Methodologie Pour Letude Conceptuelle Du

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Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système

fortement innovant - Application au cas du circuit


carburant d’un moteur d’hélicoptère
Adrien Monsimer

To cite this version:


Adrien Monsimer. Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant - Ap-
plication au cas du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère. Génie mécanique [physics.class-ph].
INSA de Toulouse, 2018. Français. ฀NNT : 2018ISAT0003฀. ฀tel-02082616฀

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Résumé

Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant – Application au cas
du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère

Dans de nombreux domaines industriels, l’innovation est mise en œuvre de manière incrémentale en
cherchant à optimiser un concept donné. Ce type d’innovation est efficace sur le court terme,
permettant d’arriver à améliorer le système avec une prise de risque limitée. Cependant, cette
approche réduit fortement les opportunités d’amélioration future de ces systèmes. Pour faire face à
des nouveaux besoins émanant des clients, l’innovation de rupture s’impose dans une vision long
terme. Un changement radical de concept permet en effet de dégager des marges fonctionnelles
permettant d’améliorer significativement le système. Le but de ces travaux de thèse a été, d’une part,
de proposer un cadre méthodologique pour l’étude conceptuelle d’architectures de systèmes de
puissance en rupture. Ceci consiste en la spécification des nouveaux besoins, la génération
d’architectures système fortement innovantes, ainsi que la sélection des architectures les plus
pertinentes. En s’appuyant sur une approche d’ingénierie système, ainsi que sur des techniques à
l’état de l’art dans les domaines de la recherche de solutions innovantes (KCP, Brainwritting,
Diagramme KJ), la combinaison des concepts (matrice morphologique) et de l’aide à la décision
multicritères (TOPSIS, MAUT), une approche originale a été proposée. La méthode proposée a été
appliquée au cas du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère chez l’industriel Safran Helicopter
Engines. Ce contexte applicatif a permis de mettre en œuvre et d’évaluer les approches proposées
dans un environnement industriel réel. Un outil implémenté sous Microsoft Excel a été développé pour
le déploiement de la méthodologie proposée dans l’entreprise.

A methodology for the conceptual design of a radically innovative system – Application to a


helicopter engine fuel system

In several industries, incremental innovation has been used. This approach aims at optimizing a given
design. It is efficient in the short term, and enables to improve the system at low risks. Anyway,
incremental innovation implies a reduction in the capacity of future improvement. In order to deal with
new customer needs, radical innovation is a must in a long-term consideration. Indeed, these radical
changes allow to create new functional margins, enabling to make the system even better. The aim of
this thesis work is, on the one hand, to propose a methodological framework for the conceptual design
of radically innovative power system architectures. This implies tomorrow’s needs specification,
strongly innovative architecture generation and best architectures selection. Based on a systems
engineering approach, as well as state of the art techniques in the domain of creativity (KCP,
Brainwritting, KJ Diagram), concepts combination (morphological matrix) or mutlicriteria decision
making (TOPSIS, MAUT), an original approach has been proposed. On the other hand, this
methodology has been implemented in an industrial framework in the case of a helicopter engine fuel
system at Safran Helicopter Engines. This has enabled to obtain a return of experience on the
industrial application of this methodology. A tool has been developed using Microsoft Excel for the
industrial deployment of the methodology.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 3 / 157
Remerciements

Les travaux de thèse présentés dans ce manuscrit ont été réalisés en collaboration entre le
laboratoire Institut Clément Ader et l’entreprise Safran Helicopter Engines.

Mes premiers remerciements vont à mes deux encadrants de thèse, qui ont su m'accompagner tout
au long de ces travaux de thèse. Merci tout d'abord au Professeur Jean-Charles Maré, mon directeur
de thèse. Tu m'as énormément apporté que ce soit par ton expérience des problématiques de
conception préliminaire, que par ton accompagnement humain durant toutes les phases de la thèse.
Merci également à Pierre Sicaire, mon encadrant industriel chez Safran Helicopter Engines. Tu as
grandement participé à ma bonne intégration au sein de l'entreprise, tout en me laissant l'autonomie
me permettant de mener à bien ces travaux de recherche dans un contexte industriel. Ton expertise
technique des problématiques du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère a été précieuse. Sans
vos contributions, cette thèse aurait sûrement été bien différente, alors encore merci.

Mes remerciements vont ensuite à messieurs Eric Bonjour et Jean-Pierre Nadeau qui ont accepté de
rapporter mes travaux de thèse. Merci pour vos rapports d'experts très constructifs. Les nombreuses
questions que vous m'avez adressées montrent l'intérêt que vous avez porté à mes travaux. Je vous
en suis grandement reconnaissant. Je tiens également à remercier madame Nadège Troussier ainsi
que monsieur Bernard Yannou qui ont accepté d'examiner mes travaux de thèse.

Je suis infiniment reconnaissant envers tous mes collègues qui m'ont accompagné au quotidien au
cours de mes trois années de thèse, que ce soit chez Safran Helicopter Engines ou à l'Institut
Clément Ader. J'espère n'oublier personne en citant pour Safran Helicopter Engines et par ordre
alphabétique : Kévin Beaubier, Philippe Benezech, Eric Le-Borgne, Gabriel Darrieumerlou, Bruno
Facca, Carole Irigoyen, Yannick Du Laurent de la Barre, Alexis Longin et Alexandre Siret. Merci pour
votre expertise technique ainsi que pour vos qualités humaines et l'ambiance très positive dans
laquelle vous m'avez accueillie à l'intérieur et à l'extérieur du cadre professionnel. Côté Institut
Clément Ader et par ordre alphabétique, merci à Silvio Akitani, Louis Amigues, Batoul Attar, Marc
Budinger, Clément Coïc, Scott Delbecq, Francesco De Giorgi, Ion Hazyuk, Nicolas Laurien,
Geneviève Mkdara, Florian Sanchez et Florent Tajan. Merci à vous pour votre accueil toujours
chaleureux lors de mes déplacements au laboratoire, ainsi que pour nos échanges souvent riches.

Un grand merci à tous mes amis de Grenoble, de Châteauroux, de Toulouse, de Pau et d'ailleurs.
Merci pour les grands moments que nous avons vécus ensemble et sans lesquels la vie n'aurait pas
la même saveur. Merci également à ma famille. Même si on ne se voit pas très souvent, votre
présence m'est néanmoins précieuse. Je tiens également à remercier ma belle famille. Vous m’avez
accueilli à bras ouverts, occupez désormais une belle place dans ma vie.

Mes derniers remerciements vont à Marie-Alice, mon épouse. Merci pour tout ce que tu as fait pour le
chemin que nous avons parcouru et qu'il nous reste à parcourir. Merci pour la personne que tu es, et
pour tout ce que tu as fait pour m'aider dans mes travaux de thèse.

En un mot, et pour conclure, merci à la Vie de m'avoir mené vers cette expérience de thèse qui m'a
fait grandir, et qui m'a permis de vivre de grands moments avec des personnes d'exception.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 5 / 157
Table des matières
Définitions ........................................................................................................................................... 8
Acronymes ......................................................................................................................................... 10
Introduction Générale ....................................................................................................................... 11
CHAPITRE 0 - Présentation des travaux de thèse ......................................................................... 13
I. Contexte des travaux................................................................................................................. 13
I.A. Contexte industriel ............................................................................................................ 13
I.B. Contexte laboratoire ......................................................................................................... 17
II. Particularité des travaux de thèse ............................................................................................ 18
II.A. Spécificités du cas d’étude ................................................................................................ 18
II.B. Positionnement vis-à-vis des travaux existants ................................................................ 19
CHAPITRE 1 - Ingénierie des Besoins et des Exigences .................................................................. 21
Introduction....................................................................................................................................... 21
I. Présentation de l’ingénierie des besoins et des exigences ....................................................... 22
I.A. Enjeux de l’ingénierie des besoins et des exigences ......................................................... 22
I.B. Etat de l’art en ingénierie des besoins et des exigences ................................................... 24
I.C. Méthodologie proposée dans le cadre de la thèse ........................................................... 37
II. Analyse du retour d’expérience Safran Helicopter Engines ...................................................... 38
II.A. Elicitation du besoin .......................................................................................................... 38
II.B. Analyse du besoin des parties prenantes .......................................................................... 44
Conclusion ......................................................................................................................................... 46
CHAPITRE 2 - Génération d’architectures système carburant en rupture ...................................... 47
Introduction....................................................................................................................................... 47
I. Etat de l’art des démarches de génération d’architectures ...................................................... 47
II. Présentation des étapes de la démarche retenue .................................................................... 50
II.A. Abstraire ............................................................................................................................ 50
II.B. Décomposer ...................................................................................................................... 51
II.C. Rechercher......................................................................................................................... 51
II.D. Combiner ........................................................................................................................... 60
III. Proposition d’une méthode pour les travaux de thèse......................................................... 62
III.A. Sélection méthode Abstraire ............................................................................................. 62
III.B. Sélection méthode Décomposer ....................................................................................... 62
III.C. Sélection méthode Rechercher ......................................................................................... 62
III.D. Sélection méthode Combiner ............................................................................................ 67
IV. Mise en œuvre de la méthode proposée chez Safran Helicopter Engines ........................... 68
IV.A. Abstraire et Décomposer .................................................................................................. 68

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 6 / 157
IV.B. Rechercher des solutions innovantes................................................................................ 71
IV.C. Combiner les concepts de solution ................................................................................... 78
Conclusion ......................................................................................................................................... 87
CHAPITRE 3 - Sélection des concepts d’architectures système carburant en rupture ..................... 89
Introduction....................................................................................................................................... 89
I. Définition du problème ............................................................................................................. 89
II. Etat de l’art ................................................................................................................................ 91
II.A. Processus de prise de décision sur les architectures système ......................................... 91
II.B. Travaux similaires et vue d’ensemble de la littérature ..................................................... 92
II.C. Méthodes d’évaluation des architectures......................................................................... 93
III. Méthodologie proposée ...................................................................................................... 112
III.A. Processus ......................................................................................................................... 112
III.B. Les critères d’évaluation.................................................................................................. 112
III.C. Evaluation préliminaire ................................................................................................... 113
III.D. Analyse des alternatives .................................................................................................. 113
III.E. Prise de décision .............................................................................................................. 115
IV. Mise en œuvre chez Safran Helicopter Engines .................................................................. 116
IV.A. Les critères d’évaluation.................................................................................................. 116
IV.B. Evaluation préliminaire ................................................................................................... 119
IV.C. Evaluation des alternatives ............................................................................................. 121
IV.D. Prise de décision sur les architectures ............................................................................ 125
V. Poursuite des travaux de conception ...................................................................................... 132
V.A. Architecture du système EPD .......................................................................................... 132
V.B. Modélisation du système EPD ......................................................................................... 134
V.C. Résultats .......................................................................................................................... 137
Conclusion ....................................................................................................................................... 137
Conclusion Générale................................................................................................................. 139
Références ....................................................................................................................................... 143
Annexe ............................................................................................................................................. 153

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 7 / 157
Définitions
Appréciation Démarche de la pensée aboutissant à un jugement de valeur (CNRTL 2018)
Organisation fondamentale d’un système. Elle est incarnée par ses composants,
leur relation entre eux et à l’environnement, ainsi que par les principes qui
guident sa conception et son évolution. (ISO/IEC/IEEE 2010) Comme l’indiquent
Architecture les auteurs de (Fiorèse & Meinadier 2012), l’architecture peut être représentée
selon différents points de vue. Ils citent deux types d’architectures : fonctionnelle
et physique. Ces architectures peuvent être représentées selon différents niveau
de granularité.
Dans le domaine de l’aide à la décision, un attribut est une caractéristique
Attribut
permettant de décrire une action (ou concept candidat). (Vanderpooten 2008)
Nécessité ou désir exprimé par un utilisateur, ou par toute partie prenante
Besoin
intéressées par l’utilisation et l’exploitation du système (Fiorèse & Meinadier 2012)
Technique de recherche d'idées originales, surtout utilisée dans la publicité et
Brainstorming fondée sur la communication réciproque dans un groupe des associations libres
de chacun de ses membres. (Larousse n.d.)
Variante du Brainstorming dans laquelle les idées sont exprimées à l’écrit et non à
Brainwriting
l’oral
Dans nos travaux de thèse, une brique désigne un concept répondant à une
Brique
fonction. Une architecture est constituée d’un assemblage de briques.
Spécification statique d’un contexte opérationnel où l’on décrit les systèmes
Cas d’utilisation
externes qui interviennent ainsi que leurs interactions.
Contexte Moment de la vie du système tel que l’environnement (client, utilisateur, système
opérationnel externe, etc.) le perçoit.
Contradiction Lorsque deux paramètres différents sont en conflit, c’est-à-dire que l’amélioration
technique de l’un entraine la détérioration de l’autre. (Gadd 2011)
Type d’exigence motivée par une restriction, limitation ou une conformité à un
Contrainte
règlement imposé au système. (D’après (Fiorèse & Meinadier 2012))
Dans le domaine de l’aide à la décision, un critère est une caractéristique
Critère permettant de mesurer les préférences du décideur vis-à-vis de chaque action et
relativement à un point de vue. (Vanderpooten 2008)
Critère Caractéristique utilisée pour évaluer la performance attendue d’un produit ou celle
d’appréciation qu'il réalise. (Afnor 2014)
Evolution du système depuis l’identification d’un besoin chez le client, le
développement du système, les tests, la production, l’opération, le support, en
Cycle de vie
passant par les évolutions diverses du système, jusqu’à ce qu’il soit retiré du
service et démantelé. (Kossiakoff & Sweet 2003)
Design dominant Réfère au concept qui s’est imposé sur le marché
Evaluation Action d’apprécier la valeur d’une chose (CNRTL 2018)
Enoncé qui spécifie une aptitude, une caractéristique ou une limitation d’un
système, d’un produit ou d’un processus, pour contribuer, dans des conditions
Exigence
d’environnement données, à la satisfaction d’un but donné. (D’après (Fiorèse &
Meinadier 2012))
Inertie Tendance humaine à s’attacher à des hypothèses familières et à montrer de la
Psychologique résistance à les remettre en cause. (adapté de (Gadd 2011))
Innovation de Innovation obtenue par le changement de concept d’un produit ou de son modèle
rupture économique
Innovation Innovation obtenue par l’ajout progressif de fonctionnalités ou l’amélioration d’un

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 8 / 157
incrémentale système existant, sans modification de son concept fondamental.
Personne physique ou morale qui reçoit la mission du maitre d’ouvrage de
Maitre d’œuvre
concevoir le système à faire et de contrôler sa réalisation. (Fiorèse & Meinadier
(MOE)
2012)
Maitre d’ouvrage Personne physique ou morale pour le compte de laquelle le système à faire est
(MOA) réalisé. (Fiorèse & Meinadier 2012)
Ensemble de pratiques, techniques, procédures et règles utilisées par ceux qui
Méthodologie
travaillent dans une discipline (Project Management Institute 2008)
Mission Tâche, service ou fonction spécifique, définie pour être accompli par le système
opérationnelle (ECSS 2004)
Opérationnel Qui relève d’un point de vue externe au système à faire.
Toute personne ou entité concernée de près ou de loin par le système (son
Partie prenante utilisation, sa réalisation, sa maintenance, sa certification…) et donc susceptible
d’exprimer des exigences. (D’après (Fiorèse & Meinadier 2012))
Ensemble d’activités corrélées ou en interaction qui utilise des éléments d’entrée
Processus
pour produire un résultat escompté. (ISO 2015)
Spécification dynamique d’un contexte opérationnel où l’on décrit la succession
Scénario
des activités et des échanges entre les systèmes externes et le système à faire
opérationnel
qui couvrent l’ensemble du contexte considéré.
Processus (opération volontaire et méthodique, phénomène inconscient ou
automatique) par lequel, à l'intérieur d'un ensemble donné, certains éléments
Sélection (personnes ou choses) sont choisis, retenus à l'exclusion des autres, en fonction
de caractéristiques déterminées, éventuellement impliquées par une certaine fin.
(CNRTL 2018)
1
(1) Spécification système : Document prescrivant des exigences à satisfaire par
le système à faire (Fiorèse & Meinadier 2012)
Spécification (2) Opération de formalisation des exigences d’un niveau supérieur en exigences
du niveau considéré (Fiorèse & Meinadier 2012). Dans notre cas, il s’agira
d’exigences de niveau du système à faire.
Combinaison d’éléments en interaction organisés pour atteindre un ou plusieurs
Système
objectifs définis (ISO/IEC/IEEE 2002)
Système d’étude qui fait l’objet du processus d’ingénierie système. (Fiorèse &
Système à faire
Meinadier 2012)
Relation déclarée acceptable par le demandeur entre la variation du prix (ou du
coût) et la variation correspondante du niveau d’un critère d’appréciation d’une
Taux d’échange
fonction, ou entre les variations de niveau de deux critères d’appréciation d’une
fonction. (Afnor 2014)
Utilisateur Individu ou organisation qui bénéficie de l’exploitation du système
Activités dont le but est de montrer que l’activité technique réalisée répond à son
objectif, que le produit résultant de l’activité répond au besoin pour lequel l’activité
Validation a été faite. (Fiorèse & Meinadier 2012) - Confirmation par des preuves objectives
que les exigences pour une utilisation spécifique ou une application prévue ont
été satisfaites. (ISO 2015)
Processus dont le but est de s’assurer que l’activité technique a été correctement
Vérification réalisée (Fiorèse & Meinadier 2012) - Confirmation par examen et apport de
preuves objectives que les exigences spécifiées ont été satisfaites. (ISO 2015)

Dans toute la suite, le terme « système » sera volontairement omis quand il s’agira de spécification. Ainsi, le
1

terme spécification réfèrera à la spécification système, c’est-à-dire la spécification de niveau système à faire.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 9 / 157
Acronymes
AFIS Association Française d’Ingénierie Système
ELECTRE Elimination Et Choix Traduisant la Réalité
EPD Electropompe doseuse
GV Géométries Variables
HC Hélicoptère
INCOSE International Council on Systems Engineering
IS Ingénierie Système
MADM Multi-Attribute Decision Making
MCDM Multi Criteria Decision Making
MOA Maitre d’ouvrage
MODM Multi Objective Decision Making
MOE Maitre d’œuvre
OEI One Engine Inoperative
QFD Quality Function Deployment
SafranHE Safran Helicopter Engines
SAR Score d’Amélioration Relatif
SHE Safran Helicopter Engines
TAG Turbine à gaz
TOPSIS Technique for Order Preferences by Similarity to an Ideal Solution
TRIZ Théorie de Résolution Inventive des Problèmes (acronyme russe)

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 10 / 157
Introduction Générale
Ces travaux de thèse ont été menés d’avril 2015 à avril 2018, dans le cadre d’une collaboration entre
Safran Helicopter Engines et l’Institut Clément Ader. Elle traite de l’étude conceptuelle de systèmes
fortement innovants, avec comme cas d’application le circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère
Safran Helicopter Engines. Le besoin de thèse a été présenté par l’industriel, en partant du constat
suivant. Chez Safran Helicopter Engines et de manière générale dans le domaine des turbines à gaz
aéronautiques, les circuits carburant ont une architecture globalement similaire. Les nouvelles
fonctionnalités y ont été ajoutées de manière incrémentale, augmentant la complexité tout en
réduisant la marge fonctionnelle pour de futurs développements. Etant donné l’évolution des besoins
des clients et le caractère fortement concurrentiel du domaine du moteur d’hélicoptère, les travaux de
thèse ont été initiés pour proposer et évaluer des solutions en rupture vis-à-vis des pratiques de
l’entreprise. Nous nous placerons pour ce faire à un niveau préliminaire du cycle de conception
puisqu’il s’agira de conception d’architecture de système carburant. Cette thématique est au cœur des
problématiques du groupe Ingénierie des Systèmes et Microsystèmes de l’Institut Clément Ader. Cette
équipe s’intéresse en effet aux mécanismes de conception préliminaire des systèmes multiphysiques
par une approche basée sur les modèles. Ce travail de thèse intervient également après plus de 10
ans de collaboration entre le laboratoire et l’industriel.

Les travaux de thèse se situent au niveau de l’étape de conception préliminaire du système, et


débutent même en amont. En effet, le caractère fortement innovant des solutions attendues nous a
poussé à débuter nos travaux d’étude conceptuelle dès l’analyse du besoin, comme nous l’avons
représenté sur la Figure 1.

Figure 1 - Positionnement de nos travaux dans le cycle en V

Les travaux de thèse ont donc été jalonnés de 3 activités génériques que sont :
- La spécification des besoins et exigences pour un système fortement innovant. Lors de cette
étape, une méthodologie a été proposée et mise en œuvre pour capter les nouveaux besoins
liés à de nouvelles demandes issues des différentes parties prenantes. Ces besoins ont été
formalisés puis déclinés en exigences, permettant leur quantification.
- La génération de concept d’architectures systèmes en rupture vis-à-vis des pratiques de
l’entreprise. Cette étape a consisté, suite à l’identification des fonctions à remplir par le
système, à générer des solutions candidates en rupture par rapport à l’existant dans
l’entreprise. Pour ce faire, une méthodologie basée sur des techniques de créativité a été
proposée et mise en place dans l’entreprise.
- La sélection d’architectures les plus pertinentes pour une application donnée. Cette étape a
permis de sélectionner les architectures les plus pertinentes pour un cahier des charges
donné. La méthodologie proposée et mise en œuvre dans le cadre de ces travaux s’appuie
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 11 / 157
sur des méthodes d’aide à la décision multi-attributs.
La structure de ce manuscrit, présentée en Figure 2, s’articule ainsi autour des trois activités que nous
venons de présenter et qui ont rythmé cette thèse.

Chapitre 0 Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV

Spécification du besoin Génération Sélection des


Introduction Conclusion
et des exigences d’architectures architectures

Figure 2 - Structure du manuscrit

Afin de dissocier l’aspect générique de nos travaux de la pure application au cas d’étude, chacun des
chapitres I, II et III sont construits selon le modèle suivant :
1- Revue critique de l’état de l’art : cette partie propose une revue critique des contributions
publiées relatives à l’activité concernée, dans le but de leur sélection pour notre application.
2- Proposition d’une méthodologie : cette partie résumé la méthodologie proposée à l’issue de la
revue de l’état de l’art.
3- Application au cas du système carburant Safran Helicopter Engines : cette partie expose les
leçons apprises lors de la mise en œuvre de la méthodologie propose dans le cadre de notre
application industrielle.
Cette construction des chapitres est illustrée en Figure 3.

1- Etat de l’art méthodologique

Approche directe

2 - Proposition d’une méthodologie pour la thèse

Approche directe Retour


d’expérience

3- Mise en œuvre de la méthodologie chez SHE

Figure 3 – Déroulement des chapitres I, II et III

Contrairement à ce que pourrait laisser supposer cette approche séquentielle des activités de
proposition et de mise en œuvre de la méthodologie, la méthodologie telle qu’elle est présentée dans
ce manuscrit a bénéficié du retour d’expérience de la mise en œuvre chez l’industriel, comme nous
l’avons représenté en Figure 3. Par soucis de clarté et de synthèse, cet aspect itératif de la
proposition d’une méthodologie n’a pas été explicité dans le manuscrit.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 12 / 157
CHAPITRE 0 - Présentation des travaux
de thèse
I. Contexte des travaux

I.A. Contexte industriel


Ce paragraphe explique le besoin industriel de disposer d’une méthodologie d’étude conceptuelle
pour les circuits carburant fortement innovants.

I.A.1. Contexte hélicoptère


ème
Depuis l’avènement de l’hélicoptère dans les débuts du 20 siècle, les évolutions des technologies
et de la société en général n’ont cessé d’entrainer de nouvelles attentes vis-à-vis des hélicoptères.
Bien qu’ayant déjà connu de nombreuses transformations, on les voudrait encore plus sûrs, plus
fiables, plus économes et plus respectueux de l’environnement. Ces nouveaux besoins, combinés à
l’optimisation des hélicoptères depuis des dizaines d’années, entrainent de nouvelles attentes en
termes de motorisation de la part des hélicoptéristes. Ces dernières sont alors répercutées sur les
différents sous-systèmes du moteur, dont le système carburant.

I.A.2. De l’hélicoptère au circuit carburant moteur


Pour voler, l’hélicoptère utilise la portance aérodynamique produite au niveau d’un ou plusieurs rotors,
rotors eux-mêmes entrainés par un ou plusieurs moteurs, formant le système de génération de
puissance de l’appareil. Ce système compte parmi les constituants les plus importants de l’aéronef. Il
représente la moitié de son coût d’achat et une grande partie de son coût d’utilisation. Il contribue
également grandement à sa sûreté, sa fiabilité et à sa performance. Les performances du moteur sont
en effet un point clé dans la performance de charge utile d’un hélicoptère, déterminée à partir de la
masse de l’hélicoptère et de la puissance de son ou ses moteur(s), ainsi que dans sa manœuvrabilité
à travers les capacités d’accélération et de décélération du ou des moteur(s).

Figure 4 - Hélicoptère Airbus Helicopters H160 PT1 (Airbus Helicopters 2018)

Le moteur utilise la combustion du carburant dans l’air pour produire des gaz chauds et sous pression,
permettant de récupérer de la puissance mécanique lors de leur détente dans une turbine. Pour
produire la puissance désirée, le moteur nécessite que sa chambre de combustion soit à chaque
instant alimentée avec le bon débit de carburant. C’est la fonction principale du circuit carburant :
puiser le carburant venant du réservoir hélicoptère pour l’injecter en bonne quantité, à tout instant et
avec une bonne vaporisation dans la chambre de combustion.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 13 / 157
Figure 5 – Moteur Safran Helicopter Engines Arriel 2E (Safran 2018)

Pour la suite, il est important de noter que la quasi-totalité des cas, le réservoir est placé en dessous
2
du moteur . Sur les gros hélicoptères, la distance verticale entre réservoir et moteur peut atteindre
près de 3 mètres.

I.A.3. Rôle du système carburant dans le moteur


Le système carburant est un sous-système majeur du moteur (voir Figure 6). Bien que sa fonction
principale soit de fournir du carburant dosé à la chambre de combustion, il peut également, selon les
modèles, fournir la puissance pour le positionnement mécanique de volets d’air et participer au
refroidissement de l’huile moteur.

Moteur
Pmécanique
Air
Ensemble mécanique de génération de puissance Gaz

1
4 5
Ordres pilote
Calculateur
3
2 Circuit carburant
Circuit carburant moteur
hélicoptère

Légende
1 : Informations des capteurs de la génération de puissance Flux de puissance
2 : Informations des capteurs du circuit carburant Flux de signal
3 : Informations de consigne de débit
4 : Interactions supplémentaires du circuit de carburant Hydraulique
(refroidir l’huile, positionner les volets d’air Mécanique
5 : Débit dosé de carburant pour les différents injecteurs Electrique

Figure 6 – Rôle du circuit carburant au sein du moteur

2
Sur certains hélicoptères légers et motorisés par des moteurs à piston, le réservoir peut se trouver au-dessus
du moteur. C’est le cas par exemple du Bell 47 ou du Robinson R22. Les seuls hélicoptères à turbomoteur dont
le réservoir se trouve au-dessus du moteur sont en fait d’ancien hélicoptères équipés de moteurs à piston qui
ont été re-motorisés par des turbomoteurs. Etant donné que nous nous intéresserons au circuit carburant d’un
turbomoteur, nous pourrons considérer que dans le cadre de notre étude, le réservoir est toujours situé en
dessous du moteur.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 14 / 157
Comme on peut le voir sur la Figure 6, le circuit d’approvisionnement en carburant reliant le(s)
réservoir(s) de l’hélicoptère à la chambre de combustion du moteur est séparé en deux. On trouve
d’une part le « circuit carburant hélicoptère » de responsabilité hélicoptériste, et le « circuit carburant
3
moteur » de responsabilité motoriste. Selon les appareils, le circuit carburant hélicoptère peut
prendre différentes formes. Il peut s’agir d’un simple réservoir, comme d’un système hydraulique
comportant plusieurs réservoirs, des pompes et des clapets.

D’un point de vue externe, le système carburant peut être décomposé selon les deux fonctions devant
être réalisées pour tous les moteurs :
- Déplacer le carburant : Il s’agit d’apporter à la chambre de combustion, le carburant reçu
depuis le circuit carburant hélicoptère. Comme nous l’avons vu précédemment, le réservoir
est situé en dessous du moteur. Selon les fonctionnalités et performances des systèmes
carburant hélicoptère, il peut être demandé au circuit carburant moteur :
o D’être auto-amorçant : dans le cas où la canalisation reliant le moteur au réservoir est
vidée du carburant, le circuit carburant doit être capable d’aspirer l’air pour faire
remonter le carburant jusqu’au moteur. C’est ce qui se passe lorsque l’on utilise une
paille pour boire : il faut tout d’abord aspirer l’air pour faire remonter le liquide.
o D’avoir une capacité d’aspiration suffisante. Il s’agit du niveau de pression minimal
admissible à l’entrée du circuit carburant.
- Doser le carburant selon les différentes familles d’injecteurs : Les moteurs Safran
Helicopter Engines peuvent comporter jusqu’à 3 familles d’injecteurs :
o Les injecteurs de démarrage, utilisés pour l’allumage de la chambre de combustion.
Ils permettent d’avoir une bonne pulvérisation du carburant avant même que le
4
moteur n’ait démarré. Ils sont relativement peu perméables et doivent être alimentés
avec une pression suffisante pour fonctionner correctement.
o Les injecteurs principaux, utilisés après l’allumage de la chambre de combustion.
Ces injecteurs permettent d’avoir une bonne pulvérisation une fois que le moteur est
lancé. En effet, ils utilisent la turbulence liée aux mouvements d’airs dans la chambre
de combustion pour effectuer la pulvérisation. Ceci leur permet d’être relativement
perméables.
o Les injecteurs privilégiés, il s’agit d’un petit groupe d’injecteurs principaux pouvant
être suralimentés en cas de manœuvre de forte décélération du moteur. Ils
permettent d’augmenter la marge à l’extinction de la chambre de combustion par
soufflage.

et trois fonctions optionnelles (c'est-à-dire selon les types de moteur) :


- Refroidir l’huile : la capacité thermique du carburant peut être utilisée pour refroidir l’huile
moteur. En effet, en plus de lubrifier le moteur, l’huile collecte une partie de la chaleur produite
au sein du moteur. Elle peut donc être considérée comme un véritable liquide de
refroidissement du moteur, qu’il refroidir à son tour.
- Positionner les géométries variables (GV) : le carburant pressurisé est utilisé pour
alimenter en puissance les actionneurs servant à positionner des systèmes de GV du moteur,
par exemple les aubes de prérotation du stator.
- Alimenter des servitudes hydrauliques : pour les applications avion, le carburant peut être
renvoyé vers le système carburant aéronef pour alimenter des systèmes hydrauliques. Il peut
s’agir par exemple de pompes à jet, utilisées pour déplacer le carburant des différents
réservoirs de l’appareil.

I.A.4. Le système carburant chez Safran Helicopter Engines


Le système carburant générique de Safran Helicopter Engines est composé de quatre systèmes
principaux (voir Figure 7) :
 Un système de pompage fournissant au système de dosage un débit carburant toujours

Ce circuit étant notre sujet d’étude, nous le nommerons simplement « circuit carburant » ou « système
3

carburant » dans la suite du manuscrit.


La perméabilité d’un composant est la grandeur qui lie le débit de fluide à la différence de pression à ses
4

bornes. C’est l’inverse de la résistance hydraulique.


Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 15 / 157
supérieur au besoin de la chambre de combustion,
 Un système de filtration principal qui protège de la pollution les équipements en aval.
 Un système de dosage fournissant le débit carburant strictement nécessaire à la chambre de
combustion.
 Un système de répartition du débit carburant dosé aux différents injecteurs de la chambre de
combustion. Les stratégies de répartition sont liées aux besoins de la chambre de combustion
en fonction de ses phases d'opération.

Circuit Carburant

Système de Système de Système de Système de


Pompage Filtration Dosage Répartition

Chambre de
Réservoir
Combustion

Figure 7 - Architecture circuit carburant générique

Historiquement, les nouvelles fonctionnalités sont intégrées au système carburant par l’ajout d’un
système dédié, comme nous l’avons représenté en Figure 8. On parle alors d’innovation incrémentale.
Les systèmes dédiés peuvent être :
- Un système d’amorçage permettant au moteur de démarrer de manière autonome en toute
situation
- Un système de réchauffage carburant permettant au moteur de fonctionner à des
températures de carburant au niveau du réservoir plus basses
- Un système d’actionnement de géométries variables (GV). Il s’agit de positionner les parties
mobiles du moteur pour en optimiser le point de fonctionnement. L’idée est d’utiliser le
carburant déjà sous pression pour alimenter les actionneurs en charge de cette tâche de
positionner des GV.
- Un système de refroidissement de l’huile. On utilise l’opportunité d’avoir du carburant plus
froid que l’huile pour transférer la chaleur de l’huile au carburant.
- Un système de purge des injecteurs lorsqu’ils ne sont plus alimentés, permettant d’en
améliorer la fiabilité.

Circuit Carburant

Système Système de
Système d’Actionnement
d’Amorçage Purge
GV

Système de Système de Système de Système de


Pompage Filtration Dosage Répartition

Système de Système de
Réchauffage Refroidissement
caburant huile

Chambre de
Réservoir
Combustion

Figure 8 - Ajout incrémental de fonctionnalités au circuit carburant

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 16 / 157
Cette démarche d’innovation incrémentale est courante dans le milieu industriel car elle permet de
répondre à de nouveaux besoins en se basant sur des systèmes carburant déjà existants (et donc
certifiés et matures). La prise de risque se limite donc uniquement au système que l’on ajoute. Par
conséquent, les systèmes carburant obtenus ont des architectures globalement similaires.

I.A.5. De l’innovation incrémentale vers l’innovation de


rupture
Le problème de cette approche incrémentale de l’innovation est que l’amélioration des performances
du système se fait au détriment de la capacité du système à s’améliorer (que nous appellerons marge
fonctionnelle). C’est ce mécanisme que nous avons représenté en Figure 9. En procédant par
innovation incrémentale entre l’état A et l’état B, on augmente bien la performance du système, tout
en diminuant très significativement sa marge fonctionnelle. Pour rétablir cette capacité à s’améliorer, il
est alors nécessaire d’avoir recours à l’innovation de rupture. Il s’agit de concevoir le système d’une
manière totalement différente de ce qui est fait jusque-là. Comme le soulignent les auteurs de
(Norman & Verganti 2014), le résultat initial d’un processus d’innovation de rupture est souvent moins
performant et optimisé que le système traditionnel. C’est ce que nous avons illustré par le passage de
B à C dans la Figure 9. C’est alors que l’innovation incrémentale reprend du service pour améliorer et
optimiser ce nouveau concept. C’est à ce moment-là que l’intérêt de l’innovation de rupture est avéré
car ce changement de concept permet d’obtenir un système nativement mieux adapté aux nouveaux
besoins.

Performance
du système
D

B Incrementale
Radicale

Incrementale C
A

Effort de
conception
l l l l
Concept bien connu Nouveau concept

Figure 9 - Les mécanismes de l'innovation incrémentale et de rupture (inspiré de (Norman & Verganti 2014))

I.B. Contexte laboratoire


Ces travaux s’intègrent dans la thématique de recherche de l’axe Ingénierie des Systèmes et
Microsystèmes (ISM) du groupe Modélisation des Systèmes et Microsystèmes Mécaniques de
l’Institut Clément Ader (Toulouse). Cet axe s’intéresse en effet à la conception en phase préliminaire
de systèmes mécaniques, en particulier dans le domaine aéronautique (Fraj 2014; Liscouët-Hanke
2008; Liscouët 2010). Les travaux de notre thèse sont également le fruit d’une collaboration étroite et
durable entre Safran Helicopter Engines et l’Institut Clément Ader depuis 2005 au cours de projets
européens (ADVACT 2005 « Advanced Actuation Concepts to provide a step change in Technology
used in future aeroengine control systems ») ou nationaux FUI (Syrena 2011 « Système de
Régulation Nouvelles Architectures »).

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 17 / 157
II. Particularité des travaux de thèse
II.A. Spécificités du cas d’étude
Le but de nos travaux a été de proposer une méthodologie d’étude de concepts d’architectures
fortement innovants afin de sélectionner les concepts les plus prometteurs, pour un cahier des
charges donné. Cette méthode a été pensée et appliquée dans le cadre de l’architecture d’un circuit
carburant de moteur d’hélicoptère, dans l’entreprise Safran Helicopter Engines. Ceci étant dit, un
certain nombre de spécificités se dégagent de nos travaux. Dans un souci de réutilisation de nos
travaux dans des applications similaires, nous exposons dans ce paragraphe les spécificités de notre
cas d’étude :
- Une approche d’innovation de rupture : notre méthodologie a été pensée dans le but de
proposer des solutions fortement innovantes. Ceci nous a poussé à débuter nos travaux de
recherche dès l’expression des besoins, pour ensuite proposer et sélectionner les solutions
fortement innovantes.
- Une approche conceptuelle : nos travaux se placent en phase préliminaire de la conception
du système. Nous traiterons de la conception d’architectures, en tant qu’assemblage de sous-
systèmes en interaction les uns avec les autres, et avec leur environnement. Nos travaux ne
traitent pas de dimensionnement de ces sous-systèmes ni de leur conception, mais se
focalisent sur leur sélection et leur organisation.
- Une approche systémique : Nos travaux sont basés sur une approche d’ingénierie système.
Ainsi, les différentes parties prenantes sont représentées dans les critères d’évaluation des
concepts. Ceci implique un nombre de critères relativement grand, ainsi que la présence de
critères non-quantifiables.
- Une mise en œuvre sur un système multiphysique de transformation de puissance : le
système carburant d’un moteur d’hélicoptère est un système mélangeant les domaines de
l’hydraulique, la mécanique, l’électrique et la thermique. Il s’agit également d’un système de
transformation de puissance, permettant de déplacer et pressuriser du carburant.
- Une mise en œuvre industrielle : Notre approche doit pouvoir être implémentée dans un
contexte industriel où l’efficacité est maître-mot. Ainsi, la méthodologie proposée doit
répondre à un certain nombre de contraintes :
o Maitrise du temps de mise en œuvre. Ce point est primordial dans une approche
industrielle d’un point de vue coût et délais. La méthodologie proposée étant
hautement collaborative, il est souvent nécessaire de réunir des experts de plusieurs
domaines. Ceci, en plus de générer du délai du fait de la relative difficulté à trouver un
créneau commun, est source de coût en termes d’utilisation d’heures de travail de
personnels.
o Facilité d’appropriation par des participants non-experts des méthodologies de
spécification, génération et sélection de concepts. Cet aspect est important car les
ingénieurs ne pourront avoir confiance en une méthode dont ils ne peuvent pas
comprendre les rouages. On pensera par exemple aux méthodes d’aide à la décision
multicritère, qui seront abordées au Chapitre 3 et qui peuvent être particulièrement
complexes à appréhender.

Par voie de conséquence, nos travaux ont été basés sur l’évaluation qualitative de concepts. En effet
les aspects d’innovation de rupture et d’approche préliminaire impliquent d’avoir à traiter un grand
nombre de concepts fondamentalement différents de ceux classiquement utilisés au sein de
l’entreprise. La quantification des performances de ces nouveaux concepts vis-à-vis des critères
d’évaluation nécessiterait une modélisation ou des essais spécifiques. Ces moyens spécifiques ne
peuvent être mis en œuvre dans nos travaux d’étude conceptuelle du fait du nombre important de
nouveaux concepts à évaluer.

Les différentes caractéristiques de notre cas d’étude, présentés dans ce paragraphe, ont guidé nos
travaux de recherche et les choix méthodologiques qui y ont été faits.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 18 / 157
II.B. Positionnement vis-à-vis des travaux existants
Nos travaux de thèse se trouvent à la frontière de deux domaines de la littérature scientifique : la
conception préliminaire d’une part, et l’innovation de rupture d’autre part. Lors de notre recherche
bibliographique, nous n’avons collecté que très peu de contributions combinant simultanément ces
deux aspects. On peut néanmoins s’en approcher en passant par l’un ou l’autre des thèmes.

« Innovation de rupture » dans les travaux de « Conception préliminaire »


Dans les travaux traitant de conception préliminaire, l’accent est rarement mis sur l’innovation. On
trouve les travaux de (Moullec 2014) où l’aspect innovant des concepts proposés est principalement
représenté par un nombre important d’architectures à sélectionner. Ainsi, les travaux de conception
préliminaire sont souvent focalisés sur les étapes de génération et évaluation des concepts, sans
prendre en compte l’étape d’analyse du besoin. La génération des architectures y est alors traitée de
manière systématique, sans considérer d’apport de créativité. C’est notamment le cas des travaux de
(Fraj 2014; Liscouët 2010; Moullec 2014; Biltgen & Mavris 2007a; Engler et al. 2007; Craisse et al.
2016). Les aspects d’analyse du besoin sont traités avec la démarche de conception dans des
ouvrages de référence tels que (Pahl et al. 2007; Ulrich & Eppinger 2012). Ils apportent un cadre
structurant ainsi une approche intégrée d’analyse des besoins, génération et sélection de solutions.
Cependant, les aspects d’innovation sont abordés mais sans proposer une méthodologie spécifique.
Dans cette catégorie de la littérature dédiée à la conception préliminaire, les travaux de recherche
sont très majoritairement tournés vers une évaluation quantitative des performances, basée sur les
modèles (Fraj 2014; Moullec 2014; Kirby 2001; Liscouët 2010). Les approches basées sur une
évaluation qualitative des performances sont en revanche marginales, et concernent généralement
des systèmes où l’appréciation subjective du client a une part importante. C’est le cas notamment des
travaux de (Mammeri 2013) qui traitent de l’évaluation du confort dans les trains.

« Conception préliminaire » dans les travaux d’« Innovation de rupture »


La plupart des travaux traitant d’innovation de rupture, ont une approche par l’organisation de
l’entreprise (Felk 2011; Arnoux 2013) ou bien une approche orientée vers les besoins et le marché
(Yannou et al. 2018; Buisine et al. 2017). Dans ce dernier cas, l’approche s’intègre dans une optique
de conception préliminaire par le biais de l’analyse des besoins. Ces travaux ne proposent cependant
pas de méthodologie pour la sélection des concepts les plus pertinents pour une situation donnée.

De ce fait, les travaux de thèse présentés dans ce manuscrit proposent une approche originale de
l’étude conceptuelle d’architecture de systèmes de transformation de puissance dans le sens où ils
visent à combiner judicieusement deux domaines jusqu’alors disjoints : la conception préliminaire et
l’innovation de rupture.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 19 / 157
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CHAPITRE 1 - Ingénierie des Besoins
et des Exigences

Introduction
L’ingénierie des besoins et des exigences constitue la première étape du processus d’ingénierie d’un
système. Lorsque le système à faire est fortement innovant, il s’agit d’une étape cruciale pour
permettre la créativité en phase de conception. L’objectif est, en effet, de donner une description
précise et complète du système à faire tel qu’il devra se comporter du point de vue de ses parties
prenantes, sans présupposer de la solution. Ainsi, il est question dans ce chapitre de poser, de
manière complète et non ambigüe, le problème d’ingénierie à résoudre.

Remarque préliminaire

Il est d’usage en ingénierie des besoins ((Fiorèse & Meinadier 2012; ISO/IEC/IEEE 2015; Liu 2016;
Walden et al. 2015)) de distinguer :
- Les attentes ou besoins fonctionnels : qui déterminent ce que le système doit faire
- Les contraintes : qui engendrent une limitation contraignant la conception du système.
Dans la suite du document, nous ne ferons pas de distinction entre attentes et contraintes. Nous
avons choisi de regrouper les attentes et contraintes sous l’appellation « besoins ». En effet, les
contraintes et attentes doivent être indifféremment satisfaites par le système à faire. Ainsi, pourquoi
passer du temps et de l’énergie à déterminer si tel ou tel service relève de l’attente ou du besoin ? En
effet, étant donné qu’il est parfois difficile de faire la distinction entre attente et contrainte, le débat
peut être long. Considérons par exemple le cas d’un moteur automobile. Un besoin de type « Etre
capable de détecter une fuite d’huile », relève-t-il de l’attente ou de la contrainte ? Certains diront qu’il
s’agit d’une contrainte car la détection des fuites n’est pas une attente opérationnelle de l’utilisateur du
moteur. D’autres diront que dans le contexte actuel d’évolution des services rendus à l’utilisateur, la
détection de fuite en tant que dysfonctionnement fait partie des attentes que l’utilisateur a à l’égard du
moteur. Et pourtant, qu’il s’agisse d’une attente ou d’une contrainte, l’exigence « Etre capable de
détecter une fuite d’huile » devra être satisfaite.
Ainsi, pour éviter de longs débats sans grande valeur ajoutée pour la suite de la démarche d’IS, nous
utiliserons donc le terme « besoin » qui réfèrera aussi bien à des attentes qu’à des contraintes.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 21 / 157
I. Présentation de l’ingénierie des besoins et des
exigences

I.A. Enjeux de l’ingénierie des besoins et des exigences

I.A.1. Distinction entre besoin et exigences


Avant toutes choses, il convient de faire la distinction entre besoins et exigences :
- Les besoins désignent les attentes des parties prenantes du système à faire (utilisateur,
exploitant, organisme législateur, acquéreur, etc.). Il s’agit donc de services ou limitations
que ces parties prenantes veulent voir réalisés ou respectés par le système à faire tout
au long de son cycle de vie.
- Les exigences relèvent quant à elles de la formalisation du besoin en un problème à
résoudre par le concepteur (Fiorèse & Meinadier 2012). Les exigences sont donc une
expression quantifiée et exhaustive des besoins des parties prenantes du système à
faire.

I.A.1.a) Recueil des besoins

Dans une vision d’IS, le recueil du besoin constitue la première étape du processus de conception
d’un système. Il s’agit de recueillir les attentes des parties prenantes du système à faire (utilisateur,
exploitant, organisme législateur, acquéreur, etc.).
Plus qu’une activité de collecte d’informations, la spécification de besoin est un exercice de
communication qui doit permettre aux parties prenantes et le MOE de se mettre d’accord sur les
besoins auxquels ils devront répondre. Il s’agit de se mettre d’accord sur un vocabulaire commun qui
permette à des individus issus de différentes disciplines de partager des concepts, et ainsi éviter les
incompréhensions (Peugeot 2014).

I.A.1.b) Ingénierie des exigences

L’activité d’ingénierie des exigences intervient juste après la phase de recueil des besoins. Tout
comme dans cette dernière phase, le système à faire est considéré avec un regard extérieur. Le but
de l’ingénierie des exigences est de définir et maintenir à jour la définition du problème d’ingénierie à
résoudre par le concepteur du système. Il s’agit dans une premier temps de formaliser et de quantifier
le besoin exprimé en un problème complet et cohérent (Fiorèse & Meinadier 2012). Dans un second
temps, l’ingénierie des exigences consiste à analyser, valider et faire évoluer l’ensemble des
exigences relatives au système à faire (Konaté 2009)

I.A.2. Importance de l’ingénierie des besoins et des


exigences
Diverses études, principalement menées dans le domaine de l’ingénierie logicielle, attestent de
l’importance de l’ingénierie des besoins et exigences dans la phase de conception. Ainsi, la Figure 10
ci-dessous présente les résultats du rapport CHAOS (The Standish Group 1994) du groupe Standish
de 1994. On constate ainsi que la spécification des besoins et exigences est un facteur de succès
pour 40% des cas et un facteur d’échec pour 48% des cas.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 22 / 157
Facteurs
Facteurs
de Catégorie d'échec
succès

Besoins / Exigences /
40% Spécifications 48%

Item succès: 1,3,5,9 Item échecs:1,2,3,7,8

Compétence
9% technique 11%

Item succès:7,10 Item échecs: 5,10

Projet / Ressources
23% 9%

Item succès: 4,6,8 Item échecs: 6,9

Soutien du
14% management 8%

Item succès:2 Item échecs:4

Figure 10 - Facteurs d'échec et de succès des projets informatiques d'après le Groupe Standish (d’après (The
Standish Group 1994))

Martin & Leffinel confortent les conclusions du Standish groupe. En effet, comme on peut le voir en
Figure 11 ci-dessous, la définition et gestion des besoins représente 56% des causes de défauts dans
le domaine logiciel.

