MC - KEE - Story - Chap11 - Analyse - de - Scene McKee - Chap11

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11

ANALYSE DE SCENE

LE TEXTE ET L_E SOUS-TEXTE

De même qu'une str��ture de personnalité peut être révélée grâce à la


psychanalyse, on peut saisir la forme de la vie intérieure d'upe scène d'après le
même type de questionnement. Si nous posons les bonnes questions, une scène
qui se lie bien, si on la relie le plus lentement possible, elle peut s'ouvrir et
livrer ses secrets.
Si vous sentez qu'une scène fonctionne, ne cherchez pas à l'arranger. Mais
souvent un premier jet est plat ou artificiel. Nous avons alors tendance à
réécrire constamment le dialogue, en espérant qu'en paraphrasant ces paroles
nous finirons par leur donner vie... jusqu'à ce que nous atteignions une
impasse. Ce n'est pas l'activité de la scène qui est problématique mais les
actions accomplies. Il faut s'intéresser au-delà des paroles et des
comportements à ce qui se passe derrière les masques que les gens ont
l'habitude de porter. Les temps forts dramatiques et les défauts d'une scène mal
conçue résident dans ces échanges comportementaux. Pour découvrir
pourquoi une scène échoue, l'ensemble doit être déconstruit en différentes
parties. Par conséquent, une analyse commence en séparant le texte de son
sous-texte.
Le texte est la surface sensorielle d'une œuvre d'art. Au cinéma, ce sont les
images à l'écran et la bande son qui contient le dialogue, la musique et les
effets sonores. Ce que nous voyons. Ce que nous entendons. Ce que les gens
disent. Ce que les gens font. Le sous-texte correspond à la vie sous la surface,
les pensées et les sentiments à la fois connus et inconnus, dissimulés par le
comportement.
Rien n'est ce qui paraît. Ce principe exige d'avoir constamment en tête le
caractère duel de la vie. Il faut être capable de reconnaître que chaque chose
existe au moins à deux niveaux et que, par conséquent, il faut concevoir une
dualité simultanée. L'auteur crée une description verbale de la surface
�ensorielle de Ja vie grâce aux images et aux sons, l'activi�é et les �aroles. _Mais
Il doit surtout créer Je monde intérieur des désirs conscients et mconsc1ents,
des actions et des réactions des impulsions et du moi, ainsi que des impératifs
de l'ex périence et de la génétique. Il en va de même de la réalité et de la fiction.

•237


MA DE vmsTOIRE
LES PRINCIPES DU SCHE

. . derrière un masque vivant. Il expri


L'auteur doit .vo1 1er la vérité, du personnage par ses actes. On do.iméec .1es
ees t rire
vé. rit. ables sent1ments et pens l'intér.ieur du texte.
à
ams1 d'.1re. ctement le so.us-textemme et une 1�emme qm· ont un certa.i h nn
Vo1c1 un exemple · un o h , nt dans leurs ver nca e
• ent aux chandeIles, les flammes se reflete
din
res
. fait. bouger les r.ideau en cristal et
douce bnse x. On e nte nd
dans leurs yeux attendris · Une ..
. 1
s se prennen t la mam et se r eg
un nocturne de Chopin · Les amant . ,, ... et .�ls le pensent ardent dans
je t'atm� v raiment. Une
les yeux. Ils se disent : "Je t'aime,
nnera1t pas du t�ut.
telle scène est peu crédible et elle ne fonct10
Les acteurs ne sont pas des marionnettes, ce sont des. arti ,
stes qui créent à
artir du sous-texte et non du texte. Un acteur d onne vie a un person nage à
:artir de l'intérieur de celui-ci, à partir des pensées et des sentiments non
formulés et même inconscients qu'ils projettent dans des comportements en
surface. Ils diront et feront tout ce que la scène exige mais ils puiseront leur
source créative dans leur vie .intérieure. La scène ci-dessus est injouable parce
-=----qu'elle ne comporte ni vie intérieure, ni sous-texte. Elle n'est pas jouable car il
n'y a rien à jouer.
Si nous pensons à tous les films que nous avons vus, nous nous rendons
compte que nous avons été confrontés à ce phénomène du sous-texte tout au long
de notre vie. L'écran n'est pas opaque, il est transparent. Quand nous regardons
un film, nous avons l'impression de saisir les sentiments des personnages. Nous
nous disons constamment : "Je sais ce que ce personnage pense et ressent
vraiment. Je sais ce qui se passe en elle mieux qu'elle et mieux que le type à qui
elle parle parce qu'il est trop préoccupé par ses propres objectifs."
Dans la vie, nous restons souvent à la surface des choses. Nous sommes
tellement rongés par nos propres besoins, nos conflits et nos rêves que nous ne
réussissons que rarement à prendre du recul et à observer avec calme ce qui se
passe à l'intérieur des autres. De temps en temps, nous regardons un couple à
la table d'un café comme s'ils étaient dans un film. Nous déchiffrons l'ennui
de riè�e les sourires ou l'espoir dans leurs regards. '
; C est rare, et cela n e dure
qu_ un mstant. ��pendant, dans le rituel du
récit, nous voyons constamment ce
� ui s passe ventablement derrière les
� visages et les activités des personnages
Jusq u aux profondeurs du non dit et de l'
- inconscient.
C'est.Ja r ison �our laquelle nou
. � s nous mettons en quê te d'un conteur. 11
1 oue !e role d un gmde qui nous emporte au- à
1 es niveaux et non pas Jus del de ce qui semble être.·· à tous
· te pour un insta . e
conte ur nous offre le pl · nt mais jusqu'au bout du re, ci·t· L
aisir· que 1a v1e . , asseoi· r au
,
cœur de l obscur ntuel . , · nou s refus e ' le pla isir de s .
• d u reci t et de de l a v i e
,
Jusqu a u cœur de ce qui reg ar der à trav ers le v isa g e
es t ressenti· et pensé �
c derrière ce qui est dit et 181·t·
s ous lors é_crire une histoire d'amour ? D�:
pers o:::�:n::�;� : -: �
véri table manuel e p r e p eus d une voitur
e. Donnez à votre scène 10 allur e d
x iquant comment on h le
c ange une roue. Concentrez tout

238,
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'IDSTOIR
E

l'action sur le cric, la clef en croix, l'enjoliveur et les écrous : "Tu


di. a1 ogue et .
m e pa sser ç� ?". , " Attent·to? ", "N e te _sa1·1s pas", "Laisse-m oi ... oh la!"
. pe u x , .
ont m terpreter la ventab le action de la scène, laisser de la place
Les acteurs v ,
,e 1 emen ·
a p po rter un t de romance a' I eur vie qui vienne vraiment de
ou r
f.. 1 térieur. Lo
:
rsque leurs yeux se rencontrent et qu'une étincelle passe, nous
se passe car l'émotion sera présente dans les pensées et les
sa ons ce qui
'motions non formul'ees des acteurs.En regardant au-delà de la surface, nous
;rendrons une certain� distance �musée : " Regardez ce qui vient de se
pass er.Ils ne sont pas Juste en tram de changer un pneu. II se dit qu'elle est
sexy et elle le sait. Un homme vient de rencontrer une femme."
En d'autres termes, écrivez de la manière dont les choses se déroulent dans
ta vie. Car si nous donnons ce dîner aux chandelles à de bons acteurs, ils
sentiront que cette scène est mensongère. Ils refuseront de la jouer et ils
s'éloigneront jusqu'à ce que la scène soit coupée ou réécrite avec un sous-texte
jouable. Si les acteurs n'ont pas de renommée suffisante pour exiger une
réécriture, ils introduiront un sous-texte dans la scène, que cela ait à voir ou
non avec l'histoire. De bons acteurs ne se présenteront pas en face d'une
caméra sans leur sous-texte.
Un acteur forcé de jouer la scène du dîner aux chandelles risquerait de se
rebeller: "Pourquoi ces personnes se sont-elles donné tant de mal pour créer
cette scène ? Pourquoi avoir choisi les chandelles, la musique douce et les
rideaux qui ondulent. Pourquoi ne mangent-ils pas des pâtes devant la
télévision comme tout le monde ? Qu'est-ce qui ne va pas dans leur relation ?"
En effet, dans la vie, on n'a pas recours au dîner aux chandelles quand tout va
bien. Lorsque tout va bien, on mange des pâtes devant la télévision comme les
gens normaux.À partir de cette intuition, les acteurs vont créer un sous-texte:
" Il dit qu'il l'aime et c'est peut-être vrai, mais regardez, il a peur de la perdre.
Il est désespéré." Ou, bien: " Il dit qu'il l'aime, mais regardez, il se prépare à
lui annoncer de mauvaises nouvelles.Il s'apprête à la quitter."
La scène ne parle pas de ce qu'elle a l'air de parler, mais de quelque chose
d'autre.Et c'est ce quelque chose d'autre - essayer de récupérer son affection,
ou la préparer à la rupture - qui fera que la scène marchera ou non. Il y a
toujours un sous-texte une vie intérieure qui sert de contraste ou qui contredit
le texte. À partir
de �ela, l'acteur va créer une œuvre qui aura de multiples
strates qui nous texte jusqu'à la vérité qui vibre
permettront de voir à travers le ·
derne ·, re les yeux, la
voix et les gestes de la vie.
Ce principe ne signifie pas que les gens ne sont pas sincères. Il s'agit
d,admettre avec
bon sens que nous portons tous un masque social. Nous disons
et nous fais
ons ce que nous pensons que nous devrions faire alors que nous
ensons et que
Pn nous ressentons quelque chose de tout à fait différent. Et c'est
onnaI. On ne
ou que l on peut pas se promener en disant et en faisant ce que l'on pense
' ressent vraiment.Si nous le faisions, le monde aurait l'air d'un asile

