Hommes Nouveaux, Des - John Stott

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Des hommes nouveaux

John Stott
Préface

Le riche héritage du chrétien, tel est le thème des chapitres 5 à


8 de la lettre de Paul aux chrétiens de Rome, un texte
fondamental de l’enseignement du Nouveau Testament. Dans
son étude minutieuse de ces chapitres, John Stott souligne les
grâces qui sont la part de ceux qui ont été régénérés par le
Christ : ils ont la paix avec Dieu, ils sont unis avec Christ, ils
sont affranchis de la loi, ils vivent par l’Esprit Saint.
Depuis quelques années ce livre, traduit en plusieurs langues, a
été apprécié pour sa clarté et pour sa compréhension
renouvelée de certaines vérités qui posent parfois des
problèmes, par exemple le sens de l’expression de Paul « mort
au péché ».
Les éditions successives de ce livre ont apporté une aide
précieuse à de nombreux chrétiens, en leur permettant de
fonder sainement leur conception de la vie chrétienne.
Introduction

L’épître aux Romains est, dans le Nouveau Testament, le


manifeste le plus complet et le plus systématique que nous
ayons du message de Paul aux chrétiens. L’apôtre y expose « le
plan de Dieu tout entier » (Actes 20.27) à savoir : le péché de
l’homme et la perdition qui en résulte, son salut acquis par la
mort de Christ, la foi en Christ, unique moyen de sa
réconciliation avec Dieu, l’action du Saint-Esprit en relation
avec sa croissance dans la sainteté, la place d’Israël dans le
dessein de Dieu et les implications éthiques de l’Évangile. De
cet écrit se dégage une telle grandeur, une telle vision
d’ensemble, un tel enchaînement logique, que toutes les
générations qui se sont succédé n’ont jamais cessé et de
l’admirer et de l’étudier.
Il pourrait être dangereux d’isoler quatre des seize chapitres de
cette lettre. Mais les contraintes du programme de la présente
Convention m’y ont obligé. En fait, les chapitres 5 à 8 ne
constituent-ils pas un tout ? Sans aucun doute, ces chapitres
sont parmi les plus grands et les plus glorieux de tout le
Nouveau Testament. Ils décrivent notre privilège de chrétiens,
les bienfaits que Dieu donne à ceux qu’il a recréés, qu’il a
justifiés, c’est-à-dire déclarés justes et acceptés en Christ. Les
chapitres précédents de la lettre sont consacrés à la nécessité de
la justification et au moyen d’y parvenir. Ils s’appliquent à bien
faire comprendre que tous les hommes sont pécheurs devant le
juste jugement de Dieu et ne peuvent être justifiés que par le
moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ — par la seule
grâce — au moyen de la seule foi. Ayant montré la nécessité de
la justification et expliqué le moyen d’y parvenir, Paul en
décrit ensuite les conséquences : une vie de relation filiale et
d’obéissance sur terre, suivie du glorieux avenir dans la cité
céleste.
Ceci est très important, parce que beaucoup parmi nous
pensent et agissent comme si l’évangile était seulement la
bonne nouvelle de la justification et n’était pas également la
bonne nouvelle de la sainteté et du royaume à venir. Ils parlent
comme si, étant venus à Dieu par Jésus-Christ, ils avaient
atteint le but final. Ils font comme si pour eux le chemin
s’arrêtait là et qu’il n’y avait pas de suite. Mais il n’en est rien !
Les premiers mots du verset 1 de ce chapitre sont : « ainsi donc,
justifiés par la foi… » Cela sous-entend une suite ! En d’autres
termes, nous sommes justifiés par la foi en Christ, réconciliés
avec Dieu, voici à présent les conséquences, les fruits de notre
justification.
Ces quatre chapitres dépeignent donc le grand privilège des
hommes nouveaux justifiés par la foi, notre riche héritage ici-
bas, et pour l’éternité, si nous sommes à Christ. Qu’en est-il de
ce privilège ? Chaque chapitre est consacré à un de ces aspects :
La paix avec Dieu (chapitre 5), L’union avec Christ (chapitre 6), La
libération à l’égard de la foi (chapitre 7), La vie dans l’Esprit
(chapitre 8). Nous les examinerons l’un après l’autre.

Remerciements

L’auteur tient à témoigner sa reconnaissance au Comité de la


Convention Evangélique de Keswick (Grande Bretagne) qui l’a
invité à faire ces exposés sur les chapitres 5 à 8 de la lettre de
Paul aux Romains lors du rassemblement en juillet 1965. Il tient
à remercier tout particulièrement son Président, le Chanoine
A.T. Houghton, pour l’encouragement personnel dont il fut
l’objet. Avoir l’occasion d’exposer la Parole de Dieu pendant
une bonne heure, quatre matinées de suite, à un auditoire
d’environ cinq mille personnes l’a grandement stimulé. Le
texte initial de ces études bibliques paru dans la revue The Life
of Faith peu de temps après la Convention, a été quelque peu
développé pour la présente publication.

Note des traducteurs

Le texte biblique utilisé pour la version française est celui de la


Traduction œcuménique de la Bible, pour la bonne raison qu’il se
rapproche le plus du texte de la Revised Standard Version dont
John Stott s’est servi pour son étude. Par moments le texte
anglais s’appuie sur d’autres versions. Des versions françaises
équivalentes ont alors été utilisées comme celles de : Segond ;
A. Kuen, « Lettres pour notre temps »* (LPNT) ; Bonnes
Nouvelles Aujourd’hui (BNA). La référence est chaque fois
mentionnée explicitement.
Le lecteur qui remarquera certaines répétitions voudra bien se
rappeler que le texte de ce livre a conservé la forme de style
parlé.
* Ed. Ligue pour la lecture de la Bible
1 La paix avec Dieu

Romains 5 se divise nettement en deux parties bien distinctes.


Les onze premiers versets décrivent les effets de notre
justification, tandis que les versets 12 à 19 nous montrent le
Médiateur de notre justification, le seul par qui elle nous est
donnée — à savoir Jésus-Christ, le second Adam.

I Les effets de notre justification (5.1


-11)

« Ainsi donc, justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu
par notre Seigneur Jésus-Christ ; par lui nous avons accès, par
la foi, à cette grâce en laquelle nous sommes établis et nous
mettons notre orgueil dans l’espérance de la gloire de Dieu.
Bien plus, nous mettons notre orgueil dans nos détresses
mêmes, sachant que la détresse produit la persévérance, la
persévérance, la fidélité éprouvée, la fidélité éprouvée
l’espérance ; et l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu
a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été
donné. Oui, quand nous étions encore sans force, Christ, au
temps fixé, est mort pour des impies. C’est à peine si quelqu’un
voudrait mourir pour un juste ; peut-être pour un homme de
bien accepterait-on de mourir. Mais en ceci Dieu prouve son
amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous
étions encore pécheurs. Et puisque maintenant nous sommes
justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés
par lui de la colère. Si, en effet, quand nous étions ennemis de
Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils,
à plus forte raison, réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie.
Bien plus, nous mettons notre orgueil en Dieu par notre
Seigneur Jésus-Christ par qui, maintenant, nous avons reçu la
réconciliation. »

1 Description des effets (v. 1 et 2)

Nous avons ici un résumé en trois phrases des conséquences de


notre justification. Premièrement « nous sommes en paix avec
Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ » (v. 1). Deuxièmement,
« nous avons accès, par la foi (par le même Christ), à cette grâce
en laquelle nous sommes établis » (v. 2a). Troisièmement,
« nous mettons notre orgueil dans l’espérance de la gloire de
Dieu » (v. 2b). Voilà les fruits de notre justification : la paix, la
grâce et la gloire. La paix avec Dieu — que nous possédons — la
grâce — dans laquelle nous sommes établis — et la gloire — que
nous espérons.
En regardant de plus près, ces trois points correspondent aux
trois temps ou phases de notre salut.
Premièrement « la paix avec Dieu » nous parle de l’effet
immédiat de la justification. Nous étions « ennemis » de Dieu (v.
10), mais l’ancienne inimitiée a maintenant été effacée par le
pardon de Dieu et nous sommes en paix avec lui. L’effet
immédiat de la justification est donc que l’inimitié a fait place à
la paix.
Deuxièmement, « cette grâce en laquelle nous sommes établis »
nous parle de l’effet permanent de la justification. C’est un état
de grâce auquel nous avons accédé et dans lequel nous restons
établis. LPNT l’exprime ainsi : « C’est le Christ qui nous a fait
pénétrer dans le lieu où règne la bienveillance divine ». Et, bien
sûr, étant entrés, nous y restons. Nous y demeurons
aujourd’hui.
Troisièmement, « la gloire de Dieu » que nous espérons nous
parle de l’effet ultime de la justification. « La gloire de Dieu »
signifie ici le ciel, car c’est là que Dieu lui-même sera
pleinement révélé (dans le langage biblique « la gloire » est la
manifestation de Dieu).
Nous verrons la gloire de Dieu au ciel, et même nous y aurons
part, puisque nous serons alors comme Christ (1 Jean 3.2).
« L’espérance » est notre attente, dans une confiance sûre et
certaine. C’est une telle certitude que nous pouvons nous en
réjouir dès à présent. « Nous mettons notre orgueil dans notre
espérance (c’est-à-dire notre ferme assurance) de la gloire de
Dieu. »
Ces trois expressions donnent une image équilibrée de la vie
chrétienne en relation avec Dieu. Aucune mention n’est faite
ici de la relation avec notre prochain, mais pour ce qui est de
notre relation avec Dieu elles constituent un magnifique
résumé de la vie chrétienne : paix, grâce et gloire.
Avec le mot paix nous tournons nos regards en arrière vers
l’inimitié maintenant abolie.
Avec le mot grâce nous levons nos regards vers notre Père dans
la bienveillance duquel nous demeurons maintenant.
Et avec le mot gloire nous portons nos regards vers notre destin
final, lorsque nous verrons et refléterons la gloire de Dieu,
objet de notre espérance, de notre attente.
2 Souffrir, le chemin de la gloire (v. 3
et 4)

Pourtant cela ne signifie pas qu’après la justification l’étroit


sentier soit couvert de pétales de roses. Or, il n’y a pas de roses
sans épines, et quelles épines ! « Bien plus, » dit Paul au verset 3,
« nous nous réjouissons même dans nos souffrances » (BNA).
Paix, grâce et gloire — oui, mais aussi souffrance.
Ces souffrances ne sont pas, à proprement parler, la maladie ou
la douleur, la tristesse ou le deuil, mais la tribulation (thlipsis),
la pression d’un monde hostile et sans Dieu. Or, cette
souffrance-là est toujours le chemin vers la gloire. Le Seigneur
ressuscité l’a dit lui-même, déclarant que, selon l’Ancien
Testament, il fallait que Christ souffrît et qu’il entrât ainsi
dans sa gloire (Luc 24.26). Et ce qui est vrai de Christ l’est aussi
du chrétien, puisque le serviteur n’est pas plus grand que son
maître. Paul lui-même dira un peu plus loin au chapitre 8,
verset 17 : « Ayant part aux souffrances du Christ, nous aurons
part aussi à sa gloire. »
Remarquez bien la relation entre notre souffrance présente et
notre gloire future. L’une n’est pas seulement le chemin vers
l’autre. Bien moins encore endurons-nous la première avec le
sourire en attendant l’autre. Non. Le texte nous apprend que
c’est l’élément commun de la joie qui est le lien entre les deux,
nous nous réjouissons dans l’une aussi bien que dans l’autre. Si
nous nous réjouissons dans notre espérance de la gloire (v. 2),
nous nous réjouissons également dans nos souffrances (v. 3). Et
le sens de ce verbe est très fort (kauchometha). Il indique que
nous « exultons » en elles (voir LPNT). Les souffrances
présentes et la gloire future sont toutes deux des sujets de joie
pour le chrétien. Comment cela ? Comment pouvons-nous
vraiment nous réjouir dans nos souffrances ? Comment est-il
possible de trouver la joie dans ce qui est la cause de notre
douleur ? Les versets 3 à 5 expliquent ce paradoxe.
Ce n’est pas que nous trouvions notre joie dans les souffrances
elles-mêmes, mais bien plutôt dans leurs conséquences
bénéfiques. Nous ne sommes pas des masochistes qui aimons
souffrir, nous ne sommes pas même des stoïques qui serrons
les dents pour endurer la douleur. Nous sommes des chrétiens
qui voyons dans nos souffrances se réaliser un dessein divin de
grâce. Nous nous réjouissons de ce que « produit » la
souffrance. C’est le mot employé dans plusieurs versions : « La
détresse produit la persévérance, la persévérance produit la
fidélité éprouvée. » C’est à cause de ce qu’elle produit
(katergazetai) que nous nous réjouissons dans la souffrance.
Alors, quelles sont donc les réalisations de la tribulation ? Le
processus nous est décrit en trois étapes.
Première étape: la souffrance produit la persévérance. Cela veut
dire que la persévérance même qui nous est nécessaire dans la
souffrance est produite par celle-ci, de la même manière que les
anticorps sont produits dans le corps humain par suite de
l’infection. Nous ne pourrions pas apprendre la persévérance
sans souffrir, parce que sans souffrance il n’y aurait rien à
supporter. Ainsi donc la souffrance produit la persévérance.
Deuxième étape : la persévérance produit la fidélité éprouvée,
(« expérience » — version Darby). Le mot grec dokime décrit la
qualité de quelqu’un ou de quelque chose qui a été testé et qui a
résisté à l’épreuve. C’est la qualité qui manquait à l’armure
prêtée à David, et qu’il ne pouvait porter au combat car il ne
l’avait pas éprouvée auparavant (1 Samuel 17.39). Ne reconnaît-
on pas habituellement la maturité d’un chrétien au fait qu’il a
passé par la souffrance et qu’il en est sorti triomphant ? « La
souffrance produit la patience, et la patience produit la
résistance à l’épreuve » (BNA).
Troisième étape : la fidélité éprouvée produit l’espérance, c’est-à-
dire l’attente confiante en la gloire à venir. La maturité de
caractère, née de la patience apprise dans les souffrances
passées, apporte avec elle l’espérance de la gloire future.
Certainement l’apôtre veut dire ceci : notre développement, la
maturation de notre caractère de chrétien, prouve que Dieu est
à l’œuvre en nous. Le fait que Dieu soit ainsi à l’œuvre dans nos
vies nous donne la confiance qu’il ne va pas laisser le travail
inachevé. S’il travaille en nous maintenant pour transformer
notre caractère, certainement il nous conduira à la fin en toute
sécurité vers la gloire. Si nous nous réjouissons dans
l’espérance de la gloire de Dieu, nous nous réjouissons de
même dans nos souffrances, et voilà pourquoi nos souffrances
produisent l’espérance de cette gloire. Si l’espérance de la
gloire est produite par les souffrances, alors nous nous
réjouissons des souffrances aussi bien que de la gloire. Nous
nous réjouissons non seulement de la fin (la gloire), mais
encore des moyens (la souffrance). Nous nous réjouissons des
deux.

3 L’assurance fondée sur l’amour de


Dieu (v. 5)

Quelqu’un pourrait bien demander — et Paul devance la


question : « Comment pouvez-vous savoir que cette espérance
de la gloire a quelque fondement ? Comment pouvez-vous
savoir que ce n’est pas un simple souhait ? C’est bien beau de
dire que vous allez au ciel — vers la gloire — mais qu’en savez-
vous ? »
Tout d’abord Paul dit : « L’espérance ne trompe pas », c’est-à-
dire que l’espérance ne peut pas nous tromper. Nous ne serons
pas dupés. C’est une solide espérance. « Bon », reprendra
l’interlocuteur, « c’est ce que tu dis, Paul, mais comment le
sais-tu ? D’où te vient cette certitude que ton expérience
chrétienne ne te décevra jamais ? » La réponse de Paul est dans
la suite du verset, où il dit que nous savons que l’espérance ne
nous trompera jamais, « car l’amour de Dieu a été répandu dans
nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » Le solide
fondement sur lequel repose notre espérance de la gloire est
l’amour de Dieu.
C’est parce que Dieu a déversé son amour sur nous que nous
savons, au-delà de toute question, qu’il va nous amener à la
gloire. Nous croyons que nous persévérerons jusqu’à la fin, et
nous avons de bonnes raisons de le croire. C’est en partie grâce
au caractère que Dieu forme en nous par la souffrance que nous
pouvons être confiants : « souffrance » — « persévérance » —
« résistance à l’épreuve » — « espérance ». S’il nous sanctifie
maintenant, il est certain qu’il nous glorifiera ensuite. Mais
c’est principalement à cause de l’amour qui ne nous
abandonnera jamais.
Voilà donc le raisonnement : notre espérance à nous, chrétiens,
est de voir et de partager la gloire de Dieu. Nous croyons que
cette espérance est une espérance bien fondée et qu’elle n’est
pas une duperie : elle ne nous décevra jamais. Nous savons cela
parce que Dieu nous aime — il ne nous délaissera pas, il ne nous
abandonnera pas.
« Ah, mais comment savez-vous que Dieu vous aime ainsi ? »
dira quelqu’un. Là encore Paul répond. Nous savons que Dieu
nous aime ainsi parce que nous en avons une expérience
intérieure, parce que « l’amour de Dieu a été répandu dans nos
cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ». Le Saint-Esprit
a été donné à tous les croyants, et un de ses effets est de
répandre l’amour de Dieu — non pas notre amour pour Dieu,
mais l’amour de Dieu pour nous — comme un fleuve immense
dans nos cœurs pour nous rendre conscients intérieurement et
de façon vivante que Dieu nous aime. Plus loin, au chapitre 8,
verset 16, Paul exprime la même vérité en d’autres termes :
l’Esprit de Dieu « lui-même atteste à notre esprit que nous
sommes enfants de Dieu », et qu’il est notre Père céleste qui
nous aime. Le Saint-Esprit prend plaisir à répandre l’amour de
Dieu dans nos cœurs.
Il est intéressant de noter le changement de temps des verbes
au verset 5 : d’une part le Saint-Esprit nous fut donné
(dothentos, participe aoriste se rapportant à un événement du
passé), d’autre part l’amour de Dieu a été répandu dans nos
cœurs (ekkechutai, temps parfait, se rapportant à un
événement passé dont les conséquences continuent). Ainsi
nous apprenons que le Saint-Esprit nous a été donné quand
nous avons cru, lorsque nous nous sommes convertis. Au
même moment il inonda nos cœurs de l’amour de Dieu, et
depuis lors il ne cesse de les remplir. L’Esprit donné une fois
fait jaillir un fleuve intarissable d’amour divin dans nos cœurs.
Pour résumer ces cinq premiers versets, nous dirons que le
fruit de la justification est triple : d’abord la paix avec Dieu, car
l’inimitié est abolie ; ensuite la grâce, c’est-à-dire l’état dans
lequel nous sommes ; enfin l’espérance, à savoir l’attente
joyeuse et confiante de la gloire de Dieu à venir. Cette
espérance est produite par le caractère que Dieu forge en nous
par la persévérance dans la souffrance, et elle est confirmée par
l’assurance de son amour suscité en nous par le Saint-Esprit.
En d’autres termes, la justification qui en elle-même est un acte
précis dans le temps, une décision judiciaire de notre Dieu juste
qui nous a acquittés en Christ, conduit néanmoins à une
relation permanente avec lui, résumée en ces deux mots :
« grâce » pour maintenant et « gloire » à venir.
Nous en arrivons à présent aux versets 6 à 11, qui révèlent
encore d’autres aspects des fruits de la justification. Dans les
versets 1 à 5 Paul a montré que nos souffrances sont le lien entre
la paix et l’espérance, entre la justification et la glorification.
Dans les versets 6 à 11 le lien est constitué par les souffrances et
la mort de Christ.

4 Christ est mort pour les impies (v.


6-8)

Que dit Paul de la mort de Jésus ? Il nous rappelle que Christ est
mort pour ceux qui le méritaient le moins. C’est ce qu’il
souligne particulièrement dans ces versets. Il suffit de voir en
quels termes peu flatteurs nous sommes décrits. Nous sommes
tout d’abord dépeints comme étant « sans force » (v. 6),
incapables de nous sauver nous-mêmes. Nous sommes ensuite
appelés « impies » (v. 6), à cause de notre révolte contre
l’autorité de Dieu. Nous sommes encore appelés « pécheurs » (v.
8), parce que tout en ayant bien visé le but de la justice, nous
l’avons manqué. Et enfin, nous sommes appelés « ennemis » (v.
10), à cause de l’hostilité qui règne entre nous et Dieu. Quelle
description redoutable et accablante de l’homme dans le
péché ! Nous sommes des ratés, des rebelles, des ennemis, des
incapables à nous sauver nous-mêmes.
Et pourtant, le point fort de ces versets, c’est que Jésus est mort
pour de tels hommes. Nous-mêmes, nous aurions tant de peine
à accepter de « mourir pour un juste » (v. 7), quelqu’un d’une
droiture rigide et froide. « Peut-être accepterait-on de mourir
pour un homme de bien », quelqu’un dont la chaleur et la bonté
nous attirent. « Mais en ceci Dieu prouve son amour envers
nous (« son » est emphatique en grec : c’est-à-dire, il a démontré
son propre, son unique amour) : Christ est mort pour nous
alors que nous étions encore pécheurs » (v. 8). Non pas pour le
juste, pas même pour l’homme de bien, mais pour des
pécheurs, des êtres sans attrait, sans valeur, sans mérites.
Cela fournit la base de l’argumentation qui suit dans les versets
9 à 1 1. C’est un argument a fortiori ou « à plus forte raison », qui
s’appuie sur une première vérité pour en établir une deuxième,
plus importante. Voici comment Paul procède : il met en
contraste les deux principales étapes de notre salut — la
justification et la glorification — et il nous montre combien la
première est la garantie de la seconde.

5 Contraste entre justification et


glorification (v. 9-11)

Il est important d’analyser la comparaison faite par Paul.


