EBOOK Histoire Maghreb
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EBOOK Histoire Maghreb
L’acculturation qui se fait par l’islamisation et l’arabisation est un processus qui a duré 150
ans avant que n’apparaissent les premières fondations.
L’histoire de la conquête est rapportée par la tradition orale et par les chaînes de transmission
validées. Il n’existe pas de témoignages directs. Ibn Abd el Hakam est le premier auteur (829)
rapportant les événements. Des géographes livrent également des informations (Yakoubi au
9éme siècle et El Bakri, 1097). On a également des informations par les tabaqat d’Abu l’Arab
(Ifriqya, 9éme siècle).
Avant la conquête, cette contrée est la Berbérie qui est d’abord colonisée sur les côtes par les
Phéniciens (1000 ou 1200 av JC). Leur présence prend fin avec la chute de Carthage (202). Les
Romains prennent la suite et s’installent plus en profondeur après l’insurrection berbère de
Takfarinas. Vers 180 après JC le Christianisme s’installe. Il y a une centaine d’évêques en
Ifriqya au 3éme siècle.
En 395, l’empire Romain se divise en deux parties. En 503, l’empire d’Orient Byzantin se
réinstalle en Ifriqya (l’empereur Justinien chasse les Vandales) mais laisse le reste de la
Berbérie aux tribus berbères. A l’occasion des divisions religieuses chrétiennes, le
gouverneur d’Ifriqya, en 646, se déclare autonome par rapport à Byzance et change sa
capitale. Il quitte Carthage pour Séfoutoula afin de faire face aux Arabes qui sont arrivés en
Libye depuis 643.
Etapes de la conquête
Le point de départ de la conquête arabe est Fousta en Egypte en 647 pour aller combattre les
« Roums » d’Ifriqya. Les arabes écrasent les Byzantins et prennent Séfoutoula mais ils sont
peu nombreux et leur installation définitive se fera plus tard. Le projet d’implantation
permanente prend forme après la mort du calife Moua wiya à Damas en 680. Uqba ben Nafi a
créé Kairouan en Ifriqya dès 670. En 682-683, il effectue une reconnaissance jusqu’aux côtes
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atlantiques mais il meurt sur le chemin du retour à Tehuda en 683 à l’occasion d’un
soulèvement berbère.
Entre 683 et 686, un Berbère islamisé se soulève : Kusayla. Il prend la tête de troupes berbères
et byzantines. La réaction arabe va mettre du temps pour s’organiser car au même moment se
produit le massacre de Kerbela dans le bas Irak.
C’est sous le califat d’Abd el Malik que la situation se stabilise. La première monnaie
islamique est créée et commence à circuler. Un gouverneur arabe, Hasan ibn el Numan, lance
des campagnes entre 693 et 702 au terme desquelles l’Ifriqya est contrôlée et le soulèvement
berbère de la Kahina dans les Aurès est écrasé.
C’est à partir de ce moment que la conquête a vraiment lieu.
La seconde phase est conduite par un autre gouverneur, Musa Ibn Nusayr, entre 705 et 711.
En 711 , Tariq Ibn Ziyad franchit le détroit de Tanger et passe en Andalousie. La conquête du
Maghreb est achevée.
Face aux crises qui affectent le Califat (les fitna), le Maghreb passe au second plan des
préoccupations de l’empire arabe et devient la terre d’accueil des divers dissidents fugitifs
comme les Kharigites par exemple. Ces fugitifs sont plutôt bien accueillis localement, ce qui
explique le succès du kharigisme.
- Pour les Arabes, le Maghreb apparaît d’emblée comme un territoire sinon hostile du moins
peu sûr. C’est le pays « perfide » (mufariqa). Instable, il n’est pas considéré comme un foyer
de civilisation tel la Mésopotamie, la Syrie ou l’Egypte. Les Arabes ne s’empressent pas de
convertir les habitants et se contentent d’exploiter le territoire en prélevant le butin (richesses,
animaux, hommes et femmes...). Les rafles de femmes vont durer jusqu’en 739.
- Malgré le peu d’empressement des Arabes pour islamiser les Berbères, l’islamisation
progresse rapidement grâce à ses principes égalitaires et à la simplicité du rite). Cette
situation pose des problèmes aux conquérants car les convertis acquièrent, en principe, les
mêmes droits que les musulmans arabes d’où la remise en question du butin et même du
système d’impôt. En principe, les musulmans paient l’aumône (zaqat) mais pas l’impôt de
capitation (gizya) auxquels sont soumis les dhimmis (gens du Livre protégés) ni le Kharaj qui
est l’impôt foncier pour les non musulmans. La question du statut des terres est donc posé.
En fait, les convertis ne vont pas avoir les mêmes droits que les conquérants d’où un
sentiment d’injustice qui va susciter des soulèvements et qui sera exploité par les kharigites
réfugiés en provenance d’orient.
Une première révolte est déclenchée dans la région de Tanger par les Berbères qui remportent
la bataille « des Nobles » sur les rives du Chélif en 740.
A Gabès, en Ifriqya, un soulèvement kharigite enferme le gouverneur arabe dans Kairouan qui
tombe en 748. A cette occasion, les assaillants kharigites sont attaqués à leur tour par les
Ibadites du Djebel Nefousa.
