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1
Cet article est basé sur notre communication (de même titre) délivrée lors du troisième
colloque international « Langues et linguistique mandé », qui s’est tenu du 14 au 17
septembre 2011 dans les locaux du laboratoire LLACAN du CNRS, à Villejuif. Le présent
texte a été remis à jour en septembre 2012.
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d’Ivoire. Or, le fait que les Soninkés ne soient dominants numériquement dans aucun
de ces pays et qu’ils constituent une importante diaspora (c’est la principale
communauté africaine en France) les incite à renforcer leur identité ethnique au
détriment de leur appartenance nationale. De plus, des provinces traditionnelles
soninké telles que le Gadyaga et le Guidimakha sont divisées entre le Mali et le
Sénégal pour la première, et entre le Mali et la Mauritanie pour la seconde.
Depuis les années 1980, la langue soninké occupe une place importante dans
divers médias de type oral. Ainsi, il existe une importante discographie soninké
(cassettes et CDrom) vendue dans toute la communauté. Il existe aussi des films en
soninké, un peu artisanaux et enregistrés sur DVD, qui connaissent un grand succès.
Dans les radios rurales très présentes en Afrique occidentale, le soninké a également
trouvé sa place. On peut par exemple citer la « Radio rurale de Kayes » (au Mali),
particulièrement active, qui émet essentiellement en soninké.
En ce qui concerne le domaine de l’écrit, on ne sera pas étonné que les Soninkés
et leur langue aient eux aussi fait leur apparition sur Internet. On constate que les
utilisateurs sont dispersés dans le monde entier ; cela permet de maintenir des liens
entre tous les membres de la diaspora. En 2012, on dénombre tout à la fois des sites
Web consacrés à la langue et à la culture soninké, des groupes Facebook qui se
réclament de la langue et de la culture soninké, des sites transnationaux, des sites de
municipalités dans le pays soninké, des sites d’ONG travaillant en pays soninké et
des blogs personnels (souvent musicaux) se réclamant d’une identité soninké.
Notre corpus de départ comprenait une quarantaine de sites et de blogs
spécifiquement soninké ou installés dans des régions soninké. Pour le présent article,
nous avons retenu uniquement ceux qui se consacrent de façon importante ou
partielle à la langue et à la culture soninké (treize sites d’associations et cinq blogs de
militants de la langue et de la culture). Ces sites et blogs peuvent être localisés aussi
bien en Afrique qu’à l’extérieur du continent.
Nous avons ainsi exclu de cette recherche un certain nombre de sites, centrés sur
les questions de développement, qui sont entièrement en français et qui ne
contiennent que très rarement des textes en soninké ou sur la langue soninké.
Nous n’avons pas non plus retenu douze blogs musicaux ou festifs. Il s’agit de
blogs communautaires fréquentés par les jeunes Soninkés, qui présentent
essentiellement de la musique moderne, des chansons et de nombreuses photos.
direction de ce « réseau social » supprime périodiquement ceux qu’elle juge trop peu
actifs. Fin septembre 2012, nous avons dénombré environ 125 groupes de plus de 10
membres, qui se réclament d’une identité soninké2.
À cette date, les groupes Facebook les plus importants numériquement (avec plus
de 1 000 membres) étaient les sept suivants : le groupe « Mouvement Soninkara
Wagadou Rèmou » avec 4 154 membres ; le groupe « Marenmou Soninkho o
Yanibaane Yade » avec 3 294 membres ; le groupe « Soninkara Gnime : La Racine
Soninké » avec 2 230 membres ; le groupe « Sooninkara Reemou (liberté
d’expression) » avec 1 867 membres ; le groupe « Soninkara.com » avec 1 283
membres ; le groupe « Rap Soninké » avec 1 252 membres ; le groupe « Soninkaxu »
avec 1 035 membres3. Dans ces groupes, tous les sujets sont abordés, et pas
uniquement les questions linguistiques.
Il existe aussi des groupes plus restreints, qui se consacrent uniquement à la
langue, notamment, en fin septembre 2012 : le groupe « Apprendre le Soninké de
base » avec 833 membres ; le groupe « Académie Soninké » avec 252 membres ; le
groupe « Soninkara : Proverbes / Citations Soninké » avec 220 membres ; le groupe
« Sooninke Renme an Xannen Safa » avec 102 membres4. Ces groupes, plus sélectifs
ou plus spécialisés, regroupent moins de membres.
