Extrait Les Amphibiens de France 9782759226658

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 20

Claude Miaud

Jean Muratet

Les Amphibiens
de France
Guide d’identification des œufs
et des larves
Les Amphibiens de France
Guide d’identification
des œufs et des larves

Claude Miaud
et Jean Muratet

Éditions Quæ
Cet ouvrage est une édition revue et augmentée de l’ouvrage des mêmes auteurs
intitulé Identifier les œufs et les larves des amphibiens de France paru en 2004
aux éditions de l’INRA.

© Éditions Quæ, 2018


ISBN : 978-2-7592-2665-8

Éditions Quæ
RD 10
78026 Versailles Cedex
www.quae.com

Le code de la propriété intellectuelle interdit la photocopie à usage collectif


sans autorisation des ayants droit. Le non-respect de cette disposition met en
danger l’édition, notamment scientifique, et est sanctionné pénalement. Toute
reproduction, même partielle du présent ouvrage est interdite sans autorisation
du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands-
Augustins, Paris 6e.
Préface
Bienvenue aux œufs et aux larves !
Dans un article scientifique américain des années cinquante consacré aux
têtards d’Amphibiens Anoures (grenouilles, rainettes et crapauds), figu-
rait un dessin humoristique représentant un têtard en larmes, se lamen-
tant : « Ah, si seulement quelqu’un m’avait prêté un peu d’attention ! » En
effet, pour les Amphibiens, ou Batraciens, tout comme pour les Insectes et
d’autres groupes d’animaux à métamorphose, l’attention des biologistes, et
a fortiori des non-spécialistes, s’est longtemps concentrée sur les adultes,
beaux papillons ou bruyantes rainettes. Pourtant les larves représentent leurs
espèces tout autant « dignement » que les adultes, et elles jouent souvent
un rôle écologique au moins aussi important que ces derniers dans les
écosystèmes où elles vivent.
C’est ainsi que les têtards d’Anoures, souvent présents par millions dans
les étangs, mares ou cours d’eau où ils se développent pendant plusieurs
semaines, représentent transitoirement une biomasse considérable dans
ces milieux. Ils y jouent un rôle non négligeable de transformateurs de
la matière organique, se nourrissant soit par raclage du substrat (végéta-
tion, animaux morts, déchets), soit par filtrage de l’eau et absorption des
microorganismes de celle-ci : ils occupent ainsi des places écologiques
comparables à celles des détritivores terrestres et des vers de terre dans les
sols, et jouent dans le fonctionnement des écosystèmes aquatiques un rôle
aussi utile que ceux-ci dans les milieux aériens. Une grande proportion
d’entre eux n’atteindra pas le stade adulte, ni même la métamorphose,
étant consommés par des prédateurs aquatiques ou terrestres : ce faisant,
ils auront contribué à recycler une partie non négligeable de la biomasse
aquatique et à lui permettre de repasser dans le milieu aérien.
Il est donc regrettable que ces organismes soient souvent négligés ou
même entièrement ignorés dans nombre d’études écologiques, limnolo-
giques ou même faunistiques des milieux aquatiques : cette ignorance
s’explique en partie par le fait que leur présence dans ces milieux n’est
que transitoire (et parfois relativement brève), mais sans doute aussi par
le fait que, jusqu’à présent, ces larves, ainsi que les œufs qui les ont
précédés, sont d’une identification difficile par les non-spécialistes, en
l’absence d’ouvrages détaillés, accessibles à tous, aidant à leur détermi-
nation taxinomique, c’est-à-dire permettant de savoir à quelle espèce ou
au moins à quel genre appartiennent une ponte, des larves ou des têtards
donnés. Le présent ouvrage vient donc remplir une lacune importante,
et sera apprécié par tous les naturalistes de terrain, les écologues, les
chargés d’études, les associations et les curieux de tous poils (ou de toutes
3
branchies) qui souhaitent pouvoir « mettre un nom » sur les têtards et les
larves d’une mare ou d’un ruisseau.
Négligés dans les travaux d’inventaires et d’environnement, les têtards
restent encore très mal connus d’un point de vue morphologique et systé-
matique. À l’échelle de la planète, si plus de 5 200 espèces d’Amphibiens
sont actuellement connues (un nombre qui augmente actuellement de
près d’une centaine par an), les larves de bien moins de la moitié d’entre