Premièrement, il met en contraste leur contenu. « Puisque
maintenant nous sommes justifiés par son sang, à plus forte
raison serons-nous sauvés par lui de la colère » (v.9). Le
contraste est très fort dans ce verset. Il se situe entre notre
justification présente et notre futur salut hors de la colère
irrésistible de Dieu au jour du jugement. Si nous avons déjà été
sauvés de la condamnation de Dieu parce que nous sommes
justifiés, combien plus serons-nous alors sauvés de sa colère ce
jour-là !
Deuxièmement, il met en contraste leur accomplissement. Le
verset 10 dit : « Si en effet, quand nous étions ennemis de Dieu,
nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à
plus forte raison, réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie. »
Ici l’opposition qui est soulignée concerne les moyens adoptés
pour accomplir les deux étapes du salut, c’est-à-dire la mort et
la vie de résurrection de Christ. Cette vie va achever au ciel ce
que la mort de Christ a commencé sur terre. Je pense que le
meilleur commentaire de cette vérité se trouve au chapitre 8,
verset 34, où nous apprenons que Christ est non seulement
mort, mais ressuscité, et qu’il est assis à la droite de Dieu,
intercédant pour nous, et amenant à la perfection par sa vie ce
qu’il a accompli par sa mort.
Troisièmement, il met en contraste les bénéficiaires. Revenons au
verset 10: « Quand nous étions ennemis de Dieu, nous avons été
réconciliés… à plus forte raison, réconciliés, serons-nous
sauvés… » Si Dieu s’est réconcilié avec ses ennemis, il sauvera
sûrement ses amis.
Par conséquent, il y a dans les versets 9 et 10 un puissant
argument prouvant que nous hériterons un salut final et
parfait. Il y a de sérieuses raisons de croire qu’il ne permettra
jamais que nous tombions en cours de route, mais que nous
serons gardés jusqu’à la fin et glorifiés. Cette affirmation n’est
pas le fruit d’un optimisme sentimental, mais elle est fondée
sur une logique irrésistible : Si, quand nous étions ennemis,
Dieu nous a réconciliés en donnant son Fils pour qu’il mourût
pour nous, maintenant que nous sommes les amis de Dieu, ne
nous sauvera-t-il pas, à la fin, de sa colère par la vie de son Fils ?
Si Dieu a accompli pour ses ennemis ce qui lui en coûtait le
plus, la mort de son Fils, il accomplira sans nul doute ce qui lui
en coûte le moins, maintenant que ses ennemis d’autrefois
sont devenus ses amis. Méditez cette vérité jusqu’à ce que vous
voyiez la logique irréfutable de l’argument de Paul.
Mais il y a bien plus dans la vie chrétienne. Le christianisme ne
consiste pas seulement en un regard en arrière, vers la
justification, et en un regard en avant, vers la glorification. Le
croyant n’est pas constamment préoccupé par le passé et le
futur. Il doit aussi vivre une vie chrétienne dans le présent,
c’est pourquoi nous lisons au verset 11 : « Nous mettons notre
orgueil en Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ. » Nous nous
réjouissons en espérance. Nos nous réjouissons aussi dans les
souffrances. Mais, par-dessus tout, nous nous réjouissons en
Dieu lui-même, et nous le faisons par Jésus-Christ.
Comme nous l’avons déjà vu, c’est par Jésus-Christ que nous
avons la paix avec Dieu (v. 1), c’est par Jésus-Christ que nous
avons accès à la grâce dans laquelle nous sommes établis (v. 2),
c’est par la mort de Christ que nous avons été réconciliés (v. 9),
c’est par la vie de Christ que nous serons finalement sauvés
(v.10), et c’est par le même Seigneur Jésus-Christ que nous
avons reçu (elabomen, verbe aoriste) la réconciliation (v.11).
Ainsi, nous nous réjouissons en Dieu par notre Seigneur Jésus-
Christ, par le Seul qui nous ait acquis ces bénédictions
inestimables.
Revenant sur la première moitié du chapitre 5, nous voyons
que dans les deux paragraphes (v.1-5 et 6-11) la pensée de
l’apôtre va de la justification à la glorification, de ce que Dieu a
déjà fait pour nous à ce qu’il fera encore pour nous, quand les
temps seront consommés. Cela est particulièrement clair dans
les versets 1 et 2 : « Ainsi donc, justifiés par la foi, … nous
mettons notre orgueil dans l’espérance de la gloire de Dieu. » Et
plus loin au verset 9 : « Puisque maintenant nous sommes
justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés
par lui de la colère. »
De plus, dans chaque partie, versets 1-5 et 6-11, Paul parle de
l’amour de Dieu qui devient le fondement de notre assurance
du salut final. Il n’y a pas d’autre assurance. Au verset 5 il
déclare que l’amour de Dieu a inondé nos cœurs, et au verset 8
que « Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort
pour nous alors que nous étions encore pécheurs. » Si, nous
chrétiens, nous osons dire que nous allons au ciel quand nous
mourons, ce n’est pas parce que nous sommes justes en nous-
mêmes ou sans reproche, mais parce que nous croyons en
l’amour inébranlable de Dieu, l’amour qui ne nous
abandonnera jamais.
En outre, ces deux parties nous fournissent un motif de croire
que Dieu nous aime. Ce motif est double, à la fois objectif et
subjectif. La raison objective de croire que Dieu nous aime est
historique. Il s’agit de la mort de son Fils sur la croix : « Christ
est mort pour nous alors que nous vivions encore en conflit
avec lui. N’est-ce pas la meilleure preuve que Dieu nous
aime ? » (v. 8 LPNT). La raison subjective de croire que Dieu
nous aime n’est pas du domaine de l’histoire, mais relève de
l’expérience vécue. Il ne s’agit pas de la mort de Christ, mais du
don du Saint-Esprit en nous. Ainsi nous voyons au verset 8 que
Dieu prouve son amour à la croix et au verset 5 qu’il répand son
amour dans nos cœurs. Voilà comment Dieu nous aime. Nous
en avons une connaissance intellectuelle en considérant la
croix, où Dieu a donné ce qu’il avait de meilleur pour les plus
mauvais. Et nous en avons une connaissance intuitive lorsque
l’Esprit inonde nos cœurs du sentiment de son amour.
Dans chaque cas l’apôtre relie cette connaissance à notre
certitude du salut final. « L’espérance ne trompe pas » (v. 5).
Autrement dit, nous savons que notre attente du salut final
sera satisfaite, elle est solidement fondée. Nous ne serons pas
leurrés, nous ne serons pas déçus. Comment le savons-nous?
Parce que l’amour de Dieu a inondé nos cœurs par le Saint-
Esprit. Versets 8 à 10 : nous savons que nous serons sauvés de la
colère de Dieu. Comment ? Parce que Dieu prouve son amour
envers nous en ce qu’il a donné son Fils afin qu’il mourût pour
nous, alors que nous étions ennemis et pécheurs.
Parmi ceux qui lisent ces pages, quelqu’un serait-il dans le
doute quant à son salut éternel ? Etes-vous peut-être sûr
d’avoir été justifé, mais sans avoir de certitude que tout ira
bien finalement ? S’il en est ainsi, qu’il me soit permis
d’insister à nouveau sur le fait que notre glorification finale est
le fruit de la justification. « Ceux qu’il a justifiés, il les a aussi
glorifiés, » comme nous le verrons en étudiant Romains 8.30. Si
c’est là votre problème, je vous en supplie confiez-vous en Dieu
qui vous aime. Regardez à la croix et acceptez-la comme la
preuve donnée par Dieu qu’il vous aime. Demandez-lui de
continuer à inonder votre cœur de son amour par l’Esprit qui
est en vous. Alors, adieu doutes obscurs et sombres craintes !
Qu’ils soient engloutis par l’amour insondable de Dieu.

II Le médiateur de notre
justification (5.12-19)

« Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché est


entré dans le monde et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort
a atteint tous les hommes parce que tous ont péché … car,
jusqu’à la loi, le péché était dans le monde et, bien que le péché
ne puisse être sanctionné quand il n’y a pas de loi, pourtant,
d’Adam à Moïse la mort a régné, même sur ceux qui n’avaient
pas péché par une transgression identique à celle d’Adam,
figure de celui qui devait venir.
Mais il n’en va pas du don de grâce comme de la faute ; car, si
par la faute d’un seul la multitude a subi la mort, à plus forte
raison la grâce de Dieu, grâce accordée en un seul homme,
Jésus-Christ, s’est-elle répandue en abondance sur la
multitude. Et il n’en va pas non plus du don comme des suites
du péché d’un seul : en effet, à partir du péché d’un seul, le
jugement aboutit à la condamnation, tandis qu’à partir de
nombreuses fautes, le don de grâce aboutit à la justification.
Car si par un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a
régné, à plus forte raison, par le seul Jésus-Christ, régneront-
ils dans la vie ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du
don de la justice. Bref, comme par la faute d’un seul ce fut pour
tous les hommes la condamnation, ainsi par l’œuvre de justice
d’un seul, c’est pour tous les hommes la justification qui donne
la vie. De même en effet que, par la désobéissance d’un seul
homme, la multitude a été rendue pécheresse, de même aussi,
par l’obéissance d’un seul, la multitude sera-t-elle rendue
juste. »
Dans la première partie Paul a lié notre réconciliation et notre
salut final à la mort du Fils de Dieu. Son exposé appelle
immédiatement la question suivante : « Mais comment le
sacrifice d’une seule personne peut-il avoir apporté de telles
bénédictions à tant d’autres personnes ? » « Ce n’est pas qu’un
si grand nombre d’hommes soient redevables d’autant à un si
petit nombre », comme l’a dit Sir Winston Churchill à propos
de la Bataille d’Angleterre. C’est que beaucoup doivent tant à
une seule personne, Jésus-Christ crucifié. Comment cela se
peut-il ?
L’apôtre prévient cette question en établissant une analogie
entre Adam et Christ, le « deuxième Adam »*. Tous deux
démontrent le principe suivant : que beaucoup peuvent être
atteints, en bien ou en mal, par l’action d’une seule personne.

1 L’histoire de l’homme avant le


Christ (v.12-14)

Les trois premiers versets sont centrés sur Adam. « De même


que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par
le péché la mort, et qu’ainsi la mort a atteint tous les hommes
parce que tous ont péché… » (v. 12). Ce verset est très
important, parce qu’il résume en trois étapes l’histoire de
l’homme avant
* Aujourd’hui il est de bon ton de considérer l’histoire
d’Adam et Eve comme un « mythe » et non comme un fait
historique. Mais l’Ecriturc elle-même ne le permet pas.
Il peut bien y avoir quelques éléments symboliques dans
les trois premiers chapitres de la Genèse. Nous ne
voudrions pas dogmatiser, par exemple, sur la nature
précise des sept jours, du serpent, de l’arbre de vie ou de
l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Mais ceci ne
veut pas dire que nous doutions qu’Adam et Eve fussent
des personnes réelles qui furent créées bonnes et
tombèrent par la désobéissance dans le péché. Le
meilleur argument en faveur de l’historicité d’Adam et
Eve n’est pas scientifique (p. ex. le monogénisme de la
race humaine), mais théologique. Le chrétien selon la
Bible accepte l’historicité d’Adam et Eve non pas
essentiellement à cause du récit de l’Ancien Testament,
mais à cause de la théologie du Nouveau Testament. En 1
Corinthiens 15.21, 22, 45-49 l’apôtre dresse une
comparaison entre Adam et Christ, dont la validité
repose sur l’historicité des deux. Chacun est présenté
comme la tête d’une race — l’humanité déchue qui doit
sa ruine à Adam, et l’humanité rachetée qui doit son
salut à Christ. La mort et la condamnation sont liées à la
désobéissance d’Adam, la vie et la justification à
l’obéissance de Christ. Toute l’argumentation est
construite sur deux actes historiques : la désobéissance
obstinée d’Adam et l’obéissance faite de renoncement de
Christ.
la venue de Christ. Il nous dit premièrement que le péché est
entré dans le monde par un homme; deuxièmement, que la
mort est entrée dans le monde par le péché, parce que la mort
est la sentence prononcée sur le péché ; et troisièmement, que
la mort a atteint tous les hommes parce que tous ont péché
(ceci sera expliqué plus loin). Voici les trois étapes : péché,
mort, mort universelle. Cela veut dire que la situation actuelle
de mort universelle est due à la transgression originelle d’un
seul homme.
Aux versets 13 et 14 cette progression (un seul homme qui pèche
— tous les hommes qui meurent) est expliquée plus en détail.
Aujourd’hui la mort vient sur tous les hommes, non seulement
parce que tous ont péché comme Adam, mais parce que tous
ont péché en Adam. Et ceci est clair, soutient Paul, à cause des
faits qui ont eu lieu durant la période s’étandant d’Adam à
Moïse, entre la chute et le don de la loi. Pendant cette période
les hommes ont certainement péché, mais leurs péchés ne leur
ont pas été « portés en compte », car « le péché n’est pas imputé
quand il n’y a point de loi », (v. 13, Segond). Pourtant, bien que
la loi ne fût pas encore promulguée, ces hommes sont morts.
En effet « d’Adam à Moïse la mort a régné, même sur ceux qui
n’avaient pas péché par une transgression identique à celle
d’Adam » (v. 14). Ainsi, Paul démontre que s’ils sont morts ce
n’est pas parce qu’ils ont péché délibérément comme Adam,
mais parce que, à l’exception de Christ, ils étaient compris avec
toute l’humanité en Adam, la tête de la race humaine. Nous
aussi, nous en faisons partie. Pour utiliser une terminologie
biblique (cf. Hébreux 7.10) nous étions « dans les reins »
d’Adam, et par conséquent impliqués en quelque sorte dans
son péché. Nous ne pouvons pas lui jeter la pierre, nous
prévalant d’une fausse innocence, car en fait nous partageons
sa culpabilité. Et c’est parce que nous avons péché en Adam que
nous mourons aujourd’hui.

2 L’analogie entre Adam et Christ


(v.15 -19)

Jusqu’ici Paul s’est arrêté à Adam. Cependant, à la fin du verset


14, il appelle Adam « la figure de celui qui devait venir ». On
peut dire qu’Adam était le prototype de Jésus-Christ. Et au
verset 15 il commence à développer l’analogie entre Adam et
Christ. Cette comparaison passionnante et fascinante porte sur
des ressemblances et des différences. En fait, il n’y a qu’une
seule ressemblance. Elle réside dans le schéma des
événements : beaucoup d’hommes ont été touchés par l’acte
d’un seul. Par contre, il y a trois différences entre l’acte
d’Adam et celui de Christ : dans leur motif, dans leur effet et
dans leur nature. Le motif de l’acte d’Adam, la raison pour
laquelle il a péché, est différent du motif sous-jacent à la mort
de Christ. L’effet de l’acte d’Adam, le résultat de son péché, est
différent de l’effet de la mort de Christ. La nature de l’acte
d’Adam, ce qu’il a fait, est différente de la nature de ce que
Christ a fait. Examinons chacune des trois différences.
a) Le motif. Au début du verset 15 nous lisons qu’« il n’en va pas
du don de grâce comme de la faute ». La faute ou l’offense était
un acte de péché (le mot grec paraptoma signifie chute ou
déviation du chemin).
Adam connaissait suffisamment le chemin. Dieu lui avait
indiqué la route à suivre, mais il en a dévié et il s’est égaré. Le
don gratuit, par contre, (en grec charisma) souligne qu’il s’agit
d’un acte de grâce. Nous pouvons donc dire que l’acte d’Adam
était une affirmation de sa volonté propre — voilà pourquoi il
l’a fait ; il voulait suivre sa propre voie. Mais celui de Christ
était un acte de renoncement, de grâce imméritée et gratuite.
Voici donc en quoi les motifs des deux actes s’opposent :
affirmation de soi dans l’un et renoncement à soi dans l’autre.
b) L’effet. Nous le voyons dans les versets 15 b -17. La première
référence au contraste entre les résultats de l’œuvre d’Adam et
de celle de Christ apparaît dès la fin du verset 15, où il est dit
que le péché d’un homme a attiré sur beaucoup la sentence
inexorable de la mort. Au contraire la grâce de Dieu et de
l’Homme Jésus-Christ abonde envers un grand nombre
d’hommes en leur accordant un don gratuit, la vie éternelle
(6.23). Ainsi la mort est mise en contraste avec la vie, et les deux
versets suivants (16 et 17) exposent les effets opposés des actes
d’Adam et de Christ. « À partir du péché d’un seul, le jugement
aboutit à la condamnation, tandis qu’à partir de nombreuses
fautes, le don de grâce aboutit à la justification. Car, si par un
seul homme, par la faute d’un seul, la mort a régné, à plus forte
raison, par le seul Jésus-Christ, régneront-ils dans la vie, ceux
qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice. »
Maintenant, sans nous perdre dans les détails, dégageons le
contraste entre les effets de l’acte d’Adam et celui de Christ. Le
péché d’Adam a amené la condamnation (katakrima), l’œuvre
de Christ apporte la justification (dikaioma). Le règne de la
mort est dû au péché d’Adam ; le règne de la vie est rendu
possible par l’œuvre de Christ. Le contraste ne pouvait être
plus complet. En fait il est absolu : entre condamnation et
justification, entre mort et vie.
Cependant, il vaut la peine de noter en passant la façon exacte
dont l’apôtre oppose vie et mort. Le règne de la vie ne prend
pas simplement la place de celui de la mort, car ce n’est pas la
vie qui règne, mais c’est nous qui sommes appelés à régner
dans la vie (v. 17). Auparavant la mort dominait sur nous et
nous étions ses sujets, des esclaves sous sa tyrannie totalitaire.
Maintenant nous n’échangeons pas la domination de la mort
contre une autre, pour rester encore, mais d’une autre
manière, sujets et esclaves. Non ! Une fois délivrés de l’empire
de la mort nous commençons nous-mêmes à régner sur la mort
et sur tous les ennemis de Dieu. Nous cessons d’être sujets pour
devenir rois, partageant la royauté de Christ.
c) La nature. Nous avons vu que les actes d’Adam et de Christ
étaient différents dans leur motif (ce qui les a inspirés) et dans
leur effet (ce qui en est résulté). Maintenant l’apôtre oppose les
deux actes en eux-mêmes. Ici (v. 18-19) le parallèle est
semblable à celui qui vient d’être établi, mais à présent l’accent
est mis précisément sur ce qu’Adam a fait et sur ce que Christ a
fait. Selon le verset 18, ce qui a conduit à la condamnation de
tous, c’est l’offense d’un seul homme, tandis que ce qui a
conduit à la justification et à la vie de tous ceux qui sont en
Christ, c’est la justice d’un seul homme. La « faute » d’Adam
était une transgression de la loi. « L’oeuvre juste » de Christ est
un accomplissement de la loi. Le verset 19 développe cette
pensée.
« De même en effet que, par la désobéissance (parakoe) d’un
seul homme, la multitude a été rendue pécheresse, de même
aussi, par l’obéissance (hupakoe) d’un seul, la multitude sera-t-
elle rendue juste. » On voit ici, très clairement, la différence de
nature des deux actes : Adam a désobéi à la volonté de Dieu et
ainsi est déchu de la justice, Christ a obéi à la volonté de Dieu et
ainsi a accompli toute la justice. (Cf. Philippiens 2.8).
Nous pourrions résumer brièvement le parallèle tracé entre
Adam et Christ :
Pour ce qui est du motif de leurs actes, Adam s’est affirmé lui-
même, Christ s’est sacrifié lui-même.
Pour ce qui est de l’effet de leurs actes, l’acte de péché d’Adam a
entraîné la condamnation et la mort, l’acte de justice de Christ
a amené la justification et la vie.
Pour ce qui est de la nature de leurs actes, Adam a désobéi à la
loi, Christ y a obéi.
Ainsi donc, pour savoir si nous sommes condamnés ou
justifiés, spirituellement morts ou vivants, il faut savoir à
quelle humanité nous appartenons — l’ancienne, inaugurée
par Adam, ou la nouvelle, inaugurée par Christ. Et cela dépend
de notre relation avec Adam ou avec Christ. Il est indispensable
de bien comprendre ceci : tous les hommes sont en Adam,
puisque nous sommes en Adam de naissance, mais tous les
hommes ne sont pas en Christ, puisque nous ne pouvons être
en Christ que par la foi. Par naissance en Adam nous sommes
condamnés et nous mourons. Mais si nous sommes en Christ,
par la foi nous sommes justifiés et nous vivons.
En conclusion, cela nous ramène aux privilèges des justifiés,
dont il est question au début du chapitre, parce que ces
privilèges ne sont nôtres qu’en Jésus-Christ et par lui seul. Le
verset, 1 déclare : « Nous sommes en paix avec Dieu par notre
Seigneur Jésus-Christ », et le verset 2 : « par lui nous avons
accès, par la foi, à cette grâce en laquelle nous sommes établis. »
Paix, grâce, gloire, les trois privilèges du justifié, ne sont pas
données à ceux qui sont en Adam, mais seulement à ceux qui
sont en Christ.
2 L’union avec Christ

L’étude de Romains 6, est son union avec Christ, état qui


conduit à la sainteté.
Le grand thème de Romains 6, et en particulier des versets 1 à
11, est que la mort et la résurrection de Jésus-Christ ne sont pas
seulement des faits historiques et des doctrines importantes,
mais des expériences personnelles du croyant. Ces
événements, nous avons nous-mêmes été amenés à les
partager : tous les chrétiens ont été Unis avec Christ dans sa
mort et dans sa résurrection. De plus, s’il est vrai que nous
sommes morts avec Christ et ressuscités avec lui, il est
inconcevable que nous puissions encore vivre dans le péché.
Romains 6 se divise en deux parties parallèles : v. 1-14 et 15-23.
Chacune d’elles développe le même thème général : le péché est
inadmissible chez un chrétien. Mais l’argumentation utilisée
est légèrement différente dans chacune des parties. Les v. 1-14
traitent de notre union avec Christ, les v. 15-23 de notre
esclavage envers Dieu. Telle est notre position de chrétien.
Nous sommes un avec Christ et nous sommes esclaves de Dieu.
L’argumentation en faveur de la sainteté est fondée sur ce
double fait.

I Un avec Christ (6.1-14)


« Qu’est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le péché afin que
la grâce abonde ? Certes non ! Puisque nous sommes morts au
péché, comment vivre encore dans le péché? Ou bien ignorez-
vous que nous tous, baptisés en Jésus-Christ, c’est dans sa mort
que nous avons été baptisés ? Par le baptême, en sa mort, nous
avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est
ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous
aussi une vie nouvelle. Car si nous avons été totalement unis,
assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa résurrection.
Comprenons bien ceci : notre vieil homme a été crucifié avec
lui pour que soit détruit ce corps de péché et qu’ainsi nous ne
soyons plus esclaves du péché. Car celui qui est mort est libéré
du péché. Mais si nous sommes morts avec Christ, nous
croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en
effet : ressuscité des morts, Christ ne meurt plus ; la mort sur
lui n’a plus d’empire. Car en.mourant, c’est au péché qu’il est
mort une fois pour toutes ; vivant, c’est pour Dieu qu’il vit. De
même vous aussi : considérez que vous êtes morts au péché et
vivants pour Dieu en Jésus-Christ.
« Que le péché ne règne donc plus dans votre corps mortel pour
vous faire obéir à ses convoitises. Ne mettez plus vos membres
au service du péché comme armes de l’injustice, mais, comme
des vivants revenus d’entre les morts, avec vos membres
comme armes de la justice, mettez-vous au service de Dieu. Car
le péché n’aura plus d’empire sur vous, puisque vous n’êtes
plus sous la loi mais sous la grâce. »

1 Les objections des critiques

Le chapitre s’ouvre sur deux questions : « Qu’est-ce à dire ?


Nous faut-il demeurer dans le péché afin que la grâce
abonde ? »
Pour bien comprendre ce que cachent ces questions, il nous
faut revenir brièvement sur la fin du chapitre précédent, en
particulier sur les versets 20 et 21. Paul vient d’opposer l’œuvre
d’Adam à celle de Christ. Le parallèle qu’il trace entre eux est si
clair et si net qu’il ne reste apparemment pas de place dans son
schéma pour l’un des événements les plus importants
intervenus entre l’époque d’Adam et celle de Christ, c’est-à-
dire le don de la loi par l’intermédiaire de Moïse. Ainsi, ayant
décrit l’entrée du péché au verset 12, il décrit l’entrée de la loi au
verset 20 en se servant de verbes semblables.
Pourquoi la loi a-t-elle été donnée ? « La loi est intervenue pour
que prolifère la faute » (v.20). Cela signifie que le but de la loi
était de mettre en évidence le péché et même de le provoquer
(voir l’étude de 7.7-12). Dans son commentaire, H.P. Liddon
dit : « Il fallait que les choses aillent encore plus mal dans
l’humanité avant qu’elles ne puissent aller mieux. »
« Mais, » poursuit l’apôtre, « là où la faute a proliféré, la grâce a
surabondé. » Le but que Dieu recherchait était l’établissement
de son règne de grâce. Pour expliquer le verset 21 on peut le
paraphraser ainsi : De même que le péché exerçait son pouvoir
aux jours de l’Ancienne Alliance, régnant par la loi de Moïse en
entraînant la mort, de même la volonté de Dieu est que la grâce
exerce son pouvoir aux jours de la Nouvelle Alliance, régant
par la justice de Christ et conduisant à la vie éternelle.
C’est dans ce contexte-là que Paul pose maintenant ses
questions : « Qu’est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le
péché afin que la grâce abonde ? » Le fait que, dans le passé,
l’accroissement du péché ait amené l’accroissement de la grâce
(5.20, 21) entraîne la question de savoir s’il en est toujours ainsi.
Ne pourrais-je donc pas raisonner comme ceci : j’ai été justifié
gratuitement par la grâce de Dieu, si je pèche de nouveau, je
serai de nouveau pardonné, par grâce. Et plus je pèche, plus la
grâce aura d’occasions de se manifester et de se révéler en me
pardonnant. Vais-je donc continuer à pratiquer le péché pour
que la grâce abonde ?
Ce faisant, l’apôtre exprime une des objections soulevées par
ses contemporains contre l’évangile d’une justification par la
grâce seule, par le seul moyen de la foi. Ils soutenaient que la
doctrine de la grâce inconditionnelle conduit à
« l’antinomianisme » (opposition à la loi), c’est-à-dire qu’elle
affaiblit notre sens de responsabilité morale et nous encourage
en fait à pécher. Au temps de Paul, c’est sur ce terrain que les
critiques s’opposaient à l’évangile, et, aujourd’hui encore, on
entend souvent ce même argument simpliste.
Si notre réconciliation avec Dieu dépend de sa seule et libre
grâce, sans tenir compte d’aucune de nos œuvres, ne pouvons-
nous pas alors vivre comme bon nous semble ? Si Dieu « justifie
l’impie » (Romains 4.5) — ce qu’il fait en vérité et prend même
plaisir à faire — peu importe d’être un saint, bien au contraire.
Cela reviendrait à dire que la doctrine de la justification par
grâce autorise le péché. Il est évident que certains raisonnaient
ainsi. Jude les appelle des « impies qui travestissent en
débauche la grâce de notre Dieu et qui renient notre seul
Maître et Seigneur Jésus-Christ.” (Jude v. 4).
La réponse de Paul montre son indignation outrée : « Nous
faut-il demeurer dans le péché afin que la grâce abonde ? Certes
non ! » Remarquez que Paul ne renonce pas à la doctrine à
laquelle ses critiques trouvent à redire, mais rejette la
déduction injustifiée qu’ils en tirent. Il ne retire ni ne
contredit, ni même ne modifie son évangile du salut gratuit. Le
salut est un don gratuit et immérité ! En vérité, le fait que
quelqu’un puisse s’y opposer et le fasse en ces termes et que
Paul ne recule pas, prouve d’une manière concluante que c’est
bien là l’évangile.
Comment donc Paul répond-il ?Après une réfutation
vigoureuse, il contre-attaque par une autre question : « Puisque
nous sommes morts au péché, comment vivre encore dans le
péché ? » (v. 2). En d’autres termes, nos objections critiques à la
justification par la foi révèlent une incompréhension
fondamentale de ce qu’elle est et de ce que signifie être
chrétien. La vie chrétienne commence par une mort au péché
(le verbe n’est pas au présent mais à l’aoriste, le temps au fait
accompli dans le passé). En regard de cela, il est ridicule de
demander si nous avons la liberté de continuer à pécher.
Comment donc pouvons-nous continuer à vivre dans ce à quoi
nous sommes morts ?
Il est intéressant de remarquer que dans le texte grec le verbe
« vivre » est au futur simple. Traduit littéralement cela
donnerait : « Nous sommes morts au péché (passé), comment
vivrons-nous dans le péché (futur) ? » Ce n’est pas
l’impossibilité absolue de pécher que souligne l’apôtre, mais
son incongruité morale. LPNT rend assez bien le sens de la
phrase : « Nous sommes morts au péché, nous n’existons plus
pour lui ; comment alors vouloir vivre encore sous son
empire ? »
Cependant, il reste cette grande question : comment sommes-
nous « morts au péché » ? Il est clair que nous ne continuerons
pas à vivre dans ce à quoi nous sommes morts. Mais que
signifie être mort au péché ? Quand et comment cela est-il
arrivé ? Dans la suite du texte, l’apôtre Paul l’explique, et nous
allons le suivre tandis qu’il développe pas à pas sa puissante
argumentation.
2 Le contre-argument de Paul

Première étape : le baptême chrétien est un baptême en Christ.


