Baba Taher - 100 Quatrains

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Je suis la mer apparue dans la cuvette, je suis le même


Je suis le point apparu sur la lettre, je suis le même
À chaque millénaire, il y a un génie qui apparaît
Je suis le génie de ce millénaire1, je suis le même

Bâbâ Tâher
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SOMMAIRE

Préface 9
Cent quatrains lyriques de Bâbâ Tâher 11
Notes 39
Bibliographie 47
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PRÉFACE

Né et mort à Hamedân, une ville à l’ouest de


l’Iran, Bâbâ Tâher est un poète soufi2 du 11e siècle3. Il est
considéré comme un des premiers poètes de l’amour du
soufisme4 persan.
Son surnom, Oryân, « nu », indique qu’il s’est
dénué des attachements du monde et a suivi la manière
faghr, dite dénuement.
Il est un amoureux sincère qui laisse
mystiquement tout ce qu’il a dans la tête, donne tout ce
qu’il a dans la main et se contente de ce qui lui arrive. Il
ne voit que sa bien-aimée.
Il a un cœur désireux ; un cœur qui est, selon son
expression, « le client d’amitié » et qui « chauffe le bazar
d’amitié ». Il n'apporte aucune autre marchandise que son
âme au bazar d’amitié. Il a un cœur qui est toujours
atteint de l’amour des belles.
Illustrant la situation de l’homme dans sa
recherche de la Réalité, ses quatrains lyriques5 expriment
une émotion et une ferveur d’une intensité dans l’amour,
qui reflète les rayons de la Divinité.
Ce livre comprend la traduction française de 100
quatrains lyriques de Bâbâ Tâher, choisis parmi les
différents recueils de ses quatrains qui existent en
persan6.
Ces quatrains lyriques sont arrangés dans l’ordre
alphabétique de leur premier distique.
En traduisant ces quatrains, j’ai essayé d’en
conserver les concepts et la délicatesse sans sacrifier
leurs formes, leur simplicité ou leur naïveté.
J’ai essayé aussi d’enrichir les traductions, dans
la mesure de possible, en donnant des explications et des

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précisions sur des points culturels, religieux, mystiques,


linguistiques et littéraires.
En espérant que cette tâche soit un pas pour
construire une liaison entre les cultures iranienne et
française, je dédie ce livre à tous ceux qui souhaiteraient
que nous écoutions ensemble les voix de l’amour qui
résonnent sous notre ciel bleu commun, comme Hafez7 le
dit :

Je n’ai jamais vu une voix plus belle que celle de l’amour


Celle qui fait écho sous la voûte céleste depuis toujours

Mahshid Moshiri
Paris, 25 décembre 2009

10
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Cent quatrains lyriques


de
Bâbâ Tâher Oryân
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À chaque fois que je me rappelle ma patrie


Mes larmes coulent en espérant ma patrie
Je suis malheureux, ce qui me fait peur
C’est que ma vie finisse loin de ma patrie

Brûle mon corps, j’aime être brûlé


Aveugle-moi, j’aime être aveuglé
Emmène-moi au jardin pour cueillir la fleur
Je veux celle qui te ressemble, je suis affolé

Comme tu es loin, je n’ai pas mon cœur, ô ma belle !


Je n’ai pas envie d’une autre aimée, ô ma belle !
Je jure à ton âme que dans les deux mondes
Je n’ai de désir, ni de passion que pour toi, ô ma belle !

Dans ma tête, je désire ton quartier, ô mon amour !


Dans mon cœur, j’aime ton visage, ô mon amour !
Tu es mon idole, tu es ma Kaaba8, tu es ma Qibla9
Partout où je regarde, je ne vois que toi, ô mon amour !

13
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Débarrassons-nous de ce monde, viens mon amour !


Sauvons nos cœurs de la boue, viens mon amour !
Viens mon amour, nous apprenons la patience 10
Nous semons le grain de bonté, viens mon amour !

Depuis le jour où Tu me créas, ô Seigneur !


Tu n’as vu que péchés en moi, ô Seigneur !
Pardonne-moi pour l’amour de tes huit et quatre11
Fais comme si Tu n’as pas vu le chameau, ô Seigneur !12

Désastre ! Il est amoureux ce pauvre cœur


C’est la faute de l’œil qu’il est amoureux ce pauvre cœur
Si mon œil ne surveille pas les belles filles
Il ne sait où elles habitent, ce pauvre cœur

Fasse le ciel que le firmament soit affligé de chagrin


Qu’il se noie dans le sang, comme mon cœur, de chagrin
S’il nous voit un seul moment sans chagrin, je suis sûr
Ne voyant pas le chagrin, il tombera de chagrin

14
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Fasse le ciel qu’il souffre de peine, ton ennemi


Qu’il reçoive un coup du kandjar13, ton ennemi
Le soir je vais pour savoir s’il va bien
Le matin je vois qu’il est enterré, ton ennemi

10

Heureux ceux qui sont ivres de joie


Qui brûlent comme le feu quoi qu’il en soit
Synagogue, Kaaba, Couvent ou Pagode
Ils n’y voient que ton sérail à Toi

11

Heureux le moment où tu viendras près de moi


Le temps du chagrin touchera à sa fin grâce à toi
Je ferai sortir mon âme de mon corps avec cent désirs
« Remplace mon âme », je te demanderai, avec joie

12

Il est délicat comme le cristal mon pauvre cœur


Qu’il se casse d’un seul soupir, j’en ai toujours peur
Mes larmes sont rouges14, je suis un arbre
Dont les racines sont dans le sang15, je porte bonheur

15
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Il est fou de qui, mon cœur à moi ? Je ne sais rien


Il s’est perdu où ? Il demeure chez qui ? Je ne sais rien
Les yeux enivrés de quelle belle idole
Ont capturé ce pauvre cœur ? Je ne sais rien

14

Ispahan16 n’est pas bon, malgré sa beauté


Toutes ses filles ne font qu’infidélité
Je vais m’enfuir d’ici à Chiraz17
Pour que j’y trouve de la loyauté

15

J’ai un cœur qui est client d’amitié


Un cœur qui chauffe le bazar d’amitié
J’ai trouvé un habit à la taille de ce cœur
De trame de malheur et de chaîne d’amitié

16

J’ai un corps qui souffre ô Seigneur !