Figure 11 - Origine des défauts de qualité dans le domaine logiciel (source Martin & Leffinel), image : (Badreau
& Boulanger 2014)

Ces travaux montrent qu’il est primordial pour la réussite d’un projet de conception de spécifier de
manière précise et complète les besoins des parties prenantes vis-à-vis du système. C’est
précisément le but des activités d’ingénierie des besoins et des exigences.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 23 / 157
I.B. Etat de l’art en ingénierie des besoins et des
exigences

I.B.1. Processus
Afin de donner un aperçu des processus mis en œuvre en ingénierie des besoins et des exigences,
nous avons choisi de comparer les processus de quatre référentiels distincts. Pour ce faire, nous
avons décidé de choisir un référentiel de référence afin d’y comparer les trois autres.

I.B.1.a) Présentation du processus de référence


(1) Justification du choix d’un processus de référence
Nous avons fait le choix de comparer les processus cités précédemment à la lumière de celui qui a
été présenté par J. Konaté dans (Konaté 2009) (voir colonne de droite du ). En effet, d’une la
formulation générique de ce processus en 6 grandes étapes le rend facilement comparable aux
autres. D’autre part, ces étapes représentent déjà un certain consensus en ingénierie des exigences
car elles sont communes à des travaux plus anciens (Kotonya & Sommerville 1998; Nuseibeh &
Easterbrook 2000; Coulin 2007). Il est également repris par (Badreau & Boulanger 2014) sans la
phase de modélisation.

(2) Description du processus de référence


Dans sa thèse (Konaté 2009), J. Konaté propose un processus basé sur 6 phases distinctes :
l’Elicitation, la Modélisation, l’Analyse, la Spécification, la Validation et la Gestion des exigences.
Comme le montre la Figure 12, la phase de gestion des exigences est mise en œuvre parallèlement
aux autres.

Figure 12 - Les phases de l'Ingénierie des exigences (issu de (Konaté 2009))

L’auteur donne alors une définition de chacune de ces phases :


 L’Elicitation des exigences consiste en la collecte, la capture, la découverte et le
développement des exigences à partir de toutes les parties prenantes du système à faire.
 La Modélisation consiste en la représentation du problème dans le but d’avoir une meilleure
compréhension du contexte ou de l’environnement du système à faire.
 L’Analyse consiste en l’examen et la compréhension des exigences élicitées et leur
vérification en termes de clarté, complétude, exactitude et consistance.
 La Spécification consiste en la formalisation des exigences afin de les mettre à disposition
des parties prenantes, et en particulier des parties prenantes impliquées dans l’activité de
conception.
 La Validation consiste en la confirmation de la conformité des exigences aux besoins et
désirs exprimés par les parties prenantes.
 La Gestion est exécutée tout au long de l’ingénierie des exigences. Elle inclut la traçabilité
des exigences (suivi des modifications et suivi des allocations), le contrôle de version et de
statut (allouée, non allouée par exemple) des exigences.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 24 / 157
Le détail des différentes phases du processus est donné en Figure 13.

Figure 13 - Les phases du processus d'ingénierie des exigences et leurs différentes étapes (issu de (Konaté
2009))

I.B.1.b) Comparaison des différents référentiels

Nous avons choisi de représenter dans le Tableau 1 ci-dessous les grandes étapes des processus de
passage des besoins aux exigences décrits dans :
- Deux référentiels d’ingénierie système génériques :
o Celui de l’AFIS porté par (Fiorèse & Meinadier 2012; Fanmuy 2014; Fanmuy 2012)
(en première colonne)
ème
o Celui de la norme ISO/IEC/IEEE 15288:2015 (ISO/IEC/IEEE 2015) (en 3
colonne).
- Deux travaux récents portant sur la spécification des exigences :
o « Une méthodologie de conception préliminaire basée sur SysML » par Mhenni et
ème
al. (Mhenni et al. 2014) (en 2 colonne)
o La thèse de J. Konaté « Approche système pour la conception d’une méthodologie
pour l’élicitation collaborative des exigences » (Konaté 2009) (en dernière colonne).
La diversité de ces référentiels permet d’avoir une bonne vision des processus d’ingénierie des
besoins et des exigences.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 25 / 157
Tableau 1 - Comparaison de différents processus d’ingénierie des besoins et des exigences

AFIS (Fiorèse & Meinadier 2012; Mhenni et al., 2014 ISO/IEC/IEEE 15288:2015 Konaté, 2009
Fanmuy 2014; Fanmuy 2012) (Mhenni et al. 2014) (ISO/IEC/IEEE 2015) (Konaté 2009)

Recueil des besoins des parties Définition de la mission globale du Identification des parties prenantes
prenantes système à faire intéressées par le système Elicitation
Définition du besoin des parties
Analyse des fonctions rendues par le Identification du cycle de vie du
prenantes
système système à faire
Définition du concept opérationnel et
Modélisation du contexte du système les autres concepts du cycle de vie du Modélisation
Caractérisation de l’environnement système
à faire
Transformation des besoins des
Formalisation des besoins parties prenantes en exigences
Identification des interfaces externes
(MOA) Analyse
Analyse des exigences des parties
Vérification et validation des Représentation des modes prenantes
exigences opérationnels utilisateur
Vérification et validation des
exigences des parties prenantes Spécification
Hiérarchisation et flexibilité des Modélisation des services rendus par
besoins le système à faire
Définition des exigences système
Spécification des exigences système Représentation des scénarios
(MOE) fonctionnels Analyse des exigences systèmes Validation

Vérification et validation des


Spécification des exigences Vérification et validation des
exigences
exigences systèmes

Gestion des besoins et exigences des Gestion


Gestion et traçabilité des exigences Traçabilité des exigences
parties prenantes

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 26 / 157
Dans l’ensemble, les quatre référentiels partagent la plupart des étapes du processus d’ingénierie des
exigences de (Konaté 2009).
On constate tout d’abord que tous les référentiels incluent l’activité de gestion et traçabilité des
exigences. Cela démontre bien l’importance de cette étape dans la réussite du processus complet de
conception du système à faire. En effet, nous avons vu en I.A.2 que le rapport du groupe Standish
met en lumière une contribution de 13% à l’échec des projets de conception informatique au facteur
« Spécifications incomplètes ».
On peut également remarquer que la phase de modélisation n’est pas mentionnée en dehors du
processus de J. Konaté. Selon nous, ce constat s’explique dans tous les cas par le caractère implicite
de cette étape de modélisation dans les trois autres processus. En particulier, cet aspect est
prépondérant à chaque étape du processus de Mhenni et al., qui expose une méthodologie de
conception préliminaire basée sur l’outil de modélisation SysML.

On constate également que dans les référentiels de l’AFIS et de la norme ISO/IEC/IEE 15288, la
différence est faite entre :
- Les exigences initiales / exigences des parties prenantes : c’est à dire les exigences
énoncées par le maitre d’ouvrage (MOA) (acquéreur du système à faire, client)
- Les exigences système : c’est-à-dire les exigences énoncées par le maitre d’œuvre
(MOE) (entité en charge de la réalisation du système à faire).
Cette distinction est représentée en Figure 14.

Figure 14 - Lien entre besoin, exigences initiales et exigences système (tirée de (Fiorèse & Meinadier 2012))

De manière très formelle, on peut considérer dans le cadre de la thèse que :


- les exigences initiales sont celles récoltées premièrement auprès des parties prenantes.
- Les exigences système sont celles qui ressortent des discussions ayant eu comme point de
départ les exigences initiales.

Cependant, dans le cadre des travaux de thèse, les parties prenantes concernées par le système à
faire (système carburant) sont essentiellement des membres de l’entreprise. Ainsi, la proximité
relationnelle fait qu’il est possible de discuter des exigences initiales pour se mettre d’accord
ensemble sur les exigences système. Cette mise au point est faite au cours de réunion de revue
d’exigences. Ce mode de fonctionnement permet d’éviter un processus formel de dérivation des
exigences système depuis les exigences initiales (Processus B de la Figure 15 ci-dessous).

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 27 / 157
Processus A Exigences Processus B
Exigences
initiales système
Besoins
Processus A + Revue d’exigences Exigences
Figure 15 - Distinction entre les processus décrits dans (Fiorèse & Meinadier 2012) et (ISO/IEC/IEEE 2015) (en
noir) et celui de la thèse (en rouge)

Ainsi, dans la suite de la thèse nous avons choisi de :


- Remplacer le processus formel de dérivation des exigences initiales en exigences système
par une simple revue d’exigences avec les parties prenantes
- N’utiliser que le terme « exigences » pour désigner les exigences système ainsi obtenues.
Ces choix sont représentés en Figure 15 ci-dessus.

I.B.1.c) Processus retenu pour les travaux de thèse

Au cours de la thèse, l’ingénierie des besoins et des exigences a été menée selon le processus décrit
dans le Tableau 2 ci-dessous. Globalement, il s’agit d’une synthèse entre les référentiels de l’AFIS et
de la norme ISO/IEC/IEEE 15288.

Tableau 2 - Processus d'ingénierie des besoins et des exigences retenu pour la thèse

Processus retenu pour la thèse

Identification des parties prenantes


1
intéressées par le système
Elicitation

Définition du besoin des parties


2
prenantes

Définition des contextes du cycle de


3
vie du système Spécification
Transformation des besoins des de besoin
4
Analyse

parties prenantes en exigences

Analyse des exigences des parties


5
prenantes Spécification
des exigences
6 Validation des exigences

Gestion des exigences des parties


prenantes

Ce processus reprend les quatre grandes activités d’ingénierie des exigences présentées par les
auteurs de (Badreau & Boulanger 2014), à savoir : éliciter, analyser, spécifier et valider.
Nous avons choisi de ne pas faire de l’activité de spécification une étape à part entière du processus
car elle est effectivement incluse dans les activités déjà présentes. Ainsi, nous ne représentons pas
dans le processus du Tableau 2 les documents de spécification sous la forme de livrable obtenu à la
fin des phases d’élicitation du besoin et d’analyse des exigences.
De la même manière, l’activité de modélisation n’apparait pas explicitement dans le processus
proposé dans le cadre des travaux de thèse. Cependant, les techniques de modélisation sont utilisées
dans le cadre de la Définition des contextes du cycle de vie du système et de la Transformation des
besoins des parties prenantes en exigences (lignes 3 et 4 du Tableau 2 ci-dessus).
Conformément aux processus exposés dans le Tableau 1, l’activité de gestion des exigences a été
ajoutée. Ainsi, les étapes du processus retenu pour les travaux de thèse sont les suivantes :

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 28 / 157
(1) Elicitation des besoins

 Identification des parties prenantes intéressées par le système


Il s’agit d’établir la liste exhaustive des parties prenantes qui ont un intérêt quelconque pour le
système à faire. Il peut s’agir d’utilisateurs du système, d'exploitants, des équipes de production et
de maintenance, d’organismes de réglementation, et de tout système qui interagit (échange
d’énergie ou d’informations) avec le système à faire.

 Définition du besoin des parties prenantes


Cette étape inclut la collecte des différents besoins des parties prenantes précédemment
identifiées. Il s’agit de mettre en place un référentiel complet des besoins opérationnels des
parties prenantes. A l’issue de cette étape, les fonctions à remplir par le système à faire sont
connues.

 Définition des contextes opérationnels du cycle de vie du système


Il s’agit de donner une description, du point de vue des parties prenantes, des contextes
rencontrés par le système durant son cycle de vie. Ces contextes opérationnels peuvent être
décrits de manière statique (état) ou bien de manière dynamique (enchainement d’états) via
l’introduction de scénarios opérationnels.

A l’issue de cette première étape, une spécification de besoin est produite. Elle contient les besoins
exprimés par les parties prenantes ainsi que les contextes opérationnels identifiés. Cette spécification
doit être validée par toutes les parties prenantes.

(2) Analyse du besoin et des exigences

 Transformation des besoins des parties prenantes en exigences


Il s’agit, pour chaque besoin qui doit être satisfait par le système à faire, de recueillir les exigences
des parties prenantes. Ces exigences devront être cohérentes des contextes opérationnels
identifiés précédemment.

 Analyse des exigences


Cette activité consiste en l’examen des exigences dans le but de les clarifier, supprimer
d’éventuelles incohérences et s’assurer de leur complétude et unicité. Il s’agit de réunir les
représentants des différentes parties prenantes du système à faire pour statuer sur les exigences
à spécifier pour le système.

A l’issue de cette seconde étape, une spécification des exigences est produite. Elle contient la
totalité des exigences applicables au système à faire. Cette spécification doit être validée par toutes
les parties prenantes.

(3) Validation des exigences


Une fois la version finale de la spécification des exigences élaborée, elle est validée par toutes les
parties prenantes. Cette validation est présentée de manière formelle dans le processus proposé car il
s’agit de la dernière étape avant l’utilisation de ces exigences pour les activités de conception du
système.

(4) Gestion des exigences des parties prenantes


Cette activité est une activité transverse qui doit être effectuée tout au long du processus d’ingénierie
du système. Il s’agit de :
- Tenir à jour le référentiel d’exigences : il est primordial de disposer d’un référentiel
d’exigences à jour tout au long du processus d’ingénierie du système à faire. En effet, il est
inutile de concevoir un système répondant à des exigences obsolètes.
- Assurer la traçabilité des exigences : il s’agit d’assurer un lien entre les exigences de
niveau système et les exigences de niveau sous-système, définies à l’issue des activités de
conception. Cela permet de propager des modifications de spécification d’un niveau à un
autre.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 29 / 157
I.B.2. Bonnes pratiques
En termes de bonnes pratiques en ingénierie des besoins et des exigences, on trouve :
- L’AFIS, qui propose depuis fin 2008 un référentiel méthodologique d’ingénierie système. Il
se compose à présent de :
o (Fiorèse & Meinadier 2012; Fanmuy 2014) pour le recueil des besoins
o (Fanmuy et al. 2001) et (Fanmuy 2012) pour l’ingénierie des exigences
o (Walden et al. 2015) servant de référentiel normatif international,
- La norme ISO/IEC/IEEE 29148 (ISO/IEC/IEEE 2011) dédiée à l’ingénierie des besoins et
des exigences,
- Un ouvrage récent (Badreau & Boulanger 2014) propose également un référentiel
méthodologique d’ingénierie des exigences pour les systèmes à forte composante
logicielle.

I.B.2.a) Ingénierie des besoins


(1) Le recueil des besoins des parties prenantes
Il s’agit dans un premier temps d’identifier toutes les parties prenantes, c’est-à-dire les personnes ou
entités concernées de près ou de loin par le système à faire.
Par exemple, dans le cas où le système à faire est un véhicule automobile, on trouverait parmi les
parties prenantes : le conducteur, les passagers, le propriétaire mais également, le garagiste (aspect
de maintenance), l’environnement extérieur (conditions climatiques, état de la route…) ainsi que la
réglementation (normes anti-pollution, normes de sécurité…).
Il est important de dresser une liste exhaustive de ces parties prenantes de manière à ne pas omettre
de besoins.
Dans un second temps, il s’agit de recueillir les besoins de ces parties prenantes. Pour ce faire,
plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre :
o Analyse de l’existant : prendre en compte les insatisfactions des parties prenantes vis-à-
vis du système actuel
o Sondage / Interview : discuter avec les représentants des parties prenantes de leur
besoin
o Analyse de textes règlementaires
o Analyse des opportunités : Comme le souligne (Kossiakoff & Sweet 2003), du fait des
progrès technologiques, le système à faire peut répondre à des besoins jusqu’alors non
exprimés. C’est le cas par exemple du smartphone. La technologie évoluant, il a été
possible d’intégrer les fonctionnalités d’un ordinateur dans un téléphone mobile. Les
fabricants ont donc exploité cette opportunité pour créer de nouveaux besoins (« Accéder
à ses mails depuis son mobile », « Prendre des photos avec son mobile », etc.). Notons
toutefois que cette méthode ne peut être mise en place qu’en cours de conception
puisqu’il faut avoir une expérience de l’état de l’art technologique.
o Analyse des interfaces, afin d’assurer la cohérence vis-à-vis des autres systèmes de
l’environnement

Durant les travaux de thèse, nous avons eu principalement recours à la méthode d’interview pour
recueillir le besoin des parties prenantes internes à SHE. En effet, elle permet de discuter directement
avec les représentants de chaque partie prenante.
Cette première étape du recueil des besoins opérationnels a été l’occasion de définir précisément les
limites fonctionnelles du système à faire.

(2) Analyse des fonctions rendues par le système à faire


Il s’agit d’analyser les services rendus par le système à faire à ses parties prenantes. Ils sont
caractérisés en termes de :
- Parties prenantes mises en relation
- Nature et caractéristiques des flux échangés entre le système et les parties prenantes
- Scénarios d’échange
- Transformations à réaliser
- Niveaux de services attendus (temps de réponse, sûreté de fonctionnement, performances,
etc.)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 30 / 157
Les enchainements de services rendus sont déterminés par les scénarios opérationnels du système
à faire.
Dans un premier temps, nous avons fait le choix de ne pas nous préoccuper des aspects dynamiques
de la vie du système (scénarios d’échanges, conditions de déclenchement, scénarios opérationnels,
etc.).

Nous nous sommes en revanche focalisés sur le recueil d’une liste exhaustive des contextes
opérationnels dans lequel peut opérer le système à faire. Il s’agit de prendre en compte le fait que le
système à faire a un comportement différent selon les contextes opérationnels rencontrés. (Bonjour et
al. 2009) Nous nous proposons de représenter l’intégration des contextes opérationnels dans le cycle
de vie du système en Figure 16 ci-dessous.

Cycle de vie
Pré-étude Phase du
cycle de vie

Développement
Contexte
opérationnel

Production Phase de vie : Service


Démarrage
Moteur
Décollage

Maintenance Service
Mission
Arrêt
moteur

Atterrissage
Retrait du
service

Figure 16 - Cycle de vie et exemple de contextes opérationnels pour un moteur d'hélicoptère

En effet, les besoins vis-à-vis du système à faire sont différents d’un contexte à l’autre.
Considérons, par exemple, le cas d’un ordinateur portable. En phase de service, dans un contexte
opérationnel de transport, l’utilisateur exprime un besoin de compacité du système : « Etre facilement
transportable ». Cependant, dans un contexte de visualisation d’un film, le besoin est d’avoir un grand
écran. De plus, en phase de maintenance, le besoin est plutôt d’avoir un accès aisé à tous les
composants. Dans cet exemple, le même système, vu dans des contextes distincts doit satisfaire des
besoins différents et potentiellement antagonistes.
Ainsi, il est important d’avoir une vision claire des contextes opérationnels que le système à faire sera
susceptible de rencontrer durant tout son cycle de vie. C’est pourquoi l’activité de recueil des besoins
inclut également le recueil des contextes opérationnels du système à faire.

(3) Hiérarchisation et flexibilité des besoins


Il convient, dès la phase d’expression du besoin, de donner de la valeur aux services attendus par les
parties prenantes. En effet, l’analyse de la valeur étant souvent exprimée sous la forme « utilité /
coût », les parties prenantes ont la connaissance de la grandeur « utilité », alors qu’il sera du ressort
du concepteur d’évaluer le « coût » associé au service rendu. Deux niveaux hiérarchiques sont
retenus par les auteurs de (Fiorèse & Meinadier 2012). Nous avons choisi de les illustrer à partir de
l’exemple d’une tondeuse à gazon électrique.
1- Exigé : besoins ou exigences obligatoires pour que le système à faire réponde à sa finalité.
« La tondeuse ne doit pas blesser (électrocution, coupure,…) l’utilisateur ou tout autre
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 31 / 157
personne présent pendant son utilisation. »
2- Très souhaité : besoins ou exigences non obligatoires mais fortement avantageux ou
différentiant vis-à-vis de la concurrence
« La tondeuse ne doit pas émettre plus de x dB. »
Dans le contexte d’innovation de nos travaux, nous avons ajouté un troisième niveau hiérarchique :
3- Nice to have : besoins ou exigences non obligatoires, mais qui peuvent être avantageux ou
qui sont fortement novateurs
« La tondeuse peut tondre en totale autonomie. »

En complément de la hiérarchie introduite entre les différentes exigences, la notion de flexibilité est
introduite pour en évaluer les différents niveaux de performances. Il s’agit de déterminer les niveaux
de performance jugés :
- Impératif : leur non satisfaction entrainerait l’incapacité à réaliser la mission concernée
« La tondeuse ne doit pas émettre plus de [niveau maximal autorisé par la règlementation]
dB »
- Souhaité : leur satisfaction ou non sera jugé en fonction d’un taux d’échange représentant
« le désagrément occasionné / le surcoût engendré ».
« La tondeuse ne doit pas émettre plus de [niveau1] dB » (avec [niveau 1] < [niveau maximal
autorisé par la règlementation])

Synthèse
Il ressort de notre analyse que l’élicitation des besoins consiste à établir un ensemble cohérent entre
services à rendre, parties prenantes, scénarios et contextes opérationnels. Les liens entre ces
éléments sont décrits en Figure 17 ci-dessous.

Parties
Prenantes
Scénarios us
Qui ?
Comment ?
Sel end x
on R au

Services
Quoi ?
Dans des

Situations
Quand ?

Figure 17 - Spécification d'un système à faire d'un point de vue externe

I.B.2.b) Ingénierie des exigences

Le besoin ainsi exprimé sert de point de départ à l’activité d’ingénierie des exigences. Comme nous
l’avons représenté en Figure 18 ci-dessous, cette activité permet de faire le lien entre : (Fiorèse &
Meinadier 2012)
- les Besoins : désirs exprimés par les parties prenantes vis-à-vis du système à faire,
- les Exigences système : traduction technique, rigoureuse et vérifiable des besoins exprimés
par les parties prenantes,
- les Exigences sous-système : exigences déclinées aux sous-systèmes du système à faire à
l’issue de la phase de conception de ce dernier.
- la Solution : le système à faire une fois réalisé, dont on vérifie qu’elle répond bien aux
exigences.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 32 / 157
Validation du système
Besoins Solution

(1) Exigences Vérification (3b)


Système
Système
Niveau 0
Conception du Vérification (3a)
système Système

(2) Exigences Exigences Exigences


...
Sous-Système Sous-Système Sous-Système
Sous-système A B N
Niveau 1
Conception Conception Conception Sous-système Sous-système Sous-système
sous-système sous-système ... sous-système A B
... N
A B N

... ... ... ... ... ...

Sous-système Conception Conception Conception Conception


sous-système sous-système sous-système ... sous-système
Niveau M A B C K

Figure 18 – L’ingénierie des exigences dans le cycle de conception d'un système (inspiré de (SAE 2010))

Les bonnes pratiques en ingénierie des exigences sont reprises dans le référentiel de l’AFIS par
(Fanmuy 2012) :

(1) Définition des exigences système (1)


Il s’agit de définir un ensemble complet et cohérent d’exigences traduisant les besoins des parties
prenantes. L’AFIS a fixé un ensemble de bonnes pratiques pour la rédaction d’exigences :
 Une exigence doit être MUST : (Fanmuy 2012; Badreau & Boulanger 2014; ISO/IEC/IEEE 2011)
- Mesurable : une exigence doit pouvoir être vérifiée, et donc quantifiée
- Utile : une exigence doit être strictement nécessaire. En effet, chaque exigence spécifiée
aura un coût dans la suite de la phase de conception. Ce coût peut aller de la mise à jour et
vérification de l’exigence à l’ajout d’une fonctionnalité ou d’un composant supplémentaire au
système à faire.
- Simple : une exigence doit pouvoir être comprise de la même manière et sans ambiguïté
possible entre les différentes parties prenantes. Il ne doit y avoir qu’une seule interprétation
possible de l’exigence. Pour se faire, les auteurs de (Fanmuy 2012) recommandent
l’utilisation de :
o Phrases simples
o Une terminologie commune acceptée par les parties prenantes
- Traçable : une exigence satisfait une demande amont et peut être allouée à un référentiel
d’exigence en aval. Il convient donc d’en assurer la traçabilité.
 Une exigence ne doit pas être présentée sous la forme d’une solution ou d’un moyen, mais bien
comme une demande de la part d’une partie prenante extérieure au système à faire.
 Une exigence doit être unique afin d’éviter toute confusion.
 Une exigence peut être exprimée sous la forme de :
- Une phrase du type :
Quand <condition opérationnelle>, le système à faire doit <action> à <partie prenante>.
Cependant, de nombreuses autres formulations sont possibles comme le montrent les
auteurs de (Mavin et al. 2009). Ils proposent différentes formulations en fonction du type
d’exigence à formaliser (générique, déclenché par un évènement, comportement indésiré,
exigence complexe, etc.).
- Tout autre moyen permettant d’exprimer l’exigence de la manière la plus simple et non
ambigüe possible (schéma, tableau, graphique, etc.).
 Comme le stipule (Badreau & Boulanger 2014), les exigences doivent être exprimées avec le bon
niveau de granularité. Cela implique de ne pas exprimer d’exigences trop vagues (trop haut
niveau) ou trop précises (trop bas niveau). Considérons par exemple le cas d’un système véhicule
automobile. Une exigence trop haut niveau serait « Transporter des passagers d’un point A à un
point B » : elle est correcte mais n’apporte pas une information suffisamment précise à l’équipe de
conception. A l’inverse, une exigence trop bas niveau serait « Le conducteur doit pouvoir tourner

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 33 / 157
le volant en développant un effort de moins de 10 N.m» : cette exigence est trop détaillée et décrit
une solution technique (contrôle de la direction via un volant).

Une fois les exigences spécifiées, c’est le début de la phase de conception du système à faire.
Cependant, comme nous l’avons représenté en Figure 18 ci-dessus, l’activité d’ingénierie des
exigences se poursuit encore après la conception du système.

(2) Allocation et définition des exigences sous-système (2)


Une fois les exigences spécifiées, la démarche de conception du système à faire doit finalement
conduire à l’allocation de ces exigences de niveau système vers des exigences de niveau sous-
système. Le but est de définir un ensemble cohérent et complet d’exigences sous-système, qui
répondent aux exigences système. Ce lien d’allocation entre exigences système et sous-système est
primordial car il permet la traçabilité des exigences. Elle permet, par exemple, en cas de suppression
ou de modification d’une exigence système, de transmettre la modification aux exigences sous-
système concernées.

(3) Vérification des exigences (3)


Comme nous l’avons vu précédemment, les exigences doivent être vérifiées et validées. Ces activités
peuvent apparaitre à plusieurs niveaux de la conception :
- Vérification des exigences de niveau système vis-à-vis des exigences de niveau sous-
système (voir (3a) en Figure 18)
- Vérification des performances du système réalisé vis-à-vis des exigences système (voir (3b)
en Figure 18).
Ainsi, il est important de prévoir le plus tôt possible la manière dont seront vérifiées et validées les
exigences.

I.B.3. Outils et techniques


Comme l’expliquent les auteurs de (Badreau & Boulanger 2014), les exigences doivent être formulées
de manière textuelle et peuvent être modélisées. Ils insistent particulièrement sur le fait que la
modélisation des exigences ne peut pas remplacer leur formulation textuelle.

I.B.3.a) Outils de formulation textuelle des exigences

Il n’existe pas d’outil générique pour la formulation textuelle des exigences. Dans le cadre des travaux
de thèse, nous avons choisi de synthétiser les exigences en utilisant le Tableau 3 ci-dessous.

Tableau 3 - Tableau de synthèse des exigences proposé dans le cadre de la thèse

Modes de
ID Exigence Rationale Tolérance Vérification fonctionnement Source
concernés
Partie Prenante 1

Les exigences y sont présentées par partie prenante. Cela permet de conserver une vision externe du
système à faire et de vérifier la consistance de la spécification de ladite partie prenante.
Ce tableau, a été élaboré suite à la mise en œuvre des bonnes pratiques décrites dans le paragraphe
I.B.2. Il se compose de 8 colonnes :
- ID : Identifiant unique qui permet d’assurer l’identification de l’exigence
- Exigence : Enoncé textuel de l’exigence précédé d’un titre. Les exigences sont rédigées
selon les préconisations de (Mavin et al. 2009).
- Rationale : Justification de l’exigence. Elle permet de comprendre comment les parties
prenantes en sont arrivées à spécifier cette exigence.
- Tolérance : Niveau d’importance de l’exigence. Les niveaux d’importance retenus dans le
cadre des travaux de thèse sont, conformément au paragraphe I.B.2.a)(3) Hiérarchisation et
flexibilité des besoins : Exigé, Très souhaité, Nice to have.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 34 / 157
- Vérification : Moyen mis en œuvre pour vérifier que l’exigence est bien satisfaite. Intégrer
cette donnée dès la phase de spécification permet de garantir la testabilité des exigences.
- Modes de fonctionnement concernés : il s’agit de lister les modes de fonctionnement
pendant lesquels l’exigence spécifiée est valable. Cela permet, d’un part, d’aboutir à une
spécification précise de chaque mode de fonctionnement du système à faire. D’autre part,
cette information permet de s’assurer que tous les modes de fonctionnement sont couverts
par la spécification.
- Source : Document d’où est issue la spécification. Cela permet d’assurer une certaine
traçabilité des exigences.

I.B.3.b) Outils de modélisation des exigences

Les exigences textuelles peuvent être complétées par des modèles afin d’en favoriser la
compréhension par toutes les parties prenantes (Badreau & Boulanger 2014).

Ainsi, les auteurs de (Mhenni et al. 2014) proposent une méthodologie de conception de système
mécatronique basée sur le langage de modélisation SysML. Cette méthodologie comprend une partie
« Boite noire » qui correspond à la capture des besoins et exigences du système à faire. Nous
proposons d’en représenter les 9 étapes dans le Tableau 3 ci-dessous

Tableau 4 – Méthodologie « Boite noire » de conception de système mécatronique basée sur SysML (d'après
(Mhenni et al. 2014))

Diagramme
Etape Description Apport de SysML
SysML utilisé
Possibilité d’insérer
Définition de la
des liens
mission Il s’agit de définir la fonction principale Requirement
1 hiérarchiques entre
globale du du système à faire. diagram
les besoins
système à faire
exprimés.
Identification Afin d’obtenir les besoins et exigences
du cycle de vie de manière exhaustive, toutes les State Machine
2
du système à phases du cycle de vie du système diagram (STM)
faire doivent être identifiées.
Il s’agit de définir les limites du
système à faire pour discerner
clairement ce qui est à l’intérieur de ce
Modélisation Block
qui est à l’extérieur du système. Ainsi,
3 du contexte du Definition
pour chaque phase du cycle de vie, les
système à faire diagram (BDD)
parties prenantes seront représentées
avec leurs interactions vis-à-vis du
système à faire.
La cohérence est
assurée avec les
Il s’agit de définir plus précisément les
deux étapes
interfaces externes entre le système à
Identification précédentes : toute
faire et les parties prenantes. Cela Internal Block
4 des interfaces modification des
permet de bien maitriser les interfaces, diagram (IBD)
externes interfaces externes
qui sont des points délicats de la
sera propagée à
conception système.
tous les
diagrammes.
Lien entre les
Représentation
Les modes opérationnels détaillent les modes
des modes State Machine
5 usages du système à faire pendant opérationnels et la
opérationnels diagram (STM)
une phase de vie donnée. phase du cycle de
utilisateur
vie considérée.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 35 / 157
Chaque cas
d’usage est lié au
mode opérationnel
Modélisation Pour chaque mode opérationnel, un
Use Case duquel il dépend.
des services inventaire est fait des services rendus
6 diagram Relations de
fournis par le aux parties prenantes par le système à
(UCD) dépendances
système à faire faire.
instaurées entre
cas d’usages et
parties prenantes.
Pour chaque service (ou cas d’usage),
Représentation
il s’agit de représenter l’enchainement Sequence
7 des scénarios
séquentiel des fonctions réalisées par diagram (SEQ)
fonctionnels
le système à faire.
Possibilité de
Les informations déduites des étapes
définir des liens
Spécification précédentes conduisent à la Requirement
8 entre les
des exigences spécification des exigences du diagram
exigences : dérive
système à faire.
de, raffine, inclus.
Des liens sont
établis entre les
Cette traçabilité permet d’avoir une
exigences et :
Traçabilité des bonne vision de l’impact de la Requirement
9 - Les cas d’usage
exigences modification d’un cas d’utilisation ou diagram
- Les rôles
d’un contexte sur les exigences.
- Les interfaces
externes.

Indépendamment du langage SysML, il existe de nombreux outils logiciels d’ingénierie des exigences.
Les auteurs de (Carrillo et al. 2012) nous proposent une liste de 38 de ces logiciels. D’après leur
étude, l’apport d’un tel outil repose principalement sur :
- Le fait qu’ils constituent une base commune où sont rangées les exigences de tous les
acteurs du projet
- La vérification automatique des champs non renseignés
- La gestion automatique des versions du référentiel d’exigences
- La gestion de la traçabilité entre exigences et exigences dérivées.

Etant donné le caractère particulier de notre étude : une seule personne rédige et met à jour les
exigences, pas de contraintes fortes de traçabilité, nous avons décidé de ne pas recourir à l’utilisation
d’un logiciel dédié à l’ingénierie des exigences.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 36 / 157
I.C. Méthodologie proposée dans le cadre de la thèse
Cette première partie nous a permis de définir une méthodologie pour l’ingénierie des besoins et des
exigences chez SHE. La méthodologie a été tirée de l’état de l’art en la matière, et a été adaptée à
une mise en œuvre industrielle, et pour un système aéronautique fortement innovant.

Techniques et outils
Processus proposé Bonnes pratiques associées
associés
- Interviews
Identification des
Lister et ordonner toutes les - Analyse du système
parties prenantes
1 personnes ou entités intéressées par le existant
intéressées par le
système à faire - Visio (représentation
système
graphique)
Elicitation

- Capter les attentes des parties - Interviews


Définition du besoin
2 prenantes - Lecture de textes
des parties prenantes
- Capter les irritants du système actuel réglementaires
Définition des
Faire une liste complète des contextes - Interviews
contextes
3 opérationnels du cycle de vie du - Visio (représentation
opérationnels du cycle
système graphique)
de vie du système
Transformation des
Caractériser le besoin sous forme
besoins des parties Revue d’exigences avec
4 d’exigence MUST (mesurable, utile,
prenantes en les parties prenantes
simple, traçable)
Analyse

exigences
- Discuter des exigences avec les
Analyse des exigences parties prenantes Tableau proposé en
5
des parties prenantes - Formuler selon l’état de l’art (Mavin et I.B.3.a)
al. 2009)
- Assurer le caractère vérifiable des - Tableau proposé en
Validation des exigences I.B.3.a)
6
exigences systèmes - Valider les exigences avec les parties - Validation des exigences
prenantes avec les parties prenantes
Gestion des besoins et
exigences des parties
prenantes

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 37 / 157
II. Analyse du retour d’expérience Safran Helicopter
Engines
Ce chapitre traite du retour d’expérience chez Safran Helicopter Engines de la mise en œuvre de la
méthodologie de recueil des besoins et des exigences décrite précédemment.
Dans tout le chapitre, le système à faire considéré sera le système carburant d’un moteur
d’hélicoptère.

II.A. Elicitation du besoin


II.A.1. Définition du besoin des parties prenantes
La définition du besoin des parties prenantes a été l’étape principale de la phase d’élicitation des
besoins. Il s’agit de capter ce que les parties prenantes décrites précédemment attendent du système
à faire. Cette activité a également été l’occasion de mettre en valeur les difficultés rencontrées,
qu’elles soient propres à Safran Helicopter Engines ou plus générales.

II.A.1.a) D’où vient le besoin ?


(1) Sources externes à SHE
Dans le contexte du système carburant de moteur d’hélicoptère, le besoin de l’utilisateur final est de
« Voler », et ce quand il le veut, de manière sûre et respectueuse de l’environnement, tout en
maitrisant les coûts. Nous nous concentrerons dans ce paragraphe uniquement sur le besoin de
« Voler ». Pour répondre à ce besoin, l’avionneur fait le choix de « Faire tourner les rotors » de son
aéronef. Dès lors, « Faire tourner les rotors » est à la fois :
- la solution technique retenue par l’avionneur pour répondre au besoin de l’utilisateur final
- et le besoin de niveau inférieur auquel SHE devra répondre.
Selon la même logique, le besoin « Faire tourner les rotors » est traduit au niveau Safran Helicopter
Engines par « Faire fonctionner une turbine à gaz ». Ce besoin est ensuite décliné au système
carburant par « Fournir la bonne quantité de carburant à la chambre de combustion ». Il est proposé
de représenter sous la Figure 19 les concepts décrits ci-dessus.

Utilisateur final Voler Besoin initial de niveau 0


Veut

Avionneur Solution de niveau 0


Faire tourner les rotors
Choisit de Besoin de niveau -1
Externe SHE
Interne SHE
Safran HE
TURBOMECA Faire fonctionner une Solution de niveau -1
Choisit de turbine à gaz Besoin de niveau -2

Safran HE
TURBOMECA Alimenter la chambre de Solution de niveau -2
Choisit de combustion en carburant Besoin de niveau -3

Figure 19 - Description macroscopique de la transmission du besoin depuis l'utilisateur final jusqu'au système
carburant

Remarque Du fait des nombreux intermédiaires, il n’est pas toujours évident d’être au fait des
nouveaux besoins des utilisateurs finaux.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 38 / 157
(2) Sources internes à SHE
Chez SHE, la déclinaison du besoin exprimé par l’avionneur jusqu’à système carburant est
conditionnée par la structure organisationnelle de l’entreprise. Nous proposons de représenter cette
structure en Figure 20 ci-dessous.
Besoin
Avionneur

Interne SHE
Moteur
Niveau

Projet moteur / Avant projets

1
Coordinateur

Système
Niveau

Modules Intégration de Régulation

Sûreté de
3 Navigabilité Fontionnement Maintenance
1
2
Niveau Métier

Compresseur Turbine Performances Système


Chambre Intégration 2 Calculateur Carburant
de Combustion Mécanique
2

Légende
Transmission descendante du besoin
Transmission transverse du besoin
Lien hiérarchique

Figure 20 – Transmission du besoin en interne SHE

On peut voir sur la Figure 20 ci-dessus qu’il existe chez SHE deux mécanismes principaux de
déclinaison du besoin avionneur vers le système carburant. Ainsi, il est possible de capter les besoins
à travers :
1 – Une transmission descendante du besoin. Le besoin est décliné au fur et à mesure qu’il
redescend dans la structure hiérarchique de l’entreprise (voir parcours 1 en orange sur la Figure
20). Ainsi dans cette configuration, le système de régulation est le seul à fournir le besoin au
système carburant. Ainsi, le Système de Régulation a, dans ce cas, une activité de synthèse des
besoins exprimés par les métiers pour ensuite les décliner vers le métier système carburant. Nous
avons représenté cette transmission de besoin par le parcours 3 sur la Figure 20.
2 – Une transmission transverse du besoin. Le besoin est directement exprimé entre deux
groupes métiers de même niveau hiérarchique dans la structure de l’entreprise (voir parcours 2 en
bleu sur la Figure 20). Ainsi dans cette configuration, le besoin du système carburant est transmis par
les différents métiers de l’entreprise (chambre de combustion, intégration mécanique par exemple).

Nous avons constaté que l’organisation structurelle de l’ingénierie chez SHE privilégie une
transmission descendante des besoins (option 1). Ce mode de fonctionnement permet en effet aux
systèmes de systèmes (Module, Intégration, Système de Régulation) de garder une vision globale des
systèmes placés sous leur responsabilité. Ainsi ils peuvent être en mesure de décider si les efforts
demandés au métier « répondeur » justifient la plus-value apportée au métier « demandeur », ou
encore s’il serait moins coûteux à un autre métier « répondeur » de répondre à ce besoin. On peut
alors faire le choix de faire porter ou non au système carburant certains besoins supplémentaires
(refroidir l’huile, actionner les systèmes de GV par exemple). La prise de décision doit alors résulter
d’une comparaison entre la capacité du système carburant à répondre à ces besoins, et la capacité
des autres systèmes à y répondre. Nous proposons de représenter ce processus de prise de décision
en Figure 21, dans le cas où le besoin à satisfaire est « Refroidir l’huile ».

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 39 / 157
Besoin à décliner
« Refroidir Huile »

Besoin intégré à Besoin supprimé


la spécification de la spécification

Spécification Spécification
Système carburant Système air

Evaluation Conception
Conception
Comparaison
Préliminaire d’Architecture

Conception de Conception de
Détail détail

Réalisation Réalisation

Figure 21 - Schéma du processus de décision du système en charge de répondre au besoin "Refroidir l'huile"

Dans le cas de notre exemple (Figure 21), les systèmes candidats à la satisfaction du besoin
« Refroidir l’huile » sont le système carburant et le système d’air. La première étape consiste à
introduire provisoirement ce besoin à la spécification de chacun des systèmes candidats. Ces derniers
sont alors reconçus de manière préliminaire (aspects fonctionnels et conceptuels), ce qui permet
d’évaluer leurs performances globales respectives. Cette évaluation permettra finalement de
5

comparer les performances proposées par le système de carburant et le système d’air. Dès lors, la
décision pourra être prise de faire porter le besoin « Refroidir l’huile » sur l’un ou l’autre des systèmes
candidats. Dans notre exemple, c’est le système carburant a été jugé plus apte à satisfaire ce besoin.
Il a donc été intégré à la spécification du système carburant et supprimé de celle du système d’air.

Ainsi, la définition même de la spécification de besoin du système carburant étant un processus


itératif, nous avons jugé intéressant de construire la spécification la plus complète possible, c’est-à-
dire d’y inclure les besoins pouvant être éventuellement satisfaits par d’autres systèmes. On pense
notamment aux besoins de :
- Refroidir l’huile, pouvant être satisfait par le système d’air
- Positionner les géométries variables, pouvant être effectué par un système d’actionneur
électrique.
Le travail d’évaluation des performances du système carburant en réponse à ces besoins fera l’objet
du chapitre 3 de la thèse. Ce n’est qu’après cette évaluation que l’on pourra décider si le système
carburant est le plus à même de répondre à ces besoins.

Complémentarité entre approche transverse et descendante


Comme nous l’avons vu, le processus de transmission descendante des besoins permet de prendre le
recul nécessaire à une bonne allocation des besoins aux systèmes de niveau métier. Cependant dans
le cadre de la thèse, il a également été impératif de mettre en place une transmission transverse des
besoins (voir option 2 de la Figure 20). En effet, cela a été l’occasion d’échanger directement avec les
spécialistes des métiers qui émettent des besoins vis-à-vis du système carburant. Cette démarche
nous a permis de discuter uniquement de besoin sans préjuger des solutions, ainsi que de faire
ressortir des besoins jusqu’alors non formulés (ces deux difficultés majeures sont développées dans
le paragraphe II.A.1.c) Biais cognitifs). A titre d’exemple, une discussion avec les spécialistes du
métier chambre de combustion a permis de prendre en compte des besoins nouveaux qui n’avait pas
été exprimé formellement jusqu’à présent.

5
Dans cette phase, on s’intéresse bien aux performances globales des systèmes candidats, et non uniquement
aux performances à la réponse du besoin « Refroidir l’huile ». En effet, il est possible que la prise en compte de
ce nouveau besoin ne dégrade pas les performances du système aux autres besoins auxquels il répond. Par
exemple, le fait d’introduire un échangeur huile/carburant peut être bénéfique pour répondre au besoin « Refroidir
l’huile », mais pourra amener à dégrader les performances d’aspiration.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 40 / 157
II.A.1.b) Points d’attention
(1) Evolution du besoin
Le besoin vis-à-vis du système carburant est intimement lié :
- Aux modifications des modes de fonctionnement du système. Le mode « éco » (Safran
Helicopter Engines 2016) est un exemple de mode de fonctionnement fortement novateur du
moteur. Dans ce mode, le système carburant doit permettre de ne pas envoyer de carburant à
la chambre de combustion alors que l’arbre moteur est entrainé en rotation.
- A l’apparition de nouvelles parties prenantes : l’hybridation du moteur (Safran Helicopter
Engines 2016) a entrainé l’apparition d’électroniques de puissance (onduleurs par exemple)
qui ont un besoin de refroidissement pouvant être potentiellement traité par le système
carburant.
- A la modification de systèmes en étroite relation avec le système à faire : l’actionneur de GV
(actuellement hydraulique) pourrait devenir à l’avenir totalement électrique. Ceci supposerait
donc une suppression d’un besoin de positionnement des géométries variables par le
système carburant, ainsi que l’émergence d’un nouveau besoin potentiel de refroidissement
de l’électronique de puissance liée à cet actionneur électrique.

Ainsi, il convient d’anticiper les possibilités d’évolutions pour les intégrer dès le début de la
démarche d’ingénierie du système à faire. Pour ce faire, nous avons mis en place des discussions
avec les spécialistes de chaque partie prenante du système carburant, ainsi qu’avec les
ingénieurs de la R&T et des avant-projets pour avoir une vision la plus précise possible des
évolutions à venir.

Cependant, l’obtention de ces informations n’est pas toujours possible car sur certains points,
même les spécialistes n’ont pas de vision claire sur le moyen ou long terme.

(2) Expression du besoin aux interfaces


L’expression des besoins aux interfaces est un point délicat. En effet, on y trouve des éléments qui
appartiennent à la fois au système carburant et au milieu extérieur, en l’occurrence :
- Le système d’injection
- L’actionneur de systèmes GV
- La pompe à jet (servitudes hydrauliques aéronef)
- Le système de drainage
- Le système carburant hélicoptère (clapet de pied, par exemple) : il est encore plus délicat que
les autres car il s’agit non pas d’une interface avec un autre système interne à Safran
Helicopter Engines, mais directement d’une interface avec le client avionneur.

Considérons par exemple le cas du système d’injection. Il s’agit en effet d’un système en interface
entre le système carburant et le système chambre de combustion. Plus exactement, nous proposons
de le voir comme un sous-système de ces deux derniers systèmes. En effet, le sous-système
d’injection appartient au système carburant dont il détermine la perméabilité hydraulique en sortie du
circuit. Dans le même temps, le sous-système d’injection appartient également au système chambre
de combustion dont il conditionne la qualité du spray de carburant. Nous avons choisi de représenter
cette notion par la Figure 22 ci-dessous.

Système
Système Sous-Système Performances Chambre de
Perméabilité
Carburant d’Injection de pulvérisation
combustion

Figure 22 - Schéma de l'interface entre le système carburant et la chambre de combustion

Historiquement, la responsabilité de la conception des injecteurs est la responsabilité du système


chambre de combustion. Cette situation force à une bonne communication entre les concepteurs des

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 41 / 157
deux systèmes de manière à assurer la cohérence du sous-système commun avec le système
carburant. Pour atteindre cet objectif, des réunions physiques régulières ont été mises en place dans
le cadre de la thèse entre notre équipe du circuit carburant et les spécialistes de la chambre de
combustion. Ceci permet de maintenir une bonne communication entre les deux groupes métiers
pourtant organisationnellement distincts comme nous l’avons illustré en Figure 20.

