Methodologie Pour Letude Conceptuelle Du
Methodologie Pour Letude Conceptuelle Du
Methodologie Pour Letude Conceptuelle Du
Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant – Application au cas
du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère
Dans de nombreux domaines industriels, l’innovation est mise en œuvre de manière incrémentale en
cherchant à optimiser un concept donné. Ce type d’innovation est efficace sur le court terme,
permettant d’arriver à améliorer le système avec une prise de risque limitée. Cependant, cette
approche réduit fortement les opportunités d’amélioration future de ces systèmes. Pour faire face à
des nouveaux besoins émanant des clients, l’innovation de rupture s’impose dans une vision long
terme. Un changement radical de concept permet en effet de dégager des marges fonctionnelles
permettant d’améliorer significativement le système. Le but de ces travaux de thèse a été, d’une part,
de proposer un cadre méthodologique pour l’étude conceptuelle d’architectures de systèmes de
puissance en rupture. Ceci consiste en la spécification des nouveaux besoins, la génération
d’architectures système fortement innovantes, ainsi que la sélection des architectures les plus
pertinentes. En s’appuyant sur une approche d’ingénierie système, ainsi que sur des techniques à
l’état de l’art dans les domaines de la recherche de solutions innovantes (KCP, Brainwritting,
Diagramme KJ), la combinaison des concepts (matrice morphologique) et de l’aide à la décision
multicritères (TOPSIS, MAUT), une approche originale a été proposée. La méthode proposée a été
appliquée au cas du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère chez l’industriel Safran Helicopter
Engines. Ce contexte applicatif a permis de mettre en œuvre et d’évaluer les approches proposées
dans un environnement industriel réel. Un outil implémenté sous Microsoft Excel a été développé pour
le déploiement de la méthodologie proposée dans l’entreprise.
In several industries, incremental innovation has been used. This approach aims at optimizing a given
design. It is efficient in the short term, and enables to improve the system at low risks. Anyway,
incremental innovation implies a reduction in the capacity of future improvement. In order to deal with
new customer needs, radical innovation is a must in a long-term consideration. Indeed, these radical
changes allow to create new functional margins, enabling to make the system even better. The aim of
this thesis work is, on the one hand, to propose a methodological framework for the conceptual design
of radically innovative power system architectures. This implies tomorrow’s needs specification,
strongly innovative architecture generation and best architectures selection. Based on a systems
engineering approach, as well as state of the art techniques in the domain of creativity (KCP,
Brainwritting, KJ Diagram), concepts combination (morphological matrix) or mutlicriteria decision
making (TOPSIS, MAUT), an original approach has been proposed. On the other hand, this
methodology has been implemented in an industrial framework in the case of a helicopter engine fuel
system at Safran Helicopter Engines. This has enabled to obtain a return of experience on the
industrial application of this methodology. A tool has been developed using Microsoft Excel for the
industrial deployment of the methodology.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 3 / 157
Remerciements
Les travaux de thèse présentés dans ce manuscrit ont été réalisés en collaboration entre le
laboratoire Institut Clément Ader et l’entreprise Safran Helicopter Engines.
Mes premiers remerciements vont à mes deux encadrants de thèse, qui ont su m'accompagner tout
au long de ces travaux de thèse. Merci tout d'abord au Professeur Jean-Charles Maré, mon directeur
de thèse. Tu m'as énormément apporté que ce soit par ton expérience des problématiques de
conception préliminaire, que par ton accompagnement humain durant toutes les phases de la thèse.
Merci également à Pierre Sicaire, mon encadrant industriel chez Safran Helicopter Engines. Tu as
grandement participé à ma bonne intégration au sein de l'entreprise, tout en me laissant l'autonomie
me permettant de mener à bien ces travaux de recherche dans un contexte industriel. Ton expertise
technique des problématiques du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère a été précieuse. Sans
vos contributions, cette thèse aurait sûrement été bien différente, alors encore merci.
Mes remerciements vont ensuite à messieurs Eric Bonjour et Jean-Pierre Nadeau qui ont accepté de
rapporter mes travaux de thèse. Merci pour vos rapports d'experts très constructifs. Les nombreuses
questions que vous m'avez adressées montrent l'intérêt que vous avez porté à mes travaux. Je vous
en suis grandement reconnaissant. Je tiens également à remercier madame Nadège Troussier ainsi
que monsieur Bernard Yannou qui ont accepté d'examiner mes travaux de thèse.
Je suis infiniment reconnaissant envers tous mes collègues qui m'ont accompagné au quotidien au
cours de mes trois années de thèse, que ce soit chez Safran Helicopter Engines ou à l'Institut
Clément Ader. J'espère n'oublier personne en citant pour Safran Helicopter Engines et par ordre
alphabétique : Kévin Beaubier, Philippe Benezech, Eric Le-Borgne, Gabriel Darrieumerlou, Bruno
Facca, Carole Irigoyen, Yannick Du Laurent de la Barre, Alexis Longin et Alexandre Siret. Merci pour
votre expertise technique ainsi que pour vos qualités humaines et l'ambiance très positive dans
laquelle vous m'avez accueillie à l'intérieur et à l'extérieur du cadre professionnel. Côté Institut
Clément Ader et par ordre alphabétique, merci à Silvio Akitani, Louis Amigues, Batoul Attar, Marc
Budinger, Clément Coïc, Scott Delbecq, Francesco De Giorgi, Ion Hazyuk, Nicolas Laurien,
Geneviève Mkdara, Florian Sanchez et Florent Tajan. Merci à vous pour votre accueil toujours
chaleureux lors de mes déplacements au laboratoire, ainsi que pour nos échanges souvent riches.
Un grand merci à tous mes amis de Grenoble, de Châteauroux, de Toulouse, de Pau et d'ailleurs.
Merci pour les grands moments que nous avons vécus ensemble et sans lesquels la vie n'aurait pas
la même saveur. Merci également à ma famille. Même si on ne se voit pas très souvent, votre
présence m'est néanmoins précieuse. Je tiens également à remercier ma belle famille. Vous m’avez
accueilli à bras ouverts, occupez désormais une belle place dans ma vie.
Mes derniers remerciements vont à Marie-Alice, mon épouse. Merci pour tout ce que tu as fait pour le
chemin que nous avons parcouru et qu'il nous reste à parcourir. Merci pour la personne que tu es, et
pour tout ce que tu as fait pour m'aider dans mes travaux de thèse.
En un mot, et pour conclure, merci à la Vie de m'avoir mené vers cette expérience de thèse qui m'a
fait grandir, et qui m'a permis de vivre de grands moments avec des personnes d'exception.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 5 / 157
Table des matières
Définitions ........................................................................................................................................... 8
Acronymes ......................................................................................................................................... 10
Introduction Générale ....................................................................................................................... 11
CHAPITRE 0 - Présentation des travaux de thèse ......................................................................... 13
I. Contexte des travaux................................................................................................................. 13
I.A. Contexte industriel ............................................................................................................ 13
I.B. Contexte laboratoire ......................................................................................................... 17
II. Particularité des travaux de thèse ............................................................................................ 18
II.A. Spécificités du cas d’étude ................................................................................................ 18
II.B. Positionnement vis-à-vis des travaux existants ................................................................ 19
CHAPITRE 1 - Ingénierie des Besoins et des Exigences .................................................................. 21
Introduction....................................................................................................................................... 21
I. Présentation de l’ingénierie des besoins et des exigences ....................................................... 22
I.A. Enjeux de l’ingénierie des besoins et des exigences ......................................................... 22
I.B. Etat de l’art en ingénierie des besoins et des exigences ................................................... 24
I.C. Méthodologie proposée dans le cadre de la thèse ........................................................... 37
II. Analyse du retour d’expérience Safran Helicopter Engines ...................................................... 38
II.A. Elicitation du besoin .......................................................................................................... 38
II.B. Analyse du besoin des parties prenantes .......................................................................... 44
Conclusion ......................................................................................................................................... 46
CHAPITRE 2 - Génération d’architectures système carburant en rupture ...................................... 47
Introduction....................................................................................................................................... 47
I. Etat de l’art des démarches de génération d’architectures ...................................................... 47
II. Présentation des étapes de la démarche retenue .................................................................... 50
II.A. Abstraire ............................................................................................................................ 50
II.B. Décomposer ...................................................................................................................... 51
II.C. Rechercher......................................................................................................................... 51
II.D. Combiner ........................................................................................................................... 60
III. Proposition d’une méthode pour les travaux de thèse......................................................... 62
III.A. Sélection méthode Abstraire ............................................................................................. 62
III.B. Sélection méthode Décomposer ....................................................................................... 62
III.C. Sélection méthode Rechercher ......................................................................................... 62
III.D. Sélection méthode Combiner ............................................................................................ 67
IV. Mise en œuvre de la méthode proposée chez Safran Helicopter Engines ........................... 68
IV.A. Abstraire et Décomposer .................................................................................................. 68
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IV.B. Rechercher des solutions innovantes................................................................................ 71
IV.C. Combiner les concepts de solution ................................................................................... 78
Conclusion ......................................................................................................................................... 87
CHAPITRE 3 - Sélection des concepts d’architectures système carburant en rupture ..................... 89
Introduction....................................................................................................................................... 89
I. Définition du problème ............................................................................................................. 89
II. Etat de l’art ................................................................................................................................ 91
II.A. Processus de prise de décision sur les architectures système ......................................... 91
II.B. Travaux similaires et vue d’ensemble de la littérature ..................................................... 92
II.C. Méthodes d’évaluation des architectures......................................................................... 93
III. Méthodologie proposée ...................................................................................................... 112
III.A. Processus ......................................................................................................................... 112
III.B. Les critères d’évaluation.................................................................................................. 112
III.C. Evaluation préliminaire ................................................................................................... 113
III.D. Analyse des alternatives .................................................................................................. 113
III.E. Prise de décision .............................................................................................................. 115
IV. Mise en œuvre chez Safran Helicopter Engines .................................................................. 116
IV.A. Les critères d’évaluation.................................................................................................. 116
IV.B. Evaluation préliminaire ................................................................................................... 119
IV.C. Evaluation des alternatives ............................................................................................. 121
IV.D. Prise de décision sur les architectures ............................................................................ 125
V. Poursuite des travaux de conception ...................................................................................... 132
V.A. Architecture du système EPD .......................................................................................... 132
V.B. Modélisation du système EPD ......................................................................................... 134
V.C. Résultats .......................................................................................................................... 137
Conclusion ....................................................................................................................................... 137
Conclusion Générale................................................................................................................. 139
Références ....................................................................................................................................... 143
Annexe ............................................................................................................................................. 153
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 7 / 157
Définitions
Appréciation Démarche de la pensée aboutissant à un jugement de valeur (CNRTL 2018)
Organisation fondamentale d’un système. Elle est incarnée par ses composants,
leur relation entre eux et à l’environnement, ainsi que par les principes qui
guident sa conception et son évolution. (ISO/IEC/IEEE 2010) Comme l’indiquent
Architecture les auteurs de (Fiorèse & Meinadier 2012), l’architecture peut être représentée
selon différents points de vue. Ils citent deux types d’architectures : fonctionnelle
et physique. Ces architectures peuvent être représentées selon différents niveau
de granularité.
Dans le domaine de l’aide à la décision, un attribut est une caractéristique
Attribut
permettant de décrire une action (ou concept candidat). (Vanderpooten 2008)
Nécessité ou désir exprimé par un utilisateur, ou par toute partie prenante
Besoin
intéressées par l’utilisation et l’exploitation du système (Fiorèse & Meinadier 2012)
Technique de recherche d'idées originales, surtout utilisée dans la publicité et
Brainstorming fondée sur la communication réciproque dans un groupe des associations libres
de chacun de ses membres. (Larousse n.d.)
Variante du Brainstorming dans laquelle les idées sont exprimées à l’écrit et non à
Brainwriting
l’oral
Dans nos travaux de thèse, une brique désigne un concept répondant à une
Brique
fonction. Une architecture est constituée d’un assemblage de briques.
Spécification statique d’un contexte opérationnel où l’on décrit les systèmes
Cas d’utilisation
externes qui interviennent ainsi que leurs interactions.
Contexte Moment de la vie du système tel que l’environnement (client, utilisateur, système
opérationnel externe, etc.) le perçoit.
Contradiction Lorsque deux paramètres différents sont en conflit, c’est-à-dire que l’amélioration
technique de l’un entraine la détérioration de l’autre. (Gadd 2011)
Type d’exigence motivée par une restriction, limitation ou une conformité à un
Contrainte
règlement imposé au système. (D’après (Fiorèse & Meinadier 2012))
Dans le domaine de l’aide à la décision, un critère est une caractéristique
Critère permettant de mesurer les préférences du décideur vis-à-vis de chaque action et
relativement à un point de vue. (Vanderpooten 2008)
Critère Caractéristique utilisée pour évaluer la performance attendue d’un produit ou celle
d’appréciation qu'il réalise. (Afnor 2014)
Evolution du système depuis l’identification d’un besoin chez le client, le
développement du système, les tests, la production, l’opération, le support, en
Cycle de vie
passant par les évolutions diverses du système, jusqu’à ce qu’il soit retiré du
service et démantelé. (Kossiakoff & Sweet 2003)
Design dominant Réfère au concept qui s’est imposé sur le marché
Evaluation Action d’apprécier la valeur d’une chose (CNRTL 2018)
Enoncé qui spécifie une aptitude, une caractéristique ou une limitation d’un
système, d’un produit ou d’un processus, pour contribuer, dans des conditions
Exigence
d’environnement données, à la satisfaction d’un but donné. (D’après (Fiorèse &
Meinadier 2012))
Inertie Tendance humaine à s’attacher à des hypothèses familières et à montrer de la
Psychologique résistance à les remettre en cause. (adapté de (Gadd 2011))
Innovation de Innovation obtenue par le changement de concept d’un produit ou de son modèle
rupture économique
Innovation Innovation obtenue par l’ajout progressif de fonctionnalités ou l’amélioration d’un
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 8 / 157
incrémentale système existant, sans modification de son concept fondamental.
Personne physique ou morale qui reçoit la mission du maitre d’ouvrage de
Maitre d’œuvre
concevoir le système à faire et de contrôler sa réalisation. (Fiorèse & Meinadier
(MOE)
2012)
Maitre d’ouvrage Personne physique ou morale pour le compte de laquelle le système à faire est
(MOA) réalisé. (Fiorèse & Meinadier 2012)
Ensemble de pratiques, techniques, procédures et règles utilisées par ceux qui
Méthodologie
travaillent dans une discipline (Project Management Institute 2008)
Mission Tâche, service ou fonction spécifique, définie pour être accompli par le système
opérationnelle (ECSS 2004)
Opérationnel Qui relève d’un point de vue externe au système à faire.
Toute personne ou entité concernée de près ou de loin par le système (son
Partie prenante utilisation, sa réalisation, sa maintenance, sa certification…) et donc susceptible
d’exprimer des exigences. (D’après (Fiorèse & Meinadier 2012))
Ensemble d’activités corrélées ou en interaction qui utilise des éléments d’entrée
Processus
pour produire un résultat escompté. (ISO 2015)
Spécification dynamique d’un contexte opérationnel où l’on décrit la succession
Scénario
des activités et des échanges entre les systèmes externes et le système à faire
opérationnel
qui couvrent l’ensemble du contexte considéré.
Processus (opération volontaire et méthodique, phénomène inconscient ou
automatique) par lequel, à l'intérieur d'un ensemble donné, certains éléments
Sélection (personnes ou choses) sont choisis, retenus à l'exclusion des autres, en fonction
de caractéristiques déterminées, éventuellement impliquées par une certaine fin.
(CNRTL 2018)
1
(1) Spécification système : Document prescrivant des exigences à satisfaire par
le système à faire (Fiorèse & Meinadier 2012)
Spécification (2) Opération de formalisation des exigences d’un niveau supérieur en exigences
du niveau considéré (Fiorèse & Meinadier 2012). Dans notre cas, il s’agira
d’exigences de niveau du système à faire.
Combinaison d’éléments en interaction organisés pour atteindre un ou plusieurs
Système
objectifs définis (ISO/IEC/IEEE 2002)
Système d’étude qui fait l’objet du processus d’ingénierie système. (Fiorèse &
Système à faire
Meinadier 2012)
Relation déclarée acceptable par le demandeur entre la variation du prix (ou du
coût) et la variation correspondante du niveau d’un critère d’appréciation d’une
Taux d’échange
fonction, ou entre les variations de niveau de deux critères d’appréciation d’une
fonction. (Afnor 2014)
Utilisateur Individu ou organisation qui bénéficie de l’exploitation du système
Activités dont le but est de montrer que l’activité technique réalisée répond à son
objectif, que le produit résultant de l’activité répond au besoin pour lequel l’activité
Validation a été faite. (Fiorèse & Meinadier 2012) - Confirmation par des preuves objectives
que les exigences pour une utilisation spécifique ou une application prévue ont
été satisfaites. (ISO 2015)
Processus dont le but est de s’assurer que l’activité technique a été correctement
Vérification réalisée (Fiorèse & Meinadier 2012) - Confirmation par examen et apport de
preuves objectives que les exigences spécifiées ont été satisfaites. (ISO 2015)
Dans toute la suite, le terme « système » sera volontairement omis quand il s’agira de spécification. Ainsi, le
1
terme spécification réfèrera à la spécification système, c’est-à-dire la spécification de niveau système à faire.
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Acronymes
AFIS Association Française d’Ingénierie Système
ELECTRE Elimination Et Choix Traduisant la Réalité
EPD Electropompe doseuse
GV Géométries Variables
HC Hélicoptère
INCOSE International Council on Systems Engineering
IS Ingénierie Système
MADM Multi-Attribute Decision Making
MCDM Multi Criteria Decision Making
MOA Maitre d’ouvrage
MODM Multi Objective Decision Making
MOE Maitre d’œuvre
OEI One Engine Inoperative
QFD Quality Function Deployment
SafranHE Safran Helicopter Engines
SAR Score d’Amélioration Relatif
SHE Safran Helicopter Engines
TAG Turbine à gaz
TOPSIS Technique for Order Preferences by Similarity to an Ideal Solution
TRIZ Théorie de Résolution Inventive des Problèmes (acronyme russe)
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Introduction Générale
Ces travaux de thèse ont été menés d’avril 2015 à avril 2018, dans le cadre d’une collaboration entre
Safran Helicopter Engines et l’Institut Clément Ader. Elle traite de l’étude conceptuelle de systèmes
fortement innovants, avec comme cas d’application le circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère
Safran Helicopter Engines. Le besoin de thèse a été présenté par l’industriel, en partant du constat
suivant. Chez Safran Helicopter Engines et de manière générale dans le domaine des turbines à gaz
aéronautiques, les circuits carburant ont une architecture globalement similaire. Les nouvelles
fonctionnalités y ont été ajoutées de manière incrémentale, augmentant la complexité tout en
réduisant la marge fonctionnelle pour de futurs développements. Etant donné l’évolution des besoins
des clients et le caractère fortement concurrentiel du domaine du moteur d’hélicoptère, les travaux de
thèse ont été initiés pour proposer et évaluer des solutions en rupture vis-à-vis des pratiques de
l’entreprise. Nous nous placerons pour ce faire à un niveau préliminaire du cycle de conception
puisqu’il s’agira de conception d’architecture de système carburant. Cette thématique est au cœur des
problématiques du groupe Ingénierie des Systèmes et Microsystèmes de l’Institut Clément Ader. Cette
équipe s’intéresse en effet aux mécanismes de conception préliminaire des systèmes multiphysiques
par une approche basée sur les modèles. Ce travail de thèse intervient également après plus de 10
ans de collaboration entre le laboratoire et l’industriel.
Les travaux de thèse ont donc été jalonnés de 3 activités génériques que sont :
- La spécification des besoins et exigences pour un système fortement innovant. Lors de cette
étape, une méthodologie a été proposée et mise en œuvre pour capter les nouveaux besoins
liés à de nouvelles demandes issues des différentes parties prenantes. Ces besoins ont été
formalisés puis déclinés en exigences, permettant leur quantification.
- La génération de concept d’architectures systèmes en rupture vis-à-vis des pratiques de
l’entreprise. Cette étape a consisté, suite à l’identification des fonctions à remplir par le
système, à générer des solutions candidates en rupture par rapport à l’existant dans
l’entreprise. Pour ce faire, une méthodologie basée sur des techniques de créativité a été
proposée et mise en place dans l’entreprise.
- La sélection d’architectures les plus pertinentes pour une application donnée. Cette étape a
permis de sélectionner les architectures les plus pertinentes pour un cahier des charges
donné. La méthodologie proposée et mise en œuvre dans le cadre de ces travaux s’appuie
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 11 / 157
sur des méthodes d’aide à la décision multi-attributs.
La structure de ce manuscrit, présentée en Figure 2, s’articule ainsi autour des trois activités que nous
venons de présenter et qui ont rythmé cette thèse.
Afin de dissocier l’aspect générique de nos travaux de la pure application au cas d’étude, chacun des
chapitres I, II et III sont construits selon le modèle suivant :
1- Revue critique de l’état de l’art : cette partie propose une revue critique des contributions
publiées relatives à l’activité concernée, dans le but de leur sélection pour notre application.
2- Proposition d’une méthodologie : cette partie résumé la méthodologie proposée à l’issue de la
revue de l’état de l’art.
3- Application au cas du système carburant Safran Helicopter Engines : cette partie expose les
leçons apprises lors de la mise en œuvre de la méthodologie propose dans le cadre de notre
application industrielle.
Cette construction des chapitres est illustrée en Figure 3.
Approche directe
Contrairement à ce que pourrait laisser supposer cette approche séquentielle des activités de
proposition et de mise en œuvre de la méthodologie, la méthodologie telle qu’elle est présentée dans
ce manuscrit a bénéficié du retour d’expérience de la mise en œuvre chez l’industriel, comme nous
l’avons représenté en Figure 3. Par soucis de clarté et de synthèse, cet aspect itératif de la
proposition d’une méthodologie n’a pas été explicité dans le manuscrit.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 12 / 157
CHAPITRE 0 - Présentation des travaux
de thèse
I. Contexte des travaux
Le moteur utilise la combustion du carburant dans l’air pour produire des gaz chauds et sous pression,
permettant de récupérer de la puissance mécanique lors de leur détente dans une turbine. Pour
produire la puissance désirée, le moteur nécessite que sa chambre de combustion soit à chaque
instant alimentée avec le bon débit de carburant. C’est la fonction principale du circuit carburant :
puiser le carburant venant du réservoir hélicoptère pour l’injecter en bonne quantité, à tout instant et
avec une bonne vaporisation dans la chambre de combustion.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 13 / 157
Figure 5 – Moteur Safran Helicopter Engines Arriel 2E (Safran 2018)
Pour la suite, il est important de noter que la quasi-totalité des cas, le réservoir est placé en dessous
2
du moteur . Sur les gros hélicoptères, la distance verticale entre réservoir et moteur peut atteindre
près de 3 mètres.
Moteur
Pmécanique
Air
Ensemble mécanique de génération de puissance Gaz
1
4 5
Ordres pilote
Calculateur
3
2 Circuit carburant
Circuit carburant moteur
hélicoptère
Légende
1 : Informations des capteurs de la génération de puissance Flux de puissance
2 : Informations des capteurs du circuit carburant Flux de signal
3 : Informations de consigne de débit
4 : Interactions supplémentaires du circuit de carburant Hydraulique
(refroidir l’huile, positionner les volets d’air Mécanique
5 : Débit dosé de carburant pour les différents injecteurs Electrique
2
Sur certains hélicoptères légers et motorisés par des moteurs à piston, le réservoir peut se trouver au-dessus
du moteur. C’est le cas par exemple du Bell 47 ou du Robinson R22. Les seuls hélicoptères à turbomoteur dont
le réservoir se trouve au-dessus du moteur sont en fait d’ancien hélicoptères équipés de moteurs à piston qui
ont été re-motorisés par des turbomoteurs. Etant donné que nous nous intéresserons au circuit carburant d’un
turbomoteur, nous pourrons considérer que dans le cadre de notre étude, le réservoir est toujours situé en
dessous du moteur.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 14 / 157
Comme on peut le voir sur la Figure 6, le circuit d’approvisionnement en carburant reliant le(s)
réservoir(s) de l’hélicoptère à la chambre de combustion du moteur est séparé en deux. On trouve
d’une part le « circuit carburant hélicoptère » de responsabilité hélicoptériste, et le « circuit carburant
3
moteur » de responsabilité motoriste. Selon les appareils, le circuit carburant hélicoptère peut
prendre différentes formes. Il peut s’agir d’un simple réservoir, comme d’un système hydraulique
comportant plusieurs réservoirs, des pompes et des clapets.
D’un point de vue externe, le système carburant peut être décomposé selon les deux fonctions devant
être réalisées pour tous les moteurs :
- Déplacer le carburant : Il s’agit d’apporter à la chambre de combustion, le carburant reçu
depuis le circuit carburant hélicoptère. Comme nous l’avons vu précédemment, le réservoir
est situé en dessous du moteur. Selon les fonctionnalités et performances des systèmes
carburant hélicoptère, il peut être demandé au circuit carburant moteur :
o D’être auto-amorçant : dans le cas où la canalisation reliant le moteur au réservoir est
vidée du carburant, le circuit carburant doit être capable d’aspirer l’air pour faire
remonter le carburant jusqu’au moteur. C’est ce qui se passe lorsque l’on utilise une
paille pour boire : il faut tout d’abord aspirer l’air pour faire remonter le liquide.
o D’avoir une capacité d’aspiration suffisante. Il s’agit du niveau de pression minimal
admissible à l’entrée du circuit carburant.
- Doser le carburant selon les différentes familles d’injecteurs : Les moteurs Safran
Helicopter Engines peuvent comporter jusqu’à 3 familles d’injecteurs :
o Les injecteurs de démarrage, utilisés pour l’allumage de la chambre de combustion.
Ils permettent d’avoir une bonne pulvérisation du carburant avant même que le
4
moteur n’ait démarré. Ils sont relativement peu perméables et doivent être alimentés
avec une pression suffisante pour fonctionner correctement.
o Les injecteurs principaux, utilisés après l’allumage de la chambre de combustion.
Ces injecteurs permettent d’avoir une bonne pulvérisation une fois que le moteur est
lancé. En effet, ils utilisent la turbulence liée aux mouvements d’airs dans la chambre
de combustion pour effectuer la pulvérisation. Ceci leur permet d’être relativement
perméables.
o Les injecteurs privilégiés, il s’agit d’un petit groupe d’injecteurs principaux pouvant
être suralimentés en cas de manœuvre de forte décélération du moteur. Ils
permettent d’augmenter la marge à l’extinction de la chambre de combustion par
soufflage.
Ce circuit étant notre sujet d’étude, nous le nommerons simplement « circuit carburant » ou « système
3
Circuit Carburant
Chambre de
Réservoir
Combustion
Historiquement, les nouvelles fonctionnalités sont intégrées au système carburant par l’ajout d’un
système dédié, comme nous l’avons représenté en Figure 8. On parle alors d’innovation incrémentale.
Les systèmes dédiés peuvent être :
- Un système d’amorçage permettant au moteur de démarrer de manière autonome en toute
situation
- Un système de réchauffage carburant permettant au moteur de fonctionner à des
températures de carburant au niveau du réservoir plus basses
- Un système d’actionnement de géométries variables (GV). Il s’agit de positionner les parties
mobiles du moteur pour en optimiser le point de fonctionnement. L’idée est d’utiliser le
carburant déjà sous pression pour alimenter les actionneurs en charge de cette tâche de
positionner des GV.
- Un système de refroidissement de l’huile. On utilise l’opportunité d’avoir du carburant plus
froid que l’huile pour transférer la chaleur de l’huile au carburant.
- Un système de purge des injecteurs lorsqu’ils ne sont plus alimentés, permettant d’en
améliorer la fiabilité.
Circuit Carburant
Système Système de
Système d’Actionnement
d’Amorçage Purge
GV
Système de Système de
Réchauffage Refroidissement
caburant huile
Chambre de
Réservoir
Combustion
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Cette démarche d’innovation incrémentale est courante dans le milieu industriel car elle permet de
répondre à de nouveaux besoins en se basant sur des systèmes carburant déjà existants (et donc
certifiés et matures). La prise de risque se limite donc uniquement au système que l’on ajoute. Par
conséquent, les systèmes carburant obtenus ont des architectures globalement similaires.
Performance
du système
D
B Incrementale
Radicale
Incrementale C
A
Effort de
conception
l l l l
Concept bien connu Nouveau concept
Figure 9 - Les mécanismes de l'innovation incrémentale et de rupture (inspiré de (Norman & Verganti 2014))
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 17 / 157
II. Particularité des travaux de thèse
II.A. Spécificités du cas d’étude
Le but de nos travaux a été de proposer une méthodologie d’étude de concepts d’architectures
fortement innovants afin de sélectionner les concepts les plus prometteurs, pour un cahier des
charges donné. Cette méthode a été pensée et appliquée dans le cadre de l’architecture d’un circuit
carburant de moteur d’hélicoptère, dans l’entreprise Safran Helicopter Engines. Ceci étant dit, un
certain nombre de spécificités se dégagent de nos travaux. Dans un souci de réutilisation de nos
travaux dans des applications similaires, nous exposons dans ce paragraphe les spécificités de notre
cas d’étude :
- Une approche d’innovation de rupture : notre méthodologie a été pensée dans le but de
proposer des solutions fortement innovantes. Ceci nous a poussé à débuter nos travaux de
recherche dès l’expression des besoins, pour ensuite proposer et sélectionner les solutions
fortement innovantes.
- Une approche conceptuelle : nos travaux se placent en phase préliminaire de la conception
du système. Nous traiterons de la conception d’architectures, en tant qu’assemblage de sous-
systèmes en interaction les uns avec les autres, et avec leur environnement. Nos travaux ne
traitent pas de dimensionnement de ces sous-systèmes ni de leur conception, mais se
focalisent sur leur sélection et leur organisation.
- Une approche systémique : Nos travaux sont basés sur une approche d’ingénierie système.
Ainsi, les différentes parties prenantes sont représentées dans les critères d’évaluation des
concepts. Ceci implique un nombre de critères relativement grand, ainsi que la présence de
critères non-quantifiables.
