business benefits’. Journal of the Academy of WARTICK, S. L. and P. L. COCHRAN (1985), “The
Marketing Science, vol. 27, no. 4, p. 455. evolution of the corporate social performance
model”. Academy of Management Review, vol. 10,
MITCHELL, R. K., B. R. Agle and D. J. WOOD no. 4, pp. 758-769.
(1997), ‘Toward a theory of stakeholder identification
and salience: Defining the principle of who and what WOOD, D. J. (1991), ‘Corporate social perform-
really counts’. Academy of Management Review, ance revisited’. Academy of Management Review,
vol. 22, no. 4, pp. 853-886. vol. 16, no. 4, pp. 691-718.
ORLITZKY, M., F. L. SCHMIDT and S. L. RYNES ZAHRA, S. A. and M. S. Latour (1987), ‘Corporate
(2003), “Corporate social and financial performance: social responsibility and organizational effectiveness:
A meta-analysis”. Organization Studies, vol. 24, A multivariate approach’. Journal of Business Ethics,
no. 3, pp. 403-441 vol. 6, no. 6, pp. 459-467.

18
REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
3-19_Chap.1_Igalens_Mise en page 1 09/01/12 13:12 Page19

Perception de la RSE par les salariés : construction et validation d’une échelle de mesure

Annexe 1 : Échelle de mesure de la RSE perçue par les salariés

Ni
Pas du Assez Tout
Etes-vous en accord ou en désaccord d’accord, Assez Je ne
tout peu à fait
avec les propositions suivantes : ni pas d’accord sais pas
d'accord d’accord d’accord
d’accord

A votre avis, votre entreprise :

1. Respecte les règles de la concurrence. c c c c c c

2. Coopère durablement avec ses fournisseurs. c c c c c c

3. Garantit à ses clients la sécurité des produits


ou des services. c c c c c c

4. Gère ses consommations d’énergie. c c c c c c

5. Donne la priorité aux énergies renouvelables. c c c c c c

6. Réduit ses émissions polluantes (transports, tri et


recyclage des déchets, construction bâtiments…). c c c c c c

7. Intègre des jeunes issus des quartiers dits « sensi-


bles ». c c c c c c

8. Met en œuvre une politique de diversité (handicap,


sexe, origine ethnique…). c c c c c c

9. S’engage dans l’aide aux plus démunis (handicap,


pauvreté, analphabétisme, réinsertion profession- c c c c c c
nelle…).
© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

© ESKA | Téléchargé le 02/03/2024 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 46.193.67.174)

19
N° 83 - JANVIER - FÉVRIER - MARS 2012

Vous aimerez peut-être aussi