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MAUPASSANT
LA SÉMIOTIQUE DU TEXTE
EXERCICES PRATIQUES

i� 1 - -
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DU MÊME AUTEUR

Sémantique structurale
Larousse
1966

Dictionnaire
de l'ancien français
Larousse
1968
D u sens
Seuil
1970

Sémiotique
et sciences sociales
Seuil
1976
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ALGIRDAS JULIEN GREIMAS

MAUPASSANT
LA SÉMIOTIQUE DU TEXTE
EXERCICES PRATIQUES

ÉDITIONS D U SEUIL
27, rue Jacob, Paris VIe
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I S B N 2-02-004365-3

© É d i t i o n s d u Seuil, 1976.

La loi d u 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions des-


ti nées à une utilisation collective. Toute représentation ou repro-
duction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce
soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants c a u ^
est illicite constitue une contrefaçon sanctionnée par les
articles 425 et suivants du Code Pénal.
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Avant-propos

1. La lecture qu'on propose ici d'un conte littéraire se veut un


échantillon d'exercices pratiques, c'est-à-dire l'illustration des ren-
contres du sémioticien — interrogeant et manipulant le texte — et du
texte, qui lui oppose tantôt son opacité tantôt une transparence qui ne
fait que réfléchir les jeux à multiples facettes qui y sont inscrits. Comme
l'exploration de l'ethnologue, installé sur le terrain, ce travail sur le
texte est censé être, pour le sémioticien, un retour naïf aux sources.
Cette comparaison peut être poussée encore plus loin : tout comme
l'étranger, s'établissant auprès d'une communauté qu'il sait autre,
apporte avec lui, en plus d'une sympathie quelque peu hypocrite
parce que fondée sur le postulat de la différence, tout son savoir anté-
rieur dûment organisé, la relation de l'analyste au texte n'est jamais
innocente et la naïveté des questions qu'il lui pose est souvent feinte.
Il lui arrive, heureusement, de temps en temps — et c'est là une récom-
pense pour des efforts disproportionnés aux découvertes — de ren-
contrer des faits qui dérangent ses certitudes et l'obligent à des remises
en question des explications toutes prêtes. Cette route parsemée
d'obstacles, selon l'image bien connue de Condillac, est peut-être
celle de toute pratique scientifique.
2. S'il est un domaine où les recherches sémiotiques semblent avoir
réussi à établir leurs quartiers, c'est bien celui de l'organisation syntag-
matique de la signification. Il ne s'agit là, bien sûr, ni d'un savoir cer-
tain ni des acquis définitifs, mais d'une manière d'approcher le texte,
des procédures de sa segmentation, de la reconnaissance de quelques
régularités et surtout des modèles de prévisibilité de l'organisation
narrative, modèles qui s'appliquent, en principe, à toutes sortes de
textes et même, à la suite d'extrapolations qui paraissent justifiées,
à des enchaînements, plus ou moins stéréotypés, de comportements
humains.
La reprise du travail de Propp, et surtout son insertion dans le
champ de recherches ouvert par les analyses mythologiques de Dumé-
zil et de Lévi-Strauss, ont rendu possibles ces études. La simplicité
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apparente des structures narratives que Propp a reconnues dans les


contes populaires, le choix heureux de son terrain de manœuvre,
expliquent ce retour triomphal : le conte merveilleux de l'enfance,
prête volontiers son évidence à la limpidité de la démonstration.
Depuis, nous avons travaillé, non sans quelques réarrangements et
généralisations, et nous continuons à travailler sur cet acquis proppien.
Aujourd'hui, alors que sa vertu heuristique semble peu à peu s'épui-
ser, il paraît tentant, quoique peu original, de suivre l'exemple de
Propp et — selon le principe qui invite à aller du connu à
l'inconnu et du plus simple au plus complexe —, de passer de la
littérature orale à la littérature écrite, du conte populaire au conte
savant, à la recherche de confirmations des modèles théoriques
partiels dont nous disposons et de résistances factuelles qui permet-
traient d'augmenter notre savoir relatif aux organisations narratives
et discursives.
3. Dans ce domaine, méthodologiquement circonscrit, de l'analyse
des discours narratifs, c'est la sémiotique littéraire qui, par le nombre
de chercheurs et la qualité de leurs travaux, occupe la première
place, la plus exposée aussi, à la fois aux éloges et aux critiques.
La rapidité de son développement et l'ampleur de ses ambitions ne
pouvaient pas, à vrai dire, manquer d'inspirer quelque inquiétude : qui
trop embrasse, mal étreint, dit la sagesse des Anciens. Aussi, l'impres-
sion que ces études semblent en ce moment marquer le pas vient-elle
de ce que, en ce domaine, nous savons certainement trop de
choses, mais que nous les connaissons mal. Cette crise de crois-
sance— car c'est de cela qu'il s'agit — se manifeste par un certain
nombre de symptômes qui prennent parfois la forme d'impasses :
a) Une certaine exploitation mécanique du schéma proppien consis-
tant, après sa simple projection sur des textes littéraires, à y reconnaître
une suite attendue de « fonctions » ou, mieux encore, l'utilisation des
modèles réduits qui définissent, par exemple, le récit, comme une
succession d'améliorations et d'aggravations de la situation, appa-
raissent comme autant de techniques répétitives, sans projet scienti-
fique : elles ne servent ni à augmenter notre connaissance des orga-
nisations narratives ni à rendre compte de la spécificité des textes
étudiés.
b) Des recherches littéraires visent souvent à concilier l'enquête
sémiotique avec les exigences du siècle, en choisissant des textes non-
représentatifs, mais modernes et hautement élaborés. Si leur analyse
permet souvent de montrer la valeur heuristique de la sémiotique et
l'enrichit de nouveaux concepts (dont l'importance intuitive ne doit
pas être mésestimée), elle n'en comporte pas moins un vice rédhibi-
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toire, celui de ne laisser le moindre espoir d'une éventuelle validation.