J’ai un cœur désireux, ô Seigneur !
De l’envie de pays, de la peine d’exil
J’ai un feu sur le cœur, ô Seigneur !

16
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17

J’ai vu un rossignol qui chantait bien


Sur une branche, un beau matin
« O mon amour ! », dit-il à la rose :
« Tu es infidèle, tu es infidèle ! »18, avec chagrin

18

Je brûle le ciel d’azur d’un seul soupir


Je brûle tout l’Univers d’un seul soupir
Il faut que tu me dises ce que tu veux de moi
Sinon je brûle tout entier d’un seul soupir

19

Je m’éloignerai de ce monde-ci, je m’éloigne


J’irai plus loin que l’Indochine, je m’éloigne
Puis j’enverrai un message triste à mon amie
Et je lui dirai, si tu le veux encore, je m’éloigne

20

Je n’ai aucune pensée dans la tête que toi


Je n’ai aucun désir dans le cœur que toi
À te proposer, au bazar de l’amour,
Je n’ai que ma vie, je te la donne à toi

17
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21

Je ne fais que pêcher, je suis libertin19


J’ai la coupe de vin toujours à la main
Tu es innocent, vas devenir ange
Fils d’Adam et Éve, j’ai le même destin20

22

Je ne vois aucune joie dans ce monde sans toi


Je ne prends jamais la carafe de vin sans toi
Je tremble comme un saule pleureur quand je suis seul
Je ne puis me calmer un seul moment sans toi

23

Je passai un jour au cimetière


Pour voir l’état des morts sous la terre
Je ne vis aucun riche ni aucun derviche21
Qui soit sans linceul, sous les poussières

24

Je regarde le pré, je n’y vois que toi


Je regarde la mer, je n’y vois que toi
Partout où je regarde, les monts, les plaines
J’y vois la trace de ton corps à toi22

18
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25

Je suis fasciné par ton odeur, ô ma fleur !


Je suis affligé de ta couleur, ô ma fleur !
Passionné de l’amour, je suis malade
Je suis Majnoun23, tu es ma Leyli24, ô ma fleur !

26

Je suis la mer apparue dans la cuvette, je suis le même


Je suis le point apparu sur la lettre, je suis le même
À chaque millénaire, il y a un génie qui apparaît
Je suis le génie de ce millénaire25, je suis le même

27

Je suis plein de vin, je chante des chansons


Enivré de l’amour de mon Échanson,
Pour me rendre calme, je ne connais personne
Je ne connais que toi, ô mon Échanson !26

28

Je suis sans personne, où puis-je aller ?


Je suis sans abri, où puis-je aller ?
Si on me met dehors, je viens chez Toi ?
Si Tu me mets dehors, où puis-je aller ?

19
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29

Je suis triste, pourquoi je ne gémis pas ?


Sans plumes ni ailes, pourquoi je ne gémis pas ?
On me dit « arrête de gémir ! ». Mais je rêve de toi
Tu me manques beaucoup, pourquoi je ne gémis pas ?

30

Je suis un amoureux qui crois au monothéisme


Je casse la coupe du dualisme et de l’égoïsme27
À la réunion de l’amitié, je suis Tâher
Serviteur de Mahomet et du monothéisme

31

Je taille mon os pour faire une plume, oui je le ferai


Je prends pour encre le sang de mes veines, oui je le ferai
La paroi du cœur, je la prendrai pour papier
Pour écrire une lettre à ma chère amie, oui je le ferai

32

Justice des yeux et justice du cœur


Tout ce que je vois est désir du cœur
Je ferais un kandjar28 d’une lame de fer
Je couperai mon œil pour calmer le cœur

20
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33

La brise qui vient de cette tresse-là


Me plaît mieux que l’odeur des lilas
Comme je passe la nuit en rêvant de toi
Au matin mes draps fleurent de lilas

34

La douleur, le remède, chacun son désir


La retrouvaille, l’éloignement, chacun son désir
Entre ces deux-là ou ces deux-ci
Moi, je désire ce que, toi, tu désires

35

La douleur, le remède viennent d’amie


Les retrouvailles, l’éloignement viennent d’amie
Même si le boucher m’équarrit comme un mouton
Mon âme ne se détachera jamais de mon amie

36

L’amour a fait une flamme étrange dans mon âme


Une éternité j’en brûlerai dans mon âme
Tu m’as coupé un étrange habit, ô mon amour !
Que le tailleur des morts coudra pour mon âme

21
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37

L’amoureux ne craint pas la mort, il ne craint pas


Il ne craint ni la prison ni le cachot, il ne craint pas
Le cœur de l’amoureux est comme un loup affamé
Il ne craint pas le cri du berger29, il ne craint pas

38

L’amoureux se contente d’un simple message, ça lui


suffit
L’assoiffé se contente d’un carafon de vin, ça lui suffit
Je me contenterai de la qualité de ton regard
L’ascète se contente d’une seule amande, ça lui suffit30

39

La nuit vient après le jour grâce à Toi


Tout l’Univers devient vivant grâce à Toi
Tâher te dit la vérité, écoute-le
Tout est créé par un Sois grâce à Toi31

40

La peine d’amour est un symbole de ta stature


La folie d’amour est un mystère de ta nature
Tu es si belle que je me doute que le Créateur
Regarde toujours, même en cachette, sa créature

22
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41

L’arbre de tristesse a pris racine dans mon cœur


À la cour divine, toujours j’en gémis au fond du cœur
Venez mes amis chérissons-nous l’un et l’autre
La mort est pierre, l’homme porcelaine, j’en ai peur

42

La rose que j’ai fait fleurir sur ce plateau


Je l’ai arrosée avec mes larmes au lieu d’eau
Ça ne sera pas juste devant la cour de Divinité
Que quelqu’un d’autre en distille l’eau

43

Le chagrin d’amour est mieux que la fortune, je le préfère


Ta retrouvaille est mieux que la longévité, je la préfère
Une seule poignée de ton passage vaut, en vérité
Mieux que le royaume de tout l’Univers, je la préfère

44

Le chagrin d’amour, je l’ai de naissance, ô ma belle !


