SyntheseChapitre2TermSES 2023-2024
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SyntheseChapitre2TermSES 2023-2024
Selon Pierre BOURDIEU la notion d’espace social permet de représenter la société comme un « ensemble de positions
distinctes et coexistantes (…) définies les unes par rapport aux autres (..) par des relations de proximité, de voisinage ou
d’éloignement et aussi par des relations d’ordre comme « au-dessus », « au-dessous » et « entre » ».
• La catégorie socioprofessionnelle (PCS) est un des facteurs de structuration et de hiérarchisation de l’espace social. En
effet, les PCS se différencient par de multiples critères et notamment par des différences de revenu et donc de niveau de vie et in fine
de modes de vie (on constate des différences notamment de pratiques culturelles et de loisirs entre les PCS, de même que des
différences de pratiques sociales). Force est de constater que certaines PCS plus que d’autres sont touchées par les inégalités tant
économiques que sociales, il s’agit des ouvriers, des employés et des inactifs (sauf retraités). Ces PCS cumulent les handicaps : faibles
revenus et faibles patrimoines, difficultés face à l’emploi (temps partiels involontaires - sous-emploi -, travail précaire, période de
chômage, conditions de travail pénibles), faiblesse du capital culturel et échec scolaire des enfants (inégalités scolaires), logements
peu spacieux et dans des zones éloignées des centres villes, loisirs peu diversifiés et de « proximité », mauvaise nutrition, tendance à
des comportements à risque (obésité, tabagisme, alcoolisme) alors que d’autres PCS sont moins touchées (cadres supérieurs et
professions libérales, professions intermédiaires et certains artisans, commerçants, chefs d’entreprises et certains agriculteurs). Ainsi,
certaines PCS sont dans le champ social à la fois très valorisée économiquement, socialement et symboliquement, en revanche,
d’autres sont très peu valorisées économiquement, socialement et symboliquement.
• Le revenu est également un facteur de structuration et de hiérarchisation de l’espace social. En effet, les différences de
revenu entre les ménages peuvent donner lieu à des inégalités de niveau de vie et des différences de modes de vie. Ces différences de
revenu peuvent se traduire également par des différences de patrimoine, d’accès à la propriété, des différences de lieu d’habitation et
plus largement conduire à une segmentation des lieux fréquentés. Enfin, les différences de revenu peuvent conduire à des inégalités
scolaires (possibilité de financer des cours particuliers ou des stages linguistiques - de convertir du capital économique en capital
culturel – de financer des études supérieures).
• Le diplôme est également un facteur de structuration et de hiérarchisation de l’espace social. Les personnes très diplômées
ont généralement accès à des professions valorisées économiquement, socialement et symboliquement. Elles sont moins touchées par
le chômage et ont une espérance de vie plus importante que les personnes peu diplômées ou sans diplôme. De plus, selon Pierre
BOURDIEU les différences de capital culturel entre les milieux sociaux sont à l’origine d’inégalités scolaires lesquelles conduisent à
une reproduction sociale assez marquée en France.
• La composition du ménage est également un facteur de structuration et de hiérarchisation de l’espace social. A revenu
identique, le niveau de vie des ménages en couple sans enfant sera plus élevé que le niveau de vie d’un ménage en couple avec
enfants. De même, le niveau de vie des familles monoparentale est en moyenne plus faible que le niveau de vie d’une personne
célibataire ou d’un couple sans enfant ou avec enfant. Le risque de pauvreté est plus élevé pour les familles nombreuses ou
monoparentale que pour les ménages en couple sans enfant ou avec un à deux enfants. Les différences de niveau de vie étant à
l’origine de différences importantes de modes de vie et de pratiques culturelles et in fine d’inégalités scolaires.
• La position dans le cycle de vie est également un facteur de structuration et de hiérarchisation de l’espace social. On
observe dans nos sociétés des inégalités de revenus en fonction des âges, mais également des différences dans les pratiques culturelles
et sociales, dans les lieux fréquentés, de même que dans les modes de vie et les taux d’équipement. Ainsi, l’âge est un fait social avec
des effets sur la position sociale de l’individu : son prestige, les revenus auxquels il peut prétendre, ses chances d’accéder au pouvoir
politique, etc. De plus, les jeunes sont davantage touchés par le chômage ou encore les emplois précaires que leurs aînés.
