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La CEEAC entre
centralité introuvable et déficit chronique d’intégration
Marc-Louis Ropivia
Dans Hérodote 2020/4 (N° 179), pages 130 à 145
Éditions La Découverte
ISSN 0338-487X
ISBN 9782348064241
DOI 10.3917/her.179.0130
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Marc-Louis Ropivia 1
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SOUDAN
RÉP. DU SUD
CENTRAFRICAINE
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ANGOLA
ZAMBIE
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vocation est, d’une part, de réunir des sous-ensembles géopolitiques qui autrement
seraient indépendants et, d’autre part, de les articuler et de les coordonner en un
mouvement d’ensemble cohérent et contrôlé. Dans le cadre du processus d’inté-
gration régionale, il s’agirait d’un pôle étatique de convergence, d’impulsion et
de coordination de nombreuses initiatives et dynamiques d’organisation de l’en-
semble de l’espace régional. Ce rôle revient généralement à l’État qui dispose d’un
poids spécifique démographique, économique et politique déterminant et incontes-
table, capable de réguler, à travers la place prépondérante de sa capitale politique
et/ou métropole économique, les mécanismes multiformes, les stratégies et les
synergies de l’ensemble de la CER. De tels pôles ou États-pivots existent dans de
nombreuses zones d’intégration économique ou régionale du continent : l’Égypte
(Le Caire) dans le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) ;
la Libye (Tripoli) dans la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) ;
le Kenya (Nairobi) dans la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) ; le
Nigeria (Abuja) dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Est
(CEDEAO) ; l’Afrique du Sud (Johannesburg) dans la Communauté de déve-
loppement d’Afrique australe (SADC) ; la Côte-d’Ivoire (Abidjan) dans l’Union
économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ; et le Cameroun (Douala)
dans la CEMAC. Si l’Afrique centrale, comparativement aux cas précédents,
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SOUDAN
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RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
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CAMEROUN DU SUD
Juba
Bangui
HÉRODOTE
Nord-Ubangi Bas-
Yaoundé Uele Haut-Uele
Sud-
Ubangi Mongala
Ituri
Océan Atlantique OUGANDA
et CEMAC Équateur Tshopo Kampala
C
Centre géométrique relatif Haut-
Lomami
Aire géopolitique interne centrifuge
ANGOLA Lualaba
Couloir centripète de convergence ZAMBIE
Haut-
Province - Capitale autonome Katanga
(Tshusankiema) Océan Afrique
Lubumbashi australe MALAWI
Éventuelle translation vers Atlantique
Carte 2. – Recentrement géopolitique de la RDC et de la CEEAC
13/10/2020 09:40
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Géopolitique de l’Afrique centrale...
les États limitrophes. Quelles sont donc ces aires qui désorganisent le fonctionne-
ment interne de la République démocratique du Congo ? (carte 2).
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la voie ferrée d’évacuation du minerai fut connectée, dès 1910, au réseau ferro-
viaire britannique d’Afrique australe et notamment sud-africain dont les terminus
sont les ports de Durban, Port Elizabeth et Cape Town. Cette dépendance écono-
mique de la République démocratique du Congo vis-à-vis du corridor sud-africain
a permis à l’Afrique du Sud d’étendre son influence politique jusqu’au cœur de
l’Afrique centrale 6.
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du Camel Trophy [Kanyarwunga, 2006]. » « Or, si l’on admet que d’une certaine
façon l’État et les réseaux se confondent, on ne peut que s’interroger sur la viabi-
lité d’un État dont les réseaux terrestres de communication ne remplissent que très
imparfaitement leur fonction de liaison » [Pourtier, 1991]. Dans le contexte actuel
des guerres et dysfonctionnements multiples que continue de connaître le Congo, il
y a lieu de croire que cette situation ne semble pas avoir beaucoup évolué [Banque
mondiale, 2016]. L’option de relocalisation de la capitale politique (carte 2) aurait
pu paraître viable en tant que solution durable d’intégration spatiale et nationale.
Cependant, les coûts faramineux d’une telle entreprise invitent à la prudence pour
un pays pauvre dont les priorités de l’aménagement devraient s’orienter davantage
vers les infrastructures de communication et du développement social.