- Une mise en œuvre sur un système multiphysique de transformation de puissance : le
système carburant d’un moteur d’hélicoptère est un système mélangeant les domaines de
l’hydraulique, la mécanique, l’électrique et la thermique. Il s’agit également d’un système de
transformation de puissance, permettant de déplacer et pressuriser du carburant.
- Une mise en œuvre industrielle : Notre approche doit pouvoir être implémentée dans un
contexte industriel où l’efficacité est maître-mot. Ainsi, la méthodologie proposée doit
répondre à un certain nombre de contraintes :
o Maitrise du temps de mise en œuvre. Ce point est primordial dans une approche
industrielle d’un point de vue coût et délais. La méthodologie proposée étant
hautement collaborative, il est souvent nécessaire de réunir des experts de plusieurs
domaines. Ceci, en plus de générer du délai du fait de la relative difficulté à trouver un
créneau commun, est source de coût en termes d’utilisation d’heures de travail de
personnels.
o Facilité d’appropriation par des participants non-experts des méthodologies de
spécification, génération et sélection de concepts. Cet aspect est important car les
ingénieurs ne pourront avoir confiance en une méthode dont ils ne peuvent pas
comprendre les rouages. On pensera par exemple aux méthodes d’aide à la décision
multicritère, qui seront abordées au Chapitre 3 et qui peuvent être particulièrement
complexes à appréhender.
Par voie de conséquence, nos travaux ont été basés sur l’évaluation qualitative de concepts. En effet
les aspects d’innovation de rupture et d’approche préliminaire impliquent d’avoir à traiter un grand
nombre de concepts fondamentalement différents de ceux classiquement utilisés au sein de
l’entreprise. La quantification des performances de ces nouveaux concepts vis-à-vis des critères
d’évaluation nécessiterait une modélisation ou des essais spécifiques. Ces moyens spécifiques ne
peuvent être mis en œuvre dans nos travaux d’étude conceptuelle du fait du nombre important de
nouveaux concepts à évaluer.
Les différentes caractéristiques de notre cas d’étude, présentés dans ce paragraphe, ont guidé nos
travaux de recherche et les choix méthodologiques qui y ont été faits.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 18 / 157
II.B. Positionnement vis-à-vis des travaux existants
Nos travaux de thèse se trouvent à la frontière de deux domaines de la littérature scientifique : la
conception préliminaire d’une part, et l’innovation de rupture d’autre part. Lors de notre recherche
bibliographique, nous n’avons collecté que très peu de contributions combinant simultanément ces
deux aspects. On peut néanmoins s’en approcher en passant par l’un ou l’autre des thèmes.
De ce fait, les travaux de thèse présentés dans ce manuscrit proposent une approche originale de
l’étude conceptuelle d’architecture de systèmes de transformation de puissance dans le sens où ils
visent à combiner judicieusement deux domaines jusqu’alors disjoints : la conception préliminaire et
l’innovation de rupture.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 19 / 157
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 20 / 157
CHAPITRE 1 - Ingénierie des Besoins
et des Exigences
Introduction
L’ingénierie des besoins et des exigences constitue la première étape du processus d’ingénierie d’un
système. Lorsque le système à faire est fortement innovant, il s’agit d’une étape cruciale pour
permettre la créativité en phase de conception. L’objectif est, en effet, de donner une description
précise et complète du système à faire tel qu’il devra se comporter du point de vue de ses parties
prenantes, sans présupposer de la solution. Ainsi, il est question dans ce chapitre de poser, de
manière complète et non ambigüe, le problème d’ingénierie à résoudre.
Remarque préliminaire
Il est d’usage en ingénierie des besoins ((Fiorèse & Meinadier 2012; ISO/IEC/IEEE 2015; Liu 2016;
Walden et al. 2015)) de distinguer :
- Les attentes ou besoins fonctionnels : qui déterminent ce que le système doit faire
- Les contraintes : qui engendrent une limitation contraignant la conception du système.
Dans la suite du document, nous ne ferons pas de distinction entre attentes et contraintes. Nous
avons choisi de regrouper les attentes et contraintes sous l’appellation « besoins ». En effet, les
contraintes et attentes doivent être indifféremment satisfaites par le système à faire. Ainsi, pourquoi
passer du temps et de l’énergie à déterminer si tel ou tel service relève de l’attente ou du besoin ? En
effet, étant donné qu’il est parfois difficile de faire la distinction entre attente et contrainte, le débat
peut être long. Considérons par exemple le cas d’un moteur automobile. Un besoin de type « Etre
capable de détecter une fuite d’huile », relève-t-il de l’attente ou de la contrainte ? Certains diront qu’il
s’agit d’une contrainte car la détection des fuites n’est pas une attente opérationnelle de l’utilisateur du
moteur. D’autres diront que dans le contexte actuel d’évolution des services rendus à l’utilisateur, la
détection de fuite en tant que dysfonctionnement fait partie des attentes que l’utilisateur a à l’égard du
moteur. Et pourtant, qu’il s’agisse d’une attente ou d’une contrainte, l’exigence « Etre capable de
détecter une fuite d’huile » devra être satisfaite.
Ainsi, pour éviter de longs débats sans grande valeur ajoutée pour la suite de la démarche d’IS, nous
utiliserons donc le terme « besoin » qui réfèrera aussi bien à des attentes qu’à des contraintes.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 21 / 157
I. Présentation de l’ingénierie des besoins et des
exigences
Dans une vision d’IS, le recueil du besoin constitue la première étape du processus de conception
d’un système. Il s’agit de recueillir les attentes des parties prenantes du système à faire (utilisateur,
exploitant, organisme législateur, acquéreur, etc.).
Plus qu’une activité de collecte d’informations, la spécification de besoin est un exercice de
communication qui doit permettre aux parties prenantes et le MOE de se mettre d’accord sur les
besoins auxquels ils devront répondre. Il s’agit de se mettre d’accord sur un vocabulaire commun qui
permette à des individus issus de différentes disciplines de partager des concepts, et ainsi éviter les
incompréhensions (Peugeot 2014).
L’activité d’ingénierie des exigences intervient juste après la phase de recueil des besoins. Tout
comme dans cette dernière phase, le système à faire est considéré avec un regard extérieur. Le but
de l’ingénierie des exigences est de définir et maintenir à jour la définition du problème d’ingénierie à
résoudre par le concepteur du système. Il s’agit dans une premier temps de formaliser et de quantifier
le besoin exprimé en un problème complet et cohérent (Fiorèse & Meinadier 2012). Dans un second
temps, l’ingénierie des exigences consiste à analyser, valider et faire évoluer l’ensemble des
exigences relatives au système à faire (Konaté 2009)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 22 / 157
Facteurs
Facteurs
de Catégorie d'échec
succès
Besoins / Exigences /
40% Spécifications 48%
Compétence
9% technique 11%
Projet / Ressources
23% 9%
Soutien du
14% management 8%
Figure 10 - Facteurs d'échec et de succès des projets informatiques d'après le Groupe Standish (d’après (The
Standish Group 1994))
Martin & Leffinel confortent les conclusions du Standish groupe. En effet, comme on peut le voir en
Figure 11 ci-dessous, la définition et gestion des besoins représente 56% des causes de défauts dans
le domaine logiciel.
Figure 11 - Origine des défauts de qualité dans le domaine logiciel (source Martin & Leffinel), image : (Badreau
& Boulanger 2014)
Ces travaux montrent qu’il est primordial pour la réussite d’un projet de conception de spécifier de
manière précise et complète les besoins des parties prenantes vis-à-vis du système. C’est
précisément le but des activités d’ingénierie des besoins et des exigences.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 23 / 157
I.B. Etat de l’art en ingénierie des besoins et des
exigences
I.B.1. Processus
Afin de donner un aperçu des processus mis en œuvre en ingénierie des besoins et des exigences,
nous avons choisi de comparer les processus de quatre référentiels distincts. Pour ce faire, nous
avons décidé de choisir un référentiel de référence afin d’y comparer les trois autres.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 24 / 157
Le détail des différentes phases du processus est donné en Figure 13.
Figure 13 - Les phases du processus d'ingénierie des exigences et leurs différentes étapes (issu de (Konaté
2009))
Nous avons choisi de représenter dans le Tableau 1 ci-dessous les grandes étapes des processus de
passage des besoins aux exigences décrits dans :
- Deux référentiels d’ingénierie système génériques :
o Celui de l’AFIS porté par (Fiorèse & Meinadier 2012; Fanmuy 2014; Fanmuy 2012)
(en première colonne)
ème
o Celui de la norme ISO/IEC/IEEE 15288:2015 (ISO/IEC/IEEE 2015) (en 3
colonne).
- Deux travaux récents portant sur la spécification des exigences :
o « Une méthodologie de conception préliminaire basée sur SysML » par Mhenni et
ème
al. (Mhenni et al. 2014) (en 2 colonne)
o La thèse de J. Konaté « Approche système pour la conception d’une méthodologie
pour l’élicitation collaborative des exigences » (Konaté 2009) (en dernière colonne).
La diversité de ces référentiels permet d’avoir une bonne vision des processus d’ingénierie des
besoins et des exigences.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 25 / 157
Tableau 1 - Comparaison de différents processus d’ingénierie des besoins et des exigences
AFIS (Fiorèse & Meinadier 2012; Mhenni et al., 2014 ISO/IEC/IEEE 15288:2015 Konaté, 2009
Fanmuy 2014; Fanmuy 2012) (Mhenni et al. 2014) (ISO/IEC/IEEE 2015) (Konaté 2009)
Recueil des besoins des parties Définition de la mission globale du Identification des parties prenantes
prenantes système à faire intéressées par le système Elicitation
Définition du besoin des parties
Analyse des fonctions rendues par le Identification du cycle de vie du
prenantes
système système à faire
Définition du concept opérationnel et
Modélisation du contexte du système les autres concepts du cycle de vie du Modélisation
Caractérisation de l’environnement système
à faire
Transformation des besoins des
Formalisation des besoins parties prenantes en exigences
Identification des interfaces externes
(MOA) Analyse
Analyse des exigences des parties
Vérification et validation des Représentation des modes prenantes
exigences opérationnels utilisateur
Vérification et validation des
exigences des parties prenantes Spécification
Hiérarchisation et flexibilité des Modélisation des services rendus par
besoins le système à faire
Définition des exigences système
Spécification des exigences système Représentation des scénarios
(MOE) fonctionnels Analyse des exigences systèmes Validation
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 26 / 157
Dans l’ensemble, les quatre référentiels partagent la plupart des étapes du processus d’ingénierie des
exigences de (Konaté 2009).
On constate tout d’abord que tous les référentiels incluent l’activité de gestion et traçabilité des
exigences. Cela démontre bien l’importance de cette étape dans la réussite du processus complet de
conception du système à faire. En effet, nous avons vu en I.A.2 que le rapport du groupe Standish
met en lumière une contribution de 13% à l’échec des projets de conception informatique au facteur
« Spécifications incomplètes ».
On peut également remarquer que la phase de modélisation n’est pas mentionnée en dehors du
processus de J. Konaté. Selon nous, ce constat s’explique dans tous les cas par le caractère implicite
de cette étape de modélisation dans les trois autres processus. En particulier, cet aspect est
prépondérant à chaque étape du processus de Mhenni et al., qui expose une méthodologie de
conception préliminaire basée sur l’outil de modélisation SysML.
On constate également que dans les référentiels de l’AFIS et de la norme ISO/IEC/IEE 15288, la
différence est faite entre :
- Les exigences initiales / exigences des parties prenantes : c’est à dire les exigences
énoncées par le maitre d’ouvrage (MOA) (acquéreur du système à faire, client)
- Les exigences système : c’est-à-dire les exigences énoncées par le maitre d’œuvre
(MOE) (entité en charge de la réalisation du système à faire).
Cette distinction est représentée en Figure 14.
Figure 14 - Lien entre besoin, exigences initiales et exigences système (tirée de (Fiorèse & Meinadier 2012))
Cependant, dans le cadre des travaux de thèse, les parties prenantes concernées par le système à
faire (système carburant) sont essentiellement des membres de l’entreprise. Ainsi, la proximité
relationnelle fait qu’il est possible de discuter des exigences initiales pour se mettre d’accord
ensemble sur les exigences système. Cette mise au point est faite au cours de réunion de revue
d’exigences. Ce mode de fonctionnement permet d’éviter un processus formel de dérivation des
exigences système depuis les exigences initiales (Processus B de la Figure 15 ci-dessous).
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 27 / 157
Processus A Exigences Processus B
Exigences
initiales système
Besoins
Processus A + Revue d’exigences Exigences
Figure 15 - Distinction entre les processus décrits dans (Fiorèse & Meinadier 2012) et (ISO/IEC/IEEE 2015) (en
noir) et celui de la thèse (en rouge)
Au cours de la thèse, l’ingénierie des besoins et des exigences a été menée selon le processus décrit
dans le Tableau 2 ci-dessous. Globalement, il s’agit d’une synthèse entre les référentiels de l’AFIS et
de la norme ISO/IEC/IEEE 15288.
Tableau 2 - Processus d'ingénierie des besoins et des exigences retenu pour la thèse
Ce processus reprend les quatre grandes activités d’ingénierie des exigences présentées par les
auteurs de (Badreau & Boulanger 2014), à savoir : éliciter, analyser, spécifier et valider.
Nous avons choisi de ne pas faire de l’activité de spécification une étape à part entière du processus
car elle est effectivement incluse dans les activités déjà présentes. Ainsi, nous ne représentons pas
dans le processus du Tableau 2 les documents de spécification sous la forme de livrable obtenu à la
fin des phases d’élicitation du besoin et d’analyse des exigences.
De la même manière, l’activité de modélisation n’apparait pas explicitement dans le processus
proposé dans le cadre des travaux de thèse. Cependant, les techniques de modélisation sont utilisées
dans le cadre de la Définition des contextes du cycle de vie du système et de la Transformation des
besoins des parties prenantes en exigences (lignes 3 et 4 du Tableau 2 ci-dessus).
Conformément aux processus exposés dans le Tableau 1, l’activité de gestion des exigences a été
ajoutée. Ainsi, les étapes du processus retenu pour les travaux de thèse sont les suivantes :
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 28 / 157
(1) Elicitation des besoins
A l’issue de cette première étape, une spécification de besoin est produite. Elle contient les besoins
exprimés par les parties prenantes ainsi que les contextes opérationnels identifiés. Cette spécification
doit être validée par toutes les parties prenantes.
A l’issue de cette seconde étape, une spécification des exigences est produite. Elle contient la
totalité des exigences applicables au système à faire. Cette spécification doit être validée par toutes
les parties prenantes.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 29 / 157
I.B.2. Bonnes pratiques
En termes de bonnes pratiques en ingénierie des besoins et des exigences, on trouve :
- L’AFIS, qui propose depuis fin 2008 un référentiel méthodologique d’ingénierie système. Il
se compose à présent de :
o (Fiorèse & Meinadier 2012; Fanmuy 2014) pour le recueil des besoins
o (Fanmuy et al. 2001) et (Fanmuy 2012) pour l’ingénierie des exigences
o (Walden et al. 2015) servant de référentiel normatif international,
- La norme ISO/IEC/IEEE 29148 (ISO/IEC/IEEE 2011) dédiée à l’ingénierie des besoins et
des exigences,
- Un ouvrage récent (Badreau & Boulanger 2014) propose également un référentiel
méthodologique d’ingénierie des exigences pour les systèmes à forte composante
logicielle.
Durant les travaux de thèse, nous avons eu principalement recours à la méthode d’interview pour
recueillir le besoin des parties prenantes internes à SHE. En effet, elle permet de discuter directement
avec les représentants de chaque partie prenante.
Cette première étape du recueil des besoins opérationnels a été l’occasion de définir précisément les
limites fonctionnelles du système à faire.
Nous nous sommes en revanche focalisés sur le recueil d’une liste exhaustive des contextes
opérationnels dans lequel peut opérer le système à faire. Il s’agit de prendre en compte le fait que le
système à faire a un comportement différent selon les contextes opérationnels rencontrés. (Bonjour et
al. 2009) Nous nous proposons de représenter l’intégration des contextes opérationnels dans le cycle
de vie du système en Figure 16 ci-dessous.
Cycle de vie
Pré-étude Phase du
cycle de vie
Développement
Contexte
opérationnel
Maintenance Service
Mission
Arrêt
moteur
Atterrissage
Retrait du
service
En effet, les besoins vis-à-vis du système à faire sont différents d’un contexte à l’autre.
Considérons, par exemple, le cas d’un ordinateur portable. En phase de service, dans un contexte
opérationnel de transport, l’utilisateur exprime un besoin de compacité du système : « Etre facilement
transportable ». Cependant, dans un contexte de visualisation d’un film, le besoin est d’avoir un grand
écran. De plus, en phase de maintenance, le besoin est plutôt d’avoir un accès aisé à tous les
composants. Dans cet exemple, le même système, vu dans des contextes distincts doit satisfaire des
besoins différents et potentiellement antagonistes.
Ainsi, il est important d’avoir une vision claire des contextes opérationnels que le système à faire sera
susceptible de rencontrer durant tout son cycle de vie. C’est pourquoi l’activité de recueil des besoins
inclut également le recueil des contextes opérationnels du système à faire.
En complément de la hiérarchie introduite entre les différentes exigences, la notion de flexibilité est
introduite pour en évaluer les différents niveaux de performances. Il s’agit de déterminer les niveaux
de performance jugés :
- Impératif : leur non satisfaction entrainerait l’incapacité à réaliser la mission concernée
« La tondeuse ne doit pas émettre plus de [niveau maximal autorisé par la règlementation]
dB »
- Souhaité : leur satisfaction ou non sera jugé en fonction d’un taux d’échange représentant
« le désagrément occasionné / le surcoût engendré ».
« La tondeuse ne doit pas émettre plus de [niveau1] dB » (avec [niveau 1] < [niveau maximal
autorisé par la règlementation])
Synthèse
Il ressort de notre analyse que l’élicitation des besoins consiste à établir un ensemble cohérent entre
services à rendre, parties prenantes, scénarios et contextes opérationnels. Les liens entre ces
éléments sont décrits en Figure 17 ci-dessous.
Parties
Prenantes
Scénarios us
Qui ?
Comment ?
Sel end x
on R au
Services
Quoi ?
Dans des
Situations
Quand ?
Le besoin ainsi exprimé sert de point de départ à l’activité d’ingénierie des exigences. Comme nous
l’avons représenté en Figure 18 ci-dessous, cette activité permet de faire le lien entre : (Fiorèse &
Meinadier 2012)
- les Besoins : désirs exprimés par les parties prenantes vis-à-vis du système à faire,
- les Exigences système : traduction technique, rigoureuse et vérifiable des besoins exprimés
par les parties prenantes,
- les Exigences sous-système : exigences déclinées aux sous-systèmes du système à faire à
l’issue de la phase de conception de ce dernier.
- la Solution : le système à faire une fois réalisé, dont on vérifie qu’elle répond bien aux
exigences.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 32 / 157
Validation du système
Besoins Solution
Figure 18 – L’ingénierie des exigences dans le cycle de conception d'un système (inspiré de (SAE 2010))
Les bonnes pratiques en ingénierie des exigences sont reprises dans le référentiel de l’AFIS par
(Fanmuy 2012) :
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 33 / 157
le volant en développant un effort de moins de 10 N.m» : cette exigence est trop détaillée et décrit
une solution technique (contrôle de la direction via un volant).
Une fois les exigences spécifiées, c’est le début de la phase de conception du système à faire.
Cependant, comme nous l’avons représenté en Figure 18 ci-dessus, l’activité d’ingénierie des
exigences se poursuit encore après la conception du système.
Il n’existe pas d’outil générique pour la formulation textuelle des exigences. Dans le cadre des travaux
de thèse, nous avons choisi de synthétiser les exigences en utilisant le Tableau 3 ci-dessous.
Modes de
ID Exigence Rationale Tolérance Vérification fonctionnement Source
concernés
Partie Prenante 1
Les exigences y sont présentées par partie prenante. Cela permet de conserver une vision externe du
système à faire et de vérifier la consistance de la spécification de ladite partie prenante.
Ce tableau, a été élaboré suite à la mise en œuvre des bonnes pratiques décrites dans le paragraphe
I.B.2. Il se compose de 8 colonnes :
- ID : Identifiant unique qui permet d’assurer l’identification de l’exigence
- Exigence : Enoncé textuel de l’exigence précédé d’un titre. Les exigences sont rédigées
selon les préconisations de (Mavin et al. 2009).
- Rationale : Justification de l’exigence. Elle permet de comprendre comment les parties
prenantes en sont arrivées à spécifier cette exigence.
- Tolérance : Niveau d’importance de l’exigence. Les niveaux d’importance retenus dans le
cadre des travaux de thèse sont, conformément au paragraphe I.B.2.a)(3) Hiérarchisation et
flexibilité des besoins : Exigé, Très souhaité, Nice to have.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 34 / 157
- Vérification : Moyen mis en œuvre pour vérifier que l’exigence est bien satisfaite. Intégrer
cette donnée dès la phase de spécification permet de garantir la testabilité des exigences.
- Modes de fonctionnement concernés : il s’agit de lister les modes de fonctionnement
pendant lesquels l’exigence spécifiée est valable. Cela permet, d’un part, d’aboutir à une
spécification précise de chaque mode de fonctionnement du système à faire. D’autre part,
cette information permet de s’assurer que tous les modes de fonctionnement sont couverts
par la spécification.
- Source : Document d’où est issue la spécification. Cela permet d’assurer une certaine
traçabilité des exigences.
Les exigences textuelles peuvent être complétées par des modèles afin d’en favoriser la
compréhension par toutes les parties prenantes (Badreau & Boulanger 2014).
Ainsi, les auteurs de (Mhenni et al. 2014) proposent une méthodologie de conception de système
mécatronique basée sur le langage de modélisation SysML. Cette méthodologie comprend une partie
« Boite noire » qui correspond à la capture des besoins et exigences du système à faire. Nous
proposons d’en représenter les 9 étapes dans le Tableau 3 ci-dessous
Tableau 4 – Méthodologie « Boite noire » de conception de système mécatronique basée sur SysML (d'après
(Mhenni et al. 2014))
Diagramme
Etape Description Apport de SysML
SysML utilisé
Possibilité d’insérer
Définition de la
des liens
mission Il s’agit de définir la fonction principale Requirement
1 hiérarchiques entre
globale du du système à faire. diagram
les besoins
système à faire
exprimés.
Identification Afin d’obtenir les besoins et exigences
du cycle de vie de manière exhaustive, toutes les State Machine
2
du système à phases du cycle de vie du système diagram (STM)
faire doivent être identifiées.
Il s’agit de définir les limites du
système à faire pour discerner
clairement ce qui est à l’intérieur de ce
Modélisation Block
qui est à l’extérieur du système. Ainsi,
3 du contexte du Definition
pour chaque phase du cycle de vie, les
système à faire diagram (BDD)
parties prenantes seront représentées
avec leurs interactions vis-à-vis du
système à faire.
La cohérence est
assurée avec les
Il s’agit de définir plus précisément les
deux étapes
interfaces externes entre le système à
Identification précédentes : toute
faire et les parties prenantes. Cela Internal Block
4 des interfaces modification des
permet de bien maitriser les interfaces, diagram (IBD)
externes interfaces externes
qui sont des points délicats de la
sera propagée à
conception système.
tous les
diagrammes.
Lien entre les
Représentation
Les modes opérationnels détaillent les modes
des modes State Machine
5 usages du système à faire pendant opérationnels et la
opérationnels diagram (STM)
une phase de vie donnée. phase du cycle de
utilisateur
vie considérée.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 35 / 157
Chaque cas
d’usage est lié au
mode opérationnel
Modélisation Pour chaque mode opérationnel, un
Use Case duquel il dépend.
des services inventaire est fait des services rendus
6 diagram Relations de
fournis par le aux parties prenantes par le système à
(UCD) dépendances
système à faire faire.
instaurées entre
cas d’usages et
parties prenantes.
Pour chaque service (ou cas d’usage),
Représentation
il s’agit de représenter l’enchainement Sequence
7 des scénarios
séquentiel des fonctions réalisées par diagram (SEQ)
fonctionnels
le système à faire.
Possibilité de
Les informations déduites des étapes
définir des liens
Spécification précédentes conduisent à la Requirement
8 entre les
des exigences spécification des exigences du diagram
exigences : dérive
système à faire.
de, raffine, inclus.
Des liens sont
établis entre les
Cette traçabilité permet d’avoir une
exigences et :
Traçabilité des bonne vision de l’impact de la Requirement
9 - Les cas d’usage
exigences modification d’un cas d’utilisation ou diagram
- Les rôles
d’un contexte sur les exigences.
- Les interfaces
externes.
Indépendamment du langage SysML, il existe de nombreux outils logiciels d’ingénierie des exigences.
Les auteurs de (Carrillo et al. 2012) nous proposent une liste de 38 de ces logiciels. D’après leur
étude, l’apport d’un tel outil repose principalement sur :
- Le fait qu’ils constituent une base commune où sont rangées les exigences de tous les
acteurs du projet
- La vérification automatique des champs non renseignés
- La gestion automatique des versions du référentiel d’exigences
- La gestion de la traçabilité entre exigences et exigences dérivées.
Etant donné le caractère particulier de notre étude : une seule personne rédige et met à jour les
exigences, pas de contraintes fortes de traçabilité, nous avons décidé de ne pas recourir à l’utilisation
d’un logiciel dédié à l’ingénierie des exigences.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 36 / 157
I.C. Méthodologie proposée dans le cadre de la thèse
Cette première partie nous a permis de définir une méthodologie pour l’ingénierie des besoins et des
exigences chez SHE. La méthodologie a été tirée de l’état de l’art en la matière, et a été adaptée à
une mise en œuvre industrielle, et pour un système aéronautique fortement innovant.
Techniques et outils
Processus proposé Bonnes pratiques associées
associés
- Interviews
Identification des
Lister et ordonner toutes les - Analyse du système
parties prenantes
1 personnes ou entités intéressées par le existant
intéressées par le
système à faire - Visio (représentation
système
graphique)
Elicitation
exigences
- Discuter des exigences avec les
Analyse des exigences parties prenantes Tableau proposé en
5
des parties prenantes - Formuler selon l’état de l’art (Mavin et I.B.3.a)
al. 2009)
- Assurer le caractère vérifiable des - Tableau proposé en
Validation des exigences I.B.3.a)
6
exigences systèmes - Valider les exigences avec les parties - Validation des exigences
prenantes avec les parties prenantes
Gestion des besoins et
exigences des parties
prenantes
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 37 / 157
II. Analyse du retour d’expérience Safran Helicopter
Engines
Ce chapitre traite du retour d’expérience chez Safran Helicopter Engines de la mise en œuvre de la
méthodologie de recueil des besoins et des exigences décrite précédemment.
Dans tout le chapitre, le système à faire considéré sera le système carburant d’un moteur
d’hélicoptère.
Safran HE
TURBOMECA Alimenter la chambre de Solution de niveau -2
Choisit de combustion en carburant Besoin de niveau -3
Figure 19 - Description macroscopique de la transmission du besoin depuis l'utilisateur final jusqu'au système
carburant
Remarque Du fait des nombreux intermédiaires, il n’est pas toujours évident d’être au fait des
nouveaux besoins des utilisateurs finaux.
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(2) Sources internes à SHE
Chez SHE, la déclinaison du besoin exprimé par l’avionneur jusqu’à système carburant est
conditionnée par la structure organisationnelle de l’entreprise. Nous proposons de représenter cette
structure en Figure 20 ci-dessous.
Besoin
Avionneur
Interne SHE
Moteur
Niveau
1
Coordinateur
Système
Niveau
Sûreté de
3 Navigabilité Fontionnement Maintenance
1
2
Niveau Métier
Légende
Transmission descendante du besoin
Transmission transverse du besoin
Lien hiérarchique
On peut voir sur la Figure 20 ci-dessus qu’il existe chez SHE deux mécanismes principaux de
déclinaison du besoin avionneur vers le système carburant. Ainsi, il est possible de capter les besoins
à travers :
1 – Une transmission descendante du besoin. Le besoin est décliné au fur et à mesure qu’il
redescend dans la structure hiérarchique de l’entreprise (voir parcours 1 en orange sur la Figure
20). Ainsi dans cette configuration, le système de régulation est le seul à fournir le besoin au
système carburant. Ainsi, le Système de Régulation a, dans ce cas, une activité de synthèse des
besoins exprimés par les métiers pour ensuite les décliner vers le métier système carburant. Nous
avons représenté cette transmission de besoin par le parcours 3 sur la Figure 20.
2 – Une transmission transverse du besoin. Le besoin est directement exprimé entre deux
groupes métiers de même niveau hiérarchique dans la structure de l’entreprise (voir parcours 2 en
bleu sur la Figure 20). Ainsi dans cette configuration, le besoin du système carburant est transmis par
les différents métiers de l’entreprise (chambre de combustion, intégration mécanique par exemple).
Nous avons constaté que l’organisation structurelle de l’ingénierie chez SHE privilégie une
transmission descendante des besoins (option 1). Ce mode de fonctionnement permet en effet aux
systèmes de systèmes (Module, Intégration, Système de Régulation) de garder une vision globale des
systèmes placés sous leur responsabilité. Ainsi ils peuvent être en mesure de décider si les efforts
demandés au métier « répondeur » justifient la plus-value apportée au métier « demandeur », ou
encore s’il serait moins coûteux à un autre métier « répondeur » de répondre à ce besoin. On peut
alors faire le choix de faire porter ou non au système carburant certains besoins supplémentaires
(refroidir l’huile, actionner les systèmes de GV par exemple). La prise de décision doit alors résulter
d’une comparaison entre la capacité du système carburant à répondre à ces besoins, et la capacité
des autres systèmes à y répondre. Nous proposons de représenter ce processus de prise de décision
en Figure 21, dans le cas où le besoin à satisfaire est « Refroidir l’huile ».
