Ce document analyse la création esthétique. Il discute plusieurs perspectives sur l'inspiration artistique, notamment la rêverie, la vision et la raison. Le document présente également des citations d'artistes décrivant leur processus créatif.
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ANALYSE DE LA CREATION ESTHETIQUE 59
imagines » (1). Réverie et recul se mélent dans cet
autre précepte : « Je sais par expérience qu’on ne tire point mince profit, quand on est au lit, dans l’obscurité, de repasser en esprit les contours essentiels des formes précédemment étudi¢es, ou autres choses dignes de remarque, con¢cues par une subtile spéculation; et cet exercice est fort utile et recommandable pour fixer les choses dans la mémoire (2). » Puvis de Chavannes dit du Ludus pro patria, dont le cadre lui est apparu d’une fenétre de chemin de fer : « La vision avait été pour moi si intense qu’il me semblait qu’une observation sur place en ett affaibli la sensation et m’aurait exposé a n’en retrouver, plus tard, qu’une image réduite, confuse et sans vie. » « Voici la forét de Sorbonne », s’exclama-t-il, en désignant une branche de sapin (3). Et Flaubert : « Les objets immédiats me semblent hideux ou bétes. Je me reporte sur l’idée. J’arrange les barques en tartanes, je déshabille les matelots qui passent pour en faire des sau- vages, marchant tout nus sur des plages vermeilles ; je pense 4 l’Inde, 4 la Chine, 4 mon conte oriental, j’éprouve le besoin d’épopées gigantesques (4). » Le symbolisme est passé maitre dans I’art de transfigurer la réalité, sous pré- texte de la suggérer ;pour Mallarmé, le soleil devient : Tonnerre et rubis aux moyeux..., tandis que : Surgi de la croupe et du bond D’une verrerie éphémére Sans fleurir la veillée amére Le col ignoré s’interrompt (x) P. pu CoLompBierR, Les plus beaux écrits des grands artistes, 1946, Pp. 25. (2) I[bid., p. 23. (3) DELACROIX, op. cit., p. 158, n. I. (4) Correspondance, II, 293. 60 LA PSYCHOLOGIE DE L’ART
représente, peut-étre, « le vase 4 la panse tourmentée,
au col aigu, qu’on a oublié de fleurir et qui semble, faute d’une rose, brusquement rompu » (1). Et, dans le surréa- lisme, le réve vient inonder le réel lui-méme, le détache- ment et l’écart sont érigés en dogme : « Comparer deux objets aussi éloignés que possible l'un de lautre, ou, par toute autre méthode les mettre en présence d’une maniére brusque et saisissante, demeure la tache la plus haute a laquelle la poésie puisse prétendre. En cela doit tendre de plus en plus 4 s’exercer son pouvoir inégalable, unique, qui est de faire apparaitre P’unité concréte de deux termes mis en rapport et de communiquer 4 chacun d’eux, quel qu’il soit, une vigueur qui lui manquait tant qu’il était pris isolément. Ce qu’il s’agit de briser, c’est Popposition toute formelle de ces deux termes; ce dont il s’agit d’avoir raison, c’est de leur apparente disproportion qui ne tient qu’a l’idée imparfaite, infantile qu’on se fait de la nature, de l’extériorité du temps et de Vespace. Plus l’élément de dissemblance immédiat parait fort, plus il doit étre surmonté et nié. C’est toute la signification de l’objet qui est en jeu (2). » Certes, cette distraction sublime qu’est le renoncement au réel, 4 sa lumiére cruelle qui isole les objets et les tient prisonniers, cette réverie visionnaire ou explosive en quoi elle se termine, cette imconscience (plutét qu’incons- cient), joue dans la création esthétique un réle qu’il serait vain de nier. Mais, d’abord, elle ne saurait rendre compte d’une foule d’ceuvres qui semblent procéder de la réalité et y aboutir : la part de la réverie est mince dans Madame Bovary, chez Tolstoi, dans le dessin d’un gratte- ciel aux lignes pourtant pures. Il ne faut pas mésestimer (x1) E. Duyarvin, Mallarmé par un des siens, 1936, p. 45. (2) A. BRETON, Les vases communicants. ANALYSE DE LA CREATION ESTHETIQUE 61