C’est ce qu’il dit au verset 3 : « Ignorez vous que nous tous,
baptisés en Jésus-Christ, … ? » Le simple fait que quelqu’un ait
l’idée de demander si les chrétiens sont libres de pécher, trahit
un manque total de compréhension de ce qu’est un chrétien et
de ce qu’est le baptême chrétien. Un chrétien n’est pas
simplement un croyant justifié. C’est quelqu’un qui est entré
dans une relation vivante et personnelle avec Jésus-Christ. En
réalité, la justification elle-même, comprise dans son véritable
sens, n’est pas simplement une déclaration légale modifiant
notre statut sans influencer notre manière de vivre. Nous
sommes justifiés « en Christ » (Galates 2.16). Il ne peut y avoir de
justification par Christ sans union avec lui, la première dépend
de la seconde.
Or, le baptême est le signe de cette union avec Christ. Bien sûr,
il a encore d’autres significations, notamment la purification
du péché et le don du Saint-Esprit. Mais il signifie
essentiellement l’union avec Christ. À plusieurs reprises la
préposition grecque utilisée dans le Nouveau Testament avec
le verbe « baptiser » n’est pas « en », c’est-à-dire dans ou en, avec
le sens d’une position statique, mais « eis », c’est-à-dire vers,
dans, avec l’idée de mouvement, d’introduction. Dans son
ultime ordre de mission (Galates 3.27 on lit « vous tous qui avez
été baptisés en Christ ».
Dans le Nouveau Testament, l’institution ou le sacrement du
baptême se présente sous une forme dramatique. Non
seulement il montre que Dieu enlève notre péché et qu’il nous
donne le Saint-Esprit, mais que par pure grâce il nous introduit
en Jésus-Christ. C’est l’essence de la vie chrétienne que le
baptême montre de façon visible. Bien entendu, le rite
extérieur du baptême n’assure pas par lui-même notre union
avec Christ. D’aucune façon ! Il est inconcevable qu’après avoir
consacré trois chapitres à prouver que la justification s’obtient
par la foi seule, l’apôtre puisse maintenant changer de batterie,
se contredire lui-même et faire du baptême le moyen du salut.
Nous devons accorder à Paul le crédit d’un peu de suite dans les
idées, voyons ! Quand il écrit que nous sommes « baptisés en
Jésus-Christ », il veut dire que cette union avec Christ, réalisée
de façon invisible par la foi, est scellée et démontrée de façon
visible par le baptême. Cependant, le premier point qu’il tient
pour établi est qu’être un chrétien implique une identification
personnelle et vivante avec Jésus-Christ, et que cette union
avec lui est manifestée de manière spectaculaire par notre
baptême.
Deuxième étape : Le baptême en Christ est un baptême en sa
mort et sa résurrection. « Ignorez-vous, » dit Paul (v. 3 -5), « que
nous tous, baptisés en Jésus Christ, c’est dans sa mort que nous
avons été baptisés ? » Par le baptême, en sa mort, nous avons
donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est
ressuscité des morts par la gloire du Père, (ou, comme le rend
LPNT, « par la puissance glorieuse du Père ») nous menions
nous aussi une vie nouvelle. Car si nous avons été totalement
unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa
résurrection. »
Condensé en quelques mots, cela veut dire que le baptême en
Christ est un baptême en sa mort et en sa résurrection. Le futur
du verbe « être » au verset 5 ne concerne pas notre résurrection
corporelle dans l’avenir, mais notre identification spirituelle à
la résurrection de Christ dès maintenant.
Ces versets font probablement allusion aux différentes
illustrations renfermées dans le symbole du baptême. Quand le
baptême avait lieu en plein air dans une rivière, le candidat
devait descendre dans l’eau, et tandis qu’il y descendait,
partiellement ou totalement immergé, c’était comme s’il était
enterré pour ensuite ressusciter. Son baptême mettait en scène
sa mort, son enterrement et sa résurrection à une vie nouvelle.
« En d’autres termes, » écrit C.J. Vaughan dans son
commentaire, « notre baptême est une sorte
d’ensevelissement. » Un ensevelissement, certes, mais aussi
une résurrection du tombeau.
Voilà donc la deuxième étape dans l’argumentation de l’apôtre.
Un chrétien a été uni à Christ dans sa mort et sa résurrection,
intérieurement par la foi et extérieurement par le baptême.
Nous ne devons pas nous considérer comme unis à Christ dans
un sens quelque peu vague et général. Il faut être plus précis
que cela. Le seul Jésus-Christ à qui nous avons été identifiés et
unis est le Christ mort et ressuscité. Nous avons donc, qu’on le
veuille ou non, partagé véritablement, par notre union avec
Christ, sa mort et sa résurrection.
Troisième étape : La mort de Christ était une mort au péché et sa
résurrection était une résurrection pour Dieu. Cette partie, allant
des versets 6 à 11 est plus difficile à comprendre. Paul écrit :
« Comprenons bien ceci : notre vieil homme a été crucifié avec
lui pour que soit détruit ce corps de péché et qu’ainsi nous ne
soyons plus esclaves du péché. Car celui qui est mort est libéré
(littéralement « a été justifié », dedikaiotai) du péché. Mais si
nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous
vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité des
morts, Christ ne meurt plus ; la mort sur lui n’a plus d’empire.
Car en mourant, c’est au péché qu’il est mort une fois pour
toutes ; vivant, c’est pour Dieu qu’il vit. De même vous aussi :
considérez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu
en Jésus-Christ. »
Ceci exige toute notre attention. Le verset 10 nous explique
comment nous devons considérer la mort et la résurrection de
Christ auxquelles nous avons été unis : « En mourant, c’est au
péché qu’il est mort une fois pour toutes ; vivant, c’est pour
Dieu qu’il vit. » Or, quelle est cette mort au péché, la mort dont
Christ est mort (v. 10), et, partant, celle dont nous sommes
morts en lui (v. 2 : « Nous sommes morts au péché », et v. 11 :
« Considérez que vous êtes morts au péché ») ?
a) Un malentendu sur la mort au péché. Sur ce point il est
nécessaire de commencer par être négatif, par démolir avant
de pouvoir construire, et ceci à cause d’un malentendu assez
fréquent. Il y a une interprétation répandue de la mort au
péché écrite en Romains 6, qui ne résiste pas à une étude
attentive, mais qui conduit à nous leurrer nous-mêmes,
provoque la désillusion et même le désespoir. Cette
interprétation, la voici : quand on meurt physiquement, les
cinq sens cessent de fonctionner. On ne peut plus toucher,
goûter, voir, sentir ni entendre. On perd toute sensibilité, on
ne répond plus aux stimulations d’où qu’elles viennent. Ainsi,
par analogie, suivant cette interprétation largement répandue,
mourir au péché c’est donc y devenir insensible. C’est être
inerte au péché autant qu’un cadavre l’est aux stimulations
physiques.
Cette façon de voir se prête d’ailleurs à une illustration. Je l’ai
entendu exprimer de la manière suivante : l’une des
caractéristiques de la vie est la faculté de réagir à un stimulus.
Vous marchez le long d’une rue et vous apercevez un chien ou
un chat étendu dans le caniveau. Pouvez-vous dire s’il est mort
ou vivant ? Touchez-le du pied et vous saurez. S’il est vivant, il
aura une réaction immédiate. Il bondira sur ses pattes et
s’enfuira. Au contraire, s’il est mort, il n’aura aucune réaction.
La bête restera là sans bouger.
Ainsi, d’après cette conception courante, le fait d’être “morts
au péché” signifie que nous sommes devenus insensibles à son
égard. Nous sommes comme des cadavres, et quand vient le
stimulus tentateur nous ne le sentons pas et nous ne réagissons
pas. Nous sommes morts. Et l’explication à cela est tirée, nous
dit-on, du v. 6, d’après lequel, d’une manière mystique, notre
vieille nature a été véritablement crucifiée. Non seulement
Christ a porté notre faute, mais notre « chair », notre nature
déchue. Celle-ci a été clouée à la croix et tuée, et notre devoir
est de la considérer comme morte (v. 11), quelque soit la preuve
que nous ayons du contraire.
Permettez-moi de vous citer entre autres trois textes qui
expriment cette façon de voir. « Un mort est quitte envers le
péché, il est dégagé de sa responsabilité ; le mal a beau
l’appeler : il ne répond plus » (v. 7 LPNT)*. C.J. Vaughan écrit :
« Un homme mort ne peut pécher. Et vous êtes morts … Par
rapport à tout péché soyez aussi impassibles, aussi insensibles,
aussi inébranlables que l’est Celui qui est déjà mort. » H.P.
Liddon commente : Cette mort accomplie (apothanein) a
vraisemblablement rendu le chrétien aussi insensible au péché
qu’un homme mort l’est à l’égard du monde des sens. »
* Cette citation correspond en partie à la version de J.B.
Philippe évoquée par J. Stott (N.D.T.).
En dépit de tous ces arguments, il y a des objections sérieuses et
même décisives à cette façon de voir. Si nous examinons
soigneusement la question, nous découvrons que ce n’est pas
en ce sens que Christ est mort au péché, pas plus que ce n’est en
ce sens que nous sommes morts au péché.
Il est très important de remarquer que la locution « morts au
péché » revient trois fois dans ce paragraphe. Deux fois elle est
attribuée aux chrétiens (v. 2 et 11), et une fois à Christ (v. 10).
Or, c’est un principe fondamental de l’interprétation biblique
qu’une même phrase revenant dans un même contexte a la
même signification. Nous devons donc trouver une explication
de cette mort au péché qui soit vraie à la fois pour Christ et
pour les chrétiens. Il nous est dit qu’il est « mort au péché » et
que « nous sommes morts au péché ». Je dis bien, quelle que
soit la signification de cette mort au péché, elle doit être vraie à
la fois du Seigneur Jésus et de nous.
Considérons d’abord Christ et sa mort. Que veut dire
l’expression du verset 10 : « En mourant, c’est au péché qu’il est
mort une fois pour toutes ? » Cela ne peut signifier qu’il est
devenu insensible au péché, car cela impliquerait qu’il y ait été
sensible auparavant. Notre Seigneur Jésus-Christ a-t-il été à un
moment quelconque tellement vivant au péché qu’il ait donc
eu besoin d’y mourir ? Et même, était-il si continuellement
vivant au péché qu’il ait dû y mourir une bonne fois pour
toutes. Non, bien sûr, cette pensée serait intolérable.
Maintenant, qu’en est-il de nous-mêmes et de notre mort au
péché ? Sommes-nous morts au péché dans le sens que notre
vieille nature y est devenue insensible ? Non, encore une fois.
Un deuxième principe essentiel de l’interprétation biblique est
qu’on doit expliquer le texte par son contexte, la partie en
relation avec le tout, et le particulier à la lumière du général. Je
pose donc la question : Quel est l’enseignement général du
reste de l’Écriture au sujet de la vieille nature ? Voici ce qu’elle
affirme : la vieille nature reste vivante et agissante dans les
croyants régénérés. Or, le contexte de notre passage enseigne
bien la même vérité. Aux versets 12 et 13 l’apôtre dit : « Que le
péché ne règne donc plus dans votre corps mortel pour vous
faire obéir à ses convoitises. Ne mettez plus vos membres au
service du péché… » — commandements tout à fait injustifiés
si nous étions morts au péché de telle sorte que nous y serions
insensibles. Et la suite de la lettre aux Romains le confirme. Au
début du chapitre 8 Paul nous presse de ne pas nous préoccuper
des aspirations de la chair et de ne pas marcher selon la chair.
Au verset 14 du chapitre 13 il dit que nous ne devons pas nous
laisser entraîner par la chair pour satisfaire ses désirs. Ce
seraient des injonctions absurdes si la chair était morte et
n’avait plus de désirs. C’est à ces versets que nous devons
renvoyer ceux qui, tout en reconnaissant qu’ils ne sont pas
“morts” ou étrangers aux séductions du inonde, maintiennent
cependant qu’ils ont un « être intérieur sanctifié » débarrassé
de l’inclination au péché. Mais si l’apôtre nous exhorte à
résister, à ne pas nous livrer aux convoitises de la nature
humaine, cela montre bien que nos tentations viennent encore
du dedans et pas seulement du dehors, c’est-à-dire de la chair et
pas seulement du monde et du diable. De plus, l’expérience
chrétienne prouve que cette interprétation n’est pas correcte.
Il faut noter que l’apôtre ne parle pas de certains chrétiens
exceptionnellement saints, qui seraient passés par quelque
expérience particulière. Il vise tous les chrétiens qui ont cru et
ont été baptisés en Christ : « Puisque nous sommes morts au
péché, comment vivre encore dans le péché ? Ou bien ignorez-
vous que nous tous, baptisés en Jésus Christ, c’est dans sa mort
que nous avons été baptisés ? » (v. 2-3).
Ainsi cette mort au péché, de quelque manière qu’on la
comprenne, est commune à tous les chrétiens. Mais tous les
croyants qui ont été baptisés sont-ils morts au péché au sens
d’y être intérieurement indifférents ? Constatent-ils qu’ils sont
devenus insensibles au péché, que celui-ci se tient tranquille
au-dedans d’eux, et qu’ils peuvent compter là-dessus. Non ! Au
contraire, les biographies de l’Écriture et de l’histoire, ainsi
que notre propre expérience, s’accordent pour contredire ces
idées. Bien loin d’être morte, au sens d’être inerte, notre
nature déchue et corrompue est bel et bien vivante. Elle l’est
même tellement que nous sommes exhortés à ne pas obéir à ses
convoitises. Il est aussi rappelé que le Saint-Esprit nous a été
donné dans le but précis de la soumettre et de la contrôler. À
quoi bon tout cela si elle était déjà morte ?
J’aimerais ajouter ceci : cette façon de voir, très répandue,
comporte de réels dangers, comme j’ai pu le constater par ma
propre expérience, parce qu’on me l’avait enseignée et que je
l’ai tenue pour vraie. En effet, lorsque quelqu’un a essayé de se
tenir pour mort dans ce sens (tout en sachant bien qu’il n’est
pas mort), il est déchiré entre son interprétation de l’Écriture
et son expérience pratique. Ceci a pour conséquence que
certains commencent à douter de la vérité de la Parole de Dieu,
tandis que d’autres, pour maintenir leur interprétation, vont
jusqu’à être malhonnêtes au sujet de leur expérience.
Puis-je résumer les objections à cette conception courante ?
Christ n’est pas mort au péché, dans le sens d’y devenir
insensible, parce qu’il n’y a jamais été vivant au point de devoir
y mourir. Nous non plus, nous ne sommes pas morts au péché
en ce sens, parce que nous y sommes toujours vivants. En
vérité, il nous est dit de le « faire mourir », et comment
pourrait-on faire mourir ce qui est déjà mort ? En disant cela je
n’ai pas l’intention d’attaquer les points de vue chers à d’autres
chrétiens ou de choquer qui que ce soit, mais de faire prendre
conscience d’une nouvelle dimension de la vie chrétienne et
d’aplanir le chemin vers une nouvelle liberté. C’est ce que nous
allons voir à présent.
b) La véritable pensée de Paul sur la mort au péché. Quelle est
donc la signification de cette « mort au péché » que Christ a
subie et que nous avons subie en lui ? Comment pouvons-nous
interpréter cette expression de telle sorte qu’elle soit vraie de
Christ et des chrétiens — de tous les chrétiens ? La réponse
n’est pas à chercher bien loin.
Ce malentendu illustre le grand danger qu’il y a de fonder son
argumentation sur une analogie. Dans toute analogie (où
quelqu’un est assimilé à quelque chose) il faut rechercher
soigneusement sur quel point porte le parallèle ou la
ressemblance. Nous n’avons pas à rechercher à tout prix une
ressemblance sur tous les points. Par exemple : Jésus dit que
nous devons devenir comme des petits enfants. Il ne veut pas
dire par là que nous devons présenter tous les traits de
caractère d’un enfant (y compris l’ignorance, le caprice,
l’obstination et le péché), mais seulement l’un d’eux, soit
l’humble dépendance. De la même façon, ce n’est pas parce
qu’il est dit que nous sommes « morts » au péché que toutes les
caractéristiques de l’homme mort sont forcément vraies du
chrétien, y compris l’insensibilité aux stimulations. Mais nous
devons nous demander où se trouve exactement l’analogie.
Quelle est alors la signification de la « mort » dans ce contexte ?
Si nous cherchons la réponse dans les Écritures plutôt que dans
une analogie, dans l’enseignement biblique concernant la mort
plutôt que dans les propriétés d’un homme mort, nous
trouverons directement une solution. La mort et les
affirmations des Écritures à son sujet, ne sont pas tant conçues
en termes physiques qu’en termes légaux et moraux. Il ne
s’agit pas seulement d’un cadavre inerte, mais essentiellement
de la sévère, mais juste punition du péché. Chaque fois que la
Bible parle en même temps de la mort et du péché, la relation
essentielle entre les deux est que la mort est la punition du
péché. Et cela est vrai dans toute la Bible, depuis la Genèse où
Dieu dit : « Le jour où tu en mangeras (et par conséquent
pécheras), tu mourras » (2.17), jusqu’à l’Apocalypse où il est
question de la terrible destinée des pécheurs, appelée la
« seconde mort » (21.8). Dans les Écritures, la mort est liée au
péché comme une juste rétribution de l’offense. L’épître aux
Romains ne dit pas autre chose. Au chapitre 1, verset 32, il nous
est parlé du décret de Dieu selon lequel ceux qui pèchent sont
« dignes de mort », et au dernier verset du chapitre que nous
étudions nous lisons : « Le salaire du péché, c’est la mort » (v.
23). C’est ainsi que l’on doit comprendre la notion de mort et de
péché. Et c’est bien cette signification de la mort qui est à la fois
vraie de Christ et des chrétiens.
Voyons d’abord ce qui s’applique à Christ (v.10). « En mourant,
c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes. » Qu’est-ce à
dire sinon que Christ est mort au péché dans le sens qu’il a
porté la punition du péché ? Il est mort pour nos péchés, les
portant en sa personne innocente et sainte. Il a pris sur lui nos
péchés et leur juste rétribution. La mort dont Jésus est mort
était le salaire du péché — de notre péché. Il a fait face à ses
exigences, il en a subi la punition, il en a accepté la rétribution,
et il l’a fait « une fois » — une fois pour toutes. Par conséquent,
le péché n’a plus d’exigences ou de droit sur lui. Ainsi il a été
ressuscité des morts, prouvant par là qu’en se chargeant de nos
péchés il a pleinement satisfait aux exigences de Dieu, et c’est
pour Dieu qu’il vit maintenant à toujours.
Si c’est dans ce sens que Christ est mort au péché, c’est
également dans ce sens que nous, du fait de notre union avec
Christ, nous sommes morts au péché. Nous le sommes au sens
que, en Christ, nous avons subi le châtiment du péché. Par
conséquent, notre ancienne vie est finie, une nouvelle vie a
commencé.
Certains objecteront que nous ne pouvons tout de même pas
prétendre avoir porté nous-mêmes en Christ la punition pour
nos péchés, puisque nous ne pouvons pas mourir pour nos
péchés, lui seul a pu le faire. Il m’a même été suggéré que ceci
est une forme dissimulée de justification par les œuvres ! Mais
il ne s’agit pas du tout de cela. Bien sûr, le sacrifice de Christ
pour le péché est absolument unique et nous ne pouvons avoir
part à cet acte. Mais nous pouvons avoir notre part à ses
bienfaits et l’avons réellement, si nous sommes en Christ. Le
Nouveau Testament exprime cette vérité en disant non
seulement que Christ est mort pour nous, mais encore que
nous sommes morts en Christ. Voyez, par exemple, 2
Corinthiens 5.14, 15, où Paul déclare « qu’un seul est mort pour
tous et donc que tous. sont morts. »
Revenons maintenant au verset 6 qui parle de notre mort. Il
comprend trois étapes bien nettes, l’une entraînant l’autre. Je
rendrai librement ce verset comme suit : 1. « Nous savons que
notre vieil homme a été crucifié avec lui », 2. « afin que soit
détruit le corps du péché, » 3. « afin que nous ne soyons plus
esclaves du péché. »
La dernière étape est claire : « afin que nous ne soyons plus
esclaves du péché ». C’est là certainement le désir de nos
cœurs : être libérés de l’esclavage et des liens du péché. C’est la
dernière affirmation du verset 6. Comment cela advient-il ? Il
nous faut revenir aux deux premières étapes qui conduisent à
cette délivrance. La première est appelée la crucifixion du vieil
homme, la seconde la destruction du corps du péché, la
deuxième dépendant de la première. En fait il nous est dit que
notre vieil homme a été crucifié pour que le corps du péché soit
détruit, afin que nous ne soyons plus esclaves du péché. Il peut
être utile de prendre ces phrases dans l’ordre inverse.
D’abord la destruction du corps du péché. Le « corps du péché »
n’est pas le corps humain ; en effet, notre corps n’est pas
pécheur en lui-même. Cette expression désigne la nature
pécheresse qui appartient au corps (voir v. 12). BNÀ nous
éclaire en traduisant : « l’être pécheur ». D’après ce verset, Dieu
a donc pour but que l’être pécheur soit « détruit », de telle sorte,
que nous ne servions plus le péché. En Hébreux 2.14 on
retrouve le verbe grec détruire (katargethe) à propos du diable.
Il ne signifie pas disparaître, mais être vaincu ; non pas être
anéanti, mais être réduit à l’impuissance. Notre vieille nature
n’a pas plus disparu que le diable, mais la volonté de Dieu est
que la domination de l’une comme de l’autre soit renversée. En
fait, la nature pécheresse a été détruite par un événement
intervenu sur la croix, que décrit la première proposition du
verset 6.
C’est la crucifixion de notre « vieil homme » ou « vieux moi ».
Qu’est-ce que ce vieil homme ? Ce n’est pas notre vieille nature.
Comment cela se pourrait-il puisque le « corps du péché »
signifie la vieille nature ? Confondre les deux expressions serait
ôter au verset tout son sens. Non ! « Le vieil homme » signifie
non pas notre ancienne nature irrégénérée, mais notre
ancienne vie irrégénérée — « l’homme que nous étions
auparavant » (BNA). Non pas ce qui est mauvais en moi, mais ce
que j’étais autrefois. Ainsi ce qui a été crucifié avec Christ
n’était pas une partie de moi, appelée ma vieille nature, mais
moi-même tout entier, comme j’étais avant de me convertir.
Mon « vieil homme » désigne ma vie avant ma conversion, ma
manière d’être irrégénérée. Ceci doit être bien clair parce que
dans ce chapitre la phrase : « notre vieil homme a été crucifié
avec lui » (v. 6), est équivalente à : « nous sommes morts au
péché » (v. 2).
Une des sources de confusion à propos de ce verset est l’emploi
que Paul fait du mot « crucifié ». Bien des gens l’associent dans
leur esprit à Romains 6 traite de la première des deux.
Nous pouvons maintenant prendre dans l’ordre les trois étapes
du verset 6. Premièrement, notre vieil homme a été crucifié
avec Christ ; c’est-à-dire que nous avons été crucifié avec
Christ. Nous avons été identifiés avec lui par la foi et le
baptême, donc nous partageons sa mort au péché.. Ainsi nous
avons été crucifiés avec Christ pour que, deuxièmement, notre
nature pécheresse puisse être dépouillée de sa puissance. Et
ceci a eu lieu afin que, troisièmement, nous ne soyons plus
esclaves du péché.
Il s’agit maintenant de savoir comment cette crucifixion avec
Christ peut conduire à une victoire sur la vieille nature, et par
là, à la délivrance de l’esclavage du péché. Le verset 7 y répond.
C’est, littéralement, parce que « celui qui est mort a été justifié
de son péché. » Plusieurs traductions se sont permis de rendre
très librement le verbe grec dedikaiotai par « libérer » ou
« affranchir ». Il est utilisé quinze fois dans Romains et vingt-
cinq fois dans le Nouveau Testament, et signifie chaque fois
« justifier ».
Le seul moyen d’être justifié du péché est de recevoir le salaire
du péché. La seule issue est d’en subir la condamnation.
Illustrons cela à l’aide d’un exemple de la pratique judiciaire
chez nous : Comment un homme qui a été convaincu de crime
et condamné à une peine d’emprisonnement peut-il être
justifié ? Il n’y a qu’un seul moyen. Il doit aller en prison et
payer pour son crime. Une fois sa peine purgée, il peut quitter
la prison, justifié. Il n’a plus rien à craindre ni de la police, ni de
la loi, ni des magistrats. La loi ne retient plus rien contre lui,
parce qu’il a payé pour sa transgression. Il est absous de son
crime, il est maintenant justifié de son péché.
Le même principe joue dans le cas où la sentence est la peine de
mort. Il n’y a pour le condamné pas d’autre issue ou de
justification que de subir le châtiment. On pourrait dire que
dans ce cas le châtiment n’est pas une issue, et on aurait raison
en parlant ainsi de la peine capitale sur terre. Une fois le
meurtrier exécuté, dans les pays où cette peine existe encore, sa
vie sur terre est finie. Il ne peut, étant justifié, vivre à nouveau
parmi les hommes, à la différence de celui qui a purgé une
peine de prison. Mais ce que notre justification chrétienne a de
merveilleux, c’est que notre mort est suivie d’une résurrection
grâce à laquelle nous pouvons vivre une vie de justifié, ayant
payé pour notre péché par notre mort en Christ.
Pour nous cela se passe donc ainsi. Nous méritions la mort
pour notre péché. Par notre union avec Jésus-Christ nous
sommes morts, non en notre propre personne — ce qui
signifierait une mort éternelle — mais dans la personne de
Christ, notre substitut, avec qui nous avons été faits un par la
foi et le baptême. Et, par notre union avec ce même Christ,
nous sommes ressuscités pour vivre la vie d’un pécheur
justifié, une vie toute nouvelle. L’ancienne vie est passée. Le
châtiment a été subi. Nous émergeons justifiés de cette mort.
La loi ne peut nous atteindre, parce que le prix du péché est
payé.
Gardant cela à l’esprit, nous pouvons aborder les versets 7 à 11.
« Car celui qui est mort est libéré (littéralement : justifié) du
péché. Mais si nous sommes morts avec Christ, nous croyons
que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet :
ressuscité des morts, Christ ne meurt plus; la mort n’a plus
d’empire sur lui. Car en mourant, c’est au péché qu’il est mort
une fois pour toutes ; vivant, c’est pour Dieu qu’il vit. De
même, vous aussi : considérez que vous êtes morts au péché et
vivants pour Dieu en Jésus-Christ. »
Permettez-moi d’exprimer cela d’une manière un peu plus
familière. Imaginons un chrétien d’un certain âge — appelons
le Martin — qui repasse en mémoire sa longue vie. Elle est
divisée en deux parties par sa conversion, l’ancienne
personnalité — le Martin d’avant sa conversion — et la
nouvelle personnalité — le Martin d’après sa conversion.
L’ancienne personnalité et la nouvelle (le « vieil homme » et le
« nouvel homme ») ne sont pas deux natures distinctes de
Martin, ce sont deux moitiés de sa vie, séparées par la nouvelle
naissance. À la conversion, rendue visible dans le baptême,
l’ancien Martin est mort par son union avec Christ, le prix de
son péché ayant été payé. À ce moment-là, le nouveau Martin
est ressuscité des morts, pour vivre une vie nouvelle pour Dieu.
Or, chaque croyant est un Martin. Nous sommes ce Martin si
nous sommes en Christ. Notre vieil homme est mort par notre
crucifixion avec Christ. Nous avons été unis à Christ dans sa
mort par la foi et le baptême. La mort au péché dont Christ est
mort est devenue notre mort, son bénéfice nous a été transféré.
Ainsi, étant morts au péché avec Christ, nous avons été
justifiés de nos péchés (v. 7) ; étant ressuscités avec Christ, nous
sommes justifiés et vivants pour Dieu (v. 8 et 9). Notre
ancienne vie s’est achevée avec la mort qu’elle méritait. Notre
nouvelle vie a commencé par une résurrection. Christ est mort
au péché une fois pour toutes et ne cesse de vivre pour Dieu (v.
10). Ainsi, nous qui sommes un avec Christ, nous devons
« considérer », c’est-à-dire prendre conscience, que nous
sommes aussi morts au péché et que nous vivons désormais
pour Dieu (v. 11). Cela nous amène à la quatrième étape.
Quatrième étape : puisque nous sommes morts au péché et vivants
pour Dieu, nous devons en tenir compte. Autrement dit, si la
mort de Christ a été une mort au péché (et elle l’est), si sa
résurrection a été une résurrection pour Dieu (et elle l’est), et si
nous avons été unis à Christ dans sa mort et dans sa
résurrection (et nous le sommes), alors nous-mêmes nous
sommes morts au péché et ressuscités pour Dieu : et nous
devons en tenir compte. « De même, vous aussi : considérez-
vous (tenez-vous pour) morts au péché et vivants pour Dieu en
(par l’union avec) Jésus-Christ » (v. 1 1).
Or, « considérer » ne signifie pas « faire comme si ». Ce n’est pas
faire violence à notre foi pour lui faire accepter quelque chose
que nous ne croyons pas. Nous ne devons pas faire comme si
notre vieille nature était morte alors que nous savons fort bien
qu’elle ne l’est pas. Nous devons plutôt prendre conscience du
fait que notre vieil homme, celui d’avant la conversion, est
mort, payant ainsi pour son péché et mettant ainsi fin à sa
carrière. C’est pourquoi Paul dit « considérez-vous » ou
« regardez-vous » (cf. Segond) comme étant ce que vous êtes en
fait : morts au péché et vivants pour Dieu. Une fois que nous
prenons conscience du fait que notre ancienne vie est finie — le
compte réglé, la dette payée, la loi satisfaite — nous ne
voudrons plus rien avoir à faire avec elle.
L’image suivante pourrait nous aider à comprendre. Notre
biographie est écrite en deux volumes. Le tome un raconte
l’histoire du vieil homme, de ce que j’étais avant ma
conversion. Le tome deux raconte celle du nouvel homme, de
ce que je suis devenu, ayant été recréé en Christ. Le tome un de
ma biographie s’achève par la condamnation à mort du vieil
homme. J’étais un pécheur, je méritais la mort, je suis mort. Ce
que je méritais je l’ai reçu en mon substitut avec qui je suis
devenu un. Le tome deux de ma biographie s’ouvre sur ma
résurrection. Mon ancienne vie étant finie, une nouvelle vie a
commencé pour Dieu.
Tout ce qui nous est demandé c’est de le reconnaître — non de
le feindre, mais d’en prendre conscience. C’est une réalité, et
nous devons nous l’approprier. Nous devons permettre à notre
pensée de mettre à profit ces vérités. Nous devons les méditer
jusqu’à ce que nous les comprenions sûrement. Nous devons
garder présent à l’esprit : « Le tome un est fermé. Ta vie
maintenant c’est le tome deux. Il est absurde que tu ouvres à
nouveau le tome un. Ce n’est pas impossible, mais c’est
absurde. »
Une femme mariée peut-elle vivre comme si elle était encore
célibataire ? Effectivement, cela peut arriver. Ce n’est pas
impossible. Mais l’alliance qu’elle porte à son doigt, symbole
de sa nouvelle vie, symbole de l’union avec son mari, lui
rappellera qui elle est, et comment elle doit vivre. De même, un
chrétien né de nouveau peut-il vivre comme s’il était encore
dans ses péchés ? Effectivement, cela peut arriver. Ce n’est pas
impossible. Mais qu’il se souvienne de son baptême, symbole
de son union avec Christ dans sa mort et dans sa résurrection,
et qu’il vive en conséquence.
Nous avons besoin de nous rappeler constamment ce que nous
sommes. Quand Satan murmure à notre oreille : « Vas-y !
Pèche ! Dieu te pardonnera », nous voilà tentés d’abuser de la
grâce de Dieu. Répondons-lui alors : « Pas question, Satan ! Je
suis mort au péché ; comment pourrais-je y vivre ? (cf. v. 2). Le
tome un est fermé. J’en suis au tome deux. » En d’autres
termes, l’apôtre n’affirme pas l’impossibilité de pécher chez le
chrétien, mais l’incongruité flagrante d’une telle conduite.
Étonné, indigné, il s’écrie : « Nous sommes morts au péché :
comment vivre encore dans le péché ? » Être mort au péché et
vivre dans le péché sont deux situations logiquement
incompatibles.
Ainsi le, secret d’une vie sainte est dans notre pensée. Il s’agit
de comprendre (v. 6) que notre vieux moi a été crucifié avec
Christ. Il s’agit de savoir (v. 3) que le baptême qui nous
introduit en Christ est un baptême qui nous introduit en sa
mort et en sa résurrection. Il s’agit de considérer, de saisir par
l’intelligence (v. 11) qu’en Christ nous sommes morts au péché
et que nous vivons pour Dieu. Nous devons connaître ces
choses, les méditer et comprendre qu’elles sont vraies. Nos
esprits doivent s’approprier le fait de notre mort et de notre
résurrection avec Christ ainsi que leur signification, à tel point
qu’un retour à notre ancienne vie soit impensable. Un chrétien
né de nouveau ne devrait pas plus penser à revenir à son
ancienne vie qu’un adulte à son enfance, qu’un homme marié à
son célibat, ou qu’un prisonnier libéré à sa cellule dé prison.
Par notre union avec Jésus-Christ, notre position tout entière a
changé. Notre foi et notre baptême nous ont séparés de
l’ancienne vie, coupés d’elle irrévocablement et lancés dans
une vie nouvelle. Notre baptême se trouve entre nous et notre
ancienne vie, comme une porte entre deux pièces, fermant
l’une et ouvrant sur l’autre. Nous sommes morts. Nous
sommes ressuscités. Comment pourrions-nous vivre encore
dans ce à quoi nous sommes morts ?
Cinquième étape: Comme des vivants d’entre les morts, nous ne
devons pas laisser le péché régner en nous, mais nous soumettre à
Dieu. Les versets 12 à 14 opposent des ordres négatifs à des
ordres positifs. D’abord le côté négatif : « Que le péché ne règne
donc plus dans votre corps mortel pour vous faire obéir à ses
convoitises » (v. 12) ; ne laissez pas le péché être votre maître.
« Ne mettez plus vos membres au service du péché comme
armes de l’injustice » (v. 13 a) : c’est-à-dire, ne laissez pas le
péché dominer sur vous ; ne laissez pas le péché se servir de
vous pour accomplir ses desseins injustes. Ne laissez pas le
péché être votre maître.
Maintenant, le côté positif : « Offrez-vous à Dieu, comme des
hommes revenus de la mort à la vie » (v. 13, BNA), ce qui est
votre cas. Vous êtes morts au péché, ayant subi sa punition.
Vous êtes ressuscités, vous êtes vivants d’entre les morts. À
présent « comme des vivants revenus d’entre les morts, avec
vos membres comme armes de la justice, mettez-vous au
service de Dieu. » En d’autres termes, ne vous laissez plus
dominer par le péché, mais que Dieu soit votre maître. Ne
permettez pas au péché de se servir de vous, mais mettez vous
au service de Dieu.
Pourquoi ? Sur quoi s’appuie cette exhortation ? Pour quelle
raison fondamentale nous soumettre à Dieu et non au péché ?
C’est que nous sommes vivants d’entre les morts ! Nous
sommes morts au péché et nous sommes ressuscités pour Dieu.
Nous ne pouvons donc pas nous soumettre au péché, nous
devons nous soumettre à Dieu. Quelle logique irrésistible,
d’une étape à l’autre ! Parce que nous sommes vivants d’entre
les morts, le péché ne sera plus notre maître. Il n’est plus
question que le péché soit notre maître, puisque maintenant
nous ne sommes plus soumis « à la loi mais à la grâce » (v. 14).
Dieu dans sa grâce nous a justifiés en Christ. En Christ, la dette
du péché est payée et les exigences de la loi satisfaites. Ni le
péché, ni la loi n’ont de droit sur nous. Nous avons été arrachés
à leur tyrannie. Nous avons changé de camp. Nous avons un
nouveau statut. Nous ne sommes plus prisonniers de la loi,
mais enfants de Dieu et placés sous sa grâce.
Ainsi, le fait de savoir que nous sommes sous la grâce et non
sous la loi, loin de nous encourager à continuer dans le péché
pour que la grâce abonde, en réalité nous détache du monde, de
la chair et du diable. Maintenant que par grâce un nouveau
volume de notre biographie est ouvert, nous ne pouvons
vraiment plus rouvrir le premier. Maintenant que par grâce
nous sommes vivants d’entre les morts, nous ne pouvons
vraiment plus retourner à l’ancienne vie à laquelle nous
sommes morts.

