La Monnaie Mobile Et Ses Effets Macroeconomiques
La Monnaie Mobile Et Ses Effets Macroeconomiques
La Monnaie Mobile Et Ses Effets Macroeconomiques
MINISTERE DE L’ECONOMIE,
DU PLAN ET DE LA COOPERATION
@DEPE/JUILLET12024
Monnaie mobile et ses effets macroéconomiques au Sénégal
Résumé :
Cette étude a pour objectif de mesurer les effets macroéconomiques de l’utilisation de la monnaie mobile sur
l’économie sénégalaise à l’aide d’un modèle d’Equilibre Général Dynamique Stochastique (DSGE). Ainsi, un choc
d’une hausse de 10% de la propension de monnaie mobile utilisée pour effectuer des dépenses de consommation
a été implémenté. Les résultats des simulations montrent que l’accroissement de la monnaie mobile impacte
positivement la consommation privée en moyenne de près de 6,35% au cours des 10 premières années, entraînant
des effets induits positifs sur plusieurs agrégats macroéconomiques. En effet, il serait observé une augmentation
moyenne de l’investissement privé et des importations, respectivement d’environ 1,15% et 4,81%, malgré une
décélération des exportations de 16,17%. Par contre, les ménages à capacité de financement auraient tendance à
réduire leurs placements bancaires favorisant une augmentation des prêts d’environ 30,07% et 5,84% en moyenne,
au cours de la même période. Globalement, cette nouvelle configuration aurait des effets positifs sur le PIB et les
recettes fiscales à hauteur de 0,14% et 10,84%, respectivement. Dans cette optique, l’Etat pourrait accompagner
les Fintech en favorisant, la numérisation des plateformes de collectes de recettes et l’implantation des points de
distribution. En outre, les établissements émetteurs devraient élargir leurs partenariats tout en renforçant la
confiance des ménages pour une meilleure appropriation de la monnaie mobile.
Mots clés : Monnaie mobile, DSGE, consommation, investissement, PIB, recettes fiscales
Classification JEL : E42, E12, E21, E22, E23, H2
Abstract:
The aim of this study is to measure the macroeconomic effects of using of mobile money on the Senegalese
economy, using a Dynamic Stochastic General Equilibrium (DSGE) model. A shock of a 10% increase in the
propensity of mobile money used for consumer spending was implemented. Simulation results show that the
increase in mobile money positively impacts private consumption by an average of nearly 6.35% over the first 10
years, with positive induced effects on several macroeconomic aggregates. In fact, private investment and imports
would increase on average by around 1.15% and 4.81% respectively, despite a 16.17% deceleration in exports. On
the other hand, households with financing capacity would tend to reduce their bank investments, favoring an
increase in loans of around 30.07% and 5.84% on average, over the same period. Overall, this new configuration
would have positive effects on GDP and tax revenues of 0.14% and 10.84% respectively. With this in mind, the
government could support FinTech’s by promoting the digitization of revenue collection platforms and the
establishment of distribution outlets. In addition, issuing institutions should broaden their partnerships, while
strengthening household confidence in the use of mobile money.
1
zakdou56@gmail.com; babadiodo@gmail.com; bauricediedhiou@gmail.com
2
I. Introduction
2
L’ensemble de ces innovations financières peut être appréhendé à travers l’introduction de nouveaux instruments financiers
(paiement mobile, carte bancaire, distributeurs automatiques)
3
Selon le GSMA (2024), le développement du réseau d’agents distributaires enregistrés
a augmenté de 22% en 2023 pour atteindre un niveau record de 18,6 millions en Afrique de
l’Ouest. Cette hausse est tirée essentiellement par le Nigéria, le Ghana et le Sénégal. Quant aux
transactions interopérables, elles ont progressé de 15% entre 2022 et 2023 et s’établissent à 210
milliards de dollars, soit 60% du total.
3BCEAO (2015) : Instruction N° 008-05-2015 régissant les conditions et les modalités d’exercice des activités des émetteurs
de monnaie électronique dans les Etats membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA)
4
Au Sénégal, sept (7) initiatives d’offre de services financiers adossées à la monnaie
mobile ont été enregistrées en 2021 comptabilisant 21,6 millions de comptes ouverts selon la
BCEAO (2022). Cependant, seulement 8,7 millions de comptes sont actifs avec au moins une
transaction au cours des 90 derniers jours, soit un taux d’activité de 40,47%. Le volume des
transactions annuelles est évalué à 998,32 millions pour une valeur de 17395 milliards de FCFA.
Ces dernières sont réparties selon différents services financiers mobiles dont les plus importants
sont les transferts entre personnes (34,69%), les opérations de dépôt (30,98%), de retrait
(29,35%) et les paiements (2,73%).
Par ailleurs, des études récentes ont analysé la relation entre l’utilisation de la monnaie
électronique, la conduite de la politique monétaire et la croissance économique (Adam et
Walker, 2015 ; Mawejje et Lakuma, 2019 ; Luo et al., 2021). Pour ces derniers, le
développement de la monnaie mobile implique une substitution progressive à la monnaie
fiduciaire, ce qui crée un important effet multiplicateur et une augmentation de la vitesse de
circulation. Cependant, ces études se limitent principalement, à l’analyse de la relation entre la
monnaie mobile et la politique monétaire. Il s’agira à travers ce document d’étendre l’analyse
à l’impact de la monnaie mobile sur les différents agrégats macroéconomiques.