•239


LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'IDSTOIRE

de fous. C'est d'ailleurs la façon dont on reconnaît un fou. Il dit et .


· · · f:ait
exactement ce qu'·I 1 pense car ·I 1 a per du toute commurucat ion mteme.
En fait, il est virtuellement impossible pour quiconque, même pour
1 :
1e
fous, d'exprimer ce qui se passe vraiment à l'intérieur de nous. Peu import �
quel point nous voulons manifester nos sentiments les plus profonds, ils 0: a
s
échappent. Nous n'exprimons jamais véritablement la réalité, car nous ne �
connaissons que rarement. Pensez aux situations dans lesquelles nous voulo�
désespérément exprimer nos pensées et nos sentiments les plus pro fonds _ dans
le contexte de la psychanalyse : un patient allongé sur un divan déverse ce qu'il
a sur le cœur. Il désire être compris et n'a pas la moindre inhibition. Rien n'est
trop privé. Alors qu'il fait remonter à la surface des pensées et des désirs
terribles, que fait l'analyste ? Il hoche la tête calmement et prend des notes. Et
qu'y a-t-il dans ces notes ? Ce qui n'est pas dit, le secret, les vérités
inconscientes derrière la confession viscérale du patient. Rien n'est ce qu'il
semble être. Il n'y a pas de texte sans sous-texte.
Cela ne signifie pas non plus que nous ne pouvons pas écrire des dialogue s
puissants au cours desquels des gens qui éprouvent un fort désespoir essaient
de dire la vérité.Cela signifie simplement que les moments les plus passionnés
doivent révéler un niveau encore plus profond.
CHINATOWN : Evelyn Mulwray s'écrie : " C'est ma sœur, c'est ma fille.
Mon père et moi ... " Mais ce qu'elle ne dit pas c'est : "S'il te plaît, aide-moi."
L'angoisse qu'elle éprouve en se confessant est une demande d'aide. Le sous­
texte : " Je n'ai pas tué mon mari. C'est mon père qui ... pour posséder mon
enfant. Si vous m'arrêtez, il se saisira d'elle. S'il vous plaît, aidez-moi. " Au
moment dramatique suivant, Gittes dit : " Je vais essayer de vous faire sortir
de cette ville ... "C'est une réponse illogique mais cohérente. Le sous-texte est
le suivant : " J'ai compris tout ce que tu m'as dit. Je sais désormais que c'est
ton père qui l'a tué. Je t'aime et je vais risquer ma vie pour te sauver toi et ton
enfant. Puis je partirai à la poursuite de ce salaud. " Tout ceci est sous-jacent,
ce qui nous offre un comportement véridique sans dialogue artificiel ou trop
explicite. De plus, cela permet de ne pas dérober au public le plaisir de
découvrir la situation par lui-même.
LA GUERRE DES ÉTOILES : Lorsque Darth Vader offre à Luke la
possibilité de s'associer à lui pour diriger l'univers et redonner un " certain
ordre au monde ", la réaction de Luke consiste à essayer de se donner la mort.
Cette réaction n'est pas logique, pourtant elle est parfaitement cohérente car
Luke et les spectateurs sont capables de déchiffrer le sous-texte de Darth
Vader. Derrière cette expression : " redonner un certain ordre au monde ", on
entend l'implication non formulée : " transformer des milliards d'individus en
esclaves ". Lorsque Luke essaie de mettre fin à ses jours, nous déchiffrons un
sous-texte héroïque. " Je préfère mourir plutôt que de m'associer à cette
démarche malsaine. "

240 •
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

Les personnages peuvent dirent et faire tout ce que vous pouvez imaginer.
Mais il est impossible pour un être humain de dire ou d'accomplir un acte
abs ol u ment vrai, car il Y a toujours au moins une dimension inconsciente que
l'auteur doit intégrer dans le sous-texte. Et lorsque le public est sensible à ce
sous-texte, la scène fonctionne.
Ce principe joue aussi dans les romans à la première personne, les
mon ologues théâtraux, les enregistrements en direct ou les narrations en voix
off. Car si les personnages nous parlent directement, cela ne signifie pas qu'ils
connaissent la vérité ou qu'ils soient capables de la dire.
ANNIE HALL: Lorsqu'Alvy Singer (Woody Allen) s'adresse directement
au public et " confesse " ses craintes de ne pas être à la hauteur, il se ment à
lui-même. Il exagère et rationalise tout ceci au cours d'un effort pour se
convaincre et nous convaincre qu'il a fait le bon choix sentimental.
Le sous-texte est présent, même lorsqu'un personnage est seul, car si
personne d'autre ne nous observe, nous nous le faisons. Nous portons des
masques pour nous cacher à nous-mêmes qui nous sommes vraiment.
Non seulement les individus portent des masques, mais les institutions le
font aussi et elles embauchent des experts en relation publique. La satire de
Paddy Chayefsky, HÔPITAL, explore cette vérité de manière incisive. Le
personnel des hôpitaux porte des blouses blanches et se conduit en
professionnel. Ils sont attentionnés et scientifiques. Mais s'il vous est arrivé de
travailler au sein d'une institution médicale vous savez qu'il y règnent la
cupidité, l'ego et une certaine dose de folie. Si l'on a envie de mourir, le plus
sûr c'est de séjourner dans un hôpital.
La dualité constante de la vie est vraie même pour les objets inanimés.
Dans l'adaptation de Robert Rossen de Buddy Budd de Melville, un navire de
guerre mouille dans les eaux tropicales la nuit. D'innombrables étoiles brillent
et elles se reflètent magnifiquement dans la mer calme et noire. Une pleine
lune basse illumine la mer de l'horizon jusqu'à la proue du navire. La voile
détendue tremble dans la brise chaude. Le cruel maître d'armes, Claggart
(Robert Ry am) est de garde. Billy (Terence Stamp) ne peut pas dormir. Il sort
sur le pont, se tient près de la rambarde avec Clag�art et fait ':111e r:marqu� sur
la beauté de la _
soirée. Clagg art lui répon d : " Om, Bi lly, om, mais souviens-
.
t01, sous cette '
horde de mons tres. M eme M ere
Il
une
A

surface brillante rôde


Nature porte un masque.

•241

A
U:S PRINCIPES DU SCltt:MA DF. L'HISTOIRE

LES TECHNIQUES D'ANALYSE DE SCÈNES

Afin d'analyser une scène, vous devez la découper correctement selon


les
schémas de comportement dans le texte et le sous-texte. Les déf:
. . ',. .. . au ts
apparaissent a 1ors c 1a1rement. vo1c1 une demarc
, he en cmq étapes de stinée s a,
-
· 11vrer
f:aire , ,
ses secrets a une scene.