A l’arrivée de nouvelles troupes arabes, les insurgés se retirent dans l’intérieur du pays. Ibn
Rostem fonde une petite principauté kharigite Ibadite à Tahert (de 761 à 909). Une autre
principauté est créée à Tlemcen (de 742 à 749). Une troisième principauté est fondée sur la
côte atlantique, Berghouata, qui va durer de 742 à 1148. Une autre implantation a lieu dans le
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djebel Néfousa, dans l’actuelle Libye, qui dépend de l’Imamat de Tahert. Enfin, une autre
principauté est créée à Sigilmassa en 752 par des Berbères (les Miknasa) qui sont kharigites
sufrites. Une petite dynastie va durer jusqu’en 958.
En 761, les Arabes lancent une contre offensive. Parmi eux, Al-Aghlab Salim Tamimi qui
fondera la dynastie des Aghlabides.
En 768, une nouvelle insurrection tente de renverser le gouverneur. La réaction est brutale.
C’est la chasse aux insurgés qui sont dispersés en 772. A cette date on peut considérer que
l’Ifriya est sécurisée et que, désormais, une administration va pouvoir se mettre en place.
NB : Les Kharigites : Issus de la bataille de Siffin en 657, le mouvement Kharigite est divisé en
plusieurs tendances caractérisées par des degrés variables d’opposition insurrectionnelle
(du quiétisme des Ibadites à la violence politico-religieuse extrême des Azraqites en passant
par des modérés relatifs, les Sufrites).
Les premiers signes de stabilisation apparaissent entre 780 et 800. Les structures étatiques
sont encore précaires. Le sunnisme malikite se développe dans la population en s’appuyant
sur les critères de probité et de rigueur.
L’émirat Aghlabide d’Ifriqya se crée à partir des gouverneurs nommés par le Calife et issus
d’une même famille. Ces gouverneurs, originaires du Khurasan, amènent avec eux leurs
familles, leurs troupes, leurs serviteurs et leurs clients (mawalis). Le « Djoun » arabe de la
conquête étant issu de clans différents et souvent adverses, des soulèvements se produisent
et maintiennent un climat d’instabilité (particulièrement en 799). C’est Ibrahim Ibn Aghlab al
Tamimi qui va endiguer ces révoltes. Poussé par la population, il propose au Calife sa
désignation au poste de gouverneur en contrepartie d’avantages financiers pour ce dernier.
Nommé gouverneur, il donne naissance à une dynastie qui va régner jusqu’en 909.
L’émirat affirme au fil du temps son autonomie tout en manifestant des signes d’allégeance au
Calife.
Comme le souverain abbasside, l’Emir s’entourer d’une cour, s’isole du peuple (usage du
« sitr » durant les audiences par exemple, ce qui provoque la colère des religieux au motif que
l’usage du voile est un acte de sacralisation de la personne de l’Emir), recours à la Bay’a (acte
d’allégeance des tribus)...Mais la souveraineté califale s’affirme par la frappe des monnaies
d’or, la rutba du vendredi est prononcée en son nom, le Calife investit l’Emir.
L’instabilité dure jusqu’en 812 du fait des dernières révoltes du Djoun. Entre 812 et 838,
l’Emirat se consolide malgré d’autres révoltes du djoun (en particulier entre 823 et 836 près de
Tunis). Deux émirs règnent successivement durant cette période de consolidation. Afin
d’offrir une dérivation à l’agitation chronique du Djoun et de lui permettre d’avoir un butin,
l’Emir lance à partir de 826 la conquête de la Sicile, ce qui lui permet de développer une
marine (développement des « courses » c’est à dire des attaques de navires chrétiens par des
corsaires de l’Emirat).
La maturité du régime et la mise en place d’une véritable administration se réalisent entre 838
et 863. Une administration fiscale est mise en place, des grands travaux sont lancés
(fortifications, réseau hydraulique...), la Cité est gérée.
A partir de 864, l’Emirat rencontre des difficultés financières (dépenses de la Cour ?
prélèvements d’impôts illégaux provoquant des réactions ? épidémies ?...). Le pouvoir
s’affaiblit. L’Emir Ibrahim II sombre dans la folie. Il est destitué en 902. Des révoltes conduites
par un chiite éclatent en Kabylie et finissent par chasser le dernier Aghlabides en 909. Le chef
chiite de la révolte va chercher à Sigilmassa le Mahdi caché afin d’en révéler publiquement la
présence et lui demander de créer un califat. En 912, Le Mahdi Ubayd Allâh fonde le Califat
fatimide chiite au Caire. En 929, les derniers Omeyyades fondent le Califat de Cordoue.
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Les débats théologiques en Ifriqya
Le peuplement est très diversifié comme l’attestent les sources de l’époque (cf. écrits du
géographe Yakubi). Il y a des Berbères, des Arabes, des Khurassaniens, des Grecs byzantins,
des Berbères latinisés.
Le califat fatimide est d’obédience chiite (chiisme sptimain ou ismaëlisme). Les caractères
secrets, complexes et hiérarchiques du chiisme freinent sa diffusion au Maghreb.
L’envoyé secret Ismaëlien Abu ‘Abd Allah al Chii s’installe chez les Kutama, en Kabylie, dans
la ville de Ikjam à partir de laquelle il conduit sa prédication secrète (da’wa) avec l’objectif de
révéler - le moment venu - le Mahdi afin d’instaurer le Califat-Imamat Ismaëlien.
En 902, Al Chii, qui a constitué un groupe d’initiés, engage les premières opérations militaires
contre les Aghlabides. En 904 l’Imam Mahdi Ubayd Allah quitte Salamya en Syrie pour se
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réfugier secrètement à Sigilmassa qui est encore une principauté kharigite. Il y reste jusqu’en
910.
En 909, les Kutama prennent Kairouan et chassent les Aghlabides. Al Chii s’installe à
Kairouan et, en 910, part à Sigilmassa pour ramener et révéler le Mahdi Ubayd Allah. Au
passage, il s’empare de Tahert.