Le maître ne m’en a pas fait connaissance, ô ma belle !
Je suis content grâce au chagrin de ton amour
Mon cœur ruiné est florissant, ô ma belle !

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45

Le chagrin d’amour m’a fait un vagabond du désert


Ton éloignement m’a rendu comme un oiseau aptère
Tu me dis « patience, patience, patience32 ! »
C’est la patience qui m’a fait pitoyable sous la terre

46

Le jour du jugement malheur à moi


Au pont de Sérât33 malheur à moi
Les vieux, les jeunes, y passent un par un
Quand ça sera mon tour, malheur à moi

47

Le monde infidèle est ma prison, voici le chagrin


Je n’ai que la fleur de tristesse dans ce joli jardin
Douleurs de Jacob34 et souffrances de Job35, viens les voir
On dira que tous arrivent à mon âme, voici mon destin

48

Les belles choisissent les cœurs affligés, ô mon cœur !


Pour qu’elles te veuillent, rends-toi affligé, ô mon cœur !
Le bazar de la foi et du blasphème n’est pas sans clients
Un groupe choisit l’un, un groupe choisit l’autre ô mon
cœur !

24
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49

Les champs se réveillent quand arrive le printemps


Ma jeunesse se passa trop vite comme le printemps
Sur les tombes des jeunes fleurissent partout des
anémones 36
Quand les belles viennent s’y promener au printemps

50

L’exil me rend bien chagriné


Le firmament m’a enchaîné
Désenchaîne-moi, toi, firmament
Le sol de l’exil me rend enchaîné37

51

Ma corde du robâb38 est ta tresse à toi


Que veux-tu de mon âme fatiguée à moi ?
Si tu ne veux pas de moi, pourquoi les nuits
Tu viens dans mes rêves, dis-moi pourquoi ?

52

Ma pupille est le sérail de l’aimée


Ma couronne est la parole de l’aimée
Si le roi me donne le royaume de Chiraz39
Je préfèrerai rester près de l’aimée

25
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53

Même si tu vis au quatrième ciel pour toujours


Le loup de la mort sera à l’affût pour toujours
Si tu vis cent ans dans ce monde, mon ami !
Ta maison restera sous la terre pour toujours

54

Mes larmes coulent de mes cils mouillés, sans toi


Le dattier de mon espoir ne porte aucun fruit, sans toi
Je me retire jour et nuit dans la solitude
J’attends que ma vie touche à sa fin, sans toi

55

Mon âme est atteinte de trois douleurs qui sont lourdes


Douleur d’exil, douleur de prison et chagrin d’amour
Être en prison et être en exil, il y a un recours
Justice du chagrin, justice du chagrin, du chagrin de
l’amour

56

Mon anémone sauvage, c’est toi, mon amie !


Ma violette du rivage, c’est toi, mon amie !
L’anémone sauvage ne vit qu’une semaine
L’espoir de ma vie, c’est toi, mon amie !

26
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57

Mon cœur est atteint de l’amour d’une belle


Ça sera un désastre, que je sois loin ou près de la belle
Il se noie dans le sang ce pauvre cœur
Est-il Karbala ? Je me le demande, ma belle40

58

Mon cœur est brûlé, pourquoi je ne gémis pas ?


Ma vie est nulle, pourquoi je ne gémis pas ?
Le rossignol s’assoit près de sa fleur41, pourtant il gémit
Je suis loin des belles, pourquoi je ne gémis pas ?

59

Mon cœur et mon âme sont près de toi


Ce qui est secret, ce qui est public, est près de toi
Je ne sais pas du tout d’où vient cette peine
Mais, j’en connais le remède, il vient de Toi

60

Ô ma chérie ! Le temps de joie, c’est le printemps


Jardin de tulipe, pré de verdure, c’est le printemps
Profitons-en, même un seul moment, viens chérie
Il passe très vite, profitons-en, c’est le printemps

27
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61

Ô mon Dieu, je suis fatigué de mon cœur


Jours et nuits, je suis gêné de mon cœur
On se plaint l’un de l’autre, moi et mon cœur
Reprends-le, je suis écœuré de mon cœur

62

Ô mon Dieu ! Justice de mon cœur, justice de mon cœur !


Je ne fus pas content un seul moment de mon cœur
Au jour de justice, quand les opprimés portent plainte
Devant Dieu, je me plaindrai : « Justice de mon cœur ! »

63

On dirait que tu es le lion, le tigre, ô mon cœur !


Tu guerroies contre moi, ô mon cœur !
Si j’arrive à te trouver je verse ton sang
Pour voir de quelle couleur tu es, ô mon cœur !

64

On me cloue au pilori, je suis loin de toi


Je suis en exil, on me montre du doigt
Plein de ferveur, je n’ai pas de malice
« Toi, tu n’as pas de ferveur », on se moque de moi

28
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65

Ô toi mon cœur ! Ton chemin sera sablonneux


Ton passage sera au-delà du dôme du ciel bleu
Pour avoir moins de fardeau, dans ce chemin
Si tu en es capable, débarrasse-toi de ta peau

66

Pourquoi me gênes-tu, si tu ne m’égayes pas ?