Première Étape : Définissez le Conflit.


Demandez-vous tout d'abord qui dirige cette scène et ce qui la motive ?
N'importe quel personnage ou force est susceptible de détermin er le
déroulement d'une scène, même un objet inanimé ou une action de la nature.
Observez le texte et le sous-texte de ce personnage ou de cette force et
demandez-vous : Que veut-il ? La réponse sera toujo u rs un "dé sir".
11 11

Exprimez ce désir (ou selon l'idiome des acteurs : l'objectif de la scène) sous
la forme d'un verbe à l'infinitif tel que faire ceci... ou faire cela".
11 11 11

Ensuite regardez la scène et demandez-vous quelles sont les forces


antagonistes qui bloquent le désir ? À nouveau, ces forces peuvent venir de
n'importe quel niveau ou combinaison de niveaux. Après avoir identifié la
source de l'antagonisme, demandez-vous : Que veulent les forces
11

antagonistes ? Ceci s'exprime également le mieux à l'aide d' u n verbe à


11

l'infinitif: Ne pas faire cela. " ou Obtenir cela à la place ... " Si la scène est
11 11

bien écrite lorsque vous comparez la succession des expressions exprimant le


désir du protagoniste et de l'antagoniste, vous verrez qu'elles sont di rectement
en conflit.

Deuxième Étape : Notez la Valeur d'Ouverture.


Identifiez la valeur en jeu dans la scène et notez sa charge émotionnelle,
qu'elle soit positive ou négative, ou prisonnière de sa propre ambitio�
obsessionnelle : " La foi : Le protagoniste est dans une phase positive. il croit
en Dieu et sait que celui-ci l'aidera. "

Troisième Étape : Déconstruisez la Scène en Temps Forts Dramatiq ues.


Un temps fort correspond au passage de l'action à la réaction dan s le
·, re act1_ on
comportement d'un personnage. Observez de façon précise la premte
s
de la scène à deux niveaux : extérieurement, du point de vue de ce q ue le
personnages semblent être en train de faire et regardez sous la sur face d e s
choses ce qu'ils font vraiment. Donnez un nom à cette action sous-textuelle en
employant une expression au présent : " Il supplie ". Essayez de trouv� r d e:
expressions qui non seulement indiquent une action mais qui ren seignen

242 •

1
LF.S PRINCIPES D SCHEMA
DE L'JllSTOIRE

également sur les sentiments du personnage " Il 1m .


plo e. " ·1�d'ique que le
pers. onnage agit de façon solennelle, tandis que· Il rampe �a
ses pi eds " suggere
11

. . .
qu ' i l est servil e et desespéré .
Les expressions qui expriment l'action dans 1e sous-texte ne de· cnv · ent pas
. . , .
1'act1v1te du ,personnage
.
de façon littérale, eIles atteignent un ntvea· u P 1us
pr ofo nd et des1gnent l'action essentiell e du personnage avec des connotations
,emot·ives.
Maintenant regardez la réaction produite par cette act·10n et decnve .
. z-la au
,
present : " Eli e ·ignore ses supplications ".
Cet échange entre l'action et la réaction correspond a' un temps 1ort. "' pendant
cette phase le personnage A" rampe à ses pieds" mai·s le personnage B"'ignore
. . ,, � . ,
ses supphcat1ons . Meme st leur echange se répète un certain nombre de 101s, "- ·
_ , . .
11 s agi ra toujours du même temps fort. Un nouveau temps fort ne se produira
pas avant que le comportement du personnage ait clairement changé.
Si l'action du personnage A: " il rampe " se transforme en" il menace de
la qui�er " et qu'en réaction à cela, l'action du personnage B " elle ignore ses
_
supphcatlons" se transforme en" cette menace la fait rire", alors le deuxième
temps fort de la scène serait " Il la menace " /" Ça la fait rire "jusqu'à ce que
le comportement de A et de B change pour la troisième fois. Continuez
l'analyse tout au long de la scène, d'un temps fort au suivant.

Quatrième Étape : Notez la Valeur de Fin et Comparez-la avec celle


d'Ouverture.
À la fin de la scène, examinez quelle est la charge émotionnelle pour le
tives.
personnage et décrivez-la en termes de valeurs positives ou néga
xième Étape.
Comparez ces remarques avec celles que vous avez faites à la Deu
ents est un
Si les deux remarques sont les mêmes, l'activité entre ces deux mom
Les détails à exposer
non-événement. Rien n'a changé, donc rien ne s'est passé.
scène est plate. Si, par
ont peut-être été transmis aux spectateurs, mais cette
ne s'est renversée.
contre, la valeur a subi un changement, alors la scè

Forts et Localisez le Pivot


Cinquième Étape : Surveillez les Temps
Dramatique.
e et étudiez les expressions qui
Commencez à partir du temps fort d'ouvertur
e vous retracez les échanges
décrivent les actions des personnages. Lorsqu
une forme ou un schéma doit
d'action et de réactionjusqu'à la fin de la scène,
comportements apparemment
émerger. Dans une scène bien conçue, même les
but. Dans de telles scènes,
désordonnés auront une courbe dramatique et un
que les temps forts
c'est leur conception précise qui donne l'impression
arrivent par hasard.

•243
p
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

À l'intérieur de la courbe dramatique, , localisez le moment où le icosse


narratif majeur s'ouvre entre l'attente et le resultat, et renversez la scène en 1 u1.
faisant prendre ses valeurs fina 1 es une 101s� , mod"fi,
t 1ees. Ce moment
pr,ec1s.
correspond au Pivot Dramatique.
Une analyse de la conception des deux scènes suivantes illu stre cette
technique.

CASABLANCA

Le Pivot Central (Mid-Act Climax) de CASABLANCA se joue dans une


unité de temps et d'espace qui met l'accent sur le conflit personnel et exprime
une action première de façon verbale.

SYNOPSIS
Rick Blaine, un partisan antifasciste et Ilsa Lund, une expatriée
norvégienne se rencontrent à Paris en 1940. Ils tombent amoureux et
commencent une liaison. Il lui demande de l'épouser, mais elle élude la
question. La Gestapo le recherche. La veille de l'invasion nazie les amants
décident de se rencontrer à la gare et de quitter la ville ensemble. Mais llsa ne
vient pas. Elle fait parvenir à Nick un message dans lequel elle lui dit qu'elle
l'aime mais qu'elle ne le reverra jamais.
Un an plus tard, Rick tient un café à Casablanca. Il est devenu un reclus,
qui choisit volontairement de rester neutre, et refuse de s'impliquer dans quoi
que ce soit de personnel ou de politique. Comme il le dit lui-même : " Je ne
prendrai de risques pour personne. " Il boit trop et a l'impression d'avoir tué
son ancien moi. llsa entre alors dans son café, au bras de Victor Laszlo, un
célèbre chef de la résistance. Les anciens amants se retrouvent. Derrière leur
conversation de salon, on sent leur passion. ! Isa repart avec Laszlo, Rick reste
assis dans l'obscurité à l'attendre en buvant toute la nuit.
Quelques heures après minuit, elle réapparaît. Rick est larmoyant et tout à fait
saoul. llsa est sur ses gardes, elle lui dit admirer Laszlo mais ne pas l'aimer. Puis,
avant qu'elle ne puisse lui dire que c'est lui qu'elle l'aime, Rick sujet à l'amertum e
liée à l'alcool, réduit l'histoire d'llsa à une mauvaise romance de bordel. Il la fix e
des yeux d'un regard mauvais et, non content de l'avoir blessée, il l'injurie:" Dis­
moi. Pour qui m'as-tu quitté ? Était-ce Laszlo ? Ou y en a-t-il eu d'autres entr e­
temps ? Peut-être n'es-tu pas du genre à en parler ? " Humiliée d'être traitée de
pute, elle part et il s'écroule en larmes.

