Chapitre 1 Négociations
Chapitre 1 Négociations
Chapitre 1 Négociations
Négociation commerciale
1.1 Introduction
Voici les trois principales raisons pour lesquelles, en général, on a bien raison de vouloir suivre un cours,
sur les négociations :
La première de ces raisons est que la négociation est omniprésente, elle touche de multiples aspects de
nos vies.
Dans notre vie privée nous négocions, à la maison, dans nos activités quotidiennes, par exemple,
avec notre banquier.
Dans la sphère professionnelle, nous négocions au sein de l'organisation qui nous emploie.
Et enfin dans la vie publique se jouent des négociations, politiques, diplomatiques, auxquelles
nous ne participons pas forcément, mais que aimerions mieux analyser, et ce cours vous y
aidera.
Certaines de ces négociations sont internes au sein d'une entreprise, d'une organisation, entre collègues
par exemple, et d'autres sont externes, elles vont impliquer deux organisations entre elles. Ce cours
vous présentera des méthodes dont l'utilité a été prouvée dans toutes ces configurations.
Distinction suivante :
Une négociation peut être formelle ou bien informelle. Quand vous rencontrez l'avocat d'un client pour
discuter d'un contrat, ou quand un manager rencontre des représentants syndicaux, tout le monde sait
qu'il s'agit d'une négociation, c'est explicite. Et il y a un certain nombre de règles à respecter dans la
manière de procéder. Mais quand vous retrouvez des collègues autour d'un café, et que tout le monde
est en train de touiller son café pendant qu'on discute du projet bidule, quand on observe bien, c'est
aussi une négociation qui se déroule, mais une négociation implicite, chacun garde à l'esprit ses propres
préférences, ses contraintes, et tout en essayant de guider la conversation vers une conclusion qui lui
semble plus conforme à sa vision des choses. On est bien en train de négocier. Alors, dans ce cours, nous
aborderons à la fois les négociations implicites ou informelles, et les négociations explicites ou
formelles ; enfin, ça arrive de négocier avec son patron ; ou avec les gens que nous encadrons, quand
bien même nous sommes leur supérieur.
Dans ces relations verticales, effectivement, un autre élément change la dynamique de négociation,
c'est l'autorité hiérarchique. Cela éteint-il toute logique de négociation? Non. Vous êtes toujours en
mesure d'influencer le processus décisionnel de votre patron, et vous devez convaincre votre équipe
que certaines mesures doivent être prises. Ce cours vous expliquera aussi comment exercer plus
d'influence, et être plus convaincant, dans les situations professionnelles notamment.
Donc voilà la première raison de suivre ce cours : la négociation, ce dont nous allons parler, est
omniprésente.
La deuxième raison est assez simple, mais mérite tout de même d'être citée : une bonne négociation
peut faire toute la différence. Qu'on se le dise, de notre capacité à bien, ou mal négocier, dépend en
grande partie le résultat final. On décroche le contrat, ou pas. La marge est bonne, ou trop faible. On
prévient un conflit, ou, au contraire, on va le laisser gagner, on va même l'alimenter par des maladresses.
Et ainsi de suite.
La troisième raison mérite aussi d'être mise en avant : bien négocier cela peut s'apprendre, et c'est
d'ailleurs une bonne nouvelle. Bien sûr les compétences relationnelles, ce qu'on appelle parfois en
Anglais les soft skills, sont utiles pour négocier ; et certains d'entre nous peuvent estimer être plus ou
moins bien dotés, doués au départ que d'autres, dans ce domaine. Mais néanmoins, une fois qu'on a
compris l'utilité de ces compétences relationnelles, il est parfaitement possible de les affûter, de les
travailler, de les renforcer. Mais surtout, une négociation efficace repose sur des principes, des outils,
des conseils, des méthodes, qui vont vous aider à faire la différence. Et il suffira de les connaître, de
faire ensuite le travail de se les approprier peu à peu. Ce cours va aborder à la fois les compétences
relationnelles clés, et vous proposer des outils de négociation qui ont fait leur preuve.
Alors si certains parmi vous pensent que l'on a rarement besoin de négocier, que de toutes façons cela
ne change pas grand chose, et que, in fine, ça ne s'apprend pas vraiment, alors vous vous êtes trompé.
Mais si vous êtes convaincu par ces trois faits-là, la négociation est omniprésente, elle a une utilité et il
y a toujours des choses à apprendre, alors vous constaterez, rapidement, la différence.
Dans cette partie, nous aborderons les trois dimensions qui constituent toute négociation. Et la plupart
des négociateurs se concentrent uniquement sur une seule de ces trois dimensions, en sous-estimant,
voire en ignorant carrément les deux autres, et c'est le début des difficultés. C'est là que les problèmes
commencent.