Tu ne veux pas de moi, pourquoi es-tu là ?
Tu ne mets pas de baume sur ma brûlure
Mais tu y mets le sel, dis-moi pourquoi ?42

67

Que je meure pour que tu ne voies pas mes larmes à moi


Pour que tu ne voies plus le feu du soupir à moi
Je me brûlerai tant à ton amour, ô ma chérie !
Que tu ne verras qu’une poignée de cendre de moi

68

Quelle joie quand l’amour est des deux côtés


Quel malheur quand il n’est que d’un seul côté43
Si Majnoun44 aimait sa bien-aimée comme un fou
Leyli45 aussi fut folle de lui de l’autre côté

29
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69

Que l’orbite de mon œil soit ton sérail, ô ma chérie !


Qu’il soit l’endroit où tu mets le pied, ô ma chérie !
J’ai peur que tu l’y mettes sans le savoir et que les épines
De mes cils pénètrent dans tes pieds, ô ma chérie !

70

Qu’est-ce que tu as ? Qu’est-ce que tu as ? Ô mon cœur !


Tu plonges dans le sang, tu plonges dans le sang, ô mon
cœur !
À cause de l’amour d’une autre Leyli46, tu es comme
Majnoun
Tu es comme Majnoun47, tu es comme Majnoun ! Ô mon
cœur !

71

Que tu sois lion, tigre, ou zèbre, ô mon ami !


Ta place sera au fond de la tombe, ô mon ami !
Pleure ta perte, aie pitié de ton âme, car les fourmis
Débiteront ton corps et ils en feront la fête, ô mon ami !

72

Qui m’a fait Nu48 et affligé ? Il faut que je le sache


Qui m’a fait Majnoun49 ? Il faut que je le sache
Je me donnerai un coup de kandjar50 pour savoir
Ce que l’amour a fait à mon âme, il faut que je le sache

30
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73

Qui peut rester dans ce monde, mon cher ami ?


Comment peut-on s’y installer, mon cher ami ?
Tu récites toujours « Ne désespérez pas, ô croyants ! »51
On doit aussi lire « Malheur à nous »52, mon cher ami !

74

Rassemblons-nous, ô les cœurs brûlés !


Ouvrons nos cœurs, ô les cœurs brûlés !
Apportons la balance, mesurons nos chagrins
Celui qui est plus lourd a le cœur brûlé !

75

Seigneur ! Brûle mon âme au feu de l’amour


Brûle mes os à la flamme de l’amour
Allume-moi comme une bougie à ce feu
Fais danser mon cœur comme un papillon de l’amour

76

Seigneur, donne-moi des brûlures de l’amour plus que ça


Blesse ce cœur de blessures de l’amour plus que ça
Si je restais un seul moment sans ce chagrin
Envoie à mon âme des lancettes de l’amour plus que ça

31
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77

Si je désire tout le temps le visage de bien-aimée


Ne me le reproche pas, je suis atteint par bien-aimée
Pour l’amour de Dieu, un peu moins vite, ô chamelier !
J’ai manqué le passage de la caravane de bien-aimée

78

Si je peux atteindre le ciel d’azur, je porte plainte


Je lui dirai que ça semble dur, je porte plainte
L’un est comblé, plein d’aisance, ce n’est pas juste
L’autre est affligé par la souffrance, je porte plainte

79

S’il n’y avait qu’une peine, tout irait bien


S’il n’y avait qu’un chagrin, tout irait bien
Sois mon tabib53 ou bien mon habib54
Si tu en étais un, tout irait bien

80

Si mon cœur n’est que mon amie, qui est-ce donc cette
amie ?
Il s’appelle comment, mon cœur à moi, s’il n’est que
cette amie ?
Je n’arrive pas à les séparer, ils sont devenus un
Je ne sais ce qu’est mon cœur à moi, ni qui est cette amie

32
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81

Si nous sommes tous ivres, nous sommes de Toi55


Si nous ne sommes rien, nous sommes de Toi
Si nous sommes des mages, des chrétiens, ou des
musulmans
De chaque nation, de chaque foi, nous sommes de Toi

82

Si on me met comme le pauvre Joseph56 dans un puits


Je trouve toujours à m’échapper et je m’enfuis
Si cent gardiens deviennent mes ennemis
Je viens te voir toujours souriant, jour et nuit

83

Si tu as la couronne, tu ne seras rien à la fin


Si tu as le royaume, tu ne seras rien à la fin
Même si on te donne le trône de Salomon57
Tu ne seras que la terre du chemin à la fin

84

Si tu viens, je te soigne dans mon âme


Tu ne viens pas, je brûlerai dans mon âme
Viens ma belle, que je prenne tes douleurs
Pour te soulager, je les mettrai dans mon âme

33
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85

Ton amour du cœur ne peut pas partir


Le chagrin de l’amour n’est pas à redire
La flamme de l’amour et de l’amitié
Devant le peuple ne peut pas se couvrir

86

Tu es négligeant de ton Dieu, à quoi ça sert ?


Tu n’obéis qu’au Satan du désir, à quoi ça sert ?
Ta valeur est plus que la valeur des anges
Tu ne connais pas combien tu vaux, à quoi ça sert

87

Tu ne crains rien du chemin si long, toi mon cœur !


Tu ne crains rien du fond de la tombe, toi mon cœur !
Tu ne crains rien le jour où tu prendras
La place du serpent et de la fourmi, toi mon cœur !

88

Tu n’es pas ma fleur, tu es mon épine, mais pourquoi ?


