2 Series
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2 Series
Séries numériques
Sommaire
2.1 Séries et sommations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
2.2 Séries à termes positifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
2.3 Séries semi-convergentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Le mot « série » fait référence au fait de faire la somme d’une famille d’éléments. On
parle dans ce chapitre de séries numériques, c’est-à-dire de sommes de familles de nombres
(réels, éventuellement complexes) ; il existe aussi des séries d’autres objets (vecteurs, fonc-
tions, etc) mais on ne les abordera pas ici.
Comme dans le cas des suites, on s’intéresse essentiellement au comportement à l’infini.
On cherche donc à comprendre ce qui se passe quand on additionne successivement tous
les nombres d’une famille donnée, par exemple tous les 1/2n pour n parcourant N, ou tous
les (−1)n /n pour n parcourant N∗ . En d’autres termes, on cherche à définir la notion de
somme infinie et à savoir comment raisonner et calculer avec.
2.1 Définition. À toute suite (un )n∈N on associe la suite (Sn )n∈N telle que pour tout n ∈ N
on ait
n
X
Sn = u0 + u1 + · · · + un = uk .
k=0
P
Cette suite (Sn ) est appelée série de terme général un et on la note n un , ou simplement
P
un s’il est clair que l’indice est n. Le terme Sn est appelé somme partielle de rang n.
P
On dit que la série un converge lorsque la suite (Sn ) converge. Dans ce cas, la limite
P
de la suite (Sn ) est appelée somme de la série un et on la note comme une somme
infinie :
∞
X
un = lim(Sn ).
n=0
La différence entre la somme de la série et une somme partielle de rang n est appelée reste
2 Chapitre 2 – Séries numériques
Une série n’est donc rien d’autre qu’une suite particulière, définie à partir de sommes
de termes d’une autre suite. On peut donc appliquer tous les résultats connus sur les suites.
Comme dans le cas des suites, la définition précédente est formulée pour des séries qui
commencent au rang 0 mais elle se généralise immédiatement aux cas où le premier terme
est de de rang 1, ou 2, ou tout autre entier : on fait simplement commencer les sommes à
un autre rang.
P
2.2 Exemple (série arithmétique). Une série de la forme na pour une constante a est appelée
série arithmétique. La somme partielle de rang n vaut a + 2a + 3a + · · · + na = n(n + 1)a/2.
Un telle série converge donc si et seulement si a = 0 (et la somme est alors évidemment
0).
Exemple (série géométrique). Une série de la forme an pour une constante a est appelée
P
2.3
P
série géométrique. Dans le cas particulier a = 1 on a en fait la suite 1 qui diverge et dont
la somme partielle de rang n vaut n + 1. Si a 6= 1, on démontre facilement par récurrence
que la somme partielle de rang n vaut
1 − an+1
1 + a + a2 + · · · + an = .
1−a
Un telle série converge donc si et seulement si |a| < 1 et dans ce cas la somme est 1/(1−a).
Le reste de rang n est donc an+1 /(1 − a).
Les séries arithmétiques et géométriques sont des cas très particuliers mais qui pourront
servir dans l’étude d’autres séries au moyen de théorèmes de comparaison. En particulier,
ce sont des cas où l’on peut obtenir une formule explicite pour les sommes partielles et les
restes, ce qui est rarement le cas.
P
2.4 Théorème. Si un série un converge, alors son terme général un tend vers 0.
P P
Démonstration. Soit (Sn ) la suite des sommes partielles de la série un . Si série un
converge, alors par définition la suite (Sn ) converge vers une certaine limite `, or pour tout
n ≥ 1 on a un = Sn − Sn−1 donc (un ) converge et par les règles de calcul sur les limites
on a lim(un ) = lim(Sn ) − lim(Sn−1 ) = ` − ` = 0.
En conséquence (par contraposition), si une suite (un ) ne tend pas vers 0, alors la série
P
un ne peut pas converger et on dit alors qu’elle diverge grossièrement. C’est le cas des
séries arithmétiques non nulles et des séries géométriques divergentes.
Il est très important de noter que ce théorème n’est pas une équivalence et que sa
réciproque est fausse : ce n’est pas parce qu’une suite (un ) tend vers 0 que la série associée
P
un converge. Le premier exemple est celui de la série de terme général 1/n.
P
2.5 Définition (série harmonique). La série 1/n est appelée série harmonique.
2.6 Proposition. La série harmonique est divergente.
2.1. Séries et sommations 3
en remarquant qu’il y a 2k−1 termes minorés par 1/2k . On a donc une somme partielle
minorée par 1 + n/2 pour chaque n, ce qui prouve que la suite des sommes partielles n’est
pas bornée, elle ne peut donc pas converger.