• Le sexe est également un facteur de structuration et de hiérarchisation de l’espace social. On observe de nombreuses
inégalités en fonction des sexes et ce à plusieurs niveaux : les rémunérations, les perspectives de carrières et de promotion sociale
(phénomène du « plafond de verre »), la répartition des tâches domestiques au sein des couples, les pratiques culturelles et sociales
etc. Certaines de ces inégalités économiques et sociales trouvent directement leurs origines dans le processus de socialisation
différentielle en fonction des sexes (mythe de l’attente et éveil de la pensée maternelle chez les jeunes filles qui les amènent à
privilégier leur vie familiale à leur vie professionnelle (« Complexe de Cendrillon » de Marie DURU-BELLAT et à s’auto-exclure des
filières prestigieuses à l’école et des postes à responsabilité dans le monde du travail (« auto-consentement des dominées de Pierre
BOURDIEU) . D’autres sont à trouver dans les discriminations négatives dont sont victimes les femmes.
• Le lieu de résidence est également un facteur de structuration et de hiérarchisation de l’espace social. Ainsi, le lieu de
résidence est à la fois un reflet de la position sociale et un facteur d’élection ou de stigmatisation, qui peut rendre plus ou moins facile
• La tertiairisation, c’est-à-dire l’accroissement de la part du secteur tertiaire dans l’ensemble des emplois, constitue une
deuxième grande évolution de la structure socioprofessionnelle depuis la seconde moitié du XXème siècle. Ainsi, le secteur tertiaire
occupait un peu plus de 40% de la population en emploi dans les années 60 contre plus de 75% aujourd’hui. Cette tertiairisation
s’explique par le fait que les gains de productivité massifs dans les secteurs primaire et secondaire entraînent toutes choses égales par
ailleurs à un accroissement de la production dans ces secteurs plus importante que l’accroissement de la demande adressée à ces
secteurs, ce qui conduit à une baisse du niveau de l’emploi dans ces secteurs afin de ralentir la hausse du niveau de production. Dans
le même temps, les gains de productivité plus faibles dans le secteur tertiaire alors même que la demande de service est croissante et
supérieure, toutes choses égales par ailleurs, à celle de l’offre conduisent à un accroissement du niveau de l’emploi dans le secteur
tertiaire et notamment dans l’éducation, la santé, l’action sociale, culturelle et sportive ou encore les services à la personne.
• L’élévation du niveau de qualification. On observe d’une part une hausse de la qualification des emplois, c’est-à-dire une
hausse de la part des emplois qualifiés dans l’ensemble des emplois ainsi que d’autre part de l’accroissement du niveau de
qualification individuelle des personnes ayant un emploi. Ainsi, si en 1960 les salariés d’exécution (employés et ouvriers) représentent
75% des salariés, ils n’en représentent plus que 55% aujourd’hui ; la part des professions intermédiaires et des cadres supérieurs
passant quant à elle de 25% à 45%. De même, si en 1980, la moitié des personnes ayant un emploi sont sans diplôme ce n’est le cas
que de 20% des personnes ayant un emploi aujourd’hui. Plusieurs explications peuvent expliquer cette montée du niveau de
qualification des emplois d’une part et des personnes d’autre part. Le processus d’automatisation à l’œuvre dans l’industrie à partir du
milieu des années 80 a entraîné le déclin des ouvriers non qualifiés (3,5 millions en 1975 à 2 millions aujourd’hui). De plus, le progrès
technique exige des salariés de plus en plus qualifiés pour concevoir d’une part et maîtriser d’autre part les nouvelles technologies ;
l’accroissement de la taille des unités de production a entraîné l’accroissement des personnels d’encadrement ; enfin la volonté
d’accroître le niveau de qualification des personnes et la volonté d’accroître l’espérance de vie scolaire a nécessité le recours massif à
des enseignants, qui sont par définition des personnels qualifiés et diplômés.
Pour résumer on peut noter que le progrès technique permet la suppression de certains emplois peu qualifiés (notamment
dans le secteur industriel) et exige des emplois qualifiés. Dans le même temps, les gains de productivité permis par le progrès
technique sont source de croissance économique. Laquelle permet une hausse du niveau de revenus des ménages ainsi que des recettes
fiscales de l’Etat ce qui est favorable à la montée du niveau de qualification (pour les ménages le coût relatif des études diminue,
tandis que l’Etat dispose de davantage de ressources budgétaires pour financer une politique éducative ambitieuse.)
• La féminisation des emplois, c’est-à-dire une hausse de la part des femmes dans l’ensemble des emplois. Ainsi, si en 1950
34% des emplois en France sont occupés par des femmes, aujourd’hui presqu’un emploi sur deux est occupé par une femme.