L’objectif général de cette étude est de mesurer les effets de la monnaie mobile sur
l’économie sénégalaise grâce à un modèle d’Equilibre Général Dynamique Stochastique
(DSGE). A cet effet, le document est organisé comme suit, après l’introduction, la deuxième
section proposera une revue de littérature théorique et empirique, suivie d’une analyse des faits
stylisés relatifs aux services financiers au Sénégal. La quatrième section sera réservée à
l’approche méthodologique retenue et les données utilisées dans cette étude. Enfin, la dernière
section portera sur la présentation des résultats et les recommandations de politiques
économiques.
5
II. Revue de littérature
En outre, plusieurs travaux empiriques s’accordent sur les nombreux avantages offerts
par les services de monnaie mobile surtout en termes de réduction de coûts, de sécurité et de
facilitation. En Afrique, l’expérience du Kenya avec le « M-PESA »4 a été un élément
révélateur de son succès comme alternative en faveur de l’inclusion financière. Elle a connu
une croissance importante et est utilisée dans tous les secteurs de l’économie (Dissaux, 2019).
Quelques études empiriques récentes utilisant des données microéconomiques ont mis l’accent
sur la diffusion de la monnaie mobile pour mesurer le niveau d’inclusion financière (Fall et
Birba, 2019 ; Zins et Weill, 2016 ; Fungacova et Weill, 2015).
4
M pour mobile et Pesa, argent en swahili. C’est un système de microfinancement et de transfert d’argent par téléphone mobile,
lancé en 2007 par les deux plus grands opérateurs de téléphonie mobile (par Vodafone pour Safaricom et Vodacom) au Kenya
et en Tanzanie.
6
l’emploi de la monnaie mobile a significativement réduit la tendance d’épargne informelle et
augmenté la probabilité d’intégrer le système bancaire en Afrique de l’Est.
Par ailleurs, les travaux de Steve et al., (2022) qui ont principalement porté sur les
déterminants socio-économiques de l’adoption de la monnaie mobile au Cameroun grâce à des
approches méthodologiques complémentaires, révèlent que les facteurs tels que l’âge, le niveau
d’éducation, le niveau de vie et la propriété de la téléphonie mobile impactent différemment
l’utilisation des services de monnaie mobile. Coulibaly (2021) a fait une étude comparative des
facteurs affectant les taux de pénétration de la monnaie mobile entre l’UEMOA et les pays de
l’Afrique de l’Est. Les résultats de ses travaux, corroborant ceux de Gichuki et Mulu-Mutuku
(2018), montrent que les femmes sont moins susceptibles d’utiliser les comptes de monnaie
mobile.
Récemment, d’autres études ont traité du rôle de la monnaie mobile dans les transferts
des fonds des migrants dans un contexte africain fortement dépendant desdits fonds (Elmi et
Ojelanki, 2019 ; Niankara et Traoret, 2023 ; Gascón et al., 2023). Les résultats de ces auteurs
ont aidé à comprendre que l’adoption de la monnaie mobile a affecté significativement la
probabilité de recevoir des envois de fonds ainsi que les montants des transactions. La
littérature est relativement unanime sur les facteurs explicatifs de l’adoption de la monnaie
mobile comme une alternative à l’accès aux services financiers formels.
7
Par ailleurs, d’autres auteurs ont plutôt analysé la relation entre la monnaie mobile et la
politique monétaire à travers l’épargne, les prêts et les taux d’intérêt en Asie et en Afrique. Dans
le même sillage, Simpasa et al., (2011) estiment que l’augmentation de la vitesse de circulation
de la monnaie dans les pays comme le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda est largement due aux
innovations financières, notamment l’arrivée de nouveaux produits tels que la banque mobile.
Aron et al., (2015) ont développé un modèle de prévision d’inflation sur des données
mensuelles allant de 1994 à 2013. En intégrant la monnaie mobile comme variable d’intérêt
pour l’Ouganda, leurs résultats ont montré que la monnaie mobile n’a pas d’effet significatif
sur l’inflation. En outre, les travaux d’Orekoya (2017), avec un modèle SVAR sur données
mensuelles de 2008 à 2016, ont mesuré l’impact de la monnaie mobile sur les prix et la
production au Nigéria. Les résultats montrent que la monnaie mobile n’a pas d’effet significatif
sur la politique monétaire de la Banque centrale mais agit plutôt sur le niveau général des prix
et la production. Enfin, à l’aide d’un modèle DSGE à deux secteurs, Adam et Walker (2015)
ont trouvé que la monnaie mobile accroit la stabilité macroéconomique des pays d’Afrique de
l’Est.
Dans la même veine, les résultats des travaux de Barrdear et Kumhof (2022) basés sur
un modèle DSGE, ont montré qu’une augmentation des émissions de monnaie numérique, fait
baisser les taux d’intérêt réels et les coûts de transaction monétaires aux Etats-Unis. Par contre,
cela devrait augmenter de manière permanente le PIB. L’étude d’Orekoya (2017) a révélé que
les chocs de politique monétaire, en particulier, sur les taux des obligations d’Etat impactent
plus la monnaie mobile que l’offre de monnaie au Nigéria. Cependant, Williamson (2022), s’est
intéressé à la relation entre panique bancaire et monnaie électronique de la banque centrale en
employant un modèle MEGC. Les résultats révèlent que la politique monétaire peut, à travers
l’émission de monnaie physique, permettre de limiter les situations de panique en maintenant
les taux d’intérêt nominaux élevés. Il ressort également de ces travaux que la monnaie
électronique, malgré ses effets positifs sur le bien-être, peut être exposée à des impacts
similaires de moindre envergure grâce à des taux d’intérêt nominaux plus bas.