Ces travaux rejoignent parfois, par leur originalité, les meilleurs
essais de critique littéraire et s'y insèrent comme des points de vue
sur le texte : ils perdent, de ce fait, leur spécificité sémiotique.
Dans des cas plus fréquents et moins heureux, ils constituent ce
qu'on peut considérer comme un « apport » de la sémiotique à la
critique littéraire et qui va du renouvellement éphémère de son
vocabulaire à l'apparition d'une « écriture » sémiotique.
c) Une troisième attitude, enfin, conjugue les effets contradictoires
de la fascination que provoque la richesse du texte examiné et de
l'impuissance, avouée ou non, d'en rendre compte. Les justifications
théoriques de cette démission peuvent prendre diverses formes. On
insistera, par exemple, sur l'unicité de chaque texte, qui constitue, à
lui seul, un univers en soi, et l'on postulera la nécessité de construire
une grammaire pour chacun : mais le propre d'une grammaire
est de pouvoir rendre compte de la production et de la lecture d'un
grand nombre de textes, et l'emploi métaphorique de ce terme —
hommage du vice à la vertu — cache mal la renonciation au projet
sémiotique. On dira aussi que tout texte est susceptible d'une infinité
de lectures, ce qui est souvent une belle excuse pour se dispenser de
toute lecture, toujours fastidieuse. On prétendra, enfin, que la richesse
du texte provient de ce qu'il est le produit d'une infinité de codes
autonomes : c'est une façon de déplacer le problème, et non de le
résoudre, car ou bien le sujet de l'énonciation — producteur du texte —
est un monstre innombrable, ou bien ce sujet est déjà éclaté lui-même
en mille morceaux et c'est à d'autres profondeurs métaphysiques qu'il
faudra avoir recours pour y chercher le principe d'unité.
4. On pourrait probablement trouver des raisons idéologiques à ces
attitudes démissionnaires. Cependant, une simple explication pragma-
tique suffira pour l'instant : l'outillage méthodologique dont dispose
la sémiotique discursive à l'heure actuelle ne correspond pas — ou
plutôt pas encore — aux exigences de l'analyse des textes littéraires
complexes. Toutefois, cette inadéquation entre les moyens et les
besoins ne permet pas d'incriminer l'outillage ni de discriminer des
textes qui seraient soi-disant réfractaires à l'analyse. De même, notre
incapacité de reconnaître la cohérence syntagmatique de certains
textes, ou le caractère systématique de l'univers sémantique qui
leur est sous-tendu, ne doivent pas être précipitamment confondus
avec l'absence de cette cohérence ou de cette systématicité.
Tout nous invite, en somme, à poser le problème de la sémiotique
discursive en termes de stratégie et de tactique : une stratégie d'ensem-
ble pour une discipline donnée, selon laquelle les objets sémiotiques
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simples doivent être examinés avant les objets complexes; une tac-
tique particulière, pour l'approche de chaque objet discursif, qui
consiste à adopter le niveau optimal d'analyse, le mieux approprié
à l'objet, permettant de statuer, à la fois sur la spécificité d'un texte
et sur les modes de sa participation à l'univers sociolectal des formes
narratives et discursives.
En pensant que le meilleur moyen de donner des conseils c'est encore
d'être le premier à les suivre, nous avons trouvé que ce qu'il y avait de
mieux à faire, c'était de pratiquer un texte d'apparence simple, pro-
duit d'un écrivain passablement démodé, pour essayer de nous rendre
compte par nous-même de ce qui s'y passe.

II

1. Choisir Maupassant, c'est donc s'inscrire, d'une certaine


manière, dans la lignée de Propp, en continuant l'exploration sémio-
tique, celle d'un « genre » littéraire, le conte, et dont l'œuvre de
Maupassant — située entre celles de Mérimée et de Tchékov —,
constitue, de l'avis général, un des jalons remarquables. C'est aussi
choisir un texte connu : Maupassant est en effet un des écrivains
français les plus lus. Prendre un texte légèrement fané c'est enfin
s'assurer à l'avance d'une distance entre lui et le lecteur, dont le
regard n'est pas déformé par des ré-interprétations modernes.
2. L'étude d'un texte littéraire pose inévitablement, de manière
plus ou moins explicite, le problème de sa situation dans l'univers
littéraire sociolectal. Si l'on entend, par « univers littéraires », des
classifications de textes correspondant aux dimensions des aires cultu-
relles (ou parfois aux limites des sociétés fermées sur elles-mêmes)
et ayant la forme d'ethno-taxinomies qui articulent — à l'aide de
catégories distinctives et de lexicalisations appropriées — l'ensemble
des discours en classes et sous-classes et qui régissent, par la suite, les
productions ultérieures des nouveaux discours; et si l'on pense que ces
classifications « naturelles » peuvent être explicitées et présentées
comme des « théories de genres », on voit qu'en essayant de décrire
un texte littéraire comme celui de Maupassant, il faut commencer
par se demander dans quelle mesure on ne décrit pas, en même temps,
un texte « réaliste » de la prose française du xixe siècle.
3. L'ambiguïté s'installe ainsi comme un préalable de la recherche.
Car tout l'intérêt de la reprise, par la sémiotique, du schéma narratif de
Propp ne réside pas dans le fait qu'il permet de rendre compte
de l'organisation narrative du conte russe (ou européen, puisque
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participant à la même aire culturelle), ou qu'il peut être utilisé comme


modèle d'analyse de l'ethno-littérature en général; cet intérêt réside
dans le fait que le schéma proppien est susceptible d'être considéré,
après certains arrangements nécessaires, comme un modèle hypo-
thétique, mais universel, de l'organisation des discours narratifs et
figuratifs.
Aussi les études d'inspiration sémiotique, assez nombreuses, qui
cherchent à définir, par exemple, le « genre fantastique » ou le « genre
réaliste », posent-elles plus de questions qu'elles n'apportent de
réponses. Ainsi, si l'on choisit comme champ d'exploration un
corpus de textes traditionnellement et conventionnellement classés
sous telle ou telle étiquette, on ne dispose d'aucun moyen de s'assurer
que les traits communs, sélectionnés comme définitoires d'un genre, le
soient vraiment et ne se retrouvent tels quels — comme cela est arrivé
sous nos yeux — dans un genre à première vue éloigné, le discours
tragique, par exemple. Non seulement il n'existe pas de texte qui soit
la réalisation parfaite d'un genre, mais en tant qu'organisation
achronique le genre est logiquement antérieur à toute manifestation
textuelle.
Doit-on dès lors poser en premier lieu l'existence d'un « discours
réaliste », possédant son organisation propre, indépendant des
univers littéraires et des aires culturelles où il s'inscrit, et dont
les propriétés structurelles constantes seraient reconnaissables par
exemple à la manière de celles des proverbes et des énigmes,
européens, africains ou asiatiques? Comment faire pour ériger
le réalisme au statut de concept universel?
Notre ambition n'ira donc pas jusqu'à considérer le conte étudié
comme un texte réaliste.
4. La théorie européenne des genres comporte une dichotomie qui
oppose dès l'abord les textes poétiques aux textes en prose. L'évolution
des rapports entre celle-ci et la distinction d'« ensembles littéraires » —
au sens où ces derniers sont censés représenter des formes discursives
ancrées à des périodes historiques — n'a pas manqué de poser, à un
moment donné, une question de préséance : alors que, par exemple,
toute la littérature classique s'oppose en bloc à la littérature roman-
tique, la distinction entre poésie et prose n'en étant qu'une sous-
articulation interne, le xixe siècle procède, dans sa deuxième moitié,
à l'inversion hiérarchique de ces rapports, en faisant diverger les
deux courants sous des étiquettes de « symbolisme » et de « réalisme »,
en apparence incompatibles.
Cette distinction novatrice — qui peut bien correspondre à quelque
chose de plus profond, car on assiste à l'époque à une sorte de re-
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sacralisation du langage poétique — a été sanctionnée, d'une cer-