2
À titre de comparaison, à la date du 20 septembre 2012, parmi les groupes
communautaires de plus de 10 membres, nous avons dénombré environ 120 groupes peuls
(y compris du Nigeria) et 15 groupes manjak (ethnie originaire de Guinée Bissau, ayant une
diaspora très importante au Sénégal et en France).
3
En mars 2013, les effectifs de ces sept groupes étaient passés aux chiffres suivants :
groupe « Mouvement Soninkara Wagadou Rèmou », 4 250 membres ; groupe « Marenmou
Soninkho o Yanibaane Yade », 3 639 membres ; groupe « Soninkara Gnime : La Racine
Soninké », 2 292 membres ; groupe « Sooninkara Reemou (liberté d’expression) », 1 975
membres ; groupe « Soninkara.com », 1 476 membres ; groupe « Rap Soninké », 1 340
membres ; groupe « Soninkaxu », 2 126 membres. On peut remarquer l’augmentation très
rapide des effectifs de ce dernier groupe en l’espace de quelques mois : la raison semble être
son contenu de haute qualité, avec de nombreuses informations historiques et culturelles,
extraites d’ouvrages de chercheurs et universitaires, spécialistes de l’Afrique. Par ailleurs,
en mars 2013, un autre groupe Facebook avait dépassé les 1 000 membres : « soninko
nkeffo.com » avec 1 333 membres.
4
En mars 2013, les effectifs de ces groupes étaient passés aux chiffres suivants :
« Apprendre le Soninké de base », 971 membres ; « Académie Soninké », 249 membres ;
« Soninkara : Proverbes / Citations Soninké », 221 membres ; « Sooninke Renme an
Xannen Safa », 132 membres. De plus, deux nouveaux groupes, consacrés à l’étude de la
langue soninké, commençaient à bien se développer » : « Apprendre le soninké » avec 257
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Gérard Galtier
Les langues utilisées dans ces groupes sont soit le français (en majorité), soit le
soninké écrit avec une orthographe française, soit le soninké écrit selon les normes
officielles (c’est, entre autres, le cas dans les groupes restreints cités ci-dessus).
Examinons maintenant les treize sites et les cinq blogs que nous avons retenus
pour la présente étude.
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culturelles : histoire, langue, traditions, origine des clans et familles, etc. Il est
principalement en français, cependant on y trouve des textes bilingues soninké-
français, notamment des contes. L’orthographe utilisée respecte les conventions
officielles, sauf pour la nasale palatale et la nasale vélaire transcrites respectivement
ny et nw. Ce site est lié au groupe Facebook Soninkaxu, très actif, ce qui lui permet
d’élargir son audience auprès des internautes soninké.
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« Société internationale de linguistique » en français ou « Summer Institute of
Lingusitics » en anglais : société protestante dont l’objectif est de traduire la Bible dans
toutes les langues du monde.
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Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké
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Gérard Galtier
Il faut noter qu’il existe beaucoup de poésies en soninké dans ces différents sites
ou blogs.
En ce qui concerne la transcription de la langue, on peut observer dans la plupart
des sites ou blogs un désir de suivre les normes officielles pour la notation du
soninké. Néanmoins, bien souvent, il ne s’agit pas de l’orthographe institutionnalisée
par tel ou tel État, mais plutôt des propositions du Séminaire de Bakel de novembre
1995, auquel ont participé des linguistes soninké venant de différents pays africains.
En pratique, les problèmes ou divergences viennent surtout de la notation de la
nasale palatale (ñ / ɲ) et de la nasale vélaire (ŋ), des formes dialectales en [f] ou en
[h], des alternances initiales et des marques du pluriel. Par exemple, la consonne
nasale palatale est souvent notée avec la lettre n surmontée d’un croissant comme en
tchèque (ň) et elle peut aussi être remplacée par le digraphe ny.
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Les divergences dialectales apparaissent essentiellement au niveau phonétique
superficiel. Au niveau phonologique sous-jacent du diasystème soninké, on retrouve
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Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké
certains sons, etc. Les tendances dégagées fournissent ainsi des solutions pour la
standardisation de la langue écrite.
