La Fonction Des Laics

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La Maison-Dieu, 162, 1985, 43-54

Pierre-Marie GY,

LA FONCTION DES LAÏCS


DANS LA LITURGIE

v ous êtes venus chacun avec l'expérience du travail


liturgique accompli dans votre propre pays, de ses
réussites, de ses difficultés, des obstacles qu'il vous
paraît rencontrer sur le terrain pastoral ou parfois dans le
droit même de l'Église. J'ai à placer, derrière l'expérience
que vous avez de votre propre pays, le décor global que
dessinent tous vos Rapports lus ensemble. Cette lecture fait
constater l'immense travail qui s'est fait depuis vingt ans,
qui se fait partout tous les jours pour que soient réalisés
deux des grands principes (altiora principia) de la réforme
liturgique — dont le deuxième est étroitement lié aù
premier -, à savoir la participation active de tous les
baptisés dans la liturgie, et l'accomplissement par chacun,
prêtre, diacre, autre fidèle, de son rôle propre.

PARTICIPATION ACTIVE
ET FONCTIONS PARTICULIÈRES
:
La participation active Partout, ou presque, elle est
maintenant entrée dans les mœurs liturgiques de l'Église
< catholique, et il nous faut faire un effort de mémoire pour
nous rappeler qu'il y a seulement vingt ans c'était dans une
:
large mesure une tâche encore à réaliser et un droit à faire
reconnaître en somme, le premier point du programme
de la réforme liturgique conciliaire, le premier de ces
principes dont Jean XXIII attendait que la Constitution sur
la Liturgie dresse la liste.
La participation active maintenant entrée dans les
mœurs appelle, non comme un correctif ou une antithèse,
mais comme un rappel de sa vraie profondeur, de ne pas
oublier qu'elle doit être consciente et complète, engageant
une communauté faite de personnes libres et croyantes,
engageant aussi l'homme entier, l'homme extérieur et en
même temps intérieur, parce que c'est l'homme entier qui
est appelé à la louange, mais que c'est du cœur de l'homme
que procède la louange et que c'est par la foi, l'espérance et
la charité que l'homme est théologalement actif et participe
à la vie divine.
C'est dans la participation active des baptisés que les
fonctions particulières des laîcs dans la liturgie plongent
leurs racines, en même temps que ces fonctions sont
nécessaires à une assemblée liturgique vivante. Participa-
:
tion active de tous et rôles différenciés propres à plusieurs
dans l'assemblée ecclésiale le rôle spécifique de l'évêque
ou du prêtre, celui du diacre, les autres rôles nécessaires ou
convenables réalisent ensemble ce que l'Apôtre Paul
enseigne de la vitalité du Corps ecclésial et eucharistique,
l'ecclésiologie principielle de Lumen Gentium, l'ecclésiolo-
gie priante et concrète de Sacrosanctum Concilium.
Les principes ecclésiologiques fondamentaux de cette
distribution des rôles dans la liturgie, énoncés par Sacro-
sanctum Concilium et Lumen Gentium, se concrétisent
davantage dans les Praenotanda des différents livres
liturgiques, qui comportent chaque fois tout un chapitre sur
les différents rôles et fonctions (officia et munera) dans la

:
célébration et la tranche de vie d'Eglise liée à cette
célébration-là ce que fait et a à faire la communauté tout
entière dans les diverses catégories de ses membres, le rôle
du prêtre et les autres rôles, conformément aux articles 26
et 28 de la Constitution conciliaire.
LES MUNERA LAÏCORUM
D'APRÈS SACROSANCTUM CONCILIUM