Tu ne me débarrasses pas d’un fardeau sur le dos, mais
pourquoi ?
Tu te fais en plus un fardeau sur mon dos, ô firmament !
Tu me tourmentes toujours, mais pourquoi ?58

34
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89

Une nuit obscure, je fus enivré, gobelet à la main


Le gobelet tomba sur le sol pierreux, restant sauf et sain
C’est Seigneur qui le protégea et évita qu’il ne se brise
Sinon cent carafes sont déjà cassées sans quitter la main

90

Une nuit obscure, je porte plainte


De l’infidélité du vieux ciel, je porte plainte
Comme le tigre tiré, le lion enchaîné, moi je gémis
D’infidélité de bien-aimée, je porte plainte

91

Un matin, je passai au cimetière


J’entendis un soupir dans les poussières
« Ce monde ne vaut pas un brin de paille »,
Une tête gémissait en le disant à terre

92

Un paysan en gémissant sur ce plateau


Semait l’anémone en pleurant sur ce plateau
Il disait : « Hélas ! Hélas ! Il faut s’en aller
On doit laisser tout ce qu’on plante sur ce plateau »

35
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93

Venez, cessons d’aller à la porte des gens riches


Laissons tomber les nappes étalées des gens riches
Demandons ce que nous voudrions au Grand Riche
Qui est le plus Riche, celui qui donne aux gens riches59

94

Venez ici, les cœurs brûlés, nous gémissons tristement


La bien-aimée n’a peur de rien, nous gémissons
tristement
Allons au jardin avec le rossignol60, il est amoureux, lui
aussi
S’il ne gémit pas, nous, nous gémissons tristement

95

Viens, nous ferons avec nos larmes un autre Jayhun61


Viens, nous créerons une autre histoire de Leyli et
Majnoun62
J’ai perdu mon fils, mon cher Féréydoun63, hélas ! Hélas !
Viens construire encore une fois un autre Féréydoun ?

96

Viens rossignol nous chanterons du fond du cœur


Viens que je t’apprenne la prière de bonne heure
Toi, tu pleures pour une fleur de dix jours64,
C’est pour l’amie que jour et nuit, moi, je pleure

36
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97

Viens un soir dans ma chambre, rends-la lumineuse, ô


mon amour !
Ne me laisse plus dans la tristesse, viens mon amour !
Je prête serment sous la voûte de la paire de tes sourcils
Je suis pareil au chagrin quand tu es loin, ô mon amour !

98

Viens, viens, c’est toi mon amour, je n’ai que toi


Viens, viens, c’est toi ma reine, je n’ai que toi
Je ne connais que toi, tu le sais bien, oui, tu le sais
Viens, viens, c’est toi ma foi, je n’ai que toi

99

Viens, viens, pour que je voie ton visage


Pour que je cueille les belles fleurs de ton visage
Viens t’asseoir en face de moi, ô ma belle !
Pour que je voie jour et nuit ton visage

100

Voici mon âme chagrinée, viens mon amour, viens


regarder !
Voici mes larmes rouges, voici mon visage jaune65, viens
regarder !
Voici le chagrin d’éloignement, voici la peine de la
patience66
Voici un corps bien affaibli qui subit tout ça, viens
regarder !

37
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Notes
1
Le génie de ce millénaire : selon les croyances des Iraniens de
l’ancien temps, un génie ou un chef spirituel apparaît au début
de chacun des trois derniers millénaires du monde. Né au début
du deuxième millénaire chrétien, Bâbâ Tâher, influencé par
cette pensée, s’est considéré comme le génie de son temps.
2
Soufi : l’ascète du mysticisme islamique s’appelle soufi à
cause de son vêtement de souf « laine ».
3
Bâbâ Tâher fut contemporain du sultan Toghrol Beg
Saljoughide (1040-1063). Suivant ce qu’écrivit Najmedine
Râvandi, l’écrivain et l’historien du 12e siècle, dans son
Râhatossodour « Le calmant des cœurs », ils se sont rencontrés
à Hamedân : « J’ai entendu dire que lorsque Toghrol Beg vint
à Hamedân, trois sheykhs y vivaient : Bâbâ Tâher, Bâbâ Ja’far
et Sheykh Hamshâ. Ils étaient debout tous les trois devant une
montagne à Hamedân qu’on l’appelle Khezr. Le sultan les vit
et arrêta le cortège de l’armée. Il vint près d’eux avec le Vizir
Abounasr Kandari. Il leur baisa les mains.
Bâbâ Tâher était passionné : Turc ! Que vas-tu faire avec le
peuple de Dieu ? Le sultan répondit : Ce que tu m’ordonnes.
Bâbâ Tâher récita cette phrase du Coran : Dieu vous ordonne
d’être juste et bienfaisant. Le sultan Toghrol Beg pleura et
promit de le faire. Bâbâ Tâher portait, comme une bague,
l’anneau du bec d’une aiguière brisée avec laquelle il faisait
ses ablutions depuis des années. Il le mit au doigt du sultan
Toghrol Beg en lui disant : J’ai mis tout l’Univers dans ta main
avec ce cercle. Sois juste ! Le sultan a toujours gardé ce cercle
parmi ses talismans et amulettes et le portait au doigt chaque
fois qu’il allait à la bataille. »
4
Soufisme : c’est une doctrine mystique, une école de
l’ésotérisme islamique qui a pour objet final la connaissance
véritable de l’Ultime Réalité. Selon le soufisme, il y a une
distinction entre shari’at, littéralement la « grande route », qui
est disponible et commune à tous, et haghighat, la
« connaissance pure », la « vérité intérieure » qui est réservée
aux élites. L’ensemble des moyens qui conduisent de shari’at
vers haghighat est appelé tarighat « sentier » ou « chemin ».
Bien sûr, les chemins vers Dieu sont aussi variés que les âmes

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des hommes. Mais l’esprit d’un véritable soufi se rend