taine manière, par des spécialistes : nous pensons notamment à
Roman Jakobson, qui propose de l'homologuer comme opposition
entre le discours métaphorique et le discours métonymique.
Cependant, on ne peut manquer de se demander naïvement comment
il est possible que des hommes appartenant à la même génération, rele-
vant d'un même univers sociolectal et participant à la même épistémé,
soient si différents dans leurs productions et, ce qui plus est, dans les
formes et les modes de leur pensée — car c'est de cela qu'il s'agit —
métaphorique et métonymique, symboliste et réaliste. Comment est-il
possible qu'un Zola ait pu être en même temps un écrivain soucieux de
coller à la « réalité » et le critique ayant le mieux compris l'œuvre d'un
Manet? Car, si le langage poétique comporte ses propres exigences
— la corrélation nécessaire, plus précisément, entre les plans de
l'expression et du contenu —, on ne voit pas pourquoi l'organisation
de l'univers sémantique et ses réalisations discursives, métaphoriques
ou métonymiques, ne puissent être comparables dans les textes
poétiques ou prosaïques.
Nos analyses, pour partielles qu'elles soient, en arrivent à la conclu-
sion que Maupassant est presque tout autant un écrivain « symboliste »
que ses contemporains; d'autre part, le conte, en tant que genre, peut
être considéré comme l'équivalent, en prose — par sa structure à la
fois paradigmatique et syntagmatique — d'un poème. Cela ne nous
mène nulle part. Car si le réalisme n'est pas réaliste, le sémioticien
n'aura pas de peine à montrer que le symbolisme, de son côté, n'est
pas « symboliste », et notamment dans le sens ontologique qu'on a
l'habitude d'attribuer à ce terme.
En évitant ces conceptualisations de surface, nous nous sommes
attaché, lors des analyses fragmentaires qu'on pourra lire, à relever,
en vue d'un éventuel inventaire, les caractères sémiotiques générali-
sables du texte.
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Deux amis

Paris était bloqué, affamé et râlant. Les moineaux se faisaient bien


rares sur les toits, et les égouts se dépeuplaient. On mangeait n'importe
quoi.
Comme il se promenait tristement par un clair matin de janvier le
long du boulevard extérieur, les mains dans les poches de sa culotte
d'uniforme et le ventre vide, M. Morissot, horloger de son état et pan-
touflard par occasion, s'arrêta net devant un confrère qu'il reconnut
pour un ami. C'était M. Sauvage, une connaissance du bord de l'eau.
Chaque dimanche, avant la guerre, Morissot partait dès l'aurore,
une canne en bambou d'une main, une boîte en fer-blanc sur le dos.
Il prenait le chemin de fer d'Argenteuil, descendait à Colombes, puis
gagnait à pied l'île Marante. A peine arrivé en ce lieu de ses rêves, il se
mettait à pêcher; il pêchait jusqu'à la nuit.
Chaque dimanche, il rencontrait là un petit homme replet et jovial,
M. Sauvage, mercier, rue Notre-Dame-de-Lorette, autre pêcheur fana-
tique. Ils passaient souvent une demi-journée côte à côte, la ligne à la
main et les pieds ballants au-dessus du courant; et ils s'étaient pris
d'amitié l'un pour l'autre.
En certains jours, ils ne parlaient pas. Quelquefois ils causaient;
mais ils s'entendaient admirablement sans rien dire, ayant des goûts
semblables et des sensations identiques.
Au printemps, le matin, vers dix heures, quand le soleil rajeuni faisait
flotter sur le fleuve tranquille cette petite buée qui coule avec l'eau, et
versait dans le dos des deux enragés pêcheurs une bonne chaleur de
saison nouvelle, Morissot parfois disait à son voisin : « Hein! quelle
douceur! » et M. Sauvage répondait : « Je ne connais rien de meilleur ».
Et cela leur suffisait pour se comprendre et s'estimer.
A l'automne, vers la fin du jour, quand le ciel, ensanglanté par le soleil
couchant, jetait dans l'eau des figures de nuages écarlates, empourprait
le fleuve entier, enflammait l'horizon, faisait rouge comme du feu
entre les deux amis, et dorait les arbres roussis déjà, frémissants d'un
frisson d'hiver, M. Sauvage regardait en souriant Morissot et pronon-
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çait : « Quel spectacle! » Et Morissot émerveillé répondait, sans quitter


