Le Disciple Dans La Tourmente: Recherche Sur Google

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LE DISCIPLE DANS LA
TOURMENTE

Il est certainement impossible d'échapper au


jugement; tout ce que l'on peut faire, c'est de s'y
préparer, d'utiliser au mieux les années qui
nous en séparent, mais dont le nombre nous est
inconnu et inconnaissable.
L'ignorance où Dieu nous maintient est une
précaution bénigne qu'II prend contre notre
paresse. Si nous savions, en effet, la date
certaine du terme de nos existences terrestres, il
est malheureusement probable que nous
reculerions sans cesse de nous mettre pour de
bon à l'ouvrage, et notre insouciance serait
alors sans excuse. Quant aux rares êtres qui ont
au coeur le zèle du service divin, ils ne se
préoccupent que de bien remplir leurs jours l'un
après l'autre; ils se sont faits esclaves du
Seigneur; ils ne se préoccupent pas d'une
récompense et ne craignent point de punition;
la foi et la charité ne laissent même plus de
place dans leur coeur à l'espérance, et ils
trouvent leur bonheur dans cela même qui est
pour tout le monde le malheur : dans la
pauvreté, les fatigues, les veilles et les mépris.
Mais nous autres, les hommes ordinaires,
quand viennent les convulsions ethniques, les
cataclysmes, les épidémies, quand la douleur
roule en torrent sur les foules, que faire, sinon
nous raccrocher aux rocs de la foi, sinon tendre
toutes nos énergies morales pour ne pas nous
laisser submerger ? Les vrais périls que nous
courons sont des périls psychiques; tous les
autres, nous ne pouvons que les subir mais
ceux-là, nous devons leur faire face et les
vaincre. C'est pourquoi Jésus dit : « Veillez et
priez », et nous met en garde contre les dangers
spirituels.
Ils sont multiples. D'abord, notre manque
de confiance, ensuite notre naïve curiosité du
merveilleux qu'exploitent habilement les faux
Christs et les faux prophètes. Puis notre
lâcheté devant les persécutions. Comme il faut
être vigilant alors ! Semblables au lycéen
paresseux qui ne se décide a travailler qu'un
mois avant son baccalauréat, nous sommes
obligés de refaire en quelques années tout
l'ouvrage incomplet de plusieurs existences;
sans cela, c'est un retard énorme sur toute notre
évolution.
Et, je vous le répète, nous marchons à
l'aveugle, peut-être les trompettes du jugement
vont-elles retentir dans vingt ans, dans un an,
tout à l'heure... Et, si nous sommes en dessous
du niveau moyen, nous voilà immobilisés pour
soixante, pour deux cent quarante siècles peut-
être.
*
On est généralement porté à se plaindre de
Dieu; on oublie la patience qu'Il a eue avec
nous pendant des siècles; on ne veut pas
comprendre que des heures arrivent où
l'avalanche du Mal, grossie par les générations,
par nos ancêtres qui sont nous-mêmes, menace
de tout emporter, nous, nos campagnes, nos
villes, nos patries, la terre entière, dan une
chute sans fin aux abîmes du Néant. A ces
heures-là, il faut une digue et, comme
l'avalanche est faite de cupidités assouvies, de
vices et de meurtres, il faut une barrière de
sacrifices, de souffrances et de sang.
La Douleur est le grand Mystère de la vie, et
celui-là seul nous l'expliqne qui incarne la
douleur universelle; celui1là, notre Christ,
comme un fruit merveilleux suspendu au
branches de l'arbre du Calvaire, offre à tous
l'omniscience de la foi, l'omnipotence de
l'amour et la béatitude de l'humilité.
Seul entre tous les conducteurs d'hommes, Il
ose offrir la souffrance à notre soif d'idéal; seul,
Il met la joie dans le coeur de ceux qui
pâtissent en Son nom; seul, Il veut que la
Douleur devienne le signe de la beauté morale,
le talisman de la puissance morale, le Maître-
mot de tous les secrets.