II Esclaves de Dieu (6.15-23)

« Quoi donc ? Allons-nous pécher parce que nous ne sommes


plus sous la loi mais sous la grâce ? Certes non ! Ne savez vous
pas qu’en vous mettant au service de quelqu’un comme
esclaves pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui vous
obéissez, soit du péché qui conduit à la mort, soit de
l’obéissance qui conduit à la justice ? Rendons grâce à Dieu :
vous étiez esclaves du péché, mais vous avez obéi de tout votre
cœur à l’enseignement commun auquel vous avez été confiés ;
libérés du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice.
J’emploie des mots tout humains, adaptés à votre faiblesse. De
même que vous avez mis vos membres comme esclaves au
service de l’impureté et du désordre qui conduisent à la révolte
contre Dieu, mettez-les maintenant comme esclaves au service
de la justice qui conduit à la sanctification. Lorsque vous étiez
esclaves du péché, vous étiez libres à l’égard de la justice . Quels
fruits portiez vous donc alors ? Aujourd’hui vous en avez
honte, car leur aboutissement, c’est la mort. Mais maintenant,
libérés du péché et devenus esclaves de Dieu , vous portez les
fruits qui conduisent à la sanctification, et leur aboutissement,
c’est la vie éternelle. Car le salaire du péché, c’est la mort ; mais
le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ
notre Seigneur. »
Cette deuxième partie du chapitre présente moins de
difficultés que la première. Elle traite non pas de notre union
avec Christ, mais de notre esclavage de Dieu.
Remarquez qu’elle commence exactement de la même façon
que le début du chapitre. Tout d’abord une question : « Quoi
donc ? Allons-nous pécher parce que nous ne sommes plus sous
la loi mais sous la grâce ? » (v. 15). C’est la même question qu’au
verset 1 : « Qu’est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le
péché afin que la grâce abonde ? » Cette question est suivie, aux
versets 2 et 15 de la même réponse, une négation emphatique :
« Certes non ! » ou « Loin de là ! » (cf. Segond). Puis vient une
autre déclaration, expliquant cette négation : « Ignorez-vous
que nous tous, baptisés en Jésus-Christ, c’est dans sa mort que
nous avons été baptisés ? » (v.3). De même, le verset 16 ; « Ne
savez vous pas qu’en vous mettant au service de quelqu’un
comme esclaves pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui
vous obéissez ? »
Il vaut la peine de bien comprendre ce parallèle, afin de saisir
ce que Paul veut que nous sachions. L’enseignement essentiel
des versets 1 à 14, c’est que par la foi et le baptême nous sommes
unis à Christ et, par conséquent, nous sommes morts au péché
et vivants pour Dieu. L’enseignement essentiel des versets 15 à
23, c’est que par notre renoncement à nous-mêmes, par notre
soumission volontaire, nous sommes esclaves de.Dieu et par
conséquent engagés à lui obéir. C’est ce que dit le début du
verset 16 : Une fois que vous avez choisi votre maître, vous
n’avez plus qu’à obéir. Cela a valeur de principe, que vous vous
soumettiez au péché, ce qui aboutit à la « mort », ou à
l’obéissance, ce qui aboutit à la « justice » qui est l’acceptation
par Dieu. Dans les versets qui suivent, ces deux esclavages sont
mis en contraste : celui du péché et celui de Dieu. Ce contraste
est considéré en trois temps : le point de départ, le
développement, l’aboutissement.

Contraste entre les deux esclavages


(v.17-22)

a) Leur point de départ (v. 17-18). « Vous étiez esclaves du péché. »


Le verbe est à l’imparfait, et laisse entendre que c’est ce que
nous sommes par nature, ce que nous avons toujours été.
« Mais vous avez obéi de tout votre cœur à l’enseignement
commun auquel vous avez été confiés » — c’est-à-dire,
l’évangile. Quand l’évangile nous a été présenté, ou que nous
avons été mis en sa présence, nous y avons obéi de tout cœur.
L’exclamation : « Rendons grâce à Dieu » indique de la part de
Paul que notre réponse à l’évangile était un effet de la grâce de
Dieu. Notre esclavage du péché a commencé à la naissance,
c’est notre condition naturelle ; mais notre esclavage de Dieu a
commencé quand, par grâce, nous avons obéi à l’évangile.
b) Leur développement (v. 19). « J’emploie des mots tout
humains, adaptés à votre faiblesse. De même que vous avez mis
vos membres comme esclaves au service de l’impureté et du
désordre qui conduisent à la révolte contre Dieu, mettez-les
maintenant comme esclaves au service de la justice qui conduit
à la sanctification. » Cela montre que la servitude du péché a
pour effet un sinistre engrenage de dégradation morale, tandis
que la servitude de Dieu entraîne une glorieuse progression de
sanctification morale. L’une et l’autre évolue, aucune n’est
statique. L’une nous rend toujours meilleurs, l’autre toujours
plus mauvais.
c) Leur aboutissement (v. 20-22). « Quand vous étiez esclaves du
péché, … qu’avez-vous gagné à commettre alors des actes dont
vous avez honte maintenant ? » (BNA). Il n’y a pas de réponse à
cette question, car ces actes mènent à la mort. Et Paul
continue : « Mais maintenant … devenus esclaves de Dieu, vous
portez les fruits qui conduisent à la sanctification, et leur
aboutissement, c’est la vie éternelle. » Le verset 23 résume le
tout : le péché verse le salaire que nous méritons, c’est-à-dire la
mort, tandis que Dieu nous donne un cadeau que nous ne
méritons pas, c’est-à-dire la vie éternelle.
Il y a donc là deux vies complètement différentes, deux vies
totalement opposées l’une à l’autre — la vie du vieil homme et
la vie du nouvel homme. Elles sont ce que Jésus a appelé d’un
côté, la voie large qui mène à la destruction, de l’autre, l’étroit
sentier qui mène à la vie. Paul les appelle deux esclavages. Nous
sommes de naissance esclaves du péchés ; nous sommes par
grâce, par le moyen de la foi, devenus esclaves de Dieu.
L’esclavage du péché ne rapporte rien, si ce n’est une
dégradation morale irréversible qui aboutit à la mort.
L’esclavage de Dieu produit le précieux bienfait de la
sanctification qui aboutit à la vie éternelle. L’argumentation
de ce passage est donc que notre conversion, cet acte de
reddition et de soumission à Dieu, conduit à un statut
d’esclave, ce qui implique l’obéissance.

Conclusion

« Continuerons-nous à pécher ? » C’est la question par laquelle


chacune des deux parties de ce chapitre commence. Question
posée par les opposants de Paul qui espéraient ainsi discréditer
son évangile. Question souvent murmurée à nos oreilles par le
plus grand ennemi de l’évangile, Satan lui-même, qui cherche
à nous entraîner dans le péché. Tout comme il demanda à Eve
dans le jardin : « Dieu a-t-il réellement dit … ? » de même il
murmure à notre oreille : « Pourquoi ne plus pécher ? Tu es
sous la grâce, Dieu te pardonnera. »
Dans ce cas-là, comment lui répondrons-nous ? Nous devons
commencer par lui opposer un refus indigné : « Certainement
pas ! » mais nous devons aller plus loin et appuyer ce refus sur
une raison. Cette raison existe, elle est solide, logique et
irréfutable. Et elle nous pousse à rejeter les attaques subtiles du
diable. Ce point est très important, parce qu’il permet de
ramener toute cette haute théologie au niveau de notre
expérience pratique quotidienne.
Quelle est la raison que nous devons donner pour repousser les
séductions du diable ? Elle est fondée sur ce que nous sommes,
c’est-à-dire un avec Christ (v. 1-14) et esclaves de Dieu (v. 15-23).
Nous sommes devenus un avec Christ par le baptême (au moins
extérieurement et visiblement). Nous sommes devenus
esclaves de Dieu par la soumission volontaire de la foi. Mais
que nous mettions l’accent sur le baptême, réalité extérieure,
ou sur la foi, réalité intérieure, le but est le même. C’est que
notre conversion chrétienne a produit ses fruits : elle nous a
unis à Christ, et nous a rendus esclaves de Dieu. Voilà ce que
nous sommes, chacun d’entre nous : un avec Christ et esclave
de Dieu.
Bien plus, ce que nous sommes entraîne des engagements que
nous ne pouvons fuir. Si nous sommes un avec Christ (et nous
le sommes), alors avec lui nous sommes morts au péché et nous
vivons pour Dieu. Si nous sommes esclaves de Dieu (et nous le
sommes), alors ipso facto nous devons obéir. Il est inconcevable
que nous persistions de plein gré dans le péché, comptant sur la
grâce de Dieu. La pensée même en est intolérable.
Il faut que nous nous rappelions sans cesse ces vérités. Nous
devons les méditer, et nous demander : « Ne sais-tu pas … ne
sais-tu pas que tu es un avec Christ ? Que tu es mort au péché et
ressuscité pour Dieu ? Ne sais-tu pas que tu es esclave de Dieu et
par conséquent engagé à lui obéir ? Ne sais-tu pas cela ? » Et
nous devons nous reposer ces questions jusqu’à ce que nous
puissions répondre : « Oui, je le sais, et par la grâce de Dieu je
vivrai en conséquence. »
3 La libération de la loi

Introduction

Le troisième grand privilège du croyant, exposé dans Actes


21.28, Segond).
Mais pour Paul, que représentait donc la loi ? Par deux fois dans
Romains 6 il écrit que les chrétiens ne sont « pas sous la loi mais
sous la grâce » (v. 14, 15). Une telle affirmation a dû sembler
révolutionnaire aux lecteurs de son époque. Que voulait-il bien
dire ? La loi sainte de Dieu était-elle maintenant abrogée ? Les
chrétiens pouvaient-ils se permettre de ne plus en tenir
compte ? Ou bien avait-elle encore une fonction dans la vie
chrétienne ?
Ce genre de discussion devait sans doute être chose courante
du temps de l’apôtre. Et si le problème garde aujourd’hui
encore son intérêt, ce n’est pas simplement à titre d’antiquité,
mais parce que la loi de Moïse était la loi de Dieu et l’est
toujours. Si nous sommes des chrétiens réfléchis, nous avons
besoin de savoir quelle place doit occuper aujourd’hui encore
la loi de Dieu dans nos vies. D’ailleurs, dans ces derniers temps,
ce problème est redevenu actuel avec le débat sur la Nouvelle
Morale. Le disciple de cette, nouvelle morale est un peut
l’« antinomien » du 20e siècle — quelqu’un qui prend position
contre la loi. Il déclare que la vie chrétienne est totalement
dégagée du concept de loi, que le chrétien n’a rien à voir avec la
loi et que la loi n’a rien à voir avec le chrétien. C’est pourquoi
nous allons découvrir que les arguments quelque peu
compliqués que développe l’apôtre dans Romains 7, parlent
dans notre situation contemporaine avec beaucoup d’à-propos.

Les attitudes à l’égard de la loi

En guise d’introduction, nous pourrions être aidés dans notre


étude de ce chapitre difficile, en réfléchissant à trois attitudes
possibles à l’égard de la loi : celle du légaliste, celle du libertin
ou « antinomien » et celle du croyant fidèle à la loi.