L’explication essentielle de cette féminisation des emplois est la montée de l’activité des femmes alors que l’activité des hommes
► Connaître les théories des classes et de la stratification sociale dans la tradition sociologique
(Marx, Weber) ; comprendre que la pertinence d’une approche en termes de classes sociales pour rendre
compte de la société française fait l’objet de débats théoriques et statistiques : évolution des distances
inter et intra-classes, articulation avec les rapports sociaux de genre, identifications subjectives à un
groupe social, multiplication des facteurs d’individualisation).
Mais, selon K. MARX, il n’y a pas de classes sociales sans conscience de classe. Autrement, dit pour qu’un groupe
d’individus forment une classe sociale, les individus qui occupent la même place dans le mode de production (classe en soi) doivent
prendre conscience de leurs intérêts communs à défendre et doivent s’organiser pour cela (c’est la classe pour soi). Plus précisément,
selon K. MARX le rapport social qu’est le salariat est un rapport inégalitaire dans la mesure où les prolétaires sont rémunérés à la
valeur d’échange de la force de travail (définie par le niveau du salaire de subsistance) et non à la valeur d’usage créée par celle-ci (en
termes modernes, la productivité marginale du travailleur). Ainsi, alors que le travail a la propriété de créer plus de valeur (valeur
d’usage) que n’en nécessite sa reproduction (valeur d’échange), autrement dit de créer une plus-value, cette plus-value qui appartient
de fait aux prolétaires (car ils détiennent la force de travail) est accaparée par les capitalistes. Ce faisant, payés aux salaires de
subsistance les prolétaires sont condamnés à la misère et à devoir travailler pour survivre ; alors que les capitalistes en accaparant la
plus-value peuvent accumuler du capital et continuer à asseoir leur domination.
Ainsi, K. MARX a-t-il une vision réaliste des classes sociales, dans la mesure où les classes sociales sont amenées à devenir
des acteurs du changement social. De même, dans l’approche marxiste les classes sociales n’existent et ne se définissent que dans une
situation de conflit ; la lutte des classes, moteur du changement social, naissant de la conscience de classe au sein du prolétariat.
• Pour certains sociologues, la notion de classes sociale a perdu de sa pertinence pour rendre compte de la société
française.
Du milieu des années 60 au début des années 80, l’atténuation des distances inter-classes rendent en effet moins évidentes
les frontières entre les classes sociales et conduit à une moindre pertinence de la classe en soi.
De 1967 au milieu des années 80, on observe un processus de moyennisation (Henri MENDRAS qualifie même cette
évolution de « seconde révolution française »). En effet, durant cette période, non seulement les niveaux de vie s’accroissent mais les
inégalités économiques et sociales se réduisent : c’est la moyennisation. Cette moyennisation est due à plusieurs facteurs : la création
du SMIC en 1970, la généralisation et l’approfondissement de l’Etat Providence dont les logiques se diversifient : assurance,
assistance et universalité. La massification de l’enseignement s’est accompagnée d’une démocratisation de celui-ci et l’ascenseur
social est devenu effectif (mobilité sociale intergénérationnelle ascendante). In fine, tant les prestations sociales versées en espèces (et
notamment celles versées sous conditions de ressources) que les prestations sociales en nature (santé, éducation, logement social) ont
contribué à réduire les inégalités, tant économiques que sociales. Le plein emploi et les avancées sociales obtenues dans le monde du
travail suite à de nombreux conflits expliquent également cette réduction des inégalités. Les inégalités économiques et sociales se
sont atténuées et elles apparaissent désormais moins marquées : hausse des niveaux de vie, harmonisation des modes de vie.
Alain TOURAINE parle d’une rupture sociologique. Ainsi, selon lui la société industrielle du 19e siècle et du début du 20e
siècle n’existe plus. Cette société était marquée par le conflit central entre les ouvriers d'industrie et les dirigeants d'entreprises. Les
ouvriers, ou plutôt leurs représentants à travers la constitution d'un mouvement ouvrier remettaient en cause l'ensemble du système
social qui reposait sur l'exploitation du travail ouvrier. Mais la société industrielle s'est transformée. La conscience de classe ouvrière
est devenue moins radicale du fait de la hausse des niveaux de vie et l’amélioration des conditions de travail. L’évolution des
technologies industrielles avec l'automatisation des postes de travail a modifié le paysage industriel transformant beaucoup d'emplois
en travaux de surveillance, supprimant les emplois les plus pénibles physiquement. Dans la société postindustrielle, selon Alain
TOURAINE, il y aurait eu retournement d’axe : c’est le passage d’une « société verticale » a une « société horizontale ».