elles ont jusqu’à présent été découvertes et décrites par les batrachologues.
Pourtant, l’étude approfondie des caractères anatomiques des larves, et
tout particulièrement de l’anatomie externe et interne de la cavité buccale
des têtards d’Anoures, est riche en enseignements, jusqu’ici ignorés, sur
l’évolution des Amphibiens. Une vision simpliste de l’évolution pourrait
laisser croire que, les Amphibiens étant les premiers vertébrés « sortis des
eaux » et effectuant la transition entre les poissons osseux et les Reptiles,
présenteraient lors de leur développement une « récapitulation » de l’évo-
lution des Vertébrés : selon cette vision, le têtard serait une sorte de poisson
et l’Amphibien adulte une sorte de Reptile. Il n’en est rien : les adultes de
Batraciens, dépourvus d’écailles, présentent de nombreux caractères dif-
férents de ceux des Reptiles ; leurs œufs, dépourvus de coquille calcifiée,
ont un mode de développement également fort différent ; quant à leurs
larves, elles n’ont rien à voir avec des poissons : les têtards d’Anoures sont
des organismes très particuliers, qui ne ressemblent de près à rien d’autre
dans le règne animal ; en revanche, les larves d’Urodèles ressemblent déjà
beaucoup aux adultes de ces animaux, dont elles se distinguent surtout
par leur respiration branchiale et non pulmonaire, ainsi que par divers
autres caractères liés à la vie aquatique permanente que mènent la plupart
d’entre elles. La biologie des larves d’Amphibiens, et tout particulièrement
des têtards d’Anoures, constitue depuis quelques décennies un champ de
recherche scientifique à part, actuellement en plein essor.
Le présent ouvrage, toutefois, n’aborde pas ces aspects car il s’adresse avant
tout aux non-professionnels, gestionnaires de l’environnement, amateurs
et passionnés, qui souhaitent pouvoir reconnaître les espèces auxquelles
appartiennent des œufs ou des larves d’Amphibiens de France, sans avoir
à tuer, fixer et conserver ces spécimens pour une identification ultérieure
au laboratoire. Contrairement aux régions tropicales, les régions tempérées
comme la France n’abritent qu’un nombre très faible d’espèces d’Amphi-
biens, et les œufs et les larves de celles-ci sont tous connus, souvent depuis
la fin du xixe siècle, à la suite des travaux des pionniers de la batrachologie,
comme le Français Héron-Royer et les Belges Van Bambeke et Boulenger.
Malgré cela, le présent livre est unique au monde. Alors que ce sont souvent
les mêmes illustrations, surtout des dessins, que l’on retrouve inlassable-
ment reproduites dans de nombreux livres consacrés aux Amphibiens,
4
celui-ci ne propose que des illustrations originales et de qualité, principa-
lement des photos en couleur d’animaux vivants. Peut-être moins précises
d’un point de vue anatomique que des dessins scientifiques, ces photos,
associées aux descriptions sommaires et aux clés de détermination, consti-
tuent un guide irremplaçable pour l’identification de larves vivantes sur le
terrain, avant de remettre celles-ci en liberté. Elles donnent une excellente
idée non seulement des couleurs et des principaux caractères externes
de ces larves, mais encore, et peut-être surtout, de leur « allure », de leur
aspect général, qui bien souvent s’avèrent plus utiles pour identifier de
manière « globale » des animaux vivants sur le terrain que l’étude analy-
tique laborieuse des caractères donnés par des clés ou des descriptions.
Une telle approche serait insuffisante pour une étude fine et détaillée des
caractères anatomiques des larves et leur utilisation pour des recherches
systématiques ou évolutives, mais elle est pertinente pour servir de guide
à des études de terrain sur ces animaux.
Cet ouvrage permettra enfin de prendre en compte les larves et les œufs
dans les études de terrain sur les Amphibiens de France. Souhaitons qu’il
fasse école et soit bientôt suivi d’une édition plus ambitieuse, intégrant
les espèces des autres pays d’Europe, et disponible dans plusieurs langues
européennes. Dès aujourd’hui en tout cas, pour les batrachologues français,
les têtards, larves et œufs cessent d’être les mal-aimés et les méconnus du
monde fascinant des Batraciens : souhaitons-leur la bienvenue !

