Biographie de Georges Bataille
Biographie de Georges Bataille
Biographie de Georges Bataille
"Pour celui qui ne peut se dérober, pour celui dont la vie s'ouvre à
l'exubérance, l'érotisme est par excellence le problème personnel. C'est en
même temps, par excellence, le problème universel"
(BATAILLE)
Georges BATAILLE
(1897- 1962)
Bref, comment parler de Georges Bataille dans un film quand on sait le film
impossible ? "
A. S. Labarthe
BATAILLE
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CHRONOLOGIE
1897
1901- 1912
Joseph- Aristide, son épouse Marie- Antoinette et leurs deux fils, Martial et
Georges, s’installent à Reims. Georges est inscrit au lycée de garçons de
Reims. Commence là sa scolarité. Il l’y poursuivra jusqu’en janvier 1913. A
sa demande devient pensionnaire, fuyant une situation familiale se
dégradant: un père tout à fait infirme, souffrant "
à hurler ", "fou ", ajoutera-t- il, une mère vivant un calvaire. Sur cette
situation, les témoignages des deux frères, quoique se contestant sur
certains points, concordent.
1913
Quitte le lycée en cours d’année, en janvier: " Pratiquement mis à la porte ".
En octobre est inscrit comme pensionnaire au Collège d’Epernay en
première année du baccalauréat.
1914
En août, quitte Reims avec sa mère (son frère est au front) laissant son père
aux soins d’une femme de ménage.
Vit cette fuite comme un abandon: " Ma mère et moi l’avons abandonné,
lors de l’avance allemande, en août 14
1915
1916
1917
Démobilisé, revient à Riom- és- Montagne. N’est pas moins dévot, ni pieux.
Reste " rarement une semaine sans confesser (ses) fautes ". S’impose une
austère discipline de travail et de méditation. S’inscrit au séminaire de
Saint- Flour (Cantal, évêché. Dut y passer l’année scolaire 1917- 1918.
1918
Publie son premier livre, sous son nom: une plaquette de six pages portant
le titre Notre- Dame de Reims.
Paraît encore hésiter entre la vie laïque et la vie religieuse. Pourtant, son
désir le plus déterminant semble être de voyager, en Orient, essentiellement.
En septembre, séjour à Londres pour recherches au British Museum.
Premier contact, de hasard, avec la " philosophie "; dîne avec Henri
Bergson. Pour cette occasion, lit hâtivement Le rire.
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1922
1923
juillet à Léon Chestov, lui dit son intention de commencer une étude sur son
oeuvre. Chestov lui propose son aide.
L’étude projetée est sans suite. Mais, collabore à la traduction d'un livre de
lui, L’idée de Bien chez Tolstoï et Nietzsche.
1924
1925
Convient d’entreprendre avec lui une analyse. Celui- ci lui communique des
clichés du " supplice des cent morceaux " pris par Carpeaux en 1905. Ces
clichés eurent un rôle considérable, " décisif " dans sa vie. Bataille vit la
nuit, " boit ", " joue dans des petits cercles où il prenait des culottes terribles
" (Leiris, fréquente assidûment les bordels et les boîtes de femmes nues. Le
16 juillet, pour Breton, transcrit " en français moderne une ou deux des plus
significatives fatrasies " (poèmes médiévaux dénués de tout sens. Celles- ci
sont prévues de paraître dans le numéro d’octobre de La Révolution
Surréaliste. Lit les surréalistes, Lautréamont. Commence de lire Hegel;
Alfred Métraux l’initie à Marcel Mauss dont il suit les cours.
1926
Commence, ou poursuit, toute cette année son analyse avec Adrien Borel. Y
met un terme prématurément. au bout d’un an. En retire toutefois un
bénéfice considérable. Surtout lui doit, dit- il, de pouvoir enfin écrire. En
mars, paraissent les Fatrasies dans le n° 6 de La Révolution Surréaliste.
Parution anonyme: ni son nom, ni ses initiales n’apparaissent. Constitue son
unique collaboration à La Révolution Surréaliste. Fait à cette occasion la
connaissance de Breton. C’est pourtant moins Bataille que Breton qui se
montre hostile. Aux dires de Leiris, celui- ci le qualifiera " d’obsédé ". Ecrit
son " premier " livre (le premier dont il fasse mention): W. C. " assez
littérature de fou ". " Un cri d’horreur, horreur de moi, non de ma débauche
"; " Violemment opposé à toute dignité ". Détruit le manuscrit. Commence,
en juillet, de collaborer à la revue Aréthuse, revue trimestrielle d’art et
d’archéologie. Y collaborera jusqu’à la fin du premier trimestre 1929.