Rappelons d’abord ci-dessous les principaux problèmes graphiques du soninké.
Les sons [x] et [q] sont deux réalisation phonétiques d’un même phonème défini
comme /oral, uvulaire, sourd/. En position initiale et en position postnasale, les
réalisations sont variables selon les dialectes. Par contre, en position intervocalique,
la réalisation est très stable : fricative si la consonne est simple, occlusive si la
consonne est géminée. Théoriquement ces deux sons (réalisations d’une seule forme
sous-jacente) pourraient être orthographiés avec une seule lettre (x ou q) ; néanmoins,
l’habitude s’est prise de les distinguer.
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Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké
numériquement). De même les séquences phonétiques [mb] sont toujours notées nb.
On constate aussi qu’il y a une tendance à noter la consonne géminée [qq] en position
intervocalique au moyen de la consonne simple q, dans la mesure où l’opposition
simple-géminée est aussi une opposition fricative-occlusive qui semble suffisante.
L’opposition accompli/inaccompli [toxo/toqqo] pourra donc être notée toxo/toqo.
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Gérard Galtier
Choix entre f et h
Quand il existe une correspondance entre des formes en [f] (Ouest) et des formes
en [h] (Est), ce sont généralement les formes avec f qui sont préférées, même si on
trouve de temps en temps des formes avec h.
Exemples : falle ‘dos, après’ plutôt que halle ; sefe ‘parler’ plutôt que sehe ; fana
‘premier’ plutôt que hana ; faayi ‘regarder, voilà’ plutôt que haayi.
Choix entre ns et nc
La séquence phonologique /ns/ se réalise généralement [nc] et quelquefois [ns].
Or, on constate qu’elle est toujours transcrite ns sur le Web. C’est là un point non
abordé dans le Séminaire de Bakel de 1995. Néanmoins cette transcription ns est
exactement conforme à celle qu’on trouve dans les quatre lexiques ou dictionnaires
de M. Bathily, O.M. Dantioko, O.M. Diagana et B. & S. Smeltzer ; seul le lexique de
Z. Dramé, G. Galtier & O.M. Dantioko (1979) écrit nc.
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Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké
Choix entre x et q
Le phonème consonantique uvulaire sourd pose certains problèmes de
transcription. Selon le contexte ou le parler, il peut se réaliser [x] ou [q]. Or l’on
constate les tendances suivantes. En position initiale, il est toujours noté x, y compris
par les locuteurs des parlers Est qui prononcent [q]. En position médiane simple, il est
toujours noté x (c’est un contexte où la prononciation [x] est générale). En cas de
gémination (sa réalisation étant toujours occlusive), il est généralement noté q (valant
double consonne), quelquefois qq, et quelques rares fois xx. En position médiane
prénasalisée, la séquence NC est généralement notée nq et quelquefois nx ; en
revanche, lorsque le phonème consonantique uvulaire sourd est prénasalisé en
position initiale (par la rencontre d’un autre mot possédant une nasale en position
finale) et qu’il se réalise [q], la graphie x est conservée.
De plus, on constate que l’ancienne transcription kh est très rarement utilisée. La
transcription x apparaît même dans des formes françaises. Ainsi, dans des textes en
français, on trouve fréquemment la graphie Guidimaxa au lieu de la graphie
administrative Guidimakha. On peut aussi rencontrer la lettre x dans des textes
soninké ayant une graphie francisante (exemple, xoulle au lieu de xulle ‘blanc’). Tout
cela indique que la graphie x est devenue assez populaire et a dépassé le cercle étroit
des linguistes. Le fait que la lettre x est aussi utilisée en wolof, langue dominante au
Sénégal, a pu être un facteur important.
Si l’on fait une recherche globale sur Internet avec, successivement, un certain
nombre de formes optionnelles, l’on arrive aux résultats suivants.