Personne ne consent à servir Dieu de bon gré,
on oblige Dieu à faire de la douleur Son
ministre; au moins sachons l'accueillir comme
telle. Que l'expression « coeur dur, coeur de
pierre » est juste ! Il faut « la lance du bon
chevalier Malheur », comme dit notre Verlaine,
pour faire jaillir de ce caillou l'étincelle qui dort
en son sein. Il faut son bras de fer pour que
notre égoïsme terrassé avoue son impuissance
et prononce enfin la parole de l'anéantissement
qui, par Jésus, devient la parole de la
Toute1puissances : « Père, que Ta volonté soit
faite. »
Sachons bien dès lors que, dans les
calamités collectives comme dans les
tribulations individuelles, le facteur de
résistance morale est le plus important.
*
Ecoutons l'Évangéliste : « Il viendra un
temps où vous désirerez voir un des jours du
Fils de l'Homme, un seul, et vous ne le verrez
pas. On vous dira : « Le voilà... le voilà... ».,
n'y allez pas, car il surgira de faux Christs et de
faux prophètes faisant de grands signes et
prodiges, afin de séduire si possible les élus
même. Ainsi, je vous ai prévenus. Si donc
quelqu'un vous dit : « Voilà qu'il est dans le
désert , n'y allez pas. Le voilà dans l'intérieur
de la maison », ne le croyez pas. Tel en effet
l'éclair part de l'orient et brille jusqu'à
l'occident, tel en son jour sera l'avènement du
Fils de l'Homme. Mais il lui faut d'abord
beaucoup souffrir et être rejeté par cette
génération ».
L'Adversaire sait l'importance de l'élément
moral, il sait qu'une intelligence faussée, un
coeur affaibli sont déjà comme des prisonniers
pour lui. Aussi, à l'approche des derniers
temps, les spéculations les plus brillantes de
l'intelligence conquerront les suffrages; les
triomphes les plus étonnants de l'intelligence
sur la matière se multiplieront; les doctrines les
plus flatteuses à l'orgueil seront prêchés par des
voies éloquentes.
Voyez la vogue actuelle des études sur le
merveilleux, toute la littérature consacrée au
psychisme. L'Adversaire dotera plusieurs
hommes de « pouvoirs », ils feront facilement
des prodiges, tandis que les enfants de Dieu,
tous modestes et sans faste, paraîtront
abandonnés. Ces faux prophètes s'attribueront
des privilèges, ils se donneront comme le
Christ; ainsi, j'ai connu deux chefs de sectes
américaines, un Hollandais, un Israélite
algérien, un hypnotiseur indoportugais, un
spirite belge, un magnétiseur français et un
bouddhiste qui, chacun, déclarait être le Christ.
Or, il se peut que le Christ revienne, que
Moïse, Elie, un apôtre se réincarnent, mais ils
ne diront jamais rien de leur généalogie
spirituelle, ou parce qu'ils l'ignorent ou parce
que le Père ne le veut pas. Un envoyé du
Christ ne fait jamais de réclame autour de soi,
ne se pousse jamais en avant. Voilà deux règles
absolues. Ne vous inquiétez donc pas si des
thaumaturges remuent les foules. Continuez à
vivre vos devoirs et Jésus saura bien vous
trouver. Pour que notre nom soit inscrit sur le
Livre de Vie, Jésus ne nous demande pas de
produire des phénomènes psychiques, mais
d'avoir le coeur pur. Ne courez pas avec la
foule, restez là où sont les sacrifices et les
dévouements. La recherche du merveilleux
entraîne aux ténèbres. Gardez-vous des
diables, gardez-vous aussi des esprits, des
génies, des fluides et des dieux. Pour
manipuler sans danger les forces invisibles, la
condition indispensable est d'avoir les mains
pures. Procurez-vous donc avant tout de quoi
vous laver l'intelligence et le coeur, surtout le
coeur.