le sérieux et la qualité des calculs esthétitiques auxquels
se livre la virtuosité d’un Poe, d’un Valéry, d’un Webern. Et surtout, il faut bien reconnaitre que, 4 faire remonter Poeuvre d’art 4 l’expérience visionnaire ou schizoide de Partiste, on ne gagne qu’une confirmation de ce que nous avait déja appris l’analyse des théses extatique et onirique : Vessentiel est toujours de comprendre la source de Pimage qui va se déployer dans l’ceuvre ; l’important, cest d’élucider le mécanisme de cette incarnation de la vision impérieuse et fulgurante dans l’ordre du chef- d’ceuvre ; dire : je suis inspiré, je réve, je dérégle les sens, la réalité, Pobjet, ne suffit pas; il faut pouvoir dire pourquoi mes réves et mes déréglements basculent vers telle vision, et non vers telle autre; et pourquoi ils s’épuisent en telle ceuvre précisément, et comment ils la font étre. Aussi bien, toutes les solutions rendant compte de Pinspiration par le mystére — de l’extase, de la fantas- magorie onirique, de la déréalisation visionnaire — se révélant rapidement assez logomachiques, I’on est tenté d’aborder le probléme par l’autre extrémité, c’est-a-dire par la raison. « J'ai souvent pensé a lintérét qu’offrirait un article de revue écrit par n’importe quel auteur qui voudrait — j’entends, qui pourrait — analyser pas 4 pas la marche progressive de l’une quelconque de ses ceuvres jusqu’au dernier terme de son accomplissement », dit Poe dans La philosophie de la composition (1). Et il ajoute « Pouvrage (Le Corbeau) a marché pas a pas, vers son achévement avec la précision et la logique rigide d’un probléme mathématique ».
(x1) Trad. R. Latou, Trois manifestes, Charlot, 1946, pp. 55 sqq.
62 LA PSYCHOLOGIE DE L’ART
« La source d’inspiration, la nature du sujet, le carac-
tére spécial d’originalité, la longueur du développement, le mode d’exécution, les détails de métre, de rythme, de refrain, etc., tout aurait été l’objet d’un choix froidement délibéré. Ainsi le poéte aurait, de parti pris, visé 4 une originalité qui satisfait 4 la fois le gotit populaire et le gout critique. I] a ensuite voulu concentrer tout l’intérét de son sujet en un court ensemble d’une centaine de vers qui, sans fatigue pour le lecteur ou l’auditeur, maintint Punité du sujet. I] s’est rappelé, entre autres choses, que, la Beauté étant la seule province légitime du poéte, cette Beauté ne pouvait mieux émouvoir lame que par la mélancolie. Or, qu’est-il au monde de plus mélancolique que la mort, et dans la mort de plus mélancolique que la beauté d’une femme aimée ? L’4me du sujet sera donc la douleur d’un amant pleurant son amie perdue. II n’est rien, d’autre part, de plus puissant pour inculquer pro- fondément une impression que la répétition d’un refrain, surtout si, court et sonore, ce refrain sait en ses appli- cations, varier ses effets d’une strophe 4 l’autre. Or, il est un refrain dont la bréve et triste sonorité s’impose a une ame endeuillée : c’est mevermore. Mais qui répétera ce mot ? Ce ne sera pas un étre humain, c’est-a-dire raisonnable ; un perroquet serait absurde : ce sera un corbeau. A l’angoisse de l’amant abattu, le sinistre oiseau de deuil ne saura adresser que son cruel vocable : nevermore, banal d’abord, troublant a la longue, accablant enfin. Cet implacable écho de la fatalité, arrachant le morne réveur 4 son abattement primitif, le plongera graduellement en un abime de désespoir ou, a la supers- titieuse terreur du mystére, se mélera la douloureuse volupté des souffrances complaisantes. Reste l’exécution de ce plan laborieux. Par ot commencer ? Par la strophe