Il y a bien trois dimensions dans toute négociation, la dimension des personnes, qui est impliqué dans
cette négociation, la dimension des problèmes, quels sont les enjeux, quelles peuvent être les
solutions sur le fond, et enfin la dimension du processus, comment va-t-on s'y prendre ? Ces trois
dimension sont toujours présentes. Elles sont distinctes, mais interconnectées, et nous le verrons. La
plupart des négociateurs se concentrent évidemment sur la dimension des problèmes. Il faut négocier
parce qu'on veut modifier un statu quo afin de créer une situation qui soit plus favorable à une question
de fond. Mais ils ne voient donc pas les difficultés susceptibles d'apparaître dans la dimension des
personnes, les émotions, les questions de psychologie, ou bien dans la dimension du processus.
Tout se résume à ces trois dimensions et ces trois dimensions constituent déjà un bon outil d'analyse
des négociations. Depuis les situations du quotidien les plus simples jusqu'aux plus grandes négociations.
Ces trois dimensions (personnes, problèmes, processus) sont présentes lors de toutes ces négociations
majeures. Alors, au terme de ce chapitre, prenez quelques minutes pour réfléchir à une négociation en
particulier dans laquelle vous avez été impliqué, ou bien dont vous êtes le témoin, et essayez de
distinguer ces trois dimensions, qui, quoi, comment, les personnes, les problèmes, les processus. Et
vous verrez que chacune de ces dimensions va impliquer une difficulté particulière, une tension
spécifique.
Nous avons présenté les trois dimensions cruciales de toute négociation, les personnes, les problèmes,
le processus. Et dans chacune de ces dimensions, on retrouve un dilemme classique, c'est-à-dire un
choix délicat ou une tension stratégique. Il s'agit à chaque fois de prêter attention à deux pôles opposés.
Par exemple, vous devez à la fois écouter et parler. Evidemment, vous ne pouvez pas faire les deux à la
fois. Pour gérer correctement cette tension, la première étape consiste déjà à en prendre conscience.
Tout d'abord la dimension des personnes, la tension s'exerce entre l'affirmation de soi et
l'empathie. En tant que négociateur, je dois m'affirmer, je dois m'exprimer efficacement afin de faire
passer mon message de façon claire et percutante. Mais cette affirmation de soi, si elle m'aide à clarifier
mes intentions, si elle dissipe tout malentendu, si elle me sert à défendre ce qui me semble essentiel, ne
suffit pas, parce que je dois aussi écouter l'autre pour comprendre ses préoccupations, ses priorités, ses
contraintes. Dans toute négociation, il y a cette asymétrie de l'information. L'autre sait des choses que
je ne sais pas, j'ai besoin de comprendre tout cela, en se souvenant que comprendre ne signifie pas
nécessairement être d'accord avec l'autre. Mais cet effort d'empathie aura généralement un effet positif
sur la relation, ce qui va aider à discuter du fond. Et elle m'aidera aussi à comprendre l'impact que je
peux avoir sur l'autre négociateur. L'ambassadeur de France à Washington, Gérard Araud, ancien
représentant permanent auprès des Nations unies à New-york le répète souvent, je le cite, " il faut se
mettre constamment à la place de l'autre ". Et si les bons négociateurs savent anticiper, c'est grâce à ce
sens aiguë de l'empathie. Si ce que je m'apprête à dire risque de faire réagir mon interlocuteur dans un
sens qui en fait ne m'arrange pas, je dois essayer de formuler les choses différemment. Le fait de prêter
attention à l'autre et de comprendre sa logique m'aidera à peaufiner mes arguments, à choisir les
bonnes formulations, de façon à être plus convaincant. Et dans les cours suivante, nous verrons plus en
détail l'écoute, la parole, comme étant deux outils durant une négociation.
Pour le résumer, plus un négociateur se montre intraitable, en compétition contre l'autre, plus ses
chances d'obtenir la meilleure part du gâteau augmentent, mais plus la probabilité de trouver un
accord diminue, parce que l'autre négociateur est peu susceptible d'accepter un accord qui le
désavantage. En revanche, plus un négociateur se montre souple, coopératif, prêt à faire des
concessions, plus ses chances de conclure un accord augmentent, puisqu'il fait des efforts dans ce sens,
mais plus la probabilité d'obtenir une part équitable du gâteau diminue, parce que là c'est l'autre
partie qui est susceptible d'en tirer avantage. Alors, pour sortir de ce dilemme, il faut essayer de
séquencer la négociation.