Professeur Alain Dubois


Muséum national d’histoire naturelle, Paris

5
Remerciements
La réalisation de ce guide a nécessité la recherche des œufs ou des pontes
dans le milieu naturel et l’élevage des larves et têtards de la plupart des
espèces. L’aide bénévole, amicale et précieuse de nombreux naturalistes
— qui ont pu nous accompagner sur le terrain — a permis sa réalisation
et sa présente réédition. Pour la construction des clés et la rédaction des
monographies, de nombreux herpétologues français et étrangers, amateurs
ou professionnels, nous ont fait partager leurs connaissances de la déter-
mination des espèces. Cette réédition a également bénéficié de la parution
de plusieurs guides (en Allemagne et Italie) dédiés aux larves et têtards, qui
n’existaient pas en 2004. Enfin, notre sollicitation pour des illustrations d’es-
pèces et de comportements reproducteurs a été particulièrement fructueuse
grâce à la mobilisation des naturalistes photographes. Que l’ensemble de
ces personnes trouve ici l’expression de nos remerciements sincères et de
notre gratitude, en particulier Damien Aumaitre, Franco Andreone, Paolo
Bergo, Mathieu Berroneau, Valérie Bosc, Olivier Buisson, Olivier Calvez,
Marc Cheylan, Dan Cogalniceanu, Christophe Coïc, Pierre-André Crochet,
Matthieu Daudé, Michel Delaugerre, Mathieu Denoël, Mathieu Detaint,
Christophe Eggert, Philippe Evrard, Philippe Geniez, Olivier Guillaume,
Alberto Gosà, Kurt Grossenbacher, Robert Guyétant, Christiane Jakob,
Pierre Joly, Bernard Le Garff, Jean Lescure, Thierry Lodé, Jean-Christophe de
Massary, John Measey, Gabriel Michelin, Michelle Monegon, Alain Pagano,
Cyril Ruoso, David Sautet, Dirk S. Schmeller, Roberto Sindaco, Jean-Marc
Thirion, Jean-Pierre Vacher et Stéphane Vitzthum (toutes nos excuses aux
personnes dont le nom aurait pu être oublié).
Un remerciement tout spécial à Philippe Geniez pour sa relecture atten-
tive de tous les textes, et ses tests des clés de détermination et des critères
d’identification.
Ce guide n’aurait pas pu être réalisé sans le soutien de la Société herpé-
tologique de France, de l’association Ecodiv, de l’Université de Savoie,
de l’École pratique des hautes études, du laboratoire Centre d’écologie
fonctionnelle et évolutive (UMR 5175 CEFE) de Montpellier.

6
Sommaire

Préface............................................................................................... 3
Remerciements................................................................................... 6

Biologie des Amphibiens.................................................................... 9


Les modalités de la reproduction des Amphibiens....................... 9
La gamétogenèse et la fécondation.............................................. 10
Le développement des œufs........................................................ 17
La larve à l’éclosion..................................................................... 19
Le développement des larves jusqu’à la métamorphose............... 20

Méthodes d’inventaire....................................................................... 25
Techniques sans capture (ne nécessitant pas d’autorisation)......... 25
Techniques avec capture (nécessitant une autorisation)................ 26
Exemple de mise en place d’un inventaire................................... 27
Recommandation importante....................................................... 30

Clés de détermination........................................................................ 33
Utilisation des clés de détermination........................................... 35
Clé de détermination des œufs et des pontes............................... 39
Clé de détermination des larves et des têtards.............................. 42
Illustration de répartition d’une espèce........................................ 46

Description des espèces..................................................................... 47


Ordre des Urodèles..................................................................... 47
Ordre des Anoures....................................................................... 99

Une sélection d’ouvrages utilisés dans ce guide................................. 217


Glossaire............................................................................................ 219
Index des noms scientifiques français................................................. 223
Index des noms scientifiques latins..................................................... 224
Crédits iconographiques..................................................................... 225