II.A.1.c) Biais cognitifs

La capture des besoins est perturbée par deux principes humains principaux, illustrés dans la Figure
23 ci-dessous.
Inertie Psychologique (2)

Architecture Architecture Architecture


Actuelle / Naturelle Innovante 1
... Innovante N

(1) Depth first Fonction Fonction ...


Fonction
1 2 n

Solutions techniques

Figure 23 - Deux principes humains qui perturbent l’expression du besoin

1- Depth first (D’abord en détail)


D’après (Peugeot 2014), notre cerveau préfère d’abord aller dans le détail technique d’une solution
plutôt que d’en comparer plusieurs, à niveau de détail moindre. Ce mode de fonctionnement
représente une difficulté supplémentaire pour la capture des besoins. En effet, à peine les spécialistes
ont-ils formulé le besoin qu’ils sont déjà en train de réfléchir aux solutions permettant d’y répondre.
Ainsi, dans un contexte d’expression des besoins, le risque est d’écarter des besoins, par un
raisonnement à priori, en pensant ne pas avoir les moyens de les satisfaire. Ainsi il est
particulièrement important, lors de la capture des besoins, de bien recadrer la discussion avec les
experts pour bien parler en termes de besoins de haut niveau et non en termes de solutions
techniques.

2- Inertie psychologique
Ce concept est introduit dans la méthode TRIZ (acronyme russe signifiant « théorie de résolution
inventive des problèmes »). L’inertie psychologique traduit notre difficulté à penser autrement les
choses que nous connaissons bien. A titre d’exemple, est repris par les auteurs de (Choulier & Weite
2011) qui le décrivent parfaitement, selon nous :
« Nos positions d’observateur, d’utilisateur, de fabricant, ou de concepteur (… d’expert) d’un produit
donné viennent malheureusement renforcer cette fixation sur le produit, s’imposant comme un cadre
rigide duquel nous peinons à nous échapper, nous présentant la définition de l’objet comme la seule
possible et imaginable. »
Ainsi, avant toute réflexion autour des besoins futurs, nous avons toujours pris le temps de bien
expliquer aux spécialistes qu’il s’agit d’un travail d’innovation où toutes les propositions sont
recevables, même si les concepts, technologies et procédés industriels associés ne sont pas encore
matures. Ceci permet aux experts de se détacher de la vision qu’ils ont du système actuel pour
s’autoriser à imaginer d’autres concepts.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 42 / 157
II.A.2. Définition des contextes opérationnels du cycle de
vie du système

II.A.2.a) Cycle de vie

Il s’agit tout d’abord de définir le cycle de vie du système carburant SHE. Classiquement, nous avons
considéré le cycle de vie suivant :

(1) Pré-étude
C’est dans cette première phase de vie que nait le concept du système carburant. Elle inclut
l’ensemble des processus qui transforment les exigences issues de l’expression de besoin client en
une spécification technique boîte noire du système carburant.

(2) Développement
Cette phase de vie intègre l’ensemble des actions (études, fabrication de prototypes, essais,
itérations...) effectuées pendant la période qui s'étend de la fin de la phase de pré-étude jusqu'à la
certification de la première TAG, pour définir et mettre au point un système répondant aux exigences.

(3) Production
Cette phase de vie consiste en la fabrication en série des constituants du système carburant. Il s’agit
également de les assembler et de les intégrer sur le moteur.

(4) Service
Il s’agit de la phase de vie où le système carburant est utilisé pour satisfaire les besoins des
utilisateurs. Cette phase inclut également les activités de maintenance. Elle se termine lorsque la
décision est prise de retirer le système du service.

(5) Retrait de service


Dans cette phase, toutes les opérations sont mises en œuvre pour mettre le système carburant hors
d’état de fonctionnement en toute sécurité et dans le respect de l’environnement.

II.A.2.b) Contextes opérationnels

Pour chaque phase du cycle de vie décrit ci-dessus, nous avons établi la liste exhaustive des
contextes opérationnels associés. Il s’agit de décrire les situations de vie dans lesquelles le système
peut se trouver, du point de vue des parties prenantes. Naturellement, c’est dans la phase de service
que se concentre la majorité des contextes opérationnels. Cependant, il est également important de
considérer toutes les phases du cycle de vie, en particulier pour un système fortement innovant. En
effet, l’utilisation de nouveaux composants par exemple, peut mener à des incompatibilités avec les
moyens de test ou de fabrication de SHE. Prendre en compte ces contextes opérationnels, c’est avoir
conscience de ces modifications potentielles à apporter aux moyens de l’entreprise. Cela permet donc
d’avoir une vision globale des conséquences des choix techniques.

Nous avons choisi une représentation graphique sous forme d’une structure hiérarchique des
contextes au sein de chaque phase du cycle de vie. Comme nous l’avons représenté en Figure 24, les
contextes opérationnels de la phase de Service ont été répartis en trois catégories : Utilisation du
moteur, Non-utilisation du moteur et Maintenance.

Service

Utilisation du Non-utilisation du
Maintenance
moteur moteur

Figure 24 - Catégories des contextes de la phase de service


Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 43 / 157
Ces catégories sont apparues naturellement lors de la collecte des contextes opérationnels. En effet,
la phase de service compte une quarantaine de contextes. Ainsi, il a fallu les classer pour en assurer
la lisibilité.

A l’issue de cette première étape d’élicitation du besoin, une spécification de besoin a été rédigée et
validée par toutes les parties prenantes. Elle inclut :
- Une définition du périmètre fonctionnel du système carburant
- Les besoins exprimés par les parties prenantes (traité en II.A.1)
- Les contextes opérationnels associés (traité en II.A.2).

II.B. Analyse du besoin des parties prenantes

II.B.1. Transformation du besoin en exigences


La transformation du besoin en exigences consiste principalement en la quantification et la
reformulation des besoins exprimés par les parties prenantes. Au cours de cette activité, nous avons
rencontré plusieurs difficultés.

II.B.1.a) Aspects propres à Safran Helicopter Engines

(1) Choix d’un cas d’étude


La nécessité de choisir un cas d’étude pour les travaux de thèse s’est imposée à nous, et ce pour
deux raisons.
Premièrement, nous avons constaté qu’en l’absence de cas d’étude bien défini il est impossible
d’obtenir des exigences quantifiées de la part des parties prenantes du circuit carburant (projet
moteur, métiers SHE, etc.). En effet, si les besoins fonctionnels peuvent rester globalement les
mêmes d’un moteur à l’autre, le paramétrage des exigences associées varie énormément avec la
gamme de puissance du moteur. Ainsi, pour obtenir des différents métiers des engagements sur des
valeurs, il a été nécessaire de sélectionner un cas d’étude. Le moteur retenu pour l’étude est un petit
moteur de type Arriel (gamme 650 - 950 cv).
La seconde raison de ce positionnement sur un cas d’étude en particulier, c’est qu’il paraît irréaliste
de se lancer dès le départ dans la conception d’une architecture de circuit carburant permettant de
répondre à tous les besoins spécifiques à chaque moteur de la gamme SHE. Ainsi, même si cette
notion d’adaptabilité du circuit carburant à différents moteurs nous parait intéressante à considérer
pendant la thèse, nous pensons qu’il est préférable s’attacher, dans un premier temps du moins, à la
conception d’un circuit carburant pour un moteur donné.

(2) Manque de visibilité sur les choix d’architecture moteur


En phase d’avant-projet, l’architecture haut niveau du moteur (niveau moteur de la Figure 20) n’est
pas encore fixée. De ce fait, les exigences des systèmes de niveau intermédiaire (niveau coordinateur
de la Figure 20) et à fortiori celles de niveau métier ne sont pas encore définies. Il est donc difficile
pour les parties prenantes du système carburant de s’engager sur des exigences quantifiées. Nous
avons donc choisi dans un premier temps de nous baser sur des données de moteurs existants, plus
faciles à obtenir.

(3) Obtention des informations


L’obtention d’exigences relatives à des projets de recherche en cours a nécessité de rencontrer les
interlocuteurs de chaque projet. Nous avons pu constater que les informations ne sont pas
systématiquement diffusées entre les métiers concernant ces projets. Ainsi, il est arrivé que mes
interviews révèlent, aux membres du groupe Architecture Circuit Carburant auquel j’ai été intégré,
l’existence de projets ou d’initiatives pour l’avenir. Ce constat s’explique par deux facteurs principaux :
- La confidentialité : en effet, à l’intérieur même d’une entreprise, certaines informations ne sont
divulguées qu’à un personnel restreint. Ceci permet de renforcer la confidentialité des
informations. Dans la mesure où la confidentialité est exigée par les clients de SHE,
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 44 / 157
l’entreprise se doit de mettre tous les moyens en œuvre pour préserver ces informations.
- Le simple manque de communication : de par le nombre d’employés (2623 personnes sur le
site de SHE Bordes) et par conséquent l’étendue spatiale du site (42000 m²), la
communication entre les différents métiers de l’entreprise se doit d’être formelle. En effet,
deux ingénieurs travaillant sur le même projet peuvent être distants d’environ 10 minutes de
marche. Cependant, il serait inconcevable d’informer chaque ingénieur de tous les
programmes en cours pouvant l’intéresser de près ou de loin. Il y a donc un certain équilibre à
trouver en termes de communication au sein de l’entreprise de manière à ce qu’il y ait, d’une
part, une bonne synergie entre les travaux menés dans les différents métiers, et en même
temps, une proportion raisonnable du temps de travail dédié à la communication. Ce
compromis à trouver peut parfois expliquer les manques en termes de partage des
informations. A ce titre, les travaux de thèse ont permis de créer un lien supplémentaire entre
le métier circuit carburant et les avant-projets.

II.B.1.b) Aspects généraux

Une des difficultés de l’activité de transformation du besoin en exigences concerne la quantification du


besoin des parties prenantes. En effet, ce besoin n’est pas toujours clairement quantifié, et ce pour
deux raisons :

(1) Tirer le maximum du système à faire


Pour les parties prenantes, l’objectif est d’avoir le meilleur système possible. Prenons l’exemple d’un
moteur d’hélicoptère. L’exploitant voudrait un moteur qui consomme le moins possible, le plus
économe possible en termes de maintenance, le plus disponible, tout en étant le plus sûr et le plus
léger possible. Cependant, une telle description du système à faire n’est pas satisfaisante pour
concevoir le bon système. En effet, du point de vue du concepteur, nous savons (Fiorèse & Meinadier
2012) que le système conçu sera le résultat d’un compromis entre ses performances au regard des
différents besoins des parties prenantes. Un rôle majeur du concepteur est donc de choisir le bon
compromis pour que le système conçu réponde aux attentes des parties prenantes. C’est pourquoi
ces dernières doivent spécifier leur besoin sous forme d’exigences quantifiées. Une première étape
en termes de quantification des exigences consiste à spécifier des valeurs cibles à atteindre ainsi
qu’une plage de flexibilité. Par exemple : la masse du système carburant doit être de 12 kg +/- 5%.
Dans le cas de systèmes complexes, il est avantageux d’aller plus loin dans la spécification en
définissant des taux d’échange entre les performances clés. Pour une partie prenante donnée, le taux
d’échange peut être représenté par une relation du type :

où :
-gain représente un gain en termes financier (coût d’achat, coût d’exploitation par exemple) ou
critère d’appréciation (masse, disponibilité, pollution, performances fonctionnelles, etc.) pour
la partie prenante
- coût représente un coût en termes financier ou de critère d’appréciation pour la partie
prenante.
Pour un moteur d’hélicoptère par exemple, un taux d’échange intéressant serait le coût
supplémentaire à l’achat acceptable par kilogramme gagné sur la masse du moteur.
La spécification de taux d’échange permet :
- Pour le concepteur d’avoir plus d’éléments à disposition pour choisir le compromis qui
satisfera au mieux les exigences de toutes les parties prenantes
- Pour les parties prenantes, d’avoir un système qui réponde au mieux à toutes leurs attentes.
Cependant, la définition d’un tel taux d’échange n’est pas toujours facile. Ils peuvent en effet résulter
de choix qui ne peuvent être faits que par les parties prenantes elles-mêmes. Reprenons l’exemple du
taux d’échange entre la masse du moteur et son coût d’acquisition. Ce taux d’échange ne peut être
donné que par l’hélicoptériste, car il est le seul à avoir cette vision de haut niveau. Ce taux d’échange
peut également varier d’un client à un autre. On peut en effet imaginer que certains clients seraient
prêts à payer plus pour gagner en charge utile, alors que d’autres se contenteraient de la
configuration actuelle. C’est donc à l’hélicoptériste que revient le choix délicat du taux d’échange à
communiquer au motoriste.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 45 / 157
(2) Quantifier le juste besoin (vis-à-vis du produit final : moteur)
Du point de vue du système carburant ou de ses parties prenantes, il n’est pas toujours facile de se
rendre compte des impacts des performances du système carburant sur les performances ressenties
par l’utilisateur final du moteur (pilote, passagers, exploitant, etc.). Ainsi, il peut arriver que certaines
parties prenantes expriment des niveaux d’exigences qui n’auront pas forcément d’impact
opérationnel lors de la vie du moteur. Il s’agit d’un phénomène de sur-spécification. Il peut s’agir, par
exemple, de demander la même précision de dosage du débit carburant sur toute la plage de
fonctionnement du moteur, alors que dans certaines parties de ce domaine une précision moindre
peut être suffisante. L’avantage de cette pratique, c’est qu’elle permet de s’assurer que le système à
faire, une fois réalisé, répondra aux besoins avec de la marge. Cependant, dans un contexte
d’innovation de rupture, cette pratique est à éviter car elle contraint de manière non nécessaire la
conception à faire.

II.B.2. Analyse des exigences des parties prenantes


(1) Discussion des exigences pour innovation de rupture
Dans un contexte d’innovation de rupture, il est important de prendre du recul vis-à-vis des exigences
spécifiées. En effet, sans pour autant entrer dans la solution technique du système carburant, de
nombreuses exigences se basent sur des solutions actuelles pour les systèmes en interaction avec le
système carburant. A titre d’exemple, la spécification issue de la partie prenante « système de
régulation » est basée sur les caractéristiques d’un système de régulation actuel (capacité du
calculateur, répartition des fonctions, etc.). Le but de l’activité d’analyse des exigences des parties
prenante consiste alors à discuter avec les parties prenantes concernées pour libérer les contraintes
liées à l’état actuel de leurs systèmes. Pour reprendre l’exemple précédent, il est possible qu’une
rupture dans la manière de penser le système carburant doive être accompagnée par une
modification de la partie prenante « système de régulation ». Cette innovation n’est donc pas
envisageable si l’on contraint le système carburant à être totalement compatible d’un système de
régulation actuel.

(2) Spécifier les comportements et phénomènes propres à une technologie


Dans un contexte d’innovation de rupture, il est important de spécifier les fonctionnalités naturellement
présentes dans les technologies actuellement utilisées (jeu, frottement, hystérésis, fuite, inertie, perte
de charge, réponse en fréquence, etc.). Par exemple, un système mécanique se comporte comme un
filtre passe-bas de fréquence de coupure bien plus basse qu’un système électrique. Si la même
technologie est utilisée depuis longtemps, il est possible que ces fonctions ne soient plus (ou n’aient
jamais été) spécifiées. Elles peuvent alors manquer en cas de changement de technologie.

(3) Spécifier en cohérence avec les méthodes de vérification et validation


Spécifier le juste besoin peut également signifier « spécifier ce que l’on peut vérifier ». En effet, il est
inutile de spécifier une exigence dont on ne pourra pas mesurer la satisfaction. Cette notion est
particulièrement importante en phase de conception préliminaire car l’évaluation des performances du
système doit bien souvent être effectuée de manière analytique (pas de prototype réel).

Conclusion
Dans ce chapitre, une méthodologie d’ingénierie des besoins et des exigences a été proposée dans
un cadre d’innovation de rupture. Elle répond au besoin de créer un référentiel d’exigences tiré des
besoins basiques pour susciter l’innovation dans une entreprise où le système à faire est conçu
depuis plus de 50 ans. Cette méthodologie, basée sur la norme ISO/IEC/IEEE 15288 ainsi que sur le
référentiel d’ingénierie système de l’AFIS, a été définie à travers un processus, des bonnes pratiques
et des outils. Elle a été appliquée au cas d’étude de nos travaux de thèse, à savoir le système
carburant du futur SHE. Cette expérience a permis de perfectionner la méthodologie proposée pour
s’adapter aux contraintes de l’étude (milieu industriel, système conçu depuis longtemps par
l’entreprise, interaction fortes avec d’autres systèmes, etc.).
ème
Les travaux de cette partie de la thèse ont donné lieu à une présentation lors de la 27 Conférence
6
Annuelle de l’INCOSE (Monsimer et al. 2017).

6
International Council on Systems Engineering
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 46 / 157
CHAPITRE 2 - Génération
d’architectures système carburant en
rupture

Introduction
Dans une première partie, un état de l’art sera présenté dans le domaine de la génération
d’architecture innovante pour les systèmes techniques. Dans un second temps, une méthode sera
proposée pour répondre à la problématique de Safran Helicopter Engines. Cette méthode s’appuie sur
les techniques et les leçons apprises issues de la littérature. Enfin, une dernière partie concernera la
mise en œuvre de cette méthodologie dans l’entreprise.

I. Etat de l’art des démarches de génération


d’architectures
L’objectif de la thèse est de proposer une méthodologie de conception d’architectures de circuit
carburant fortement innovantes. L’aspect « conception d’architecture » renvoie à une phase
préliminaire de la conception. L’idée n’est pas de concevoir les composants du circuit carburant dans
le détail mais bien d’avoir des informations sur les principes d’architectures prometteuses ou non.

Parmi les démarches de recherche de nouvelles architectures, les approches les plus comparables à
notre cas d’étude sont :
 A. Fraj (Fraj 2014) et J. Liscouet (Liscouët 2010) à travers la conception de la chaine de
puissance d’un actionneur électro-mécanique. Les auteurs proposent une démarche basée
sur une génération combinatoire des architectures possibles suivie deux phases d’évaluation
(haut niveau et plus détaillée).
 M. R. Kirby (Kirby 2001) à travers l’étude d’un concept de transport civil haute vitesse.
L’auteure propose une démarche menée depuis l’analyse des besoins jusqu’à l’évaluation des
technologies permettant d’y répondre. En particulier, un fort travail a été fait sur l’impact de la
maturité des technologies à utiliser dans la solution.
 H. Gavel (Gavel 2007) propose une approche de conception de système carburant pour un
avion de chasse. Il s’appuie sur le concept de matrice morphologique quantifiée, consistant en
une routine de prédimensionnement du système en fonction des différents composants
sélectionnés (Gavel et al. 2006).
 M.L. Moullec (Moullec 2014) qui propose une approche de génération et évaluation
d’architecture à travers des réseaux bayésiens. Cette approche probabiliste est mise en
œuvre dans un exemple industriel de dimensionnement de système de refroidissement
d’antenne.

Dans ces travaux, on remarque qu’aucun ne s’intéresse aux méthodes de créativité pour la génération
d’architecture. Ce constat a également été fait par les auteurs de (Howard et al. 2007). Cependant,
dans le cadre d’une innovation de rupture (ou tout du moins d’une forte innovation), il convient de
réfléchir à de nouveaux concepts radicalement différents de celui actuellement mis en œuvre. Ainsi,
nous proposons dans ce chapitre un état de l’art des méthodes de créativité appliquées à un système
technique.

Bien que les activités de génération et d’évaluation des architectures soient intimement liées (voir
processus de (Fraj 2014; Liscouët 2010) qui mêlent évaluation/filtration haut niveau et génération de
principes de solutions), nous sépareront dans cette revue de l’état de l’art ces deux problématiques.
En effet, elles nécessitent chacune des outils et raisonnement particuliers.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 47 / 157
PROCESSUS

Plusieurs auteurs proposent des processus de génération et d’évaluation d’architectures innovantes.


On trouve tout d’abord les processus linéaires de type Pahl & Beitz (Pahl et al. 2007) et Ulrich &
Eppinger (Ulrich & Eppinger 2012). Kroll et al. (Kroll et al. 2004) ont pris le parti d’un processus
cyclique, alternant phases de génération de solutions et phases d’évaluation. Nous avons synthétisé
les processus de ces trois ouvrages en Figure 25.

En 1977, Gerhard Pahl et Wolfgang Beitz publient « Konstruktionslehre », qui sera traduit en 1984
sous le nom de « Engineering Design ». Ces deux ouvrages se sont rapidement imposés comme des
références mondiales en termes d’approche systématique de la conception. Nous ferons référence
dans ce paragraphe à la troisième édition de la traduction anglaise (Pahl et al. 2007). Le processus de
conception systématique proposé se décompose alors en deux temps : Génération puis Evaluation
des solutions (voir Figure 25). Cette approche a été reprise et agrémentée d’outils nouveaux avec les
travaux de (Weiss & Hari 2015; Mayda & Borklu 2014; Manami et al. 2015).

On constate que le processus de Ulrich & Eppinger (Ulrich & Eppinger 2012) est relativement proche
de celui de Pahl & Beitz. Ils proposent en effet tous deux des avancements linéaires avec une
décomposition du problème avant la recherche de solution, puis une évaluation des solutions
candidates en deux temps incluant une première sélection gros grain puis une seconde évaluation
plus précise. Ce processus linéaire est également repris, dans les grandes lignes par les travaux de
M. R. Kirby (Kirby 2001), A. Fraj (Fraj 2014) et J. Liscouet (Liscouët 2010), ainsi que dans l’ouvrage
de (Keinonen & Takala 2006).
L’auteure de (Kirby 2001) propose une méthodologie pour la conception de l’architecture préliminaire
d’un avion. L’approche proposée est orienté sur l’évaluation et la sélection des architectures, plutôt
que sur les aspects de génération des architectures, abordés rapidement à l’aide de l’outil matrice
morphologique. Pour les aspects d’évaluation, elle reste cohérente avec les étapes présentées
précédemment. (p.117) Cette méthodologie a été utilisée pour la conception d’un système de
propulsion solaire spatial (Charania & Olds 2002). Elle a été adaptée en une méthode simplifiée
ATIES (Abbreviated Technology Identification, Evaluation, and Selection), qui ne reprend que les
étapes et outils principaux de la méthodologie.
Les auteurs de (Liscouët 2010) et (Fraj 2014) utilisent une approche systématique dans la lignée du
processus proposé par Pahl & Beitz (Pahl et al. 2007). On y retrouve en particulier une distinction
claire entre filtrage quantitatif (Sélectionner les combinaisons de (Pahl et al. 2007), voir Figure 25) et
filtrage qualitatif (Evaluer selon les aspects techniques et économiques de (Pahl et al. 2007), voir
Figure 25).

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 48 / 157
Ulrich &
Pahl & Beitz Kroll et al.
Eppinger

Abstraire
Clarifier Identification
Identifier le(s)
Décomposer en Technologique
problème(s)
problèmes + simples Lister les moyens
essentiel(s)
existants pour
répondre à une
Décomposer Chercher
fonction
Fonctions -> parmi l’existant
Génération

Experts, brevets, publications,


Sous fonctions produits concurrents
Analyse Paramétrique
Rechercher Chercher
Principes de En interne Identification
fonctionnement Concepts existants, créativité Paramétrique
Identification des
paramètres clés du
Combiner Explorer problème
Principes de De manière systématique Synthèse Créative
fonctionnement les solutions Génération d’une
configuration
physique de
Sélectionner Concept Screening solution
Les combinaisons Réduire rapidement le
intéressantes nombre de solutions
Evaluation
Des performances
Evaluation

Dimensionner de la solution
Les principales générée
variantes solution

Evaluer Concept Scoring


Aspects techniques Evaluer avec une
et économiques meilleure résolution

Figure 25 - Processus de génération et évaluation d'architecture système

Les auteurs de (Kroll et al. 2004) proposent un processus original de conception préliminaire. En effet,
la nature cyclique de ce processus tranche d’emblée avec les processus linéaires présentés
précédemment. Cependant, de notre point de vue, cette méthodologie relève plus de la technique de
créativité que du processus de conception préliminaire au sens large. En effet, comme l’expliquent les
auteurs, l’objectif principal de cette méthode d’Analyse Paramétrique est de simplifier la génération
créative de nouvelles solutions.
“The major implication of the theoretical model that stands behind parameter analysis is that the
burden of truly creative activity is shifted from what here is called creative synthesis […] to parameter
identification, […] which will lead to the desired configurational results.” (Kroll et al. 2004)

On trouve également dans la littérature des processus pour la conception préliminaire de produits tels
que (Pialot 2009; Keinonen & Takala 2006) par exemple. Ces travaux s’intéressent en revanche plus
à des aspects économiques et marketing qui visent à générer puis sélectionner des concepts de
produits qui seront en adéquation avec un marché identifié. L’ouvrage « Product Concept Design »
(Keinonen & Takala 2006) va en ce sens. Cette approche est également reprise par O. Pialot dans sa
thèse, comme le montre cette citation de (Perrin 2001) : « pas d’innovation sans sanction par le
marché ». Ainsi, ces processus nous paraissent en dehors du contexte de la thèse. En effet, le
système à concevoir ne sera pas commercialisé en tant que tel. Ainsi, son marché est lui est alors
naturellement imposé : le système carburant à concevoir doit être parfaitement adapté aux moteurs
d’hélicoptères Safran Helicopter Engines.

Nous retiendrons cependant l’approche PST, d’O. Pialot (Pialot 2009) comme une méthode de
génération de nouveaux concepts. Cette méthodologie met en œuvre trois moyens de proposition de
nouvelles idées, de nouveaux concepts :
« Notre modèle multi-entrées PST doit être compris comme la suggestion de trois angles d’attaque
pour innover […] : une nouvelle intention peut avoir pour origine la dimension soit du potentiel de
nouvelle proposition de valeur, soit de la technologie ou soit du système. » (Pialot 2009)

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 49 / 157
BILAN
Au terme de cette introduction, un premier état de l’art des processus de génération et évaluation en
conception préliminaire de systèmes nous a permis de retenir la procédure de référence de Pahl &
Beitz (Pahl et al. 2007). Cette procédure donne en effet un cadre générique et adapté à notre cas
d’étude. En outre, les éléments pertinents d’autres méthodologies pourront être employés dans des
étapes particulières de notre démarche. Nous pensons particulièrement à l’Analyse Paramétrique de
(Kroll et al. 2004) et à la méthode PST de (Pialot 2009), qui proposent des pistes originales pour la
génération de nouveaux concepts d’architectures.

II. Présentation des étapes de la démarche retenue


Comme nous l’avons vu précédemment, nous nous baserons dans la suite de l’étude sur la démarche
générale proposée par les auteurs de (Pahl et al. 2007). Elle consiste, pour la phase de génération
d’architectures, en quatre étapes : Abstraire, Décomposer, Rechercher et Combiner. Cette partie
donne une description de chacune de ces étapes et des méthodes à disposition pour les mener à
bien.

II.A. Abstraire
Il s’agit de faire apparaitre les fonctions essentielles proposées par la liste des exigences. Cette
formulation du problème ne doit préjuger d’aucun principe de fonctionnement du système à concevoir.
Bien souvent, le plus pratique est de raisonner de manière fonctionnelle. Cela permet en effet
d’appréhender le système à faire du point de vue des services qu’il devra rendre, plutôt que par sa
composition.

Voici quelques exemples de reformulation du problème :


- On ne conçoit pas une porte de garage mais un moyen de sécuriser le garage de manière à
ce que la voiture soit protégée des intempéries et des voleurs (issu de (Pahl et al. 2007))
- On ne conçoit pas un téléviseur mais plutôt un moyen pour l’utilisateur de visualiser des films
- On ne conçoit pas une clé mais un moyen de déverrouiller l’accès au véhicule et de le
démarrer.

Cette étape, qui dans certains cas peut s’avérer très rapide, est primordiale. En effet, elle permet aux
entreprises de ne pas s’enfermer dans leur domaine d’expertise et de réfléchir aux opportunités
d’autres domaines. On pensera par exemple aux clés de voiture, dont nous avons représenté
l’évolution en Figure 26 ci-dessous.

Figure 26 - Evolution du cœur de métier associé à la clé de voiture

A l’origine, il s’agit de clés traditionnelles, dont le fonctionnement relevait purement de la mécanique.


Au fil des évolutions, la clé est devenue progressivement un boitier électronique, communicant sans
contact avec le véhicule. Demain, la clé de voiture relèvera peut être du logiciel via une application
pour smartphone. Ainsi, le fait d’abstraire les fonctions principales de la clé de voiture a permis
d’évoluer vers de nouvelles générations de clés utilisant des domaines technologiques nouveaux.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 50 / 157
II.B. Décomposer
Par décomposition, les auteurs de (Pahl et al. 2007) entendent décomposition fonctionnelle depuis les
fonctions principales identifiées précédemment, vers des sous-fonctions. Le but de la décomposition
fonctionnelle est de réduire la complexité du système à faire. Il s’agit de structurer la ou les fonction(s)
principale(s) du système à concevoir en plusieurs sous-fonctions moins complexes, comme illustré en
Figure 27 ci-dessous.

Mesurer et afficher la
quantité de liquide

Recevoir le Tranformer Acheminer Afficher le


signal le signal le signal signal

Ajuster le
signal

Recevoir le Tranformer Corriger Acheminer Afficher le


signal le signal le signal le signal signal

Alimenter en
énergie

Figure 27 - Décomposition de la structure fonctionnelle dans le cas d'une jauge à carburant (adapté de (Pahl et
al. 2007))

Comme le soulignent les auteurs de (Weber et al. 1998), il existe deux niveaux de décomposition
fonctionnelle :
- Un niveau primaire, indépendant du concept solution retenu pour le système à concevoir. Il
s’agit alors d’une décomposition fonctionnelle unique nécessaire et suffisante à la satisfaction
des exigences. Cette formulation unique et complète permettra d’explorer l’espace des
solutions dans son intégralité par la suite.
- Un niveau secondaire, dépendant du concept solution retenu pour le système à concevoir.
Ce second type de décomposition fonctionnelle est, elle, orientée par une solution donnée.
Elle est obtenue en partant de la décomposition primaire, en allant plus loin dans la
décomposition de chaque fonction.

Le but de cette étape de décomposition est de mettre en œuvre la décomposition fonctionnelle de


niveau primaire du système à faire. Les décompositions de niveau secondaire seront générées lors de
l’étape suivante de recherche de solutions.

II.C. Rechercher
Une fois les fonctions primaires du système définies, il convient d’en rechercher des principes de
fonctionnement innovants pour le produit visé. C’est principalement dans cette étape que doivent se
concentrer les efforts de créativité. Cependant, la créativité n’apparait pas comme le mode de
fonctionnement naturel de l’être humain. En effet, comme le souligne G. Altshuller dans (Altshuller

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 51 / 157
1984), nous sommes tous en proie à l’inertie psychologique, qui est, le principal ennemi de la
créativité. Elle est tenace et nécessite des outils spécifiques pour être vaincue.

II.C.1. Classement des outils recherche de créativité


Comme le constate B. Tyl dans sa thèse (Tyl 2011), il existe à ce jour de nombreux outils de
créativité. Il cite notamment les travaux de Ngassa et al. (Ngassa et al. 2003) qui ont étudié pas moins
de 172 méthodes. Une telle quantité d’outils pose la question de leur classification. Le but étant de
savoir quel(s) outil(s) utiliser pour une situation donnée. En effet, comme le rappelle Runco, “It is
unwise to claim that one creativity tool would apply to all domains and all problems for all people.”
(Runco 2007). On trouve dans la littérature plusieurs types de classement des méthodes et outils de
créativité.
Historiquement, c’est H.Geschka qui propose une première classification des méthodes de créativité
dans (Geschka 1983). Il se base alors sur deux critères : le principe de fonctionnement et le principe
de déclenchement d’idées. En combinant ces principes, il obtient quatre catégories de méthodes de
génération d’idées créatives, que nous avons résumées dans le Tableau 5 ci-dessous.

Tableau 5 – Les quatre catégories de méthodes de créativité (d’après (Geschka 1983))

Principe de déclenchement
Variation d’autres idées Confrontation autre problème
Confrontation intuitive
Les idées doivent venir d’évènements, mots,
pensées ou sensations totalement
Intuition

Association intuitive
Les participants partent d’idées d’autres
Principe de fonctionnement

déconnectées du problème.
personnes pour générer de nouvelles idées Utilisation : Méthode qui mène souvent à
par association. d’authentiques innovations. A utiliser si les
méthodes de brainstorming et brainwriting se
montrent infructueuses. (Geschka 1983)
Variation systématique Confrontation systématique
Systématique

La génération d’idée se déroule en deux Les idées sont générées à partir d’éléments
étapes : stimulants choisis de manière systématique.
1- Les concepts de solution basiques sont Cela permet de choisir des objets qui seront
développés systématiquement plus « efficaces » en termes de
2- Des solutions individuelles sont déclenchement d’idées que ceux de la
générées par combinaison ou par confrontation intuitive pour un problème
variation des concepts proposés en 1-. donné.

La distinction entre principe de fonctionnement systématique et intuitif est également repris dans la
littérature par (Couger 1995), (Shah et al. 2003) ou encore (Pahl et al. 2007). Selon nous, la popularité
d’une telle distinction peut s’expliquer par la forte différence de manière de penser entre les méthodes
intuitives et systématiques. En effet, on conçoit directement que les méthodes systématiques, suivant
un déroulement discursif, seront plus faciles à mettre en œuvre dans le cadre d’un problème
d’ingénierie. Cependant, cette approche systématique peut être considérée comme moins propice à
l’innovation de rupture (Li et al. 2007). Cet aspect d’innovation forte ou de rupture est de la plus
grande importance dans le cadre de nos travaux. En ce sens, McFadzean (McFadzean 1998b) a
développé une typologie selon un degré de changement de paradigme plus ou moins important à
susciter chez les participants.

Van Gundy propose une classification intéressante du point de vue de la mise en œuvre de la
méthode. Il s’agit de les classer selon le nombre de participants, tout en distinguant les outils
utilisables individuellement ou collectivement.
“Idea Power: Techniques and Resources to Unleash the Creativity in Your Organization, by Arthur
Van Gundy. (1992).”

D’une manière plus générale, les auteurs de (Pahl et al. 2007) distinguent les techniques de résolution
de problème de conception par deux approches :
 L’approche Générative consiste à proposer plusieurs solutions puis à choisir celle qui répond
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 52 / 157
le mieux aux problèmes, étant donné les objectifs à atteindre.
 L’approche Corrective consiste à rechercher des solutions par une démarche d’amélioration
et d’adaptation d’une idée originelle, dans le but d’atteindre les objectifs.

Tableau 6 - Comparaison des deux catégories de techniques de résolution de problèmes en conception d'après
(Pahl et al. 2007)

+ -
Plus long à mettre en œuvre : nécessite
Favorise l’émergence pour le concepteur de trouver l’équilibre
Recherche générative
d’idées nouvelles entre le temps disponible et le nombre de
solutions candidates.
Obtention rapide de Risque de rester fixé sur une solution qui
Recherche corrective
solutions concrètes n’est pas forcément la meilleure

Enfin, les auteurs de (Yan & Childs 2015) proposent une sélection de l’outil de créativité basé
principalement sur la personnalité des participants. Leur personnalité est évaluée à l’aide de
l’indicateur Myers-Brigg. Cependant, il n’est pas proposé de corrélation entre les outils existants et les
personnalités des participants.

A la suite de cet inventaire de la littérature sur la classification des méthodes de créativité, nous avons
choisi de faire ressortir quatre paramètres (le type de problème, les moyens méthodologiques, les
moyens humains et le type de solution désiré) influant sur le choix de la méthode de créativité. Nous
les avons représentés en Figure 28 ci-dessous.
Moyens
Humains

Moyens
Problème Solution
Méthodologiques

Figure 28 – Paramètres de choix d’une méthode de créativité

En guise de synthèse, nous proposons dans le Tableau 7 un récapitulatif des différentes


classifications des techniques de créativité présentes dans la littérature.

Tableau 7 – Classification des techniques de créativité présentées dans la littérature

Paramètre Référence littérature Catégories

Fonctionnement intuitif/systématique, Déclenchement par


(Geschka 1983)
variation ou confrontation d’idées
(Mckoy et al. 2001) Représentation des idées : graphique, textuelle, hybride
(Samuel & Jablokow Convergent/Divergent, Style cognitif Adaptatif/Innovant,
2010) Difficulté de la prise en main
Moyens Intuitif : Germinal, Transformationnel, Progressive,
méthodologiques (Shah et al. 2003) Organisationnel and Hybride
Logique : Basé sur le passé, Analytique
(Pahl et al. 2007) Recherche générative, Recherche corrective
Cinq groupes de techniques les plus appropriés pour les
(Thompson & Lordan
ingénieurs : brainstorming, synectique, analyse
1999)
morphologique, brainwriting et check-listes
(Samuel & Jablokow
Niveau de difficulté de prise en main (1-5)
Moyens humains 2010)
(Yan & Childs 2015) Type de personnalité MBTI (Myers-Briggs Type Indicators)

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 53 / 157
(McFadzean 1998b)
d’après Préservation du paradigme, Extension du paradigme,
(Nagasundaram & Changement de paradigme
Type de solution Bostrom 1993)
Orienté problème, Orienté fonction, Orienté produit, Orienté
(Li et al. 2007)
sur la forme

Nous avons pu constater qu’il n’y a pas véritablement de classification des méthodes par type de
problème dans la littérature. Cependant, les articles sur lesquels nous nous sommes basés sont
orientés sur la créativité dans le cadre de la conception en ingénierie.

II.C.2. Les méthodes de génération d’idées


Nous avons représenté en Figure 29 une sélection des principales méthodes de génération d’idées.
Elles sont classifiées selon les critères proposés par (Shah et al. 2003). De nouvelles méthodes ont
été ajoutées à cette classification en s’appuyant sur les travaux suivants : (Shah 1998; Shah et al.
2016; Markman et al. 2011; Geschka 1983).
Brainstorming Classique
En partant Brainwriting Méthode 6-3-5
de rien
Classique
Brainsketching Méthode Galerie
C-Sketch

SCAMPER
Intuitif Par transformation
Stimuli aléatoire

Diagramme des causes et effets


Par organisation des idées
Diagramme KJ

Hybride Méthode Synectique


Méthode C-K

Catalogue de solutions
Basé sur TRIZ
l’existant
Matrice Morphologique
Logique
Analytique SIT

Figure 29 – Classification des principales méthodes de génération d’idées

Nous proposons dans cette partie de faire une description rapide de chaque méthode ou famille de
méthodes.

II.C.2.a) Les méthodes intuitives


(1) En partant de rien

Brainstorming Classique
Il s’agit d’une technique de créativité de groupe proposée par Alex Osborn en 1940 (Osborn 1948).
Elle repose sur le principe d’association d’idées entre des personnes issues de milieux différents.
Le principe d’une séance de brainstorming est que les participants expriment le plus d’idées
possibles. Elles sont alors notées par l’animateur. Chacun doit se retenir de tout jugement pendant la
séance de brainstorming. Ceci doit en effet permettre l’émergence d’idées potentiellement irréalistes,
qui, par associations d’idées peuvent déboucher sur des idées de solutions réalisables. (Pahl et al.
2007) Pour accroitre l’efficacité du brainstorming, Alex Osborn a proposé les quatre règles suivantes
(Osborn 1940) :
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 54 / 157
- Générer un maximum d’idées
- Ne pas critiques les idées proposées
- Chercher à faire des combinaisons avec les idées précédemment proposées
- Encourager les idées « extrêmes », c’est-à-dire les idées qui semblent irréalistes.

Une séance de brainstorming doit durer 30 à 40 minutes. Le groupe de participants doit contenir entre
5 et 15 personnes. Il est important de ne pas se limiter à un groupe d’experts, mais au contraire
d’enrichir le groupe de personnes non-techniques, ou qui travaillent en dehors du domaine d’étude. Il
s’agit pour les participants d’expliquer leurs idées et de les noter sur le tableau.

Les avantages de cette méthode résident en sa simplicité et sa bonne acceptation par les ingénieurs.
Elle peut être mise en place rapidement, sans grand travail préliminaire. De plus, elle est déjà
largement pratiquée en entreprise. De ce fait, les ingénieurs y sont habitués et l’ont acceptée.

L’inconvénient principal de cette méthode c’est la difficulté à apporter des idées en rupture avec le
design dominant. Cet aspect du brainstorming est mis en avant par J.-P. Derumier (Derumier 2016).
L’auteur explique en effet que les connaissances mobilisées lors d’une séance de brainstorming sont
fortement influencées par la formulation initiale de la problématique. Il conclut alors qu’il n’y a que peu
de chance de voir des idées en rupture sortir de ces séances. De plus, comme le rappellent les
auteurs de (Thompson & Lordan 1999), le brainstorming est une des techniques de créativité les plus
populaires, et par voie de conséquence, est souvent mal utilisée (les quatre règles ne sont pas
suivies, il n’y a pas d’animateur, brainstorming non intégré à un processus de créativité plus global).

Brainwriting

Méthode 635
Après avoir été familiarisés avec la problématique, les six participants sont invités à noter sur une
feuille de papier trois propositions de solution. Dans le cadre de cette technique, les idées sont notées
sous forme de mots ou phrases. Ensuite, chaque participant donne sa feuille à son voisin qui la
complète de trois nouvelles propositions. Le processus continue jusqu’à ce que les cinq autres
participants aient fait leurs trois propositions (Pahl et al. 2007). Le déroulement de cette méthode est
schématisé en Figure 30.

Figure 30 - Illustration de la méthode "6-3-5" issue de (Markman et al. 2011)

Brainsketching

Classique
(Markman et al. 2011) citant (Vangundy 1988)
Les participants dessinent leurs idées sur une large feuille de papier, en incluant au besoin de brèves
annotations. Après un temps, les participants échangent leur dessins et complètent ce qu’ils viennent
de recevoir. Cette technique permet de promouvoir l’expression visuelle des idées.
Méthode Galerie
(Markman et al. 2011) citant (Vangundy 1988)
Les participants dessinent leurs idées sur une large feuille de papier. Après un temps donné, les
participants se déplacent pour échanger autour de leurs schémas. Cette phase de discussion permet
aux participants de clarifier leurs idées. Elle est suivie d’une seconde phase de dessin.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 55 / 157
Figure 31 - Illustration de la méthode galerie adapté de (Markman et al. 2011)

C-Sketch (Collaborative Sketching)


(Markman et al. 2011)
Cette technique suit le même déroulement que la méthode « 6-3-5 » décrite précédemment. La
différence réside dans le fait que les idées doivent être exprimées uniquement sous forme de dessins.

(2) Par transformation

Stimuli aléatoire
Cette méthode a été décrite par E. De Bono (De Bono 1970). Elle est basée sur la génération d’idées
à partir d’un stimulus aléatoire (mot, image,…). Les but est alors pour les participants de faire un lien
entre leur problème et le stimulus. Cette technique est simple à mettre en œuvre et demande peu de
travail préparatoire. Néanmoins, comme l’explique E. De Bono (De Bono 1970), l’efficacité de cette
technique repose en grande partie sur la confiance que les participants ont de trouver des solutions
intéressantes. Dans le cadre d’une utilisation par des ingénieurs, cela peut être problématique car
cette technique peut être mal acceptée.

SCAMPER
La méthode SCAMPER a été introduite par Eberle dans les années 70 (Eberle 1971). Les étapes
suggérées par cette méthode correspondent à chaque lettre de son titre : Substituer, Adapter,
Modifier, Proposer une autre utilisation, Eliminer, Réarranger/Inverser. L’avantage de cette méthode
est d’être simple à comprendre. Cependant, comme le soulignent les auteurs de (Yilmaz & Seifert
2010), elle ne propose aucune technique pour mettre en pratique ces conseils.

(3) Par organisation d’idées

Diagramme des causes et effets (diagramme d’Ishikawa, diagramme des 5M)


Cette méthode sert de structure à la pensée créative. Elle s’articule autour du diagramme d’Ishikawa,
qui permet de représenter toutes les causes d’un effet donné. Comme représenté en Figure 32, les
causes sont articulées autour de 5 grands axes (les 5 M) : Main d’œuvre, Matériel, Matière, Méthodes,
Milieu (Valeins 2009).

Figure 32 - Diagramme d'Ishikawa (issu de (Valeins 2009))

De par les axes avancés pour classer les causes, nous en déduisons que cette méthode est plutôt
pensée pour résoudre des problèmes organisationnel ou managériaux. Elle parait ainsi peu
appropriée à notre cas de conception d’un système de puissance.

Diagramme KJ
Le diagramme KJ permet de trier les idées issues d’une séance de brainstorming. Durant la séance
de créativité, chaque idée aura été notée sur un post-it. La technique consiste à regrouper les post-it

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 56 / 157
ayant des points communs. Un titre sera donné à chaque groupe ainsi formé. Si plus de 9 groupes
sont formés, alors ils doivent être restructurés pour obtenir au plus 9 grandes familles de solutions
(Mycoted n.d.). La représentation graphique de ces groupes et sous-groupes jusqu’aux idées
élémentaires est appelé diagramme KJ.

(4) Hybride

Synectique
Cette technique a été proposée par Gordon (Gordon 1961). Elle repose principalement sur l’analogie
avec des domaines étrangers au problème posé. La méthode synectique s’appuie sur un processus
systématique dont les étapes principales sont : (Pahl et al. 2007)
- La familiarisation du problème par les participants
- Le rejet des conventions familières grâce à l’aide d’analogies avec d’autres domaines
- Le choix d’une analogie en particulier et sa comparaison avec le problème posé
- Le développement d’une solution issue de cette analogie.
Si le résultat n’est pas satisfaisant, le processus doit être répété avec une analogie différente.
L’animateur a un rôle très important dans la réussite de cette technique car il est en charge d’orienter
le groupe vers les analogies pertinentes (Pahl et al. 2007; Thompson & Lordan 1999).

Méthode KCP (ou DKCP)


La méthode KCP repose sur la théorie C-K (Hatchuel & Weil 2002). Cette dernière repose sur la
proposition fondamentale selon laquelle « tout raisonnement de conception suppose la distinction
entre deux espaces associés : l’espace des concepts (désigné par « C ») et l’espace des
connaissances (désigné par « K ») » (Hatchuel & Weil 2002). Cette distinction est fondamentale pour
les auteurs car « sans connaissance on ne peut pas concevoir et avec seulement des connaissances
on ne fait que reproduire » (Hatchuel & Weil 2002).
La méthode KCP est parfois nommée DKCP. Ceci vient de l’idée de certaines entreprises de
distinguer la phase « D » de définition des concepts initiaux de la phase « K » d’injection des
connaissances (Derumier 2016).
D’après les auteurs de (Hatchuel et al. 2009), la méthode KCP comporte 3 étapes :
1- Phase K : Séances d’injection de connaissances (6 à 10 demi-journées)
Des séances de connaissances (K) sont menées pour construire les connaissances de base
et les partager entre les membres du groupe. Cette phase d’injection de connaissance doit
permettre aux participants de s’ouvrir à de nouvelles perspectives. Les principaux domaines
d’injection de connaissances sont : les utilisateurs, les clients, la stratégie de l’entreprise, l’état
de l’art et la phénoménologie (connaissances scientifiques de phénomènes qui peuvent être
physiques, sociologiques, etc.). Le but de cette étape est double. D’une part, elle permet
d’affaiblir la définition actuelle du système à concevoir. Ceci permettant ainsi de s’ouvrir à une
nouvelle définition de celui-ci. D’autre part, elle permet de créer des liens entre le problème et
des éléments externes au domaine du problème.
2- Phase C : Séminaire de créativité (séminaire résidentiel de 2 jours)
A la différence des autres techniques de créativité, des concepts initiaux sont utilisés comme
points de départ à la séance. Ces concepts ne seront pas considérés comme des
propositions à la fin de la séance. Ils sont uniquement là pour orienter le groupe. Durant le
processus, les idées d’un groupe peuvent être réutilisées par un autre groupe.
3- Phase P : Synthèse des propositions
Le but de cette étape est d’établir une stratégie de conception précisant les jalons à fixer pour
développer les différents concepts (prototypes, maquettes, programmes de recherche, etc.).
Cela permet aux participants, ainsi qu’au management, d’avoir une vision d’ensemble du
champ des solutions, en évitant de se focaliser sur une solution dominante.