244 •
.,
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

LE CLIMAX CENTRAL
Le jour suivant Ilsa et Laszlo recherchent des visas de sortie au marché
noir. Alors qu'il essaie d'en négocier un dans un café, Ilsa l'attend à un stand de
linge. Rick s'approche d'elle.

Première Étape: Définissez le Conflit.


Rick initie et conduit la scène. Malgré un conflit intérieur dû à la souffrance
qu'il a ressenti depuis qu'elle l'a abandonné à Paris, et la colère qu'il a maîtrisée
lorsqu'il l'a vue avec un autre homme, le désir de Rick est clair : " Il s'agit de
reconquérir Ilsa ". Sa source d'antagonisme est également claire : c'est Ilsa. Ses
sentiments sont très complexes et assombris par des émotions troubles teintées
de culpabilité, de regret et de devoir. Elle aime Rick passionnément et elle
reviendrait à ses côtés si elle le pouvait. Mais pour des raisons qu'elle est seule
à connaître, elle ne peut pas. Prise entre deux besoins irréconciliables, le désir
d'Ilsa peut être formulé ainsi : " Elle désire conserver son histoire avec Rick
dans le passé et continuer sa vie. " Bien que très confuse en raison des conflits
intérieurs, leurs désirs vont dans des directions opposées.

Deuxième Étape : Notez la Valeur de l'Ouverture.


L'amour gouverne la scène. Le comportement insultant de Rick au cours de
leur dernière scène a transformé cette valeur en une charge émotionnelle
négative. Cependant, cela tend vers le positif parce que le public et Rick y
voient une lueur d'espoir. Dans les scènes précédentes, Ilsa était nommée
"Mademoiselle Ilsa L und", comme si elle était célibataire et accompagnait
simplement Laszlo. Rick désire changer cela.

Troisième Étape : Déconstruisez la Scène en Temps Forts.

TEMPS FORT N° 1

EXT. BAZAR - STAND DE LINGE


Le signe au-dessus de l'étalage du Vendeur Arabe annonce LINGERIE. Le
Vendeur montre à Ilsa un drap de lit en dentelles.

Action du Vendeur : IL VEND.

V ENDEUR ARABE
Vous ne trouverez pas un tel trésor
dans tout le Maroc, Mademoiselle.

•245
r....__
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

Rick arrive derrière elle à cet instant.

L'action de Rick: IL S'APPROCHE D'ELLE.

Sans avoir besoin de regarder, llsa sent sa présence. Elle


fait semblant
s'intéresser à la dentelle. de

La réaction d'Ilsa : ELLE L'IGNORE.

L e Vendeur lui montre une pancarte qui dit 700 francs.

LE VENDEUR ARABE
Ça ne fait que 700 francs.

TEMPS FORT N°2

RICK
C'est du vol.

L'action de Rick: IL LA PROTÈGE.

Ilsa prend une seconde pour se calmer. Elle regarde Rick, puis de façon polie
mais formelle, elle se tourne vers le vendeur.

ILSA
Ce n'est pas grave, merci.

La réaction d'Ilsa : ELLE REJETTE LES AVANCES DE RICK.

tâche de
A.fin de reconquérir flsa qui est désormais avec Laszlo, la première
donné ses
Rick consiste à briser la glace. Ce n'est pas facile étant
r derniè:�
récriminations et la colère dont il a fait preuve au cours de leu
être assimile
scène. Le fait qu'il la mette en garde contre le Vendeur Arabe peut
insult e à l'égar d de celui-ci. Mais il ne s'ojji,s que pas, o r da ns le sous­
à une
texte Rick fait allusion a bien plus que cela.

246 •
U:S PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOfRE

TEMPS FORT N 3
°

LE VENDEUR ARABE
Ah ... la dame est une amie de Rick ? Pour les amis
de Rick,
nous faisons une petite remise.
J'ai dit 700 francs ?
(Il lui montre une nouvelle pancarte).
Vous pouvez l'avoir pour 200 francs.

RICK
Je suis désolé, je n'étais pas en état de recevoir
des visiteurs lorsque tu m'as rendu visite hier soir.

L'action de Rick: IL S'EXCUSE.

ILSA
Ce n'est pas grave.

La réaction d'Ilsa. ELLE LE REJETTE À NOUVEAU.

LE VENDEUR ARABE
Ah ! Pour les grands amis de Rick, nom� faisons
une remise spéciale.

Il remplace la seconde pancarte par une troisième qui dit 100 francs.

L'action protectrice de Rick du premier temps fort vient naturellement. Ses


excuses lors du second temps fort sont plus difficiles et plus brèves. Il
dissimule son embarras en utilisant une solennité excessive pour en atténuer
l'importance. Ceci n'émeut pas !Isa.

TEMPS FORT N° 4

RICK
Ton histoire m'a laissé un peu confus.
À moins qu'il se soit agi du whisky.

L'action de Rick: IL LUI FAIT DES EXCUSES.

•247
'
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

LE VENDEUR ARABE
J'ai des nappes, des serviettes...

ILSA
Merci, cela ne m'intéresse vraiment pas.

La réaction d'llsa : ELLE REJETTE RICK POUR LA 4e FOIS.

LE VENDEUR ARABE
(qui s'éloigne rapidement)
Un moment. .. juste un moment, s'il vous plait. ..

Le Vendeur Arabe enrichit la scène de multiples façons. Il la débute sur un ton


comique qui établit un contrepoint à la fin sombre. Il vend de la dentelle
évocatrice des mariages et de la lingerie fine. Mais plus important encore. il
essaie de vendre Rick à Ilsa. Dans sa première il présente Rick comme un
"trésor". Afin de démontrer le pouvoir de Rick, le vendeur baisse son prix
''pour les amis de Rick". Puis, lorsqu'il entend Rick mentionner la nuit
dernière, il réduit encore son prix "pour les grands amis de Rick ". Rick dit
alors qu'il avait bu et cherche à attribuer son comportement insultant à cet
état. llsa ne veut pas l'entendre mais elle ne s'éloigne pas alors qu'il est clair
qu'elle ne va pas acheter de dentelle.

TEMPS FORT N ° 5

Il y a un court silence pendant qu'Ilsa prétend s'intéresser à la dentelle.

RICK
Pourquoi es-tu revenue ?
Afin de m'expliquer pourquoi
tu ne m'a pas rejoint à la gare ?

L'action de Rick : CRÉER UNE BRÊCHE

ILSA
(calmement)
Oui.
. , GÈREMENT
La réaction d'llsa : ELLE ENTROUVRE TRES LE
LA PORTE.

248 •
LES PRJNClPES DU SCHEMA DE L'HJSTO[RE

Après /'avoir entendu lui " dire non " quatre fois de suite, Rick aimerait
l'entendre dire oui à n'importe quoi. Il pose alors une question qui contient sa
propre réponse. Son " oui " calme entrouvre une porte, tout en gardant " la
chaine ", mais on sent qu'elle accepte la discussion.

RICK
Eh bien, tu peux me le dire maintenant.
Je suis relativement sobre.

La réaction de Rick: IL SE MET À SES PIEDS.

ILSA
Je ne pense pas que je le ferais, Rick.

La réaction d'Ilsa : ELLE EN REDEMANDE.

Pour la troisième fois, Rick, le taciturne s'insulte lui-même pour avoir bu.
Pour quelqu'un d'aussi dur que lui, cela revient à mendier et cela marche. !Isa
hésite. Elle lui fait front poliment et délicatement tout en faisant semblant de
s'intéresser à la dentelle. Si l'on veut paraphraser son sous-texte, on pourrait
dire: "Supplier, c'est plutôt bien. Ça change. Continues un peu. "

TEMPS FORT N° 7

RICK
Pourquoi pas ? Après tout, ça m'a coûté un ticket de
train.
Je pense que j'ai le droit de savoir.

L'action de Rick: IL LA CULPABILISE.

ILSA
La nuit dernière, j'ai vu ce qui t'est arrivé.
J'aurais pu expliquer ce qui s'est passé au Rick que·
j'avais connu à Paris. 11 aurait compris -
mais le Rick qui me regardait avec tellement de
haine ...

•249
'

LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

La réaction d'Ilsa : ELLE LE CULPABILISE À SON TO UR.