7
Biologie des Amphibiens

La batrachofaune de France métropolitaine comporte actuellement


40 espèces1 d’Amphibiens2. Ces vertébrés à la peau nue et souvent
abondamment pourvue de glandes sont ectothermes. Ils possèdent deux
membres antérieurs avec quatre doigts et deux membres postérieurs avec
cinq doigts. La respiration est pulmonaire et cutanée.
Ils sont classés dans deux ordres : les Anoures (sans queue), représentés
en France métropolitaine par sept familles autochtones (Alytidés, Bombi-
natoridés, Bufonidés, Hylidés, Pélobatidés, Pélodytidés et Ranidés), et les
Urodèles (avec une queue), constitués de deux familles (Salamandridés et
Pléthodontidés).
À ces espèces natives de la batrachofaune française métropolitaine, il faut
ajouter les six espèces introduites établies, c’est-à-dire des espèces ayant
une aire naturelle de répartition en dehors de la France métropolitaine, qui
y ont été introduites volontairement ou accidentellement et qui s’y sont
établies. Il s’agit d’une espèce chez les Urodèles (Salamandridés) et de cinq
espèces chez les Anoures (Alytidés, Bombinatoridés, Pipidés et Ranidés).

Les modalités de la reproduction des Amphibiens


Il existe une grande diversité des modalités de la reproduction et du déve-
loppement des jeunes chez les Amphibiens. Pour toutes les espèces, la pro-
duction d’embryons nécessite un mâle et une femelle (reproduction sexuée).
Les Tritons, Grenouilles, Rainettes et Crapauds sont ovipares et leur reproduc-
tion est aquatique. Le cycle vital se compose d’une phase aquatique (l’œuf et
la larve) et d’une phase terrestre (le juvénile et l’adulte). Le passage de l’œuf à
la larve (l’éclosion) marque le passage d’un stade immobile à un stade libre.
Le passage de la larve au juvénile (la métamorphose) se traduit par de grands
changements anatomiques et physiologiques permettant la vie terrestre. Un
seul crapaud fait exception : la fécondation et le développement de l’œuf
ont lieu en milieu terrestre chez l’Alyte accoucheur, mais l’éclosion des
têtards a lieu dans l’eau et le cycle se poursuit suivant le schéma classique.
On trouve une plus grande diversité chez les Salamandres. La Salamandre
tachetée et la Salamandre corse ont une fécondation et un développement
embryonnaire terrestres, alors que le développement larvaire est mixte. Les
embryons se développent dans l’oviducte, y effectuent leur éclosion et le
début du développement larvaire. Les larves grandissent en consommant

1. Voir la liste des Urodèles p. 47 et celle des Anoures p. 99-100.


2. Les mots en vert sont définis dans le glossaire en fin d’ouvrage.

9
leurs importantes réserves vitellines. La femelle va ensuite les déposer dans
l’eau, où elles achèveront leur développement jusqu’à la métamorphose et
le passage en milieu terrestre. Ces espèces sont dites ovovivipares.
Les Salamandres noires des Alpes sont entièrement terrestres. Les embryons
et les larves se développent dans les oviductes. La métamorphose s’y réalise
et la mise-bas voit apparaître des jeunes copies conformes en miniature
des adultes. Les larves et les jeunes métamorphosés se nourrissent d’un
magma « utérin » formé par les ovocytes non fécondés riches en vitellus.
En fin de développement, la larve se nourrit en abrasant des portions de
la paroi « utérine ». Ce développement embryonnaire et larvaire « intra-
utérin » peut s’étaler sur quatre années chez la Salamandre de Lanza.
Ces Salamandres sont vivipares. Les Salamandres tachetées dans certaines
populations des Pyrénées peuvent déposer des larves dans l’eau, ou bien
de grandes larves proches de la métamorphose sur le sol, ou encore des
jeunes métamorphosés. Si une quinzaine d’œufs atteint chaque oviducte,
quelques larves peuvent se développer en mangeant les autres œufs ou
embryons (oophagie et cannibalisme « intra-utérin », ou adelphophagie),
produisant ces grandes larves et jeunes développés.
Le Spélerpès de Strinati est également entièrement terrestre. La femelle
pond des œufs hors de l’eau qu’elle garde auprès d’elle. L’embryon donne
une larve qui reste et se développe dans les enveloppes de l’œuf grâce aux
substances nutritives contenues dans une vésicule vitelline. La métamor-
phose se réalise peu avant l’éclosion, qui voit alors sortir un jeune similaire
à l’adulte. Cet Urodèle est dit « ovipare à développement direct ».