Le califat est proclamé en 910. Il comptera 4 califes avant son transfert en Egypte :
- Ubayd Allah : 910-934
- Al Qain : 934-946
- Isma’il : 946-953
- Al Mu’izz : 953-975 (qui partira pour l’Egypte en 972).
Dès sa prise de pouvoir, Ubayd Allah entre en conflit avec Al Chii qui prétend conserver la
réalité du pouvoir en laissant au calife sa fonction d’Imam. Al Chii est assassiné en 911. En
921 la ville de Mahdia, nouvelle capitale, est achevée.
Les prémisses d’une politique d’expansion apparaissent en 922 vers le centre et l’ouest du
Maghreb. Les territoires sont nécessaires pour fournir des ressources pour les opérations
futures.
Al Qaim fait une tentative vers l’Egypte mais il doit faire face à un soulèvement généralisé en
Ifriyya groupant Malikites et Kharigites. Le meneur est Abu Yazid, l’homme à l’âne. Le calife
doit s’enfermer dans Mahdia. Il meurt durant les émeutes.
Son fils Isma’il parvient à endiguer la rébellion. Rompant avec le cérémonial d’isolement, il
conduit lui-même l’armée. Le pays est pacifié en 947. Il fonde la ville de Mansouria où il
s’installe.
Il tente en 947 une reprise en main du Maghreb central et de l’ouest mais il s’arrête à Tahert.
Le Maroc reste donc sous l’influence de Cordoue.
Al Mu’izz déploie une forte activité diplomatique et militaire en direction de l’Egypte. Il obtient
l’alliance des Sanhanja pour stabiliser le Maghreb central. Il lance des attaques contre les
Omeyyades de Cordoue à partir de Mahdia et de la Sicile, mais sans succès. Gahwar prend
Sigilmassa mais le nord du Maroc reste Omeyyade. Al Mu’izz se tourne alors vers l’Egypte
dirigée par une dynastie turque, les Ikhchidides et affaiblie par la famine et les épidémies. A
Fousta, un homme originaire d’Afrique noire, Kafu, prend le pouvoir pendant que dans le
delta, les prédicateurs chiites sont à l’œuvre et apportent des soutiens aux populations.
En 969, les Fatimides avec Gahwar à la tête de l’armée s’emparent de Fousta et créent en 972
Le Caire. Le pouvoir califal quitte alors Kairouan pour s’installer définitivement au Caire. Un
gouverneur Sanhanja, Buliggin, reste à Kairouan comme gouverneur Fatimide représentant le
calife en Ifriqyya.
Ces gouverneurs rejettent la tutelle califale en 1049 en déclenchant ainsi le chaos généralisé.
Le malikisme va se diffuser à nouveau ainsi que le hacharisme.
Le Califat de Cordoue
Le Califat Omeyyade de Cordoue s’est érigé en réaction au Califat Fatimide d’Ifriqyya et des
attaques sur le Maghreb central.
Le Califat de Cordoue lance la construction d’une résidence califale : Madina el Zahara dix ans
après la proclamation du Califat.
Le Calife est à la fois le roi et l’Imam suprême. La fonction séculière s’accompagne d’un
certain nombre de signes symbolisant le pouvoir : palais, emblèmes, cérémonial d’isolement
conférant une sorte de sacralité. On invoque des figures historiques telles Aristote, Alexandre
le Grand...et on construit un discours de légitimation et d’autorité. On invoque des
« prophètes » (Sulaïman par exemple). L’édification de Madina el Zahara procède de cette
démarche. Parfois les fuqaas ( les juristes) vont critiquer la pompe royale des Omeyyades. Le
Maghreb s’inscrit en opposition face au faste de l’orient (Perse, Byzance).
Le Calife s’isole de plus en plus du peuple et des dignitaires. Un personnage important
apparaît : le Hagib (chambellan). La sacralisation du souverain est accentuée par l’itinéraire
presque initiatique que doivent parcourir les visiteurs et les serviteurs pour voir le roi (palais
labyrinthe, voile...).
Au plan culturel, le rayonnement passe par l’arabité (langue et poésie de cour). La poésie
arabe constitue un champ d’expression libre.
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Ibn Hazm compose « le collier de la colombe » (Tawq al Hamame). Il est à la fois poète, juriste
et théologien. Autre aspect du rayonnement : l’Adab qui participe du mode de vie courtois et
citadin. Il y a des médecins, des astrologues.
Abu-l-Qasim al Zahrawi est médecin et auteur d’un ouvrage de référence sur la chirurgie.
Des juifs et des chrétiens entourent le calife. Les ouvrages grecs sont traduits en arabe.
La pharmacopée se développe ainsi que les sciences du corps et de la terre. On assiste au
développement de l’agriculture, de la vie citadine, des bibliothèques. Des femmes sont
copistes. La cour compte de nombreuses femmes lettrées.
Cordoue est l’une des plus grandes villes connues à l’époque (20 kms de circonférence et
entre 100 000 habitants et 1 million selon les estimations). La grande mosquée de Cordoue est
édifiée entre 784 et 786.
C’est une période assez stable. Les royaumes chrétiens du nord paient un tribut pour avoir la
paix. Le califat va s’effondrer en laissant une vingtaine de petits royaumes, les Taïfas qui vont
devoir payer un tribut aux royaumes chrétiens qui vont, ainsi, être progressivement en
mesure de financer la reconquête. L’Europe va également commencer à se développer.