1927
En janvier, élabore " l’image " de l’oeil pinéal, embryon d’oeil situé au
sommet du crâne, permettant, le jour où il transpercera la boîte crânienne,
de regarder le soleil à la verticale. Conçue en janvier 27, cette " image " se
conceptualisera jusqu’en 1930. En janvier, écrit L’anus solaire: " Si l’on
craint l’éblouissement au point de n’avoir jamais vu () que le soleil était
écoeurant et rose comme un gland, ouvert et urinant comme un méat, il est
peut- être inutile d’ouvrir encore, au milieu de la nature, des yeux chargés
d’interrogation ". En juillet, séjourne à Londres. La vue d’une saillie anale
de singe au Zoological Garden le bouleverse et le jette " dans une sorte
d’abrutissement extatique ". Entreprend d’écrire Histoire de l’oeil.
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1929
Déroulède du rêve "; Vitrac d" escroc "; Leiris de " nécrophage " et
Ribemont- Dessaignes de " délateur ".
Bataille, lui: " de vieille vessie religieuse ", de " gidouille molle ", d" abcès
de phraséologie cléricale ", de " lion châtré ", de " tête à crachats ", etc.
1931
1932
1933
Série d’articles dans La Critique sociale. Janvier, " La notion de dépense ",
" qu’il faut considérer comme un des textes majeurs du siècle " (A. Thirion.
Septembre, " Le problème de l’État ": l’avenir " dépend tout entier de la
désorientation générale "; et en deux parties (novembre et mars 1934) un
article capital, " La structure psychologique du fascisme ". Fait partie,
d’octobre 33 à janvier 34, du groupe " Masses ".
1934
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1935
1936
Diffuse le tract " Camarades, les fascistes lynchent Léon Blum ". Fin
février, tract rédigé par Bataille, seul: "
Appel à l’action ": " Nous affirmons que ce n’est pas pour un seul mais
pour TOUS que le temps est venu d’agir en MAITRES ". En mars, Jean
Dautry, un proche de Bataille, rédige le tract: " Sous le feu des canons
français ".
De celui- ci datera l’accusation de " surfascisme " faite par les surréalistes
aux batailliens. Rupture des surréalistes, et dissolution de " Contre- Attaque
". Séjourne tout le mois d’avril à Tossa de Mar. Parution le 24 juin du
premier numéro d’Acéphale, Religion, Sociologie, Philosophie. Titre du
n°l: " La Conjuration sacrée ".
1937
Thème d’étude pour 1938: " Les attitudes devant la mort ", Pierre Janet,
président, Bataille, vice- président.
1938
1940
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1942
1943
Séjourne à Paris jusqu’en mars. Ecrit et lit à des amis, dont Blanchot, " Le
Collège socratique ": " Je propose d’élaborer un ensemble de données
scolastiques concernant l’expérience intérieure. Je crois qu’une expérience
intérieure n’est possible que si elle peut être communiquée. ". Publie aux
Editions Gallimard L ‘Expérience intérieure, " critique de la servitude
dogmatique et du mysticisme ". Quitte fin mars Paris pour Vézelay où il
s’installe au 59 rue Saint- Etienne. Continue d’écrire Le coupable.
Publication en mai d’un pamphlet dirigé contre lui, Nom de Dieu, signé de
proches du surréalisme pour beaucoup inconnus. Rencontre en juin Diane
Kotchoubey de Beauharnais qui a vingt- trois ans. Elle devient sa maîtresse.
Commence en août les poèmes de L’archangélique. Seront terminés en
décembre. Publie avec Michel Leiris, hors- commerce, la deuxième partie
des écrits de Laure (Colette Peignot): Histoire d'une petite fille. Première
édition de Le petit (daté de 1934, sans nom d’éditeur sous le pseudonyme
de Louis Trente. Finit en octobre Le coupable. Continue d’écrire les poèmes
plus tard réunis sous le titre La tombe de Louis XXX. " Un nouveau
mystique ", violent article de Sartre, paraît dans les numéros d’octobre,
novembre et décembre des Cahiers du Sud.