La gamétogenèse et la fécondation
La reproduction sexuée des Amphibiens nécessite la présence d’un mâle
et d’une femelle. Les gamètes mâles — les spermatozoïdes — sont pro-
duits dans les tubes séminifères des testicules. La spermatogenèse est un
processus de multiplication et de différenciation cellulaire amenant la for-
mation des spermatozoïdes matures, utilisés pour la fécondation. Chez les
femelles, les gamètes femelles — les ovocytes — sont produits dans l’ovaire.
L’ovogenèse est également un processus de multiplication et de différen-
ciation cellulaire : à la métamorphose, le nombre d’ovocytes dans l’ovaire
augmente rapidement. Le nombre total des ovocytes utilisés au cours de
la vie de l’adulte est ainsi produit dès le début de la vie juvénile, soit près
de 40 000 chez le Crapaud commun. L’ovogenèse est complétée par une
accumulation très importante de substances nutritives dans le cytoplasme
des ovocytes. C’est le phénomène de vitellogenèse : les lipides stockés dans
les corps gras répartis dans tout le corps de la femelle sont mobilisés dans
le foie, transformés en vitellus et transférés aux ovocytes (fig. 1).
10
Figure 1. Développement des ovocytes. 1 : croissance prévitellogénique et vitellogénique ;
2 : dépôt du vitellus (les lipides stockés dans les corps gras répartis dans tout le corps sont
mobilisés dans le foie, transformés en vitellus et transférés aux ovocytes) ; 3 : hypertrophie
des oviductes ; 4 : follicules post-ovulatoires ; 5 : ovocytes mûrs en attente de la ponte.
Après la ponte, le processus est répété, durant la même saison ou l’année suivante, suivant
les espèces et les environnements.

11
La croissance vitellogénique d’une fraction des ovocytes d’une femelle
est modulée par une hormone — la gonadotropine — et signale le début
d’un cycle ovarien. Chez la femelle adulte, les ovaires contiennent donc
un ensemble de petits ovocytes non vitellogéniques et un ensemble de gros
ovocytes mûrs riches en vitellus.
L’ovulation se produit par rupture des cloisons folliculaires et ovariennes
qui entouraient les ovocytes mûrs. Les ovocytes, entourés d’une membrane
vitelline, sont libérés dans la cavité générale de la femelle. Ils sont captés
par le pavillon cilié de chaque oviducte supérieur. Des couches de muco-
protéines et polysaccharides (gangues) sont alors déposées sur les ovocytes
au cours de leur trajet dans les oviductes et forment ainsi une capsule de
protection. Le nombre de gangues autour des ovocytes, et donc des œufs
s’il y a fécondation, varie suivant les espèces.
Chez les Urodèles, cinq couches superposées protègent l’ovocyte puis l’em-
bryon qui se développera dans une « chambre capsulaire » : l’enveloppe la
plus interne est très hydratée et fluide, permettant les mouvements de l’em-
bryon, alors que la seconde est mince et résistante. Les autres gangues sont
disposées selon une alternance de couches molles/gluantes et minces/résis-
tantes. Chez les Tritons, la dernière couche est adhésive, permettant la fixation
des œufs dans la végétation (fig. 2). Chez le Spélerpès, qui pond ses œufs en
milieu terrestre, une couche externe plus résistante protège les embryons.

Figure 2. Œuf de Triton palmé (Lissotrition helveticus) au stade 8 blastomères. L’embryon


se développe dans la chambre capsulaire. L’alternance de différentes couches est visible
par transparence vers la périphérie, la dernière couche adhésive permettant la fixation
dans la végétation aquatique.

12
Chez les Anoures, les gangues (jusqu’à 5 chez les Ranidés) entourent l’ovo-
cyte sans chambre capsulaire, sauf chez les Alytidés (Alytes, Discoglossus).
La gangue externe peut permettre l’adhésion des œufs à un support (par
exemple Bombina et Pelodytes). Immédiatement après la ponte, la gangue
externe enfle sous l’action de l’entrée d’eau. La proportion de la taille
des gangues par rapport à la taille de l’embryon varie en fonction des
paramètres physico-chimiques de l’eau, et entre les espèces. La gangue
externe est par exemple d’autant plus grande que l’eau est faiblement
minéralisée chez les Grenouilles (fig. 3). Cette gangue est renforcée chez
l’Alyte qui porte ses œufs en milieu terrestre, protégeant ainsi l’embryon
de la dessiccation.