1. Le légaliste est esclave de la loi. Il pense que sa relation


avec Dieu dépend de son obéissance à la loi. Et tandis qu’il
recherche la justification par les œuvres de la loi, il trouve
qu’elle est un maître cruel et intraitable. Selon les termes
de Paul, il est « sous la loi ».
2. L’« antinomien », parfois assimilé au libertin, se situe à
l’autre extrême. Il rejette entièrement la loi, il lui reproche
même d’être à l’origine de la plupart des problèmes
moraux et spirituels de l’homme.
3. Le croyant fidèle à la loi maintient l’équilibre. Il reconnaît
la faiblesse de la loi (Romains 8.3, « Ce qui était impossible
à la loi, car la chair la vouait à l’impuissance, Dieu l’a
fait »). Cette faiblesse tient au fait que la loi ne peut ni nous
justifier, ni nous sanctifier, parce que nous n’avons pas en
nous la capacité d’y obéir. Cependant le croyant fidèle à la
loi y prend plaisir, voyant en elle une expression de la
volonté de Dieu. Et il cherche à lui obéir par la puissance de
l’Esprit qui l’habite.

Résumons-nous : le légaliste craint la loi et en est l’esclave ;


l’antinomien » hait la loi et la rejette ; le croyant fidèle à la loi
l’aime et y obéit.
Directement ou indirectement, l’apôtre trace le portrait de
chacune de ces trois sortes d’attitude dans Romains 7. On ne
peut pas dire qu’il les décrit systématiquement et qu’il
s’adresse tour à tour à chacune d’elles. Mais nous pouvons les
voir esquissées en filigrane dans ce chapitre, lorsqu’il renverse
les arguments du légaliste et de l’« antinomien », et qu’il décrit
le conflit et la victoire du croyant fidèle à la loi.

Les grandes lignes du chapitre

Un survol de l’ensemble du chapitre facilitera la


compréhension de ses différentes parties.

1. Dans les versets 1-6, Paul déclare que la loi n’exerce plus
son pouvoir sur nous. Nous avons été délivrés de sa
tyrannie par la mort de Christ. Comme chrétiens nous
sommes esclaves non de la loi ou de la lettre de la loi, mais
de Jésus-Christ par la puissance de l’Esprit. Voilà ce qu’il
annonce au légaliste.
2. Dans les versets 7-13, il défend la loi contre les critiques
injustes de ceux qui veulent s’en débarrasser, et qui lui
reprochent l’état misérable de péché (v. 7) et de mort (v.
13), dans lequel se trouve l’homme. Paul démontre dans ce
passage que la cause de notre péché et de notre mort n’est
pas la loi de Dieu, mais bien notre chair, notre nature
pécheresse. La loi en elle même est bonne (v. 12, 13), c’est
dans notre chair qu’il n’y a rien de bon (v. 18). Il est donc
faux et injuste de rejeter la responsabilité sur la loi. Voilà
ce qu’il annonce à l’« antinomien ».
3. Enfin de 7.14 à 8.4, il décrit le conflit intérieur du croyant
et le secret de sa victoire. D’après Romains 7.25 résume la
situation ainsi : quant à moi, je suis le serviteur de deux
maîtres. Par mon intelligence « je suis assujetti à la loi de
Dieu », je l’aime et je veux l’observer; mais par ma chair,
par ma vieille nature, je suis « assujetti à la loi du péché ».
C’est-à-dire que, si je suis livré à moi même, bien que
chrétien, je suis un prisonnier impuissant, esclave du
péché, incapable d’observer la loi.

Mais (8.4), Dieu est intervenu de telle sorte que « la justice


exigée par la loi soit accomplie en nous, qui ne marchons pas
sous l’empire de la chair mais de l’Esprit. » En d’autre termes,
le Saint-Esprit me rend capable de faire ce que je ne peux pas
faire, même en tant que chrétien. Voilà ce que Paul annonce au
croyant fidèle à la loi.
Je crois qu’il est important de souligner le point fort du
message que l’apôtre adresse à chacune de ces attitudes. Pour le
légaliste qui est sous l’esclavage de la loi, Paul met en valeur la
mort de Christ comme instrument de notre libération de cette
esclavage. Pour l’« antinomien » qui accuse la loi, il désigne la
chair comme cause principale de la faillite de la loi, qui a
entraîné notre péché et notre mort. Pour le croyant fidèle à la
loi, qui l’aime et désire ardemment lui obéir, il met en valeur le
Saint-Esprit demeurant en nous comme unique moyen choisi
par Dieu pour accomplir la justice de la loi en nous.
J’intitulerai les versets 1-6 « La rigueur de la loi », parce que
c’est ce que craint le légaliste qui considère la loi comme son
dominateur et ignore son émancipation ; les versets 7-13 « La
faiblesse de la loi », parce que c’est ce que l’« antinomien » ne
comprend pas, croyant que cette faiblesse est inhérente à la loi,
alors qu’en fait elle est en nous qui sommes incapables de
l’observer ; enfin les versets 7.14 à 8.4 « La justice de la loi »,
parce que c’est ce qui est réalisé dans le croyant conduit par
l’Esprit et fidèle à la loi.

I La rigueur de la loi (7.1-6)

« Ou bien ignorez-vous, frères — je parle à des gens compétents


en matière de loi — que la loi n’a autorité sur l’homme qu’aussi
longtemps qu’il vit ? Ainsi, la femme mariée est liée par une loi
à un homme tant qu’il vit ; mais s’il vient à mourir, elle ne
relève plus de la loi conjugale. Donc, si du vivant de son mari.
elle appartient à un autre, elle sera appelée adultère ; mais, si le
mari vient à mourir, elle est libre à l’égard de la loi, en sorte
qu’elle ne sera pas adultère en appartenant à un autre. Vous de
même, mes frères, vous avez été mis à mort à l’égard de la loi,
par le corps du Christ, pour appartenir à un autre, le Ressuscité
d’entre les morts, afin que nous portions des fruits pour Dieu.
En effet, quand nous étions dans la chair, les passions
pécheresses, se servant de la loi, agissaient en nos membres,
afin que nous portions des fruits pour la mort. Mais
maintenant, morts à ce qui nous tenait captifs, nous avons été
affranchis de la loi, de sorte que nous servons sous le régime
nouveau de l’Esprit et non plus sous le régime périmé de la
lettre. »
Le verset 1 commence par : « Ignorez-vous, frères que la loi n’a
autorité sur l’homme qu’aussi longtemps qu’il vit ? » Le mot
grec traduit par « a de l’autorité » est rendu par « tenir sous la
domination » dans la phrase « les chefs des nations les tiennent
sous leur domination » (Marc 10 .42). Il suggère l’autorité
absolue ou la domination de la loi sur ceux qui lui sont
assujettis.
Le principe énoncé par Paul dans ce premier verset pouvait
être immédiatement accepté comme évident par toute
personne ayant quelques notions de droit, qu’elle fût juive ou
romaine. La loi, en effet, a comme but le bien des hommes sur
terre. Elle ne lie un homme que tant qu’il vit. Pour illustrer ce
principe général, Paul choisit l’exemple du mariage qui est
contracté entre deux personnes jusqu’à ce que la mort les
sépare. En fait, le cas auquel Paul applique le principe du verset
1 représente déjà une extension, à savoir que la loi concernant
une relation entre deux personnes les lie tant qu’elles sont
toutes deux en vie. Si l’une meurt, la loi n’a plus d’effet. Ainsi
dans le mariage, quand l’un des conjoints meurt, l’autre est
libre de se remarier. Versets 2 et 3 : « La femme mariée est liée
par une loi à un homme tant qu’il vit ; mais s’il vient à mourir,
elle ne relève plus de la loi conjugale. Donc, si du vivant de son
mari elle appartient à un autre, elle sera appelée adultère ;
mais, si le mari vient à mourir, elle est libre à l’égard de la loi,
en sorte qu’elle ne sera pas adultère en appartenant à un
autre. » Dans le premier cas une femme mariée qui vit avec un
autre homme « s’expose à l’infamie d’une adultère » (LPNT) ;
dans l’autre cas celle qui se remarie n’est pas adultère. D’où
vient la différence ? Pourquoi, dans un cas, le remariage fait
d’elle une adultère et pas dans l’autre ? La réponse est simple :
le remariage n’est légitime que si la mort a mis un terme à la
première union. La mort a dégagé la femme de la loi qui
régissait sa relation précédente, et l’a rendue libre de se
remarier.
Après le principe (v. 1) et l’illustration (v. 2 et 3) vient
l’application (v. 4-6) qui est la suivante : comme la mort met fin
à un mariage, ainsi la mort a mis fin à notre esclavage de la loi.
« Vous de même, mes frères, vous avez été mis à mort à l’égard
de la loi, par le corps du Christ, pour appartenir à un autre, le
Ressuscité d’entre les morts, afin que nous portions des fruits
pour Dieu » (v. 4).
C’est « le corps du Christ » qui est mort sur la croix, mais par
l’union avec lui par la foi nous avons eu part à sa mort. Ayant
été unis à Jésus-Christ par la foi, on peut dire que nous sommes
« morts … par le corps du Christ ». Et puisque nous sommes
morts, la mort nous a totalement soustraits à la sphère où la loi
exerce son pouvoir. La terrible sanction réclamée par la loi
contre le péché a été portée par Christ à notre place, ou par
nous en Christ. Par conséquent, puisque la mort de Christ a
satisfait aux exigences de la loi, nous ne sommes plus sous la
loi, mais sous la grâce.
Dans la relation entre mari et femme, c’est la mort de l’un qui
rend l’autre libre de se remarier. Dans la vie chrétienne, c’est
notre propre mort (en Christ) qui nous rend libres de nous
« remarier ». Autrefois nous étions liés à la loi, maintenant
nous sommes morts à son égard. Nous sommes donc libres de
nous unir à Christ avec lequel nous sommes non seulement
morts, mais aussi ressuscités, afin de « porter des fruits pour
Dieu ». Les œuvres que nous produisions dans l’ancienne vie
conduisaient à la mort (v. 5), dans la nouvelle nous en
produisons pour Dieu.
Jusqu’ici ces versets montrent clairement que le fait de devenir
chrétien suppose un changement radical de relation et de
soumission. La fin du chapitre 6 mettait en contraste deux
esclavages. Par contre, ici, Paul compare la position du
chrétien à deux mariages : le premier est dissous par la mort, le
second devient donc possible. Nous étions pour ainsi dire
« mariés » à la loi, notre obligation de lui obéir était aussi
contraignante que l’engagement du mariage. Mais nous avons
été libérés pour épouser Christ. Cette parabole du mariage est
une très belle illustration de la réalité et de l’intimité de notre
union avec Jésus-Christ.
Ceci nous amène aux versets 5 et 6. Après avoir opposé les deux
mariages et leurs effets (v. 4), Paul va comparer la fonction de
la loi dans les deux situations. Le verset 5 décrit notre vie avant
la conversion : « quand nous vivions selon notre nature
humaine » (BNA), et le verset 6 notre nouvelle vie : « mais
maintenant… ». Dans notre ancienne vie, la loi avait pour effet
de faire naître nos passions pécheresses et celle-ci nous
conduisaient à la mort. « Mais maintenant, morts à ce qui nous
tenait captifs, nous avons été affranchis de la loi » (v. 6).
Remarquez au verset 5 l’enchaînement de ces mots : « chair »,
« péché », « loi » et « mort ». Nos passions pécheresses prennent
naissance dans la chair, sont éveillées par la loi et mènent à la
mort. Mais maintenant nous avons été libérés de la loi et de son
incitation.
Nous avons été dégagés de la loi. Mais attention : être libéré de
la loi n’implique pas que nous soyons libres désormais de faire
ce que bon nous semble. Loin de là ! La libération de la loi.
n’appelle pas la licence, mais une autre forme d’esclavage : « de
sorte que » nous sommes esclaves (v. 6). En effet, nous sommes
libres à l’égard de la loi, mais libres pour servir, non pour
pécher. Notre nouvel esclavage de chrétiens est, littéralement,
non selon l’ancienneté de la lettre », mais dans la « nouveauté
de l’Esprit » (cf. Segond). Ici nous sommes en présence du
contraste bien connu entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance,
entre la loi et l’évangile (cf. 2 Corinthiens 3.6). L’Ancienne
Alliance était une « lettre », un code écrit sur des tables de
pierre, extérieur à nous ; la Nouvelle Alliance, l’évangile, est
« esprit », car le Saint-Esprit écrit la loi de Dieu dans nos cœurs.
Voilà notre nouvel esclavage.
Avant de terminer cette partie nous devons revenir à cette
question : le chrétien est-il encore lié par la loi ? La réponse est
non et oui. « Non », parce que notre acceptation devant Dieu ne
dépend pas d’elle. En effet, en mourant Christ a pleinement
satisfait aux exigences de la loi, si bien que nous en sommes
délivrés. Elle n’a plus aucun droit sur nous, elle ne nous
domine plus. « Oui », parce que notre nouvelle vie est encore un
esclavage. En effet, nous « servons » encore, nous sommes
encore esclaves, bien que dégagés de la loi. Mais les mobiles et
les moyens de notre service ont changé.
Pourquoi servons-nous ? Non parce que la loi est notre maître
et que nous sommes obligés de servir, mais parce que Christ est
notre « mari » et que nous avons le désir de servir. Non parce
que l’obéissance à la loi conduit au salut, mais parce que le
salut nous conduit à l’obéissance à la loi. La loi dit : Si vous
faites ceci, vous vivrez. L’évangile dit : Vous vivez, faites donc
ceci. Les mobiles ont changé.
Comment servons-nous ? Non selon la lettre qui a vieilli, mais
selon l’esprit nouveau. C’est-à-dire, non par obéissance à un
code extérieur, mais par soumission à l’Esprit qui demeure en
nous.
Résumons cette argumentation. Nous sommes encore esclaves.
La vie chrétienne est, elle aussi, une sorte d’esclavage, mais le
maître que nous servons, c’est l’Esprit et non plus la lettre. La
vie chrétienne, c’est servir Christ ressuscité par la puissance de
son Esprit qui habite en nous.

II La faiblesse de la loi (7.7-13)

« Qu’est-ce à dire ? La loi serait-elle péché ? Certes non ! Mais je


n’ai connu le péché que par la loi. Ainsi je n’aurais pas connu la
convoitise si la loi n’avait dit : Tu ne convoiteras pas. Saisissant
l’occasion, le péché a produit en moi toutes sortes de
convoitises par le moyen du commandement. Car sans loi, le
péché est chose morte. Jadis, en l’absence de loi, je vivais. Mais
le commandement est venu, le péché a pris vie et moi je suis
mort : le commandement qui doit mener à la vie s’est trouvé
pour moi mener à la mort. Car le péché, saisissant l’occasion,
m’a séduit par le moyen du commandement et, par lui, m’a
donné la mort. Ainsi donc, la loi est sainte et le
commandement, saint, juste et bon.
Alors, ce qui est bon est-il devenu cause de mort pour moi ?
Certes non ! Mais c’est le péché : en se servant de ce qui est bon,
il m’a donné la mort, afin qu’il fût manifesté comme péché et
qu’il apparût dans toute sa virulence de péché, par le moyen du
commandement. »
Le verset 5 semblait rendre la loi responsable de nos péchés et
de notre mort : « Quand nous étions dans la chair, les passions
pécheresses, se servant de la loi, agissaient en nos membres,
afin que nous portions des fruits pour la mort. » À présent,
l’apôtre prend la défense de la loi contre cette critique injuste à
laquelle il a semblé un instant faire écho. Remarquez ses
questions : « Qu’est-ce à dire ? La loi serait-elle péché ? » (v. 7).
Et : « Ce qui est bon (c’est-à-dire la loi) est-il devenu cause de
mort pour moi ? » (v. 13). En d’autres termes, la loi de Dieu est-
elle responsable de mon péché et de ma mort ? Arrêtons-nous
sur ces deux questions et sur la réponse que Paul y apporte.

1 La loi est-elle péché ? (v. 7-12)


Si nous devons être libérés de la loi pour porter du fruit pour
Dieu (v. 4), cela ne signifie-t-il pas que la loi est responsable de
notre conduite pécheresse ? La réponse de Paul est un non
catégorique. Et dans les versets suivants, il explique la relation
entre la loi et le péché. La loi, dit-il, ne crée pas le péché ; si vous
êtes pécheur ce n’est pas la faute de la loi. La relation entre le
péché et la loi est triple.
a) La loi révèle le péché. « Je n’ai connu le péché que par la loi.
Ainsi je n’aurais pas connu la convoitise si la loi n’avait dit : tu
ne convoiteras pas » (v. 7). Ou encore : « La loi, en effet, ne
donne que la connaissance du péché » (3.20).
b) La loi provoque le péché. Non seulement elle le révèle, mais
elle le suscite et l’éveille, comme nous l’avons déjà vu au verset
5. « Saisissant l’occasion, le péché a produit en moi toutes
sortes de convoitises par le moyen du commandement » (v. 8).
Le terme « occasion » est utilisé pour désigner une base
militaire d’où partent des opérations offensives.
Voilà ce que fait la loi. Elle nous incite à pécher. Quant à la
façon dont cela se passe, c’est une affaire d’expérience
quotidienne. Tout automobiliste connaît bien les panneaux de
limitation de vitesse. Et, si je ne me trompe, la réaction
instinctive de beaucoup d’entre nous est : « Et pourquoi
ralentirais-je ? » Voilà notre réaction en face d’une loi. Ou
encore, lorsque nous voyons sur une porte : « Entrée interdite »
ou « Privé », n’avons-nous pas aussitôt envie de faire ce qui
nous est interdit, parce que les ordres et les interdictions de la
loi nous poussent à faire le contraire ? C’est ce que Paul a
découvert à propos du dixième commandement interdisant la
convoitise : « Saisissant l’occasion, le péché a produit en moi
toutes sortes de convoitises. » Ainsi la loi révèle le péché et le
provoque.
c) La loi condamne le péché. « Car, sans la loi, le péché est chose
morte. Jadis, en l’absence de loi, je vivais. Mais le
commandement est venu, le péché a pris vie et moi je suis mort
(c’est-à-dire que je suis tombé sous le jugement de la loi) : le
commandement qui doit mener à la vie s’est trouvé pour moi
mener à la mort. Car le péché, saisissant l’occasion, m’a séduit
par le moyen du commandement et, par lui, m’a donné la
mort » (v. 8-11). Il est possible que l’apôtre relate ici ses
premières expériences personnelles : dans son enfance il
ignorait les exigences de la loi et, « en l’absence de loi », il était
vivant spirituellement parlant. Mais plus tard, peut-être vers
13 ans (âge auquel le jeune garçon juif s’engage devant les
obligations de la loi et devient un « fils de la loi »), d’après ses
propres termes si suggestifs, « le commandement est venu, le
péché a pris vie et moi je suis mort » (sous le jugement de la loi)
(v. 9). Ou alors il résume l’histoire de l’humanité : Dieu a donné
la loi pour révéler le péché, pour le provoquer même et
l’accroître, et par là le condamner. En tout cas, la même loi qui
promettait la vie (« L’homme qui la mettra en pratique vivra
par elle » — voir Lévitique 18.5) apporte la mort spirituelle à
Paul, et se servant du commandement comme base
d’opération, l’a trompé et tué.
Voici donc les trois effets dévastateurs de la loi : elle révèle, elle
provoque et elle condamne le péché. Mais la loi en elle-même
n’est pas péché. Pas plus qu’elle n’entraîne par elle-même
l’homme à pécher. C’est « le péché », notre nature pécheresse,
qui se sert de la loi pour faire pécher les hommes et les conduire
à la ruine. En elle-même (v. 12) « la loi est sainte et le
commandement, saint, juste et bon ». Cela nous amène à la
deuxième question.
2 La loi est-elle devenue une cause de
mort ? (v. 13)

Il est bien vrai que : « Le commandement qui doit mener à la vie


s’est trouvé pour moi mener à la mort » (v. 10). Mais Paul dit-il
que la loi est coupable d’offrir d’une main la vie en donnant de
l’autre la mort ? « Ce qui est bon est-il devenu cause de mort
pour moi ? » Est-ce la faute de la loi si je suis mort ? De nouveau
la réponse de l’apôtre est un non vigoureux. « C’est le péché : en
se servant de ce qui est bon, il m’a donné la mort » (v. 13). En
fait, la nature foncièrement perverse du péché se voit dans la
manière dont il exploite une bonne chose (la loi) pour de
mauvais desseins. Mais nous ne pouvons pas incriminer la loi
pour cela, nous devons incriminer le péché.
J’aimerais illustrer cela ainsi : Imaginons un criminel pris en
flagrant délit; il a perpétré un crime, il a enfreint la loi. Que va-
t-il se passer ? Arrêté, il sera inculpé, jugé et condamné à une
peine d’emprisonnement. Pendant qu’il languit dans sa cellule,
il est tenté de reprocher son emprisonnement à la loi. Et il est
bien vrai que la loi l’a convaincu de crime et l’a condamné. En
réalité, il n’a de reproche à faire qu’à lui même et à sa conduite
criminelle : il est en prison parce qu’il a commis un crime. Bien
sûr, c’est la loi qui l’a condamné, mais il ne peut s’en prendre
qu’à lui-même et non à la loi.
Ainsi Paul met la loi hors de cause. La loi révèle le péché, elle
provoque le péché, elle condamne le péché. Mais on ne peut la
tenir pour responsable de nos péchés ou de notre mort. Comme
l’écrit le Professeur F.F. Bruce à propos de ce verset, « le traître
dans l’affaire, c’est le péché » — c’est-à-dire le péché qui
demeure en nous (la chair), qui est éveillé par la loi. Les
« antinomiens » qui prétendent que toutes nos difficultés
viennent de la loi ont absolument tort. Notre
véritableproblème, c’est le péché et non la loi. C’est donc bien
le péché qui demeure en nous, notre « chair » ou notre nature
déchue, qui explique l’impuissance de la loi pour nous sauver.
La loi ne peut pas nous sauver pour la bonne raison que nous
sommes incapables de l’observer, et nous le sommes à cause du
péché qui demeure en nous.

III La justice de la loi (7.14 - 8.4)

« Nous savons, certes, que la loi est spirituelle ; mais moi, je suis
charnel, vendu comme esclave au péché. Effectivement, je ne
comprends rien à ce que je fais : ce que je veux, je ne le fais pas,
mais ce que je hais, je le fais. Or, si ce que je ne veux pas, je le
fais, je suis d’accord avec la loi et reconnais qu’elle est bonne ;
ce n’est donc pas moi qui agis ainsi, mais le péché qui habite en
moi. Car je sais qu’en moi — je veux dire dans ma chair — le
bien n’habite pas : vouloir le bien est à ma portée, mais non pas
l’accomplir, puisque le bien que je veux, je ne le fais pas et le
mal que je ne veux pas, je le fais. Or, si ce que je ne veux pas, je
le fais, ce n’est pas moi qui agis, mais le péché qui habite en
moi. Moi qui veux faire le bien, je constate donc cette loi : c’est
le mal qui est à ma portée. Car je prends plaisir à la loi de Dieu,
en tant qu’homme intérieur, mais, dans mes membres, je
découvre une autre loi qui combat contre la loi que ratifie mon
intelligence ; elle fait de moi le prisonnier de la loi du péché qui
est dans mes membres. Malheureux homme que je suis ! Qui
me délivrera de ce corps qui appartient à la mort ? Grâces
soient rendues à Dieu par Jésus-Christ, notre Seigneur !
Me voilà donc à la fois assujetti par l’intelligence à la loi de Dieu
et par la chair à la loi du péché.
Il n’y a donc, maintenant, plus aucune condamnation pour
ceux qui sont en Jésus-Christ. Car la loi de l’Esprit qui donne la
vie en Jésus-Christ m’a libéré de la loi du péché et de la mort.
Ce qui était impossible à la loi, car la chair la vouait à
l’impuissance, Dieu l’a fait : en envoyant son propre Fils dans
la condition de notre chair de péché, en sacrifice pour le péché,
il a condamné le péché dans la chair, afin que la justice exigée
par la loi soit accomplie en nous, qui ne marchons pas sous
l’empire de la chair mais de l’Esprit. »
Nous avons considéré la loi dans sa rigueur, ses
commandements inflexibles, dont nous avons, été délivrés par
la mort de Christ, de telle sorte que nous ne sommes plus sous
la loi. Nous avons aussi considéré la loi dans sa faiblesse, qui ne
tient pas à la loi elle-même, mais à nous,. à notre chair. À
présent nous allons envisager la loi dans sa justice. En effet,
nous verrons comment le chrétien prend d’abord plaisir à la loi
par son intelligence et comment il accomplit ensuite sa justice
par la puissance de l’Esprit qui demeure en lui.