Il y a quelque chose entre eux. Ils se sentent tous deux victimes et il
connaissent parfaitement la sensibilité de l'autre si bien qu'ils n'ont aucunse
difficulté à se blesser mutuellement.

TEMPS FORT N° 8

ILSA
(Elle se retourne pour regarder Rick)
Je vais bientôt quitter Casablanca.
Nous ne nous reverrons jamais plus.
Nous ne savions pas grand-chose l'un de l'autre
lorsque nous étions amoureux à Paris.
Si nous en restons là, nous nous souviendrons
peut-être de ces jours - et pas de Casablanca - pas
de la nuit dernière.

L'action d'llsa : ELLE LUI DIT AU REVOIR.

Rick se contente de la regarder fixement.

La réaction de Rick : IL REFUSE DE RÉAGIR.

Dans le sous-texte, les paroles d'Ilsa, ce pardon gentil résonne en fait comme
un au revoir clair. Même si elle est extrêmement polie et que ses mots laissent
entrevoir son amour pour Rick, ils sonnent comme un adieu : 11 Soyons amis,
souvenons-nous des moments heureux et oublions les mauvais. "

Rick ne peut pas l'accepter. Il réagit en refusant de réagir car le fait d'ignorer
l'action de quelqu'un est une réaction. Au lieu de cela, il déclenche le prochain
temps fort.

TEMPS FORT N° 9

RICK
(d'une voix basse et intense)
Es-tu partie parce que tu n'assumais pas ? Parce
que tu savais à quoi cela ressemblerait de se cacher
de la police et de fuir tout le temps ?
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

L'action de Rick: IL LA TRAITE DE LÂCHE.

ILSA
Tu n'as qu'à croire cela, si c'est ce que tu veux.

La réaction d'Ilsa: ELLE LE TRAITE D'IDIOT.

Rick a eu toute une année pour essayer de comprendre pourquoi elle l'a
abandonné, et ce qu'il a trouvé de mieux, c'est de penser qu'elle a été lâche
alors qu'aux côtés de Laszlo elle affronte la mort tous les jours. Si bien qu'elle
l'insulte à son tour en répliquant de façon sarcastique : "Peu importe ce que
tu penses ; seul un idiot pourrait croire quelque chose d'aussi stupide : si tu
veux jouer ce rôle, vas-y. "

TEMPS FORT N°10

RICK
Et bien, je ne m'enfuis plus. Je me suis fixé
maintenant - au-dessus du salon, c'est vrai - tu n'as
qu'à monter à l'étage supérieur. Je t'attendrai.

L'action de Rick: IL LUI FAIT UNE PROPOSITION.

Ilsa baisse les yeux et se détourne de Rick, son visage dissimulé par son
chapeau aux larges bords.

La réaction d'Ilsa: ELLE DISSIMULE SA RÉACTION.

Malgré ses refus, il se rend compte que ses sentiments l'entraînent vers lui. Il
se remémore parfaitement leur vie sexuelle à Paris et il a vu �aszlo, détaché
et distant. Il tente sa chance et lui fait une proposition. A nouveau, cela
marche. //sa se souvient aussi, elle rougit et tente de le dissimuler en se
cachant derrière son chapeau aux larges bords. L'espace d'un instant Rick sent
qu'elle est accessible, mais il ne peut pas s'empêcher de l'insulter .

TEMPS FORT N° 11

RICK
C'est égal, un jour tu mentiras à Laszlo - et tu
viendras me retrouver.

•251
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

L'action de Rick: IL LA T RAITE DE PUTE.

ILSA
Non Rick. Tu vois, Victor Laszlo est mon mari. Et
c'était. .. (un temps, froidement) le cas même lorsque
je t'ai connu à Paris.

La réaction d'llsa : ELLE LE FOUDROIE EN LUI ANNONÇANT


CELA.

Avec dignité et calme. Ilsa s'éloigne, complètement sidéré, Rick la regarde


s'éloigner.

Rick ne peut pas contenir la douleur causée par l'abandon d'Jlsa. Comme au
cours du climax de leur scène précédente, il l'insulte sur le plan sexuel, en
suggérant qu'elle trahira Laszlo pour revenir coucher avec lui. Traitée de
pute pour la seconde fois, llsa a recours à son arme la plus violente et en
frappe Rick le plus fort possible. Remarquez cependant qu'il s'agit d'une
demi-vérité ; elle n'ajoute pas qu'elle croyait que son époux était mort. Au
lieu de cela, elle laisse une implication terrible dans le sillage de cette
phrase : Elle se présente comme une femme mariée qui n'a fait qu'utiliser
Rick à Paris, puis l'a abandonné quand son mari est revenu. Ce qui sous­
entend qu'elle ne l'a jamais aimé. Nous savons grâce au sous-texte que ce
n'est pas le cas, bien au contraire, mais Rick est totalement désemparé.

Quatrième Étape : Notez la Valeur de Fin et Comparez-la avec la Valeur


d'Ouverture.

L'intrigue Centrale se renverse brusquement d'un espoir positif à une


profondeur négative encore plus sombre que celle que Rick avait pu imaginer.
Non seulement llsa insinue clairement qu'elle ne l'aime plus, mais elle lui
laisse supposer qu'elle ne l'a jamais aimé. Son mariage secret transforme sa
romance parisienne en un leurre et fait de Rick un cocu.

Cinquième Étape : Surveiller les Temps Forts et Localiser le Pivot


Dramatique.

1. li s'approche d'elle./ Elle l'ignore.


2. Il la protège./ Elle le rejette lui (et le vendeur arabe).
3. Il s'excuse./ Elle le rejette.
4. Il lui fait des excuses./ Elle le rejette (lui et le vendeur arabe).
LES PRJNCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

5. Il ouvre une brèche./ Elle entrouvre la porte.


6. Il s'agenouille à ses pieds./ Elle en redemande.
7. Il la culpabilise./ Elle le culpabilise.
8.Elle lui dit au revoir./ Il refuse de réagir.
9.Il lct,�raite de lâche. / Elle le traite d'idiot.
1O.Il lui fait une proposition. / Elle dissimule sa réaction.
11.Il la traite de pute. / Elle détruit en lui tout espoir.

Ce schéma sur le mode de l'action/réaction construit une progression rapide


de temps forts. Chaque échange crée une surenchère par rapport au temps fort
précédent et fait courir encore plus de risques à leur amour. Ils exigent une
volonté .toujours plus grande et la capacité de choisir des actions pénibles,
voire cruelles, tout en gardant complètement le contrôle de la situation.
Le Fossé Narratif s'ouvre au milieu du 11 e Temps Fort lorsqu'Ilsa lui révèle
que Laszlo était son époux à l'époque où ils ont eu tous deux une aventure.
Jusqu'à cet instant, Rick espère la reconquérir, mais ce pivot dramatique détruit
en lui tout espoir.

À TRAVERS LE MIROIR

En contraste avec le duo dialogué statique de CASABLANCA, le climax


de l'intrigue entre Karin et son Dieu dans À TRAVERS LE MIROIR se
déplace à la suite de quelques ellipses temporelles. Quatre personnages sont
concernés' et le conflit se situe à un niveau interne même si l'action est
essentiellement évoquée sur le mode physique.