Toujours d’après les auteurs de (Hatchuel et al. 2009), cette méthode a déjà été mise en œuvre dans
différentes entreprises, comme nous l’avons résumé dans le Tableau 8.

Tableau 8 - Entreprises ayant utilisé la méthode KCP et les projets associés (d’après (Hatchuel et al. 2009))

Entreprises Projets
Transit rapide par bus
RATP
Métro du 21ème siècle

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Service de bus local
La marche
Arrêt de bus de nuit
Cockpit du futur
Thales Centre de contrôle et d’opération du futur
Nouvelle génération d’avions monocouloir
Vallourec Post-filetage de tubes
Volvo Véhicule durable
Areva Réseaux intelligents (Smart Grids)
Competitive cluster Moveo Sécurité pour les véhicules à deux roues
Sagem Réseau domestique
Safran Helicopter Engines Nouvelle génération de turbines d’hélicoptères

D’après F. Arnoux (Arnoux 2013), la méthode KCP est très intéressante pour produire des concepts
en rupture. Il explique en effet qu’il s’agit d’une méthode complète permettant aux concepteurs de se
détacher de la fixation aux concepts actuels. Après lecture du Tableau 8, nous percevons que la
méthode KCP est principalement utilisée pour des projets de très haut niveau. Son principal défaut est
la lourdeur de sa mise en œuvre (temps, nombre de participants).

II.C.2.b) Les méthodes systématiques


(1) Basée sur l’existant

La méthode TRIZ
TRIZ est un acronyme Russe signifiant Théorie pour la Résolution Inventive des Problèmes. Cette
méthode a été créée en 1984 par G. Altshuller (Altshuller 1984). Depuis, elle a été sans cesse
développée et modifiée. Comme l’explique Choulier ((Choulier 2000), cité par (Tyl 2011)), la méthode
TRIZ peut être utilisée de trois manières différentes.
- TRIZ peut être abordée comme une boite à outils : chacune des technique de TRIZ peuvent
être utilisés indépendamment en fonction des besoins
- TRIZ peut être utilisée de manière séquentielle en suivant la logique de l’algorithme ARIZ
- TRIZ peut être considérée comme une façon de penser et de poser un regard nouveau sur un
problème.
Nous listerons ici les principaux outils de TRIZ (selon (Gadd 2011)). Cette liste n’est pas exhaustive
mais présente les outils les plus utilisés de la méthode TRIZ.

- Les 40 principes pour résoudre les contradictions.


En se basant sur l’analyse de 50 000 brevets (Gadd 2011), Altshuller propose 40 principes
basiques permettant d’éliminer les contradictions techniques. La force de cet outil est de
sélectionner les principes applicables en fonction des contradictions rencontrées. Il est souvent
représenté sous la forme d’une matrice carrée. Ses 39 lignes et colonnes contiennent la même
séquence de paramètres ou indicateurs. Les paramètres en colonne représentent l’indicateur à
améliorer, tandis que les paramètres en ligne sont ceux que le concepteur souhaite ne pas
détériorer. Ainsi, l’utilisateur entre sa contradiction technique par l’intersection d’une ligne
(paramètre à améliorer) avec une colonne (paramètre à ne pas détériorer), et obtient dans la case
correspondante de la matrice le numéro des principes pertinents pour l’élimination de la
contradiction. Cette matrice est disponible en ligne sur le site internet (Solid Creativity n.d.) par
exemple. Il existe également une version plus ergonomique de cet outil sans la représentation
matricielle sur ce site internet (Solid Creativity n.d.).
- 8 Principes d’évolution, pour perfectionner les systèmes existants
- Liste d’effets : catalogue de moyens connus pour résoudre des problèmes donnés
- Ressources et Trimming
- Analyse des fonctions
- Solutions Standards
- Déclencheurs de créativité : ils permettent de vaincre l’inertie psychologique dans la
recherche de solutions. Par exemple :
o « Size-Time-Cost »
Il s’agit de chercher des solutions au problème en exagérant les options de taille (très grand
ou très petit), temps (très rapide ou très lent) et coûts (en dépensant énormément ou sans
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 58 / 157
rien dépenser). Ces solutions sont là pour suggérer aux concepteurs des solutions, plus
réalistes, auxquelles ils n’avaient pas forcément pensé. Comme l’écrit Altshuller dans
(Altshuller 1984) :
“One can, for instance, take the word “icebreaker” out of the context of the problem, but I still
retains the image of an icebreaker, something, “in the shape of a ship”, approximately
corresponding to the size of an icebreaker, acting approximately at the same speed and
costing approximately the same”
L’atout de cet outil est de proposer aux concepteurs de considérer le système de manière
inhabituelle, dans le but de vaincre l’inertie psychologique.
o « Smart Little People »
Le principe de cet outil est de représenter le problème à l’aide d’une multitude de petits
personnages. Cela permet de bien comprendre le problème à traiter. Son fonctionnement est
basé sur l’empathie que l’on éprouve pour ces personnages, qui permet de créer une
analogie personnelle avec le problème à traiter. Aussi simpliste qu’elle puisse paraitre,
l’auteure de (Gadd 2011) assure l’avoir mise en œuvre de manière concluante pour traiter des
problèmes sérieux d’ingénierie.
o Technique des 9 boites
Cet outil permet de poser un problème précis pour en proposer les solutions. Il s’agit de
considérer les solutions originales en agissant :
 A l’extérieur du système, sur le système, sur les constituants du système
 En avance, sur le moment ou après.
o Idéalité

Ce retour d’expérience indique que TRIZ est une méthode pertinente qui peut mener à de l’innovation
de rupture. La méthode TRIZ a été utilisée pour la conception de la rampe de distribution de carburant
du moteur Trent 900 de Rolls Royce. Ceci a permis, selon l’auteure de (Gadd 2011), une réduction de
95% du temps de fabrication (Gadd 2011).
Contrairement à la méthode KCP, la méthode TRIZ nous apparait plutôt orientée vers la recherche de
solution à des problèmes techniques.

Matrice Morphologique
L’approche morphologique développée par Zwicky (Zwicky 1948) consiste à séparer un système
complexe en sous-systèmes essentiels. Pour chacun de ces sous-systèmes, des solutions seront
proposées par d’autres méthodes de génération d’idées, comme présenté dans la Figure 33 ci-
dessous. Le principe de cette méthode est ensuite de combiner les solutions des sous-systèmes pour
obtenir différentes solutions pour le système complet.

Figure 33 - Exemple de matrice morphologique (tiré de (Design & Develop For You n.d.))
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 59 / 157
L’avantage de cette méthode est qu’elle est logique et donc intelligible pour des ingénieurs. Son
inconvénient principal est qu’elle dépend d’une source d’idées pour les sous-systèmes élémentaires.
C’est de ces concepts de solutions élémentaires que dépendra le caractère fortement innovant ou non
des solutions globales proposées.

Catalogues de solution
Les catalogues de solution consistent à fournir, pour un problème donné, un panel de solutions déjà
connues et approuvées. L’avantage de cette méthode c’est qu’elle donne produit rapidement des
solutions. L’inconvénient c’est que ces solutions sont déjà existantes. Elles peuvent donc être soit
peu innovantes (déjà mises en œuvre par exemple), soit potentiellement innovantes mais éloignées
du problème à traiter.

(2) Analytique

SIT (Structured Inventive Thinking)


Cette méthode a été développé par Horowitz dans le milieu des années 90 (Horowitz 1999). Elle a été
pensée dans le prolongement de la méthode TRIZ, dans une volonté de simplification de sa mise en
œuvre. Elle s’applique à des systèmes existants souffrant d’effets indésirables. Cette méthode
s’appuie sur un premier postulat selon lequel les idées les plus innovantes restent toujours proches du
problème initial. C’est ce qu’Horowitz appelle la condition du « Monde Clos » (Horowitz 1999). Cela
signifie que le monde de la solution n’introduit pas de nouveaux éléments par rapport au monde du
problème. La deuxième condition posée par la méthode SIT, c’est le changement qualitatif. Il doit
permettre de supprimer le conflit entre la cause du problème et son effet, ou bien de le surpasser.
Ma méthode SIT s’articule autour de deux stratégies de solution : extension et restructuration et cinq
provocateurs d’idées : Unification, Multiplication, Division, Rupture de la symétrie, Elimination d’un
objet.

II.D. Combiner
Cette étape consiste à combiner les différents principes de fonctionnement précédemment mis en
lumière pour chaque fonction, afin de former un concept de système candidat à la réponse au
problème de conception.
La méthode la plus utilisée pour cette tâche de combinaison est la matrice morphologique (Pahl et al.
2007; Kirby 2001; George 2012; Dieter & Schmidt 2013; Gavel 2007). Cette méthode, introduite par
Zwicky (Zwicky 1948), consiste à générer des solutions d’architectures par combinaisons de solutions
des fonctions et sous-fonctions du système. La Figure 34 ci-dessous présente un exemple de matrice
morphologique. Un exemple de solution d’architecture système y est représenté par une ligne brisée
bleue.

Solutions
Fonctions Sous-Fonctions
#1 #2 #3 #4 #5
SF 11
Fonction F1
SF 12
SF21
Fonction F2
SF22
Fonction F… …
Exemple de solution d'architecture système
Figure 34 - Exemple de matrice morphologique

Les auteurs de (Weber et al. 1998; George 2012) ont présenté des méthodes originales d’utilisation
de la matrice morphologique. Comme le soulignent les auteurs de (Dieter & Schmidt 2013), la
génération par matrice morphologique peut rapidement mener à un grand nombre de concepts
candidats. En ce sens, la méthode proposée par l’auteur de (George 2012) permet d’en réduire le
nombre de combinaisons. Elle permet également d’anticiper l’étape d’évaluation en proposant des
concepts candidats fonctionnels et composés d’éléments compatibles entre eux. L’approche de
(George 2012) se compose de six étapes, représentées sur la Figure 35, et décrites ci-dessous : Elle
repose sur un va et vient entre des matrices morphologiques et des matrices d’option.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 60 / 157
Etape 1 : Matrice morphologique par groupes
La matrice morphologique est établie. Pour chaque fonction, les concepts sont regroupés en familles
pour plus de lisibilité.

Etape 2 : Matrice morphologique filtrée


Un premier filtrage grossier des concepts solution est effectué. Il permet d’écarter les concepts
irréalistes.

Etape 3 : Matrice morphologique de niveau 1


Des paires de fonctions sont mises en valeur afin d’explorer leur synergies éventuelles.

Etape 4 : Matrice d’options de niveau 2


Les paires de fonctions décrites précédemment deviennent des modules fonctionnels. Pour chaque
module fonctionnel, les concepts candidats sont explicités. La nouvelle matrice obtenue est appelée
matrice d’options.

Etape 5 : Matrice morphologique de niveau 2 puis Matrice d’options de niveau 2


Une nouvelle matrice morphologique est alors crée, reprenant les modules fonctionnels
précédemment énoncés.

Etape 6 : (optionnelle) Combinaisons fonctionnelles alternatives


Il est possible de reprendre le processus avec des modules fonctionnels différents. Cela pourrait
permettre de générer de nouveaux concepts.

Figure 35 - Méthodologie systématique de génération de concept proposée dans la thèse de (George 2012)

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 61 / 157
III. Proposition d’une méthode pour les travaux de
thèse
Ce chapitre est dédié à la présentation du processus de sélection, pour chaque étape, d’une
méthodologie adaptée à notre cas d’étude. Il aboutira à la proposition d’une méthode pour la
génération d’architectures dans le cadre de la thèse.

III.A. Sélection méthode Abstraire


Cette étape d’abstraction relève essentiellement du travail précédemment réalisé dans le cadre de la
spécification du besoin. Il a en effet été question de mettre en lumière les fonctions essentielles à
rendre par le système à concevoir, sans préjuger de son principe de fonctionnement.

III.B. Sélection méthode Décomposer


La décomposition fonctionnelle du système est déclinée de la spécification de besoin du système à
concevoir. Ce document énonce en effet les différentes fonctions que le système devra satisfaire.

III.C. Sélection méthode Rechercher


Suite à l’inventaire de la littérature sur les choix de méthodes de créativité, voir paragraphe II.C, une
sélection a été faite en accord avec les spécificités de notre étude. Ce choix méthodologique est
présenté dans ce paragraphe.

III.C.1. Critères de sélection


Pour pouvoir être applicable à notre cas d’étude au sein de Safran Helicopter Engines, la méthode
proposée devra :
- Etre applicable à la résolution d’un problème technique
- Permettre l’innovation de rupture
- Pouvoir être mise en œuvre sans faire intervenir de prestataire extérieur
- Pouvoir être mise en œuvre rapidement et avec un nombre restreint de participants.

Le but, pour l’entreprise, est de disposer d’une méthode rapide à mettre en œuvre permettant
d’identifier des architectures en rupture.

III.C.2. Comparaison des méthodes de génération d’idées


Comme nous l’avons vu dans le paragraphe II.C.1, les différents critères de sélection d’une méthode
de génération d’idées sont : le type de solution attendu, les moyens humains à disposition et le type
de problème à résoudre.

III.C.2.a) Type de solution


(1) Impact de la représentation des idées
Lors de la démarche de créativité, les idées peuvent être représentées soit de manière graphique ou
textuelle. Les auteurs de (Mckoy et al. 2001) proposent une classification de quelques techniques
selon ces trois critères (voir Figure 36).

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 62 / 157
Représentation Représentation Représentation
Graphique Textuelle Croisée
 C-Sketch  Brainstorming  Analyse
 Méthode Galerie  Diagramme KJ Morphologique
 Check-list  Synectique
 Méthode d’affinité
 Storyboarding
 Diagramme des causes
et effets
 Méthode 635
Figure 36 – Classification de quelques méthodes de créativité par types de représentation des idées (traduit de
(Mckoy et al. 2001))

Plusieurs expériences (Mckoy et al. 2001; Markman et al. 2011) ont conduit à la même conclusion
concernant la représentation des idées. La représentation graphique des idées permet d’augmenter le
nombre et la qualité des concepts générés. Les auteurs de (Markman et al. 2011) ont également
constaté que plus de concepts de haute qualité sont générés lorsque les idées sont affichées au mur,
par un seul dessin.

Ainsi, les auteurs de (Markman et al. 2011) suggèrent de procéder en deux temps. Ils proposent tout
d’abord d’afficher les idées au mur (méthode Galerie, brainsketching) pour générer un grand nombre
de solutions de qualité. Dans un second temps, il est suggéré de faire circuler les idées de participant
à participant (6-3-5, C-sketch) en utilisant des mots et dessins pour développer les détails des
solutions.

(2) Innovation de rupture


La notion d’innovation de rupture est reprise dans l’article (Li et al. 2007) sous l’appellation « Fonction-
oriented creative design », décrite par les auteurs :
« The purpose is to design a new product or system. The improvement of main functions of the
existing product or system possibly reaches its limitation, so instead of dealing with the problems in
the existing product or system, designers should jump out of the existing system, think of the ultimate
goal of the design, and find if there are other better ways to reach it. The strategy taken here is to
solve the maximised problem and change working principles (second order change) of system. » (Li et
al. 2007)
Cette approche correspond donc parfaitement à notre démarche d’innovation de rupture d’un système
existant. Les techniques prescrites par les auteurs pour ce cas de figure sont :
- Concept-fan
- FBS mapping
- Seaching new principles from scientific-effects base.
Cependant, les auteurs ne donnent pas de détails ou de justification quant au choix de ces
techniques.

De son côté, l’auteur de (Geschka 2007) (cité par (Schöllhammer 2015)) précise que les approches
de type « Matrice morphologique » et « Confrontation avec des images ou expressions » sont
bénéfiques pour la conception au niveau système, d’une solution qui apportant de nouvelles fonctions
ou bénéfices.

Mcfadzean (McFadzean 1998a) propose une classification des techniques de créativité, selon trois
niveaux de changement de paradigme (voir Figure 37) :
- Préservation du paradigme
- Extension du paradigme
- Changement de paradigme

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 63 / 157
Préservation Extension du Changement
du paradigme paradigme de paradigme

 « Sécurisant »  Peut être considéré comme


 Pas nécessaire d’utiliser inconfortable
son imagination  Utilisation de l’imagination
 Associations libres nécessaire
 Utilisable par des  Fantaisie et stimuli aléatoires
groupes expérimentés  Plutôt destiné aux groupes
ou non expérimentés

- Brainstorming - Stimulations par les objets - Pensée idéale


- Brainwriting - Métaphores - Images fertiles

Figure 37 – Classification des techniques de créativité selon le niveau de changement de paradigme (adapté de
(Mcfadzean 1996))

Mcfadzean (McFadzean 1998a), en accord avec (Nagasundaram & Bostrom 1993), fait le constat que
les techniques de brainstorming et brainwriting semblent peu appropriées pour un changement de
paradigme.

(3) Rôle de l’animateur


Enfin, l’auteur de (McFadzean 1998a) stipule que dans le cadre des techniques de créativité
impliquant un changement de paradigme, l’animateur doit être expérimenté. Il doit permettre à chacun
des participants de s’exprimer librement. Plus encore, il doit être en mesure de conduire le groupe à
une véritable synergie pour que les idées nouvelles soient échangées. Ce constat est appuyé par
l’article (Mcfadzean & Nelson 1998). Les auteurs défendent l’idée selon laquelle que les équipes
fonctionnent plus efficacement avec l’aide d’un animateur. En effet, ce dernier sera en mesure de
proposer les techniques de créativité adaptées à la situation.

III.C.2.b) Moyens humains


(1) Approche rationnelle ou intuitive
Lorsque que l’on veut appliquer des techniques de créativité avec des ingénieurs, les approches
rationnelles sont en général plus adaptées (Geschka 2007).

Les auteurs de (Samuel & Jablokow 2010) ont proposé un classement de techniques de créativité
selon leur type d’approche. Le classement comprend cinq niveaux, de la plus rationnelle vers la plus
intuitive (voir Figure 38).

(2) Groupe ou individuel


D’après (Markman et al. 2011), l’utilisation de techniques de groupe est très bénéfique. En effet, au fur
et à mesure que les membres apportent leurs idées, la solution complète gagne en qualité. De plus,
une grande partie des idées générées sont influencées par les autres membres du groupe.

(3) Niveau de difficulté de la prise en main


(Samuel & Jablokow 2010) proposent un classement de quelques techniques par niveau de difficulté.
Ces différents niveaux sont évalués sur une échelle qualitative de 1 (très facile à maitriser) à 5 (très
difficile à maitriser). La Figure 38 illustre cette classification.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 64 / 157
Figure 38 – Classification des techniques de créativité par niveau de difficulté et par style cognitif (issu de
(Samuel & Jablokow 2010))

(4) Culture de l’entreprise


D’après E. Mcfadzean (McFadzean 1998a), une séance de résolution créative de problème nécessite
une culture d’entreprise propice à l’innovation et à la pensée créative. Il montre que ceci implique de :
- Assurer la sécurité des participants. Ils ne peuvent être créatifs s’ils ont peur de la critique ou
d’éventuelles sanctions (Anderson et al. 1992).
- Encourager les employés à remettre en question ce qui « a toujours été fait de cette
manière » (Jones & McFadzean 1997).
- Employer des personnes venues de divers horizons permet d’avoir des points de vue
différents sur le problème (Jones & McFadzean 1997).
- Permettre aux employés de passer du temps sur des projets de recherche qui leur tiennent à
cœur. A titre d’exemple, le Post-It a pu être développé par la société 3M parce qu’elle a
notamment permis à un de ses inventeurs de travailler sur ce concept novateur (Henry &
Walker 1991).
- Mettre en place des équipes de résolution créative de problèmes. Les membres de ces
équipes doivent partager les mêmes objectifs. Les équipes fonctionneront plus efficacement
avec l’aide d’un animateur qui sera en mesure de proposer les techniques de créativité
adaptées à la situation (Mcfadzean & Nelson 1998).

III.C.2.c) Type de problème

Il n’existe pas dans la littérature actuelle de classification des techniques de créativité par domaine
d’application. Cependant, beaucoup de références concernent la conception en ingénierie. Ainsi, à
défaut d’avoir un panel des techniques employées dans différents domaines, nous avons pu obtenir
des retours d’expérience dans le domaine qui nous intéresse.
Dans le cas de publications non spécialisées dans la conception, il a été possible de distinguer les
techniques non applicables à notre problème. On pensera par exemple aux méthodes Océan Bleu,
Lean Startup, Business model nouvelle génération trop orientées business/marché ou la méthode
Delphi qui va plutôt dans le sens de la prévision économique et stratégique.

III.C.3. Synthèse de différentes méthodes


Dans le cadre de notre approche d’innovation de rupture en conception en ingénierie, les bonnes
pratiques suivantes ont été listées lors du travail bibliographique :
 Utiliser des représentations graphiques des idées plutôt que textuelles (Mckoy et al. 2001;
Markman et al. 2011). Les auteurs de (Markman et al. 2011) proposent même de procéder en
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 65 / 157
deux temps. Tout d’abord via une méthode de type Galerie, puis via échange d’idées de
proche en proche au sein des participants.
 Certaines techniques sont recommandées pour obtenir de l’innovation de rupture :
o (Li et al. 2007) : Concept fan, FBS mapping, Recherche nouveaux principes à partir
de bases d’effets scientifiques
o (Geschka 2007) : Matrice morphologique, Confrontation avec des images ou
expressions
o (McFadzean 1998a) : Idéalisation, Rich Pictures, Object Stimulation, Métaphores
 La présence d’un animateur expérimenté est bénéfique pour la génération intuitive d’idées
(McFadzean 1998a).
 Certaines techniques sont plus faciles à prendre en main que d’autres. Quelques techniques
ont ainsi été classées par niveau de difficulté par (Samuel & Jablokow 2010), comme nous
l’avons vu au paragraphe III.C.2.b)(3).
 L’effet de groupe est très bénéfique pour la génération d’idées (Markman et al. 2011).

La méthode que nous proposons pour les travaux de thèse repose sur différentes techniques, comme
nous l’avons représenté en Figure 39. Elle sera mise en œuvre dans le cadre d’une séance de
créativité.

Apport de connaissances Génération d’idées


Partage et tri des idées
originales innovantes
(Diagramme KJ)
(Méthode KCP) (Méthode 635)

Figure 39 - Méthode intuitive de génération d'idées proposée

Les différentes étapes de la méthode proposée sont détaillées ci-dessous.

1. Apport de connaissances originales en lien avec la thématique de la séance, mais


déconnectés des habitudes de conception de l’entreprise et/ou des participants. Cet apport
d’information est emprunté à la phase K de la méthode KCP (Hatchuel et al. 2009; Derumier
2016). Comme nous l’avons expliqué au paragraphe II.C.2.a)(4), l’intérêt de cette technique
est double. Elle permet, d’une part, d’affaiblir la définition actuelle du système à concevoir
dans l’esprit des participants. D’autre part, cette pratique crée des liens entre le problème et
des éléments externes qui peuvent inspirer les participants.

2. Génération d’idées originales : Méthode 635. Pour la méthode créativité en elle-même,


nous avons choisi une méthode de type brainwriting (cf. II.C.2.a)(1)). Cela permet en effet
d’obtenir une méthode facile à mettre en œuvre en un temps restreint. De plus, sa proximité
avec le brainstorming, couramment pratiqué dans l’entreprise, permettra à cette méthode
d’être plutôt bien acceptée par les ingénieurs. Enfin, le fait pour les participants de travailler
personnellement et à l’écrit permet à chacun de s’exprimer librement. Il n’est pas rare en effet
de voir des brainstorming où la parole est monopolisée par une minorité de participants.

Figure 40 - Déroulement d'une séance de brainwriting selon la méthode 635 (adapté de (Christian Höfling 2017))
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 66 / 157
Le déroulement de la méthode sera le suivant. Chaque participant a 5 minutes pour noter 3 idées
sur une feuille de papier. Une fois le temps écoulé, chaque participant donne sa feuille à son
voisin. Chacun a alors à nouveau 5 minutes pour compléter la feuille qu’il reçoit de 3 nouvelles
idées, en s’inspirant des idées déjà proposées sur la feuille. Ces échanges de feuilles continuent
jusqu’à ce que chaque participant retrouve sa feuille initiale. Ce déroulement est illustré par la
Figure 40 ci-dessus.

3. Partage et tri des idées : Diagramme KJ. Suite à la phase de réflexion silencieuse et
personnelle que représente la méthode 635, il nous a paru intéressant de créer un moment de
partage verbal entre les participants. Cette dernière étape prendra la forme d’une séance de
tri des idées par Diagramme KJ (expliqué au paragraphe II.C.2.a)(3)). Le but est alors moins
de classer les idées par groupe, que de permettre aux participants de discuter et de
développer leurs idées à l’oral.

Nous proposons un récapitulatif des différentes techniques de créativité impliquées dans la méthode
proposée dans le Tableau 9, ci-dessous. Il y est détaillé les points forts et les points faibles de chaque
méthode au regard de notre application. Une dernière colonne rappelle également les éléments
effectivement retenus pour nos travaux.

Tableau 9 – Techniques de créativité impliquées dans la méthodologie proposée

Techniques de A retenir pour notre


Points forts Points faibles
créativité application
Besoin de passer par une
Utile pour structurer
Matrice Bonne approche système autre technique pour
l’approche de génération
Morphologique du problème générer les concepts
d’architecture système
élémentaires
Très lourd à mettre en
Très adapté à l’innovation œuvre. Approprié pour Aspect apport de
KCP
de rupture des réflexions sur un connaissance
niveau plus élevé.
- Bon potentiel
Nécessite de créer les Brainwriting pour son
Brainstorming d’innovation de
conditions propices à aspect personnel,
Brainwriting rupture
l’émergence de solutions permettant à chacun de
Brainsketching - Rapide
vraiment innovantes s’exprimer
- Connu et accepté
Plutôt orienté vers la Etat d’esprit d’ouverture,
Outils plutôt logiques et résolution de problèmes boite à outils intéressante
TRIZ
faciles à prendre en main techniques en conception pouvant servir durant les
de détail séances de créativité

Les points faibles de l’approche proposée résident essentiellement dans :


- L’absence d’un animateur professionnel des techniques de créativité : qui pourrait être
pertinent pour guider efficacement les groupes de recherche de solutions innovantes.
- La simplicité apparente des approches mises en œuvre, qui peut les faire percevoir
négativement. Le brainwriting peut paraitre simpliste à côté de méthodes telles que TRIZ ou
KCP. Cependant, ces dernières nécessitent :
o un accompagnement professionnel pour leur mise en œuvre
o plus de temps de la part des participants (entre 5 et 7 journées pour une méthode
KCP, contre moins d’une journée pour une méthode de type brainwriting).

III.D. Sélection méthode Combiner


Pour l’étape de combinaison des concepts de solution, la méthode systématique de matrice
morphologique (présentée dans le paragraphe II.D) nous est apparue particulièrement intéressante
car elle permet d’avoir une vision systématique des solutions candidates.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 67 / 157
IV. Mise en œuvre de la méthode proposée chez
Safran Helicopter Engines
Cette partie traite de la mise en œuvre chez Safran Helicopter Engines de la méthode proposée dans
la partie III.

IV.A. Abstraire et Décomposer


Nous avons constaté que les étapes d’abstraction et de décomposition sont fortement liées. Nous
avons donc choisi de les regrouper dans ce paragraphe.

IV.A.1. Abstraction du problème de conception


Le système carburant doit être un moyen de fournir à la chambre de combustion le bon débit
massique de carburant au bon endroit et au bon moment. Optionnellement, le système carburant
pourra être un moyen de positionner des géométries variables (GV), de refroidir l’huile moteur ou
d’alimenter des consommateurs hydrauliques (pompe à jet avion, par exemple).

Nous avons d’ores et déjà identifié deux fonctions principales pour le système carburant :
- Déplacer le carburant du réservoir jusqu’à la chambre de combustion du moteur
- Doser le débit massique de carburant fourni à chaque instant vers les bons injecteurs de la
chambre de combustion.

Ainsi que trois fonctions principales optionnelles :


- Positionner les GV du moteur
- Refroidir l’huile moteur
- Alimenter des consommateurs hydrauliques.

Une fois les fonctions principales du système à concevoir formalisées, on entre dans l’étape de
décomposition fonctionnelle à proprement parler.

IV.A.2. Décomposition fonctionnelle du système à


concevoir
(1) Un processus itératif
La décomposition fonctionnelle d’un système n’est pas unique, comme le précisent les auteurs de
(Dieter & Schmidt 2013). Chacune d’entre elles représente une certaine vision du système (par
exemple : vision énergétique, opérationnelle,…), qui est elle-même partielle et partiale. Il est donc
important, pour la suite du processus, de choisir une « bonne » décomposition fonctionnelle du
système ; c’est-à-dire une décomposition qui :
- Permette de faire apparaitre les architectures candidates le plus naturellement possible
- Soit en phase avec les exigences du système. Par exemple, pour un système ayant de
fortes contraintes énergétiques, une décomposition fonctionnelle s’appuyant sur les
chemins de puissance sera bienvenue
- Permette la plus grande indépendance entre les fonctions. Ceci permet de réduire la
complexité du problème de conception. Il s’agit en effet de répondre à chaque fonction
séparément plutôt que de considérer le système dans son ensemble. Même si l’on
constate que l’indépendance totale entre les fonctions n’est pas réaliste, il est bénéfique
de réduire le plus possible les interactions entre celles-ci. En effet, les fonctions doivent
toujours garder une interaction minimale afin de jouer leur rôle au sein du système.

Si on s’intéresse aux deux fonctions principales présentées ci-dessus, on peut arriver, dans un
premier temps, à la décomposition fonctionnelle représentée en Figure 41.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 68 / 157
Déplacer le Doser le débit
Niveau 1 carburant massique

Convertir en Répartir le débit


Alimenter en Doser le débit Commander le
Niveau 2 énergie
énergie entre les
massique débit massique
hydraulique injecteurs

Figure 41 - Décomposition initiale des fonctions principales du système carburant

Après utilisation de ces fonctions de Niveaux 2 pour la génération d’architectures candidates, nous
avons constaté que :
- Il n’était pas pertinent de considérer une fonction « Alimenter en énergie » en tant que
telle. C’est en effet une fonction induite par le besoin de déplacer du fluide. Elle peut
donc s’intégrer aux autres fonctions impliquant de transmettre de l’énergie au fluide.
- La fonction « Convertir en énergie hydraulique » ne nous est finalement pas parue assez
précise vis-à-vis du véritable besoin. En effet, l’énergie hydraulique est générée dans un
but bien précis qu’il est plus intéressant d’expliciter directement : « Amorcer, Aspirer,
Gaver ». De plus, il peut également y avoir de la conversion en énergie hydraulique au
sein de la fonction « Doser le débit massique ». On peut en effet imaginer une machine
hydraulique qui génèrerait à tout instant le débit nécessaire au fonctionnement du
moteur. Cet aspect va donc à l’encontre de la volonté d’indépendance entre les fonctions.
- Les fonctions « Doser » et « Répartir » sont étroitement liées. En effet, répartir le
carburant entre les injecteurs c’est, d’une certaine manière, doser le carburant que l’on
envoie à chaque injecteur. Ainsi ces deux fonctions ont été regroupées.
Ainsi la décomposition fonctionnelle a évolué au cours du processus de génération d’architecture pour
être plus proche des spécificités opérationnelles du système carburant. Une nouvelle décomposition
fonctionnelle est représentée en Figure 42.

Déplacer le Doser le débit


Niveau 1 carburant massique

Doser et
Aspirer
Conditionner Répartir le débit Commander le
Niveau 2 Amorcer
pour dosage massique entre débit massique
Gaver
les injecteurs

Figure 42 – Décomposition intermédiaire des fonctions principales du système carburant

En utilisant à nouveau cette décomposition pour générer des architectures conceptuelles, nous nous
sommes rendu compte que de nouvelles modifications ont été nécessaires. En effet :
- Les trois fonctions « Amorcer », « Aspirer » et « Gaver » sont finalement les contributeurs
d’une fonction plus importante : « Fournir une pression de gavage au reste du système
carburant ». De plus, ces trois fonctions peuvent être réalisées ensemble ou de manière
indépendante. Il a donc été décidé de les décomposer, au sein d’un troisième niveau de
décomposition fonctionnelle.
- Les fonctions « Doser » et « Conditionner pour dosage » sont étroitement liées. En effet,
le concept retenu pour la fonction « Doser » implique (ou exclue) d’office toute une
famille de solutions pour la fonction « Conditionner pour dosage ». Ainsi, ces deux
fonctions ont été fusionnées au niveau 2, et apparaissent séparément au niveau 3.
- Le regroupement des fonctions « Doser » et « Répartir » a été abandonné. Bien que ces
deux fonctions puissent être fortement liées (cas où l’on doserait directement à l’injecteur
par exemple), elles peuvent aussi être fortement dissociées pour des architectures où
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 69 / 157
l’on considèrerait plusieurs systèmes de dosage distincts pour assurer la répartition.
Ainsi, ces deux fonctions ont été à nouveau dissociées.
- Une fonction « Réchauffer le carburant » a été ajoutée. En effet, en générant les
architectures, nous avons constaté qu’un système de réchauffage pouvait être
nécessaire afin de répondre au besoin de fonctionner par temps froid sans additif anti-
givre.

Déplacer le Doser le débit Réchauffer le


Niveau 1 carburant massique carburant

Fournir une Générer et


Répartir le débit Commander le
Niveau 2 pression de doser le débit
massique débit massique
gavage massique

Amorcer Aspirer Gaver Conditionner Doser


Niveau 3

Figure 43 – Décomposition retenue pour les fonctions principales du système carburant

Tout ceci montre que la décomposition fonctionnelle du système carburant est, tout d’abord, loin d’être
unique. Nous avons proposé trois décompositions différentes, mais bien d’autres pourraient être
imaginées. Ensuite, les itérations successives pour arriver à la décomposition retenue nous ont bien
montré que le choix d’une décomposition fonctionnelle impose un certain angle de vue sur le système.
Il convient par conséquent de choisir l’angle de vue fonctionnel qui permettra d’être le plus efficace
possible dans la génération d’un large panel d’architectures. Nous proposons de mettre en évidence
ce processus itératif entre Décomposition fonctionnelle et Génération d’architectures en Figure 44.

Retour sur la cohérence entre la vision


fonctionnelle choisie et le système physique

Décomposition Génération
fonctionnelle d’architectures

Cadre fonctionnel pour l’agencement


des concepts candidats

Figure 44 - Illustration du processus itératif existant entre la Décomposition fonctionnelle et la Génération


d'architectures

(2) Permettre la créativité


La décomposition des fonctions implique d’adopter le bon un angle de vue sur le système à concevoir.
Nous avons remarqué que certaines décompositions fonctionnelles peuvent nuire à la créativité des
solutions proposées. Considérons, par exemple, la première décomposition que nous avons faite de
la fonction « Déplacer le carburant » en « Alimenter en énergie » et « Convertir en énergie
hydraulique ». Cette décomposition convient tout à fait pour une solution de type « pompe » :
alimentée par un arbre mécanique et fournissant de l’énergie hydraulique (débit ou pression).
Cependant, il apparait qu’elle correspond bien moins bien à une solution de type «gravité + effet
venturi », telle qu’utilisée sur les motos, avec le réservoir situé au-dessus d’un carburateur à effet
venturi. C’est un point fondamental que nous avons observé : la décomposition fonctionnelle peut
avoir tendance à privilégier les solutions classiques, au détriment de solutions plus originales. Dès
lors, afin d’éviter de trop restreindre notre espace de solutions, la décomposition fonctionnelle ne sera

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 70 / 157
pas menée à plus bas niveau à ce stade du processus de conception. Ainsi, dans l’étape suivante de
recherche de concepts candidats, nous avons choisi d’utiliser :
- Les décompositions de niveau 2 et 3 (voir Figure 43) pour la génération
d’architectures
- La décomposition de niveau 1 (voir Figure 43) pour les séances de créativité.
Cette distinction permet à la fois :
- De présenter les résultats de manière plus structurée, en utilisant une décomposition
plus fine pour la génération d’architectures
- De garder la plus grande ouverture d’esprit quant aux solutions proposées lors des
séances de créativité, en utilisant un découpage fonctionnel haut niveau.

Il est à noter que la formulation de la fonction « Fournir une pression de gavage », utilisée dans la
décomposition fonctionnelle finale, permet de dépasser la limitation de créativité mise en avant dans
l’exemple ci-dessus. Cependant, cette décomposition ayant été obtenue à l’issue d’un processus
itératif, la recherche de concepts candidats a été menée avec la première version de la décomposition
fonctionnelle pour permettre une première itération.

(3) Définition des fonctions principales


Etant donné que les fonctions principales de niveau 2 vont être largement utilisées pour la génération
d’architectures, nous en donnons ici les définitions précises.
 « Fournir une pression de gavage » : Il s’agit, à partir du carburant fourni par le système
carburant hélicoptère (niveau de pression bas, hauteur à vaincre), de fournir au reste du
système du carburant sous une pression suffisante pour en permettre le bon fonctionnement.
 « Doser le débit » : Il s’agit d’envoyer à chaque instant le bon débit à la chambre de
combustion dans sa globalité.
 « Répartir le débit » : Il s’agit, à chaque instant, de diriger vers les bons injecteurs, la bonne
proportion du débit total chambre de combustion.
 « Commander » : Il s’agit de commander les sous-systèmes du système carburant afin de
fournir à chaque instant le bon débit, aux bons injecteurs.

IV.B. Rechercher des solutions innovantes


IV.B.1. Déroulement des séances
La méthode de créativité proposée a été mise en œuvre sous forme de deux séances de créativité de
2h chacune. Conformément au paragraphe précédent, les thèmes des séances étaient
respectivement « Déplacer le carburant » et « Doser le carburant ». Le minutage de cette séance est
précisé en Figure 45, ci-dessous.

Figure 45 – Déroulement de la méthode de créativité proposée

La séance de créativité reprend les trois étapes décrites au paragraphe III.C.3. Une étape initiale a été
ajoutée à ce triptyque : « Identification du problème à résoudre », d’une durée de 10 minutes.

(1) Identification du problème à résoudre


Il s’agit, pour l’animateur, de présenter le contexte et le sujet de la séance aux participants. Nous
avons veillé à ne pas ajouter trop de contraintes au problème afin de ne pas nuire à l’originalité des
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 71 / 157
solutions qui seront proposées.

(2) Apport de connaissances originales sur le sujet


L’animateur a présenté sur un diaporama des principes ou technologies en lien avec la thématique
considérée. Il ne s’agit cependant pas de faire uniquement un état de l’art des pratiques de
l’entreprise et de ses concurrents, mais bien d’apporter des connaissances étrangères au domaine de
l’entreprise. Le but étant de stimuler les participants, ainsi que de les mettre dans un état d’ouverture
d’esprit et de rejet du jugement des principes ou solutions présentées.

(3) Génération d’idées originales


Cette étape a été mise en œuvre par l’utilisation de la Méthode 635 (plus de détails sur cette méthode
au paragraphe II.C.2.a)(1)). Chaque participant est assis devant une feuille A3, contenant 6 lignes de
3 post-it (voir photo en Figure 46). Nous avons jugé intéressant de numéroter les post-it à l’aide d’une
lettre (associée à la feuille sur laquelle il est collé) et un chiffre (associé à la ligne où il se trouve).
Cette numérotation permettra la traçabilité des idées. Elle sera utilisée uniquement dans le but de
mieux comprendre la méthode, et de l’améliorer. Comme indiqué sur la feuille (visible en Figure 46 ci-
dessous) chaque participant remplit les 3 post-it de la ligne, en associant 1 idée à 1 post-it. A chaque
rotation et pour une feuille donnée, une nouvelle ligne de post-it est remplie par un nouveau
participant.

Figure 46 – Support A3 utilisé pour la mise en œuvre de la méthode 635

A la fin de l’étape de génération d’idées, les feuilles A3 de chaque participant ont été prises en photos.
Ces dernières permettront d’avoir une trace de l’historique des idées générées au cours de la séance.

(4) Partage et tri des idées


L’utilisation de post-it, plutôt que d’écrire directement sur la feuille blanche, est justifiée par le
déroulement de l’étape suivante : « Partage et tri des idées ». Les post-it sont lus à haute voix par les
participants qui échangent sur les idées, et proposent des post-it comportant des idées similaires à
celui venant d’être lu. Les post-it contenant des idées proches sont alors détachés de leurs feuilles A3
pour être affichés au tableau. Ils forment alors un groupe comportant un titre défini collégialement. Au
fur et à mesure de la séance, plusieurs groupes sont formés et complétés. C’est à l’animateur de
veiller à ce que la structure des groupes d’idées soit cohérente. Ce moment doit encore permettre
l’échange et la génération de nouvelles idées. Aucun jugement ne doit être apporté sur les idées
émises. La séance se termine lorsque tous les post-it ont été attribués à un groupe.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 72 / 157
IV.B.2. Choix des participants
Le groupe de travail était composé d’un animateur ainsi que de 6 participants pour la séance
concernant la fonction « Doser », et 7 participants pour la séance sur la fonction « Déplacer ». Afin de
rester au plus près de la méthode originale (qui prévoyait 6 participants et donc 5 rotations), nous
avons conservé, pour la séance « Doser » un nombre de 5 rotations. Il est donc à noter qu’au cours
de cette séance, chaque participant n’aura eu que 6 des 7 feuilles entre les mains.

L’animateur n’a pas participé à la séance à proprement parler. Son rôle a été d’animer la réunion, en
présentant le problème puis l’apport de connaissances sur le sujet. Durant la « Génération d’idées
originales », il a été en charge de la gestion du temps entre chaque rotation, ainsi que du rappel des
règles de la séance. Durant la phase de « Partage et tri des idées », son rôle a été d’organiser les
idées par thèmes, avec l’accord des participants.

Lorsqu’une réunion est organisée sur le thème du système carburant en rupture, nous avons estimé
qu’il était impératif d’inviter les deux experts architecture système carburant ainsi que l’auditeur
technique système carburant. De plus, lorsque l’on évoque des solutions techniques, nous avons
trouvé important de convier les concepteurs des composants du système (2 personnes). Si l’on
souhaite limiter le nombre de participants à 6 ou 7, cela laisse 1 ou 2 places libres. Nous avons alors
choisi d’inviter soit des membres du groupe de R&T de l’entreprise (particulièrement ouverts à ces
sujets d’innovation) ou un novice (jeune alternant du groupe architecture système carburant, afin
d’avoir un œil extérieur sur le problème. Les participants ont dont finalement été :
- 2 experts architectes système carburant
- 2 experts concepteurs des composants du système carburant
- 1 membre de l’audit technique système hydraulique
- 1 (« Doser ») ou 2 (« Transporter ») membres de la R&T niveau système de
régulation
- 1 novice (« Doser »), jeune alternant au groupe architecture système carburant.

IV.B.3. Retour d’expérience sur la méthode


IV.B.3.a) Retour des participants

Suite aux deux séances de créativité menées chez Safran Helicopter Engines, les participants ont pu
donner leur avis sur la méthode proposée.

(1) Apport de connaissances originales


- Aspects positifs : Cette étape permet une bonne imprégnation des participants dans
la démarche de créativité.
- A améliorer :
 Il serait bénéfique d’accentuer le mélange entre les technologies et les
principes physiques présentés.
 Il serait intéressant d’ouvrir également sur les industries et marchés proches
de ceux de l’entreprise.
 Il serait intéressant de solliciter des personnes extérieures au domaine pour
présenter leurs concepts.

(2) Génération d’idées originales


- Aspects positifs :
 La méthode semble adaptée aux participants. Elle a été bien comprise et
mise en œuvre.
 Le fait de donner ses idées par écrit permet à chacun de s’exprimer.
- A améliorer :
 Les participants trouvent, en général, qu’il serait bon d’augmenter le temps
entre les rotations. En effet, au fur et à mesure de la séance, les post-it se
remplissent et demandent plus de temps pour être lus et assimilés. Il a été
constaté au cours des séances que le temps nécessaire aux participants va
en augmentant au fil des rotations.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 73 / 157
Temps écoulé entre les rotations
11
Temps écoulé (s)
9

7
Déplacer
5 Doser
3

1
1 2 3 4 5 6
Numéro de la rotation

Figure 47 - Evolution du temps nécessaire aux participants pour formuler leurs idées au fil de la séance

Comme le montre la Figure 47 ci-dessus, le temps entre deux rotations est


passé de 5 minutes (temps stipulé par la Méthode 635) à 10 minutes (séance
« Déplacer) et 8 minutes (séance « Doser »). Cette variation du temps entre
chaque rotation a été permise par l’animateur. Il a en effet permis un
dépassement des 5 minutes préconisées dès lors qu’au moins un des
participants était en train d’écrire.
Nous noterons également que certains participants trouvent une vraie plus-
value dans la spontanéité induite par la contrainte de temps.
 Même si la séance s’est bien déroulée, certains participants trouveraient
intéressant d’aller vers plus d’anonymat dans les réponses. En effet, étant
donné la rotation des feuilles, il est aisé de remonter à l’auteur des idées.
 Certains participants ont constaté qu’ils ont tendance à souvent rebondir sur
les idées de la personne immédiatement précédente. Ils suggèrent alors
d’introduire un parcours plus élaboré des feuilles au cours de la séance, qui
leur permettrait d’avoir, à chaque rotation, un « participant immédiatement
précédent » différent. Il faudrait alors s’assurer que chaque participant ne
remplit qu’une seule fois chaque feuille.

(3) Partage et tri des idées


- Aspects positifs : Le fait de pouvoir discuter des idées, suite à la période de
brainwriting, a été jugée pertinent par les participants.
- A améliorer :
 Certains participants ont suggéré d’augmenter le temps consacré à cette
étape afin d’avoir le temps de lire tous les post-it.
 L’ajout d’un scribe, permettant d’assurer par écrit la traçabilité des idées et
discussions émises a été proposé par un participant.
 Même si on ne peut pas tout anticiper, le fait de préparer les grandes
catégories de tri des idées permettrait de gagner du temps.

IV.B.3.b) Choix des participants

Dans la mesure où chaque participant s’est entièrement prêté au jeu, le fait d’avoir une grande
proportion d’ingénieurs en lien étroit avec le système carburant ne semble pas avoir été un obstacle à
la créativité.

IV.B.3.c) Analyse quantitative des résultats

Suite à ces deux séances de créativité, des statistiques quantitatives ont été menées. Afin de mieux
comprendre le fonctionnement de la méthode proposée, nous avons introduit quatre indicateurs :
- Le nombre de post-it initiaux : quantité de post-it mis à la disposition de l’ensemble des
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 74 / 157
7
participants. Dans notre cas, il s’agit de 18 post-it par participant . Pour la séance « Déplacer »
(7 participants), le nombre de post-it initiaux est donc de 126 alors que pour la séance
« Doser » (6 participants) il est de 108.
- Le nombre de réponse : il s’agit du nombre de post-it ayant été rempli par les participants
durant la séance.
- Le nombre de réponses pertinentes : il s’agit du nombre de réponses restantes une fois que l’on
a enlevé les solutions absolument impossibles (téléportation par exemple).
- Le nombre d’idées obtenues correspond à la quantité de solutions différentes répertoriées
après analyse des résultats de la séance de créativité. Il s’agit des idées originales qui seront
exploitables pour l’entreprise. Il est à noter que toutes ces idées ne répondent pas précisément
au problème posé lors de la séance. Il peut donc s’agir d’idées qui ne seront pas forcément
utiles dans ce cadre mais qui pourront être réutilisées dans un autre contexte ou pour d’autres
fonctions du système carburant.

