Manon Lescaut Labbé Prévost
Manon Lescaut Labbé Prévost
Manon Lescaut Labbé Prévost
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Manon Lescaut ne représente que le 7ème tome des Mémoires d’un jeune homme de
qualité, mais il s’agit sans conteste de l’œuvre la plus connue de l’abbé Prévost.
Ce succès est certainement dû au mélange des genres qui confère à cette œuvre une
richesse exceptionnelle.
Mais il rejette la vie religieuse, fuit en Angleterre, puis en Hollande où il se lie avec Hélène
Eckhard, une aventurière. Il rédige alors l’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon
Lescaut, un roman à forte composante autobiographique.
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Comment résumer Manon Lescaut ?
Le chevalier des Grieux narre au marquis de Renoncour le récit de sa passion amoureuse
pour Manon Lescaut.
À 17 ans, le chevalier des Grieux s’éprend de Manon, jeune femme destinée par ses
parents au couvent. Il devient son amant et fuit la maison familiale.
Mais Manon le trompe. Enlevé par ses parents, le chevalier reprend des études brillantes et
devient l’abbé des Grieux. Néanmoins, il succombe à nouveau aux charmes de Manon
venue lui rendre visite et part s’installer avec elle à Paris.
Pris en flagrant délit, les deux amants sont emprisonnés, mais parviennent à se libérer,
tuant un garde au passage.
Les deux jeunes gens s’installent à Chaillot mais Manon, attirée par l’argent et le luxe,
conduit des Grieux à manigancer un plan avec elle pour tirer profit du fils de G* M* qui
tente de la séduire.
Leur plan échoue et ils sont arrêtés. Manon est déportée en Louisiane. Le chevalier des
Grieux la suit en Amérique, se bat en duel contre le fils du Gouverneur qui veut épouser
Manon, et fuit avec cette dernière la Nouvelle Orléans.
La jeune femme succombe néanmoins dans le désert. Des Grieux, éprouvé et inconsolable,
est rejoint par son ami Tiberge et retourne en France où il apprend la mort de son père.
La passion amoureuse
La passion amoureuse est la force qui domine le Chevalier des Grieux durant tout le roman.
Ainsi, chaque fois qu’un événement le sépare de Manon (la tromperie de Manon avec M. de
B., avec M. G*** de M***, la prison…), le désir les unit de nouveau.
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La passion est aussi pourvoyeuse d’illusion car des Grieux, aveuglé par ses sentiments, ne
voit plus le libertinage de Manon.
L’amitié
Ce dernier offre un miroir vertueux et chrétien à des Grieux. Son amitié est héroïque car
elle résiste aux nombreuses déceptions occasionnées par les déviances morales de son
ami.
Quant au chevalier, s’il réprouve avec ironie les « “harangues apostoliques” » de son
compagnon, il n’en reste pas moins fidèle à Tiberge qui lui sert de boussole dans ce roman
en perpétuel mouvement.
Selon lui, l’homme est tiraillé entre l’idéal religieux et moral et l’attraction vers le plaisir.
Ce tiraillement intérieur, propre à tous les hommes, est symbolisé par les personnages de
des Grieux et Tiberge. Ainsi, Tiberge incarne la vertu tandis que des Grieux symbolise
l’attrait pour la luxure.
Cette tension se manifeste aussi physiquement, à travers les « larmes » qui traduisent des
états contradictoires : la joie, la tristesse, la mélancolie, le désespoir. Ce sont ainsi des
« torrents de larmes » qui sont versés par le chevalier des Grieux.
Le libertinage
Ce roman met en scène le libertinage des mœurs et la corruption qui règnent en France
au début du 18ème siècle.
Manon, femme fatale, incarne le libertinage : « “Manon était passionnée pour le plaisir ; je
l’étais pour elle” » dit des Grieux.
Durant tout le roman, le jeune homme ne cherche qu’à satisfaire les plaisirs matériels de
Manon : son goût pour l’opéra, pour les divertissements, sa recherche du confort.
La jeune femme se plaît à élaborer des stratégies de tromperie pour dépouiller ses
soupirants. Elle n’est pas touchée par les vertus de la religion, contrairement à des Grieux
qui est tiraillé entre vice et vertu.
Le bonheur
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La question du bonheur, centrale dans les écrits du 18ème siècle, est déjà présente dans
Manon Lescaut.
Le bonheur y est assimilé à une vie simple, à une tranquillité de l’âme, à l’absence
d’hostilités de la part des autres hommes.
Le bonheur semble en revanche accessible dans le Nouveau Monde qui offre la promesse
d’une vie purifiée des tentations libertines : « “L’innocence de nos occupations et la
tranquillité où nous étions continuellement servirent à nous faire rappeler insensiblement des
idées de religion. ”»
Même Manon semble se laisse gagner par la conception chrétienne du bonheur comme
le suggère sa joie face à la perspective du mariage.
Manon Lescaut est d’abord un roman-Mémoires, c’est-à-dire un récit fictif présenté sous
forme de Mémoires.
Il comprend des récits enchâssés : le narrateur rencontre des Grieux qui lui fait l’exposé de
ses aventures. Cet enchâssement crée une architecture complexe, vivante, qui relève d’une
esthétique baroque.
Mais il ne faudrait pas oublier la visée morale de ce roman qui met en garde contre les
passions. L’écriture de l’abbé Prévost, lorsqu’elle s’exprime par aphorisme, se rapproche
ainsi parfois de celle des moralistes du 17ème siècle, comme La Bruyère ou La
Rochefoucauld : « “La plupart des grands et des riches sont des sots ; cela est clair à qui
connaît un peu le monde. Or il y a là-dedans une justice admirable. ”»
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Que signifie le parcours « Personnages en marge, plaisirs du
romanesque » ?
Dans ce roman, L’Abbé Prévost ne s’intéresse pas à des figures héroïques aux actions
sublimes mais à des personnages en marge.
Pourquoi ?
Dans Manon Lescaut, les personnages sont en marge car ils ne parviennent pas à se
conformer à la vie morale et réglée qui est attendue d’eux.
Des Grieux, chevalier, appartient par son père à une lignée héroïque, morale et
chrétienne du 17ème siècle.
Mais l’amour éprouvé pour Manon le marginalise. Sa marginalité est d’abord intérieure :
incapable d’être un bon chrétien, il ne peut lutter contre la tentation du péché et des
plaisirs.
Puis cette marginalité devient sociale : il passe d’un statut noble à celui d’un déclassé,
désargenté et renié par son père.
Cette déchéance est un ressort romanesque puissant qui tient le lecteur en haleine. Le
noble des Grieux va-t-il se laisser entraîner dans cette chute ? Va-t-il se ressaisir ? Va-t-il
renoncer à son amour pour Manon ?
Manon est quant à elle en marge de la docilité et de la pudeur attendue d’une jeune fille à
cette époque. Amoureuse des plaisirs, de la variété, du mouvement, de la ville parisienne,
son inconstance est l’un des moteurs du roman. C’est en effet pour la satisfaire que des
Grieux va se lancer dans des aventures risquées.
Le roman nous entraîne également vers un univers social marginal, notamment à travers
le frère de Manon, qui vit de larcins et de tromperie.
Cet univers suscite la curiosité du lecteur pour un milieu éloigné du sien qu’il considère
comme un espace de péché et de tentations.
5/6
Cette marginalisation est toutefois suivie à la fin du roman d’une sorte de normalisation.
En effet, une fois en Amérique, les deux personnages reviennent à une vie plus vertueuse
comme le suggère leur souhait de se marier.
6/6