:
L'article 26 affirme le principe sur lequel repose tout
mon rapport Les actions liturgiques «appartiennent au
;
Corps tout entier de l'Église, elles le manifestent et elles
l'affectent mais elles atteignent chacun de ses membres de
façon diverse, selon la diversité des ordres (ordinum), des
fonctions (munerum), et de la participation effective».
Il faut souligner ici rénumération tripartite
: :
ordres,
fonctions, participation. Les ordres d'abord depuis que
Ministeria Quaedam a supprimé les ordres inférieurs au
diaconat, il s'agit exclusivement des ordres sacramentels1.
Le troisième terme de l'énumération, la participation
liturgique en acte, concerne tous les membres du Corps du
Christ. Entre les deux se trouvent les fonctions (munera),
dont les théologiens ont à préciser comment elles s'articu-
lent d'une part aux sacrements de l'Initiation chrétienne et
d'autre part à une participation à l'exercice du ministère
ecclésial, participation conférée par l'Autorité responsable.
L'article 28 de la Constitution apporte une précision
s'exercer dans la célébration :
essentielle sur la manière dont ces fonctions doivent
«Dans les célébrations liturgiques chacun, ministre ou
fidèle, en s'acquittant de sa fonction, fera seulement et
totalement (solum et totum id agat) ce qui lui revient en
vertu de la nature de la chose et des normes liturgiques. »
»
«Seulement et totalement : Chacun doit accomplir tout
son rôle propre et ne pas empiéter sur celui des autres.
Principe à la fois doctrinal et pratique qui a de nombreuses
applications.

:
1. Le Missel a rendu au mot celebrans l'ampleur de sens qu'il avait
avant le rétrécissement opéré dans les derniers siècles du moyen âge
lieu d'employer ce mot tout seul, comme interchangeable avec sacerdos,
au
le Missel dit désormais sacerdos celebrans, marquant ainsi
que si le
sacerdos célèbre à un titre spécifique et inaliénable, in persona Christi
pour l'essentiel, il ne le fait pas seul.
DIVERSITÉ DES MUNERA
DANS LA CÉLÉBRATION
De ces applications, la plus simple et la plus expressive
est probablement que le prêtre célébrant, aujourd'hui,
écoute quelqu'un d'autre proclamer les premières lectures
de la Messe, reçoit d'un autre membre du Corps cette
Parole de Dieu.
La diversité des rôles dans la célébration n'était pas
considérée directement dans le Questionnaire de la
Congrégation, mais les réponses en ont souvent parlé.
Deux remarques sont à faire à ce sujet.
La première est que, en pratique, la réforme liturgique a
entraîné un certain déplacement des rôles dans la célébra-
tion. Ainsi, même dans les pays où les moyens liturgiques
paraissent peu développés, sont mentionnés en plus des
lecteurs ceux qui s'occupent de l'accueil ou qui apportent
les dons à l'offrande. En revanche, dans certains pays, le
rôle des servants de Messe (ministrantes) a moins d'impor-
tance qu'auparavant, malgré les indications de l'Institution
du Missel à leur sujet.
Ma deuxième remarque est que, même sans vouloir
désacraliser, on encourt le péril d'aller à quelque degré
dans cette direction lorsqu'on néglige ou qu'on sous-évalue
la qualité de la célébration, de son aspect musical, et de son
cadre même. Un tel risque n'est pas particulier à notre
époque, il est de tous les temps, mais il est normal que les
chrétiens de notre temps, qui attendent beaucoup de la
liturgie et de sa réforme, y soient particulièrement
sensibles. Une telle exigence de qualité religieuse vaut pour
toute la célébration liturgique, pour la manière dont les
prêtres célèbrent, pour les rôles exercés par les laïcs, pour
la manière dont ceux-ci y sont préparés.
A vrai dire, en ce qui concerne cette préparation,
l'impression qui se dégage des rapports est qu'en général
un grand effort — d'ailleurs nécessaire — est accompli pour
préparer les laïcs à leurs fonctions et que, là où cet effort
:
n'est pas suffisant les Commissions liturgiques nationales
en ont vivement conscience. Elles ont raison Quelle que
soit la situation des différents pays, il faut d'abord,
conformément à la nature même des choses, considérer la
liturgie dans son état théologiquement normal, comme le
fait l'article 26 de Sacrosanctum Concilium, où s'articulent
ensemble dans la célébration l'ordre sacramentel, les
fonctions des laïcs et la participation active de tous. C'est à
partir de là qu'on peut répondre correctement aux
situations dans lesquelles le prêtre fait défaut, même si,
dans la réalité, de telles situations, au moins en certaines
parties du monde, sont très fréquentes.
Les trois questions de la Congrégation au sujet des
fonctions des laïcs apparaissent avoir été pertinentes et
bien posées, puisqu'elles ont suscité une grande richesse de
réponses, du triple point de vue de la pratique, de la
manière dont le droit liturgique est observé (ou, suivant le
cas, des difficultés auxquelles il se heurte), enfin de la
manière dont ces fonctions sont reçues dans l'opinion
commune des fidèles. Il faut ajouter dès maintenant — ce
qui est heureux — que souvent les réponses ne se limitent
pas aux questions posées et abordent aussi d'autres
questions, avec parfois des convergences entre plusieurs
pays ou même plusieurs continents.