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 39 / 157
Besoin à décliner
« Refroidir Huile »
Spécification Spécification
Système carburant Système air
Evaluation Conception
Conception
Comparaison
Préliminaire d’Architecture
Conception de Conception de
Détail détail
Réalisation Réalisation
Figure 21 - Schéma du processus de décision du système en charge de répondre au besoin "Refroidir l'huile"
Dans le cas de notre exemple (Figure 21), les systèmes candidats à la satisfaction du besoin
« Refroidir l’huile » sont le système carburant et le système d’air. La première étape consiste à
introduire provisoirement ce besoin à la spécification de chacun des systèmes candidats. Ces derniers
sont alors reconçus de manière préliminaire (aspects fonctionnels et conceptuels), ce qui permet
d’évaluer leurs performances globales respectives. Cette évaluation permettra finalement de
5
comparer les performances proposées par le système de carburant et le système d’air. Dès lors, la
décision pourra être prise de faire porter le besoin « Refroidir l’huile » sur l’un ou l’autre des systèmes
candidats. Dans notre exemple, c’est le système carburant a été jugé plus apte à satisfaire ce besoin.
Il a donc été intégré à la spécification du système carburant et supprimé de celle du système d’air.
5
Dans cette phase, on s’intéresse bien aux performances globales des systèmes candidats, et non uniquement
aux performances à la réponse du besoin « Refroidir l’huile ». En effet, il est possible que la prise en compte de
ce nouveau besoin ne dégrade pas les performances du système aux autres besoins auxquels il répond. Par
exemple, le fait d’introduire un échangeur huile/carburant peut être bénéfique pour répondre au besoin « Refroidir
l’huile », mais pourra amener à dégrader les performances d’aspiration.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 40 / 157
II.A.1.b) Points d’attention
(1) Evolution du besoin
Le besoin vis-à-vis du système carburant est intimement lié :
- Aux modifications des modes de fonctionnement du système. Le mode « éco » (Safran
Helicopter Engines 2016) est un exemple de mode de fonctionnement fortement novateur du
moteur. Dans ce mode, le système carburant doit permettre de ne pas envoyer de carburant à
la chambre de combustion alors que l’arbre moteur est entrainé en rotation.
- A l’apparition de nouvelles parties prenantes : l’hybridation du moteur (Safran Helicopter
Engines 2016) a entrainé l’apparition d’électroniques de puissance (onduleurs par exemple)
qui ont un besoin de refroidissement pouvant être potentiellement traité par le système
carburant.
- A la modification de systèmes en étroite relation avec le système à faire : l’actionneur de GV
(actuellement hydraulique) pourrait devenir à l’avenir totalement électrique. Ceci supposerait
donc une suppression d’un besoin de positionnement des géométries variables par le
système carburant, ainsi que l’émergence d’un nouveau besoin potentiel de refroidissement
de l’électronique de puissance liée à cet actionneur électrique.
Ainsi, il convient d’anticiper les possibilités d’évolutions pour les intégrer dès le début de la
démarche d’ingénierie du système à faire. Pour ce faire, nous avons mis en place des discussions
avec les spécialistes de chaque partie prenante du système carburant, ainsi qu’avec les
ingénieurs de la R&T et des avant-projets pour avoir une vision la plus précise possible des
évolutions à venir.
Cependant, l’obtention de ces informations n’est pas toujours possible car sur certains points,
même les spécialistes n’ont pas de vision claire sur le moyen ou long terme.
Considérons par exemple le cas du système d’injection. Il s’agit en effet d’un système en interface
entre le système carburant et le système chambre de combustion. Plus exactement, nous proposons
de le voir comme un sous-système de ces deux derniers systèmes. En effet, le sous-système
d’injection appartient au système carburant dont il détermine la perméabilité hydraulique en sortie du
circuit. Dans le même temps, le sous-système d’injection appartient également au système chambre
de combustion dont il conditionne la qualité du spray de carburant. Nous avons choisi de représenter
cette notion par la Figure 22 ci-dessous.
Système
Système Sous-Système Performances Chambre de
Perméabilité
Carburant d’Injection de pulvérisation
combustion
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 41 / 157
deux systèmes de manière à assurer la cohérence du sous-système commun avec le système
carburant. Pour atteindre cet objectif, des réunions physiques régulières ont été mises en place dans
le cadre de la thèse entre notre équipe du circuit carburant et les spécialistes de la chambre de
combustion. Ceci permet de maintenir une bonne communication entre les deux groupes métiers
pourtant organisationnellement distincts comme nous l’avons illustré en Figure 20.
La capture des besoins est perturbée par deux principes humains principaux, illustrés dans la Figure
23 ci-dessous.
Inertie Psychologique (2)
Solutions techniques
2- Inertie psychologique
Ce concept est introduit dans la méthode TRIZ (acronyme russe signifiant « théorie de résolution
inventive des problèmes »). L’inertie psychologique traduit notre difficulté à penser autrement les
choses que nous connaissons bien. A titre d’exemple, est repris par les auteurs de (Choulier & Weite
2011) qui le décrivent parfaitement, selon nous :
« Nos positions d’observateur, d’utilisateur, de fabricant, ou de concepteur (… d’expert) d’un produit
donné viennent malheureusement renforcer cette fixation sur le produit, s’imposant comme un cadre
rigide duquel nous peinons à nous échapper, nous présentant la définition de l’objet comme la seule
possible et imaginable. »
Ainsi, avant toute réflexion autour des besoins futurs, nous avons toujours pris le temps de bien
expliquer aux spécialistes qu’il s’agit d’un travail d’innovation où toutes les propositions sont
recevables, même si les concepts, technologies et procédés industriels associés ne sont pas encore
matures. Ceci permet aux experts de se détacher de la vision qu’ils ont du système actuel pour
s’autoriser à imaginer d’autres concepts.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 42 / 157
II.A.2. Définition des contextes opérationnels du cycle de
vie du système
Il s’agit tout d’abord de définir le cycle de vie du système carburant SHE. Classiquement, nous avons
considéré le cycle de vie suivant :
(1) Pré-étude
C’est dans cette première phase de vie que nait le concept du système carburant. Elle inclut
l’ensemble des processus qui transforment les exigences issues de l’expression de besoin client en
une spécification technique boîte noire du système carburant.
(2) Développement
Cette phase de vie intègre l’ensemble des actions (études, fabrication de prototypes, essais,
itérations...) effectuées pendant la période qui s'étend de la fin de la phase de pré-étude jusqu'à la
certification de la première TAG, pour définir et mettre au point un système répondant aux exigences.
(3) Production
Cette phase de vie consiste en la fabrication en série des constituants du système carburant. Il s’agit
également de les assembler et de les intégrer sur le moteur.
(4) Service
Il s’agit de la phase de vie où le système carburant est utilisé pour satisfaire les besoins des
utilisateurs. Cette phase inclut également les activités de maintenance. Elle se termine lorsque la
décision est prise de retirer le système du service.
Pour chaque phase du cycle de vie décrit ci-dessus, nous avons établi la liste exhaustive des
contextes opérationnels associés. Il s’agit de décrire les situations de vie dans lesquelles le système
peut se trouver, du point de vue des parties prenantes. Naturellement, c’est dans la phase de service
que se concentre la majorité des contextes opérationnels. Cependant, il est également important de
considérer toutes les phases du cycle de vie, en particulier pour un système fortement innovant. En
effet, l’utilisation de nouveaux composants par exemple, peut mener à des incompatibilités avec les
moyens de test ou de fabrication de SHE. Prendre en compte ces contextes opérationnels, c’est avoir
conscience de ces modifications potentielles à apporter aux moyens de l’entreprise. Cela permet donc
d’avoir une vision globale des conséquences des choix techniques.
Nous avons choisi une représentation graphique sous forme d’une structure hiérarchique des
contextes au sein de chaque phase du cycle de vie. Comme nous l’avons représenté en Figure 24, les
contextes opérationnels de la phase de Service ont été répartis en trois catégories : Utilisation du
moteur, Non-utilisation du moteur et Maintenance.
Service
Utilisation du Non-utilisation du
Maintenance
moteur moteur
A l’issue de cette première étape d’élicitation du besoin, une spécification de besoin a été rédigée et
validée par toutes les parties prenantes. Elle inclut :
- Une définition du périmètre fonctionnel du système carburant
- Les besoins exprimés par les parties prenantes (traité en II.A.1)
- Les contextes opérationnels associés (traité en II.A.2).
où :
-gain représente un gain en termes financier (coût d’achat, coût d’exploitation par exemple) ou
critère d’appréciation (masse, disponibilité, pollution, performances fonctionnelles, etc.) pour
la partie prenante
- coût représente un coût en termes financier ou de critère d’appréciation pour la partie
prenante.
Pour un moteur d’hélicoptère par exemple, un taux d’échange intéressant serait le coût
supplémentaire à l’achat acceptable par kilogramme gagné sur la masse du moteur.
La spécification de taux d’échange permet :
- Pour le concepteur d’avoir plus d’éléments à disposition pour choisir le compromis qui
satisfera au mieux les exigences de toutes les parties prenantes
- Pour les parties prenantes, d’avoir un système qui réponde au mieux à toutes leurs attentes.
Cependant, la définition d’un tel taux d’échange n’est pas toujours facile. Ils peuvent en effet résulter
de choix qui ne peuvent être faits que par les parties prenantes elles-mêmes. Reprenons l’exemple du
taux d’échange entre la masse du moteur et son coût d’acquisition. Ce taux d’échange ne peut être
donné que par l’hélicoptériste, car il est le seul à avoir cette vision de haut niveau. Ce taux d’échange
peut également varier d’un client à un autre. On peut en effet imaginer que certains clients seraient
prêts à payer plus pour gagner en charge utile, alors que d’autres se contenteraient de la
configuration actuelle. C’est donc à l’hélicoptériste que revient le choix délicat du taux d’échange à
communiquer au motoriste.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 45 / 157
(2) Quantifier le juste besoin (vis-à-vis du produit final : moteur)
Du point de vue du système carburant ou de ses parties prenantes, il n’est pas toujours facile de se
rendre compte des impacts des performances du système carburant sur les performances ressenties
par l’utilisateur final du moteur (pilote, passagers, exploitant, etc.). Ainsi, il peut arriver que certaines
parties prenantes expriment des niveaux d’exigences qui n’auront pas forcément d’impact
opérationnel lors de la vie du moteur. Il s’agit d’un phénomène de sur-spécification. Il peut s’agir, par
exemple, de demander la même précision de dosage du débit carburant sur toute la plage de
fonctionnement du moteur, alors que dans certaines parties de ce domaine une précision moindre
peut être suffisante. L’avantage de cette pratique, c’est qu’elle permet de s’assurer que le système à
faire, une fois réalisé, répondra aux besoins avec de la marge. Cependant, dans un contexte
d’innovation de rupture, cette pratique est à éviter car elle contraint de manière non nécessaire la
conception à faire.
Conclusion
Dans ce chapitre, une méthodologie d’ingénierie des besoins et des exigences a été proposée dans
un cadre d’innovation de rupture. Elle répond au besoin de créer un référentiel d’exigences tiré des
besoins basiques pour susciter l’innovation dans une entreprise où le système à faire est conçu
depuis plus de 50 ans. Cette méthodologie, basée sur la norme ISO/IEC/IEEE 15288 ainsi que sur le
référentiel d’ingénierie système de l’AFIS, a été définie à travers un processus, des bonnes pratiques
et des outils. Elle a été appliquée au cas d’étude de nos travaux de thèse, à savoir le système
carburant du futur SHE. Cette expérience a permis de perfectionner la méthodologie proposée pour
s’adapter aux contraintes de l’étude (milieu industriel, système conçu depuis longtemps par
l’entreprise, interaction fortes avec d’autres systèmes, etc.).
ème
Les travaux de cette partie de la thèse ont donné lieu à une présentation lors de la 27 Conférence
6
Annuelle de l’INCOSE (Monsimer et al. 2017).
6
International Council on Systems Engineering
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CHAPITRE 2 - Génération
d’architectures système carburant en
rupture
Introduction
Dans une première partie, un état de l’art sera présenté dans le domaine de la génération
d’architecture innovante pour les systèmes techniques. Dans un second temps, une méthode sera
proposée pour répondre à la problématique de Safran Helicopter Engines. Cette méthode s’appuie sur
les techniques et les leçons apprises issues de la littérature. Enfin, une dernière partie concernera la
mise en œuvre de cette méthodologie dans l’entreprise.
Parmi les démarches de recherche de nouvelles architectures, les approches les plus comparables à
notre cas d’étude sont :
A. Fraj (Fraj 2014) et J. Liscouet (Liscouët 2010) à travers la conception de la chaine de
puissance d’un actionneur électro-mécanique. Les auteurs proposent une démarche basée
sur une génération combinatoire des architectures possibles suivie deux phases d’évaluation
(haut niveau et plus détaillée).
M. R. Kirby (Kirby 2001) à travers l’étude d’un concept de transport civil haute vitesse.
L’auteure propose une démarche menée depuis l’analyse des besoins jusqu’à l’évaluation des
technologies permettant d’y répondre. En particulier, un fort travail a été fait sur l’impact de la
maturité des technologies à utiliser dans la solution.
H. Gavel (Gavel 2007) propose une approche de conception de système carburant pour un
avion de chasse. Il s’appuie sur le concept de matrice morphologique quantifiée, consistant en
une routine de prédimensionnement du système en fonction des différents composants
sélectionnés (Gavel et al. 2006).
M.L. Moullec (Moullec 2014) qui propose une approche de génération et évaluation
d’architecture à travers des réseaux bayésiens. Cette approche probabiliste est mise en
œuvre dans un exemple industriel de dimensionnement de système de refroidissement
d’antenne.
Dans ces travaux, on remarque qu’aucun ne s’intéresse aux méthodes de créativité pour la génération
d’architecture. Ce constat a également été fait par les auteurs de (Howard et al. 2007). Cependant,
dans le cadre d’une innovation de rupture (ou tout du moins d’une forte innovation), il convient de
réfléchir à de nouveaux concepts radicalement différents de celui actuellement mis en œuvre. Ainsi,
nous proposons dans ce chapitre un état de l’art des méthodes de créativité appliquées à un système
technique.
Bien que les activités de génération et d’évaluation des architectures soient intimement liées (voir
processus de (Fraj 2014; Liscouët 2010) qui mêlent évaluation/filtration haut niveau et génération de
principes de solutions), nous sépareront dans cette revue de l’état de l’art ces deux problématiques.
En effet, elles nécessitent chacune des outils et raisonnement particuliers.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 47 / 157
PROCESSUS
En 1977, Gerhard Pahl et Wolfgang Beitz publient « Konstruktionslehre », qui sera traduit en 1984
sous le nom de « Engineering Design ». Ces deux ouvrages se sont rapidement imposés comme des
références mondiales en termes d’approche systématique de la conception. Nous ferons référence
dans ce paragraphe à la troisième édition de la traduction anglaise (Pahl et al. 2007). Le processus de
conception systématique proposé se décompose alors en deux temps : Génération puis Evaluation
des solutions (voir Figure 25). Cette approche a été reprise et agrémentée d’outils nouveaux avec les
travaux de (Weiss & Hari 2015; Mayda & Borklu 2014; Manami et al. 2015).
On constate que le processus de Ulrich & Eppinger (Ulrich & Eppinger 2012) est relativement proche
de celui de Pahl & Beitz. Ils proposent en effet tous deux des avancements linéaires avec une
décomposition du problème avant la recherche de solution, puis une évaluation des solutions
candidates en deux temps incluant une première sélection gros grain puis une seconde évaluation
plus précise. Ce processus linéaire est également repris, dans les grandes lignes par les travaux de
M. R. Kirby (Kirby 2001), A. Fraj (Fraj 2014) et J. Liscouet (Liscouët 2010), ainsi que dans l’ouvrage
de (Keinonen & Takala 2006).
L’auteure de (Kirby 2001) propose une méthodologie pour la conception de l’architecture préliminaire
d’un avion. L’approche proposée est orienté sur l’évaluation et la sélection des architectures, plutôt
que sur les aspects de génération des architectures, abordés rapidement à l’aide de l’outil matrice
morphologique. Pour les aspects d’évaluation, elle reste cohérente avec les étapes présentées
précédemment. (p.117) Cette méthodologie a été utilisée pour la conception d’un système de
propulsion solaire spatial (Charania & Olds 2002). Elle a été adaptée en une méthode simplifiée
ATIES (Abbreviated Technology Identification, Evaluation, and Selection), qui ne reprend que les
étapes et outils principaux de la méthodologie.
Les auteurs de (Liscouët 2010) et (Fraj 2014) utilisent une approche systématique dans la lignée du
processus proposé par Pahl & Beitz (Pahl et al. 2007). On y retrouve en particulier une distinction
claire entre filtrage quantitatif (Sélectionner les combinaisons de (Pahl et al. 2007), voir Figure 25) et
filtrage qualitatif (Evaluer selon les aspects techniques et économiques de (Pahl et al. 2007), voir
Figure 25).
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 48 / 157
Ulrich &
Pahl & Beitz Kroll et al.
Eppinger
Abstraire
Clarifier Identification
Identifier le(s)
Décomposer en Technologique
problème(s)
problèmes + simples Lister les moyens
essentiel(s)
existants pour
répondre à une
Décomposer Chercher
fonction
Fonctions -> parmi l’existant
Génération
Dimensionner de la solution
Les principales générée
variantes solution
Les auteurs de (Kroll et al. 2004) proposent un processus original de conception préliminaire. En effet,
la nature cyclique de ce processus tranche d’emblée avec les processus linéaires présentés
précédemment. Cependant, de notre point de vue, cette méthodologie relève plus de la technique de
créativité que du processus de conception préliminaire au sens large. En effet, comme l’expliquent les
auteurs, l’objectif principal de cette méthode d’Analyse Paramétrique est de simplifier la génération
créative de nouvelles solutions.
“The major implication of the theoretical model that stands behind parameter analysis is that the
burden of truly creative activity is shifted from what here is called creative synthesis […] to parameter
identification, […] which will lead to the desired configurational results.” (Kroll et al. 2004)
On trouve également dans la littérature des processus pour la conception préliminaire de produits tels
que (Pialot 2009; Keinonen & Takala 2006) par exemple. Ces travaux s’intéressent en revanche plus
à des aspects économiques et marketing qui visent à générer puis sélectionner des concepts de
produits qui seront en adéquation avec un marché identifié. L’ouvrage « Product Concept Design »
(Keinonen & Takala 2006) va en ce sens. Cette approche est également reprise par O. Pialot dans sa
thèse, comme le montre cette citation de (Perrin 2001) : « pas d’innovation sans sanction par le
marché ». Ainsi, ces processus nous paraissent en dehors du contexte de la thèse. En effet, le
système à concevoir ne sera pas commercialisé en tant que tel. Ainsi, son marché est lui est alors
naturellement imposé : le système carburant à concevoir doit être parfaitement adapté aux moteurs
d’hélicoptères Safran Helicopter Engines.
Nous retiendrons cependant l’approche PST, d’O. Pialot (Pialot 2009) comme une méthode de
génération de nouveaux concepts. Cette méthodologie met en œuvre trois moyens de proposition de
nouvelles idées, de nouveaux concepts :
« Notre modèle multi-entrées PST doit être compris comme la suggestion de trois angles d’attaque
pour innover […] : une nouvelle intention peut avoir pour origine la dimension soit du potentiel de
nouvelle proposition de valeur, soit de la technologie ou soit du système. » (Pialot 2009)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 49 / 157
BILAN
Au terme de cette introduction, un premier état de l’art des processus de génération et évaluation en
conception préliminaire de systèmes nous a permis de retenir la procédure de référence de Pahl &
Beitz (Pahl et al. 2007). Cette procédure donne en effet un cadre générique et adapté à notre cas
d’étude. En outre, les éléments pertinents d’autres méthodologies pourront être employés dans des
étapes particulières de notre démarche. Nous pensons particulièrement à l’Analyse Paramétrique de
(Kroll et al. 2004) et à la méthode PST de (Pialot 2009), qui proposent des pistes originales pour la
génération de nouveaux concepts d’architectures.
II.A. Abstraire
Il s’agit de faire apparaitre les fonctions essentielles proposées par la liste des exigences. Cette
formulation du problème ne doit préjuger d’aucun principe de fonctionnement du système à concevoir.
Bien souvent, le plus pratique est de raisonner de manière fonctionnelle. Cela permet en effet
d’appréhender le système à faire du point de vue des services qu’il devra rendre, plutôt que par sa
composition.
Cette étape, qui dans certains cas peut s’avérer très rapide, est primordiale. En effet, elle permet aux
entreprises de ne pas s’enfermer dans leur domaine d’expertise et de réfléchir aux opportunités
d’autres domaines. On pensera par exemple aux clés de voiture, dont nous avons représenté
l’évolution en Figure 26 ci-dessous.
Mesurer et afficher la
quantité de liquide
Ajuster le
signal
Alimenter en
énergie
Figure 27 - Décomposition de la structure fonctionnelle dans le cas d'une jauge à carburant (adapté de (Pahl et
al. 2007))
Comme le soulignent les auteurs de (Weber et al. 1998), il existe deux niveaux de décomposition
fonctionnelle :
- Un niveau primaire, indépendant du concept solution retenu pour le système à concevoir. Il
s’agit alors d’une décomposition fonctionnelle unique nécessaire et suffisante à la satisfaction
des exigences. Cette formulation unique et complète permettra d’explorer l’espace des
solutions dans son intégralité par la suite.
- Un niveau secondaire, dépendant du concept solution retenu pour le système à concevoir.
Ce second type de décomposition fonctionnelle est, elle, orientée par une solution donnée.
Elle est obtenue en partant de la décomposition primaire, en allant plus loin dans la
décomposition de chaque fonction.
II.C. Rechercher
Une fois les fonctions primaires du système définies, il convient d’en rechercher des principes de
fonctionnement innovants pour le produit visé. C’est principalement dans cette étape que doivent se
concentrer les efforts de créativité. Cependant, la créativité n’apparait pas comme le mode de
fonctionnement naturel de l’être humain. En effet, comme le souligne G. Altshuller dans (Altshuller
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 51 / 157
1984), nous sommes tous en proie à l’inertie psychologique, qui est, le principal ennemi de la
créativité. Elle est tenace et nécessite des outils spécifiques pour être vaincue.
Principe de déclenchement
Variation d’autres idées Confrontation autre problème
Confrontation intuitive
Les idées doivent venir d’évènements, mots,
pensées ou sensations totalement
Intuition
Association intuitive
Les participants partent d’idées d’autres
Principe de fonctionnement
déconnectées du problème.
personnes pour générer de nouvelles idées Utilisation : Méthode qui mène souvent à
par association. d’authentiques innovations. A utiliser si les
méthodes de brainstorming et brainwriting se
montrent infructueuses. (Geschka 1983)
Variation systématique Confrontation systématique
Systématique
La génération d’idée se déroule en deux Les idées sont générées à partir d’éléments
étapes : stimulants choisis de manière systématique.
1- Les concepts de solution basiques sont Cela permet de choisir des objets qui seront
développés systématiquement plus « efficaces » en termes de
2- Des solutions individuelles sont déclenchement d’idées que ceux de la
générées par combinaison ou par confrontation intuitive pour un problème
variation des concepts proposés en 1-. donné.
La distinction entre principe de fonctionnement systématique et intuitif est également repris dans la
littérature par (Couger 1995), (Shah et al. 2003) ou encore (Pahl et al. 2007). Selon nous, la popularité
d’une telle distinction peut s’expliquer par la forte différence de manière de penser entre les méthodes
intuitives et systématiques. En effet, on conçoit directement que les méthodes systématiques, suivant
un déroulement discursif, seront plus faciles à mettre en œuvre dans le cadre d’un problème
d’ingénierie. Cependant, cette approche systématique peut être considérée comme moins propice à
l’innovation de rupture (Li et al. 2007). Cet aspect d’innovation forte ou de rupture est de la plus
grande importance dans le cadre de nos travaux. En ce sens, McFadzean (McFadzean 1998b) a
développé une typologie selon un degré de changement de paradigme plus ou moins important à
susciter chez les participants.
Van Gundy propose une classification intéressante du point de vue de la mise en œuvre de la
méthode. Il s’agit de les classer selon le nombre de participants, tout en distinguant les outils
utilisables individuellement ou collectivement.
“Idea Power: Techniques and Resources to Unleash the Creativity in Your Organization, by Arthur
Van Gundy. (1992).”
D’une manière plus générale, les auteurs de (Pahl et al. 2007) distinguent les techniques de résolution
de problème de conception par deux approches :
L’approche Générative consiste à proposer plusieurs solutions puis à choisir celle qui répond
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 52 / 157
le mieux aux problèmes, étant donné les objectifs à atteindre.
L’approche Corrective consiste à rechercher des solutions par une démarche d’amélioration
et d’adaptation d’une idée originelle, dans le but d’atteindre les objectifs.
Tableau 6 - Comparaison des deux catégories de techniques de résolution de problèmes en conception d'après
(Pahl et al. 2007)
+ -
Plus long à mettre en œuvre : nécessite
Favorise l’émergence pour le concepteur de trouver l’équilibre
Recherche générative
d’idées nouvelles entre le temps disponible et le nombre de
solutions candidates.
Obtention rapide de Risque de rester fixé sur une solution qui
Recherche corrective
solutions concrètes n’est pas forcément la meilleure
Enfin, les auteurs de (Yan & Childs 2015) proposent une sélection de l’outil de créativité basé
principalement sur la personnalité des participants. Leur personnalité est évaluée à l’aide de
l’indicateur Myers-Brigg. Cependant, il n’est pas proposé de corrélation entre les outils existants et les
personnalités des participants.
A la suite de cet inventaire de la littérature sur la classification des méthodes de créativité, nous avons
choisi de faire ressortir quatre paramètres (le type de problème, les moyens méthodologiques, les
moyens humains et le type de solution désiré) influant sur le choix de la méthode de créativité. Nous
les avons représentés en Figure 28 ci-dessous.
Moyens
Humains
Moyens
Problème Solution
Méthodologiques
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 53 / 157
(McFadzean 1998b)
d’après Préservation du paradigme, Extension du paradigme,
(Nagasundaram & Changement de paradigme
Type de solution Bostrom 1993)
Orienté problème, Orienté fonction, Orienté produit, Orienté
(Li et al. 2007)
sur la forme
Nous avons pu constater qu’il n’y a pas véritablement de classification des méthodes par type de
problème dans la littérature. Cependant, les articles sur lesquels nous nous sommes basés sont
orientés sur la créativité dans le cadre de la conception en ingénierie.
SCAMPER
Intuitif Par transformation
Stimuli aléatoire
Catalogue de solutions
Basé sur TRIZ
l’existant
Matrice Morphologique
Logique
Analytique SIT
Nous proposons dans cette partie de faire une description rapide de chaque méthode ou famille de
méthodes.
Brainstorming Classique
Il s’agit d’une technique de créativité de groupe proposée par Alex Osborn en 1940 (Osborn 1948).
Elle repose sur le principe d’association d’idées entre des personnes issues de milieux différents.
Le principe d’une séance de brainstorming est que les participants expriment le plus d’idées
possibles. Elles sont alors notées par l’animateur. Chacun doit se retenir de tout jugement pendant la
séance de brainstorming. Ceci doit en effet permettre l’émergence d’idées potentiellement irréalistes,
qui, par associations d’idées peuvent déboucher sur des idées de solutions réalisables. (Pahl et al.
2007) Pour accroitre l’efficacité du brainstorming, Alex Osborn a proposé les quatre règles suivantes
(Osborn 1940) :
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 54 / 157
- Générer un maximum d’idées
- Ne pas critiques les idées proposées
- Chercher à faire des combinaisons avec les idées précédemment proposées
- Encourager les idées « extrêmes », c’est-à-dire les idées qui semblent irréalistes.
Une séance de brainstorming doit durer 30 à 40 minutes. Le groupe de participants doit contenir entre
5 et 15 personnes. Il est important de ne pas se limiter à un groupe d’experts, mais au contraire
d’enrichir le groupe de personnes non-techniques, ou qui travaillent en dehors du domaine d’étude. Il
s’agit pour les participants d’expliquer leurs idées et de les noter sur le tableau.
Les avantages de cette méthode résident en sa simplicité et sa bonne acceptation par les ingénieurs.
Elle peut être mise en place rapidement, sans grand travail préliminaire. De plus, elle est déjà
largement pratiquée en entreprise. De ce fait, les ingénieurs y sont habitués et l’ont acceptée.
L’inconvénient principal de cette méthode c’est la difficulté à apporter des idées en rupture avec le
design dominant. Cet aspect du brainstorming est mis en avant par J.-P. Derumier (Derumier 2016).
L’auteur explique en effet que les connaissances mobilisées lors d’une séance de brainstorming sont
fortement influencées par la formulation initiale de la problématique. Il conclut alors qu’il n’y a que peu
de chance de voir des idées en rupture sortir de ces séances. De plus, comme le rappellent les
auteurs de (Thompson & Lordan 1999), le brainstorming est une des techniques de créativité les plus
populaires, et par voie de conséquence, est souvent mal utilisée (les quatre règles ne sont pas
suivies, il n’y a pas d’animateur, brainstorming non intégré à un processus de créativité plus global).
Brainwriting
Méthode 635
Après avoir été familiarisés avec la problématique, les six participants sont invités à noter sur une
feuille de papier trois propositions de solution. Dans le cadre de cette technique, les idées sont notées
sous forme de mots ou phrases. Ensuite, chaque participant donne sa feuille à son voisin qui la
complète de trois nouvelles propositions. Le processus continue jusqu’à ce que les cinq autres
participants aient fait leurs trois propositions (Pahl et al. 2007). Le déroulement de cette méthode est
schématisé en Figure 30.
Brainsketching
Classique
(Markman et al. 2011) citant (Vangundy 1988)
Les participants dessinent leurs idées sur une large feuille de papier, en incluant au besoin de brèves
annotations. Après un temps, les participants échangent leur dessins et complètent ce qu’ils viennent
de recevoir. Cette technique permet de promouvoir l’expression visuelle des idées.
Méthode Galerie
(Markman et al. 2011) citant (Vangundy 1988)
Les participants dessinent leurs idées sur une large feuille de papier. Après un temps donné, les
participants se déplacent pour échanger autour de leurs schémas. Cette phase de discussion permet
aux participants de clarifier leurs idées. Elle est suivie d’une seconde phase de dessin.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 55 / 157
Figure 31 - Illustration de la méthode galerie adapté de (Markman et al. 2011)
Stimuli aléatoire
Cette méthode a été décrite par E. De Bono (De Bono 1970). Elle est basée sur la génération d’idées
à partir d’un stimulus aléatoire (mot, image,…). Les but est alors pour les participants de faire un lien
entre leur problème et le stimulus. Cette technique est simple à mettre en œuvre et demande peu de
travail préparatoire. Néanmoins, comme l’explique E. De Bono (De Bono 1970), l’efficacité de cette
technique repose en grande partie sur la confiance que les participants ont de trouver des solutions
intéressantes. Dans le cadre d’une utilisation par des ingénieurs, cela peut être problématique car
cette technique peut être mal acceptée.