Terme signifiant ‘femme’ (toujours prononcé [yaxare]) :
yaxare : 299
yakhare : 1298
yahare : 4
Terme signifiant ‘demain’ ([xumbane] à l’Ouest, [qumbani] à l’Est) :
xunbane : 65
xunbani : 1
qunbane : 0
qunbani : 0
khunbane : 0
8
Le résultat 129 pour yakhare n’est pas vraiment significatif, car il s’agit
essentiellement de sites en français qui signalent quelques mots soninké en utilisant une
orthographe française.
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Gérard Galtier
khunbani : 0
Terme signifiant ‘vieillard’ ou ‘doyen’ :
xirise : 60
qirise : 3
khirise : 0
Expression signifiant ‘tes nouvelles ?’
an xubaare : 4
an xibaare : 2
an qubaare : 0
an qibaare : 0
an khubaare : 0
an khibaare : 0
Expression signifiant ‘sa langue’ ([a xanne] à l’Ouest, [a qanne] à l’Est)
a xanne : 8
a qanne : 0
a khanne : 0
Expression signifiant ‘ta langue’ ([an xanne] dans le Guidimakha, [an qanne]
partout ailleurs)
an xanne : 20
an qanne : 0
an khanne : 0
Terme signifiant ‘faire descendre’, ‘héberger’ :
yanqandi : 29
yanxandi : 8
yankhandi : 1
Terme signifiant ‘dormir’ :
xenqe : 32
xenxe : 5
khenkhe : 0
Terme signifiant ‘laver’ ([wanqi] ou [wanxi] à l’Ouest, [yanqi] à l’Est) :
wanqi : 32
wanxi » : 2
wankhi : 1
yanqi : 7
yanxi : 1
yankhi : 0
Terme signifiant ‘épouse’ :
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Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké
yaqe : 37
yaqqe : 19
yaxxe : 3
Terme signifiant ‘endroit’
noqu : 105
noqqu : 13
noxxu : 4
Expression signifiant ‘il reste’ :
a wa toqo : 8
a wa toqqo : 1
a wa toxxo : 3
Expression signifiant ‘il se couche’ :
a wa saqa : 15
a wa saqqa : 2
a wa saxxa : 1
NB : Les tendances observées ici sont conformes aux recommandations du
Séminaire de Bakel de 1995.
La nasale vélaire ŋ
La consonne nasale vélaire ŋ existe dans tous les parlers soninké et elle est notée
ŋ dans les alphabets officiels des trois pays, Mali, Sénégal et Mauritanie. Mais elle
pose des difficultés d’impression. Aussi, elle est souvent notée nw, car la suite
phonologique /–n+w–/ se transforme automatiquement en [ŋ] à la rencontre de deux
mots et car le son [ŋ] a la valeur phonologique d’une consonne double (prénasalisée)
en position médiane (intervocalique). Il faut, du reste, remarquer que, lors de la
réunion internationale de Bamako de mars 1966 sur les langues africaines, organisée
par l’Unesco, on avait proposé de noter le son [ŋ] du mandingue avec le digraphe nw.
À l’examen des sites Internet soninké, on se rend compte que le problème n’est
pas encore résolu. On rencontre la lettre ŋ dans les sites dont les animateurs sont
particulièrement compétents et vigilants. Mais on trouve assez souvent le digraphe
nw. On trouve aussi la lettre grecque Éta (η) et les notations ng et ngh. De plus, les
webmasters n’ont pas toujours su gérer ce son et celui-ci est fréquemment remplacé
par un carré blanc ou un point d’interrogation. Il arrive aussi que ŋ soit remplacé par
la lettre ñ ou par la simple lettre n : cela est le cas dans le petit lexique soninké qui est
reproduit à l’identique dans plusieurs sites, sans que des corrections aient été faites.
Si l’on fait une recherche globale sur Internet avec, successivement, un certain
nombre de formes optionnelles, l’on arrive aux résultats suivants (lorsque le son [ŋ]
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Gérard Galtier
est noté, car il faut tenir compte du fait qu’il est souvent remplacé par un carré blanc,
un point d’interrogation ou autre chose).