IMPORTANCE DU DIACONAT
Parmi ces points hors questionnaire il y a en a un qui est
en quelque sorte préalable aux questions posées, à savoir
l'importance donnée, dans les différents pays, au diaconat.
:
D'après les réponses on constate combien cette importance
est variable il y a des pays où la vie liturgique ne comporte
pas de diacres. En tout cas, là où les diacres sont nombreux
— aux U.S.A. il y en a 6 600 -, l'importance de celles des
fonctions de laïcs qui tiennent non à l'organicité de la
célébration mais au manque de prêtres diminue d'autant.
Mais il serait théologiquement et liturgiquement aussi
inadéquat d'aborder la question du diaconat à partir du
manque de prêtres que de faire commencer les fonctions
des laïcs dans la liturgie quand il n'y a pas assez de prêtres.
La vraie question consiste à se demander si, en vision
catholique, la nature de la liturgie et des autres tâches
d'Église comporte des ministères normalement diaconaux
que la pratique la plus habituelle aurait attribués à des laïcs
ou encore à des prêtres. Là comme ailleurs vaut l'invitation
de l'article 28 de Sacrosanctum Concilium selon lequel
chacun doit faire, devrait faire, «seulement et totalement»
ce qui lui revient en propre.

MINISTRES EXTRAORDINAIRES
DE LA COMMUNION
ET MINISTRES INSTITUÉS
Parmi les questions posées par la Congrégation, je
commencerai par la deuxième, celle sur les ministres
extraordinaires de la Communion. C'est là que les réponses
sont le plus convergentes. On constate en effet que ce
ministère qui, du point de vue du droit, est un ministère
extraordinaire, est pratiqué maintenant dans la grande
majorité des pays et que, sauf dans quelques pays, il est
bien accueilli par le peuple chrétien. Parfois on précise que
la pratique en existe dans presques toutes les paroisses.
Fréquemment il est indiqué que cela favorise beaucoup la
communion des malades.
On ne voit pas si ceux qui distribuent la communion le
font en vertu d'une députation de fait, éventuellement
répétée, ou à titre de ministres extraordinaires proprement
dits, ou parce qu'ils ont été institués acolytes. A ce qu'il
semble, ce dernier cas est le moins fréquent.
Il est clair que se pose ici un problème plus général.
Diverses difficultés sont mentionnées à ce sujet dans les
:
Rapports. La première, pense-t-on, est que l'Evêque seul
peut conférer les ministères institués ceci n'est pas exact,
et l'Évêque peut déléguer à cet effet un prêtre de son
diocèse.
En second lieu, il y a des pays où les Évêques n'estiment
pas possible de développer les ministères institués si ceux-ci
sont réservés à des laïcs de sexe masculin.
Enfin est mentionnée une difficulté, peut-être transi-
toire, due au fait qu'on continue à projeter sur ces
ministères l'ancienne image cléricale des ordres mineurs.
Quoi qu'il en soit des différents aspects de ce problème,
il est probable que celui-ci mûrira, non par une insistance
volontariste sur le rite d'institution, mais par ce qu'on fera
pour que soient vécus dans leur noblesse croyante et
spirituelle, par les laïcs et peut-être d'abord par nous
prêtres, l'acte de lire et de faire entendre la Parole de Dieu
dans l'assemblée ecclésiale, et celui par lequel le Saint
Corps et le Précieux Sang de Jésus Christ sont livrés et
reçus avec une foi adorante : l'Amen intérieur du ministre
doit être proportionné à celui qui est attendu de la bouche
et du cœur du communiant.