Nous avons présenté les résultats obtenus lors de nos deux séances de créativité en Figure 48, ci-
dessous. Etant donné que les deux séances de créativité n’ont pas accueilli le même nombre de
participants, les résultats ont été exprimés en pourcentage du nombre de post-it initiaux.

Nombres d'idées générées


Post-it initiaux Réponses Réponses Pertinentes Idées

100%
100%
80%

60% 71%
66% 67% 67%

40%
44%
39%
20%

0%
Doser 1 Déplacer
Figure 48 – Statistiques quantitatives sur le nombre d’idées générées au cours des deux séances de créativité

On constate que les résultats obtenus sont très similaires entre les deux séances. En effet, si la
séance « Déplacer » a généré une plus grande proportion de réponse (71% contre 67%), cet écart a
été comblé par l’élimination des réponses non-pertinentes. Ainsi, les deux séances ont effectivement
généré 66% (« Doser ») et 67% (« Déplacer ») de réponses pertinentes. Après analyse des idées
obtenues on distingue 39% (42 idées) d’idées originales issues de la séance « Doser », contre 44%
(56 idées) d’idées originales issues de la séance « Déplacer ».

Ainsi, les résultats obtenus entre les deux séances sont relativement proches. En effet la séance
« Déplacer » n’a fourni que 5% du nombre de post-it initiaux d’idées de plus que la séance « Doser ».
Il est difficile d’expliquer cet écart relativement faible entre les deux séances. En effet, de nombreux
paramètres ont été modifiés, à savoir :
- Le nombre de participants : 7 participants pour la séance « Déplacer » contre 6 pour la
séance « Doser ».
- Le sujet : Les deux sujets proposés peuvent avoir influencé le nombre de réponse des
participants.
- Les participants
 Différents participants : entre la séance « Déplacer » et la séance « Doser », un
des participants a été remplacé par un nouveau participant.
 Participants déjà familiers de la méthode en séance « Doser » : la séance
« Doser » ayant eu lieu après la séance « Déplacer », tous les participants sauf

Chaque participant étant muni, en début de séance, d’une feuille A3 contenant 18 post-it (voir Figure 46)
7

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 75 / 157
un connaissaient déjà le principe de la méthode. L’absence de nouveauté dans la
méthode peut avoir entrainé un léger manque d’engouement par rapport à la
première séance. Ceci pourrait expliquer l’écart de 4% de post-it remplis.

Du fait de ce nombre important de paramètres variant en même temps, il ne nous est pas possible à
ce stade de relier un de ces paramètres à l’écart constaté entre les deux séances. Cependant, dans
une perspective de réutilisation de la méthode, il peut être intéressant de regarder ces résultats sous
un autre angle. En effet, lors de sa mise en œuvre de la méthode en entreprise, les participants, leur
nombre ainsi que le thème de la séance seront en permanence modifiés d’une séance à l’autre. Ainsi,
même s’il nous est impossible de lier précisément les résultats aux différents paramètres de la
méthode, nous pouvons néanmoins constater qu’avec des paramètres issus d’une mise en œuvre en
entreprise, le nombre d’idées générées se situe autour de 40% (+/- 4%) du nombre de post-it
initiaux. Cette conclusion est cependant à modérer étant donné le faible nombre (2) de séances
considérées.

IV.B.3.d) Analyse quantitative du déroulement de la


séance

Afin de mieux comprendre le fonctionnement de la séance de créativité, nous avons analysé


l’historique de la génération des idées au travers de chaque feuille A3. Nous avons choisi de trier les
post-it selon trois catégories :
- Les propositions : Post-it contenant une idée qui n’a pas été inspirée par le post-it
d’un autre participant
- Les rebonds : Post-it contenant une idée qui a été dérivée ou qui s’est inspirée du
post-it d’un autre participant
- Les post-it vides : Post-it qui n’ont pas été remplis.
Pour chacune des deux séances de créativité, et pour chaque rotation, nous avons compté le nombre
de propositions, rebonds et post-it vides. Les résultats sont présentés dans les Figure 50 et Figure 49
ci-dessous.

Evolution au fil de la séance - Déplacer


100%

80%

60%
Post-it vide
40% Rebond

20% Proposition

0%
1ère 2ème 3ème 4ème 5ème 6ème
Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation
Figure 49 - Historique de la génération des idées par types au cours de la séance "Déplacer"

Evolution au fil de la séance - Doser


100%

80%

60%
Post-it vide
40%
Rebond
20% Proposition

0%
1ère 2ème 3ème 4ème 5ème 6ème
Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation

Figure 50 - Historique de la génération des idées par types au cours de la séance "Doser"
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 76 / 157
Dans les deux séances, on constate que la première rotation est constituée quasi-uniquement de
proposition (95%). Ceci s’explique par le fait qu’il n’y a pas encore d’idées proposées, et donc pas de
rebonds possibles. Les post-it vides sont également relativement faibles pour cette première rotation
(1 post-it vide pour chaque séance). Ainsi, pour chaque séance, toutes les feuilles A3 contenaient 3
idées (soit le maximum) à la fin de première rotation, sauf une qui n’en contenait que 2.

Lors de la seconde rotation, une augmentation brutale de la proportion de rebonds est constatée dans
les deux séances. Elles représentent en effet plus de la moitié des post-it avec 62% de rebonds pour
la séance « Déplacer » et 50% pour la séance « Doser ». Nous en déduisons que les participants ont
massivement recours au rebond en seconde rotation. C’est d’ailleurs la rotation où le rebond le plus
utilisé pour les deux séances. On remarque également une augmentation de la proportion de post-it
laissés vides (14% pour « Déplacer » et 22% pour « Doser »).

A partir de la troisième rotation, deux comportements différents sont observés entre les deux séances
de créativité. Pour la séance « Déplacer », une stabilisation autour de 33% est observée pour les trois
catégories jusqu’à la cinquième rotation. Au cours de la séance « Doser », les écarts sont plus
importants entre les catégories.

De manière logique, on observe une augmentation globale du nombre de post-it vides tout au long
des rotations. Ceci pouvant être expliqué par le fait que plus des participants ont donné d’idées, moins
ils en ont de nouvelles à apporter.

Déplacer
La première rotation est nécessairement constituée de propositions (95%). La seconde rotation se
caractérise par une chute brutale du nombre de propositions et une franche augmentation des
rebonds (+60%). Ceci peut s'expliquer par le fait que les participants s'appliquent à rebondir sur les
idées de la rotation 1.
Cependant, on observe entre les rotations 3 et 5 une stabilisation des proportions des types de
réponses :
- Propositions : moyenne 37% (de 29 à 43%)
- Rebonds : moyenne 30% (de 19 à 38%)
- Vides : moyenne 33% (de 24 à 43%)
On observe également que la courbe de rebond a les mêmes variations que la courbe de proposition
avec un retard de 1 rotation.

Corrélation entre rebond et proposition décalée de 1 rotation


100%

80%
Rebond
60%

40%
Proposition
20% décalée de
+1 rotation
0%
1ère 2ème 3ème 4ème 5ème 6ème
Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation

De plus, on observe, comme dans la séance doser le cycle de 3 rotations qui se dessine. Même s'il
est moins prononcé que précédemment, on a bien :
- Rotations 1-2-3 : Diminution brutale des propositions et augmentation franche des rebonds, dans un
premier temps. Puis chute à nouveau des rebonds au profit des propositions.
- Rotations 4-5-6 : le même schéma est observé mais de manière bien moins marquée.
Néanmoins, on remarque que les variations des 3 courbes sont cycliques de période 3.
Attention car ces tendances sont relativement fragiles au vu d'éventuelles imprécisions de traitement
des données.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 77 / 157
Doser
Dans les 3 premiers tours : le nombre de proposition diminue fortement tandis que le nombre de post-
it vides augmente régulièrement. Le nombre de rebond augmente très rapidement au second tour et
se stabilise au 3ème. Au 4ème tour, on assiste à une 2ème vague de propositions. Les rebonds
diminuent alors que les vides restent en quasi-constante augmentation. La 5ème rotation voit l'apogée
des post-it vides (55%), avant une retombée à 40% à la 6ème rotation. Dans ces deux derniers tours,
le nombre de proposition est stable (17%) et le nombre de rebond en augmentation.
On observe un cycle de 3 rotations :
- T0 : Fortes propositions, peu de rebonds
- T0+1 : Plus de rebonds que de propositions
- T0+2 : Augmentation de l'écart entre rebonds et propositions.
On observe 2 fois ce cycle de 3 rotations au cours de notre expérience.

IV.B.3.e) Recommandations
Les séances de créativité ont été menées selon une méthode de créativité originale. Cette dernière a
été bien acceptée et appliquée par les participants. Leurs retours ont néanmoins permis d’élaborer les
recommandations suivantes pour les prochaines utilisations de la méthode de créativité :
- Prévoir des parcours plus élaborés des feuilles contenant les post-it, de manière à ce que :
 Chaque participant n’écrive qu’une seule fois sur chaque feuille,
 Pour un participant donné, le participant ayant eu la feuille juste avant lui ne soit
jamais le même,
 Les participants ne sachent pas de qui ils reçoivent la feuille. On pourrait imaginer
que l’animateur ramasse toutes les feuilles avant de les redistribuer, à chaque
rotation.
- Prévoir une augmentation du temps donné aux participants au fur et à mesure des
rotations.
- Enregistrer la phase de partage et tri des idées afin de ne pas perdre une idée lancée à la
volée. On pourra aussi bien nommer un scribe pour retracer directement les échanges.
Cependant nous pensons qu’il peut être préjudiciable de nommer scribe un des
participants car il ne pourra pas participer à cette partie de la séance.

IV.C. Combiner les concepts de solution


Une fois les concepts de solution des fonctions générés, la prochaine étape consiste à les combiner
pour générer les architectures candidates. Dans la suite du manuscrit, le terme brique sera utilisé pour
désigner un concept de solution d’une fonction. Une architecture est donc constituée d’un ensemble
de briques.

IV.C.1. Liens entre les fonctions principales


Les architectures sont générées à partir des fonctions principales du système carburant. Comme nous
l’avons représenté en Figure 51, la génération d’architectures candidates se fait dans le sens inverse
du sens de la transmission de puissance. Il débute par le choix de la brique pour la fonction
« Répartir ». Le choix du concept solution de répartition doit être fait en premier car il en découle le
nombre de fonctions « Doser » à prévoir. Dans un second temps, la brique de dosage est
sélectionnée, suivie de celle de la fonction « Fournir une pression de gavage ». Enfin, la stratégie de
commande du système est décidée. Cette sélection à l’inverse du sens physique d’écoulement
permet, à chaque bloc fonctionnel, d’imposer les conditions dont il a besoin en entrée, à son bloc
précédent.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 78 / 157
Consigne Qi

Système Carburant
Commander
4

Fournir une
P, T Qi, Pi
pression de Doser Répartir
circuit HC injecteurs
gavage
3 2 1

Ordre de choix pour la génération d’architecture


Figure 51 – Cheminement de la construction d’une architecture haut niveau système carburant

IV.C.2. Solutions candidates pour les fonctions


principales
Les architectures candidates sont représentées en utilisant le principe de la matrice morphologique :
lister les briques candidates pour chaque fonction du système, puis les assembler de manière
combinatoire. Etant donné le nombre important de catégories et de familles de briques candidates
pour nos fonctions, nous avons proposé une nouvelle représentation de la matrice morphologique. Il
s’agit non pas de la représenter sous forme de tableau mais sous forme d’arbres de décision. Cela
permet une meilleure lisibilité de par le caractère synthétique de cette représentation qui permet de
faire visuellement la distinction entre des nœuds de sélection ou de combinaison.

Afin d’alléger les figures, un notation a été introduite pour désigner l’opération de combinaison : X.
Il s’utilise de la manière décrite en Figure 52 :

A C C D E
X D ⇔ A
B
A +C A +D A +E
B+C B+D B+E
B E

Figure 52 - Définition de l'opérateur visuel de combinaison

Dans l’exemple ci-dessus, les solutions possibles sont les couples A-C, B-C, A-D, B-D, A-E, B-E.

La génération des architectures suit la décomposition fonctionnelle présentée ci-dessus. Pour sa mise
en place, nous avons jugé nécessaire de décomposer la fonction « Doser » selon deux catégories :
- Dosage par orifice ou Dosage volumétrique par dissipation, nécessitant un étage
supplémentaire de « Conditionnement du fluide pour dosage ». Il s’agit de briques nécessitant
d’être alimenté avec un carburant à un niveau de pression défini.
- Dosage volumétrique par production de puissance hydraulique, pour être directement
alimenté par la pression de gavage carburant.

En incluant cette nouvelle sous-fonction de « Conditionner pour dosage », le processus de génération


d’une architecture système carburant devient celui de la Figure 53 ci-dessous.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 79 / 157
Consigne Qi

Système Carburant
Commander
4

Fournir une Production


P, T Doser volumétrique Qi, Pi
pression de OU 2a Répartir
circuit HC Conditionner Restriction injecteurs
gavage pour dosage Dissipation vol.
3 2b 1

Ordre de choix pour la génération d’architecture


Figure 53 – Cheminement de la construction d’une architecture système carburant incluant le conditionnement
pour dosage

Pour chaque fonction principale, nous avons représenté graphiquement les briques associées
(Figures 54, 55, 57, 58, 59). Toutes les briques ont été numérotées pour en permettre l’identification
de manière rapide et précise. Par mesure de confidentialité, la correspondance entre les briques et
leurs identifiant ne peut être donnée dans ce manuscrit.

- Fonction « Répartir »

Répartir
Par famille Q_dosé
Q_famille 1
Répartir
d’injecteurs Q_famille 2
Après le
dosage Q_dosé
Répartir Q_injecteur 1
Par injecteur ... ...
Répartir Q_injecteur N

P_gav
Par famille Doser Q_famille 1
d’injecteurs
Doser Q_famille 2
Combiné
au dosage P_gav
Doser Q_injecteur 1
Par injecteur ... ...
Doser Q_injecteur N

Figure 54 – Représentation des briques candidates pour la fonction « Répartir »

L’objectif de la fonction « Répartir » est de d’envoyer le bon débit, ou la bonne fraction du débit dosé
total, à chaque famille d’injecteur. Selon que le dosage soit fait en même temps que la répartition, ou
non, et que l’on répartisse par famille d’injecteur ou à chaque injecteur, 4 briques ont été générées
pour cette fonction.

- Fonction « Doser »
L’objectif de cette partie est d’énumérer, de façon la plus exhaustive possible, les moyens de doser un
débit de carburant. Dans un souci d’exhaustivité, nous sommes directement partis des principes
physiques permettant un tel dosage : le dosage volumétrique et le dosage par restriction.

Dosage volumétrique
Le premier principe que nous avons identifié pour doser un débit de fluide consiste en un dosage
volumétrique. Une machine volumétrique est en effet parcourue par un débit proportionnel à sa

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 80 / 157
vitesse de rotation. Ainsi, il est possible de commander le débit en agissant sur la vitesse de rotation.

Une machine volumétrique peut être utilisée selon deux modes :


- Production de puissance hydraulique : de l’énergie mécanique de rotation est
apportée à la machine, qui la transmet à son tour au fluide. La pompe doit alors être
alimentée en fluide sous une pression de gavage (notée P_gav en Figure 55).
- Absorption de puissance hydraulique : de l’énergie hydraulique est apportée à la
machine sous forme d’une différence pression à ses bornes, ce qui a pour effet
8
d’entrainer la machine en rotation . Le débit est alors contrôlé en freinant la machine,
qui génère alors de l’énergie mécanique. La machine doit alors être alimentée sous
une pression quelconque (notée P en Figure 55). Cette pression doit cependant être
suffisamment importante pour pouvoir entrainer la machine sur toute la plage de
débit.

Nous avons représenté graphiquement les 6 briques de dosage volumétrique en Figure 55.

Dosage par restriction


Ce principe de dosage s’appuie sur la caractéristique hydraulique d’une restriction. Elle est donnée
par la formule :
(II-1)

Où :
Q est le débit volumique circulant à travers la restriction.
C est un coefficient, dépendant de la géométrie de la restriction et de la densité du fluide. Il peut
également dépendre du nombre de Reynolds lorsque celui-ci est inférieur à quelques centaines.
S est la surface de passage du fluide à travers la restriction.
ΔP est la différence de pression entre l’amont et l’aval de la restriction :
(II-2)

Un débit Q particulier peut être établi en imposant un jeu de paramètres C, S ou ΔP particulier. Pour
une géométrie de restriction et un fluide donné, le coefficient de débit (C) peut être considéré comme
constant en première approche. En effet, pour des vitesses d’écoulement suffisamment élevées, il ne
dépend plus que de la géométrie de la restriction et de la densité du fluide. Pour commander un débit
Q, il est alors nécessaire et suffisant de commander l’un des deux paramètres (S ou ΔP) et de
connaitre l’autre. Nous avons représenté les possibilités de commande de débit dans le Tableau 10 ci-
dessous. Pour chaque grandeur S ou ΔP, la valeur 1 indique que le système agit sur la grandeur pour
commander le débit, tandis que la valeur 0 indique que le système n’a pas d’action sur celle-ci.

Tableau 10 - Principes de dosage du débit à travers une restriction en commandant S et ΔP

S ΔP Principe de dosage associé


0 0 Pas de dosage possible
0 1 S fixée, ΔP commandé
1 0 S commandée, ΔP quelconque
S commandée, ΔP régulé
1 1
S régulée, ΔP commandé

Du point de vue du vocabulaire, nous nous devons de clarifier les différents termes utilisés dans le
tableau, à savoir :
- Grandeur commandée : c’est la grandeur « réglante » sur laquelle on agit directement pour
obtenir la valeur de débit souhaitée (« grandeur réglée »)
- Les grandeurs régulées, mesurées et fixées sont des grandeurs qui doivent être connues
pour pouvoir doser le débit. On les distingue par le fait que :
o Une grandeur régulée est connue car sa valeur est maintenue à une valeur de

8
Compte tenu du fait que la sortie de la machine volumétrique est un débit, nous avons trouvé judicieux
d’adopter cette vision causale. Bien entendu, la vision causale inverse aurait pu être adoptée.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 81 / 157
consigne par le système. Cette valeur de consigne a été déterminée en phase de
conception du système.
o Une grandeur quelconque est connue du fait qu’elle est mesurée à chaque instant. La
valeur de cette grandeur n’est pas fixée par le système et peut varier en fonction du
temps et des conditions d'opération.
o Une grandeur fixée est une grandeur dont la valeur est intrinsèquement connue (la
surface de passage du fluide à travers la restriction par exemple). Cette valeur a été
choisie en phase de conception du système.

Dans notre cas, la pression en aval de la restriction est toujours imposée par la pression en sortie du
système carburant (P_chambre) et les pertes de charges liées au débit circulant entre l’aval de la
restriction et la chambre de combustion. Le système de dosage ne peut donc avoir aucune action sur
la pression en aval de la restriction (P_aval) au cours du dosage. Ceci implique deux choses :
- P_aval devra toujours être mesurée pour obtenir la valeur du ΔP (équation (II-2)) et permettre
le dosage
- Pour agir sur le ΔP, le système de dosage ne pourra effectivement agir que sur la pression en
amont de la restriction (P_amont).
Dès lors, il parait opportun de traduire les conditions en ΔP, énumérées dans le Tableau 10, en
condition de P_amont, étant donné que c’est sur cette grandeur que le système de dosage aura
effectivement autorité. Nous avons alors remarqué qu’il existe deux manières distinctes d’obtenir un
ΔP quelconque en agissant sur la P_amont :
- En fonctionnant avec une P_amont quelconque, la mesure du ΔP s’obtient simplement par
différence des deux mesures en pression en amont et aval de la restriction,
- En régulant P_amont, la mesure du ΔP s’obtient par différence entre la valeur de pression
régulée en amont, et la valeur de pression mesurée en aval.

Nous avons représenté cette correspondance entre conditions en ΔP et P_amont dans le Tableau 11
ci-dessous.
Tableau 11 - Correspondance des conditions de ΔP et de Pamont

Condition de ΔP Traduction en termes de Pamont


ΔP commandé Pamont commandé en fonction de Paval
ΔP régulé Pamont régulé en fonction de Paval
Pamont régulé
ΔP quelconque
Pamont quelconque

Nous avons synthétisé les correspondances entre les conditions en ΔP et en P_amont dans le
Tableau 11 ci-dessus.
Ce nouveau niveau de détail a été inclus dans la réalisation de la condition de ΔP quelconque aux
principes déjà énumérés dans le Tableau 10. Ainsi, les différentes variantes de dosage par restriction
sont résumées dans le Tableau 12 ci-dessous.

Tableau 12 – Principes de dosage du débit à travers une restriction

S ΔP Principe de dosage associé


0 1 S fixe, ΔP commandé
S commandée, Pamont quelconque
1 0
S commandée, Pamont régulé
S commandée, ΔP régulé
1 1
S régulée, ΔP commandé

Tout comme pour le dosage volumétrique, nous avons représenté ces cinq possibilités de dosage par
restriction en Figure 55. Pour plus de clarté, des notations ont été introduites concernant les
conditions de pression :
- P désigne une pression amont quelconque
- P_reg désigne une pression amont régulée à une valeur fixe (ou à plusieurs valeurs fixes)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 82 / 157
- ΔP_reg désigne une pression amont régulée en fonction de la pression aval mesurée afin
d’obtenir une différence de pression constante aux bornes de la restriction
- ΔP_com désigne une différence de pression amont/aval commandée.

Doser
Q_dosé
Alimentation / Résistance
Production de
variable
Puissance P_gav
Volumétrique

hydraulique Q_dosé
Dosage

X Transformation
hydraulique variable
Absorption de
P
Puissance Entrainement / Résistance Q_dosé

hydraulique* et Transformation
hydrauliques variables

P_amont P Q_dosé
quelconque
P_reg
Q_dosé
P_amont régulée
Section
commandée*
par restriction

Q_dosé
ΔP régulé
Dosage

ΔP_reg

S et ΔP Q_dosé

commandés ΔP_com
ΔP commandé* Q_dosé
S fixe
ΔP_com

Figure 55 – Représentation des briques candidates pour la fonction « Doser »

Comme nous l’avons vu précédemment, plusieurs conditions de pression d’entrée de la brique de


dosage peuvent être nécessaires, selon le concept choisi. Lorsqu’une pression de gavage est exigée,
cette dernière est directement fournie par la fonction « Fournir une pression de gavage ». Lorsque
d’autres conditions de pression en amont de la brique de dosage sont nécessaires, il convient de les
assurer via une fonction « Conditionner pour le Dosage », comme nous l’avons représenté en Figure
56.
Doser
P_gav
Production Q_dosé
Fournir une volumétrique
P, T
circuit HC
pression de OU
gavage
Doser
P
Conditionner P_reg Restriction OU Q_dosé
P_gav pour dosage ΔP_reg Absorption vol.
ΔP_com
Figure 56 – Représentation des deux options de réalisation de la fonction « Doser »

Pour chaque besoin en pression d’alimentation de la brique de dosage sélectionnée, un ou plusieurs


concepts de conditionnement sont proposés. Nous avons représenté ces briques candidates en
Figure 57. Le concept de conditionnement pour le dosage est donc sélectionné directement à la suite
du concept de dosage.

Nous rappelons que les briques de dosage volumétrique de production de puissance hydraulique ne
nécessitent pas de fonction de conditionnement pour le dosage. Ces principes de dosage peuvent
être directement connectés au concept de la fonction « Fournir une pression de gavage ».

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 83 / 157
Conditionner

Source
P quelconque Standard
Volumétrique

Entrainement variable

Géométrie variable

Source Entrainement et
Volumétrique géométrie variables

Régulateur de pression

P régulée
Unloading valve
X
ΔP régulé a

Standard

Entrainement variable

Source
Géométrie variable
Centrifuge

Entrainement et
géométrie variables

Dissipation par
restriction
a
Possibilité de réguler en ΔP en ajoutant une prise de
pression depuis l’aval du système de dosage

Figure 57 – Représentation des briques de conditionnement pour le dosage candidates pour la fonction
« Doser »

Les schémas hydrauliques représentant les solutions ont été ajoutés lorsque cela a été possible. Ils
sont uniquement présents à titre d’illustration des briques. En ce sens, les traits pointillés ( )
habituellement utilisés pour représenter une prise de pression hydromécanique, sont utilisés dans les
schémas ci-dessous pour désigner un capteur de pression quelconque (pouvant être aussi bien
électromécanique qu’hydromécanique). La flèche rouge représente à chaque fois le moyen de
commander le système présenté.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 84 / 157
- Fonction « Fournir une pression de gavage »

Amorcer, Aspirer, Gaver


Entrainement imposé
Volumétrique
Pompe 2
Centrifuge
X Entrainement commandé

Cylindrée variable

ALCAL Entrainement imposé


Amorcer, Aspirer

Centrifuge X Entrainement commandé


Volumétrique Cylindrée variable
Pompe 1
Ejecteur seul
Ejecteur seul dans le réservoir
Gaver

Pompe de gavage dans le réservoir

Capacité
Add On Ejecteur sur recirculation pompe 1
Pompe variable réversible (air/drain)

Figure 58 - Représentation des briques candidates pour la fonction « Amorcer, Aspirer, Gaver »

Les briques situées dans le réservoir hélicoptère ont été représentées d’une couleur différente car
elles impliquent une modification du périmètre de responsabilité moteur/hélicoptère sur le circuit
carburant.

Les briques correspondant à « Pompe 2 » correspondent à la brique qui a déjà été sélectionnée dans
la fonction « Doser » ou « Conditionner ». Sa présence redondante dans cette fonction traduit le fait
que le composant associé peut également jouer un rôle dans les fonctions « Amorcer » et « Aspirer ».
Les briques « Pompe 1 » correspondent à un composant ajouté pour participer aux fonctions
« Amorcer », « Aspirer » et « Gaver » (notées AAG dans la suite). Les briques « Add-on »
correspondent à des briques pouvant être sélectionnées ou non, seules ou combinées entre elles. En
ce sens, les briques « Add-on » dérogent à la règle de sélection des familles « Pompe 1 » et « Pompe
2 » où une seule brique par famille est sélectionnée.

- Fonction « Commander »

Commander

En débit volumique (Qv)


Boucle
En richesse
fermée
En débit massique (Qm)

Sans correction
Boucle
Avec correction(s) (Temp, ρ, N, P3,...)
ouverte
Correction Boucle fermée stabilisé

Add On
Boucle fermée en pression rampe mécanique

.
Figure 59 - Représentation des briques candidates pour la fonction « Commander »

Comme pour la fonction AAG, la brique de la famille « Add-on » pourra être sélectionnée ou non en

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 85 / 157
supplément des autres briques présentées.
- Fonction « Réchauffer »

Réchauffer le carburant
Pas de réchauffeur
Réchauffeur classique
Réchauffeur thermostaté

Figure 60 - Représentation des briques candidates pour la fonction « Réchauffer le carburant »

Cette fonction répond à un besoin particulier de fonctionner sans additif anti-givre pour une
température du carburant dans le réservoir supérieure à X°C. Cette température peut être, selon les
projets, d’une importance élevée, dans ce cas le réchauffeur n’est pas nécessaire et la brique « Pas
de réchauffeur » sera sélectionnée d’office. Elle peut également être modérée, auquel cas la brique
« Réchauffeur classique » sera sélectionnée. Enfin, la température minimale de fonctionnement sans
additif anti-givre peut être basse, auquel cas la brique « Réchauffeur thermostaté » est sélectionnée.
Cette dernière brique possède en effet l’avantage de pouvoir réchauffer fortement le carburant par
temps froid tout en limitant son échauffement par temps chaud.

IV.C.3. Faisabilité de l’architecture proposée


Pour proposer une architecture « faisable », qui peut « fonctionner », il n’est pas possible d’assembler
n’importe quelle brique avec n’importe quelle autre. Ainsi, une matrice de compatibilité est mise en
place afin d’indiquer les briques qui peuvent être associées ou non. Cette matrice permet d’associer
toutes les briques deux à deux et d’indiquer leur compatibilité au moyen d’un chiffre :
- 1 si les deux briques sont compatibles, c’est-à-dire qu’elles peuvent être associées à la même
architecture
- 0 si les deux briques ne sont pas compatibles et ne peuvent pas être associées à la même
architecture.
Un exemple de matrice est donné en Figure 61 ci-dessous.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 86 / 157
Figure 61 - Exemple de matrice de compatibilité

IV.C.4. Nombre d’architectures candidates


Suite à l’établissement de la matrice de compatibilité, nous avons pu compter le nombre
d’architectures compatibles. Cela correspond au nombre de combinaisons de briques autorisées par
la matrice de compatibilité. La génération d’architecture à partir de la matrice morphologique a été
effectuée à l’aide d’un outil que nous avons implémenté sous Microsoft Excel/VBA. Ainsi, 153 792
architectures distinctes et fonctionnelles ont été proposées à l’issue de cette étape de génération
d’architectures.

Conclusion
Dans ce chapitre, une méthodologie de génération d’architectures candidates a été proposée dans un
cadre d’innovation de rupture. Elle répond au besoin d’apporter des architectures système novatrices
dans une entreprise où le système à faire est conçu depuis plus de 50 ans. Cette méthodologie est
basée sur une combinaison de techniques de créativité intuitives (KCP, Brainwritting 635, Diagramme
KJ) et d’outils systématiques de type matrice morphologique et matrice de compatibilité. Elle a été
appliquée au cas d’étude de nos travaux de thèse, à savoir le système carburant du futur. Ainsi, plus
de 100 000 architectures candidates compatibles ont été générées. Cette expérience a permis
d’améliorer la méthodologie proposée pour s’adapter aux contraintes de l’étude (système complexe
dont les fonctions peuvent être liées les unes aux autres, grand nombre d’architectures candidates,
etc.).

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 87 / 157
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 88 / 157
CHAPITRE 3 - Sélection des concepts
d’architectures système carburant en
rupture

Introduction
Une fois le besoin et les exigences définies dans un premier temps et les architectures candidates
répondant à ce besoin générées dans un second temps, il reste la dernière étape de sélectionner les
architectures les plus pertinentes. Cette étape n’est pas des moindre, et tout particulièrement dans
notre contexte d’innovation de rupture car elle implique de comparer des alternatives nombreuses et
originales. La notion de pertinence des alternatives est intéressante car elle mêle à la fois les attentes
des parties prenantes du système (amont de la conception) et les performances que fournira le
système une fois réalisé. Prendre une décision en phase de conception d’architecture, c’est être
capable en phase préliminaire, de lier ces deux étapes (initiale et terminale) de la conception du
système.
Pour ce faire, nous procèderons tout d’abord à une revue critique de la littérature concernant les
méthodes utilisées pour la prise de décision. Nous présenterons dans un second temps la
méthodologie proposée pour les travaux de thèse. Enfin, un retour d’expérience relatif à l’application
de cette méthodologie dans le cadre du système carburant chez Safran Helicopter Engines sera
développé.

I. Définition du problème
Chaque problème d’évaluation d’architectures est unique. Il possède ses propres caractéristiques de
complexité, variété des alternatives, nombre d’architectures candidates, etc. Comme nous allons le
voir dans l’état de l’art bibliographique (partie II), il existe une grande variété de méthodes d’évaluation
d’architectures. Aussi, il convient dans un premier temps de définir le problème que nous voulons
résoudre, afin de tirer de la littérature les solutions les plus adaptées à notre cas. En outre, cette
définition du problème permettra une réutilisation plus facile de ces travaux dans un cas similaire qui
pourra être facilement identifié.

(1) Caractéristiques du problème de sélection d’architectures

Les caractéristiques de notre problème d’évaluation d’architecture sont :


1. Un grand nombre d’architectures candidates
Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 2, plus de 100 000 architectures candidates ont été
générées. Cela a pour effet de privilégier une approche automatisable ou générique de l’évaluation
des architectures.
2. Un nombre fini d’architectures candidates
Bien qu’élevé, le nombre d’architectures candidates est fini. Les architectures peuvent donc être
énumérées de manière exhaustive avant d’être évaluées. Nous avons donc affaire à un problème de
sélection d’architectures les plus pertinentes parmi une liste d’architectures candidates.
3. Une grande diversité d’architectures candidates
Les architectures candidates utilisent des concepts fortement innovants dont les approches
d’évaluation des performances peuvent varier grandement. Par exemple, on ne procèdera en effet
pas de la même manière pour l’évaluation des performances d’une pompe entrainée électriquement,
que pour une pompe entrainée mécaniquement par la turbine. En effet, en plus d’avoir des principes
de fonctionnement différents, ces deux solutions n’ont pas le même périmètre fonctionnel. En effet, la
pompe entrainée électriquement pourrait offrir des fonctions différentes d’une pompe entrainée
mécaniquement par la turbine.
4. Des critères d’évaluation principaux variés et non modélisables.
Il était important dans notre cas d’étude de prendre un compte un certain nombre de critères
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 89 / 157
d’évaluation afin de prendre en compte les différentes attentes des parties prenantes. Cela nous a
conduit à considérer 20 critères d’évaluation, ce qui est élevé pour un travail d’évaluation préliminaire
pour lequel les critères sont plus généralement au nombre de 3 ou 4 (Moullec 2014; Svahn 2006;
Gavel 2007; Liscouët-Hanke 2008) voire onze à 15 (Kirby 2001; Biltgen & Mavris 2007b), mais
n’intègrent pas de critères de type sureté de fonctionnement ou maintenance. De plus, les
performances de chaque architecture candidate vis-à-vis des critères d’évaluation ne peuvent, pour la
plupart, pas être quantifiées par des modélisations simples et génériques (précision de dosage, couts
de maintenance, robustesse, etc.).

Toutes ces caractéristiques font qu’il est à priori difficile d’obtenir une évaluation équitable des
performances de chaque architecture. C’est ce qui a justifié dans nos travaux un effort important sur la
méthodologie de sélection des architectures.

(2) Un problème de décision multi attribut (MADM)

Les auteurs de (Tzeng & Huang 2011) reprennent la distinction classique déjà évoquée par (Gal et al.
9
1999) selon laquelle l’aide à la décision multicritère (MCDM ) se décompose en deux catégories :
10 11
l’aide à la décision multi objectif (MODM ) et l’aide à la décision multi attribut (MADM ). La distinction
entre ces deux disciplines repose sur le type de problème à résoudre. La distinction est clairement
présentée dans les travaux de (Gaouas Oussama 2014) :
- Les méthodes de MODM traitent de l’identification d’une solution préférée parmi un ensemble
de solutions potentiellement infini. Les solutions sont définies de manière implicite, par
l’intermédiaire d’un ensemble de contraintes. En ingénierie, les problèmes de
dimensionnement appartiennent à cette catégorie de problèmes de décision. Il convient en
effet d’ajuster des paramètres de conception (matériau, dimensions,…) pour satisfaire des
contraintes de conception (masse, résistance, etc.). Pour répondre à ce type de problème, les
méthodes d’optimisation sont tout particulièrement indiquées (Hassan 2014). En effet, dans
un problème de MODM, l’espace des solutions doit être exploré de manière intelligente car ce
dernier est infini. C’est ce que permettent les méthodes d’optimisation.
- Les méthodes de MADM traitent de la prise de décision entre des solutions discrètement
définies et aux attributs souvent multiples. Il s’agit alors de sélectionner la ou les meilleures
architectures candidates dans l’espace de solution.

Notre sujet d’étude nous place plutôt dans la partie MADM. En effet, notre problème de sélection
d’architecture comporte bien un nombre fini d’architectures candidates, définies de manière explicite.

(3) Type de problème d’aide à la décision

Comme développé dans (Figueira, Greco, et al. 2005; Grabisch 2005; Mammeri 2013), la
problématique de prise de décision peut être divisée en quatre types :
- La problématique du choix : il s’agit d’obtenir un ensemble, de plus petite cardinalité
12
possible, de « bonnes » alternatives .
- La problématique de classification (ou tri) : il s’agit de ranger les alternatives dans des
catégories préalablement définies. Elles peuvent être, par exemple, « Excellent »,
« Acceptable », « Insuffisant », « Inacceptable ».
- La problématique de classement : il s’agit d’attribuer un classement à chaque alternative
er ème ème ième
(1 , 2 , 3 , … n ).
- La problématique de scorage : il s’agit d’attribuer un score (sur un intervalle de notation
prédéfini, par exemple entre 0 et 1) à chaque alternative.

9
MCDM : Multi Criteria Decision Making
10
MODM : Multi Objective Decision Making
11
MADM : Multi Attribute Decision Making
L’auteur de (Mammeri 2013) précise que les méthodes répondant à ce type de problème feront ressortir un
12

ensemble qui contiendra des alternatives équivalentes ou incomparables entre elles. Ces alternatives ne seront
pas nécessairement toutes bonnes.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 90 / 157
Dans notre cas, on ne s’attend pas à n’obtenir qu’une seule architecture sélectionnée à l’issue du
processus de décision. En effet, les analyses de ces dernières étant préliminaires, elles comportent
une certaine imprécision. Il serait donc intéressant d’avoir en fin de processus un panel d’architectures
sélectionnées de faible taille (de l’ordre d’une dizaine d’architectures). Ainsi, notre strict besoin est
celui d’une classification. Notre but est en effet d’obtenir dans la catégorie « Excellent » un faible
nombre d’alternatives les plus prometteuses. Nous noterons toutefois que le classement et le scorage
peuvent également répondre à notre problématique. Cependant, ces deux problématiques sont plus
complexes et donc plus coûteuses à mettre en œuvre. En échange, elles apportent également des
informations supplémentaires. Le classement apporterait une hiérarchie parmi les architectures
retenues ; tandis que le scorage apporterait une quantification de l’écart de préférence entre les
architectures retenues.

II. Etat de l’art


Le domaine de l’aide à la décision multi critère couvre énormément de domaines, comme le montrent
les auteurs de (Aruldoss et al. 2013). En particulier, des travaux ont récemment été menés dans les
domaines de l’informatique (Falessi et al. 2011), la santé (Marsh et al. 2014),la logistique (Govindan et
al. 2015; Senthil et al. 2014) le tourisme (Akıncılar & Dağdeviren 2014), etc.

Pour plus de clarté, nous utiliserons dans cette partie du manuscrit le terme « alternative » pour
désigner une architecture candidate.

II.A. Processus de prise de décision sur les


architectures système
Une revue de la littérature concernant les processus de prise de décision sur les architectures de
systèmes en ingénierie nous a permis de dégager un processus général pour l’évaluation
d’architecture. Elle se compose des 4 étapes décrites ci-dessous.

1- Etablir les critères d’évaluation


La première étape du processus d’évaluation de concepts consiste à définir les critères qui seront
utilisés par la suite pour l’évaluation des alternatives.

2- Sélection préliminaire
Dans les cas où l’espace des solutions contient beaucoup d’alternatives, il peut être intéressant de
procéder à une sélection préliminaire. Elle permet d’écarter d’emblée un certain nombre
d’architectures candidates. C’est notamment le cas des approches de (Weiss & Gilboa 2004; Pahl et
al. 2007; Dieter & Schmidt 2013; Kirby 2001; Schrage 1999). D’après (Dieter & Schmidt 2013; Ullman
2010), cette sélection peut être effectuée sur des critères d’évaluation absolus, de type :
- Fonctionnalité de l’architecture : est-ce que l’architecture candidate fonctionne ? Est-ce qu’elle
peut effectivement réaliser les fonctions pour lesquelles elle a été imaginée ?
- Maturité technologique : les technologies utilisées sont-elles suffisamment matures pour
l’application visée ? Dans notre cas d’innovation radicale, nous accorderons relativement peu
d’importance à ce critère. Ceci permettra en effet d’ouvrir l’espace des solutions à des
technologies non matures aujourd’hui mais qui pourraient l’être à moyen ou long terme.
- Contraintes du problème : l’architecture candidate répond-elle aux contraintes du problème
avec un niveau de performance supérieur au seuil minimal acceptable ?
Cette étape d’évaluation préliminaire n’est cependant pas présente dans tous les processus
d’évaluation d’architecture que nous avons étudiés (ISO/IEC/IEEE 2015; Biltgen & Mavris 2007b; Sun
et al. 2000).

3- Evaluation des alternatives vis-à-vis des métriques


Dans la majorité des cas d’évaluation d’architecture système de la littérature, les performances des
alternatives sont évaluées quantitativement par modélisation (Kirby 2001; Liscouët-Hanke 2008;
Gavel 2007; Moullec 2014). Cependant comme nous l’avons vu au paragraphe I(1), dans notre cas, il
n’est pas possible d’évaluer de manière quantitative les alternatives au regard des critères retenus. A
cet effet, les auteurs de (Schrage 1999; Biltgen & Mavris 2007b) proposent des processus

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 91 / 157
d’évaluation ne comprenant pas d’étape de modélisation. Les concepts sont alors évalués de manière
qualitative par des experts du domaine.
Comme l’explique l’auteur de (Martin 2017) dans son aperçu de la nouvelle norme ISO/IEC 42030
Architecture Evaluation, cette étape d’évaluation peut être divisée en deux sous étapes, comme on
peut le voir en Figure 62.

Figure 62 - Cadre de la nouvelle norme ISO/IEC 42030 Architecture Evaluation (issu de (Martin 2017))

Ces deux étapes sont :


- L’analyse (« analysis » dans le texte) qui consiste à déterminer les performances de
l’alternative par rapport aux critères. On répond dans cette étape à la question « Quoi ? ».
C’est dans cette étape que la modélisation peut être utilisée.
- L’appréciation (« assessment » dans le texte) qui consiste à évaluer l’utilité ou la valeur du
système. On répond dans cette étape à la question « Et alors ? ».

Illustrons cette différence avec l’exemple d’une voiture. L’étape d’analyse pourra fournir une
information du type « la puissance du moteur est de 110 chevaux ». Cette information d’analyse sera
reprise dans l’étape d’appréciation par des informations de type : « bonne capacité à dépasser » ou
encore « bonne capacité à maintenir la vitesse en phase de montée ». L’analyse s’intéresse aux faits
techniques tandis que l’appréciation en renseigne l’intérêt final.

Dans le cadre de nos travaux, la phase d’analyse n’a pu être effectuée. En effet, les performances
des architectures selon critères que nous avons utilisés ne peuvent être obtenues par modélisation,
comme nous l’avons expliqué au paragraphe I(1). Ainsi, l’évaluation des architectures a directement
été effectuée par appréciation par les experts des performances des architectures, ou plus
précisément des briques d’architectures, vis-à-vis de chaque critère.

4- Sélection des alternatives préférées


Cette étape consiste à discriminer les différentes architectures au regard de leurs appréciations vis-à-
vis des différents critères, en prenant en compte le cahier des charges spécifiques de chaque projet.
Elle s’appuie sur un modèle de décision. Ce dernier peut, par exemple, consister en une synthèse des
résultats d’une ou plusieurs méthodes de MADM (Kirby 2001).

II.B. Travaux similaires et vue d’ensemble de la


littérature
Nous présentons dans le Tableau 13 ci-dessous une sélection de travaux de sélection d’architecture
système en ingénierie dont les démarches sont comparables à la nôtre. Pour chaque référence, les
points communs et différences entre notre approche et l’approche décrite sont exprimés dans les
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 92 / 157
colonnes. On trouve finalement une colonne résumant les méthodes mises en œuvre par les auteurs.
Celle-ci permet de préparer la sélection d’une méthode de MADM, qui sera présentée plus loin.

Tableau 13 – Travaux de sélection d’architecture système en ingénierie

Travaux Points communs Différences Méthodes utilisées


Modèles physiques
Conception Méthode d’évaluation des
Matrice de
(Kirby 2001) préliminaire d’un alternatives basée sur les
compatibilité
système avion modèles physiques
TOPSIS
Conception Problème ramené à une
Matrice morphologique
(Svahn 2006; Gavel préliminaire de optimisation sur les
Modèles physiques
2007) système carburant critères de : masse,
Optimisation
avion puissance et fiabilité
13
IRMA
Mise en place de la Matrice de
Sélection de concept
(Engler et al. 2007) matrice de décision non compatibilité
de missile
traitée Matrice de décision
TOPSIS
Mise en place de la QFD
(Biltgen & Mavris Sélection de concept
matrice de décision non Matrice de décision
2007b) d’avion d’attaque
traitée TOPSIS
Méthode basée sur les
Conception
modèles de haut niveau,
(Liscouët-Hanke préliminaire de sous- Modèles physiques
uniquement sur des
2008) systèmes Optimisation
critères énergétiques
énergétiques avion
Pas de MADM
Evaluation Donne des informations
(Jankovic et al. d’architecture basée sur les compromis à faire Outils matriciels de
2012) sur des avis mais ne va pas jusqu’à la type QFD étendu
d’experts prise de décision
Evaluation Démarche basée sur des
Modèles physiques
(Moullec 2014) d’architectures modèles physiques
Réseaux Bayésiens
système complexes simples
Retenue : MAUT
Sélection de concept S’intéresse uniquement à
Additive
(Craisse et al. 2016) de sous-systèmes la sélection de la méthode
Evaluées : AHP,
avion de MADM
MAUT, TOPSIS

Parmi ces travaux, on trouve donc principalement :


- Des travaux plutôt orientés sélection de concepts, où l’aspect évaluation technique des
concepts n’est pas traité (Engler et al. 2007; Biltgen & Mavris 2007b; Craisse et al. 2016)
- Des travaux plutôt orientés optimisation où les alternatives sont évaluées par des modèles
physiques (Svahn 2006; Gavel 2007; Liscouët 2010; Moullec 2014).
Par voie de conséquence, il apparait clairement qu’il n’y a que peu de publications où l’évaluation des
concepts d’architecture est traitée autrement que par un problème d’optimisation.

On remarque dans le Tableau 13 que la méthode TOPSIS est majoritairement utilisée dans les projets
de sélection de concept d’architecture en ingénierie.

II.C. Méthodes d’évaluation des architectures


Ce paragraphe présente les méthodes ou bonnes pratiques issues de la littérature pour chaque étape
du processus de sélection d’architecture système.

13
IRMA : Interactive Reconfigurable Matrix of Alternatives
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 93 / 157
II.C.1. Les critères d’évaluation

II.C.1.a) Deux types de critères d’évaluation

De nombreux travaux (Sun et al. 2000; Biltgen & Mavris 2007b; Martin 2017; ISO/IEC/IEEE 2015; Lo
2013) utilisent des critères techniques pour servir d’intermédiaire entre les besoins de haut niveau des
parties prenantes et les performances des alternatives. On distingue alors :
- Les critères d’évaluation techniques, qui sont utilisés par les concepteurs pour analyser les
différentes alternatives. Si l’on prend le cas d’un moteur de voiture, par exemple. Les critères
d’évaluation techniques seraient : « Rapport poids/puissance », « Caractéristique de couple
en fonction du régime », « Compacité », « Fiabilité », etc.
- Les critères d’évaluation client, qui sont utilisés pour l’appréciation des différentes
alternatives par les clients finaux. Si l’on reprend le cas d’un moteur de voiture, le client final
est le conducteur ou usager de la voiture. Les critères clients seraient alors : « Agrément de
conduite », « Fiabilité », « Coût d’opération », etc.