8
Keister et al., (2023) en explorant l’arbitrage entre la réduction des prêts par les banques
commerciales et l’augmentation des échanges, ont trouvé que l’adoption de la monnaie digitale
stimule les transactions entrainant une consommation plus élevée. Auparavant, Tong et Jiayou
(2021) ont analysé l’impact économique de la monnaie digitale en Chine comme substitut aux
dépôts bancaires en utilisant un modèle DSGE. Les résultats ont montré que l’effet de
substitution est limité, tandis que l’impact est globalement positif sur l’économie et est estimé
à 0,15 % sur la croissance économique.
Nampewo et Opolot (2016) ont également examiné l’impact des innovations financières
sur la vitesse de circulation de la monnaie en Ouganda. À partir d’une approche ARDL, ils
montrent que ces innovations financières peuvent affecter la stabilité de la vitesse de circulation
de la monnaie à travers les taux d’intérêt, le revenu réel, la demande de monnaie et les encaisses
monétaires. Ces résultats corroborent avec ceux de Mawejje et Lakuma (2019). Ces derniers, à
l’aide d’un modèle VECM, ont démontré que les soldes réels de monnaie mobile et le volume
des transactions sont affectés négativement par les taux d’intérêt et positivement par l’activité
économique. En plus avec une approche SVAR, ils concluent que la monnaie mobile a des effets
positifs modérés sur les agrégats monétaires, l’indice des prix à la consommation et la
croissance.
Dans le même sillage, Bongomin et Munene (2021) ont analysé la relation entre
l’utilisation de la monnaie mobile et l’inclusion financière des petites et moyennes entreprises
dans les pays en développement en mettant l’accent sur le rôle des normes culturelles en
Ouganda. En utilisant un modèle de régression multiple, les auteurs montrent que l’utilisation
de la monnaie mobile influe positivement sur l’inclusion financière par le biais des normes
culturelles. Okello et al., (2018) ont analysé l’impact de la monnaie mobile sur l’inclusion
financière en Afrique subsaharienne, en mettant l’accent sur le rôle des réseaux sociaux. Les
résultats révèlent l’existence d’un effet modéré positif des réseaux dans la relation entre
l’utilisation de la monnaie mobile et l’inclusion financière. Enfin, Avom et al., (2023) en
utilisant des méthodes paramétriques et non paramétriques sur des données de panel de 50 pays
africains sur la période 2004-2020, ont montrent que l’adoption de la technologie de paiement
mobile renforce l’inclusion financière.
9
III. Analyses des faits stylises
L’écosystème des services financiers au Sénégal a connu de profondes mutations depuis
l’apparition de la monnaie électronique. Avec l’avènement des nouvelles technologies de
l’information et de la communication (TIC), les Etablissements de Monnaie Électronique
(EME) et leurs partenaires utilisent certains canaux numériques pour offrir des services
financiers de qualité. Ainsi, ils contribuent à la transformation digitale de l’économie avec des
services financiers pouvant favoriser l’inclusion financière. Aujourd’hui, le secteur des services
de monnaie mobile au Sénégal a atteint 21,59 millions d’abonnés en 2021, représentant 16,48%
du nombre de compte mobile de la zone UEMOA (BCEAO, 2022).
Cette section fait le diagnostic des services financiers en rapport avec la monnaie mobile
au Sénégal. D’une part, elle décrit l’évolution du secteur de la télécommunication, principal
soubassement de l’offre de monnaie électronique. D’autre part, elle met l’accent sur l’accès, la
distribution et l’utilisation de la monnaie mobile.
10
Cette croissance fulgurante de la couverture de la téléphonie mobile au Sénégal
s’explique par le développement du secteur avec la présence de trois opérateurs5 titulaires de
licence de communication, de trois fournisseurs d’accès internet (FAI) 6, de trois opérateurs de
réseau mobile virtuel (MVNO)7 et d’un operateur d’infrastructures et fournisseurs des services
de valeur ajoutée (ARTP, 2022).
20000000
18000000
16000000
14000000
12000000
10000000
8000000
6000000
4000000
2000000
0
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
11
Le nombre d’utilisateurs de l’internet mobile ne cesse de croitre et représente 78,91%
du total. Malgré l’accroissement du réseau internet, les taux de couverture d’Orange sont les
plus élevés avec un niveau de 99,3% de la population en 2G et 3G, et 90,2% en 4G pour l’année
2021. S’agissant de l’opérateur Free, il couvre 90%, 86% et 60% des utilisateurs en 2G, 3G et
4G respectivement. Enfin, Expresso, malgré la faible évolution de ses parts de marché, couvre
98,21%, 75,26% et 45,52% de la population en réseau 2G, 3G et 4G.
Les services financiers numériques ont connu des mutations profondes avec l’arrivée de
nouveaux acteurs dans l’écosystème financier. Cette révolution a façonné ce secteur qui utilise
plus souvent cette nouvelle technologie. Ce dynamisme dans l’environnement financier ouvre
aux banques et autres institutions non bancaires, de nouvelles opportunités liées à la monnaie
mobile. Au Sénégal, les services financiers numériques sont assurés par les opérateurs de
télécommunication, les banques, les institutions de microfinance et les sociétés de technologie
financières (Fintech). En 2020, sept (7) initiatives de fournisseurs de monnaie électronique ont
été enregistrées au Sénégal permettant à 86,35% de la population âgée de 15 ans et plus de
détenir un compte de monnaie électronique auprès des Etablissements de Monnaie Electronique
(Orange finance mobile, Free Money et Wave Digital Finance), des banques et autres
institutions financières (BCEAO, 2021).