SYNOPSIS
Bergman a conçu une multi-intrigue à partir de six histoires qui se
recoupent. La plus puissante d'entre elles traite du conflit entre Karin et son
"Dieu". Karin souffre de schizophrénie hallucinatoire. Au cours d'une période
de lucidité, on lui permet de sortir de l'hôpital pour passer de courtes vacances
avec sa famille dans une petite maison sur une île de la Baltique. Alors qu'elle
s'efforce de ne pas sombrer dans la folie, elle est entourée d'hommes faibles et
perturbés qui se tournent vers elle dans l'espoir de trouver un soutien.
David, le père de Karin, est apparemment gentil mais c'est quelqu'un qui
réprime ses émotions.Ce romancier a un certain succès mais il est hanté par
l'absence d'une véritable reconnaissance de la part des critiques. Il préfère

•253
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

observer la vie à une certaine distance avant de l'exploiter dans ses


écrit
Karin aimerait voir son père heureux et elle prie pour qu'il ait un grand
. . suc/·
es
art1st1que.
Le mari de Karin, Martin, est médecin. Elle espère très fortement êtr
e
compris de lui et qu'il l'approuve. Au lieu de cela il la traite de façon
condescendante comme s'il était l'une de ses patientes et il la force à faire
l'amour avec lui.
Le frère de Karin, Minus, est la seule personne avec qui elle peut avoir une
vraie relation intime. Elle se confie à lui et lui livre les secrets de ses
terrifiantes hallucinations. Mais il est tellement perturbé par les problèmes des
adolescents face à la sexualité et par la distance qu'il y a entre lui et son père
qu'il ne peut lui être que d'un piètre secours. Au lieu de cela Karin, qui perçoit
les peurs de Minus parvient à l'aider.
Bientôt l'hypersensibilité de Karin (peut-être une forme d'intuition de
médium) laisse la place à ses hallucinations. Elle entend des voix provenant de
derrière le mur du grenier et lui annonçant qu'elle va pouvoir voir Dieu.
Effrayée, elle se confie à Martin, mais il l'humilie en lui reprochant l'absence
de sexualité dans leur mariage. Lorsqu'elle cherche le soutien de son père, il la
renvoie gentiment comme si elle n'était qu'une enfant. Une fois seule, Karin
jette un coup d'œil au journal intime de son père et s'aperçoit qu'il ne s'intéresse
à elle que dans la mesure où elle lui sert d'étude de cas pour son prochain
roman. Elle essaie de parler à son frère du miracle à venir, de cette visite de
Dieu, mais Minus est tellement confus et torturé par ses propres désirs qu'il ne
comprend pas de quoi elle parle. Soudain, la folie de Karin prend une
connotation sexuelle. Mue par une intensité sauvage, elle pousse son frère à
commettre l'inceste.
Lorsque David découvre ce qui s'est passé, il est plus bouleversé par ses
propres émotions que par le sort de ses enfants. De façon étonnante, Karin
parvient à sympathiser avec lui et sachant qu'il ne s'intéresse à elle que pour
ses romans, elle offre à son père des détails concernant sa maladie. Martin les
interrompt et déclare qu'il doit ramener Karin à l'hôpital psychiatrique. li
appelle une ambulance et commence à faire ses bagages.

Première Étape : Définissez le Conflit.


Karin conduit la scène. Elle croit ce que lui disent les voix et espère
intensément voir Dieu, non seulement pour son propre bien; mais pour ses
hommes. Elle veut leur offrir cette épiphanie, afin d'être acceptée d'eux, et
surtout pour les aider à assumer leur vie perturbée. Elle est confrontée à deux
sources antagonistes. La première est : l'attirance sexuelle que Martin éprouve
à son égard et qui lui fait pitié. Il n'arrive plus à maîtriser la folie de son épouse
et il s'efforce de l'éloigner de son " Dieu " et de la ramener à l'hôpital afin
LES PRJNCfPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

qu'elle soit en sécurité. La deuxième force antagoniste à laquelle Karin est


confrontée est plus puissante, il s'agit d'elle-même. Alors qu'elle espère
apercevoir les cieux, son inconscient s'apprête à lui donner une vision de l'enfer.

Deuxième Étape: Notez la Valeur d'Ouverture.


D'une étrange façon, la scène d'ouverture est pleine d'espoir. Karin est le
personnage le plus sympathique du film. Nous espérons qu'elle parviendra à
voir Dieu comme elle le désire. Même s'il s'agit d'une folle fantaisie, cela
apporterait de la joie à cette femme tourmentée. De plus, ses nombreuses
expériences de médium plus tôt dans le film nous ont conduit à soupçonner le
fait qu'il ne s'agit peut-être pas d'hallucinations. Nous attendons que se
produise un événement surnaturel : le triomphe de Karin sur les hommes qui
l'entourent qui sont complètement repliés sur eux-mêmes.

Troisième Étape : Déconstruisez la Scène d'après des Temps Forts.


TEMPS FORT N° 1

INT. CHAMBRE DU COTTAGE - JOUR


Karin et Martin préparent les affaires à emmener dans l'ambulance. Martin
fouille dans une commode. Il cherche une chemise. Les pensées de Karin
semblent très lointaines alors qu'elle est en train de se battre avec une valise
trop remplie.

K.AR1N
Tes chemises sont lavées mais elles n'ont pas été
repassées.

L'action de Karin: ELLE PRÉPARE SA FUITE.

MARTIN
J'ai des chemises en ville de toute façon.

La réaction de Martin : IL DISSIMULE SA CULPABILITÉ.

K.AR1N
Aide-moi à fermer la valise, s'il te plaît.

Martin se bat a:vec le couvercle, mais une paire de chaussures l'empêche de


parvenir à fermer la valise. Il les sort de la valise et les regarde.

MARTIN
Ce sont mes chaussures. On peut les laisser ici.

•255
LES PRfNC[PES DU SCHEMA DE L'HJSTOLRE

KARJN
Pourquoi ne portes-tu pas celles-ci? Tu laisseras
les autres.

MARTIN
(montrant celles qu'il porte)
Il faut les faire réparer.

Il laisse tomber les chaussures sur le sol et met précipitamment sa veste. Karin
referme lentement le couvercle de la valise.

Ce temps fort est presque comique. Karin est habillée. Elle a fait sa valise,
mais Martin, semblable à un enfant qui a besoin de sa mère, s'agite. Karin est
une patiente d'un hôpital psychiatrique qui retourne à l'hôpital pour y subir
des électrochocs, mais elle reste calme et agit de façon pratique. Quant à lui,
il a beau être docteur, il est terriblement agité parce qu'il ne sait pas quelles
chaussures choisir. Dans le texte, Karin fait ses bagages. Or, dans le sous­
texte, elle est en train de préparer sa prochaine action. Il est tellement
perturbé par son sentiment de culpabilité, qu'il ne voit pas que le calme
extérieur de sa femme dissimule un esprit qui se prépare à atteindre son "
miracle "dans le grenier.

TEMPS FORT N°2


Karin touche des doigts le contour de la valise, calmement et de façon pensive.
Puis:

KARIN
As-tu une pilule pour le mal de tête?

L'action de Karin : ELLE CHERCHE À FUIR POUR


REJOINDRE SON " DIEU ".

MARTIN
(il jette un coup d'œil dans la pièce)
Où est la valise marron?

La réaction de Martin : IL L'AIDE.

KARfN
Dans la cuisine.
LES PRJNCIPES DU SCHEMA DE L'HJSTOIRE

MARTIN
(Il se souvient)
Oui, c'est le cas.

Martin se précipite dans :

INT. CUSINE - MÊME MOMENT

Et il p�se son kit n:1édical sur la table. Il prend quelques pilules, remplit un
.
verre d eau et se dirige rapidement vers :

INT. HALL PRINCIPAL - MÊME MOMENT

et il revient vers :

INT. CHAMBRE - LES MÊMES

D'un coup d'œil, il s'aperçoit que Karin est partie. Martin pose l'eau et les
pilules et se précipite à nouveau vers :

INT. HALL PRINCIPAL - MÊME MOMENT

Il la cherche.

Karin est plus perspicace que Martin, mais il est tellement absorbé par lui­
même qu'elle arrive à lui fausser compagnie facilement. Il sait pourtant qu'il
ne faut pas laisser les schizophrènes seuls, mais il se sent tellement coupable
de la ramener à l'hôpital qu'ilferait n'importe quoi pour luifaire plaisir. Il fait
preuve d'attention à son égard, non pas pour elle, mais pour calmer sa propre
souffrance.

TEMPS FORT N°3

Il reg arde à l'extérieur, puis court vers :

INT. LA CHAMBRE DE DAVID - MÊME MOMENT

et il ouvre la porte, il surprend David qui se tient à la fenêtre.

MARTIN
Tu as vu Karin?

•257
'
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

L'action de Martin: IL RECHERCHE KARJN.

DAVID
Non.

La réaction de David : IL L'AIDE A LA CHERCHER.

Alors que Martin l'aide, il sort complètement paniqué, David le suit vers

INT. HALL PRINCIPAL - MÊME MOMENT

Où il échange avec Martin des regards incertains.