Saint Paul assure que le jugement n'aura lieu
qu'après la grande apostasie, après que se sera
manifesté l'homme de l'iniquité, le fils de la
perdition, le grand adversaire, s'élevant au-
dessus de tout ce qu'on appelle Dieu et qu'on
adore, jusqu'à s'installer dans le temple de Dieu
et à se présenter comme étant Dieu lui-même...
Cette apparition se fera par la puissance de
Satan avec toutes sortes de miracles, et signes,
de prodiges menteurs et une foule de
séductions coupables. Voir en Voltaire, en
Renan, en Nietzsche l'incarnation de
l'Antéchrist, c'est une conception un peu
étroite; mais l'esprit humain tend toujours vers
le particularisme. Aussi, il y a eu et il y a
encore aujourd'hui des faux mystiques qui
disent connaître l'Antéchrist, qui désignent son
père et sa mère comme étant des religieux
apostats, qui savent où ils vivent... Or, il est
évident que le premier soin de l'Antéchrist sera
de ne pas crier à la face du monde : C'est moi le
Séducteur, c'est moi le grand ennemi du
Bien !...
L'Antéchrist n'est pas ou ne sera pas un
individu, mais toute une armée; quiconque
prêche l'orgueil, l'égoïsme, l'écrasement des
faibles, l'abstention d'agir, l'immobilité, l'inertie
appartient à l'Antéchrist. Quiconque déclare
que Jésus n'était pas le Verbe, Fils unique de
Dieu, venu en chair appartient à l'Antéchrist.
Quiconque enseigne des moyens occultes de
devenir puissant, d'accroître sa volonté, de faire
des prodiges appartient à l'Antéchrist.
Il faudra être attentif, car ces hommes seront
habiles; ils commenceront par prêcher la
fraternité universelle, la paix universelle, la
tolérance universelle et ils se concilieront ainsi
la foule des naïfs. Puis ils expliqueront la
dignité de l'homme, ils montreront des
merveilles que l'homme peut accomplir par
certaines méthodes psychiques et concluront
que l'homme est un dieu; ils prouveront ensuite
qu'il n'y a pas d'autre Dieu que celui qui réside
dans le coeur de l'homme et que, par
conséquent, aucune loi ne va plus pour
quiconque a trouve ce dieu intérieur. De là a
installer l'orgueil spirituel, le non-agir sur le
trône suprême, il`y n'y a plus qu'un pas.
Et tous ces sophismes seront si habilement
présentés, renforcés par des preuves si
séduisantes, et des fascinations si insinuantes
que l'humanité presque entière s'y laissera
prendre.
*
Comment échapper à ces pièges ?
En sachant utiliser la Douleur au lieu de la
repousser.
Et d'abord, il faut croire au Christ, il faut
s'attacher à Lui aveuglément, désespérément,
sans écouter personne, sans entendre aucun
raisonnement, car l'intelligence est devenue le
domaine de l'Antéchrist. Il est écrit : « Qui
croit au Fils n'est point jugé, qui ne croit point
est déjà jugé. » Et ailleurs : « En vérité, en
vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole
et qui croit en Celui qui m'a envoyé possède la
Vie éternelle et ne comparaît point en
jugement ».
Ensuite - non pas ensuite, mais en même
temps - , il faut faire le bien. Celui qui fait le
bien est seul compté comme ayant la foi, et le
vrai disciple n'a jamais rien à craindre de
personne. Quiconque, dans les années
d'abondance, a toujours largement partagé avec
les pauvres est sûr que la disette ne pourra rien
contre lui.
Cependant, Jésus ne dédaigne pas de donner
à Ses disciples des conseils de prudence :
« Vous serez en haine à tout le monde à cause
de mon nom, leur dit-Il; toutefois, ne craignez
pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent
tuer l'âme. Craignez plutôt celui qui peut faire
périr l'âme et le corps dans la géhenne; mais,
quand ils vous persécuteront dans une ville,
fuyez dans une autre. Et Il revient encore sur
cette prudence : « Que celui qui sera, en ce jour
du Fils de l'Homme, sur la terrasse et qui aura
quelque objet dans la maison ne descende pas
pour l'emporter. Que celui qui sera aux champs
fasse de même et ne revienne point sur ses pas.