P
2.7 Définition. Une série un est dite en forme télescopique si son terme général est écrit
sous la forme vn − vn+1 pour une certaine suite (vn ).
P P
2.8 Exemple. La série un = n≥1 (1/n−1/(n+1)) est en forme télescopique, avec vn = 1/n.
On peut alors donner une formule pour ses sommes partielles :
n n
X X 1 1
uk = −
k=1 k=1
k k+1
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
= − + − + − + ··· + − + −
1 2 2 3 3 4 n−1 n n n+1
1
=1−
n+1
1 1 n+1−n 1
un = − = =
n n+1 n(n + 1) n(n + 1)
donc la série 1/n(n + 1) est convergente de somme 1. Les séries n≥1 (1/n − 1/(n + 1))
P P
P
et n≥1 1/n(n + 1) sont donc égales mais la première est sous forme télescopique alors
que la deuxième de l’est pas.
Proposition. Une série télescopique (vn − vn+1 ) converge si et seulement si la suite
P
2.9
associée (vn ) converge. Dans ce cas on a ∞
n=0 (vn − vn+1 ) = v0 − lim(vn ).
P
2.10 Le fait d’être télescopique est donc une propriété de la façon d’écrire le terme général,
ce n’est pas une propriété des valeurs que prend le terme général. En fait, toute série
peut s’écrire sous forme télescopique de façon artificielle : en partant de Σun , on pose
Sn = Σnk=0 uk et on a alors un = Sn − Sn−1 pour tout n, donc un = vn − vn+1 si on pose
vn = −Sn−1 . Mais cette façon d’écrire la série sous forme télescopique n’apporte rien :
le terme vn contient une somme partielle de la série et étudier (vn ) est la même chose
P
qu’étudier un .
Démonstration. Il suffit de remarquer que le fait que le terme général de la série soit positif
entraîne que la suite des sommes partielles est croissante, or on sait qu’une suite croissante
de réels est convergente si et seulement si elle est majorée.
2.12 Théorème (comparaison de séries positives). Soient (un ) et (vn ) deux suites réelles
telles que pour tout n on ait 0 ≤ un ≤ vn . Alors
— Si vn converge alors un converge et ∞ un ≤ ∞
P P P P
P P n=0 n=0 vn .
— Si un diverge alors vn diverge.
2.13 Corollaire (comparaison asymptotique des termes généraux). Soient (un ) et (vn )
deux suites réelles positives.
P P
— Si un = O(vn ) et vn converge alors un converge.
P P
— Si un = o(vn ) et vn converge alors un converge.
— Si un ∼ vn alors un converge si et seulement si vn converge.
P P
Ce théorème de comparaison est très puissant car il permet de réinvestir dans les séries
toutes les techniques connues pour la convergence des suites. Un exemple d’application est
le théorème suivant qui généralise le résultat sur la série harmonique.
Exemple. La série 1/n2 est convergente. En effet, on a 1/n2 ∼ 1/n(n + 1) or ces deux
P
2.14
P
suites sont positives et on sait par l’exemple 2.8 que la série 1/n(n + 1) est convergente.
En revanche, le raisonnement par équivalence ne permet pas de donner la somme.
1/nα converge si
P
2.15 Théorème (séries de Riemann). Soit α un nombre réel. La série
et seulement si α > 1.
Démonstration. Le cas α = 1 est celui de la série harmonique, il est déjà démontré. Dans
le cas α 6= 1, on peut comparer la série considérée à une série télescopique, essentiellement
en généralisant l’exemple 2.8. En effet on a
1 1 1 (n + 1)α−1 1 1 α−1
− = 1 − = 1 − 1 +
(n + 1)α−1 nα−1 (n + 1)α−1 nα−1 (n + 1)α−1 n
— Si pour un certain α la suite nα un converge vers une limite non nulle, alors un
P
2.17 Proposition (règle de d’Alembert). Soit (un ) une suite à termes réels strictement
positifs.
— S’il existe q ∈ ]0, 1[ tel que l’on ait un+1 /un ≤ q pour tout n à partir d’un certain
P
rang, alors un est convergente.
— S’il existe q > 1 tel que l’on ait un+1 /un ≥ q pour tout n à partir d’un certain rang,
P
alors un est divergente.
En particulier, si un+1 /un converge vers une certaine limite `,
P
— si ` < 1 alors un converge,
P
— si ` > 1 alors un diverge.
