Augustinisme Politique - Wikipédia
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La notion d'augustinisme politique a été proposée par Henri-Xavier Arquillière[1] en 1934 dans
L'Augustinisme politique, essai sur la formation des théories politiques au Moyen Âge[2]. Il
s'agissait pour l'auteur de ce concept de circonscrire sous ce terme des interprétations
médiévales de l'œuvre de saint Augustin qui auraient déformé sa pensée. Cette élaboration
théorique a lieu au moment où les débats théologiques sont mobilisés par la question des
rapports entre l'Église et l'État, avec quelques années auparavant la création de l'État du Vatican,
le 11 février 1929.
La thèse
Étudiant la formation des théories politiques au Moyen Âge et examinant l’élaboration à cette
époque d’une forte alliance entre l’Église et l’État, Mgr Arquillière définit l'augustinisme politique
comme une « tendance à absorber le droit naturel de l'État dans la justice surnaturelle et le droit
ecclésiastique ». Cet augustinisme politique serait le prolongement de l'augustinisme
philosophique et théologique, issu de la pensée de saint Augustin, et caractérisé comme
tendance « à effacer la séparation formelle de la nature et de la grâce », à absorber l’ordre naturel
dans l’ordre surnaturel. Cependant, selon H.-X. Arquillière, cet augustinisme politique ne
correspondrait pas à la vraie doctrine augustinienne, mais en serait une déformation ultérieure.
Selon H.-X. Arquillère, cet augustinisme déformé aurait pu finalement être contré grâce au
développement de l'aristotélisme et l'œuvre de Thomas d'Aquin, celle-ci étant considérée comme
ayant mis fin dans l'Église aux dérives de l'augustinisme.
Au cours des treize années qu'a duré la rédaction de La Cité de Dieu, Paul Orose (380-418) a écrit
une histoire de l'Empire romain[4]. La théologie politique d'Eusèbe de Césarée qui liait l'essor du
christianisme à celui de l'Empire romain avait été rendue caduque par le sac de Rome en 410.
Orose, dans l'histoire qu'il rédige, tente de faire survivre la théologie d'Eusèbe de Césarée[5] Il
affirme donc à nouveau que l'Empire romain était lié au règne de Dieu sur terre et qu'il durerait
jusqu'à la fin des temps. L'œuvre d'Orose semble être une ultime tentative d'adaptation du
christianisme à la religion des Romains fondée sur la citoyenneté[6]. En ce sens Orose va jusqu'à
affirmer que le Christ lui-même était citoyen romain :
— Orose, [7]
La dédicace qu'Orose avait faite de son œuvre a conduit à ce que la pensée des théologiens
médiévaux visés par H.-X. Arquillières puisse être identifiée à des développements de la pensée
d'Orose qui se recommandait d'Augustin[8]. Or les pensées de ces deux auteurs contemporains
sont fortement antithétiques l'une par rapport à l'autre. Les livres XVIII et XIX de La Cité de Dieu,
dans lesquels Augustin renforce sa position sur la nécessité de distinguer les cités, ont
précisément été rédigés par Augustin après qu'Orose lui eut présenté son œuvre. Ils peuvent
donc être considérés comme une réfutation d'Orose.
En ce sens, Hervé Inglebert relève que ce que certains appellent l'augustinisme politique, « n'est
pas augustinien mais orosien[9] ». L'augustinisme politique fonctionnerait donc à l'envers par
rapport à la pensée d'Augustin en lui attribuant la tendance « césaropapiste » d'Eusèbe et
d'Orose, tandis que la théologie politique qui correspond à la thèse de la séparation et du
mélange des deux cités resterait à décrire. Selon Lucien Jerphagnon, Augustin ne peut être tenu
pour responsable du détournement de sens qu'a subi son œuvre sous la plume des
commentateurs[10].
Par ce biais, l'augustinisme politique dénoncé par H.-X. Arquillière et les commentaires qui ont
été faits sur cette thèse allongent encore la liste des écrits qui associent le nom d'Augustin à des
théories dont il est souvent difficile de trouver trace dans les œuvres de l'évêque d'Hippone. Mais
plus que la lecture d'Augustin, aborder les problématiques de l'augustinisme demande un
investissement considérable dans l'étude généalogique des concepts utilisés par les
commentateurs des commentateurs d'Augustin.
Cet épisode de la théologie invite à lire Augustin avant ses commentateurs. C'est aussi l'une des
raisons qui ont motivé la création en 1942 par Henri-Irénée Marrou et Jean Daniélou de la
collection Sources Chrétiennes[11]. Il est possible de commencer en lisant par exemple La vie
bienheureuse :
Articles connexes
Saint Augustin
Augustinisme
Augustins
Notes et références
1. H.-X. Arquillière fut directeur d’études à l’École pratique des hautes études (Sorbonne) et
doyen de la Faculté de théologie de l'Institut catholique de Paris.
4. Orose, Histoire contre les païens, 3 tomes, éd. Belles Lettres, coll. Des universités de France,
série latine, no 291, 296 et 297. Textes introduits et présentés par Marie-Pierre AMAUD-
LINDET.
6. Cf., John Sheid, Religion et Piété à Rome, Albin Michel, coll. Sciences Des Religions, Paris,
2001, (ISBN 2-226-12134-X).
8. Orose a dédicacé son œuvre à Augustin parce que ce dernier, pensant un temps avoir
besoin d’arguments historiques pour étayer les thèses qu'il soutient dans La Cité de Dieu, lui
avait commandé en 414 une enquête sur les malheurs historiques et les catastrophes
naturelles. Dans sa dédicace le jeune Orose se présente de manière pathétique comme un
chien devant Augustin. La relation entre les deux hommes semble avoir été difficile et
peut-être Orose mesurait-il que l’évêque d’Hippone ne pouvait souscrire à ce qu’il lui
présentait. Cf. Marie-Pierre Amaud-Lindet, Introduction à Orose, Hist., op.cit., p. XX.
9. Hervé Inglebert, Les Romains chrétiens face à l'histoire de Rome. Histoire, christianisme et
romanité en Occident dans l'Antiquité tardive, Institut des Études augustiniennes, Paris, 1996.
10. Lucien Jerphagnon, préface de Cde Dieu, op.cit., p. XX, voir aussi G. Madec, Le Dieu
d'Augustin, Paris, Cerf, 1988, p. 21-22 et S. Lancel, Saint Augustin, Paris, Fayard, 1999, p. 429.
11. Étienne Fouilloux, La Collection « Sources chrétiennes ». Éditer les Pères de l'Église au
xxe siècle, Cerf, préf. Jean Pouilloux, Paris, 1995, (ISBN 2-204-05241-8).
Bibliographie
Henri-Xavier Arquillière, L'augustinisme politique : essai sur la formation des théories politiques
du Moyen Âge, Paris, Vrin, 1934
Guy Bedouelle, « Le désir de voir Jérusalem. Histoire du thème des deux cités », Communio, n.
XI, 3, mai-juin 1986, p. 38-52
Yves Congar, L'Église, De saint Augustin à l'époque moderne, Paris, Cerf, 1997
Religion et politique : Les avatars de l'augustinisme, actes du colloque organisé par l'Institut
Claude Longeon à l'Université Jean Monnet Saint-Étienne du 4 au 7 octobre 1995, Presses
Universitaires de Saint-Étienne, 1999
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