1944
1945
1946
Donne aux Editions des Quatre- Vents une préface à l’édition de La sorcière
de Michelet. A pour amis Michaux, Giacometti et Genet. Divorce de sa
première femme, Sylvia. Celle- ci épousera Jacques Lacan.
1947
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Publie en janvier L’Alleluiah, Catéchisme de Dianus, illustré par Jean
Fautrier. Publie Méthode de méditation, aux Editions Fontaine Paris: " Je
pense comme une fille enlève sa robe. A l’extrémité de son mouvement, la
pensée est l’impudeur, l’obscénité même ". Publie Histoire de rats Journal
de Dianus, accompagné de trois eaux- fortes de Giacometti, aux Editions de
Minuit. En mai, Critique quitte les Editions du Chêne et est reprise par
Calmann- Levy et paraîtra de juin 47 à septembre 49, des n° 13 à 40.
1948
De mars à mai, écrit à partir de sa conférence " Schéma d’une histoire des
religions ", un livre intitulé Théorie de la religion. Non publié. Le 17 juillet
donne un entretien au Figaro Littéraire " Cinq minutes avec Georges
Bataille ", suite au prix obtenu par Critique de meilleure revue de l’année.
Prend la direction d’une nouvelle collection aux Editions de Minuit, "
L’usage des richesses " Premier titre: La fortune américaine et son destin de
Jean Piel.
1949
Prononce deux conférences les 22 et 24 février: " A quoi nous engage notre
volonté de gouvernement mondial "
1951
1952
1953
1954
BATAILLE
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1955
1956
1957
décembre. Donne à Critique " Ce monde où nous mourons " (sur le livre de
Maurice Blanchot, Le dernier homme.
1958
1959
1960
1961
Le 21 février: " Les larmes d’Eros mettront l’accent sur le sens tragique de
l’érotisme " (lettre à Lo Duca. En février, s’entretient avec Madeleine
Chapsal, journaliste à l’Express. La reçoit à Orléans: " Je crois que. je vais
peut- être me vanter, mais la mort est ce qui me paraît le plus risible au
monde. Non pas que je n’en aie pas peur ! Mais on peut rire de ce dont on a
peur. Je suis même porté à penser que le rire () c’est le rire de la mort ".
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1962
•Il faut se reporter à la fin des années quarante: personne, dans le public, ne
connaissait Bataille. Quand je le rencontre, je me trouve en face de
quelqu’un qui bénéficie d’un prestige extraordinaire et qui est en même
temps complètement inconnu.
Et puis il y eut Sade: à l’époque j’étais très respectueux et n’osais pas lui
dire que l’idée qu’il se faisait de Sade n’était pas très juste: Bataille a parlé,
je crois, d’une conséquence de la lecture de Sade, jamais de Sade qu’il
voyait couleur de mort alors que Sade est la vie même.
Dans les années cinquante, Bataille n’avait plus d’éditeur: Gallimard n’en
voulait plus, les Editions de Minuit conservaient en stock des exemplaires
de La Part maudite qui avaient été soldés: ce livre était invendable. Peu à
peu il m’a apporté tout ce qu’il avait. En 1957, à l’occasion de la sortie de
L’Erotisme, du Bleu du ciel et de La Littérature et le mal, qui coïncidait
avec les soixante ans de Bataille, j’ai organisé un cocktail au bar du Pont
Royal. Gaston Gallimard est venu, mais ça n’a rien lancé du tout. Le
premier manuscrit inédit que Bataille m’a apporté, Le Bleu du ciel, fut tiré à
deux mille exemplaires: cinq à six ans après, j’en avais encore beaucoup. Il
m’a apporté Le Mort en me disant qu’il avait besoin d’argent et j’ai gardé
ce texte très court pendant plusieurs années sans savoir qu’en faire jusqu’au
moment où j’ai fait faire par Faucheux cette maquette assez délirante pour
Histoire de l'oeil et Le Mort vendus dans des petits coffrets.
BATAILLE
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Dès qu’il a été plus connu, les gens ont reconstitué des histoires sur sa vie:
certains m’ont raconté des choses —vraies ou pas ? — sur les milieux
partouzards qu’il avait fréquentés.