L’idée de cette distinction est qu’il est plus facile d’évaluer le système du point de vue des critères
techniques, mais la valeur globale du système ne peut être prise en compte qu'à travers des critères
client. Ainsi, le système sera directement évalué vis-à-vis des critères techniques. Ces performances
techniques seront ensuite transposées vis-à-vis des critères clients. C’est précisément le but de la
méthode de Quality Function Deployment (QFD) que de faire le lien entre la « Voix du Client » et la
« Voix de l’Ingénieur ». Celle-ci est principalement incarnée par un outil matriciel appelé Maison de la
14
Qualité (HOQ) ou encore matrice QFD (Hauser & Clausing 1988). Comme nous l’avons représenté
en Figure 63, cette permet de quantifier cette relation entre les critères techniques et les critères
clients.

Critères Techniques

Critères Relation entre les critères


Client clients et techniques

Figure 63 - Principe élémentaire de la matrice QFD

Ainsi, en donnant les pondérations des critères clients, on peut en déduire les pondérations des
critères techniques. Ou encore, en donnant la performance vis-à-vis des critères techniques on peut
remonter à la performance vis-à-vis des critères clients.

II.C.1.b) Notion d’interdépendance critères


d’évaluation

L’auteur de (Moullec 2014) met en garde sur la notion d’interdépendance entre les critères. Il s’agit
d’une dépendance mutuelle entre deux critères. Si les critères A et B sont interdépendants, la
modification du critère A entraine systématiquement une modification du critère B. Cette notion
d’interdépendance est présente dans de nombreux cas de choix multi critères. Si on prend par
exemple le choix d’un smartphone, on voit directement un lien de dépendance entre le critère
« Compacité » et le critère « confort de lecture ». En effet, en général plus le smartphone sera grand,
plus il aura un grand écran et donc plus il sera confortable à lire.
L’interdépendance entre deux critères peut être de deux types :

14
House of Quality en anglais
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 94 / 157
- Cohérente : une amélioration de la performance vis-à-vis du critère A entraine une
amélioration de la performance vis-à-vis du critère B. Si on prend l’exemple d’une voiture par
exemple, il y interdépendance cohérente entre le critère de « Faible consommation de
carburant » et celui de « Autonomie ». En effet, une amélioration de la performance de
« Faible consommation de carburant » entraine intrinsèquement un gain en « Autonomie ».
- Conflictuelle : une amélioration de la performance vis-à-vis du critère A entraine une
détérioration de la performance vis-à-vis du critère B. C’est le cas de l’exemple précédent
concernant le smartphone où il y interdépendance conflictuelle entre la « Compacité » et du
« Confort de lecture ». Une dégradation de la « Compacité » entraine une amélioration du
« Confort de lecture » dans la mesure où un écran plus grand peut être utilisé.

L’interdépendance entre les critères peut être représentée à l’aide de la matrice QFD évoquée dans le
paragraphe précédent, comme nous l’avons représenté en Figure 64.

Interdépendance
entre les critères techniques

Critères Techniques

Critères Relation entre les critères


Client clients et techniques

Figure 64 - Matrice QFD prenant en compte l'interdépendance des critères techniques

Cette interdépendance est représentée sous la forme d’une demi-matrice carrée placée au-dessus
des critères techniques. Elle indique ainsi la dépendance de ces critères deux à deux. Un codage
simple permet de déterminer si les critères sont cohérents ou conflictuels. On notera par exemple, +1
pour les critères cohérents, 0 pour les critères indépendants et -1 pour les critères conflictuels.

(1) Définition des poids des critères


Une fois la liste des critères établis, il convient de les discriminer au vu de leur importance relative.
Usuellement, des poids (nombre compris entre 0 et 1) sont affectés à chaque critère. C’est de la
répartition de ces poids entre les différents critères dont il est question dans ce paragraphe. Pour des
problèmes comportant relativement peu de critères (3 ou 4 critères par exemple), il est relativement
aisé d’attribuer directement les poids à chaque critère. Cependant, dans les cas où le nombre de
critères est important (plus de 10 critères, par exemple), cette attribution directe des critères est plus
délicate et pourrait s’avérer peu précise. En ce sens, des méthodes de type tri croisé ont vu le jour
pour répondre à cette problématique. Dans le cadre de cette technique, les poids sont obtenus suite à
la comparaison de chaque critère deux à deux. La matrice résultat de la comparaison des critères
deux à deux est appelée matrice de comparaison. L’auteur de (Limayem 2001) dresse un état de l’art
complet des méthodes de tri croisé pour le calcul de pondération. Il remarque que les méthodes
existantes sont efficaces mais peu utilisées en pratique.
« Soulignons, par ailleurs, que les approches présentées dans ce chapitre ne sont pas toutes
récentes. Pour autant, elles ne souffrent pas des biais que nous avions relevés dans certaines
méthodes inexactes utilisées à l’heure actuelle sur le terrain. Cela donne une mesure du gouffre qui
sépare le monde de la recherche de celui de la pratique. » (Limayem 2001)
Dans la littérature, on trouve trois grandes familles de méthodes de pondération de critères :

(2) Les méthodes de tri-croisé


Dans cette famille de méthodes, la première étape, commune à tous, est le remplissage de la matrice

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 95 / 157
de comparaison des critères deux à deux, notées matrice A. Comme nous l’avons représenté en
Figure 65 ci-dessus, il s’agira de ne remplir que la partie triangulaire supérieure de la matrice. En
effet, dans notre cas, l’appréciation d’un critère i par rapport à un critère j est simplement l’inverse de
l’appréciation du critère j par rapport au critère i. La matrice A est donc réciproque, Aij = Aji-1. Cela
représente donc comparaisons à renseigner, correspondant aux cases bleues de la matrice
représentée en Figure 65. Une fois la matrice A remplie, on peut appliquer une méthode de
pondération des critères décrite ci-dessous.

Critère 1 Critère 2 … Critère n


Critère 1 1
Critère 2 1
… 1
Critère n 1

Figure 65 - Représentation de la matrice A de comparaison entre les critères deux à deux

L’auteur de (Limayem 2001) dresse un état de l’art comportant quatre méthodes de calcul de
pondération par tri croisé. Il s’agit, à partir des comparaisons des critères deux à deux de donner une
répartition optimale des poids des critères. Les différentes méthodes évoquées sont :
- Approches déterministes
o Valeurs propres (VP)
o Régression logarithmique selon les moindres carrés (RLMC)
o Moyenne géométrique sur les lignes (MGL)
o Moyenne géométrique sur les lignes et colonnes (MGLC)
- Approches prenant en compte les imprécisions inhérentes au jugement humain
o Logique floue
o Probabiliste

Dans nos travaux de thèse, nous ne nous attarderons que sur les approches déterministes basées sur
les valeurs propres. En effet :
- Les approches logarithmiques paraissent adaptées à des problèmes de pondération plus
complexes où les opinions sont multiples (différents avis de plusieurs personnes à prendre en
compte). L’auteur de (Limayem 2001) parle par exemple des applications de dégustation ou
plus généralement des comparaisons faisant intervenir les sens. Dans notre cas, même si
plusieurs experts sont autour de la table pour établir la pondération des critères, nous savons
qu’un consensus pourra être établi en séance. Ainsi, la prise en compte d’opinions multiples
n’est pas un attendu dans notre approche.
- Les approches à moyenne géométrique permettent quant à elles d’avoir une matrice de
comparaison non réciproque. Cela signifie que si la comparaison d’un critère A par rapport à
un critère B donne une notation c, la comparaison du critère B par rapport au critère A pourrait
donner une notation différente de l’inverse de c. Comme l’évoque l’auteur de (Limayem 2001),
ce cas de figure est très particulier, et peut avoir lieu par exemple en comparaison d’aliments,
le palais se transformant au fur et à mesure de la dégustation. Là encore, étant donné la
nature rationnelle des critères à évaluer, nous n’aurons pas besoin de telles approches dans
nos travaux.
- Les approches prenant en compte les imprécisions inhérentes au jugement humain peuvent
être intéressantes pour notre application. Nous choisissons dans un premier temps de ne pas
inclure cette dimension dans notre étude. Cela nous permettra une mise en œuvre plus rapide
d’une méthodologie simple, que l’on pourra raffiner, complexifier par la suite.

Présentation de l’approche basée sur des valeurs propres


Cette méthode fût proposée pour la première fois par l’auteur de (Saaty 1977). Elle consiste à trouver
la plus grande valeur propre de la matrice de comparaison A. On la note , et v son vecteur
propre associé. On norme ensuite le vecteur v qui devient v*. On a donc :

(III-1)

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 96 / 157
Pour chaque critère i, le poids associé sera donc .

Cette méthode prévoit également une vérification de la consistance du résultat, via le calcul de l’index
de consistance CI. Cette vérification prend la forme de l’équation ci-dessous.

(III-2)

Où n est le nombre de critères.

Une méthode alternative de détermination des pondérations


En 1987, l’auteur de (Harker 1987) propose une approche alternative de détermination des poids des
critères qui repose sur la méthode AHP à base de valeurs propres. En exploitant la propriété de
transitivité de l’importance relative entre deux critères, cette méthode permet de déterminer les
pondérations en exploitant une matrice de comparaison incomplète. Dans son article, l’auteur
applique sa méthode à la pondération de la distance entre Philadelphie et 6 villes. Pour chaque ville
(représentant des critères dans notre cadre de pondération de critère), un poids est associé en
fonction de sa distance à Philadelphie. Harker propose ainsi les pondérations obtenues avec la
matrice de comparaison complète (remplie à 100%) et avec des taux de remplissage intermédiaire.
Nous avons représenté les résultats de cet exemple dans la Figure 66, ci-dessous.

Evolution de l'écart relatif entre les poids obtenus avec une matrice
partielle ou complète en fonction du taux de remplissage de la
matrice
Critère 1 Critère 2 Critère 3 Critère 4 Critère 5 Critère 6
Ecart relatif des poids par rapport à ceux obtenu

60%
matrice entièrement remplie

40%

20%

0%
30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
-20%

-40%

-60%

-80%
Taux de remplissage de la matrice de tri croisé

Figure 66 - Ecart relatif entre les poids obtenus avec une matrice de comparaison partiellement remplie, par
rapport à ceux obtenus avec la matrice intégralement renseignée (réalisé à partir des résultats de (Harker 1987))

Nous pouvons tout d’abord constater qu’un taux de remplissage de 93% de la matrice de
comparaison entraine un écart relatif maximal de 1% sur les poids des 6 critères. On constate, de
manière attendue, que l’écart relatif global sur les pondérations augmente avec les faibles taux de
remplissage de la matrice. Ce résultat conforte le fait que plus on fournit d’information à la matrice de
comparaison, plus les pondérations seront proches de celles obtenues avec la matrice entièrement
remplie. Nous observons que le meilleur compromis entre gain de temps (taux de remplissage de la
matrice de comparaison) et précision des pondérations se situe aux alentours de 87% de taux de
remplissage de la matrice, avec un écart de -6% à +9% par rapport aux poids obtenus matrice
intégralement remplie. Globalement, on pourra retenir que sur cet exemple, un gain de 10% sur le
remplissage de la matrice de comparaison entraine une dispersion maximale des pondérations de
10%. En deçà de ce taux de remplissage de 90%, la dispersion des pondérations augmente très
fortement. Ainsi, à 80% de remplissage de la matrice de comparaison, les dispersions des poids vont
de -25% à +16%.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 97 / 157
Cette méthode alternative pourra être testée dans le cadre de nos travaux de thèse. Elle ne permettra
à priori que de gagner 10% du temps de remplissage de la matrice de compatibilité. Un gain de temps
qui se fera, à en croire notre exemple, au prix d’une perte de précision d’estimation des pondérations
de l’ordre de 10%.

(3) Une méthode de tri simple


Il s’agit de la méthode BWM (Best-Worst Method) introduite par les travaux de (Rezaei 2015). Nous
avons choisi l’appellation « tri simple » pour cette méthode car elle comporte, comme nous allons le
voir par la suite, moins de comparaisons (ou croisements) que les méthodes de tri croisé. Cette
méthode est fortement récente par rapport aux autres, car elle a été proposée par l’auteur de (Rezaei
2015) en 2015.
La détermination des poids de chaque critère se déroule en 3 étapes.
1- Il convient tout d’abord de déterminer le critère le plus important, et le critère le moins
important aux yeux des décideurs.
2- Il s’agit ensuite de déterminer la préférence du critère le plus important vis-à-vis de tous les
autres (notés aiB). Et de la même manière, la préférence de tous les critères vis-à-vis du
critère le moins important (notés aiW). Nous avons représenté les comparaisons à effectuées
par des cases bleues dans la Figure 67 ci-dessous.

Critère 1 Critère 2 … Critère n


Critère le plus
important

Critère 1 Critère 2 … Critère n


Critère le moins
important

Figure 67 - Données d'entrée pour la méthode BWM

3- Il s’agit ensuite de calculer les poids ki optimaux pour chaque critère i. Cela s’effectue en
résolvant le problème de minimisation de suivant :

(III-3)

Où :
- kB et kW représentent, respectivement, le poids associé au critère le plus important, et celui
associé au critère le moins important.
- aiB et aiW représentent les préférences exprimées à l’étape 2-.

L’auteur propose également un calcul d’index de consistance que nous ne détaillerons pas ici. Pour
plus de détails, on pourra consulter (Rezaei 2015).

Par rapport à la méthode AHP, cette méthode est plus rapide à mettre en œuvre car on n’effectue que
comparaisons (comme nous l’avons représenté en Figure 67 ci-dessus), contre pour la
méthode de tri croisé. D’après l’auteur de (Rezaei 2015), la méthode BWM donne des résultats avec
un degré de confiance similaire à celui de la méthode AHP. Ces deux caractéristiques en font une
bonne candidate pour notre application.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 98 / 157
(4) Par déclinaison hiérarchique des poids

Les poids des critères peuvent également être déduits par allocation des poids de critères de plus
haut niveaux. C’est ce que propose la méthode QFD, que nous avons déjà évoquée au paragraphe
II.C.1.b). La matrice QFD propose en effet de résumer la contribution de la satisfaction des critères
techniques à la satisfaction des critères clients.

Critères Techniques

Pondération des Critères Relation entre les critères


critères clients Client clients et techniques

Pondération des
critères techniques

Figure 68 - Utilisation de la matrice QFD pour la pondération des critères techniques

Les poids du critère technique numéro j ( ) est alors calculé sous la forme :

(III-4)

Avec :
le poids associé au critère client numéro i
le coefficient de la matrice QFD.

II.C.2. Evaluation préliminaire


Cette étape consiste à effectuer une première évaluation rapide des alternatives afin d’en
présélectionner un nombre réduit. Elle est particulièrement indiquée pour les problèmes comportant
un grand nombre d’alternatives. On trouve deux approches principales dans la littérature :
- L’évaluation des alternatives par rapport à des critères définis précédemment (Kirby 2001).
Des limites dures sont placées sur ces critères, interdisant la sélection d’une architecture ne
les respectant pas. Ainsi, les alternatives qui ne sont pas suffisamment performantes sur ces
critères particuliers sont éliminées.
- L’évaluation des briques d’alternatives (Pahl et al. 2007) : il s’agit dans ce cas d’effectuer
la pré-sélection au niveau de chaque brique plutôt que de l’alternative en elle-même. Cette
pré-sélection au niveau de chaque brique permet principalement de s’assurer de la faisabilité
des briques proposées.
Ces deux méthodes peuvent être appliquées avec les mêmes critères que ceux appliqués dans la
prochaine étape (Kirby 2001), ou bien avec des critères supplémentaires, qualifiés de critères
périphériques par l’auteur de (Moullec 2014). L’auteur cite par exemple des critères de fabricabilité ou
fiabilité par exemple.
L’évaluation de la compatibilité entre les briques d’alternatives est également perçue comme une
technique d’évaluation préliminaire par les auteurs de (Pahl et al. 2007). Cependant, nous intègrerons
cet outil dans une prochaine étape de la démarche de sélection des alternatives.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 99 / 157
II.C.3. Analyse des alternatives
L’objectif de cette étape est de fournir une analyse des performances des alternatives vis-à-vis des
critères établis précédemment. Ces performances seront synthétisées dans une matrice de décision,
que nous avons représentée en Figure 69.

Critères d’évaluation

Performances de chaque
Alternatives alternative vis-à-vis de chaque
critère d’évaluation

Figure 69 – Matrice de décision attendue à l’issue du processus d’évaluation des alternatives

Cette matrice de décision attribue à chaque alternative son niveau de performance vis-à-vis de
chaque critère. Elle sera ensuite exploitée dans la phase de prise décision sur les alternatives.

II.C.3.a) Approche générale

Tout comme dans le cadre de l’évaluation préliminaire, la littérature propose deux approches
distinctes que nous avons représentées en Figure 70.

Critères d’évaluation Critères d’évaluation

B2 Agrégation des
Alternatives

Performances de Performances de
Briques

chaque brique vis-à-vis performances briques chaque alternative vis-à-


de chaque critère en performances vis de chaque critère
d’évaluation alternatives d’évaluation

A Analyse des
B1 Analyse des briques
alternatives

Figure 70 – Deux approches distinctes pour l’évaluation des alternatives

A- Evaluer directement les alternatives (noté A en Figure 70) : c’est l’approche d’analyse la
plus directe. Les performances de l’alternative sont directement analysées. Cette approche
est notamment adaptée :
o Aux problèmes où un modèle physique permet de quantifier les performances des
alternatives vis-à-vis des critères, comme dans les travaux suivants (Gavel 2007;
Moullec 2014; Kirby 2001)
o Aux problèmes contenant un nombre raisonnable d’alternatives : dans ce cas, il est
réaliste de se pencher sur chaque alternative pour l’analyser (Biltgen & Mavris
2007b).

B- Evaluer les briques d’alternatives (noté B en Figure 70), puis les agréger pour obtenir les
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 100 / 157
évaluations des alternatives. Cette approche est plus coûteuse car elle ajoute une étape
d’agrégation des performances des briques en performances des alternatives (notée B2 en
Figure 70). Cette approche est néanmoins nécessaire dans les cas où :
o Le nombre d’alternatives est trop grand pour permettre aux concepteurs ou experts
de pouvoir analyser chaque alternative en détail.
ET
o L’analyse des alternatives ne peut être automatisée. Cela peut être dû, par exemple,
au fait que les critères techniques portent sur des attributs non modélisables à ce
niveau-là de la conception (coût, masse, tolérance aux pannes, etc.).
Cette approche est peu documentée dans la littérature, notamment du point de vue de la prise
en compte des synergies lors de l’agrégation des briques.

Etant donné les caractéristiques de notre cas d’étude (voir paragraphe I(1)), nous nous situerons dans
l’approche par évaluation des briques d’alternatives, ce qui représente 45 briques à analyser.

II.C.3.b) Analyse des alternatives ou briques


d’alternatives

Du point de vue des méthodes d’analyse, il n’y a pas de différence selon que l’on traite d’alternatives
ou de briques d’alternatives. En effet, les méthodes à disposition restent les mêmes pour évaluer, par
exemple, un modèle de voiture (alternative) et un modèle de moteur (brique d’alternative). On pourra
en effet dans les deux cas avoir recours à une technique de modélisation ou à des avis d’experts.

Dans de nombreux cas de la littérature (Kirby 2001; Moullec 2014; Liscouët-Hanke 2008; Gavel
2007), l’analyse des alternatives est effectuée à l’aide de modèles physiques. Ils permettent d’obtenir
des mesures quantitatives des performances des alternatives.

Dans d’autres cas, comme le nôtre, il n’est pas possible d’obtenir d’indicateurs quantifiés
correspondants aux critères sélectionnés. L’analyse des alternatives ne peut donc pas être effectuée
de manière quantitative. Bien souvent, cette analyse est donc qualitative, et obtenue par consultation
d’experts. En ce sens, l’auteur de (Lo 2013) propose un cadre collaboratif pour la notation qualitative
des concepts.

II.C.3.c) Agrégation des notes de briques pour


obtenir celles des alternatives

Ce paragraphe traite de l’agrégation des notations des briques en notations des alternatives. Il s’agit
de la transformation notée B2 en Figure 70. Il n’y a dans la littérature que peu de publications qui
traitent de cette problématique. L’auteur de (Holley 2011) propose pour chaque critère une agrégation
des briques sous forme de somme, minimum, maximum ou moyenne. Cette approche semble
intéressante car elle permet de prendre en compte le caractère additif ou extensif de chaque critère.
Concernant la prise en compte d’éventuelles interactions entre les briques pouvant être sélectionnées
au sein d’une même alternative, le manque de cadre méthodologique nous amène à envisager une
démarche basée sur des règles implémentées au cas par cas.

II.C.3.d) Echelle de notation

Dans le cadre de l’analyse qualitative des alternatives (ou briques d’alternatives) par des experts, il
convient de définir un système de notation. Son but est de restituer la connaissance des experts des
avantages et inconvénients de chaque alternative.

Dans la littérature, on trouve plusieurs exemples de systèmes de notation basés sur des appréciations
qualitatives (Weiss & Gilboa 2004; Lo 2013; Pahl et al. 2007) . Ces échelles de notations peuvent être
définies par deux caractéristiques principales :
- Type de notation :
o Absolue : Les alternatives sont évaluées de manière absolue, sans utiliser de point de
comparaison clairement défini. Ce type de notation est utilisé, par exemple, dans les
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 101 / 157
travaux de (Weiss & Gilboa 2004).
o Relative : Les alternatives sont évaluées par rapport à une référence. Cette référence
peut être par exemple, la performance attendue, ou bien la performance d’une des
alternatives. Dans ce dernier cas, cela permet de réduire le nombre d’alternatives à
analyser, étant donné que l’alternative de référence aura une note neutre sur tous les
critères. Ce type de notation relative est utilisé, par exemple, dans les travaux de (Lo
2013).
- Nombre de niveaux : le nombre de niveaux de l’échelle correspond au nombre de notes
distinctes qu’elle comporte. Selon les auteurs, elle peut varier de 4 (Mauvais, En dessous de
la moyenne, Au-dessus de la moyenne, Bon à Excellent) (Weiss & Gilboa 2004), à 11 (notre
de 0 à 10) chez (Pahl et al. 2007). Des cas intermédiaires existent, comme l’échelle à 7
niveaux de (Lo 2013) (forte dégradation, dégradation moyenne, faible dégradation, pas
d’effet, faible amélioration, amélioration moyenne, forte amélioration).
Comme l’ont suggéré les auteurs de (Weiss & Gilboa 2004), nous pensons que le choix du
nombre de niveaux doit être fait en fonction de la précision des informations données par les
experts. En effet :
o Il n’y a nul besoin d’utiliser une échelle à 11 niveaux si le savoir est lui-même peu sûr.
Cela entrainera de plus une perte de temps liée à des interrogations entre deux
niveaux de notation.
o A l’inverse, l’utilisation d’une échelle contenant trop peu de niveaux pourrait, en
présence d’informations précises, fournir des résultats trop grossiers.

Dans notre cas, nous avons choisi d’utiliser :


- Une échelle relative : cela permet de fixer une référence identifiée et logique à partir de
laquelle les autres alternatives seront évaluées. L’alternative de référence correspond à
l’architecture la plus moderne actuellement utilisée sur les moteurs de l’entreprise. Le
deuxième effet bénéfique est d’éviter d’avoir à noter les briques constituant l’alternative de
référence, ce qui représente dans notre cas une économie de l’ordre de 15% du nombre de
briques à analyser.
- Un nombre de niveaux intermédiaires, de type (Lo 2013) à 7 niveaux. Cela nous apparait être
un bon compromis au vu de la relative imprécision des évaluations de briques fortement
innovantes par les experts.

II.C.4. Prise de décision


Une fois les différentes alternatives analysées, il convient de prendre une décision sur la ou les
alternatives les plus pertinentes.

II.C.4.a) Méthodes de prise de décision

Nous n’entendons pas, dans cette partie, donner une description complète et rigoureuse de chacune
des méthodes qui seront évoquées. Notre objectif est plutôt de pouvoir donner au lecteur un bon
aperçu de la philosophie globale de chaque méthode. Pour plus de détails, le lecteur pourra consulter
les références suivantes (Mammeri 2013; Tzeng & Huang 2011; Martel & Roy 2006).

Nous introduisons ici des notations sur les caractéristiques de notre problème d’aide à la décision.
Ces notations sont à considérés pour toute la suite.
a, b : désigne deux alternatives
A : désigne l’ensemble des alternatives
n : nombre de critères, indexé en i (i variant de 1 à n)
u(a) : Utilité, ou score de l’alternative a à l’issue de l’agrégation
ki : pondération donnée au critère numéro i
gi(a) : performance analytique de l’architecture a vis-à-vis du critère numéro i
vi(a) : valeur de la performance de l’alternative a vis-à-vis du critère numéro i, il s’agit de vi(gi(a))

(1) Les grandes familles de méthodes

Comme nous l’avons représenté en Figure 71, les méthodes de prise de décision se classent en 3
grandes catégories distinctes mais qui peuvent être complémentaires.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 102 / 157
Méthode
Méthode basée
basée sur
sur
l’efficience
l’efficience de
de Pareto
Pareto

Méthode
Méthode àà critère
critère Modèle Modèle de
d’agrégation comparaison
unique
unique de
de synthèse
synthèse

Méthode
Méthode de
de Modèle de Modèle
surclassement
surclassement comparaison d’agrégation

Figure 71 – Les grandes familles de méthode d’aide à la décision

- La méthode de l’efficience de Pareto


Cette méthode se base sur la caractérisation d’un ensemble d’alternatives dites efficaces au sens
de la dominance de Pareto. Celui-ci contient l’ensemble des alternatives pour lesquelles
l’amélioration des performances sur un critère entrainerait une diminution des performances sur
au moins un autre critère. L’inconvénient de cette méthode, c’est que dans des problèmes à fort
nombre de critères, un grand nombre de concepts appartiennent au front de Pareto. Il
conviendrait donc alors d’utiliser une seconde méthode d’aide à la décision pour discriminer ces
concepts optimum au sens de Pareto.

- Les méthodes à critère unique de synthèse (agréger puis comparer)


Il s’agit dans cette famille de méthode d’utiliser un modèle d’agrégation pour synthétiser les
performances des critères en un indicateur unique. Cela ramène donc le problème initialement
multi critères en un problème uni critère pour lequel la prise de décision est aisée. D’où son
appellation « Agréger puis comparer ». La difficulté dans ces méthodes réside dans le modèle
d’agrégation qui doit proposer une synthèse représentative des performances des alternatives et
des préférences du décideur.

- Les méthodes de surclassement (comparer puis agréger)


Cette famille de méthodes s’appuie tout d’abord sur une comparaison des performances des
alternatives critère par critère. Ceci permet d’avoir une bonne prise en compte de l’aspect
multicritère du problème de décision. Ces informations relatives à chaque critère sont ensuite
synthétisées via des méthodes d’agrégation complexes. On parle donc de méthode « Comparer
puis agréger ». L’inconvénient de cette famille de méthode provient principalement de la
complexité du modèle d’agrégation permettant la prise de décision finale.

(2) Méthode d’efficience de Pareto

La méthode d’efficience de Pareto est basée sur la relation de dominance entre les alternatives. Elle a
été introduite par V. Pareto en 1986. Cette relation est définie par l’équation suivante, où
gi(a) représente la performance de l’alternative a pour le critère numéro i.

(III-5)

Cette relation de dominance peut se traduire en français par : « domine si et seulement si est
meilleure ou égale à sur tous les critères sauf au moins un où est strictement meilleure que ».

On constate tout d’abord qu’il n’est pas raisonnable, dans notre cas, de s’attendre à trouver une
alternative qui dominerait toute les autres. Nous nous intéresserons plutôt aux alternatives qui sont
non dominées par toutes les autres alternatives. Cet ensemble, appelé solutions efficaces ou front de
Pareto, donne les alternatives pour lesquelles l’amélioration d’un critère entrainerait nécessairement
une dégradation de performances sur un autre critère.

Les avantages de cette approche par efficience de Pareto sont :


- Il n’y a pas besoin de calculer de pondération sur les critères.
- Les évaluations de performances des alternatives vis-à-vis des critères n’ont pas besoin
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 103 / 157
d’être exprimées de manière quantitative et précise. Il suffit simplement de pouvoir dire si une
notation est meilleure qu’une autre. Ainsi, une échelle de notation qualitative peut être
suffisante.
L’inconvénient principal de cette méthode c’est qu’elle ne permet pas de discriminer les alternatives
du front de Pareto. Cette méthode répond en effet à un problème de tri (cf. paragraphe I(3)) entre
deux ensemble alternatives dominées et alternatives non-dominées. Si l’ensemble des alternatives
non-dominées est trop grand au sens de l’attente des décideurs, une autre méthode d’aide à la
décision devra être mise en œuvre au sein de cet ensemble.

(3) Description des méthodes à critère unique de synthèse (agréger puis comparer)

Ces méthodes reposent sur l’agrégation des informations multi-critères de chaque alternative, en un
critère unique de synthèse la caractérisant.

(a) AHP : Analytical Hierarchy process


La méthode AHP (Analytical Hierarchy Process) a été introduite par (Saaty 1980). Cette méthode est
basée sur des techniques de pondération, comme nous l’avons présenté au paragraphe II.C.1.b)(2). Il
s’agit en effet de calculer des pondérations pour :
- Chaque alternative pour un critère donné. Cela donne lieu à l’application d’une méthode de tri
croisé, qui doit être renouvelée pour chaque critère (soit n fois). Cette étape permet d’obtenir
une matrice des préférences relatives de chaque alternative, pour chaque critère.
- Chaque critère relativement à l’objectif global. Il s’agit ici classiquement de pondérer les
différents critères vis-à-vis des objectifs fixés par les décideurs.
Une fois ces deux pondérations effectuées, l’agrégation est effectuée en utilisant une des techniques
des méthodes suivantes.
Dans notre cas comportant de nombreuses alternatives et critères, l’inconvénient principal de cette
méthode c’est de devoir comparer les alternatives deux à deux pour chaque critère, ce qui est trop
gourmand en temps.

(b) MAUT : Multiple Attribute Utility Theory


Cette méthode, introduite par (Keeney & Raiffa 1976), consiste à agréger tous les critères en une
seule dimension, appelée fonction d’utilité. Ainsi, la méthode MAUT consiste principalement à trouver
l’opérateur d’agrégation qui représentera le mieux les préférences du décisionnaire. De nombreuses
formes existent pour cet opérateur d’agrégation. Nous en présentons ici deux des plus utilisées. Pour
plus d’informations sur les autres méthodes d’agrégations on pourra se référer à (Grabisch 2005).
- Forme additive
Aussi appelée SAW (Simple Additive Weighting method), elle a été utilisée pour la première
fois par (Churchmann & Ackoff 1954), soit bien avant la théorie MAUT, c’est la méthode
d’aide à la décision la plus simple.

(III-6)

- Forme multiplicative
Cette formulation est utilisée dans le cas où la condition de l’équation (III-6) n’est pas vérifiée.
Dans ce cas, la fonction d’utilité est donnée par :

(III-7)

où K est l’unique racine réelle non nulle et supérieure à -1 de l’équation :

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 104 / 157
(III-8)

Comme le remarquent les auteurs de (Grabisch 2005), une attention toute particulière devra être
apportée quant à la commensurabilité des valeurs des différents critères.

(c) TOPSIS : Technique for Order Preferences by Similarity to an


Ideal Solution
Cette technique a été introduite par les auteurs de (Hwang & Yoon 1981).
L’utilité de l’alternative a se construit ici par comparaison entre :
- La distance (notée d+(a)) de l’alternative a avec une solution idéale (notée a+)
- La distance (notée d-(a)) de l’alternative a avec une solution anti-idéale (notée a-)
Il est donné par l’équation :
(III-9)

Ces distances sont calculées comme suit :

(III-10)

(III-11)

Avec :

(III-12)

Enfin, les alternatives idéales et anti-idéales se caractérisent par les meilleures performances et,
respectivement, les moins bonnes performances, que prennent les alternatives de A pour chaque
critère. Cela donne :

(III-13)

Comme le font remarquer les auteurs de (Martel & Roy 2006), le défaut inhérent à la méthodologie
TOPSIS est que la modification, l’ajout ou le retrait d’une alternative peut potentiellement modifier le
résultat de la prise de décision sur les autres alternatives. En effet, cela implique une modification de
gi²(A) qui se répercute sur u(a) via d+(a) et d-(a).

A l’inverse, le fait de comparer les performances de chaque alternative à la meilleure ou la moins


bonne performance observée permet à la méthode TOPSIS de s’affranchir de la commensurabilité
entre les échelles des différents critères.

(4) Description des méthodes de surclassement (comparer puis agréger)

Ces méthodes reposent sur le concept de surclassement qui peut être défini selon (Grabisch 2005)
comme de la manière suivante. On dit que le concept a surclasse le concept b (a suclasse b est noté
aSb) s’il y a suffisamment d’arguments pour admettre que a est au moins aussi bonne que b, sans qu’il
y ait de raisons importantes pour refuser cette affirmation.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 105 / 157
Comme l’explique l’auteur de (Grabisch 2005), les méthodes de surclassement ont pour avantage
principal de faire disparaitre tout problème de commensurabilité. En effet, les préférences sont par
construction homogènes entre elles dans ce type de méthodes. L’inconvénient de ces méthodes
réside dans l’établissement d’un ordre total ou partiel, suite à l’agrégation des préférences. Pour plus
de détails, on pourra lire le paragraphe sur le théorème d’Arrow de (Grabisch 2005).

(a) ELECTRE : Elimination Et Choix Traduisant la Réalité

ELECTRE est une véritable famille de méthodes à part entière dont nous présentons les plus
courantes dans le Tableau 14. Elle a été proposé par (Roy 1968).

Tableau 14 - Méthodes les plus courantes de la famille ELECTRE

Type de problématique Méthode


ELECTRE I
Problématique de choix ELECTRE Iv
ELECTRE Is
ELECTRE Tri-B
Problématique de classification
ELECTRE Tri-C
ELECTRE II
Problématique de classement ELECTRE III
ELECTRE IV

Nous présentons dans ce paragraphe les grandes lignes de cette famille de méthodes. Pour plus
d’informations sur ces méthodes, on pourra se référer à (Figueira, Mousseau, et al. 2005).

ELECTRE I
La proposition « a suclasse b » (aSb) est validée si et seulement si trois conditions sont satisfaites : la
concordance, la discordance et le non véto.

- Concordance :
On définit l’indice de concordance c(a, b), qui mesure à quel point a est au moins aussi bon que b. Cet
indice est défini par :

(III-14)

Où :

- Discordance
On définit l’indice de discordance d(a, b) qui mesure à quel point a ne surclasse pas b. Cet indice est
défini par :

(III-15)

Où :

- Non véto
Le véto est là pour empêcher la relation de surclassement (aSb) dans le cas où un critère serait trop
en désaccord avec cette proposition. Le véto est utilisé lorsque :

(III-16)
Où vi(gi(a)) est appelé seuil de véto.

Dans le cas où la condition de véto est respectée, et si et alors a surclasse b.


Sinon a ne surclasse pas b.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 106 / 157
Avec :
 c* est appelé niveau de concordance. Il s’interprète comme un niveau minimum de majorité
requis pour valider la préférabilité de l’alternative a sur l’alternative b.
 d* est appelé niveau de discordance. Il s’interprète comme le niveau maximum de
discordance vis-à-vis de la proposition « a surclasse b » pour que cette dernière puisse être
considérée vraie.

Ainsi, il convient de définir :


- Un niveau de concordance c*
- Un niveau de discordance d*
- Une fonction seuil de véto par critère vi(gi(a)).

ELECTRE II
Cette deuxième version introduit la possibilité de discriminer les concepts candidats via l’introduction
des relations de surclassement faible et fort. De plus, une contrainte supplémentaire a été ajoutée sur
la relation de préférence. Pour que a soit préférée à b, il faut que et .

ELECTRE III
La troisième version de la méthode ELECTRE permet d’introduire des incertitudes dans le choix du
niveau de concordance et le seuil de veto. Ceci est effectué via l’introduction de deux seuils :
- Un seuil d’indifférence : permettant à deux alternatives dont les performances sont proches
d’être indifférentes
- Un seuil de préférence : permettant à une alternative d’être strictement préférée à une autre
dans le cas où leur écart de performance est suffisamment important.

(b) PROMETHEE

Cette méthode fût introduite par le travail de (Brans et al. 1984). Elle est basée sur la généralisation
de la notion de critère.

La différence de performance de l’alternative a par rapport à l’alternative b est exprimée sous forme
d’un index de préférence :

(III-17)

où fi(a,b) est la fonction de préférence. Elle peut être définie de plusieurs manières que nous ne
détaillerons pas ici. Dans tous les cas, elle est l’image de la différence de performances de
l’alternative a et b vis-à-vis du critère numéro i. Pour plus d’information concernant les fonctions de
préférences, on pourra consulter (Tzeng & Huang 2011).

On en déduit alors les flux de préférence entrants et sortants :

(III-18)

Les relations de préférence sont alors déduites de ces flux entrants et sortants :

(III-19)

(III-20)

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 107 / 157
On définit également le flux de préférence net :

(III-21)

Ces concepts sont communs à toutes les versions de la méthode PROMETHEE. Leurs différences
proviennent de la manière de définir la relation de préférence en fonction de ces outils que sont les
relations de préférence et d’indifférence.

PROMETHEE I
Dans la méthode PROMETHEE I, trois relations distinctes sont définies :
- La préférence, notée
- L’indifférence, notée
- L’incomparabilité, notée .

Les cas dans lesquels une alternative est préférée, indifférente ou incomparable à une autre sont
donnés dans le Tableau 15 ci-dessous.

Tableau 15 – Définition des relations de préférence et d’indifférence de PROMETHEE I

Autre

Autre

On constate que la méthode PROMETHEE I fournit un pré-ordre partiel, du fait de l’incomparabilité de


certaines alternatives.

PROMETHEE II
Cette méthode reprend le principe PROMETHEE I, mais en fournissant un pré-ordre total. La
préférence et l’indifférence sont alors définies comme suit :

(III-22)

PROMETHEE III
Cette méthode introduit un intervalle de neutralité entre les valeurs des flux de préférences des
alternatives. Elles permettent à des alternatives qui ont des flux très proches mais pas
nécessairement égaux de pouvoir tout de même être considérés comme indifférents. En effet, dans
PROMETHEE II, une telle situation mènerait à ce que l’alternative avec le flux net légèrement
supérieur soit préférée à celle ayant un flux légèrement inférieur.

Cet apport de PROMETHEE III nous semble essentiel étant donné qu’il nous rapproche de ce que
nous pensons intuitivement : « deux alternatives dont les flux nets sont proches sont similaires ».

PROMETE IV
Cette méthode reprend les avancées de PROMETHEE III en les étendant au cas d’un nombre infini
d’alternatives. Ceci étant en dehors du cadre de nos travaux, nous ne détaillerons pas cette approche.
On pourra consulter les travaux de (Tzeng & Huang 2011) pour plus d’informations.

(c) Prise en compte des incertitudes

Comme l’explique l’auteur de (Moullec 2014), les incertitudes devraient être prises en compte en
conception d’architecture. En effet, ces phases de conception préliminaire ne comportent que peu de
données qui ne varieront pas au cours du processus de conception.

Etant donné le temps borné de ces travaux de thèse, nous ne pourrons pas y intégrer la prise en
compte des incertitudes. Nous donnons tout de même les pistes bibliographiques permettant
d’approfondir cet aspect. Il y a dans la littérature plusieurs approches pour la prise en compte

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 108 / 157
d’incertitude en conception préliminaire. Parmi elles, on compte :
- Logique floue (Zadeh 1988) : beaucoup de méthodes précédemment décrites ont leur
variantes en logique floue. Pour plus de détails, on pourra lire (Tzeng & Huang 2011). Pour
aller plus loin, une logique floue de type 2 peut être utilisée pour refléter l’attitude optimiste ou
pessimiste du décideur. Cela a été fait, par exemple chez (Akay et al. 2011).
- Réseau de Neurones (Haykin 1994) : un exemple plus récent peut être donné avec les
travaux de (Huang et al. 2006) qui utilisent un réseau de neurones pour la prise de décision.
- Réseaux Bayésiens (Jensen & Nielsen 2007). Plus récemment, les travaux de (Moullec 2014)
utilisent les réseaux bayésiens pour la sélection d’architectures de systèmes complexes, en
prenant en compte les incertitudes.

II.C.4.b) Synthèse des comparaisons de méthodes


MADM dans la littérature

Ce paragraphe a pour but de répertorier les comparaisons qui ont été faites dans la littérature
concernant les méthodes MADM.

Le cadre de comparaison proposé par les auteurs de (Craisse et al. 2016) nous parait intéressant car
il s’applique à l’évaluation d’alternatives d’architectures de systèmes techniques : les sous-systèmes
d’un avion. En ce sens, le problème proposé contient des similarités avec notre cas d’étude qui
permettent d’établir un parallèle pertinent :
- Structure hiérarchique du problème : comme nous, les critères d’évaluations sont organisés
de manière hiérarchique. En effet, les critères de haut niveau sont déclinés en critères
techniques.
- Grand nombre d’alternatives : l’approche devra donc être sobre en calculs, et particulièrement
en sollicitation des experts pour évaluer les alternatives. On pense par exemple à la méthode
AHP qui est particulièrement demandeuse dans ce domaine.
- Facilité d’utilisation car pour une utilisation par des ingénieurs non spécialistes des MADM.

Figure 72 - Comparaison de différentes méthodes tirée de (Craisse et al. 2016)

Nous présentons en Figure 72 le comparatif réalisé par les auteurs de (Craisse et al. 2016). Leur
conclusion a été la sélection de la méthode Additive (SAW) qui leur apparait comme simple à utiliser,
sobre en calculs, adaptée à des problèmes hiérarchiques et enfin l’absence d’effet d’anomalie de
15
classement . Ce dernier critère semble capital pour les auteurs de l’étude, éliminant de ce fait la
méthode TOPSIS pourtant couramment utilisée (Kirby 2001; Biltgen & Mavris 2007b; Engler et al.
2007; Tran 2010). Cette anomalie provient du fait que l’ajout ou le retrait d’une alternative influe sur le
classement des autres alternatives. Néanmoins, comme l’expliquent les auteurs de (Wang & Luo
2009) dans leurs travaux, les méthodes AHP et TOPSIS ne sont pas les seules à produire cet effet
d’anomalie de classement. Ils montrent en effet que ce phénomène existe également dans les
méthodes SAW, avant de conclure que ce phénomène qui se produit dans de nombreuses méthodes
de décision devrait être considéré comme normal et non comme un biais.

Les travaux de (Tran 2010) ont été l’occasion de comparer 3 méthodes de prise de décision que sont
16
SAW, WP et TOPSIS. Ces travaux ont été menés dans un cadre technique de sélection d’interface

15
Nous utilisons « anomalie de classement » pour traduire « ranking reversal ».
Weighting Product Method, Méthode de produit pondéré. Il s’agit d’une méthode proche de la méthode
16

SAW mais où les performances à chaque critère sont élevées au poids de ce critère avant d’être multipliées.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 109 / 157
pour terminaux mobiles. L’auteur a montré que, même si l’anomalie de classement était certes plus
prononcée dans la méthode TOPSIS que dans les autres, cette dernière restait néanmoins plus
précise pour identifier le rang de chaque alternative.

Les auteurs de (Aruldoss et al. 2013) montrent dans leur revue des méthodes de prise de décision
multi critères que les méthodes ELECTRE, TOPSIS et Grey Theory ont été largement utilisées.
D’après les auteurs, elles répondent chacune à un problème spécifique :
- ELECTRE pour des problèmes de type choix (cf. I(3) pour la classification des problèmes de
décision)
- TOPSIS pour des problèmes de classement (cf. I(3) pour la classification des problèmes de
décision)
- Grey Theory pour les problèmes où les données disponibles sont incomplètes.

Les travaux de (Lo 2013) apportent un nouvel éclairage à notre choix de méthode d’aide à la décision.
Il distingue selon que les informations que le décideur a sur les alternatives soient :
- Précises, dans ce cas l’auteur recommande la méthode MAUT qui a l’avantage d’être simple
et bien connue. Il déconseille tout de même l’utilisation de l’opérateur d’agrégation de type
somme pondérée du fait de son fort effet compensatoire, et recommande l’utilisation de la
moyenne géométrique à la place.
- Imprécises, dans ce cas, l’auteur conseille deux méthodes, qu’il juge néanmoins mal
adaptées aux problèmes comportant un nombre élevé (> 10) de critères ou d’alternatives. Il
s’agit de :
o La méthode AHP qui est simple mais qui utilise une agrégation de type somme
pondérée, entrainant les problèmes de compensation déjà évoqués. Cette méthode
est simple mais semble mal adaptée si le nombre de critères ou d’alternatives est
élevé (>10). On y retrouve toujours agrégation potentielle par somme pondérée
o Méthode Macbeth : Elle intègre la détection des incohérences, des interactions avec
l’utilisateur et l’analyse sensibilité et robustesse. Cependant, elle reste mal adaptée si
nombre de critères ou alternatives est élevé (>10).

Enfin, l’auteur de (Mammeri 2013), qui propose une approche de MADM pour l’évaluation du confort
des trains a quant à lui sélectionné :
- Une méthode à critère unique de synthèse : l’intégrale de Choquet (Choquet 1954), pour sa
capacité à modéliser les interactions entre critères
- Et une méthode de surclassement : la méthode ELECTRE Tri car elle est, selon l’auteur, la
principale méthode de surclassement permettant d’obtenir un tri.

On notera finalement que les auteurs de (Kirby 2001; Biltgen & Mavris 2007b; Engler et al. 2007), dont
les thématiques sont proches des nôtres, ont utilisé la méthode TOPSIS, sans nécessairement
motiver leur choix.

II.C.4.c) Choix de la méthode de MADM

A la suite de la synthèse de la littérature, effectuée dans le paragraphe précédent, un certain nombre


de conclusions apparaissent :
- Concernant les méthodes de synthèse :
o La méthode AHP semble écartée. En plus d’être substantiellement plus longue à
mettre en œuvre que les autres méthodes, elle souffre d’importantes anomalies de
classement.
o La méthode TOPSIS est également une bonne candidate pour notre application.
Forte d’une large sélection dans des travaux antérieurs, elle présente une bonne
précision de classement malgré des anomalies que nous jugeons « normales » au
sens de (Tran 2010).
- Méthode de surclassement : La méthode ELECTRE semble être plébiscitée au sein de cette
famille (Mammeri 2013; Aruldoss et al. 2013). Néanmoins, relativement peu d’études ont été
menées sur ce type de méthodes, ce qui fragilise cette conclusion.

Pour la suite de nos travaux, nous considèrerons la méthode TOPSIS, étant donné sa simplicité de
mise en œuvre et la pertinence de ses résultats. Nous les comparerons dans la suite de nos travaux à
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 110 / 157
la méthode MAUT, qui consiste en la moyenne pondérée classiquement utilisée en ingénierie.
Nous n’avons pas retenu de méthodes de surclassement du fait de leur complexité de mise en œuvre
qui imposerait l’utilisation d’un logiciel dédié. Ces méthodes sont également plus demandeuses en
termes de données de sélection de type seuils d’indifférence, de préférence et de véto, augmentant
encore le temps de mise en œuvre de la méthode.
Enfin, les méthodes d’efficience de Pareto n’ont pas été retenues pour notre étude. Du fait de
l’imprécision relative de l’évaluation des alternatives qui pourrait nous conduire à considérer tout de
même des alternatives dominées dans la sélection finale. Nous pensons notamment au cas où une
alternative a dominerait une alternative b pour une note supérieure de quelques pourcent sur chaque
critère. Dans notre cadre d’étude, l’alternative b doit être considérée du fait des incertitudes sur les
notations des alternatives. Cette approche par efficience de Pareto est mieux adaptée à un cadre
d’optimisation pur dans lequel le jeu de paramètres b devrait être écarté.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 111 / 157
III. Méthodologie proposée
Cette partie présente la méthodologie qui, suite à la revue de l’état de l’art, a été proposée et mise en
œuvre dans le cadre des travaux de thèse.

