Le Coche Et La Mouche Mouvement 2

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 Quels sont les effets du discours indirect libre ? (V.21 à 22).

Les pensées de la Mouche nous sont transmises dans deux phrases exclamatives afin de traduire son
indignation. La structure est la suivante :

 Caractérisation du contexte (Le Moine disait son bréviaire V.20) + Intervention des pensées de la
Mouche (Il prenait bien son temps ! V.21).

 Caractérisation du contexte (Une femme chantait V.21) + Intervention des pensées de la mouche
(C’était bien de chansons qu’alors il s’agissait ! V.22).

Ce passage au discours indirect libre accélère le rythme du récit et donne un accès direct et vif à la conscience
de la Mouche car on entend sa voix. Les reproches formulés par la Mouche sont ainsi accentués par la
répétition de l’adverbe « bien » V.21 et 22 et ne sont pas exempts de préjugés :

 Le moine lit son livre de prière comme pour échapper à l’effort collectif. Selon la Mouche, il prie pour
chercher l’aide de Dieu ce qui est inutile et stupide puisqu’elle est là pour diriger les opérations.

 Une femme chante comme si elle ne réalisait pas la gravité de la situation. La Mouche dramatise en
opposant les futilités féminines et le labeur physique. Comment peut-on chanter alors qu’elle se
dévoue pour autrui.

 Les vers qui succèdent à ce discours indirect libre rendent compte des efforts de la Mouche : en quoi
est-elle ridiculisée ? (v. 23 à 24)

 « Dame Mouche » (V.23) : cette personnification féminise la Mouche qui passe du statut de sergent de
bataille (V.15) à celui d’une Dame ce qui détruit sa puissance militaire. De plus, avec le nom
« Mouche », elle est alors définitivement ramenée à sa juste valeur de simple petit insecte.
Il y a donc une prise de distance du narrateur qui ironise.

 Le verbe « chanter » (V.23) en un polyptote ironique. La reprise du radical utilisé dans trois vers
consécutifs (V.21, 22 et 23) montrent l’incohérence de la Mouche qui ne tolère pas les chants des
autres mais agit de la même façon. En sa qualité de petit insecte, elle ne peut, en réalité, faire autre
chose que chanter en vain.

Polyptote : c’est une figure de répétition qui consiste à reprendre un terme en lui faisant subir des variations
grammaticales de genre, de nombre, de personne, de mode, de temps.

 « Cent sottises pareilles » (V.24) : l’implication par le nombre hyperbolique « cent » est tout de suite
invalidée par le terme « sottises ». La Mouche est encore caractérisée par son incapacité à dissocier la
réalité de ses faits et gestes. Au contraire, elle devient un opposant / un adversaire dans le bon
déroulement de la démarche en harcelant les protagonistes de son bruit parasite.

 Le vers 25 synthétise, toujours avec ironie, le résultat auquel aboutit la Mouche par son travail.
L’adverbe « bien » modalise le discours du narrateur qui propose un regard distancié et amusé sur ce
que peut penser la Mouche, gonflée d’orgueil.
 Quels sont les effets du discours direct ? (V.26 à 28).

La Mouche prend en charge le discours et intervient directement dans le récit : comment s’exprime-t-elle ?

 L’injonctif « Respirons » (V.26) est associé à l’adverbe « maintenant » : La Mouche décide, donne des
ordres et impose son pouvoir chimérique et donc imaginaire. Sa prise de parole et ses premiers mots
confirment qu’elle veut paraître pour ce qu’elle n’est pas. De plus, l’adverbe « aussitôt » dans la
proposition incise du deuxième hémistiche est révélateur de son empressement d’être en centre de la
scène.

 Dans le vers 27, la Mouche s’octroie le résultat sans aucun scrupule comme le montre la proposition
subordonnée corrélative introduite par l’adverbe d’intensité « tant ».
Cette subordonnée corrélative introduit une conséquence qui insiste sur l’effort et le labeur.
Cette dernière est à mettre en perspective avec l’adverbe « enfin » qui dessine une relation de cause à
conséquence ridicule puisque la Mouche n’est pas sujet de la réussite du résultat.

 Le vers 28 qui achève le discours de la Mouche donne de la consistance au réel but de la Mouche qui
réclame son dû.

 « ça » : Adverbe conclusif qui signifie « donc ». Ce terme en début de vers et mis en valeur
par la virgule souligne que la Mouche pense avoir dupé son monde. Elle n’hésite pas à tirer
des conclusions toutes subjectives.

 « Messieurs les chevaux » : apostrophe qui exprime non pas le respect mais l’impatience de la
Mouche qu’on lui fasse honneur des efforts fournis. Cette personnification s’inscrit ainsi dans
une forme de dédain qui la valorise.

 « payez-moi de ma peine » : il y a un jeu sur la rime avec « la plaine », la Mouche impose une
relation de cause à conséquence (ma peine à mener dans la plaine) pour obtenir un gain. La
personnalité intéressée double l’orgueil de la Mouche d’un caractère vénal. Ces derniers
mots prononcés achèvent la dévalorisation entreprise tout au long de la fable.

 La morale : Quelle est la portée de l’enseignement ? comment la leçon est-elle exprimée ? (V.29à
32).
 Le fabuliste intervient afin de proposer une moralité sous forme d’un quatrain. Nous passons de la
fiction du récit à la réalité, d’un monde inventé au monde des hommes.
C’est l’adverbe « ainsi » qui ouvre le vers 29 qui fait la transition entre ces deux mondes distincts
et prend en charge le glissement vers l’enseignement afin de tirer les conséquences / conclusions
de la saynète proposée.