12
Selon les données de la BCEAO, le taux global de pénétration démographique des
services financiers a connu une hausse de 79,54 points de pourcentage des services, passant de
4,62 points de services pour 10.000 adultes en 2010 à 84,16 points de services pour 10.000
adultes en 2020 (Graphique 2). S’agissant du taux de pénétration des services de monnaie
mobile, il est passé de 2,25 points de pourcentage en 2010 à 109,85 points de pourcentage en
2019 pour ensuite chuter à 80,51 points de pourcentage en 2020. Ce repli de 29 points de
pourcentage entre 2019 et 2020 est imputable à la suppression de guichets par l’émetteur de la
monnaie électronique Orange, relative à la mise en œuvre d’une plateforme d’inscription
autonome et le relèvement du plafond de dépôt en ligne.
100
80
60
40
20
0
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
1-Taux de pénétration démographique des services bancaires
2-Taux de pénétration démographique des services de microfinance
3-Taux de pénétration démographique des services de monnaie électronique
4-Taux global de pénétration démographique des services financiers (TGPSFd)
Cependant, cette politique d’Orange finance mobile Sénégal n’a pas influé sur le nombre
de points de services de monnaie électronique. En effet, il ressort du graphique 2 que les
services financiers sont davantage tirés par les services de monnaie électronique plutôt que par
les banques et les institutions de microfinance. En effet, le taux de pénétration démographique
des services de monnaie électronique est passé de 2,5 points à 80,51 points entre 2010 et 2020,
alors que pour les banques et institutions de microfinance, il se situe respectivement en 2020 à
1,18 et 1,44 contre 0,81 et 1,33 en 2010. Cette évolution constatée est le fruit du partenariat des
banques avec les entreprises de télécommunication et les sociétés de technologie financières
(Fintech). Par ailleurs, la multiplication des agences de distribution et des services de monnaie
électronique (boutiques et kiosques) a contribué à l’amélioration de l’accès aux services
financiers notamment ceux liés à la monnaie électronique.
13
Tout comme le taux de pénétration démographique, une très forte disparité géographique
est constatée dans l’ouverture des points de vente. Selon la BCEAO (2022), le taux de
pénétration géographique des services de monnaie électronique s’est établi à 397,94 points /
1000 km2 en 2020 contre 5,82 et 7,13 points pour les services bancaires et les services de
microfinance, respectivement. Cette disparité géographique dans la disponibilité des points de
services numériques résulte de la densification du réseau de distribution de monnaie
électronique. Elle offre ainsi un accès à certains services financiers et à une frange de la
population qui jusque-là était exclue du système bancaire classique. Selon le Ministère de
l’Economie, des Finances et du Plan (DGSFC, 2017), 84% des agences de services financiers
sont concentrées dans 6 régions dont Dakar regroupant les 46% suivi de Thiès (12%), Diourbel
(11%), Saint-Louis (6%), Kaolack (5%) et Ziguinchor (4%), témoignant d’une disparité notable
au niveau national.
Cette analyse met davantage l’accent sur la fréquence d’utilisation des services
financiers numériques. Cette dimension peut être appréhendée par le taux global d’utilisation
des services financiers (TGUSF) ou taux d’inclusion financière. Il estime le nombre d’adultes
titulaires d’un compte dans les banques, les services postaux, les caisses nationales d’épargne,
le trésor et les institutions de microfinance, auxquels s’ajoutent les titulaires de comptes de
monnaie électronique auprès des EME.
L’usage des services financiers est capté principalement à travers les transactions
effectuées en dépôt ou en retrait. S’agissant des services de monnaie électronique, leur
utilisation est basée sur les opérations de rechargement de compte, de retrait, de transferts, de
paiement ainsi que de recharge de crédit téléphonique. Selon la BCEAO (2022), le nombre de
services de distributions au Sénégal en 2020 est estimé à 239748. Sur la même période, le
8
Il mesure le rapport entre la valeur des retraits et la valeur des dépôts au cours d’une période donnée
14
nombre des transactions s’élevait à 572,12 millions pour une valeur de 9179,98 milliards de
FCFA soit en moyenne 25500 millions par jour. Les transactions sont principalement dominées
par les rechargements de porte-monnaie électronique (33%), les transferts de personne à
personne (31%) et les retraits (26%).
40,00%
35,00%
30,00%
25,00%
20,00%
15,00%
10,00%
5,00%
0,00%
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Taux d'utilisation des services bancaires (TUSB)
Taux d'utilisation des services de microfinance (TUSM)
Taux d'utilisation des services de monnaie électronique (TUSME)
L’enquête du global Findex (2021) sur l’inclusion financière a révélé une utilisation très
accrue des paiements digitaux durant la pandémie de Covid-19 au Sénégal. Ces statistiques
révèlent que les comptes de monnaie mobile constituent aujourd’hui un canal puissant
d’inclusion financière pour la population sénégalaise. Le tableau 1 montre également que 24%
des individus affirment détenir à la fois un compte dans une institution financière et un compte
de monnaie mobile. Comme l’indique la BCEAO (2022), le montant des transferts des banques
vers les comptes mobiles s’est établi à 57326 millions FCFA en 2021. Une bonne partie des
femmes enquêtées, environ 47%, disposent au moins d’un téléphone portable contre 53% chez
les hommes. Cet écart, quoique faible, signifie qu’il y a une avancée positive car l’accès aux
services de monnaie mobile permet aux femmes d’accroitre leur indépendance économique et
leur pouvoir de décision sur le plan financier.
15
Les données montrent également que l’usage de la monnaie mobile aux fins d’achats de
marchandises, de paiement de facture ou d’achat en ligne reste faible avec respectivement 13%,
26% et 15% des personnes enquêtées. Les transactions en monnaie mobile sont ainsi dominées
par les transferts entre particuliers (49%).