SCAMPER
La méthode SCAMPER a été introduite par Eberle dans les années 70 (Eberle 1971). Les étapes
suggérées par cette méthode correspondent à chaque lettre de son titre : Substituer, Adapter,
Modifier, Proposer une autre utilisation, Eliminer, Réarranger/Inverser. L’avantage de cette méthode
est d’être simple à comprendre. Cependant, comme le soulignent les auteurs de (Yilmaz & Seifert
2010), elle ne propose aucune technique pour mettre en pratique ces conseils.
De par les axes avancés pour classer les causes, nous en déduisons que cette méthode est plutôt
pensée pour résoudre des problèmes organisationnel ou managériaux. Elle parait ainsi peu
appropriée à notre cas de conception d’un système de puissance.
Diagramme KJ
Le diagramme KJ permet de trier les idées issues d’une séance de brainstorming. Durant la séance
de créativité, chaque idée aura été notée sur un post-it. La technique consiste à regrouper les post-it
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 56 / 157
ayant des points communs. Un titre sera donné à chaque groupe ainsi formé. Si plus de 9 groupes
sont formés, alors ils doivent être restructurés pour obtenir au plus 9 grandes familles de solutions
(Mycoted n.d.). La représentation graphique de ces groupes et sous-groupes jusqu’aux idées
élémentaires est appelé diagramme KJ.
(4) Hybride
Synectique
Cette technique a été proposée par Gordon (Gordon 1961). Elle repose principalement sur l’analogie
avec des domaines étrangers au problème posé. La méthode synectique s’appuie sur un processus
systématique dont les étapes principales sont : (Pahl et al. 2007)
- La familiarisation du problème par les participants
- Le rejet des conventions familières grâce à l’aide d’analogies avec d’autres domaines
- Le choix d’une analogie en particulier et sa comparaison avec le problème posé
- Le développement d’une solution issue de cette analogie.
Si le résultat n’est pas satisfaisant, le processus doit être répété avec une analogie différente.
L’animateur a un rôle très important dans la réussite de cette technique car il est en charge d’orienter
le groupe vers les analogies pertinentes (Pahl et al. 2007; Thompson & Lordan 1999).
Toujours d’après les auteurs de (Hatchuel et al. 2009), cette méthode a déjà été mise en œuvre dans
différentes entreprises, comme nous l’avons résumé dans le Tableau 8.
Tableau 8 - Entreprises ayant utilisé la méthode KCP et les projets associés (d’après (Hatchuel et al. 2009))
Entreprises Projets
Transit rapide par bus
RATP
Métro du 21ème siècle
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Service de bus local
La marche
Arrêt de bus de nuit
Cockpit du futur
Thales Centre de contrôle et d’opération du futur
Nouvelle génération d’avions monocouloir
Vallourec Post-filetage de tubes
Volvo Véhicule durable
Areva Réseaux intelligents (Smart Grids)
Competitive cluster Moveo Sécurité pour les véhicules à deux roues
Sagem Réseau domestique
Safran Helicopter Engines Nouvelle génération de turbines d’hélicoptères
D’après F. Arnoux (Arnoux 2013), la méthode KCP est très intéressante pour produire des concepts
en rupture. Il explique en effet qu’il s’agit d’une méthode complète permettant aux concepteurs de se
détacher de la fixation aux concepts actuels. Après lecture du Tableau 8, nous percevons que la
méthode KCP est principalement utilisée pour des projets de très haut niveau. Son principal défaut est
la lourdeur de sa mise en œuvre (temps, nombre de participants).
La méthode TRIZ
TRIZ est un acronyme Russe signifiant Théorie pour la Résolution Inventive des Problèmes. Cette
méthode a été créée en 1984 par G. Altshuller (Altshuller 1984). Depuis, elle a été sans cesse
développée et modifiée. Comme l’explique Choulier ((Choulier 2000), cité par (Tyl 2011)), la méthode
TRIZ peut être utilisée de trois manières différentes.
- TRIZ peut être abordée comme une boite à outils : chacune des technique de TRIZ peuvent
être utilisés indépendamment en fonction des besoins
- TRIZ peut être utilisée de manière séquentielle en suivant la logique de l’algorithme ARIZ
- TRIZ peut être considérée comme une façon de penser et de poser un regard nouveau sur un
problème.
Nous listerons ici les principaux outils de TRIZ (selon (Gadd 2011)). Cette liste n’est pas exhaustive
mais présente les outils les plus utilisés de la méthode TRIZ.
Ce retour d’expérience indique que TRIZ est une méthode pertinente qui peut mener à de l’innovation
de rupture. La méthode TRIZ a été utilisée pour la conception de la rampe de distribution de carburant
du moteur Trent 900 de Rolls Royce. Ceci a permis, selon l’auteure de (Gadd 2011), une réduction de
95% du temps de fabrication (Gadd 2011).
Contrairement à la méthode KCP, la méthode TRIZ nous apparait plutôt orientée vers la recherche de
solution à des problèmes techniques.
Matrice Morphologique
L’approche morphologique développée par Zwicky (Zwicky 1948) consiste à séparer un système
complexe en sous-systèmes essentiels. Pour chacun de ces sous-systèmes, des solutions seront
proposées par d’autres méthodes de génération d’idées, comme présenté dans la Figure 33 ci-
dessous. Le principe de cette méthode est ensuite de combiner les solutions des sous-systèmes pour
obtenir différentes solutions pour le système complet.
Figure 33 - Exemple de matrice morphologique (tiré de (Design & Develop For You n.d.))
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 59 / 157
L’avantage de cette méthode est qu’elle est logique et donc intelligible pour des ingénieurs. Son
inconvénient principal est qu’elle dépend d’une source d’idées pour les sous-systèmes élémentaires.
C’est de ces concepts de solutions élémentaires que dépendra le caractère fortement innovant ou non
des solutions globales proposées.
Catalogues de solution
Les catalogues de solution consistent à fournir, pour un problème donné, un panel de solutions déjà
connues et approuvées. L’avantage de cette méthode c’est qu’elle donne produit rapidement des
solutions. L’inconvénient c’est que ces solutions sont déjà existantes. Elles peuvent donc être soit
peu innovantes (déjà mises en œuvre par exemple), soit potentiellement innovantes mais éloignées
du problème à traiter.
(2) Analytique
II.D. Combiner
Cette étape consiste à combiner les différents principes de fonctionnement précédemment mis en
lumière pour chaque fonction, afin de former un concept de système candidat à la réponse au
problème de conception.
La méthode la plus utilisée pour cette tâche de combinaison est la matrice morphologique (Pahl et al.
2007; Kirby 2001; George 2012; Dieter & Schmidt 2013; Gavel 2007). Cette méthode, introduite par
Zwicky (Zwicky 1948), consiste à générer des solutions d’architectures par combinaisons de solutions
des fonctions et sous-fonctions du système. La Figure 34 ci-dessous présente un exemple de matrice
morphologique. Un exemple de solution d’architecture système y est représenté par une ligne brisée
bleue.
Solutions
Fonctions Sous-Fonctions
#1 #2 #3 #4 #5
SF 11
Fonction F1
SF 12
SF21
Fonction F2
SF22
Fonction F… …
Exemple de solution d'architecture système
Figure 34 - Exemple de matrice morphologique
Les auteurs de (Weber et al. 1998; George 2012) ont présenté des méthodes originales d’utilisation
de la matrice morphologique. Comme le soulignent les auteurs de (Dieter & Schmidt 2013), la
génération par matrice morphologique peut rapidement mener à un grand nombre de concepts
candidats. En ce sens, la méthode proposée par l’auteur de (George 2012) permet d’en réduire le
nombre de combinaisons. Elle permet également d’anticiper l’étape d’évaluation en proposant des
concepts candidats fonctionnels et composés d’éléments compatibles entre eux. L’approche de
(George 2012) se compose de six étapes, représentées sur la Figure 35, et décrites ci-dessous : Elle
repose sur un va et vient entre des matrices morphologiques et des matrices d’option.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 60 / 157
Etape 1 : Matrice morphologique par groupes
La matrice morphologique est établie. Pour chaque fonction, les concepts sont regroupés en familles
pour plus de lisibilité.
Figure 35 - Méthodologie systématique de génération de concept proposée dans la thèse de (George 2012)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 61 / 157
III. Proposition d’une méthode pour les travaux de
thèse
Ce chapitre est dédié à la présentation du processus de sélection, pour chaque étape, d’une
méthodologie adaptée à notre cas d’étude. Il aboutira à la proposition d’une méthode pour la
génération d’architectures dans le cadre de la thèse.
Le but, pour l’entreprise, est de disposer d’une méthode rapide à mettre en œuvre permettant
d’identifier des architectures en rupture.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 62 / 157
Représentation Représentation Représentation
Graphique Textuelle Croisée
C-Sketch Brainstorming Analyse
Méthode Galerie Diagramme KJ Morphologique
Check-list Synectique
Méthode d’affinité
Storyboarding
Diagramme des causes
et effets
Méthode 635
Figure 36 – Classification de quelques méthodes de créativité par types de représentation des idées (traduit de
(Mckoy et al. 2001))
Plusieurs expériences (Mckoy et al. 2001; Markman et al. 2011) ont conduit à la même conclusion
concernant la représentation des idées. La représentation graphique des idées permet d’augmenter le
nombre et la qualité des concepts générés. Les auteurs de (Markman et al. 2011) ont également
constaté que plus de concepts de haute qualité sont générés lorsque les idées sont affichées au mur,
par un seul dessin.
Ainsi, les auteurs de (Markman et al. 2011) suggèrent de procéder en deux temps. Ils proposent tout
d’abord d’afficher les idées au mur (méthode Galerie, brainsketching) pour générer un grand nombre
de solutions de qualité. Dans un second temps, il est suggéré de faire circuler les idées de participant
à participant (6-3-5, C-sketch) en utilisant des mots et dessins pour développer les détails des
solutions.
De son côté, l’auteur de (Geschka 2007) (cité par (Schöllhammer 2015)) précise que les approches
de type « Matrice morphologique » et « Confrontation avec des images ou expressions » sont
bénéfiques pour la conception au niveau système, d’une solution qui apportant de nouvelles fonctions
ou bénéfices.
Mcfadzean (McFadzean 1998a) propose une classification des techniques de créativité, selon trois
niveaux de changement de paradigme (voir Figure 37) :
- Préservation du paradigme
- Extension du paradigme
- Changement de paradigme
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 63 / 157
Préservation Extension du Changement
du paradigme paradigme de paradigme
Figure 37 – Classification des techniques de créativité selon le niveau de changement de paradigme (adapté de
(Mcfadzean 1996))
Mcfadzean (McFadzean 1998a), en accord avec (Nagasundaram & Bostrom 1993), fait le constat que
les techniques de brainstorming et brainwriting semblent peu appropriées pour un changement de
paradigme.
Les auteurs de (Samuel & Jablokow 2010) ont proposé un classement de techniques de créativité
selon leur type d’approche. Le classement comprend cinq niveaux, de la plus rationnelle vers la plus
intuitive (voir Figure 38).
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 64 / 157
Figure 38 – Classification des techniques de créativité par niveau de difficulté et par style cognitif (issu de
(Samuel & Jablokow 2010))
Il n’existe pas dans la littérature actuelle de classification des techniques de créativité par domaine
d’application. Cependant, beaucoup de références concernent la conception en ingénierie. Ainsi, à
défaut d’avoir un panel des techniques employées dans différents domaines, nous avons pu obtenir
des retours d’expérience dans le domaine qui nous intéresse.
Dans le cas de publications non spécialisées dans la conception, il a été possible de distinguer les
techniques non applicables à notre problème. On pensera par exemple aux méthodes Océan Bleu,
Lean Startup, Business model nouvelle génération trop orientées business/marché ou la méthode
Delphi qui va plutôt dans le sens de la prévision économique et stratégique.
La méthode que nous proposons pour les travaux de thèse repose sur différentes techniques, comme
nous l’avons représenté en Figure 39. Elle sera mise en œuvre dans le cadre d’une séance de
créativité.
Figure 40 - Déroulement d'une séance de brainwriting selon la méthode 635 (adapté de (Christian Höfling 2017))
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 66 / 157
Le déroulement de la méthode sera le suivant. Chaque participant a 5 minutes pour noter 3 idées
sur une feuille de papier. Une fois le temps écoulé, chaque participant donne sa feuille à son
voisin. Chacun a alors à nouveau 5 minutes pour compléter la feuille qu’il reçoit de 3 nouvelles
idées, en s’inspirant des idées déjà proposées sur la feuille. Ces échanges de feuilles continuent
jusqu’à ce que chaque participant retrouve sa feuille initiale. Ce déroulement est illustré par la
Figure 40 ci-dessus.
3. Partage et tri des idées : Diagramme KJ. Suite à la phase de réflexion silencieuse et
personnelle que représente la méthode 635, il nous a paru intéressant de créer un moment de
partage verbal entre les participants. Cette dernière étape prendra la forme d’une séance de
tri des idées par Diagramme KJ (expliqué au paragraphe II.C.2.a)(3)). Le but est alors moins
de classer les idées par groupe, que de permettre aux participants de discuter et de
développer leurs idées à l’oral.
Nous proposons un récapitulatif des différentes techniques de créativité impliquées dans la méthode
proposée dans le Tableau 9, ci-dessous. Il y est détaillé les points forts et les points faibles de chaque
méthode au regard de notre application. Une dernière colonne rappelle également les éléments
effectivement retenus pour nos travaux.
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IV. Mise en œuvre de la méthode proposée chez
Safran Helicopter Engines
Cette partie traite de la mise en œuvre chez Safran Helicopter Engines de la méthode proposée dans
la partie III.
Nous avons d’ores et déjà identifié deux fonctions principales pour le système carburant :
- Déplacer le carburant du réservoir jusqu’à la chambre de combustion du moteur
- Doser le débit massique de carburant fourni à chaque instant vers les bons injecteurs de la
chambre de combustion.
Une fois les fonctions principales du système à concevoir formalisées, on entre dans l’étape de
décomposition fonctionnelle à proprement parler.
Si on s’intéresse aux deux fonctions principales présentées ci-dessus, on peut arriver, dans un
premier temps, à la décomposition fonctionnelle représentée en Figure 41.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 68 / 157
Déplacer le Doser le débit
Niveau 1 carburant massique
Après utilisation de ces fonctions de Niveaux 2 pour la génération d’architectures candidates, nous
avons constaté que :
- Il n’était pas pertinent de considérer une fonction « Alimenter en énergie » en tant que
telle. C’est en effet une fonction induite par le besoin de déplacer du fluide. Elle peut
donc s’intégrer aux autres fonctions impliquant de transmettre de l’énergie au fluide.
- La fonction « Convertir en énergie hydraulique » ne nous est finalement pas parue assez
précise vis-à-vis du véritable besoin. En effet, l’énergie hydraulique est générée dans un
but bien précis qu’il est plus intéressant d’expliciter directement : « Amorcer, Aspirer,
Gaver ». De plus, il peut également y avoir de la conversion en énergie hydraulique au
sein de la fonction « Doser le débit massique ». On peut en effet imaginer une machine
hydraulique qui génèrerait à tout instant le débit nécessaire au fonctionnement du
moteur. Cet aspect va donc à l’encontre de la volonté d’indépendance entre les fonctions.
- Les fonctions « Doser » et « Répartir » sont étroitement liées. En effet, répartir le
carburant entre les injecteurs c’est, d’une certaine manière, doser le carburant que l’on
envoie à chaque injecteur. Ainsi ces deux fonctions ont été regroupées.
Ainsi la décomposition fonctionnelle a évolué au cours du processus de génération d’architecture pour
être plus proche des spécificités opérationnelles du système carburant. Une nouvelle décomposition
fonctionnelle est représentée en Figure 42.
Doser et
Aspirer
Conditionner Répartir le débit Commander le
Niveau 2 Amorcer
pour dosage massique entre débit massique
Gaver
les injecteurs
En utilisant à nouveau cette décomposition pour générer des architectures conceptuelles, nous nous
sommes rendu compte que de nouvelles modifications ont été nécessaires. En effet :
- Les trois fonctions « Amorcer », « Aspirer » et « Gaver » sont finalement les contributeurs
d’une fonction plus importante : « Fournir une pression de gavage au reste du système
carburant ». De plus, ces trois fonctions peuvent être réalisées ensemble ou de manière
indépendante. Il a donc été décidé de les décomposer, au sein d’un troisième niveau de
décomposition fonctionnelle.
- Les fonctions « Doser » et « Conditionner pour dosage » sont étroitement liées. En effet,
le concept retenu pour la fonction « Doser » implique (ou exclue) d’office toute une
famille de solutions pour la fonction « Conditionner pour dosage ». Ainsi, ces deux
fonctions ont été fusionnées au niveau 2, et apparaissent séparément au niveau 3.
- Le regroupement des fonctions « Doser » et « Répartir » a été abandonné. Bien que ces
deux fonctions puissent être fortement liées (cas où l’on doserait directement à l’injecteur
par exemple), elles peuvent aussi être fortement dissociées pour des architectures où
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l’on considèrerait plusieurs systèmes de dosage distincts pour assurer la répartition.
Ainsi, ces deux fonctions ont été à nouveau dissociées.
- Une fonction « Réchauffer le carburant » a été ajoutée. En effet, en générant les
architectures, nous avons constaté qu’un système de réchauffage pouvait être
nécessaire afin de répondre au besoin de fonctionner par temps froid sans additif anti-
givre.
Tout ceci montre que la décomposition fonctionnelle du système carburant est, tout d’abord, loin d’être
unique. Nous avons proposé trois décompositions différentes, mais bien d’autres pourraient être
imaginées. Ensuite, les itérations successives pour arriver à la décomposition retenue nous ont bien
montré que le choix d’une décomposition fonctionnelle impose un certain angle de vue sur le système.
Il convient par conséquent de choisir l’angle de vue fonctionnel qui permettra d’être le plus efficace
possible dans la génération d’un large panel d’architectures. Nous proposons de mettre en évidence
ce processus itératif entre Décomposition fonctionnelle et Génération d’architectures en Figure 44.
Décomposition Génération
fonctionnelle d’architectures
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pas menée à plus bas niveau à ce stade du processus de conception. Ainsi, dans l’étape suivante de
recherche de concepts candidats, nous avons choisi d’utiliser :
- Les décompositions de niveau 2 et 3 (voir Figure 43) pour la génération
d’architectures
- La décomposition de niveau 1 (voir Figure 43) pour les séances de créativité.
Cette distinction permet à la fois :
- De présenter les résultats de manière plus structurée, en utilisant une décomposition
plus fine pour la génération d’architectures
- De garder la plus grande ouverture d’esprit quant aux solutions proposées lors des
séances de créativité, en utilisant un découpage fonctionnel haut niveau.
Il est à noter que la formulation de la fonction « Fournir une pression de gavage », utilisée dans la
décomposition fonctionnelle finale, permet de dépasser la limitation de créativité mise en avant dans
l’exemple ci-dessus. Cependant, cette décomposition ayant été obtenue à l’issue d’un processus
itératif, la recherche de concepts candidats a été menée avec la première version de la décomposition
fonctionnelle pour permettre une première itération.
La séance de créativité reprend les trois étapes décrites au paragraphe III.C.3. Une étape initiale a été
ajoutée à ce triptyque : « Identification du problème à résoudre », d’une durée de 10 minutes.
A la fin de l’étape de génération d’idées, les feuilles A3 de chaque participant ont été prises en photos.
Ces dernières permettront d’avoir une trace de l’historique des idées générées au cours de la séance.
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IV.B.2. Choix des participants
Le groupe de travail était composé d’un animateur ainsi que de 6 participants pour la séance
concernant la fonction « Doser », et 7 participants pour la séance sur la fonction « Déplacer ». Afin de
rester au plus près de la méthode originale (qui prévoyait 6 participants et donc 5 rotations), nous
avons conservé, pour la séance « Doser » un nombre de 5 rotations. Il est donc à noter qu’au cours
de cette séance, chaque participant n’aura eu que 6 des 7 feuilles entre les mains.
L’animateur n’a pas participé à la séance à proprement parler. Son rôle a été d’animer la réunion, en
présentant le problème puis l’apport de connaissances sur le sujet. Durant la « Génération d’idées
originales », il a été en charge de la gestion du temps entre chaque rotation, ainsi que du rappel des
règles de la séance. Durant la phase de « Partage et tri des idées », son rôle a été d’organiser les
idées par thèmes, avec l’accord des participants.
Lorsqu’une réunion est organisée sur le thème du système carburant en rupture, nous avons estimé
qu’il était impératif d’inviter les deux experts architecture système carburant ainsi que l’auditeur
technique système carburant. De plus, lorsque l’on évoque des solutions techniques, nous avons
trouvé important de convier les concepteurs des composants du système (2 personnes). Si l’on
souhaite limiter le nombre de participants à 6 ou 7, cela laisse 1 ou 2 places libres. Nous avons alors
choisi d’inviter soit des membres du groupe de R&T de l’entreprise (particulièrement ouverts à ces
sujets d’innovation) ou un novice (jeune alternant du groupe architecture système carburant, afin
d’avoir un œil extérieur sur le problème. Les participants ont dont finalement été :
- 2 experts architectes système carburant
- 2 experts concepteurs des composants du système carburant
- 1 membre de l’audit technique système hydraulique
- 1 (« Doser ») ou 2 (« Transporter ») membres de la R&T niveau système de
régulation
- 1 novice (« Doser »), jeune alternant au groupe architecture système carburant.
Suite aux deux séances de créativité menées chez Safran Helicopter Engines, les participants ont pu
donner leur avis sur la méthode proposée.
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Temps écoulé entre les rotations
11
Temps écoulé (s)
9
7
Déplacer
5 Doser
3
1
1 2 3 4 5 6
Numéro de la rotation
Figure 47 - Evolution du temps nécessaire aux participants pour formuler leurs idées au fil de la séance
Dans la mesure où chaque participant s’est entièrement prêté au jeu, le fait d’avoir une grande
proportion d’ingénieurs en lien étroit avec le système carburant ne semble pas avoir été un obstacle à
la créativité.
Suite à ces deux séances de créativité, des statistiques quantitatives ont été menées. Afin de mieux
comprendre le fonctionnement de la méthode proposée, nous avons introduit quatre indicateurs :
- Le nombre de post-it initiaux : quantité de post-it mis à la disposition de l’ensemble des
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 74 / 157
7
participants. Dans notre cas, il s’agit de 18 post-it par participant . Pour la séance « Déplacer »
(7 participants), le nombre de post-it initiaux est donc de 126 alors que pour la séance
« Doser » (6 participants) il est de 108.
- Le nombre de réponse : il s’agit du nombre de post-it ayant été rempli par les participants
durant la séance.
- Le nombre de réponses pertinentes : il s’agit du nombre de réponses restantes une fois que l’on
a enlevé les solutions absolument impossibles (téléportation par exemple).
- Le nombre d’idées obtenues correspond à la quantité de solutions différentes répertoriées
après analyse des résultats de la séance de créativité. Il s’agit des idées originales qui seront
exploitables pour l’entreprise. Il est à noter que toutes ces idées ne répondent pas précisément
au problème posé lors de la séance. Il peut donc s’agir d’idées qui ne seront pas forcément
utiles dans ce cadre mais qui pourront être réutilisées dans un autre contexte ou pour d’autres
fonctions du système carburant.
Nous avons présenté les résultats obtenus lors de nos deux séances de créativité en Figure 48, ci-
dessous. Etant donné que les deux séances de créativité n’ont pas accueilli le même nombre de
participants, les résultats ont été exprimés en pourcentage du nombre de post-it initiaux.
100%
100%
80%
60% 71%
66% 67% 67%
40%
44%
39%
20%
0%
Doser 1 Déplacer
Figure 48 – Statistiques quantitatives sur le nombre d’idées générées au cours des deux séances de créativité
On constate que les résultats obtenus sont très similaires entre les deux séances. En effet, si la
séance « Déplacer » a généré une plus grande proportion de réponse (71% contre 67%), cet écart a
été comblé par l’élimination des réponses non-pertinentes. Ainsi, les deux séances ont effectivement
généré 66% (« Doser ») et 67% (« Déplacer ») de réponses pertinentes. Après analyse des idées
obtenues on distingue 39% (42 idées) d’idées originales issues de la séance « Doser », contre 44%
(56 idées) d’idées originales issues de la séance « Déplacer ».
Ainsi, les résultats obtenus entre les deux séances sont relativement proches. En effet la séance
« Déplacer » n’a fourni que 5% du nombre de post-it initiaux d’idées de plus que la séance « Doser ».
Il est difficile d’expliquer cet écart relativement faible entre les deux séances. En effet, de nombreux
paramètres ont été modifiés, à savoir :
- Le nombre de participants : 7 participants pour la séance « Déplacer » contre 6 pour la
séance « Doser ».
- Le sujet : Les deux sujets proposés peuvent avoir influencé le nombre de réponse des
participants.
- Les participants
Différents participants : entre la séance « Déplacer » et la séance « Doser », un
des participants a été remplacé par un nouveau participant.
Participants déjà familiers de la méthode en séance « Doser » : la séance
« Doser » ayant eu lieu après la séance « Déplacer », tous les participants sauf
Chaque participant étant muni, en début de séance, d’une feuille A3 contenant 18 post-it (voir Figure 46)
7
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 75 / 157
un connaissaient déjà le principe de la méthode. L’absence de nouveauté dans la
méthode peut avoir entrainé un léger manque d’engouement par rapport à la
première séance. Ceci pourrait expliquer l’écart de 4% de post-it remplis.
Du fait de ce nombre important de paramètres variant en même temps, il ne nous est pas possible à
ce stade de relier un de ces paramètres à l’écart constaté entre les deux séances. Cependant, dans
une perspective de réutilisation de la méthode, il peut être intéressant de regarder ces résultats sous
un autre angle. En effet, lors de sa mise en œuvre de la méthode en entreprise, les participants, leur
nombre ainsi que le thème de la séance seront en permanence modifiés d’une séance à l’autre. Ainsi,
même s’il nous est impossible de lier précisément les résultats aux différents paramètres de la
méthode, nous pouvons néanmoins constater qu’avec des paramètres issus d’une mise en œuvre en
entreprise, le nombre d’idées générées se situe autour de 40% (+/- 4%) du nombre de post-it
initiaux. Cette conclusion est cependant à modérer étant donné le faible nombre (2) de séances
considérées.
80%
60%
Post-it vide
40% Rebond
20% Proposition
0%
1ère 2ème 3ème 4ème 5ème 6ème
Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation
Figure 49 - Historique de la génération des idées par types au cours de la séance "Déplacer"
80%
60%
Post-it vide
40%
Rebond
20% Proposition
0%
1ère 2ème 3ème 4ème 5ème 6ème
Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation
Figure 50 - Historique de la génération des idées par types au cours de la séance "Doser"
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 76 / 157
Dans les deux séances, on constate que la première rotation est constituée quasi-uniquement de
proposition (95%). Ceci s’explique par le fait qu’il n’y a pas encore d’idées proposées, et donc pas de
rebonds possibles. Les post-it vides sont également relativement faibles pour cette première rotation
(1 post-it vide pour chaque séance). Ainsi, pour chaque séance, toutes les feuilles A3 contenaient 3
idées (soit le maximum) à la fin de première rotation, sauf une qui n’en contenait que 2.
Lors de la seconde rotation, une augmentation brutale de la proportion de rebonds est constatée dans
les deux séances. Elles représentent en effet plus de la moitié des post-it avec 62% de rebonds pour
la séance « Déplacer » et 50% pour la séance « Doser ». Nous en déduisons que les participants ont
massivement recours au rebond en seconde rotation. C’est d’ailleurs la rotation où le rebond le plus
utilisé pour les deux séances. On remarque également une augmentation de la proportion de post-it
laissés vides (14% pour « Déplacer » et 22% pour « Doser »).
A partir de la troisième rotation, deux comportements différents sont observés entre les deux séances
de créativité. Pour la séance « Déplacer », une stabilisation autour de 33% est observée pour les trois
catégories jusqu’à la cinquième rotation. Au cours de la séance « Doser », les écarts sont plus
importants entre les catégories.
De manière logique, on observe une augmentation globale du nombre de post-it vides tout au long
des rotations. Ceci pouvant être expliqué par le fait que plus des participants ont donné d’idées, moins
ils en ont de nouvelles à apporter.
Déplacer
La première rotation est nécessairement constituée de propositions (95%). La seconde rotation se
caractérise par une chute brutale du nombre de propositions et une franche augmentation des
rebonds (+60%). Ceci peut s'expliquer par le fait que les participants s'appliquent à rebondir sur les
idées de la rotation 1.
Cependant, on observe entre les rotations 3 et 5 une stabilisation des proportions des types de
réponses :
- Propositions : moyenne 37% (de 29 à 43%)
- Rebonds : moyenne 30% (de 19 à 38%)
- Vides : moyenne 33% (de 24 à 43%)
On observe également que la courbe de rebond a les mêmes variations que la courbe de proposition
avec un retard de 1 rotation.
80%
Rebond
60%
40%
Proposition
20% décalée de
+1 rotation
0%
1ère 2ème 3ème 4ème 5ème 6ème
Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation Rotation
De plus, on observe, comme dans la séance doser le cycle de 3 rotations qui se dessine. Même s'il
est moins prononcé que précédemment, on a bien :
- Rotations 1-2-3 : Diminution brutale des propositions et augmentation franche des rebonds, dans un
premier temps. Puis chute à nouveau des rebonds au profit des propositions.
- Rotations 4-5-6 : le même schéma est observé mais de manière bien moins marquée.
Néanmoins, on remarque que les variations des 3 courbes sont cycliques de période 3.