III.A. Processus
Nous avons représenté en Figure 73 le processus que nous avons proposé et mis en œuvre dans le
cadre des travaux de thèse.

Briques
Analyse des alternatives
Evaluation préliminaire
d’architectures
(Chapitre 2) des briques

Critères Techniques Analyse Agrégation des briques


(Chapitre 1) des briques en alternatives
Critères Matrice de Critères
Techniques Techniques
compatibilité

Alternatives
Briques

Performances Performances

Matrice de décision

Contraintes du cahier Prise de Meilleures


des charges du projet décision alternatives
Pondération Relation entre les critères
critères clients clients et techniques
Critères
Techniques
Critères

Relation
Client

entre les
critères
Pondérations des critères QFD

Figure 73 - Vue d'ensemble du processus de de sélection d'architecture

Comme nous l’avons représenté dans la partie supérieure de la Figure 73, nous avons choisi de
travailler jusqu’au dernier moment avec les briques d’alternatives, et non les alternatives elles-mêmes.
Cette position s’explique par le fait que le nombre de briques est raisonnable (45) alors que le nombre
d’alternatives est bien plus grand (plus de 20 000). Ainsi, il est possible de considérer chaque brique
d’alternative individuellement, ce qui serait impossible en raisonnant directement sur les alternatives.

On peut constater dans le processus de sélection d’architectures proposés que la sélection par
matrice de compatibilité arrive relativement tardivement. Ceci peut paraitre en contradiction la
démarche du Chapitre 2 dans lequel la matrice de compatibilité avait d’ores et déjà été utilisée dès
l’étape de génération des architectures, soit bien en amont du processus de sélection. Cette
apparition tardive de la matrice de compatibilité dans le processus de sélection s’explique par un gain
de temps. En effet, le fait de procéder à l’étape d’ « Evaluation préliminaire des briques » avant de
remplir la matrice de compatibilité permet de réduire le nombre de briques à considérer. Ceci entraine
alors une diminution de la taille de la matrice de compatibilité, et donc un gain de temps pour les
utilisateurs.

III.B. Les critères d’évaluation


Ce paragraphe concerne la partie « Pondération des critères » de la démarche représentée en Figure
73. Nous avons choisi de considérer les deux types de critères d’évaluation (technique et client),
introduits au paragraphe II.C.1.a) :
- Les critères de niveau client nous ont été directement transmis par l’entité en charge des
avant-projets de l’entreprise. Cette entité possède une bonne vision des critères d’évaluation
des moteurs par les clients, ainsi que de leurs importances relatives. Ils nous ont ainsi fournit

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 112 / 157
les pondérations des critères de niveau client.
- Les critères d’évaluation technique du système carburant ont été définis directement à partir
des besoins exprimés par les parties prenantes (voir Chapitre 1). Les pondérations des
critères techniques, qui serviront directement à l’évaluation des briques et des architectures, a
été effectuée par déclinaison des poids des critères clients, comme présenté au paragraphe
II.C.1.b)(4). Cette approche consiste à répartir les poids des critères clients vers les critères
techniques via la prise en compte de la contribution de chaque critère technique à chaque
critère client.

III.C. Evaluation préliminaire


L’objectif de cette étape est de réduire le nombre d’alternatives en écartant, le plus tôt possible, celles
dont on sait qu’elles seront irréalisables ou qu’elles ne répondront pas au besoin. Dans un contexte
d’innovation de rupture où le champ des possibles doit être élargi au maximum, cette évaluation
préliminaire devra être effectuée avec précaution. En effet, elle ne permettra d’écarter que les
alternatives clairement non fonctionnelles ou infaisables. Cette étape d’évaluation préliminaire ne
dressera en aucun cas une liste exhaustive des alternatives à écarter.

Des modèles de prédimensionnement des sous-systèmes seront mis en place, afin d’en déterminer
les grandeurs caractéristiques. Ces briques seront ensuite validées ou écartées sur un jeu réduit de
critères fonctionnels ou de fabricabilité, par exemple.

III.D. Analyse des alternatives


III.D.1. Analyse des briques
Comme expliqué au paragraphe II.C.3.b), dans notre cas, l’analyse des briques d’alternatives sera
effectuée de manière qualitative par consultation d’experts. Cette étape consiste donc à remplir la
matrice que nous avons représentée en Tableau 16.

Tableau 16 - Tableau d’analyse des performances des briques d’alternatives


Critère n
Critère 1
Critère 2
Critère 3

Code
Fonctions

brique

R11
R12
Répartir
R21
R22
D13
D14
Doser D31
D32
D33
… …

Chaque brique d’alternative, identifiée par un code unique, est évaluée selon chaque critère
(numéroté ici de 1 à n) et par rapport à une brique de référence. Cette dernière est reconnaissable à
sa ligne colorée et au symbole « » apposé à la suite de son code. Ces briques de référence
constituent l’alternative « état de l’art » chez Safran Helicopter Engines. L’évaluation de chaque brique
est effectuée par l’attribution d’une note, selon l’échelle de notation que nous avons choisie. Cette
dernière est représentée en Tableau 17. Il s’agit d’une échelle de notation :
- Relative : les briques sont évaluées selon leur potentiel à améliorer (opportunité) ou à
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 113 / 157
détériorer (risque) la performance actuelle, représentée par les briques de référence.
- Qualitative : le jugement n’est pas donné sous forme quantitative mais bien qualitative (fort
potentiel, potentiel moyen, faible potentiel). Même si elles sont numériques (de -3 à +3), les
notes représentent des niveaux qualitatifs : 1 pour faible, 2 pour moyen, 3 pour fort ainsi que +
pour une amélioration et - pour une détérioration.
- A 7 niveaux : la notation retenue est composée de 7 niveaux. Comme nous l’avons expliqué
au paragraphe II.C.3.d), cette échelle constitue, à priori, un bon compromis entre complexité
de la notation et précision des informations disponibles (jugement qualitatif des experts).

Tableau 17 - Echelle d'évaluation des briques d'alternatives

Type Description Note


Fort potentiel d’amélioration +3
Opportunité Potentiel d’amélioration moyen +2
Faible potentiel d’amélioration +1
Pas d'amélioration ni de détérioration 0
Faible potentiel de détérioration -1
Risque Potentiel de détérioration moyen -2
Fort potentiel de détérioration -3
Pas de lien fonctionnel NA

III.D.2. Agrégation des briques en alternatives


Cette étape consiste à assembler les différentes briques pour former des alternatives. La démarche
mise en œuvre pour effectuer cette agrégation a été présentée au paragraphe IV.C du Chapitre 2. Du
point de vue de l’évaluation des alternatives, les aspects de compatibilité des briques entre elles, ainsi
que d’agrégation des notes de briques en notes alternatives doivent être considérés.

III.D.2.a) Compatibilité entre les briques

L’agrégation des différentes briques pour former des alternatives doit tout d’abord s’intéresser à la
compatibilité entre les différentes briques. Cela revient à se demander quelles sont les briques qui
peuvent, ou non, être assemblées au sein d’une même alternative. Les détails sur cette activité ont
été donnés lors de la génération des architectures, dans la partie IV.C.3 du Chapitre 2. Le résultat est
la matrice de compatibilité des briques.

III.D.2.b) Agrégation des notes des briques

Cette étape consiste à déterminer les notes de chaque alternative à partir des notes des briques,
comme nous l’avons représenté en Figure 73. Nous avons utilisé l’opérateur somme, présenté au
paragraphe II.C.3.c), auquel nous avons ajouté une notion de pondération pour chaque fonction. Ceci
permet de prendre en compte, pour chaque critère, l’impact de chaque fonction dans l’évaluation de
l’alternative globale. Ces pondérations ont été prises en compte via une matrice d’agrégation des
notes, représentée en Figure 74. Pour chaque critère, un poids est attribué à chaque fonction,
représentant sa contribution à la note finale de l’alternative. Pour chaque critère, la somme des poids
attribués aux différentes fonctions doit être de 100%.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 114 / 157
Critère n
Critère 1

Critère 2

Critère 3


Fonctions

Répartir 0%
Doser X%
Conditionner X%
Pompe 2 X%
Pompe 1 X% La somme fait
Add-On X% 100%
Commander 0%
Cm Add-On 0%
Thermique X%
Figure 74 – Matrice d’agrégation des notes

Pour le remplissage de cette matrice, des méthodes de types tri-croisés ou tri simple peuvent être
utilisées, comme nous l’avons décrit au paragraphe II.C.1.b)(1). En pratique, étant donné que le
17
nombre de fonctions est raisonnable , ces poids ont été déterminés directement.

III.D.3. Prise en compte des contraintes du cahier des


charges
Alors que la démarche de génération des alternatives est basée sur des critères et des briques
d’architectures génériques, la prise de décision doit être faite dans le cadre d’un projet particulier,
ayant ses propres besoins et contraintes. Cela consiste à sélectionner, parmi les briques et critères
génériques, les éléments pertinents pour un projet donné. Comme nous l’avons vu au paragraphe
III.B, la sélection des critères est faite via l’utilisation de règles métiers. Il en va de même pour les
briques, qui peuvent être sélectionnées ou écartées avant même le processus de décision, afin de
satisfaire les contraintes du cahier des charges du projet considéré.

III.E. Prise de décision


Pour la prise de décision, deux méthodes d’aide à la décision ont été utilisées : TOPSIS et MAUT.
Comme nous l’avons vu au paragraphe II.C.4.b), ces deux méthodes possèdent l’avantage d’être
faciles à comprendre et à utiliser. L’utilisation de ces deux méthodes s’est avérée fructueuse car elles
ne mettent pas nécessairement en avant les mêmes types d’architectures. Ceci permet d’apporter une
certaine diversité aux architectures sélectionnées.
Pour analyser les résultats de ces deux méthodes, nous avons proposé et mis en œuvre deux
approches complémentaires :
- Une approche topologique, basée sur la répartition des architectures sur une échelle de
valeur que nous avons définie
- Une approche analytique, basée sur les briques et associations de briques présentes dans les
meilleures architectures.
Cette démarche ainsi que les résultats obtenus dans notre cas d’étude sont détaillés au paragraphe
IV.D.

Pour un critère donné, le nombre de fonctions à comparer est d’autant plus faible que toutes les fonctions
17

ne sont pas forcément contributrices. Plus de détails est donné au paragraphe IV.C.2.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 115 / 157
IV. Mise en œuvre chez Safran Helicopter Engines
Ce paragraphe présente notre mise en œuvre chez Safran Helicopter Engines de la méthodologie
proposée dans le paragraphe III. Il expose en particulier les leçons apprises au cours de cette
expérience. La mise en œuvre de cette méthodologie a permis, à partir des 1 140 480 architectures
potentielles, générées à partir des 54 briques présentées au Chapitre 2, de sélectionner une dizaine
d’architectures. La méthodologie a été appliquée en utilisant le cahier des charges du système
carburant d’un moteur développé récemment. Ceci a permis de comparer les architectures proposées
avec l’architecture qui a été retenue au moment de sa conception.

IV.A. Les critères d’évaluation


IV.A.1. Présentation des critères d’évaluation utilisés
Les critères techniques et clients que nous avons définis dans nos travaux sont présentés en Tableau
18 et Tableau 19 respectivement.

Tableau 18 - Liste des critères d'évaluation techniques

Catégorie Critères d’évaluation techniques


Capacité d’aspiration
Capacité d’amorçage
Précision de dosage
Contrôle de l'homogénéité aux injecteurs
Performances
Réponse dynamique
Fonctionnement sans additif anti-givre
Minimisation des rejets (drains et fuites)
Démarrage rapide et fiabilisé
Facilité d'intégration d'une purge
Compatibilité GV hydrauliques
Compatibilité
Potentiel à refroidir l'huile
Présence d'un clapet de pied
Masse
Physique
Coût d'achat
Navigabilité Capacité à interrompre de manière sûre le débit carburant
Tolérance aux pannes (dispatch)
Maintenance et Accessibilité
Sûreté de Capacité à surveiller le système
fonctionnement Fiabilité (MTBUR)
Coût de réparation

Les critères d’évaluation techniques sont issus de l’analyse des besoins conduite lors du Chapitre 1.
On constate que les critères d’évaluation client sont composés de critères d’appréciation mais aussi
de points importants et de facteurs d’échec.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 116 / 157
Tableau 19 – Liste des critères d'évaluation client

Catégorie Critères d’évaluation Client


Sécurité des vols
Disponibilité
Critères
Coût d'opération
d'appréciation
Coût d'acquisition
client
Confort de maintenance
Performances
Points Température minimale de fonctionnement sans additif AG
importants Fonctionnement sans pompe(s) de gavage
Facteur d'échec Masse

Au total, on dénombre ainsi 20 critères techniques et 10 critères clients. Un des intérêts de notre
étude d’architectures est de prendre en compte les nombreux critères techniques, représentatifs des
attentes principales des parties prenantes. Ce point a été développé au paragraphe I(1). Cependant,
ce nombre important de critères est un désavantage car il alourdit et rallonge les étapes d’analyse des
alternatives.

IV.A.2. Pondération des critères d’évaluation


Comme nous l’avons présenté au paragraphe III.B, les pondérations des critères d’évaluation client
nous ont été directement fournies par le service des avant-projets de l’entreprise.

CRITERES EVALUATION CLIENT


XX% XX% XX% XX% XX% XX%

Coût Coût Confort de


CRITERES EVALUATION TECHNIQUE Safety Disponibilité Performances
d'opération d'acquisition maintenance

Capacité d’aspiration XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%


Capacité d’amorçage XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Précision de dosage 0% 0% 0% 0% 0% 28% 1%
Contrôle de l'homogénéité aux injecte XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Performances
Réponse dynamique XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Fonctionnement sans additif anti-givrXX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Minimisation des rejets (drains et fui XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Démarrage rapide et fiabilisé XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Facilité d'intégration d'une purge XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Compatibilité GV hydrauliques XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Compatibilité
Potentiel à refroidir l'huile XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Présence d'un clapet de pied XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Masse XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Physique
Coût d'achat XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Capacité à interrompre de manière
Navigabilité XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
sûre le débit carburant
Tolérance aux pannes (dispatch) XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Maintenance et Accessibilité XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Sûreté de Capacité à surveiller le système XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
fonctionnement Fiabilité (MTBUR) XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%
Coût de réparation XX% XX% XX% XX% XX% XX% XX%

Figure 75 – Aperçu de la matrice servant à la pondération des critères techniques à partir des pondérations des
critères client

Pour ce qui est des pondérations des critères techniques, nous avons choisi de les déduire de ces
critères d’évaluation client, via la méthode de déclinaison hiérarchique des pondérations, développée
au paragraphe II.C.1.b)(4). La matrice servant à l’implémentation de la méthode est présentée en

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 117 / 157
Figure 75. Par mesure de confidentialité, les valeurs ont été masquées. Nous avons simplement
gardé celle de la ligne « Précision de dosage », qui servira d’exemple par la suite. En colonne sont
représentés les critères clients (en vert) et en ligne les critères techniques (mauve). Une fois la
matrice remplie, les pondérations des critères clients sont entrés dans les cases bleues, et les
pondérations des critères techniques obtenues par somme pondérée en colonne rouge. Cette
approche s’est naturellement imposée car elle reflète rigoureusement les préférences des clients
finaux. Cependant, nous avons constaté lors de son application qu’une grande partie des poids (55%)
se concentre sur les 5 critères de la catégorie « Maintenance et Sûreté de fonctionnement », tandis
que les 8 critères de la catégorie « Performances » ne recouvrent que 24% des préférences. Cette
répartition nous parait cohérente étant donné les fortes attentes en termes de fiabilité et surveillance
des systèmes aéronautiques. Cependant, du point de vue des experts circuit carburant, certains
critères techniques se retrouvent sous-représentés.

Figure 76 - Répartition des pondérations des critères techniques par catégories

C’est notamment le cas du critère technique « Précision de dosage », qui reçoit une pondération de
1%, jugée trop faible du point de vue des experts circuit carburant. Ce décalage entre le ressenti des
concepteurs et celui du client peut s’expliquer de deux manières.

1- Dissymétrie entre améliorations et détériorations de performance


La première façon d’expliquer cette différence de préférence entre les concepteurs et les clients
concernant le poids du critère technique repose sur le caractère non symétrique des améliorations ou
détériorations de la performance à ce critère. Nous avons représenté ce phénomène sur la Figure 77.
Nous avons constaté qu’une dégradation -Δ de la performance du circuit carburant sur ce critère
pouvait entrainer des baisses de performances importantes à l’échelle du moteur (point D sur la
Figure 77). Dans le même temps, une amélioration +Δ de la performance à ce critère n’entrainera
qu’une très faible plus-value pour le client final (point A sur la Figure 77).

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 118 / 157
Performance
moteur

Ref A

Performance
Circuit Carburant
l l l
-Δ +Δ
Figure 77 - Illustration de la dissymétrie entre amélioration et dégradation de la performance dans le cas du
critère « Précision de dosage »

Ainsi, il y a donc deux manières de voir les choses :


- En se plaçant dans le cas d’une amélioration de la précision de dosage au niveau circuit
carburant, on ne constate pas d’amélioration significative au niveau moteur, ce faible poids
est légitime. Ce point de vue semble être plutôt celui des clients.
- En se plaçant en revanche dans le cas d’une détérioration de la précision de dosage au
niveau circuit carburant, on constate une nette détérioration de la performance au niveau
moteur. Dans ce cas, un faible poids sur le critère « Précision de dosage » n’est pas justifié.
Ce point de vue semble être plutôt celui des experts circuit carburant.

Une solution permettant de concilier ces deux visions serait de définir un seuil minimal de
performance du circuit carburant vis-à-vis de chaque critère afin d’éliminer les architectures qui
entrainent une dégradation trop importante au niveau moteur. Cela pose alors la question de la valeur
des seuils de performance à déterminer pour chaque critère. Ils pourront être discutés avec les
experts, en s’aidant des performances de l’architecture de référence.

2- La préférence client peut être biaisée par le produit actuel


Le faible score du critère technique de « Précision de dosage » est directement lié au poids du critère
client « Performances ». C’est en effet le seul critère client auquel il contribue, et il requiert seulement
3% des préférences clients. Ce relatif manque d’intérêt des clients finaux pour le critère de
« Performances » peut s’expliquer de deux manières.
Dans certains cas, on pourrait estimer que les clients n’ont pas besoin de performances
exceptionnelles : ils évoluent dans des conditions environnementales clémentes et n’ont pas
particulièrement besoin d’avoir un moteur réactif. Cependant, il est évident que ce cas n’est pas
représentatif de la majorité des clients de l’entreprise. En effet, la spécificité de l’hélicoptère vis-à-vis
des autres types d’aéronefs est d’être principalement utilisé dans des milieux hostiles et/ou pour
effectuer des manœuvres proches du sol ou d’obstacles, avec éventuellement une visibilité dégradée
ou des conditions aérologiques qui requièrent beaucoup de précision.
Une deuxième piste d’explication pourrait venir de l’image de marque de Safran Helicopter Engines.
En effet, les moteurs de l’entreprise étant réputés pour avoir de bonnes performances, il est possible
que les clients nous renvoient une image biaisée en dégradant leur préférence vis-à-vis des
performances du moteur, tout en sachant qu’elles seront au rendez-vous. Cette deuxième explication
semble plus générique dans la mesure où elle peut être applicable à tous types de clients. Ce constat
montre bien la nécessité d’instaurer des seuils, jouant le rôle de garde-fou, pour maintenir un certain
niveau de performances sur ces critères techniques pouvant apparaitre comme sous-évalués par les
clients.

IV.B. Evaluation préliminaire


L’intérêt de cette étape réside dans sa capacité à réduire rapidement le nombre de briques à analyser.
Ceci constitue un gain de temps important pour l’application de la suite de la méthodologie. Il convient

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 119 / 157
cependant d’être très prudent dans l’élimination des briques afin de ne pas écarter une brique qui
aurait pu être intéressante. Cette remarque est particulièrement valable dans notre cadre d’innovation
de rupture, où l’on se doit d’évaluer des briques fortement innovantes. Ces dernières, de par leur
caractère novateur peuvent susciter la réticence des concepteurs, mais ne doivent pas être écartées
pour autant. Cette étape d’évaluation préliminaire des alternatives a été mise en œuvre de deux
manières différentes dans nos travaux : par les modèles et par jugement qualitatif.

IV.B.1. Evaluation préliminaire par les modèles


Cette technique a principalement été appliquée à la fonction « Doser ». L’idée était pour chaque
brique de la famille « Dosage par restriction », de vérifier que les critères de taille d’orifice, niveaux de
pression et pilotabilité, étaient bien réalistes et compatibles de notre application. Ces évaluations
préliminaires nous ont conduit à éliminer 3 des 5 briques de la famille, comme nous l’avons
représenté en Figure 78.

X
P_amont
quelconque
P

Niveaux de pression
P_reg
Q_dosé

Section
commandée*
X
P_amont régulée
Pilotabilité
Q_dosé
par restriction

Q_dosé
ΔP régulé
Dosage

ΔP_reg

S et ΔP Q_dosé

commandés ΔP_com
ΔP commandé* Q_dosé

X
S fixe
Pilotabilité
Plage de DP à réguler
ΔP_com

Figure 78 – Briques de la famille « Dosage par restriction » éliminées suite à l'évaluation préliminaire par les
modèles

Ces évaluations ont été conduites à l’aide de modèles préliminaires, construits à partir d’équations
élémentaires de l’hydraulique, et en considérant des conditions typiques (fluide, température,
coefficient de débit, etc.). Leur but n’est pas d’être très précis, mais de donner rapidement, une idée
des ordres de grandeurs en jeu. Un exemple de mise en œuvre de cette démarche d’évaluation
préliminaire par les modèles est donné en Annexe A.

Cette technique basée sur les modèles est très intéressante dans le sens où elle permet d’avoir
rapidement des informations quantifiées sur les briques étudiées. Cependant, elle ne peut être
appliquée qu’à des briques simples dont on peut tirer des informations utiles à la décision rapidement.
En effet, dans notre cas, les écueils des briques de dosage par restriction portaient sur des critères
facilement modélisables (taille des orifices, niveaux de pression nécessaires, pilotabilité). Néanmoins,
pour la plupart des autres briques cela n’a pas été le cas. Si l’on prend l’exemple des briques de
dosage volumétriques, les écueils se situeront plutôt au niveau de la précision de dosage ou de la
fiabilité. Cependant, ces deux informations ne peuvent pas être obtenues avec confiance par des
modèles simples.

IV.B.2. Evaluation préliminaire par jugement qualitatif


Cette technique est plus délicate à mettre en œuvre que la précédente. Il s’agit en effet de juger de
l'intérêt d’une brique sans avoir d’informations quantifiées sur lesquelles s’appuyer. Elle permet donc
d’écarter des solutions qui seraient, d’après l’expérience des experts, trop pénalisantes sur des
critères clés. Cette technique a, par exemple, été appliquée à la famille « Dosage volumétrique » de la
fonction « Doser ». Elle a permis d’éliminer quatre des six briques initialement présentes, comme
nous l’avons représenté en Figure 79.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 120 / 157
Alimentation / Résistance
Production de
variable
Puissance

Volumétrique
hydraulique

Dosage
X Transformation
hydraulique variable
Absorption de
X
Puissance
hydraulique*
Complexification
Entrainement / Résistance

X
et Transformation
hydrauliques variables
sans plus-value Complexification
sans plus-value

Figure 79 - Briques de la famille "Dosage volumétrique" éliminées suite à l’évaluation préliminaire par jugement
qualitatif

Comme on peut le constater sur la Figure 79, une comparaison a été faite implicitement entre les
risques apportés par la briques (complexification, dé-fiabilisation,…) et les opportunités (ici plus-
value). Nous avons considéré que lorsqu’une brique apporte uniquement des risques, sans
opportunité supplémentaire par rapport à une brique concurrente, alors elle peut être écartée.

Cette méthode étant moins rigoureuse que la méthode par les modèles, il est important de garder une
trace des briques ayant été écartées par jugement qualitatif, afin de pouvoir éventuellement les
réintégrer au processus de décision.

IV.B.3. Bilan de l’évaluation préliminaire


A l’issue de l’évaluation préliminaire, 12 briques ont été écartées, sur les 54 briques initiales. Cela
représente plus de 20% de briques évaluées. Même si cette évaluation préliminaire n’a pu être mise
en œuvre que pour deux des 8 blocs fonctionnels, l’économie en termes de briques à analyser par la
suite est très intéressante. A titre indicatif, cette économie en termes de briques entraine un passage
18
de 1 140 480 alternatives potentielles à 259 200 alternatives , comme nous l’avons représenté en
Figure 80. Ce constat fait de l’évaluation préliminaire un moyen rapide et efficace de réduire le
nombre de briques à analyser, et donc le temps nécessaire à la démarche de sélection d’architecture.

1 140 480 architectures10 259 200 architectures10


54 briques 42 briques

Evaluation préliminaire
Figure 80 – Bilan des architectures sélectionnées à l’issue de l’évaluation préliminaire

IV.C. Evaluation des alternatives


Cette étape consiste à capter, pour chaque critère, les performances de chaque architecture. Comme
nous l’avons introduit précisément, cette analyse a été mise en œuvre sur les briques. Les
performances des architectures ont ensuite été obtenues par agrégation des performances des
briques.

IV.C.1. Evaluation des briques

IV.C.1.a) Temps de mise en œuvre

Cette étape est une des étapes critiques du processus de sélection d’architectures. Il s’agit en effet de
capter les avis des experts pour chaque brique vis-à-vis de chaque critère. Cela représente dans

Le nombre d’alternatives potentielles est ici calculé en supposant que toutes les briques sont compatibles
18

entre elles.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 121 / 157
19
notre cas 680 avis à récolter. Certains avis peuvent être très rapidement obtenus, comme par
exemple dans les cas où la fonction ne participe pas à la satisfaction du critère. Mais dans d’autres
situations, l’attribution des notes peut nécessiter plus de discussions entre experts. Finalement, il nous
aura fallu 22 heures de réunion pour récolter les avis nécessaires à l’évaluation. Ce temps est
relativement important, surtout en considérant qu’il y avait entre 2 et 4 experts à chaque réunion.
Nous constatons que cette durée nécessaire à l’analyse des briques peut être influencée par deux
paramètres :
- Le nombre de briques : On voit bien ici l’importance de l’évaluation préliminaire, qui peut, par
la réduction du nombre de briques, permet de réduire considérablement le temps d’analyse
des briques.
- Le nombre de critères : l’équilibre doit être trouvé entre le nombre de critères et les besoins
influant sur la sélection des architectures.

IV.C.1.b) Echelle de notation

Comme nous l’avons expliqué au paragraphe III.D.1, nous avons choisi une échelle de notation
relative, qualitative et à 7 niveaux de notation.

L’aspect relatif de l’échelle de notation a été bénéfique d’après notre expérience. Ce choix a permis
en effet d’offrir aux experts un point de comparaison, ce qui a favorisé le processus d’évaluation. Nous
pensons que le recours à une échelle relative dont la référence est bien connue des participants
permet de gagner du temps lors de la phase d’analyse des briques.

L’aspect qualitatif de l’échelle de notation a été bien accueilli par les participants. Nous noterons
toutefois qu’une échelle représentée par des lettres au lieu des chiffres apporterait plus de clarté
quant au fonctionnement de notation. En effet, l’utilisation de chiffres (1, 2, 3) pour représenter des
grandeurs qualitatives (faible, moyen, fort) peut être ambigüe pour les participants. Cette notation peut
être en effet facilement confondue avec une note quantitative sur 3. Nous suggérons par exemple
l’utilisation des lettres : F pour faible, M pour moyen et E pour élevé. Nous avons représenté cette
suggestion dans la dernière colonne du Tableau 20.

Tableau 20 - Suggestion de notation par des lettres

Notation Notation
Type Description
utilisée suggérée
Fort potentiel d’amélioration +3 +E
Opportunité Potentiel d’amélioration moyen +2 +M
Faible potentiel d’amélioration +1 +F
Pas d'amélioration ni de détérioration 0 0
Faible potentiel de détérioration -1 -F
Risque Potentiel de détérioration moyen -2 -M
Fort potentiel de détérioration -3 -E
Pas de lien fonctionnel NA NA

L’utilisation d’une échelle à 7 niveaux, bien que suggérée par la revue de la littérature du paragraphe
II.C.3.d), s’est avérée quelque peu décevante à l’usage. Bien qu’elle ait tout de même permis de
mener à bien notre analyse des briques, nous avons pu constater que cette échelle a pu manquer de
finesse pour l’évaluation de certaines briques. Ainsi, nous suggérons d’utiliser une échelle de notation
comportant plus de niveaux. Un échelle à 9 niveaux par exemple, basée sur les grandeurs Faible,
Moyen, Bon, Elevé pourrait améliorer les choses, tout en gardant une certaine simplicité. Le risque en
effet de la multiplication des niveaux est de prendre plus de temps pour évaluer les briques. Ceci est
particulièrement valable si les différences entre les niveaux ne sont pas clairement définies.

680 avis = 20 critères x (42 briques retenues suite à l’évaluation préliminaire – 8 briques de référence)
19

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 122 / 157
IV.C.1.c) L’analyse par les experts

Dans le cadre de notre démarche de sélection d’architecture, les différentes briques ont été analysées
par deux types d’experts :
- Les experts du système carburant, référents dans les sujets d’architecture du système
carburant, qui sont intervenus pour tous les critères.
- Les experts de la maintenance, responsables des aspects de maintenance du système
carburant, qui sont intervenus pour les 5 critères de la catégorie « Maintenance et Sûreté de
fonctionnement ».

Nous avons remarqué, au cours des différentes séances dédiées à l’évaluation des briques, que les
experts du système carburant et ceux de la maintenance ne se basent pas sur les mêmes
informations pour juger une brique. En effet, les experts système carburant peuvent donner une
opinion basée sur un concept de brique d’alternative (par exemple : pompe volumétrique à
entrainement variable). Tandis que les experts maintenance doivent connaitre la technologie qui sera
implémentée dans le concept pour pouvoir donner une opinion (par exemple : pompe volumétrique
dont l’entrainement variable est réalisé par un moteur électrique). Cela s’explique par le fait que la
technologie utilisée dans une brique a un impact plus important sur les critères de maintenance que
sur les autres critères d’évaluation. C’est une des difficultés du travail d’architecture que de pouvoir
concilier des experts de métiers différents.
Etant donné le nombre déjà important de briques à évaluer, nous n’avons pas effectué de distinction
par technologie utilisée dans les solutions concernant :
- L’entrainement commandé des pompes des fonctions « Conditionner » et « Amorcer, Aspirer,
Gaver » qui peut être électrique ou mécanique,
- La régulation de la différence de pression dans la fonction « Conditionner » pouvant être
hydromécanique ou électrique,
- L’actionnement de la cylindrée variable de la pompe de la fonction « Amorcer, Aspirer,
Gaver » pouvant être électrique ou mécanique.
Dans nos travaux, le cas électrique a ainsi été choisi par défaut pour l’évaluation de ces briques.

Le seul cas où la distinction par technologie utilisée a été mise en œuvre concerne l’entrainement
commandé, électrique ou mécanique, de la pompe doseuse. Cette disjonction a été faite car il s’agit
d’une brique qui remplit à elle seule de multiples fonctions telles que le dosage, le conditionnement, et
l’amorçage. Ainsi, il était important avoir des informations les plus précises possibles sur cette brique.
Nous avons observé dans ce cas que la version à entrainement mécanique est dominée, au sens de
l’efficience de Pareto (méthode présentée au paragraphe II.C.4.a)(2)), par la version à entrainement
électrique. Cela signifie que la méthode d’entrainement électrique a été jugée égale ou meilleure que
la version mécanique, sur tous les critères. Une telle évaluation ne saurait néanmoins pas écarter
définitivement la version mécanique. En effet, la connaissance des performances de ces technologies
pour cette application est relativement faible. Ainsi, les deux versions seront conservées pour la suite
de la démarche de sélection d’architecture. Pour les départager, nous suggérons plutôt de mener une
étude complémentaire dédiée qui permettra d’obtenir des informations plus détaillées.

Cet exemple nous montre donc que la distinction entre deux technologies est difficile à évaluer avec
une bonne confiance en phase d’architecture. En effet, étant donné que nous avons affaire à deux
technologies qui ne sont pas actuellement utilisées sur les systèmes actuels de l’entreprise. Les
experts n’ont donc pas beaucoup d’éléments fiables pour juger. Ainsi, il parait cohérent de ne pas
entrer dans le détail des technologies dans cette phase-là de la sélection d’architectures.

IV.C.2. Agrégation des briques en alternatives

Pour l’agrégation des briques en alternatives, nous avons considéré notre échelle qualitative basée
sur les chiffres 1, 2 et 3 comme une notation quantitative de valeurs, respectivement, 1, 2 et 3. Cette
échelle quantitative nous est apparu être la plus cohérente, étant donné qu’elle reprend les chiffres de
notre échelle qualitative.

Au moment d’agréger les notes des briques, nous pensions initialement partir sur des opérateurs de
type minimum, maximum, somme, moyenne, présentés au paragraphe II.C.3.c). Cependant, nous

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 123 / 157
nous sommes rendus compte que cette agrégation n’était pas vraiment représentative des
performances de l’architecture réellement obtenue. En effet, pour un critère donné, l’influence de
chaque fonction sur sa satisfaction peut être plus ou moins importante. Cette importance relative des
fonctions dans l’agrégation de la note d’un critère n’est pas prise en compte par les opérateurs
présentés précédemment. Nous avons donc procédé à une pondération des fonctions pour chaque
critère.

Cette technique a certes nécessité du temps supplémentaire pour attribuer les pondérations à chaque
bloc fonctionnel, mais elle permet d’avoir une note agrégée au niveau architecture qui est
représentative de ses performances réelles.

IV.C.3. Prise en compte des contraintes du cahier des


charges
Cette étape a été nécessaire pour assurer une bonne prise en compte du besoin de chaque projet
dans la sélection des architectures. Bien qu’elle concerne principalement les critères de compatibilité,
cette activité peut également influer sur des critères de « Performances » comme « Capacité
d’aspiration » ou « Capacité d’amorçage », par exemple. Cette étape s’appuie sur 3 types d’actions,
comme nous l’avons représenté en Figure 81.
Si
Si pompes
pompes dede gavage
gavage HC
HC alors
alors
Pondération du critère à 0 poids «« Capacité
poids Capacité d’amorçage
d’amorçage »» est
est
nul
nul

Contrainte du cahier des charges


Si
Si GV
GV hydraulique,
hydraulique, alors
alors la
la performance
performance
Présence de pompes de gavage HC, Seuil de performance sur
au
au critère
critère «« Compatibilité
Compatibilité GVGV »» doit
doit être
être
Température mini sans additif, un critère
supérieure
supérieure àà unun certain
certain seuil
seuil
GV hydrauliques ou non...

Si
Si température
température mini
mini sans
sans additif
additif anti-givre
anti-givre
Sélection ou exclusion de
challengeante
challengeante :: la
la brique
brique réchauffeur
réchauffeur
briques
thermostaté
thermostaté est
est sélectionnée
sélectionnée

Figure 81 - Leviers d'action de la prise en compte des contraintes du cahier des charges

Ces 3 actions consistent en :


- La pondération nulle d’un critère : dans le cas où le critère d’évaluation n’est plus pertinent,
son poids est ramené à 0, ce qui implique de ne pas le prendre en compte dans le processus
de sélection.
- L’utilisation d’un seuil de performance sur le critère : dans le cas où le critère d’évaluation
est pertinent pour le cahier des charges, une performance minimale doit être garantie. Elle est
mise en œuvre via un seuil minimal de performances à ce critère.
- La sélection ou exclusion de briques : dans certains cas, comme celui de la fonction
« Réchauffer le carburant », le cahier des charges permet directement d’imposer la brique qui
sera utilisée. Les deux autres briques de ce bloc fonctionnel sont donc par conséquent
écartées.

Comme nous l’avons représenté en Figure 82, cette technique nous parait très efficace car elle
permet à la fois de réduire le nombre d’architectures candidates (passage de 76 896 à 2 240
alternatives), tout en étant plus proche de la demande du cahier des charges projet. Cette réduction
peut cependant varier d’un projet à l’autre.

1 140 480 architectures* 259 200 architectures* 76 896 architectures 2 240 architectures
54 briques 42 briques 42 briques 39 briques

Evaluation préliminaire Compatibilité Contraintes du cahier


des charges du projet

Figure 82 - Evolution du nombre d'architectures candidates avant l'étape de prise de décision

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 124 / 157
* Nombres d'architectures calculés de manière purement combinatoire sans savoir si les briques sont
compatibles entre elles ou non.

Cette activité d’évaluation des architectures est la dernière étape avant la prise de décision sur les
architectures restantes. Comme on peut le voir sur la Figure 82, les étapes d’évaluation préliminaire,
de prise en compte de la compatibilité entre les briques et des contraintes du cahier des charges ont
déjà permis d’éliminer 99,8% des architectures initialement proposées.

IV.D. Prise de décision sur les architectures


Pour la prise de décision, dernière étape du processus de sélection d’architectures, nous avons utilisé
deux méthodes : TOPSIS et MAUT. Nous nous sommes toujours ramené à des cas où la somme des
poids des différents critères est égale à un. Ceci permet d’appliquer directement la formulation
additive de la méthode MAUT. Celle-ci consiste ainsi en une simple somme pondérée des notes.
Cette méthode est la plus intuitive pour les ingénieurs. La méthode TOPSIS a été quant à elle choisie
pour son caractère partiellement compensatoire, comme nous l’avons vu au paragraphe II.C.4.b).

Pour chaque architecture, on obtient alors 2 classements basés sur les critères uniques de synthèse
des méthodes TOPSIS et MAUT. L’objectif de cette étape du processus de sélection d’architectures
est de distinguer les architectures les plus prometteuses.

IV.D.1. Comparabilité des résultats des différentes


méthodes d’aide à la décision
- Scores relatifs à l’architecture de référence et consistance des scores
La première étape d’interprétation des résultats issus des méthodes de prise de décision est de les
ramener dans notre contexte d’évaluation relative à une architecture de référence. Pour les méthodes
MAUT, ceci est déjà le cas. En effet, l’architecture de référence a reçu le score 0 et les autres
architectures ont des scores positifs (amélioration) ou négatifs (détérioration). Ainsi, il convient de
convertir les scores obtenus à l’aide de la méthode TOPSIS en termes d’amélioration ou de
détérioration par rapport à l’architecture de référence. Nous proposons d’appeler ces nouveaux scores
« scores d’amélioration ». Pour une alternative a de score u(a), le score d’amélioration SA(a) est défini
par :
(III-23)

- Comparabilité des scores d’une méthode à une autre


Etant donné que les 3 méthodes que nous étudions ont des principes d’élaboration des scores
différents, les plages de variations de ces scores peuvent être différentes d’une méthode à l’autre.
C’est ce que nous avons constaté et représenté dans le Tableau 21.

Tableau 21 - Plages de variation des scores d’amélioration obtenus pour les différentes méthodes

Min Max
TOPSIS -0,15 0,19
MAUT -0,41 0,15

Ces variations des scores d’une méthode à l’autre rendent difficile la comparaison. En effet, un score
d’amélioration de -0,15 pourra représenter :
- la moins bonne architecture selon la méthode TOPSIS,
- une architecture faiblement moins bonne que la référence, dans le cadre de la méthode
MAUT.
Pour pallier à ces inconsistances des scores d’amélioration des 3 méthodes mises en œuvre, nous
proposons l’introduction de scores d’amélioration relatifs (SAR). Pour une alternative a de l’ensemble
des alternative A, ce score est noté SAR(a) et défini par :

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 125 / 157
(III-24)

Ce nouveau score permet de vraiment pouvoir comparer les classifications obtenues avec les
différentes méthodes. En effet, un SAR de 50%, par exemple, représentera pour les trois méthodes
une amélioration de 50% du score par rapport à l’architecture de référence. Il sera donc utilisé dans la
suite pour toute activité de comparaison des résultats des différentes méthodes.

IV.D.2. Sélection des meilleures architectures


Afin de sélectionner les meilleures architectures, en s’appuyant sur les résultats des méthodes
TOPSIS et MAUT, deux approches complémentaires ont été proposées et mises en œuvre. Nous en
avons représenté le fonctionnement imbriqué en Figure 83.

Approche topologique
Détermination seuil significatif

Seuil de Nombre
SAR d’architectures

Approche analytique
Etude des tendances d’architectures

Architectures les
plus pertinentes

Figure 83 - Complémentarité des deux approches mises en œuvre pour la sélection des meilleures architectures

Ces deux approches sont :


- L’approche topologique : elle consiste à analyser de manière statistique quelle population
d’architectures parait la plus pertinente d’après chaque méthode.
- L’approche analytique : elle consiste à analyser les briques et assemblages de briques
présents dans les meilleures architectures afin d’en dégager les meilleures briques ou
combinaisons de briques.

Au cours de la mise en œuvre de ces deux approches, c’est la synthèse des résultats de la méthode
TOPSIS et de la méthode MAUT qui sera recherchée. Elle permettra de donner au décideur une
vision synthétique des meilleures options d’architectures.

IV.D.2.a) Approche topologique

Nous avons proposé et mis en place cette approche topologique pour la sélection des meilleures
architectures. Elle se base sur la définition d’un seuil de SAR, délimitant les architectures pouvant
être considérées comme les meilleures, des autres.

(1) Topologie des solutions


Les SAR de chaque méthode étant à présent définis, la comparaison des résultats de chaque
méthode peut débuter. Nous avons représenté en Figure 84 l’évolution de ces scores pour chaque
méthode, et en fonction de leur rang. On constate tout d’abord que la répartition des scores des
solutions suit globalement la même forme entre les 3 techniques.

On note ainsi la présence de 3 zones distinctes dans ces représentations graphiques, reliées entre
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 126 / 157
elles par des zones de transition. On observe :
1. Pour des rangs inférieurs à 130, soit environ les premiers 6% des architectures : une phase
de forte diminution du SAR avec le rang
2. Pour des rangs compris entre 250 et 2050, ce qui représente 80% des architectures : une
phase de faible variation du score des architectures
3. Pour les rangs supérieurs à 2150, ce qui représente les 4% des architectures de plus faible
SAR : à nouveau une phase de forte diminution du SAR avec le rang.

Taux d'amélioration relatif des architectures en fonction de


leur rang
100%

80%
Score d'amélioration relatif de l'architecture

60%

40% TOPSIS

20% MAUT

0%
0 250 500 750 1000 1250 1500 1750 2000 2250
-20%

-40%

-60%

-80%

-100%
Rang de l'architecture

Figure 84 – Répartition globale des scores relatifs des architectures en fonction de leur rang

La présence de cette première zone de forts gradients pour les 100 meilleures architectures ne facilite
pas notre prise de décision. Cela entraine en effet que :
- les architectures les mieux classées ont les différences de valeur les plus importantes entre
elles.
- plus on descend dans le classement des architectures, plus la différence de valeur entre les
architectures de classement voisin diminue.
Ainsi, il ne se détache pas naturellement un groupe d’architectures, dont les scores d’amélioration
relatifs seraient proches, et qui seraient significativement meilleures que toutes les autres.

(2) Définition du seuil de SAR


Le but de cette représentation est d’avoir une vision suffisamment précise de la topologie des
meilleures solutions de chaque classement afin de pouvoir en distinguer des groupes d’architectures
qui seraient significativement meilleures que les autres. Pour ce faire, il convient de représenter
graphiquement les meilleures solutions de chaque classement. Le nombre exact de solutions à
représenter peut varier d’un cas à l’autre. Dans notre exemple, nous avons choisi de représenter les
30 meilleures architectures de chaque classement (voir en Figure 85). On observe qu’un premier
groupe, appelé A sur la figure, se forme naturellement avec un premier seuil de 90% de score
d’amélioration. Les architectures de ce groupe ont des SAR variant de 90% à 100% et sont distantes
de la première architecture non sélectionnée d’au minimum 8% selon la méthode MAUT et 3% selon
la méthode TOPSIS. Cet ensemble est donc un bon exemple de groupement d’architectures de SAR
relativement proches, dont la distance avec les autres architectures est significative. On constate par
la suite que le classement TOPSIS ne présente pas d’autre groupe de ce type. En effet, les
architectures suivantes ont toutes des SAR relativement proches les uns des autres. Pour ce qui est
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 127 / 157
du classement MAUT, nous observons un second groupe, noté B sur la Figure 85. Les 6 architectures
de ce groupe ont des SAR relativement proches (compris entre 79% et 83%) et sont distantes d’au
moins 3% avec l’architecture suivante dans le classement.

Scores d'amélioration relatifs des architectures en fonction de


leur rang
MAUT TOPSIS

100%
Score d'amélioration relatif de l'architecture

A
95%

90% - 3%
- 8%
85%

80%
B
- 3%
75%

70%

65%

60%
0 5 10 15 20 25 30
Rang de l'architecture

Figure 85 - Représentation des meilleures architectures de chaque classement

Ainsi, les observations de la répartition des meilleures architectures selon chaque classement nous
amène à définir un premier seuil de SAR à 90%, valable pour les deux méthodes, et un second seuil à
78% valable uniquement pour la méthode MAUT. Deux groupes A et B ont ainsi été constitués. Le
groupe A étant le plus intéressant car il rassemble les meilleures architectures des deux méthodes. Le
groupe B est moins intéressant car il ne s’adresse qu’à une seule méthode, tout en proposant des
architectures de SAR inférieur à ceux du groupe A. Ainsi, pour la suite de l’approche de sélection
d’architectures, nous nous intéresserons dans un premier temps uniquement aux architectures du
groupe A.

(3) Différences de classement entre les 2 méthodes


Comme nous avons pu le remarquer en Figure 84 et Figure 85, les SAR obtenus par les méthodes
TOPSIS et MAUT paraissent sensiblement différents. Ceci peut s’expliquer par le fait que la méthode
TOPSIS possède son propre opérateur de normalisation. Ce constat est confirmé par l’analyse plus
détaillée des architectures des groupes A et B mis en valeur précédemment. Nous avons représenté
en Tableau 22 les architectures appartenant au groupe A selon le classement TOPSIS (Tableau 22a)
et celles appartenant aux groupes A et B selon le classement MAUT (Tableau 22b). Le premier
constat que l’on peut faire c’est qu’il n’y a aucune architecture qui appartient à la fois au groupe A
TOPSIS et aux groupes A ou B MAUT. Cela signifie que les meilleures architectures de chaque
classement sont différentes. A ce titre, on notera qu’il n’y a que deux architectures qui ont des SAR
supérieurs à 75% selon les deux méthodes. Il s’agit des architectures numéro 5622 et 428.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 128 / 157
(a) Classement TOPSIS (b) Classement MAUT
Identifiant de Identifiant de
SAR TOPSIS SAR MAUT SAR TOPSIS SAR MAUT
l'architecture l'architecture
3276 100% 63% 5622 79% 100%

Groupe A
Groupe A

640 98% 57% 4196 67% 96%


832 95% 65% 1841 64% 94%
554 92% 58% 428 77% 93%
5059 91% 47% 1416 71% 86%
4529 69% 84%

Groupe B
547 73% 87%
4186 65% 83%
506 64% 85%
714 61% 83%

Tableau 22 - Tableau comparatif des SAR des architectures sélectionnées précédemment

L’écart entre les SAR selon TOPSIS et MAUT est très marqué pour les meilleures architectures du
20
classement selon TOPSIS (Tableau 22a), avec un écart moyen de 42% absolu de SAR. Pour les
meilleures architectures du classement selon MAUT en revanche, l’écart est toujours significatif mais
plus contenu : 23% en moyenne d’écart absolu pour les architectures du groupe A et 14% pour celles
du groupe B.