C’est le règne de Hicham II qui marque le début du déclin califal. La réalité du pouvoir va
passer entre les mains d’un Hagib, Ibn Abi Amir « el Mansour » qui meurt après dix ans de
« dictature ». La charge de Hagib devient, de fait, héréditaire. Abi Amir s’appuie sur une
troupe berbère qui entretient des relations tendues avec les Andalous.
L’un de ses fils, Adb-er-Rahman, va prétendre au Califat et déclencher une fitna. Adb-er-
Rahman meurt et les Berbères pillent Cordoue en 1013.
Le Califat est aboli en 1031. Les Taïfas lui succèdent jusqu’en 1086, à l’arrivée des
Almoravides venus du Sahara et appelés à l’aide afin de contenir les chrétiens (prise de
Tolède en 1085).
Les Almoravides ont du mal à s’imposer en Andalousie. Leur reconquête est longue et
laborieuse.
Dans le même temps, au Maghreb, les Zirides délèguent le gouvernorat du Maghreb central
aux Hammadides. Les Normands s’installent sur les côtes d’Ifriqyya à partir de 1141.
L’allégeance aux Fatimides est rejetée en 1049.
Leur leader est ‘Abd Allah Ibn Yasim, imam charismatique et rigoureux qui conduit les
Sanhanja, tribu berbère nomade composée de trois groupes : Guddala, Lamtuna et Lamta, au
sud du Maroc actuel, contrôlant ainsi le commerce trans-saharien.
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Organisation du pouvoir Almoravide et extension
Dans un premier temps le gouvernement des Sanhanja Almoravides obéit au modèle tribal,
c’est-à-dire un contrôle du pouvoir par les assemblées de dignitaires et une transmission du
pouvoir non héréditaire. Le second Emir est Yahya ben Umar jusqu’en 1056 puis son frère
Abu Bakr de 1056 à 1072. Entre 1056 et 1072 le territoire Almoravide va s’étendre
considérablement. Une ville est créée en 1070, Marrakech. C’est la seule création urbaine
Almoravide. Abu Bakr désigne un de ses cousins, Yussuf b. Tashfin, pour gouverner le Nord
à partir de Marrakech. Quant à lui il s’installe au sud. Yussuf fonde une véritable structure
d’Etat et s’entoure d’une garde personnelle composée d’esclaves noirs et de mercenaires
chrétiens Andalous. Il frappe monnaie. A son retour à Marrakech en 1072, Abu Bakr décide de
confier le pouvoir à Yussuf et lui cède sa femme, Zeinab, femme fortunée et influente, ex
épouse du dernier maître de Sigilmassa. Abu Bakr s’installe dans le sud saharien et
entreprend la conquête du pays « noir ». Le Ghana est pris en 1076. Il meurt en 1087.
Yussuf prend le titre d’Emir des Musulmans en 1073 (il ne prend pas le titre califal d’émir des
croyants) et s’attaque au nord de l’actuel Maroc à partir de 1075 (prise de Fès et de Tlemcen).
Il s’empare d’Alger puis de Sebta (Ceuta) en 1083.
Une administration est mise en place. 4 circonscriptions sont créées et dotées de
gouverneurs et de magistrats sunnites malikites. L’Etat Almoravide est, de fait, autonome par
rapport au calife abbasside de Bagdad.
Pendant ce temps, en Andalousie, les Taïfas sont divisés et incapables de contenir la poussée
chrétienne qui prend l’allure d’une reconquête avec la prise de Tolède en 1085. Après
beaucoup d’hésitations, certains rois de Taïfas appellent les Almoravides à leur secours bien
que le pillage de Cordoue par les Berbères aient laissé un très mauvais souvenir. Lors d’une
première expédition, en 1086, les Almoravides, grâce à une technique militaire efficace,
remportent une victoire décisive à Zallaqa et contiennent pour un moment les chrétiens. Cette
victoire pousse les fuqaas locaux à prendre leur parti et à réclamer la destitution des rois des
Taïfas. Une seconde expédition a lieu en 1088 puis une troisième en 1090 à partir de laquelle
les Almoravides vont s’emparer des Taïfas et unifier l’Andalousie. Seule la région de Valence
résiste (épisode du « Cid ») jusqu'à la quatrième et dernière expédition de 1097. Valence
tombe en 1102. A cette date l’empire Almoravide est à son apogée.
Yussuf b. Tashfin meurt en 1106. C’est lui qui fonde la dynastie Almoravide en rompant avec
le système tribal et en transmettant le pouvoir à son fils ‘Ali.
Une culture d’empire va naître. L’art andalou va passer au Maghreb extrême. Les gouverneurs
almoravides d’Andalousie vont s’intégrer à la vie citadine et de cour. L’Etat Almoravide met en
place une chancellerie tenue essentiellement par des lettrés Andalous, les katib. Ils vont
diffuser une culture d’Etat par le biais des actes officiels mais aussi par la poésie courtoise la
culture andalouse.
Le commerce est actif et prospère entre l’empire, l’Europe du sud, le Maghreb et l’orient
arabe.
De nombreuses mosquées sont édifiées (Tlemcen en 1136, Alger...).
Concernant la relation entre l’empire berbère Almoravide et le Califat Abbasside de Bagdad, il
semble que les Almoravides n’aient pas clairement fait allégeance au calife mais que,
fortuitement, ils aient disposés d’un diplôme califal d’investiture rapporté par Abu Bakr Ibn
Arabi fils d’un exilé Andalou de Séville qui tentait ainsi de rentrer en grâce auprès des
Almoravides et de récupérer les biens paternels confisqués. Ce faisant, Ibn Arabi diffuse en
Andalousie les oeuvres de Ghazali.