Attention car ces tendances sont relativement fragiles au vu d'éventuelles imprécisions de traitement
des données.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 77 / 157
Doser
Dans les 3 premiers tours : le nombre de proposition diminue fortement tandis que le nombre de post-
it vides augmente régulièrement. Le nombre de rebond augmente très rapidement au second tour et
se stabilise au 3ème. Au 4ème tour, on assiste à une 2ème vague de propositions. Les rebonds
diminuent alors que les vides restent en quasi-constante augmentation. La 5ème rotation voit l'apogée
des post-it vides (55%), avant une retombée à 40% à la 6ème rotation. Dans ces deux derniers tours,
le nombre de proposition est stable (17%) et le nombre de rebond en augmentation.
On observe un cycle de 3 rotations :
- T0 : Fortes propositions, peu de rebonds
- T0+1 : Plus de rebonds que de propositions
- T0+2 : Augmentation de l'écart entre rebonds et propositions.
On observe 2 fois ce cycle de 3 rotations au cours de notre expérience.
IV.B.3.e) Recommandations
Les séances de créativité ont été menées selon une méthode de créativité originale. Cette dernière a
été bien acceptée et appliquée par les participants. Leurs retours ont néanmoins permis d’élaborer les
recommandations suivantes pour les prochaines utilisations de la méthode de créativité :
- Prévoir des parcours plus élaborés des feuilles contenant les post-it, de manière à ce que :
Chaque participant n’écrive qu’une seule fois sur chaque feuille,
Pour un participant donné, le participant ayant eu la feuille juste avant lui ne soit
jamais le même,
Les participants ne sachent pas de qui ils reçoivent la feuille. On pourrait imaginer
que l’animateur ramasse toutes les feuilles avant de les redistribuer, à chaque
rotation.
- Prévoir une augmentation du temps donné aux participants au fur et à mesure des
rotations.
- Enregistrer la phase de partage et tri des idées afin de ne pas perdre une idée lancée à la
volée. On pourra aussi bien nommer un scribe pour retracer directement les échanges.
Cependant nous pensons qu’il peut être préjudiciable de nommer scribe un des
participants car il ne pourra pas participer à cette partie de la séance.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 78 / 157
Consigne Qi
Système Carburant
Commander
4
Fournir une
P, T Qi, Pi
pression de Doser Répartir
circuit HC injecteurs
gavage
3 2 1
Afin d’alléger les figures, un notation a été introduite pour désigner l’opération de combinaison : X.
Il s’utilise de la manière décrite en Figure 52 :
A C C D E
X D ⇔ A
B
A +C A +D A +E
B+C B+D B+E
B E
Dans l’exemple ci-dessus, les solutions possibles sont les couples A-C, B-C, A-D, B-D, A-E, B-E.
La génération des architectures suit la décomposition fonctionnelle présentée ci-dessus. Pour sa mise
en place, nous avons jugé nécessaire de décomposer la fonction « Doser » selon deux catégories :
- Dosage par orifice ou Dosage volumétrique par dissipation, nécessitant un étage
supplémentaire de « Conditionnement du fluide pour dosage ». Il s’agit de briques nécessitant
d’être alimenté avec un carburant à un niveau de pression défini.
- Dosage volumétrique par production de puissance hydraulique, pour être directement
alimenté par la pression de gavage carburant.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 79 / 157
Consigne Qi
Système Carburant
Commander
4
Pour chaque fonction principale, nous avons représenté graphiquement les briques associées
(Figures 54, 55, 57, 58, 59). Toutes les briques ont été numérotées pour en permettre l’identification
de manière rapide et précise. Par mesure de confidentialité, la correspondance entre les briques et
leurs identifiant ne peut être donnée dans ce manuscrit.
- Fonction « Répartir »
Répartir
Par famille Q_dosé
Q_famille 1
Répartir
d’injecteurs Q_famille 2
Après le
dosage Q_dosé
Répartir Q_injecteur 1
Par injecteur ... ...
Répartir Q_injecteur N
P_gav
Par famille Doser Q_famille 1
d’injecteurs
Doser Q_famille 2
Combiné
au dosage P_gav
Doser Q_injecteur 1
Par injecteur ... ...
Doser Q_injecteur N
L’objectif de la fonction « Répartir » est de d’envoyer le bon débit, ou la bonne fraction du débit dosé
total, à chaque famille d’injecteur. Selon que le dosage soit fait en même temps que la répartition, ou
non, et que l’on répartisse par famille d’injecteur ou à chaque injecteur, 4 briques ont été générées
pour cette fonction.
- Fonction « Doser »
L’objectif de cette partie est d’énumérer, de façon la plus exhaustive possible, les moyens de doser un
débit de carburant. Dans un souci d’exhaustivité, nous sommes directement partis des principes
physiques permettant un tel dosage : le dosage volumétrique et le dosage par restriction.
Dosage volumétrique
Le premier principe que nous avons identifié pour doser un débit de fluide consiste en un dosage
volumétrique. Une machine volumétrique est en effet parcourue par un débit proportionnel à sa
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 80 / 157
vitesse de rotation. Ainsi, il est possible de commander le débit en agissant sur la vitesse de rotation.
Nous avons représenté graphiquement les 6 briques de dosage volumétrique en Figure 55.
Où :
Q est le débit volumique circulant à travers la restriction.
C est un coefficient, dépendant de la géométrie de la restriction et de la densité du fluide. Il peut
également dépendre du nombre de Reynolds lorsque celui-ci est inférieur à quelques centaines.
S est la surface de passage du fluide à travers la restriction.
ΔP est la différence de pression entre l’amont et l’aval de la restriction :
(II-2)
Un débit Q particulier peut être établi en imposant un jeu de paramètres C, S ou ΔP particulier. Pour
une géométrie de restriction et un fluide donné, le coefficient de débit (C) peut être considéré comme
constant en première approche. En effet, pour des vitesses d’écoulement suffisamment élevées, il ne
dépend plus que de la géométrie de la restriction et de la densité du fluide. Pour commander un débit
Q, il est alors nécessaire et suffisant de commander l’un des deux paramètres (S ou ΔP) et de
connaitre l’autre. Nous avons représenté les possibilités de commande de débit dans le Tableau 10 ci-
dessous. Pour chaque grandeur S ou ΔP, la valeur 1 indique que le système agit sur la grandeur pour
commander le débit, tandis que la valeur 0 indique que le système n’a pas d’action sur celle-ci.
Du point de vue du vocabulaire, nous nous devons de clarifier les différents termes utilisés dans le
tableau, à savoir :
- Grandeur commandée : c’est la grandeur « réglante » sur laquelle on agit directement pour
obtenir la valeur de débit souhaitée (« grandeur réglée »)
- Les grandeurs régulées, mesurées et fixées sont des grandeurs qui doivent être connues
pour pouvoir doser le débit. On les distingue par le fait que :
o Une grandeur régulée est connue car sa valeur est maintenue à une valeur de
8
Compte tenu du fait que la sortie de la machine volumétrique est un débit, nous avons trouvé judicieux
d’adopter cette vision causale. Bien entendu, la vision causale inverse aurait pu être adoptée.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 81 / 157
consigne par le système. Cette valeur de consigne a été déterminée en phase de
conception du système.
o Une grandeur quelconque est connue du fait qu’elle est mesurée à chaque instant. La
valeur de cette grandeur n’est pas fixée par le système et peut varier en fonction du
temps et des conditions d'opération.
o Une grandeur fixée est une grandeur dont la valeur est intrinsèquement connue (la
surface de passage du fluide à travers la restriction par exemple). Cette valeur a été
choisie en phase de conception du système.
Dans notre cas, la pression en aval de la restriction est toujours imposée par la pression en sortie du
système carburant (P_chambre) et les pertes de charges liées au débit circulant entre l’aval de la
restriction et la chambre de combustion. Le système de dosage ne peut donc avoir aucune action sur
la pression en aval de la restriction (P_aval) au cours du dosage. Ceci implique deux choses :
- P_aval devra toujours être mesurée pour obtenir la valeur du ΔP (équation (II-2)) et permettre
le dosage
- Pour agir sur le ΔP, le système de dosage ne pourra effectivement agir que sur la pression en
amont de la restriction (P_amont).
Dès lors, il parait opportun de traduire les conditions en ΔP, énumérées dans le Tableau 10, en
condition de P_amont, étant donné que c’est sur cette grandeur que le système de dosage aura
effectivement autorité. Nous avons alors remarqué qu’il existe deux manières distinctes d’obtenir un
ΔP quelconque en agissant sur la P_amont :
- En fonctionnant avec une P_amont quelconque, la mesure du ΔP s’obtient simplement par
différence des deux mesures en pression en amont et aval de la restriction,
- En régulant P_amont, la mesure du ΔP s’obtient par différence entre la valeur de pression
régulée en amont, et la valeur de pression mesurée en aval.
Nous avons représenté cette correspondance entre conditions en ΔP et P_amont dans le Tableau 11
ci-dessous.
Tableau 11 - Correspondance des conditions de ΔP et de Pamont
Nous avons synthétisé les correspondances entre les conditions en ΔP et en P_amont dans le
Tableau 11 ci-dessus.
Ce nouveau niveau de détail a été inclus dans la réalisation de la condition de ΔP quelconque aux
principes déjà énumérés dans le Tableau 10. Ainsi, les différentes variantes de dosage par restriction
sont résumées dans le Tableau 12 ci-dessous.
Tout comme pour le dosage volumétrique, nous avons représenté ces cinq possibilités de dosage par
restriction en Figure 55. Pour plus de clarté, des notations ont été introduites concernant les
conditions de pression :
- P désigne une pression amont quelconque
- P_reg désigne une pression amont régulée à une valeur fixe (ou à plusieurs valeurs fixes)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 82 / 157
- ΔP_reg désigne une pression amont régulée en fonction de la pression aval mesurée afin
d’obtenir une différence de pression constante aux bornes de la restriction
- ΔP_com désigne une différence de pression amont/aval commandée.
Doser
Q_dosé
Alimentation / Résistance
Production de
variable
Puissance P_gav
Volumétrique
hydraulique Q_dosé
Dosage
X Transformation
hydraulique variable
Absorption de
P
Puissance Entrainement / Résistance Q_dosé
hydraulique* et Transformation
hydrauliques variables
P_amont P Q_dosé
quelconque
P_reg
Q_dosé
P_amont régulée
Section
commandée*
par restriction
Q_dosé
ΔP régulé
Dosage
ΔP_reg
S et ΔP Q_dosé
commandés ΔP_com
ΔP commandé* Q_dosé
S fixe
ΔP_com
Nous rappelons que les briques de dosage volumétrique de production de puissance hydraulique ne
nécessitent pas de fonction de conditionnement pour le dosage. Ces principes de dosage peuvent
être directement connectés au concept de la fonction « Fournir une pression de gavage ».
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 83 / 157
Conditionner
Source
P quelconque Standard
Volumétrique
Entrainement variable
Géométrie variable
Source Entrainement et
Volumétrique géométrie variables
Régulateur de pression
P régulée
Unloading valve
X
ΔP régulé a
Standard
Entrainement variable
Source
Géométrie variable
Centrifuge
Entrainement et
géométrie variables
Dissipation par
restriction
a
Possibilité de réguler en ΔP en ajoutant une prise de
pression depuis l’aval du système de dosage
Figure 57 – Représentation des briques de conditionnement pour le dosage candidates pour la fonction
« Doser »
Les schémas hydrauliques représentant les solutions ont été ajoutés lorsque cela a été possible. Ils
sont uniquement présents à titre d’illustration des briques. En ce sens, les traits pointillés ( )
habituellement utilisés pour représenter une prise de pression hydromécanique, sont utilisés dans les
schémas ci-dessous pour désigner un capteur de pression quelconque (pouvant être aussi bien
électromécanique qu’hydromécanique). La flèche rouge représente à chaque fois le moyen de
commander le système présenté.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 84 / 157
- Fonction « Fournir une pression de gavage »
Cylindrée variable
Capacité
Add On Ejecteur sur recirculation pompe 1
Pompe variable réversible (air/drain)
Figure 58 - Représentation des briques candidates pour la fonction « Amorcer, Aspirer, Gaver »
Les briques situées dans le réservoir hélicoptère ont été représentées d’une couleur différente car
elles impliquent une modification du périmètre de responsabilité moteur/hélicoptère sur le circuit
carburant.
Les briques correspondant à « Pompe 2 » correspondent à la brique qui a déjà été sélectionnée dans
la fonction « Doser » ou « Conditionner ». Sa présence redondante dans cette fonction traduit le fait
que le composant associé peut également jouer un rôle dans les fonctions « Amorcer » et « Aspirer ».
Les briques « Pompe 1 » correspondent à un composant ajouté pour participer aux fonctions
« Amorcer », « Aspirer » et « Gaver » (notées AAG dans la suite). Les briques « Add-on »
correspondent à des briques pouvant être sélectionnées ou non, seules ou combinées entre elles. En
ce sens, les briques « Add-on » dérogent à la règle de sélection des familles « Pompe 1 » et « Pompe
2 » où une seule brique par famille est sélectionnée.
- Fonction « Commander »
Commander
Sans correction
Boucle
Avec correction(s) (Temp, ρ, N, P3,...)
ouverte
Correction Boucle fermée stabilisé
Add On
Boucle fermée en pression rampe mécanique
.
Figure 59 - Représentation des briques candidates pour la fonction « Commander »
Comme pour la fonction AAG, la brique de la famille « Add-on » pourra être sélectionnée ou non en
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 85 / 157
supplément des autres briques présentées.
- Fonction « Réchauffer »
Réchauffer le carburant
Pas de réchauffeur
Réchauffeur classique
Réchauffeur thermostaté
Cette fonction répond à un besoin particulier de fonctionner sans additif anti-givre pour une
température du carburant dans le réservoir supérieure à X°C. Cette température peut être, selon les
projets, d’une importance élevée, dans ce cas le réchauffeur n’est pas nécessaire et la brique « Pas
de réchauffeur » sera sélectionnée d’office. Elle peut également être modérée, auquel cas la brique
« Réchauffeur classique » sera sélectionnée. Enfin, la température minimale de fonctionnement sans
additif anti-givre peut être basse, auquel cas la brique « Réchauffeur thermostaté » est sélectionnée.
Cette dernière brique possède en effet l’avantage de pouvoir réchauffer fortement le carburant par
temps froid tout en limitant son échauffement par temps chaud.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 86 / 157
Figure 61 - Exemple de matrice de compatibilité
Conclusion
Dans ce chapitre, une méthodologie de génération d’architectures candidates a été proposée dans un
cadre d’innovation de rupture. Elle répond au besoin d’apporter des architectures système novatrices
dans une entreprise où le système à faire est conçu depuis plus de 50 ans. Cette méthodologie est
basée sur une combinaison de techniques de créativité intuitives (KCP, Brainwritting 635, Diagramme
KJ) et d’outils systématiques de type matrice morphologique et matrice de compatibilité. Elle a été
appliquée au cas d’étude de nos travaux de thèse, à savoir le système carburant du futur. Ainsi, plus
de 100 000 architectures candidates compatibles ont été générées. Cette expérience a permis
d’améliorer la méthodologie proposée pour s’adapter aux contraintes de l’étude (système complexe
dont les fonctions peuvent être liées les unes aux autres, grand nombre d’architectures candidates,
etc.).
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 87 / 157
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 88 / 157
CHAPITRE 3 - Sélection des concepts
d’architectures système carburant en
rupture
Introduction
Une fois le besoin et les exigences définies dans un premier temps et les architectures candidates
répondant à ce besoin générées dans un second temps, il reste la dernière étape de sélectionner les
architectures les plus pertinentes. Cette étape n’est pas des moindre, et tout particulièrement dans
notre contexte d’innovation de rupture car elle implique de comparer des alternatives nombreuses et
originales. La notion de pertinence des alternatives est intéressante car elle mêle à la fois les attentes
des parties prenantes du système (amont de la conception) et les performances que fournira le
système une fois réalisé. Prendre une décision en phase de conception d’architecture, c’est être
capable en phase préliminaire, de lier ces deux étapes (initiale et terminale) de la conception du
système.
Pour ce faire, nous procèderons tout d’abord à une revue critique de la littérature concernant les
méthodes utilisées pour la prise de décision. Nous présenterons dans un second temps la
méthodologie proposée pour les travaux de thèse. Enfin, un retour d’expérience relatif à l’application
de cette méthodologie dans le cadre du système carburant chez Safran Helicopter Engines sera
développé.
I. Définition du problème
Chaque problème d’évaluation d’architectures est unique. Il possède ses propres caractéristiques de
complexité, variété des alternatives, nombre d’architectures candidates, etc. Comme nous allons le
voir dans l’état de l’art bibliographique (partie II), il existe une grande variété de méthodes d’évaluation
d’architectures. Aussi, il convient dans un premier temps de définir le problème que nous voulons
résoudre, afin de tirer de la littérature les solutions les plus adaptées à notre cas. En outre, cette
définition du problème permettra une réutilisation plus facile de ces travaux dans un cas similaire qui
pourra être facilement identifié.
Toutes ces caractéristiques font qu’il est à priori difficile d’obtenir une évaluation équitable des
performances de chaque architecture. C’est ce qui a justifié dans nos travaux un effort important sur la
méthodologie de sélection des architectures.
Les auteurs de (Tzeng & Huang 2011) reprennent la distinction classique déjà évoquée par (Gal et al.
9
1999) selon laquelle l’aide à la décision multicritère (MCDM ) se décompose en deux catégories :
10 11
l’aide à la décision multi objectif (MODM ) et l’aide à la décision multi attribut (MADM ). La distinction
entre ces deux disciplines repose sur le type de problème à résoudre. La distinction est clairement
présentée dans les travaux de (Gaouas Oussama 2014) :
- Les méthodes de MODM traitent de l’identification d’une solution préférée parmi un ensemble
de solutions potentiellement infini. Les solutions sont définies de manière implicite, par
l’intermédiaire d’un ensemble de contraintes. En ingénierie, les problèmes de
dimensionnement appartiennent à cette catégorie de problèmes de décision. Il convient en
effet d’ajuster des paramètres de conception (matériau, dimensions,…) pour satisfaire des
contraintes de conception (masse, résistance, etc.). Pour répondre à ce type de problème, les
méthodes d’optimisation sont tout particulièrement indiquées (Hassan 2014). En effet, dans
un problème de MODM, l’espace des solutions doit être exploré de manière intelligente car ce
dernier est infini. C’est ce que permettent les méthodes d’optimisation.
- Les méthodes de MADM traitent de la prise de décision entre des solutions discrètement
définies et aux attributs souvent multiples. Il s’agit alors de sélectionner la ou les meilleures
architectures candidates dans l’espace de solution.
Notre sujet d’étude nous place plutôt dans la partie MADM. En effet, notre problème de sélection
d’architecture comporte bien un nombre fini d’architectures candidates, définies de manière explicite.
Comme développé dans (Figueira, Greco, et al. 2005; Grabisch 2005; Mammeri 2013), la
problématique de prise de décision peut être divisée en quatre types :
- La problématique du choix : il s’agit d’obtenir un ensemble, de plus petite cardinalité
12
possible, de « bonnes » alternatives .
- La problématique de classification (ou tri) : il s’agit de ranger les alternatives dans des
catégories préalablement définies. Elles peuvent être, par exemple, « Excellent »,
« Acceptable », « Insuffisant », « Inacceptable ».
- La problématique de classement : il s’agit d’attribuer un classement à chaque alternative
er ème ème ième
(1 , 2 , 3 , … n ).
- La problématique de scorage : il s’agit d’attribuer un score (sur un intervalle de notation
prédéfini, par exemple entre 0 et 1) à chaque alternative.
9
MCDM : Multi Criteria Decision Making
10
MODM : Multi Objective Decision Making
11
MADM : Multi Attribute Decision Making
L’auteur de (Mammeri 2013) précise que les méthodes répondant à ce type de problème feront ressortir un
12
ensemble qui contiendra des alternatives équivalentes ou incomparables entre elles. Ces alternatives ne seront
pas nécessairement toutes bonnes.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 90 / 157
Dans notre cas, on ne s’attend pas à n’obtenir qu’une seule architecture sélectionnée à l’issue du
processus de décision. En effet, les analyses de ces dernières étant préliminaires, elles comportent
une certaine imprécision. Il serait donc intéressant d’avoir en fin de processus un panel d’architectures
sélectionnées de faible taille (de l’ordre d’une dizaine d’architectures). Ainsi, notre strict besoin est
celui d’une classification. Notre but est en effet d’obtenir dans la catégorie « Excellent » un faible
nombre d’alternatives les plus prometteuses. Nous noterons toutefois que le classement et le scorage
peuvent également répondre à notre problématique. Cependant, ces deux problématiques sont plus
complexes et donc plus coûteuses à mettre en œuvre. En échange, elles apportent également des
informations supplémentaires. Le classement apporterait une hiérarchie parmi les architectures
retenues ; tandis que le scorage apporterait une quantification de l’écart de préférence entre les
architectures retenues.
Pour plus de clarté, nous utiliserons dans cette partie du manuscrit le terme « alternative » pour
désigner une architecture candidate.
2- Sélection préliminaire
Dans les cas où l’espace des solutions contient beaucoup d’alternatives, il peut être intéressant de
procéder à une sélection préliminaire. Elle permet d’écarter d’emblée un certain nombre
d’architectures candidates. C’est notamment le cas des approches de (Weiss & Gilboa 2004; Pahl et
al. 2007; Dieter & Schmidt 2013; Kirby 2001; Schrage 1999). D’après (Dieter & Schmidt 2013; Ullman
2010), cette sélection peut être effectuée sur des critères d’évaluation absolus, de type :
- Fonctionnalité de l’architecture : est-ce que l’architecture candidate fonctionne ? Est-ce qu’elle
peut effectivement réaliser les fonctions pour lesquelles elle a été imaginée ?
- Maturité technologique : les technologies utilisées sont-elles suffisamment matures pour
l’application visée ? Dans notre cas d’innovation radicale, nous accorderons relativement peu
d’importance à ce critère. Ceci permettra en effet d’ouvrir l’espace des solutions à des
technologies non matures aujourd’hui mais qui pourraient l’être à moyen ou long terme.
- Contraintes du problème : l’architecture candidate répond-elle aux contraintes du problème
avec un niveau de performance supérieur au seuil minimal acceptable ?
Cette étape d’évaluation préliminaire n’est cependant pas présente dans tous les processus
d’évaluation d’architecture que nous avons étudiés (ISO/IEC/IEEE 2015; Biltgen & Mavris 2007b; Sun
et al. 2000).
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 91 / 157
d’évaluation ne comprenant pas d’étape de modélisation. Les concepts sont alors évalués de manière
qualitative par des experts du domaine.
Comme l’explique l’auteur de (Martin 2017) dans son aperçu de la nouvelle norme ISO/IEC 42030
Architecture Evaluation, cette étape d’évaluation peut être divisée en deux sous étapes, comme on
peut le voir en Figure 62.
Figure 62 - Cadre de la nouvelle norme ISO/IEC 42030 Architecture Evaluation (issu de (Martin 2017))
Illustrons cette différence avec l’exemple d’une voiture. L’étape d’analyse pourra fournir une
information du type « la puissance du moteur est de 110 chevaux ». Cette information d’analyse sera
reprise dans l’étape d’appréciation par des informations de type : « bonne capacité à dépasser » ou
encore « bonne capacité à maintenir la vitesse en phase de montée ». L’analyse s’intéresse aux faits
techniques tandis que l’appréciation en renseigne l’intérêt final.
Dans le cadre de nos travaux, la phase d’analyse n’a pu être effectuée. En effet, les performances
des architectures selon critères que nous avons utilisés ne peuvent être obtenues par modélisation,
comme nous l’avons expliqué au paragraphe I(1). Ainsi, l’évaluation des architectures a directement
été effectuée par appréciation par les experts des performances des architectures, ou plus
précisément des briques d’architectures, vis-à-vis de chaque critère.
On remarque dans le Tableau 13 que la méthode TOPSIS est majoritairement utilisée dans les projets
de sélection de concept d’architecture en ingénierie.
13
IRMA : Interactive Reconfigurable Matrix of Alternatives
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 93 / 157
II.C.1. Les critères d’évaluation
De nombreux travaux (Sun et al. 2000; Biltgen & Mavris 2007b; Martin 2017; ISO/IEC/IEEE 2015; Lo
2013) utilisent des critères techniques pour servir d’intermédiaire entre les besoins de haut niveau des
parties prenantes et les performances des alternatives. On distingue alors :
- Les critères d’évaluation techniques, qui sont utilisés par les concepteurs pour analyser les
différentes alternatives. Si l’on prend le cas d’un moteur de voiture, par exemple. Les critères
d’évaluation techniques seraient : « Rapport poids/puissance », « Caractéristique de couple
en fonction du régime », « Compacité », « Fiabilité », etc.
- Les critères d’évaluation client, qui sont utilisés pour l’appréciation des différentes
alternatives par les clients finaux. Si l’on reprend le cas d’un moteur de voiture, le client final
est le conducteur ou usager de la voiture. Les critères clients seraient alors : « Agrément de
conduite », « Fiabilité », « Coût d’opération », etc.
L’idée de cette distinction est qu’il est plus facile d’évaluer le système du point de vue des critères
techniques, mais la valeur globale du système ne peut être prise en compte qu'à travers des critères
client. Ainsi, le système sera directement évalué vis-à-vis des critères techniques. Ces performances
techniques seront ensuite transposées vis-à-vis des critères clients. C’est précisément le but de la
méthode de Quality Function Deployment (QFD) que de faire le lien entre la « Voix du Client » et la
« Voix de l’Ingénieur ». Celle-ci est principalement incarnée par un outil matriciel appelé Maison de la
14
Qualité (HOQ) ou encore matrice QFD (Hauser & Clausing 1988). Comme nous l’avons représenté
en Figure 63, cette permet de quantifier cette relation entre les critères techniques et les critères
clients.
Critères Techniques
Ainsi, en donnant les pondérations des critères clients, on peut en déduire les pondérations des
critères techniques. Ou encore, en donnant la performance vis-à-vis des critères techniques on peut
remonter à la performance vis-à-vis des critères clients.
L’auteur de (Moullec 2014) met en garde sur la notion d’interdépendance entre les critères. Il s’agit
d’une dépendance mutuelle entre deux critères. Si les critères A et B sont interdépendants, la
modification du critère A entraine systématiquement une modification du critère B. Cette notion
d’interdépendance est présente dans de nombreux cas de choix multi critères. Si on prend par
exemple le choix d’un smartphone, on voit directement un lien de dépendance entre le critère
« Compacité » et le critère « confort de lecture ». En effet, en général plus le smartphone sera grand,
plus il aura un grand écran et donc plus il sera confortable à lire.
L’interdépendance entre deux critères peut être de deux types :
14
House of Quality en anglais
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 94 / 157
- Cohérente : une amélioration de la performance vis-à-vis du critère A entraine une
amélioration de la performance vis-à-vis du critère B. Si on prend l’exemple d’une voiture par
exemple, il y interdépendance cohérente entre le critère de « Faible consommation de
carburant » et celui de « Autonomie ». En effet, une amélioration de la performance de
« Faible consommation de carburant » entraine intrinsèquement un gain en « Autonomie ».
- Conflictuelle : une amélioration de la performance vis-à-vis du critère A entraine une
détérioration de la performance vis-à-vis du critère B. C’est le cas de l’exemple précédent
concernant le smartphone où il y interdépendance conflictuelle entre la « Compacité » et du
« Confort de lecture ». Une dégradation de la « Compacité » entraine une amélioration du
« Confort de lecture » dans la mesure où un écran plus grand peut être utilisé.
L’interdépendance entre les critères peut être représentée à l’aide de la matrice QFD évoquée dans le
paragraphe précédent, comme nous l’avons représenté en Figure 64.
Interdépendance
entre les critères techniques
Critères Techniques
Cette interdépendance est représentée sous la forme d’une demi-matrice carrée placée au-dessus
des critères techniques. Elle indique ainsi la dépendance de ces critères deux à deux. Un codage
simple permet de déterminer si les critères sont cohérents ou conflictuels. On notera par exemple, +1
pour les critères cohérents, 0 pour les critères indépendants et -1 pour les critères conflictuels.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 95 / 157
de comparaison des critères deux à deux, notées matrice A. Comme nous l’avons représenté en
Figure 65 ci-dessus, il s’agira de ne remplir que la partie triangulaire supérieure de la matrice. En
effet, dans notre cas, l’appréciation d’un critère i par rapport à un critère j est simplement l’inverse de
l’appréciation du critère j par rapport au critère i. La matrice A est donc réciproque, Aij = Aji-1. Cela
représente donc comparaisons à renseigner, correspondant aux cases bleues de la matrice
représentée en Figure 65. Une fois la matrice A remplie, on peut appliquer une méthode de
pondération des critères décrite ci-dessous.
L’auteur de (Limayem 2001) dresse un état de l’art comportant quatre méthodes de calcul de
pondération par tri croisé. Il s’agit, à partir des comparaisons des critères deux à deux de donner une
répartition optimale des poids des critères. Les différentes méthodes évoquées sont :
- Approches déterministes
o Valeurs propres (VP)
o Régression logarithmique selon les moindres carrés (RLMC)
o Moyenne géométrique sur les lignes (MGL)
o Moyenne géométrique sur les lignes et colonnes (MGLC)
- Approches prenant en compte les imprécisions inhérentes au jugement humain
o Logique floue
o Probabiliste
Dans nos travaux de thèse, nous ne nous attarderons que sur les approches déterministes basées sur
les valeurs propres. En effet :
- Les approches logarithmiques paraissent adaptées à des problèmes de pondération plus
complexes où les opinions sont multiples (différents avis de plusieurs personnes à prendre en
compte). L’auteur de (Limayem 2001) parle par exemple des applications de dégustation ou
plus généralement des comparaisons faisant intervenir les sens. Dans notre cas, même si
plusieurs experts sont autour de la table pour établir la pondération des critères, nous savons
qu’un consensus pourra être établi en séance. Ainsi, la prise en compte d’opinions multiples
n’est pas un attendu dans notre approche.