P uis soudain, ils entendent la voix de Karin qui MURMURE ... là-haut.

L'action de Karin: ELLE PRIE.

Martin prépare un sédatif alors que David monte à l'étage supérieur.

La réaction de David : IL SE PRÉCIPITE VERS ELLE.

La réaction de Martin : IL S'APPRÊTE À LA CAPTURER À


NOUVEAU.

HALL À L'ÉTAGE

Les MURMURES de Karin sont de plus en plus forts.

KARIN
(répète la même phrase)
Oui, je vois, je vois ...

L'hallucination de Karin donne à ces hommes ce qu'ils désirent. Pour Martin,


.
la possibilité de jouer son rôle de médecin ; pour David, la possibilite
d'observer la maladie de sa fille dans son état le plus théâtral.
LES PRJNClPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

TEMPS FORT N 5
°

David avance calmement vers le grenier à l'abandon .

JNT. LE GRENIER - MÊME MOMENT

et ouvre la porte très légèrement pour jeter un coup d'œil à l'intérieur.

LE POINT DE VUE DE DAVID

à travers la porte à moitié ouverte, il observe Karin au centre de la pièce


regarder fixement une porte de placard fermée le long d'une paroi. Sa voix est
solennelle et ressemble à une prière. Elle chante presque les mots qu'elle
prononce.

KARIN
(qui parle au mur)
Oui, je vais très bien.

L'action de Karin: ELLE SE PRÉPARE À SON ÉPIPHANIE

ANGLE SUR DAVID

Il regarde fixement sa fille, il est transposé par la scène qu'il est en train de
créer.

KARIN (HORS CADRE)


Je sais qu'il n'y en a plus pour longtemps
maintenant.

La réaction de David: IL OBSERVE LA FOLIE DE KARIN.

Martin amène son kit médical, il rejoint David à la porte. Il regarde, sidéré,
Karin qui parle à un auditeur imaginaire.

KARIN (HC)
C'est bien de savoir cela. Mais l'attente a été
heureuse.

La réaction de Martin: IL COMBAT SES ÉMOTIONS

•259
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

Karin supplie devant les voix derrière la tapisserie fissurée, mais elle se rend
compte des efforts qu'ils ont fait pour la trouve,; et elle a conscience du regard
attentif de son père et de la colère contrôlée de son mari.

TEMPS FORT N ° 6

Martin se précipite dans la pièce et vers Karin qui tord nerveusement les perles
de son collier. Elle regarde fixement et avec beaucoup de respect le mur et la
porte du placard.

L'action de Martin : IL MET FIN À SON HALLUCINATION

KARIN
(à Martin)
Marche calmement ! Ils disent qu'il ne va pas
tarder.
Nous devons être prêts.

La réaction de Karin: ELLE PROTÈGE SA VISION

TEMPS FORT N ° 7

MARTIN
Karin, nous rentrons à la ville.

L'action de Martin: IL CHERCHE À L'ENTRAÎNER

KARIN
Je ne peux pas partir maintenant.

La réaction de Karin: ELLE RESTE SUR SES POSITIONS

TEMPS FORT N °8

MARTIN
Tu as tort Karin.
(regardant la porte fermée)
li ne se passe rien ici.
(Il la prend par les épaules)
Aucun Dieu ne surgira à travers cette porte.
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

L'action de Martin : IL NIE L'EXISTENCE DE SON DIEU.

KARIN
Il ne va pas tarder à arriver. Et je dois être ici.

La réaction de Karin : ELLE DÉFEND SA FOI.

MARTIN
Karin, ce n'est pas comme cela.

TEMPS FORT N° 9

KARIN
Ne parle pas si fort ! Si tu ne peux pas rester
tranquille va-t-en.

L'action de Karin : ELLE DEMANDE À MARTIN DE PARTIR

MARTIN
Viens avec moi.

KARJN
Tu veux vraiment tout gâcher ? Laisse-moi
tranquille.

Alors que David regarde de la porte, Karin s'éloigne de Martin qui se dirige
vers une chaise, s'assoit et nettoie ses lunettes.

La réaction de MARTIN : IL AMORCE UNE RETRAITE. IL SE


RETIRE.

Karin est plus forte que Martin. Incapable d'être à la hauteur de l'immense
volonté de Karin, il abandonne et se retire.

TEMPS FORT N° 10
Karin se met à genoux face au mur et rassemble ses mains en un geste de
prière.

KARIN
Martin, très cher, pardonne-moi d'être si en colère.

•261
LES PRINCIPES DU SCIIEI\IA DE L'HISTOIRE

Mais ne peux-tu t'agenouiller à côté de moi ? Tu as


l'air tellement bizarre assis là-bas. Je sais que tu n'y
crois pas, mais juste pour me faire plaisir.

L'action de Karin : ELLE ATTIRE MARTIN DANS SON


RITUEL.

Des larmes se forment dans les yeux de Martin, dans un moment d'angois se,
désemparé, il s'approche à nouveau d'elle et s'agenouille.

La réaction de Martin : IL LUI CÈDE.

Pendant tout ce temps, David observe la porte.

Karin veut que tout soit parfait pour l'arrivée de son Dieu, si bien qu'elle attire
Martin dans son étrange rituel, bien que celui-ci ny croie pas.

TEMPS FORT N °11

Martin prend Karin par les épaules et se love au creux de son cou, en frottant
son visage rempli de larmes contre sa peau.

MARTIN
Karin, très chère, très chère, très chère.

L'action de Martin: IL LA CARESSE.

Cela dégoûte Karin : Elle ôte sa main et se dégage.

La réaction de Karin: ELLE LE REPOUSSE.

Impuissant face à sa folie, Martin instinctivement essaie de la faire sortir de


cette crise par la séduction, mais ses caresses échouent misérablement.

TEMPS FORT N° 12

Karin joint les mains en une prière.

L'action de Karin: ELLE PRIE DE TOUTES SES FORCES.


LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'fflSTOIRE

Soudain un rugissement à faire éclater les tympans remplit la pièce. Karin


regarde vers le placard.

La réaction de son" Dieu " : IL ANNONCE SON ARRIVÉE.

TEMPS FORT N° 13

La porte d'un placard s'ouvre brutalement, apparemment de son propre gré.

L'action du " Dieu " : IL APPARAÎT À KARIN.

Karin se lève avec respect et sourit à quelque chose qui semble émerger du
placard vide.

La réaction de Karin: ELLE REÇOIT SON" DIEU".

De l'autre côté de la fenêtre, un hélicoptère-ambulance descend du ciel.

À l'arrière-plan, David regarde la scène avec intensité.

Comment et pourquoi la porte s'ouvre-t-elle d'elle-même ? C'est peut-être dû


aux vibrations de l'hélicoptère, mais cela n'est pas une explication
satisfaisante. Par pure coïncidence, juste au moment où Karin prie pour
demander un miracle, la porte et l'hélicoptère s'associent pour le lui offrir.
Cependant, de façon étonnante, cette action n'a pas l'air artificielle. Bergman
a créé en termes jungiens, un événement de synchronicité : la fusion d'une
coïncidence significative autour d'un centre d'émotions internes. En nous
per mettant d'entendre les voix de Karin, en nous montrant sa sensibilité aiguë
à la nature et en dramatisant son aspiration extrême à être mise en présence
d'un miracle nous sommes mis en condition. Nous attendons un événement
sur naturel. La passion religieuse de Karin a atteint une intensité telle que cela
crée un événement synchrone qui nous donne l'impression d'être confronté à
une présence au-delà du réel.

TEMPS FORT N° 14

Karin regarde fixement dans le placard. Son visage se fige à la vue de quelque
chose qui sursaute.

L'action du Dieu de Karin: IL L'ATTAQUE.

•263
LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

Soudain, prise de terreur, elle se met à crier et comme si elle était poursuivie
elle traverse la pièce en courant, se terre dans un coin et se recroqueville en
cherchant à se protéger.

La réaction de Karin : ELLE CHERCHE À SE PROTÉ GER DE


SON DIEU.

TEMPS FORT N° 15

Martin la saisit.