L’analyse des résultats du tableau 2 ci-dessous indique que les comptes mobiles peuvent
être utilisés pour diverses raisons. Ainsi, il est constaté que 32% des personnes enquêtées, dont
60% d’hommes et 40% de femmes, affirment disposer d’une épargne sur leurs comptes mobiles.
Ces statistiques témoignent d’un certain niveau de confiance des ménages en l’utilisation de la
monnaie mobile et la facilité d’emprunt informel entre utilisateurs. Il est également constaté
que plusieurs individus enquêtés reçoivent leurs salaires, ainsi que des transferts du
gouvernement par le canal d’un compte mobile. En effet, sur les 1000 enquêtés, les 11%
reçoivent leurs salaires dans un compte mobile.
16
Un niveau d’utilisation plus important, soit 66% des personnes enquêtées, est constaté
chez les hommes. S’agissant des transferts du gouvernement, les statistiques ci-dessous révèlent
une utilisation des comptes mobiles, comme canal de réception des transferts de l’Etat,
relativement faible par les ménages (4%). Cela peut s’expliquer par la tranche d’âge concernée
qui est essentiellement composée de personnes retraitées et moins encrées à utiliser ces
nouvelles technologies. Enfin, il est ressorti que 10% des enquêtés dont 64% de femme et 36%
d’homme ont affirmé garder de l’argent dans un compte mobile au cours de l’année 2021 en
envisageant de l’utiliser pour effectuer des achats, des paiements ou pour un autre usage à très
court terme.
Dans cette étude une version étendue du modèle d’équilibre général dynamique
stochastique (DSGE) néo-keynésien, développé dans les travaux de Kydland et Prescott (1982)
et Prescott (1986), sera utilisé. Le modèle est basé sur la théorie microéconomique décrivant le
comportement optimal de chaque agent économique et de leur interaction. Il est connu comme
l’une des approches les plus cohérentes pour une analyse à la fois microéconomique et
macroéconomique d’une part, et une analyse à court et à long terme d’autre part. Cette approche
17
combine la modélisation théorique et la simulation stochastique tout en observant l’efficacité et
la cohérence des relations dynamiques entre les variables économiques (Rubio, 2020). Les
avancés récentes du modèle DSGE depuis la crise financière de 2008 témoignent de son succès
et son adaptabilité. Aujourd’hui, plusieurs institutions utilisent le modèle DSGE notamment les
Banques Centrales et le Fonds Monétaire International.
Bien que les modèles économétriques et les modèles VAR et leurs extensions permettent
de répondre à la problématique de cette étude, ils présentent trois limites fondamentales telles
que l’identification de plusieurs chocs aléatoires exogènes, la négligence de l’équilibre général
de l’économie et du comportement optimal intertemporel des agents. Contrairement aux
modèles macro-économétriques, l’utilisation des modèles DSGE ne nécessite pas de disposer
de séries de données sur une longue période. En outre, ils sont plus adaptés à la modélisation
du secteur monétaire et ne nécessitent pas de disposer d’une matrice de comptabilité sociale9
(Shah et Garg, 2023) comme les modèles MEGC. Pour toutes ces raisons, le modèle DSGE sera
utilisé dans le cadre de cette étude en s’inspirant des travaux de Luo et al., (2021). À la
différence de ces auteurs, cette étude prend en compte l’ensemble des agents économiques.
Le cadre théorique du modèle DSGE repose sur des hypothèses adaptées à la réalité
économique du pays. Dans cette configuration, les entités économiques suivantes ont été
intégrées: ménages, entreprises, Etats, banques commerciales, Banque Centrale et le reste du
monde. Le modèle repose sur les hypothèses suivantes :
9
Sauf les modèles DSGE multisectoriels qui nécessitent de recourir à une Matrice de Comptabilité Sociale (MCS)
18
Le capital public installé par l’Etat agit sur la production comme une externalité positive
qui booste l’activité.
o L’Etat agit sur l’activité économique à travers la politique budgétaire (fiscalité et
dépenses) financée par les recettes fiscales.
o Dans le cadre de cette étude, du fait que la BCEAO définit sa politique monétaire pour
tous les pays de la zone monétaire, il a été supposé que les décisions de la Banque
Centrale sont exogènes au système.
o La banque commerciale représentative agit en tant qu’intermédiaire financier et
optimise ses marges commerciales sous contrainte.
o La relation avec le reste du monde se traduit par les échanges commerciaux, les dons et
les transferts de fonds des migrants.
suppose que l’épargne est une variable de choix qui confère une certaine utilité tout comme la
consommation. En outre, il est considéré que le revenu du ménage à CF provient de la
rémunération des facteurs travail ( Wt Ltpat ) et capital ( Rk ,t KtP ) et de la rentabilité réelle de son
TRANStpat _ Mig ) à travers les envois de fonds des migrants. Cependant, il utilise son revenu pour
pat pat P
satisfaire ses besoins de consommation ( PCt Ct ), d’investissement PI t I t et d’épargne Bt
19
. On considère que les nouvelles installations comme investissement nécessitent des coûts
d’ajustement.