Souvenez-vous de la femme de Lot... Qui
cherchera à sauver sa vie la perdra, et qui la
perdra l'enfantera vivante. Cette nuit-là, je
vous le déclare, de deux hommes qui seront
dans un lit, l'un sera pris et l'autre laissé; de
deux femmes qui moudront ensemble, l'une
sera prise et l'autre laissée ».
En troisième lieu, il faudra être vigilant, se
rendre compte de ce qui se passe et de ce qu'on
nous présentera comme étant le bonheur et la
vérité. Veillez sur vous-mêmes, nous répète
Jésus, de crainte que vos coeurs ne
s'appesantissent dans la bonne chère, dans les
excès de boisson, dans les soucis de ce monde,
et que ce jour-là ne vous surprenne
inopinément. Car il surviendra comme un filet
sur tous ceux qui habitent la surface de la terre.
Soyez donc vigilants en tous temps et priez afin
que vous soyez rendus dignes d'échapper à
toutes ces choses qui vont arriver, et de
subsister en présence du Fils de l'Homme......
Ici, une fois de plus, Jésus recommande
donc l'énergie, l'effort, l'action, la constance.
Jamais les âmes pieuses et les cerveaux à
tendances spiritualistes ne se rediront trop que
Dieu, c'est l'Acte, que la Vie éternelle n'est pas
l'inertie, mais le Mouvement, que la béatitude
n'est pas l'immobilité, mais l'action.
*
Tels sont les procédés généraux qui
permettront de subir avec succès l'épreuve des
derniers temps.
Voici, en outre, si j'ose m'exprimer ainsi,
une petite recette que je crois précieuse parce
qu'elle nous aide à préciser notre effort, à
concentrer nos énergies, parce qu'elle ralliera
nos élans épars et fixera notre bonne volonté
que tant de bouleversements pourraient rendre
indécise.
Voici la première règle :
Ne jamais se mettre en colère.
Et voici la seconde :
Se mettre toujours au-dessous de tous.
Vous comprendrez si vous vous souvenez
que les derniers temps ne seront pas autre chose
qu'une colère universelle. Le sol, les entrailles
de la terre, les océans, les montagnes, les
semences des plantes, les animaux, les
hommes, les nations, les idées, les êtres
invisibles, tout sera en furie, tous se
précipiteront les uns contre les autres,
cherchant à se détruire.
Et, naturellement, les vainqueurs
s'enivreront d'orgueil, sans voir le précaire de
leurs triomphes.
Pour rester attachés à Jésus, modelez vos
coeurs à l'image de Son coeur, devenez doux et
humbles. Rien de ce qui existe dans le monde
ne vaut la peine seulement d'une impatience;
rien de ce que l'on possède de ce monde ne
vaut la peine d'un sourire de fierté, puisque tout
passe et que tout n'est qu'un prêt.
Au surplus, les conseils ne nous manqueront
pas, nous aurons des guides et des aides. De
même, en effet, que les mauvais philosophes,
les faux thaumaturges, les tyrans forment une
hiérarchie ténébreuse dont les chefs terrestres
sont le Prince de ce monde et l'Antéchrist qui,
eux-mêmes, sont menés par le grand Lucifer
cosmique, de même il y a une hiérarchie
lumineuse : le Christ jamais ne laisse la terre
sans un représentant; s'il ne se trouvait quelque
part ici bas un coeur parfaitement pur et revêtu
de l'Esprit, les iniquités des hommes auraient
depuis longtemps tué la terre.