Terme signifiant ‘ami’ :
menjanŋe : 15
menjanwe : 5
menjaŋe : 0
menjanηe : 0
menjaηe : 0
menjanghe : 0
Terme signifiant ‘hyène’ :
turunŋe : 5
turunwe : 7
turuŋe : 13
turunηe : 2
turuηe : 9
turunghe : 1
Terme signifiant ‘oiseau’ :
yelinŋe : 2
yelinwe : 2
yeliŋe : 7
yelinηe : 2
yeliηe : 2
yelinghe : 0
La nasale palatale ɲ
La consonne nasale palatale ɲ existe dans tous les parlers soninké. Elle est notée
ñ dans les alphabets officiels du Sénégal et de Mauritanie, et ɲ dans l’alphabet
officiel du Mali. Cependant, certains internautes la transcrivent ny (ce qui était la
notation utilisée au Mali jusqu’à la fin des années 1980) car la lettre ɲ et même la
lettre ñ posent des difficultés d’impression. Notons que, lors du Séminaire de Bakel
de 1995, il avait été proposé d’harmoniser la pratique du Mali avec celle du Sénégal
et de la Mauritanie en utilisant uniquement la lettre ñ, mais cette recommandation n’a
pas été entérinée par le Mali.
À l’examen des sites Internet soninké, on se rend compte que le problème n’est
pas encore complètement résolu. Cependant, la notation ñ arrive en tête. On trouve
assez souvent le digraphe ny, et parfois les digraphes ni et gn. La notation ɲ, officielle
au Mali, est très peu utilisée par les scripteurs maliens qui préfèrent parfois utiliser la
lettre ñ par souci d’harmonisation avec leurs collègues du Sénégal et de Mauritanie
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Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké
(les occurrences de la lettre ɲ proviennent généralement des textes mis en ligne par la
SIL de Kayes, qui est très bien outillée). Il arrive enfin que l’on utilise la lettre n
surmontée d’une demi-boucle (ň comme en tchèque) pour remplacer ñ.
Si l’on fait une recherche globale sur Internet avec, successivement, un certain
nombre de formes optionnelles, l’on arrive aux résultats suivants.
Terme signifiant ‘artisan’ ou ‘homme de caste’ :
ñaxamala : 97
nyaxamala : 30
ɲaxamala : 4
niaxamala : 34
gnaxamala : 3
Terme signifiant ‘chameau’ ou ‘dromadaire’ :
ñogome : 13
nyogome : 7
ɲogome : 5
niogome : 0
gnogome : 5
Terme signifiant ‘se réjouir’ :
ñaxali : 8
nyaxali : 5
ɲaxali : 6
niaxali : 0
gnaxali : 0
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Gérard Galtier
L’examen des sites Web montre aussi que beaucoup d’internautes, malgré
l’existence du système Unicode, ont de la peine à reproduire les lettres phonétiques ŋ
et ɲ. Il est probable que l’utilisation croissante d’Internet par les Soninkés amènera
une solution à ce problème, dans un contexte où les États perdent de leur influence :
soit adoption par les utilisateurs d’équivalents tels que des digraphes ; soit fabrication
par les sociétés informatiques de nouveaux claviers mieux adaptés aux langues
africaines, ainsi que beaucoup l’espèrent.
Conclusion
Un élément très frappant est l’inexistence des sites officiels gouvernementaux.
On aurait pu s’attendre à ce qu’il y ait une présence de la langue soninké sur les sites
officiels de pays tels que le Mali et le Sénégal qui ont encouragé l’introduction des
langues nationales (dont le soninké) dans certains secteurs éducatifs (notamment
l’enseignement primaire au Mali). Or, à part l’organigramme des ministères
concernés, rien n’apparaît lorsque l’on fait des recherches sur Internet. Le
développement de la langue et de la culture soninké sur le Web est donc le fait de la
société civile, d’associations et de personnes militantes, mais nullement le fait des
autorités nationales.
Comme auparavant, l’expression écrite du soninké continue à être largement
favorisée par le phénomène migratoire. Grâce aux migrants, l’usage de cette langue
est apparu sur Internet, ce qui profite aussi à toutes les communautés soninké des
pays d’origine. Lire et écrire le soninké est désormais possible pour tous les
utilisateurs des nouveaux médias, sans intermédiaire institutionnel et malgré
l’absence d’un secteur éditorial.