‘Ali poursuit la lutte contre les chrétiens mais ne parvient pas à regagner du terrain. Il meurt
en 1143 alors que les Almohades occupent le nord du Maroc. Son fils Tachfin doit faire face à
une révolte des musulmans d’Espagne. Un des chefs rebelles demandent l’aide des
Almohades. C’est la fin des Almoravides.
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Les Almohades 1120-1269
Ibn Tumert est issu de la tribu des Sanhanja plus précisément du groupe des Hargha dans
l’Atlas, dans le village d’Igilliz. Il est envoyé par ses parents pour faire ses études d’abord à
Marrakech puis en Espagne puis en orient. Il se rallie à la doctrine d’El Ach’ari fondateur du
Kalam qu’il va faire triompher au Maghreb à son retour. Ibn Tumert devient le Mahdi. Il
rencontre à Bougie son futur calife en la personne du jeune Abd-el-Mumin. La doctrine d’Ibn
Tumert repose sur le retour aux sources, c’est-à-dire le Coran et la tradition prophétique de
Médine sans recourir à l’interprétation (Raï). Il prône une extrême rigueur des mœurs et des
pratiques religieuses. Le fondement essentiel de sa théologie est l’unicité de Dieu (tawid) d’où
le nom d’almohade (les unitaires). La doctrine ach’arite exclue l’interprétation littérale des
malikites. Sa théologie est largement diffusée dans le peuple en langue berbère par des
moyens simples. Ce n’est qu’après son arrivée au Maroc que le principe politique chiite centré
autour de la personne du Mahdi et de l’Imam impeccable apparaîtra. De retour au Maroc, Ibn
Tumert se heurte à l’autorité Almoravide qui s’appuie sur la doctrine malikite.
Il quitte donc la Kabylie et gagne le Maghreb extrême. Il engage des débats avec les docteurs
malikites à Marrakech et le souverain ‘Ali ibn Yussuf voit en lui un perturbateur et envisage de
le poursuivre. Le Mahdi est prévenu et s’enfuit. Il prêche dans sa tribu d’origine durant trois
ans. Il est reconnu comme Mahdi et Imam. Il s’installe à Tinmel au milieu de la tribu Masmuda.
Il s’organise sur le modèle du Prophète et tente de fédérer des tribus jalouses de leur
indépendance. Il fonde la « maison » du Mahdi qui constitue un état-major et crée le conseil
des Dix et le conseil des Cinquante. Les tribus sont hiérarchisées. Il organise un Etat régulier
dans l’Atlas avec des ressources et des troupes. Abd-el-Mumin est adopté et devient chef de
guerre. A la mort du Mahdi, vers 1127, Abd-el-Mumin prend le titre de Calife et se lance à
l’assaut des Almoravides à partir de la montagne qui le protège. Marrakech est prise en 1146.
Les Almohades écrasent la révolte des Beghwata et des Dukkala vers 1148.
Avant la prise de Marrakech, les Almohades sont appelés à l’aide en Espagne. Ils se
contentent dans un premier temps d’envoyer quelques troupes afin de ne pas multiplier les
fronts mais la menace chrétienne les obligent à une intervention plus forte. Les musulmans
d’Espagne reconnaissent Abd-el-Mumin comme souverain en 1150. Abd-el-Mumin se tourne
vers Tlemcen puis Bougie. Il écrase le royaume hammanide puis les Hilaliens vers Tébessa en
1152.
Il s’attaque ensuite à l’Ifriqyya pour rejeter les Normands qui s’installaient depuis
l’effondrement des Zirides et pour réduire la puissance des tribus arabes. Il déporte de force
les Hilaliens vers la région des Dukkala dépeuplée depuis la répression de 1148.
Le Maghreb est ainsi unifié avec l’Andalousie.
‘Abd-el-Mumin organise ses conquêtes. Il crée un cadastre afin d’assurer des ressources
fiscales. Il n’hésite pas à utiliser la force. Les tribus Makhzen sont dispensées du Kharaj.
A sa mort il laisse le pouvoir à son fils Abou Ya’Kub (1163-1184). Il doit faire face à des
rebellions au Maghreb puis il lance la guerre sainte en Espagne. Il y trouve la mort. Son fils
Abu Yusuf Ya’kub dit el Mansur lui succède. C’est sous règne que l’empire est le plus brillant.
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Chaque tribu est dotée d’une sorte de gouverneur représentant le pouvoir central. Ce
personnage est le Mizwal.
En outre, les modalités d’adoption de certains personnages par les tribus sont définies. Abd-
el-Moumin a été adopté.
La mise en place de cette organisation ne se fait pas sans mal. La force est souvent utilisée.
Le pouvoir procède à l’élimination des opposants, fait le « tri » (Tamiz). Deux tamiz importants
ont lieu en 1125 et en 1149.
Des corps spécialisés sont constitués au service du pouvoir central . Ils constituent les
rouages du Makhzen :
- les Abid el Makhzen : constitués de membres des tribus mais organisés de telle manière
qu’ils sont dévoués davantage au pouvoir qu’à la tribu d’appartenance.
- les Muhtasib
- un corps chargé de frapper la monnaie.
- les Hafiz : fils de dignitaires formés à des tâches administratives.
- les Talabas : chargés de diffuser la doctrine du Mahdi et formés aux débats doctrinaux
notamment avec les philosophes.
- les militaires...
La référence religieuse des noms donnés à ces corps ne permet pas toujours de connaître
l’exacte mission car il n’y a pas correspondance entre le titre et le rôle. C’est un domaine
historique encore mal connu.