— Pourtant Bataille a entretenu des relations avec des gens très différents:
des plus recommandables aux plus inquiétants.
Chatte était un intime de Bataille et avait très bien connu Laure. Il m’avait
aussi raconté des histoires qui s’étaient passées avec Fautrier.
Bataille, c’était vers 1930 un très beau jeune homme à la mode, à la fois
Fitzgerald et Chevalier, et puis aussi ce monsieur qui parlait de saint
Augustin et le citait dans le texte. Une fois lors d’un dîner chez Pierre
Klossowski, ils commencèrent tous les deux une discussion théologique. Ils
n’étaient pas d’accord du tout: ils se renvoyaient des citations et la
discussion se poursuivait en latin. Les autres la bouclaient.
— Certains ouvrages de Bataille ont été illustrés par des peintres, Fautrier,
Bellmer, Hérold, Masson. A quelle nécessité cela répondait-il ?
•Il faut rester simple. Cela relevait d’une énorme question d’argent. Les
bouquins clandestins, comme Madame Edwarda, c’est Chatte qui les
publiait. Il s’agissait d’un montage financier pour trouver de l’argent à Jean
Fautrier et à Georges Bataille et pour en gagner un peu. Bataille n’était pas
très attentif à ce côté des choses. Quand il m’a passé Le Mort, il avait été
question un moment que ce soit une édition illustrée: elle aurait pu l’être par
n’importe qui, je n’ai pas l’impression que c’était essentiel pour lui. Il
faisait partie de cette catégorie d’écrivains qui donnent le manuscrit à leur
éditeur pour qu’il s’en débrouille.
•Je me demande, avec le recul, si ce n’est pas une pensée qui travaille
autant par sa réputation que par elle- même.
•Bataille a une pensée qui fonctionne surtout pour elle- même, et Breton
une pensée d’intercesseur. La pensée de Bataille n’est pas une pensée
didactique, mais une pensée qui propose des visions personnelles plus ou
moins nettes pour les autres. Ils m’ont fasciné tous les deux. J’étais plus
proche d’André Breton, affectivement d’abord puis intellectuellement parce
que Breton m’entraînait, tant par sa lecture que par sa fréquentation vers des
contrées où j’avais envie d’aller. Bataille ne m’offrait pas des contrées où
j’avais tellement envie d’aller, où j’aurais pu aller s’il me les avait
débroussaillées — ce qu’il ne faisait de toute manière pas. Leur
réconciliation sur la fin de leur vie paraît étonnante, sauf que dans la misère
contemporaine des gens de cette dimension ont pu se dire: à qui va-t- on
parler si on ne se parle pas ? Ils étaient consternés du niveau de l’époque.
Du niveau de Sartre, justement. Eux deux pouvaient se comprendre. Mais
comme chien et chat.
•Bataille a raconté sa réconciliation avec Breton; Breton l’a fait de son côté.
Elle était plus entière chez Breton parce que Bataille a fini sa vie
intellectuelle très enfermé, isolé: il pensait, je crois, ne plus rien avoir à
communiquer. Breton continuait d’être dans l’ouverture, la découverte, la
générosité: il a dû être heureux de ne pas mourir brouillé avec Bataille qui,
lui, a fini dans des terres de plus en plus lointaines.
BATAILLE
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J’ouvre mieux l’étui où cinquante- sept de ses lettres (quelques- unes de six
pages) parlent encore des lenteurs de l’écriture, des soucis de l’illustration
d’une thèse sur l’érotisme, devenue testamentaire, par la force du temps. Je
l’avoue: je suis fier de m’être trouvé juste à ce moment- là au coeur de
l’histoire de Georges Bataille. Des lettres viennent d’Orléans, bien sur, de
Fontenay- le- Comte, des Sables- d’Olonne, de Scillans et de Vézelay. J’ai
aussi, copié de sa main sur deux fragments de papier orange, le texte de
Georges Dumas sur Le Plaisir et la Douleur qui l’a tant marqué. Et ses
notes, l’avant- propos (neuf feuillets, et les premières épreuves
minutieusement corrigées.