Premièrement, coopérer plutôt avec l'autre pour contribuer à créer de la valeur, tout en insistant sur le
principe de réciprocité. Moi je suis prêt à faire tous les efforts tant que je ne suis pas le seul à en faire
autour de la table. Puis deuxièmement, défendre son terrain, pour obtenir une part équitable de ce que
l'on a créé ensemble, tout en pensant long terme, ne pas rompre par un excès de compétition la relation
avec l'autre négociateur, ce qui serait risquer d'empêcher toute nouvelle négociation dans le futur. Nous
aborderons plus en détail ces notions de création de valeur et de distribution de valeur dans le prochain
module.
Enfin, sur la dimension du processus, il existe là aussi une tension, une difficulté. La plupart des
négociations, en particulier dans le milieu professionnel, mais évidemment aussi en diplomatie, sont
structurées de la manière suivante. Un négociateur est envoyé à la table des négociations par la
personne, l'autorité qui prend vraiment les négociations. On dit que le mandataire négocie pour le
compte du mandant. Par exemple, un avocat négocie au nom de son client. C'est quand même le client
qui décide in fine. Même un PDG va négocier pour le compte de son conseil d'administration, il est
mandaté. Et donc la plupart des négociations suivent une séquence en trois étapes.
Inversement, plus le négociateur se montre flexible, conciliant par rapport au mandat qu'il a reçu, plus il
a de chances de conclure un accord avec la partie d'en face, sauf que ce faisant, il risque d'avoir des
problèmes au retour avec son patron. Pour conclure, là encore, essayez d'identifier les tensions
suivantes dans des négociations réelles, l'écoute et l'empathie, la création de valeur, la distribution de
valeur, et enfin cette relation parfois tendue entre le mandant et le mandataire. Réfléchissez à des
négociations réelles et affûtez votre capacité d'observation, cela vous servira aussi dans vos
négociations à vous.
2. La communication en négociation
Le succès d'une négociation repose en grande partie sur une communication intelligente. La
façon dont les deux négociateurs échangent des informations doit les aider à établir au
minimum une relation de travail. Elle doit aussi leur permettre de comprendre leurs
motivations, leurs contraintes respectives, afin de réduire les risques de malentendus. Voilà
pourquoi de bonnes compétences en communication sont un des moteurs d'une négociation
efficace.
Toutefois, communiquer efficacement n'est pas si simple que cela. D'abord, un négociateur
peut choisir de communiquer la mauvaise information. Celui qui parle est généralement
convaincu que son message est parfaitement clair pour l'autre, ce qui n'est pas nécessairement
le cas. Le destinataire de l'information peut la percevoir de la mauvaise manière, et être
persuadé que son interprétation est la seule correcte, creusant ainsi l'écart entre les intentions
des uns, l'impact perçu par les autres, des deux côtés de la table.
L'écoute récalcitrante : bras croisés, visage fermé, regard fixé sur l'autre. Ce mode d'écoute ne
va pas vous aider à établir un minimum de relation et ne va pas encourager l'autre à partager
plus d'informations avec vous, et c'est pourtant ce dont vous avez besoin.
Évitez aussi l'écoute distraite, tripoter un crayon, jouer avec son téléphone portable, regarder
sa montre dès que l'autre commence à parler. Là aussi, l'impact est désastreux de l'autre côté
et c'est inefficace en termes de collecte d'informations.
On pourrait aussi mentionner l'écoute réactive. Dès que l'autre prend la parole, celui qui écoute
réagit, l'interrompt, soulève des objections, contredit, là aussi à éviter.
L'écoute directive, également à proscrire. Ici, celui qui écoute interrompt celui qui parle, pas
pour le contester, mais pour lui poser des questions qui vont orienter la conversation dans une
direction précise. On est plus dans un interrogatoire, et là aussi, cela a tendance à braquer
l'autre et à s'avérer contreproductif.
Les bons négociateurs ne vont pas utiliser ces approches-là. Ils vont préférer ce qu'on appelle
parfois l'écoute active. L'expression a fait florès, elle est un peu agaçante par certains côtés,
mais au fond, qu'est-ce que ça veut dire?
D'abord, il faut écouter en montrant : des signes visibles d'attention, contact visuel, quelques
hochements de tête. Il ne faut pas en faire des tonnes non plus, mais on est vraiment concentré.