IV.D.2.b) Approche analytique

En complément de l’approche topologique, développée dans le paragraphe précédent, nous avons


proposé et mis en œuvre une approche analytique de sélection des architectures. Cela consiste à
dégager les associations de briques constituant les meilleures architectures pour proposer une
synthèse des briques et/ou architectures les plus intéressantes. Pour ce faire, nous considèrerons
dans cette partie le groupe A, précédemment sélectionné. Il contient en effet les meilleures
architectures selon les deux méthodes (celles dont le SAR est supérieur à 90%).

Nous avons représenté les briques constituant les architectures appartenant au groupe A selon la
méthode TOPSIS dans le Tableau 23, et selon la méthode MAUT dans le Tableau 24. Pour chaque
fonction, et pour favoriser une analyse rapide des résultats, nous avons choisi de colorer les cellules
dont la brique est identique à celle de la ligne précédente en gris.

Tableau 23 - Meilleures architectures obtenues selon la méthode TOPSIS (Groupe A)

Amorcer
TOPSIS

MAUT

Add-On
N° Doser Conditionner Aspirer Commander Répartir
AAG
Gaver (AAG)
3276 D13 C26 A131 A04 Cm22 R21 100% 63%

640 D14 C26 A131 A04 Cm22 R21 98% 57%

832 D13 C26 A132 A04 Cm22 R21 95% 65%

554 D14 C26 A132 A04 Cm22 R21 92% 58%

5059 D14 C26 A131 A04 Cm13 R21 91% 47%

Cet écart correspond à un écart absolu. Il a été obtenu via l’équation :


20

Il est exprimé en pourcentage d’amélioration, étant donné que c’est l’unité du SAR.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 129 / 157
Tableau 24 - Meilleures architectures obtenues selon la méthode MAUT (Groupe A)

Amorcer

TOPSIS

MAUT
Add-On
N° Doser Conditionner Aspirer Gaver Commander Répartir
AAG
(AAG)
5622 D13 C22 A131 A04 Cm22 R21 79% 100%

4196 D14 C22 A131 A04 Cm11 R21 67% 96%

1841 D13 C22 A131 A04 Cm11 R21 64% 94%

428 D14 C22 A131 A04 Cm22 R21 77% 93%

Pour des raisons de confidentialité, les briques retenues sont désignées par leur code d’identification
plutôt que par leur intitulé.

Les résultats obtenus selon les deux méthodes possèdent tous deux ce que nous appellerons des
points fixes, c'est à dire des briques qui sont sélectionnées pour toutes les architectures du groupe.
C’est notamment les cas des fonctions Répartir, Add-On Amorcer Aspirer Gaver (AAG) et
Conditionner, pour les deux méthodes. La méthode MAUT présente un point fixe supplémentaire sur
la fonction AAG. Pour le reste des fonctions, les deux méthodes proposent deux briques. Nous avons
proposé de représenter ces résultats sous forme graphique en Figure 86. Ce format permet une
meilleure lisibilité des architectures sélectionnées. Nous avons également entouré les briques qui ont
été uniquement sélectionnées par une des deux méthodes. Cela permet de se rendre compte au
premier coup d’œil quelles briques ont été sélectionnées par les deux méthodes ou seulement par
une.

Doser Conditionner AAG Add-on AAG Commander Répartir

A132
D13
TOPSIS

C26 A04 Cm22 R21


D14 A131
Cm13

D13 Cm22
C22 A131 A04 R21
D14 Cm11

Figure 86 – Représentation graphique des architectures sélectionnées selon les deux méthodes

L’analyse que nous pouvons faire de ces résultats est la suivante :


 Les briques R21 pour la fonction Répartir, et A04, pour la fonction Add-On AAG, sont très
adaptées à notre cas d’étude. Elles sont en effet présentes dans toutes les architectures
sélectionnées via les deux méthodes.
 Pour la fonction Doser, les résultats de nos sélections montrent les solutions D13 et D14
conviennent toutes deux aussi bien.
 Pour la fonction Conditionner, les deux classements mettent en avant des briques différentes.
Les architectures du classement MAUT utiliseront la C22, tandis que celles du classement
TOPSIS auront recours à la C26.
 Pour la fonction AAG, la brique A131 a été retenue dans les deux cas. La sélection TOPSIS
ajoute également la brique A132 en complément.
 Pour ce qui est de la fonction Commander, les briques Cm11, Cm13 et Cm22 sont bien
adaptées à notre cas d’étude. Le choix de la dernière semble cependant plus robuste car elle
est présente dans les deux sélections.
Lors d’une analyse basée sur les briques, similaire à celle que nous venons de faire, il est primordial

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 130 / 157
de garder à l’esprit que les briques présentes uniquement dans l'une des deux sélections (entourées
en Figure 86) ne peuvent pas être associées. Cela aurait pour effet de produire une architecture qui
ne fait partie d’aucune des deux sélections et dont le SAR est inconnu.

Discussion
Cette démarche nous a permis de sélectionner 9 architectures qui répondent, d’après les scores
obtenus par les méthodes TOPSIS et MAUT, le mieux au cahier des charges que nous nous sommes
fixé. Cette sélection d’architecture passe par la sélection des briques les constituant. Le nombre de
briques finalement sélectionnées varie de 1 à 3 par fonction. Dans le cas où ces architectures et
briques ne s’avèreraient pas satisfaisantes, il est possible d’élargir le seuil de sélection de SAR. Dans
notre cas, cela pourrait consister à s’intéresser aux solutions du classement MAUT groupe B, défini
plus haut. Une étude pourrait être menée également en abaissant la valeur du seuil de sélection du
classement TOPSIS. Néanmoins, ces démarches vont dans le sens d’une baisse de la qualité globale
des solutions proposées vis-à-vis du problème formulé (baisse du SAR). Aussi, il pourrait être dans ce
cas plus pertinent de se demander si :
- On résout le bon problème : les contraintes du problème ont elle été correctement
renseignées ? Les pondérations des critères représentent-elles bien les préférences des
décideurs ?
- Les architectures ont été correctement évaluées : l’évaluation des architectures est un point
aussi crucial que délicat dans notre contexte d’études de concepts préliminaires et fortement
innovants. Ainsi, il convient de se demander si la matrice d’évaluation des briques correspond
bien au ressenti des experts ? Les poids permettant d’assembler les notes des briques en
note d’architecture sont-ils représentatifs ?

Du point de vue industriel, les résultats obtenus par l’application de la démarche de sélection
d’architectures proposée a permis de mettre en avant ou d’écarter certaines briques technologiques,
selon leur potentiel à apporter de la valeur au circuit carburant, vis-à-vis des besoins clients. Les
résultats se sont cependant montrés surprenants pour l’industriel, à deux égards :

- Une brique, plutôt bien pressentie en interne, ne s’est pas retrouvée sélectionnée à la suite de
l’application de la méthodologie.
Dans ce cas, la démarche de thèse a permis de mettre en garde contre une solution qui pouvait
paraitre très intéressante sous certains aspects, mais qui, d’un point de vue global de satisfaction
client pouvait être surclassée par une autre solution plus conventionnelle. On peut voir deux
explications à ce constat. En un sens, il est possible que l’évaluation par les experts de la solution en
rupture ait été biaisée par une forme d’inertie psychologique. De plus, nous avons vu que l’innovation
de rupture pouvait introduire un nouveau concept pouvant être moins performant que l’actuel sur le
court terme, mais qui pourra s’avérer bien plus prometteur à l’avenir, une fois optimisé et amélioré.
Ainsi, une « bonne » solution d’innovation de rupture peut paraitre moins performante qu’une solution
conventionnelle dans une vision court-terme. A l’inverse, ce résultat peut être vu comme un signe fort
que cette brique technologique n’est peut-être pas si prometteuse qu’elle peut en avoir l’air, du point
de vue de la performance globale du moteur. On se retrouve alors dans le cas typique de l’innovation
de rupture, où la direction à prendre doit être conditionnée par un besoin très long terme, peut être
inexistant aujourd’hui mais imaginé (mais pas encore forcément exprimé) pour l’avenir. Même si la
démarche proposée n’apporte pas de réponse préconçue à cette question éminemment stratégique,
elle a le mérite d’énoncer clairement la situation en s’appuyant sur une démarche rigoureuse et
fondamentalement tournée vers les besoins des clients finaux. En d’autres termes, l’intérêt essentiel
de la démarche proposée dans ce cas est de proposer un avis technique structuré, dans une phase
extrêmement préliminaire du projet (avant même qu’une étude de concept ait été lancée). Ainsi, la
démarche proposée et l’outil associé lors de sa mise en œuvre, permettent d’obtenir rapidement des
indicateurs de performances globales en faisant varier les performances d’une brique ou les attentes
d’un projet. Il peut donc être perçu comme un outil agile et préliminaire permettant rapidement de se
faire une idée en fonction de données de performances ou de besoins pouvant être changeants.

- A l’inverse, une brique totalement en rupture, mais qui semble peu adaptée à l’ensemble des
besoins, s’est retrouvée très bien classée par le critère unique TOPSIS.
Dans ce cas, il est important de comprendre quel mécanisme a permis de sélectionner cette brique-là
plutôt qu’une autre. Cette analyse peut faire ressortir deux effets :
o un écart entre les notes attribuées à la brique et le ressenti réel. Il est important dans
ce cas d’avoir la vision de la notation relative de cette brique par rapport aux briques
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 131 / 157
concurrentes.
o un écart entre la pondération des critères et leur importance relative effective.
L’explication peut alors venir soit de la pondération des critères de haut niveau, soit
de leur allocation via la matrice QFD.
Ces deux effets peuvent intervenir ensemble ou séparément pour expliquer la sélection d’une brique
qui parait mal appropriée.

Dans les deux cas présentés ci-dessus, la démarche mise en œuvre a permis d’ouvrir et de faciliter la
discussion sur des sujets clés tels que les besoins futurs, l’importance relative des critères ou les
performances escomptées d’une brique technologique inconnue. En permettant un traitement
rationnel de ces données, les incohérences ou questionnements sont alors rapidement pointés du
doigt et peuvent être discutés en se basant sur des résultats concrets fournis par l’outil.

V. Poursuite des travaux de conception


Nos travaux ont porté sur l’étude conceptuelle d’architecture de circuit carburant pour les moteurs
d’hélicoptère. Ils ont permis, pour un cahier des charges donné, de sélectionner les meilleures
architectures, et leurs briques associées. La suite du processus de conception implique l’investigation
plus détaillée de ces solutions dans le but de n’en retenir qu’une pour la conception de détail. La
prochaine étape consiste en l’évaluation quantitative des performances des différentes solutions. Le
nombre de concepts étant réduit, on peut s’autoriser à mettre en œuvre des modèles plus spécifiques,
mais toujours préliminaires, permettant de mieux quantifier les performances des architectures vis-à-
vis des différents critères.

Nous avons mis en œuvre, à titre illustratif, cette approche d’évaluation par les modèles au cas de la
brique pompe doseuse à entrainement électrique, également appelée électro-pompe doseuse (EPD).
Cet exemple a été choisi pour son caractère fortement multiphysique, qui implique une approche de
modélisation complète. Cette partie présente la démarche que nous avons mise en œuvre.

V.A. Architecture du système EPD

Contenu masqué par mesure de confidentialité

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 132 / 157
Contenu masqué par mesure de confidentialité

Figure 87 - Architecture de l’EPD considérée pour l'étude

Les éléments dimensionnés lors de l'étude sont :


- Les parties actives des moteurs électriques : rotor et stator (carter, arbre, roulements non pris en
compte)
- Les parties actives de la pompe (les deux pignons de la pompe à engrenage)
- L'échangeur avec le carburant, considéré comme un circuit en forme d’hélice enroulé autour du
moteur électrique (voir illustration en Figure 88).

Figure 88 – Exemple d’échangeur thermique en hélice sur les moteurs électriques (source : SERVAX - High
Speed Drives Motor Elements – synchronous and asynchronous)

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 133 / 157
V.B. Modélisation du système EPD
Etant donné la symétrie de l’architecture du système EPD considérée, des simplifications ont pu être
effectuées pour la modélisation. Ainsi, un seul moteur électrique a été considéré pour la modélisation.
En effet, les deux moteurs sont identiques et doivent être dimensionnés pour assurer la mission
séparément.

Légende
Energie Hydraulique Energie Electrique
Energie Mécanique Energie Thermique

Figure 89 - Architecture du modèle d’EPD utilisé pour le prédimensionnement

L’approche de dimensionnement du système a été réalisée en collaboration avec Scott Delbecq,


doctorant de l'équipe, qui propose un environnement Python pour le prédimensionnement de
systèmes mécatroniques (Delbecq et al. 2017). L’outil logiciel qu’il a développé au cours de sa thèse
permet une approche collaborative entre les spécificateurs (contraintes et objectifs globaux) et les
concepteurs de chaque métier (modèles métiers, contraintes locales) pour le dimensionnement
optimisé de systèmes multiphysiques. Il se base sur une approche par les métamodèles construits à
partir de calculs éléments finis (Sanchez & Delbecq 2016).

V.B.1. Définition du problème d’optimisation pour le


dimensionnement de l’EPD
Pour résoudre un problème d’optimisation il convient d’en définir l’objectif, les paramètres et les
contraintes. Le point de dimensionnement considéré est celui le plus sollicitant en termes de couple
sur l’arbre de pompe.

V.B.1.a) Objectif

L’optimisation a été conduite dans le but de minimiser la masse du système. Ce paramètre de masse
inclut : la masse des parties actives du moteur, la masse des parties actives de la pompe
(engrenages) et la masse de l’échangeur thermique (considéré en aluminium).

V.B.1.b) Paramètres d’optimisation

Les paramètres d’optimisation représentent les degrés de liberté sur lesquels l’algorithme
d’optimisation peut jouer pour obtenir la masse minimale. Nous les avons représentés dans le
Tableau 25.

Tableau 25 - Paramètres d'optimisation

Composant Paramètres d’optimisation Mini Maxi Unité


Epaisseur radiale de l’échangeur thermique 1 20 mm
Echangeur
Angle d’inclinaison de l’hélice de l’échangeur 1,5 45 degré
thermique
Epaisseur entre deux canaux de l’échangeur 4,5 50 mm

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 134 / 157
Diamètre du moteur 10 200 mm
Moteur Epaisseur de culasse 0,5 10 mm
électrique Densité de courant dans les bobinages du
1 30 A/mm²
moteur électrique
3
Pompe Cylindrée de la pompe 0,1 10 cm /tr

On remarque que les contraintes en termes de valeurs minimale et maximale sont formulées pour
chaque paramètre.

V.B.1.c) Contraintes d’optimisation

Des contraintes supplémentaires ont été implémentées dans l’algorithme d’optimisation. Nous avons :
- limité les pertes de charge dans l’échangeur à 0,5 bar, pour qu'elles restent faibles vis-à-vis
de la différence de pression aux bornes de la pompe.
- limité le facteur de forme du moteur électrique (rapport entre la longueur et le diamètre) à 2
afin de s’assurer de la faisabilité du moteur proposé.

V.B.2. Modèles
Des modèles ont été établis pour les différents composants de l’EPD. Etant donné leur caractère
préliminaire, nous avons choisi de ne représenter que les phénomènes physiques les plus
déterminants. Ainsi, des phénomènes d’importance marginale pour le dimensionnement tels
l’augmentation de température de carburant lié aux pertes dans la pompe, ou encore l’échange
thermique entre l’air et le carter de l’échangeur thermique ont été négligés. Ceci a pour effet de
simplifier le modèle global, permettant de gagner du temps lors de sa mise en place, tout en
conservant une bonne confiance dans les résultats. Nous présentons dans ce chapitre les différents
modèles mis en œuvre dans notre étude.

Modèle de pompe
Pour le modèle de la pompe à engrenages, nous avons considéré uniquement un modèle
hydraulique, sans prise en compte des aspects thermiques. Ces derniers ont un effet marginal du fait
de la bonne évacuation de la chaleur produite au sein de la pompe dans le carburant, entrainant une
augmentation maximale de l’ordre de 1°C de la température du carburant. Cette augmentation de
température est négligeable devant la température du carburant considérée à 90°C.
Pour le modèle hydraulique, nous avons utilisé une table de performance donnant le rendement
volumétrique en fonction du point de fonctionnement (vitesse de rotation et différence de pression).
Pour le rendement mécanique, une valeur constante a été considérée. Ces données proviennent de
l’expérience de Safran Helicopter Engines dans la fabrication de ce type de pompe. Le comportement
hydraulique de la pompe est ainsi représenté par les équations suivantes :

(III-24)

Avec :
Npompe la vitesse de rotation de la pompe (en rad/s)
Tpompe le couple sur l’arbre de pompe (en N.m)
ηv et ηm les rendements volumétriques et mécaniques de la pompe (sans unité)
3
Q le débit volumique en sortie de la pompe (en m /s)
ΔP la différence de pression aux bornes de la pompe (en Pa)
3
d la cylindrée de la pompe (en m /rad)

Modèle d’échangeur

- Modèle hydraulique
Pour les pertes de charge dans l’échangeur, un modèle très simple a été considéré. L’objectif étant,
non pas d’avoir une quantification exacte des pertes de charges, mais bien d’en donner une valeur
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 135 / 157
approchée permettant d’être utilisée comme contrainte dans le dimensionnement de l’EPD. Ainsi,
nous avons considéré les pertes de charges dans l’échangeur comme celles d’une conduite droite de
même longueur. L’effet de la courbure du canal, qui est enroulé autour du moteur électrique, n’a donc
pas été pris en compte. Cet effet devra être ajouté pour une appréciation plus précise des pertes de
charge dans l’échangeur. Le modèle de pertes de charge utilisé se base sur la formulation générale
des pertes de charge dans une conduite horizontale de section constante :

(III-25)

Avec :
, formulation de Blasius pour le coefficient de pertes de charge pour un écoulement turbulent
(avec 4000 < Re < 100000) e dans l’hypothèse d’une conduite lisse
Lcanal la longueur du conduit de l’échangeur thermique (en m)
Dh le diamètre hydraulique de la conduite (en m)
3
ρ la masse volumique du carburant considéré (en kg/m )
v la vitesse moyenne de l’écoulement dans le conduit (en m/s)

On notera que dans notre modèle, la perte de pression dans l’échangeur a été négligée devant la
différence de pression imposée à la pompe. Ainsi, nous n’avons pas pris en compte les pertes de
charge des échangeurs comme une différence de pression supplémentaire à fournir par la pompe.
Cette hypothèse implique une légère sous-estimation du couple à fournir par le moteur électrique.

- Modèle thermique
Nous avons considéré une résistance de convection représentant la capacité d'’échange entre le
carter du moteur et le carburant circulant dans l’échangeur. Le coefficient d’échange convectif a été
calculé en utilisant la corrélation Dittus-Boelter (Incropera et al. 2007), particulièrement adaptée aux
conditions de régime turbulent vérifiant la condition Re > 10000. Le nombre de Nusselt (Nu) est alors
obtenu via l’équation :
(III-26)

où Re le nombre de Reynolds et Pr le nombre de Prandtl. On en déduit alors la résistance thermique


entre le carburant et le carter moteur au sein de l’échangeur par la relation :

(III-27)

Avec :
Lc est la longueur caractéristique (en m)
λ la conductivité thermique du carburant (en W/m/K)
S la surface d’échange entre le carburant et le carter (en m²)

La valeur du nombre de Reynolds a été vérifiée dans les résultats obtenus. Elle se situe selon les cas
entre 24500 et 26000. Ainsi, les formulations choisies ont bien été utilisées dans leurs plages de
validité.

Modèle moteur
Les modèles thermique et électromagnétique du moteur utilisés sont issus d’un métamodèle obtenu à
partir des caractéristiques d’un moteur sans balais à courant continu de type PARVEX N310, comme
décrit dans la thèse de Florian Sanchez (Sanchez 2017). Il permet de réduire les propriétés d’un tel
moteur à partir de 3 paramètres que sont la densité de courant, l’épaisseur de culasse et le diamètre
du moteur.

Modèle thermique global du système


Les aspects thermiques jouent un rôle crucial pour le dimensionnement du moteur électrique. En effet,
la limitation en couple permanent d’un moteur électrique est liée à sa capacité à évacuer la chaleur
produite à l’intérieur des bobinages. Pour un dimensionnement moteur donné, meilleur est le
refroidissement des bobinages, meilleur est le couple maximal continu. C’est pourquoi des
échangeurs thermiques à carburant ont été prévus sur les moteurs électriques de l’EPD.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 136 / 157
Au niveau du moteur électrique, les échanges thermiques à considérer sont représentés en Figure 90.
La chaleur, produite dans les bobinages du moteur électrique, est transmise au carter extérieur du
moteur par conduction, via une résistance thermique Rmoteur, obtenue via le modèle moteur. Elle est
ensuite transmise au corps de l’échangeur à travers une résistance de contact Rcontact . Cette
résistance thermique représente l’imperfection de l’assemblage entre le carter externe du moteur
électrique et l’échangeur. Cette résistance est modélisée par un film d’air immobile (conduction seule)
de 10 µm d’épaisseur. Une fois dans le corps de l’échangeur, la chaleur peut être transmise soit au
carburant qui y circule, via une résistance thermique Réchangeur calculée précédemment, soit à l’air
ambiant via une résistance Rair.

Température Température Température Température


Bobinages Carter moteur Corps Echangeur Carburant

Φbobinages Φcarburant
X
X X X
Rmoteur Rcontact Réchangeur

Φair
X
(non considéré)
Rair Température
Air Ambiant

Figure 90 – Représentation nodale des transferts thermiques à considérer pour le refroidissement des bobinages
du moteur

L’échange thermique de convection naturelle entre le corps de l’échangeur thermique et l’air a été
négligé devant la convection forcée avec le carburant. Ce phénomène est bien négligeable au vu des
ordres de grandeurs des coefficients d’échange convectif h. Dans le cas de l’échange avec l’air,
l’ordre de grandeur du coefficient d’échange est de 10 W/m²/K alors qu’il est de 10 000 W/m²/K pour
l’échange avec le carburant.

V.C. Résultats
Ce dimensionnement préliminaire du système EPD a permis de déterminer la cylindrée de la pompe
pour laquelle la masse du système est minimisée. La masse des parties actives du moteur électrique
a été évaluée. Afin d’obtenir la masse du moteur total, nous avons recherché sur catalogue un moteur
similaire. En plus d’obtenir la masse du moteur électrique entier, cela nous a permis d’avoir une bonne
estimation du coût de cet équipement.

Bilan de la partie V
A travers cette approche par les modèles, une brique de solution de type pompe doseuse à
entrainement électrique a été prédimensionnée. Ce dimensionnement préliminaire permet d’avoir une
estimation plus précise de performances de type de masse et coût. Il permettra également la mise en
œuvre de modèles ou essais complémentaires permettant d’en évaluer les performances selon
d’autres critères. De plus, les informations obtenues de par ces premiers modèles peuvent être
réinjectés dans la matrice d’évaluation des briques de notre étude conceptuelle. Ceci permettant de
gagner en précision dès le niveau conceptuel, pour affiner ce premier niveau de sélection.

Conclusion
Dans ce chapitre, une méthodologie de sélection d’architectures a été proposée et mise en œuvre
dans le cadre du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère. Le caractère fortement innovant des
architectures proposées nous a contraints à réduire grandement le nombre d’architectures au cours
de la sélection. En effet, en partant de plus d’un million d’architectures potentielles, notre méthode de
sélection a permis de mettre en avant moins de 10 architectures, pour un cahier des charges donné,
en prenant en compte des critères d’évaluation diversifiés. Pour faire face à ce nombre important
d’architectures candidates, plusieurs méthodes ont été utilisées comme l’évaluation préliminaire, et

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 137 / 157
l’approche par les briques plutôt que par les architectures elles-mêmes. Ceci nous a permis par la
suite de procéder à une évaluation qualitative des briques, puis d’en déduire les performances des
différentes architectures vis-à-vis des critères d’évaluation. Une méthode a également été proposée et
mise en œuvre pour la pondération des différents critères d’évaluation. Elle a été complétée par une
approche d’aide à la décision multicritère basée sur les méthodes TOPSIS et MAUT, permettant de
réduire grandement le nombre d’architectures pour ne conserver que les plus pertinentes. Finalement,
une illustration de la suite du processus de conception a été donnée à travers la proposition et mise
en œuvre d’une approche basée sur les modèles pour le prédimensionnement d’une brique.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 138 / 157
Conclusion Générale
Rappel du contexte et des objectifs
Dans un contexte industriel fortement concurrentiel, l’innovation de rupture est un levier essentiel pour
dégager des marges fonctionnelles et ainsi proposer des produits en mesure de mieux répondre aux
besoins présents, ou en satisfaire de nouveaux. Les développements industriels étant essentiellement
mené dans une logique d’innovation incrémentale, un véritable besoin méthodologique a été identifié
pour favoriser l’innovation de rupture. Ainsi, ces travaux de thèse se sont focalisés sur l’étude
conceptuelle d’architectures pour un système fortement innovant. Dès lors, deux objectifs principaux
ont été fixés pour nos travaux de thèse :
- Proposer une méthodologie d’étude conceptuelle d’architectures système en rupture,
conforme à l’état de l’art, et pouvant être implémentée dans un contexte industriel.
- Mettre en œuvre la méthodologie proposée sur le cas d’étude concret du circuit carburant
d’un moteur d’hélicoptère, au sein de l’entreprise Safran Helicopter Engines. L’objectif de
cette étape est d’obtenir une sélection d’architectures de circuit carburant innovantes les plus
prometteuses vis-à-vis des besoins identifiés pour les circuits carburant futurs.
Ces deux objectifs sont intimement liés dans la mesure où :
- la méthodologie proposée a été développée pour être adaptée au cas d’étude du circuit
carburant d’un moteur d’hélicoptère,
- la mise en œuvre de la méthodologie chez l’industriel a fourni un retour d’expérience
permettant son amélioration tout au long des travaux de thèse. En outre, cette étape de mise
en pratique a également contribué à valider la pertinence de la méthode proposée dans un
contexte industriel.

Positionnement et cheminement des travaux de thèse


Les travaux de thèse se sont concentrés sur les étapes d’ingénierie des besoins et des exigences, de
génération d’architectures fortement innovantes et de sélection qualitative d’architectures les plus
pertinentes. Ce cadre d’étude a évolué au cours de l’avancement de la thèse. Il était initialement
prévu d’effectuer une sélection quantitative des architectures, en se basant sur des modèles de
prédimensionnement de haut niveau. Cependant, il est apparu qu'étant donné la quantité et la
diversité des architectures candidates et des critères d’évaluation, une approche par modélisation
quantitative s’est avérée irréaliste. En effet, la génération de modèles ne pouvant être automatisée,
l’effort de modélisation aurait été trop important dans le temps imparti. De plus, notre approche
systémique implique de prendre en compte des critères variés ne pouvant être directement évalués
quantitativement par des modèles de haut niveau. Ces différents verrous nous ont donc conduit à
proposer et mettre en œuvre une démarche davantage basée sur l’évaluation qualitative des
architectures. Dès lors, il ne s’agit donc plus de prédimensionner les architectures mais d’en
sélectionner les plus pertinentes. L’étape de prédimensionnement est ainsi repoussée en aval des
travaux de thèse, et pourra ainsi être menée sur un nombre réduit d’architectures sélectionnées. Cette
modification de la philosophie d’évaluation des architectures est arrivée relativement tard dans nos
travaux. Il a en effet fallu attendre la fin de l’étape de génération des architectures, et le début de leur
évaluation pour constater la difficulté à évaluer quantitativement des architectures aussi nombreuses
et diverses. A ce moment-là, un long travail de spécification d’exigences quantitatives pour un cas
d’étude sélectionné avait déjà été réalisé. Le passage à une démarche qualitative d’évaluation des
architectures a rendu inutile à la thèse une grande partie de ce travail de spécification. Cette
expérience est néanmoins positive : elle montre qu'il faut à l’avenir utiliser un processus plus itératif en
raisonnant par strates plutôt qu’en profondeur.

Concernant la démarche générale de la thèse, notre objectif aurait pu être considéré à première vue
comme un problème de sélection d’architectures. Cependant, cette activité nécessite d’être alimentée
par des architectures candidates et des critères d’évaluation. Dans un cadre d’étude faiblement
innovant, ces données auraient pu être disponibles directement dans l’entreprise. Néanmoins, dans le
cadre de l’innovation de rupture, les architectures candidates se doivent d’être fortement innovantes. Il
en est de même pour les critères d’évaluation qui se doivent de refléter les attentes des clients de
demain vis-à-vis du produit de l’entreprise. C’est donc véritablement la dimension d’innovation
radicale qui nous a poussés à débuter notre étude dès l’analyse des besoins, point de départ de
l’activité de conception. L’idée a été de permettre à l’innovation de rupture de s’exprimer dès cette
étape, pour qu’elle rayonne à travers les activités suivantes que sont la génération et la sélection

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 139 / 157
d’architectures.
Ces deux derniers paragraphes nous amènent à conclure que pour conduire nos travaux de
recherche sur l’innovation radicale, il est incontournable de s’intéresser aux étapes fortement
préliminaires du cycle de conception.

Ainsi, les travaux de thèse se sont déroulés sur trois activités principales :
- L’analyse des besoins, qui a consisté en un travail de communication et de concertation
avec les différentes parties prenantes pour en extraire les besoins actuels et futurs.
- La génération d’architecture, qui a reposé sur des étapes de décomposition fonctionnelle,
de créativité pour la recherche de briques de solutions innovantes, et d’assemblage des
architectures. Cette dernière activité repose sur le fait qu’une architecture est obtenue par
combinaison de briques pour les différentes fonctions du système. La compatibilité des
briques entre elles a été prise au compte via la mise en œuvre d’une matrice de compatibilité.
- La sélection d’architecture, qui repose sur un processus de pondération des critères
d’évaluation, de prise en compte des contraintes du cahier des charges, et d’évaluation des
architectures. Cette dernière étape repose sur l’évaluation qui a été faite de chaque brique.
Les évaluations des briques sont ensuite judicieusement combinées à l’aide d’une matrice
d’agrégation des notes, pour obtenir finalement l’évaluation de l’architecture.

Valeur ajoutée des travaux de thèse


Comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents, c’est bien l’aspect d’innovation de rupture
qui, appliqué à une activité de conception, fait l’originalité de nos travaux de thèse. De par la diversité
des solutions à considérer, nous avons proposé de combiner sous une forme originale diverses
approches qualitatives pour parvenir à une sélection d’architectures. C’est une première source
d’originalité car la plupart des travaux de conception préliminaire que nous connaissons s’attachent à
une évaluation quantitative, souvent basée sur les modèles.

La valeur ajoutée de nos travaux de thèse réside essentiellement dans la combinaison de techniques
ou bribes de techniques, à l’état de l’art dans leurs domaines, réunies en une méthodologie structurée
qui est adaptée aux besoins et caractéristiques de notre cas d’étude.

Ainsi, le Chapitre 1 a proposé une approche basée sur l’ingénierie système mais adaptée à un cas
d’innovation de rupture. Cette dernière a apporté un cadre structurant dans le sens de l’identification
des parties prenantes et de leurs besoins, ainsi que des contextes opérationnels du système. Au sein
même de ce cadre d’ingénierie système, des éléments innovants ont été introduits au cours de
réunions transverses avec les parties prenantes. Ces réunions ont été menées dans un climat de
réflexion sur le long terme, plutôt que sur les problématiques du moment.
D’un point de vue industriel, l’approche proposée et mise en œuvre a permis de porter une réflexion
de différents métiers sur l’évolution des systèmes et des besoins associés.

Le Chapitre 2 s'appuie sur un important travail bibliographique. Il a proposé une technique de


créativité originale et particulièrement adaptée à une application industrielle, ainsi qu’une mise en
œuvre concrète s'appuyant sur le concept de matrice morphologique. La première permet de générer,
au cours d’une séance de travail de groupe de deux heures, plusieurs dizaines d’idées innovantes.
Cette technique de créativité proposée et mise en œuvre dans ces travaux de thèse s’appuie sur la
concaténation de principes issus de techniques déjà existantes (KCP, Brainwriting 635, Diagramme
KJ). Outre l’intérêt de proposer une méthode hybride, particulièrement adaptée au cas d’étude et à
son contexte industriel, la plus grande valeur ajoutée repose sur le fait d’avoir pu la tester et la valider
dans un contexte industriel. Le retour d’expérience obtenu suite à cette mise en œuvre permet de
disposer aujourd’hui d’une technique de créativité à la fois novatrice et mature. La deuxième forte
contribution de ce chapitre a été l’exploitation du concept de matrice morphologique. Etant donné le
nombre important de solutions générées, un formalisme original basé sur une représentation plus
graphique de l’espace des solutions a été proposé et mis en œuvre.
Du point de vue de l’industriel, le déploiement de cette approche a permis de faire ressortir des
briques ou concepts d’architecture fortement innovants. C’est la première étape qui permet de faire
apparaitre concrètement l’innovation de rupture, à travers les concepts générés.

Dans le Chapitre 3, une étude bibliographique approfondie a permis de proposer et mettre en œuvre
une approche originale de sélection des architectures candidates, en se basant sur les résultats des
processus des deux chapitres précédents. La valeur ajoutée principale se trouve dans :
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 140 / 157
- L’intégration de différentes méthodes, chacune correspondant à l’état de l’art dans son
domaine, dans une approche unifiée permettant de pondérer les critères (matrice QFD),
d’évaluer et de sélectionner des architectures (outils d’aide à la décision).
- Le choix de l’utilisation de deux techniques d’obtention d’un critère unique que sont TOPSIS
et MAUT, comme deux angles de vue complémentaires sur les notations des architectures,
représente également un apport important à nos yeux. Cela a consisté à analyser les résultats
obtenus à l’aide de ces deux critères, en combinant une approche topologique
(mathématique) et une approche analytique (orientée vers les résultats techniques). Cette
combinaison offre un équilibre appréciable entre l’approche mathématique, efficace pour
diminuer le nombre d’architectures mais forcément réductrice car résumant vingt critères
d’évaluation en un critère unique de décision, et l’approche technique qui permet d’apporter
une véritable interprétation technique aux résultats mathématiques.
L’approche méthodologique présentée dans la thèse, et plus particulièrement dans le Chapitre 3, a fait
l’objet de la création d’un outil implémenté dans l'environnement Microsoft Excel/VBA permettant sa
mise en œuvre sans recours à des logiciels spécialisés.

Du point de vue industriel, les résultats obtenus par l’application de la méthodologie proposée a
permis de mettre en avant ou d’écarter certaines briques technologiques, selon leur potentiel à
apporter de la valeur au circuit carburant, vis-à-vis des attentes du client. La démarche mise en œuvre
a permis d’ouvrir et de faciliter la discussion sur des sujets clés tels que les besoins futurs,
l’importance relative des critères ou les performances escomptées d’une brique technologique
inconnue. En permettant un traitement rationnel de ces données, les incohérences ou
questionnements sont alors rapidement pointés du doigt et peuvent être discutés en se basant sur des
résultats concrets fournis par l’outil.

Perspectives
Même si la méthodologie présentée dans ces travaux de thèse a été appliquée dans le cas très
particulier du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère, elle n’est en est pas moins applicable à
différents domaines industriels et à différents niveaux de décomposition du produit (système, sous-
système, équipements…). Même si elle donnera sa plus forte valeur ajoutée dans des projets
d’innovation de rupture, cette méthode peut également être adaptée pour des projets d’innovation
incrémentale ou de développement. Il s’agira pour cela d’adapter le degré de nouveauté des besoins
et des briques candidates. La démarche proposée reste donc relativement générique et applicable à
différents niveaux de l’entreprise.

Le temps imparti pour les travaux de thèse étant limité, certaines améliorations ont été imaginées
sans pouvoir être réalisées.

C’est le cas notamment de l’étude de sensibilité de la méthodologie aux données d’entrées. Cette
activité consiste à analyser la robustesse des conclusions face à une modification des données
d’entrée. Telle qu'elle a été implémentée, la méthode proposée se prête bien à l'utilisation de logiciels
dédiés à l'exploration de design et à l'étude de sensibilité paramétrique, par exemple Optimus ou
OptiY.

Une amélioration pouvant être apportée à notre approche méthodologique consiste en l’ajout d’un
indicateur de compatibilité technologique. Il permettrait d’évaluer la connaissance de la solution
proposée en interne de l’entreprise, ainsi que sa compatibilité avec les systèmes en interface déjà
existants, comme le calculateur du moteur par exemple. Ce critère avait été tout d’abord écarté de
notre étude afin de ne pas être contre-productif en termes d’innovation de rupture. En effet, les
solutions actuellement déployées seront les mieux notées sur ce critère, qui risque de pénaliser les
solutions les plus innovantes. Cependant, utiliser la maturité et la compatibilité technologique comme
simple indicateur, et non comme critère d’évaluation et de sélection, pourrait permettre in fine de
départager deux solutions dont les performances peuvent être proches. Cet indicateur permettrait
également d’accentuer la capacité de l’outil à intervenir sur des projets d’innovation incrémentale ou
même des développements, pour lesquels la maturité et la compatibilité aux systèmes existants est,
respectivement, importante et cruciale.

Comme nous l’avons vu précédemment, la subjectivité de la notation des briques par les experts
apporte un biais certain dans les résultats de l’évaluation. Ce caractère subjectif des données d’entrée
est d’autant plus prononcé que l’on travaille sur un projet d’innovation de rupture ou de conception
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 141 / 157
préliminaire. Ce biais ne peut pas être supprimé au moment de la notation, mais il peut en revanche
être pris en compte. C’est un axe d’amélioration que nous proposons par l’introduction de logique
floue dans le processus de sélection d’architectures. Comme l’exposent les auteurs de (Rathod &
Kanzaria 2011) dans leur cas de sélection multicritère d’un matériau à changement de phase, la
méthode TOPSIS floue est préférée dans le cadre de notations des performances vagues. La prise en
compte d’incertitudes dans le processus de sélection lui-même pourra alors permettre de gagner en
précision quant à la sélection finale des architectures.

Enfin, comme nous l’avons vu dans la partie V du chapitre 3, les résultats de thèse sont amenés à
donner suite à des travaux d’études préliminaires quantitatives sur les briques ou architectures
sélectionnées. Ces travaux complémentaires et quantitatifs permettront de gagner en maturité sur les
concepts ayant été jugés les plus pertinents dans les travaux de thèse. Ces informations pourront
également être réinjectées dans la démarche de cette thèse par une réévaluation de la brique
concernée. Cette rétroaction permettra de valider ou de mettre en garde contre la valeur ajoutée d’une
telle brique, maintenant que l’on en connait les performances avec plus de précision. Ainsi la
démarche présentée lors de ces travaux de thèse pourra également accompagner la suite du
processus de conception du système.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 142 / 157
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Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 152 / 157
Annexe
Annexe A Méthodologie de prédimensionnement pour
l’évaluation préliminaire d’un système de dosage
Cette annexe présente la démarche utilisée pour le prédimensionnement des briques « Doser » en
vue de leur évaluation préliminaire. Pour ce faire, nous considérerons la brique « Section commandée
– Pression amont quelconque ». L’objectif de ce prédimensionnement est d’obtenir, pour le débit
maximal, les valeurs minimales et maximales de tailles d’orifices et pression maximale.

I. Présentation du problème
Points de fonctionnement
Deux points de fonctionnement ont été choisis pour ce prédimensionnement : le point de plus faible
débit (Ralenti Sol) et celui de débit maximal (OEI). Le premier point permet d’obtenir le diamètre
minimal de l’orifice de dosage, tandis que le dernier permet d’obtenir le diamètre maximal de l’orifice
de dosage ainsi que les pressions maximales aux bornes du système de dosage.
Le carburant utilisé pour le prédimensionnement est un Jet A-1 typique à 15°C.

Circuit modélisé
Comme nous l’avons représenté en Figure 91, le circuit utilisé pour le prédimensionnement du
système de dosage est constitué :
- D’une pompe, dont le débit Qppe est imposé par la vitesse de rotation du moteur.
- D’un système de dosage, composé de :
o Une vanne de dosage : modélisé par un orifice dont la section Sdos peut varier selon le
point de fonctionnement. Elle est traversée par un débit Qdos, imposé par le point de
fonctionnement.
o Un orifice de retour : modélisé par un orifice de section fixe Sr.

Vanne de dosage

P1 Qdos Vers l’aval du


P2 système de dosage
Qr Sdos
Qppe Sr Orifice de retour
Données d’entrée
Données de sortie
P0
Depuis l’amont du
système de dosage

Figure 91 - Circuit modélisé pour le prédimensionnement du système de dosage par restriction "Pression amont
quelconque"

Les circuits en amont et en aval du système de dosage n’ont pas été représentés dans ce modèle.
Les conditions aux limites imposées pour le prédimensionnement sont :
- Une pression P0 en entrée du circuit,
- Une pression P2 en sortie du circuit,
Ces deux pressions sont imposées par le point de fonctionnement.

L’objectif de notre travail de prédimensionnement du système de dosage est alors de déterminer


l’ensemble des points des dimensionnements (P1, Sdos, Sr) du système.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 153 / 157
II. Prédimensionnement du système de dosage
II.A. Prédimensionnement de la pression et de la taille
d’orifices
Nous avons donnons en Figure 93 une représentation symbolique du problème de
prédimensionnement, en faisant apparaitre les variables d’entrée (fixées par le point de
fonctionnement) et les variables de sorties (à calculer).

Qppe P1 Qdos
Sdos P2
Qr

Sr Légende
Données d’entrée
Données de sortie
P0
Figure 92 – Représentation initiale du problème de dimensionnement

En utilisant le théorème de conservation de la masse, et en négligeant les effets de compressibilité,


on obtient directement la valeur du débit dans la boucle de retour :
(A-28)

Ce dernier étant désormais connu, le problème de dimensionnement devient celui présenté en Figure
93.
Qppe P1 Qdos
Sdos P2
Qr

Sr Légende
Données d’entrée
Données de sortie

P0
Figure 93 - Représentation finale du problème de dimensionnement

Il reste alors trois variable dont les valeurs sont à déterminer au cours de l’activité de
prédimensionnement : la pression P1 et les sections Sr et Sdos. Pour ce faire, nous disposons des deux
équations de caractérisation des orifices de dosage et de retour :

(A-29)

(A-30)

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 154 / 157
où et sont respectivement les coefficients de débits des orifices de dosage et de retour.
L’écoulement étant turbulent, ces coefficients ne dépendent donc pas de la viscosité du carburant,
mais uniquement de la géométrie des orifices.

Le bon fonctionnement de notre système de dosage impose que les débits Qdos et Qr soient positifs.
D’après les caractéristiques des orifices de dosage et de retour, données en (A-29) et (A-30), les deux
conditions suivantes doivent ainsi être vérifiées :
(A-31)
(A-32)

Etant donné que nous avons deux équations liant trois inconnues, le système de dosage possède un
degré de liberté. Celui-ci doit être fixé afin d’être en mesure d’obtenir les valeurs des deux autres
variables. Nous choisissons de fixer le paramètre de section de l’orifice de retour. C’est en effet le seul
paramètre qui ne varie pas d’un point de fonctionnement à l’autre. Les équations (A-29) et (A-30)
deviennent alors :

(A-33)

(A-34)

Les prédimensionnements ainsi obtenus ont été résumés dans la Figure 94. Pour chaque valeur de la
section de l’orifice de retour, un nouveau dimensionnement est généré.

Figure 94 - Dimensionnements possibles du système de dosage

Il est à noter qu’une limite a été placée sur la droite du graphique. Elle représente le cas où la
condition (A-31) n’est pas satisfaite. Il s’agit donc de points pour lesquels le système n’est pas
fonctionnel et donc le dimensionnement non valable.

Analyse des résultats


Les résultats obtenus par le dimensionnement sont analysés au regard des 3 paramètres définis
initialement : niveaux de pression, taille des orifices et pilotabilité.

Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 155 / 157
- Niveaux de pression
Sur le reste du domaine de dimensionnement, on observe que les pressions P1 obtenues pour les
points de ralenti sol sont très élevées (de 190 bars à 395 bars). Ceci est dû au fait qu’une grande
partie (88%) du débit générée par la pompe au ralenti doit être recirculé via la boucle de retour. Ces
valeurs élevées de pression auront une répercussion sur la masse et/ou la fiabilité des équipements
du circuit carburant, ce qui est un inconvénient majeur pour une conception de système aéronautique.

- Diamètre des orifices


Les diamètres d’orifices obtenus à la suite de ce prédimensionnement semblent réalistes, tant en
valeur absolue qu’en variation entre les deux points de fonctionnement (pour l’orifice de dosage).

A l’issue de cette première partie de l’évaluation du système de dosage par restriction à « Pression
amont quelconque », nous avons choisi de retenir le dimensionnement avec un orifice de retour de
diamètre 1.03 mm. Comme nous l’avons vu en Figure 94, ce dimensionnement permet d’avoir les
pressions les plus basses tout en conservant des tailles d’orifices convenables.

II.B. Evaluation de la pilotabilité du système de dosage


L’évaluation de la pilotabilité consiste à évaluer le gain du système de dosage pour un point de
fonctionnement donné. Ce gain représente l’effet sur le débit dosé Qdos d’une variation du paramètre
de commande, ici la section de la vanne de dosage Sdos. Pour ce faire, il convient de trouver une
expression du débit dosé dans laquelle la seule variable est la section de la vanne de dosage. Si l’on
en revient à la caractéristique de la vanne de dosage, équation (A-29), on s’aperçoit que l’expression
du débit dosé dépend également de la variable P1. En combinant les équations (A-28) et (A-30), on
obtient une expression de P1 en fonction du débit dosé et de la section de l’orifice de dosage :

(A-35)

En réinjectant cette expression de P1 dans l’équation (A-29), on obtient une équation du second degré
en débit dosé :

(A-36)

La résolution de cette équation pour un point de fonctionnement donné permet d’obtenir


numériquement la pente de la courbe d’évolution du débit dosé en fonction de la surface de l’orifice de
dosage, au voisinage du point de fonctionnement considéré. Nous avons représenté graphiquement
ce résultat en Figure 95. Cette résolution a été considérée avec un orifice de retour de diamètre 1,03
mm.

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Figure 95 – Evolution du débit dosé en fonction de la section de l’orifice de vanne de dosage au voisinage du
point de ralenti sol
2
Le gain au point de ralenti sol a été évaluée de manière numérique à 398 L/h/mm . De la même
2
manière, le gain au point d’OEI a été évalué à 5 L/h/mm . Ces résultats de gain vont à l’encontre du
cahier des charges du système de régulation en termes de pilotabilité. Il serait en effet bénéfique
d’avoir un gain faible à bas débit et un gain plus élevé à haut débit. En effet, ce fort gain à faible débit
impose une grande précision dans la régulation de la section de passage de la vanne de dosage. A
l’inverse, à haut débit un gain trop faible peut entrainer un retard du fait du temps nécessaire au
positionnement correct de la vanne de dosage.

III. Conclusion
Du fait de ses mauvaises performances en termes de pilotabilité, ainsi que des niveaux de pression
trop élevés engendrés dans le système, cette brique de dosage par restriction à « Pression amont
quelconque » a été retirée de la liste des briques candidates pour notre étude d’architectures.

Des études similaires ont été menées pour les quatre autres briques de la famille de dosage par
restriction. La prise en compte de spécificités de chacune des briques a permis d’adapter l’approche
que nous avons présentée dans cette annexe aux autres systèmes de dosage candidat. Cette étape
d’évaluation préliminaire a ainsi permis d’éliminer 3 des 5 briques initialement candidates.

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