LES CÉLÉBRATIONS DOMINICALES


SANS PRÊTRE
La présidence par des laïcs du baptême, du mariage (en
qualité, comme dit le droit, de témoins qualifiés), des
funérailles, des célébrations de la Parole et des assemblées
dominicales sans prêtre pose une série de problèmes
distincts à plusieurs égards. En première approximation, il
apparaît qu'une telle pratique est fréquente surtout pour
l'assemblée dominicale, et qu'elle est même en quelque
sorte traditionnelle pour les pays où, depuis longtemps, les
;
chrétiens sont dispersés sur un vaste territoire, avec très
peu de prêtres qu'un usage semblable est assez fréquent,
dans les mêmes conditions, pour les funérailles, mais que
jusqu'à présent il est en général resté tout à fait
exceptionnel pour le baptême ou le mariage, malgré les
canonique:
possibilités offertes par le rituel de baptême ou par le droit
ici les réticences semblent venir des fidèles
plutôt que de la discipline de l'Église.
Examinons ces diverses questions de plus près.
Le questionnaire de la Congrégation mentionne ici de
façon distincte les célébrations de la Parole d'une part, et
les célébrations dominicales sans prêtre d'autre part. A en
juger par les réponses, on ne voit pas clairement si en fait
les premières existent de façon notable indépendamment
des secondes. En soi une telle question aurait une certaine
importance, à la fois du point de vue de la vitalité
spirituelle de la dévotion à la Parole de Dieu et parce que le
statut d'Église et de présidence laïque d'une célébration de
ce genre n'est pas le même que celui de la célébration
dominicale. Le dimanche, c'est nécessairement toute
l'assemblée dominicale qui est convoquée, et il revient de
droit au ministère sacerdotal de présider celle-ci. J'incline-
rais au contraire à penser que de soi la célébration de la
Parole ressemblerait plutôt à ce que l'Office des moines a
pu être avant que ne lui soit conféré un statut liturgique
proprement-dit, à l'époque où celui-ci était pour ainsi dire
la prière spontanée d'un groupe de base à caractère
monastique.
Mais, pour en revenir aux célébrations dominicales sans
prêtre, on pourrait aussi à bon droit souligner un autre
aspect de leur situation actuelle, à savoir qu'elles ne sont
pas en général régies par des règles liturgiques strictes, ni
inclues par le droit canonique dans le précepte dominical.
Je dirais qu'elles sont potentiellement liturgiques en ce sens
que l'Évêque peut — nul n'a, je pense, de doute à ce sujet
— édicter des règles sur leur déroulement, la manière dont
elles sont présidées, et la participation à celles-ci dans les
lieux où la messe dominicale ne peut être célébrée. Les
réponses au questionnaire font allusion à des circonstances
de ce genre.
Sans qu'il y ait eu de question sur la manière dont les
célébrations dominicales sans prêtre se déroulent, certains
aspects en sont évoqués, par exemple le fait que, dans
beaucoup de pays, elles comportent la Communion
eucharistique, ce qui semble correspondre au vœu du
peuple fidèle, tandis que l'un ou l'autre rapport manifeste
une réticence à ce sujet. Si je puis exprimer à ce propos une
opinion personnelle, je dirais qu'en toute hypothèse il ne
paraît pas possible d'empêcher les fidèles de communier le
dimanche.
Le fait qu'on hésite ici ou là à laisser distribuer la
Communion lors des célébrations dominicales sans prêtre
peut venir de ce qu'on se demande si cette façon de faire
risquerait de contenter les fidèles, de manière injustifiée,
alors que, faute de prêtre, leur manque le sacrifice
eucharistique. Le fait qu'une communauté locale soit
habituellement privée de la Messe ne peut, d'un point de
normal;
vue catholique, en aucune façon être considéré comme
n'est-ce pas l'Eucharistie qui fait l'Église, non
seulement en tant que Communion reçue, mais en tant
?
qu'action célébrée A ce sujet, j'ai entendu dire que, dans
certaines régions rurales d'Afrique, aux principaux jours de
rassembler tous pour la Messe :
effectivement, l'Eucharistie fait l'Église.
quel exemple!
fête, les fidèles parcouraient de longues distances afin de se
Là,