Cajust = ( 2 ) (1 K j ,t )( I jP,t )
2
( )
maxE0 t pat log C pat + 1 − pat B
pat
t =0
t t t t t t
I P 2 r
PCtpat Ctpat + PI t I tP 1 + t + Bt = (1 − tl )Wt Ltpat + (1 − tk ) Rk ,t KtP + b ,t Bt −1 + TRANStpat _ G + TRANStpat _ Mig
2 Kt (1 + t )
KtP+1 − (1 − P ) K tP − I tP
n
Ct pat = C jpat
,t
j =1
L = max E0 t pat t t pat logCtpat + (1 − t t pat ) Bt
Ctpat , KtP+1 , ItP , Bt
t =0
1 2
−t pat (1 − tl )Wt Ltpat + (1 − tk ) RK ,t KtP + b,t Bt −1 + TRANStpat _ G + TRANStpat _ Mig − PCtpat * Ctpat − PI tP * ItP + P ( ItP ) − Bt
r
(1 + t ) 2 Kt
−t pat (1 − P ) K tP − I tP − KtP+1
20
alors que tl et tk sont les taux d’imposition sur travail et le capital physique, t pat est la
L t t pat
= + t PCt = 0
pat pat
Ctpat Ctpat
L rb,t
= (1 − t t pat ) + t pat − pat t pat
+1 =0
Bt 1+ t
L 1 2
= PCtpat * Ctpat + PI t * I tP + P ( I tP ) + Bt − (1 − tl )Wt Ltpat − (1 − tk ) RK ,t KtP − b ,t Bt −1 − TRANStpat _ G − TRANStpat _ Mig = 0
r
t 2 t
K ( t )
1 +
L ItP+1
2
KtP+1 2 Kt +1
L I tP
= − pat
PI t
P
1 + P + t = 0
pat
I tP
t
Kt
QTobin
j ,t = PItP * jP ( (1/ ) + 1)
j
L
= KtP+1 − (1 − P ) KtP − ItP = 0
t pat
21
Les conditions de premier ordre sont obtenues comme suit :
1
1
rbt = b rbo1−,t + (1 − b ) rbc ,t1− 1−
b
b b b b
A
b
−(1− b )
r
BOt = A Bt b b ,t
rbo ,t
b
−(1− b )
(1 − b ) rb ,t
BCt = A Bt
rbc ,t
( )
maxE0 t npat log C npat − 1 − npat D
npat
t =0
t t t t t t
également des prêts Dt accordés par la banque commerciale. De plus, il reçoit des transferts du
gouvernement TRANStnpat _ G et des migrants TRANStnpat _ Mig . Ce revenu est utilisé pour financer
( ) D
L = max E0 t − 1 − t t
npat npat npat npat
t t log Ct t
Ctnpat , Dt
t =0
r
npat
−t (1 − tl )Wt Lt + TRANStnpat _ G + TRANStnpat _ Mig + Dt − d ,t Dt −1 − PCt *Ct
npat npat npat
1+ t
n
Ctnpat = C npat
j ,t
j =1
22
Les conditions de premier ordre se présentent comme suit :
L t
npat
= t npat + t PCt = 0
npat npat
Ctnpat C
t
rd ,t
L
Dt
(
= − 1 − t t
npat npat
)
− t + npat t +1
npat
=0
1+ t
L
= (1 − tl )Wt Lt + TRANStnpat _ G + TRANStnpat _ Mig + Dt − PCt * Ct
rd ,t
− Dt −1 = 0
npat npat
t 1+ t
npat
Où t
npat
est le taux de préférence temporelle de la consommation du ménage à besoin de
financement ; t
npat
est le poids de la consommation dans la fonction du ménage à besoin de
financement.
Firmes :
des externalités offertes par le capital public K Gj,t . Ainsi on suppose que l’offre de travail est
exogène et est rémunérée au taux Wt . Par ailleurs, le gouvernement réalise des investissements
K Gj ,t +1 = (1 − G ) K Gj ,t + G _ INV j ,t
23
Il est supposé que les chocs de productivité suivent un processus autorégressif d’ordre unitaire
tel que : logAt = AlogAt −1 + At
Les conditions de premier ordre du programme de la firme donnent les quantités optimales qui
maximisent le profit.
j ,t
= (1 − 1 ) PYFj ,t ( Aj ,t K Gj ,t 2 ) K Pj ,t 1 L(j1,−t 1 )−1 − Wt = 0
L j ,t
j ,t
= 1 PYFj ,t ( Aj ,t K Gj ,t 2 ) K Pj ,t(1 −1) L(j1,−t 1 ) − Rkt = 0
K P
j ,t
YFj ,t = ( A j ,t * K G j ,t )
2 ( j )
* K Pj ,t 1 ( j ) * L(j ,t
1−1 ( j ) )
Rk j ,t * K Pj ,t Wt * L j ,t
PYFj ,t = +
YFj ,t YFj ,t
L’Etat
Où BOt +1 représente la dette émise ; rt BO est le rendement des obligations, rt BO * BOt la charge
de la dette ; DONSt les dons budgétaires reçus et Tt le revenu total issu de la taxation. Ce
dernier est donné par :
,t
+ npat
j ,t
Pj ,t C npat
j ,t
j =1
Où jpat,t , npat
j ,t ,
IPj,t , tl , tk , tE , tM sont les taux d’imposition sur la consommation privée et
l’investissement privé, les salaires, le capital physique, le capital financier et les importations.
24
Banque centrale et les banques commerciales
• Banque centrale :
Dans le cadre de cette étude, l’offre de monnaie par la BCEAO est supposée exogène.
Ainsi, étant donné que la monnaie mobile est une conversion d’une partie des agrégats
2
monétaires M t0 (Billets et pièces), M t1 (dépôts à vue), l’offre de monnaie M t s’écrit comme
suit :
M t2 = M t0 + M t1 + BM t
• Banque commerciale
j =1
n
Sous contrainte : E
j =1
j ,t
= Dt − BCt
25
n n
E j ,t E j ,t
rd ,t − rBC,t + rBC,t j =1
− rE ,t j =1
=0
Dt Dt
rd ,t − rBC,t + rBC,t t − rE ,t t = 0
n
E j ,t
t = j =1
est le ratio d’adéquation du capital.