C’est le 24 juillet 1959 que Bataille arrêta son titre: Les larmes d’Eros (" il
plaira à Pauvert, ajoutait-il avec malice. A la même date, il me demanda, à
propos du Nouveau dictionnaire de sexologie, de veiller à la présence
d’articles sur Gilles de Rais, Erzsébet Bâthory, le Sacré, la Transgression, la
Mode, la Nudité, Jean Genet, Pierre Klossowski. ses voix favorites.
L’idée des Larmes d’Eros ne le quitta plus et il le conçut jusque dans le plus
infime détail, de l’économie des chapitres à la coupe des clichés (il me fit
même le croquis d’une tapisserie de Rossé où je devais chercher un détail
auquel il tenait, en passant par un choix très élaboré d’images issues de la
préhistoire, de l’école de Fontainebleau, des Surréalistes, avoués ou
clandestins.
Durant deux ans, de juillet 1959 à avril 1961, il élabore le plan de l’ouvrage
sur tous les thèmes qu’il a aimés. La rédaction en était cependant d’une
grande lenteur et Les larmes d’Eros se traînait à travers les événements: "
Entre temps ma fille aînée a été arrêtée pour son activité pour l’Algérie " et
le déclin de ses forces physiques: " ..
je l’avoue, je ne vois pas bien clair. ". Le livre fut achevé — je dirai plus
loin dans quelles conditions — et il lui convint: c’était un tout, du choix des
caractères au rythme de la mise en page; il avait veillé à ce que sa pensée ne
fut ni retardée, ni entravée, ni trahie par une image déplacée.
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Bataille était alors hors d’atteinte. La censure dégusta seule sa honte (avec
toute la presse française, soit dit en passant, qui se tut.
" Tu entendras, venant de toi- même une voix qui mène à ton destin. C’est
la voix du désir et non celle d’êtres désirables. " Ici se retrouve la poésie
aiguë de Bataille et sans vibrations littéraires comme lorsqu’il annonce: "
Hegel fait ici sa petite entrée. Non que nous voulions coûte que coûte relier
Hegel à Bataille. Les profondeurs et les spirales de sa pensée sont telles que
nous pourrions trouver au créateur d’Acéphale d’autres patrons et même
Héraclite nous conviendrait depuis le jeu de l’enfant qui rassemble des
pierres, édifie des châteaux et les détruit ensuite parfois avec la complicité
du ressac jusqu’au feu créateur. Nous pourrions chercher des ancêtres aussi
à chacune de ses remarques rationnelles et irrationnelles. D’où vient la
gratuité de l’activité humaine, son gigantesque gaspillage — deux millions
d’oeufs pour un seul être mortel — son goût de renaître au prix d’une action
destructrice ? D’où sort son intuition fondamentale — qui ne doit pourtant
rien à l’ethnologie ni à Marcel Griaude — de la prise de conscience de
l’homo sapiens par son sexe levé ? D’où part cette aptitude à transférer
l’inquiétude religieuse en fixation sexuelle ? D’où coule cette pensée
évidente que " la liberté souveraine, absolue, fut envisagée [] après la
négation révolutionnaire du principe de la royauté " ?
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petite mort " chère à Bataille. Bien qu’il fût hégélien convaincu,
Schopenhauer ne lui déplaisait pas; c’est à ce dernier que l’on doit la
diffusion de ce terme en Occident, dans son acceptiond’extinction du désir,
d’anéantissement de l’individu dans le collectif, donc d’un état de
tranquillité et de bonheur parfait, où la mort n’a plus de sens, ce qui comble
les frayeurs de Bataille. Freud y voit une tendance à la réduction, à la
constance, à la suppression de la tension d’excitation interne. Ainsi, il y
décèle une correspondance avec la notion de pulsion de mort. Nous ne
pourrons pas éviter ses remarques.