Pour Henri MENDRAS, il convient de changer la représentation schématique de la société. On passe pour lui d’une société
pyramidale à une société en forme de toupie. Selon cet auteur deux mouvements remettent en question la vision d'une société divisée
en classes sociales. D'un côté, le sentiment d'appartenance à une classe sociale s'affaiblit puisque de moins en moins de gens se disent
appartenir à la classe ouvrière ou à la bourgeoisie, et ceux qui se situent dans la classe moyenne deviennent plus nombreux, jusqu'à
être majoritaires dans l'ensemble de la population. D'un autre côté, les catégories sociales intermédiaires se multiplient. Ainsi, cet
auteur évoque-t-il le phénomène de « moyennisation de la société » ou la montée d'une « classe moyenne généralisée » dont la valeur
centrale serait l'individualisme.
De même à partir du milieu des années 80 en France on observe un accroissement des clivages intra-classes, lequel
accroissement brouillent encore les différentes classes sociales et diminuent là encore la pertinence de la classe en soi
On peut observer une distance intra-classe, autrement dit un processus de fragmentation économique et culturelle au sein d’une
même catégorie sociale. Plusieurs critères peuvent expliquer l’existence de ces clivages intra-classes, parmi ces critères on peut citer
l’âge. Ainsi, le revenu s’accroît généralement avec l’âge (expérience, promotion interne etc.) et donc les écarts de revenu et de niveau
de vie peuvent être importants entre les membres d’une même catégorie sociale ou PCS. Par ailleurs, les jeunes sont davantage
touchés que leurs aînés par les emplois précaires ou le chômage ce qui là encore contribue à accroître les clivages intra-classes. Le
statut face à l’emploi est également un critère de fragmentation des catégories sociales salariées, entre les salariés travaillant à temps
plein et en CDI et les salariés travaillant par exemple à temps partiel involontaire (sous-emploi) et en contrat précaire. De même, la
composition familiale peut contribuer à accroître les clivages intra-classes. En ce qui concerne les ouvriers et les employés un autre
L’atténuation des clivages inter-catégoriels, l’accroissement des clivages intra-catégoriels et de multiples facteurs
d’individualisation amènent au déclin de la conscience de classe (classe pour soi)
On observe en France une baisse de la conscience de classe et ce pour plusieurs raisons.
- D’une part, la montée des niveaux de vie et l’homogénéisation des modes de vie ont contribué à faire décliner la conscience
de classe. Le déclin de la classe en soi entraînant de fait le déclin de la classe pour soi.
- De plus, selon François DUBET, si la notion de classe a perdu une partie de son actualité, c’est en raison de mutations
sociales profondes notamment dans deux domaines. D’une part, le domaine des identités, où la culture de masse a érodé les cultures
de classe. Et partant, d’autres modes d’identification comme l’âge, le sexe, le niveau de diplôme, le lieu de résidence, permettent
d’anticiper les dispositions des acteurs de façon plus précise et plus efficace que la seule appartenance de classe. Et d’autre part, le
domaine de l’action collective, les mouvements sociaux n’étant pas tous réductibles à des mouvements de classes opposant « les
prolétaires » et « les bourgeois ». Ainsi, on observe le développement des nouveaux mouvements sociaux à partir des années 60 :
mouvements féministe, écologistes, altermondialiste, anti-raciste, gay et lesbien, etc.). De même, pour François DUBET il n’est plus
possible de parler d’électorats de classe tant les facteurs du vote se sont détachés de la seule appartenance de classe ; l’âge, le diplôme,
le statut de l’emploi, la zone de résidence pèsent tout autant que l’appartenance de classe.
- Le processus d’individualisation dans les sociétés modernes a également contribué à faire décliner la conscience de classe.
Ainsi, l’affirmation de l’individualisme (à savoir l’accroissement de l’autonomie des individus par rapport à la société et aux instances
d’intégration) s’est traduite par une liberté plus grande des choix de comportements face au poids des normes familiales anciennes, de
l’Eglise ou d’autres institutions. De nouvelles pratiques sont apparues, aussi bien dans la sphère privée (telle l’évolution des formes de
la famille) que dans les formes collectives d’engagement (les partis politiques et syndicats déclinent, au profit d’autres types
d’associations). Pour certains sociologues, tel que François DUBET ou Bernard LAHIRE ces évolutions débouchent sur une
transformation radicale : l’individu choisirait librement, en fonction d’aspirations indépendantes de ses origines sociales, à la fois les
personnes avec lesquelles il se regroupe et les relations qu’il met en place.
