Fiche 3 Droit de La Famille 2024
Fiche 3 Droit de La Famille 2024
Fiche 3 Droit de La Famille 2024
Le concubinage n’a pas fait objet de définition légale par le législateur, qui a fait option
d’ignorer cette forme de couple. Il est donc revenu à la doctrine de proposer des définitions à
la notion de concubinage. De la définition proposée par le Dictionnaire du Vocabulaire
juridique, l’on peut avancer que le concubinage est « une union de fait tenant à
l’existence d’une vie commune stable et continue entre deux personnes de sexe différent
formant un couple »1. La doctrine au Bénin l’entrevoit aussi comme « le fait pour un
homme et une femme d’entretenir des relations d’une certaine durée et stabilité comme des
personnes mariées. On peut aussi l’appeler le mariage de fait »2. On en déduit qu’il est un
fait juridique et non un acte juridique.
Mais, selon les règles du droit commun de la preuve, en tant que fait juridique, le principe de
la liberté de preuve doit trouver application. Ainsi, tout mode de preuve peut permettre
d’établir l’existence de ce lien de fait. Dans la pratique, l’on a recours souvent à un huissier de
justice pour constater à travers des indices l’existence de ce lien de fait. Aussi, dans certaines
administrations, on a recours, à des « certificats de concubinage » (Mairie de Cotonou et
Abomey) ou à des « attestations d’union libre » délivrées par les maires. L’établissement de
ces documents peut parfois nécessiter l’intervention des témoins. Dans tous les cas, aucun
mode de preuve ne devrait en principe être écarté.
Des deux définitions proposées par la doctrine, l’on déduit deux caractères du concubinage :
la stabilité et la continuité.
1
G. CORNU, Vocabulaire Juridique, Ass. Henri CAPITAN, Paris, PUF, 2016, p. 226, V° « Concubinage ».
2
C. AGOSSOU, Liberté et Egalité en Droit de la Famille dans les Etats francophones de l’Afrique de l’Ouest :
Approche comparative entre le Bénin, le Burkina-Faso, le Sénégal et
le Togo »
3
J-Fr. LUSSEAU, « Vie maritale et droit de la sécurité sociale » Dr. Soc., n ° 2 /Février 1980, n°5, p. 217.
Le caractère stable du concubinage permet d’y voir une union l’intention pour les concubins
de vivre en union. Il s’agit d’un caractère essentiel que renforce l’élément intentionnel du
concubinage.
Par contre, la continuité du concubinage permet de mettre en exergue l’élément matériel qui
est inhérent à cette forme d’union. En effet, ce rapproche le concubinage du mariage est aussi
sa continuité. Cette caractéristique permet de distinguer le concubinage des fiançailles.
Loi n°98-19 du 21 mars 2003 portant Code de sécurité sociale en République du Bénin
Modifié par la loi n°2007-02 du 26 mars 2007 exclu les concubins de la protection sociale.
Aucune disposition de cette loi ne reconnait en effet expressément au concubin des droits à la
sécurité sociale de l’un à l’autre. Cependant, par des mécanismes particulier, il n’est pas
exclus que le concubin puisse bénéficier d’une telle extension. Il en serait ainsi lorsque le
concubin est pris en compte dans le cadre d’une assurance ou d’un régime spécial de
protection sociale.
Mais, il faut préciser que l’exclusion du concubin de la protection a connu une évolution en
droit français suite à un arrêt Soc. 11 juillet 1989 (Arrêt Mme L… c. CPAM de Nantes)
Arrêt Mme L… c. CPAM de Nantes, Soc. 11 juillet 1989, Bull. civ. V, n° 515, p. 312,
Gaz. Pal. 1990. 1. 216, concl. Dorwling-Carter, JCP 1990. II. 21553, note Meunier :
« L’article 13 de la loi du 2 janvier 1978 relative à la généralisation de la sécurité sociale
dispose que la personne qui vit maritalement avec un assuré social et qui se trouve à sa
charge effective, totale et permanente, a la qualité d’ayant droit de l’assuré pour l’ouverture
du droit aux prestations en nature des assurances maladies et maternité.
En se référant dans cet article à la notion de vie maritale, le législateur a par là même
entendu limiter les effets de droit, au regard des assurances maladie et maternité, à la
situation de fait consistant dans la vie commune de deux personnes ayant décidé de vivre
comme des époux, sans pour autant s’unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu’un
couple constitué d’un homme et d’une femme ».
Le concubinage étant une union de fait, et non un acte juridique, il est soumis en principe à la
liberté des concubins. Ils ne sont donc pas soumis aux obligations imposées aux époux dans le
mariage. Ainsi, dans le mariage, le principe est donc qu’il n’existe pas entre les époux une
obligation de fidélité. Néanmoins, la doctrine suppose que la cohabitation entre les concubins
dans le concubinage peut produire certains droits au profit ou contre l’un des concubins :
l’obligation de loyauté. Cette obligation peut engendrer alors une présomption de fidélité.
Mais, il ne s’agit là que d’une simple présomption.
Chacun est libre de mettre fin à la relation concubine d’une manière unilatérale. C’est donc
comme en matière de fiançailles, le principe de la liberté qui régit la rupture des fiançailles.