 Le présent de vérité générale « S’introduisent » (V.30) et « font » (V.31) indique que le fabuliste
quitte le statut de narrateur pour exprimer une vérité universelle à visée didactique.

 « Certaines gens » (V.30) : les personnages clairement identifiés en tant que


protagonistes fictifs renvoient de façon indéfinie à l’ensemble des hommes pris pour
cible dans la fable. Un effet d’identification s’opère pour traiter des vices, travers et
défauts d’une certaine partie de la population. Certaines gens = La Mouche. Le pronom
pluriel « ils » (V.31) est alors une reprise de cette entité moquée.
 Les répétitions à valeur d’insistance : (Partout / partout ; Faisant les empressés/ Font les
nécessaires). Il y a ainsi une mise en relief des mots « clés » qui traduit l’enseignement à
tirer.

 Le jeu sur les rimes :

o « Empressés » (V.29) rime avec « Chassés » (V.32), les deux participes passés sont liés dans
une relation de cause à conséquence pour exprimer une certaine violence. On chasse un
animal et non les hommes. Ceux-ci sont alors vus comme des parasites qu’il faut éviter. Le
conditionnel « devraient » (V.32) appuie cette éventualité, cette hypothèse afin que l’homme
clairvoyant et lucide s’y soumette. La rime prend alors valeur de conseil.

o « Les affaires » (V.30) rime avec « Les nécessaires » (V.31), le verbe « introduire » et le verbe
« Faire » amorcent chacune des rimes afin de montrer le mouvement (verbes de mouvement)
qui symbolise la stratégie et les subterfuges de certains hommes qui s’imposent pour mieux
se faire voir.

 De plus des éléments font écho au récit auquel la moralité se rattache :

 L’empressement et l’intrusion évoqués aux vers 29 et 30 renvoient aux nombreuses actions auxquelles
la Mouche participe activement pour tenter de faire avancer le Coche.

 Le constituant verbal « Faisant les empressés » (V.29) ajoute à l’effet de miroir et renvoie au vers 14.
Nous passons cependant du singulier (fait l’empressée) au pluriel pour généraliser aux hommes.

 La répétition de l’adverbe « partout » (V.31 et 32) rappelle les indices de lieu présents dans le récit et
les déplacements intempestifs de la Mouche : ils sont partout sans se rendre compte de leur inutilité.

 La répétition du son « P » du premier hémistiche au vers 32 « Et, partout importuns » nous remet en
mémoire les sonorités similaires du début du vers 8 (Pique l’un, pique l’autre).

 Le dernier terme de la fable « chassée » (V.32) est choisi avec ironie pour convenir tout aussi bien aux
humains importuns qu’à une simple mouche. Avec ce participe passé passif, les lecteurs, ayant en
mémoire le comportement de la Mouche, projettent aisément les sentiments négatifs sur les êtres
humains.

La Fontaine est donc parvenu à passer de la narration à l’argumentation en veillant à tisser un lien entre
le « corps » et « l’âme « de l’apologue.
SYNTHESE

« Le Coche et la Mouche » est une fable de La Fontaine issue du Livre VII, ce genre qui relève de
l’apologue (Récit didactique en vers ou en prose visant à illustrer une morale, une leçon, un enseignement)
cherche dans un premier temps à distraire le lecteur. En effet, la fable est d’abord courte, le sens est ainsi
aisément identifiable, il y a un mouvement narratif qui marque la mémoire et favorise alors la compréhension.
La mise en scène, ensuite, est simple et efficace. L’opposition tranchée entre la Mouche et les autres
protagonistes est originale du fait des procédés d’écriture utilisés : personnifications, métaphores, hyperboles,
tonalité héroï-comique. Elle met ainsi en place un aspect visuel pour une narration qui suscite l’imaginaire des
lecteurs et l’aide à définir la personnalité arrogante et ridicule de la Mouche. Le travail sur le rythme a enfin
pour fonction de jouer sur l’interprétation avec l’alternance du récit et des discours afin de rendre cette
« saynète » vivante. De même l’alternance des vers en octosyllabes ou alexandrins et la variété des rimes
créent une musique propre à la poésie.
Le genre de l’apologue, dans un second temps cherche à proposer un enseignement. La morale dans
« le Coche et la Mouche » est explicite, elle se déduit en effet du récit. La Fontaine propose ainsi une véritable
leçon de vie sur certains hommes, qui, se croyant indispensables, n’ont pas conscience d’être inutiles et qui, de
plus, cherchent à s’octroyer les bénéfices de leurs attitudes vaines et souvent ridicules. Nous pouvons
également, par extension, y voir une visée plus politique en considérant le rapport des courtisans au pouvoir et
alors mettre cette fable en perspective avec « Les obsèques de la Lionne », il suffit de remplacer le terme
« affaires » présent au vers 30 par le terme « La cour » et nous aboutissons alors à la thématique du paraître
chère au fabuliste.

Comme chez La Bruyère, le divertissement et l’art de plaire (premier projet) de la fiction sont au
service d’une réflexion (deuxième projet) sur la société et le monde. Il s’agit ainsi de s’interroger sur les
fonctions du récit (raconter, narrer, mettre en scène) et sur les fonctions de l’argumentation (réfléchir sur la
portée morale et politique) afin de maîtriser les aspects didactiques (chercher à instruire) et critiques.

« Les fables ne sont pas ce qu’elles semblent être.


Le plus simple animal nous y tient lieu de maître.
Une morale nue apporte de l’ennui ;
Le conte fait passer le précepte avec lui.
En ces sortes de feinte il faut instruire et plaire,
Et conter pour conter me semble peu d’affaire. »

Jean de La Fontaine, « Le Pâtre et le Lion », Fables, Livre VI, 1678.

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