• Toutefois à partir du milieu des années 80 en France on observe une résurgence des distances inter-classes, ce qui
rend pour certains auteurs l’analyse des classes sociale encore pertinente.
A partir du milieu des années 80 la dynamique de réduction des inégalités s’arrête, voire certaines inégalités s’accroissent
de nouveau. La notion de classe sociale en soi ressurgit.
Tout d’abord on peut citer plusieurs raisons pour expliquer la résurgence des distances inter-classes à partir des années 80. En
premier lieu on peut citer la crise économique apparue en 1973 et qui a entraîné la rupture du mode de régulation fordiste observé
dans les années antérieures. Le chômage explose et les emplois précaires se développent. De même, face à la crise et la montée du
chômage, les gouvernements mettent en place des politiques libérales dont la politique de rigueur salariale ou l’accroissement de la
flexibilité du travail. Or, alors que désormais, à partir de 1983, les salaires vont augmenter moins vite que la VAB, dans le même
temps la libéralisation des marchés financiers (le « big bang ») contribue à faire exploser les revenus de la propriété. Et ce, alors
même que la progressivité de l’impôt s’atténue. De plus, la massification de l’enseignement, mise en œuvre dès les années 50, n’a pas
été pleinement synonyme de démocratisation. En effet, force est de constater que les inégalités scolaires restent importantes et
dépendent encore du milieu social d’origine. De même, la crise de financement de l’État Providence a entraîné le recul forcé de celui-
ci dans certains domaines : santé, chômage, retraite, logement.
Par conséquent, le groupe constitué des salariés n’est pas homogène. Les niveaux de vie et les modes de vie des ouvriers et des
employés (choix du « nécessaire ») est très différent de celui des cadres et des professions intermédiaires. De même, les conditions de
travail sont différentes, les employés et certaines professions intermédiaires voient leurs conditions de travail se rapprocher de celles
des ouvriers.
Pour Pierre BOURDIEU les goûts restent déterminés par l’origine sociale des individus ; de plus il y a une domination
symbolique exercée par la classe dominante au niveau des pratiques sociales et des pratiques culturelles.
La mobilité sociale reste relativement faible et in fine, le phénomène de reproduction sociale touche toutes les PCS. Pierre
BOURDIEU montre alors la persistance des inégalités scolaires dont les origines sont à trouver dans le fonctionnement du système
scolaire lui-même et les différences de capital culturel entre les différents milieux sociaux (le capital culturel de la classe favorisée
étant en adéquation avec le capital culturel de l’école).
La résurgence des inégalités économiques et sociales et l’accroissement de la pertinence de la classe en soi, entraînent
une remontée de la conscience de classe (classe pour soi).
On observe une remontée de la notion de classe sociale en France à partir du milieu des années 2000. Aujourd’hui près de 75%
TSES - Nicolas Oufkir Page 5
des français estiment appartenir à la classe populaire ou à la classe moyenne inférieure.
Pour certains auteurs, la notion de classe sociale reste une notion pertinente pour appréhender la société française.
Pour le sociologue, Louis CHAUVEL plusieurs arguments permettent de parler du maintien, voire du retour des classes
sociales dans leur dimension objective. Pour autant, dans ce diagnostic, un élément demeure manquant : celui concernant les identités
collectives, autrement dit la conscience de classe. Pour cet auteur, les classes sociales perdurent d’un point de vue objectif même si
elles ont disparu d’un point de vue subjectif.
Pour Michel PINCON et Monique PINCON-CHARLOT si on peut dire que la classe ouvrière n’existe plus en revanche force
est de constater que la classe sociale bourgeoise en soi et pour soi perdure encore. Cette classe sociale qui accumule des capitaux
économiques, sociaux et symboliques se caractérise par un niveau élevé de richesse multiforme (un alliage fait d’argent mais aussi de
culture, de relations sociales et de prestige) ainsi que par la constitution de lignées qui apparaît, dès lors, comme centrale dans les
processus de la transmission des positions dominantes
Pour François DUBET, il faut défendre la notion de classe sociale, car elle renvoie à la présence et à la force des mécanismes
de domination sociale qui caractérisent notre société. Les exclus sont ainsi dominés par un système de classes, de même les
mécanismes de reproduction sociale du fait des inégalités scolaires sont aussi des mécanismes de domination.