1 La question de l’expérience de Paul

Avant d’analyser le texte en détail, il nous faut examiner un des


problèmes importants qu’il pose. En effet, on remarque
d’emblée deux changements à partir du verset 14.

1. Un changement du temps des verbes. Dans le paragraphe


précédent (7-13) les versets sont presque tous au passé
(aoriste) et semblent donc se rapporter à l’expérience
passée de Paul. Par exemple : « le péché a pris vie et moi je
suis mort » (v. 9); « le péché … m’a donné la mort » (v. 11) ;
« Ce qui est bon est-il devenu cause de mort pour moi?
Certes non ! Mais c’est le péché… » (v. 13). Au contraire, à
partir du verset 14 les verbes sont au présent et semblent
donc se référer à l’expérience présente de Paul : « Je suis
charnel » (v. 14) ; « ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce
que je hais, je le fais » (v. 15).
2. Un changement de situation. Dans le paragraphe
précédent Paul décrit comment le péché a pris vie en lui à
cause de la loi et lui a apporté la mort. Au contraire, dans ce
paragraphe-ci il décrit le combat acharné et sans relâche
contre le péché, dans lequel, en combattant actif, il refuse
la défaite.

Or, ces deux changements nous suggèrent d’emblée que dans


les versets 7-13 Paul décrit sa vie avant d’être chrétien, et dans
les versets 14 et suivants sa vie de chrétien. Quelques
commentateurs (et ceci depuis l’époque des Pères de l’Église)
ont rejeté ce point de vue. Ils ne peuvent concevoir qu’un
croyant et encore moins un croyant de la maturité de Paul,
puisse décrire son expérience chrétienne dans les termes d’une
lutte aussi acharnée — et en vérité si acharnée qu’il découvre
qu’il n’en sortira pas vainqueur. C’est pourquoi ils disent que
ce texte ne peut que décrire le conflit que Paul avait connu
avant d’être chrétien.
Mais le portrait que l’apôtre trace de lui-même dans ces versets
présente deux caractéristiques qui ont conduit les
Réformateurs et, depuis eux, la plupart des commentateurs
protestants, à affirmer que Paul décrit bel et bien sa vie
présente de chrétien. La première de ces caractéristiques est
son opinion sur lui-même, et la seconde, son opinion sur la loi.

1. L’opinion de Paul sur lui-même. « Je sais qu’en moi — je veux


dire dans ma chair — le bien n’habite pas » (v. 18).
« Malheureux homme que je suis ! » (v. 24) et il appelle à
grands cris la délivrance. Qui peut penser et parler ainsi de
lui-même, si ce n’est un croyant adulte ? L’incroyant est
caractérisé par la propre justice et n’admettrait jamais
qu’il puisse être une misérable créature. Le chrétien jeune
dans la foi est caractérisé par une confiance en soi et ne se
demande pas qui le délivrera. Seul le croyant adulte
parvient au dégoût et au désespoir de soi. Lui seul
reconnaît avec une parfaite lucidité qu’il n’y a rien de bon
dans sa chair. Lui seul accepte sa misère et réclame avec foi
la délivrance. Voilà ce que Paul pense de lui-même.
2. L’opinion de Paul sur la loi. Tout d’abord il appelle la loi de
Dieu « bonne » (v.16), ou « le bien que je veux » (v. 19).
Autrement dit, il reconnaît que la loi est bonne en elle-
même, et de tout son être il aspire à lui obéir. « Au fond de
moi-même, je prends plaisir à la loi de Dieu » (BNÀ v. 22).
Un incroyant ne parlerait certainement pas comme cela.
Son attitude à l’égard de la loi est décrite en Romains 8 .7,
où il est dit que « la chair », notre nature irrégénérée, est en
révolte contre Dieu ; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu,
elle ne le peut même pas ». Par contre, loin d’être hostile à
la loi de Dieu, Paul dit qu’il l’aime. Et s’il est hostile, c’est à
l’égard de ce qui est mauvais. Voilà ce qu’il déclare haïr.
Mais ce qui est bon, il l’aime et y prend plaisir.

De ces deux traits particuliers nous déduisons que celui qui


parle dans la dernière partie du chapitre 7 est un chrétien
adulte dans la foi, qui a été amené à une juste compréhension et
de sa nature pécheresse et de la loi sainte de Dieu. Sa
conviction, c’est qu’en lui-même il n’y a rien de bon, tandis que
la loi de Dieu est le bien qu’il désire. Le verset 14 le résume
ainsi : « La loi est spirituelle ; mais moi je suis charnel. »
Il est utile de noter le fait que « la loi est spirituelle ». Nous ne
devons jamais présenter la loi et l’Esprit comme deux termes
opposés et contradictoires. Ils ne le sont pas. En effet, Le Saint-
Esprit écrit la loi dans nos cœurs. Ce que Paul oppose à l’Esprit
qui habite en nous, ce n’est pas la loi, mais la « lettre », c’est-à-
dire la loi perçue simplement comme un code extérieur.
J’aimerais cependant insister sur le fait que celui qui discerne
la nature spirituelle de la loi de Dieu et sa propre nature
charnelle est un chrétien qui est parvenu à une certaine
maturité.
Si cela est vrai, alors pourquoi Paul décrit-il son expérience
comme un combat, certes, mais dont l’issue est une défaite ?
Pourquoi dit-il que d’une part il veut faire le bien, et que
d’autre part il ne le fait pas et ne peut pas le faire ?
La réponse est sûrement la suivante. Dans ce qui précède (v. 7-
13) il a montré que comme incroyant, il était incapable
d’observer la loi. Ici (v. 14 et ss.) il montre que, tout croyant
qu’il est, il reste incapable par lui-même de l’observer. Il est
capable de reconnaître que la loi est bonne, d’y prendre plaisir
et de tendre de tout son être à l’observer, toutes choses
impossibles quand il était incroyant. Car sa chair, sa nature
déchue, qui causait sa défaite avant sa conversion parce qu’elle
le menait au péché et à la mort, causera encore sa défaite après
sa conversion, à moins qu’elle ne soit soumise à la puissance du
Saint-Esprit. Ce point est plus développé dans le chapitre 8.
En vérité, reconnaître avec honnêteté et humilité que notre
chair est irrémédiablement mauvaise, même après la nouvelle
naissance, voilà le premier pas vers la sainteté. Disons-le
franchement, certains d’entre nous ne mènent pas une vie
sainte pour la bonne raison qu’ils ont une trop haute opinion
d’eux-mêmes. Et nous ne crierons au secours tant que nous
n’avons pas vu notre propre misère. Autrement dit, le seul
chemin pour par venir à la foi en la puissance du Saint-Esprit
passe par un profond désespoir de soi. Il n’existe pas
d’expédient qui permette de régler ce problème une fois pour
toutes. La chair est tellement puissante et subtile que nous
n’avons pas le droit de nous reposer un instant. Notre seul
espoir est d’être, sans relâche, vigilants et dépendants du
Saint-Esprit.
Ainsi, les deux parties envisagées ici mettent en lumière — que
nous soyons croyants ou incroyants — le fait que le péché en
nous, la chair, reste notre gros problème et qu’il est la cause de
l’impuissance de la loi pour nous aider.

2 Examen détaillé du texte

Versets 14-20. Il est utile de remarquer que dans ce passage Paul


redit par deux fois exactement la même chose, sans aucun
doute pour l’appuyer fortement : d’abord en 14-17, ensuite en
18-20. Comme ces deux sections sont pratiquement parallèles,
nous pouvons les traiter ensemble.
1. Chaque section commence par un aveu sans détours de notre
condition, de ce que nous sommes en nous-mêmes et de ce que
nous savons sur nous mêmes.
Ainsi au verset 14 ; « nous savons » — alors que la loi est
spirituelle — « … que moi je suis charnel, vendu comme esclave
au péché ». Tout chrétien que je suis, voilà ce que je suis en moi-
même. La chair habite en moi et m’assaille, et moi, je ne suis
pas de taille à lutter avec elle. Bien plus, par moi-même et livré
à moi même, je suis son esclave, qui se rebelle et résiste, mais
esclave tout de même. Également au verset 18 : « Je sais qu’en
moi — je veux dire dans ma chair — le bien n’habite pas. »
Voici donc ce que je sais de moi, parce que le Saint Esprit me l’a
montré : La chair demeure encore en moi, il n’y a rien de bon
en elle et, si je suis livré à moi-même, elle me tiendra captif,
même en tant que chrétien.
2. Chaque section continue par une description réaliste du
conflit qui découle de cet état : « Mes propres actes, je ne les
reconnais pas, ma façon d’agir me paraît étrangère à moi-
même » — c’est-à-dire que j’agis contre ma volonté, je fais ce
que je ne peux approuver en tant que chrétien — « car je fais,
non ce que ma volonté a décidé, mais ce que je déteste » (v. 15-
16, LPNT). La même pensée sera encore renforcée aux versets
18 et 19 : « Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas
l’accomplir, puisque le bien que je veux, je ne le fais pas et le
mal que je ne veux pas, je le fais. »
Je voudrais insister une fois de plus sur le fait qu’il s’agit bien
là du conflit d’un chrétien qui, tout en connaissant la volonté
de Dieu, l’aimant, la désirant et aspirant à y obéir, découvre
qu’il reste incapable par lui-même de l’accomplir. De tout mon
être, intelligence et volonté, il est attaché à la volonté et à la loi
de Dieu. Il désire ardemment faire le bien. Il déteste faire le mal
et le hait d’une sainte haine. Mais s’il se livre au péché, c’est
contre son intelligence et contre sa volonté. Et c’est tout à fait
contraire au véritable sens de sa vie. Voilà en quoi consiste le
conflit du chrétien.
3. Chaque section se termine par une conclusion exprimée en
termes identiques, dans laquelle Paul traite de la cause de
l’incapacité morale du chrétien en lui même, sans l’aide du
Saint-Esprit : « Si ce que je ne veux pas je le fais, » — situation
que l’on peut ramasser en ces mots : volonté, mais incapacité —
alors je ne peux évidemment accuser la loi de mon inconduite,
parce que « je reconnais que la loi est bonne ». On ne peut pas
vraiment dire que c’est « moi qui agis ainsi », parce que je ne le
fais pas volontairement, mais plutôt contre mon gré. C’est « le
péché qui habite en moi » qui agit de la sorte (v. 16 et 17). Ou
encore : « Si ce que je ne veux pas, je le fais, ce n’est pas moi qui
agis, mais le péché qui habite en moi » (v. 20).
Nous résumerons ainsi l’enseignement de ces deux sections
parallèles. Tout d’abord notre condition : Je sais que la chair
habite en moi, qu’il n’y a rien de bon en elle et qu’elle me tient
captif si je suis livré à moi-même. Ensuite le conflit qui en
découle : Je ne peux pas faire ce que je veux, mais je fais ce que
je déteste. Enfin la conclusion : Si mes actions vont contre ma
volonté, c’est à cause du péché qui habite en moi. Tout au long
de cet exposé, Paul veut mettre en évidence qu’il n’y a rien de
bon dans notre chair, afin de nous convaincre que seul le Saint-
Esprit peut nous en délivrer.
Versets 21-25. Dans ce passage, l’apôtre fait un pas de plus dans
son argumentation. Après avoir décrit sa condition et son
conflit en termes directs, il va les exprimer d’une façon plus
théorique, en termes de « lois » ou de « principes » agissant dans
sa vie. Le principe général est exposé au v. 21 : « Je constate
donc » — c’est-à-dire que je tire de mon expérience une
conclusion logique — « Je constate donc cette loi : c’est le mal
qui est à ma portée. »
Ce principe général est ensuite subdivisé en deux lois ou forces
distinctes et opposées, appelées « la loi de mon intelligence » et
« la loi du péché »(v. 23). « La loi de mon intelligence » fait que
« je prends plaisir à la loi de Dieu, en tant qu’homme intérieur »
(v. 22). « La loi du péché » s’exerce « dans mes membres » et, dit
l’apôtre, « combat contre la loi que ratifie mon intelligence ;
elle fait de moi son prisonnier. » « La loi de mon intelligence »
est une force qui agit dans mon « homme intérieur », mon
intelligence et ma volonté, et qui aime la loi de Dieu. Mais la
« loi du péché » est une force qui agit « dans mes membre », dans
ma chair, et qui hait la loi de Dieu. Voici donc la logique qui se
dégage de la vie chrétienne : notre expérience nous apprend
que le bien que nous voulons, nous ne le faisons pas, tandis que
le mal que nous haïssons, nous le faisons. Le principe sur lequel
tout repose, c’est qu’il existe deux lois opposées, la loi de mon
intelligence et la loi du péché. Ou, plus simplement, mon
intelligence et ma chair ; mon intelligence renouvelée et ma
chair non renouvelée et impossible à renouveler. Ce combat est
bien réel, il est acharné et sans rémission. Tout chrétien en fait
l’expérience. Par son intelligence il prend plaisir à la loi de Dieu
et aspire à l’accomplir, mais sa chair est hostile et refuse de se
soumettre à la loi (cf. 8.7).
C’est ce conflit qui ne cesse de nous faire pousser ces deux cris
apparemment contradictoires : « Malheureux homme que je
suis ! Qui me délivrera… ? » et « Grâces soient rendues à Dieu
par Jésus-Christ notre Seigneur ! » (v. 24 et 25). Le premier est
un cri de désespoir, le second un cri de triomphe. Mais les deux
sont l’expression d’un croyant adulte qui déplore la profonde
corruption de sa nature et soupire après la délivrance, mais qui
exulte aussi en Dieu par Jésus-Christ, son seul et unique
Libérateur. Bien plus, la libération qu’il réclame n’est pas
seulement une maîtrise de soi pour le temps présent, c’est aussi
à l’heure de la mort puis, au dernier jour, lorsqu’il revêtira un
corps nouveau et glorieux, une délivrance (littéralement « hors
de ») « de ce corps qui appartient à la mort ».
Personnellement je ne crois pas que, dans cette vie, le chrétien
passe, à un moment donné, définitivement d’un cri à l’autre,
de l’expérience de Romains 8, du désespoir à la victoire.* Non !
* Ceux qui croient que le plan de Dieu pour nous est
d’échanger le conflit de Romains 8 doivent se heurter à
la dernière phrase du chapitre 7. En effet,
immédiatement après le cri de triomphe et de
reconnaissance, Paul revient au conflit et conclut en le
résumant : « Me voilà donc à la fois assujetti par
l’intelligence à la loi de Dieu et par la chair à la loi du
péché. »
Il ne cessera à la fois d’appeler au secours et d’exulter toujours
en son Libérateur.
Chaque fois que nous prenons conscience des désirs dépravés
de notre nature déchue et du conflit irréductible entre elle et
notre intelligence, il nous tarde d’être débarrassés du péché et
de la corruption qui habitent en nous. Alors nous crions :
« Malheureux homme que je suis ! » — C’est bien ce que nous
sommes et resterons — « Qui me délivrera de ce corps qui
appartient à la mort ? » Mais aussitôt, nous répondons à notre
question angoissée et, dans un cri de triomphe, nous
remercions notre Dieu pour son grand salut. Car nous savons
qu’il est Celui qui peut vaincre dès à présent notre nature
humaine par son Esprit et que c’est lui qui, au dernier jour, à la
résurrection, nous donnera un corps nouveau, libéré du péché.
Dans le dernier verset (25) Paul résume de façon
admirablement nette la double sujétion du chrétien. Par mon
intelligence — de tout mon cœur et de toute mon âme,
pourrait-on dire — je sers la loi de Dieu, mais dans ma chair — à
moins qu’elle ne soit soumise par l’Esprit — je sers la loi du
péché. Or, nul ne peut servir deux maîtres à la fois, et savoir si
je servirai la loi de Dieu ou la loi du péché, dépend de qui
exercera l’autorité : mon intelligence ou ma chair. Alors se
pose la question : comment l’intelligence peut-elle prendre de
l’influence sur la chair ?
Ceci nous conduit au début du chapitre 8 qui traite du
bienheureux ministère du Saint-Esprit qui, bien que présent à
l’arrière-plan, n’a guère été nommé au chapitre 7. Voici
comment progresse la pensée d’un chapitre à l’autre : à la fin de
Romains 8.4 cependant, il y prend non seulement plaisir, mais
il l’accomplit grâce à l’Esprit qui habite en lui.
Chapitre 8. 1-4 Aux versets 1 et 2 l’apôtre fait un pas en arrière et
embrasse d’un regard tout le panorama de la vie chrétienne. Il
dépeint les deux grandes bénédictions du salut que nous
recevons si nous sommes « en Jésus-Christ » : « En Jésus-Christ
il n’y a plus de condamnation » ; et « En Jésus-Christ la loi de
l’Esprit qui donne la vie… m’a libéré de la loi du péché et de la
mort. » En d’autres termes, le salut appartient à ceux qui sont
en Jésus-Christ, qui lui sont unis de façon vitale par la foi, et le
salut est la libération de la condamnation et de l’esclavage du
péché. En outre, quand l’apôtre écrit qu’il n’y a pas de
condamnation pour ceux qui sont en Christ parce que l’Esprit
les a affranchis de la loi, il ne considère pas notre sanctification
comme la source ou le fondement de notre justification, mais
plutôt comme son fruit nécessaire. Il dit en quelque sorte :
« Nous savons qu’en Christ nous ne sommes plus condamnés,
mais justifiés, parce qu’en Christ nous avons aussi été libérés. »
Les deux choses sont inséparablement liées.
Mais comment ce double effet du salut est-il mis à notre
portée ? La réponse se trouve dans la suite. Les versets 1 et 2
exposent l’étendue du salut : ni condamnation, ni esclavage ;
les versets 3 et 4 développent le chemin du salut : la manière
dont Dieu l’accomplit.
En vérité, la première chose à remarquer c’est que Dieu en est
l’auteur. Remarquez le verset 3 : « Ce qui était impossible à la
loi, car la chair la vouait à l’impuissance, Dieu l’a fait. » Tout au
long du chapitre 7 nous avons vu que l’impuissance de la loi ne
lui est pas inhérente. La faiblesse n’est pas en elle, mais en
nous, à cause de notre chair. Oui, à cause de notre chair nous ne
pouvons pas observer la loi. Et parce que nous ne pouvons pas
l’observer, elle ne peut nous sauver. Elle ne peut ni nous
justifier, ni nous sanctifier. Donc, « ce qui était impossible à la
loi, car la chair la vouait à l’impuissance, Dieu l’a fait ».
Comment l’a-t-il réalisé ? Par son Fils (v. 3) et par son Esprit (v.
4). Par la mort de son Fils incarné, Dieu nous justifie ; par la
puissance de son Esprit qui habite en nous, il nous sanctifie.
Nous devons examiner de plus près ce merveilleux ministère
du Fils de Dieu et de l’Esprit de Dieu. Tout d’abord Dieu a
envoyé son Fils, « son propre Fils ». L’expression « dans une
chair semblable à celle du péché » (cf. versions Segond, de
Jérusalem) est très importante. Ce n’est pas « avec une chair de
péché », parce que Jésus était sans péché, ni « dans la
ressemblance de la chair », parce que Jésus était réellement
homme, mais « dans une chair semblable à celle du péché »,
parce que Jésus était réellement incarné et sans péché.
Dieu a aussi envoyé son Fils « pour le péché » (peri harmartias).
On peut comprendre cette expression d’une manière générale,
dans le sens que Christ est venu pour s’occuper du problème du
péché. Ou bien on peut le comprendre dans un sens plus précis,
par référence à sa mort « en sacrifice pour le péché »,
puisqu’elle a fréquemment ce sens dans la version de l’Ancien
Testament.
La mort de Jésus-Christ « en sacrifice pour le péché » est
expliquée dans la phrase suivante qui est remarquable : « Dieu a
condamné le péché dans la chair. » C’est dans la chair de Jésus
— réellement incarné et sans péché, cependant fait péché par
nos péchés (cf. 2 Corinthiens 5.21) — que Dieu a condamné le
péché. Il a condamné nos péchés dans la chair sans péché de
son Fils qui s’en est chargé.
Et pourquoi l’a-t-il fait ? Non seulement pour notre
justification (bien qu’en vérité il n’y ait maintenant plus
aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ,
parce qu’en Jésus-Christ Dieu a condamné le péché), mais plus
encore « pour que la justice exigée par la loi soit accomplie en
nous, qui ne marchons pas sous l’empire de la chair mais de
l’Esprit » (v. 4). Ce verset est d’une importance capitale pour la
compréhension de la doctrine chrétienne de la sanctification.
Il nous enseigne en tout cas trois vérités essentielles :

1. La sainteté est le but de l’incarnation et de la mort de


Christ. Il nous est dit expressément que Dieu a envoyé son
Fils dans une chair semblable à la chair de péché
(l’incarnation) et a condamné le péché dans la chair
(l’expiation). Cela pour que la justice de la loi puisse être
accomplie en nous. Dieu a condamné le péché en Christ,
afin que la sainteté puisse se manifester en nous.
2. La sainteté se trouve dans la justice, « une vie juste,
conforme aux exigences de la loi » (LPNT). Si elle est ainsi
nommée, ce verset 4 devient l’un des versets les plus
embarrassants du Nouveau Testament pour les tenants de
la Nouvelle Morale qui prétendent que pour le chrétien la
notion de loi est abolie. Mais au lieu d’abolir la loi, Dieu a
envoyé son propre Fils avec le dessein d’accomplir sa
justice en nous. Ainsi l’obéissance à la loi, qui n’est ni ne
peut être le fondement de notre justification, apparaît
comme son fruit.
3. La sainteté est l’œuvre du Saint-Esprit, car « la justice
exigée par la loi » est réalisée en nous uniquement quand
« nous marchons… selon l’Esprit » (version Segond). Nous
avons vu que presque tout Romains 7 est consacré au
thème de notre impuissance à observer la loi à cause de
notre « chair ». Ainsi, le seul moyen d’accomplir la loi, c’est
que nous « marchions non plus sous l’empire de la chair,
mais de l’Esprit », par sa puissance et sous son contrôle.
Ces trois vérités capitales concernant la sanctification du
chrétien nous apprennent pourquoi nous devons être saints,
quelle est cette sainteté et comment nous pouvons y parvenir.
Le fondement de la sainteté, c’est la justice de la loi, la
conformité à la volonté de Dieu révélée dans la loi. Le moyen de
parvenir à la sainteté, c’est la puissance du Saint-Esprit.
Pour conclure, il nous faut jeter un coup d’œil rétrospectif sur
l’ensemble de ce chapitre long et compliqué. Je l’ai intitulé « la
libération de la loi ». J’aurais tout aussi bien pu l’appeler
« l’accomplissement de la loi », puisqu’il nous enseigne ces
deux vérités. Il commence par la déclaration que le chrétien est
dégagé de la loi : « Maintenant, nous avons été affranchis de la
loi » (7 .6). Il termine par la déclaration que le chrétien a le
devoir de l’observer : « Pour que la justice exigée par la loi soit
accomplie en nous » (8 .4). De plus, notre libération et notre
devoir ont tous deux leur cause dans la mort de Christ (7.4 et
8.3 -4) !
« Mais c’est une contradiction inadmissible » peut-on objecter.
« Comment puis-je être à la fois libéré de la loi et contraint à
l’observer ? » Le paradoxe n’est pas difficile à résoudre. Nous
sommes libérés de la loi comme moyen qui nous permet d’être
acceptés par Dieu, mais nous avons le devoir d’obéir à la loi
comme moyen de progresser dans la sainteté. Nous ne sommes
plus liés à la loi comme fondement de notre justification :
« Nous ne sommes plus sous la loi, mais sous la grâce. » Mais
nous sommes encore liés à la loi comme norme de conduite et,
si nous marchons selon l’Esprit, nous chercherons à
l’accomplir. La suite du chapitre 8 que nous allons étudier nous
apprend ce que signifie marcher selon l’Esprit.
4 La vie dans l’esprit

Le quatrième privilège du chrétien est la vie dans l’Esprit.


Jusqu’ici il n’a guère été question du Saint-Esprit de façon bien
marquée. Il n’est même pas nommé au chapitre 6. Il est
mentionné une fois au chapitre 5, comme celui qui répand
l’amour de Dieu dans nos cœurs (v. 5), et une fois au chapitre 7,
où il est écrit que, chrétiens, nous sommes esclaves, non d’un
code extérieur, mais d’un Esprit qui habite en nous (v. 6). Au
chapitre 8, au contraire, le Saint-Esprit vient au premier plan.
La vie chrétienne, la vie de celui qui est justifié par la foi, est
envisagée essentiellement comme une vie dans l’Esprit, c’est-à-
dire une vie animée, soutenue, dirigée et enrichie par le Saint-
Esprit. Ce chapitre nous décrit l’action de l’Esprit en
particulier dans quatre domaines. Premièrement, en relation
avec notre chair, notre nature déchue. Deuxièmement, en
relation avec notre appartenance filiale, l’adoption qui fait de
nous des fils de Dieu. Troisièmement, en relation avec notre
héritage à venir qui comprend la rédemption de nos corps au
dernier jour. Quatrièmement, en relation avec nos prières où
nous devons reconnaître notre faiblesse.
L’action bienfaisante du Saint-Esprit dans ces quatre domaines
peut se résumer ainsi : il soumet notre chair (v. 5-13) ; il atteste
que nous sommes fils (v. 14-17) ; il garantit notre héritage (v. 18-
25) ; il vient au secours de notre faiblesse dans la prière (v. 26-
27). Puis, le chapitre s’achève par cette affirmation, inégalée en
majesté : les desseins de Dieu sont invincibles et, par
conséquent, le peuple de Dieu est absolument et éternellement
en sécurité (v. 28-39).