Dt
Echanges extérieurs
L’intégration du reste du monde est justifiée par les échanges commerciaux et relations
économiques entre le Sénégal et ses partenaires étrangers. Ces échanges concernent les
importations et exportations. Il faut également noter que les transferts de fonds des migrants
représentent un poids important dans les flux du portefeuille des ménages, avec une facilitation
d’accès, grâce à un niveau d’utilisation satisfaisant de la monnaie mobile au plan national.
XTDj ,t = C jpat
,t + C j ,t + G _ CONS j ,t + G _ INV j ,t + I j ,t
npat P
La demande en biens domestiques est une fonction Leontief. Elle se présente comme suit :
XDD j ,t = (1 − _ M j ) * XTD j ,t
M j ,t = _ M * XTD j ,t
Pj ,t = (1 − _ M j ) * PD j ,t + _ M j * PM j ,t
26
Par ailleurs, la firme représentative a le choix d’écouler sa production sur le marché
domestique ou le marché international en fonction des prix de celui-ci. Le prix dual et les offres
d’exportation et domestique sont obtenues comme suit :
1
1 − Xi
( ) (1+ Xi ) 1+ Xi
(1+ Xi ) − Xi
PYFj ,t = PXE + 1 − PD
AX j
X i j ,t Xi j ,t
Xi
( −1− Xi )
PXE j ,t
X j ,t = AX j YFj ,t
X i PYFj ,t
Xi
PD j ,t
= AX (j
−1− Xi )
XDS j ,t YFj ,t
( )
1 − X i PYFj ,t
Dans ce bloc, il est défini les différents prix notamment les prix domestiques, les prix à
l’importation, prix à l’exportation et le niveau général des prix intérieurs. Ainsi, les prix des
biens pour chaque ménage (CF et BF) sont déterminés par le prix du marché majoré des taxes
sur ces biens. Il en est de même pour les prix des biens à l’investissement privé. Ces prix sont
définis comme suit :
,t = (1 + t
PC jpat ) * Pj ,t
pat
PC npat
j ,t = (1 + npat
j ,t ) * Pj ,t
PI Pj ,t = (1 + Ij ,t ) * Pj ,t
correspondants sont une somme pondérée des prix de ces différentes composantes de biens
domestiques et importés incluant les taxes payées sur chaque bien. Ils sont donnés par les
expressions suivantes :
27
(
PCtpat = kappa _ pat j * (1 + tpat ) * Pj ,t )
n
j =1
financement.
(
PCtnpat = kappa _ npat j * (1 + npat
j ,t ) * Pj ,t )
n
j =1
financement.
(
PI tP = kappa _I j * (1 + Ij ,t ) * Pj ,t )
n
j =1
Où kappa _I j est la part du bien j dans le bien composite d’investissement privé par secteur.
PCtG = ( kappa _G j * Pj ,t )
n
j =1
Où kappa _G j est la part du bien j dans le bien composite de consommation publique par
secteur.
(
PI tG = kappa _G_INVj * (1 + Gj ,t ) * Pj ,t )
n
j =1
Où kappa _G_INV j est la part du bien j dans le bien composite d’investissement public par
secteur.
PM j ,t = (1 + tM ) * et * PXM j ,t
28
PX j ,t = et * PXE j ,t
Où et est le taux de change ; Pj ,t est le prix du marché ; PXM t est le prix du marché
international.
Le bouclage est fait sur la production nationale donnée par l’expression ci-après :
YF
j =1
j ,t
+ M t = Ct + G _ CONSt + I tP + G _ INVt + X t
n
L pat
t
+L npat
t
= L
j =1
j ,t
Les données utilisées dans le cadre cette étude proviennent essentiellement du Tableau
des Ressources et des Emplois (TRE) de l’Agence Nationale de la Statistique et de la
Démographie (ANSD), de la situation monétaire intégrée de la BCEAO et de la DPEE. Elles
portent sur l’année 2019, considérée comme année de référence. Pour analyser les effets
macroéconomiques liés à l’utilisation de la monnaie mobile au Sénégal, des simulations sont
réalisées avec le modèle DSGE développé à cet effet. Certains paramètres sont tirés des travaux
de la littérature empirique tels que le Findex (2019), d’autres ont été déterminés à partir des
estimations des auteurs et des données de la DPEE (annexe 1).
1. Scenario
Il est supposé que les ménages utilisent davantage la monnaie mobile pour des motifs
de paiement. Son usage offre une réduction des coûts de transactions, renforçant ainsi la
confiance des consommateurs dans les services financiers. Le scénario découlant de cette
hypothèse est basé sur une hausse de 10% de la propension à utiliser la monnaie mobile pour
régler les dépenses de consommation privée. Le choix de cette proportion est justifié
globalement par les statistiques du Findex (2019) indiquant que 10% des ménages enquêtés
affirment avoir stocké de la monnaie mobile au cours de l’année 2019. Par ailleurs, selon la
BCEAO (2021), la monnaie mobile représente à la même année environ 9,5% de la masse
monétaire. L’objectif spécifique de ce scénario est de mesurer l’impact de la monnaie mobile
sur l’activité économique à travers les différents agrégats macroéconomiques.