Il faut résister à la tentation d'interrompre l'interlocuteur pour le contester. Le moment de vos
propres arguments viendra, mais il viendra après. Prêtez attention à ce qui est dit, mais aussi à
ce qui n'est pas dit, le ton de la voix, les hésitations. Si nécessaire, prenez quelques notes. Cela
accorde du prix à ce que l'autre dit. Mais ne vous trahissez pas, en notant soudain fébrilement
un détail révélateur qui vient d'échapper à votre interlocuteur. De temps à autre, reformulez
l'idée clé de votre interlocuteur, évidemment sans vous transformer en une sorte de perroquet
en répétant " si j'ai bien compris, vous avez dit bla bla bla ", c'est agaçant et pas très efficace.
Par contre, il faut inviter votre interlocuteur à vous corriger si vous avez mal compris telle ou
telle chose, pour faire la chasse à tout malentendu. Vous posez des questions, des questions
ouvertes, qui vont amener un surcroît d'éléments pertinents. Il faut éviter les questions pièges,
l'autre comprend très bien ce que vous cherchez à faire, et c'est un mauvais message.
L'essentiel en tout cas est d'être authentiquement curieux, concentré, intéressé par ce que
l'autre souhaite vous dire.
Un dernier point, quand vous écoutez, n'oubliez pas cette différence essentielle. Comprendre
ne veut pas dire être d'accord. En tant que négociateur, vous devez comprendre l'autre et il est
utile de montrer à l'autre que vous comprenez ce qu'il veut dire, mais cela ne signifie pas que
vous êtes du même avis. Vous expliquerez votre propre point de vue à travers une prise de
parole quand viendra votre tour.
Rappelons les trois niveaux de la rhétorique classique, tels qu'analysés par Aristote.
Pour Aristote, le locuteur doit développer un raisonnement solide, afin de convaincre l'autre,
mais ça ne suffit pas. Il doit aussi miser sur les bonnes émotions pour persuader l'autre. Et il
doit choisir, pour faire tout cela, un style adéquat afin de séduire l'autre. Alors, aujourd'hui est
une époque contemporaine, mais à partir de ces trois règles de la rhétorique classique, on vous
propose 10 facettes pour façonner vos prises de parole dans vos négociations.
1. se concentre sur son auditoire : votre parole s'adresse à un auditoire spécifique, sur
lequel on se concentre entièrement. N'essayez pas de parler à quelqu'un tout en faisant
autre chose en même temps, même au téléphone, et les études le prouvent.
L'interlocuteur sent rapidement que vous êtes en train de regarder vos e-mails sur votre
écran.
2. S’adapter à l’autre : pour être active et percutante, la parole s'adapte à un public précis.
Les négociateurs talentueux ne s'adressent pas de la même façon à différents publics. Ils
font toujours preuve du même respect, adapté au contexte, peu importe qui se trouve
face à eux. Un préfet, des syndicalistes, un diplomate, un chef d'entreprise, peu
importe. L'enjeu, c'est toujours d'essayer de se mettre sur la même longueur d'onde
que l'autre, quelle que soit cette personne, ses responsabilités.
3. Etre concis : la concision en négociation est une qualité. Faites simple, percutant, ne
submergez pas l'autre sous un long discours ennuyeux. Ciselez des formules. Et comme
cela ne s'improvise pas, cela renvoie aussi, on le verra, à la préparation.
4. Etre précis : l'ambiguïté conduit l'autre à mal interpréter ce que vous dites. Ne soyez
jamais ambigu, sauf bien sûr si vous voulez l'être. Donc, il faut réserver ce flottement
aux situations où on choisit d'être ambigu, parce que l'on a une bonne raison de créer
ce qu'on appelle une ambiguïté constructive.
5. Etre inclusif : la parole doit être intégrative. Évitez les formulations de type exclusif
comme oui, mais. Préférez oui, et. Au lieu de séparer les deux parties en présence, vous,
moi, essayez de montrer que vous considérez que nous sommes sur un même bateau.
Utilisez le nous, le on.
6. Suggérer au lieu d’imposer : la parole active suggère plutôt qu'elle n'impose. Si l'autre
négociateur découvre avec vous une solution en y apportant de lui-même, il y a moins
de risque qu'il la rejette.
7. Mobiliser des formulations positives : il s'agit d'un point crucial, la parole active
privilégie des formulations positives. De multiples expériences en psychologie sociale,
notamment celles de l’économiste Kleinman, ont démontré que les gens sont attirés par
des formulations positives, et ils ont au contraire tendance à rejeter des formulations
négatives, même si les deux formulations positives, négatives, décrivent une même
réalité sur le fond.
8. Saisir les opportunités : dans la même veine, la parole active insiste sur les opportunités
à saisir, plutôt que sur les risques à éviter ou les obstacles à surmonter.