Pour revenir à la célébration dominicale sans prêtre, sa


chance est au fond de répondre à un besoin purement
pratique qui lui fait éviter les écueils d'une certaine fragilité
théorique. A cet égard, il ne sera jamais possible d'y voir
une solution pleinement satisfaisante aux nécessités de
l'Église, à planifier pour elle-même, et il est vraiment
souhaitable, comme dans le cas africain que je mention-
nais, qu'elle soit accompagnée, tant du côté des fidèles que
du côté des prêtres, d'un effort réel pour la Messe.
Faut-il que dans une communauté donnée, dépourvue de
prêtre et de diacre, la célébration dominicale soit toujours
présidée par le même, ou au contraire, à tour de rôle par
?
les membres d'une équipe Cette question paraît ressentie
différemment selon les lieux et il n'est peut-être pas
nécessaire qu'elle reçoive partout la même réponse. De
même en ce qui concerne la manière dont l'homélie est
faite et dont son contenu est, en certains endroits,
communiqué in scriptis par le prêtre, ou préparé locale-
:
ment. De toute façon, une double responsabilité incombe
aux évêques et aux prêtres d'une part, notamment par la
formation des laïcs et au besoin par des directives souples
;
et des documents pour aider la célébration, faire en sorte
que celle-ci soit adaptée aux besoins locaux d'autre part,
veiller à ce que la célébration sans prêtre et son style, et la
célébration de la Messe, soient vraiment articulées entre
elles et que ne se constituent pas deux types de participa-
tion qu'il serait difficile de faire communiquer entre eux.
AUTRES RÔLES DE PRÉSIDENCE
Lorsqu'on réfléchit à la présidence par des laïcs du
Baptême, du mariage et des funérailles, il faut tenir
compte, non seulement de la discipline canonique et
liturgique qui règle chaque catégorie de cas, mais aussi de
l'attente des fidèles et de ce que j'appellerais l'unité
synthétique de la pastorale sacramentelle. Le fait qu'il soit
disciplinairement correct de confier à un laïc la présidence
d'une action sacramentelle ou liturgique ne prouve pas
encore que ce soit pastoralement opportun par rapport à
l'attente des différentes catégories de fidèles ou à leurs
dispositions. J'ajoute que, dans un pays comme la France,
la préparation du mariage, du baptême et des funérailles
offre au prêtre et à ceux qui travaillent avec lui l'occasion la
plus vaste qui soit de rencontrer des baptisés qu'on pourrait
difficilement rencontrer autrement pour leur parler de
Jésus-Christ et de l'Évangile.
Mais, entre la discipline et l'opportunité pastorale, je
voudrais faire place à deux observations théologiques qui
concernent, l'une l'importance des différentes actions
sacramentelles et liturgiques à l'intérieur d'une vision
globale, l'autre l'équilibre du ministère du prêtre. Grâce à
des siècles de travail théologique et de développement
dogmatique, nous disposons de distinctions précises sur ce
qui est sacramentel et ce qui ne l'est pas, sur les actions
sacramentelles qui requièrent un prêtre et celles pour
lesquelles la présence d'un prêtre n'est pas indispensable.
Mais il faut prendre garde que la distinction entre les
actions sacramentelles et les autres actions liturgiques n'est
pas pour le pasteur un moyen adéquat pour discerner le
degré d'importance des différents actes de son ministère.
C'est ainsi que l'année liturgique, avec ses temps et ses
fêtes, n'est pas un sacrement, et qu'elle est pourtant de
première importance dans la vie de l'Église. C'est ainsi
également que les funérailles ne sont pas, du point de vue
sacramentel, sur le même plan que les sept sacrements,
mais que, dans la foi et la prière des chrétiens, elles ont un
rapport essentiel avec le noyau même de la Bonne
Nouvelle évangélique, ce que la théologie moderne appelle
1j kérygme de la résurrection de Jésus et de la nôtre. D'où