29
Les résultats indiquent que la consommation privée réagit positivement à la hausse de
10% des paiements en monnaie mobile (Figure 1 et 3) malgré une légère décélération sur les
premières années expliquée par l’accroissement des prix domestiques. Cette augmentation
serait imputable à la réduction des coûts liés aux règlements des transactions, notamment les
frais de transport et le gain de temps obtenu. L’impact lié à l’utilisation de la monnaie mobile
entraînerait une hausse significative sur la consommation totale des ménages avec une hausse
par rapport à la situation de référence estimée à environ 6,35% en moyenne sur les 10 premières
années. Selon le type de ménage, il est constaté une croissance moyenne de la consommation
des ménages à capacité de financement de l’ordre de 6,62% sur la même période, avant de se
stabiliser à 7,25% à long terme. En même temps, Il ressort que la consommation des ménages
à besoin de financement devrait augmenter de près de 6,06% en moyenne avant d’atteindre
6,7% sur le long terme.
13
17
21
25
29
33
37
41
45
49
53
57
61
65
69
73
77
81
85
89
93
97
1
5
9
S’agissant des placements et des prêts bancaires, cet accroissement entraînerait une
décroissance significative du niveau d’épargne des ménages à capacité de financement de près
de 30,07% en moyenne sur les 10 premières années.
30
PLACEMENT FIN MEN PAT
-22
13
19
25
31
37
43
49
55
61
67
73
79
85
91
97
1
7
Figure 2 : Réaction de l’épargne et des prêts
-24 6.5
-26 6.0
-28 5.5
-30 5.0
-32
4.5
13
19
25
31
37
43
49
55
61
67
73
79
85
91
97
1
7
13
19
25
31
37
43
49
55
61
67
73
79
85
91
97
1
7
Figure 3 : Réaction de la consommation privée totale, de l’investissement privé, du PIB et des recettes
fiscales
INVEST PRIVE
2.0
1.6
1.2
0.8
0.4
31
0.0
-0.4
11
16
21
26
31
36
41
46
51
56
61
66
71
76
81
86
91
96
1
6
CONSO TOT
7.0
6.9
6.8
6.7
6.6
6.5
6.4
6.3
6.2
13
17
21
25
29
33
37
41
45
49
53
57
61
65
69
73
77
81
85
89
93
97
1
5
9
10.88 1.0
0.8
10.84
0.6
10.80
0.4
10.76
0.2
10.72
0.0
10.68 -0.2
11
16
21
26
31
36
41
46
51
56
61
66
71
76
81
86
91
96
1
6
11
16
21
26
31
36
41
46
51
56
61
66
71
76
81
86
91
96
1
6
Concernant les échanges commerciaux, l’amélioration des revenus entraînerait une nette
progression des importations de l’ordre de 4,81% en moyenne sur les 10 premières années de
simulation. Par contre, les exportations devraient connaitre une baisse de près de 16,17% sur la
même période. En effet, la hausse de la consommation des ménages entrainerait une
augmentation de la demande en biens et services. Cet accroissement de la demande domestique
favoriserait une hausse des prix domestiques. Les producteurs nationaux qui effectuent un
arbitrage entre le fait d’écouler leurs produits sur le marché domestique ou à l’international,
considèrent que les prix locaux sont nettement plus incitatifs. Cela se traduirait par une baisse
des exportations au profit des ventes sur le marché national. Cette situation aurait pour
conséquence une détérioration de la balance commerciale.
IMPORT
5.4
5.2
5.0
4.8
4.6
4.4
13
19
25
31
37
43
49
55
61
67
73
79
85
91
97
1
7
5.2 -15.0 32
5.0 -15.5
4.8 -16.0
Source : Résultats des auteurs
33
VI. Conclusion et recommandations
Au Sénégal tout comme dans l’UEMOA, l’écosystème financier intègre de plus en plus
les services digitaux à travers la téléphonie mobile, qui sont considérés comme une réelle
alternative en faveur de l’amélioration du niveau d’inclusion financière. L’objectif de cette
étude a été d’examiner les effets de la monnaie mobile sur les agrégats macroéconomiques au
Sénégal à l’aide d’un modèle « Dynamic Stochastic General Equilibrium ».
34
Cela faciliterait une couverture territoriale beaucoup plus large des points de distribution de
monnaie mobile et une effectivité de l’interopérabilité entre banques commerciales et
établissements émetteurs. Toutefois, ils ne devraient pas se substituer aux banques. Ces
dernières doivent trouver les moyens de s’adapter au nouveau contexte afin de capter les
opportunités liées à l’avènement de la monnaie mobile.
D’autre part, l’Etat pourrait considérer la monnaie mobile comme un outil qui permet
de booster l’activité économique. L’effet induit sur le niveau des recettes publiques pourrait être
amélioré en favorisant la numérisation des plateformes de collectes de la fiscalité, des amendes
et autres taxes.
Enfin, les établissements émetteurs pourraient élargir davantage les partenariats avec les
commerçants afin d’encourager l’acceptation des paiements mobiles. En outre, ils devraient
également soutenir cette stratégie par des campagnes de sensibilisation des consommateurs sur
les avantages liés à l’utilisation de la monnaie électronique en termes de commodité, de sécurité
et d’inclusion financière, ce qui renforcerait la confiance des ménages.
35
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38
Annexe : Calibration des paramètres
Paramètre Calibration Description
1 Paramètre du coût d’ajustement
t
pat
0,96 Paramètre de préférence pour le présent du ménage à capacité de
financement
t 0,30 Facteur de choc de monnaie mobile appliqué à la consommation
des ménages
t
pat
0,34 Proportion de la consommation du ménage à capacité de
financement
tl 0,18 Taux d’imposition sur le travail
t
npat
0,96 Taux de préférence temporelle de la consommation du ménage à
besoin de financement
t
npat
0,46 Poids de la consommation dans la fonction du ménage à besoin de
financement
2 0,10 Elasticité du capital public
X i
0,60 Part des exportations dans la fonction CET du producteur
39