des yeux son flotteur : « Cela vaut mieux que le boulevard, hein? »
Dès qu'ils se furent reconnus, ils se serrèrent les mains énergique-
ment, tout émus de se retrouver en des circonstances si différentes.
M. Sauvage, poussant un soupir, murmura «En voilà des événements!»
Morissot, très morne, gémit : « Et quel temps! C'est aujourd'hui le
premier beau jour de l'année. »
Le ciel était, en effet, tout bleu et plein de lumière.
Ils se mirent à marcher côte à côte, rêveurs et tristes, Morissot reprit :
« Et la pêche? hein ! quel bon souvenir! »
M. Sauvage demanda : « Quand y retournerons-nous? »
Ils entrèrent dans un petit café et burent ensemble une absinthe; puis
ils se remirent à se promener sur les trottoirs.
Morissot s'arrêta soudain : « Une seconde verte, hein ? » M. Sauvage
y consentit : « A votre disposition. » Et ils pénétrèrent chez un autre
marchand de vins.
Ils étaient fort étourdis en sortant, troublés comme des gens à jeun
dont le ventre est plein d'alcool. Il faisait doux. Une brise caressante
leur chatouillait le visage.
M. Sauvage, que l'air tiède achevait de griser, s'arrêta : « Si on
y allait?
— Où ça?
— A la pêche, donc.
— Mais où?
— Mais à notre île. Les avant-postes français sont auprès de
Colombes. Je connais le colonel Dumoulin; on nous laissera passer
facilement. »
Morissot frémit de désir : « C'est dit. J'en suis. » Et ils se séparèrent
pour prendre leurs instruments.
Une heure après, ils marchaient côte à côte, sur la grand'route. Puis
ils gagnèrent la villa qu'occupait le colonel. Il sourit de leur demande
et consentit à leurfantaisie. Ils se remirent en marche, munis d'un laissez-
passer.
Bientôt ils franchirent les avant-postes, traversèrent Colombes aban-
donné, et se trouvèrent au bord des petits champs de vigne qui descendent
vers la Seine. Il était environ onze heures.
Enface, le village d'Argenteuil semblait mort. Les hauteurs d'Orgemont
et de Sannois dominaient tout le pays. La grande plaine qui va jusqu'à
Nanterre était vide, toute vide, avec ses cerisiers nus et ses terres grises.
M. Sauvage, montrant du doigt les sommets, murmura : « Les Prus-
siens sont là-haut! » Et une inquiétude paralysait les deux amis dèvant ce
pays désert.
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Les Prussiens! Ils n'en avaient jamais aperçu mais ils les sentaient
là depuis des mois, autour de Paris, ruinant la France, pillant, massa-
crant, affamant, invisibles et tout-puissants. Et une sorte de terreur
superstitieuse s'ajoutait à la haine qu'ils avaient pour ce peuple inconnu
et victorieux.
; Morissot balbutia : « Hein ! si nous allions en rencontrer ? »
h M. Sauvage répondit, avec cette gouaillerie parisienne reparaissant
malgré tout : « Nous leur offririons une friture. »
Mais ils hésitaient à s'aventurer dans la campagne, intimidés par
le silence de tout l'horizon.
A la fin, M. Sauvage se décida : « Allons, en route! mais avec pré-
caution. » Et ils descendirent dans un champ de vigne, courbés en deux,
rampant, profitant des buissons pour se couvrir, l'œil inquiet, l'oreille
tendue.
Une bande de terre nue restait à traverser pour gagner le bord du
fleuve. Ils se mirent à courir; et dès qu'ils eurent atteint la berge, ils
se blottirent dans les roseaux secs.
Morissot colla sa joue par terre pour écouter si on ne marchait pas
dans les environs. Il n'entendit rien. Ils étaient bien seuls, tout seuls.
Ils se rassurèrent et se mirent à pêcher.
En face d'eux, l'île Marante abandonnée les cachait à l'autre berge.
La petite maison du restaurant était close, semblait délaissée depuis des
années.
M. Sauvage prit le premier goujon. Morissot attrapa le second, et
d'instant en instant ils levaient leurs lignes avec une petite bête argentée
frétillant au bout du fil; une vraie pêche miraculeuse.
Ils introduisaient délicatement les poissons dans une poche de filet
à mailles très serrées, qui trempait à leurs pieds, et une joie délicieuse
les pénétrait, cette joie qui vous saisit quand on retrouve un plaisir aimé
dont on est privé depuis longtemps.
Le bon soleil leur coulait sa chaleur entre les épaules; ils n'écoutaient
plus rien; ils ne pensaient plus à rien; ils ignoraient le reste du monde;
ils pêchaient.
Mais soudain un bruit sourd qui semblait venir de sous terre fit trem-
bler le sol. Le canon se remettait à tonner.
Morissot tourna la tête, et par-dessus la berge il aperçut, là-bas,
sur la gauche, la grande silhouette du Mont-Valérien, qui portait au
front une aigrette blanche, une buée de poudre qu'il venait de cra-
cher.
Et aussitôt un second jet de fumée partit du sommet de la forteresse;
et quelques instants après une nouvelle détonation gronda.
Puis d'autres suivirent, et de moment en moment, la montagne jetait
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son haleine de mort, soufflait ses vapeurs laiteuses qui s'élevaient lente-
ment dans le ciel calme, faisaient un nuage au-dessus d'elle.
M. Sauvage haussa les épaules : « Voilà qu'ils recommencent », dit-il.
Morissot, qui regardait anxieusement plonger coup sur coup la plume
de son flotteur, fut pris soudain d'une colère d'homme paisible contre
ces enragés qui se battaient ainsi, et il grommela : « Faut-il être stupide
pour se tuer comme ça! »
M. Sauvage reprit : « C'est pis que des bêtes. »
Et Morissot qui venait de saisir une ablette, déclara : « Et dire que ce
sera toujours ainsi tant qu'il y aura des gouvernements. »
M. Sauvage l'arrêta : « La République n'aurait pas déclaré la
guerre... »
Morissot l'interrompit : « Avec les rois on a la guerre au dehors;
avec la République on a la guerre au dedans. »
Et tranquillement ils se mirent à discuter, débrouillant les grands
problèmes politiques avec une raison saine d'hommes doux et bornés,
tombant d'accord sur ce point, qu'on ne serait jamais libres. Et le
Mont- Valérien tonnait sans repos, démolissant à coups de boulet des
maisons françaises, broyant des vies, écrasant des êtres, mettant fin à
bien des rêves, à bien des joies attendues, à bien des bonheurs espérés,
ouvrant en des cœurs de femmes, en des cœurs de filles, en des cœurs de
mères, là-bas, en d'autres pays, des souffrances qui ne finiraient plus.
« C'est la vie », déclara M. Sauvage.
« Dites plutôt que c'est la mort », reprit en riant Morissot.
Mais ils tressaillirent effarés, sentant bien qu'on venait de marcher
derrière eux; et ayant tourné les yeux, ils aperçurent, debout contre
leurs épaules, quatre hommes, quatre grands hommes armés et barbus,
vêtus comme des domestiques en livrée et coiffés de casquettes plates,
les tenant en joue au bout de leurs fusils.
Les deux lignes s'échappèrent de leurs mains et se mirent à descendre
la rivière.
En quelques secondes, ils furent saisis, emportés, jetés dans une barque
et passés dans l'île.
Et derrière la maison qu'ils avaient crue abandonnée, ils aperçurent
une vingtaine de soldats allemands.
Une sorte de géant velu, qui fumait, à cheval sur une chaise, une
grande pipe de porcelaine, leur demanda, en excellent français : « Eh
bien, messieurs, avez-vous fait bonne pêche? »
Alors un soldat déposa aux pieds de l'officier le filet plein de poissons
qu'il avait eu soin d'emporter. Le Prussien sourit : « Eh! eh! je vois que
ça n'allait pas mal. Mais il s'agit d'autre chose. Écoutez-moi et ne vous
troublez pas.
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« Pour moi, vous êtes deux espions envoyés pour me guetter. Je vous
prends et je vous fusille. Vous faisiez semblant de pêcher, afin de mieux
dissimuler vos projets. Vous êtes tombés entre mes mains, tant pis pour
vous; c'est la guerre.
« Mais comme vous êtes sortio par les avant-postes, vous avez assu-
rément un mot d'ordre pour rentrer. Donnez-moi ce mot d'ordre et je
vous fais grâce. »
Les deux amis, livides, côte à côte, les mains agitées d'un léger trem-
blement nerveux, se taisaient.
L'officier reprit : « Personne ne le saura jamais, vous rentrerez paisi-
blement. Le secret disparaîtra avec vous. Si vous refusez, c'est la mort,
et tout de suite. Choisissez? »
Ils demeuraient immobiles sans ouvrir la bouche.
Le Prussien, toujours calme, reprit en étendant la main vers la rivière :
« Songez que dans cinq minutes vous serez au fond de cette eau. Dans
cinq minutes! Vous devez avoir des parents? »
Le Mont-Valérien tonnait toujours.
Les deux pêcheurs restaient debout et silencieux. L'Allemand donna
des ordres dans sa langue. Puis il changea sa chaise de place pour ne pas
se trouver trop près des prisonniers; et douze hommes vinrent se placer
à vingt pas, le fusil au pied.
L'officier reprit : « Je vous donne une minute, pas deux secondes de
plus. »
Puis il se leva brusquement, s'approcha des deux Français, prit
Morissot sous le bras, l'entraîna plus loin, lui dit à voix basse : « Vite,
ce mot d'ordre? Votre camarade ne saura rien, j'aurai l'air de m'atten-
drir. »
Morissot ne répondit rien.
Le Prussien entraîna alors M. Sauvage et lui posa la même question.
M. Sauvage ne répondit pas.
Ils se retrouvèrent côte à côte.
Et l'officier se mit à commander. Les soldats élevèrent leurs armes.
Alors le regard de Morissot tomba par hasard sur le filet plein de
goujons, resté dans l'herbe, à quelques pas de lui.
Un rayon de soleil faisait briller le tas de poissons qui s'agitaient
encore. Et une défaillance l'envahit. Malgré ses efforts, ses yeux s'em-
plirent de larmes.
Il balbutia : « Adieu, monsieur Sauvage. »
M. Sauvage répondit : « Adieu, monsieur Morissot. »
Ils se serrèrent la main, secoués des pieds à la tête par d'invincibles
tremblements.
L'officier cria : « Feu! »
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Les douze coups n'en firent qu'un.