9. Se tourner vers l'avenir : la parole active est tournée vers l'avenir. Elle ne se focalise pas
sur les événements passés. On ne peut pas changer le passé. Seul le futur peut être
façonné, et c'est ce dont nous décidons au présent.
10. Eviter de mentir. Permettez-moi d'insister sur ce dernier point. Il y a quatre raisons pour
lesquelles un négociateur ne devrait jamais mentir.
Primo, ce n'est pas bien. Chacun de nous décide des principes éthiques selon lesquels régler sa
conduite. C'est une question personnelle, mais c'est une question vraiment importante, à vous
de voir.
Deuxio, quand vous mentez à quelqu'un, vous sous-estimez son niveau d'informations, vous
sous-estimez aussi sa capacité à vérifier ce que vous avancez. Et si vous vous faites prendre, les
conséquences sont extrêmement négatives. L'accord ne sera pas signé, le dialogue sera rompu,
votre réputation sera compromise.
Troisième raison, un peu contre-intuitive, nous disons souvent, ne mentez pas, parce qu'on
risquerait de vous croire. Par exemple, que feriez-vous si après avoir prétendu que vous aviez
un formidable plan B pour mettre la pression sur votre interlocuteur, celui-ci vous répondait,
dans ce cas-là, avec un tel plan B, nous, on préfère quitter la table des négociations. De même,
le bluff vous conduira à prendre des engagements que vous ne pourrez pas tenir. Vous allez
prétendre que pouvez apporter certaines solutions qu'en fait vous ne maîtrisez pas très bien. Et
là aussi, si on vous croit, cela se retournera contre vous.
Dernière raison pour laquelle il faut éviter de mentir, il existe d'autres outils, qui ne
retourneront pas contre vous en tant que négociateur. Par exemple, une bonne
préparation.
Pour progresser en tant que négociateur, il faut déjà être conscient de certains biais
trompeurs, d'intuitions contre-productives. Tout d'abord, il est faux de croire qu'il n'y a pas
de cercle d'apprentissage en négociation, et que donc, on n'apprend jamais rien. C'est faux.
Adopter le point de vue radicalement inverse.
D'une part, identifiez ce qui a fonctionné, et pourquoi. Cela vous aidera de savoir si vous
avez été bon, vraiment bon, ou simplement si vous avez eu un coup de bol terrible. Vous
pourrez ainsi identifier vos points forts et vous reposer dessus en toute confiance pour
votre prochaine négociation.
D'autre part, identifiez tout aussi lucidement ce qui n'a pas fonctionné, et pourquoi. Cela
vous évitera de simplement rejeter le blâme sur l'autre en disant, " la négociation a échoué
parce que l'autre n'a pas compris à quel point nous sommes excellent ". Et vous pourrez
ainsi peu à peu identifier vos points faibles, ceux que vous avez tout intérêt à améliorer
avant votre prochaine négociation.
Une autre idée fausse mais répandue est notre tendance naturelle à sous-estimer l'autre
partie et à nous faire un peu trop confiance. Mieux vaut adopter le point de vue inverse,
votre interlocuteur a justement été choisi par son organisation parce qu'il ou elle est
capable et compétent. Évitez de tirer des conclusions trop rapides du type "non mais s'il ne
comprend pas, c'est qu'il est stupide ". Non, peut-être que c'est vous qui n'avez pas été
suffisamment clair, explicite.
Autre exemple, " il est nerveux parce qu'il ne sait pas se contrôler ". Non, peut-être que
c'est vous qui ne savez pas vous contrôler, qui avez une tendance à témoigner une
agressivité qui bloque tout.
Une troisième idée reçue tout aussi fausse consiste à croire que la négociation serait
toujours et uniquement une pure compétition. L'objectif serait de battre l'autre. Au
contraire, personne n'aime être battu par son adversaire.
Beaucoup de gens croient que la négociation serait toujours une affaire de concession. Ils
pensent que c'est forcément un jeu à somme nulle : ce que je gagne, l'autre doit le perdre,
et vice versa. Non, la réalité est différente. Et comme nous le verrons plus tard, la
négociation va vous aider à créer des choses ensemble. Je ne suis pas toujours obligé de
prendre à l'autre ce dont j'ai besoin. Je peux le créer avec lui, avec son soutien. Et l'autre
acceptera de m'aider sur ce point parce qu'il sait que je l'aiderai à faire de même sur un
autre point de la négociation par un esprit de réciprocité, et cela change tout.
Voilà pourquoi il faut aussi éviter cet autre écueil. Croire qu'il n'existe qu'une solution
donnée dans une négociation, et évidemment la nôtre.