intensément et sans interruption compte de l’Unité de toute la
Réalité, que cette Réalité s’appelle « Essence divine »,
« Sagesse éternelle », « Lumière des Lumières », « Amour
suprême » et le « Parfait de Beauté » ou simplement « Dieu ».
5
Quatrain lyrique ou Dobeyti, littéralement « de deux
distiques », est une forme originale de la poésie traditionnelle
persane, chantée principalement dans une langue régionale.
Comme le robâi « quatrain », c’est une strophe de quatre
hémistiches dont la rime est respectée dans les premier,
deuxième et quatrième vers.
Ayant un sujet lyrique, le dobeyti n’est pas composé dans le
mètre standard du robâi, mais dans un mètre plus simple,
encore employé couramment dans le vers populaire (mahzuf
mosaddas hazaj). Chacun des hémistiches de dobeyti comprend
11 pieds. Par contre, les vers du robâi ont 12 pieds et ses sujets
sont principalement lyriques, mystiques, philosophiques
comme pour des exhortations religieuses.
6
Les dobeytis de Bâbâ Tâher ont été chantés à l’origine en
dialecte pahlavi, dans le genre pahlaviyât qui dénote une forme
exclusivement écrite en diverses langues iraniennes moyennes.
Ses dobeytis ont pris, au cours du temps, leur forme en lori,en
kurde et en persan dari, qui est devenu la langue officielle et
littéraire actuelle de l’Iran, dès le 9e siècle à l’est de l’Iran.
Cette langue s’est graduellement répandue partout dans le pays.
Elle est nommée dari (de darbâr « cour ») parce qu’elle était
déjà d’usage littéraire dans les cours sassanides (211-651).
Bâbâ Tâher avait certainement accès aux ouvrages persans de
son temps. Il est probable qu’il ait composé ses poèmes en
persan dari. On ne sait pas s’il les a sauvegardés lui-même en
les écrivant. Si oui, en supposant qu’il ait chanté ses poèmes
lyriques en pahlavi, probablement sa langue maternelle, nous
ne savons pas quel alphabet il a utilisé pour les écrire ;
avestique, pahlavi ou arabe ? Et nous ne savons pas non plus à
quel moment et en quelle langue ces quatrains lyriques ont été
écrits pour la première fois. Le pahlavi s’est divisé en
différents dialectes au cours du temps, selon les situations
climatiques, culturelles et politiques. De plus, l’alphabet arabe

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s’est substitué aux alphabets pahlavi et avestique. Comme


l’alphabet arabe ne pouvait pas montrer le système
phonologique de ces dialectes, un certain nombre de textes
pahlavique (Pahlaviyât), y compris les quatrains lyriques de
Bâbâ Tâher ont fait partie de la littérature verbale et ont été
transmis traditionnellement d’une génération à l’autre. La
négligence, le remaniement, l’intervention et peut-être
l’ignorance des copieurs ont causé la confusion dans les
quatrains lyriques de Bâbâ Tâher ; il est difficile de déterminer
le texte original de ces quatrains. Deux anciennes copies des
quatrains sont plus crédibles que d’autres. La copie la plus
ancienne Alneyriziyât date du 14e siècle, elle est référée à la
Bibliothèque du Parlement iranien comme Tazkaratosho’arâ
« Mémoires des poètes » ou Safinéyé ash’âr « Le vaisseau de
poèmes » sous le numéro 900. L’autre copie, de Konya, fut
rédigée en 1469. Elle est conservée dans le musée de Konya
sous le numéro 2546. Bien que l’Alneyriziyât ne donne pas le
nom de l’auteur des poèmes, on peut déduire qu’ils furent
écrits par Bâbâ Tâher même en comparant des quatrains des
deux copies. Alneyriziyât comprend 4 segments et 11 quatrains.
La copie de Konya comprend 2 segments et 8 quatrains. Est-ce
que la quantité des quatrains de Bâbâ Tâher se limite à ce
nombre ? Dans les copies plus récentes, on arrive à 400
quatrains dont certains sont persans et d’autres ont des traces
de dialectes de la région comme le lori, le laki, ainsi que la
langue pahlavi. Ces copies ne peuvent pas nous aider à
déterminer la langue originale de ces quatrains. Les variations
de la langue indiquent qu’il existait peut-être d’autres poètes
qui ont écrit des quatrains sous l’influence des pensées de Bâbâ
Tâher. Ils ont imité la forme et le contenu de ses écrits. Ces
nouveaux quatrains sont devenus populaires et ont été attribués
à Bâbâ Tâher. Le jugement, les attestations et le goût des
amateurs ont graduellement fait grossir les recueils de ses
chansons.
7
Hâfez Shirâzi : grand poète iranien du 14e siècle.
8
Kaaba : sanctuaire de la principale mosquée de la Mecque.
9
Qibla : côté de l’horizon qu’on doit avoir devant soi en priant.
10
La patience est une qualité essentielle chez les soufis.

41
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11
Chez les shiites, les douze saints innocents sont les douze
(huit et quatre) imams vénérés. Ce vers peut être aussi
interprété comme les huit cieux et les quatre éléments (l’eau, la
terre, le feu, l’air).
12
« Fais comme si tu n’as pas vu le chameau », littéralement
« Fais comme si tu n’avais rien vu », a pris la forme d’un
proverbe en persan.
13
Kandjar : poignard oriental à longue lame tranchante, dont la
poignée n’a pas de garde.
14
Les larmes sont rouges à cause du sang de cœur qui coule
des yeux d’amoureux.
15
Depuis longtemps, dans la plupart des régions de l’Iran, on
considérait certains arbres comme le mûrier, l’olivier de
Bohême et le platane comme des arbres sacrés et on les plantait
dans l’enclos des lieux de pèlerinage et on implorait leurs
secours. Il y a aussi dans la culture folklorique des histoires
racontées de miracles faits par ces arbres. On dit qu’ils pleurent
du sang dans certains jours de deuil religieux. Dans ce quatrain,
Bâbâ Tâher se compare à un tel arbre.
16
Ispahan : une ville de l’Iran, qui fut surnommée « la Moitié
du Monde » pour sa beauté.
17
Chiraz : une ville du sud-ouest de l’Iran, proche de
l’ancienne Persépolis.
18
Dans la littérature persane, la fleur est le symbole de
l’infidélité. Le rossignol est l’amoureux sincère de la fleur,
tandis que la fleur lui est infidèle ; elle ne reste que quelques
jours dans le jardin. Elle fane très tôt, ou cueillie, elle devient
ornement de la main de quelqu’un.
19
Libertin : dans la terminologie de soufisme rend ou libertin
est le soufi qui ne suit pas les lois de la shari’at. Il ne pense
qu’à hghighat et il est seul à connaître le secret caché dans le
voile et à avoir accès au monde intérieur.
20
Ce vers fait référence au verset }F de Sourate Al’ahzâb « Les
factions » : « Oui, nous avions proposé le dépôt de la foi aux
cieux, à la terre et aux montagnes. Ceux-ci ont refusé de s’en
charger, ils ont été effrayés. Seul, l’homme s’en est chargé ;
mais il est injuste et ignorant ».
21
Dans ce vers, « derviche » est le symbole de pauvreté.