Cependant, cette liberté de rupture des fiançailles est assortie de limites.
En effet, au nom du principe d’équité, et sur le fondement de l’article 1382 le concubin fautif
dans la rupture du concubinage peut voir sa responsabilité civile délictuelle engagée aux fins
de verser des dommages et intérêts à l’autre. Pour ce faire, il faut que la rupture soit
constitutive d’une faute dommageable pour le concubin abandonné. La brutalité de la rupture
du mariage peut par exemple constituer une faute.
Sujet 1 : Cas pratique
Emilie, une jeune étudiante en école d’infirmière, vit en couple avec Paul, un agent
immobilier. Lorsque Paul décide d’ouvrir sa propre agence, Emilie abandonne ses études pour
l’aider dans la gestion du secrétariat sans être rémunérée. Cependant, après deux ans de vie
commune, Emilie découvre que Paul a commis une tromperie avec une de ses amies et désire
désormais vivre avec cette dernière. Emilie est alors choquée et regrette d’avoir abandonné
ses études.
En principe, le concubinage est soumis au principe de la liberté des concubins. Cette liberté,
s’étend à la rupture du l’union de fait. Ainsi, chacun des époux est en principe libre de rompre
unilatéralement les liens du concubinage. La jurisprudence rappelle ainsi de manière
constante que la rupture d'un concubinage ne constitue pas, en elle-même, une faute civile
susceptible d'ouvrir droit à des dommages-intérêts (Civ. 1re, 22 févr. 1960, Bull. civ. I, no
117. – Civ. 1re, 3 mars 1964, Gaz. Pal. 1964. 2. 83) 4 si elle ne s'accompagne pas de
circonstances particulières propres à caractériser une faute génératrice d'un dommage et à
engager la responsabilité civile de son auteur 5. Cependant, une rupture abusive du
concubinage est soumise au droit commun de la responsabilité civile délictuelle, notamment
de l’article 1382 du Code civil. Ainsi, toute rupture abusive et brutale6 peut donner lieu à des
dommages et intérêt. Pour l'essentiel, cette indemnité a pour vocation de réparer le préjudice
causé lors de la rupture, si une faute est démontrée. La jurisprudence s'attache aux
circonstances de la rupture et à l'avenir de la concubine délaissée, la faute tenant dans la
manière de rompre. Ainsi la Cour de cassation française a pu préciser que « la réparation née
de la rupture du concubinage ou de la rupture des fiançailles suppose, dans les deux cas, que
soit établie l'existence d'une faute de l'auteur de la rupture »7.
En espèce, Emile ayant vécu une vie de couple avec Paul durant deux ans découvre que celui
a commis une tromperie avec une de ses amies et désire désormais vivre avec cette dernière.
4
Civ. 1re, 22 févr. 1960, Bull. civ. I, no 117. – Civ. 1re, 3 mars 1964, Gaz. Pal. 1964. 2. 83
5
Civ. 1re, 31 janv. 1978, no 76-11.589 , Bull. civ. I, no 39. – Caen, 15 mai 2007, Juris-Data no 2007-340142
6
Civ. 1re, 3 janv. 2006, no 04-11.016 , AJ fam. 2006. 111, obs. F. Chénedé
7
Civ. 1re, 14 févr. 1995, no 93-12.863.
Par conséquence, si l’on peut affirmer que cette rupture est en principe soumise à la règle de
la liberté et qu’en principe Paul était libre de rompre l’union de fait que le lie à Emile, il n’est
pas exclu que cette dernière puisse évoquer la brutalité de la rupture et la tromperie pour
demander réparation du préjudice moral qu’elle subit du fait de cette découverte. Pour ce qui
concerne la gestion des biens, cette rupture sera soumise à la règle de la dissolution de la
société créée de fait.
En principe, selon la jurisprudence la fin de la collaboration entre concubins peut donner lieu
à des actions en justice, lorsque l'un des concubins n'a pas été rémunéré pour sa collaboration
ou a été privé de ses droits. Aussi, plusieurs voies s'offrent à lui. Il peut se prévaloir de
l'existence d'une société créée de fait. Aussi, le concubin qui aura collaboré dans la profession
de l’autre sans rémunération pourra faire valoir qu’il a enrichi son partenaire sans contrepartie
(art. 1371 du code civil). Il peut aussi se prévaloir d'un contrat de travail. Par exemple, dans
droit français, la Cour de cassation a relevé que « le juge qui constate la rupture du contrat de
travail doit dire à qui cette rupture est imputable et en tirer les conséquences juridiques à
l'égard du salarié qui s'en prévaut »8.
En espèce, alors qu’ils envisagent la rupture de leur concubinage, Emilie avait abandonné ses
études pour aider son Concubin Paul dans la gestion du secrétariat sans être rémunérée par
celui-ci.
Par conséquent, après avoir constaté l’existence d’un contrat de travail entre Paul et Emilie
dans le cadre de la gestion du secrétariat de l’agence immobilière, le juge peut condamner le
concubin au paiement des arriérés de salaire à Emilie. Il pourra par ailleurs, fonder sa décision
sur l’enrichissement sans cause après avoir constaté la réunion des conditions de cet
enrichissement conformément à l’art. 1371 du code civil.