En examinant les sites Web de la communauté, on constate un processus de
standardisation fondé sur la pratique et non la théorie. Internet vient ainsi confirmer
ou compléter les apports des séminaires internationaux tels que celui de Bakel en
1995, ainsi que les travaux fait par des linguistes ou des pédagogues travaillant aussi
bien dans les pays d’origine qu’à l’étranger. Cette standardisation s’opère largement
autour du « soninké de l’Ouest » parlé au Gadyaga et au Guidimakha, dans la « zone
des trois frontières » qui est le principal foyer de l’émigration soninké. En outre, ce
soninké de l’Ouest est commun au Mali, à la Mauritanie et au Sénégal.
Aussi, malgré le partage des Soninkés entre différents États africains, malgré leur
dispersion dans le monde, la langue continue à les unifier. Internet vient renforcer ce
phénomène et est en train de devenir l’un des nouveaux véhicules de la culture
soninké moderne.
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Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké
Bibliographie
Bathily, Mody. Dictionnaire soninké/français - français/soninké. Rouen : Librairie
Dades, 2008, 460 p.
Collectif. Rapport du « Séminaire sous-régional sur l’harmonisation de
l’orthographe du soninké ». Bakel : Centre d’échanges et de formation pratique
(CEFP), novembre 1995, 9 p.
Dantioko, Oudiary Makan. Dictionnaire soninké-français. Bamako : Éditions
Jamana, 2003, 244 p.
Diagana, Ousmane Moussa. Dictionnaire soninké-français. Paris : Karthala, 2011,
260 p.
Dramé Z., Galtier G. & Dantioko O.M. Lexique soninké-français. Bamako :
DNAFLA, 1979, 116 p.
Galtier, Gérard. Le Soninké (Sarakolé) : syllabaire et grammaire. Paris : chez
l’auteur, 1971, 44 p.
Galtier, Gérard. Problèmes actuels de la transcription du soninké au Mali et au
Sénégal. Niamey : Communication à la Réunion d’experts de l’Unesco sur la
transcription des langues africaines, 1978, 10 p.
Galtier, Gérard. Problèmes dialectologiques et phonographématiques des parlers
mandingues. Thèse pour le doctorat de 3e cycle de linguistique, Université de
Paris VII, 1980, 450 p.
Gomez Mont, Carmen. Technologies de la communication et traditions sociales dans
les communautés indigènes du Mexique. Hermès 48, 2007, pp. 213-219.
Kiyindou, Alain. Réseaux socionumériques et solidarité. Hermès 59, 2011, pp. 117-
122.
Koulayan, Nicole. Les langues diasporiques et Internet : entre nouvelle territorialité,
résistance identitaire et partage des savoirs. Hermès 45, 2006, pp. 139-145.
Proulx, Serge. Des nomades connectés : vivre ensemble à distance. Hermès, 51,
2008, pp. 155-160.
Smeltzer, Brad & Susan. Lexique soninké-français-anglais – Index français-soninké
et anglais-soninké. Bamako : SIL, 2001, 234 p.
Vannini, Laurent, & Le Crosnier, Hervé (dir.). Net.lang : réussir le cyberespace
multilingue. Caen : C&F Éditions et Réseau Maaya, 2012, 480 p.
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Gérard Galtier
Résumé :
Les nouveaux sites Internet de la communauté soninké
et la standardisation de la langue
Depuis quelques années la langue soninké a fait son apparition sur Internet. On y trouve
des sites d’associations et des blogs de militants qui se consacrent à la défense et à
l’illustration de leur langue et de leur culture. Le principal de ces sites est Soninkara.com
(basé à Paris) qui a été créé en 2001. Parmi les autres sites, il faut notamment citer Soobe, le
site de l’Association culturelle des Soninkés en Egypte. Ces sites ont souvent été créés pour
des besoins de contact dans une diaspora dispersée aux quatre coins du monde. Ils donnent
une tribune à la langue soninké, qui avait eu de la peine, jusqu’à présent, à trouver sa place
dans l’édition papier. Ils permettent aussi une standardisation fondée sur la pratique et non
la théorie. Celle-ci s’opère autour du « soninké de l’Ouest » parlé au Gadyaga et au
Guidimakha dans la « zone des trois frontières » (Mali, Mauritanie et Sénégal) qui est le
principal foyer de l’émigration soninké.
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