Figure 3. Œufs de Grenouille des Pyrénées (Rana pyrenaica) au stade bourgeon caudal.
La gangue externe s’est gorgée d’eau après le dépôt de la ponte dans le milieu aquatique.

Le contrôle hormonal du cycle de reproduction des Amphibiens des pays


tempérés est calé sur celui des saisons. La vitellogenèse et la phase de
multiplication des spermatozoïdes ont lieu avant la période d’inactivité
hivernale. Après l’hiver, les ovocytes matures peuvent être déposés en une
ponte unique, en plusieurs paquets successifs ou un à un au cours de la
saison de reproduction selon les espèces.
En l’absence d’organes copulateurs, la rencontre des gamètes mâles et
femelles se fait suivant des modalités variables.
Chez les Urodèles, la fécondation est interne. Chez les Tritons, les adultes
des deux sexes effectuent en général une migration de reproduction qui
les fait passer du milieu terrestre aux sites aquatiques de reproduction. Les
13
mâles, après avoir acquis des caractères sexuels secondaires traduisant leur
maturité (apparats nuptiaux tels que large crête dorsale, coloration vive),
exécutent une parade nuptiale complexe (fig. 4a). Par des oscillations de
la queue repliée le long du corps, le mâle dirige un courant d’eau chargé
de phéromones sexuelles sécrétées par des glandes situées sur son flanc.
La femelle réceptive suit le mâle dans cette parade et finira par capter
grâce aux lèvres de son cloaque le spermatophore déposé sur le fond par
le mâle. Les spermatophores successivement récoltés et stockés par les
femelles serviront de réserves de spermatozoïdes pour féconder les ovocytes
expulsés un à un de l’oviducte lors de la ponte. Le Calotriton des Pyrénées
et l’Euprocte de Corse réalisent un amplexus caudal au cours duquel les
cloaques du mâle et de la femelle sont en contact étroit permettant le
transfert du spermatophore (fig. 4b). Chez les Salamandres et le Spélerpès,
la fécondation a lieu en milieu terrestre. La période des accouplements
est en général l’automne pour la Salamandre tachetée et la Salamandre
corse, l’été pour les Salamandres « noires » alpines. Le mâle sort par les
nuits pluvieuses et attend dressé sur ses pattes antérieures le passage d’une
femelle. Lorsque celle-ci est repérée, il se précipite et essaye d’enlacer ses
membres antérieurs en une sorte de prise de bras (amplexus brachial) (fig. 5).

Figure 4a. Parade nuptiale chez le Triton alpestre (Ichthyosaura alpestris). Le mâle (à droite)
exécute une série d’actes comportementaux précis alliant mouvements et stimulations
chimiques (phéromones). La femelle réceptive (à gauche) suit le mâle dans cette parade,
menant ainsi au transfert du spermatophore.

14
Figure 4b. Amplexus caudal chez le Calotriton des Pyrénées (Calotriton asper). Les
cloaques du mâle et de la femelle sont en contact étroit, permettant ainsi le transfert du
spermatophore.

Figure 5. Amplexus brachial chez la Salamandre tachetée (Salamandra salamandra). Le


mâle, placé en dessous, maintient la femelle sur son dos par une prise des membres
antérieurs.

15
Une fois dans cette position, le mâle frotte son museau sous le menton de
la femelle. Il dépose un spermatophore sur le sol et pivote sur le côté pour
laisser la place à la femelle, qui capte alors ce spermatophore dans son
cloaque. Les spermatozoïdes peuvent être stockés dans un ensemble de
petits tubes (organe de Siebold) débouchant dans le cloaque. Ils serviront
à féconder le lot d’ovocytes mûrs de la femelle.
Chez les Anoures, la fécondation est externe. À l’exception de l’Alyte
accoucheur, la reproduction est aquatique : les mâles signalent leur pré-
sence aux femelles ou les attirent vers les sites de ponte par leurs vocalisa-
tions. Le mâle agrippe la femelle dans une position caractéristique selon les
familles. Cet amplexus peut être axillaire (Bufonidés, Hylidés et Ranidés)
ou lombaire (Alytidés, Bombinatoridés, Pélobatidés, Pélodytidés et Pipidés)
(fig. 6a et 6b). Le mâle féconde les ovocytes mûrs relâchés par la femelle.
Chez l’Alyte accoucheur, cette fécondation a lieu en milieu terrestre. Au
cours de l’amplexus, le mâle féconde les ovocytes pondus, enroule les œufs
reliés par un cordon entre ses pattes postérieures et les porte ainsi durant
l’incubation. À la date d’éclosion, il les dépose dans un site aquatique où
se poursuivra le développement larvaire.