8
Soc. 8 févr. 2005, no 03-40.385 , Bull. civ. V, no 47 ; RTD civ. 2005. 368, obs. J. Hauser ; AJ fam. 2005. 153,
obs. F. C
Sujet 2 :
Analysez la décision de la Cour de cassation française du 3 janvier 2006 qui affirme que « si
la rupture du concubinage ne peut en principe donner lieu à l’allocation de dommages-
intérêts, il en est autrement lorsqu’il existe des circonstances de nature à établir une faute de
son auteur ».
Proposition de résolution
S’il vrai que la liberté de rompre « à tout moment, sans avoir à verser une quelconque
indemnité, constitue probablement l'attrait majeur du concubinage » selon la formule du (M.
MULLER, L'indemnisation du concubin abandonné sans ressources, D. 1986. Chron. 328), il
y a lieu de relativiser une telle liberté qui n’est en réalité pas absolue. C’est justement ce que
met en exergue l’extrait de décision soumis à notre commentaire. Il s’agit de l’extrait d’un
arrêt de rejet rendu par la première chambre civile de la cour de cassation française en date du
3 janvier 2006. Mme X et M. Y se sont mariés le 13 octobre 1943. Quelques mois après leur
divorce, intervenu en 1955, ils reprirent la vie commune. Elle prit fin le 9 août 1983 lorsque
M. Y quitta définitivement le domicile du couple. Par un arrêt du 25 novembre 2003, la Cour
d'appel d'Aix-en-Provence déclara ce dernier responsable de la rupture et le condamna à
verser à Mme X la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts. Le pourvoi reproche aux
juges du fond, d'une part, de ne pas avoir recherché si l'attitude de sa compagne, dans leurs
relations personnelles et intimes, avait pu rendre intolérable le maintien de leur vie commune,
et, d'autre part, d'avoir pris en compte la durée de leur vie commune et leurs situations
respectives après la rupture pour évaluer le préjudice.
La question que pose le sujet ici est donc de savoir si le principe de la liberté de rompre
unilatéralement le lien de concubinage est absolu.
Cette décision met en exergue, la responsabilité civile délictuelle croissante des concubins en
cas de rupture unilatérale. Il s’agit d’une illustration des exceptions dont peut être assortie la
liberté de rompre unilatéralement l’union libre. Le principe jurisprudentiel selon la rupture du
concubinage ne peut en principe donner lieu à l'allocation de dommages-intérêts 9 trouve donc
9
V. par exemple, Cass. 1re civ., 31 janv. 1978.
ces essoufflements. Comme le rappelle ici la première Chambre civile, lorsque les
circonstances de la rupture sont de nature à établir une faute de son auteur 10 les dommages-
intérêt peuvent être dus. La faute ne réside donc pas dans le fait de rompre, mais dans la
manière de rompre le concubinage.
La liberté qui innerve les relations de concubinage n’ouvre pas droit en principe à des
dommages intérêts.
La selon idée de la solution du juge, qui nous paraît principale dans le cadre de cette
solution est celle suggérant « il en est autrement lorsqu’il existe des circonstances de nature
à établir une faute de son auteur ». Il s’en dégage d’une part, que des circonstances propres
à la rupture (A) qui prouvant la faute de l’auteur de la rupture (B)
L’abandon brutal de la compagne et leur enfant brutalement (Metz, 8 janv. 2015, Dr. fam.
2015, no 70, obs. A.-C. Réglier), sans leur laisser de subsides, alors que la concubine ne
disposait pas de ressources propres, tout en faisant couper l'eau et l'électricité (Rouen, 29 janv.
2003, Dr. fam. 2003, no 69, note H. Lécuyer).
Il y a également faute lorsque la concubine apprend, trois jours avant un concours, que son
concubin entretenait une relation parallèle avec une autre femme (Bordeaux, 4 janv. 2000, Dr.
fam. 2000, no 34, note H. Lécuyer).
Quelle est la finalité des dommages et intérêt et quelle peut en être leur étendue ?
Proposition de résolution.
Toutes les sociétés ont connu, toléré voire organisé des formes diversifiées d’unions extra ou
para matrimoniales15.
12
CARBONNIER (J.), Droit civil, T II, Paris, n° 230.
13
GLENDON (M. A.), State, Law and the Family, pp. 78 et s. n° 9.
14
SAVATIER (R.), Bonaparte et le Code civil, cité par Jean- François LUSSEAU, « Vie maritale et droit de la
sécurité sociale » Dr. Soc., n ° 2 /Février 1980, note de bas de page 5, p. 204.
15
MEULDERS-KLEIN (M.-Th.), La personne, la famille, le Droit : Trois Décennies de mutations en occident,
Préf. De Gérard CORNU, Paris, éd. BRUYLANT, Bruxelle, L.G.D.J., 1999, p. 17 ; CORNU (G.), Droit civil, La
famille, Paris, 9è éd., Montchrestien, 2007, n° 44.