I Le ministère du Saint-Esprit (8.5-


27)

« En effet, sous l’empire de la chair, on tend à ce qui est charnel,


mais sous l’empire de l’Esprit, on tend à ce qui est spirituel : la
chair tend à la mort, mais l’Esprit tend à la vie et à la paix. Car
le mouvement de la chair est révolte contre Dieu; elle ne se
soumet pas à la loi de Dieu, elle ne le peut même pas. Sous
l’empire de la chair on ne peut plaire à Dieu. Or vous, vous
n’êtes pas sous l’empire de la chair mais de l’Esprit, puisque
l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du
Christ, il ne lui appartient pas. Si Christ est en vous, votre
corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais
l’Esprit est votre vie à cause de la justice. Et si l’Esprit de Celui
qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui
qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts donnera aussi la
vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous.
Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la
chair pour devoir vivre de façon charnelle. Car si vous vivez de
façon charnelle, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites
mourir votre comportement charnel, vous vivrez. En effet,
ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu :
Vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous
ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de nous des fils
adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. Cet Esprit lui-
même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu .
Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers de
Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part
aussi à sa gloire.
J’estime en effet que les souffrances du temps présent sont
sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. Car
la création attend avec impatience la révélation des fils de
Dieu : livrée au pouvoir du néant — non de son propre gré,
mais par l’autorité de celui qui l’y a livrée —, elle garde
l’espérance, car elle aussi sera libérée de l’esclavage de la
corruption, pour avoir part à la liberté et à la gloire des enfants
de Dieu. Nous le savons en effet : la création tout entière gémit
maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle
n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de
l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption,
la délivrance pour notre corps. Car nous avons été sauvés, mais
c’est en espérance. Or, voir ce qu’on espère n’est plus espérer :
ce que l’on voit, comment l’espérer encore ? Mais espérer ce
que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec persévérance.
De même, l’Esprit aussi vient en aide à notre faiblesse, car nous
ne savons pas prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même
intercède pour nous en gémissements inexprimables, et Celui
qui scrute les cœurs sait quelle est l’intention de l’Esprit : c’est
selon Dieu en effet que l’Esprit intercède pour les saints. »

1 L’Esprit soumet notre chair (v. 5


-13)

Le verset 4 étudié dans le chapitre précédent dit que « la justice


exigée par la loi » ne peut être réalisée en nous, croyants, que si
nous « ne marchons pas sous l’empire de la chair mais de
l’Esprit », en suivant ses incitations et en nous soumettant à
son autorité.
À présent, l’apôtre Paul explique pourquoi il en est ainsi. Dans
tout cela notre pensée joue un rôle important. En effet, notre
marche dépend de notre pensée, notre manière de vivre est
commandée par notre façon de voir les choses ; « comme
l’homme pense en son âme, ainsi il est » (Proverbes 23.7, trad.
litt.), et ainsi il se conduit. Au fond, ce sont nos pensées qui
régissent nos comportements.
C’est bien ce que l’apôtre écrit au verset 5 : « En effet » — c’est-à-
dire voilà pourquoi nous pouvons accomplir la loi, à condition
de marcher selon l’Esprit — « ceux qui vivent (littéralement
« sont ») selon la chair, s’attachent aux choses de la chair, mais
ceux qui vivent selon l’Esprit s’attachent aux choses de
l’Esprit » (version Synodale). Or « s’attacher » (phroneo, en
grec*) aux choses charnelles ou spirituelles, cela signifie avoir
ses pensées tournées vers elles. Il s’agit des préoccupations ou
des désirs qui nous poussent, des intérêts qui nous captivent.
C’est la manière dont nous employons notre temps, notre
argent et nos forces. Il s’agit de toutes les choses auxquelles
nous nous adonnons, vers lesquelles nous tendons.
* D’autres traductions donnent : désirer, s’affectionner
à, avoir la pensée de, se préoccuper de.
Le verset 6 décrit les résultats de ces deux points de vue :
« Tendre à ce qui est charnel », dit Paul, « c’est la mort. » Non
pas « ce sera » mais « c’est », dès à présent, la mort, parce que
cela conduit au péché, donc à la séparation d’avec Dieu, qui est
la mort. Mais « tendre à ce qui est spirituel, … c’est la vie », dès
maintenant, parce que cela conduit à la sainteté, donc à une
communion constante avec Dieu, qui est la vie. Bien plus, cela
n’apporte pas seulement la vie, mais « la paix » : la paix avec
Dieu, qui est la vie ; et la paix en nous-mêmes, c’est-à-dire
l’équilibre et l’harmonie. Beaucoup d’entre nous
rechercheraient la sainteté avec bien plus d’ardeur et de zèle,
s’ils étaient persuadés que le chemin de la sainteté mène à la vie
et à la paix. Et c’est absolument vrai : il n’y a pas d’autre moyen
de parvenir à la vie et à la paix.
Au contraire, s’attacher à ce qui est charnel entraîne la mort et
la guerre. « Car le mouvement (littéralement : la pensée) de la
chair est révolte contre Dieu ; elle ne se soumet pas à la loi de
Dieu, elle ne le peut même pas. Sous l’empire de la chair
(littéralement : « ceux qui sont dans la chair ») on ne peut plaire
à Dieu » (v. 7-8). « On ne peut plaire à Dieu », parce que le seul
moyen de lui plaire est de se soumettre à sa loi et d’y obéir. Les
préoccupations de la chair sont hostiles à la loi de Dieu et ne
veulent pas s’y soumettre, tandis que la pensée de l’esprit est
favorable à la loi de Dieu et y prend plaisir.
Ainsi, deux catégories de personnes sont décrites ici : « celles
qui sont dans la chair », et « celles qui sont dans l’Esprit ». Elles
ont chacune leur mentalité ou façon de voir les choses : « la
pensée de la chair » et « la pensée de l’Esprit ». Ceci les conduit à
deux types de comportements : « la marche selon la chair » et
« la marche selon l’Esprit », lesquels ont pour aboutissement
deux états spirituels : « la mort » et « la vie ». Si nous sommes
dans la chair, nous nous préoccupons des choses de la chair,
nous marchons selon elle, et donc nous mourons. Mais si nous
sommes dans l’Esprit, nous nous préoccupons des choses de
l’Esprit, nous marchons selon l’Esprit, et donc nous vivons. Ce
que nous sommes détermine notre manière de penser ; notre
manière de penser détermine notre comportement ; et notre
comportement détermine notre relation avec Dieu : la mort, ou
la vie. Une fois de plus nous nous rendons compte de
l’importance de notre pensée, en conséquence de nos
dispositions et préoccupations, ainsi que des choses sur
lesquelles nous concentrons notre attention et notre activité.
Cela nous amène au verset 9, où l’apôtre fait l’application
personnelle à ses lecteurs des vérités exposées jusqu’ici en
termes généraux. Ayant écrit que ceux qui sont sous l’empire
de la chair ne peuvent plaire à Dieu, il poursuit : « Or vous, vous
n’êtes pas sous l’empire de la chair mais de l’Esprit, puisque
l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de
Christ, il ne lui appartient pas. » Remarquez les expressions
synonymes dans ce verset : d’abord, l’Esprit de Dieu et l’Esprit
de Christ, ensuite être sous l’empire de (littéralement « dans »)
l’Esprit et avoir l’Esprit en nous ; enfin l’Esprit qui habite en
nous et Christ qui est en nous (v. 10). Il s’agit chaque fois de
deux façons de décrire la même chose ou la même expérience.
Mais en dehors de ces synonymes significatifs, le verset 9 est
d’une grande importance. Il nous dit clairement que la
caractéristique du véritable chrétien, qui le distingue de
l’incroyant, c’est que le Saint-Esprit habite en lui. À deux
reprises l’apôtre a parlé du « péché qui habite en nous ». Le
péché qui habite en nous est le lot de tous les fils d’Adam. Mais
le grand privilège des enfants de Dieu, c’est d’avoir en eux
l’Esprit pour combattre et soumettre le péché qui est en eux. Et
« si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient
pas ».
Les versets 10 et 11 nous montrent la conséquence capitale de la
présence de l’Esprit en nous. Les deux versets commencent par
une proposition conditionnelle : « Si Christ est en vous. », et :
« Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts
habite en vous… » Quel est donc l’effet de la présence de Christ
par son Esprit en nous ? C’est « la vie » : la vie pour notre esprit
maintenant, et la vie pour notre corps au dernier jour, pour la
bonne raison que le Saint-Esprit est l’Esprit de vie. Il est le
Seigneur, celui qui donne la vie. C’est pourquoi, « si Christ est
en vous, le corps est mort à cause du péché, mais l’esprit est
vivant à cause de la justice » (version Synodale). Ainsi, bien que
notre corps soit mortel, notre esprit cependant est vivant,
parce que le Saint-Esprit lui a donné la vie. À cause du péché
d’Adam nous mourons physiquement, à cause de la justice de
Christ nous vivons spirituellement.
De plus, bien qu’à présent seul notre esprit soit vivant et que
notre corps qui est mortel doive mourir, pourtant, au dernier
jour, notre corps vivra aussi. « Si l’Esprit de celui qui a
ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a
ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à
vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous » (v. 11).
Remarquez la référence aux trois personnes de la Trinité. Le
Dieu qui a ramené Christ de la mort à la vie, nous ressuscitera,
ressuscitera notre corps. Pourquoi ? Parce que l’Esprit qui
habite en nous sanctifie aussi notre corps. Comment ? Par la
puissance du même Esprit qui habite en nous. Donc le Saint-
Esprit, qui a déjà donné la vie à notre esprit, donnera aussi la
vie à notre corps mortel au dernier jour.
« Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la
chair pour devoir vivre de façon charnelle » (v. 12). Il semble
que l’apôtre n’ait pas achevé sa phrase. S’il l’avait fait, il aurait
sans doute dit que nous avons, par contre, une dette envers
l’Esprit, pour vivre selon l’Esprit.
L’idée que nous sommes « débiteurs » du Saint-Esprit requiert
toute notre attention. Elle signale que nous avons une
obligation envers la sainteté. Nous avons le devoir « d’être » ce
que nous sommes, de mener une vie en rapport avec notre
position et notre privilège de chrétiens, et de ne rien faire qui
soit en contradiction avec elle. En particulier, si nous vivons
dans l’Esprit, nous avons l’obligation de marcher selon l’Esprit.
Le raisonnement est le suivant : si le Saint-Esprit est la source
de notre vie et demeure en nous, il ne nous est pas peignis de
marcher selon la chair, parce que cela conduit à la mort. Une
telle contradiction entre ce que nous sommes et ce que nous
faisons, entre posséder la vie et jouer avec la mort, voilà qui est
impensable. Nous sommes vivants ! Notre esprit est vivant. Le
Saint-Esprit nous a donné la vie. Par conséquent, nous sommes
débiteurs de l’Esprit qui nous a donné la vie ; et par sa
puissance nous devons mettre à mort tout ce qui menace cette
nouvelle vie, en particulier « les actions du corps » (version
Segond). Ce n’est que par leur mort que nous vivrons, c’est-à-
dire que nous continuerons à jouir de la vie que le Saint-Esprit
nous a donnée.
Telle est l’alternative solennelle du verset 13. Paul dit en
quelque sorte : « Si vous laissez vivre la chair, lui permettant de
prospérer et de s’épanouir, certainement vous mourrez. Mais
si vous faites mourir les actions de votre chair, si vous les
mettez à mort, si vous les crucifiez, certainement vous vivrez. »
À chacun de nous le choix entre ce chemin de la vie et ce
chemin de la mort. Mais le propos de Paul, c’est que nous
n’avons pas vraiment à hésiter. Nous sommes débiteurs, nous
sommes dans l’obligation de faire le bon choix. Si l’Esprit a
donné la vie à notre esprit, alors nous devons faire mourir les
actions de notre chair, afin de pouvoir continuer à vivre la vie
que l’Esprit nous a donnée.
En reprenant ce passage dans son ensemble, nous voyons de
quelle manière progresse la pensée de l’apôtre. Au départ, il y a
essentiellement deux catégories de personnes — celles qui sont
dans la chair, les « irrégénérés », et celles qui sont dans l’Esprit,
les « régénérés ». « Quant à vous, écrit-il aux Romains, vous êtes
de la dernière catégorie. Vous êtes, non dans la chair, mais
dans l’Esprit si, comme je le crois, l’Esprit de Dieu habite en
vous. Bien plus, puisque Christ habite en vous, vous vivez par
son Esprit » (cf. v. 9 et 10).
Ces deux faits sont les marques authentiques et certaines de
tout chrétien : premièrement, le Saint Esprit demeure en nous,
et deuxièmement, notre esprit est vivant parce que cet Esprit
nous a vivifiés. Pour cette raison, à cause de ce que nous
sommes, nous avons une dette, non envers la chair, mais
envers l’Esprit. Nous avons l’impérieuse obligation « d’être » ce
que nous sommes, de conformer notre conduite à notre
personnalité, de ne rien faire qui soit en contradiction avec la
vie de l’Esprit en nous, mais bien plutôt de nourrir cette vie et
de la développer.
Plus précisément, si nous voulons être honnêtes et nous
acquitter de notre dette, nous serons engagés dans un double
processus. Les termes théologiques qui s’y rapportent sont « la
mortification » et « l’aspiration » — termes qui expriment la
bonne attitude à adopter à l’égard de la chair, d’une part, et de
l’Esprit, d’autre part. La mortification, c’est faire mourir les
actions de notre corps, notre chair. L’aspiration, c’est
s’attacher aux choses de l’Esprit.
La mortification (mettre à mort les actions du corps par la
puissance de l’Esprit)* signifie le rejet sans indulgence de
toutes les œuvres que nous savons être mauvaises. C’est une
repentance de chaque jour, c’est rompre avec tout péché
manifeste dans nos habitudes, nos actions, nos pensées, nos
relations. Ce que l’Évangile traduit par arracher un œil, couper
une main ou un pied, si la tentation vient à nous par ce que
nous voyons ou faisons, là où nous allons (cf. Marc 9.45-47). La
seule attitude à adopter envers la chair est de la faire mourir.
* Bien entendu, il ne faudrait pas confondre cette notion
avec des exercices ascétiques. (N.D.T.)
L’aspiration (se préoccuper des choses de l’Esprit, s’attacher à
elles) est un don sans réserve de nous-mêmes — pensées,
forces, désirs — à « tout ce qu’il y a de vrai, tout ce qui est noble,
juste, pur, digne d’être aimé, d’être honoré » (voir Philippiens 4
.8), y compris la pratique régulière des « moyens de grâce » : la
prière, la lecture de la Bible, la communion fraternelle,
l’adoration, la Sainte Cène. C’est tout cela qui est englobé dans
le fait de tendre aux choses de l’Esprit.
La « mortification » et l’« aspiration » sont exprimées par des
verbes au présent, parce qu’elles sont des attitudes qu’il s’agit
d’adopter et de maintenir avec persévérance et sans relâche.
Nous ne devons pas cesser de faire mourir les actions de notre
corps : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-
même et prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive » (Luc
9.23). Nous ne devons pas cesser de nous préoccuper des choses
de l’Esprit.
La « mortification » et l’« aspiration » ont encore un autre point
commun. Ensemble elles détiennent le secret de la vie dans le
plein sens du terme. Il n’y a pas de vraie vie sans la mort qui est
la mortification, et il n’y pas de vraie vie sans la discipline
qu’est l’aspiration. C’est en faisant mourir les actions du corps
que nous vivrons (v. 13), c’est en nous préoccupant des choses
de l’Esprit que nous trouvons la vie et la paix (v. 6). Ainsi, le
Saint-Esprit soumet la chair tandis que nous la mortifions par
sa puissance et que nous nous attachons aux choses de l’Esprit.

2 L’Esprit atteste notre qualité de fils


(v.14-17)

Dans ce paragraphe l’accent porte encore sur l’œuvre de


l’Esprit, mais notre position et notre privilège de chrétiens
sont décrits en termes différents.L’apôtre disait à l’instant :
« Si, par l’Esprit, vous faites mourir les actions du corps, vous
vivrez. » Il dit maintenant : « En effet, ceux-là sont fils de Dieu
qui sont conduits par l’Esprit de Dieu » (v.14). Ces deux phrases
sont tout à fait parallèles. Les deux parlent de l’activité de
l’Esprit, la première en relation avec notre vie, la deuxième en
relation avec notre qualité de fils.
Quelles perspectives d’intimité avec Dieu exprime ce mot de
« fils » ! S’approcher de Dieu et être en communion avec lui, le
Père, telles sont les grâces qu’il accorde à ses enfants.
Tous les êtres humains ne sont cependant pas enfants de Dieu.
C’est à dessein et de manière précise que le verset 14 limite cet
état à ceux qui sont conduits par l’Esprit, qui sont rendus
capables par l’Esprit de marcher sur l’étroit sentier de la
justice. Être conduit par l’Esprit et être fils de Dieu sont des
expressions pratiquement synonymes. Tous ceux qui sont
conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu et,
réciproquement, tous ceux qui sont fils de Dieu sont conduits
par l’Esprit de Dieu.
Cela ressort encore plus clairement du verset suivant où il est
question de la nature de l’Esprit que nous avons reçu (à
l’aoriste, par référence à notre conversion passée) : ce n’est pas
un esprit de servitude, mais d’adoption ou de fils. Le Saint-
Esprit — qui nous est donné quand nous croyons — fait de nous
des fils et non des esclaves. Il ne nous ramène pas à notre
ancien esclavage faussé par la peur. Il nous fait entrer dans une
relation nouvelle par laquelle nous nous approchons de Dieu
comme de notre Père. Bien plus, il est le garant permanent de
la position qu’il nous donne. Quand nous crions : « Abba,
Père ! » — les mots mêmes du Seigneur Jésus dans son ultime
prière à Dieu — , c’est l’Esprit lui-même qui atteste à notre
esprit que nous sommes enfants de Dieu (cf. v. 15 et 16). Cette
expression montre que le témoignage intérieur de l’Esprit nous
est donné quand nous prions. C’est en nous approchant de
Dieu dans la prière que nous faisons l’expérience de notre
relation filiale avec lui et que nous nous reconnaissons enfants
d’un Père céleste. Et quand notre esprit est en communion avec
Dieu, le Saint-Esprit rend témoignage à notre esprit (de telle
sorte qu’il y a deux témoignages convergents) que nous
sommes, en vérité, enfants de Dieu.
« Nous sommes enfants de Dieu. Enfants, et donc héritiers :
héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque ayant part à ses
souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire » (v. 17). Comme
au chapitre 5, la souffrance nous est de nouveau présentée
comme le chemin de la gloire. Et, remarquez-le, c’est « avec
Christ ». Toute la vie chrétienne est une identification à Christ.
Si nous partageons sa position de fils, nous partagerons son
héritage dans la gloire ; mais si nous sommes appelés à partager
sa gloire, nous devons d’abord partager sa souffrance.

3 L’esprit est le garant de notre


héritage (v.18-25)

Cette partie du texte a pour thème le contraste déjà évoqué au


verset 17, entre la souffrance présente et la gloire à venir. Paul
commence par dire que les deux ne sont pas comparables (v.
18) : elles doivent plutôt être mises en contraste, parce que la
gloire à venir dépassera de loin toute souffrance présente. Et il
va le développer dans le reste du passage en le plaçant dans une
grandiose perspective cosmique. En effet, il montre comment,
dans la souffrance présente et dans la gloire à venir, la création
tout entière et la nouvelle création c’est-à-dire l’église, sont
engagées ensemble. Les deux créations — l’ancienne et la
nouvelle, la physique et la spirituelle, la nature et l’église —,
souffrent ensemble maintenant et seront glorifiées ensemble à
la fin des temps. Comme la nature a partagé la malédiction de
l’homme (voir Genèse 3) et partage maintenant ses
tribulations, de même elle partagera sa gloire. « Car la création
attend avec impatience » — comme dans une attente fiévreuse
— « la révélation des fils de Dieu » (v. 19), parce que ce sera le
temps où elle sera rachetée, elle aussi.
a) La création (v.19-22). En quatre versets elle est citée quatre
fois. Puis, remarquez la description de ses souffrances
présentes : « Elle est livrée au pouvoir du néant — non de son
propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’y a livrée —« (v.
20). Elle est tenue dans « l’esclavage de la corruption » (v. 21).
Elle « gémit maintenant encore dans les douleurs de
l’enfantement » (v. 22). Le pouvoir du « néant » signifie l’échec
ou la vanité. C’est le même mot utilisé par la version grecque
du livre de l’Ecclésiaste, dont C.J. Vaughan a écrit « qu’il est
tout entier un commentaire de ce verset ». Vanité des vanités,
dit l’Ecclésiaste, … tout est vanité. Cette futilité ou frustration,
à laquelle Dieu a soumis la création, est expliquée au verset
suivant comme un « esclavage de la corruption ». C’est le cycle
ininterrompu de la naissance, de la croissance, de la mort et de
la décomposition ; toute la dégradation progressive dans un
univers qui semble dépérir. Bien plus, cette évolution est
accompagnée de douleur au sens propre et au sens figuré.
Néant, corruption et douleur, voilà les mots utilisés par
l’apôtre pour dépeindre la souffrance présente de la création.
Mais ce n’est que temporaire, car les souffrances présentes de
la création aboutiront à la gloire à venir. Cela est souligné dans
chaque verset. S’il est vrai que la création a été assujettie à la
vanité, elle l’a été « dans l’espérance », c’est-à-dire avec la
perspective d’un avenir plus lumineux (v. 20). « Elle aussi sera
libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la
liberté et à la gloire des enfants de Dieu » (v. 21). L’esclavage
cédera le pas à la liberté, la destruction ou la corruption, à la
gloire incorruptible. Si nous devons partager la gloire de Christ
(v. 17), la création elle, partagera la nôtre. Puis au verset 22, les
gémissements et les douleurs de la création sont comparés aux
douleurs de l’enfantement. Autrement dit, ce ne sont pas des
souffrances sans signification ni but, mais des souffrances
qu’elle éprouve nécessairement pour donner le jour à un
nouvel état de choses (cf. Matthieu 24.8).
b) L’église (v. 23-25). Après la création, nous passons à l’église
qui est la nouvelle création de Dieu. Observez la transition de
l’une à l’autre. « La création tout entière gémit maintenant
encore dans les douleurs de l’enfantement » (v. 22). « Elle n’est
pas la seule : nous aussi, … nous gémissons intérieurement » (v.
23). Quels sont ces gémissements intérieurs que nous
partageons avec le reste de la création ? Quelles sont ces
souffrances présentes de l’église dont parle l’apôtre ? Il n’est
pas question ici de persécution, mais simplement du fait que
nous ne sommes sauvés qu’à moitié !
Effectivement, personne d’entre nous n’est encore sauvé
entièrement. Notre âme est rachetée, c’est vrai, mais pas notre
corps. Et c’est notre corps non racheté qui provoque nos
gémissements. Pourquoi cela ? D’un côté, ce corps est faible,
fragile et mortel, sujet à la fatigue, à la maladie, à la souffrance
et à la mort. C’est la pensée de l’apôtre quand il écrit en
Romains 7 ils sont exprimés de manière intelligible.
Ce qui nous pousse à gémir intérieurement, c’est donc d’une
part la fragilité de notre corps, d’autre part notre nature
déchue. C’est pourquoi nous attendons ardemment la gloire à
venir, où nous serons délivrés de ces deux fardeaux.
Cette gloire à venir est définie de deux façons. Premièrement,
c’est la « rédemption de notre corps » (cf. versions Segond,
Jérusalem). En effet, au dernier jour, un nouveau corps nous
sera donné, libéré du double fardeau de sa fragilité et de sa
« chair ». Notre corps de résurrection aura des pouvoirs
nouveaux et insoupçonnés, et le péché ne l’habitera plus.
Deuxièmement, la gloire à venir est aussi notre « adoption ». Le
même mot est déjà employé au verset 15 où il est dit que nous
avons reçu un Esprit d’adoption. D’une certaine manière, nous
avons déjà reçu notre adoption, mais par ailleurs, nous
l’attendons encore, parce que notre condition présente de fils,
bien que glorieuse, reste imparfaite. Nous ne sommes pas
encore conformes, ni dans notre corps, ni dans notre être, à
l’image du Fils de Dieu (cf. v. 29). Notre état de fils n’a pas
encore été révélé et reconnu publiquement. Mais le dernier
jour sera le témoin de ce que le verset 19 appelle « la révélation
des fils de Dieu ». Le monde ne nous connaît pas encore comme
enfants de Dieu, mais cela sera manifeste au dernier jour (cf. 1
Jean 3 .1 -2). Alors nous obtiendrons ce qui est appelé « la liberté
et la gloire des enfants de Dieu » (v. 21). Et la création
l’obtiendra avec nous.
Nous sommes absolument sûrs de ce glorieux héritage à venir.
Comment cela? Pour la bonne raison que maintenant déjà
“nous possédons les prémices de l’Esprit” (v. 23). Nous n’avons
pas encore reçu notre adoption définitive comme fils. Nous
n’avons pas encore reçu « la délivrance pour notre corps ». Mais
nous avons reçu le Saint-Esprit, le garant donné par Dieu de
notre complet héritage à venir. En vérité, il en est plus que la
garantie, il en est l’avant-goût. Employant une image du
commerce, Paul appelle aussi le Saint-Esprit les « arrhes », le
premier acompte dans un acte de vente à crédit, la somme
versée qui garantit que le solde sera payé plus tard (2
Corinthiens 1.22 et 5.5). Ici, par contre, l’image est tirée de
l’agriculture, il est les prémices de la récolte, la promesse de
l’abondante moisson à venir.
Ainsi, le Saint-Esprit, qui est l’Esprit d’adoption, qui fait de
nous des enfants de Dieu (v. 15), et qui rend témoignage à notre
esprit que nous le sommes (v.16), est aussi la promesse de notre
adoption totale comme fils de Dieu, lorsque notre corps sera
délivré.
Les versets 24 et 25 viennent encore appuyer cette pensée,
affirmant que c’est en espérance que nous avons été sauvés.
Sauvés, oui, mais à moitié seulement, en attendant notre plein
salut, y compris pour notre corps, à la fin des temps ! L’objet de
cette attente est invisible, nous ne le voyons pas encore. Mais
nous l’attendons avec une patience et une fermeté (hupomone)
que les dures souffrances du moment présent ne pourront
ébranler.