- Les approches à moyenne géométrique permettent quant à elles d’avoir une matrice de
comparaison non réciproque. Cela signifie que si la comparaison d’un critère A par rapport à
un critère B donne une notation c, la comparaison du critère B par rapport au critère A pourrait
donner une notation différente de l’inverse de c. Comme l’évoque l’auteur de (Limayem 2001),
ce cas de figure est très particulier, et peut avoir lieu par exemple en comparaison d’aliments,
le palais se transformant au fur et à mesure de la dégustation. Là encore, étant donné la
nature rationnelle des critères à évaluer, nous n’aurons pas besoin de telles approches dans
nos travaux.
- Les approches prenant en compte les imprécisions inhérentes au jugement humain peuvent
être intéressantes pour notre application. Nous choisissons dans un premier temps de ne pas
inclure cette dimension dans notre étude. Cela nous permettra une mise en œuvre plus rapide
d’une méthodologie simple, que l’on pourra raffiner, complexifier par la suite.
(III-1)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 96 / 157
Pour chaque critère i, le poids associé sera donc .
Cette méthode prévoit également une vérification de la consistance du résultat, via le calcul de l’index
de consistance CI. Cette vérification prend la forme de l’équation ci-dessous.
(III-2)
Evolution de l'écart relatif entre les poids obtenus avec une matrice
partielle ou complète en fonction du taux de remplissage de la
matrice
Critère 1 Critère 2 Critère 3 Critère 4 Critère 5 Critère 6
Ecart relatif des poids par rapport à ceux obtenu
60%
matrice entièrement remplie
40%
20%
0%
30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
-20%
-40%
-60%
-80%
Taux de remplissage de la matrice de tri croisé
Figure 66 - Ecart relatif entre les poids obtenus avec une matrice de comparaison partiellement remplie, par
rapport à ceux obtenus avec la matrice intégralement renseignée (réalisé à partir des résultats de (Harker 1987))
Nous pouvons tout d’abord constater qu’un taux de remplissage de 93% de la matrice de
comparaison entraine un écart relatif maximal de 1% sur les poids des 6 critères. On constate, de
manière attendue, que l’écart relatif global sur les pondérations augmente avec les faibles taux de
remplissage de la matrice. Ce résultat conforte le fait que plus on fournit d’information à la matrice de
comparaison, plus les pondérations seront proches de celles obtenues avec la matrice entièrement
remplie. Nous observons que le meilleur compromis entre gain de temps (taux de remplissage de la
matrice de comparaison) et précision des pondérations se situe aux alentours de 87% de taux de
remplissage de la matrice, avec un écart de -6% à +9% par rapport aux poids obtenus matrice
intégralement remplie. Globalement, on pourra retenir que sur cet exemple, un gain de 10% sur le
remplissage de la matrice de comparaison entraine une dispersion maximale des pondérations de
10%. En deçà de ce taux de remplissage de 90%, la dispersion des pondérations augmente très
fortement. Ainsi, à 80% de remplissage de la matrice de comparaison, les dispersions des poids vont
de -25% à +16%.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 97 / 157
Cette méthode alternative pourra être testée dans le cadre de nos travaux de thèse. Elle ne permettra
à priori que de gagner 10% du temps de remplissage de la matrice de compatibilité. Un gain de temps
qui se fera, à en croire notre exemple, au prix d’une perte de précision d’estimation des pondérations
de l’ordre de 10%.
3- Il s’agit ensuite de calculer les poids ki optimaux pour chaque critère i. Cela s’effectue en
résolvant le problème de minimisation de suivant :
(III-3)
Où :
- kB et kW représentent, respectivement, le poids associé au critère le plus important, et celui
associé au critère le moins important.
- aiB et aiW représentent les préférences exprimées à l’étape 2-.
L’auteur propose également un calcul d’index de consistance que nous ne détaillerons pas ici. Pour
plus de détails, on pourra consulter (Rezaei 2015).
Par rapport à la méthode AHP, cette méthode est plus rapide à mettre en œuvre car on n’effectue que
comparaisons (comme nous l’avons représenté en Figure 67 ci-dessus), contre pour la
méthode de tri croisé. D’après l’auteur de (Rezaei 2015), la méthode BWM donne des résultats avec
un degré de confiance similaire à celui de la méthode AHP. Ces deux caractéristiques en font une
bonne candidate pour notre application.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 98 / 157
(4) Par déclinaison hiérarchique des poids
Les poids des critères peuvent également être déduits par allocation des poids de critères de plus
haut niveaux. C’est ce que propose la méthode QFD, que nous avons déjà évoquée au paragraphe
II.C.1.b). La matrice QFD propose en effet de résumer la contribution de la satisfaction des critères
techniques à la satisfaction des critères clients.
Critères Techniques
Pondération des
critères techniques
Les poids du critère technique numéro j ( ) est alors calculé sous la forme :
(III-4)
Avec :
le poids associé au critère client numéro i
le coefficient de la matrice QFD.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 99 / 157
II.C.3. Analyse des alternatives
L’objectif de cette étape est de fournir une analyse des performances des alternatives vis-à-vis des
critères établis précédemment. Ces performances seront synthétisées dans une matrice de décision,
que nous avons représentée en Figure 69.
Critères d’évaluation
Performances de chaque
Alternatives alternative vis-à-vis de chaque
critère d’évaluation
Cette matrice de décision attribue à chaque alternative son niveau de performance vis-à-vis de
chaque critère. Elle sera ensuite exploitée dans la phase de prise décision sur les alternatives.
Tout comme dans le cadre de l’évaluation préliminaire, la littérature propose deux approches
distinctes que nous avons représentées en Figure 70.
B2 Agrégation des
Alternatives
Performances de Performances de
Briques
A Analyse des
B1 Analyse des briques
alternatives
A- Evaluer directement les alternatives (noté A en Figure 70) : c’est l’approche d’analyse la
plus directe. Les performances de l’alternative sont directement analysées. Cette approche
est notamment adaptée :
o Aux problèmes où un modèle physique permet de quantifier les performances des
alternatives vis-à-vis des critères, comme dans les travaux suivants (Gavel 2007;
Moullec 2014; Kirby 2001)
o Aux problèmes contenant un nombre raisonnable d’alternatives : dans ce cas, il est
réaliste de se pencher sur chaque alternative pour l’analyser (Biltgen & Mavris
2007b).
B- Evaluer les briques d’alternatives (noté B en Figure 70), puis les agréger pour obtenir les
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 100 / 157
évaluations des alternatives. Cette approche est plus coûteuse car elle ajoute une étape
d’agrégation des performances des briques en performances des alternatives (notée B2 en
Figure 70). Cette approche est néanmoins nécessaire dans les cas où :
o Le nombre d’alternatives est trop grand pour permettre aux concepteurs ou experts
de pouvoir analyser chaque alternative en détail.
ET
o L’analyse des alternatives ne peut être automatisée. Cela peut être dû, par exemple,
au fait que les critères techniques portent sur des attributs non modélisables à ce
niveau-là de la conception (coût, masse, tolérance aux pannes, etc.).
Cette approche est peu documentée dans la littérature, notamment du point de vue de la prise
en compte des synergies lors de l’agrégation des briques.
Etant donné les caractéristiques de notre cas d’étude (voir paragraphe I(1)), nous nous situerons dans
l’approche par évaluation des briques d’alternatives, ce qui représente 45 briques à analyser.
Du point de vue des méthodes d’analyse, il n’y a pas de différence selon que l’on traite d’alternatives
ou de briques d’alternatives. En effet, les méthodes à disposition restent les mêmes pour évaluer, par
exemple, un modèle de voiture (alternative) et un modèle de moteur (brique d’alternative). On pourra
en effet dans les deux cas avoir recours à une technique de modélisation ou à des avis d’experts.
Dans de nombreux cas de la littérature (Kirby 2001; Moullec 2014; Liscouët-Hanke 2008; Gavel
2007), l’analyse des alternatives est effectuée à l’aide de modèles physiques. Ils permettent d’obtenir
des mesures quantitatives des performances des alternatives.
Dans d’autres cas, comme le nôtre, il n’est pas possible d’obtenir d’indicateurs quantifiés
correspondants aux critères sélectionnés. L’analyse des alternatives ne peut donc pas être effectuée
de manière quantitative. Bien souvent, cette analyse est donc qualitative, et obtenue par consultation
d’experts. En ce sens, l’auteur de (Lo 2013) propose un cadre collaboratif pour la notation qualitative
des concepts.
Ce paragraphe traite de l’agrégation des notations des briques en notations des alternatives. Il s’agit
de la transformation notée B2 en Figure 70. Il n’y a dans la littérature que peu de publications qui
traitent de cette problématique. L’auteur de (Holley 2011) propose pour chaque critère une agrégation
des briques sous forme de somme, minimum, maximum ou moyenne. Cette approche semble
intéressante car elle permet de prendre en compte le caractère additif ou extensif de chaque critère.
Concernant la prise en compte d’éventuelles interactions entre les briques pouvant être sélectionnées
au sein d’une même alternative, le manque de cadre méthodologique nous amène à envisager une
démarche basée sur des règles implémentées au cas par cas.
Dans le cadre de l’analyse qualitative des alternatives (ou briques d’alternatives) par des experts, il
convient de définir un système de notation. Son but est de restituer la connaissance des experts des
avantages et inconvénients de chaque alternative.
Dans la littérature, on trouve plusieurs exemples de systèmes de notation basés sur des appréciations
qualitatives (Weiss & Gilboa 2004; Lo 2013; Pahl et al. 2007) . Ces échelles de notations peuvent être
définies par deux caractéristiques principales :
- Type de notation :
o Absolue : Les alternatives sont évaluées de manière absolue, sans utiliser de point de
comparaison clairement défini. Ce type de notation est utilisé, par exemple, dans les
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 101 / 157
travaux de (Weiss & Gilboa 2004).
o Relative : Les alternatives sont évaluées par rapport à une référence. Cette référence
peut être par exemple, la performance attendue, ou bien la performance d’une des
alternatives. Dans ce dernier cas, cela permet de réduire le nombre d’alternatives à
analyser, étant donné que l’alternative de référence aura une note neutre sur tous les
critères. Ce type de notation relative est utilisé, par exemple, dans les travaux de (Lo
2013).
- Nombre de niveaux : le nombre de niveaux de l’échelle correspond au nombre de notes
distinctes qu’elle comporte. Selon les auteurs, elle peut varier de 4 (Mauvais, En dessous de
la moyenne, Au-dessus de la moyenne, Bon à Excellent) (Weiss & Gilboa 2004), à 11 (notre
de 0 à 10) chez (Pahl et al. 2007). Des cas intermédiaires existent, comme l’échelle à 7
niveaux de (Lo 2013) (forte dégradation, dégradation moyenne, faible dégradation, pas
d’effet, faible amélioration, amélioration moyenne, forte amélioration).
Comme l’ont suggéré les auteurs de (Weiss & Gilboa 2004), nous pensons que le choix du
nombre de niveaux doit être fait en fonction de la précision des informations données par les
experts. En effet :
o Il n’y a nul besoin d’utiliser une échelle à 11 niveaux si le savoir est lui-même peu sûr.
Cela entrainera de plus une perte de temps liée à des interrogations entre deux
niveaux de notation.
o A l’inverse, l’utilisation d’une échelle contenant trop peu de niveaux pourrait, en
présence d’informations précises, fournir des résultats trop grossiers.
Nous n’entendons pas, dans cette partie, donner une description complète et rigoureuse de chacune
des méthodes qui seront évoquées. Notre objectif est plutôt de pouvoir donner au lecteur un bon
aperçu de la philosophie globale de chaque méthode. Pour plus de détails, le lecteur pourra consulter
les références suivantes (Mammeri 2013; Tzeng & Huang 2011; Martel & Roy 2006).
Nous introduisons ici des notations sur les caractéristiques de notre problème d’aide à la décision.
Ces notations sont à considérés pour toute la suite.
a, b : désigne deux alternatives
A : désigne l’ensemble des alternatives
n : nombre de critères, indexé en i (i variant de 1 à n)
u(a) : Utilité, ou score de l’alternative a à l’issue de l’agrégation
ki : pondération donnée au critère numéro i
gi(a) : performance analytique de l’architecture a vis-à-vis du critère numéro i
vi(a) : valeur de la performance de l’alternative a vis-à-vis du critère numéro i, il s’agit de vi(gi(a))
Comme nous l’avons représenté en Figure 71, les méthodes de prise de décision se classent en 3
grandes catégories distinctes mais qui peuvent être complémentaires.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 102 / 157
Méthode
Méthode basée
basée sur
sur
l’efficience
l’efficience de
de Pareto
Pareto
Méthode
Méthode àà critère
critère Modèle Modèle de
d’agrégation comparaison
unique
unique de
de synthèse
synthèse
Méthode
Méthode de
de Modèle de Modèle
surclassement
surclassement comparaison d’agrégation
La méthode d’efficience de Pareto est basée sur la relation de dominance entre les alternatives. Elle a
été introduite par V. Pareto en 1986. Cette relation est définie par l’équation suivante, où
gi(a) représente la performance de l’alternative a pour le critère numéro i.
(III-5)
Cette relation de dominance peut se traduire en français par : « domine si et seulement si est
meilleure ou égale à sur tous les critères sauf au moins un où est strictement meilleure que ».
On constate tout d’abord qu’il n’est pas raisonnable, dans notre cas, de s’attendre à trouver une
alternative qui dominerait toute les autres. Nous nous intéresserons plutôt aux alternatives qui sont
non dominées par toutes les autres alternatives. Cet ensemble, appelé solutions efficaces ou front de
Pareto, donne les alternatives pour lesquelles l’amélioration d’un critère entrainerait nécessairement
une dégradation de performances sur un autre critère.
(3) Description des méthodes à critère unique de synthèse (agréger puis comparer)
Ces méthodes reposent sur l’agrégation des informations multi-critères de chaque alternative, en un
critère unique de synthèse la caractérisant.
(III-6)
- Forme multiplicative
Cette formulation est utilisée dans le cas où la condition de l’équation (III-6) n’est pas vérifiée.
Dans ce cas, la fonction d’utilité est donnée par :
(III-7)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 104 / 157
(III-8)
Comme le remarquent les auteurs de (Grabisch 2005), une attention toute particulière devra être
apportée quant à la commensurabilité des valeurs des différents critères.
(III-10)
(III-11)
Avec :
(III-12)
Enfin, les alternatives idéales et anti-idéales se caractérisent par les meilleures performances et,
respectivement, les moins bonnes performances, que prennent les alternatives de A pour chaque
critère. Cela donne :
(III-13)
Comme le font remarquer les auteurs de (Martel & Roy 2006), le défaut inhérent à la méthodologie
TOPSIS est que la modification, l’ajout ou le retrait d’une alternative peut potentiellement modifier le
résultat de la prise de décision sur les autres alternatives. En effet, cela implique une modification de
gi²(A) qui se répercute sur u(a) via d+(a) et d-(a).
Ces méthodes reposent sur le concept de surclassement qui peut être défini selon (Grabisch 2005)
comme de la manière suivante. On dit que le concept a surclasse le concept b (a suclasse b est noté
aSb) s’il y a suffisamment d’arguments pour admettre que a est au moins aussi bonne que b, sans qu’il
y ait de raisons importantes pour refuser cette affirmation.
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Comme l’explique l’auteur de (Grabisch 2005), les méthodes de surclassement ont pour avantage
principal de faire disparaitre tout problème de commensurabilité. En effet, les préférences sont par
construction homogènes entre elles dans ce type de méthodes. L’inconvénient de ces méthodes
réside dans l’établissement d’un ordre total ou partiel, suite à l’agrégation des préférences. Pour plus
de détails, on pourra lire le paragraphe sur le théorème d’Arrow de (Grabisch 2005).
ELECTRE est une véritable famille de méthodes à part entière dont nous présentons les plus
courantes dans le Tableau 14. Elle a été proposé par (Roy 1968).
Nous présentons dans ce paragraphe les grandes lignes de cette famille de méthodes. Pour plus
d’informations sur ces méthodes, on pourra se référer à (Figueira, Mousseau, et al. 2005).
ELECTRE I
La proposition « a suclasse b » (aSb) est validée si et seulement si trois conditions sont satisfaites : la
concordance, la discordance et le non véto.
- Concordance :
On définit l’indice de concordance c(a, b), qui mesure à quel point a est au moins aussi bon que b. Cet
indice est défini par :
(III-14)
Où :
- Discordance
On définit l’indice de discordance d(a, b) qui mesure à quel point a ne surclasse pas b. Cet indice est
défini par :
(III-15)
Où :
- Non véto
Le véto est là pour empêcher la relation de surclassement (aSb) dans le cas où un critère serait trop
en désaccord avec cette proposition. Le véto est utilisé lorsque :
(III-16)
Où vi(gi(a)) est appelé seuil de véto.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 106 / 157
Avec :
c* est appelé niveau de concordance. Il s’interprète comme un niveau minimum de majorité
requis pour valider la préférabilité de l’alternative a sur l’alternative b.
d* est appelé niveau de discordance. Il s’interprète comme le niveau maximum de
discordance vis-à-vis de la proposition « a surclasse b » pour que cette dernière puisse être
considérée vraie.
ELECTRE II
Cette deuxième version introduit la possibilité de discriminer les concepts candidats via l’introduction
des relations de surclassement faible et fort. De plus, une contrainte supplémentaire a été ajoutée sur
la relation de préférence. Pour que a soit préférée à b, il faut que et .
ELECTRE III
La troisième version de la méthode ELECTRE permet d’introduire des incertitudes dans le choix du
niveau de concordance et le seuil de veto. Ceci est effectué via l’introduction de deux seuils :
- Un seuil d’indifférence : permettant à deux alternatives dont les performances sont proches
d’être indifférentes
- Un seuil de préférence : permettant à une alternative d’être strictement préférée à une autre
dans le cas où leur écart de performance est suffisamment important.
(b) PROMETHEE
Cette méthode fût introduite par le travail de (Brans et al. 1984). Elle est basée sur la généralisation
de la notion de critère.
La différence de performance de l’alternative a par rapport à l’alternative b est exprimée sous forme
d’un index de préférence :
(III-17)
où fi(a,b) est la fonction de préférence. Elle peut être définie de plusieurs manières que nous ne
détaillerons pas ici. Dans tous les cas, elle est l’image de la différence de performances de
l’alternative a et b vis-à-vis du critère numéro i. Pour plus d’information concernant les fonctions de
préférences, on pourra consulter (Tzeng & Huang 2011).
(III-18)
Les relations de préférence sont alors déduites de ces flux entrants et sortants :
(III-19)
(III-20)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 107 / 157
On définit également le flux de préférence net :
(III-21)
Ces concepts sont communs à toutes les versions de la méthode PROMETHEE. Leurs différences
proviennent de la manière de définir la relation de préférence en fonction de ces outils que sont les
relations de préférence et d’indifférence.
PROMETHEE I
Dans la méthode PROMETHEE I, trois relations distinctes sont définies :
- La préférence, notée
- L’indifférence, notée
- L’incomparabilité, notée .
Les cas dans lesquels une alternative est préférée, indifférente ou incomparable à une autre sont
donnés dans le Tableau 15 ci-dessous.
Autre
Autre
PROMETHEE II
Cette méthode reprend le principe PROMETHEE I, mais en fournissant un pré-ordre total. La
préférence et l’indifférence sont alors définies comme suit :
(III-22)
PROMETHEE III
Cette méthode introduit un intervalle de neutralité entre les valeurs des flux de préférences des
alternatives. Elles permettent à des alternatives qui ont des flux très proches mais pas
nécessairement égaux de pouvoir tout de même être considérés comme indifférents. En effet, dans
PROMETHEE II, une telle situation mènerait à ce que l’alternative avec le flux net légèrement
supérieur soit préférée à celle ayant un flux légèrement inférieur.
Cet apport de PROMETHEE III nous semble essentiel étant donné qu’il nous rapproche de ce que
nous pensons intuitivement : « deux alternatives dont les flux nets sont proches sont similaires ».
PROMETE IV
Cette méthode reprend les avancées de PROMETHEE III en les étendant au cas d’un nombre infini
d’alternatives. Ceci étant en dehors du cadre de nos travaux, nous ne détaillerons pas cette approche.
On pourra consulter les travaux de (Tzeng & Huang 2011) pour plus d’informations.
Comme l’explique l’auteur de (Moullec 2014), les incertitudes devraient être prises en compte en
conception d’architecture. En effet, ces phases de conception préliminaire ne comportent que peu de
données qui ne varieront pas au cours du processus de conception.
Etant donné le temps borné de ces travaux de thèse, nous ne pourrons pas y intégrer la prise en
compte des incertitudes. Nous donnons tout de même les pistes bibliographiques permettant
d’approfondir cet aspect. Il y a dans la littérature plusieurs approches pour la prise en compte
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 108 / 157
d’incertitude en conception préliminaire. Parmi elles, on compte :
- Logique floue (Zadeh 1988) : beaucoup de méthodes précédemment décrites ont leur
variantes en logique floue. Pour plus de détails, on pourra lire (Tzeng & Huang 2011). Pour
aller plus loin, une logique floue de type 2 peut être utilisée pour refléter l’attitude optimiste ou
pessimiste du décideur. Cela a été fait, par exemple chez (Akay et al. 2011).
- Réseau de Neurones (Haykin 1994) : un exemple plus récent peut être donné avec les
travaux de (Huang et al. 2006) qui utilisent un réseau de neurones pour la prise de décision.
- Réseaux Bayésiens (Jensen & Nielsen 2007). Plus récemment, les travaux de (Moullec 2014)
utilisent les réseaux bayésiens pour la sélection d’architectures de systèmes complexes, en
prenant en compte les incertitudes.
Ce paragraphe a pour but de répertorier les comparaisons qui ont été faites dans la littérature
concernant les méthodes MADM.
Le cadre de comparaison proposé par les auteurs de (Craisse et al. 2016) nous parait intéressant car
il s’applique à l’évaluation d’alternatives d’architectures de systèmes techniques : les sous-systèmes
d’un avion. En ce sens, le problème proposé contient des similarités avec notre cas d’étude qui
permettent d’établir un parallèle pertinent :
- Structure hiérarchique du problème : comme nous, les critères d’évaluations sont organisés
de manière hiérarchique. En effet, les critères de haut niveau sont déclinés en critères
techniques.
- Grand nombre d’alternatives : l’approche devra donc être sobre en calculs, et particulièrement
en sollicitation des experts pour évaluer les alternatives. On pense par exemple à la méthode
AHP qui est particulièrement demandeuse dans ce domaine.
- Facilité d’utilisation car pour une utilisation par des ingénieurs non spécialistes des MADM.
Nous présentons en Figure 72 le comparatif réalisé par les auteurs de (Craisse et al. 2016). Leur
conclusion a été la sélection de la méthode Additive (SAW) qui leur apparait comme simple à utiliser,
sobre en calculs, adaptée à des problèmes hiérarchiques et enfin l’absence d’effet d’anomalie de
15
classement . Ce dernier critère semble capital pour les auteurs de l’étude, éliminant de ce fait la
méthode TOPSIS pourtant couramment utilisée (Kirby 2001; Biltgen & Mavris 2007b; Engler et al.
2007; Tran 2010). Cette anomalie provient du fait que l’ajout ou le retrait d’une alternative influe sur le
classement des autres alternatives. Néanmoins, comme l’expliquent les auteurs de (Wang & Luo
2009) dans leurs travaux, les méthodes AHP et TOPSIS ne sont pas les seules à produire cet effet
d’anomalie de classement. Ils montrent en effet que ce phénomène existe également dans les
méthodes SAW, avant de conclure que ce phénomène qui se produit dans de nombreuses méthodes
de décision devrait être considéré comme normal et non comme un biais.
Les travaux de (Tran 2010) ont été l’occasion de comparer 3 méthodes de prise de décision que sont
16
SAW, WP et TOPSIS. Ces travaux ont été menés dans un cadre technique de sélection d’interface
15
Nous utilisons « anomalie de classement » pour traduire « ranking reversal ».
Weighting Product Method, Méthode de produit pondéré. Il s’agit d’une méthode proche de la méthode
16
SAW mais où les performances à chaque critère sont élevées au poids de ce critère avant d’être multipliées.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 109 / 157
pour terminaux mobiles. L’auteur a montré que, même si l’anomalie de classement était certes plus
prononcée dans la méthode TOPSIS que dans les autres, cette dernière restait néanmoins plus
précise pour identifier le rang de chaque alternative.
Les auteurs de (Aruldoss et al. 2013) montrent dans leur revue des méthodes de prise de décision
multi critères que les méthodes ELECTRE, TOPSIS et Grey Theory ont été largement utilisées.
D’après les auteurs, elles répondent chacune à un problème spécifique :
- ELECTRE pour des problèmes de type choix (cf. I(3) pour la classification des problèmes de
décision)
- TOPSIS pour des problèmes de classement (cf. I(3) pour la classification des problèmes de
décision)
- Grey Theory pour les problèmes où les données disponibles sont incomplètes.
Les travaux de (Lo 2013) apportent un nouvel éclairage à notre choix de méthode d’aide à la décision.
Il distingue selon que les informations que le décideur a sur les alternatives soient :
- Précises, dans ce cas l’auteur recommande la méthode MAUT qui a l’avantage d’être simple
et bien connue. Il déconseille tout de même l’utilisation de l’opérateur d’agrégation de type
somme pondérée du fait de son fort effet compensatoire, et recommande l’utilisation de la
moyenne géométrique à la place.
- Imprécises, dans ce cas, l’auteur conseille deux méthodes, qu’il juge néanmoins mal
adaptées aux problèmes comportant un nombre élevé (> 10) de critères ou d’alternatives. Il
s’agit de :
o La méthode AHP qui est simple mais qui utilise une agrégation de type somme
pondérée, entrainant les problèmes de compensation déjà évoqués. Cette méthode
est simple mais semble mal adaptée si le nombre de critères ou d’alternatives est
élevé (>10). On y retrouve toujours agrégation potentielle par somme pondérée
o Méthode Macbeth : Elle intègre la détection des incohérences, des interactions avec
l’utilisateur et l’analyse sensibilité et robustesse. Cependant, elle reste mal adaptée si
nombre de critères ou alternatives est élevé (>10).
Enfin, l’auteur de (Mammeri 2013), qui propose une approche de MADM pour l’évaluation du confort
des trains a quant à lui sélectionné :
- Une méthode à critère unique de synthèse : l’intégrale de Choquet (Choquet 1954), pour sa
capacité à modéliser les interactions entre critères
- Et une méthode de surclassement : la méthode ELECTRE Tri car elle est, selon l’auteur, la
principale méthode de surclassement permettant d’obtenir un tri.
On notera finalement que les auteurs de (Kirby 2001; Biltgen & Mavris 2007b; Engler et al. 2007), dont
les thématiques sont proches des nôtres, ont utilisé la méthode TOPSIS, sans nécessairement
motiver leur choix.
Pour la suite de nos travaux, nous considèrerons la méthode TOPSIS, étant donné sa simplicité de
mise en œuvre et la pertinence de ses résultats. Nous les comparerons dans la suite de nos travaux à
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 110 / 157
la méthode MAUT, qui consiste en la moyenne pondérée classiquement utilisée en ingénierie.
Nous n’avons pas retenu de méthodes de surclassement du fait de leur complexité de mise en œuvre
qui imposerait l’utilisation d’un logiciel dédié. Ces méthodes sont également plus demandeuses en
termes de données de sélection de type seuils d’indifférence, de préférence et de véto, augmentant
encore le temps de mise en œuvre de la méthode.
Enfin, les méthodes d’efficience de Pareto n’ont pas été retenues pour notre étude. Du fait de
l’imprécision relative de l’évaluation des alternatives qui pourrait nous conduire à considérer tout de
même des alternatives dominées dans la sélection finale. Nous pensons notamment au cas où une
alternative a dominerait une alternative b pour une note supérieure de quelques pourcent sur chaque
critère. Dans notre cadre d’étude, l’alternative b doit être considérée du fait des incertitudes sur les
notations des alternatives. Cette approche par efficience de Pareto est mieux adaptée à un cadre
d’optimisation pur dans lequel le jeu de paramètres b devrait être écarté.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 111 / 157
III. Méthodologie proposée
Cette partie présente la méthodologie qui, suite à la revue de l’état de l’art, a été proposée et mise en
œuvre dans le cadre des travaux de thèse.
III.A. Processus
Nous avons représenté en Figure 73 le processus que nous avons proposé et mis en œuvre dans le
cadre des travaux de thèse.
Briques
Analyse des alternatives
Evaluation préliminaire
d’architectures
(Chapitre 2) des briques
Alternatives
Briques
Performances Performances
Matrice de décision
Relation
Client
entre les
critères
Pondérations des critères QFD
Comme nous l’avons représenté dans la partie supérieure de la Figure 73, nous avons choisi de
travailler jusqu’au dernier moment avec les briques d’alternatives, et non les alternatives elles-mêmes.
Cette position s’explique par le fait que le nombre de briques est raisonnable (45) alors que le nombre
d’alternatives est bien plus grand (plus de 20 000). Ainsi, il est possible de considérer chaque brique
d’alternative individuellement, ce qui serait impossible en raisonnant directement sur les alternatives.
On peut constater dans le processus de sélection d’architectures proposés que la sélection par
matrice de compatibilité arrive relativement tardivement. Ceci peut paraitre en contradiction la
démarche du Chapitre 2 dans lequel la matrice de compatibilité avait d’ores et déjà été utilisée dès
l’étape de génération des architectures, soit bien en amont du processus de sélection. Cette
apparition tardive de la matrice de compatibilité dans le processus de sélection s’explique par un gain
de temps. En effet, le fait de procéder à l’étape d’ « Evaluation préliminaire des briques » avant de
remplir la matrice de compatibilité permet de réduire le nombre de briques à considérer. Ceci entraine
alors une diminution de la taille de la matrice de compatibilité, et donc un gain de temps pour les
utilisateurs.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 112 / 157
les pondérations des critères de niveau client.
- Les critères d’évaluation technique du système carburant ont été définis directement à partir
des besoins exprimés par les parties prenantes (voir Chapitre 1). Les pondérations des
critères techniques, qui serviront directement à l’évaluation des briques et des architectures, a
été effectuée par déclinaison des poids des critères clients, comme présenté au paragraphe
II.C.1.b)(4). Cette approche consiste à répartir les poids des critères clients vers les critères
techniques via la prise en compte de la contribution de chaque critère technique à chaque
critère client.