Bongo au Gabon (53 ans), Teodoro Obiang Nguema Mbasogo en Guinée équa-
toriale (41 ans), Paul Biya au Cameroun (38 ans), Denis Sassou Nguesso au
Congo (37 ans), Idriss Déby au Tchad (30 ans), et Paul Kagame au Rwanda
(20 ans) –, gérontocratiques ou crépusculaires, apparaissent comme des risques
potentiels d’embrasement pouvant dériver vers des guerres civiles ravageuses.
À ceci s’ajoutent d’autres facteurs de conflits ralentissant ou bloquant l’in-
tégration régionale en CEEAC : 1) forte insécurité dans les régions riches en
minerais où se sont constituées des enclaves économiques échappant au contrôle
du pouvoir central et gérées par des groupes armés (République démocratique du
Congo, RCA) ; 2) conflits intercommunautaires à dérives irrédentistes ou sépara-
tistes (RDC, Cameroun) ; 3) attaques de groupes islamo-fondamentalistes armés
(Tchad, Cameroun) ; 4) milices s’opposant aux armées régulières (Angola, RDC,
Cameroun, RCA, Rwanda, Burundi). Ces conflits résultent pour l’essentiel d’une
gouvernance oligarchique, d’inégalités sociales et spatiales qui en découlent ainsi
que d’une absence d’alternance démocratique. Toute cette panoplie conflictuelle
intranationale, absorbant régulièrement les énergies et ressources des États, est
porteuse d’une instabilité régionale globale qui ne peut garantir aucune efficacité
des actions stratégiques d’intégration décidées par l’exécutif communautaire.
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multilatérale des pays industrialisés. Le constat est que ces ressources extérieures
servent surtout à entretenir une superstructure de gouvernance (commission, parle-
ment, institutions) très bureaucratique et dont l’efficacité reste à prouver au regard
de la faiblesse des résultats. Il importe de préciser que la performance d’une CER
réside dans la capacité de ses membres à la doter de ressources financières auto-
nomes la mettant à l’abri des influences d’organisations plus puissantes, afin de lui
garantir une indépendance politique et économique dans la mise en œuvre de ses
objectifs, projets et stratégies. La CEEAC le peut-elle – elle qui souffre déjà de la
participation active de cinq de ses membres à d’autres organisations continentales ?
Parmi les défis majeurs à relever, la diversification des économies demeure
la pierre angulaire. Elle devra nécessairement s’affranchir de la forme actuelle
d’industrialisation par substitution des importations et se traduire par une véritable
industrialisation productrice de biens manufacturés à haute valeur ajoutée, et s’ac-
compagner aussi d’une amélioration inconditionnelle du climat des affaires et de la
gouvernance économique. Quant à l’amélioration de la gouvernance politique, en
favorisant le respect de l’État de droit, elle apparaît comme le gage le plus sûr de
la consolidation de l’intégration nationale, préalable et impératif catégorique à la
réussite de l’intégration régionale.
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l’épuisement des ressources pétrolières chez les producteurs actuels qui auront tiré
toutes les leçons du « syndrome hollandais » ou de la « malédiction du pétrole ».
Enfin, la dynamisation de la CEEAC, actée à Libreville, lors du 9e sommet de
la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEEAC, ne saurait se
borner à une simple réforme bureaucratique et coûteuse de plus : « Le secrétariat
général de la CEEAC disparaît et se voit rebaptisé “commission de la CEEAC”. Un
engagement fort a été pris pour assurer l’autonomisation financière de l’institution.
Les pays membres sont encouragés à collecter et à reverser à la commission la taxe
communautaire d’intégration (TCI) 8 ». Ce qui importe aujourd’hui pour l’avenir du
processus d’intégration en Afrique centrale n’est pas une fonctionnarisation régio-
nale supplémentaire et inefficace, mais plutôt la rationalisation de ses organisations
régionales, autrement dit la disparition des plus petites au profit de la plus grande
qu’est la CEEAC. Cependant, à ce jour, l’une des plus petites, la CEMAC, semble
la plus consistante. Ses six États membres présentent déjà l’avantage, à travers le
franc CFA, de constituer une union monétaire stable – donnée non négligeable
pour la libre circulation en cette période où le débat sur son abandon prend des
tournures très passionnelles. Il est plus réaliste de réformer cette monnaie pour
l’adapter aux évolutions politiques et économiques contemporaines. La partie fran-
çaise s’en est favorablement ouverte. Il devient donc utile pour l’avenir, et pour
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Bibliographie
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