4 L’Esprit vient au secours de notre


faiblesse dans la prière (v. 26 et 27)

Voilà encore un autre ministère du Saint-Esprit. Celui-ci est


nommé quatre fois dans l’espace de ces deux versets. Il « vient
en aide à notre faiblesse », et la faiblesse visée particulièrement
ici est notre ignorance dans la prière : « Nous ne savons pas
prier comme il faut. » Mais l’Esprit « vient en aide à notre
faiblesse ».
On néglige souvent le ministère habituel du Saint-Esprit dans
la prière. Pourtant l’Écriture nous dit très clairement que nous
avons accès auprès du Père non seulement par le Fils, mais
aussi par l’Esprit (Éphésiens 2.18). L’inspiration du Saint-Esprit
est tout aussi nécessaire que la médiation du Fils pour pouvoir
s’approcher du Père dans la prière. Mais ici Paul relève un
aspect plus particulier du ministère du Saint-Esprit dans notre
vie de prière.
Voici ce qu’il en est. Parfois, quand les croyants ne savent pas
comment prier avec des paroles, ils gémissent sans paroles.
Quelques fois, comme le dit le commentateur E.F. Kevan,
« nous nous trouvons réduits au silence par l’intensité même de
nos aspirations profondes ». D’autres fois, nous nous sentons si
accablés par notre nature mortelle ou par le péché présent en
nous, que nous pouvons seulement gémir avec des soupirs que
les mots ne peuvent rendre. Ces gémissements inexprimables,
ces soupirs d’agonie que des mots ne peuvent contenir, ne
doivent pas être méprisés, comme si nous étions obligés de
prier avec des paroles. Au contraire, quand nous soupirons
ainsi des demandes inexprimées, c’est le Saint-Esprit lui-même
qui intercède à notre place, suscitant ces gémissements. Nous
ne devrions pas avoir honte de telles prières muettes. Dieu le
Père comprend aussi bien les prières soupirées que celles qui
sont exprimées, parce qu’il sonde nos cœurs et lit nos pensées.
Il sait également quelle est la pensée de l’Esprit, parce que le
Saint-Esprit prie toujours selon la volonté de Dieu. Ainsi le
Père qui est au ciel répond aux prières suscitées dans nos cœurs
par le Saint-Esprit.

La prière est l’appel sincère de l’âme,


prononcé ou muet,
La montée d’un feu caché
qui frissonne en notre sein.
La prière est le poids d’un soupir,
une larme qui tombe,
L’éclair d’un regard vers le ciel
quand nul autre que Dieu n’est proche.
(d’après James Montgomery)

Voilà donc les quatre faces de l’œuvre du Saint-Esprit : il


soumet notre chair, il atteste notre qualité de fils, il garantit
notre héritage, et il vient au secours de notre faiblesse dans la
prière.

II Le dessein invincible de Dieu


(8.28-39)

« Nous savons d’autre part que tout concourt au bien de ceux


qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein. Ceux que
d’avance il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes
à l’image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né d’une
multitude de frères ; ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi
appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il
a justifiés, il les a aussi glorifiés.
Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Lui qui n’a pas épargné son propre Fils mais l’a livré pour nous
tous, comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout ?
Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu justifie ! Qui condamnera ?
Jésus-Christ est mort, bien plus il est ressuscité, lui qui est à la
droite de Dieu et qui intercède pour nous ! Qui nous séparera de
l’amour du Christ ? La détresse, l’angoisse, la persécution, la
faim, le dénuement, le danger, le glaive ? Selon qu’il est écrit :
À cause de toi nous sommes mis à mort tout le long du jour,
nous avons été considérés comme des bêtes de boucherie. Mais
en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui
nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie, ni les
anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les
puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs,
ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de
l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur. »
Ceci nous amène à la conclusion du message de l’apôtre et à son
sommet. Dans ces douze derniers versets du chapitre, il s’élève
jusqu’à des hauteurs sublimes, rarement égalées dans le
Nouveau Testament. Après avoir décrit quelques-uns des
privilèges du croyant justifié — la paix avec Dieu, l’union avec
Christ, la libération de la loi, la vie dans l’Esprit — son génie
conduit par l’Esprit Saint embrasse maintenant tout le dessein
de Dieu, de l’éternité passée à l’éternité à venir, de la
prescience et de la prédestination divines à l’amour divin dont
jamais rien ne nous séparera.
Le thème principal du développement final de l’apôtre est le
dessein de Dieu, immuable, irrésistible et invincible, et, dans
ce plan, la sécurité éternelle du peuple de Dieu. Paul exprime
ces vérités extraordinaires, trop grandes pour être assimilées
par nos esprits si limités, d’abord sous la forme de cinq
affirmations incontestables, puis sous la forme de cinq
questions irréfutables, par lesquelles il défie quiconque de
contre dire les affirmations qu’il vient d’énoncer.

1 Cinq affirmations incontestables


(v. 28-30)

Il introduit ses affirmations par un verset bien connu de tous


les croyants, où nous avons souvent trouvé du soulagement
pour notre cœur et notre esprit troublés : « Nous savons que
toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu »
(version Segond). La traduction suivante est préférable : « Nous
savons que Dieu travaille en tout pour le bien de ceux qui
l’aiment » (version BNA). En effet, ce ne sont pas les choses qui
s’organisent pour former un cadre favorable, c’est Dieu qui
travaille en tout, y compris dans les souffrances et dans les
gémissements, comme nous l’avons vu plus haut, pour le bien
« de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein ».
Ensuite viennent les affirmations (v. 29 et 30) qui expliquent à
la fois le but de l’appel divin et la manière dont Dieu fait
concourir toutes choses au bien. Cette collaboration pour le
bien, qui est le plan de Dieu dans le salut des pécheurs, on peut
la suivre depuis son origine dans la pensée divine, jusqu’à son
apogée dans la gloire éternelle. Les cinq étapes en sont la
prescience, la prédestination, l’appel, la justification et la
glorification.
a) et b) Il a connu d’avance et il a prédestiné. La différence entre
la prescience et la prédestination tient peut-être dans le fait
que le choix a d’abord été conçu dans la pensée de Dieu avant
d’être proclamé. La décision a précédé le décret. Il ne s’agit pas
ici de creuser les mystères de la prédestination. Pourtant,
quelques paroles justes et sages du commentateur C. J.
Vaughan méritent d’être citées : « Tous ceux qui seront
finalement sauvés pourront attribuer leur salut, du début à la
fin, uniquement à la grâce et à l’action de Dieu. Tout mérite de
l’homme doit être exclu. Et cela n’est possible que si l’on
remonte bien au-delà de l’obéissance qui rend le salut
manifeste, ou même de la foi qui le saisit, jusqu’au libre acte de
grâce de ce Dieu qui, de toute éternité, prévoit et ordonne à
l’avance chacune de ses actions. » Remarquez aussi que le but
de la prédestination n’est pas un quelconque favoritisme, mais
la sainteté, la ressemblance à Christ. Elle vise notre conformité
à l’image de son Fils, afin que celui ci soit le premier-né d’une
multitude de frères. Tout comme au commencement, par un
acte de grâce souveraine, Dieu créa l’homme à son image, cette
fois encore, dans sa grâce souveraine, Dieu prédestine les
hommes à être rendus conformes à l’image de son Fils.
c) et d) Il a appelé et il a justifié. L’appel de Dieu est la réalisation
dans l’histoire de sa prédestination éternelle. Ceux que Dieu
appelle répondent par la foi, et ceux qui croient, il les justifie,
en les acceptant en Christ comme les siens.
e) Il a glorifié, en les ressuscitant et les élevant au ciel, ceux qu’il
a prédestinés, appelés et justifiés, leur donnant un corps
nouveau dans un monde nouveau. Le chemin de la
sanctification n’est pas mentionné ici, mais comme le souligne
F.F. Bruce, il est compris dans la glorification : « La
sanctification est le commencement de la gloire : la gloire est le
couronnement de la sanctification. » L’étape finale de la
glorification est tellement certaine que Paul va jusqu’à
l’exprimer par l’aoriste, comme si elle était passée, de la même
façon que les autres étapes qui sont du passé. C’est ce qu’on
appelle un « passé prophétique ».
Voilà donc la série des cinq affirmations qui sont comme les
cinq anneaux inséparables d’une chaîne : « Ceux qu’il a connus
d’avance, il les a aussi prédestinés ; … ceux qu’il a prédestinés,
il les a aussi appelés ; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi
justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés. » Dieu
est dépeint comme celui qui avance résolument d’une étape à
l’autre — d’une prescience et d’une prédestination éternelles,
en passant par un appel et une justification inscrites dans
l’histoire, à une glorification finale de son peuple dans le ciel.

2 Cinq questions irréfutables (v. 31-


39)

« Que dire de plus ? » C’est la formule, déjà employée trois fois


dans les chapitres étudiés jusqu’ici, par laquelle l’apôtre
introduit une conclusion. Il entend par là : « Compte tenu de ce
que je viens de dire, qu’allons-nous dire maintenant ? » Quelle
sera, à la lumière des cinq affirmations des versets 29 et 30,
notre conclusion ? En guise de réponse Paul pose cinq
questions, auxquelles on ne peut répondre ! « Si Dieu est pour
nous, qui sera contre nous ? » — « S’il a donné son Fils pour
nous tous, ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec
lui ? » — « Qui accusera les élus de Dieu ? » — « Qui
condamnera ? » — « Qui nous séparera de l’amour de Christ ? »
(v. 31-35).
C’est comme si l’apôtre lançait ces questions de toutes ses
forces à la face de l’univers, avec un accent de défi et de
triomphe, en sommant toute créature dans le ciel, sur la terre
ou en enfer d’y répondre ou de nier la vérité qu’elles
renferment. Mais il n’y a pas de réponse, car rien ni personne
ne peut nuire au peuple racheté de Dieu. Si nous voulons
comprendre ces questions, il est important de voir pourquoi
elles sont irrécusables. La raison en est que l’affirmation
supposée en chacune d’elles est fondée . sur quelque vérité
immuable. Ainsi, explicitement ou implicite ment, chaque
question est liée à une proposition introduite par « si ». Cela est
particulièrement clair dans la première des cinq.
a) Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? (v. 31). Si Paul avait
simplement posé la question : « Qui sera contre nous ? », sans la
proposition conditionnelle, il y aurait eu beaucoup de
réponses. De formidables ennemis se dressent contre nous : les
incroyants s’opposent à nous ; le péché qui habite en nous est
une force puissante qui nous assaille ; la mort est un ennemi.
Sans oublier celui qui a la puissance de la mort, le diable ! Oui,
le monde, la chair et le diable sont tous trop forts pour nous.
Or, Paul ne dit pas seulement : « Qui sera contre nous ? » Mais :
« Si Dieu est pour nous » — le Dieu qui nous a connus d’avance,
prédestinés, appelés, justifiés et même glorifiés, si ce Dieu est
pour nous, « qui sera contre nous ? » À cette question-là il n’y a
pas de réponse. Le monde, la chair et le diable peuvent certes se
déployer contre nous, mais si Dieu est de notre côté, jamais ils
ne pourront l’emporter sur nous.
b) Lui qui n’a pas épargné son propre Fils mais l’a livré pour nous
tous, comment, avec son Fils, ne nous donnerait-il pas tout ? (v.
32). Ici encore, si l’apôtre avait simplement demandé : « Dieu ne
nous donnerait-il pas tout ? », nous aurions sans doute
bredouillé quelque réponse incertaine. Nous avons besoin de
tant de choses, des choses grandes et difficiles. Comment
pourrions-nous être sûrs que Dieu satisfera tous nos besoins ?
Cependant, la façon dont Paul exprime sa question bannit nos
plus faibles doutes. Le Dieu, auquel nous demandons s’il nous
donnera toutes choses, est le Dieu qui nous a déjà donné son
propre Fils. Avec ce don comment peut-il manquer de nous
prodiguer tout ce qu’il lui plait de nous donner ? S’il nous a fait
un don extraordinaire et indicible — en livrant son Fils unique
pour des pécheurs — ne nous donnera-t-il pas des présents plus
faciles à décrire ? C’est la croix qui est la démonstration de la
générosité de Dieu !
c) Qui accusera les élus de Dieu ? (v. 33). Selon la remarque des
commentateurs, il semble qu’avec les deux questions qui
suivent nous nous trouvions dans un tribunal. L’idée, en effet,
c’est qu’aucune poursuite ne pourra aboutir, dès lors que
Jésus-Christ est l’avocat qui plaide notre cause, et que Dieu est
le juge qui nous a déjà justifiés. Qui nous accusera ? Une fois de
plus, si cette question s’arrêtait là, il ne serait pas du tout
difficile d’y répondre : notre conscience nous accuse ; le diable
ne cesse de nous accuser. La Bible l’appelle « l’accusateur des
frères » (Apocalypse 12.10) et son nom même signifie
« diffamateur » ou « calomniateur ». Mais les accusations du
diable tombent à côté, elles ne peuvent pas nous blesser, elles
sont comme des flèches qui ricochent sur un bouclier.
Pourquoi ? Parce que nous sommes « les élus de Dieu », ceux
qu’il a justifiés, et si Dieu lui-même nous a justifiés, aucune
accusation ne peut tenir contre nous.
d) Qui condamnera ? (v. 34). Oui, nombreux sont ceux qui
cherchent à le faire. Parfois c’est notre cœur qui nous
condamne, ou voudrait le faire (1 Jean 3.20 et 21). Ou bien ce
sont nos détracteurs et nos ennemis, sans oublier tous les
démons de l’enfer. Mais leurs condamnations sont nulles et
vaines. Pourquoi ? À cause de Jésus-Christ. Tout d’abord, il est
mort, et c’est pour nos péchés qu’il est mort, autrement nous
serions condamnés à cause d’eux. Puis, il est aussi ressuscité
des morts, afin de prouver l’efficacité de sa mort. Enfin, ayant
été élevé, il est assis désormais à la droite du Père; là, il est
notre Avocat céleste et il intercède pour nous. Avec un Sauveur
tel que Jésus-Christ — crucifié, ressuscité, élevé, intercédant
pour nous — nous pouvons dire avec confiance : « Il n’y a donc,
maintenant, plus aucune condamnation pour ceux qui sont en
Jésus-Christ » (v. 1). Nous pouvons même interroger les
démons de l’enfer : « Qui de vous me condamnera ? » Et il n’y
aura pas de réponse.
e) Qui nous séparera de l’amour de Christ ? (v. 35). Avec cette
cinquième et dernière question, Paul fait ce que nous avons
essayé de faire avec les quatre autres. Il cherche autour de lui
une réponse éventuelle. Il passe en revue toutes les adversités
auxquelles il peut penser, dont on pourrait s’attendre qu’elles
nous séparent de l’amour de Christ. Nous aurons peut-être à
endurer « la détresse », « l’angoisse » et « la persécution », c’est-
à-dire les pressions d’un monde sans Dieu. Nous aurons peut-
être à passer par « la faim » et « le dénuement », c’est-à-dire le
manque de nourriture ou de vêtements nécessaires, ce qui
pourrait laisser croire, du moment que Jésus les a promis aux
enfants du Père céleste, que Dieu ne prend plus soin des siens.
Nous aurons peut-être à affronter « le danger » et « le glaive »,
c’est-à-dire la menace de mort ou la mort elle-même, par la
méchanceté des hommes, le martyre qui est l’épreuve suprême
de notre foi. Et il s’agit là d’une épreuve bien réelle, car
l’Écriture nous avertit au Psaume 44.23 que le peuple de Dieu
est à cause de lui « tué tous les jours ». Cela signifie que nous
sommes constamment exposés au risque de la mort, comme
des agneaux d’abattoirs (cf. v. 36).
Voilà des adversités, à n’en point douter ! Ce sont des
souffrances bien réelles, douloureuses et dangereuses,
difficiles à supporter. Mais peuvent-elles nous séparer de
l’amour de Christ ? Non ! Car loin de nous séparer de l’amour
de Christ, « en tout cela » — dans ces souffrances mêmes que
nous éprouvons et endurons « nous sommes plus que
vainqueurs » (v. 37). Ces cinq mots n’en font qu’un dans le grec
(hupernikomen, littéralement « hyper-conquérants »). Oui, nous
sommes super-conquérants, « par celui qui nous a aimés ».
Notez bien cette courte proposition. Elle semble dire : Christ a
prouvé son amour par ses souffrances, c’est pourquoi nos
souffrances ne peuvent pas nous séparer de son amour.
Maintenant Paul atteint le sommet de son exposé (v. 38 et 39). Il
commence par : « J’ai l’assurance… » — voici, dit-il, ma
conviction ferme et inébranlable : ni l’épreuve de la mort, ni
les malheurs de la vie, ni les forces surnaturelles, bonnes ou
mauvaises (anges, dominations, puissances), ni le temps
(présent ou avenir), ni l’espace (hauteur ou profondeur), ni
quoi que ce soit dans toute la création, ne seront capables,
même au prix des plus grands efforts, « de nous séparer de
l’amour de Dieu qui est en Jésus-Christ notre Seigneur ». Cet
amour, Dieu l’a manifesté historiquement dans la mort de
Christ, et il l’a versé dans nos cœurs par l’Esprit de Christ.
Dans cette assurance de l’amour de Dieu, et au travers de toutes
les peines et de toutes les incertitudes de la vie, que nous aussi,
nous puissions vivre et mourir !
Conclusion

Le thème sous-jacent à ces chapitres est que la vie chrétienne


est une vie nouvelle — littéralement une complète « nouveauté
de vie » (6 .4, cf. version Segond). Les chrétiens sont
effectivement renouvelés, des Hommes Nouveaux. Chaque
chapitre ajoute un autre trait à leur portrait.
Tout d’abord, « nous avons la paix avec Dieu ». Nous étions ses
ennemis, mais nous avons été réconciliés avec lui. À présent
nous vivons dans une position de grâce, Dieu nous est
favorable et nous sourit. Et nous nous réjouissons dans notre
attente confiante de la gloire à venir.
Ensuite, nous avons été unis avec Christ dans sa mort et dans sa
résurrection. C’est le sens de notre baptême. Les bienfaits de sa
mort et la puissance de sa résurrection sont désormais à nous
puisque nous sommes à lui.
De plus, nous sommes libérés de la redoutable tyrannie de la
loi. Notre relation avec Dieu ne dépend plus de notre
obéissance servile à des commandements ou à des règles. En
Christ nous sommes maintenant sous la grâce. Voilà la liberté
par laquelle Christ nous a affranchis.
En même temps, le Saint-Esprit lui-même habite en nous. Et
bien que nous ne soyons plus obligés d’observer la loi pour
gagner notre salut, cependant, puisque nous sommes sauvés,
les justes exigences de la loi sont accomplies en nous par la
puissance intérieure de l’Esprit. Le même Esprit, qui nous
sanctifie, rend aussi témoignage que nous sommes enfants de
Dieu, et nous vient en aide dans nos prières.
Enfin, nous savons que rien ne peut entraver la réalisation du
dessein éternel de Dieu à notre égard, ni nous séparer de son
amour infaillible en Christ. L’un des plus grands privilèges du
chrétien est la connaissance de notre sécurité absolue au
travers des vicissitudes de la vie.
Car elles sont nombreuses. Il y a les épreuves infligées par un
monde hostile et incroyant. Il y a « la chair », la nature déchue
qui reste dans l’homme né de nouveau, « le péché qui habite en
moi », qui s’attache à nos pas et nous pousse à nous lamenter de
notre misère et à crier au secours. Il y a aussi les souffrances
auxquelles nous sommes enclins, faisant partie de la création
qui gémit tout entière dans les douleurs de l’enfantement. La
persécution au-dehors, la corruption morale au-dedans, la
fragilité de notre corps, — voilà nos constants problèmes. En
dépit de tout notre privilège de chrétiens, nous n’y échappons
pas.
Si ce privilège ne nous assure pas contre ces épreuves, il ne
nous dispense pas non plus des obligations. Au contraire,
« nous avons une dette » (8.12). Puisque nous sommes devenus
un avec Christ dans sa mort et dans sa résurrection, nous
devons vivre la nouvelle vie pour laquelle nous sommes
ressuscités. Puisque nous nous sommes livrés à Dieu comme
ses esclaves, nous devons lui obéir. Puisque nous avons reçu
l’Esprit, nous devons marcher selon l’Esprit. Puisque nous
avons reçu la vie, nous devons faire mourir tout ce qui n’est pas
en accord avec elle.
En vérité, mieux nous comprenons la grandeur de notre
privilège de chrétiens, comme Hommes Nouveaux, plus grand
sera notre devoir de chrétiens de vivre en conséquence, en
« nouveauté de vie », et plus ardent sera notre désir d’agir ainsi.
Table des matières
Préface
Introduction
Remerciements
Note des traducteurs
1 La paix avec Dieu
I Les effets de notre justification (5.1 -11)
1 Description des effets (v. 1 et 2)
2 Souffrir, le chemin de la gloire (v. 3 et 4)
3 L’assurance fondée sur l’amour de Dieu (v.
5)
4 Christ est mort pour les impies (v. 6-8)
5 Contraste entre justification et glorification
(v. 9-11)
II Le médiateur de notre justification (5.12-19)
1 L’histoire de l’homme avant le Christ (v.12-
14)
2 L’analogie entre Adam et Christ (v.15 -19)
2 L’union avec Christ
I Un avec Christ (6.1-14)
1 Les objections des critiques
2 Le contre-argument de Paul
II Esclaves de Dieu (6.15-23)
Contraste entre les deux esclavages (v.17-22)
Conclusion
3 La libération de la loi
Introduction
Les attitudes à l’égard de la loi
Les grandes lignes du chapitre
I La rigueur de la loi (7.1-6)
II La faiblesse de la loi (7.7-13)
1 La loi est-elle péché ? (v. 7-12)
2 La loi est-elle devenue une cause de mort ?
(v. 13)
III La justice de la loi (7.14 - 8.4)
1 La question de l’expérience de Paul
2 Examen détaillé du texte
4 La vie dans l’esprit
I Le ministère du Saint-Esprit (8.5-27)
1 L’Esprit soumet notre chair (v. 5 -13)
2 L’Esprit atteste notre qualité de fils (v.14-
17)
3 L’esprit est le garant de notre héritage
(v.18-25)
4 L’Esprit vient au secours de notre faiblesse
dans la prière (v. 26 et 27)
II Le dessein invincible de Dieu (8.28-39)
1 Cinq affirmations incontestables (v. 28-30)
2 Cinq questions irréfutables (v. 31-39)
Conclusion

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