Des modèles de prédimensionnement des sous-systèmes seront mis en place, afin d’en déterminer
les grandeurs caractéristiques. Ces briques seront ensuite validées ou écartées sur un jeu réduit de
critères fonctionnels ou de fabricabilité, par exemple.
Code
Fonctions
…
brique
R11
R12
Répartir
R21
R22
D13
D14
Doser D31
D32
D33
… …
Chaque brique d’alternative, identifiée par un code unique, est évaluée selon chaque critère
(numéroté ici de 1 à n) et par rapport à une brique de référence. Cette dernière est reconnaissable à
sa ligne colorée et au symbole « » apposé à la suite de son code. Ces briques de référence
constituent l’alternative « état de l’art » chez Safran Helicopter Engines. L’évaluation de chaque brique
est effectuée par l’attribution d’une note, selon l’échelle de notation que nous avons choisie. Cette
dernière est représentée en Tableau 17. Il s’agit d’une échelle de notation :
- Relative : les briques sont évaluées selon leur potentiel à améliorer (opportunité) ou à
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 113 / 157
détériorer (risque) la performance actuelle, représentée par les briques de référence.
- Qualitative : le jugement n’est pas donné sous forme quantitative mais bien qualitative (fort
potentiel, potentiel moyen, faible potentiel). Même si elles sont numériques (de -3 à +3), les
notes représentent des niveaux qualitatifs : 1 pour faible, 2 pour moyen, 3 pour fort ainsi que +
pour une amélioration et - pour une détérioration.
- A 7 niveaux : la notation retenue est composée de 7 niveaux. Comme nous l’avons expliqué
au paragraphe II.C.3.d), cette échelle constitue, à priori, un bon compromis entre complexité
de la notation et précision des informations disponibles (jugement qualitatif des experts).
L’agrégation des différentes briques pour former des alternatives doit tout d’abord s’intéresser à la
compatibilité entre les différentes briques. Cela revient à se demander quelles sont les briques qui
peuvent, ou non, être assemblées au sein d’une même alternative. Les détails sur cette activité ont
été donnés lors de la génération des architectures, dans la partie IV.C.3 du Chapitre 2. Le résultat est
la matrice de compatibilité des briques.
Cette étape consiste à déterminer les notes de chaque alternative à partir des notes des briques,
comme nous l’avons représenté en Figure 73. Nous avons utilisé l’opérateur somme, présenté au
paragraphe II.C.3.c), auquel nous avons ajouté une notion de pondération pour chaque fonction. Ceci
permet de prendre en compte, pour chaque critère, l’impact de chaque fonction dans l’évaluation de
l’alternative globale. Ces pondérations ont été prises en compte via une matrice d’agrégation des
notes, représentée en Figure 74. Pour chaque critère, un poids est attribué à chaque fonction,
représentant sa contribution à la note finale de l’alternative. Pour chaque critère, la somme des poids
attribués aux différentes fonctions doit être de 100%.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 114 / 157
Critère n
Critère 1
Critère 2
Critère 3
…
Fonctions
Répartir 0%
Doser X%
Conditionner X%
Pompe 2 X%
Pompe 1 X% La somme fait
Add-On X% 100%
Commander 0%
Cm Add-On 0%
Thermique X%
Figure 74 – Matrice d’agrégation des notes
Pour le remplissage de cette matrice, des méthodes de types tri-croisés ou tri simple peuvent être
utilisées, comme nous l’avons décrit au paragraphe II.C.1.b)(1). En pratique, étant donné que le
17
nombre de fonctions est raisonnable , ces poids ont été déterminés directement.
Pour un critère donné, le nombre de fonctions à comparer est d’autant plus faible que toutes les fonctions
17
ne sont pas forcément contributrices. Plus de détails est donné au paragraphe IV.C.2.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 115 / 157
IV. Mise en œuvre chez Safran Helicopter Engines
Ce paragraphe présente notre mise en œuvre chez Safran Helicopter Engines de la méthodologie
proposée dans le paragraphe III. Il expose en particulier les leçons apprises au cours de cette
expérience. La mise en œuvre de cette méthodologie a permis, à partir des 1 140 480 architectures
potentielles, générées à partir des 54 briques présentées au Chapitre 2, de sélectionner une dizaine
d’architectures. La méthodologie a été appliquée en utilisant le cahier des charges du système
carburant d’un moteur développé récemment. Ceci a permis de comparer les architectures proposées
avec l’architecture qui a été retenue au moment de sa conception.
Les critères d’évaluation techniques sont issus de l’analyse des besoins conduite lors du Chapitre 1.
On constate que les critères d’évaluation client sont composés de critères d’appréciation mais aussi
de points importants et de facteurs d’échec.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 116 / 157
Tableau 19 – Liste des critères d'évaluation client
Au total, on dénombre ainsi 20 critères techniques et 10 critères clients. Un des intérêts de notre
étude d’architectures est de prendre en compte les nombreux critères techniques, représentatifs des
attentes principales des parties prenantes. Ce point a été développé au paragraphe I(1). Cependant,
ce nombre important de critères est un désavantage car il alourdit et rallonge les étapes d’analyse des
alternatives.
Figure 75 – Aperçu de la matrice servant à la pondération des critères techniques à partir des pondérations des
critères client
Pour ce qui est des pondérations des critères techniques, nous avons choisi de les déduire de ces
critères d’évaluation client, via la méthode de déclinaison hiérarchique des pondérations, développée
au paragraphe II.C.1.b)(4). La matrice servant à l’implémentation de la méthode est présentée en
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 117 / 157
Figure 75. Par mesure de confidentialité, les valeurs ont été masquées. Nous avons simplement
gardé celle de la ligne « Précision de dosage », qui servira d’exemple par la suite. En colonne sont
représentés les critères clients (en vert) et en ligne les critères techniques (mauve). Une fois la
matrice remplie, les pondérations des critères clients sont entrés dans les cases bleues, et les
pondérations des critères techniques obtenues par somme pondérée en colonne rouge. Cette
approche s’est naturellement imposée car elle reflète rigoureusement les préférences des clients
finaux. Cependant, nous avons constaté lors de son application qu’une grande partie des poids (55%)
se concentre sur les 5 critères de la catégorie « Maintenance et Sûreté de fonctionnement », tandis
que les 8 critères de la catégorie « Performances » ne recouvrent que 24% des préférences. Cette
répartition nous parait cohérente étant donné les fortes attentes en termes de fiabilité et surveillance
des systèmes aéronautiques. Cependant, du point de vue des experts circuit carburant, certains
critères techniques se retrouvent sous-représentés.
C’est notamment le cas du critère technique « Précision de dosage », qui reçoit une pondération de
1%, jugée trop faible du point de vue des experts circuit carburant. Ce décalage entre le ressenti des
concepteurs et celui du client peut s’expliquer de deux manières.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 118 / 157
Performance
moteur
Ref A
Performance
Circuit Carburant
l l l
-Δ +Δ
Figure 77 - Illustration de la dissymétrie entre amélioration et dégradation de la performance dans le cas du
critère « Précision de dosage »
Une solution permettant de concilier ces deux visions serait de définir un seuil minimal de
performance du circuit carburant vis-à-vis de chaque critère afin d’éliminer les architectures qui
entrainent une dégradation trop importante au niveau moteur. Cela pose alors la question de la valeur
des seuils de performance à déterminer pour chaque critère. Ils pourront être discutés avec les
experts, en s’aidant des performances de l’architecture de référence.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 119 / 157
cependant d’être très prudent dans l’élimination des briques afin de ne pas écarter une brique qui
aurait pu être intéressante. Cette remarque est particulièrement valable dans notre cadre d’innovation
de rupture, où l’on se doit d’évaluer des briques fortement innovantes. Ces dernières, de par leur
caractère novateur peuvent susciter la réticence des concepteurs, mais ne doivent pas être écartées
pour autant. Cette étape d’évaluation préliminaire des alternatives a été mise en œuvre de deux
manières différentes dans nos travaux : par les modèles et par jugement qualitatif.
X
P_amont
quelconque
P
Niveaux de pression
P_reg
Q_dosé
Section
commandée*
X
P_amont régulée
Pilotabilité
Q_dosé
par restriction
Q_dosé
ΔP régulé
Dosage
ΔP_reg
S et ΔP Q_dosé
commandés ΔP_com
ΔP commandé* Q_dosé
X
S fixe
Pilotabilité
Plage de DP à réguler
ΔP_com
Figure 78 – Briques de la famille « Dosage par restriction » éliminées suite à l'évaluation préliminaire par les
modèles
Ces évaluations ont été conduites à l’aide de modèles préliminaires, construits à partir d’équations
élémentaires de l’hydraulique, et en considérant des conditions typiques (fluide, température,
coefficient de débit, etc.). Leur but n’est pas d’être très précis, mais de donner rapidement, une idée
des ordres de grandeurs en jeu. Un exemple de mise en œuvre de cette démarche d’évaluation
préliminaire par les modèles est donné en Annexe A.
Cette technique basée sur les modèles est très intéressante dans le sens où elle permet d’avoir
rapidement des informations quantifiées sur les briques étudiées. Cependant, elle ne peut être
appliquée qu’à des briques simples dont on peut tirer des informations utiles à la décision rapidement.
En effet, dans notre cas, les écueils des briques de dosage par restriction portaient sur des critères
facilement modélisables (taille des orifices, niveaux de pression nécessaires, pilotabilité). Néanmoins,
pour la plupart des autres briques cela n’a pas été le cas. Si l’on prend l’exemple des briques de
dosage volumétriques, les écueils se situeront plutôt au niveau de la précision de dosage ou de la
fiabilité. Cependant, ces deux informations ne peuvent pas être obtenues avec confiance par des
modèles simples.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 120 / 157
Alimentation / Résistance
Production de
variable
Puissance
Volumétrique
hydraulique
Dosage
X Transformation
hydraulique variable
Absorption de
X
Puissance
hydraulique*
Complexification
Entrainement / Résistance
X
et Transformation
hydrauliques variables
sans plus-value Complexification
sans plus-value
Figure 79 - Briques de la famille "Dosage volumétrique" éliminées suite à l’évaluation préliminaire par jugement
qualitatif
Comme on peut le constater sur la Figure 79, une comparaison a été faite implicitement entre les
risques apportés par la briques (complexification, dé-fiabilisation,…) et les opportunités (ici plus-
value). Nous avons considéré que lorsqu’une brique apporte uniquement des risques, sans
opportunité supplémentaire par rapport à une brique concurrente, alors elle peut être écartée.
Cette méthode étant moins rigoureuse que la méthode par les modèles, il est important de garder une
trace des briques ayant été écartées par jugement qualitatif, afin de pouvoir éventuellement les
réintégrer au processus de décision.
Evaluation préliminaire
Figure 80 – Bilan des architectures sélectionnées à l’issue de l’évaluation préliminaire
Cette étape est une des étapes critiques du processus de sélection d’architectures. Il s’agit en effet de
capter les avis des experts pour chaque brique vis-à-vis de chaque critère. Cela représente dans
Le nombre d’alternatives potentielles est ici calculé en supposant que toutes les briques sont compatibles
18
entre elles.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 121 / 157
19
notre cas 680 avis à récolter. Certains avis peuvent être très rapidement obtenus, comme par
exemple dans les cas où la fonction ne participe pas à la satisfaction du critère. Mais dans d’autres
situations, l’attribution des notes peut nécessiter plus de discussions entre experts. Finalement, il nous
aura fallu 22 heures de réunion pour récolter les avis nécessaires à l’évaluation. Ce temps est
relativement important, surtout en considérant qu’il y avait entre 2 et 4 experts à chaque réunion.
Nous constatons que cette durée nécessaire à l’analyse des briques peut être influencée par deux
paramètres :
- Le nombre de briques : On voit bien ici l’importance de l’évaluation préliminaire, qui peut, par
la réduction du nombre de briques, permet de réduire considérablement le temps d’analyse
des briques.
- Le nombre de critères : l’équilibre doit être trouvé entre le nombre de critères et les besoins
influant sur la sélection des architectures.
Comme nous l’avons expliqué au paragraphe III.D.1, nous avons choisi une échelle de notation
relative, qualitative et à 7 niveaux de notation.
L’aspect relatif de l’échelle de notation a été bénéfique d’après notre expérience. Ce choix a permis
en effet d’offrir aux experts un point de comparaison, ce qui a favorisé le processus d’évaluation. Nous
pensons que le recours à une échelle relative dont la référence est bien connue des participants
permet de gagner du temps lors de la phase d’analyse des briques.
L’aspect qualitatif de l’échelle de notation a été bien accueilli par les participants. Nous noterons
toutefois qu’une échelle représentée par des lettres au lieu des chiffres apporterait plus de clarté
quant au fonctionnement de notation. En effet, l’utilisation de chiffres (1, 2, 3) pour représenter des
grandeurs qualitatives (faible, moyen, fort) peut être ambigüe pour les participants. Cette notation peut
être en effet facilement confondue avec une note quantitative sur 3. Nous suggérons par exemple
l’utilisation des lettres : F pour faible, M pour moyen et E pour élevé. Nous avons représenté cette
suggestion dans la dernière colonne du Tableau 20.
Notation Notation
Type Description
utilisée suggérée
Fort potentiel d’amélioration +3 +E
Opportunité Potentiel d’amélioration moyen +2 +M
Faible potentiel d’amélioration +1 +F
Pas d'amélioration ni de détérioration 0 0
Faible potentiel de détérioration -1 -F
Risque Potentiel de détérioration moyen -2 -M
Fort potentiel de détérioration -3 -E
Pas de lien fonctionnel NA NA
L’utilisation d’une échelle à 7 niveaux, bien que suggérée par la revue de la littérature du paragraphe
II.C.3.d), s’est avérée quelque peu décevante à l’usage. Bien qu’elle ait tout de même permis de
mener à bien notre analyse des briques, nous avons pu constater que cette échelle a pu manquer de
finesse pour l’évaluation de certaines briques. Ainsi, nous suggérons d’utiliser une échelle de notation
comportant plus de niveaux. Un échelle à 9 niveaux par exemple, basée sur les grandeurs Faible,
Moyen, Bon, Elevé pourrait améliorer les choses, tout en gardant une certaine simplicité. Le risque en
effet de la multiplication des niveaux est de prendre plus de temps pour évaluer les briques. Ceci est
particulièrement valable si les différences entre les niveaux ne sont pas clairement définies.
680 avis = 20 critères x (42 briques retenues suite à l’évaluation préliminaire – 8 briques de référence)
19
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 122 / 157
IV.C.1.c) L’analyse par les experts
Dans le cadre de notre démarche de sélection d’architecture, les différentes briques ont été analysées
par deux types d’experts :
- Les experts du système carburant, référents dans les sujets d’architecture du système
carburant, qui sont intervenus pour tous les critères.
- Les experts de la maintenance, responsables des aspects de maintenance du système
carburant, qui sont intervenus pour les 5 critères de la catégorie « Maintenance et Sûreté de
fonctionnement ».
Nous avons remarqué, au cours des différentes séances dédiées à l’évaluation des briques, que les
experts du système carburant et ceux de la maintenance ne se basent pas sur les mêmes
informations pour juger une brique. En effet, les experts système carburant peuvent donner une
opinion basée sur un concept de brique d’alternative (par exemple : pompe volumétrique à
entrainement variable). Tandis que les experts maintenance doivent connaitre la technologie qui sera
implémentée dans le concept pour pouvoir donner une opinion (par exemple : pompe volumétrique
dont l’entrainement variable est réalisé par un moteur électrique). Cela s’explique par le fait que la
technologie utilisée dans une brique a un impact plus important sur les critères de maintenance que
sur les autres critères d’évaluation. C’est une des difficultés du travail d’architecture que de pouvoir
concilier des experts de métiers différents.
Etant donné le nombre déjà important de briques à évaluer, nous n’avons pas effectué de distinction
par technologie utilisée dans les solutions concernant :
- L’entrainement commandé des pompes des fonctions « Conditionner » et « Amorcer, Aspirer,
Gaver » qui peut être électrique ou mécanique,
- La régulation de la différence de pression dans la fonction « Conditionner » pouvant être
hydromécanique ou électrique,
- L’actionnement de la cylindrée variable de la pompe de la fonction « Amorcer, Aspirer,
Gaver » pouvant être électrique ou mécanique.
Dans nos travaux, le cas électrique a ainsi été choisi par défaut pour l’évaluation de ces briques.
Le seul cas où la distinction par technologie utilisée a été mise en œuvre concerne l’entrainement
commandé, électrique ou mécanique, de la pompe doseuse. Cette disjonction a été faite car il s’agit
d’une brique qui remplit à elle seule de multiples fonctions telles que le dosage, le conditionnement, et
l’amorçage. Ainsi, il était important avoir des informations les plus précises possibles sur cette brique.
Nous avons observé dans ce cas que la version à entrainement mécanique est dominée, au sens de
l’efficience de Pareto (méthode présentée au paragraphe II.C.4.a)(2)), par la version à entrainement
électrique. Cela signifie que la méthode d’entrainement électrique a été jugée égale ou meilleure que
la version mécanique, sur tous les critères. Une telle évaluation ne saurait néanmoins pas écarter
définitivement la version mécanique. En effet, la connaissance des performances de ces technologies
pour cette application est relativement faible. Ainsi, les deux versions seront conservées pour la suite
de la démarche de sélection d’architecture. Pour les départager, nous suggérons plutôt de mener une
étude complémentaire dédiée qui permettra d’obtenir des informations plus détaillées.
Cet exemple nous montre donc que la distinction entre deux technologies est difficile à évaluer avec
une bonne confiance en phase d’architecture. En effet, étant donné que nous avons affaire à deux
technologies qui ne sont pas actuellement utilisées sur les systèmes actuels de l’entreprise. Les
experts n’ont donc pas beaucoup d’éléments fiables pour juger. Ainsi, il parait cohérent de ne pas
entrer dans le détail des technologies dans cette phase-là de la sélection d’architectures.
Pour l’agrégation des briques en alternatives, nous avons considéré notre échelle qualitative basée
sur les chiffres 1, 2 et 3 comme une notation quantitative de valeurs, respectivement, 1, 2 et 3. Cette
échelle quantitative nous est apparu être la plus cohérente, étant donné qu’elle reprend les chiffres de
notre échelle qualitative.
Au moment d’agréger les notes des briques, nous pensions initialement partir sur des opérateurs de
type minimum, maximum, somme, moyenne, présentés au paragraphe II.C.3.c). Cependant, nous
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 123 / 157
nous sommes rendus compte que cette agrégation n’était pas vraiment représentative des
performances de l’architecture réellement obtenue. En effet, pour un critère donné, l’influence de
chaque fonction sur sa satisfaction peut être plus ou moins importante. Cette importance relative des
fonctions dans l’agrégation de la note d’un critère n’est pas prise en compte par les opérateurs
présentés précédemment. Nous avons donc procédé à une pondération des fonctions pour chaque
critère.
Cette technique a certes nécessité du temps supplémentaire pour attribuer les pondérations à chaque
bloc fonctionnel, mais elle permet d’avoir une note agrégée au niveau architecture qui est
représentative de ses performances réelles.
Si
Si température
température mini
mini sans
sans additif
additif anti-givre
anti-givre
Sélection ou exclusion de
challengeante
challengeante :: la
la brique
brique réchauffeur
réchauffeur
briques
thermostaté
thermostaté est
est sélectionnée
sélectionnée
Figure 81 - Leviers d'action de la prise en compte des contraintes du cahier des charges
Comme nous l’avons représenté en Figure 82, cette technique nous parait très efficace car elle
permet à la fois de réduire le nombre d’architectures candidates (passage de 76 896 à 2 240
alternatives), tout en étant plus proche de la demande du cahier des charges projet. Cette réduction
peut cependant varier d’un projet à l’autre.
1 140 480 architectures* 259 200 architectures* 76 896 architectures 2 240 architectures
54 briques 42 briques 42 briques 39 briques
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 124 / 157
* Nombres d'architectures calculés de manière purement combinatoire sans savoir si les briques sont
compatibles entre elles ou non.
Cette activité d’évaluation des architectures est la dernière étape avant la prise de décision sur les
architectures restantes. Comme on peut le voir sur la Figure 82, les étapes d’évaluation préliminaire,
de prise en compte de la compatibilité entre les briques et des contraintes du cahier des charges ont
déjà permis d’éliminer 99,8% des architectures initialement proposées.
Pour chaque architecture, on obtient alors 2 classements basés sur les critères uniques de synthèse
des méthodes TOPSIS et MAUT. L’objectif de cette étape du processus de sélection d’architectures
est de distinguer les architectures les plus prometteuses.
Tableau 21 - Plages de variation des scores d’amélioration obtenus pour les différentes méthodes
Min Max
TOPSIS -0,15 0,19
MAUT -0,41 0,15
Ces variations des scores d’une méthode à l’autre rendent difficile la comparaison. En effet, un score
d’amélioration de -0,15 pourra représenter :
- la moins bonne architecture selon la méthode TOPSIS,
- une architecture faiblement moins bonne que la référence, dans le cadre de la méthode
MAUT.
Pour pallier à ces inconsistances des scores d’amélioration des 3 méthodes mises en œuvre, nous
proposons l’introduction de scores d’amélioration relatifs (SAR). Pour une alternative a de l’ensemble
des alternative A, ce score est noté SAR(a) et défini par :
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 125 / 157
(III-24)
Ce nouveau score permet de vraiment pouvoir comparer les classifications obtenues avec les
différentes méthodes. En effet, un SAR de 50%, par exemple, représentera pour les trois méthodes
une amélioration de 50% du score par rapport à l’architecture de référence. Il sera donc utilisé dans la
suite pour toute activité de comparaison des résultats des différentes méthodes.
Approche topologique
Détermination seuil significatif
Seuil de Nombre
SAR d’architectures
Approche analytique
Etude des tendances d’architectures
Architectures les
plus pertinentes
Figure 83 - Complémentarité des deux approches mises en œuvre pour la sélection des meilleures architectures
Au cours de la mise en œuvre de ces deux approches, c’est la synthèse des résultats de la méthode
TOPSIS et de la méthode MAUT qui sera recherchée. Elle permettra de donner au décideur une
vision synthétique des meilleures options d’architectures.
Nous avons proposé et mis en place cette approche topologique pour la sélection des meilleures
architectures. Elle se base sur la définition d’un seuil de SAR, délimitant les architectures pouvant
être considérées comme les meilleures, des autres.
On note ainsi la présence de 3 zones distinctes dans ces représentations graphiques, reliées entre
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 126 / 157
elles par des zones de transition. On observe :
1. Pour des rangs inférieurs à 130, soit environ les premiers 6% des architectures : une phase
de forte diminution du SAR avec le rang
2. Pour des rangs compris entre 250 et 2050, ce qui représente 80% des architectures : une
phase de faible variation du score des architectures
3. Pour les rangs supérieurs à 2150, ce qui représente les 4% des architectures de plus faible
SAR : à nouveau une phase de forte diminution du SAR avec le rang.
80%
Score d'amélioration relatif de l'architecture
60%
40% TOPSIS
20% MAUT
0%
0 250 500 750 1000 1250 1500 1750 2000 2250
-20%
-40%
-60%
-80%
-100%
Rang de l'architecture
Figure 84 – Répartition globale des scores relatifs des architectures en fonction de leur rang
La présence de cette première zone de forts gradients pour les 100 meilleures architectures ne facilite
pas notre prise de décision. Cela entraine en effet que :
- les architectures les mieux classées ont les différences de valeur les plus importantes entre
elles.
- plus on descend dans le classement des architectures, plus la différence de valeur entre les
architectures de classement voisin diminue.
Ainsi, il ne se détache pas naturellement un groupe d’architectures, dont les scores d’amélioration
relatifs seraient proches, et qui seraient significativement meilleures que toutes les autres.
100%
Score d'amélioration relatif de l'architecture
A
95%
90% - 3%
- 8%
85%
80%
B
- 3%
75%
70%
65%
60%
0 5 10 15 20 25 30
Rang de l'architecture
Ainsi, les observations de la répartition des meilleures architectures selon chaque classement nous
amène à définir un premier seuil de SAR à 90%, valable pour les deux méthodes, et un second seuil à
78% valable uniquement pour la méthode MAUT. Deux groupes A et B ont ainsi été constitués. Le
groupe A étant le plus intéressant car il rassemble les meilleures architectures des deux méthodes. Le
groupe B est moins intéressant car il ne s’adresse qu’à une seule méthode, tout en proposant des
architectures de SAR inférieur à ceux du groupe A. Ainsi, pour la suite de l’approche de sélection
d’architectures, nous nous intéresserons dans un premier temps uniquement aux architectures du
groupe A.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 128 / 157
(a) Classement TOPSIS (b) Classement MAUT
Identifiant de Identifiant de
SAR TOPSIS SAR MAUT SAR TOPSIS SAR MAUT
l'architecture l'architecture
3276 100% 63% 5622 79% 100%
Groupe A
Groupe A
Groupe B
547 73% 87%
4186 65% 83%
506 64% 85%
714 61% 83%
L’écart entre les SAR selon TOPSIS et MAUT est très marqué pour les meilleures architectures du
20
classement selon TOPSIS (Tableau 22a), avec un écart moyen de 42% absolu de SAR. Pour les
meilleures architectures du classement selon MAUT en revanche, l’écart est toujours significatif mais
plus contenu : 23% en moyenne d’écart absolu pour les architectures du groupe A et 14% pour celles
du groupe B.
Nous avons représenté les briques constituant les architectures appartenant au groupe A selon la
méthode TOPSIS dans le Tableau 23, et selon la méthode MAUT dans le Tableau 24. Pour chaque
fonction, et pour favoriser une analyse rapide des résultats, nous avons choisi de colorer les cellules
dont la brique est identique à celle de la ligne précédente en gris.
Amorcer
TOPSIS
MAUT
Add-On
N° Doser Conditionner Aspirer Commander Répartir
AAG
Gaver (AAG)
3276 D13 C26 A131 A04 Cm22 R21 100% 63%
Il est exprimé en pourcentage d’amélioration, étant donné que c’est l’unité du SAR.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 129 / 157
Tableau 24 - Meilleures architectures obtenues selon la méthode MAUT (Groupe A)
Amorcer
TOPSIS
MAUT
Add-On
N° Doser Conditionner Aspirer Gaver Commander Répartir
AAG
(AAG)
5622 D13 C22 A131 A04 Cm22 R21 79% 100%
Pour des raisons de confidentialité, les briques retenues sont désignées par leur code d’identification
plutôt que par leur intitulé.
Les résultats obtenus selon les deux méthodes possèdent tous deux ce que nous appellerons des
points fixes, c'est à dire des briques qui sont sélectionnées pour toutes les architectures du groupe.
C’est notamment les cas des fonctions Répartir, Add-On Amorcer Aspirer Gaver (AAG) et
Conditionner, pour les deux méthodes. La méthode MAUT présente un point fixe supplémentaire sur
la fonction AAG. Pour le reste des fonctions, les deux méthodes proposent deux briques. Nous avons
proposé de représenter ces résultats sous forme graphique en Figure 86. Ce format permet une
meilleure lisibilité des architectures sélectionnées. Nous avons également entouré les briques qui ont
été uniquement sélectionnées par une des deux méthodes. Cela permet de se rendre compte au
premier coup d’œil quelles briques ont été sélectionnées par les deux méthodes ou seulement par
une.
A132
D13
TOPSIS
D13 Cm22
C22 A131 A04 R21
D14 Cm11
Figure 86 – Représentation graphique des architectures sélectionnées selon les deux méthodes
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 130 / 157
de garder à l’esprit que les briques présentes uniquement dans l'une des deux sélections (entourées
en Figure 86) ne peuvent pas être associées. Cela aurait pour effet de produire une architecture qui
ne fait partie d’aucune des deux sélections et dont le SAR est inconnu.
Discussion
Cette démarche nous a permis de sélectionner 9 architectures qui répondent, d’après les scores
obtenus par les méthodes TOPSIS et MAUT, le mieux au cahier des charges que nous nous sommes
fixé. Cette sélection d’architecture passe par la sélection des briques les constituant. Le nombre de
briques finalement sélectionnées varie de 1 à 3 par fonction. Dans le cas où ces architectures et
briques ne s’avèreraient pas satisfaisantes, il est possible d’élargir le seuil de sélection de SAR. Dans
notre cas, cela pourrait consister à s’intéresser aux solutions du classement MAUT groupe B, défini
plus haut. Une étude pourrait être menée également en abaissant la valeur du seuil de sélection du
classement TOPSIS. Néanmoins, ces démarches vont dans le sens d’une baisse de la qualité globale
des solutions proposées vis-à-vis du problème formulé (baisse du SAR). Aussi, il pourrait être dans ce
cas plus pertinent de se demander si :
- On résout le bon problème : les contraintes du problème ont elle été correctement
renseignées ? Les pondérations des critères représentent-elles bien les préférences des
décideurs ?
- Les architectures ont été correctement évaluées : l’évaluation des architectures est un point
aussi crucial que délicat dans notre contexte d’études de concepts préliminaires et fortement
innovants. Ainsi, il convient de se demander si la matrice d’évaluation des briques correspond
bien au ressenti des experts ? Les poids permettant d’assembler les notes des briques en
note d’architecture sont-ils représentatifs ?
Du point de vue industriel, les résultats obtenus par l’application de la démarche de sélection
d’architectures proposée a permis de mettre en avant ou d’écarter certaines briques technologiques,
selon leur potentiel à apporter de la valeur au circuit carburant, vis-à-vis des besoins clients. Les
résultats se sont cependant montrés surprenants pour l’industriel, à deux égards :
- Une brique, plutôt bien pressentie en interne, ne s’est pas retrouvée sélectionnée à la suite de
l’application de la méthodologie.
Dans ce cas, la démarche de thèse a permis de mettre en garde contre une solution qui pouvait
paraitre très intéressante sous certains aspects, mais qui, d’un point de vue global de satisfaction
client pouvait être surclassée par une autre solution plus conventionnelle. On peut voir deux
explications à ce constat. En un sens, il est possible que l’évaluation par les experts de la solution en
rupture ait été biaisée par une forme d’inertie psychologique. De plus, nous avons vu que l’innovation
de rupture pouvait introduire un nouveau concept pouvant être moins performant que l’actuel sur le
court terme, mais qui pourra s’avérer bien plus prometteur à l’avenir, une fois optimisé et amélioré.