De même que Jean-Baptiste est venu en
ambassadeur, de même, quand le Christ
glorieux sera près d'apparaître, un de Ses Amis,
un de Ses soldats se manifestera pour faire
échec à l'Antéchrist et rassembler tous les
disciples épars. Il aura vite fait, hélas ! car ces
disciples seront bien moins nombreux que les
égarés.
Ce chef aura conscience de sa dignité, mais
il n'en dira rien à personne, et il aura comme
lieutenants ceux auxquels le Christ fait allusion
dans cette parole incomprise : « Quelques-uns
ici sont présents qui ne goûteront point la mort
avant d'avoir vu le Fils de l'Homme venir en
son règne ».
Voilà pourquoi nous devons persévérer
jusqu'à la fin et avoir confiance malgré tout.
*
Il me semble toujours qu'on use de trop de
ménagements envers les exigences de notre
raison; trop d'écrivains, surtout d'écrivains
pieux, s'exténuent à vouloir tout lui expliquer.
Ils diminuent, à mon avis, l'importance de la
foi. On ne comprend pas un mystère
théologique et on s'en formalise; mais
pourquoi ? Qui est-ce qui m'expliquera
comment deux silex heurtés font une
étincelle ?
Scruter le problème du Mal, le problème de
la Douleur, c'est un manque de confiance en
Dieu; il y a autre chose à faire dans la vie; il y a
le mal à convertir et la douleur à diminuer, et,
si même il se trouve sur la terre un être
d'exception à qui Dieu ait confié ces secrets,
son devoir est de ne pas nous les révéler, car
notre ignorance est le moyen le plus puissant de
nous sortir du Relatif et de nous jeter dans
l'Absolu.
D'ailleurs, le Fils, qui connaît tous les
secrets du Père, nous a-t-Il dit ceux1là ? Son
action est plus pratique. Sa force, c'est qu'II a
donné un sens à la douleur. Pour quiconque
croit en Lui, la douleur, bien qu'universelle et
perpétuelle, apparaît comme une maladie
advenue à la Création. Elle est cela, en effet.
Si Dieu n'avait pas voulu nous fournir du
travail, Il ne nous aurait pas envoyés dans les
jachères du monde. Il nous aurait laissés dans
la paisible harmonie de Son royaume. Ici, sur
terre, nous sommes dans une salle d'études et
nous craignons d'avoir à y rester; mais quand
nous aurons suivi toutes les classes, la porte
s'ouvrira et nous sortirons dans la vie radieuse
et immense, prêts pour toutes les entreprises et
pour tous les bonheurs.
Aucune souffrance n'est injuste, tout ce que
nous pouvons dire, c'est que nous n'en voyons
pas toujours la cause. La doctrine de la
pluralité des existences ne fait qu'agrandir
l'horizon de ces causes. Et, d'ailleurs, si nous
croyions vraiment en Dieu, nous ne
chercherions pas de théories explicatives. Et
puis, pourquoi bâtir des hypothèses quand la
réalité nous presse et que le sens intime nous
dit avec force que notre devoir est dans
l'acceptation de la douleur ? Nous savons bien
qu'elle est la condition de toute grandeur.
Vouloir des choses qui nous séduisent, nos
peines pour les atteindre sont des plaisirs; mais
accepter des choses qui nous blessent, voilà où
la volonté se trempe; courir au-devant de la
douleur, quand le devoir, quand l'humanité
nous y invitent, voilà le triomphe de la
volonté.
Mais celui qui a connu le Christ transmue
cet héroïsme de l'humaine sagesse en
holocauste librement accepté de la divine folie;
ses souffrances, limitées aux limites mêmes de
sa personne, subissent la multiplication
mystérieuse de la croix; elles acquièrent par la
vertu infinie du Christ - au nom de qui on les
endure - une valeur infinie; les rayonnements
du dynamisme moral dépassent notre
imagination.