6 Chapitre 2 – Séries numériques
Démonstration. Pour le premier cas, soit N un rang tel que un+1 /un ≤ q pour tout n ≥ N .
On en déduit par récurrence que pour tout n ≥ N on a
uN +1 uN +2 un
un = uN × × × ··· × ≤ uN × q n−N
uN uN +1 un−1
Le deuxième cas se traite de façon similaire mais la comparaison se fait dans l’autre
sens : on obtient q n = O(un ) avec
P n
q divergente. Le cas où un+1 /un converge découle
des deux points précédents.
2.18 Si lim(un+1 /un ) = 1, la règle de d’Alembert ne dit rien. En effet, il est facile de trouver
des exemples de suites ayant cette propriété pour lesquelles la série diverge et d’autres pour
lesquelles la série converge :
— Pour un = n, la série Σun diverge grossièrement et on a un+1 /un = (n + 1)/n donc
lim(un+1 /un ) = 1.
— Pour un = 1/n2 , la série converge et on a un+1 /un = n2 /(n+1)2 donc lim(un+1 /un ) =
1.
Le critère ne parle en fait que de cas où le terme général est comparable à une suite
géométrique.
La série 1/2n(2n − 1) est convergente puisque son terme général est positif et équivalent
P
à 1/4n2 donc la suite (S2n ) converge. Pour les termes de rang impair, on a simplement
pour tout n que S2n+1 = S2n − 1/(2n + 1) donc la suite (S2n+1 ) est convergente et de
même limite que que (S2n ). Par conséquent (Sn ) converge.
2.21 Théorème. Toute série absolument convergente est convergente.
2.3. Séries semi-convergentes 7
P
Démonstration. Soi un une série absolument convergente. On appelle Sn la suite des
sommes partielles de (un ) et Tn la suite des sommes partielles de (|un |), qui est donc
supposée convergente. On va alors montrer que (Sn ) est une suite de Cauchy.
Soit ε > 0. Par hypothèse (Tn ) converge donc c’est une suite de Cauchy, donc il existe
un rang N tel que pour tous m, n ≥ N on a |Tn − Tm | ≤ ε. Considérons alors deux entiers
m, n ≥ N et étudions |Sn − Sm |. Pour simplifier, on suppose (sans perte de généralité)
que l’on a n ≥ m. Alors
n
X n
X
|Sn − Sm | = uk ≤ |uk | = Tn − Tm ≤ ε
k=m+1 k=m+1
Ainsi (Sn ) est une suite de Cauchy donc elle est convergente.
L’exemple de la série (−1)n /n illustre en fait un cas de série assez courant : le signe
P
change entre un terme et le suivant, et la valeur absolue décroît vers 0. On peut en fait
généraliser l’exemple en un résultat général de convergence.
P
2.22 Définition. Une série un est dite alternée s’il existe une suite (vn ) de signe constant
telle que un = (−1)n vn pour tout n. En d’autres termes un est alternée si (−1)n un est
P
de signe constant.
un une série alternée. Si la suite (|un |) est
P
2.23 Théorème (critère de Leibniz). Soit
P
décroissante et tend vers 0, alors un est convergente.
Démonstration. Supposons pour simplifier que (−1)n un est toujours positif (s’il est tou-
jours négatif, tout se passe de la même façon au signe près). Soit (Sn ) la suite des sommes
partielles. On va montrer que les suites (S2n ) et (S2n+1 ) sont adjacentes.
Pour les termes de rang impair, on a pour tout n :
2n+1
X n
X
S2n+1 = uk = |u0 | − |u1 | + |u2 | − · · · + |u2n | − |u2n+1 | = |u2k | − |u2k+1 |
k=0 k=0
or pour chaque k le terme (|u2k |−|u2k+1 |) est positif puisque la suite (|un |) est décroissante
par hypothèse. Par conséquent la suite (S2n+1 )n est croissante.
Pour les termes de rang impair, par un calcul similaire on obtient
n
X
S2n = u0 − |u2k+1 | − |u2k+2 |
k=1
puisque (un ) tend vers 0 par hypothèse. Par conséquent (S2n ) et (S2n+1 ) ont même limite,
donc (Sn ) est convergente.
8 Chapitre 2 – Séries numériques
2.24 La réciproque de ce théorème est fausse : on peut trouver un série alternée convergente
donc le terme général n’est pas décroissant (le terme général doit bien sûr tendre vers 0
faute de quoi il y a divergence grossière de la série).