Les Almohades ne sont pas à l’origine du concept de Makhzen mais ils sont les premiers a
pousser aussi loin son édification. Cet équilibre des pouvoirs va tenir jusqu’aux années 1230.
L’art Almohade marque l’apogée artistique du Maghreb. Il se caractérise par une épuration
des formes traduisant la rigueur religieuse. C’est l’affirmation des formes géométriques. Les
bâtiments sont massifs mais allégés par des décors. Le tout donne un effet de majesté. Les
Almohades introduisent les Zellij (mosaïques de carreaux de faïence).
Ils sont des bâtisseurs de villes comme Ribat el Fath (Rabat).
L’époque Almohade constitue un point fort de l’union culturelle entre Maghreb et Andalousie.
A une grand rigueur religieuse correspond un étonnant déploiement des sciences. Les élites
s’ouvrent à la culture andalouse (poésie, médecine, philosophie...) avant de venir régner dans
la capitale Marrakech.
La différence entre culture citadine des élites et culture plus frustre des tribus s’affirme.
Une culture de cour brillante se déploie sous les règnes d’Abu Yakub Yussuf et d’Abu Yakub
el Mansur.
C’est à cette époque que vivent Ibn Tufayl (1110-1185), Ibn Ruchd (mort en 1198) et Maïmonide
ou Mussa Ibn Ibymum (mort en 1204).
Ibn Tufayl commence sa carrière comme secrétaire particulier puis devient médecin du Calife.
Il est l’auteur d’un roman philosophique célèbre : Hayy ibn Yaqzam.
Ibn Ruchd lui succède comme médecin d’El Mansur. Une partie des oeuvres de Platon et
d’Aristote passe dans le champ culturel européen grâce à lui.
Maïmonide est un juif de Cordoue. Il a contribué à nourrir le débat sur la relation entre
philosophie et religion.
Au plan religieux, la période Almohade coïncide avec l’apparition d’une mystique musulmane
comme le soufisme (2éme moitié du 12 ème siècle). Plusieurs grands saints du Maghreb vivent
et meurent à cette époque comme Abu Madyan (son tombeau se situe près de Tlemcen) qui
est le saint par excellence et Abu Ya’za (mort en 1176) qui est Berbère d’origine africaine et
maître du précédent. Les écrits biographiques des saints apparaissent (les manaquib). Ils ne
traitent pas de la doctrine et de l’enseignement du saint mais du personnage, de l’exemplarité
de sa foi, des miracles réalisés.
Les saints et mystiques diffusent leur enseignement à la marge du pouvoir Almohade dans
une sorte de coexistence pacifique.
Les pratiques religieuses liées à l’existence des saints va créer un lien social fort (dévotion,
pèlerinages, ermitages...).
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Ibn Arabi écrit toute son œuvre en Orient après avoir quitté le Maghreb. Les premières formes
d’institutionnalisation de la diffusion des oeuvres mystiques n’apparaîtront en Occident
musulman qu’à partir des 15éme et 16éme siècles (zawyya, patrimoine, sheihk, rituels...).
L’effondrement est essentiellement d’origine interne même si les défaites face aux chrétiens
(en 1212) donnent le signal.
Les Zénata sont des nomades qui voyagent entre le Zab et le Rif. En l’absence de forces et
d’autorité Almohades, ils arrivent au nord du Maghreb et s’y installent (vallée de la Muluyya).
Ils mettront un terme aux Almohades dans l’ère de l’actuel Maroc. La dynastie Mérinide est
issue des Zénata.
L’affaiblissement du pouvoir permet aux chefs des tribus d’en réoccuper la sphère.
En outre, le calife Al Ma’mun rejette la doctrine Almohade (1227-1232). Il est entouré de
mercenaires chrétiens et tente de se débarrasser des sheikhs porteurs de la doctrine. Il
change les formules sur les monnaies et procède à une épuration. Les tensions sont fortes.
L’appareil d’Etat se disloque. Le gouverneur d’Ifriqyya Abu Zacharia en profite pour se
déclarer indépendant (1236) et va fonder la dynastie Afside. La légitimité de cette dynastie
repose sur la référence à la doctrine du Mahdi mais cela n’est plus qu’une question de forme
car on assiste à un retour en force généralisé de l’école malikite.
Tlemcen se déclare indépendante en 1236.
Grenade et Murcie se détachent de l’empire. La dynastie Nasride s’installe à grenade en 1237.
Marrakech tombe devant les Mérinides (Zénata) en 1269.
En outre le Califat de Bagdad s’écroule en 1258.
L’empire Almohade disparaît après avoir constitué, de son temps, une expérience califale
reconnue et après avoir porté à l’apogée la culture berbèro-arabo-andalouse.
Les Almohades préfigurent, au moins pour le Maroc contemporain, une histoire nationale.
- La dynastie Hafside créée par Abu Zacharia en Ifriqiyya. Elle disparaît en 1574 lors de la
création de la Régence Turque de Tunis.
Abu Zacharia légitime son pouvoir de deux manières : En étant membre de la lignée d’un
proche compagnon du Mahdi Ibn Tumert et en déclarant officiellement rétablir les principes
religieux de celui-ci. En réalité le malikisme reprend sa place.
Cette dynastie maintient une structure étatique et permet une activité commerciale triangulaire
prospère (Ifriqiyya-Italie-Orient) surtout avec des cités italiennes. Les commerçants européens
ont des lieux d’accueil, les funduqs, qui servent également au stockage des marchandises
puis à l’installation de religieux chrétiens.
- La dynastie nasride est fondée par Muhammad ibn el Ahmar qui s’installe à Grenade en 1237.