Tout acte, en effet, reçoit sa vertu spirituelle
de l'Idéal pur qui on l'a effectué. Je me fatigue
à établir une coopérative dans mon village, par
exemple; mes fatigues profiteront à tous les
habitants de ce village jusqu'à ce qu'il
disparaisse. Je meurs pour ma Patrie; l'âme de
ma Patrie s'augmentera de mon âme et de mes
puissances pendant toute la suite de siècles où
elle existera sur la terre. Mais si je m'exténue,
si je meurs pour obéir à Dieu, pour Lui faire
plaisir, dirais-je, alors non seulement moi-
même, mes parents, mon village, mes
compatriotes, le genre humain seront aidés par
mes souffrances, mais encore ces souffrances,
multipliées sans mesure, deviendront des
lumières pour toute la création, pour les
milliers de mondes jusqu'aux limites de
l'espace, pour tous les êtres, pour tous les
siècles jusqu'à la fin du temps.
Voilà la vertu du Christ dont Il revêt ceux
qui Le servent.
Jésus a pleuré sur Son ami mort, sur Lazare.
Il a ainsi excusé d'avance toutes les touchantes
faiblesses des sentiments humains. Nous,
hélas ! nous pleurons nos morts sans pouvoir,
comme Lui, les ressusciter; mais ces
séparations ne nous déchirent que parce que
c'est seulement nous-mêmes que nous aimons
dans ceux qui sont partis. Nous ne discernons
pas les motifs de tant de peines, mais Jésus est
là qui nous a prouvé qu'Il nous aime. A notre
tour, disons-Lui : « Mon Christ, je ne
comprends pas, mais je T'aime et je Te fais
confiance ». Nos petits, à nous, est-ce qu'ils
comprennent nos mobiles ? Nous leur disons :
« Viens », et ils mettent leur menotte dans notre
main, sûrs que nous ne les conduirons pas au
précipice. Ne pourrions-nous pas donner à
Dieu ce que nos enfants nous offrent ?
Faisons de ces sentiments un usage pratique,
appliquons-les à la tourmente où nous sommes
emportés. Nous trouverons rarement des
motifs plus pathétiques de tendre vers Dieu nos
coeurs et vers l'action nos bras. Le travail nous
presse et déborde de toutes parts; commençons
tout de suite.
*
Se rendre compte qu'en souffrant, on
s'allège et on se purifie, c'est un premier pas.
Sachons bien, en outre, que, si nous souffrons
sans révolte, si nous souffrons en remerciant
Dieu de nous offrir ce moyen de relèvement, si
nous souffrons en disant au Martyr éternel que
nous sommes heureux de L'aider dans cette
passion incessante qu'II a accepté de subir
jusqu'à la fin des univers, alors nos douleurs
montant vers ce soleil des esprits retomberont
sur la terre en rosée bienfaisante. Tout le
monde n'a pas de l'argent à distribuer aux
malheureux, tout le monde ne peut pas donner
son sang à la Patrie, mais tout le monde
souffre, tout le monde peut dire à Jésus : Prends
ma souffrance, grande ou petite, et fais-la servir
au triomphe de Ta cause. La terre nouvelle que
les mystiques espèrent sous des cieux nouveaux
sera une renaissance. La loi reste partout
semblable à elle-même; qu'il s'agisse d'une
rose, d'un enfant, d'un peuple, d'une
découverte, d'une race, rien ne s'obtient que par
la souffrance et par la mort. Le moissonneur
qui entre dans son champ n'examine pas les
épis un à un; il les coupe tous, même ceux qui
ne sont pas mûrs, de peur d'en perdre; de même
les anges du Jugement moissonnent tout; c'est
pourquoi il nous faut travailler de toutes nos
forces et, quand le travail ne se présente pas, en
demander au Ciel. Les épreuves seules nous
mûrissent, et il faut continuer ainsi jusqu'à la
fin, jusqu'à la minute bénie où, de nos yeux de
chair, nous apercevrons dans les nuages la
gloire du Fils de l'Homme.

© Livres-Mystiques 1997-2020

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