L'action de Martin: IL LA RETIENT.

Elle le repousse et s'enfuit vers un autre coin de la pièce.

La réaction de Karin: ELLE ÉCHAPPE À MARTIN.

TEMPS FORT N° 16

Cotnme si quelqu'un remontait le long de son corps, elle serre les poings le
long de son aine puis lance les bras dans les airs violemment pour se défendre
contre un attaquant invisible.

L'action de son " Dieu " : IL ESSAYE DE VIOLER KARIN.

La réaction de Karin: ELLE SE DÉBAT CONTRE CE VIOL.

David rejoint maintenant Martin et essaie de la maîtriser.

La réaction de David : IL AIDE MARTIN À LA MAÎTRISER

TEMPS FORT N° 17

Mais elle s'échappe et se précipite dehors vers

INT. PALIER À L'ÉTAGE SUPÉRIEUR - LES MÊMES

Et elle descend les escaliers.

L'action de Karin: ELLE S'ENFUIT.


LES PRINCIPES DU SCHEMA
DE L'fflSTOIRE

JNT. DANS LES ESCALIERS - LES MÊMES

Soudain, Minus arriv e en bas des escaliers .. Il lui bloque le passage. Karin
.
s'arrête et regarde fixement son frère.

La réaction de Minus : IL LA PIÈGE.

TEMPS FORT N° 18

David la sai�it et lui fait descendre ·tes escaliers. Martin arrive avec une
seringue. Karin se débat comme un animal pris au piège.

L'action de Martin et de David : ILS LUI DONNENT UN


SÉDATIF.

MARTIN
Tiens ses jambes !

Elle leur donne des coups de poing, afin d'échapper à la piqûre que Martin
essaie de lui administrer.

La réaction de Karin. ELLE RÉSIST E VIOLEMMENT À


L'AIGUILLE.

TEMPS FORT N° 19
Elle s'appuie contre son père et regarde fixement le visage anxieux de son
frère.

L'action du sédatif: ÇA LA CALME

La réaction de Karin : ELLE CÈDE AU MÉDICAMENT.


La réaction de David et de Martin : ILS SE CALMENT.

La réaction de Minus : IL ESSAIE DE COMPRENDRE.

TEMPS FORT N°20


KARIN
Tout d'un coup, j'ai eu peur.

•265
LES PRINClPES DU SCHEMA DE L'IDSTOlRE

L'action de Karin: ELLE PRÉVIENT MINUS.

La réaction des trois hommes : ILS L'ÉCOUTENT CALMEMENT.

KARIN
( qui explique lentement à son frère)
La porte s'est ouverte. Mais le Dieu qui est sorti
était une araignée. Il est venu vers moi et j'ai vu
son visage. C'était un visage horrible, un visage de
pierre. Il a grimpé le long de moi et a essayé de me
pénétrer. Mais je me suis défendue. Tout ce temps­
là j'ai vu ses yeux. Ils étaient calmes et froids.
Comme il n'arrivait pas à me pénétrer, il a grimpé
jusqu'à ma poitrine, jusqu'à mon visage et il est
parti le long du mur.
(Elle observe lentement les yeux de Minus) J'ai vu Dieu.

Bien que le viol du Dieu-araignée soit une hallucination surgie de son


inconscient, de retour à la réalité, Karin traite cette hallucination avec un
respect ironique. Elle offre sa découverte terrifiante aux trois hommes, mais
l'adresse surtout à Minus comme récit édifiant. Elle prévient ainsi son frère
que les prières ne sont pas exaucées.

Quatrième Étape: Notez la Valeur de Fin et Comparez-la avec la Valeur


d'Ouverture.
La rencontre de Karin avec le Dieu-Araignée renverse la scène de l'espoir
à l'absence d'espoir. Elle prie dans l'attente d'une épiphanie et offre ce
"miracle" à son père en sachant qu'en raison de son incapacité à ressentir une
émotion authentique, celui-ci est avide de découvrir les expériences des autres
afin de remplir les pages de ses romans. Elle offre la foi à son époux, mais ses
réponses se limitent à des gestes sexuels à moins qu'il ne se retranche derrière
son rôle de médecin. Son " miracle " explose en un cauchemar et sa croyance
en Dieu est ébranlée.
Lors du dernier temps fort, Karin raconte la vision grotesque qu'elle a eue
à son frère comme s'il s'agissait d'un avertissement. Mais ce dernier geste est
léger comparé à la dramatisation d'un désespoir accablant présenté dans cette
scène. Et nous restons sur le sentiment que l'intellectualisation de l'amour
selon le mode choisi par le romancier et le docteur tout au long du film est
pitoyablement faible comparée aux forces incompréhensibles qui habitent la
nature humaine.
LES PRJNCIPES DU SCHEMA DE L'IDSTOJRE

Cinquième Étape Étudiez les Temps Forts et localisez le Pivot


Dramatique.

1. Elle prépare sa fuite./ Il dissimule sa culpabilité.


2.Elle échappe à son " Dieu". / Il l'aide.
3. Il cherche Karin./ Il l'aide à la chercher.
4.Elle prie./ Il se précipite vers elle.
5. Elle se prépare à son épiphanie./
Elle observe sa folie et combat ses émotions.
6.Elle met fin à son hallucination. / Elle protège son rêve.
7.Il cherche à l'entraîner./ Elle ne bouge pas.
8.Il nie ('Existence de Dieu. / Elle défend sa foi.
9.Elle ordonne à Martin de s'éloigner./ Il s'éloigne.
1O.Elle attire Martin vers son rituel. / Il lui cède.
11.Il la caresse./ Elle le repousse.
12.Elle prie de toutes ses forces./ Son" Dieu " annonce son arrivée.
13. Il apparaît à Karin. / El le reçoit son " Dieu ".
14. Il attaque Karin./ Elle repousse son" Dieu".
15. Il cherche à la maîtriser. / Elle échappe à Martin.
16. Il essaie de violer Karin. / Elle lutte avec son" Dieu".
17. Il fuit. / Il la piège.
18. Il lui donne un sédatif./ Elle résiste à la piqûre.
19. Il la calme. / Ils se calment et essaient de comprendre.
20.Il prévient Minus./ Elle écoute calmement.

Les temps forts commencent légèrement, presque de façon comique, puis


ils progressent rapidement. Chaque action/réaction surenchérit sur l'échange
précédent et exige plus de la part de tous les personnages, et en particulier, ils
exigent de plus en plus de volonté de la part de Karin pour survivre à ses
visions terrifiantes. Le fossé narratif s'ouvre entre le Temps Fort N ° 13 et le
Temps Fort N ° 14 lorsque les attentes de Karin vis-à-vis de son Dieu se soldent
par une attaque sexuelle par une araignée au cours d'une hallucination.
Dans CASABLANCA, la scène se renverse sur une révélation. Dans À
TRAVERS LE MIROIR, le Pivot Dramatique de ce climax bascule sur une
action. Il s'agit ici d'une action de pouvoir épouvantable effectuée par
l'inconscient du protagoniste.

J'ai eu recours à ces scènes magnifiques pour démontrer la technique de


l'analyse. Bien qu'elles soient différentes du point de vue des niveaux de
conflit et de la qualité des actions, elles sont fondées sur la même essence
formelle. Ce qui est virtuellement parfait dans ces scènes seraient mauvais
dans d'autres scènes d'une moins bonne qualité. Des scènes mal écrites

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1 LES PRINCIPES DU SCHEMA DE L'HISTOIRE

manquent parfois de conflit parce que les désirs ne s'opposent pas. Ils pe uve
\ ne pas faire avancer la scène parce qu'ils fonctionnent de façon rép étitive �t
u
circulaire. Ces scènes sont bancales parce que leurs Pivots Dramatique
viennent trop tôt ou trop tard, ou elles sont peu crédibles parce que le dialogu:
et l'action sont trop " directs ". Mais l'analyse d'une scène problématique qui
confronte les temps for ts aux objectifs de la scène, modifie les co mpo rte ments
afin de coller aux désirs ou modifie les désirs pour s'adapt er aux
comportements, ceci conduira à une réécriture susceptible de rend re cett e
scène vivante.

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