Enfin, pour le sociologue Pierre BOURDIEU l’espace social reste un espace fortement hiérarchisé avec une classe dominante
et une classe dominée.
Plus précisément, Pierre BOURDIEU essaye à la fois de concilier et de dépasser l’analyse de Karl MARX et celle de MAX
WEBER. À Karl MARX il emprunte la notion de capital qu’il étend à d’autres domaines et à Max WEBER il emprunte l’idée que les
acteurs sont en lutte pour l’accès aux biens, au prestige et au pouvoir en ayant des moyens inégaux d’où l’importance de la
domination symbolique qui s’exerce aux différents niveaux de la société.
Les classes sociales sont analysées à partir de la distribution des positions dans l’espace social. Cette distribution est
structurée à partir de deux critères principaux :
- Le volume du capital possédé. À ce niveau Pierre BOURDIEU distingue, le capital économique (revenus, patrimoine), le
capital social (le réseau de relations) et le capital culturel (niveau de diplôme, maitrise de la culture légitime qui conditionne les goûts
et les pratiques sociales, le capital linguistique etc.) Les agents sont plus ou moins bien dotés en capitaux. L’ensemble de ces capitaux
se renforcent mutuellement et s’accumulent.
- La structure du capital possédé, c’est la part respective du capital économique, du capital social et du capital culturel dans le
capital global. Ainsi P. BOURDIEU distingue au sein classe dominante, les dominants-dominants (fortement dotés de l’ensemble des
capitaux) et les dominants-dominés (moins dotés en capital économique mais fortement doté en capital culturel). On observe ici
l’importance du capital culturel comme instrument de la domination dans l’analyse de Pierre BOURDIEU.
Toutefois, le capital possédé ne suffit pas à déterminer la position sociale d’un individu. En effet, encore faut-il que
l’individu mobilise et utilise ce capital pour obtenir une reconnaissance sociale. Ce qui est le cas de classe dominante.
• Des facteurs de hiérarchisation qui s’articulent aux classes sociales sans les dépasser.
La position occupée par un individu dans les rapports sociaux de classe s’articule avec la position qu’il ou elle occupe dans
les rapports sociaux de genre. Le concept de rapports sociaux de genre renvoie d’abord au constat de de l’assignation des femmes et
des hommes à des tâches différentes et cette assignation différenciée s’applique tant à la sphère domestique qu’à la sphère
professionnelle. Le concept de rapports sociaux de sexe ne désigne cependant pas un champ de tension autonome et indépendant des
rapports de classe. Autrement dit, la position occupée par les femmes dans les rapports sociaux de genre s’articule avec la position
qu’elles occupent dans les rapports sociaux de classes. Ainsi, les femmes cadres et les femmes ouvrières partagent certaines
caractéristiques communes. En effet, dans la sphère domestique les femmes consacrent plus de temps aux tâches domestiques et
notamment à certaines d’entre elles qui leur paraissent « naturellement assignées » et dans la sphère professionnelle les femmes sont
souvent cantonnées dans des activités liées à l’éthique du care, sont considérées comme moins compétentes que les hommes et gagent
toutes choses égales par ailleurs 10% de moins que les hommes. Toutefois, elles diffèrent selon d’autres. Plus précisément pour
Clément CARBONNIER et Nathalie MOREL, l’externalisation des tâches domestiques, c’est-à-dire l’emploi de salariés pour
effectuer des tâches domestiques autrefois effectuées par les membres du ménage permet d’atteindre une plus grande égalité entre les
sexes en déchargeant les femmes de ces tâches pour leur permettre de s’investir dans le monde du travail. Mais en même temps, force
est de constater que ce sont les femmes les plus qualifiées qui bénéficient de ces services, financés en partie par l’Etat sous la forme
de crédit d’impôt. Si bien que cette possibilité d’externaliser les tâches domestiques pour les femmes les plus aisées repose sur le
travail domestique des femmes moins qualifiées. Ainsi, s’opère donc dans un remplacement des inégalités de genre au sein des
couples les plus aisées par des inégalités entre femmes de différentes catégories socio-professionnelles. Libérées d’une partie des
tâches domestiques, les femmes très qualifiées peuvent davantage s’investir dans des tâches cognitives très productives et fortement
rémunérées, tandis que les femmes peu qualifiées restent cantonnées dans des tâches peu valorisées et faiblement rémunérées.