42
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22
L’âme de soufi doit devenir parfaitement le miroir qui reflète
les rayons de la Divinité. L’amoureux ne voit que sa bien-
aimée.
23
Majnoun : mot arabe qui signifie « fou » et c’est aussi le
surnom donné à Gheys Âmérie, l’amoureux fou de Leyli.
L’histoire de l’amour de Leyli et Majnoun, comme l’a raconté
Nezâmi Ganjavi (1141-1217), indique le chemin de l’âme.
24
Leyli : voir note 23.
25
Le génie de ce millénaire : voir note 1.
26
Échanson [de Kowsar] : titre donné à l’Imam Ali, le premier
imam shiite, qui dans le désert de la Résurrection fait boire à
ses disciples de Kowsar, la source de l’eau agréable du paradis.
Échanson est aussi le prophète qui, à l’agonie, répond à sa fille,
Fatima : « Je serai près de Kowsar pour faire boire les fidèles
assoiffés » quand elle lui demande « Où puis-je te retrouver
père ? ».
27
Le sâlek ou le marcheur du chemin de la tarighat « sentier ou
chemin » doit polir son esprit de la rouille d’égoïsme.
28
Kandjar : voir note 13.
29
« Le loup n’a pas peur du cri de berger » : ce vers a pris la
forme d’un proverbe en persan.
30
Dans ce quatrain, Bâbâ Tâher compare les yeux de sa bien-
aimée à l’amande. L’expression « l’ascète se contente d’une
seule amande » est une innovation propre à Bâbâ Tâher. L’œil
qui ressemble à une amande est un œil ivre. Imaginons la
forme d’une amande dans sa peau qui ressemble à la paupière
avec la pupille. Certaines amandes sont grosses et certaines
sont petites. En Iran, l’adjectif « d’amande » est attribué parfois
aux yeux des jaunâtres et des Mongols qui sont typiquement
petits. Je me demande si Bâbâ Tâher a associé les yeux
d’amande de sa bien-aimée turque. De toute façon, Bâbâ Tâher
se contente d’une seule amande, ça lui suffit. Ce quatrain est, à
son tour, le témoignage du contentement, du dénuement et de
la pauvreté de Bâbâ Tâher, au sens mystique.
31
Ce vers fait référence au Verset 82 de la Sourate Yâ.sin du
Coran : « Tel est en vérité son Ordre : quand Il veut une chose,
Il lui dit Sois ! Elle est ».
32
Patience : voir note 10.

43
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33
Pont de Sérât : selon la croyance des musulmans, le pont par
où seuls les pieux peuvent passer au paradis.
34
Jacob : fils d’Isaac et Rébecca et petit-fils d’Abraham.
35
Job : dans le Coran, Job ou Ayyoub est considéré comme un
prophète noble et généreux. Il est le symbole de la patience.
36
Anémone : dans la littérature persane, l’anémone est le
symbole du cœur brûlé de l’amoureux.
37
On dit en persan que le sol de l’exil nous enchaîne. Cette
expression veut dire qu’on reste dans l’endroit où l’on est
étranger sans raison et sans pouvoir se décider à la quitter.
38
Robâb : Rebec (instrument de musique à trois cordes et à
archet, à caisse piriforme, en usage au Moyen Âge).
39
Chiraz : voir note 17.
40
Karbala : ville de l’Irak, où l’Imam Hossein, le troisième
imam shiite, a été martyrisé le 10 octobre 680 par Yazid (645-
683), le calife Omeyyade, lors de la bataille de Karbala. Bâbâ
Tâher compare son cœur avec le champ de bataille couvert de
sang.
41
Voir note 18.
42
Ce quatrain a pris la forme d’un proverbe en persan.
43
Les deux premiers vers de cette strophe ont pris la forme
d’un proverbe en persan.
44
Majnoun : voir note 23.
45
Leyli : voir note 23.
46
Majnoun : voir note 23.
47
Majnoun : voir note 23.
48
Il réfère à son surnom Oryân « nu ». Ce surnom, indique
qu’il s’est dénué des attachements du monde et a suivi la
manière faghr, dite dénuement.
49
Majnoun : voir note 23.
50
Kandjar : voir note 13.
51
Ce vers fait référence au Verset 53 de la Sourate Azumar
« Les groupes » du Coran : « Dis : ô mes serviteurs ! Vous qui
avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez
pas de la miséricorde de Dieu. Dieu pardonne. Oui, Il est celui
qui pardonne tous les péchés, Il est le Miséricordieux. »
52
Ce vers fait référence au Verset 97 de la Sourate Al’anbyâ
« Les prophètes » du Coran : « La promesse vraie approche.

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Les regards de ceux qui furent incrédules se figent : malheur à


nous ! Nous avons été insouciants à son égard ; pire encore ;
nous avons été injustes. »
53
Tabib : emprunt arabe qui signifie « médecin ». Ce mot est
entré également de l’arabe d’Algérie dans la langue familière
française comme toubib « médecin ».
54
Habib : emprunt arabe qui signifie « bien-aimée ».
55
Pour une âme mystique, la seule relation qui importe est la
relation de l’âme avec la bien-aimée, avec Dieu.
56
Joseph fils de Jacob dont, selon des livres saints, ses frères
complotent contre lui et le jettent au fond d’un puits.
57
Salomon : roi d’Israël (970-931 av. J.-C.), fils de David et de
Bethsabée (selon la chronologie biblique). Sa sagesse, sa
justice et sa richesse sont proverbiales.
58
Le deuxième distique de ce quatrain est devenu un proverbe
en persan qui correspond au proverbe français « Tirer une
épine du pied à quelqu’un ».
59
Cela montre la magnanimité et la grandeur d’âme du
derviche qui refuse de s’abaisser devant les riches. Il ne
demande jamais une chose des gens riches. S’il a besoin d’une
chose, il la demande à Dieu. Dieu est le plus riche et les gens
riches ont besoin de frapper à la porte de Dieu.
60
Fleur : voir note 18.
61
Jayhun : la rivière Amou-Daria.
62
Majnoun : voir note 23.
63
Féréydoun : nom propre d’homme d’après le prénom d’un
héros mythologique, cité dans le Shâhnamé « Livre des rois »,
composé par Ferdowsi (940-1020).
64
Fleur : voir note 18.
65
Le visage jaune est le signe d'être malade de l'amour.
66
Patience : voir note 10.