f
'importance des funérailles dans notre ministère d'évangé-
lisation et d'introduction par la liturgie dans le mystère de
la communion avec Dieu, ce que les Pères de l'Eglise
appelaient la mystagogie.
Il nous faut aussi tenir compte, ce qui est parfois délicat,
de l'équilibre global de notre ministère. Pour n'en donner
qu'un seul exemple, dans une paroisse urbaine comportant
un grand hôpital et de nombreux enterrements, il est
probablement important que les prêtres ne se laissent pas
exclusivement absorber par ce ministère et réservent une
partie de leur temps pour d'autres tâches, telles que la
catéchèse des enfants. Et dans ce cas, il faudra faire appel à
l'aide des diacres ou de certains laïcs.
Ou bien encore, en ce qui concerne le Baptême,
ministère dont la doctrine de l'Église a depuis longtemps
souligné l'urgence pour le salut des petits enfants, nous
voyons mieux maintenant grâce au Concile et peut-être
aussi grâce au dialogue œcuménique, qu'il y a également à
mettre en relief l'aspect ecclésial du sacrement, et que, de
ce point de vue, le rôle du prêtre peut contribuer à
manifester que le Baptême incorpore un nouveau membre
à la communauté ecclésiale.
Les questions d'opportunité théologique ou pastorale
une fois résolues, le détail du déroulement de la célébration
est prévu par les livres liturgiques. Sur un point particulier,
une précision peut être utile. Dans le rite du mariage, la
grande prière de la bénédiction nuptiale est, à mon avis,
une bénédiction spécifiquement sacerdotale, et il y a donc
lieu de l'omettre lorsque c'est un laïc qui préside la
célébration du mariage.
En plus de ce qui concerne la présidence de laïcs pour la
célébration du baptême, du mariage et des funérailles, un
certain nombre de Rapports interrogent la Congrégation
au sujet de la possibilité, pour des diacres et même des
laïcs, d'accomplir l'Onction sacramentelle des malades.
Une telle question intéresse naturellement la Congrégation
pour le Culte divin, mais elle relève aussi et surtout de la
compétence de la Congrégation pour la doctrine de la Foi.
Comme on le sait, le Code de 1917 et celui de 1983
précisent que le prêtre est le ministre exclusif de l'Onction,
et un Canon du Concile de Trente disait qu'il en était le
ministre propre. On invoque en sens opposé l'usage ancien
pratiqué, par exemple à Rome, selon lequel des laïcs
pquvaient apporter à leurs malades de l'huile bénite par
l'Evêque. A supposer qu'il soit légitime de projeter la
définition tridentine sur un état beaucoup plus ancien de la
pratique, on pourrait dire que l'Église a connu, au moins
pendant plusieurs siècles, l'usage de l'Huile du sacrement
des malades par des laïcs, usage dont il n'est pas certain
qu'il ait été sacramentel.

LES FEMMES
ET LES FONCTIONS LITURGIQUES
La dernière des questions posées par la Congrégation est
celle des ministères féminins. Il est apparu à plusieurs
reprises cette année que la Congrégation était avertie de
l'importance que ce problème a dans plusieurs pays, et
désireuse d'en considérer tous les aspects. À travers les
réponses on peut maintenant se faire une idée de la
diversité des situations. A ce qu'il semble, il y a un certain
nombre de pays où jusqu'à présent ne s'est élevée aucune
revendication en faveur de ministères féminins. A l'oppo-
sé, il y a quelques pays dans lesquels le problème des
ministères féminins est un problème brûlant, pas seulement
pour les ministères institués. Entre les deux, s'exprime
l'opinion selon laquelle l'exclusion des femmes pour l'accès
aux ministères institués rend très difficile la mise en œuvre
de Ministeria Quaedam.
Partout dans le monde, les femmes rendent de grands
services à la liturgie, mais c'est un fait qu'elles le font dans
une grande diversité de situations culturelles.
Pierre-Marie Gy, o. p.

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