Analyse Dissertation
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un geste fort au cœur de l’ébullition révolutionnaire : elle répond à la Déclaration des droits de l’Homme et du
Citoyen de 1789 en la pastichant et en la réécrivant pour appeler ses membres de l’Assemblée à parachever leurs
revendications égalitaires sans abandonner les femmes. Par ce texte visionnaire, Olympe de Gouges dénonce
vigoureusement les inégalités d’une société française qui ne reconnaît pas pleinement aux femmes les mêmes droits
qu’aux hommes et elle propose des axes de réflexion susceptibles de guider une action émancipatrice. Comment
Olympe de Gouges défend-t-elle la légitimité d'une voix féminine, à une époque où les femmes n'avaient pas droit à
la parole ? Nous nous demanderons en quoi la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne offre à l’auteur
un espace de contestation en faveur de la réhabilitation de la parole de la femme. Nous verrons tout d’abord
comment se met en œuvre l’indignation d’Olympe de Gouges par rapport à la situation des femmes. Nous
examinerons ensuite le parallèle établi entre la nature et la préexistence de droits humains fondamentaux . Enfin,
nous étudierons le rôle de porte-parole révolutionnaire que s’octroie l’auteur.
Olympe de Gouges s’indigne de la scandaleuse situation des femmes qui leur est faite par les hommes dans
le nouveau régime. En témoin de son temps, Olympe de Gouges constate que la situation de la femme « autrefois
méprisable et respectée, et depuis la Révolution, respectable et méprisée » dans le nouveau régime est devenu pire
que dans l’ancien, quand « le gouvernement français a dépendu, pendant des siècles, de l’administration nocturne
des femmes ». Désormais elle a « perdu son Empire » et n’est plus rien.
En effet, L’homme s’est servi de la femme pour « briser ses fers » (Postambule) puis il l’a asservie,
notamment à travers le mariage « tombeau de la confiance et de l’amour » mais aussi en lui retirant son droit à
l’éducation, et la possibilité de faire carrière. A la fin de la « Forme du Contrat social de l’homme et de la femme »,
qui redéfinit les termes du mariage, elle rapporte alors un incident qui lui est arrivé, où elle montre que la femme est
sans défense devant la malhonnêteté des hommes.
Olympe de Gouges dans la « Forme du Contrat social de l’homme et de la femme » associe alors le sort des
femmes à celui des esclaves africains. Comme l’esclave, la femme n’a ni liberté, ni propriété, et ne reçoit pas
l’éducation qui lui permettrait de devenir maîtresse de son destin. Elle n’est qu’un objet d’échange, au service d’un
maître, et ne peut se construire son propre destin en toute autonomie car sa survie dépend en tout de son maître
(son mari), elle est « dans les fers ».
Olympe de Gouges souligne une contradiction de la Révolution, entre les principes qu’elle affiche et son
action. Pourtant, l’égalité en droit de l’homme et de la femme sont inscrits dans la nature même.
Olympe de Gouges oppose la situation de la femme à ce qu’elle devrait être en invoquant la nature et les
droits fondamentaux de tous les êtres humains. La référence à la nature encadre la Déclaration des droits de la
femme (articles I,II,IV,V puis XVII), par exemple « Le but de toute association politique est la conservations des droits
naturels et imprescriptibles de la femme et de l’homme » (II) Olympe de Gouges devient le porte-parole des « lois de
la nature et de la raison » (article IV et V). La nature est constamment associée à la raison, parce qu’elle est issue de
la « sagesse » de « l’être suprême ». Au contraire, l’homme a perverti la sagesse de la nature par son despotisme,
jetant ainsi « la division et la discorde» dans l’organisme social, dont Olympe de Gouges, en témoin de son temps,
donne maints exemples.
La nature est ainsi un principe rationnel et universel qui fonde le droit, et unit les membres de la société
dans un ensemble harmonieux. Mais Olympe de Gouges en cherche des manifestations concrètes dans la réalité.
Dans « l’Adresse aux hommes », l’auteur en fait la démonstration « cherche, fouille et distingue si tu le peux, les
sexes dans l’administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble
harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel». La nature, prise au sens concret, fournit une preuve par les faits, mais
prise au sens abstrait, elle opère comme une valeur fondamentale et incontestable, placée sous l’égide de l’être
suprême.