M. Sauvage tomba d'un bloc sur le nez. Morissot, plus grand, oscilla,
pivota et s'abattit en travers sur son camarade, le visage au ciel, tandis
que des bouillons de sang s'échappaient de sa tunique crevée à la poitrine.
L'Allemand donna de nouveaux ordres.
Ses hommes se dispersèrent, puis revinrent avec des cordes et des
pierres qu'ils attachèrent aux pieds des deux morts; puis ils les portèrent
sur la berge.
Le Mont- Valérien ne cessait pas de gronder, coiffé maintenant d'une
montagne de fumée.
Deux soldats prirent Morissot par la tête et par les jambes; deux
autres saisirent M. Sauvage de la même façon. Les corps, un instant
balancés avec force, furent lancés au loin, décrivirent une courbe, puis
plongèrent, debout, dans le fleuve, les pierres entraînant les pieds
d'abord.
L'eau rejaillit, bouillonna, frissonna, puis se calma, tandis que de
toutes petites vagues s'en venaient jusqu'aux rives.
Un peu de sang flottait.
L'officier, toujours serein, dit à mi-voix : « C'est le tour des poissons
maintenant. »
Puis il revint vers la maison.
Et soudain il aperçut le filet aux goujons dans l'herbe. Il le ramassa,
l'examina, sourit, cria : « Wilhelm! »
Un soldat accourut, en tablier blanc. Et le Prussien, lui jetant la.
pêche des deux fusillés, commanda : « Fais-moi frire tout de suite ces
petits animaux-là pendant qu'ils sont encore vivants. Ce sera délicieux. »
Puis il se remit à fumer sa pipe.
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SÉQUENCE I

Paris

Paris était bloqué, affamé et râlant. Les moineaux se faisaient bien rares sur
les toits, et les égouts se dépeuplaient. On mangeait n'importe quoi.

1. ORGANISATION TEXTUELLE

1. Disjonctions temporelles et spatiales.

Le texte choisi, sous sa forme écrite, comporte un dispositif gra-


phique caractérisé par le choix des caractères d'imprimerie, le décou-
page phrastique, le découpage en paragraphes, etc. Ce dernier toute-
fois, qu'on aimerait considérer comme le critère quasi naturel — ou
du moins comme la marque évidente de l'intervention directe du
narrateur organisant son discours — ne possède malheureusement
qu'un caractère indicatif, c'est-à-dire facultatif et non-nécessaire.
Ceci provient, croyons-nous, du fait que tout discours — et à plus
forte raison le discours narratif — présente une organisation multi-
plane, et que sa mise en paragraphes peut correspondre à des délimi-
tations indiscutables, mais situées tantôt sur l'un, tantôt sur l'autre
des niveaux du déroulement discursif.
Aussi est-on amené le plus souvent à recourir, en premier lieu, aux
critères spatio-temporels de segmentation, qui ont l'avantage d'être
uniformément présents dans tout discours pragmatique, c'est-à-dire
dans le discours relatant des séries d' « événements » ou de « faits »
qui, eux, se trouvent nécessairement inscrits dans le système de coor-
données spatio-temporelles. Sans pour autant reconnaître le carac-
tère universel et surtout hiérarchiquement dominant de la segmen-
tation spatio-temporelle — nous verrons, au cours de cette analyse,
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que les disjonctions logiques prévalent parfois sur celle-ci —, il paraît


convenable, pour la clarté de la démarche, de l'appliquer, en première
instance, sur le texte à analyser.

1.1. La temporalité.
Du point de vue temporel, les deux premiers paragraphes du texte
se présentent intuitivement comme un ensemble de notations figu-
ratives renvoyant à une période temporellement déterminée, appelée
Iguerre/. Toutefois la dénomination guerre n'apparaît qu'au début
du troisième paragraphe, qui raconte les événements situés « avant
la guerre ». Ce n'est donc que rétrospectivement et par une rétro-
lecture des deux premiers paragraphes qu'on peut leur postuler un
soubassement temporel comme la projection de l'un des termes de
l'opposition :

<< avant la guerre » vs (pendant la guerre)

Cette opposition se décompose à son tour en deux catégories, une


catégorie proprement temporelle :

(1) Iavant/ vs /pendant/ vs /après/

et une catégorie dénominative, opérant la périodisation de la tempo-


ralité :

(2) /guerre] vs /paix/

C'est par la conjugaison des termes sélectionnés des deux catégories


— (1) et (2), /pendant/ qui est le temps dans lequel s'inscrivent les
événements narrés et /guerre/ qui est la dénomination sémantique,
axiologisée par les valeurs que comporte le texte, de ce cadre temporel
— que se trouve délimité l'espace textuel recouvrant les deux
premiers paragraphes.

Remarque : On notera qu'aucune des possibilités d'ancrage


historique — datation ou allusion aux événements de por-
tée socio-politique — n'est exploitée par le narrateur, comme
s'il voulait, par cette omission, présenter dès le début la
guerre comme un mal universel et absolu.
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1.2. La spatialité.
Si l'ancrage historique du récit reste implicite, son ancrage spatial,
au contraire, est affiché : le premier mot du texte, « Paris », est en
effet le toponyme désignant un des lieux posés par la narration.
Ce lieu topique, Paris, — et qui, en tant que nom propre, est en
principe vide de toute signification — est, de plus, immédiatement
qualifié par l'adjectif « bloqué », qui constitue la première de ses
déterminations spatiales et que l'on peut interpréter comme :

Cette catégorie sémique simple permet, en conformité avec la


délimitation temporelle, d'opposer les deux premiers paragraphes
du texte au troisième, qui commence par la notation du déplacement
disjonctif de l'acteur Morissot, passant de l' /englobé/ vers l' /englo-
bant/ (« Morissot partait... »).

2. Disjonction actorielle.

Les critères spatio-temporels que nous venons d'utiliser, s'ils per-


mettent d'établir une frontière assurée entre les deux premiers para-
graphes et la suite du texte, sont en revanche inopérants pour les
distinguer entre eux et nous obligent à rechercher de nouveaux cri-
tères de segmentation.
La disjonction actorielle apparaît comme un de ceux-ci. En
effet, la première lecture, superficielle, de l'ensemble du texte suggère
spontanément la possibilité de sa division en deux parties distinctes,
selon la dominance discursive des acteurs qui y sont manifestés :
ainsi, la première partie est caractérisée par la présence continue des
sujets phrastiques représentés par « ils » (ou, tantôt par Morissot,
tantôt par M. Sauvage), alors que la seconde partie est dominée par
l'itération du sujet phrastique « il » (l'officier prussien).
Pour rendre l'autonomie au premier paragraphe, en consolidant
ainsi les indications du dispositif graphique, on peut suggérer par
conséquent une opposition entre ce paragraphe — en l'érigeant en
même temps à la dignité de séquence (SQ) et la suite du texte, comme
étant fondée sur la distinction des sujets discursifs :
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Une telle disjonction actorielle, pour être justifiée, doit satisfaire