Il règne jusqu’en 1273. La principauté est soumise à une double pression politique et militaire.
Celle des Castillans au Nord avec lesquels elle entretient des relations de vassalité et celle
des Mérinides au sud (au Maghreb extrême) auxquels elle demande de l’aide contre les
chrétiens.
Les Nasrides maintiennent en vie la culture arabo-andalouse. Les lettrés Andalous travaillent
pour l’ensemble des dynasties musulmanes. Lors du déclin des Mérinides à partir de 1258, les
Nasrides utilisent les exilés politiques maghrébins Mérinides pour intervenir dans les affaires
politiques. En 1275, Les Mérinides envoient en renfort près de 300 hommes dont ils
souhaitent l’éloignement pour des raisons politiques. Ils sont alors placés sous l’autorité
nasride. Les Musulmans remportent une victoire sur les Castillans. En contrepartie de cette
aide, les Nasrides cèdent aux Mérinides quelques places-fortes comme Algésiras, Gibraltar,
Ronda et Malaga. D’autres contingents Mérinides renforcent Grenade contre les Chrétiens et
s’installent dans des places fortes. Les Mérinides n’ont pas d’ambitions territoriales en
Andalousie. Ils profitent de leur victoire pour inverser en leur faveur les flux commerciaux
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avec les Chrétiens et pour contrôler le commerce qui transite par le détroit. Cette situation
dure jusqu’en 1340, date de la défaite navale des Mérinides à Tarifa. A partir de cette date, les
Mérinides se désintéressent de l’Andalousie au profit du Maghreb central et de l’Ifriqiyya
qu’ils vont conquérir en 1348. Dès lors, il n’y a plus de confrontation massive avec les
Chrétiens mais des relations complexes entre commerce et piraterie.
La principauté de Grenade va tenir jusqu’en 1492. Après la chute de Grenade devant les
Castillans, l’émigration musulmane vers le Maghreb va s’accentuer. Les juifs les suivent pour
aller en Afrique du Nord et dans l’empire Ottoman. Plus tard, les Morisques, musulmans
restés en Espagne chrétienne après 1492 seront expulsés à leur tour en 1609 et 1614. Ils
s’intègreront difficilement à la société maghrébine car ils ne pratiquent plus ou plus beaucoup
leur culte, ils parlent le castillan et ont des traditions andalouses qui heurtent les Maghrébins
(musique, cuisine).
- Les Abdelwadides : Yaghmurasan b. Zayan, un Berbère Zénata, comme les Mérinides, fonde
la dynastie en 1236. Ancien gouverneur Mérinide de Tlemcen, il se déclare indépendant en
1236 et règne jusqu’en 1282. La principauté de Tlemcen est petite mais représente un enjeu
stratégique capital pour les Mérinides et les Hafsides qui la menacent car elle contrôle les
routes commerciales trans-sahariennes et quelques ports sur la Méditerranée.
Tlemcen est occupée par les Mérinides entre 1337 et 1358. Elle constitue un haut lieu de la
sainteté maghrébine car près de la ville se trouve la tombe du saint Abu Madyan mort en 1198
ou 1199.
Tlemcen entretient des relations étroites avec les royaumes chrétiens d’Aragon et de
Catalogne, à la fois au plan commercial et au plan politique, afin d’obtenir le cas échéant une
protection militaire.
Tlemcen tombera définitivement devant la Régence turque d’Alger en 1546.
Le malikisme est rétabli. Les fuqaha entourent les souverains et ont une grande influence.
Les madrasa sont créées pour former des cadres juridiques et religieux. Cette
institutionnalisation de l’enseignement est critiquée car elle est en opposition à la quête
traditionnelle de savoir que les étudiants menaient auprès de différents maîtres réputés. Les
étudiants sortis des madrasa occupent des fonctions subalternes au terme d’un cursus jugé
trop long (16 ans !). La fonction des madrasa est l’apprentissage de l’arabe, du Coran et de la
Sunna. Il n’y a plus ou presque plus de débat spéculatif. Néanmoins, certains continuent
d’étudier en Orient profitant des pèlerinages.
Le grand débat qui agite l’Orient porte sur la mystique musulmane, son statut, sa place par
rapport à la charia, ses limites.
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En Occident musulman, le débat sur la mystique est escamoté car il y a des risques de
« dérapages » par rapport au dogme (risques de panthéisme, de rituels non légaux, l’extase, la
présence mêlée d’hommes et de femmes...). Cependant le culte des saints se développe. La
sainteté est un phénomène reconnu ainsi que les miracles, dons de Dieu.
Une des voies mystiques qui va perdurer est le Shadhilisme créé par Abu al hasan al Shadhili.
C’est un consensus entre charia et voie mystique.
Une institution importante se développe : la Zawiya, qui un lieu de pèlerinage où a vécu et où
est enterré un saint. Lieu d’enseignement, de recueillement mais aussi de gestion d’un
patrimoine (don des fidèles), de ressources, d’aide aux pauvres.
Au plan culturel, chaque dynastie va entretenir une classe de lettrés dont les plus célèbres
sont Ibn al Khatib à grenade, Ibn Batouta né à Tanger et Ibn Khaldun qui a écrit, notamment,
une Histoire universelle, l’introduction (muqaddamat), sa biographie et un petit traité de
mystique.
Le pouvoir en question
Le modèle politique
La fonction califale : Elle remonte à Abu Bakr premier calife après la mort du Prophète. Il y a le
privilège du sang (appartenir à la famille du Prophète ou à Quraïche). Les chiites ont une
conception particulière de l’Imam. Quant aux Kharigites ils donnent priorité à l’élection de
l’imam et à l’égalité entre tous.