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BIBLIOGRAPHIE

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- Moshiri, Mahshid. Bâbâ Tâher va khâke dâmangire
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sol de l’exil : Une élégie et 300 quatrains », (avec
l’assistance de Mojdé Ja’farpour). Téhéran: Âgahâne Idé,
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OUVRAGES DE MAHSHID MOSHIRI

1) Dictionnaires Persans

- Dictionnaire persan (alphabétique et analogique). 5ème


éd., Téhéran: Soroush, 2004
- Dictionnaire compréhensif persan. (Éditeur en chef),
Fascicule 1, Téhéran: Bonyâde dâneshnâméye bozorge
fârsi, 2003.
- Dictionnaire général persan. (2 Volumes). 3ème éd.,
Téhéran: Alborz, 2004.
- Petit dictionnaire persan. 6ème éd., Téhéran: Alborz,
2003.
- Dictionnaire persan du collège. 2ème éd., Téhéran:
Peykan, 2003

2) Dictionnaires Bilingues

- Dictionnaire des verbes (Français-Persan). 2ème éd.,


Soroush, Téhéran, 2004.
- Atlas dictionnaire (Anglais-Persan; Anglais-Persan).
(Éditeur en chef) 5 Vols. Téhéran: Âryân Tarjomân,
2007.

3) Dictionnaires Spécialisés

- Dictionnaire phono-orthographique persan. Téhéran:


Ketâbsarâ, 1987.
- Dictionnaire de l’européanisme persan. Téhéran:
Alborz, 1993.
- Dictionnaire de l’amour et du gnosticisme. Téhéran:
Alborz, 1997.

49
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- Dictionnaire de réduplication, d’assimilation, &


répétition en Persan. Téhéran: Âgahâne Idé, 1999.
- Dictionnaire thématique de lyrique de Saàdi. Bandar
Abbâs: Presse Universitaire de Hormozgân, 2000.
- Dictionnaire thématique de lyrique de Farrokhi Yazdi.
Téhéran: Âgahâne Idé, 2000.
- Dictionnaire de rime et rythme lyrique de Saàdi. Bandar
Abbâs: Presse Universitaire de Hormozgan, 2001.
- Dictionnaire Vernaculaire Persan. Téhéran: Âgahâne
Idé, 2002.
- Dictionnaire des poètes renommés persans: À partir de
l’apparition du persan dari jusqu’à nos jours. Téhéran:
Âryân Tarjomân, 2007.

4) Encyclopédisme

- Encyclopédie : Réflexion sur le Macrocosme. Téhéran:


Bonyâde dâneshnâméye bozorge fârsi, 2000.
- Propédie de la Grande Encyclopédie persane (Persan,
anglais, français). Téhéran: Bonyâde dâneshnâméye
bozorge fârsi, 2002.
- La Grande Encyclopédie Persane. Téhéran: Bonyâde
dâneshnâméye bozorge fârsi, 2004.

5) Aperçus Linguistiques

- Langue, lexique, et traduction. Téhéran: Alborz, 1994.


- Persan et l’interférence linguistique. Bandar Abbâs:
Presse Universitaire de Hormozgan, 1995.
- Théorie de sociolinguistique de la traduction. Téhéran:
Âgahâne Idé, 2000.
- Théorie phonologique de la normalisation
d’orthographe. Téhéran: Bonyâde dâneshnâméye
bozorge fârsi, 2004.

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6) Recherches Littéraires

- Les élégies de Saàdi. Approche linguistique de Théorie


de Communication. Téhéran: Âgahâne Idé, 2000.
- Quatrains du Bâbâ Tâher. Téhéran: Âgahâne Idé, 2000.
- Rythme de l’amour dans les sonnets de Saàdi, Hafez et
Mowlavi. Téhéran: Âgahâne Idé, 2004.
- Aperçu mystique des sonnets de Saàdi. Téhéran:
Âgahâne Idé, 2004.
- Aperçu mystique du refrain de Saàdi. Téhéran: Âgahâne
Idé, 2004.
- Mille ans de poésie persane : Les poètes
persanophones, L’Harmattan, 2009.

7) Poésie Moderne

- Quarante ans de poésie (Étude analytique et critique


des poèmes de poète contemporain, Fereydoun Moshiri).
Téhéran: Alborz, 1996.

8) Romans

- Yâde jârân (souvenirs de l’enfance). Téhéran: Alborz,


1998.
- Il y a un feu... (Roman). Téhéran: Hamshahri, 2003.
- L’anémone a fleurie partout (Roman persan en
français). Téhéran: Âryân Tarjomân, 2007.

9) Nouvelles

- Almâ (Recueil de nouvelles). Téhéran: Âgahâne Idé,


1999.
- Safoura (Recueil de nouvelles iraniennes en français).
Téhéran: Âgahâne Idé, 2000.

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- Mélodie de David (Recueil de nouvelles). Téhéran:


Âgahâne Idé, 2004
- Le sanglot à la gorge (Recueil de nouvelles iraniennes
en français). Téhéran: Âryân-Tarjomân, 2007.

10) Traduction
- Le génie du millénaire ; Bâbâ Tâher Oryân. Cent
quatrains lyriques. Paris : L’Harmattan, 2010.

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