à deux conditions : il faut montrer d'abord que l'acteur Paris est un
acteur discursif, permanent tout le long de la séquence; il faut, ensuite,
fonder l'opposition sur une distinction catégorielle de deux classes
d'acteurs, représentés respectivement par « Paris », d'une part, et
« Morissot et M. Sauvage », de l'autre.
On voit tout de suite que l'organisation phrastique de la SQI fait
difficulté : elle est composée de quatre propositions coordonnées,
ayant chacune un sujet phrastique différent : « Paris », « les moi-
neaux », « les égouts » et « on ». Si une lecture intuitive nous pousse
à considérer comme évident le fait que le topique de ces quatre
propositions est toujours « Paris », la manifestation textuelle ne
l'affiche point, et les quatre propositions mises côte à côte peuvent
être lues, à la limite, comme des expressions figuratives autonomes,
comparables, disons, aux quatre images juxtaposées constituant la
strophe d'un poème symboliste. Le problème, qui peut paraître
oiseux à quelqu'un de non averti des exigences de l'analyse linguis-
tique, constitue la pierre d'achoppement de la grammaire discursive
(ou textuelle ), soucieuse d'assurer la cohérence du texte et de rendre
compte de la permanence des acteurs, manifestés, dans le déroule-
ment des discours, par différentes positions actantielles phrastiques.
Aussi l'examen de la séquence aura soin d'expliciter les présupposés
phrastiques permettant de garantir son isotopie actorielle.
Si l'on arrive à rendre compte, de manière satisfaisante du point de
vue linguistique — car il s'agit là d'un problème de linguistique dis-
cursive et non du niveau narratif, qu'on peut considérer comme trans-
linguistique —, de la permanence de l'acteur « Paris », on pourra
alors fonder l'opposition interséquencielle sur la distinction :

acteur collectif (« Paris ») vs acteur individuel (« deux amis »)

et la séquence tout entière pourra être lue comme l'ensemble de


déterminations qualifiant et instituant, de ce fait, « Paris » comme
acteur collectif.

Remarque : Nous considérons comme acteurs individuels non


seulement les acteurs pourvus d'une figure individuée, mais
aussi des couplages de différentes sortes (jumeaux, grand-mère
et petit-fils, etc.) bien connus en mythologie.
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2 . LA PREMIÈRE PHRASE

1. Les rôles thématiques.

Ayant ainsi établi provisoirement l'autonomie de la SQ 1, dont les


dimensions correspondent aux démarcations du premier paragra-
phe, l'analyse sémantique à entreprendre peut suivre sans difficulté
le découpage syntaxique en phrases du texte linéaire produit en fran-
çais. La première phrase
« Paris était /bloqué,/ /affamé/ et râlant/ »
de construction attributive, possède une structure ternaire de quali-
fications, à laquelle se trouve sous-tendue une connotation dyspho-
rique commune, qui constitue d'ailleurs le support continu de l'ensem-
ble de la séquence. Du point de vue sémantique, la structure ternaire
se dissout sans peine; le premier élément, comportant des détermi-
nations spatiales, se sépare en effet des deux autres qualifications, qui
en sont dépourvues et qui manifestent des contenus fortement axio-
logisés. Si l'on considère la proposition attributive comme suscep-
tible d'avoir le statut de la définition, on peut dire que la dénomina-
tion « Paris » est dotée d'une définition spatiale et d'une définition
axiologique.
Cette dernière comporte deux lexèmes, paraphrasés dans les dic-
tionnaires d'usage courant comme :
(a) « affamé » ~ souffrant de la faim
(b) « râlant » ~ faisant entendre le bruit rauque, en parlant du
moribond.

La deuxième de ces définitions paraphrastiques attire d'abord


notre attention par son caractère inhabituel : elle n'arrive pas à
décrire le comportement sonore (« le bruit rauque ») qu'en le ratta-
chant, en tant qu'une de ses manifestations particulières, à un nom
d'agent (« un moribond »), cet être lexématique dans lequel il est
aisé de reconnaître le rôle thématique, c'est-à-dire, le sujet doté d'un
parcours discursif approprié.
La première conséquence qu'on peut tirer de cette constatation est
l'extraction du sème /humain/ du contenu sémantique du lexème
« râlant » et son transfert de la définition à la dénomination : « Paris »
qui, jusque-là, n'était doté que d'une détermination spatiale dyspho-
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rique, acquiert maintenant une figure anthropomorphe, se trouve


« personnifié » et peut s'écrire comme :
« Paris » == /englobé/ + /dysphorique/ + /humain/
La deuxième conséquence consiste à reconnaître, derrière la mani-
festation figurative sonore de « râlant », l'existence d'un rôle thé-
matique que nous pouvons désigner comme celui de /mourant/ et
de le mettre en parallèle avec le rôle thématique de /vivant/, comme
étant manifesté par le lexème « affamé », car, en effet, seuls les vivants.
peuvent être affamés. Mais, dire de quelqu'un qu'il est mourant,
c'est reconnaître que son état se définit comme celui de /non-mort/,
tout comme l'état de vivant est celui de /vie/; états précaires, il est
vrai, parce qu'ils tendent vers leurs contradictoires, ceux de /mort/
ou de /non-vie/. La représentation, à titre de rappel, du carré
sémiotique permettra de visualiser ces deux « tendances » :

Ce que décrivent les lexèmes « râlant » et « affamé », ce sont des


positions incertaines des deux rôles de /mourant/ et de /vivant/ sur
les deux axes de contradictoires : (1) pour le /mourant/ et (2) pour le
/vivant/.

2. Les structures aspectuelles.

Il est évident qu'une telle représentation se heurte à des objec-


tions de simple logique : les termes contradictoires sont des termes
discrets, catégoriels, ne comportant pas de solution de continuité,
et la négation de l'un d'entre eux fait immédiatement surgir l'autre.
Comment interpréter alors les rôles de /mourant/ et de /vivant/, dont
les parcours narratifs implicites consistent justement à ménager le
passage d'un terme contradictoire à l'autre? La difficulté ne peut
être surmontée qu'en affirmant l'autonomie de deux niveaux distincts
de la représentation sémiotique, d'un niveau logico-sémantique où
se trouvent situées les opérations logiques rendant compte des mani-
pulations des contenus d'un texte, et d'un niveau discursif où ces
mêmes opérations logiques, une fois converties, sont susceptibles de
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recevoir, sur le plan grammatical, des formulations actantielles rele-


vant d'une grammaire narrative de surface et, sur le plan sémantique,
des représentations processuelles et aspectuelles.
Abandonnant donc provisoirement le niveau logico-sémantique,
essayons de nous représenter le fonctionnement d'un rôle thématique
au niveau discursif qui est le sien. Le fait d'être /mourant/ ou /vivant/
y apparaît comme un procès continu et, par conséquent, doté du
sème aspectuel de /durativité/ : on dira qu'à un état de nature logique
correspond, comme conséquence de la procédure de la temporalisa-
tion, un procès duratif, autrement dit, que la durée est la représen-
tation temporelle d'un état. Le procès duratif, à son tour, est suscep-
tible d'être délimité par deux aspectualités ponctuelles : l' /inchoati-
vité/ et la /terminativité/. Ainsi, dans le cas de /mourant/, le procès qui,
lui, est sous-jacent comporte l'aspect duratif — correspondant au
terme logique de /non-mort/ — et un aspect terminatif — corres-
pondant au terme /mort/. Un troisième sème aspectuel doit être
introduit ici, celui de /tensivité/ (indispensable lorsqu'on veut donner,
par exemple, la représentation sémantique des lexèmes tels que
« assez », « proche », « trop », « loin », etc) : il peut être défini comme
la relation de tension que contracte le sème duratif avec l'un ou
l'autre des sèmes ponctuels.
Dans le cas qui nous intéresse, c'est la relation tensive entre le
procès duratif et son achèvement, l'aspect ponctuel terminatif, qui
semble pouvoir rendre compte du parcours narratif des deux rôles
de /mourant/ et de /vivant/. L'interprétation que nous venons d'esquis-
ser peut être résumée dans le schéma suivant :