Cependant quelques points dominants apparaissent et sont théorisés dans un ouvrage de
Mawardi (mort en 1058) « Ahkam al Sultaniyya » :
- l’imamat est une nécessité canonique ;
- modalités (théoriques) de l’élection du Calife ;
- appartenance à Quraïche ;
- intégrité physique du Calife ;
- qualités éthiques assez subjectives du Calife (courage, honneur, justice, piété...) ;
- il ne peut y avoir qu’un seul Calife (mais les auteurs maghrébins sont moins catégoriques) ;
- désignation du Calife par le prédécesseur,
- destitution en théorie possible mais qui doit rester exceptionnelle (risque de fitna).
Le Calife assure le lien entre le présent et le Prophète d’où une relative sacralité de sa
fonction et la légitimité que l’allégeance qui lui est faite confère aux régimes locaux.
Le modèle prophétique : Le système politique se construit sur les critères du modèle
prophétique.
C’est une référence centrale du point de vue de la légitimité. Les Almohades s’y réfèrent
totalement.
Un mahdi, un calife, un conseil...
Le modèle royal profane : Le pouvoir recherche également des références dans le passé anté-
islamique pour les vertus attribuées à certains personnages comme Salomon, Alexandre,
Aristote...
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Le Mahdi : Contrairement au chiisme, le sunnisme maghrébin n’a pas théorisé le rôle du
mahdi. C’est un mahdisme millénariste. Il est directement lié à la notion des cycles. Le Mahdi
porte un discours réformateur pour arrêter la dégénérescence. Il est supposé rétablir la justice
et la vraie foi. C’est l’appropriation du modèle prophétique. Seul Ibn Tumert a poussé le
raisonnement jusqu'à prétendre que le Mahdi est impeccable et infaillible. Il est le mujaddid
(rénovateur).
L’importance du mahdisme au Maghreb tient aux conditions historiques d’introduction de
l’islam. Les kharijites ont apportés une conception rigoureuse et égalitaire. Des kharijites ont
découlés des prophétismes locaux comme celui des Begherwatas. Le soufisme s’est
développé est diffusé largement avec la mystique musulmane dès le 12éme siècle.
Alors qu’en Orient on opte pour un Calife-icône, en Occident le Calife est proche des siens.
L’expérience mahdiste ouvre le cycle : Califat, Emirats, Sultanats...Royautés (Taïfas,
Mérinides, Abdelwadides...) qui sont des dawlas placés dans l’impossibilité de reconnaître un
Calife à partir de 1258.
La bay’a : La succession califale n’a jamais été réglée d’où des assassinats, des coups
d’Etat...Aussi le serment d’allégeance se fait-il souvent en plusieurs temps. D’abord au niveau
des proches à l’intérieur du palais. C’est un serment presque privé. Puis élargi à la famille, les
cheikhs...puis enfin au niveau public.
La khutba constitue un autre temps fort. L’allégeance est prononcée avec énonciation des
titres du souverain.
Apparition du surnom honorifique (laqab) tel que Moulay qui comporte l’idée centrale de
seigneur et de serviteur et surtout de proximité (racine WLY).
Les nécropoles royales : Elles font partie de la mise en scène du pouvoir. Les Almohades ont
fait de Tinmel leur nécropole. Les mérinides fondent Chella près de Rabat. C’est l’occasion de
s’y rendre pour les funérailles ou pour l’embarquement des troupes pour l’andalousie. On sait
peu de chose des conditions de transport des corps des souverains morts vers Chella. C’est
souvent l’occasion de célébrer la continuité du pouvoir. Le souverain vient pleurer sur sa
condition de mortel. C’est le Dhikr el mawt, la remémoration de la mort. On y célèbre aussi la
nuit du destin au cours de laquelle le destin des âmes est scellé dans l’au-delà, le 27
Ramadan.
Le cadre de l’administration
Le pouvoir est très concentré entre les mains du souverain. Il s’appuie sur quelques
personnages importants : le Hajib ou Prévost de la garde et administrateur du palais, le Vizir
qui peut regrouper la double fonction de plume et d’épée, le Sahib el alama ou garde des
sceaux, L’intendant du Trésor.
Les décisions sont prises au sein du petit conseil ou conseil privé qui se tient au palais
chaque matin. Un autre conseil informel est destiné à former le souverain aux sciences et à
aborder les questions religieuses.
Les dévots courageux peuvent adresser des admonestations au souverain (nasihat).
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Ibn Khaldun, sa vie, son œuvre, sa théorie :
Il est né à Tunis en 1332. Il reçoit une formation malikite traditionnelle. Sa famille est arabe
d’origine yéménite installée en Andalousie puis à Sebta, à Bougie et enfin à Tunis sous les
Hafsides.
1352 : chargé des sceaux chez les Hafsides
1353-1357 : A Fès, secrétaire chez les Mérinides puis en disgrâce et emprisonné.
1359-1361 : Secrétaire particulier du Sultan à Fès
1362 : passe en Andalousie. Ambassadeur des Nasrides à Madrid.
1365-66 :S’installe à Bougie où il est chambellan.
1370-74 : A Fès au service des Mérinides.
1375 : retraite mystique à Tlemcen puis au Maghreb central. Il commence à rédiger les
muqaddima.
1378-1382 : A Tunis puis part en Orient où il enseigne. Investit à 6 reprises grand qadi malikite
du Caire.
1387 : Pèlerinage
1400-1401 : Damas. Il rencontre Tamerlan.
1406 : Meurt au Caire. Enterré au cimetière soufi.
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