Olympe de Gouges, à ce titre, s’inscrit dans la lignée des grands philosophes déistes, en particulier Voltaire
ou Rousseau. En effet, si la femme est soumise par le mariage, qu’il faut réformer, il ne faut pas oublier que le
mariage tel qu’elle le critique a été institué par l’Eglise. Or, on sait bien que dans la Bible, la femme est déjà
infériorisée : elle n’est issue que de la « côte » d’un homme pour se tenir à ses côtés, parce qu’il s’ennuyait, seul,
dans le jardin d’Eden. Il est donc logique de voir Olympe de Gouges s’orienter vers une religion déiste, qui se passe
de l’Eglise et des textes sacrés et cherche ses principes dans l’ordre de la nature, qui émane de la sagesse d’un être
suprême.
Olympe de Gouges est alors en droit de reprocher aux hommes d’être en contradiction avec les principes
qu’ils affichent en faisant la Révolution.
A la fois témoin des dérives de la Révolution, et s’exprimant au nom de la nature offensée, Olympe de
Gouges, est autorisée à prendre la parole au nom de toutes les femmes en tant qu’autrice, citoyenne et philosophe
pour s’adresser avec autorité et véhémence aux hommes. Ainsi, comme elle devient porte-parole de la femme et de
la nature, le ton d’Olympe de Gouges est celui de l’indignation véhémente : elle s’adresse aux hommes avec
agressivité « Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans
l’ignorance la plus crasse, [l’homme] veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés
intellectuelles » car il faut détruire l’image prestigieuse que l’homme donne de lui pour asseoir son despotisme. Elle
n’hésite pas, quand elle parle au nom de la Femme, à tutoyer l’Homme et à lui donner des ordres, à se mettre en
posture de supériorité.
De plus, dans la mesure où Olympe de Gouges s’inscrit dans la filiation des grands philosophes déistes que
sont Rousseau ou Voltaire, pour prouver que les femmes ont autant 3 de « facultés intellectuelles » que les hommes
- d’ailleurs elles sont mêmes supérieures « en beauté et comme en courage dans les souffrances maternelles »-,
Olympe de Gouges se revendique autrice en citant ses propres œuvres et en mettant en scène sa parole
performative : « l’acte conjugal dont je propose », « quand je t’en donne le moyen », «Comme je l’ai exposé dans le
Bonheur primitif de l’homme ».
Cependant, humilier l’homme dans sa prétention à la supériorité et revendiquer les talents intellectuels de la
femme ne suffisent pas. Il est essentiel en effet de donner aux autres femmes le courage de se dresser contre la
tyrannie des hommes comme le montre le postambule « Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre
dans tout l’univers […] ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? […] réunissez-vous sous les
étendards de la philosophie ». C’est pourquoi, en tête de sa Déclaration, Olympe de Gouges propose aux femmes de
se « constituer en Assemblée nationale », et qu’elle demande en outre à la Reine Marie-Antoinette de soutenir leur
combat « il n’appartient qu’à celle que le hasard a élevée à une place éminente, de donner du poids à l’essor des
droits de la femme ». Tout se passe comme si Olympe de Gouge appelait à une révolution des femmes au sein de la
Révolution française.
Pour conclure, Olympe de Gouges n’aura cessé dans sa vie d’écrivaine engagée de combattre pour que
toutes les femmes puissent devenir de véritables citoyennes dans la société post révolutionnaire. Dans sa lutte,
l’autrice adoptera tour à tour le rôle de témoin direct dénonçant les dérives de la Révolution, de porte-parole de la
nature pour rappeler la préexistence d’une égalité de droits entre les hommes et les femmes et de révolutionnaire
de premier plan incitant ses concitoyennes à défendre la légitimité de leur place. L’Histoire donnera raison à Olympe
de Gouges en accordant le droit de vote aux femmes en 1944 et si l’égalité doit encore progresser l’entrée à
l'Assemblée nationale en 2016 par le biais de son buste de marbre blanc peut être considérée comme une
reconnaissance de la justesse de son engagement.