/VIVANT/ \niveau logique /vie/ . - /non-vie/


¡niveau aspectuel /dur./ / + tens./ ► /term./
/MOURANT/ (niveau logique /non-mort/ * > /mort/
\.niveau a s p e c t u e l /dur./ »/ + tens./ ► /term./

Le schéma montre bien que la relation tensive est une relation


orientée : si, à partir de la position /durativité/, correspondant à
/vie/, elle était orientée en sens inverse, elle viserait le terme /inchoati-
vité/ et rendrait compte du rôle thématique de /naissant/. Partant,
au contraire, de la position durative corrélée à /mort/, elle pourrait
établir la tension visant l'aspect terminatif correspondant à /non-
mort/ et donnerait ainsi la représentation du rôle de /ressusci-
tant/.
On peut se demander, à juste titre, quel est l'emplacement exact
des lexèmes « affamé » et « râlant » dans le dispositif que nous venons
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de mettre en place. Il est évident que, par leur présence dans le texte,
ces lexèmes justifient le montage du mécanisme rendant compte du
fonctionnement aspectuel des rôles thématiques et servant ainsi de
relais entre les contenus « mortels » profonds et la dénomination
« Paris », à laquelle ils sont attribués. Mais il y a plus. Ces lexèmes
sont des expressions figuratives dénotant l'épuisement progressif de
la vie et, de ce fait, relèvent d'un inventaire de variables stylistiques,
dans lequel le sujet de l'énonciation les a choisis. Tout en étant
inscrits dans le cadre de contraintes sémiotiques que nous avons
cherché à expliciter, ces choix deviennent, lorsqu'on atteint le niveau
figuratif, plus aléatoires (on ne voit pas, à première vue, pourquoi
l'énonciateur serait amené à choisir nécessairement la « faim » dans
toute une série de privations possibles, ou le « râle » parmi tant de
manifestations éventuelles de l'approche de la mort). Un dernier sème
aspectuel, celui d' /intensité/ doit toutefois être introduit : il signale
la position exacte, toute proche du point terminatif, dans l'exécution
du parcours narratif de /vivant/ et de /mourant/.

3. Une logique des approximations.

La reconnaissance de deux niveaux autonomes de représentation


sémantique — le niveau logique et le niveau discursif — et d'une
certaine équivalence qu'on peut postuler entre ces deux représen-
tations n'est pas sans importance pour la conception qu'on peut se
faire de l'économie générale de la théorie sémiotique. Le fait que,
pour être manifesté dans le discours, la structure logique du contenu
est susceptible d'être temporalisée et que les catégories logico-séman-
tiques de l'organisation sémiotique profonde peuvent être inter-
prétées à l'aide de catégories aspectuelles de la temporalité permet de
comprendre et de concilier deux types de transformations : les trans-
formations structurelles et les transformations discursives. Ainsi, par
exemple, la description de l'histoire fondamentale, conçue comme
une suite de transformations des structures profondes, n'exclut pas,
bien au contraire, sa projection sur l'axe de la temporalité, où l'his-
toire considérée comme discours retrouve ses durées, ses ponctua-
lités et ses tensions. A ne prendre, pour illustrer cette constatation,
qu'un détail de l'histoire de la langue française : si le passage du
français ancien, langue à déclinaison, en français moderne, langue
sans déclinaison, apparaît comme une transformation structurelle,
ce changement s'étale, au niveau de la temporalité de surface, sur
une période de quelque trois cents ans, où les transformations discur-
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sives partielles, les procédures de médiation et de suppléance ont


eu tout le temps de se manifester.
D'un autre côté, cette couverture de la contradiction logique par
la temporalité et son interprétation aspectuelle en termes de tensions
entre ce qui est présent et ce qui est encore absent — permettant,
on l'a vu, des surdéterminations intensives qui rapprochent les
contenus investis de l'un ou l'autre des termes contradictoires —
rendent compte d'un ensemble non-négligeable de faits sémiotiques,
dont l'explication paraissait difficile. En effet, la logique naturelle
(ou logique concrète), dont les manifestations sont fréquentes dans
les textes mythiques, sacrés, poétiques, etc., est caractérisée en partie
par les préférences qu'elle marque pour l'utilisation des catégories
relatives, dont les termes, au lieu de se présenter comme des disconti-
nuités catégorielles, s'opposent entre eux, comme des plus et des
moins, comme des excès et des insuffisances, comme des plus-values
et des manques à gagner (cf. par exemple, la sur-estimation et la
sous-estimation des relations de parenté, une des catégories expli-
catives du mythe d'Œdipe selon C. Lévi-Strauss). Une telle relativi-
sation de la contradiction permet d'envisager la possibilité d'une
logique des approximations qui, en traitant, à la manière de la topo-
logie, des objets à contours approximatifs, serait tout aussi rigou-
reuse que la logique catégorielle.
Pour en revenir maintenant à l'analyse de notre cas précis, on voit
que le mécanisme aspectuel que nous avons construit signale, sur
l'axe de la durée, la position discursive du rôle thématique comme
très proche, — à cause de la tension terminative et de l'intensité qui
la surdétermine —, de son aboutissement, à savoir de la position qui
correspond, au niveau logico-sémantique, aux termes respectifs de
/non-vie/ et de /mort/. Dès lors, si l'on adopte le signe / i / pour
marquer l'approximation, on peut définir les rôles thématiques
comme équivalents ou, ce qui revient au même, comme des conver-
sions des termes catégoriels, de telle sorte que :

/vivant/ ~ ^ /non-vie/
/mourant/ - :!: /mort/

Une représentation sémantique de la proposition attributive, que


nous considérons comme la définition de la dénomination topony-
mique [de] « Paris », peut être à ce stade proposée :

Paris = [englobé] + [/IL non-vie/ + j ± mort/] + [dysphorique] +


[/humain / + /figuratif/]
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3. LA DEUXIÈME PHRASE