Ainsi, une « bonne » solution d’innovation de rupture peut paraitre moins performante qu’une solution
conventionnelle dans une vision court-terme. A l’inverse, ce résultat peut être vu comme un signe fort
que cette brique technologique n’est peut-être pas si prometteuse qu’elle peut en avoir l’air, du point
de vue de la performance globale du moteur. On se retrouve alors dans le cas typique de l’innovation
de rupture, où la direction à prendre doit être conditionnée par un besoin très long terme, peut être
inexistant aujourd’hui mais imaginé (mais pas encore forcément exprimé) pour l’avenir. Même si la
démarche proposée n’apporte pas de réponse préconçue à cette question éminemment stratégique,
elle a le mérite d’énoncer clairement la situation en s’appuyant sur une démarche rigoureuse et
fondamentalement tournée vers les besoins des clients finaux. En d’autres termes, l’intérêt essentiel
de la démarche proposée dans ce cas est de proposer un avis technique structuré, dans une phase
extrêmement préliminaire du projet (avant même qu’une étude de concept ait été lancée). Ainsi, la
démarche proposée et l’outil associé lors de sa mise en œuvre, permettent d’obtenir rapidement des
indicateurs de performances globales en faisant varier les performances d’une brique ou les attentes
d’un projet. Il peut donc être perçu comme un outil agile et préliminaire permettant rapidement de se
faire une idée en fonction de données de performances ou de besoins pouvant être changeants.
- A l’inverse, une brique totalement en rupture, mais qui semble peu adaptée à l’ensemble des
besoins, s’est retrouvée très bien classée par le critère unique TOPSIS.
Dans ce cas, il est important de comprendre quel mécanisme a permis de sélectionner cette brique-là
plutôt qu’une autre. Cette analyse peut faire ressortir deux effets :
o un écart entre les notes attribuées à la brique et le ressenti réel. Il est important dans
ce cas d’avoir la vision de la notation relative de cette brique par rapport aux briques
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 131 / 157
concurrentes.
o un écart entre la pondération des critères et leur importance relative effective.
L’explication peut alors venir soit de la pondération des critères de haut niveau, soit
de leur allocation via la matrice QFD.
Ces deux effets peuvent intervenir ensemble ou séparément pour expliquer la sélection d’une brique
qui parait mal appropriée.
Dans les deux cas présentés ci-dessus, la démarche mise en œuvre a permis d’ouvrir et de faciliter la
discussion sur des sujets clés tels que les besoins futurs, l’importance relative des critères ou les
performances escomptées d’une brique technologique inconnue. En permettant un traitement
rationnel de ces données, les incohérences ou questionnements sont alors rapidement pointés du
doigt et peuvent être discutés en se basant sur des résultats concrets fournis par l’outil.
Nous avons mis en œuvre, à titre illustratif, cette approche d’évaluation par les modèles au cas de la
brique pompe doseuse à entrainement électrique, également appelée électro-pompe doseuse (EPD).
Cet exemple a été choisi pour son caractère fortement multiphysique, qui implique une approche de
modélisation complète. Cette partie présente la démarche que nous avons mise en œuvre.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 132 / 157
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Figure 88 – Exemple d’échangeur thermique en hélice sur les moteurs électriques (source : SERVAX - High
Speed Drives Motor Elements – synchronous and asynchronous)
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 133 / 157
V.B. Modélisation du système EPD
Etant donné la symétrie de l’architecture du système EPD considérée, des simplifications ont pu être
effectuées pour la modélisation. Ainsi, un seul moteur électrique a été considéré pour la modélisation.
En effet, les deux moteurs sont identiques et doivent être dimensionnés pour assurer la mission
séparément.
Légende
Energie Hydraulique Energie Electrique
Energie Mécanique Energie Thermique
V.B.1.a) Objectif
L’optimisation a été conduite dans le but de minimiser la masse du système. Ce paramètre de masse
inclut : la masse des parties actives du moteur, la masse des parties actives de la pompe
(engrenages) et la masse de l’échangeur thermique (considéré en aluminium).
Les paramètres d’optimisation représentent les degrés de liberté sur lesquels l’algorithme
d’optimisation peut jouer pour obtenir la masse minimale. Nous les avons représentés dans le
Tableau 25.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 134 / 157
Diamètre du moteur 10 200 mm
Moteur Epaisseur de culasse 0,5 10 mm
électrique Densité de courant dans les bobinages du
1 30 A/mm²
moteur électrique
3
Pompe Cylindrée de la pompe 0,1 10 cm /tr
On remarque que les contraintes en termes de valeurs minimale et maximale sont formulées pour
chaque paramètre.
Des contraintes supplémentaires ont été implémentées dans l’algorithme d’optimisation. Nous avons :
- limité les pertes de charge dans l’échangeur à 0,5 bar, pour qu'elles restent faibles vis-à-vis
de la différence de pression aux bornes de la pompe.
- limité le facteur de forme du moteur électrique (rapport entre la longueur et le diamètre) à 2
afin de s’assurer de la faisabilité du moteur proposé.
V.B.2. Modèles
Des modèles ont été établis pour les différents composants de l’EPD. Etant donné leur caractère
préliminaire, nous avons choisi de ne représenter que les phénomènes physiques les plus
déterminants. Ainsi, des phénomènes d’importance marginale pour le dimensionnement tels
l’augmentation de température de carburant lié aux pertes dans la pompe, ou encore l’échange
thermique entre l’air et le carter de l’échangeur thermique ont été négligés. Ceci a pour effet de
simplifier le modèle global, permettant de gagner du temps lors de sa mise en place, tout en
conservant une bonne confiance dans les résultats. Nous présentons dans ce chapitre les différents
modèles mis en œuvre dans notre étude.
Modèle de pompe
Pour le modèle de la pompe à engrenages, nous avons considéré uniquement un modèle
hydraulique, sans prise en compte des aspects thermiques. Ces derniers ont un effet marginal du fait
de la bonne évacuation de la chaleur produite au sein de la pompe dans le carburant, entrainant une
augmentation maximale de l’ordre de 1°C de la température du carburant. Cette augmentation de
température est négligeable devant la température du carburant considérée à 90°C.
Pour le modèle hydraulique, nous avons utilisé une table de performance donnant le rendement
volumétrique en fonction du point de fonctionnement (vitesse de rotation et différence de pression).
Pour le rendement mécanique, une valeur constante a été considérée. Ces données proviennent de
l’expérience de Safran Helicopter Engines dans la fabrication de ce type de pompe. Le comportement
hydraulique de la pompe est ainsi représenté par les équations suivantes :
(III-24)
Avec :
Npompe la vitesse de rotation de la pompe (en rad/s)
Tpompe le couple sur l’arbre de pompe (en N.m)
ηv et ηm les rendements volumétriques et mécaniques de la pompe (sans unité)
3
Q le débit volumique en sortie de la pompe (en m /s)
ΔP la différence de pression aux bornes de la pompe (en Pa)
3
d la cylindrée de la pompe (en m /rad)
Modèle d’échangeur
- Modèle hydraulique
Pour les pertes de charge dans l’échangeur, un modèle très simple a été considéré. L’objectif étant,
non pas d’avoir une quantification exacte des pertes de charges, mais bien d’en donner une valeur
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 135 / 157
approchée permettant d’être utilisée comme contrainte dans le dimensionnement de l’EPD. Ainsi,
nous avons considéré les pertes de charges dans l’échangeur comme celles d’une conduite droite de
même longueur. L’effet de la courbure du canal, qui est enroulé autour du moteur électrique, n’a donc
pas été pris en compte. Cet effet devra être ajouté pour une appréciation plus précise des pertes de
charge dans l’échangeur. Le modèle de pertes de charge utilisé se base sur la formulation générale
des pertes de charge dans une conduite horizontale de section constante :
(III-25)
Avec :
, formulation de Blasius pour le coefficient de pertes de charge pour un écoulement turbulent
(avec 4000 < Re < 100000) e dans l’hypothèse d’une conduite lisse
Lcanal la longueur du conduit de l’échangeur thermique (en m)
Dh le diamètre hydraulique de la conduite (en m)
3
ρ la masse volumique du carburant considéré (en kg/m )
v la vitesse moyenne de l’écoulement dans le conduit (en m/s)
On notera que dans notre modèle, la perte de pression dans l’échangeur a été négligée devant la
différence de pression imposée à la pompe. Ainsi, nous n’avons pas pris en compte les pertes de
charge des échangeurs comme une différence de pression supplémentaire à fournir par la pompe.
Cette hypothèse implique une légère sous-estimation du couple à fournir par le moteur électrique.
- Modèle thermique
Nous avons considéré une résistance de convection représentant la capacité d'’échange entre le
carter du moteur et le carburant circulant dans l’échangeur. Le coefficient d’échange convectif a été
calculé en utilisant la corrélation Dittus-Boelter (Incropera et al. 2007), particulièrement adaptée aux
conditions de régime turbulent vérifiant la condition Re > 10000. Le nombre de Nusselt (Nu) est alors
obtenu via l’équation :
(III-26)
(III-27)
Avec :
Lc est la longueur caractéristique (en m)
λ la conductivité thermique du carburant (en W/m/K)
S la surface d’échange entre le carburant et le carter (en m²)
La valeur du nombre de Reynolds a été vérifiée dans les résultats obtenus. Elle se situe selon les cas
entre 24500 et 26000. Ainsi, les formulations choisies ont bien été utilisées dans leurs plages de
validité.
Modèle moteur
Les modèles thermique et électromagnétique du moteur utilisés sont issus d’un métamodèle obtenu à
partir des caractéristiques d’un moteur sans balais à courant continu de type PARVEX N310, comme
décrit dans la thèse de Florian Sanchez (Sanchez 2017). Il permet de réduire les propriétés d’un tel
moteur à partir de 3 paramètres que sont la densité de courant, l’épaisseur de culasse et le diamètre
du moteur.
Φbobinages Φcarburant
X
X X X
Rmoteur Rcontact Réchangeur
Φair
X
(non considéré)
Rair Température
Air Ambiant
Figure 90 – Représentation nodale des transferts thermiques à considérer pour le refroidissement des bobinages
du moteur
L’échange thermique de convection naturelle entre le corps de l’échangeur thermique et l’air a été
négligé devant la convection forcée avec le carburant. Ce phénomène est bien négligeable au vu des
ordres de grandeurs des coefficients d’échange convectif h. Dans le cas de l’échange avec l’air,
l’ordre de grandeur du coefficient d’échange est de 10 W/m²/K alors qu’il est de 10 000 W/m²/K pour
l’échange avec le carburant.
V.C. Résultats
Ce dimensionnement préliminaire du système EPD a permis de déterminer la cylindrée de la pompe
pour laquelle la masse du système est minimisée. La masse des parties actives du moteur électrique
a été évaluée. Afin d’obtenir la masse du moteur total, nous avons recherché sur catalogue un moteur
similaire. En plus d’obtenir la masse du moteur électrique entier, cela nous a permis d’avoir une bonne
estimation du coût de cet équipement.
Bilan de la partie V
A travers cette approche par les modèles, une brique de solution de type pompe doseuse à
entrainement électrique a été prédimensionnée. Ce dimensionnement préliminaire permet d’avoir une
estimation plus précise de performances de type de masse et coût. Il permettra également la mise en
œuvre de modèles ou essais complémentaires permettant d’en évaluer les performances selon
d’autres critères. De plus, les informations obtenues de par ces premiers modèles peuvent être
réinjectés dans la matrice d’évaluation des briques de notre étude conceptuelle. Ceci permettant de
gagner en précision dès le niveau conceptuel, pour affiner ce premier niveau de sélection.
Conclusion
Dans ce chapitre, une méthodologie de sélection d’architectures a été proposée et mise en œuvre
dans le cadre du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère. Le caractère fortement innovant des
architectures proposées nous a contraints à réduire grandement le nombre d’architectures au cours
de la sélection. En effet, en partant de plus d’un million d’architectures potentielles, notre méthode de
sélection a permis de mettre en avant moins de 10 architectures, pour un cahier des charges donné,
en prenant en compte des critères d’évaluation diversifiés. Pour faire face à ce nombre important
d’architectures candidates, plusieurs méthodes ont été utilisées comme l’évaluation préliminaire, et
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 137 / 157
l’approche par les briques plutôt que par les architectures elles-mêmes. Ceci nous a permis par la
suite de procéder à une évaluation qualitative des briques, puis d’en déduire les performances des
différentes architectures vis-à-vis des critères d’évaluation. Une méthode a également été proposée et
mise en œuvre pour la pondération des différents critères d’évaluation. Elle a été complétée par une
approche d’aide à la décision multicritère basée sur les méthodes TOPSIS et MAUT, permettant de
réduire grandement le nombre d’architectures pour ne conserver que les plus pertinentes. Finalement,
une illustration de la suite du processus de conception a été donnée à travers la proposition et mise
en œuvre d’une approche basée sur les modèles pour le prédimensionnement d’une brique.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 138 / 157
Conclusion Générale
Rappel du contexte et des objectifs
Dans un contexte industriel fortement concurrentiel, l’innovation de rupture est un levier essentiel pour
dégager des marges fonctionnelles et ainsi proposer des produits en mesure de mieux répondre aux
besoins présents, ou en satisfaire de nouveaux. Les développements industriels étant essentiellement
mené dans une logique d’innovation incrémentale, un véritable besoin méthodologique a été identifié
pour favoriser l’innovation de rupture. Ainsi, ces travaux de thèse se sont focalisés sur l’étude
conceptuelle d’architectures pour un système fortement innovant. Dès lors, deux objectifs principaux
ont été fixés pour nos travaux de thèse :
- Proposer une méthodologie d’étude conceptuelle d’architectures système en rupture,
conforme à l’état de l’art, et pouvant être implémentée dans un contexte industriel.
- Mettre en œuvre la méthodologie proposée sur le cas d’étude concret du circuit carburant
d’un moteur d’hélicoptère, au sein de l’entreprise Safran Helicopter Engines. L’objectif de
cette étape est d’obtenir une sélection d’architectures de circuit carburant innovantes les plus
prometteuses vis-à-vis des besoins identifiés pour les circuits carburant futurs.
Ces deux objectifs sont intimement liés dans la mesure où :
- la méthodologie proposée a été développée pour être adaptée au cas d’étude du circuit
carburant d’un moteur d’hélicoptère,
- la mise en œuvre de la méthodologie chez l’industriel a fourni un retour d’expérience
permettant son amélioration tout au long des travaux de thèse. En outre, cette étape de mise
en pratique a également contribué à valider la pertinence de la méthode proposée dans un
contexte industriel.
Concernant la démarche générale de la thèse, notre objectif aurait pu être considéré à première vue
comme un problème de sélection d’architectures. Cependant, cette activité nécessite d’être alimentée
par des architectures candidates et des critères d’évaluation. Dans un cadre d’étude faiblement
innovant, ces données auraient pu être disponibles directement dans l’entreprise. Néanmoins, dans le
cadre de l’innovation de rupture, les architectures candidates se doivent d’être fortement innovantes. Il
en est de même pour les critères d’évaluation qui se doivent de refléter les attentes des clients de
demain vis-à-vis du produit de l’entreprise. C’est donc véritablement la dimension d’innovation
radicale qui nous a poussés à débuter notre étude dès l’analyse des besoins, point de départ de
l’activité de conception. L’idée a été de permettre à l’innovation de rupture de s’exprimer dès cette
étape, pour qu’elle rayonne à travers les activités suivantes que sont la génération et la sélection
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 139 / 157
d’architectures.
Ces deux derniers paragraphes nous amènent à conclure que pour conduire nos travaux de
recherche sur l’innovation radicale, il est incontournable de s’intéresser aux étapes fortement
préliminaires du cycle de conception.
Ainsi, les travaux de thèse se sont déroulés sur trois activités principales :
- L’analyse des besoins, qui a consisté en un travail de communication et de concertation
avec les différentes parties prenantes pour en extraire les besoins actuels et futurs.
- La génération d’architecture, qui a reposé sur des étapes de décomposition fonctionnelle,
de créativité pour la recherche de briques de solutions innovantes, et d’assemblage des
architectures. Cette dernière activité repose sur le fait qu’une architecture est obtenue par
combinaison de briques pour les différentes fonctions du système. La compatibilité des
briques entre elles a été prise au compte via la mise en œuvre d’une matrice de compatibilité.
- La sélection d’architecture, qui repose sur un processus de pondération des critères
d’évaluation, de prise en compte des contraintes du cahier des charges, et d’évaluation des
architectures. Cette dernière étape repose sur l’évaluation qui a été faite de chaque brique.
Les évaluations des briques sont ensuite judicieusement combinées à l’aide d’une matrice
d’agrégation des notes, pour obtenir finalement l’évaluation de l’architecture.
La valeur ajoutée de nos travaux de thèse réside essentiellement dans la combinaison de techniques
ou bribes de techniques, à l’état de l’art dans leurs domaines, réunies en une méthodologie structurée
qui est adaptée aux besoins et caractéristiques de notre cas d’étude.
Ainsi, le Chapitre 1 a proposé une approche basée sur l’ingénierie système mais adaptée à un cas
d’innovation de rupture. Cette dernière a apporté un cadre structurant dans le sens de l’identification
des parties prenantes et de leurs besoins, ainsi que des contextes opérationnels du système. Au sein
même de ce cadre d’ingénierie système, des éléments innovants ont été introduits au cours de
réunions transverses avec les parties prenantes. Ces réunions ont été menées dans un climat de
réflexion sur le long terme, plutôt que sur les problématiques du moment.
D’un point de vue industriel, l’approche proposée et mise en œuvre a permis de porter une réflexion
de différents métiers sur l’évolution des systèmes et des besoins associés.
Dans le Chapitre 3, une étude bibliographique approfondie a permis de proposer et mettre en œuvre
une approche originale de sélection des architectures candidates, en se basant sur les résultats des
processus des deux chapitres précédents. La valeur ajoutée principale se trouve dans :
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 140 / 157
- L’intégration de différentes méthodes, chacune correspondant à l’état de l’art dans son
domaine, dans une approche unifiée permettant de pondérer les critères (matrice QFD),
d’évaluer et de sélectionner des architectures (outils d’aide à la décision).
- Le choix de l’utilisation de deux techniques d’obtention d’un critère unique que sont TOPSIS
et MAUT, comme deux angles de vue complémentaires sur les notations des architectures,
représente également un apport important à nos yeux. Cela a consisté à analyser les résultats
obtenus à l’aide de ces deux critères, en combinant une approche topologique
(mathématique) et une approche analytique (orientée vers les résultats techniques). Cette
combinaison offre un équilibre appréciable entre l’approche mathématique, efficace pour
diminuer le nombre d’architectures mais forcément réductrice car résumant vingt critères
d’évaluation en un critère unique de décision, et l’approche technique qui permet d’apporter
une véritable interprétation technique aux résultats mathématiques.
L’approche méthodologique présentée dans la thèse, et plus particulièrement dans le Chapitre 3, a fait
l’objet de la création d’un outil implémenté dans l'environnement Microsoft Excel/VBA permettant sa
mise en œuvre sans recours à des logiciels spécialisés.
Du point de vue industriel, les résultats obtenus par l’application de la méthodologie proposée a
permis de mettre en avant ou d’écarter certaines briques technologiques, selon leur potentiel à
apporter de la valeur au circuit carburant, vis-à-vis des attentes du client. La démarche mise en œuvre
a permis d’ouvrir et de faciliter la discussion sur des sujets clés tels que les besoins futurs,
l’importance relative des critères ou les performances escomptées d’une brique technologique
inconnue. En permettant un traitement rationnel de ces données, les incohérences ou
questionnements sont alors rapidement pointés du doigt et peuvent être discutés en se basant sur des
résultats concrets fournis par l’outil.
Perspectives
Même si la méthodologie présentée dans ces travaux de thèse a été appliquée dans le cas très
particulier du circuit carburant d’un moteur d’hélicoptère, elle n’est en est pas moins applicable à
différents domaines industriels et à différents niveaux de décomposition du produit (système, sous-
système, équipements…). Même si elle donnera sa plus forte valeur ajoutée dans des projets
d’innovation de rupture, cette méthode peut également être adaptée pour des projets d’innovation
incrémentale ou de développement. Il s’agira pour cela d’adapter le degré de nouveauté des besoins
et des briques candidates. La démarche proposée reste donc relativement générique et applicable à
différents niveaux de l’entreprise.
Le temps imparti pour les travaux de thèse étant limité, certaines améliorations ont été imaginées
sans pouvoir être réalisées.
C’est le cas notamment de l’étude de sensibilité de la méthodologie aux données d’entrées. Cette
activité consiste à analyser la robustesse des conclusions face à une modification des données
d’entrée. Telle qu'elle a été implémentée, la méthode proposée se prête bien à l'utilisation de logiciels
dédiés à l'exploration de design et à l'étude de sensibilité paramétrique, par exemple Optimus ou
OptiY.
Une amélioration pouvant être apportée à notre approche méthodologique consiste en l’ajout d’un
indicateur de compatibilité technologique. Il permettrait d’évaluer la connaissance de la solution
proposée en interne de l’entreprise, ainsi que sa compatibilité avec les systèmes en interface déjà
existants, comme le calculateur du moteur par exemple. Ce critère avait été tout d’abord écarté de
notre étude afin de ne pas être contre-productif en termes d’innovation de rupture. En effet, les
solutions actuellement déployées seront les mieux notées sur ce critère, qui risque de pénaliser les
solutions les plus innovantes. Cependant, utiliser la maturité et la compatibilité technologique comme
simple indicateur, et non comme critère d’évaluation et de sélection, pourrait permettre in fine de
départager deux solutions dont les performances peuvent être proches. Cet indicateur permettrait
également d’accentuer la capacité de l’outil à intervenir sur des projets d’innovation incrémentale ou
même des développements, pour lesquels la maturité et la compatibilité aux systèmes existants est,
respectivement, importante et cruciale.
Comme nous l’avons vu précédemment, la subjectivité de la notation des briques par les experts
apporte un biais certain dans les résultats de l’évaluation. Ce caractère subjectif des données d’entrée
est d’autant plus prononcé que l’on travaille sur un projet d’innovation de rupture ou de conception
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 141 / 157
préliminaire. Ce biais ne peut pas être supprimé au moment de la notation, mais il peut en revanche
être pris en compte. C’est un axe d’amélioration que nous proposons par l’introduction de logique
floue dans le processus de sélection d’architectures. Comme l’exposent les auteurs de (Rathod &
Kanzaria 2011) dans leur cas de sélection multicritère d’un matériau à changement de phase, la
méthode TOPSIS floue est préférée dans le cadre de notations des performances vagues. La prise en
compte d’incertitudes dans le processus de sélection lui-même pourra alors permettre de gagner en
précision quant à la sélection finale des architectures.
Enfin, comme nous l’avons vu dans la partie V du chapitre 3, les résultats de thèse sont amenés à
donner suite à des travaux d’études préliminaires quantitatives sur les briques ou architectures
sélectionnées. Ces travaux complémentaires et quantitatifs permettront de gagner en maturité sur les
concepts ayant été jugés les plus pertinents dans les travaux de thèse. Ces informations pourront
également être réinjectées dans la démarche de cette thèse par une réévaluation de la brique
concernée. Cette rétroaction permettra de valider ou de mettre en garde contre la valeur ajoutée d’une
telle brique, maintenant que l’on en connait les performances avec plus de précision. Ainsi la
démarche présentée lors de ces travaux de thèse pourra également accompagner la suite du
processus de conception du système.
Adrien MONSIMER, Méthodologie pour l’étude conceptuelle d’un système fortement innovant, Page 142 / 157
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Annexe
Annexe A Méthodologie de prédimensionnement pour
l’évaluation préliminaire d’un système de dosage
Cette annexe présente la démarche utilisée pour le prédimensionnement des briques « Doser » en
vue de leur évaluation préliminaire. Pour ce faire, nous considérerons la brique « Section commandée
– Pression amont quelconque ». L’objectif de ce prédimensionnement est d’obtenir, pour le débit
maximal, les valeurs minimales et maximales de tailles d’orifices et pression maximale.
I. Présentation du problème
Points de fonctionnement
Deux points de fonctionnement ont été choisis pour ce prédimensionnement : le point de plus faible
débit (Ralenti Sol) et celui de débit maximal (OEI). Le premier point permet d’obtenir le diamètre
minimal de l’orifice de dosage, tandis que le dernier permet d’obtenir le diamètre maximal de l’orifice
de dosage ainsi que les pressions maximales aux bornes du système de dosage.
Le carburant utilisé pour le prédimensionnement est un Jet A-1 typique à 15°C.
Circuit modélisé
Comme nous l’avons représenté en Figure 91, le circuit utilisé pour le prédimensionnement du
système de dosage est constitué :
- D’une pompe, dont le débit Qppe est imposé par la vitesse de rotation du moteur.
- D’un système de dosage, composé de :
o Une vanne de dosage : modélisé par un orifice dont la section Sdos peut varier selon le
point de fonctionnement. Elle est traversée par un débit Qdos, imposé par le point de
fonctionnement.
o Un orifice de retour : modélisé par un orifice de section fixe Sr.
Vanne de dosage
Figure 91 - Circuit modélisé pour le prédimensionnement du système de dosage par restriction "Pression amont
quelconque"
Les circuits en amont et en aval du système de dosage n’ont pas été représentés dans ce modèle.
Les conditions aux limites imposées pour le prédimensionnement sont :
- Une pression P0 en entrée du circuit,
- Une pression P2 en sortie du circuit,
Ces deux pressions sont imposées par le point de fonctionnement.
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II. Prédimensionnement du système de dosage
II.A. Prédimensionnement de la pression et de la taille
d’orifices
Nous avons donnons en Figure 93 une représentation symbolique du problème de
prédimensionnement, en faisant apparaitre les variables d’entrée (fixées par le point de
fonctionnement) et les variables de sorties (à calculer).
Qppe P1 Qdos
Sdos P2
Qr
Sr Légende
Données d’entrée
Données de sortie
P0
Figure 92 – Représentation initiale du problème de dimensionnement
Ce dernier étant désormais connu, le problème de dimensionnement devient celui présenté en Figure
93.
Qppe P1 Qdos
Sdos P2
Qr
Sr Légende
Données d’entrée
Données de sortie
P0
Figure 93 - Représentation finale du problème de dimensionnement
Il reste alors trois variable dont les valeurs sont à déterminer au cours de l’activité de
prédimensionnement : la pression P1 et les sections Sr et Sdos. Pour ce faire, nous disposons des deux
équations de caractérisation des orifices de dosage et de retour :
(A-29)
(A-30)
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où et sont respectivement les coefficients de débits des orifices de dosage et de retour.
L’écoulement étant turbulent, ces coefficients ne dépendent donc pas de la viscosité du carburant,
mais uniquement de la géométrie des orifices.
Le bon fonctionnement de notre système de dosage impose que les débits Qdos et Qr soient positifs.
D’après les caractéristiques des orifices de dosage et de retour, données en (A-29) et (A-30), les deux
conditions suivantes doivent ainsi être vérifiées :
(A-31)
(A-32)
Etant donné que nous avons deux équations liant trois inconnues, le système de dosage possède un
degré de liberté. Celui-ci doit être fixé afin d’être en mesure d’obtenir les valeurs des deux autres
variables. Nous choisissons de fixer le paramètre de section de l’orifice de retour. C’est en effet le seul
paramètre qui ne varie pas d’un point de fonctionnement à l’autre. Les équations (A-29) et (A-30)
deviennent alors :
(A-33)
(A-34)
Les prédimensionnements ainsi obtenus ont été résumés dans la Figure 94. Pour chaque valeur de la
section de l’orifice de retour, un nouveau dimensionnement est généré.
Il est à noter qu’une limite a été placée sur la droite du graphique. Elle représente le cas où la
condition (A-31) n’est pas satisfaite. Il s’agit donc de points pour lesquels le système n’est pas
fonctionnel et donc le dimensionnement non valable.
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- Niveaux de pression
Sur le reste du domaine de dimensionnement, on observe que les pressions P1 obtenues pour les
points de ralenti sol sont très élevées (de 190 bars à 395 bars). Ceci est dû au fait qu’une grande
partie (88%) du débit générée par la pompe au ralenti doit être recirculé via la boucle de retour. Ces
valeurs élevées de pression auront une répercussion sur la masse et/ou la fiabilité des équipements
du circuit carburant, ce qui est un inconvénient majeur pour une conception de système aéronautique.
A l’issue de cette première partie de l’évaluation du système de dosage par restriction à « Pression
amont quelconque », nous avons choisi de retenir le dimensionnement avec un orifice de retour de
diamètre 1.03 mm. Comme nous l’avons vu en Figure 94, ce dimensionnement permet d’avoir les
pressions les plus basses tout en conservant des tailles d’orifices convenables.
(A-35)
En réinjectant cette expression de P1 dans l’équation (A-29), on obtient une équation du second degré
en débit dosé :
(A-36)
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Figure 95 – Evolution du débit dosé en fonction de la section de l’orifice de vanne de dosage au voisinage du
point de ralenti sol
2
Le gain au point de ralenti sol a été évaluée de manière numérique à 398 L/h/mm . De la même
2
manière, le gain au point d’OEI a été évalué à 5 L/h/mm . Ces résultats de gain vont à l’encontre du
cahier des charges du système de régulation en termes de pilotabilité. Il serait en effet bénéfique
d’avoir un gain faible à bas débit et un gain plus élevé à haut débit. En effet, ce fort gain à faible débit
impose une grande précision dans la régulation de la section de passage de la vanne de dosage. A
l’inverse, à haut débit un gain trop faible peut entrainer un retard du fait du temps nécessaire au
positionnement correct de la vanne de dosage.
III. Conclusion
Du fait de ses mauvaises performances en termes de pilotabilité, ainsi que des niveaux de pression
trop élevés engendrés dans le système, cette brique de dosage par restriction à « Pression amont
quelconque » a été retirée de la liste des briques candidates pour notre étude d’architectures.
Des études similaires ont été menées pour les quatre autres briques de la famille de dosage par
restriction. La prise en compte de spécificités de chacune des briques a permis d’adapter l’approche
que nous avons présentée dans cette annexe aux autres systèmes de dosage candidat. Cette étape
d’évaluation préliminaire a ainsi permis d’éliminer 3 des 5 briques initialement candidates.
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