Figure 6a. Amplexus axillaire chez la Rainette méridionale (Hyla meridionalis). Le mâle
enserre la femelle en plaçant ses membres antérieurs sous ceux de la femelle.

16
Figure 6b. Amplexus lombaire chez le Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata). Le
mâle maintient la femelle en plaçant ses pattes antérieures en avant des pattes postérieures
de la femelle.

Le développement des œufs


Les ovocytes sont fécondés dans les voies génitales femelles chez les
espèces à fécondation interne et au moment de leur expulsion chez les
espèces à fécondation externe. Les œufs sont de type hétérolécithe. Le
développement embryonnaire débute par une segmentation totale et iné-
gale. L’observation de ce développement est particulièrement aisée dans
les pontes de la Grenouille agile et de la Grenouille rousse. La vitesse de
développement est fonction de la température de l’eau (par exemple, à
une température de 20 °C, il faut 3 heures pour passer du stade à 1 cel-
lule au stade à 32 cellules). À part chez le Spélerpès de Strinati où la
femelle garde ses œufs, il n’y a pas de soins parentaux chez les autres
espèces d’Amphibiens de France métropolitaine. Cependant, le comporte-
ment d’enveloppement des œufs des Tritons dans la végétation aquatique
augmente leur survie. La réussite est principalement basée sur le nombre
pour les espèces qui forment des frayères importantes (Rana, Pelophylax,
Bufo). D’autres espèces sélectionnent des sites aquatiques temporaires où
la pression de prédation par les invertébrés aquatiques et les poissons est
plus faible (­Epidalea calamita, Bombina variegata, Salamandra salamandra).
Les grandes étapes du développement embryonnaire sont identifiables à la
fois chez les Urodèles et chez les Anoures.
17
Principales étapes du développement d’un embryon de Triton
Stade 1 : fécondation et formation des deux premiers blastomères
Stade 2 : passage de 4 à 32 cellules
Stade 3 : blastula (limites entre les cellules encore visibles)
Stade 4 : début de la gastrulation (apparition de l’encoche blastoporale)
Stade 5 : milieu de la gastrulation (blastopore circulaire et bouchon vitellin)
Stade 6 : fin de la gastrulation (blastopore fermé), début d’aplatissement
avec l’ébauche de la plaque neurale
Stade 7 : formation des bourrelets neuraux
Stade 8 : début de rapprochement des bourrelets neuraux, dernier stade
sphérique de l’embryon
Stade 9 : soudure des bourrelets neuraux, tube neural constitué, stade
­bourgeon caudal
Stade 10 : apparition des placodes optiques et individualisation de la tête
Stade 11 : extension de la tête, apparition de la queue et des placodes
olfactives
Stade 12 : allongement du corps, apparition des balanciers
Stade 13 : corps rectiligne, balanciers en forme de bourgeon conique
Stade 14 : apparition de la première paire de bourgeons branchiaux,
pigmentation
Stade 15 : trois paires de bourgeons branchiaux
Stade 16 : apparition du bourgeon conique des membres antérieurs
Stade 17 : bourgeon du membre antérieur cylindrique, balanciers claviformes
Stade 18 : ramifications branchiales
Stade 19 : membre antérieur en forme de palette
Stade 20 : balanciers renflés à leur extrémité, éclosion, vie libre de la larve.

Principales étapes du développement d’un embryon de Grenouille


Stades 1 à 8 : de la fécondation à la formation du tube neural, similaire à
l’œuf de Triton
Stade 9 : allongement marqué de l’embryon, gouttière neurale profonde
presque fermée
Stade 10 : début de concavité dorsale, rotation de l’embryon devenant libre
à l’intérieur de la membrane vitelline
Stade 11 : bourgeon caudal à concavité dorsale marquée, ébauche de la
queue, 3 premiers somites apparents
18

Vous aimerez peut-être aussi