BATAILLE
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Dans le supplice chinois des cent morceaux, il se laisse attirer par la vision
d’un homme transfiguré, extatique, sous le rasoir du bourreau qui le
découpe vivant à la joie des badauds. Bataille ne se laissa pas ébranler par
le fait que l’instantané n’a fixé qu’une fraction éphémère de l’expression du
supplicié et que, de toute manière, dans les mains d’un carabin facétieux, on
peut faire rire un cadavre en manipulant l’orbiculaire des lèvres; la certitude
que le supplicié a reçu une forte dose d’opium ne sème pas davantage le
doute en lui. Les victimes et les bourreaux le convainquent que le mystère
du dernier instant est dans cette suprême angoisse qui, au- delà, doit se
résoudre en suprême jouissance ou en suprême inconscience. Bataille
connaît les rites frénétiques des disciples du Roufaï, secte islamique liée au
soufisme des derviches, où la douleur des blessures provoquées est
employée comme adjuvant extatique (mais " elles sont faites dans un état de
vertu où elles ne causent pas de douleur mais une sorte de béatitude qui est
une exaltation du corps autant que de l’âme [] Ces pratiques doivent être
considérées surtout comme un des moyens d’ouvrir une porte ".
à défaut d’un mot plus incertain. Nous avons été assez coupables pour
oublier qu’elle est née conditionnée par le mythe, la religion, voire la
politique, ce qui signifie que c’est le seul domaine où nous avons accepté la
supposition, là où la science avait toujours exigé la description.
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qui sourd de toute son oeuvre, à chaque instant — ne nous arrêtera pas, ni
ne nous empêchera de la voir nettement, malgré le trouble que ses
recherches engendrent à plaisir. " L’expérience est à elle- même sa propre
autorité! mais [] l’autorité s’expie. " Il veut définir, je crois, le principe
d’une vie " intellectuelle " libérée de l’autorité qui soit la source de la
pensée qui n’a pas- de- source. Mais Bataille finit par exprimer les limites
qui sont les nôtres, parce que ce qu’il redoute — la trahison de la parole —
est déjà inscrit dans l’articulation originelle de la parole. Quand il dit: " Un
homme est une particule insérée dans des ensembles instables et
enchevêtrés ", cet inséré " compromet " à jamais tout espoir d’absence.
Nous ne pouvons pas, sans tomber dans le vide, éviter des appareils de
sécurité; en les renversant — par le sophisme ou par un élan prodigieux —
il est peut- être possible d’atteindre l’athéologie, mais on se dissout aussi
sûrement dans l’absence du divin et du moi; ce qui ne peut aboutir qu’à
l’absence tout court. Mais comment fermer les yeux sur cette absence qui,
pour être intelligible, est à l’intérieur d’une présence ? Il n’y a d’ailleurs
que les athées pour dramatiser l’absence de Dieu; pour les autres, c’est un
apaisement illimité.
Devons- nous faire appel à Freud ? Peut- être les clefs — ou les crochets —
de ces angoisses sont dans ses mains.
L’ancien psychanalysé (la légende veut que Lacan ne se soit jamais laissé
analyser par ses pairs) connaît toutes les nuances de la pulsion de mort
(Todestriebe, les pulsions extrêmes qui s’opposent à la pulsion de vie et
tendent à la réduction complète des tensions, c’est- à- dire à ranimer l’être
vivant à l’état anorganique. Il y a une tendance fondamentale dans tout être
vivant à retourner à cet état. Et le reste s’enchaîne avec une sorte de fatalité
: " Une partie de cette pulsion aboutit au sadisme par son déplacement vers
l’extérieur; celle qui ne suit pas ce déplacement, demeure dans l’organisme
où elle est liée libidinalement ": nous y reconnaissons le masochisme
originaire, érogène "
Presque tout est dit et si l’on ajoute la pensée de Freud sur ce qui, dans
l’esprit de Bataille. a dû être- là médiation du dernier instant, quelque clarté
se fait: " Dans la douleur corporelle, on a une haute charge — qu’on peut
dire narcissiste — des zones douloureuses du corps: elle s’accroît toujours
et agit d’une manière qu’on pourrait définir " vidante " [qui fait le vide ",
épuisante ]. "
Mon dernier Bataille est assis au Flore. dans un matin ensoleillé. A ses
cotés, c’est peut- être leur dernière rencontre, Balthus et à côté de Balthus,
Pierre Klossowski, deux profils d’un même médaillier. Plus loin, Patrick
Waldberg, attentif comme une nourrice. Georges Bataille est là, l’oeil bleu,
les cheveux blancs et d’une incomparable jeunesse. Son sourire n’est
nullement figé: il est presque invisible à force de mesure. Il y a le rituel de
l’ange passant. Je ne l’ai plus revu et il reste ainsi dans le soleil d’un matin,
lui qui ne rêvait que de tombes sans colombes.
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