1. L'isotopie discursive.

Sur le plan textuel, le problème qui se pose lorsqu'on veut aména-


ger le passage d'une phrase réalisée dans une langue naturelle à la
phrase qui la suit immédiatement, est celui de la cohérence discur-
sive : l'existence du discours — et non d'une suite de phrases indé-
pendantes — ne peut être affirmée que si l'on peut postuler à la totalité
des phrases qui le constituent une isotopie commune, reconnaissable
grâce à la récurrence d'une catégorie ou d'un faisceau de catégories
linguistiques tout le long de son déroulement. Ainsi, nous sommes .
enclins à penser qu'un discours « logique » doit être supporté par un
réseau d'anaphoriques qui, en se renvoyant d'une phrase à l'autre,
garantissent sa permanence topique. A l'inverse, le discours poétique
— surtout lorsqu'il vise consciemment « l'abolition de la syntaxe» —
manifeste à la surface, du fait de l'omission des marques de la récur-
rence, une certaine incohérence grammaticale. Entre les deux extrê-
mes, se situent toutes sortes de discours qu'on peut dire imparfaits,
dans le même sens que toutes les manifestations en langues natu-
relles sont imparfaites par rapport à l'idéalité des formes gramma-
ticales que nous leur postulons. Ces discours sont à la fois immédia-
tement compréhensibles et incohérents à la surface, et leur lecture,
qui relève de l'évidence pour l'usager de la langue, fait surgir des
obstacles presque insurmontables au linguiste, soucieux de faire
ressortir toutes les implicitations et de fonder objectivement, par la
reconnaissance des marques de la récurrence, la permanence de
l'isotopie discursive. Aussi les inquiétudes tatillonnes du linguiste,
qui s'efforce de mettre(a) jour les réseaux complexes de présupposés
sous-jacents à tout discours, paraissent-elles souvent futiles au sémio-
ticien ne s'intéressant qu'au maniement des grandeurs textuelles
transphrastiques.
Il en va ainsi de la séquence que nous examinons. Rien, apparem-
ment, dans la deuxième phrase composée de deux propositions
coordonnées, considérée en elle-même, n'indique qu'elle fasse suite
à la première, qu'il s'agisse là de la description de la ville de Paris; rien,
sinon le simple fait de leur succession : tout se passe comme si la
simple contiguïté, comparable en ceci au rôle qu'elle joue dans la
syntaxe freudienne du rêve, constituait à elle seule l'élément du plan
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de l'expression recouvrant et signalant la relation entre deux unités


phrastiques, et fondant ainsi leur succession en signification.
Cependant, pour rendre compte de la nature de cette relation, il
est préférable d'aborder le problème par un autre bout. Si, comme le
dit L. Hjelmslev, une des premières opérations du syntacticien est
la catalyse, c'est-à-dire l'explicitation des éléments phrastiques
implicites, on voit que le lexème « Paris » peut être introduit dans les
deux propositions coordonnées comme occupant l'emplacement des
déterminants de :
« les toits » (de Paris) »
« les égouts » (de Paris) »
Dès lors, la relation entre « Paris », d'une part, ses « toits », et ses
« égouts » de l'autre, se présente comme une relation de détermi-
nant à déterminé ou, plus grossièrement, comme une relation hypo-
taxique. Mais ce n'est pas tout. Si le lexème « Paris » (ou l'acteur
Paris, dans notre terminologie sémiotique) occupe, dans la première
phrase, la position de l'actant sujet, il joue, dans la deuxième propo-
sition coordonnée, le rôle de déterminant du sujet : alors, en cons-
tatant la récurrence de « Paris », dans les deux phrases, comme
signal de leur isotopie, on peut dire que la relation entre elles est
une relation hypotaxique simple. Il n'en est pas de même lorsqu'on
considère la première proposition, où « Paris » fait fonction de
déterminant non plus du sujet, mais du circonstant « toits » : étant
donné que le circonstant se situe, dans la hiérarchie de l'énoncé
simple, à un niveau de dérivation inférieur, la relation entre « Paris »
— sujet de la première phrase —, et « Paris » implicite — détermi-
nant de « toits » —, de la deuxième phrase, n'est plus une relation
hypotaxique simple; elle représente toute une cascade de relations
hypotaxiques dont le nombre correspond à celui des paliers de déri-
vation des constituants de l'énoncé. Nous dirons qu'il s'agit alors
d'une relation hypotaxique complexe.
Remarque : On peut très bien admettre, comme nous l'a fait
remarquer une de nos collègues d'Ottawa, que les articles
définis de « les toits » et « les égouts » peuvent être interprétés
comme étant dotés d'une fonction anaphorique supplémen-
taire et servent de marques de récurrence discursive. Ils auraient
alors la fonction de relais, renvoyant à la fois à l'antécédent
« Paris » de la première phrase et au déterminant « Paris »
implicité. (Cf. « J'aime Paris » ---> « j'aime le Paris d'avant-
guerre »).
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A U X MÊMES ÉDITIONS

EXTRAIT DU CATALOGUE

Barthes Roland, Le Plaisir du texte; S/Z;


Essais critiques; Le Système de la mode.
Bremond Claude, Logique du récit.
Cahiers pour l'analyse n° 7, Du mythe au roman.
Collectif, Le Sens de la ville.
Ducrot Oswald et Todorov Tzvetan,
Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage.
Genette Gérard, Figures 1; Figures 2; Figures 3.
Jakobson Roman, Questions de poétique.
Jolles André, Formes simples.
Kristeva Julia, Semeiotike, recherches pour une sémanalyse;
La Révolution du langage poétique.
Lejeune Philippe, Le Pacte autobiographique.
Propp Vladimir, Morphologie du conte.
Ricœur Paul, Le Conflit des interprétations.
Ruwet Nicolas, Langage, musique, poésie.
Sollers Philippe, Logiques.
Todorov Tzvetan, Poétique de la prose;
Introduction à la littérature fantastique;
Théorie de la littérature, textes des formalistes russes.
Tel Quel nO 35, La Sémiologie en URSS.
Weinrich Harald, Le Temps.
Wellek René et Warren Austin, La Théorie littéraire.

FIRMIN-DIDOT S.A. - PARIS - MESNIL.


D.L. 1er TRIM. 1976. No 4365 (8226).
Eprouver et enrichir l'outillage méthodologique
Maupassant de l'analyse des discours narratifs - en passant du
La sémiotique du merveilleux oral (Propp) au conte écrit, institué
texte : exercices comme genre littéraire -, tel est le premier objectif
pratiques de cette lecture de Maupassant. Des procédures plus
complexes de la production textuelle s'y recon-
naissent : dont l'implication de séquences entières,,
et le dépérissement progressif du niveau " événe-
mentiel " du récit au profit de sa dimension co-
gnitive.
La remise en question de certaines conventions
de la critique littéraire accompagne cet examen sé-
miotique : le dialogue, lieu de stéréotypies réalistes, j
apparaît chargé de vérités paradoxales ; la descrip-
tion de la nature, héritage romantique, se trouve
traversée de visées narratives, et des panneaux d'u-
nivers figuratif valorisé s'y déploient. Maupassant,,
écrivain réaliste ?
L'analyse sémantique rejoint la lecture théma-
tique : la figure de l'Eau exerce toutes les fascina- ;
tions. Attrait de l'Eau, mais aussi horreur de la va- '
cuité du Ciel. Une symbolique chrétienne se retrouve.,
recouvre le texte et invite à le lire comme une nou-
velle parabole de l'Evangile.
De nouvelles lectures s'ajoutent aux anciennes et
restent suspendues comme des éventualités, le conte
apparaît, un peu à la manière du sonnet, comme un
genre " à forme fixe ", où la clôture du texte serait
la condition nécessaire de son dépassement.
A.J. G.
Algirdas Julien Greimas
Né en 1917 en Lituanie. Doctorat ès lettres (Sorbonne,
1949). Professeur à Alexandrie, Ankara, Istanbul,
Poitiers. Directeur d'études (sémantique générale ) à
l'Ecole Pratique des Hautes Études, VIe section,
depuis 1965.

AUX ÉDITIONS DU - S E U I L

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